un vieux stéréotype epistémologique: les "deux" religions

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EHESS Un vieux stéréotype epistémologique: Les "deux" religions The Religious Experience. A Socio-Psychological Perspective by C. Daniel Batson; W. Larry Ventis Review by: Jean-Pierre Deconchy Archives de sciences sociales des religions, 28e Année, No. 55.2 (Apr. - Jun., 1983), pp. 175-181 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30121565 . Accessed: 12/06/2014 15:00 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.109.119 on Thu, 12 Jun 2014 15:00:02 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Un vieux stéréotype epistémologique: Les "deux" religionsThe Religious Experience. A Socio-Psychological Perspective by C. Daniel Batson; W. LarryVentisReview by: Jean-Pierre DeconchyArchives de sciences sociales des religions, 28e Année, No. 55.2 (Apr. - Jun., 1983), pp. 175-181Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30121565 .

Accessed: 12/06/2014 15:00

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Arch. Sc. soc. des Rel., 1983, 55/2 (avril-juin), 175-181 Jean-Pierre DECONCHY

UN VIEUX STEREOTYPE EPISTIMOLOGIQUE: LES DEUX RELIGIONS

Apropos de: C. Daniel BATSON et W. Larry VENTIS: The Reli- gious Experience. A Socio-psychological Perspective, New York-Oxtord, Oxtord University Press, 1982, VII-356 p.

De nombreux (non-dits ) traversent la psychologie de la religion, qui brui- tent son outillage conceptuel et qui peuvent entraver son developpement. Parmi ceux-la, il y a la tendance, assez constante dans notre champ de recherche, a dis- tinguer deux types de religion. Dans cette distinction persistante, il serait capi- tal, du point de vue epistemologique, de pouvoir demiler ce qui releve d'une ty- pologie scientifiquement validee et ce qui pourrait relever de la reprise - instinc- tive ou apologetique- des critdres d'dvaluation propres aux tenants des syste- mes religieux dont il s'agit pourtant de rendre compte des fonctionnements.

La oi cette strategie d'analyse est la plus evidente et oi, par ailleurs, elle se donne les fondements scientifiques les plus elabores, c'est probablement dans le couple operatoire extrinsecisme/intrinsicisme equipe par Allport. I1 est quelque- fois considere comme une (<dimension > particuliere de l'attitude religieuse A mettre en parallele avec d'autres: dimension intellectuelle (Glock, 1962) ou co- gnitive (Fukuyama, 1961); ideologique (Glock, 1962) ou doctrinale (Fu- kuyama, 1961); ~ experientielle (Glock, 1959), a devotionnelle (Fukuyama, 1961) ou ((devotionaliste ) (Lenski, 1961); cultuelle (Fukuyama, 1961), associa- tionnelle (Lenski, 1961) ou ritualiste (Glock, 1962); consequentielle (Glock, 1962). En fait, il est d'un autre type et d'une autre teneur, ne serait-ce que parce que son elaboration a connu un certain nombre d'ajustements successifs. Peu a peu, en effet, Allport a transform6 la dichotomie religion personnelle/religion institutionnelle des debuts (Allport, 1955, pp. 451-456) en un continuum (ex- trinseque-intrinseque plus subtile. D'abord perqu pour lui-mime comme evoquant une religion associee avec le prejuge ethnique (Allport, 1960), I'extrin- secisme (ou la religion ne joue qu'un r6le instrumental) devient ensuite l'un des p61es d'un continuum qui l'oppose a l'intrinsecisme (oi la religion est coexten- sive a la vie et A l'engagement interieur), comme 6tant deux p6les-types de l'affi- liation religieuse (Allport, 1966; Allport et Ross, 1967).

Alors mime que, sous de multiples aspects, I'entreprise d'Allport est exem- plaire et que le modele qu'il a mis en forme s'est r6vele d'une bonne fecondite,

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on ne peut pas ne pas s'apercevoir qu'elle est travaillee, en sous-main pourrait- on dire, par un jeu d'evaluations qui n'est pas porte et regle par la seule analyse scientifique. Quoi que l'on en dise et, d'ailleurs, quoi que l'on veuille faire, I'ins- trument recourt probablement a une grille d'analyse informulee qui permettrait de distinguer entre elles la ( bonne ) attitude religieuse et la s moins bonne ) atti- tude religieuse, selon des criteres inevitablement polysemiques. Cette axiologisa- tion latente de l'instrument de recherche, on peut la percevoir, souvent de fagon moins axiomatisee que chez Allport, dans diverses typologies: peut-&tre celles du ((committed) et du ((consensual) (par exemple: Allen et Spilka, 1967), du ((mythological) et du <<symbolic (Hunt, 1972), du <<behavioralb et de 1'a idea- tional) (Himmelfarb, 1975), de l'<<acted out)) et de l'<<internalizeds (Roof, 1979). Cette axiologisation et cette evaluation, nous avons djit essaye de mon- trer qu'on les retrouvait, en action pourrait-on dire, lorsque l'on met en regard la notion de Locus of Control avec certains indicateurs religieux (Deconchy, 1978).

Dans l'axe de cette problematique, on peut se demander si, en repercussion i cette distinction latente entre la (bonne) et la ~ moins bonne)) attitude reli- gieuse, '1 authentique ) et la ( moins authentique n, la distinction entre deux ty- pes de psychologie de la religion (Sullivan, 1962) et de strategies de recherche (Havens, 1961) ou mime de mesure (Dittes, 1971) ne tend pas quelquefois i &tre accreditee. Les recentes reflexions de Wuthnow (1981) sont, a ce point de vue, tout i fait eclairantes. Il resterait a se demander si, a l'intersection de ces deux distinctions, I'une de ces deux psychologies de la religion (celle qui s'interesse aux comportements et aux interactions cadres et contrdles par un champ social complexe et plus ou moins institutionnalise) ne tend pas quelquefois a &tre con- sider~e comme une psychologie de seconde zone. Alors mime que ce genre de psychologie ne pourrait, sans illusion, croire qu'elle peut, a elle seule, epuiser son objet, on ne voit pas bien quels criteres scientifiques pourraient fonder cette evaluation.

De ce point de vue, l'entreprise de Daniel Batson et de Larry Ventis nous parait salubre. Ils examinent la question des ( deux religions > - notamment a partir du modele d'Allport- au seul plan de la recherche empirique, sans trop se refrer au probleme - que nous croyons fondamental - des conditions concretes et des finalites ideologiques qui interviennent dans la production d'un outillage conceptuel particulier. En montrant qu'il n'est pas seulement deux mais trois formes possibles de l'experience religieuse, ils aident a depasser les dichotomies factices et ideologiquement assumees. C'est sous cet angle d'analyse que nous avons choisi d'introduire a la lecture de cet interessant ouvrage: il est pourtant certain que, dans cette synthese qu'ils font de leurs recherches, bien des apports et bien des modes d'approche apparaitront nouveaux et stimulants.

* *

Dans l'introduction de leur ouvrage, C. Daniel Batson et W. Larry Ventis presentent la methode scientifique comme un ensemble de procedures visant ga developper des theories basees sur des observations empiriques..., et a tester ces theories par le recours a des observations ulterieures (p. VI). Dans leur conclu- sion, ils ecrivent que, pour eux (ce qui caracterise en propre la m&thode scienti-

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fique, c'est un tout articule fait de scepticisme, de recours a l'empirique et d'in- vestigation systematique (p. 313). Si le programme est done identique au long d'un itineraire tout a fait passionnant, les embilches du chemin - surmontees ou contournees - ont peut-6tre finalement contribue i temperer la rigueur du pro- pos initial.

Plut6t que de construire un Manuel ou de proposer une Somme des con- naissances acquises, il s'agit pour les auteurs de baliser un espace de reflexion oii pourrait prendre corps, i plus ou moins longue echeance, une veritable psy- chologie sociale de la religion (chapitre 1). De la religion, ils donnent une defini- tion dont ils pergoivent eux-mames les ambiguites: est religieux ou sera tout au moins tenu pour tel ( tout ce qui nous amene, en tant qu'individus, i prendre en charge de fagon personnelle les questions qui naissent du fait-mime que nous savons que nous sommes vivants -et d'autres avec nous- et que nous devrons mourir)) (p. 7). Par ses resonances tillichiennes, la definition risquerait, d'em- bl6e, de detourner la reflexion sur des concordismes psycho-theologiques aussi brumeux qu'usuels et, par ses saveurs existentielles, elle pourrait la faire s'ext- nuer dans une certaine psychographie clinique, si la position des auteurs ne se revelait ici tout i fait originale. C'est en effet en recourant a des cadrages -peut-&tre mdme i des ((falsifications)) de genre popperien- empruntes i la psychologie sociale experimentale ou quasi-experimentale qu'ils ont l'intention de baliser cet espace de reflexion. Il le feront sans dogmatisme et avec le sens aigu des limites actuelles de la discipline: limites dont on ne sait trop si elles sont de simple conjoncture ou si elles sont revelatrices, en meme temps que constitutives, de la singularite de son objet.

Le corps de l'ouvrage se compose de deux volets adroitement articules en- tre eux. Trois chapitres tendent i cerner la (nature)) de l'experience religieuse. En fait, par-delt ce concept problematique, il s'agit bien, pour les auteurs, d'en etablir quelques causes (quelques variables independantes, si l'on veut). Au trois niveaux oif le jeu des causalites est explore, la procedure d'analyse adopte un mme modele: on evoque un ensemble de faits ou de donnees plus ou moins bruts, on y decele un certain isomorphisme avec les faits et les donnees dont tel ou tel systeme theorique est djai parvenu i rendre compte au moins partielle- ment, et l'on retourne t une observation plus systematique du champ psycho- social en le mirant au travers de ce systeme thborique ou au travers de l'un de ses secteurs.

Ainsi en va-t-il pour l'etude des sources sociales de la religion personnelle (chapitre 2). Apres avoir montre que l'experience religieuse, au mime titre que toutes les autres experiences humaines, s'adosse i tout un background social re- fracte par l'emprise des normes, des r6les et des groupes de reference, Batson et Ventis analysent pourquoi les ((causes)) qui interviennent ici ne le font pas de fagon massive et univoque. Dans un axe de reflexion un peu devie, ils montrent que les liens &tablis entre l'emergence de l'experience religieuse et certaines don- nees signaltiques ou situationnelles (ige, sexe, statut socio-economique, niveau d'etudes, etc...) renvoient ai une approche descriptive et non pas explicative, en ce sens que leur evocation n'en appelle t aucune elucidation de genre theorique. Appel est alors fait aux modeles ((interactionnistes,) de Bandura (determinismes reciproques entre les processus intra-individuels, l'environnement physique ou social, le comportement de l'individu lui-mime generateur de champs nou- veaux): outillage qui permet d'organiser et de donner une forme i un ensemble

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d'autres observations et qui introduit la strate suivante d'analyse. L'experience religieuse apparait egalement, en effet, -de multiples exemples sont rappor- tes-, comme une operation de re-creation personnelle (chapitre 3), presentant des analogies avec certaines strategies cognitives que les psychologues de la creativite intellectuelle ont mises en lumiere: notre reel est construit (par exem- ple: Wertheimer et l'Pcole de la Gestalt; Ornstein...) i partir de nos propres structures cognitives (p.e. Hastorf et Cantril) elles-mames hierarchisees (Schro- der, Driver et Streufert) et susceptibles de toujours plus de raffinement, selon des etapes de mieux en mieux connues (Graham Wallas: preparation, incubation,il- lumination, verification) et sur la base de fonctionnements physiologiques. Se- ion les auteurs, on peut trouver des structures et deceler des sequences similaires dans des situations oui les problemes i traiter ne sont plus seulement d'ordre in- tellectuel mais oi ils sont de vibration existentielle: ici encore, la documentation est exceptionnellement riche. En fait, le tout peut &tre integre a une theorisation plus generale portant sur la construction de la pensee non-logique et sur les cau- salitis ((interactionnistes)) qui y interviennent. Il est vrai que l'experience reli- gieuse peut-&tre facilit&e (chapitre 4) par des modifications de l'organisme lui- mime: drogues psychedeliques et meditation transcendentale. Nous avouons avoir moins bien compris le r6le que jouerait, i ce niveau, e le langage religieux ) et I'exacte nature de celui-ci.

Sous la pression de la problematique, une question nait d'elle-mime, dont la solution au moins hypoth&tique servira d'articulation entre les deux volets de l'ouvrage (((causes) et ((effets ~): dans tout cela, de quelle religion s'agit-il? Dans la foisonnante nebuleuse des experiences, des attitudes, des conduites et des comportements empiriquement reperables auxquels, de soi, renvoie la defini- tion un peu pitteuse du depart, n'est-il pas besoin de discerner ou, surtout, d'operer certains clivages (chapitre 5)? De ces clivages, Batson et Ventis analy- sent avec une lucidite quelquefois ravageuse les plus disponibles d'entre eux: ce- lui deja opere par Adorno entre ((religion neutralisee et <(religion prise au se- rieux n, celui d'Allport qui, apres divers titonnements (religion (mature ) et reli- gion (immature)), introduit la celebre distinction entre l'Extrinsecisme religieux et i'Intrinsecisme religieux; celui de Spilka entre le ~consensual et le ((commit- ted >. De cette derniere distinction les auteurs pensent, apres examen de la pro- duction correspondante, qu'il s'agit d'un simple doublet des conceptions d'All- port premiere maniere. Mais surtout, apres le traitement secondaire d'un bon nombre de publications, ils croient pouvoir dire que 1' intrinsecisme d'Allport, loin de refracter une religion vecue dans un desinteressement interieur et savou- reux, renvoie probablement a la devotion intense et rigide i l'egard de croyan- ces et de pratiques orthodoxes ) (p. 145). Ils introduisent alors l'idee d'une troi- sieme dimension possible de l'attitude religieuse: celle qui ne pergoit la religion ni comme ((fin)) (Intrinsecisme) ni comme ((moyen)) (Extrinsecisme), mais comme ((recherche ) (Quest) et qui implique ((une disponibilite grand-ouverte a affronter les questions ultimes et existentielles que pose la vie, en mime temps qu'un certain scepticisme quant t la possibilith qu'il y a de leur apporter des re- ponses definitives e. Pour accrediter cette troisieme dimension et lui donner une portee operatoire, les auteurs resument un certain nombre de recherches dont la plupart ont ete menees dans leur propre laboratoire. Quoi qu'il en soit, c'est armes - si l'on peut dire - de cet outillage tri-dimensionnel qu'ils peuvent alors passer a l'examen du second volet de l'ouvrage. Quels sont les effets (les varia-

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bles dependantes, si l'on veut) de l'experience religieuse ? On pressent naturelle- ment qu'ils seront differents selon le type d'attitude portee et portante de cette experience.

La procedure d'analyse est differente de ce qu'elle avait ete dans la pre- miere partie de la recherche. I1 faut le dire: elle est d'une tres grande richesse et d'une grande originalite. Pour chacun des trois jeux de comportements que l'ex- perience religieuse est censee se susciter, on commence par mettre en place un certain nombre d'apories apparemment insurmontables, puis on resume -dans des tableaux qui rempliront de reconnaissance l'enseignant en gestation d'ex- pose comme ils rejouissent deja le theoricien- la litterature existante, dont on montre que les contradictions ne sont surmontables qu'en recourant a la typolo- gie Extrinsecisme -Intrinsecisme- Recherche, avant que les auteurs ne pre- sentent leurs propres travaux experimentaux dans le champ considere. Il ya la une abondante documentation et une maitrise de cette abondance qui nous pa- raissent rares.

C'est de cette fagon qu'est abordee la question de savoir si la croyance est liberatrice ou si elle est asservissante (chapitre 6). En soi, elle devrait pouvoir soulager le croyant de trop lourdes anxietes existentielles; ( en mime temps, elle paralyse le croyant et le dissuade de refltchir de fagon libre et critique sur sa ve- rite et sur sa valeur,: tout cela, en fonction du besoin de consistance cognitive que la psychologie sociale la plus traditionnelle a largement explore (au pas- sage, le celebre ouvrage de Festinger, Riecken et Schachter est analyse avec beaucoup de finesse et sans reverence excessive). Les procedures d'analyse se- condaire que nous avons evoquees montrent alors que la religion extrinseciste est pluttt associee avec une moindre perception du sens de la vie et avec une plus grande anxiete devant la mort et, a coup stir, avec une representation op- pressive de la religion et de ses obligations; la religion intrinseciste serait liberte de ces contraintes mais elle susciterait peu de reflexion critique sur ce qui la fonde justement en tant que religion; la religion ( recherche ,,, proche de la pre- cedente, preserverait pourtant la capacite a la liberte critique.

A propos des liens qui existeraient entre la religion et la sante mentale (cha- pitre 7), le modele se complexifie encore par le fait que, de cette sante mentale, les conceptions et les definitions abondent. Les auteurs en distinguent sept qui prennent plus ou moins leurs distances avec la conception d'une sante mentale qui ne serait qu'absence de maladie ou de dysfonction sociale. L'attitude reli- gieuse BE,,) ne favorise en rien la sante mentale, quelles que soient l'idee que l'on s'en fait et la dtefinition que l'on en donne; si l'attitude religieuse I,

est souvent associee avec une bonne capacite a contrtler ses propres faits de vie, il est peu probable qu'elle favorise la souplesse et la disponibilite mentales; l'attitude reli- gieuse ((Q,, preserverait cette souplesse et cette disponibilite.

C'est sous deux angles d'approche diffTrents qu'est finalement examine le lien entre l'experience religieuse et les comportements pro-sociaux (chapitre 8): celui des prejuges (ethniques ou autres) et celui des comportements d'assistance (dont on sait que Daniel Batson est l'un des meilleurs specialistes). En ce qui concerne les premiers, a les prendre de fagon massive, les resultats de multiples travaux montrent, sans contestation possible, que, ((aux U.S.A., au moins pour les chretiens des classes moyennes, la religion est (...) associee avec une intole- rance, un fanatisme et des prejuges accrus ,,, en comparaison avec ce qui se

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passe chez les sujets non-religieux. Premier clivage, toutebfois: parmi les sujets ((religieux n, ce sont ceux qui le sont le moins qui font preuve de cette plus grande rigidite dans l'analyse des interactions sociales. A considerer les deux re- velateurs, les ((religieux ) de type E sont les plus intolerants et ne font preuve que d'une compassion mitigee pour ceux qui sont dans le besoin; ceux du type I en appellent tres haut a la tolerance, i l'extinction des prejuges et au respect des gens dans le besoin, mais sans trop passer a l'acte (ici, certaines experimenta- tions sont frappantes); ceux de type Q, enfin, vont encore plus loin dans leur ap- pel a plus de tolerance et de respect mutuel et ils paraissent adopter les compor- tements pro-sociaux qui decoulent logiquement des convictions qu'ils procla- ment. On regrette de ne pas pouvoir suivre de plus pres tous les moments de l'ar- gumentation dont nous avons precedemment decrit les modalites.

La moindre performance de Batson et Ventis n'est sans doute pas celle de parvenir a ce que le lecteur ne croule pas sous I'information et sous son traite- ment polymorphe. Contrairement a ce que pourrait laisser penser notre compte rendu, I'argumentation n'apparait jamais comme une entreprise de vouloir, a tous prix, fonder et legitimer la dimension a Q >. Presque jamais tout au moins. Mais ce qu'il pourrait pourtant y avoir de lIgerement agagant dans ce presque se dilue avec l'espece de pirouette epistemologique du dernier chapitre (chapitre 9), brillant et juste ce qu'il faut sceptique. Car, au fond, a quoi sert de se deman- der si la religion est ( bonne pour l'homme et si c elle est de son c6te n, alors que, de cet homme, on ignore presque tout encore et que tout reste a faire?

Livre de tres grand inter&t, donc, et d'un genre theorique resolument origi- nal. Dans l'immense variete des modalites selon lesquelles les discours scientifi- ques se situent par rapport a leurs objets lorsque ceux-ci sont culturellement eti- quetes comme ((religieux n, on peut penser qu'il introduit un cas de figure nou- veau. Pourquoi ne dirions-nous pas que, a l'occasion, nous avons pourtant res- senti, non pas de la gene, mais comme un sentiment de relative etrangete ? Tou- tes proportions gardees et toutes specificites de genre respectees, nous avons quelquefois eu l'impression que, comme pour certains travaux adosses a une op- tion theologique (ce que ce livre n'est en aucune fagon), l'ensemble fonctionnait parce qu'une zone en etait fonctionnellement consideree comme intangible? Ne serait-ce pas l'arriere-fond de consensus religieux de la societe americaine qui tiendrait ici ce r6le (1978: 68% des jeunes am~ricains decrivent les sentiments qui sont les leurs en presence de Dieu; 1976: 95 % disent qu'ils croient en Dieu ou en un Esprit Universel)? Des modalites de production de ce consensus, la psychologie sociale ne devrait-elle pas tenter de rendre compte, selon les proce- dures qui lui sont propres ? L'espace balise par Batson et Ventis est incontesta- blement de ceux qui peuvent permettre a une telle psychologie sociale de pren- dre corps.

Jean-Pierre DECONCHY Universite de Paris-X Laboratoire de Psychologie Sociale

(C.N.R.S., associk d l'Universite de Paris-VII)

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