xv · assimil « arbrezhoneg didorr "(le breton sans peine) qui permettrait de parler breton...

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--- ------------------------ Nous ne pouvions parler souvent des Gaulois, voire nous réclamer de leur des- cendance, réelle ou supposée, sans évo- quer les Celtes. Les Romains appelaient Galli les peuples celtes du nord de l'Empire et ces nations se désignaient elles-mêmes par l'appellation Celtae. Les textes français ne parlent d'ailleurs de Gaulois qu'à partir du xv e siècle, le mot n'étant utilisé que par les érudits. JI nous a semblé intéressant d'en savoir un peu plus sur une civilisation à laquel- le nous devons beaucoup plus que ce que les maigres et approximatives notions sco- laires nous ont appris. Ce passionnant résumé historique a été publié en 1975 dans la revue « Pourquoi? ». Nous remercions la Ligue française de l'enseignement et de l'éducation permanente de nous avoir auto- risés à le reproduire dans son intégralité et avons cru bon de compléter certaines citations par de très brèves informations sur ces lointains personnages. C'est avec le plus grand intérêt que nous recevrons toute remarque concernant ce texte tout en précisant que son thème est hors de notre champ de compétence! III Vents du Morvan

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Page 1: xv · Assimil « ArBrezhoneg didorr "(le breton sans peine) qui permettrait de parler breton en soixante-dix-septleçons ... Irlandais, sans parler des Ecossais et de leurs clans

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Nous ne pouvions parler souvent desGaulois, voire nous réclamer de leur des­cendance, réelle ou supposée, sans évo­quer les Celtes. Les Romains appelaientGalli les peuples celtes du nord del'Empire et ces nations se désignaientelles-mêmes par l'appellation Celtae.Les textes français ne parlent d'ailleursde Gaulois qu'à partir du xve siècle, lemot n'étant utilisé que par les érudits.JI nous a semblé intéressant d'en savoirun peu plus sur une civilisation à laquel­le nous devons beaucoup plus que ce queles maigres et approximatives notions sco­laires nous ont appris.Ce passionnant résumé historique a été publiéen 1975 dans la revue « Pourquoi? ». Nousremercions la Ligue française de l'enseignementet de l'éducation permanente de nous avoir auto-risés à le reproduire dans son intégralité et avons crubon de compléter certaines citations par de très brèvesinformations sur ces lointains personnages.C'est avec le plus grand intérêt que nous recevrons touteremarque concernant ce texte tout en précisant que son thème esthors de notre champ de compétence!

III Vents du Morvan

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par Catherine EMERY

NOs ancêtres les Gaulois... Les manuels scolaires nous ont

r appris qu'ils vivaient dans des huttes en bois (ce qui estd'ailleurs faux), qu'ils ont eu pour chef un certain

. Vercingétorix battu par César à Alésia et que les druidesen robe blanche coupaient le gui avec une faucille d'or

sur les chênes sacrés.C'est peu, et après la conquête romaine, néant, le trou noir. Les

Celtes de Gaule semblent s'être évaporés au profit d'une civili­sation gallo-romaine, les {( barbares" se sont effacés devant laculture, celle de Rome. Reniement de la part du peuple vain­cu, volonté de la part des vainqueurs d'occulter une culturedérangeante? Les Celtes ont à peu près totalement disparude la mémoire collective.Pourtant « Astérix le Gaulois" fait le bonheur d'un largepublic et la fortune de ses auteurs, la musique celtiqueréapparaît et grimpe à l'assaut des hit-parades avec AlanStivell et Glen Mor, les {( fest noz " bretons se font connaîtreau-delà de la Mayenne et vient de paraître une méthodeAssimil « Ar Brezhoneg didorr " (le breton sans peine) quipermettrait de parler breton en soixante-dix-sept leçonset onze semaines. Renouveau de cette culture assassinéepar vingt siècles de culture romaine et chrétienne, ou plu­tôt résurgence d'un inconscient longtemps refoulé? LesCeltes sont parmi nous.

Mais qui étaient les Celtes dont l'imagerie populaire ne nousrenvoie qu'un infidèle reflet?

Conquérants de l'Europe occidentale à l'âge du fer, ils ontvécu avant Jésus-Christ en Grande-Bretagne, en France, en

Belgique, en Allemagne rhénane, en Suisse, en Italie du nord,au nord-ouest de l'Espagne, et ont fondé des royaumes provisoires

tels que celui des Galates (du celte gal: force, les Galates étaientles {( puissants ») en Asie mineure. Mais aujourd'hui, c'est tout à

fait à l'ouest de l'Europe, dans des îles et des péninsules que leslangues celtiques sont encore parlées: en Irlande, dans l'île de Man,

au pays de Galles, au nord de l'Écosse, en Bretagne armoricaine. D'unefaçon générale, les Celtes, après avoir avancé vers l'ouest de l'Europe, ont

reculé dans la même direction. Comme l'écrit j'historien Henri Hubert, « ilsse sont arrêtés là, s'accrochant aux rochers ".

Pour reconstituer l'histoire des Gaulois, on ne dispose que de textes grecs oulatins. Il n'existe pas de textes gaulois. César explique pourquoi dans sa « Guerre des

Gaules ". Les druides, dit-il, « estiment que la religion ne leur permet pas de confier à l'écri­ture la matière de leur enseignement... parce qu'ils ne veulent pas que leur doctrine soit divul­guée, ni que d'autre part leurs élèves, sefiant à l'écriture, négligent leur mémoire" (De bello gal­lico, VI, 14). On est donc obligé de faire confiance aux auteurs grecs et latins.

Vents du Morvan lB

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Ff\I{()lIC]-I]~S

(~ll]~I{I{I]~I{S

Ceux-ci représentent les Celtes commeun peuple de haute taille, à la peautrès blanche, à la chevelureblonde. En fait, ilsn'étaient pas tousblonds naturelle­ment. Les Gau­lois, en effet, seteignaient ouse décolo­raient les che­veux. Le savon,sapo, est uneinvention cel~

tique et servait

à cette opération. Ils portaient desvêtements de couleurs vives et variées,possédaient même des étoffes àl'écossaise. Vêtus de pantalons, deblouses et de manteaux agrafés, destatouages ou des peintures de corpscomplétaient la parure. Moustachus,ils gardaient les cheveux mi-longs.Les Gaulois, peuple de guerriers etd'agriculteurs, se sont frottés auxRomains bien avant la conquête deCésar. Par deux fois, ils ont envahil'Italie. Une première fois, ainsi qu'entémoignent des vestiges archéolo­giques, vers 700 à 500 avant Jésus­Christ, et une seconde fois, au tempsde Tarquin l'Ancien, de 615 à 576avant Jésus-Christ. C'est l'invasion deBellovèse, neveu d'Ambigatus, roi desBituriges. Ce nom de peuple signifie,en toute simplicité, « rois du monde ".La modestie n'étranglait pas lesGaulois... A cette époque, la Gaule étaitsurpeuplée et il fallait conquérir de

lm Vents du Morvan

nouvelles terres. Voilà donc Bellovèseet ses troupes en route. Au passage,ils fondent Milan et un certain nombred'autres villes. Les Romains s'inquiè­tent de leurs succès militaires etenvoient une armée qui se fait battreà plate couture sur l'Allia. Rome estprise sans beaucoup de difficulté,

semble-t-il. Ces déban­dades succes-

-- ---....... sives des/~ Romains

sont plutôtcurieuses, si l'onse réfère à leurlégendaire coura­

ge. Les Gauloisparaissaient leur ins­pirer une sorte de ter-

reur magique.Polybe (1)nous éclaireen écrivant, à

propos desguerres puniques:« L'aspect de l'ar­mée gauloise et lebruit qui sy fai-sait les gla­çaient d'épou-

vante. Lenombre des

cors etdes

CADIER

trompettes était incalculable; en mêmetemps, l'armée poussait de telles cla­meurs que l'on n'entendait plus seule­ment le son des instruments et les crisdes soldats mais que les lieux environ­nants, qui en renvoyaient l'écho, sem­blaient ajouter leur propre voix à cevacarme ".A Rome, seul le Capitole résiste, sauvépar les oies fameuses. Le siège duresept mois, sept mois durant lesquelsles Gaulois font bombance. Leur goûtprononcé pour le vin et la « grandebouffe» était bien connu des Ancienset l'image stéréotypée du Français nesachant résister à la bonne chère des­cend tout droit des Gaulois. « Aimantà l'excès le vin. dit Diodore de Sicile (2),ils en boivent si avidement que, deve­nus ivres, ils tombent dans un profondsommeil ou dans des transportsfurieux ". A Rome, une épidémie dedysenterie s'abat sur eux. Ils sont cam­pés au milieu des ruines de la ville.

C'est l'été, ils ont chaud et sont gensdu Nord. La maladie se propage vite.Et puis, arrive la famine. Les Gauloisne sont pas organisés pour mener degrandes armées, ils ne possèdent pasd'intendance et ont dévasté le pays.Les assiégés eux-mêmes sont à bout,une tractation s'engage: Rome verseune forte rançon et les Gaulois s'envont.

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En tout cas, ils laissent un souvenirimpérissable derrière eux. Leur arri­vée avait semé une véritable terreurdans les populations italiotes. HenriHubert indique que « ces barbares àl'aspect étrange et qui venaient de si

loin, furent pour l'Italie du Ive siècleavant jésus-Christ ce qu'a été le fléaude Dieu pour la Gaule du ve siècle aprèsjésus-Christ, une calamité inéluctable,irrésistible et divine ". Il faut dire queles Gaulois étaient de rudes guerriers.Ils avaient l'habitude de porter les têtescoupées de leurs ennemis au poitrailde leurs chevaux, ce qui devait ache­ver de glacer d'effroi l'adversaire. Cestêtes étaient ensuite attachées auxportes des maisons. On peut voiren Provence, dans les ruines descités de Glanum, de Saint-Blaiseet d'Entremont des piliers quisont des accrochoirs à crâne,portant encore des clous defixation. Les têtes des ennemisles plus célèbres étaientembaumées dans de l'huile decèdre et précieusement conser-vées. La tête du consulPostumius, tué par les Boïens,aurait été, selon Tite-Live, enro-bée d'or pour servir ensuite devase rituel.Farouches guerriers, mais aussiexcellents agriculteurs. Les tech­niques agricoles gauloises étaientsupérieures à celles des Romains. Cesderniers, qui n'avaient que l'araire,leur ont emprunté la charrue. C'étaientégalement, ainsi que le montre l'ar­chéologie, d'excellents orfèvres, d'unegrande richesse d'invention. Les mon­naies gauloises sont de vraies œuvres

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d'art gravées. Les Gaulois aimaient laparure et ils ont fait des bijoux très ori­ginaux, des agrafes de ceintures et desépingles dont ils a[[achaient leurs man­teaux, le torque ou collier, en or ou enbronze, des bracelets somptueux tel quecelui d'or trouvé au bras d'un guerrierenseveli dans la tombe de la GorgeMeillet, ou encore en verre quelquefoisrelevé d'émail. Potiers, céramistes, char­rons, ils excellaient aussi dans la métal­lurgie. Leurs épées étaient si bien for­gées qu'elles ont probablement été adop­tées par les Romains. Ils fabriquaientégalement des poignards destinés à frap­per d'estoc, car leurs épées ne frappaientque de taille. Toutes ces armes portaientde riches décorations, souvent desincrustations de corail. Mais les Gauloisne sculptaient que le bois, et l'on n'aretrouvé que peu de vestiges de ce genre,à part les statues en bois de la sourcede la Seine (divinisée) aujourd'hui aumusée archéologique deDijon. (3)

ZIZ/\NI]~

p()Lrrl(}ll]~

Ce peuple a laissé des vestiges d'unecivilisation avancée et originale. Sastructure politico-sociale n'était pasmoins originale, et à bien des égardstrès moderne. Comme tous les Celtes,il n'avait aucune unité politique. «1/sont poussé jusqu'à la manie leurs ten­dances naturelles au particularisme,jointes à une attitude systématique derévolte contre tout ce qui était officiel­lement établi », écrit Jean Markale (<< LesCeltes et la civilisation celtique »). Ensomme, c'est la zizanie. L'Etat dansla société celtique reste en généralrudimentaire et presque indifférencié.Henri Hubert note (Les Celtes, tome 2)que le roi n'a jamais été que le chefdirect d'une petite unité avec des pou-

voirs limités et personnelssur les autres élé­

ments de sonroyaume.

Quandles

rois ont disparu en Caule, ils ont étéremplacés par des corps aristocratiquesde magistrats qui n'ont pas constituéde républiques.Les sociétés celtiques sont à l'état tri­bal et n'ont qu'un droit privé. Lescontestations n'y comportent que desarbitrages. Comme il n'y a pas deministère public pour le châtiment desfautes, il appartient à l'offensé decontraindre l'offenseur à l'arbitrageet les torts ne comportent que la ven­geance privée (sanglante) ou la com­pensation.La base de tout, c'est la famille, ausens large du terme, c'est-à-dire la{{ gens» indo-européenne, comparableà celle des cités grecques ou de Rome.Plusieurs familles se groupent dansune tribu, le tua th en Irlande, le paqusde la Gaule romaine, la première unitésociale se suffisant à elle-même et pos­sédant une hiérarchie bien détermi­née, allant du chef aux esclaves, sesbiens communautaires, ses règle­ments. Cette quasi-autarcie expliquel'impossibilité d'unité politique, traitcaractéristique des Gaulois, desBretons (de Grande-Bretagne) et desIrlandais, sans parler des Ecossais etde leurs clans. La tribu habite une clai­rière (comme dans « Astérix ») et estentourée d'une marche (4). En Gaule,

la frontière est marquée par despostes de douane ou de garde.

L'administration romaine en héri­ta et ces limites, pour les évê­chés et les baillages, se sont enpartie maintenues jusqu'à uneépoque récente.En ce qui concerne la pro­priété du sol, la société cel­tique est basée sur la pos­session commune de laterre, à la différence de lasociété romaine. En Gaule,avant César, l'appropriationindividuelle et la propriétécollective ont coexisté, lapropriété collective étant

toutefois la plus importante.La Gaule était une terre à blé

et pour manœuvrer la grandecharrue à huit bœufs, il fallait

la coopération de plusieurs per­sonnes. Mais la richesse de base,

c'était le bétaiLLe système féodal celtique repose sur

cette richesse en bétaiL L'hommeriche fait paître ses troupeaux sur lescommunaux qu'il tend à s'approprier,et, son troupeau croissant, il prête des

Vents du Morvan III

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bêtes. Celui qui les reçoit contracteenvers lui des obligations qu'uncontrat passé devant le druideconsigne avec précision. On prête dubétail libre, c'est-à-dire sans change­ment de condition, et du bétail serfavec changement de condition. Lesdébiteurs recherchent le bétail serfaux dépens de leur liberté car le prêtest alors économiquement avanta­geux. Serfs et hommes libres consti­tuaient, en cas de contrat de cheptel,ce qu'on appelle, d'un terme gauloisutilisé par César, des ambactoi, c'est­à-dire des vassaux, du mot gaulois vas­sos, serviteur. Le contrat de cheptel adisparu très tôt en Gaule alors qu'ils'est maintenu fort tard en Irlande. Ilexplique en tout cas pourquoi lesfemmes, qui pouvaient posséder destroupeaux, jouissaient d'une situationprivilégiée par rapport à celles desGrecques ou des Romaines.

(~f\lIL{)IS]~S

Le chef de la tribu est en général unhomme, mais il ya eu des exempleshistoriques où la royauté celtique a étél'affaire des femmes. La reine deslceni, Bodicéa, battue de verges parles Romains et ayant vu ses filles vio­lées par les légionnaires, déclenchaune révolte groupant tous les peuplesde l'île de Bretagne en 61 après Jésus­Christ (5). On peut citer aussi la reinedes Brigantes, Cartismandua (6). Leslois galloises précisaient que la reinedevait recevoir le tiers du butin deguerre ainsi que le tiers des amendesinfligées au nom du code pénal. Quantà la tradition légendaire celtique, ellecomporte de nombreuses figures fémi-

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nines de la souveraineté, notammentdans les textes épiques irlandais etgallois Ainsi, la reine Mebdh deConnaught, fille du roi suprêmed'Irlande et habile général en chef,qui se targue de posséder plus que sonmari. Il lui manque cependant un tau­reau et elle est prête à tout pour obte­nir une bête extraordinaire.Dans le droit celtique, en effet, leconjoint le plus riche est le chef defamille. Chacun des deux époux doitapporter sa part César écrit: « Quandun homme veut épouser une jemme, ildoit payer une certaine somme, mais deson côté lajemme doit donner le mêmemontant. Tous les ans, onjait le comp­te de la jortune des deux parties. Ongarde les jruits qui en procèdent et c'estl'époux survivant qui jouira de la partqui était sienne, augmentée de tous lesjruits du temps précédent ".La femme gauloise bénéficiait donc

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d'une situation qui la mettait sur un piedd'égalité avec son mari, mari qu'elleavait d'ailleurs le droit de choisir. Lafemme celte, à l'inverse des Romaines,ne pouvait être mariée sans son consen­tement. « Quand il y avait une fille àmarier, on organisait un grand festinauquel étaient conviés tous les jeunesgens », êcrit Fulgose (7). La fille choisis­sait elle-même en offrant de l'eau pourlaver les mains de celui qui était l'élu.Les Gauloises portaient la culotte, aupropre comme au figuré. Une statueconservée au British Museum présenteen effet une Gauloise en pantalons. Il afallu plus de vingt siècles pour que lesfrançaises aient de nouveau droit à cetattribut« éminemment masculin "... LesGauloises accompagnaient leur mari à laguerre. Amien Marcellin écrit à ce pro­pos : «L'humeur des Gaulois est querel­leuse et arrogante à l'excès. Le premiervenu d'entre eux, dans une rixe, va tenirtête à plusieurs étrangers à la fois, sansautre auxiliaire que son épouse, cham­pion bien plus redoutable encore. Il fautvoir ces viragos, les veines du cou gon­flées par la rage, balancer leurs brasrobustes d'une blancheur de neige, etjouerdes pieds et des poings, assenant descoups qui semblent partir de la détented'une catapulte ». Rien moins que desfemmelettes... Chez elles, ces guerrièresn'étaient jamais seules à supporter lestravaux ménagers puisque, autour ducouple, il y avait les parents, les grands­parents, les cousins, frères et sœurs..Il existait chez les peuples celtes unecoutume appelée fosterage qui consis­tait à envoyer les enfants chez desparents nourriciers à l'égard desquelsils contractaient de véritables liens deparenté. Beaucoup d'enfants étaientainsi élevés par la famille maternelle oupar les druides. Ainsi se créaient entreles jeunes des liens de compagnonna­ge et d'éducation. Autre aspect trés ori­ginal des Celtes: ils étaient les seuls àpratiquer le {{ divorce par consentementmutuel", institution qui fait couler tantd'encre aujourd'hui.

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i\ L'ESSI\1Le mariage était contrat révisable. Bienplus, l'homme pouvait prendre desconcubines à condition d'obtenir l'au-

torisation de sa femme. La concubineentrait dans la famille avec un contratd'un an jour pour jour. Ce {{ mariageannuel» dont on retrouve trace enFrance jusqu'au Xlxe siècle avec la cou­tume du louage des servantes pour unan, valait aussi pour les célibataires.Les tenants actuels du mariage à l'es­sai n'ont rien inventé. La liberté sexuel­le était grande aussi semble-t-il. SelonCésar, les Celtes de Grande-Bretagneauraient partagé une femme entre père,frères et fils. Jean Markale fait remar­quer qu'il {{ est courant de voir dans lesépopées celtiques, des hommes et desfemmes s'unir, ne serait-ce qu'unefois,au hasard d'une rencontre ». La fidélitéceltique paraît sensiblement différen­te de la nôtre: on ne se jurait pas fidé­lité pour la vie. Il s'agissait plutôt d'unattachement à une personne d'élec­tion, ce qui n'excluait pas d'autresaventures, pour l'homme comme pourla femme.Ce statut privilégié de la femme chezles Celtes constitue un reste de la famil­le utérine ou gynécôcratique. Dans leslégendes celtiques, par exemple, la filia­tion de personnages comme Cuhulainnet Conchobar est indiquée par le nomde leur mère. Le droit irlandais attri­buait à la famille de la mère les enfantsnés hors mariage. Cette souplesse demœurs, cette {{ sorte d'amoralité tran­quille et souriante" comme l'appelleJean Markàl-e, respectaient profondé­ment la liberté de chacun. On com-

prend dès lors le choc des civilisationsqu'a pu représenter la conquête romai­ne : pour les Romains, la femme celtejouissait de nombreuses prérogatives.Elle était par exemple associée à la viepolitique et religieuse par les druides,les {{ très sages ".

l/Alrrl~]~ ~I[()N])]~

Le druidisme, avec la langue, constituel'élément d'unité majeur de la socié­té celtique. Prêtre, voyant, législateur(il est juge et gardien des lois), pro­fesseur, éducateur, médecin, le drui­de est aussi magicien et sacrificateur.En Gaule, en effet, on pratiquait lessacrifices humains. Pomponius Mela (8)nous rapporte que la Gaule était habi­tée « par des peuples fiers et supersti­tieux qui poussèrent autrefois la sau­vagerie jusqu'à immoler des victimeshumaines, regardant ce genre de sacri­fice comme le plus efficace et le plusagréable aux dieux. Cette coutume atro­ce est abolie chez eux, ajoute-Hl, maisil en reste encore des traces: car, s'ilss'abstiennent d'ôter la vie aux hommesqu'ils vouent à leurs divinités, ils lesconduisent néanmoins sur leurs autelset leur font de légères blessures ».

Les druides ont été des philosophesmystiques qui auraient élaboré la doc­trine de l'immortalité de l'âme. Ilsenseignaient en effet que la mort n'estqu'un déplacement et que la vie conti­nue dans le monde des morts, cemonde constituant un réservoird'âmes disponibles. Ainsi, pour eux,les deux mondes, mort et vie, secôtoyaient sans cesse et des échanges

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s'opéraient entre eux. Cela expliquele culte du sacrifice par transsubstan­tiation, et il n'est pas impossible queles druides aient cru à la métempsy­cose, dont des traces se retrouventdans les mythes et les épopées. Enfait, tout ce qui nous est parvenu des

Vents du Morvan Il

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druides eux-mêmes, c'est une sen­tence que Diogène Laërce nous atransmise dans sa « Vie des philo­sophes " (9) : « Adorer les dieux, ne rienfaire de bas, exercer son courage ".En Gaule, les druides étaient liés auchêne comme les clans totémiquessont liés à leurs totems. Ils encueillaient le gui (rare sur les chênesd'ailleurs, peut-être est-ce ce qui enfaisait la valeur ?) et en mangeaientles glands pour acquérir des pouvoirsdivinatoires (la).

Les druides forment donc un ordredans la société celtique, un ordre pri­vilégié puisque ses membres sontexemptés de service militaire et d'im­pôts. À côté d'eux, il y avait les bardes,ou poètes, et lesvates, ou ovates,poètes et devins.Les Gaulois hono­raient des dieuxinnombrablesparmi lesquels onpeut citer Manan­nan, dieu de la mer,Esus, représenté surun des bas-reliefsde l'autel desNautes au muséede Cluny commeun forestier éla­guant un arbre, ledieu de la lumièreBelanos et la divi­nité solaire Belisa­ma, Lug, dieu de laguerre, qui a donnéleurs noms àLyon, Laon et Lou­dun (Lugdunum:citadelle de Lug) ...Il faut aussi men­tionner la déesse­mère dont le culteétait en honneur chez les Gaulois.L'une des statues de cette déesse,soi-disant honorée par les druides,se trouvait dans un sanctuaire sou­terrain à l'emplacement de la cathé­drale de Chartres et cette « virgoparitur a » est devenue Notre-Oame­de-sous-Terre, objet de vénérationpour les pèlerins chrétiens. LesGaulois honoraient aussi les sourceset les fontaines, et les superstitionspopulaires françaises en ont gardéla trace: que de fontaines magiquesqui rendraient les amoureux fidèlesou qui guériraient dans nos cam­pagnes !...

EIlJ Vents du Morvan

La mythologie celtique sous saforme orale était la seule en usageen Europe occidentale au momentdes invasions romaines et lesRomains ont pourchassé les druidesqui représentaient sans doute poureux un danger absolu. Comme lefait remarquer Jean Markale (dans« La femme celte »), les Romainsétaient matérialistes et les druidesspiritualistes. Les Romains voyaientl'Etat comme une structure mono­lithique étendue sur des territoiressavamment hiérarchisés, les druidesvoyaient l'Etat comme un ordremoral librement consenti et dont lecentre idéal était purement

mythique.

IlIFFICILEMais avant l'absorption de la civili­sation celtique, il a d'abord fallu queles Romains conquièrent la Gaule.On peut se demander commentCésar, avec environ 60 000 hommes,a pu réduire à sa merci ce grandpays en huit ans.Il eut toujours des alliés enGaule (11), des amis, des espions

qui furent aussi des traîtres. Il avaiten outre un excellent service de ren­seignements, rarement pris endéfaut. Et puis, avant tout, lesGaulois, francs-tireurs dans l'âme,étaient incapables d'unité. Le pèrede Vercingétorix, Celtill, avait étémis à mort pour avoir aspiré à latyrannie. Les vieilles royautés cel­tiques étaient alors en voie dedécomposition, non sans que leSénat romain y soit pour quelquechose. Le fameux adage « diviserpour régner ", César le connaissaità fond. Instabilité politique, luttesviolentes entre les tribus: la berge­rie était ouverte au loup. Cependant,comme l'écrit Henri Hubert, « la

société gauloise avait desforces latentes de coor­dination qui se sontmises àjouer fort éner­giquement mais un peutard, avec un relatif suc­cès, mais trop court ».

Vercingétorix eut toutesles peines du monde àrassembler les GaulOISà Alésia mais cettelevée en masse futune opération remar­quablement conduiteet César a rendu hom­mage au chef arver­ne, qu'il a présentécomme un symbole

de patriotisme, jeune,beau, brave, éloquent,modeste, jaloux de sonpays jusqu'au sacrifice.D' ailleurs, il s'en estfallu de peu que leRomain n'échoue et ilne l'a pas caché. Unefois les Gaulois vaincus,

on est tout de même sur­pris que leur civilisation ait été pha­gocytée aussi rapidement par celledes envahisseurs.La Gaule n'avait pas encore le mini­mum de structures d'Etat sans les­quelles ne saurait se constituer unenation. En outre, il semble que laprestigieuse civilisation romaine aitexercé une forte attraction sur lesGaulois, notamment sur l'aristocra­tie qui adopte très vite les institu­tions de Rome. Pour faire partie des({ gens bien ", il fallait parler latin.Le reste suivit. Quelques révoltessporadiques secouèrent encore lepays jusqu'à la fin du 1er siècle de

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notre ère et puis c'en futfait de la vieille Gaule indé­pendante.Les Romains, malins,pourchassèrent lesdruides, ciment de laGaule celtique, qui pou­vaient nuire à leur orga­nisation socio-politique.La pensée des Celtes,individualiste à outrance,mystique, où l'imaginationétait reine, se heurtait auconformisme romain. GastonBonheur, dans « Notre patrie gauloi­se », illustre plaisamment ces deuxmentalités antagonistes: « la routeromaine est toute droite, le chemingaulois sent la noisette. La halteromaine est un palace, le repos gau­lois une guinguette. Le plan romainest une géométrie développée autourdu forum. Le brouillon Gaulois sup­pose qu'on traverse un ruisseau surune planche branlante pour donner àmanger aux poules ". Le Gaulois, c'estle rat des champs, le Romain, le ratdes villes. Ce dernier a gagné, et lecoup de grâce a été donné par lechristianisme qui s'est employé,avec quel zèle, à déraciner les der­nières souches païennes et celtiques.Les édits de Charlemagne de 789frappent les adorateurs des pierreset ceux qui pratiquaient des super­stitions auprès des arbres et des fon­taines.Mais le christianisme, impuissantà rejeter dans l'ombre toutes lescroyances ancestrales, a en faitassimilé de nombreux élémentspaïens. C'est pourquoi l'on trouvetant de sources dédiées à dessaints ou à la Vierge dans des sanc­tuaires bâtis sur des tertres autre­fois sacrés, et tant de pratiquesbizarres qui remontent au pluslointain passé religieux del'Occident. Ainsi, les jours de tem­pête, jusqu'à la fin du siècle der­nier, les femmes d'Ouessant et deSein récitaient un Ave maria à laLune. A Langon, près de Redon,en Bretagne, existe une chapelledédiée à sainte Agathe. Lesfemmes stériles, tous les 15 août(alors que la sainte Agathe se situeen février), allaient se frotter leventre contre l'un des murs de lachapelle. Au cours de travaux, l'ondécouvrit sous le plâtre du murune fresque du Ille siècle figurant

unefemmesortant del'eau, représen­tation de la déesse­mère chez les Celtes. Ilya environ 300 chapellesdédiées à sainte Anne enBretagne, alors que dans lereste de la France il en exis­te fort peu. De même, faitcurieux, le 1er novembre, jourdes morts, coïncide avec lafête de Samain, jour desmorts égalem,ent pour lesGaulois.

Le folklore aussi a gardé beaucoup desCeltes. Dans les contes, on peut consi­dérer les fées comme les descen­dantes des divinités gauloises, lesogres comme d'anciens dieux desCeltes. Le Pantagruel de Rabelais jettedu sel pour chasser ses ennemis qu'ilassoiffe et ce geste n'est peut-être pasaussi anodin qu'il y paraît. Les druidesauraient fait le même pour jeter unemalédiction.La Bretagne possède d'innombrableschants et contes populaires véhiculéspar des générations de paysans et demarins. Tout le monde connaît lalégende de la ville d'ls et Lancelot duLac dont la saga primitive est d'origi­ne armoricaine. Konan Meriadec, leroi et la reine des korrigans (êtres sur­naturels aux multiples aspects appe­lés ozeganned dans la région de

Chanfrein en bronze provenant de Torrs(Ecosse). Un magnifique exemple de l'im­mense talent des artisans"grands bretons"à l'époque celtique pré-romaine.

Vannes), la fille de la mer, les sagasde Koadalan, de Yann ou de Gradlonle Grand sont sans doute moinscélèbres mais constituent aussi la tra­dition celtique telle qu'elle est vécueen Bretagne.Dans la littérature française, on nepeut bien sûr oublier «Tristan etYseult ", le cycle arthurien et la conquê­te du Graal, Merlin l'enchanteur et lafée Mélusine qui symbolisent l'espritdes Celtes à travers la puissance dumythe, mélange de poésie héroïque,de merveilleux, d'humour et deconception dramatique de la fatali­té.(l2)Et puis, il y a les druides. Du sérieuxet du moins sérieux. Un celtisant éru­dit, M.Goulven Pennaod, membre duGorsedd ou collège des druides deBretagne, est le premier à dénoncer

Vents du Morvan III

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le néo-druidisme fabriqué de toutespièces au XVIIIe siècle. Le Gorsedd,fondé en 1900, est en fait purementséculier et « a pour but de réunir desBretons luttant pour la Bretagnearmoricaine ». Quant aux inaugura­tions de dolmens du «druide» PaulBoucher, aux « diplômes de druides»ou à la « grande croix de Vercingéto­rix» que décernent certains collègesdruidiques de bazar, il s'agit pourM.Pennaod d'une « vaste rigolade ».

Héritage vivant, en Bretagne, lalangue a été longtemps sujette àune forte oppression culturelle. A lafin du XIXe siècle et jusqu'au milieudu XXe, tous les enfants surpris àparler breton devaient porter unevache ou un sabot de bois attachéautour du cou, comme marque d'in­famie. Et vers 1930, M. Anatole deMonzie, ministre de l'Instructionpublique, déclarait sans frémir:« Pour l'unité de la France, la languebretonne doit disparaître »...

Le français actuel a gardé environdeux cents mots d'origine celtique,origine que le dictionnaire ne pré­cise pas (13). Ainsi, char et char­rette viennent du gaulois carruca,combe, grotte, arpent, lieue sontdes mots gaulois (les Gaulois nousont laissé leur cadastre, repris parles arpenteurs du fisc romain). Lacloche vient du vieil irlandais cloc,la cruche de l'irlandais creccon etdu gallois crochan. Le bas latin etle roman avaient conservé encorebien plus de termes gaulois.Enfin, il y a la toponymie, les nomsde lieux qui, partout, rappellent l'an­cêtre gaulois. Reims était le paysdes Rémi, Vannes le pays desVénètes, Paris celui des Parisii,

Bourges celui des Bituriges, Evreux celui des Eburovices...La Seine, le Rhône, le Rhin, sont des mots d'origineceltique signifiant« le flot qui court ». Le Cantal,c'est la « montagne blanche» (14), lesArdennes, l'ours. De même, certainesmanies syntaxiques telles que le verbeimpersonnel en français sont héri-tées du gaulois. Autre héritage, àn'en pas douter: l'art roman,fortement influencé par lessculptures gauloises.Les Celtes n'ont pu créerd'Etats durables mais leuresprit vit encore commeen témoigne la renais­sance de l'indépen­dantisme en Bre­tagne armoricaine.Ce peuple indes­tructible de pay­sans, de guerrierset d'artistes, vigou­reux, original, que­relleur, inventeurdu « système D »,

c'est le fil conduc­teur de notre his­toire. « Poète et pay­san, maladroit à lalutte, peigneur decomète, dépeigneur defilles, voilà notreancêtre» (G. Bonheur« Notre patrie gauloise »).

Un ancêtre peut-être passi éloigné que l'on croit.

(1) Historien grec ayant vécu longtemps à Rome, réputé pourses analyses et son impartialité.(2) Historien grec, contemporain de César et auteur d'une biblio­thèque historique dont on possède d'importantsJragments.3) Dans des vitrines techniques spécialement aménagées pourleur conservation.4) Frontière militaire d'un état. Charlemagne en développa l'or­ganisation et mit à leur téte des préfets qui devinrent « mar­graves» ou « marquis ".(5) Tacite précise qu'elle massacra 70 000 Romains, colons etalliés!(6) Dans l'actuel comté d'York. Alliée des Romains, elle fit pri­sonnier son époux qui, lui, luttait contre!(7) Auteur latin que certains pensent être le même personnageque saint Fulgence, tous deux ayant vécu en Afrique au VIe siècle.

El Vents du Morvan

(8) Géographe latin, parent de Sénèque.(9) Ecrite par l'écrivain grec vers 250 de notre ère.(10) Le tanin des glands est, au moins, très indigeste pour l'hom­me et peut être mortel pour beaucoup d'animaux; il n'a aucunpouvoir hallucinogène connu. Il est intéressant de noter que lenom botanique du chêne, Quercus, viendrait du celtique « kaërgwez" bel arbre...(11) Les Eduens surtout.(12) Ces deux derniers points sont une quasi constante de lalittérature irlandaise...(13) Le dictionnaire étymologique d'Albert Dauzat évoque par­fois l'origine gauloise ou celtique de quelques mots.(14) Mais le Morvan n'estpas « la montagne noire" : cejut parcontre un roi breton contemporain de Charlemagne!

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En Morvan, les toponymes d'origine celtique ou gauloise avérée sont peu répandus.Beaucoup sont noyés dans leurs évolutions latines et médiévales. Le nom Morvan

lui-même, s'il a bien des homonymes bretons, est toujours sans originesérieusement établie. Le gaulois, langue celtique relevant des langues

indo-européennes, a évidemment certains mots (( cousins )) avec ceuxd'autres langues, germaniques ou slaves. Le mot de (( Huis )) ( la

(( maison )) en néerlandais...), dont les hameaux portant ce nomsont concentrés dans le nord-est de la Nièvre, pourrait être

rattaché à la porte (latin hostium) mais aussi au house anglaisqui lui, vient de l'ancien teuton hus ou du saxon hud qui

ont donné le verbe anglais hide, se cacher 1 Quand lesMorvandiaux actuels (( se détorbent )), les Anglo-saxonsse (( disturb )) et ça n'a rien de celtique 11/ est difficilede jouer avec l'étymologie 1La toponymie est aussi délicate mais comme il estpeu avantageux pour les envahisseurs successifs detraduire les noms de lieux, les traces originelles sontmieux conservées. On trouve ainsi pour Limanton,le celtique lieu où poussent les ormes. Dans Glux-en­Glenne, le celtique glenn est la vallée (dans la mon­tagne), Brassy vient du gaulois bracco, le marais.Dun-les-Places et Dun-sur-Grandry sont colline et,par extension, place fortifiée. Blismes est le lieuconsacré à la déesse Bélisama, la Minerve des Gaulois.La cabane gauloise, attegia, se retrouve dans Athée(Saint-André-en-Morvan et Athez Roussillon). L'ouche,

cette parcelle de qualité proche de la maison dont lenom est employé dans toute la Bourgogne, vient du

celtique olca. Le pommier est à l'origine d'Avallon; l'abal­los gaulois ayant d'ailleurs la même origine que l'anglais

apple (mais comme Apollon faisait moins rustique, cer­tains l'ont adopté comme fondement étymologique de la

cité. Erroné mais combien plus solaire 1). Avalon est égaIe­ment une région du comté de Somerset, en Grande-Bretagne,

dont le nom figure dans les chansons de geste et notammentdans la légende du roi Arthur. En breton, le pommier se dit aval

et c'était l'arbre de la science et de la magie sous lequel ensei­gnait Merlin. C'était aussi l'arbre des morts dans toutes les légendes

celtiques; à Plougastel-Daoulas, on plante encore des pommes dansun arbre symbolique sculpté: vendu aux enchères, il paiera des messes

pour le repos des trépassés.Le fruit défendu de la Bible devint vite une pomme pour les missionnaires évan­

gélisant les Celtes car l'Eglise n'eut de cesse de (( recycler )) les traditions celtiques.C'est ainsi que le dieu principal du panthéon celte, Lugh, dieu de la lumière, représenté

avec une lance et fêté aux calendes de mai, devint Saint-Michel, (( archange de lumière ))équipé d'une lance, dont la fête (Saint-Michel d'été) est le huit mai... Les nombreux lieux-dits

Michel, en Morvan et ailleurs, sont souvent d'anciens lieux de cultes dédiés à Lugh.Quant à l'imposante massue que tient le Gaulois dans le dessin de Cadier, elle est l'un des attri­buts de Daghda, le dieu-druide, père des vivants et maÎtre des morts. Elle est en if (arbre exis­tant en Morvan, toxique, mais peu répandu chez nous), tue par un bout et ressuscite par l'autre.Le Romain n'a pas cette culture et préfère la négociation 1... L'autre attribut de Daghda est lechaudron cher à Panoramix.

Michel Hortigue

Vents du Morvan œ