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Larguesa Un art du don dans l’Occitanie médiévale Miquèla Stent a

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De toutes les valeurs qui structurent la société médiévale occitane, la larguesa, cette générosité, cette muni� cence, cette propension à donner est certainement l’une des plus importantes et des plus attestées. Miquèla Stenta explore cette notion à la source, dans la poésie des troubadours qu’elle fait entendre avec des accents et des implications des plus actuels. Larguesa, souvent associée aux valeurs de paratge, de prètz, de mesura et opposée à cobeitatz (cupidité, convoitise) représente un idéal de vie sociale mais aussi de vie morale et amoureuse. Cet art du don est un art de vivre, de penser et d’agir.

Illustration de couverture : Matfre Ermengaud, Breviari d’amor, CIRDOC-Mediatèca occitana, 11v

LarguesaUn art du don dans l’Occitanie médiévale

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vale

Miquèla Stenta

RÉF : 340Z4152PRIX : 10 €ISBN : 978-2-86626-421-5

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Les textes cités ont été transcris en graphie de lecture selon les principes établis par Pierre Bec et Robert Lafont.

Les calligraphies d’extraits des romans de Flamenca et Jaufré sont de Michel Rédal qui explique sa relation à l’unique manuscrit de Flamenca dans « Le regard du copiste », en fin de volume. L’illustration de couverture est tirée de Matfre Ermengaud, Breviari d’amor. CIRDOC-Mediatèca occitana, 11v

© CRDP de l’académie de Montpellier, 2011

La Région Languedoc-Roussillon contribue au développement de la culture et de la langue occitanes en soutenant les établissements, tels le Centre régional de Documentation pédagogique, qui œuvrent pour le rayonnement et la diffusion de l’occitan auprès d’un large public. La convention signée le 15 octobre 2008 entre la Région et le CRDP vise à renforcer ce rayonnement grâce à la création d’un Pôle Occitan au sein du CRDP. Ainsi le CRDP offre une gamme de publications diversifiée afin de répondre aux besoins des élèves et des enseignants : des manuels scolaires pour les différents niveaux d’enseignement, plusieurs collections d’ouvrages de littérature de jeunesse, accompagnés de CD audio qui permettent une exploitation en classe, une revue pour les enseignants et des éditions d’œuvres majeures de la littérature en langue d’oc.

La Région Languedoc-Roussillon

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LarguesaUn art du don dans l’Occitanie médiévale

Miquèla Stenta

Éditions

CRDP de l’académie de Montpellier

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Mais qui veut magnifier son Prixdoit être généreux, avenantet aimable avec tout le monde.

Roman de Jaufré, v. 3112-3114

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Couverture : Matfre Ermengaud, Breviari d’amor. CIRDOC-Mediatèca occitana, 11vp. 15 . . . . . Dalfin d’Alvèrnhe. BN. Ms Français 854. 186p. 18 . . . . . Matfre Ermengaud, Breviari d’amor. CIRDOC-Mediatèca occitana, 205vp. 25 . . . . . En Blacatz. BN. Ms Français 854. 108 vbp. 29 . . . . . Gaucèlm Faidit. BN. Ms Français 854. 33p. 31 . . . . . Na Castelloza. BN. Ms Français 12473.110 vp. 33 . . . . . La comtessa de Dia. BN. Ms Français 12473.126 vbp. 40 . . . . . Savaric de Mauleon. BN. Ms Français 854. 152p. 43 . . . . . Arnaut de Maruèlh. BN. Ms Français 854. 46p. 49 . . . . . Raimbaut de Vaqueiras. BN. Ms Français 12473. 60p. 51 . . . . . Guilhèm de Cabestanh. BN. Ms Français 854. 105 bisp. 59 . . . . . Monge de Montaudon. BN. Ms Français 854. 135p. 60 . . . . . « La batalha del comte de Montfòrt ab Tolosa », in Canso (de la Crosada),

page 159. BN. Ms Français 25425p. 63 . . . . . Gui d’Ussel. BN. Ms Français 12473. 73p. 67 . . . . . Pèire Cardenal. BN. Ms Français 12473. 149p. 73 . . . . . Matfre Ermengaud, Breviari d’amor. CIRDOC-Mediatèca occitana, 205v

Icono graphie

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Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6Autour de Larguesa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9Un peu d’étymologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14Larguesa parmi les autres valeurs de la société médiévale occitane . . . . . . . . . . . . 16Larguesa, une valeur panoccitane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19Une forte présence dans les textes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21À quelles autres qualités Larguesa est-elle associée ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 À l’amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 À la chevalerie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36 Au rayonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37Les domaines de Larguesa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Larguesa matérielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 Quelques mécènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Larguesa sociale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 Larguesa morale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 Larguesa d’esprit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Larguesa de comportement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54Sens de Larguesa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56Absence de Larguesa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58Perte de Larguesa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61Origine et originalité de Larguesa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69Détournement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71Notices biographiques des personnages cités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75Le regard du copiste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

Sommaire

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Préface

De toutes les valeurs qui structurent la société médiévale occitane et qui ont leur reflet plus ou moins direct dans la poésie des trou-

badours (paratge, onor, drechura, pretz, valensa, mesura, etc.) la larguesa, cette générosité, cette munificence, cette propension à donner (donar) est certainement l’une des plus importantes et des plus attestées. C’est avec la merci (mercé) une valeur-clef de la cortesia et de son pendant affectif et poétique : la fin’amor, cet amour « courtois » sans qu’on le précise, et qui génère à son tour des valeurs plus directement liées aux élans du cœur et des sens, le jòi et le joven.

On saura donc gré à Miquèla Stenta d’avoir réalisé cet essai précis et intelligent sur la larguesa dans ses implications les plus diverses (matérielles, sociales, morales, mondaines, amoureuses). En bonne méthode, elle passe en revue les occurrences et les situations contextuelles du terme et de sa famille sémantique, notamment de l’adjectif larc et de ses connotations : ce qui est facilité aujourd’hui par l’existence de la COM (Concordance de l’occitan médiéval). Mais cette solide mono-graphie nous vaut en même temps un vaste tour d’horizon de toute la production troubadouresque, dans ses divers genres (ensenhament, vida, rason, planh, sirventés, romans : Flamenca et Jaufré) et, évidemment, dans sa lyrique amoureuse : d’où une exploration pertinente chez de nombreux troubadours, dont certains sont parmi les plus grands (Guilhem de Peitieus, Arnaut de Mareuil, Raimbaut de Vaqueiras, Peire Cardenal, Giraut Riquier, etc.), exploration qui est complétée par une liste biographique d’une quarantaine de troubadours et protecteurs et par des reproductions d’enluminures médiévales qui illustrent et parachèvent agréablement l’étude.

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Larguesa, valeur-clef de la civilisation occitane. Mais qu’en est-il main-tenant de son contraire, la cobeitatz (cupidité, convoitise), défaut majeur fustigé par tous les troubadours ? En bonne logique, Miquèla Stenta l’étudie parallèlement, en particulier chez Peire Cardenal, qui assiste nostalgiquement, depuis l’arrivée des « Français », à la perte des vieilles valeurs civilisatrices.

Le livre porte en sous-titre : l’art du don. Et c’est bien là la valeur suprême, celle qui coiffe et inonde toutes les autres, la propension à donner, ce donar, nous l’avons dit, qui vaut aussi bien pour la larguesa de l’homme, fût-il grand seigneur, que pour la mercé de la femme, merci qui est elle aussi un don, un don attendu (dans quelle mesure, là est l’ambiguïté troubadouresque) qui descend jusqu’à celui qui en est l’objet. La dòmna, fût-elle grande dame, n’est pas larga au sens propre, son pouvoir n’est pas matériel...

Ajoutons que cette étude, stricte et scrupuleuse, se veut également « engagée », dans ce sens qu’elle sait toujours allier la rigueur de l’analyse à la chaleur de l’occitaniste, pour qui l’approche des troubadours n’est pas seulement une fin en soi, mais s’intègre dans une vision totale d ’une culture séculaire dont certaines valeurs nous seraient aujourd’hui bien précieuses.

Pierre Bec

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Autour de Larguesa

Larguesa, le mot semble étrange pour qui ne hante pas régulièrement les textes médiévaux occitans. Les traductions françaises de « géné-

rosité », « magnanimité », « libéralité » ne rendent qu’imparfaitement les multiples facettes de la larguesa occitane ; elles sont pourtant les seules à notre disposition. Même pour les amateurs de la société de ce temps et de ce territoire, Larguesa, comme valeur, reste une notion floue sinon méconnue. Pourtant, elle est une de celles que tout seigneur se devait de pratiquer pour s’honorer. En ce sens, Larguesa participe pleinement de l’éthique de la société qui la généra.

Il n’est que de voir les nombreuses références qui lui sont faites dans les textes des xiie et xiiie siècles, les multiples occurrences des mots larc, larguesa, pour entrevoir la place majeure de cette valeur dans la hiérarchie du système moral de l’époque en pays d’oc. Larguesa apparaît comme une qualité essentielle de la société de Cortesia, associée à d’autres, et, dès lors, il est intéressant d’interroger ces associations.

Elle se manifeste de diverses façons, sur plusieurs terrains : Larguesa matérielle, sociale, morale, d’esprit, de comportement, en chevalerie, en Fin’amor.

Mais que sont ces pays d’oc où naît Larguesa, territoire qui, dès l’an 1000, connaît une puissance économique unique en Europe due à sa situation stratégique entre Èbre et Loire et en bordure de Méditerranée ?

Les pays d’oc, ainsi appelés car ils ont en commun la langue d’oc, occupent un territoire important englobant la grande Aquitaine, le Poitou, le Limousin, l’Auvergne, la Provence, le comté de Toulouse et la Catalogne qui évoluera très vite de façon autonome. Ce sont des pays riches qui, de ce fait, engendrent une société prospère et propice aux ouvertures culturelles et morales. Le système féodal y est plus souple qu’ailleurs ; les villes se libèrent de la tutelle des seigneurs,

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Les trobadors et leurs homologues féminins les trobairitz sont des compositeurs, des poètes, souvent de cour, qui pratiquaient l’art du trobar ; quelque cinq cents noms ont été répertoriés, parmi lesquels une douzaine de femmes. Ils n’interprétaient pas nécessairement leurs compositions, ce rôle étant dévolu aux joglars. Ils étaient aussi bien de grands seigneurs que de pauvres chevaliers, des hommes des bourgs, du peuple, voire des enfants trouvés ; l’art du trobar les mettait à égalité de mérite, de reconnaissance et de renommée. On leur doit d’avoir été les initiateurs en Europe de la poésie lyrique à sujet profane en langue non savante, en l’occurrence l’occitan. Les manuscrits ont conservé tout ou partie de leurs compositions, soit plus de deux mille cinq cents textes, pour certains seulement leur nom, et deux cent quatre vingts mélodies.

L’art du trobar, c’est l’art de composer texte et musique. Il naît en 1100 à la cour de Poitiers et couvre deux siècles d’une création littéraire intense. Il se divise en trois catégories : le trobar lèu, limpide, directement compréhensible, le trobar ric, plus dense et enrichi d’effets de style, le trobar clus, à plusieurs niveaux de sens. Parmi les genres poétiques qu’il utilise, la cançon est destinée à l’amour ; le sirventés, au combat ; la tençon, à débattre, comme le partiment ; l’alba est liée à la pratique de la fin’amor ; la pastorèla met en scène une bergère et un seigneur ; le salut d’amor prie la dame d’amour ; le planh déplore la mort d’un personnage important. Les chansonniers contenant tous ces textes et les Vidas et rasons ont été copiés à partir de la fin du premier tiers du xiiie siècle. La poésie occitane, première en Europe, sera traduite, imitée en d’autres langues et donnera naissance à la lyrique occidentale.

conquièrent leurs libertés, les fameuses franchises, ou costumas et autres f òrs, se constituent en consolats ou juradas, sortes de conseils municipaux où siègent les cònsols pour administrer la vie publique et économique. Le vieil héritage du droit écrit, venu des Romains et des Wisigoths, garantit une certaine légalité ; les filles ont droit d’héritage et peuvent être amenées à gouverner, décider, entreprendre, gérer, jouant ainsi un rôle social, politique et culturel. Des valeurs particulières se dévelop-pent, Paratge, Convivéncia, Larguesa, Prètz 1, constituant Cortesia qui les englobe et désigne le comportement de cour dans son raffinement.

C’est dans cette société qu’évoluent et créent les trobadors et trobairitz qui, grâce à l’art du trobar, et malgré leurs origines sociales diverses, vont

1. Voir encart « Les valeurs de Cortesia ».

Les trobadors

Le trobar

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11Autour de Larguesa

donner leurs lettres de noblesse à la Fin’amor et à sa langue d’expression première, l’occitan. Quelques grands seigneurs illustrent toutes ces valeurs et, s’ils ne pratiquent pas eux-mêmes l’art du trobar, soutiennent, reçoivent, entretiennent les trobadors. Parmi eux, Guilhèm IX duc d’Aquitaine, comte de Poitiers 1, le premier ; Alienòr, duchesse d’Aquitaine par héritage et de Normandie par mariage, deux fois reine, de France puis d’Angleterre ; Richart Còr de Lion, qui en plus des deux titres précédents dus à sa mère, fut aussi roi d’Angleterre par son père ; les Raimon comtes de Toulouse, Savaric de Mauléon, Blacatz, baron en Provence, le Dalfin d’Auvergne, le marquis Bonifaci de Montferrat dans le Piémont alpin, qui fut chef militaire de la quatrième croisade, et d’autres dont les cours et les munificences sont relatées et célébrées par les troubadours.

La présentation qui est faite ici de Larguesa ne se veut pas exhaustive : d’autres formes peuvent exister ; le corpus exploité a été volontairement limité, il reste certes significatif.

La base de recherche est constituée par les textes narratifs en vers du xiiie siècle mais qui font référence aussi à la société du siècle précédent, et quelques textes lyriques ; également les biographies, en prose : Vidas de trobadors et Rasons 2 ; Abrils issi’e mais intrava, ou ensenhament al joglar 3 ; le roman de Jaufré 4 ; Flamenca 5. Parmi les textes lyriques ont été retenus los planhs, particulièrement celui de Gaucèlm Faidit sur la mort de Richart Còr de Lion en 1199, parce que la déploration sur la mort d’un grand seigneur inclut le portrait ;

1. Les personnages cités font l’objet de notices biographiques en fin de volume.2. Il s’agit de présentations des trobadors et de gloses sur les textes lyriques, anonymes pour la plupart, écrites

à partir de la fin du premier tiers du xiiie siècle. L’authenticité des éléments contenus n’est pas assurée.3. Longue composition de 1 767 vers, datée de 1199 ou 1213, selon les critiques : y sont précieux

d’enseignement les conseils prodigués au jeune jongleur pour se comporter selon les règles de cortesia, en « pros òm » ; cette « leçon » est de Raimon Vidal de Besaudun, et fait intervenir, grâce à une construction en abîme, le Dalfin d’Alvèrnhe, pros òme reconnu comme tel par toute la société courtoise.

4. Roman de 10 956 vers, écrit vers 1180 ou 1225-1228 selon les critiques, présente les aventures d’un héros parfait qui va de prouesse en prouesse pour servir le roi Arthur et Brunissen sa dòmna.

5. Se déroulant sur 8 095 vers, écrit après 1234, il est un roman incomplet et anonyme, dont les personnages, leurs comportements et les situations sont emblématiques de la société courtoise ; il est reconnu comme une véritable somme de Fin’amor et Cortesia.

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Les Raimon de Saint-Gilles, comtes de ToulouseC’est leur volonté d’indépendance qui les caractérise, à la tête de vastes domaines et faiblement liés qu’ils étaient à des suzerains (rois d’Angleterre, de France, d’Aragon) occupés à défendre ou agrandir leurs territoires et qui leur donnaient leurs sœurs en mariage. Sommés par l’Église de lutter contre l’hérésie, ils promettent mais sont loin de tenir.

Raimon IVIl conduit à la première croisade en 1096 de nombreux seigneurs occitans et des prélats. Après avoir établi son protectorat sur Tripoli et sa région, il entre à Jérusalem ; il fonde ensuite un état chrétien, et meurt en 1105. Le comté de Tripoli se maintiendra longtemps et aura des relations commerciales avec les pays d’oc. Habile diplomate, brillant guerrier, homme d’honneur, il s’attire les louanges des chroniqueurs arabes des croisades.

Raimon V1134-1194. Protecteur des trobadors. À quatorze ans, il prend en charge le comté qui restera une mosaïque malgré son action patiente de restructuration, l’esprit d’entreprise et le courage que ses contemporains lui reconnaissent. Il pourchassa l’hérésie à Toulouse, se faisant aider par les cònsols.

Raimon VIComte de 1194 à 1222. Après son excommunication, sa réconciliation avec l’Église lui vaut d’être flagellé à Saint-Gilles. Mais la guerre ne sera pas évitée. Pour mettre ses terres à l’abri de la Croisade, il se croise lui-même, ce qui ne lui épargnera pas une seconde excommunication. En 1216, un an après la prise de Toulouse par Simon de Montfort, il entre à Marseille avec le futur Raimon VII ; il reçoit l’hommage des seigneurs de presque toute la Provence. La reprise en main du comté s’organise. Raimon lève une armée en Aragon. Il rentre dans Toulouse en 1217, rétablit le consulat et les murailles. À sa mort, il a récupéré les terres de Toulouse, aidé par son fils et la population qui le vénère comme un sauveur.

Raimon VIIComte de 1222 à 1249. Son premier coup d’éclat se situe en 1216 quand il contraint Simon de Montfort à lever le siège de Beaucaire. Il rejoint son père à Toulouse en 1218. L’année suivante, il remporte sur Amaury de Montfort, le fils de Simon, un beau succès militaire. En 1227, le concile de Narbonne l’excommunie ainsi que le comte de Foix, le vicomte de Béziers et les Toulousains, on déclare leur personne et leurs biens exposés au premier occupant. Il est contraint d’accepter la paix infamante imposée par le traité de Meaux qui l’humilie et le dépossède. Il meurt en 1249. Avec lui s’éteint la lignée des Raimon, comtes de Toulouse.

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13Autour de Larguesa

Les valeurs de CortesiaParatge, c’est la noblesse de rang et d’esprit qui, dans ce cas, n’exclut pas la reconnaissance par le mérite, comme pairs, d’hommes d’origine humble.

Onor, honneur, c’est la conscience de ce que l’on se doit et que l’on doit aux autres.

Fin’amor, improprement traduit au xixe siècle par « amour courtois », c’est la relation sentimentale et parfois physique qui unit un trobador et la dòmna, la dame, hors mariage et qui tend vers une sublimation du désir. Fin’amor répond à un code très précis de comportement. C’est également le moteur de la création lyrique du xiie siècle. Les fins amadors sont ceux qui pratiquent la Fin’amor.

Drechura ou droiture, c’est le respect du code moral, la justesse.

Convivéncia permettait que vivent ensemble, souvent en bonne intelligence, des savants, des médecins, des traducteurs, des marchands, des artisans, chrétiens, musulmans, juifs.

Larguesa recouvre à la fois la grandeur d’âme, de geste et l’art du don.

l’Epistòla ou épître de Rambaut de Vaqueiras, écrite probablement en 1205, adressée au marquis Bonifaci de Montferrat, où l’on voit Larguesa pratiquée par un grand seigneur ; les sirventés de Pèire Cardenal aussi qui dénoncent les manquements à Larguesa remplacée par Cobeitat, la « cupidité » ou la « convoitise ».

Parmi les valeurs de Cortesia, Larguesa occupe une place de choix. En témoignent sa présence dans les textes, les domaines dans lesquels elle intervient. Sa disparition comme valeur fondamentale, consubstantielle de la société occitane médiévale, en est d’autant plus remarquable.

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De toutes les valeurs qui structurent la société médiévale occitane, la larguesa, cette générosité, cette muni� cence, cette propension à donner est certainement l’une des plus importantes et des plus attestées. Miquèla Stenta explore cette notion à la source, dans la poésie des troubadours qu’elle fait entendre avec des accents et des implications des plus actuels. Larguesa, souvent associée aux valeurs de paratge, de prètz, de mesura et opposée à cobeitatz (cupidité, convoitise) représente un idéal de vie sociale mais aussi de vie morale et amoureuse. Cet art du don est un art de vivre, de penser et d’agir.

Illustration de couverture : Matfre Ermengaud, Breviari d’amor, CIRDOC-Mediatèca occitana, 11v

LarguesaUn art du don dans l’Occitanie médiévale

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RÉF : 340Z4152PRIX : 10 €ISBN : 978-2-86626-421-5

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