un monde de villes

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GLOBALIST VERS UN BRUSSELS, DISTRICT OF EUROPE? LES NOUVELLES VILLES AFRICAINES DE L'EMPIRE DU MILIEU NOURRIR LES CITADINS DU SUD QUELLE ACTION INTERNATIONALE POUR LA VILLE DE PARIS? L'APOCALYPSE À PORT-AU-PRINCE : UN AN APRÈS LA VILLE AU FÉMININ UN MONDE DE VILLES The Paris VOL.V N°1 JANVIER - FÉVRIER 2011 EN PARTENARIAT AVEC L’ ASSOCIATION FRANÇAISE POUR LES NATIONS UNIES

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Numéro Hiver 2011 du Paris Globalist

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Page 1: Un monde de villes

Globalist

Vers un Brussels, district of europe?

les nouVelles Villes africaines de l'empire du milieu

nourrir les citadins du sud

Quelle action internationale pour

la Ville de paris?

l'apocalypse à port-au-prince :

un an après

la Ville au féminin

un monde de villes

The Paris

vol.v n°1 Janvier - Février 2011

EN PARTENARIAT AVEC L’ ASSOCIATION FRANçAISE POuR LES NATIONS uNIES

Page 2: Un monde de villes

éditoJudith Chetrit

DOSSIER | UN MONDE DE VILLESvers un ‘Brussels, district of europe’ ?

Florian dautil

ENtREtIEN avec Bernard PIgNEROLQuelle action internationale pour la mairie de Paris ?

Propos recueillis par Judith Chetrit

ENtREtIEN avec Michèle PIERRE-LOUIS l’apocalypse à Port-au-Prince : un an après

Propos recueillis par mikaël schinazi

nourrir les citadins du sud :Quelle place donner à l’agriculture locale ?

emmanuel dagron

Counterterrorism efforts in international Cities in the age of Globalization

adeline Guerra

la ville au fémininCamille laporte

Quand le lion chevauche le dragonles nouvelles villes africaines de l’empire du milieu

romain Carlevan

Tôkyô : Quelle capitale pour l’est asiatique ?sébastien deniau

The challenging autonomy of hong kongaline marsicano Figueiredo

rePorTaGe PhoToGraPhiQuePhnom Penh la Perle de l’asie renaît lentement de ses cendres romain Carlevan

VaRIaThe forgotten conflict in Western Saharanadine ayoub

demain,en Chine,Cette 5ème génération qui se profile…Côme J. dechery

investment in clean development: The case of sub-saharan africaheidi Bruvik sæther

red lights and red herrings: The Political economy of Prostitution in Cape Townross harvey

istanbul Talesnazife ece

Cinévilles

sommaire

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The Paris Globalist prépare déjà sa prochaine publication du printemps 2011. elle conserve l'objectif principal de la revue : publier des articles qui analysent de façon exigeante les affaires internationales d'aujourd'hui.

CyberpoliTiqueS : le Web 2.0, nouveau Terrain pour leS affaireS inTernaTionaleS? les propositions sont à soumettre avant le 6 février.

Cette année, le Paris Globalist se dote d'un site internet. Consultez-le ! www.theparisglobalist.orgThe Paris Globalist est ouvert à tous les auteurs. si vous souhaitez être publié dans ses colonnes ou sur le site internet, vous pouvez soumettre votre proposition d'article à la rédaction :

[email protected]

Page 3: Un monde de villes

directrice de la rédaction :

Judith Chetrit

rédactrice en chef :

lena le Goff

editeurs :

Florian dautilCôme J. decheryoliver Gameadeline Guerraestelle halimianne isambertGuillaume kauffer

Graphisme :

solveig Ferlet

Chers lecteurs,

Plus de la moitié de la population mondiale vit dans des villes, une statistique qui a donné envie au Paris Globalist de s’attarder sur ce ‘’monde de villes’’. La ville laisse peu de gens indifférents : elle peut être l’objet d’une volée de critiques au vitriol pour son architecture verticale, des gratte-ciels qui vous donnent le tourbillon à peine arrivé. Elle est néanmoins louée pour son brassage social. La ville contemporaine est un monde en soi.

Mais, qu’arrive t-il quand ces mondes se mettent en réseau dans le cadre de la mondialisation? Les métropoles mondiales accélèrent la mondialisation. Les flux économiques et humains se développent plus vite que les lieux. S’adapter ou périr. Les villes concentrent les défis de ce monde devenu global : par exemple, les migrations d’entrepreneurs africains vers la Chine qui apportent une nouvelle dimension aux relations sino-africaines.

La gouvernance du monde a beaucoup à apprendre de la gouvernance des villes mondiales. Bernard Pignerol, conseiller international du Maire de Paris, voit ainsi la diplomatie des villes s’inspirer du modèle des cités Etats de la Renaissance Italienne. Les mégalopoles du 21ème siécle mettront-elles en danger pour autant les structures de l’Etat-nation? D’un point de vue économique, ce sont souvent quelques villes qui font la croissance économique d’un pays. Hong Kong est ainsi un challenge aujourd’hui institutionnalisé de la souveraineté chinoise en obtenant un statut spécifique en 1997. Mais le devenir d’une ville est aussi conditionné par la situation politique du pays : que devient Bruxelles si la Belgique se dissout ? Dans une interview donnée au Paris Globalist, l’ancienne Première Ministre d’Haiti Michèle Pierre-Louis nous confie que le pouvoir politique central a beaucoup à jouer dans la reconstruction de Port-au-Prince après le séisme de janvier 2010. La capitale demeure sous perfusion de l’aide internationale.

L’urbanisation est frénétique. Une étude du cabinet de conseil McKinsey prédit ainsi l’ère des villes asiatiques. D’ici 2030, 221 villes asiatiques seront peuplées de plus d’un million d’habitants. Les espaces urbains captivent une grande partie de la croissance démographique à venir. Quand l’Asie tisse sa toile urbaine, elle tisse aussi les conditions de prospérité de ses villes : un lien plus dynamique avec ses campagnes pour nourrir ses populations et ne pas tomber dans un malthusianisme stérile ou encore le développement de politiques égalitaires hommes-femmes pour permettre l’émergence d’une ‘’ville au féminin’’.

La jungle urbaine est rationalisée: l’âge d’or des villes est annoncé. Mais les villes d’aujourd’hui ne sont pas un phénomène conjoncturel : elles ont pris le temps de soigner leur identité pour mieux se projeter à l’international. Les analyses sur le marketing territorial des villes sont nombreuses. Le Grand Paris en est une bonne illustration : réconcilier le centre et la périphérie pour élaborer un projet de ville plus ambitieux. Parler d’un monde de réseaux est une initiative louable : encore faut-il que ce réseau soit déjà construit à l’échelle locale. La ville se veut le laboratoire du premier numéro du Paris Globalist de l’année 2011.

En vous souhaitant une excellente lecture,

Judith Chetritétudiante en 4ème année,

Master Affaires Publiques filière Culture

édito

Page 4: Un monde de villes

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DOSSIER | un monde de villes

VERS UN ‘BRUSSELS, DIStRIct Of EUROPE’ ?

au milieu des bannières ors au lion de sable flamandes, un drapeau belge finit de se consumer. Dans le cortège qui s’éloigne, on entend un jeune homme crier « split Belgie ! ». Dans sa main droite, une pancarte

réaffirme l’appartenance du canton Bruxelles-Hal-Vilvoorde au Brabant flamand. Si ce genre de manifestations séparatistes reste marginal en Belgique, la scission n’est plus un tabou. La question du statut de Bruxelles, devenue – lexique médiatique aidant – une « Jérusalem belge », sera au cœur des enjeux en cas de mort de l’Etat unitaire.

Si plusieurs scénarios sont envisagés, le plus ambitieux d’entre eux voit Bruxelles devenir un district européen, selon un modèle librement inspiré du Washington D.C. américain. Les partisans de cette solution se trouvent des deux cotés de la frontière linguistique. Ils la considèrent comme l’évolution logique de la ‘capitale’ de l’Union Européenne (U.E.).

On peut imaginer plusieurs degrés d’implication de l’U.E. dans un tel statut. Le premier serait de faire de Bruxelles une ville libre placée sous l’autorité européenne, à l’image de Dantzig sous la protection de la Société des Nations ou de Jérusalem sous l’égide du Conseil de tutelle de l’ONU1. Ainsi, la fin de l’Etat-nation belge marquerait le retour d’une entité politique hybride, dont les avatars récents ont été marqués du sceau de l’échec politique.

La deuxième est celui dans lequel Bruxelles devient un territoire sous administration directe de l’U.E. Cette solution constituerait une véritable révolution pour l’U.E. qui serait alors amenée à exercer une souveraineté fiscale, pénale (etc.) sur un territoire juridiquement et géographiquement défini. L’UE n’a jamais exercé ces compétences, et il est difficile d’imaginer comment celles-ci s’inscriraient au sein de sa structure institutionnelle actuelle.

De là découle la question de la représentation politique des Bruxellois. En d’autres termes : quelles institutions devraient être mises en place pour s’assurer qu’ils soient entendus par les institutions les dirigeant2? Par ailleurs, représenter une population directement au sein des institutions européennes n’irait pas sans heurts, notamment car ces mêmes institutions sont

censées incarner l’intérêt général communautaire, ne pouvant par là même être fusionnées avec un intérêt local quelconque. Enfin, une interrogation majeure est celle de la ‘nationalité’ qui échoirait aux habitants d’un tel territoire européen. Aujourd’hui la citoyenneté européenne reste conditionnée à la possession de la nationalité d’un Etat membre de l’U.E.

A ces questions un troisième scénario, développé par le groupe de réflexion indépendantiste flamand In de Warande, propose quelques réponses3. Bruxelles deviendrait certes un district européen, disposant d’une large autonomie locale, géré par l’U.E. mais aussi par la Flandre et la Wallonie. Les compétences de l’U.E. seraient définies par un accord avec Bruxelles et pourraient inclure la sécurité ou la fourniture de biens publics. Les habitants choisiraient la nationalité flamande ou wallonne, ou opteraient pour un statut spécifique avec une « sous-nationalité » flamande ou wallonne. Enfin ils seraient représentés par un haut conseil élu, composé de représentants de Bruxelles, de la Flandre, de la Wallonie et de l’Union européenne, et compétent en matière législative et fiscale. Les compétences touchant directement à l’identité flamande ou wallonne (culture, éducation) resteraient dans le giron respectif de la Wallonie et de la Flandre.

Bien qu’un des plus aboutis, il est très peu probable que ce scénario soit un jour accepté par la Wallonie ni même par les nationalistes flamands. En effet, alors que la Flandre considère Bruxelles comme une ville naturellement flamande et dont elle a fait sa capitale de région, la Wallonie est très attachée au statut de région à part entière de Bruxelles-capitale et s’opposera à l’idée d’une cogestion.

Par ailleurs, à l’instar des deux autres scénarios, il risque d’achopper sur la question des frontières de ce futur district bruxellois4. En effet, la Wallonie aimerait voir les communes dites à facilités5 de la périphérie de Bruxelles-capitale être rattachées à cette région, ce à quoi la Flandre s’oppose fermement en demandant même la suppression des facilités. Cette revendication wallonne porte des implications géographiques car son succès aboutirait à une continuité territoriale entre la Wallonie et Bruxelles, changeant la donne en cas de négociations

de sécession flamande. Ensuite l’indépendance du territoire de Bruxelles en son état actuel a peu de sens économiquement. En effet, les communes environnant la capitale belge constituent son véritable hinterland et la région Bruxelles-capitale ne correspond pas au rayonnement économique et aux réalités sociales de l’agglomération bruxelloise. Le projet d’un district européen risque donc de s’échouer sur la disparité entre territoire politique et territoire économique6.

En conclusion, si juridiquement peu ou rien ne s’oppose à la création d’un district européen de Bruxelles en cas de dislocation de la Belgique, les réalités politiques et économiques poussent à considérer cette option comme improbable. Certes, Bruxelles cristallise les rancœurs entre communautés flamande et wallonne. Mais comme le note Frank Tétart7 dans un entretien accordé au Paris Globalist « les enjeux que son statut susciterait en cas de division de la Belgique sont si énormes qu’il se pourrait qu’elle soit en réalité une des raisons qui poussent les régions flamande

et wallonne à rester ensemble – de peur d’avoir plus à perdre qu’à gagner en cas de sécession ». Enfin, dans ce débat, trop peu d’attention est portée aux désirs des Bruxellois eux-mêmes. Si l’on en croit les rares études qui sont menées, on réalise que les Bruxellois, francophones comme néerlandophones, sont plus victimes des projections nationalistes qu’acteurs de la dissension. Bruxelles, ville dont plus de la moitié de la population est étrangère ou d’origine étrangère n’est pas une ville réduite à la division flamand/wallon. Elle est internationale, européenne et restera très probablement belge.

Florian Dautilétudiant de 4ème année en Master Sécurité Internationale

2011, SUItE à La SécESSION DE La fLaNDRE La BELgIqUE IMPLOSE. BRUxELLES, cONVOItéE PaR LES cOMMUNaUtéS fRaNcOPHONE

Et fLaMaNDE cHOISIt DE DEVENIR UN DIStRIct EUROPéEN. cE ScéNaRIO ESt-IL PLaUSIBLE?

1 Comme le prévoyait le plan de partage de 19472 Cela pose toujours problème à Washington D.C., ville dont les 600.000 habitants ne disposent d'aucune représentation au Congrès fédéral, qui les pourtant administre directement. 3 dans son manifesto publié en décembre 2005.4 selon le principe d’uti possidetis, ce nouveau district devrait garder ses frontières actuelles.5 une commune à facilités linguistique est une commune située en flandre ou en Wallonie qui comporte une forte minorité linguistique (néerlandophone, francophone ou germanophone), et qui fait donc l’objet d’un statut spécial garantissant les droits ce ladite minorité (essentiellement le droit à utiliser sa propre langue, et non la langue officielle, dans ses interactions avec les autorités administratives communales). Dans le cadre de certaines communes flamandes de la périphérie bruxelloise, une étude non officielle (le Soir, 2005) a montré que la minorité francophone avait évolué en une majorité6 Dans le cas de Washington DC, ce problème ne se pose pas, mais nous sommes dans le cadre d’un véritable etat fédéral.7 docteur en géopolitique et maître de conférence à sciences Po, Frank Tétart est l’auteur de Nationalisme régionaux, un défi pour l’Europe paru en 2009 aux editions de Boeck université.

a partir des années 1970, l'etat unitaire belge s'engage dans une longue transformation qui le conduira au fédéralisme en 1993.

l'etat fédéral belge est divisé en trois régions: flandre et Wallonie (région unilingue) et bruxelles-capitale (région bilingue). Cette dernière est territorialement enclavée dans la Flandres.

a ces régions se superposent 3 Communautés liées à la langue et la culture: flamande, française et germanophone.

Communautés et régions disposent de compétences spécifiques.

Dans la région bruxelles-capitale cohabitent les communautés flamande et française.

l’arrondissement électoral Bruxelles-hal-vilvorde est au coeur des tensions entre francophones et Flamands. situé en Flandre à lapériphérie de Bruxelles, les francophones qui y résident peuvent voter pour des partis francophones se présentant à Bruxelles. Cettefacilité, mise en place pour leur assurer une représentativité politique, est fortement contestée par les Flamands.

[ repères ]

Creative Commons license photo credit : Tijl vercaemer

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DOSSIER | un monde de villes

entretien

qUELLE actION INtERNatIONaLE POUR La MaIRIE DE PaRIS ?Co-FondaTeur de sos raCisme, memBre du Conseil d'eTaT, Conseiller inTernaTional de BerTrand delanoë eT déléGué Général aux relaTions inTernaTionaleS De la Mairie De pariS (DGri), bernarD piGnerol S'eST enTreTenu aveC le Paris GloBalisT sur l'aCTion inTernaTionale de la ville de Paris. une des CaPiTales les Plus visiTées au monde, Paris JouiT d'une aTTraCTiviTé inTernaTionale ConsidéraBle. Quelles sonT les aCTions menées Par la ville de Paris Pour ConFirmer Ce sTaTuT de méTroPole dans un monde des villes ComPéTiTiF Car GloBalisé ? exTraiTs.

The Paris GloBalisT : A l’ère de la mondialisation, il est à la mode de classer les métropoles globales entre elles : Paris, New York, Londres, Berlin, Tokyo. Comment la ville de Paris s’insère t-elle dans la compétition ?

La mondialisation a ouvert une ère de concurrence entre les grandes métropoles mondiales. L’attractivité internationale d’une ville est plus que jamais stratégique pour son développement. De ce point de vue, Paris est extrêmement bien placée et reste la première destination touristique au monde. Aujourd’hui, lorsque des masses d’individus, notamment dans les pays émergents, accèdent à la classe moyenne, le premier voyage qui symbolise l’ascension sociale est celui à Paris. Nous avons un tourisme populaire très important, notamment chinois.

Mais la concurrence se situe aussi à d’autres niveaux : Paris doit rayonner en tant que ville de salons, ville de rencontres internationales. La capitale a quelques atouts : un parc immobilier de très haut standing, des palaces qui sont en voie de restructuration avec un plan d’hôtellerie ambitieux fait en collaboration avec les acteurs privés. Un palace doit être maintenant équipé d’une salle de conférence, voire de cabines de traduction. Paris est également une importante place de droit. La capitale abrite notamment la Chambre de Commerce Internationale et la Cour Internationale d’Arbitrage.

En ce qui concerne le rayonnement de Paris, nous avons mis en place un conseil de l’attractivité internationale. Bertrand Delanoë dit souvent à propos de Paris : « Il faut montrer au monde que l’on peut à la fois être Rome et la Californie ». Dans Paris, il y a un côté ville-musée avec des règles d’urbanisme précises bien qu’atténuées pour permettre l’essor d’une architecture moderne. L’aménagement de certains quartiers parisiens poursuit l’embellissement de la capitale. Aujourd’hui, le tourisme culturel est tourné vers le Louvre mais aussi vers le talent d’architectes modernes qui laissent une trace durable dans la ville. C’est cet alliage qui permet à Paris de rayonner.

Il y a des concurrents à la ville de Paris mais par segments. Peu de villes ont pu ou su allier le charme de la ville-musée et le dynamisme de la ville hypertechnologique. Les politiques municipales cherchent à inscrire la capitale dans la modernité. Paris est une des premières villes à avoir mis en place un plan Climat. Avec la fondation de l’ancien président américain Bill Clinton, nous avons non seulement effectué un diagnostic thermique et promis de remettre en état les 660 écoles primaires de la ville de Paris mais on a actuellement en construction dans le 18ème arrondissement la plus grande centrale photovoltaïque urbaine qui offrira à terme l’autonomie énergétique à plusieurs quartiers. Un parc d’éco-industrie est également en création entre le 13ème arrondissement et Ivry-sur-Seine.

The Paris GloBalisT : Paris est jumelé avec Rome et a signé 37 accords de coopération bilatéraux avec des métropoles, dont 24 sont des capitales européennes. Comment sont nouées et se développent ces politiques de coopération?

Paris a signé un seul jumelage avec Rome en 1956 mais nous avons une cinquantaine d’accords de coopération avec des métropoles de rang mondial comme São Paulo, Washington, Chicago, Berlin, Madrid Lisbonne, Londres. On a de nouvelles demandes en permanence. Qu’est-ce que les étrangers cherchent dans la coopération avec Paris? Trois aspects : les échanges culturels, l’aménagement et la conception des espaces publics et les grands services urbains.

La ville de Paris a des établissements culturels prestigieux : le Théatre du Châtelet, le Musée d’Art moderne, le musée de la Vie Romantique, le musée Carnavalet… Lors des années croisées qui sont des saisons culturelles dédiées à un pays (la Russie est à l’honneur cette année), nous assumons une charge de ville capitale en organisant des évènements mobilisant toutes les pratiques artistiques. Indépendamment du prêt d’oeuvres entre les musées, la délégation internationale de la ville de Paris verse une subvention de 200 000 mille euros à l’Institut de France, une grande partie de cette somme étant allouée à l’organisation de ces années croisées. C’est aussi un moyen de présenter la culture française à l’étranger.

Pour l’aménagement de la métropole parisienne, il faut savoir que les grandes directions techniques de la ville comme la Direction de la Voirie et des déplacements, la Direction des espaces verts et de l’environnement, la Direction de la propreté et de l’eau ou l’APUR travaillent en collaboration avec la DGRI. Leurs ingénieurs et architectes sont des experts en coopération.

Le troisième aspect englobe les grands services publics tels que l’éclairage et les transports. Paris dispose d’une offre étendue de transports publics : le métro, les bus de quartier, le Vélib, le Voguéo et l’Autolib’ dans un an. Paris a également pris de l’avance sur le tri sélectif avec une multiplication de l’offre : des composts individuels et le ramassage quotidien des poubelles.

Comment naissent ces accords de partenariats ? La DGRI est une porte d’entrée pour les maires des villes étrangères de passage à Paris. On oriente leur visite en fonction des demandes et testons leur intérêt à la coopération. Nous signons des accords de plus en plus limités dans des domaines identifiés au préalable et limités dans le temps pour mieux en évaluer l’efficacité. Le contact personnel entre les maires est une réalité d’autant plus prégnante que les villes n’ont pas une obligation de coopération et de relations internationales comme les Etats. Pour les villes, il s’agit de volontarisme politique. Il y a d’abord un accord sur des valeurs politiques, essentielles pour Bertrand Delanoë, puis la coopération est déclinée sur le plan technique. Par exemple,

avec Bernard PiGnerol

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10 11tHE PaRIS gLOBaLISt | vol. v n°1 tHE PaRIS gLOBaLISt | vol. v n°1

DOSSIER | un monde de villes

la vitalité de l’accord avec la ville de Berlin est telle que nous envisageons des échanges de fonctionnaires pour une longue durée, comme nous le faisons déjà avec Vienne. Mais les relations politiques peuvent être froides sans altérer la bonne tenue des relations administratives. On voit cela avec le maire de Rome dont le salut fasciste a fait horreur au maire de Paris ; pourtant le jumelage au niveau des administrations continue pour la population des deux villes.

The Paris GloBalisT : Quel est le budget alloué à l’action internationale de Paris?

Pour être franc, je n’ai pas fait pour l’instant de bleu budgétaire qui retracerait toute l’action internationale de la ville de Paris. Tout le monde participe à cette action. Les directeurs techniques sont par exemple dans des réseaux de villes pour les transports, la sécurité... La direction culturelle de la ville supervise les prêts d’oeuvres entre les musées. Je ne peux que vous parler du budget de la DGRI qui s’élève à plus de six millions d’euros par an.

Il faut y ajouter les recettes de la loi Oudin-Santini qui permet aux collectivités locales de dédier 1 centime d’euro sur la facture de chaque mètre cube d’eau à des actions internationales à condition de l’affecter à des projets focalisés sur l’assainissement et l’eau dans le cadre de la réalisation des objectifs du Millénaire. Pour Paris, cela représente à peu près un million d’euros par an. Il y a aussi des recettes issues d’appels d’offre de la Commission Européenne ou du Ministère des Affaires Etrangères pour une somme approximative d’un million d’euros par an.

Au titre des dépenses, une grande part est dédiée aux subventions : on ne parle pas d’humanitaire mais de solidarité internationale. Depuis 2001, la ville de Paris a dépensé plus de 12 millions d’euros dans la lutte contre le Sida en Afrique sub-saharienne et au Maghreb. Les subventions sont accordées à des

ONG après évaluation de leurs projets. L’enveloppe « solidarité internationale » pèse 2,5 millions d’euros par an. Deux autres dispositifs sont innovants : les labels ‘‘Codéveloppement Sud’’ et ‘‘Europe’’ qui sont dotés chacun de 100 000 euros par an et qui s’adressent à des associations de taille moyenne. Le label ‘‘Co-développement’’ s’adresse aux associations parisiennes qui mènent des actions de coopération dans un pays du Sud en partenariat avec des pouvoirs locaux. Nous sommes attachés au développement de la démocratie locale. On reçoit 70 à 80 projets par an qui font l’objet d’une co-instruction à la DGRI et à la Direction de la politique de la ville et de l’intégration (DPVI). Enfin, le budget de la solidarité internationale comprend des actions d’urgence : le séisme et le choléra en Haïti, par exemple. Cette ligne d’urgence de la ville de Paris est également dédiée à la solidarité et à l’action menée à l’égard des collectivités françaises frappées par des intempéries. Nous disposons donc de 8 à 9 millions d’euros par an. Pour vous donner une idée, le budget de la mairie de Paris dans sa globalité est de 7 milliards d’euros : cette somme comprend le budget alloué au personnel (2 milliards d’euros), les aides sociales en tant que charge du conseil général (environ 2 milliards d’euros).

The Paris GloBalisT : Que pensez-vous de l’émergence d’une ‘’diplomatie des villes’’ en vous appuyant sur l’exemple de Paris?

Le concept de ‘‘diplomatie des villes’’ va prendre de l’importance car 50% de la population mondiale vit dans des villes. La coopération entre les villes prend de l’importance; les métropoles urbaines sont confrontées aux mêmes problèmes. Comme les maires sont opérateurs de services publics, un transfert de savoir-faire en termes de gouvernance et de techniques peut être mis en place. Néanmoins, il faut ajouter qu’un bon accord entre deux villes marche mieux si nous avons un soutien diplomatique. L’organisation Cité et Gouvernements

allianCes Françaises Pour la diFFusion de la FranCoPhonie à Travers le monde

1040

87

1 000 000

50 résidenCes d’arTisTes à Paris

€ Pour des aCTions en Faveur de l’eau eT l’assainissemenT

ProJeTs souTenus aveC le laBel Paris-euroPe

locaux unis, créée à Paris en 2004, s’est faite reconnaître par la Banque Mondiale, les agences onusiennes, notamment ONU Habitat, et l’ONU même si cette dernière a tendance à assimiler ce regroupement à une ONG alors que les villes sont des acteurs spécifiques.

Les villes ont pris 15 ans de retard sur les ONG en terme de reconnaissance internationale. Avec la Banque mondiale, on discute par exemple des conditions de prêt pour des entités infra-étatiques. On pourrait imaginer un prêt accordé aux districts de Mexico, qui représentent 38 millions d’habitants, pour le développement des services publics urbains. La diplomatie des villes ne signifie pas se substituer aux Etats dans le règlement des conflits mondiaux. On parle des problèmes qui intéressent les populations de manière pragmatique comme l’environnement. Honnêtement, si on confiait le COP 17 non pas aux chefs d’Etat et de gouvernement mais aux maires, la négociation irait plus vite parce que les maires des grandes villes ne sont pas étrangers à ces thématiques. Ils ont un sentiment plus acéré de l’urgence au sein de leur métropole. Un maire se sent directement concerné.

Nous ne sommes pas handicapés par cette question de souveraineté. Je ne dis pas pour autant qu’il faut la nier. Dans un certain nombre de pays, il y a de plus en plus de ville-Etats. Une des évolutions possibles est la Ville-République de l’Italie de la Renaissance. Pour beaucoup de problématiques, la diplomatie des villes existe mais n’est pas encore reconnue par les Etats comme elle devrait l’être. Prenons un exemple : les étudiants et le dispositif Erasmus. Les grandes villes européennes sont des villes universitaires. Comment peut-on faciliter le logement et la circulation des étudiants ? Il y aurait des moyens beaucoup plus simples avec de meilleures conditions matérielles pour les étudiants si les villes devaient se charger de la mise en place de ce dispositif. Propos recueillis par Judith Chetrit

étudiante en 4ème année, Master Affaires Publiques filière Culture

Page 7: Un monde de villes

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DOSSIER | un monde de villes

avec michèle Pierre-louis :

aPrès de mulTiPles missions GouvernemenTales sur les Grands ChanTiers de l'éduCaTion, des réFormes aGraires eT des droiTs de l'homme, miChèle duvivier Pierre-louis esT nommée Première minisTre de haïTi eT minisTre de la JusTiCe eT de la séCuriTé PuBliQue en Juin 2008. elle arrive au Pouvoir dans un ConTexTe de Crise: Grandes "émeuTes de la Faim" à PorT-au-PrinCe, ouraGans eT TemPêTes TroPiCales. en Juin 2009, elle doiT QuiTTer son PosTe suiTe à un voTe du sénaT. elle ConTinue Son Travail à la fonDaTion ConnaiSSanCe eT liberTé (foKal) eT eST inviTée à HarvarD en 2010 en TanT que felloW à la JfK SCHool of GovernMenT. exTraiTs.

The Paris GloBalisT : Deux semaines après le séisme du 12 janvier 2010, vous décrivez pour le Huffington Post «l’image d’apocalypse» qu’est devenu Port-au-Prince et préconisez un plan en trois étapes : secours aux victimes, rétablissement des systèmes de communication permettant d’alerter la population, reconstruction du pays. Brièvement, où en sommes-nous à l’heure actuelle ?

J’ai eu beau rêver, au moment d’écrire cet article, que nous aurions pu faire en Haïti l’effort de transcendance que demandait la situation, mais après 300 000 morts, 500 000 blessés et 1.5 millions de sans-abris, il ne faut pas négliger que, au delà de la manière indiscriminée avec laquelle frappent les tremblements de terre et les séismes, la mauvaise gestion du pays au cours des cinquante dernières années fait que ce sont les plus pauvres, encore une fois, qui payent le prix.

Alors, où en sommes-nous ? Depuis plusieurs années maintenant, Haïti est dans un état d’extrême vulnérabilité. Je viens de regarder les images d’inondations qui ont lieu en ce moment même à Léôgane. Si le cyclone [Tomas] fait des ravages, on en sera encore à compter nos morts ; ce qui me fait dire qu’il faudra bien un jour que l’on commence à reconstruire sérieusement. Cela va demander beaucoup de nous, Haïtiens et Haïtiennes–de nous en tant que nation–mais aussi dans la capacité que nous aurons pour dire à l’international : ne venez pas avec vos projets tout faits ; il y a une nécessité à s’accorder au plan que les Haïtiens, la société civile, le gouvernement pourront envisager pour la reconstruction de ce pays. L’aide humanitaire a été et reste importante, mais elle ne doit que seconder et secourir dans l’urgence. L’effort de reconstruction appartient aux Haïtiens et aux Haïtiennes.

The Paris GloBalisT : Dans un pays où le contraste entre grandes villes et provinces est tout particulièrement saisissant, cette reconstruction pourra-t-elle s’effectuer de la même façon dans ces deux espaces ? Quel impact aura le repliement d’une grande partie de la population urbaine vers l’intérieur (notamment sur le Plateau Central) sur l’effort de reconstruction ?

Revenons en arrière. Après l’indépendance de 1804, la paysannerie haïtienne a crée des espaces d’évitement de l’état, cet état mobilisant sans cesse les jeunes pour des guerres perpétuelles et des luttes de pouvoir. La paysannerie, à la base de l’économie de ce pays pendant tout le 19ème siècle, a alors pu maintenir l’équilibre entre population et ressources. Cet équilibre ayant été rompu sous la dictature de Duvalier, deux possibilités se sont offertes aux paysans qui ne pouvaient plus se nourrir de leurs terres : l’exode rural vers la capitale et les migrations massives, souvent illégales, de ceux que plus tard on appellera « boat people ». De nouvelles migrations internes ont suivi la fermeture des portails de ces pays d’accueil. En l’absence de politique de population, le déversement de la population rurale est venu grossir démesurément les populations urbaines. Des satellites urbains se sont greffés autour de la capitale, avec tout ce que cela comporte comme parasitage et colonisation des espaces et les conséquences que l’on a eues lors du tremblement de terre.

Dans le malheur, tout se tient. Et durant la reconstruction, il faut prendre en compte tous ces facteurs dans une politique d’aménagement du territoire. Les questions à poser sont : quelles terres pour l’agriculture, le logement ? Comment aménager les villes pour non seulement tirer profit des actifs historiques, naturels, culturels, mais aussi pour mieux vivre ensemble ? Cela

entretien

exige une reconsidération, pour ne pas dire une pensée nouvelle, de la décentralisation réelle vers les provinces, pour que cette monstruosité urbaine qui s’est développée à Port-au-Prince ne se manifeste plus, mais aussi pour que les provinces aient finalement leur mot à dire dans le développement du pays.

The Paris GloBalisT : La division administrative du pays en communes et sections communales–le séisme de janvier en ayant affecté plus certaines que d’autres–offre-t-elle des relais souhaitables au gouvernement central et à l’aide internationale ou, au contraire, rend-t-elle les efforts de reconstruction plus ardus ?

La division administrative de Haïti est basée sur la division coloniale telle qu’elle existait au moment de Saint-Domingue, c’est-à-dire sur les paroisses. Ce sont les paroisses, telles qu’elles étaient installées dans la colonie sous Louis XIV, qui sont devenues des communes. Les communes ayant été trop difficiles à gérer, elles ont été subdivisées en sections rurales d’abord, puis en sections communales. Ces communes forment de grandes aires métropolitaines mais, pour beaucoup, n’ont jamais eu l’autonomie administrative et financière nécessaire pour se gérer par elles-mêmes. À Port-au-Prince surtout, le poids du gouvernement central est déterminant.

Suite au dernier séisme, ces communes ont revendiqué leur présence et le fait qu’elles avaient été affectées à des degrés divers. Mais elles ont été largement ignorées, surtout par l’aide internationale, ce qui est une anomalie, car, en tant que maillons essentiels de la décentralisation, elles devraient avoir une place dans la gestion de crise. De plus, il existe un grand nombre de

vides juridiques quant à la gestion ordinaire des espaces publics, surtout à Port-au-Prince, où souvent le gouvernement central gère les espaces publics davantage que la municipalité. Lors de crises majeures, cette gestion peu rationnelle des espaces publics rend la tâche plus complexe.

The Paris GloBalisT : Avez-vous des projets concrets à avancer pour que s’opère une décentralisation plus sereine et une gestion plus rationnelle des espaces publics ?

Prenons l’exemple des ports et regardez ce qui nous est arrivé : lors du séisme, le port de Port-au-Prince, qui a déjà d’énormes difficultés de gestion, s’effondre ; l’aéroport est entièrement pris par les avions de l’aide humanitaire ; de ces faits, toutes les importations de ce pays sont entrées par la République Dominicaine. Forte de ceci, je dis que ce pays ne peut pas miser sur un seul port !

Autre exemple, lié au premier : celui des exportations de mangues. La mangue est notre premier produit d’exportation. Mais plus de la moitié des exportations de mangues se gaspillent, parce que nous n’avons ni routes ni ports, ou parce que les camions ne peuvent pas franchir les rivières en crue. Dans le Plateau Central et l’Artibonite, où la production de mangues est la plus grande, il m’est arrivé de sentir l’odeur de pourriture des mangues à des kilomètres à la ronde, parce que nous n’avons pas été capables de ramasser ces mangues à temps. Et même quand on ramasse ces mangues, il faut les amener à Port-au-Prince. Le port qui produit le plus de mangues est près des Gonaïves et de Saint-Marc : pourquoi ne pas avoir un port dans une de ces deux villes, pour exporter ces denrées vers les États-Unis, les Caraïbes, mais

PORt-aU-PRINcE, une ville de tentes après le séisme.

Creative Commons license photo credit : edyta materka

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aussi, un jour, vers Cuba ? Ces échanges régionaux présupposent qu’il n’y ait pas qu’un seul port à Port-au-Prince.

Enfin, d’autres facilités portuaires permettraient de décentraliser et de donner aux communes cette autonomie tant souhaitée.

The Paris GloBalisT : Le séisme de janvier 2010 a été suivi de nombreuses répliques, de l’ouragan Tomas, et, plus récemment, d’une épidémie de choléra qui a déjà fait ses ravages. Avait-on pris des mesures sanitaires suffisantes ? Un tel contexte de vulnérabilité laissait-il présager une épidémie de cette ampleur ?

Vous savez, cinq ans après Katrina, il y a encore de nombreux problèmes de l’ordre de l’éducation, des infrastructures et du développement urbain dans le pays le plus développé du monde. Suite au séisme en Haïti, j’ai vécu un mois à la belle étoile et j’ai bénéficié d’un temps clément. Mais dès lors qu’il se met à pleuvoir, que les gens sont dans la boue et que les enfants boivent probablement cette eau polluée, que le gouvernement est un peu absent, on doit s’attendre à des épidémies très graves. Il y a un second versant auquel vous faites justement allusion. Quand on arrive à un tel point de mauvaise gestion d’un pays et d’un environnement comme celui-là, on est au bout des échéances. Le moindre petit vent, la moindre petite pluie en Haïti va faire des dégâts.

C’est cela que je voudrais que le gens comprennent : dans ce pays, on est arrivé au bout des échéances. Il suffit d’un vent, trois heures de pluie et toute une région peut être inondée. Enfin, l’état de vulnérabilité dans lequel nous nous trouvons nous expose et expose nos voisins. Car ce pays est lié à l’histoire globale ; ce pays fait partie du monde ; s’en occuper est une responsabilité globale.

The Paris GloBalisT : Certains candidats à l’élection présidentielle de novembre 2010 ont-ils une vision politique ? En soutenez-vous un en particulier ? Concevez-vous votre travail dans le futur au sein du corps politique ?

Il y a, je crois, et je l’ai déjà dit, un problème de leadership réel. Le document présenté à la conférence des bailleurs [à l’ONU, le 31 mars 2010] comporte de bonnes intentions, mais aucun plan opérationnel réel. Les grands boulevards de la refondation territoriale, institutionnelle, politique, sociale sont vagues. Et s’ils sont présents, c’est qu’il y a un réel problème de communication car la société civile a l’impression d’être laissée à l’écart, de ne pas être partenaire de la reconstruction.

Il se trouve que nous sommes aussi en année électorale. Or, les candidats se situent dans la continuité et je ne sais pas encore d’où viendra le plan d’action qui me permettra de dire aux gens : le gouvernement va faire telle chose à tel moment, et même

Propos recueillis au début de novembre 2010 par Mikaël Schinazi,

étudiant en 3ième année à Harvard

si tout ne sera pas donné à tout le monde immédiatement, du moins nous allons dans cette direction précise. Je n’ai pas vu de programmes réels, je ne sais pas quel candidat nous vient avec un vrai projet, nous disant comment et par qui il sera financé. Je n’ai vu que de bonnes intentions et ne suis pas très optimiste de ce point de vue là.

Non, je ne soutiens aucun candidat en particulier.

Quant à moi, je ne situe pas vraiment mon action au sein du corps politique. J’ai toujours peur de dire « jamais » : il y a des circonstances dans lesquelles le « non » est extrêmement problématique. Mais je travaille déjà sur de nombreux projets, liés aux jeunes, aux femmes, aux paysans, et je retournerai à l’enseignement universitaire.

Ce qui n’empêche pas l’indignation : parfois, je suis parfaitement indignée, parfaitement en colère, et je le revendique, parce qu’il y a en Haïti quelque chose d’absolument inacceptable et cela fait mal de voir mon pays dans l’état où il est. Je me réserve le droit à la colère et à l’indignation.

dans Ce Pays, on esT arrivé au BouT des éChéanCes.« »

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Campagnes paupérisées, villes fragilisées

Mais une telle stratégie a mis à l’écart une bonne partie des régions agricoles. Alors que certaines sont très insérées dans le marché alimentaire, tournées vers une agriculture d’exportation intensive, d’autres, parfois très proches de grands centres urbains, peinent à sortir d’une économie de subsistance. Cette situation se traduit par des écarts de développement et de revenus considérables : ainsi, le taux de pauvreté était au Sénégal en 2004 de 19% à Dakar, mais de 80% en zone rurale3!

On assiste alors à un « processus de distanciation »4 entre villes et régions agricoles : distanciation géographique, les produits importés venant de plus en plus loin ; distanciation économique avec la multiplication des intermédiaires entre producteurs et consommateurs ; distanciation sociale, la population d’origine rurale restant, dans de nombreuses villes des PED, victime de ségrégation.

Cette paupérisation des campagnes finit par fragiliser les villes elles-mêmes : en entretenant la dynamique d’exode rural, elle rend difficile la maîtrise de la croissance urbaine.

Renouer les liens villes-campagnes

Pourtant, l’urbanisation peut aussi offrir de véritables perspectives aux campagnes, et créer les conditions d’un développement mutuel. Ainsi à Hanoi, la forte croissance démographique (4% par an de 1999 à 2006) et économique a créé des débouchés, et permis aux agriculteurs de la vallée du Fleuve Rouge de passer de la culture quasi-exclusive du riz aux cultures maraîchères, à l’élevage intensif, à la pisciculture. Autant de cultures à haute valeur ajoutée, dont la vente sur les marchés urbains ont permis l’enrichissement d’une partie des agriculteurs5.

Comment mieux relier villes et campagnes et permettre un approvisionnement alimentaire local, bénéfique aux deux parties ? Comment connecter d’une part une multitude de petits producteurs, qui manquent souvent d’informations, de capital, d’infrastructures, et de l’autre des citadins aux habitudes alimentaires nouvelles, qui exigent toujours plus de variété, de quantité, de qualité, tout en maintenant des prix bas ?

Répondre à cette problématique implique avant tout de penser la sécurité alimentaire des villes à l’échelle globale, et de faire coopérer ceux (Etat, collectivités, importateurs, distributeurs, producteurs) qui ont un rôle à jouer dans l’approvisionnement alimentaire et qui évoluaient jusqu’ici de façon indépendante. D’ores et déjà, de nombreux Etats et institutions ont pris conscience du problème : ainsi, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a défini la sécurité alimentaire des villes comme objectif prioritaire de son action6, en particulier « l’interaction coordonnée des producteurs, des transporteurs, des négociants et des innombrables détaillants de produits alimentaires ».

Assurer la communication entre villes et campagnes implique aussi d’investir dans l’accès des agriculteurs aux infrastructures, à l’information, au financement. C’est probablement le point le plus crucial, et le plus problématique. Comme le rappelle

la FAO, « l’agriculture ne reçoit en effet que 4 % de l’aide humanitaire et 3% de l’aide au développement », la part des budgets nationaux alloués à l’agriculture n’étant guère plus importante. Pourtant, certaines expériences ont démontré l’efficacité de tels investissements: au Malawi, d’importantes subventions d’Etat aux semences et engrais ont permis, en deux ans, de faire passer la production de maïs d’un déficit structurel à de confortables excédents7.

L’urbanisation n’est donc pas opposée au développement rural, mais peut, au contraire, l’accélérer. En facilitant l’accès des agriculteurs aux débouchés offerts par les villes, en leur fournissant les capitaux qui leur permettront d’être compétitifs, les décideurs peuvent contribuer à réduire les inégalités de développement. Au contraire, si l’agriculture locale n’est pas redynamisée, l’insécurité alimentaire ne fera que s’accroître pour les citadins comme pour les ruraux. Les émeutes de la faim ont révélé une vulnérabilité face aux fluctuations des cours alimentaires mondiaux : permettront-elles une prise de conscience, pour donner un nouveau souffle aux agricultures locales ?

Emmanuel Dagronétudiant en 5ème année, Master Affaires Publiques

1 rené-eric dagorn, le retour des émeutes de la faim, sciences humaines, juillet 2008.2 récit de oxfam america, Juin 2008.3 etude sur la pauvreté au sénégal, iPao – Crdi, 2004.4 nicolas Bricas – Pape abdoulaye seck, L’alimentation des villes du Sud : les raisons de craindre et d’espérer, Cahiers agricultures 2004.5 Gwenn Pulliat, nourrir les citadins : villes et développement durable, 2009.6 Cf. Cadre stratégique 2000-2015.7 Catherine riunghu, How Malawi defied donors on subsidies, The east african, 19 octobre 2008 .

Quelle PlaCe donner à l'aGriCulTure loCale ?

alors Que l'enJeu de l'inséCuriTé alimenTaire Prend une imPorTanCe CroissanTe Pour les villes en déveloPPemenT, les liens Qu'enTreTiennenT Ces dernières aveC les CamPaGnes sonT de Plus en Plus disTendus. l'aGriCulTure loCale PeuT-elle renouer le lien enTre ruraux eT urBains, eT devenir Pour eux

l'ouTil d'un déveloPPemenT duraBle ?

Ces dernières années, les médias ont offert une visibilité nouvelle à deux phénomènes: les images des bidonvilles de Port-au-Prince ont témoigné de l’urbanisation galopante des pays en développement

(PED); celles des batailles rangées des « émeutes de la faim » y ont rendu visible l’insécurité alimentaire.

Le lien entre urbanisation et insécurité alimentaire a en revanche été peu commenté. Pourtant, nourrir les mégapoles en croissance est un enjeu essentiel, pour les villes comme pour les campagnes.

Des villes qui croissent aux dépens des campagnes

C’est au cours de l’année 2007 que les émeutes de la faim ont fait réapparaître l’insécurité alimentaire sur le devant de la scène. Alors que l’accès à la nourriture reste un problème essentiellement rural (sur près d’un milliard de personnes concernées par la malnutrition, 860 millions étaient des ruraux en 20081), ce sont les couches populaires urbaines du Sud qui

ont manifesté, parfois violemment, contre la hausse brutale des prix des aliments de base, devenus hors d’atteinte pour certains ménages. Mexico, Rabat, Le Caire, Port-au-Prince, Dakar, Maputo... toutes ces villes partagent des traits communs: d’un côté, une croissance démographique très rapide; de l’autre, une forte dépendance à l’égard des marchés alimentaires mondiaux.

Cette dépendance résulte de stratégies mises en place dans de nombreux pays: plutôt que de recourir à l’agriculture locale, qui nécessite des investissements pour rester compétitive, c’est le choix de l’importation qui a été fait, pour pallier l’explosion de la demande alimentaire et garantir des prix bas aux citadins. Parfois, les plans d’ajustement structurels du FMI ont guidé ce choix, l’Etat s’étant désengagé d’un secteur agricole autrefois très encadré. Un des exemples les plus frappants de cette politique est Haïti : presque autosuffisant en riz, le pays a dû réduire drastiquement les taxes d’importation en 1995. Cela a permis au riz américain subventionné de submerger ce marché : le pays importe aujourd’hui 80% de sa consommation. Alors que les cours mondiaux ont doublé en 2008, la production nationale n’a pas pu regagner la place qu’elle avait perdue2.

NOURRIR LES cItaDINS DU SUD

au marché de Colaba à Mumbai (inde)

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The size and ComPlexiTy oF modern CiTies make Them hiGhly vulneraBle To TerrorisT aTTaCks. The seCuriTy measures underTaken To ProTeCT These urBan JunGles surPass The ForCes ThaT some small CounTries have.

the scholars Haggerty and Ericson put it, it is the “disappearance of disappearance” for everyone.

This is why experts say that international cooperation stands as a core requirement to an effective fight against terrorism (Cordesman, 2010). And relations between the FBI and the NYPD intelligence division have been rather strained since the post-9/11 era reorganization of the NYPD. There has been a lot of contention as to who has authority over the NYPD, especially because the NYPD currently conducts overseas intelligence and has many agents abroad. This international outreach is somewhat competing with the CIA and underpins the authority of the Department of Homeland Security. But with the necessity for law enforcement and no clarity in terms of lines of authority, the NYPD and other police forces in major global cities have been able to undergo considerable expansion.

This is a clear symptom of the need for States to adapt to the new context of global security. This would mean more international cooperation between intelligence agencies, the high tech security industry, policy makers and cities. Despite any real homogeneity in their approach, the fact that global cities are acting locally to combat international threats is yet “another challenge to the pre-eminence of the traditional state in international politics” (Nussbaum, 2007). But it might yet be the best method to protect global cities from potential terrorist attacks.

Adeline Guerra 5th year student in International Security at the PSIA

SciencesPo

Protecting Global Cities : new york, london and the internationalization of municipal Policing for Counter Terrorism by Brian nussbaum in Global Crime (vol. 8, issue 3, august 2007)

Technologization of security: management of uncertainty and risk in the age of Biometrics by ayse Ceyhan in Surveillance and society (vol. 5, issue 2, 2008)

Go FurTher

in The agE Of gLOBaLIzatION

cOUNtERtERRORISM EffORtSin INtERNatIONaL cItIES

Think globally, act locally” is the motto of the New York City Police Department. A leading example in counterterrorism efforts since September 11, the NYPD is a great case study on how international cities

currently deal with terrorism. It stands as one of the largest police departments in the world. With 37,000 police officers and 15,000 support staff, the NYPD is twice as big as the Federal Bureau of Investigation (FBI), one of the primary agencies in charge of counterterrorism for the United States. Further, the force has directly benefited from the diversity of its ranks in its efforts to combat terrorism.

Following September 11, the NYPD implemented a threefold plan to tackle terrorism. The city established a counterterrorism bureau supported by 250 officers working hand in hand with the FBI, The Joint Terrorism Task Force and the CIA. The intelligence division of the force now employs a thousand officers dedicated to counterterrorism on a day-to-day basis. The enormity of this effort is further highlighted by the NYPD’s aggressive recruitment of high profile counterterrorism and security experts from the FBI, the Department of Homeland Security and the CIA – among other security agencies.

Second, the NYPD has employed a large police presence in potential target areas, in addition to regular surges against suspected plotting terrorists in the city. They have proven to be effective at discouraging potential terrorist attacks. Finally, by leveraging their diversity, community outreach has been a very successful endeavor. It counters radicalization by engaging with the various communities living in New York City and adapts the force to the city’s particularities.

Counterterrorism strategy is a hybrid of intelligence and police work as well as a defense and a global security effort. The post-9/11 decade witnessed the civilian world of police and the military joining hands - more or less easily - to address the security threats of the 21st century. Risk assessment, prevention and management stand at the core of today’s counterterrorism policies. Predicting the next attack, whether it is homegrown or from an external source, whether it is an explosive device, chemical, nuclear, or biological is the main goal of counterterrorism units all over the world.

Specifically, managing numerous risks and threats in modern international cities, large and dangerous playgrounds in which the public’s activity can hardly be disturbed, requires complex mechanisms of surveillance and prevention. High rise buildings, extensive underground transportation systems, and other critical infrastructures vital to millions of people represent highly vulnerable targets for attacks. Many global cities now have more resources for counterterrorism than certain small

countries and are becoming active, autonomous actors on the international scene.

As Brian Nussbaum explains, “World cities are key nodes in the economic and technological networks that constitute the world community. As such, they represent a sort of international critical infrastructure underpinning the global economy. They face potentially higher threats because of the high profiles, high number of international travelers and citizens, and target rich environments.” (Nussbaum, 2007).

In other global cities like London or Paris, the use of technology along with a massive police force is the current strategy to tackle threats. In fact, London was the first city to come up with CCTVs - closed circuit surveillance cameras - during the 1980s when dealing with terrorist attacks from the IRA. According to Ayse Ceyhan, Director of the “Security, Technology, Society” research program at the Maison des Sciences de L’Homme in Paris, “in an environment characterized by uncertainty, the unknown and risk generated by globalization and reinforced by September 11, the adoption of electronic identification and surveillance tools is perceived as the ultimate solution for fighting insecurity.” (Ceyhan, 2008)

Going just as unnoticed as close circuit recording cameras, the use of biometrics for identification and authentication in airports is of major importance to counterterrorism efforts. We might not think of it, but our own bodies have become the focal point of security nowadays. Ayse Ceyhan notes that bodies are the most reliable way of authenticating people. In a world of suspicion, being able to use biology and genetics is a godsend for security units.

In this sense, the construction of a surveillance infrastructure that encompasses nearly every matter related to a violation of the law is a reality. What used to be a fight against an external enemy is now a suspicion of all. The National Strategy for Homeland Security of 2002 and 2007 also show this trend of a growing world of secrecy. As a result, the very nature of our modern lives is threatened daily not only by the fear of terrorism but also by the fear of the intrusion of authorities into our private lives.

As a consequence, the militarization of civilian security to deter terrorists has changed the way we view security, starting with the tracing of people’s activities and information. We are no longer invisible. We all have what is called “data-doubles”, an electronic trace of ourselves that can be retrieved mostly through credit card transactions, and travelling information - through programs like the Passenger Name Record information, in which airline companies have to share the names of all passengers to the United States before being able to take off. As

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En réaction, la Commission Européenne a amorcé des procédures pour inciter les autorités locales à concrétiser les discours égalitaires par les politiques publiques, en apportant notamment son soutien à la « Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la cité ». Cette charte a réuni les signatures de 1014 villes qui se sont engagés à agir rapidement.

Par ailleurs s’est créée une dynamique mondiale de lobbying par des réseaux transnationaux de femmes. Ces réseaux se mobilisent de manière autonome ou en coopération avec des organisations internationales telles qu’UNIFEM3 ou ONU-habitat. Femmes et villes internationales et Metropolis International Women Network sont deux des réseaux les plus actifs et s’étendent aujourd’hui de Montréal (ville phare pour l’intégration des femmes) à Seoul, de Bamako à Abidjan et de Bruxelles à Santiago.

Des femmes se mobilisent au sein de ces réseaux pour amorcer la prise de conscience internationale que les villes, au lieu d’être des lieux d’émancipation sociale et économique pour les femmes, deviennent des lieux de discrimination, notamment à cause de l’insécurité, réelle ou perçue, qui les empêche d’utiliser librement les espaces publics. Par exemple, un sondage réalisé en 2000 à Montréal a révélé que près des 60 % des femmes ressentaient un sentiment d’insécurité lorsqu’elles marchaient seules la nuit dans leurs quartiers, contre 17 % seulement des hommes.

En particulier, le réseau Femmes et Ville internationales coordonne des programmes pour mieux comprendre les causes de l’exclusion des femmes, dans quatre villes du monde : Dar es Salaam (Tanzanie), New Delhi (Inde), Rosario (Argentine) et Petrozavodsk (Russie). On encourage les femmes qui y participent à coopérer avec les instances gouvernementales, les ONG, les mouvements citoyens et les collectivités en général, pour concevoir des stratégies susceptibles d’améliorer la sécurité des femmes et de promouvoir leur droit à profiter pleinement de la ville. De plus, S. Denefle affirme que, puisque les femmes sont les principales usagères des infrastructures des villes (transports, crèches, etc.), leur intégration dans la prise de décision permettrait une gestion urbaine plus efficace.

Ces réseaux veulent inclure une perspective de genre dans la définition de « la ville sûre » comme étant « une ville où les autorités et la société civile garantissent les droits des femmes dans tous les domaines, qui encourage l’élimination de la violence sexiste et qui offre des opportunités identiques aux hommes et aux femmes dans l’accès à l’emploi, l’éducation, la participation politique, aux ressources et aux loisirs »4.

Des conférences internationales sont organisées annuellement dans les plus grandes métropoles du monde, sur le thème de l’inclusion des femmes dans la ville. La dernière manifestation s’est déroulée à Seoul, en 2009 et a été suivi du projet « Women-Friendly Seoul » par le gouvernement sud-coréen. Séoul a érigé un modèle international de politique urbaine orientée vers les femmes et a prouvé que, par des mesures simples, de grands changements peuvent être apportés. A titre de comparaison, alors que le « service égalité » de la ville de Paris ne regroupe que 9 personnes, celui de Séoul regroupe une équipe de 240 personnes. La municipalité de Seoul s’est engagée à intégrer des femmes dans l’élaboration de la politique de la ville. Elle a aménagé les horaires des services à l’enfance pour aider les femmes à équilibrer leur vie active et familiale et a rénové les dispositifs de sécurité dans les transports en commun, avec notamment le projet de créer des wagons réservées aux femmes. Toutefois, d’après S. Denefle, ces politiques peuvent avoir des effets ambivalents en « enfermant les femmes dans le statut et les devoirs que leur a assignée la société, par exemple leur rôle de mère de famille».

New Dehli accueillera la prochaine conférence internationale sur le thème de la « construction de villes inclusives ». La mobilisation des métropoles des pays émergents sur ce thème est un signe positif car elles sont les lieux où les discriminations et l’insécurité à l’égard des femmes sont les plus saillantes et où l’urbanisation est en pleine expansion. Selon un rapport d’ONU Habitat de 2008, les femmes de ces pays sont deux fois plus victimes d’agressions physiques que les hommes. Toutefois, il ne faut pas succomber à un excès d’optimisme. En particulier, l’engagement d’ONU-Habitat sur les problématiques de genre depuis les années 2000 coïncide avec la présidence de Mme Anna Kajumulo Tbaïjuka, très engagée pour la cause des femmes. On pourrait craindre que la fin de son mandat marque un désengagement de l’organisation de cette cause.

Camille Laporteétudiante en 5ème année

Master recherche en Science Politique, Spécialité Relations Internationales

aller Plus loin

http://www.womenincities.orghttp://www.unifem.org/gender_issuesutopies féministes et expérimentations urbaines de Sylvette Denèfle (pur, 2008)unifeM, un-Habitat Global programme on Safe Cities, free of violence against Women and Girls,juin 2009

La VILLE aU féMININ

C’est en en Amérique du Nord, dans les années 1970 qu’eurent lieu les premières mobilisations dénonçant la non-prise en compte par les politiques urbaines des problèmes d’insécurité et de discrimination envers

les femmes. Ces mobilisations prirent la forme de marches de femmes et avaient pour slogans « la ville, la nuit, femmes sans peur ».

Il a fallu attendre le milieu des années 2000 pour que les problèmes liés au genre1 émergent comme un enjeu dans les politiques urbaines, avec la publication d’un rapport de l’organisation ONU- Habitat, dévoilant les enlèvements, viols et meurtres de centaines de femmes en moins d’une décennie dans la ville mexicaine de Ciudad Juarez.

Pourtant, selon Sylvette Denèfle2 interrogée pour le Paris Globalist, on constate qu’aujourd’hui la perspective du genre demeure très inconsidérée par les élus locaux. Par exemple, dans les statistiques nationales, la violence à l’égard des femmes n’est généralement pas comprise dans la violence urbaine d’ensemble. Ce problème gênant semble d’autant plus nié que les Etats développent des discours égalitaristes. Ainsi, la France est l’un des pays les plus en retard dans la mise en œuvre de politiques orientées vers la prise en compte de la place et des besoins des femmes dans la ville. Or, ce problème est d’autant plus invisible que les femmes ont intériorisé comme norme le fait que les villes soient inadaptées à leur besoins et peu sécurisées. En effet, il ressort des entretiens menés par S. Denefle, que les femmes interrogées trouvent naturel de ne pas devoir sortir la nuit, sans questionner cet état de fait.

1 Genre : le mot genre est la traduction du mot anglais gender. il distingue la dimension biologique (sexe) de la dimension culturelle (genre). le genre met ainsi en évidence le fait que les rôles « féminins » et « masculins » ne sont pas déterminés à la naissance, mais sont attribués aux hommes et aux femmes par la société et peuvent donc évoluer différemment selon les situations sociales, économiques et culturelles où se trouvent les individus (ann oaklay, Sex, Gender and Society, 1972).2 Sylvette Denèfle est sociologue, spécialiste des politiques urbaines et du genre, professeure à l’université de Tours. elle est présidente de la maison des sciences et de l’homme de Tours.3 Fond de développement des nations unies pour les femmes.4 unifeM, un-Habitat Global programme on Safe Cities, free of violence against Women and Girls,juin 2009.

l’administration d’osaka (Japon) a mis en train un métro reservé au public féminin.

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22 23tHE PaRIS gLOBaLISt | vol. v n°1 tHE PaRIS gLOBaLISt | vol. v n°1

DOSSIER | un monde de villesune trop grande concurrence entre eux. L’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001 a cependant produit un appel d’air, déclenchant une nouvelle vague de migrations africaines en direction des grandes villes du Guangdong.

Dans sa capitale, Guangzhou (Canton), métropole de près de 12 millions d’habitants située à 80 kilomètres de Hong Kong, l’arrivée en masse de ressortissants d’Afrique subsaharienne a modifié la morphologie du quartier de Xiao Bei Lu. « Chocolate City », comme l’appelle désormais les Chinois, compterait aujourd’hui plus de 100 000 africains5. Ces nouveaux venus servent indubitablement de « ponts culturels »6 entre le continent africain et un peuple chinois qui ne le connaît que par clichés. « A l’hôpital, pour la moindre fièvre, les médecins te prélèvent un nombre inhabituel de tubes de sang et pratiquent systématiquement un test HIV », témoigne Jean-Bedel, un étudiant togolais7. Dans les rues de Canton, on fait souvent référence aux « diables noirs » (hēiguǐ, 黑鬼), et de nombreux Africains ont déjà vu leurs voisins, dans les transports en commun, se boucher ostensiblement le nez.

Plus encore que le racisme, c’est l’attitude de la police qui pose problème dans la capitale de la Chinafrique. Depuis les Jeux Olympiques de 2008, la source des visas s’est tarie. Hier encore, il était aisé de faire renouveler son sésame sur place. Aujourd’hui, la loi exige que les entrepreneurs africains retournent dans leur pays pour obtenir le coup de tampon magique. Beaucoup de migrants sont dès lors forcés d’entrer dans l’illégalité et la police cantonaise ne se gêne pas pour les traquer sans ménagement. Même les commerçants en règle craignent des forces de l’ordre usant volontiers d’une violence excessive. « Ma femme a ouvert à la police pour un contrôle de visas, mais c’est moi qui avais les papiers, » relate M. Kabba. « Les policiers ont commencé à crier sur mes enfants, qui pleuraient. On leur a dit qu’ils iraient en prison, alors que ma famille est enregistrée auprès des services de l’immigration. Ils savent que nous sommes en règle7. »

Beaucoup d’entrepreneurs venus d’Afrique pensent que l’avenir est à chercher à Yiwu, petite ville d’1,6 millions d’habitants située au Sud de Shanghai. La ville, qui abrite l’un des plus importants marchés de gros du pays, se démarque par une politique d’accueil particulièrement tolérante. Bénéficiant déjà de la plus grande mosquée de Chine, Yiwu est très certainement la dernière étape d’une nouvelle route de la soie partie d’Afrique. Dans ce creuset de populations unique, migrants d’Afrique subsaharienne, mais aussi Algériens, Egyptiens, Libanais ou Irakiens, échangent et discutent avec Ouighours et Hui. Ces

Chinois musulmans, lointains descendants d’envahisseurs venus de l’Ouest ou de marchands remontant la route de la Soie, parlent souvent l’arabe, langue apprise à travers le Coran et leur éducation religieuse.

Se pourrait-il alors, comme le suppose le professeur Adams Bodomo de l’université de Hong Kong, que la communauté africaine de Chine soit, dans un siècle, assez nombreuse et intégrée pour être reconnue comme une des nombreuses minorités officielles de l’Empire du Milieu ? Si l’hypothèse parait farfelue, nul ne peut ignorer qu’un indubitable rapprochement économique et culturel est à l’œuvre entre le Dragon et le Lion.

Les Instituts Confucius pour l’apprentissage du chinois poussent aujourd’hui en Afrique comme des champignons, tandis que les commerçants chinois de Guangzhou se mettent parfois à l’anglais… ou au français.

Romain Carlevanétudiant en 5ème année, Master recherche Histoire

1 monsieur l. a notamment été interviewé par Brigitte Bertoncello, sylvie Bredeloup et olivier Pliez, pour leur article « hong kong, Guangzhou, yiwu : de nouveaux comptoirs africains en Chine », Critique internationale 2009/3, n. 44, p. 105-121.2 « Chine-afrique, une invasion programmée », sanou mbaye, Le Monde, 3 décembre 20103 selon les « statistiques du commerce international 2009 », publication de l’omC sous la direction de hubert escaith, les importations chinoises depuis l’afrique représentent 56 milliards de dollars, pour des exportations culminant à 50,84 milliards de dollars.4 Le Vampire du Milieu, comment la Chine nous dicte sa loi, luc richard, Philippe Cohen, Fayard /mille et une nuits, 20105 en 2008, le ministère des affaires étrangères chinois estimait à 250 000 le nombre de ses ressortissants sur le continent africain, chiffre devant être réévalué aux alentours de 750 000 selon l’hebdomadaire économique chinois China Business Network.6 Selon a. bodomo, 43% d’entre eux viennent du nigéria (pays le plus peuplé d’afrique, avec 150 millions d’habitants), 13% du Mali, 10% du Ghana, 8% de Guinée. le reste vient du Congo, du sénégal, de Côte d’ivoire, du niger, de Tanzanie, de Gambie ou du Cameroun. 7 Concernant cette notion de “pont” économique, linguistique et culturel, voir adams Bodomo, « The african Trading Community in Guangzhou : an emerging Bridge for africa-China relations », China Quarterly, 203, 2010.8 Cités par Tristan Coloma, dans “l’improbable saga des africains en Chine”, Le Monde Diplomatique, mai 2010.

la PénéTraTion sans PréCédenT de la Chine en aFriQue inQuièTe Bien au-delà du ConTinenT. l’oCCidenT s’inTerroGe : Pékin esT-elle à la PoinTe d’une nouvelle vaGue ColonisaTriCe ? une CommunauTé d’enTrePreneurs niGérians, maliens ou Ghanéens ConTrediT CeTTe imaGe d’une relaTion sino-aFriCaine à sens uniQue.

monsieur L. est actionnaire d’une usine à Shenzhen, dans la province chinoise du Guangdong. Monsieur L. est propriétaire d’un hôtel et d’un restaurant, dans une grande métropole du Sud de la Chine. Monsieur

L. est surnommé « le maire de Hong Kong » par ses amis. Pourtant, Monsieur L. n’est pas chinois, il est africain. Arrivé à Hong Kong en 1979, véritable pionnier des entrepreneurs africains en Chine, cet homme représente à lui seul une facette méconnue des relations sino-africaines .

Depuis son entrée sur le continent noir dans les années 2000, la Chine y a récolté de juteux contrats. L’envoi massif de ses ingénieurs sur place et la déferlante de ses produits sur les marchés locaux n’ont fait que renforcer les inquiétudes des observateurs : « Chine-Afrique, une invasion programmée » a-t-on ainsi pu lire récemment dans le Monde1. A leurs yeux, la Chine recolonise l’Afrique. Que la balance commerciale de la Chine soit déficitaire envers ses partenaires africains pris dans leur ensemble2 n’y change rien : le « Vampire du milieu »3 viderait l’Afrique de ses ressources tout en y exportant en masse sa main d’œuvre4.

Pourtant, défiant les clichés, les flux humains circulent dans les deux sens, et les universitaires commencent à s’intéresser aux migrations africaines vers la Chine. Celles-ci ont connu différentes destinations, selon la période.

Dans les années 1970, c’est Dubaï, qui sert de plaque tournante entre Afrique et Extrême-Orient : les commerçants africains viennent y négocier des marchandises produites en Asie, pour les revendre dans leur pays d’origine. Puis, au fur et à mesure que les économies des « tigres » du Sud-est asiatique décollent, les acteurs africains de l’import-export se rapprochent de ces producteurs bon marché. Le centre de gravité des échanges Afrique-Asie se déplace sensiblement vers l’Est. A la fin des années 1980, c’est de Bangkok que partent produits finis et pierres précieuses, tandis que Jakarta offre textiles synthétiques et chaussures. Ce dernier « comptoir », pourtant, perd son attractivité durant la sanglante crise politique qui agite l’Indonésie en 1998.

C’est alors que de nombreux négociants s’installent à Hong Kong. Solide comme un roc dans la tourmente de la crise asiatique de 1997, le port international séduit de plus en plus les négociants migrants qui y voient une porte d’entrée vers les Zones Economiques Spéciales de la Chine.

Plusieurs générations de marchands migrants y cohabitent. Les plus anciens, comme Monsieur L., servent souvent de tête de pont entre l’Afrique et ces nouveaux « comptoirs ». Ils facilitent notamment les démarches administratives et l’hébergement des nouveaux arrivants. C’est autour de deux immeubles décrépits, les Chunking Mansions, immortalisés par Wong Kar-Wai dans son film Chunking Express, que la communauté africaine gravite et commerce. Aux bureaux de changes et restaurants indo-pakistanais se mêlent des boutiques d’habillage africaines, des magasins d’électroniques tenus par des commerçants arabes, ainsi que d’innombrables guesthouses destinées aussi bien aux migrants d’Afrique qu’aux backpackers occidentaux à très petit budget. Situé tout près de la mosquée de Hong Kong, cet immeuble de 17 étages dont les plans de ravalement successifs ne cachent plus la fatigue est sans doute ultimement destiné à disparaître avec la reconstruction frénétique du quartier de Tsim Sha Tsui.

Ce ne sont pourtant pas les politiques d’urbanisme de la ville qui ont poussé les traders africains à migrer au nord du delta de la Rivière des Perles, mais la saturation du marché. L’augmentation du nombre d’entrepreneurs africains à Hong Kong a conduit à

cHEVaUcHE LE qUaND LE LIONDRagON, Les nouvelles VILLES afRIcaINES de L’EMPIRE DU MILIEU

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Quelle CaPiTale Pour l’esT asiaTiQue ?

dePuis le miraCle éConomiQue des années 1960, Tôkyô s’esT imPosée Comme la réFérenCe du déveloPPemenT éConomiQue eT CulTurel en asie orienTale. suiTe aux revers de l’éConomie JaPonaise au milieu des annéeS 1990, la ConCurrenCe DeS MéTropoleS Coréenne, TaïWanaiSe eT Chinoises n’a TouTeFois Cessé de s’inTensiFier, reBaTTanT les CarTes du leadershiP éConomiQue réGional.dans Ce ConTexTe, Quel PosiTionnemenT PeuT eT veuT adoPTer la CaPiTale JaPonaise dans le Cadre de la réGionalisaTion asiaTiQue ?

La réticence persistante du Japon dans une relation avec l’Asie orientale, qui n’impliquerait pas d’une manière ou d’une autre les Etats-Unis, reste un des freins majeurs au développement de la régionalisation. En effet, en dépit des assurances réaffirmées du Japon à la création d’une zone de libre-échange restreinte à la Chine, la Corée et lui-même, le débat a été porté à la mi-novembre 2010 à l’APEC, qui regroupe outre les économies d’Asie du Nord-Est, celles de l’autre rivage du Pacifique.

Ouverte prioritairement sur le Pacifique, la capitale japonaise n’a pas de réelle volonté à s’impliquer dans la construction d’une zone économique asiatique mais fait le pari de rester un des centres majeurs de la mondialisation. L’interdépendance croissante des économies est-asiatiques est toutefois susceptible d’inciter Tôkyô à s’investir dans le développement d’un partenariat renforcé avec le reste de l’Asie, d’autant que son influence culturelle et symbolique est toujours très importante.

Sébastien Deniauétudiant en 5ème année, Master Sécurité Internationale

le Japon Contemporain sous la direction de Jean-Marie bouissou (fayard, 2007).

d’edo à Tokyo. mémoires et modernités de Philippe pons (Gallimard, 1988)

l’activité internationale des acteurs locaux au Japon et en asie du nord-est de karoline Postel-vinay in etudes du Ceri, juin 1996

aller Plus loin

devant une telle quantité de voitures et un tel flot de musiques, j’avais presque l’impression que le monde entier défilait devant mes yeux ». Cette impression si forte est exprimée au sujet de Tôkyô par un ouléma

tatar, Abdürrechid Ibrahim, après un voyage en Asie de 1908 à 1910. Encore aujourd’hui, elle témoigne du rayonnement de la capitale nipponne en Asie orientale et de son influence économique, culturelle et symbolique. Avec 90 millions de passagers dans les transports aériens, Tôkyô constitue le second hub le plus important au monde, derrière Londres. Toutefois, dès les années 1980, le réseau tissé par les grandes métropoles asiatiques s’est intensifié autour de Hongkong, Singapour, Séoul et Taipei. Plus récemment, il s’est étendu aux mégapoles chinoises avec l’essor de la République populaire. Toutes ces métropoles ont alors entrepris de concurrencer l’hégémonie de la capitale japonaise en Asie orientale.

En 1868, lorsque l’Empereur, isolé à Kyôto par le shogunat des Tokugawa, quitte la ville impériale pour Edo, rebaptisée Tôkyô à l’occasion, cette nouvelle capitale devient le symbole de la modernisation du Japon et de son entrée dans le cercle occidental des grandes puissances industrielles mondiales.

Un siècle plus tard, la montée en puissance du Japon dans un système bipolaire a aussi pour symbole sa capitale avec l’organisation des Jeux Olympiques de 1964. Place financière d’envergure internationale, Tôkyô s’impose comme la référence du développement économique et de la mondialisation en Asie orientale. Dès cette époque, la ville décide de s’inscrire dans la mondialisation et dans un développement économique privilégiant les relations avec les Etats-Unis et l’Europe, suivant la politique japonaise d’internationalisation (kokusaika) des années 1980.

Toutefois, cette époque est marquée par une opposition entre, d’une part, principalement les villes de Tôkyô à Osaka (omote Nihon : « Japon de l’endroit ») qui inscrivent l’économie japonaise dans la mondialisation et, d’autre part, les villes de Niigata et Sapporo (ura Nihon : « Japon de l’envers »), qui vivent de l’économie locale. Alors que les villes de la côte Ouest cherchent volontairement à développer leurs relations économiques avec leurs voisins soviétiques, chinois et coréens, les villes de la côte Est profitent de leur situation géographique, politique et économique pour privilégier leurs relations avec les Etats-Unis et le reste du monde au détriment du régionalisme asiatique.

En dépit de la profonde crise économique et sociale qui frappe le Japon en 1994 et des conséquences de la crise des monnaies asiatiques de 1997-1998, Tôkyô et son « globalisme » demeurent un exemple pour les villes asiatiques, économiquement mais aussi culturellement parlant. La « capitale autoproclamée de la mode » et certains de ses quartiers branchés donnent le ton aux jeunesses coréennes ou chinoises, qui voient en eux l’archétype de la modernité et de la prospérité.

Si le rôle de place financière, de nœud de communication et de destination touristique de Tôkyô est encore primordial au sein de l’espace est-asiatique, la concurrence se fait désormais plus pressante à mesure que les autres mégalopoles, en particulier chinoises, s’imposent avec le soutien de la République populaire. En 2010, la Chine dépasse le Japon en termes de PIB. Entre les voies de la concurrence ou de la coopération, l’avenir semble encore incertain.

1 abdürrechid ibrahim, Un tatar au Japon. Voyage en Asie de 1908 à 1910, editions actes sud, 2004.2 Gouvernement militaire établi au début de l’ère d’edo (1603-1868) par Tokugawa ieyasu, contrôlant le régime féodal, les relations extérieures et l’ordre militaire. l’empereur était alors confiné à un rôle cérémoniel.3 Postel-vinay karoline, « l’activité internationale des acteurs locaux au Japon et en asie du nord-est », Etudes du CERI, 1996.4 Pons, Philippe, « Capitale de la mode », in Ferrier, michaël, Le goût de Tokyo, mercure de France, 2008.

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Part of the PRC since 1997, as a Special Administrative Region (SAR), Hong Kong has enjoyed a high degree of autonomy and is often considered as a quasi city-state. Having been a free port for many years, it has enjoyed a great deal of prosperity and was ranked the freest economy in the world1, due to cleverly applied liberal economic policies. As a consequence, commercial and financial interests have been a major concern for Hong Kong, influencing largely both the legislative and the executive councils with strong divergences among politicians. Nationalist forces in Hong Kong are in constant dispute with those (mostly pro-democracy politicians), who see economic integration with the PRC as a threat to their political autonomy.

On the other hand, the PRC fears that too much autonomy could endanger their privileged economic relationship. On this matter, two aspects of Hong Kong’s autonomy must be regarded in detail. One is the integrity of the PRC as a nation. Aihwa Ong, author of Flexible Citizenship: the cultural logic of transnationality points to the mobility of the business elite as a challenge for the Chinese government. Hong Kong businessmen and residents are free to travel and do business in the PRC territory, whereas the contrary is not possible. What many people do is hold two different passports, so they can benefit from working options, without losing their freedom of mobility. According to Ong, post-Mao Chinese negotiations with global capitalism reveal how building a new historicity by revisiting the cultural heritage of Confucianism and downplaying Western influence could help to establish a connection between the contemporary China, ‘’modernity with Chinese characteristics’’ and the huaqiao (the overseas Chinese to which Hong Kong belongs). Because Hong Kong was under British rule for 155 years, during which it was a breach in China’s border, and in order to avoid complete isolation, solid Western institutions such as the freedom of speech and the rule of law have defined Hong Kong’s political and cultural identities, to a very large extent. The resulting tension between the PRC and Hong Kong derives then from the clash of new cultural and political practices imposed by the Chinese and the important, specific cultural heritage present in Hong Kong. In Ong’s words, “the encounter with global capitalism has reinvigorated racial consciousness and its implications for the integrity of the national territory”2. In an interview with the Paris Globalist, Professor Claudio Lomnitz, director of the Center for the Study of Race and Ethnicity at Columbia University, explained why he understands this process to be quite effective. He points to other means of national image making; in particular, “the national kitsch that goes along with image-making companies trying to get market recognition once in the global arena, which we saw – ad nauseam – during the Chinese Olympic games. Some national stories and histories presented for the world audience are very bizarrely self-caricatured”.

The other fundamental preoccupation regards political institutions. The political development of Hong Kong has been under the surveillance of the PRC, whose efforts to obstruct democratic reforms, such as universal suffrage and direct elections are a reaction to the fear of losing political control. The local political culture is, of course, Western-oriented and hence pro-democratic for the most part, although some may argue that the economic advantages of ceasing to resist to China’s policies and attempts of control are larger than the political advantages of a democratic government. Hong Kong, although it has never been democratic, has constantly stalled any possible attempts to change this situation, since the creation of the Hong Kong SAR under the ‘one country, two systems’ model proposed by Deng Xiaoping. Nevertheless, a great influence over the HKSAR’s administration is exercised through the chief executive – who is chosen based on a process entirely influenced by the Chinese government. In December 2007, Beijing finally announced that it would allow universal suffrage in 2017. However, in addition to the absurd delay, there is no guarantee that they will actually honour the agreement.

In sum, the growing importance of cities in the international arena will predictably be a major source of concern for politicians nowadays. However, rather than a threat, states should face the autonomy of cities as an opportunity to reinforce other ties with the population rather than traditional territorial ones, because the nation-state needs to adapt to the new processes of late capitalism such as the new dynamics of transnational human capital mobility and acculturation and “re-acculturation” processes, as illustrated by the case of Hong Kong. The complex case of Hong Kong proves the state’s ability to do so, using traditional and new mechanisms to reinforce the nation, whilst dealing, at the same time, with increasing cross-border governance issues. Though conciliation is never an easy process, it is also an opportunity to reinvent public administration and national identity policies, embracing all kinds of diversity.

Aline Marsicano Figueiredoétudiante en 5ème année, Master Affaires Internationales

En échange à Columbia University

1 data from the heritage Foundation from 1995 to 2001 and from the Fraser institute for the period from 1970 to 2000.2 ong, aihwa, « Flexible Citizenship: The Cultural logics of Transnationality, Durham, n.C., Duke university press, 1999, (p. 59).

HONg kONg

in 2007, for the first time in history, more people lived in urban than in rural areas. 100000 people per day, and counting, move to urban areas. As a consequence, political, economic and cultural power is more and more concentrated within

cities, mobilizing diffuse interests and generating specific local demands that could not otherwise be expressed at the national level. Such developments increase the capacity of sub-state entities to pursue their own specific interests regardless of those of the state to which they belong, particularly by developing their own foreign policies. The implications are considerable: it is the very principle of indivisible state sovereignty that is thus challenged.

States must act skilfully when dealing with such local stratagems. To grant autonomy is often seen as an effective way to satisfy local demands and to quell the challenges that they represent. Territorial autonomy, as a means of articulating conflicts, may be achieved through demographic distinction, devolution of political powers or a legal guarantee of autonomy. This first alternative was chosen by Spain when dealing with Catalonia, the Basque Country, Galicia and Melilla. However, autonomy rarely suffices to appease totally local actors, whose very interests may be contrary to national policies, rules and administrative organization. The resulting tension may produce a strife for liberty at another level, leading to the edification of autonomous actors who challenge the state’s control over a region or a city.

When negotiations between the state and the sub-national entity fail, repression is often the other answer to consolidate national integrity. The most obvious disadvantage is that repression often polarises society and causes mounting violence. The Popular Republic of China (PRC) has alternatively used both means – recognition of autonomy and repression – of dealing with what is ex ante the same problem. With Tibet, for instance, the latter “solution”, seems to be the answer, whereas for Hong Kong, negotiated autonomy has prevailed, i.e. varying strategies for dealing with the different realities of autonomous demand Hong Kong is a rather emblematic case, in which the degree of autonomy is constantly negotiated and re-negotiated to achieve conciliation, yet the tension never ceases.

CiTies have BeCome relevanT as imPorTanT inTernaTional aCTors. relyinG on PoliTiCal auTonomy, They

have Come To deFy esTaBlished naTional insTiTuTions, BrinGinG boTH aDvanTaGeS anD ConCernS To THe STaTeS To WHiCH THey belonG. THe exCepTional CaSe of HonG KonG illuSTraTeS HoW THe reSulTinG TenSion beTWeen STaTeS anD CiTieS Can be proDuCTive raTHer THen DeSTruCTive WHen Well aDMiniSTraTeD.

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Creative Commons license photo credit : Grace of sun

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au confluent du Tonlé Sap et du Mékong, aujourd’hui peuplée de trois millions d’habitants, Phnom Penh est une ville qui revient de loin. Souvent snobée par les touristes qui lui préfèrent les mystères d’Angkor, la capitale du Cambodge mérite pourtant qu’on vienne à sa rencontre.

Vidée en quelques jours de la totalité de sa population par les Khmers Rouges victorieux, en 1975, la Perle de l’Asie resta une ville fantôme jusqu’à leur chute, début 1979. La guerre civile ne prit officiellement fin que vingt ans plus tard, lorsque les derniers Khmers Rouges déposèrent les armes en 1999, un an après le décès de Pol Pot.

Phnom Penh n’avait cependant pas attendu pour se reconstruire. La ville est aujourd’hui bouillonnante de vie, et son développement confine souvent à l’anarchisme. Des espaces jusque là préservés sont livrés aux constructeurs, telle la splendide presqu’île de Chroy Changvar, où la communauté Cham vit dans des cabanes sur hauts pilotis. De même, le lac Boeung Kak, dans le Nord de la capitale cambodgienne, fait depuis plusieurs années l’objet d’un plan de comblement visant à le faire disparaître. A la place de ce symbole de la ville s’élèveront bientôt centres commerciaux et résidences de luxe.

Pour autant, Phnom Penh n’oublie pas son passé. La petite école de Tuol Svay Prey, transformée en centre de torture par les Khmers Rouges sous le nom de code S-21, a été préservée telle qu’elle avait été découverte par l’armée vietnamienne en 1979. A 17 kilomètres de la capitale, le charnier de Choeung Ek rappelle le sort qui attendait les « interrogés » de S-21 : c’est dans cet ancien verger que 17 000 victimes du régime de Pol Pot ont été exécutés, à coup de marteau, de machette ou de pioche, pour économiser les munitions. Le calme qui y règne est troublant, et l’étranger, accueilli partout au Cambodge par mille sourires, ne doit pas s’y tromper : le royaume Khmer se relève, mais panse encore ses plaies.

Romain Carlevanétudiant en 5ème année, Master recherche Histoire

enfant du quartier du lac Boeunk kak, au nord de la ville. Cet endroit extrêmement pittoresque, tout en maisons de tôle sur pilotis, est appelé à disparaître très prochainement. Pour les autorités, le lac est à la fois un danger sanitaire et une aubaine immobilière. Son assèchement a été décidé malgré les protestations des habitants. a phnom penh, profit et développement harmonieux ne s’entendent pas plus qu’ailleurs.

la Perle de l’asie renaîT lenTemenT de ses Cendres

DOSSIER | un monde de villes

Phnom Penh

| rePorTaGe PhoToGraPhiQue

le palais royal, au cœur de Phnom Penh, est le symbole de la grandeur passée de la monarchie khmère. longtemps siège du roi sihanouk – qui passa en fait la majeure partie de son règne troublé en exil – c’est, depuis son abdication en 2004, la résidence de son fils, le roi Sihamoni.

un stupa dans un des nombreux temples bouddhistes de la capitale. durant leurs quatre années de pouvoir, les khmers rouges avaient tenté de détruire la religion. dès leur chute, le bouddhisme a reconquis le terrain perdu. 95% des Cambodgiens se disent encore aujourd’hui bouddhistes.

Barques Chams, sur le Tonlé sap. les membres de cette ethnie musulmane, dont la moitié ont été exterminée par les Khmers rouges, vivent essentiellement sur le fleuve, que ce soit dans des bateaux ou dans des maisons sur pilotis.

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un marché aux fruits, dans le centre de Phnom Penh. oubliez pommes, poires et abricots, et appréciez ramboutans, fruits du dragon et kumquats.

Près de vinGT mille hommes, Femmes eT enFanTs onT éTé exéCuTés en l’esPaCe de QuaTre ans, aux ‘KILLING FIELdS’ de ChoeunG ek. un sTuPa a éTé ériGé à l’endroiT où les viCTimes desCendaienT de Camion. il ConTienT les Crânes de CinQ mille d’enTre eux. CeTTe « Preuve numéro un » du GénoCide khmer esT désormais Gérée Par une soCiéTé Privée JaPonaise, Ce Qui ne manQue Pas de Faire GrinCer BeauCouP de denTs.

sanctuaire au pied d’un arbre, sur la presqu’île de Chroy Changvar. de nombreux singes, nourris par les habitants, peuvent être observés jusqu’en centre-ville de Phnom Penh.

Située dos au lac boeung Kak, la Mosquée de phnom penh, financée par l’émirat de dubaï, est à la fois symbole de la tolérance du Cambodge envers ses minorités ethniques et religieuses, et un rappel de sa dépendance à l’aide étrangère.

Bronze à encens à l’entrée d’un sanctuaire taoïste. les familles chinoises, mais aussi khmères, viennent y prier pour la santé d’un proche, une réussite aux examens, ou le succès d’un commerce.

DOSSIER | un monde de villes| rePorTaGe PhoToGraPhiQue

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VaRIa

tHE fORgOttEN cONfLIct IN WEStERN SaHaRanever been held. Instead, Spain ceded Western Sahara and handed over the territory to Morocco and Mauretania via the ‘Madrid Agreement.’ Mauretania’s involvement ended in 1979. A ceasefire between Morocco and Polisario was established in 1991 with the MINURSO (Mission des Nations Unies pour l’Organisation d’un Référendum au Sahara Occidental) carefully determining who should vote in a referendum. The Saharawi people are still waiting for the referendum to be held, because Morocco refuses to accept a vote that it cannot control, while Polisario insists that full independence must be an option.

Pitty argues that there will be no solution for the conflict as long as Morocco does not accept more than one outcome of the referendum and as long as it is backed by two powerful states. France and the United States, both members of the Security Council, are Morocco’s close allies, providing economic and military aid. While France is Morocco’s leading trade partner, the US entered into a bilateral free trade agreement with the Kingdom. In 2007 the European Union signed a 36-million-euro fishery agreement with Morocco, from which the Saharawi people do not benefit, allowing the EU to fish off the waters of Western Sahara. Economic interests have clearly overridden international attention to the conflict and have contributed to instability in the region.

The Gadaym Izik protest camp, set up by displaced Saharawis near Laayoune, was forcibly removed in November 2010 by Moroccan forces. This violent incident highlights once again that the conflict in Western Sahara has to move up the priority list of the Security Council. It is time to let the Saharan people decide their political status.

Nadine AyoubBachelor in Political Sciences, University of Vienna

Exchange student at the University of Western Australia

1975

Spain hands over the territory to

Morocco and Mauretania

1991

Cease-fire begins, establishment of

MINURSO

2001Baker Plan I calls

for holding a referendum, rejected

by Polisario and Algeria

2003

Baker Plan II rejected by

Morocco

2007

First round negotiations between

Morocco and Polisario

2010

Protests in the Gadaym Izik

camp

endgame in the Western Sahara: what future for africa's last colony? De Toby Shelley (Zed books, 2004).

Go FurTher

a pHoSpHaTe-riCH TerriTory in norTH-WeST afriCa, WeSTern SaHara iS THe SubJeCT of a 35 year lonG DiSpuTe beTWeen MoroCCo anD THe Polisario FronT, rePresenTaTive oF The saharan PeoPle.

a desert wall, more than 2,500 km long, made of stone, landmines and barbed wire, divides Western Sahara, homeland of the Saharawi people. Morocco and Polisario, backed by Algeria, have disputed control

over the territory since Morocco’s invasion, or “Green March,” in 1975. Morocco claims the territory, which it says it governed before Spanish colonization.

Human Rights Organizations report that more than 100,000 Saharan people are now forced to live in refugee camps in Tindouf, Algeria. Morocco continues to control more than

two thirds of the resource-rich Western Sahara, ignoring the fact that in 1975 the International Court of Justice rejected the historical claims by Morocco and Mauretania and entitled the Saharan people to self-determination. According to Dr. Roderic Pitty, Professor for International Relations and Political Science at the University of Western Australia, Morocco’s occupation is clearly a continuing violation of International Law and of General Assembly Resolutions.

In 1974 Spain agreed to organize a referendum on self-determination for the people of Western Sahara, which has

1884

Beginning of Spanish colonisation

1965

UN General Assembly calls for

independence

1973

Foundation of Polisario, backed by

Algeria

1975

International Court of Justice Advisory

Opinion on Western Sahara

1975‘Green March’,

King Hassan orders 350,000

unarmed Moroccans to

cross into Spanish Sahara

Key

dates

Mauritania

Sahrawi refugees(in thousands), per host country, end of 2009

accordingto UNHCR

accordingto Algeria

Algeria90

125

26

Al-Mahbas

Bir LehlouTifariti

Mehaires

Es-Semara

Oum Dreyga

Mijek

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Agwanit

ALGERIA

MOROCCO

MAURITANIA

Canary Islands(SPAIN)

Atlantic

Ocean

Tarfaya

Sidi Ifni

Las Palmas

Boujdour

Bir Mogrein

Zouérat

Nouadhibou

Tindouf

El-Ayoun

Dakhla

bermbu�er zone

100 km

Reference : United Nations, United Nations Missionfor the Referendum in Western Sahara , www.minurso.unmissions.org ; United Nations High Commissioner for Refugees ; www.unhcr.orgIn Ceriscope : http://ceriscope.sciences-po.fr Ce

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United Nations Peacekeeping Missionin Western Sahara, 2010

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UN sitesRefugee camps

Creative Commons license photo credit : united nations Photo

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34 35tHE PaRIS gLOBaLISt | vol. v n°1 tHE PaRIS gLOBaLISt | vol. v n°1

VaRIa

A la mort de Mao, les jeunes sont rappelés de leur exil. Pour gagner leur droit d’accéder à l’université, ils doivent concourir les uns contre les autres pour les rares places disponibles. Seuls 3% passent l’ordalie. Ils deviennent ainsi la « promotion de 1982 », unie non seulement par l’épreuve mais également par la conscience du rôle qu’ils ont maintenant à jouer. En somme, à l’heure où la Chine cherche à se réinventer, l’Histoire réunit autour d’un même but les membres les plus brillants, endurants et inventifs de toute une décennie. Ce qui fera dire au dissident chinois Wang Juntao que « ce groupe unique produira sûrement les scientifiques, écrivains, philosophes, professeurs, artistes et hommes d’Etat les plus brillants du pays ».

Partageant leurs cours avec leurs cadets, ceux qui formeront plus tard la « génération Tiananmen », les membres de la 5ème génération ont été, plus que tout autre, exposés aux idées occidentales. Li Keqiang, alors élève en droit à l’Université de Pékin, se passionne ainsi pour le droit constitutionnel de l’Ouest et écrit de nombreux articles sur le développement des systèmes légaux, sur la réforme économique dans les campagnes ou sur les politiques de réduction de la pauvreté. Mais, contrairement à leurs benjamins, Li Keqiang et ses pairs avaient déjà fini leurs études en 1989. Déjà engagés en politique, travaillant de l’autre côté de la barrière, ils ne les suivirent pas sur la place Tiananmen pour y réclamer la démocratie.

A l’unité historique se superpose une division politique. Tout comme le PCC, la 5ème n’a rien de monolithique. Plusieurs factions s’y affrontent. Sans être aussi structurées que nos courants politiques occidentaux, ces factions s’organisent autours d’un mélange d’intérêts croisés et de convictions partagées. Pour la 5ème génération, deux tendances semblent s’affirment d’une manière un peu plus prononcée que les autres, D’un côté il y a les « fils de », la fameuse « clique des princes » (太子党 – tàizǐdǎng) ; ceux qui ont su bénéficier de leurs connexions familiales pour grimper rapidement les échelons. Très bien formée, cette « noblesse rouge » sort des meilleures universités et compte également dans ses rangs de nombreux entrepreneurs. Elitiste et disparate, ce groupe se retrouve autours de la défense d’un modèle de croissance rapide et d’un conservatisme politique synonyme de gros profits et de calme national.

De l’autre côté, les membres de la « faction de la ligue » (团派 – tuánpài) – ainsi nommée car elle recrute le gros de ses forces dans la Ligue de la jeunesse communiste - ont dû grimper les échelons un à un et sont plus sensibles à l’importance de la base populaire. Ayant souvent passés de longues années dans des postes en province, ils ont assisté avec inquiétude à la montée des inégalités sociales, au saccage de l’environnement et font plus attention aux nombreux laissés-pour-compte des réformes.

A la fin des années 1990, placées sous le signe de l’accélération des réformes économiques, ce sont les princes qui se sont imposés. A l’inverse, durant les années 2000, quand les nombreux déséquilibres nés du modèle de croissance chinois se sont fait sentir, ce sont les tuanpai qui se sont affirmé autours du couple Hu Jintao / Wen Jiabao et du concept de « Société Harmonieuse » (和谐社会 – héxiéshèhuì). Aujourd’hui, il semblerait que les

rapports de force tendent vers un équilibre précaire. Xi Jinping, un prince, sera vraisemblablement appelé à la Présidence d’ici 2012 mais Li Keqiang – son Premier Ministre potentiel – est un tuanpai. Le régime a en effet besoin des deux camps pour assurer son avenir. Dotés de compétences complémentaires – les premiers instruits des rouages de l’économie moderne, les seconds rompus à la gestion des défis sociaux – les deux factions doivent collaborer. Pour cette « équipe de rivaux », il s’agit de « maximiser les intérêts communs et les chances de survie » concluait récemment le Quotidien de la Jeunesse.

Peut-on espérer voir ainsi progresser le pluralisme politique en Chine ? Diriger au travers de compromis entre différentes tendances politiques serait assurément un pas de géant pour un pays où la réforme politique est bloquée depuis 1989. Difficile pourtant de prévoir le développement du jeu politique chinois quand on ne peut lire les courants profonds qu’au travers de rides à la surface. Quoiqu’il en soit, la 5ème génération devra transformer la culture politique du Parti si elle veut en faire un outil capable de surmonter les défis à venir. Il en va de la survie des uns, des autres et du pays tout entier.

Côme J. Decheryétudiant en année de césure,

Assistant au bureau « Asie » du magazine Le Point à Pékin

cEttE 5èME géNéRatION qUI SE PROfILE…

DaNS LES cOULOIRS DES MINIStèRES DE PékIN, UNE RéVOLUtION SILENcIEUSE SE PRéPaRE. D’IcI UN aN, tOUtE UNE NOUVELLE géNéRatION POLItIqUE aRRIVERa aUx cOMMaNDES DE L’EMPIRE DU MILIEU. qUELLE cONSéqUENcE POUR LE PayS ?

avez-vous déjà entendu parler de Xi Jinping ? Ou de Li Keqiang ? Si ce n’est pas le cas, rassurez vous : vous n’êtes pas un cas isolé. Pourtant, d’ici deux ans, ces deux hommes seront vraisemblablement appelés à

diriger la Chine.

Le 18 octobre dernier, les 365 membres du comité central – l’état major du Parti Communiste Chinois (PCC) - ont mis la dernière touche aux préparatifs de la succession. Xi Jinping s’est ainsi vu confier le siège de numéro deux de la Commission Militaire Centrale (CMC). Assis à la droite de l’actuel président Hu Jintao, il peut se frotter les mains : de Mao à aujourd’hui, le contrôle de la CMC est toujours allé de pair avec celui de l’Etat et du Parti. Li Keqiang n’est pas en reste. Sa nomination au poste de vice-Premier ministre en 2008 en fait l’un des successeurs potentiels de l’actuel chef du gouvernement, Wen Jiabao.

Ces mouvements sont les signes avant-coureurs d’un grand changement pour le pays. En effet, la Chine communiste a toujours été dirigée par des « générations » politiques successives. De Mao Zedong à Hu Jintao, quatre générations

se sont écoulées. Que penser alors de cette « 5ème génération » qui arrive ? Produit d’une dictature conservatrice ou égérie du dynamisme chinois ? La question est plus complexe qu’il n’y paraît car cette génération est sans doute la plus hétérogène qu’il nous ait été donné de voir depuis la fondation du régime.

En son cœur, il y a une identité commune forgée par la Révolution Culturelle (1966-1976). Au seuil de l’âge adulte, entraînés par Mao et la propagande, les membres de la 5ème génération menèrent dans leur collège, leur lycée, leur ville et leur famille une violente traque aux sorcières contre les « réactionnaires » (comprendre : les adversaires politiques de Mao). Trahis par le Grand Timonier une fois la purge accomplie, ils sont envoyés de force à la campagne pour y être « rééduqués par le travail ». A 16 ans, Xi Jinping s’est ainsi retrouvé à travailler la terre aride du Shaanxi, l’une des régions les plus pauvres et reculées du pays. Il y reste 6 ans avant de pouvoir repartir à la ville et reprendre une vie normale. Ce genre d’expérience a rendu la 5ème génération plus humble et a également nourri sa méfiance vis-à-vis des dérives de l’idéologie.

DEMaIN,EN cHINE,

Creative Commons license photo credit: Joe Wong

Creative Commons license photo credit: remko Tanis

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VaRIa

The imPlemenTaTion oF The CarBon markeT and The ProPosiTion of THe Clean DevelopMenT MeCHaniSM Were reSponSeS To CliMaTe CHanGe. buT HoW effeCTive HaS iT been To proMoTe Clean DevelopMenT in Sub-SaHaran afriCa, anD ConSequenTly HoW BeneFiCial is iT To This reGion?

in many of these countries. Alternatively, the registration process for projects within the small scale limit set by the United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC) could be fast-tracked or the CDM rules could be simplified in order to decrease the costs and requirements of monitoring the projects in Sub-Saharan Africa.

From an economic perspective, the concept of a mechanism both acting as a means of meeting the developed countries’ carbon emission limits and encouraging economic development in the developing countries is good. Nevertheless, the Clean Development Mechanism leaves room for improvement as it is currently most beneficial to the industrialized countries. The result of the continuous lack of investment could ultimately be a Sub-Saharan African feeling of exclusion from the international discussion on climate change mitigation.

Heidi Bruvik SætherBSc in Business, Language and Culture, Copenhagen

Business School1 http://www.lumes.lu.se/database/alumni/07.09/thesis/karavai_ma-ryna.pdf

INVEStMENt IN cLEaN DEVELOPMENt:

The effects of climate change are expected to be greatest in developing countries in terms of loss of life and relative effects on investment and economy” states the Intergovernmental Panel on Climate Change

(IPCC). There is a great inequality concerning the geography of emissions versus the geography of impacts. Sub-Saharan Africa is what can be called one of the “cleanest” parts of the world with emitting only a small fraction of the global greenhouse gas emissions (about 5% of 2008 global emissions)1. This region is also one of the most vulnerable regions to climate change due to its geographical exposure, its dependence on agriculture, its extreme poverty and its lack of infrastructure.

Knowing that the industrialized countries are most responsible for greenhouse gas (GHG) emissions, one could argue it is up to them to help finance clean projects. That is why the Clean Development Mechanism (CDM) was implemented by the Kyoto Protocol in 2005. This market-based mechanism measures carbon credits emissions. Developed countries are invited to invest in sustainable energy development in developing countries in order to earn certified emission reduction credits (CERs) and meet their GHG reduction commitments. The industries concerned are for example energy production, manufacturing and waste handling and disposal. The World Bank states that the cumulative committed investments to CDM project activities over the period of 2002 to 2007 was about 44 billion Euros.

However, Africa lags far behind in terms of CDM projects. Africa currently hosts about 2% of the total CDM projects, which represents 48 projects, while Asia hosts 1945 projects and Latin America and the Caribbean 480 projects. Sub-Saharan Africa has the world’s lowest number of active projects with only 1.3% of the projects, with 17 of the projects being in South Africa. Why is Sub-Saharan Africa not being prioritized for CDM investments?

One of the reasons for the Sub-Sahara African market’s lack of attractiveness is the slow pace of the African economic development as well as its poor industrial base in the region. Compared to China, which today hosts 1016 CDM projects, and being a large GHG emitter, the Sub-Sahara African countries offer few investment opportunities and a low generation of

carbon credits (CER’s), as these countries are low emitters. Political instability, poor governance, scarcity of energy infrastructures and corruption are other reasons for the private investors’ reluctance in investing in the Sub-Saharan countries.

Nevertheless, clean investments are more developed in some countries in the region, such as South Africa, which is more developed and politically stable than many of its neighbors. As mentioned, South Africa hosts 17 CDM projects. One of these projects is the Kuyasa CDM project in Khayelitsha, Cape Town, which started August 2008 and was completed in October 2010. This was South Africa’s first internationally registered CDM project and involved installation of solar water heating, insulated ceilings and energy efficient lighting in over 2300 homes. The result has been, among others, improved energy efficiency, decreased spending on energy and reduction in paraffin for heating.

Political stability is not the only hindering factor of clean investments. Burkina Faso and Senegal, two countries that have been relatively stable in history, host very little or no projects. What could be some ways to increase CDM investments in sub-Saharan Africa?

The Nairobi Framework, created in 2006 by the United Nations, the World Bank Group and African Development Bank, was an initiative taken in order to build capacity in developing CDM project activities and promote investment opportunities for projects, especially in sub-Sahara Africa. The increase in the number of projects in Sub-Saharan Africa since 2006 has been little. François Gemenne, a researcher at the Institute for Sustainable Development and International Relations (IDDRI), argues that the Nairobi Framework has “not shown any significant results for encouragement or increase in investment, and has therefore not been very efficient, if not irrelevant, for development”.

Other measures could be taken to increase the attractiveness of these markets to CDM investments. The World Bank, through the World Bank Guarantee Program, stands as a partial guarantee for commercial investments done in developing countries by covering some of the risk of the investments. Gemenne argues that this system could be further enhanced in the Sub-Saharan region, considering the political situation

tHE caSE Of SUB-SaHaRaN afRIca

Greenhouse Gas Creditin thousands metric tons of CO2

Kyoto Protocol

CDM Country Investors

252 353

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2 500349

1,5

Countries commited to cutting their greenhouse gas emissions

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Reference : United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC), http://unfccc.int

Clean Development Mechanisms (CDM) in the world in 2010

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1 ''Sexe for sale, legally'', The Economist, Jul.11th 2003.

[infection] in the world [currently estimated to be around 45% amongst South African prostitutes], there is a real concern that tourists could leave having contracted an STD. If sex workers were legally recognised they would face less risks and so would the tourists,”. Many countries appear to have acquiesced to this position. So the debate is complex.

In an article that examines the trend towards decriminalising prositutiong for pragmatic reasons (such as the spread of STDs), The Economist1 reports that ‘Few cities have gone quite so far as Cape Town in South Africa, which decided to publicise its brothels as a tourist attraction’. Given the high levels of HIV infection amongst South African prostitutes and the clear link between the legalisation of prostitution and global sex trafficking, one wonders whether this was the smartest move. Nonetheless, the question remains as to how Cape Town and other global cities should best protect its citizens without fuelling global sex slavery.

Ultimately, prostitution flourishes on the back of demand; moral polemics about the industry itself appear to be a red herring. History suggests that demand is prevalent independent of the legal framework employed in any given city. This is not to say that willingness to actually buy is not influenced by the law (as shown in Sweden). Either way, demand for prostitution appears to be the root problem. Even if prostitution was legal in Cape Town, the question of protection for street-level prostitutes like Rosemary remains unanswered. If laws against prostitution are impracticable, then there is little to suggest that law-enforcement officers would be able to protect prostitutes from either their clients or their pimps even if prostitution was legal. It appears, then, that global efforts to reduce the demand for prostitution are necessary to prevent sex trafficking and to provide protection for those currently in the industry. Without a global consensus that men like Jack should refrain from purchasing prostitutes (because they are people, not objects), it is difficult to see how this would be possible.

Ross Harvey,Student at the University of Cape Town

The Cape Town Globalist

The PoliTical economy of ProsTiTuTion in caPe TownRED LIgHtS aND RED HERRINgS:

it’s a Wednesday night. The suburb is Kenilworth, Cape Town. The average property price in the area: €225000 for a 3-bedroom home. That’s expensive in South Africa. A young girl - let’s call her Rosemary - stands on the corner

of Crescent and Main Roads, waiting for clients. A car pulls up (Jaguar, X-Type) with a white, middle-aged man in the driver’s seat – let’s call him Jack. Rosemary and Jack negotiate for a few seconds and she climbs in. No one knows whether she will be seen again. Whatever money she makes will mostly accrue to her pimp. Prostitution in Cape Town is no anomaly; by all accounts it is a robust global profession. So what’s new and why fill up column-space writing about it? The answer is simply that the issue fuels debate over substantively more than the morality of prostitution.

First, there is the contested question of the link between prostitution and sex trafficking. Second, there is the question of how best to protect people in the sex industry from harm. Third, if there is a link between prostitution and sex trafficking, how can ‘global cities’ combat the scourge without becoming perennially embroiled in unfruitful polemics?

A Google Search for ‘data + prostitution + Cape Town’ yields a diverse array of responses, foremost of which is a magazine advert for the best strip clubs in Cape Town: ‘Mavericks is a distinguished Cape Town strip club that attracts a discerning clientele…where open-minded people, who appreciate good taste and good times, gather to experience…a bit of sexy and

naughty.’ What the editor of cited magazine may not know, however, is that another Cape Town strip club – House of Rasputin – which he endorses, has been in the spotlight for activities which suggest less than good taste and disastrous times for its employees. The Sunday Times reported how ‘Tatiana Malachi fled South Africa this week after a harrowing ordeal in prison, where she was locked up for failing to pay an unsubstantiated debt of €14000 to the strip club that recruited her to work in Cape Town’.Scholarly research provides compelling evidence for a strong positive correlation between legalised prostitution and sex trafficking. According to a cross-country study done by the University of Gothenburg, ‘trafficking of persons for commercial sexual exploitation is least prevalent in countries where prostitution is illegal, most prevalent in countries where prostitution is legalized, and in between in those countries where prostitution is legal but procuring illegal’. Sweden is one of those ‘in between’ countries, where the purchase of sex is criminalised, but not the selling thereof. Men caught soliciting face up to six months in prison.

Almost because of the above evidence, questions of protection for men and women in the local sex industry remain difficult. Making prostitution illegal appears to be a necessary condition for reducing sex trafficking. However, it is not a sufficient condition to ensure the safety of those who work locally in the sex industry. If anything, it may be counter-productive, as recent experience in Italy and the UK demonstrate. There are questions both around the practicability of law enforcement in Cape Town and the credibility of those tasked with public protection. Anecdotal evidence again suggests that police harassment of prostitutes is diabolical. Take the story of «R», who was raped by two police officers while being held at the station. Dianne Massawe of the NGO, SWEAT, argues that the criminalisation of the sex trade in areas where police violence is rampant, the physical danger for prostitutes only increases. Marlise Richter, who works for a consulting organisation says that: “Given that South Africa has the highest rates of HIV

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Creative Commons license photo credit: mikko kapanen

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VaRIa

Cinévilles

la ville est souvent un décor pour les tournages de films. lorsque la ville devient l’objet d’attention de la caméra, c’est le phénomène urbain qui est retranscrit dans sa complexité : ses habitants, ses

frontières, sa frénésie. C’est ainsi qu’est né le partenariat entre le Ciné-club du Bureau des arts de sciencesPo et le Paris Globalist à l’occasion de la publication du premier numéro de l’année 2011, ‘’un monde de villes’’.Les trois projections auront lieu les mercredis à 17h en salle Jean Moulin, 13 rue de l’Université.

merCredi 26 Janvier : Alphaville, une étrange aventure de lemmy Caution, réalisé par Jean-luc Godard en 1965 C’est le portrait d’une ville fermée sur elle-même que Godard nous offre dans ce film de 1965. L’agent secret Lemmy Caution part en mission secrète dans cette ville à la morphologie deshumanisée. Une ville sans sentiments occupée par des bâtiments aseptisés et dirigée par une machine centrale, Alpha 60. Les nouveaux quartiers de Paris des années 1960 sont l’occasion pour Godard de manifester son désaccord face aux nouvelles tours et barres d’habitation. Le film prend toute son ampleur à la lumière des réflexions actuelles sur la ville aseptisée par la mondialisation. La vision dystopique d’Alphaville est-elle celle d’une uniformité actuelle de l’espace urbain ?

merCredi 2 Février : Los Olvidados, réalisé par luis Buñuel en 1950 Luis Buñuel explore les causes sociales de la délinquance juvénile dans la banlieue mexicaine des années 1950. Jaïbo, Julian et Pedro sont décrits comme les recalés de la société. Primé au festival de Cannes de 1951 pour sa mise en scène, ce long-métrage opose la cruauté des conditions de vie à la perversité et la naiveté des enfants des bidonvilles de Mexico livrés à eux-mêmes dans une ville qui ne cesse de s’étendre. Aujourd’hui, Mexico est une des mégalopoles les plus peuplées au monde. Qui sont ses nouveaux olvidados ?

merCredi 9 Février : De l’autre coté, réalisé par Fatih akin en 2007 Prix du Scénario au Festival de Cannes en 2007, ce film narre l’immigration turque en Allemagne à travers les allers-retours de personnages entre l’Allemagne et la Turquie, notamment sa capitale, Istanbul. Leurs destins sont le point de rencontre entre les cultures turque et allemande. Fatih Akin lui-même né en Allemagne de parents turcs propose ici un regard juste sur une ville au confluent de l’Europe et de l’Orient. A la découverte de la ville cosmopolite par défaut, ce film clôturera le cycle ‘’Cinévilles’’.

Cycle « Cheers ! Cheers ! Cheers ! » en partenariat avec Cheers, l’association franco-britannique de sciences Po

16/02 : un poisson nommé Wanda (Monty python, 1988) 23/02 : le Troisième Homme (Carol reed, 1949)09/03 : Meurtre dans un jardin anglais (peter Greenaway, 1982)

Cycle « Trouble dans le genre » en partenariat avec Plug n’Play l’association lGBT de sciences Po

16/03 : Théorème (pier paolo pasolini, 1968)23/03 : la chasse (William friedkin, 1980)06/04 : la naissance des pieuvres (Céline Sciamma, 2007)

Cycle « extreme orient »

13/04 : old boy (park Chan-Wook, 2003) 20/04 : les Contes de la lune vague après la pluie ( Kenji Mizoguchi, 1953) 27/04 : Hana-bi (Takeshi Kitano, 1997)

ProJeCTions Tous les merCredis à 17h en salle Jean moulin, suivies d’un déBaT aveC un ProFessionnel ou un universiTaire JusQu’à 20h.

orGanisaTion PonCTuelle d’avanT-Premières enTrée liBre Pour les memBres du Bda

ProGrammaTion

GlobalistThe Paris

26/01

02/02

09/02

Istanbul tales

Istanbul. Although these characters are from different social and ethnic backgrounds, it is Istanbul, as a metropolitan city, that bonds them together in one way or another.

In other words, Anlat Istanbul reveals the plural identity of the metropolitan city. The heroes of the stories are homosexuals, transsexuals, homeless, cheated unemployed men, innocent people who escaped from jail and women trying to escape from the unpunished crimes of the mafia. The plural identity of Istanbul may remain a myth. This cosmopolitan city is home to several minorities that all experience their otherness.

Using the setting of a fairy tale in which to develop the lives of the residents of Istanbul was done for a purpose. Directors show us how impossible it seems that a transsexual woman can be considered a modern Cinderella. It is so because we regard them as “others” whose feelings we do not need to respect. In the film, Banu is a prostitute who works for a brutal pimp. One day, she falls in love with a shopkeeper. When the shopkeeper first sees her, he asks “who are you, what are you? Are you a human or a spirit?” and Banu answers “Just someone like you…” But Banu and the shopkeeper decide to run away because others do not let them be together in Istanbul.

However, when Banu first came to Istanbul from another city where she had no way to live as a transsexual, she hoped that in Istanbul, she could live a regular life like any other person.

She thought Istanbul was a huge city, where she could find a place for herself to realize her dreams. But a few years was enough to see that this was not the case. She is also an “other” here. This is why Banu and her lover want to run away from this city and go where nobody knows their past.

Heroes experience a love-hate relationship

with the city. They blame the city for their sufferings, their victories, or their defeats, as they had come from somewhere else hoping to have a better life (or at least to have their own life without being judged). However, they also cannot deny their love for the charming beauty of Istanbul.

These are the people that at the margins of society, even though they are the characters of fairy tales. The best stories can be hidden behind the hobo or a man that does not speak your language even though he is born in the same country as you. In this way, the film shows us how the city manages to merge both the universal and the particular stories of others that are often ignored, despite that they live next to us. Next time, look at people and think about what stories they might have to share. Who knows: they might even be the next Peter Pan or Little Red Riding Hood.

Nazife EceExchange student from Boğaziçi University

The story of this Pied Piper is told in a Turkish film called Anlat Istanbul (which in English, translates to “Istanbul tales”). The film’s screenplay was written by Ümit Ünal, and it is the first time in Turkey that 5 interconnected fairy tales by 5 different directors – Ümit Ünal, Kudret Sabancı, Selim Demirdelen, Yücel Yolcu and Ömür Atay – have been shot as a single story. It won the Jury Special Award in the Bangkok Film Festival and the award for Best Turkish Film of the Year in 2005 during the Istanbul International Film Festival. While the stories in the film are inspired by ordinary lives in Istanbul, they are told within a fairy tale context. It is the story of today’s Sleeping Beauty as well as today’s evil-minded queens living together in one city.

‘Once upon a time, one evening in Istanbul…’ At the very beginning of the movie, the camera shows us a panoramic view of Istanbul. We see a musician who makes money by playing his clarinet. Everything is good for him; he has a lovely wife and works a lot to make her wife’s life better. But one day, he finds out that his wife has cheated on him with a photographer, as she wants to be a wealthy top model. His love for his wife is the only thing that enables the musician survive the difficulties of the city. After this deception, he begins to wander throughout the streets of Istanbul with nothing but his clarinet, similar to the Pied Piper after he was deceived by the villagers. At the end, the Pied Paper, like all other characters in this movie, blames the city for giving him the initial sense that he was in a fairy tale with his princess.

While our Pied Piper is wandering around the city, he is hit and his clarinet falls to the ground as a guy runs after a girl. Pied Piper shouts unconsciously after them, “you took my life, but I will not let you have my clarinet!” The Pied Piper does not know that he was hit by the huntsman who is after his Snow White named Idil. Idil was the Snow White of her father until her stepmother ordered a man to kill her after her father’s mysterious death. Her father was killed in a restaurant. The same day, in the kitchen of that restaurant, a Kurdish boy, Musa, tries to have his relative find him a job since he has just arrived in

“WaKe up! everyone, WaKe up! THe fairyTale’S over! aren’T you aWaKe yeT? i KnoW HoW To WaKe you up. onCe upon a TiMe, onCe uPon a morninG in isTanBul... THere WaS uS anD THere WaSn’T. anD ThaT’s as Far as The FairyTale Goes...” says the Pied Piper walking with his flute through the Galata Bridge in Istanbul.

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l’équipe du Paris Globalist remercie pour leur soutien

l’association Française pour les nations unies

BnP Paribas

The economist

Pembroke College, university of Cambridge

& l’atelier de cartographie de sciencesPo

The Paris Globalist - association loi 1901 - 27 rue saint-Guillaume75007 Paris

responsables : Judith Chetrit, lena le Goff, anne isambert

directrice de la rédaction : Judith Chetritrédactrice en chef : lena le Goff

impression : impression design,17, rue de la Ferme, 92100 Boulogne-Billancourt

date de parution : Janvier 2011 - dépôt légal : à parution n°issn : 1969-1297

valeur : 5,60 € - 2500 exemplaires Tarif d’abonnement : prix normal pour un an (trois numéros)France métropolitaine : 12,90 € TTCue : 19,20 €dom-Com et reste du monde : 22,40 €

licences Photos:

Flickr : http://creativecommons.org/liicenses/by-nc-nd/2.0/

Wikimedia : http://commons.wikimedia.org/wiki/Gnu_Free_documentation_li-cense

Creative Commons license photo credit: Trey ratcliff

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