Yourivka, un paisible village ukrainien doté d` une belle plage sablonneuse sur la mer d`Azov.Le village touristique où la vie était bien agréable avant la guerre. Je croise les maisons d`hôtes et centres des vacances abandonnés, la plage est déserte. Je me sens déprimée en voyant ces maisons totalement détruites et la vie de leurs habitants changée en cauchemar sans fin. C`est ainsi dans toute la région. Beaucoup d`habitants ont choisi de partir. Il est difficile de survire dans ces conditions. On me montre un petit terrain de foot, il est parfois animé par un match. Des matchs amicaux entre le régiment Azov et le 8-ème bataillon de l`UDA « Aratta » ( l`Armée Volontaire Ukrainienne) qui stationnent dans le village.Peu de distractions pour ces hommes et femmes qui occupent un vieux bâtiment à proximité de la plage. Ils sont Ukrainiens mais aussi Russes, parfois une poignée des volontaires d`ailleurs viennent se joindre à eux pour partager leur quotidien et le combat. Leurs conditions de vie sont spartiates. La guerre en Ukraine est une prolongation des conflits que opposent la Fédération Russe aux pays voisins. Il donc normal de trouver dans le Donbass des Moldaves, Georgiens, Tchéchènes et tous ceux qui cherchent à s`opposer à l`impérialisme russe ou au contraire à le cautionner… ils s`affrontent dans les tranchés, parfois ils sont du même pays. On peut citer aussi les Biélorusses, Polonais, Serbes, Lituaniens et les Français. N`importe qui peut venir se battre ici. A ces propres risques et périls. N`importe qui peux venir défendre la souveraineté de l`Ukraine ou au contraire se mettre du côté de l`envahisseur. On vient se battre en Ukraine par conviction ou par le fort besoin d`éprouver quelques sensations fortes. Les fous de la gâchette et les extrémistes de tous bords ne sont pas rares. Parce que à la guerre tous les coups sont permis. La plupart ne seront jamais jugés pour leurs crimes sur une terre qui leur appartient pas. On vient se battre ici aussi pour l`argent. Certaines régions en Russie sont si sinistrées qu`il plus facile de s`engager comme le mercenaire pour faire le sale boulot pour le Kremlin que de trouver un emploi quelconque et vivre décemment. Alors ils viennent ici par milliers pour finir enterrés à la hâte dans un champ en Russie, juste avec un numéro, la date de naissance et du décès. Pas de visage, pas de noms. Parfois dans les fosses communes. Voilà comme la mère Russie remercie ces fils. La chair à canon bon marché à laquelle le gouvernent russe refuse l`existence. « Ils sont pas là » dixit Poutine. La Russie occulte l`existence de ces sinistres cimetières comme par exemple les 1600 tombes près de St. Pétersbourg à Kolpino. À la TV russe on polémise « comme cela se fait-il qu`un aucun responsable russe n`est pas au courant ? » Si, ils sont au courant mais dire la vérité n`est pas dans les habitudes des autorités russes. Dans ce cas ce serait de reconnaître officiellement que la Russie participe directement au conflit mais c`est justement le fait qu`elle s`acharne à nier. Même 5 ans après. Voici l`histoire de ceux qui n`ont pas peur de forces spéciales russes déployées dans le Donbass.

Entrée dans la base du bataillon. Photo auteure

Les combattants ukrainiens sont tout le contraire de ce que la propagande russe nous affirme habituellement à leur sujet. Il n`y a pas de « junte nazie » à Kyiv, il y a juste la volonté de se battre contre l`impérialisme et l`hégémonie russe. Lors de mes voyages en Ukraine j`ai constaté parfois un peu de fatigue, voire de lassitude.

Je me disais : non, pas vous ! Après une longue et houleuse domination polonaise et le calvaire vécu sous l`empire russe et l`Union Soviétique votre peuple est enfin libre. Comment peut-on gaspiller l`espoir et le combat de vos ancêtres ? De ce fait beaucoup d`Ukrainiens n`admettent pas qu`on puisse baisser les bras, se rendre. Comment peut-on désormais ignorer tous les accords internationaux et leur prendre leur souveraineté ? Poutine pensait que l`Ukraine sera une proie facile. La campagne d`acharnement médiatique contre ce pays n`est rien d`autre que l`ingrédient principal de la guerre hybride que la Russie mène en Occident. Une campagne si mensongère et malveillante qu`il est à peine croyable que quelqu’un puisse encore croire que la Russie n`est pas le véritable coupable et agresseur dans cette l`histoire. Seulement voilà. La Russie dispose d`énormes budgets pour diffuser toutes les mystifications produites par ses spécialistes de propagande, certains journalistes et bloggeurs occidentaux et la grandissante l`armée d`idiots utiles qui ne connaissent pas et surtout ne veulent pas connaitre le vrai visage du mal : la Russie. Il est donc très important de rendre la justice à tous les combattants ukrainiens. Ces combattants volontaires surtout, si calomniés et haï par le pouvoir russe parce que ils ont osé de s`opposerà la «grande » Russie, celle qui se donne le droit de décider comment ils doivent vivre et sous quel drapeau ! La Russie qui se donne le droit d`envahir leurs terres et violer tous les accords internationaux sous quelques prétextes insensés, voire totalement ridicules. Cette Russie qui se permet de rire au nez à la communauté internationale et nier l`évidence. La nation ukrainienne résiste, ce peuple qui a très peu d`estime auprès des Russes. Les Russes qui se prennent pour des rois des Slaves, une nation élue pour dominer et détruire. De quel fraternité parlent-ils ? Celle imposée depuis des siècles par le feu, massacres et les déportations en Sibérie ? Est-ce que les Occidentaux ne voient toujours pas l`analogie avec l`Union Soviétique qui est venue « libérer » l`Europe Centrale pour lui imposer sa « fraternité » par les biais de NKWD ? Combien de résistants dans les pays de l`Est ont été massacrés après cette fameuse «libération » ? Seulement maintenant nos historiens essaient d`estimer le pillage massive des pays du bloc soviétique. La même mentalité, les mêmes méthodes. Rien a changé en Russie, rien. Juste la façade mais pas la boutique. Environ 80% de la population russe voue une admiration pour Staline, ce grand tyran et l`un de plus grands criminelles de l`histoire de l`humanité. Rien à signaler auprès des idiots utiles de Moscou. J`ose pas imaginer l`indignation générale si la nation allemande aurait la même fascination pour Hitler…quelle belle hypocrisie ! Que peut-on attendre de la part du président russe habitué à ces méthodes immondes ? Rien, juste la continuation d`une politique ignoble et agressive doublée de mensonges d`état.Les tentacules russes vont désormais plus loin : la Syrie, Venezuela, certains pays africains. La liste ne cessera de s`allonger car la lâcheté occidentale a atteint ses limites lors de dernières votations au sein du Conseil de l`Europe. Dans ce contexte il est difficile de dire aux Ukrainiens de cesser de se battre. L`Ukraine ne sera pas sacrifiée pour satisfaire quelques rêves mégalomanes de Poutine ou juste pour donner aux Occidentaux l`impression d`être à l`abri. Comme l`autrefois. Ça suffit. La Russie prétend combattre des « néonazis » ukrainiens en se servent de l`extrême droite européenne et autres politiciens sponsorisés par Moscou. L`enjeu c`est déstabiliser l`Europe. Partager pour mieux régner. On peut à juste titre se demander quel extrémiste occidental n`a pas encore reçu des fonds russes pour mener sa politique…Qui sont vraiment ces « néonazis » ukrainiens et pourquoi ils se battent ?

Le bataillon Aratta n`est fait pas partie de la Garde Nationale ukrainienne comme le régiment Azov. Aratta ne fait pas partie d`aucune structure officielle mise en place par le gouvernement ukrainien.Ce bataillon existe sans vraiment exister. On peut dire qu`il est juste toléré car ces hommes comblent l`effectif sur le front. Ils servent leur patrie sans reconnaissance officielle. Parce que ils dérangent. Ils

dérangent leur propre gouvernement qui n`est pas à la hauteur de leurs espérances. À la hauteur de Maïdan. Dmytro Yarosh, le légendaire leader du Secteur Droit refusait toujours de se soumettre au système.Ce système qui selon lui et ces hommes n`a pas vraiment changé depuis la Révolution. C`est un homme qui se dit lui-même ne pas vraiment être fait pour la politique. C`est homme fait pour le combat. Ce qu` il fait d`ailleurs avec l`UDA et ces bataillons. Plusieurs hommes portent le chevron de l`OUN, l`Organisation des Nationalistes Ukrainiens. Tous réunit dans le même combat pour le meilleur avenir de leur pays. L`Ukraine a besoin des chefs charismatiques comme Dmytro Yarosh. Ces hommes sont aussi charismatiques et très tenaces. Ainsi ils rendent l`hommage à leurs ancêtres cosaques et autres défenseurs de la nation ukrainienne. Curieusement on ne parle pas d `idéologie ici. On ne parle pas de Stiepan Bandera non plus. J`ai pas vu un seul portrait de lui dans les bâtiments. Il fait partie de l`histoire alors que les yeux de ces hommes sont rivés vers l`avenir. Les seuls portraits que je vois ce sont leurs frères d`armes tombés au combat. Y compris le jeune homme de 20 ans tué dernièrement par un sniper.

Ihor et Yaroslav, stand de tir. Photo auteure

Ils savent qu`aujourd’hui peut-être rien changera dans leur pays mais ils font cela pour leurs enfants. Pour qu` ils puissent vivre dans un pays non gangréné par la corruption dans un système postsoviétique imposé par la Russie. Ils ont laissé leurs femmes et enfants dans leurs foyers. Contrairement à l`armée régulière et autres bataillons composés de volontaire les soldats d`Aratta ne touchent aucun salaire. Certains me disent que leur combat est possible grâce à leurs femmes qui

doivent travailler pour entretenir la famille. Leurs femmes partent même travailler à l`étranger, en Pologne par exemple. Certains me disent que c`est si dur que beaucoup de combattants ont du faire le choix et finalement rejoindre leurs familles pour les aider à survire. D`autres mes disent que personne les attend à la maison car ils combattent depuis le début du confit et leur foyer est ici avec leurs frères d`armes. Parfois leurs proches ne comprennent pas cet acharnement à résister, à ne pas lâcher prise alors on les abandonne. Je suis très émue par ce triste sort qu`réserve à ces grands patriotes.

Vova. Un moment de repos. Toujours avec son Kalachnikov.

Ils ont tous leur propre l`histoire, même les plus jeunes. Des ados devenus hommes sur un champs de bataille dans un combat souvent inégale : les civils à peine formés contre les forces spéciales russes. Des armes légères et obsolètes contre l`équipement de pointe. Le courage absolu contre la lâcheté.

Vova

Parce que les unités d`élites russes sont bien présentes dans le Donbass même si Moscou s`entête à affirmer le contraire. Des mensonges éhontés qui confirment une seule chose : ces hommes si dénigrés par les Russes savent se battre et n`abandonneront jamais. Non parce que ils sont instrumentalisés, endoctrinés ou bien entrainés. C`est leur volonté de fer qui fait toute la différance. L`espoir de voir leur pays enfin libre. Parce que le russkiy mir les Russes peuvent se le garder. L`Ukraine a sa propre langue et culture. Elle a aussi son propre l`histoire que la Russie occulte parce que elle a toujours eu le mauvais rôle. Leur drapeaux rouge et noir donne l`urticaire non seulement aux Russes. Ce drapeau provoque la peur dans le camps ennemi. Non parce que ils sont cruels mais parce que ils n`abandonnent pas leurs positions. Les Russes le savent bien depuis 2014. C`est grâce à eux que le Donbass n`est pas totalement perdu, c`est grâce à eux que des villes ukrainiennes à l`est du pays ne sont pas tombées aux mains de séparatistes et leurs commanditaires de Moscou. Cette haine est bien visible dans les publications prorusses lesquelles nous annoncent la énième offensive « néonazie » dans le Donbass. Les offensives qui n`ont jamais lieu. Elles sortent juste de l`imagination maladive des personnes chargées de propager des mystifications russes. Plus c`est gros mieux cela se vend. Un procédé abject devenu l`arme principale du Kremlin. Mentir et nier en bloc.

Je souris face à ces hommes vêtus chacun à leur manière, loin des strictes standards militaires.

Cela n`est pas étonnant : ils achètent eux-mêmes leur équipement et ils disposent souvent de très peu de moyens. C`est la débrouille. Je me dis : c`est eux qui terrorisent les troupes prorusses et russes ? C`est génial et à peine croyable ! J`ai l`impression de voir des légendes vivantes. J` en suis honorée. En décembre j`ai croisé des soldats volontaires en tenu d`été. Je n`ai pas pu m`empêcher de penser à la souffrance des ces hommes dans les tranchées. Cela me rappelle la lecture de toutes mes livres d`histoires concernant les grandes batailles du passé. Je suis horrifiée que de nos jours rien a changé. Nos politiciens dans les fêtes mondaines et limousines hors de prix et nos soldats même pas vêtus correctement pour passer des nuits glaciales pour défendre leur patrie… Mais l`habit ne fait pas moine alors je décide de les connaitre. Tous. Ils sont peu nombreux sur place. Ils se reposent avant de repartir au front. On me montre leur ménagerie : des poulets, canards, deux cochons. Ils ont aussi un jardin avec quelques serres. Leurs moyens sont modestes, très modestes. Je vois plusieurs chiens et chats pour leur tenir la compagnie. Certains animaux partent même au front. La chaleur d`un animal fait du bien, apaise. Dans la cuisine travaillent trois femmes en civile dont une jeune fille Alona et sa mère. A présent elles habitent dans un village à coté mais elles ont dû fuir les séparatistes. Elles ne sont pas seules. J`apprends que c`est aussi le cas de plusieurs combattants. Fuir les séparatistes signifie une chose : ce ne sont pas des gentils libérateurs, des « insurgés » comme les appelle la propagande russe. Ce sont des traitres à la nation prêts à tout pour le pouvoir et l`argent qui viennent de Moscou. Les gens sans scrupules, répugnants, avec les méthodes honteuses. Comme ces jours : tirer avec une arme antichar sur une ambulance. Ils respectent rien et personne. Tout simplement un cartel des terroristes et trafiquants internationaux. Ces gens ne méritent aucun respect, juste le mépris. Ces gens qui massacrent, torturent et humilient les Ukrainiens car ils ont décidé de défendre leurs terres. La terre qui leur revient de droit, l`ordre mondial est fait ainsi. Mais Poutine et ces sbires du KGB se fichent totalement de l`histoire et de l`ordre mondial. Ils veulent imposer le russkiy mir et bâtir la nouvelle Russie, donc Novorossya sur les ruines de l`Union Soviétique. Il suffit donc d`inventer quelques inepties pour l`opinion publique et envoyer le Spetsnaz. Les traitres et autres criminels feront le reste dans le rôle des gentils, des résistants, des insurgés. Le vieux modus operandi soviétique fait toujours ces recettes. Cautionner ces agissements c`est cautionner le terrorisme et la haute trahison. Acceptez vous cela dans vos propres pays ? Non ! Alors pourquoi acceptez vous que cela se passe maintenant en Ukraine, en Moldavie, Géorgie et ailleurs ?

Biedranskie. La ligne du front passe à proximité. Photo l`auteure.

J`admire Ihor, le jeune homme de 21 ans qui vient nous donner quelques cours au stand de tir.Il est parti faire la guerre directement après sa scolarité. Il n`avait à peine 18 ans et maintenant c`est un vrai guerrier. Un jeune homme drôle et joyeux mais son visage est fatigué par toutes ces épreuves depuis 3 ans. Je suis surprise par son âge. Je lui donne quelques années de plus. Il n`est pas vexé, il me dit : c`est la guerre.

Vais manger avec eux dans la cantine. J`adore la cuisine ukrainienne, elle me rappelle les plats à ma grande mère. Tout est fait maison. Ils sont très galants, ils me laissent se servir en première. Un plat copieux, quelques salades au choix, un kompot- la boisson traditionnelle aux fruits dans les pays de l`est. Je suis heureuse de constater que malgré les conditions modestes ils me manquent pas de nourriture. C`est la débrouille mais cela se passe plutôt bien. Les Ukrainiens sont généreux. Depuis le début de l`agression russe en 2014 les Ukrainiens se battent sur tous les fronts. Il faut savoir que la guerre ne se déroule pas uniquement sur les champas de batailles. Pour que ces hommes puissent se battre l`énorme infrastructure est nécessaire. Et le soutient du peuple aussi. Tout est géré par une équipe de volontaires. Ils collectent l`argent, la nourriture, vêtements, fournissent des véhicules, médicaments, assurent des livraisons diverses, aide médicale, logent et nourrissent les soldats durent leurs trajets. Des centres pour les combattants se trouvent souvent près de la gare, faciles à trouver. On peut y dormir et manger gratuitement. Les gens viennent aider souvent après leur travail, j`ai rencontré aussi quelques dames retraitées. Elles cuisinent, font le ménage, la lessive…

La cantine chez Aratta

Cessez de croire à ce grossier mensonge russe qui dit que la guerre en Ukraine est une guerre civile entre les russophones et la population d`origine ukrainienne, des « méchants » nationalistes de l`ouest du pays… Ce n`est pas une question de langue, ce n`est une question d`idéologie, ce n`est même pas une question d`origines ethniques ! C`est juste une question de domination, des intérêts

économiques et des enjeux stratégiques et géopolitiques. Une question d`argent aussi. De beaucoup d`argent…La Russie ment et mentira encore parce que elle ne veut pas dire au monde : « nous voulons envahir l`Ukraine » Pourtant vous l`avez fait alors admettez et assumez le ! Enfin le chauvinisme russe trouve toute son expression ici. La presse russe s`acharne à dénigrer la nation ukrainienne et leur pays. Ils s`occupent tellement de l`Ukraine qu` ils oublient parfois la triste réalité en Russie : la pauvreté, l`alcoolisme, l`infrastructures du pays en ruine, la pollution, retard technologue, problèmes sociaux, le régime poutinien, l`état policier, la corruption et ainsi de suite. Se concentrer sur l`Ukraine sert à détourner l`attention de Russes de leurs propres problèmes. C`est justifier aussi l`annexion de la Crimée et la guerre dans le Donbass. Nous voulons aider…non, vous voulez agresser ! Ainsi j`ai fait connaissances avec quelques Russes, des gens nés parfois à Moscou qui ont choisi le camps ukrainien. Une dame s`explique visiblement irritée. Elle fait des gros gestes avec son couteau de cuisine : vous étiez pas à Moscou quand Poutine a pris le pouvoir. Nous étions pas d`accord car nous savions que ce type est extrêmement dangereux et il finira de mener notre pays à la catastrophe. L`ancien colonel de l`aviation soviétique m`explique : l`histoire ce répète. Marre de ces mensonges. J`étais souvent en Afghanistan pendent la guerre. J`ai vu des hangars remplis de cadavres. J`en ai rapatrié des milliers dans mon avion. Il en était interdit d`en parler à nos familles. Il cachent toujours la vérité au peuple. Regardez ces cimetières sauvages en Russie. Ils sont tous enterrés comme des chiens, juste un numéro dans un trou. Et ils osent encore affirmer que l`armée russe ne participe pas aux combats en Ukraine, que la Russie n`envoie pas là bas ces mercenaires ! C`est tout ce que nous sommes pour Poutine : un numéro dans une tombe. Ils ont trouvé une excuse futile pour justifier l`agression en Afghanistan. C`est pareil maintenant. On m`invite chez ces citoyens russes qui soutiennent l`Ukraine. Je vois des drapeaux jaunes et blues partout. Ils parlent avec le mépris de Poutine et tous ces gens qui cautionnent sa politique.Nous voulons vivre en paix, nous ne voulons pas voir nos fils partir tuer nos frères slaves et mourir de façon anonyme pour satisfaire ce mégalomane.Poutine dépense des milliards pour mener des guerres alors que nos concitoyens vivons parfois dans l`extrême pauvreté, ils meurent parce que ils ne peuvent pas bénéficier des soins médicaux, touchent des salaires et retraites de misère, vivent sans gaz, l`eau courante et canalisations. Et nous voulons imposer cette misère aux autres ! De quel droit ? Je sens beaucoup de colère et l`incompréhension. Voila pourquoi tant des Russes s`opposent à cette folie. Ils ont choisi leur camp. Le camps de ceux qui se battent pour la liberté et meilleur avenir. En Ukraine ils se sentent comme chez eux. Ils parlent la même langue, sont très proches culturellement. Malgré 5 années de guerre ils ne sentent aucune agressivité de la part des Ukrainiens de souche. Ils mènent le même combat et c`est ça qui compte vraiment ! Vu que l`infrastructure des bataillons repose sur volontariat un retraité me dit : j`ai donné ma vieille voiture soviétique. Elle fonctionnait encore bien et moi j`en ai plus besoin. Elle est partie au front avec l`aide humanitaires, des dons. Les gens apportent parfois des bonbons, chocolat, du café et du thé. Et surtout beaucoup de sucre car les Ukrainiens aiment leurs boissons très sucrées. C`est grâce à ces dons que les soldats peuvent manger, s`habiller et se soigner. Les médicaments et le matériel médical est hors de prix dans ce pays. J`ai eu le plaisir de faire connaissance avec Lucia, une psychologue qui apporte son aide aux soldats traumatisés. Elle travaille bénévolement au centre dans la ville de Zaporojie et séjourne régulièrement dans le Donbass.

Vladimir, un dentiste l`originaire de Lviv collabore avec elle. Chacun met ces compétences au service des combattants. Galina, la responsable du centre a perdu son fils sur le champ d`honneur. Il était

très jeune. Je ne sais toujours pas quoi dire face à ces personnes qui me parlent de leurs proches perdus dans cette guerre. J`ai rencontre une femme sniper, elle parti au front sans expérience, une tête brûlée au caractère bien trompé. Elle me raconte son parcours, je reste la bouche bée. Je me dis que c`est l`Ukraine ne se rendra jamais parce que les gens comme elle ne les permettront pas

Le centre d`accueil pour les combattants à Zaporijjia

La Russie ainsi que le service de propagande de séparatistes nous donne l`imagine péjorative de ces combattants. Des histoires horribles montées de toutes pièces circulent à leur sujet. Elles sont sensées choquer l`opinion publique et créer le sentiment d’empathie pour la partie adverse. Ces pauvres « insurgés » qui emploient tout de même l`arment lourd hors de prix depuis 5 ans…avec l`aide de qui et avec quel argent ? Est-ce que l`Europe se pose vraiment la question. Au fond oui, mais on ferme les yeux. Surtout ceux qui voient en Poutine un homme de qualité, un vrai chef d`état.Et ceux qui veulent faire les affaires avec la Russie. L`argent n`pas d`odeur. Alors on peut facilement s`imaginer les hommes d`Aratta armés jusqu`à dents, crânes rasés, endoctrinés, gonflés à bloc. Des machines à tuer, tous jeunes et très bien entrainés. Rien de tout ça. Le bataillon vit à son rythme, ne dépond de personne. Il a ses propres règles et ces propres valeurs loin de la politique officielle de Kyiv et loin de discours démagogiques. Le bataillon a une ligne de conduite qui n`a rien à voir avec les structures d`état. Cela fait sa particularité. Ici n`importe qui peut servir, n`importe qui peut apporter son aide. Ce qui compte c`est la survie de l`Ukraine dans ces temps difficiles. La Russie déploie sa propagande sur le territoire ukrainien depuis des années et cela a commencé bien avant Maïdan. Elle a tout de même réussi de convaincre certains Ukrainiens que ces gens sont extrêmement dangereux et haineux, prêts à tout, assoiffés de sangs, des sauvages en route pour l`est du pays. Toutefois la majorité des Ukrainiens ne fait pas la différence. Ce sont des patriotes, c`est tout. Pourquoi d`ailleurs devrait-on faire la différence ? Chaque de ces hommes et femmes a son propre discours politique. Certains soutiennent le gouvernement, d`autres pas…chacun a sa manière de voir la situation dans le pays, chacun voit l`avenir différemment, chacun a ses politiciens fétiches, chacun à ses propres solutions. En bref ils représentent tous les horizons, un échantillon de citoyens ukrainiens, rien de plus. Pas un seul me dit la même chose, la perception des problèmes n`est pas la même. Il est difficile de faire le profil moyen de chaque volontaire. La situation du pays est très complexe et il est tout a fait normal que les avis divergent. Tout est loin d`être aussi simple et évident que des médias russes et pro russes ont l`habitude de nous présenter. Il est absolument aberrant de croire que dans ces bataillons il n`y pas de russophones et tout le monde vient de l`ouest du pays. Parmi les combattants je rencontre les habitants du Donbass, rien de plus normal. Au font pourquoi cela devrait-il être autrement ?Le responsable sur place est un jeune homme de 34 ans, Anatoliy. Son épouse attend un enfant.Elle est allée en Pologne pour gagner de l`argent, enceinte. La vie est dure en Ukraine. J`ai rarement rencontré quelqu`un qui dégage autant d`humanité. Un homme qui prend les choses avec beaucoup de philosophie. Je me dis que c`est fort dommage que son point de vue sur des principaux problèmes politiques et sociales n`est pas partagé d`avantage. Le monde serait sûrement meilleur. Il est très tolérant et ouvert. Sans haine et l`extrémisme de tout genre. Il relativise beaucoup, même s` il s`agit des Russes et le terrorisme dans le monde. Il me dit que la religion n`est pas responsable mais ceux qui s`en servent pour commettre des actes de barbares. C`est comme tous ces Russes qui sont manipulés par le Kremlin et viennent se battre contre lui. Sa vie était bien tranquille avant. Tout comme pour ses frères d`armes. Il avait une petite maison jumelée, une famille. Un homme simple, modeste, authentique. Il est rentré à la fac de droit, ensuite en 2014 il a rejoint l`armée régulière et finalement opté pour un bataillon. Il s`occupe de la logistique, organisation, volontariat, rotations des soldats. En bref il commande la base de Yourivka, c`est lui le chef. Il me rappelle une fois de plus l`histoire de ces bataillons. C`est l`agression russe et non le contraire qui a déclenché une vague de patriotisme parmi les Ukrainiens. La résistance n`est pas un crime, c`est un devoir. Les premiers bataillons étaient pratiquement tous formés de russophones ce qui est

finalement logique car ils étaient en première ligne en Crimée et dans le Donbass. Ils sont majoritaires dans ces régions. Être russophone ne veut pas forcement dire être d`origine russe et encore moins être un séparatiste. C`est une l`histoire simpliste que la Russie sert à tous ceux qui sont incapables d`approfondir le sujet.Evidement le nationalisme ukrainien existe, ce pays ne fait aucune exception. Les gens plus au moins radicaux participent à la vie politique. Rien d`exceptionnel surtout si on observe la montée de l`extrême droite dans toute l`Europe. Par contre le phénomène n`est pas aussi important que les ennemis de l`Ukraine prétendent. Parmi des centaines de drapeaux ukrainiens et européens à Maidan il y avait quelques drapeaux rouges et noirs, le symbole du nationalisme ukrainien. Le fait scrupuleusement surexploité par la TV russe. Il fallait trouver l`amalgame facile, quelque chose qui fait peur. Pour commencer l`idée de l`associer le nationalisme ukrainien au fascisme est totalement absurde et incompréhensible mais tant que le message passe auprès de large publique personne ne se soucie si l`idée est vraiment plausible. C`est ainsi que naissent toutes les mystifications et fake news. Ensuite on invente les bus remplis de nationalistes qui roulent vers Donbass pour arracher la lague à ceux qui parlent le russe (sic !) Une fois ces absurdités passées auprès de fans de Poutine, admirateurs de la Russie et autres idiots utiles elles persistent toujours et encore parce que certaines ne cherchent pas savoir et d`autres font tout pour les entretenir. La Russie dépense énormément d`argent pour dénigrer l`Ukraine et ces défenseur. La crédibilité n`a pas importance, c`est l`impact sur le public qui compte. Anatoliy met également l`accent sur le fait qu`avant 2014 l`armée ukrainienne était très faible, rangée par la corruption, l`incompétence, manque des moyens et surtout la trahison. Cela explique l`inertie de l`armée ukrainienne au début du conflit. Elle était paralysée non seulement par des changements au gouvernement après Maidan mais surtout par le commandement pas toujours fidèle à Kiyv. L`Ukraine a payé très cher la trahison de ces hauts officiers. Des gens comme Anatoliy ne pouvaient pas rester passifs face à cette situation désastreuse .La colère et l`incompréhension gagnait du terrain parmi les soldats fidèles au gouvernement. Parmi les civils. Il fallait prendre des armes et se battre. A leur manière, efficacement. Sans traitres. Grâce à lui et ces compagnons Poutine n`pas pu l`annexer la partie orientale et méridionale du pays. Voilà pourquoi la Russie consacre autant d`énergie pour diffamer ces hommes.

Anatoliy et ces frères d`armes sont tout sauf des néonazis. Ils organisent l`éducation patriotique des citoyens. Ils se battent non seulement sur le front mais aussi dans la société civile. Pour une nation plus consciente, plus responsable. Pour que la mentalité change. Ne plus accepter la corruption qui range toujours le pays. Dénoncer les coupables et les traduire devant la justice. Une chose encore peu courante parce que les gens ont peur d`en parler ouvertement. Ou parce qu`ils s`en fichent tout simplement.C`est un secret de Polichinelle que les fonctionnaires ukrainiens touchent encore des pots de vins. Une vielle habitude difficile à éradiquer. Primo les salaires sont très bas, secundo les gens pensent que donner un pot de vin accéléra la prise en mains de leur affaire. Un cercle vicieux. Je rencontre Iourii qui me parle de ces problèmes. C`est un activiste. Il est psychologue, actuellement il est formé pour prendre en charge ces compagnons d`armes traumatisés.

Le bataillon organise également les rencontres avec la jeunesse. Il est importent de sensibiliser et éduquer. Montrer aux jeunes que la société peut changer, que l`avenir du pays repose sur la responsabilité civile de chaque citoyen. Et finalement leur faire prendre conscience qu`Ils sont Ukrainiens, que cette nation existe depuis longtemps et elle a ces propres traditions et valeurs, que l`Ukraine ne devra plus jamais exister comme un vassal russe. Apprendre à résister, se sentir fies. Leur dire que la liberté ne se donne pas, elle se prend. Que tout n`est pas acquis, au contraire, que le danger est toujours présent et l`ennemi mortel ne lâchera pas sa prise facilement.

Devant les bâtiments je vois une ambulance. C`est juste un véhicule sans équipement standard. J`apprends une chose inacceptable : le bataillon doit se débrouiller seul avec ses blessés, la situation est encore pire en cas de décès. Une fois de plus le statut particulier du bataillon ne facilite pas des choses. Ces n`existent pas an tant que les combattants donc ils n`existent pas an tant que les blessés de guerre. Comme d`habitude tout est coordonné par une équipe de volontaires. Leur enthousiasme et le dévouement sauvent des vies. Des situations absurdes au lieu à l`hôpital quand le bataillon amène un blessé. Il faut tout simplement mentir, dire que c`est un accident et non une blessure de guerre ! Le personnel est compréhensible, il a l`habitude. Officiellement donc le cas est classé dans la case accident. Les choses se compliquent quand le blessé nécessite un traitement postopératoire, une physiothérapie par exemple. Les moyens manquent cruellement. C`est grâce à la mobilisation extraordinaire des médecins et autres professionnelles de la santé que la prise en charge médicale est assurée. Ils ne comptent pas leurs heures, ils travaillent à titre bénévole. Mais c`est loin d`être suffisant. L`Ukraine manque des centres spécialisés. Les traitements sont très longs et couteux surtout quand il s`agit des personnes traumatisés physiquement et psychologiquement. Beaucoup de combattants nécessitent un suivi médical, les places manquent. Certains font des tentatives de suicides. Il est très difficile de lutter contre ce fléau, faire de la prévention. La Croix Rouge Internationale fait se tourner sur la ligne du front, tout comme l`OSCE. Ce sont des fonctionnaires qui font leur travail. Des rapports officiels, rien d`autre. En réalité les Ukrainiens savent très bien que sur le terrain ils sont tout seuls. La communauté internationale est de plus en plus indulgente avec les frasques de Poutine. L`intérêt pour l`Ukraine baisse parce que le monde veut faires des affaires avec la Russie. C`est la triste vérité sur ce conflit.

En attendent l`Aratta ne baisse pas les bras. J`ai eu l`immense plaisir de rencontrer ces hommes extraordinaires, tous très différents. Jeunes et âgés. Andriy qui malgré ces graves problèmes de santé est toujours là. Il a 62 ans, il est insulinodépendant. Il se bat depuis le début, il a même publié ses souvenirs du front. C`est un véritable dur à cuir, avec lui les séparatistes ont encore des soucis à se faire. Il ne cédera pas, il a une volonté de fer. Tant qu`il pourra il résistera. Il est très bavard, curieux, sympathique. Et surtout très drôle. Ces anecdotes font rire ces compagnons d`armes.

Andriy, photo l`auteure

Dil me raconte que dans le Donbass la mentalité est très différente d`une localité à l`autre. Ainsi les villes voisines peuvent être à majorité pro ukrainienne ou pro russe. Finalement rien n`est encore terminé. Il espère tout simplement que ce cauchemar sera bientôt terminé.

Oleg, un vieil homme anime les soirées avec sa guitare. Ses chansons sont aussi touchantes que lui-même. Elles sont surtout patriotiques, elle parlent de la guerre et des sacrifices de ces frères d`armes.

Oleg, photo auteure

Ces hommes ne sont pas tous nés en Ukraine, ils sont venus la défendre. C`est une question des principes, pas d`idéologie. Un autre homme solitaire avec son chien blanc me dit : « je suis juive polonais, je suis né près de Vladivostok »Au fond les origines ne sont pas importantes, l`essentiel c`est de s`opposer à la dictature de Poutine, à la politique impérialiste russe. Parce que il ne s`arrêtera pas et c`est en Ukraine que se joue la paix mondiale. C`est une boîte de Pandore que nous ne pouvons se permettre d`ouvrir. Ces hommes l`ont bien compris. Pas nos politiciens, ils prêts à faire signer le pacte avec le diable. Comme à Munich en 1938. Effroyable. Une chose est sûre : si je devrais traverser un champ de mines ce serait avec ces hommes. Les démineurs travaillent toujours près de la ligne du front. Leurs véhicules sont garés au bord des routes. Ce travail prendra encore des années. Il est très dangereux de se balader dans le secteur. Au poste de contrôle les soldats nous refusent le passage sur les lignes du front. Ces hommes se battent parmi les marines ukrainiens mais officiellement on ne veut rien savoir…Alors le soldat qui conduit notre véhicule s`éloigne et comme d`habitude traverse les champs pour rejoindre ces frères d`armes. Rien les arrêtera. RIEN.