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S O C I É T É D E S N E U R O S C I E N C E S Sommaire La Lettre des Neurosciences Bulletin de la Société des Neurosciences N°26 Printemps - Été 2004 La lettre Clubs scientifiques p. 2 Éditorial p. 3 Tribune libre p. 4 La neuropsychopharmacologie française Pour un grand programme pérenne de financement des neurosciences en France Neurosciences et Pathologie p. 11 Stimulation cérébrale profonde Histoire d’une découverte p. 16 Les vertus thérapeutiques de la stimulation électrique à haute fréquence Dossier p. 19 Anxiété Prix de thèse p. 24 Compte rendu colloque p. 25 Colloque biennal p. 27 7 e Colloque de la Société - Lille 2005

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Sommaire

L a L e t t r e d e s N e u r o s c i e n c e sBulletin de la Société des Neurosciences N°26Printemps - Été 2004

L a l e t t r e

Clubs scientifiques p. 2

Éditorial p. 3

Tribune libre p. 4• La neuropsychopharmacologie française• Pour un grand programme pérenne

de financement des neurosciencesen France

Neurosciences et Pathologie p. 11Stimulation cérébrale profonde

Histoire d’une découverte p. 16• Les vertus thérapeutiques

de la stimulation électriqueà haute fréquence

Dossier p. 19Anxiété

Prix de thèse p. 24

Compte rendu colloque p. 25

Colloque biennal p. 277e Colloque de la Société - Lille 2005

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SCIENTIFIQUES

• Club attention et performances

contact : Farid El Massioui, CNRS URA 640, LENA, Groupe hospitalier

Pitié-Salpêtrière, 47 Boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13.

Téléphone : 01 42 16 11 67. Télécopie : 01 44 24 39 54.

Mèl : [email protected]

• Club de la barrière hémato-encéphalique

contacts : François Lasbennes, Lab. de Neurophysiologie Cellulaire et

Intégrée, Univ. Louis Pasteur, I.P.C.B.,21, rue René Descartes,

67084 Strasbourg cedex.

Téléphone : 03 90 24 14 57.Télécopie : 03 88 61 33 47

Mèl : [email protected]

http://membres.lycos.fr/clubbhe

Françoise Roux, Unité de Neuro-Pharmaco-Nutrition, INSERM U.26

Hôpital Fernand Widal, 200 Rue du Faubourg Saint-Denis

75 475 Paris cedex 10.Téléphone : 01 45 86 79 43.

Mèl : [email protected]

• Club des cellules gliales

contact : Michel Mallat, INSERM U.495, Hôpital de la Pitié-

Salpêtrière, 47 Boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.

Téléphone : 01 42 16 21 52 - Télécopie : 01 45 84 80 08.

Mèl : [email protected]

• Club du cortex préfrontal

contact : Pascale Gisquet-Verrier, CNRS UMR 8620, Neurobiol. de

l’apprentisage de la mémoire et communication. Université de Paris

Sud - Bât 446, 91405 Orsay cedex. Téléphone : 01 69 15 49 79

Télécopie : 01 69 15 77 26 - Mèl : [email protected]

• Club Épilepsie

contact : Antoine Depaulis, JE 2413, Contrôle des réseaux syn-

chrones épileptiques - Univ. Joseph Fourier - UFR Biologie - Bât. B,

2280 Rue de la Piscine, 38400 Saint Martin d'Hère.

Téléphone : 04 76 63 54 14 - Télécopie : 04 76 63 54 15.

Mèl : [email protected]

• Club exocytose-endocytose

Président : François Darchen, CNRS UPR 1929, IBPC,

13, rue Pierre et Marie Curie, 75005 Paris.

Téléphone : 01 58 41 50 85.Télécopie : 01 58 41 50 23.

Mèl : [email protected] - http://exoendo.u-strasbg.fr

Secrétaire :Agnès Hémar, CNRS UMR 5091, Institut François

Magendie, rue Camille Saint Saëns, 33077 Bordeaux cedex.

Téléphone : 05 57 57 40 89. Télécopie : 05 57 57 40 82.

Mèl : [email protected]

• Club ganglions de la base

Président : André Nieoullon, CNRS UMR 6186 - IC2N, Interactions

cellulaires, neurodégénérescence et neuroplasticité, 31 Chemin

Joseph Aiguier, 13402 Marseille cedex 20.Téléphone : 04 91 16 41 28.

Télécopie : 04 91 77 50 83. Mèl : [email protected]

• Club locomotion et motricité rythmique

contact : Sabine Renous,CNRS FRE 2696 - Adaptations et Évolution

des Systèmes Ostéomusculaires. USM 302, Dépt. EGB, Muséum

National d'Histoire Naturelle, Anatomie comparée. 55 Rue Buffon,

75005 Paris. Téléphone : 01 40 79 33 09. Mèl. : [email protected]

• Club mémoire & apprentissage

contact : Jean-Marc Edeline, CNRS UMR 8620, Neurobiol.

de l’apprentissage de la mémoire et de la communication, Univ.

Paris-Sud, Bât. 446, 91405 Orsay cedex.Téléphone : 01 69 15 49 72.

Télécopie : 01 69 15 77 26. Mèl : [email protected]

• Club du motoneurone

contact : Gérard Hilaire, GERM, Groupe d'Étude des Réseaux

Moteurs, 280 Boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille.

Téléphone : 04 91 75 75 09 - Télécopie : 04 91 26 20 38.

Mèl : [email protected]

• Club de neurobiologie des invertébrés

contact : Serge Birman, Laboratoire de génétique et physiologie du

développement, IBDM, Campus scientifique de Luminy,

Case 907, 13288 Marseille cedex 9.Téléphone : 04 91 26 96 06.

Télécopie : 04 91 82 06 82. Mèl : [email protected]

• Club de Neuro-Immuno-Modulation

contact : France Haour, INSERM U.339, Univ. Hôpital Saint-Antoine,

184, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75571 Paris cedex 12.

Téléphone : 01 49 28 46 88.Télécopie : 01 43 40 82 70.

Mèl : [email protected]

• Club de psychophysiologie cognitive et activités cérébrales

contact : Bernard Renault, CNRS UPR 640, LENA, Groupe hospita-

lier Pitié-Salpêtrière, 47, bd de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13.

Téléphone : 01 42 16 11 70.Télécopie : 01 45 86 25 37.

Mèl : [email protected]

• Club système nerveux végétatif

contact : André Jean, CNRS UMR 6153 - INRA 1147

Physiologie neurovégétative (PNV),

Faculté Saint Jérôme - Univ.Aix Marseille III,Av. Escadrille

Normandie-Niemen-Case 351, 13397 Marseille cedex?

Téléphone : 04 91 28 81 98. Télécopie : 04 91 28 88 85.

Mèl : [email protected]

Pour vos interrogations sur des sujets précis,les Clubs de la Société sont là pour vous aider

N’hésitez pas à contacter les responsables.

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Allons-nous accepter une hégémonie des hauts fonction-naires ou allons-nous prendre notre Avenir en main ?La loi d’orientation et de programmation de la Rechercheest prévue à l’automne prochain.Nous devons en être despartenaires incontournables en formulant despropositions réalistes mais ambitieuses et novatrices.

La Lettre des Neurosciences a donc choisi d’aborder desthèmes d’actualité. Tout d’abord, avec le dossier surl’Anxiété, un sentiment actuellement bien ressenti dans lacommunauté scientifique en général. Ensuite, avec ce“Brain Storming” sur l’Avenir de la Recherche, nous avonsvoulu remuer un peu plus que nos méninges et nousavons contacté quelques experts de la stimulationcérébrale profonde pour la section Neurosciences etPathologies. Vous comprendrez mieux cette nouvelleapproche de la stimulation à haute fréquence et sesapplications dans la psychiatrie et l’épilepsie.Vous pourrezégalement découvrir la naissance de la stimulationcérébrale profonde dans Histoire d’une Découverte avec leProfesseur Alim-Louis Benabid.

Enfin, nous avons fait le pari d’ouvrir une Tribune libreplus importante où chacun peut s’exprimer. Le ProfesseurJean Rossier nous fait l’éloge du passé glorieux de laNeuropsychopharmacologie française et s’inquiète de sonavenir. Jean-Antoine Girault et Jean-Marie Danionabordent le problème crucial du financement de larecherche, en particulier dans le domaine desNeurosciences.

La Société des Neurosciences et la Lettre des Neurosciencessont un moyen de faire passer vos messages à lacommunauté scientifique et à nos concitoyens ainsi qu’ànos organismes de tutelle et aux hommes politiques :un message de personnes responsables capables de seprendre en main, un message d’Avenir avec la vision d’unepolitique de recherche à long terme et un message pleind’espoir pour le futur. �

[email protected]

U n nouveau numéro de la Lettre des Neurosciencesqui garde la même politique éditoriale et lemême comité de rédaction mais change de

Rédacteur en Chef. Thierry Galli est appelé à d’autresresponsabilités, mais il reste cependant membre duComité éditorial où il continuera à nous faire bouger.Ce numéro sort au moment où des États Généraux de laRecherche sont en préparation. À l’heure de la rédactionde cet éditorial, le collectif “Sauvons La Recherche” (SLR)a obtenu gain de cause sur le problème des postes CDDqui seront reconvertis en CDI. Cependant, au-delà de cetaspect particulier, le collectif a permis de lancer uneréelle discussion sur l’Avenir de la Recherche.Les comités de réflexion et les propositions fleurissent.Par exemple, on distingue maintenant les comités locauxdu collectif SLR et le Comité national d’initiative et depropositions pour la Recherche scientifique quiregroupera, à l’initiative des Professeurs Beaulieu etBrézin, les réflexions au niveau national.

Au niveau des propositions, nous pouvons citer, outre letexte de Jean-Antoine Girault et Jean-Marie Danion, quevous trouverez dans ce numéro, le texte “Missions,Réalisation et Propositions d’évolution” deChristian Bréchot, DG de l’INSERM, le Projet pour leCNRS et “Du Nerf !”, un texte regroupant les idées etréflexions de quatre scientifiques de renom, les prixNobel François Jacob et Jean-Marie Lehn ainsi quePierre-Louis Lions et Philippe Kourilsky. Cette réflexions’inscrit dans la réforme LMD (Licence/Master/Doctorat)des universités que nous évoquions dans le numéroprécédent de la Lettre et pose le problème des statutsChercheurs et Enseignants-Chercheurs. La recherchepublique mais aussi la recherche privée sont en danger :où seront les grands centres de Recherche etDéveloppement de l’industrie pharmaceutique en Europeaprès les regroupements attendus entre Aventis Pharmaet Sanofi-Synthélabo ?

Comment évoluer et favoriser une recherche dequalité ? Quelle évaluation allons-nous choisir ?

Éditorialpar Luc Buée

http://recherche-en-danger.apinc.org/http://www.inserm.fr/objectifs_inserm.pdfhttp://www.cnrs.fr/cw/fr/accu/ProjetPourLeCNRS.pdfhttp://www.pasteur.fr/pasteur/dunerf.html

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La neuropsychopharmacologie française :un passé glorieux, un présent inquiétant,un avenir entre les mainsde ceux qui nous gouvernentJean Rossier (ESPCI-CNRS UMR 7637, Paris,[email protected])

A u moment où une certaine désillusion frappe larecherche française, il faut rappeler avec force quesouvent la science pratiquée dans notre pays a été pion-nière. Regardons derrière nous, le passé de la sciencefrançaise est prestigieux. Il l’est particulièrement enneuropsychopharmacologie, une discipline née en Franceavec l’introduction du premier neuroleptiques en 1952.Aujourd’hui avec la tenue du 24e congrès du CINP(Collegium Internationale Neuro-Psychopharmacologicum)à Paris du 20 au 24 juin 2004, les lecteurs de la Lettre desNeurosciences pourront lire le bilan impressionnant desdécouvertes majeures faites en France en neuropsycho-pharmacologie. Il nous faut affirmer avec force que ladécadence de la science française n’est pas inéluctable etqu’il suffirait de peu, une simple augmentation du budgetde la recherche, pour que tous reprennent confiance.

Pour cette brève histoire de la neuropsychopharmaco-logie, commençons par Vauquelin, un savant du début du19e siècle. Il a donné son nom à une rue du 5e arrondis-sement que beaucoup connaissent car dans cette rue au10, se trouve une institution prestigieuse de la MontagneSainte Geneviève, l’ESPCI pour École Supérieure dePhysique et de Chimie Industrielles de la Ville de Paris.Vauquelin, avant d’être un nom de rue, a été un chimistecélèbre qui le premier étudia la chimie de la matièrecérébrale et isola la nicotine du tabac.

Plus récemment en décembre 1950, Charpentier,un chimiste de Rhône-Poulenc sous la direction deP. Koetschet et P. Viaud, synthétisait la chlorpromazine.Suite aux premières observations cliniquesd’Henry Laborit, c’est grâce à J. Delay et P. Deniker que ceproduit psychotrope sera le premier médicament neuro-leptique utilisé dès 1952 sous le nom de Largactil.La chlorpromazine transforme alors le traitement desmaladies mentales. Avant l’invention de ce médicament,la psychiatrie n’avait aucun arsenal thérapeutique.

La société enfermait ses patients souffrant de schizophré-nie dans des maisons appelées “Maisons d’Aliénés”.Soudain, grâce à la synthèse chimique d’un composéoriginal, les hôpitaux psychiatriques ont peu à peuabandonné la camisole de force et les chambrescapitonnées destinées aux grands agités. Le nombre de litsdes hôpitaux psychiatriques a rapidement fondu et lesmalades ont pu être traités en ambulatoire. Sans avoircomplètement guéri les malades mentaux, l’invention de lachlorpromazine a changé l’exercice de la psychiatrie.Il s’agit certainement de la découverte thérapeutique laplus importante de toute l’histoire de la neuropsycho-pharmacologie. Pour donner la mesure de cettedécouverte on peut la comparer à celle de la pénicillineen antibiothérapie.

Dès la fin des années 60, les laboratoires Delagrange, endéveloppant les dérivés des benzamides, découvrent le sul-piride qui deviendra le premier neuroleptique“atypique” (antipsychotique dénué d’effets secondairesextrapyramidaux) utilisé en neuropsychopharmacologie. Lesulpiride sera suivi de l'amisulpride actuellementcommercialisé par Sanofi-Synthélabo sous le nom de Solian.

Après la découverte de la chrorpromazine, leschimistes de Rhône-Poulenc se sont aussi distingués dansdeux autres domaines : le développement du riluzole et lasynthèse des cyclopyrrolones. Le riluzole commercialisésous le nom de Rilutek, est actuellement le seul traite-ment qui permet de retarder l’évolution d’une maladieneurodégénérative de la moelle épinière : la sclérose laté-rale amyotrophique. Les cyclopyrrolones synthétisées parle groupe de C. Cotrel ont une toute autre cible,ils modulent l’activité du récepteur ionotropique inhibi-teur GABA. Une de ces molécules, la zopiclone, estcommercialisée comme inducteur de sommeil sous lenom d’Imovane. L’isomère actif de ce produit, l’eszopiclo-ne vient d’obtenir en février 2004 une “approvableletter” de la FDA, ce qui laisse penser que ce produit serabientôt proposé aux USA. Un autre inducteur de sommeilagissant par l’intermédiaire d’un sous type BZ1 du récep-teur GABA, le zolpidem, a été synthétisé par les chimistesde Synthélabo. Ce médicament, connu sous le nom deStilnox en France (Ambien aux États-Unis), est distribuédans le monde entier et est maintenant l’un des produitsmajeurs de Sanofi-Synthélabo. La pharmacologie dutraitement des troubles du sommeil est une spécificité

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Tribune libreUne rubrique accessible à tous, où vous avez envie devous exprimer. Les opinions exprimées ici ne reflètent quel’opinion de leurs auteurs et ne sauraient en rien engagerla responsabilité de la Société des Neurosciences.

française connue internationalement grâce à l’écolelyonnaise du professeur Michel Jouvet. Ce dernier acollaboré avec les laboratoires Lafon lors du développe-ment avec l’armée française du Modafinil, une moléculeéveillante dépourvue d’effets secondaires amphétami-niques. Le Modafinil est devenu le traitement de choix desnarcolepsies.Avec la reprise des laboratoires Lafon par lafirme américaine Cephalon, le succès de ce médicamentest maintenant mondial.

Sanofi-Synthélabo met beaucoup d’espoir dans le rimo-nabant, un antagoniste du récepteur cannabinoïde CB1.Ce médicament est en fin de phase III et pourrait être missur le marché en 2006 avec, comme indication, le traite-ment de l'obésité et du tabagisme et des facteurs derisques cardiovasculaires associés à ces pathologies. Lesanalystes financiers pensent que le Rimonabant deviendrarapidement un blockbuster (médicament dont les ventesdépassent le milliard de dollars).

La recherche académique dans le domaine du médica-ment du système nerveux central a également été produc-tive avec, dans les années 60, la découverte par les phar-maciens Carraz et Boucherle de Grenoble des propriétésanticonvulsivantes de l’acide dipropylacétique. Cettedécouverte était tout à fait inattendue ; Eymard, chimistedes laboratoires Berthier, avait fourni l’acide dipropylacé-tique comme excipient pour solubiliser un autre composé.L’acide dipropylacétique a ensuite été étudié par le groupedu professeur Paul Mandel à Strasbourg et commercialisésous le nom de Dépakine. Cette molécule très simple estdevenue le traitement de première intention du Petit Mal,une forme d’épilepsie fréquente chez l’enfant. La rechercheacadémique a plus récemment permis la mise sur lemarché du thiorphan, un inhibiteur de l’enképhalinase, l’unedes deux enzymes qui dégradent les enképhalines.Ce médicament, issu de l’association fructueuse de deuxprofesseurs de la faculté de pharmacie de Paris, les profes-seurs Bernard Roques et Jean Charles Schwartz, est utilisépour le traitement symptomatique des syndromesdiarrhéiques. Pour obtenir de nouveaux analgésiques,le laboratoire de Bernard Roques a ensuite introduit leconcept d’inhibiteurs capables de bloquer deux enzymes,concept largement repris depuis par la recherche pharma-ceutique dans le domaine cardiovasculaire.

La recherche académique a surtout permis le dévelop-pement de nouveaux concepts en neuropsychopharma-cologie. La pharmacologie moléculaire est une disciplinequi a pris son envol dans les années 70 avec les travaux duprofesseur Jean-Pierre Changeux de l’Institut Pasteur.Ce laboratoire phare a été pionnier dans la caractérisa-tion des récepteurs nicotiniques de la jonction neuro-

musculaire et du système nerveux central. À la mêmeépoque, le groupe du Professeur Jacques Glowinskidécouvrait avec Anne-Marie Thierry l’importance del’innervation dopaminergique du cortex préfrontal.Ensuite, le groupe du Professeur Jean-Charles Schwartzavec Pierre Sokoloff était le premier au monde à propo-ser que les récepteurs dopaminergiques existaient sousplusieurs formes, ce qui a été démontré avec l’identifica-tion des cinq récepteurs D1 à D5. Ce même groupe adéveloppé avec Camille Wermuth de Strasbourg et lasociété Bioprojet un agoniste partiel du récepteur D3, leBP897 qui est en phase II avec, comme indication, lessevrages alcoolique et tabagique, la schizophrénie et lamaladie de Parkinson.

Dans le domaine des récepteurs couplés auxprotéines G, il faut souligner l’importance des décou-vertes du laboratoire de Joël Bockaert à Montpellier. Songroupe a été le premier au monde à montrer l’existencedes récepteurs métabotropiques du glutamate. Plusieursde ces récepteurs sont des cibles intéressantes pour denouveaux anxiolytiques et aussi pour des moléculesfavorisant les performances cognitives. Dans ce cadre,il faut aussi mentionner nos travaux faits en 1985 àGif-sur-Yvette sur les bêta-carbolines quand, avecGeorges Chapouthier, nous avions montré que ces ago-nistes inverses du récepteur ionotropique GABA favori-sent les performances d’animaux dans des tâches d’ap-prentissage et de mémoire. L’utilisation de ce type demolécules pour pallier les déficits cognitifs associés auxmaladies dégénératives du système nerveux central a ététestée par plusieurs firmes pharmaceutiques. Ces travauxcliniques, toujours en phase II, n’ont pas encore débouchésur un médicament mais il ne fait pas de doute que ladécouverte d’une molécule non toxique qui permettraitde restituer les performances intellectuelles de patientsaffligés d’une maladie d’Alzheimer ou d’une autre maladieneurodégénérative, serait accueillie avec un intérêtmondial. Dans le cadre de ces maladies, une des pistes derecherche est centrée sur la découverte de médicamentscopies chimiques des facteurs neurotrophiques, peptideset petites protéines qui contrôlent le développementdu système nerveux central. L’entreprise de biotech“Trophos” créée à Marseille par Christopher Henderson,Michel Delaage et Antoine Béret, développe un program-me de recherche dans ce domaine.

Pour finir ce panorama des succès de la recherchefrançaise, il faut aussi citer le groupe du professeurMichel Lazdunski à Sophia Antipolis qui s’est illustré dansla pharmacologie des canaux ioniques qui sont la cible,entre autres, des antihypertenseurs (bloqueurs calciques),des sulfonylurées antidiabétiques, des antiépileptiques,

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des antiarythmiques, des anesthésiques volatils et desanesthésiques locaux. Il faut aussi mentionner toute l’éco-le de neuroendocrinologie expérimentale française qui acontribué largement à la caractérisation des nombreuxpeptides cérébraux et de leurs récepteurs.Dans ce domaine, plusieurs laboratoires français ont uneréputation internationale. Il ne faut pas oublier que le prixNobel 1977 de physiologie et médecine a été attribuépour la découverte des peptides cérébraux à un médecinfrançais, le professeur Roger Guillemin, avec qui j’aitravaillé de 1976 à 1978.

Je termine cet historique en mentionnant les travaux duProfesseur Guillemin, car ils illustrent bien cette fuite descerveaux formés en France au profit de pays dont lesdirigeants politiques ne se contentent pas d’afficher dansleurs discours l’importance qu’ils donnent à la recherchemais qui la soutiennent financièrement. Le marasme actuelde la recherche française pourrait disparaître du jour aulendemain, si le gouvernement français décidaitd’augmenter chaque année d’un milliard d’Euros durantcinq ans le budget de recherche civile qui passerait ainside 8,5 milliards à 13,5. Cette augmentation qui feraitfrémir nos argentiers de Bercy a été faite récemment auxUSA qui, en cinq ans, ont doublé le soutien public à larecherche bio-médicale. Il est surprenant de voir que leshommes politiques décident du jour au lendemain deconsacrer 1,5 milliards d’Euros au soutien de l’hôtellerieet de la restauration et préfèrent laisser dépérir larecherche française, qui, comme je viens de le décrire, a unpassé glorieux ! �

Pour un grand programme pérennede financement des Neurosciences en FranceJean-Antoine Girault (INSERM U.536, Paris,[email protected]) et Jean-Marie Danion(INSERM U.405, Strasbourg,[email protected])

L a recherche française traverse actuellement unepériode de difficultés, de perturbations et d'incertitudessans précédent. Cette période est porteuse de beaucoupd'inquiétudes, mais aussi d'espoir. Beaucoup dechercheurs sont conscients de la double nécessité d'uneaugmentation importante des crédits et de réformessérieuses. Il faut aussi que les chercheurs français reçoi-vent la considération qu'ils méritent. Il y a trop de dis-cours négatifs, dépréciateurs, voire calomnieux, tenus parles politiques, les médias... et parfois par les chercheurseux-mêmes. Disons-le avec fierté : malgré des finance-ments souvent limités et des structures rigides, beaucoupd'équipes françaises font des travaux innovants et de trèsgrande qualité au plus haut niveau international.Cela n'empêche pas que notre système n'est plus adapté,qu'il y a des problèmes sérieux et que ceux-ci doiventêtre résolus sans hypocrisie et sans parti pris idéologique.Mais tout ceci n'est pas notre propos. Cette entrée enmatière n'a pour but que d'insister sur le fait que danscette période de discussions, d'interrogations et deréformes annoncées, il est important qu'une réflexion aitlieu au sein de la communauté des Neurosciences, et sin-gulièrement de la Société Française des Neurosciencesqui en est la plus large représentation. Des propositionsclaires doivent être faites aux décideurs et aux politiques.Si les “neuroscientifiques” ne s'expriment pas de manièrecohérente, d'autres le feront à leur place et pas toujoursen connaissance de cause… Il faut à la recherche enNeurosciences de vraies perspectives d'avenir, desstructures fonctionnelles et des moyens suffisants.Nous voudrions suggérer quelques pistes de réflexion surce dernier point en mettant en avant l'intérêt d'unprogramme national de recherche en Neurosciences.

Le champ des Neurosciences. Une première questionconcerne la définition du champ des Neurosciences ausein des Sciences de la Vie et de la Santé. Cette questionest plus complexe qu'il n'y paraît puisque lesNeurosciences couvrent un domaine immense et trèsvarié. Les recherches sur le système nerveux s’étendentde la génétique et de la biologie moléculaire et cellulairejusqu'aux études de l'activité cérébrale et de la cognitionchez l'homme. Les approches utilisées incluent des

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La neuropsychopharmacologie française... (suite)

Patrice Venault, Georges Chapouthier, Jean Rossier et Robert Doddà l'époque des premières expériences sur les beta-carbolines

méthodes très diverses qui vont de la biophysique àl'étude du comportement animal ou humain.Des interfaces cruciales existent aussi avec les mathéma-tiques, l'informatique, la robotique, la physique, la chimie,les sciences sociales et la philosophie. Les relations desNeurosciences expérimentales avec les Neurosciencesmédicales, la Neurologie et la Psychiatrie, sont (ou en toutcas, devraient être…) faites d'interactions étroites etd'échanges réciproques à tous les niveaux. Il est d'ailleursremarquable à cet égard que les progrès récents desNeurosciences et de la compréhension du cerveaunormal et de sa pathologie tendent à faire disparaître lesfrontières traditionnelles entre Neurologie et Psychiatrie.De nombreux aspects de l’étude des organes des sens etde leurs maladies font aussi partie des Neurosciences.L'enjeu des Neurosciences est d'établir un continuum deconnaissances entre ces différents domaines. D'un pointde vue “vertical”, les propriétés de chaque niveau decomplexité doivent être définies en tenant compte, d'unepart, des propriétés des constituants des niveaux plussimples et, d'autre part, des règles d'interaction de cesconstituants susceptibles de faire émerger de leurcombinaison des propriétés nouvelles. Cette conceptionest particulièrement importante pour les Neurosciencesmédicales, puisque ce sont souvent des perturbations auxniveaux les plus élémentaires (mutation d'un gène,toxicité d’une protéine anormale, action d'une drogue surun récepteur, destruction de quelques neurones…)qui affectent les propriétés fonctionnelles de l'ensemble.

Évidemment, la multiplicité des approches inhérentesaux Neurosciences ne va pas sans poser quelquesproblèmes dans la pratique, rendant les communicationsparfois difficiles entre les différentes spécialités.Cette ten-dance est d'ailleurs récurrente au sein de la discipline etévolue de manière cyclique. Les adeptes des approches“sèches” (électrophysiologistes) et “humides” (neurochi-mistes) avaient de sérieuses difficultés à communiquerentre eux jusqu'à ce que la combinaison du patch clampet du génie génétique réconcilie les deux en leur faisantfaire ensemble un bond en avant spectaculaire. Ce sontalors les praticiens des approches “intégrées” qui se sontsentis délaissés du fait des progrès rapides des approches“moléculaires et cellulaires” à la fin du XXe siècle.On assiste actuellement à un renversement de tendance,d'autant que la production et l'étude de souris mutantesrend le dialogue possible et nécessaire entre ces diversesapproches. Parallèlement les progrès majeurs de l'image-rie cérébrale rapprochent les sciences cognitives del'anatomie et de l'étude de l'activité et du métabolisme dutissu nerveux. Cette dialectique faite de rapprochementset de séparations, de complexification et de simplification,et aussi, il faut le reconnaître, d'effets de mode, représen-

te le mode normal d'évolution de la science, et témoignede sa vitalité.Toutefois, cela ne se passe pas sans grince-ments de dents, lorsqu'un domaine avance plus vite qued'autres et que ceux qui s'en sentent exclus à un momentdonné ont l'impression d'être oubliés, notammentfinancièrement. L'histoire des sciences prouve que lesapproches vraiment importantes ne restent paslongtemps silencieuses, et qu'elles reprennent le devantde la scène lorsqu'elles sont capables d'innover tout enintégrant réellement les progrès récents des autresdomaines. L'ensemble de ces considérations plaide pourune conception large des Neurosciences, permettant leséchanges et l'interfécondation entre les différents niveauxd'étude et les différentes approches méthodologiques,entre la recherche expérimentale et la recherche clinique.Pour répondre aux défis qui leur font face, lesNeurosciences ont besoin d'améliorer les communica-tions entre toutes leurs composantes et, pour cela, des'identifier comme un domaine de recherche unique ayantune reconnaissance en tant que tel. Dans le reste de cetexte, le mot Neurosciences est ainsi utilisé dans son sensle plus large, incluant toutes les études scientifiques dusystème nerveux normal dans les diverses espèces ani-males, et de ses maladies.

Place des Neurosciences dans la recherche enBiologie et en Santé. L'importance des Neurosciencespour la société et pour la science en général est souventsous-estimée, par le grand public comme par les scienti-fiques. L'aspect principal pour la société, en tout cas celuiqui parle le plus à nos concitoyens et à ses représentants,concerne la santé humaine. Les études récentes montrentque dans les pays européens les plus développés commela France, plus du tiers du coût global des maladies entermes de nombre d'années de vie perdues ou vécuesavec un handicap est imputable directement ou indirecte-ment à des problèmes relevant des Neurosciences(maladies neurologiques ou psychiatriques, addictions,et séquelles de lésions du système nerveux…). Il est inté-ressant de comparer ces données à la fraction desdépenses de recherche biomédicale consacrée auxNeurosciences, qu'on peut estimer en France à environ20 % du total. Même si une telle arithmétique est un peusimpliste, il est clair que notre pays a tout intérêt àdévelopper davantage ses efforts de recherche consacrésaux Neurosciences. Bien évidemment, ceci ne devrait passe faire au détriment des autres disciplines, mais plutôtpar une croissance relative encore plus rapide. D'autrepart, le développement de l'informatique, des sciences dela communication, de la réalité virtuelle, de la robotiquefont naître des besoins nouveaux aussi bien pour lesindustries de haute technologie que pour la société qui a

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besoin de comprendre et de maîtriser les interactionsentre la machine et l'homme, en particulier son cerveau.Les Neurosciences ont clairement un rôle central à jouerdans ces développements grâce auxquels les projets lesplus fous sont en train de passer de la fiction à la réalité.C'est certainement dans le domaine des Neurosciencesqu'il reste le plus de mystères à éclaircir et de grandesdécouvertes à faire. Comprendre le cerveau reste ungrand défi scientifique particulièrement exaltant. Il n'estpas besoin d'être un grand prophète pour prédire que lesNeurosciences seront une (la ?) discipline scientifiquereine du XXIe siècle.

Intérêt d'un Programme national de recherche enNeurosciences. Dans le contexte des réformes del'organisation de la recherche en France qui verront peut-être le jour dans un avenir proche, il est crucial que lesNeurosciences se voient attribuer la place qui leur revient.Il est très vraisemblable (en tout cas, on peut l'espérer) qu'àplus ou moins long terme le système français se rappro-chera des normes internationales et comprendra, d'unepart, des structures de recherche locales, basées notam-ment sur les universités et les hôpitaux universitaires, et,d'autre part, de véritables agences de moyens nationaux.Nous ne pouvons bien sûr pas savoir si les solutions rete-nues seront celles d'une fusion des différents EPST s'inté-ressant aux sciences de la vie et de la santé ou si les sépa-rations persisteront et qu'une agence inter-organismesverra le jour comme cela a été proposé récemment. Nousne pouvons pas non plus savoir à quel rythme les universi-tés acquerront l'autonomie et la qualité qui devraient êtrela leur au plan international, et prendront la place qui leurrevient dans le paysage de la recherche et de l'enseignementsupérieur. Ces questions sont bien sûr essentielles maiselles dépassent largement le cadre de réflexions sur lesNeurosciences. Quelles que soient les évolutions généralesde la recherche, il est important que les Neurosciencespuissent être reconnues et identifiées au niveau qui doitêtre le leur.

Si le paysage reste très morcelé, tel qu'il l'est actuelle-ment avec des EPST, des tutelles et des agences de finan-cement multiples, il est essentiel que ces acteurs divers secoordonnent au sein d'une action commune dans ledomaine des Neurosciences (peu importe qu'une telleaction prenne le nom de “programme”, “d'institut sansmurs”, ou autre, au gré des modes hexagonales…).Si au contraire, un organisme ou une agence de moyensnationale unique voit le jour dans le domaine des sciencesde la vie et de la santé (par exemple, par fusion du CNRS-SdV et de l'INSERM), le Programme en Neurosciencesdevrait correspondre à une division ou un départementmajeur d'un tel organisme ou agence. Dans un cas comme

dans l'autre, un Programme de recherche enNeurosciences ne doit pas constituer une structure admi-nistrative supplémentaire dans un paysage déjà tropcompliqué. Un tel Programme aurait pour but, selon laconfiguration générale de la recherche, soit de réunir etde coordonner des structures existantes mais morcelées,soit de constituer une composante identifiable d'uneagence de moyens unique. L'important est qu'une telleentité puisse coordonner les efforts de recherche danstous les domaines des Neurosciences. Il ne faut bien sûrpas confondre coordination et dirigisme. Nul politicien ouhaut fonctionnaire ne peut deviner ou décider arbitraire-ment quels sont les sujets de recherche qui mèneront àde grandes découvertes ou à des retombées importantespour la société. Par contre, il est de leur devoir d'assurerles meilleures conditions possibles à l'éclosion de tellesdécouvertes et à la mise en œuvre de leurs applications.Pour cela, il faut mettre en place un système dans lequelles meilleurs projets, proposés par les meilleurs cher-cheurs, expérimentalistes ou cliniciens, sont fortementsoutenus après une évaluation par leurs pairs, uniquementsur des critères de qualité scientifique. Il faut aussi que lesefforts ne soient pas dispersés et que tout soit fait pourque les équipes de recherche se rassemblent dans unnombre limité de centres de recherche qui atteindrontune taille et des moyens technologiques suffisants pourpermettre le brassage des idées et le développement derecherches très compétitives au niveau national. Ce sys-tème doit aussi tout faire pour favoriser la communicationet les échanges entre chercheurs expérimentalistes et cli-niciens, et, dans les domaines où cela est utile(mais seulement dans ceux-ci…), la formation de réseauxnationaux ou internationaux.

Pistes pour l'organisation et le fonctionnementd’un Programme national de recherche enNeurosciences. Un tel programme de soutien pour lesNeurosciences ne peut s'envisager que dans la durée.Les actions ponctuelles de courte durée ne sont absolu-ment pas suffisantes pour permettre le développementsérieux d'un pan aussi vaste de la recherche scientifique,aux enjeux aussi importants pour le futur.Malheureusement les EPST n’ont pas actuellement lesressources suffisantes pour assurer seuls un tel soutienspécifique qui doit se traduire par des moyens supplé-mentaires importants. Cette nécessité de pérennité del’action implique que le fonctionnement d'un tel program-me en Neurosciences soit évalué régulièrement par desprocédures internes et externes (audits) et que sesdéfauts éventuels puissent être corrigés rapidement.Un conseil chargé d'évaluer le fonctionnement duprogramme pourrait être composé d'acteurs du domaineet de la société civile (scientifiques de haut niveau, repré-

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Pour un grand programme pérenne de financement... (suite)

sentants des ministères concernés, des personnels,de l'industrie, des sociétés savantes, des associations demalades…). Le programme lui-même devrait être pilotépar un autre conseil, purement scientifique, international,composé de chercheurs de très haut niveau, qui auraitpour mission de proposer les grandes orientations etactions. Celles-ci pourraient comprendre d'une part desactions de soutien pérennes, ayant pour but de financerles équipes de recherche sur la base de projets proposéspar celles-ci dans le cadre d'appels d'offres non thémati-sés. Il pourrait s'y adjoindre des appels d'offres de duréelimitée sur des thématiques précises pour lesquelles uneffort particulier aurait été décidé par le conseil scienti-fique. Le choix de telles thématiques devrait bien sûr éma-ner d'une réflexion stratégiqueeffectuée par des scientifiques dequalité indiscutable et non résul-ter de décisions hâtives et obs-cures de quelques-uns.

La qualité des résultats obte-nus par un tel Programme derecherche en Neurosciencesdépendra des critères de sélec-tion des projets retenus et deses capacités à les financer cor-rectement. La sélection desprojets ne peut s'envisager quesur la base d'une évaluationcomparative et compétitive pardes comités d'experts interna-tionaux choisis uniquementpour leurs compétences scientifiques. La sélection doitêtre transparente, et les rapports critiques communiquésaux candidats heureux ou malheureux, comme cela est larègle dans d'autres pays. Ce “retour” de l'évaluation doitdonner aux demandeurs la capacité de rectifier le tir et lecas échéant d'améliorer leurs propositions lors de candi-datures ultérieures.

Actions prioritaires d'un Programme national derecherche en Neurosciences. Il est clair que larecherche en Neurosciences, comme dans la plupart desautres domaines des sciences du vivant, est surtout le faitd'équipes de taille restreinte (disons 3 à 10 personnes enmoyenne). C'est naturellement ce type d'équipe qui devraitbénéficier du soutien du programme de Neurosciencessous la forme de projets de recherche de 3 à 5 ans. Pourque ce soutien soit efficace, il doit inclure des crédits defonctionnement, du personnel non statutaire (étudiants,post-docs, techniciens) et l'équipement nécessaire pourmener à bien le projet proposé. Il pourrait s'y ajouter descompléments de salaire réellement incitatifs pour les sta-

tutaires participants (chercheurs et ITAs). L’essentiel estqu’il y ait une grande flexibilité. Ce mode de fonctionne-ment fait la preuve de son efficacité dans beaucoup d'autrespays. Pourquoi ne pas en faire bénéficier les scientifiquesfrançais ? Il est bien sûr possible d'imaginer différents typesde financements adaptés à des équipes débutantes ou che-vronnées. La majorité des projets devrait reposer sur desobjectifs précis et détaillés. On peut imaginer qu’en plus dece fonctionnement de base, un petit nombre de pro-grammes d'excellence pourrait être attribué de façon trèssélective à des chercheurs exceptionnels sur la base deleur réussite antérieure, sans qu'ils aient besoin de fournirtrop de détails sur les projets envisagés. L'évaluation seferait dans ce cas a posteriori. Une telle disposition favori-

serait la créativité des individus lesplus innovants. Un programmenational en Neurosciences devraitaussi soutenir d'autres types d'ac-tions comme 1- des projets enréseau dans certains domainesparticuliers où cela est réellementutile, 2- des projets spécifiquesd'interface avec d'autres disci-plines (physique, mathématiques,chimie, sciences humaines etsociales etc.), 3- des achats d'équi-pements lourds ou mi-lourdsimpliquant plusieurs équipes oudes centres de recherche.D'autres actions importantes, quedevrait soutenir un Programmenational des Neurosciences

concernent l'éducation, l'information, la communication, laformation aussi bien des spécialistes que du public.Combien coûterait un tel programme ? C'est difficile à esti-mer,mais on peut penser qu'un budget annuel de l’ordre de150-200 millions d'euros permettrait à un pays comme laFrance d'atteindre l’objectif d’une recherche de pointe enNeurosciences, très compétitive au niveau international. Ilfaut souligner que ce montant n'inclurait ni les salaires desstatutaires, ni les frais d'infrastructure et d'immobilier etque sa gestion devrait être pluriannuelle pour éviter les dif-ficultés actuelles dont souffre la recherche scientifique.L'existence d'un tel programme au niveau national permet-trait aux politiques ou aux médias d'identifier un interlocu-teur unique ayant la capacité de répondre rapidement auxbesoins d'expertise dans l'ensemble des domaines relevantdes Neurosciences. Un tel programme constituerait aussiun partenaire unique bien identifié pour les relations avecd'autres pays, notamment européens, et la mise en place deprogrammes internationaux.

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Financement possible d'un Programme nationalde recherche en Neurosciences. Contrairement à cequi concerne la recherche appliquée, le soutien de larecherche fondamentale, qu'elle se fasse au laboratoire ouà l'hôpital, est avant tout du ressort de l'État. C’est le casdans tous les pays les plus performants dans de domaine.Il est indéniable que la recherche fondamentale est trèsrentable à long terme par ses retombées et ses applica-tions technologiques ou médicales, et aussi du fait du trèshaut niveau de savoir-faire des chercheurs qui la font etdes capacités d'enseignement et de formation qui endécoulent. Bien utilisée, c'est le vivier indispensable deformation des chercheurs, techniciens, ingénieurs etmédecins dont ont besoin l'industrie et l'hôpital dedemain. En revanche, ces activités ne sont généralementpas rentables à court terme, ce qui est la source de biendes malentendus actuels… Pourtant c'est la mission del'État de soutenir les activités importantes pour l'avenirdu pays mais qui ne peuvent être financées autrementfaute de rentabilité immédiate. Ceci ne veut pas dire qu'ilne faille pas encourager à tous les niveaux le développe-ment d'applications et la création d'entreprises. Bien aucontraire. Il ne faut simplement pas confondre lesobjectifs. L'État doit dégager les moyens nécessaires ausoutien efficace de la recherche fondamentale. Il pourraitnotamment y consacrer les revenus des sommesgénérées par les privatisations ou les ventes d'or, géréessous forme de grandes fondations nationales. L'importantdans ce cas sera de trouver des formules qui puissent êtreefficaces et durables en s’inspirant peut-être de l’InstitutMédical Howard Hughes ou du Welcome Trust…

Bien entendu, divers types de soutien régional ou privépeuvent s'ajouter au soutien de l'État à un Programme derecherche en Neurosciences : industrie, collectivitéslocales, associations caritatives, dons de particuliers.Il ne faut toutefois pas surestimer ces possibilités de finan-cement. De plus, il n'est pas réaliste d'imaginer que dessources privées, quelles qu'elles soient, donnent sans dis-cernement des fonds à l'État pour assurer ce qui est en faitsa mission (en principe déjà financée par les impôts…).Pour utiliser au mieux les sources de financement complé-mentaires, un partenariat devrait être organisé entre elleset le Programme national de recherche en Neurosciencesdans un esprit de mutuel bénéfice. Un tel Programmeoffrirait des capacités d'identification d'équipesperformantes et d'évaluation de grande qualité en échanged'un financement de source privée. Le maintien de la lisibi-lité des sources privées et de leurs objectifs devrait êtreassuré jusqu'à leur attribution finale. Ces partenariatspourraient être ciblés sur des actions spécifiques (maladies,développements technologiques particuliers etc.).

Pour conclure. Il faut souligner la souplesse quepermettrait un tel programme. La gestion pratique desfonds attribués serait assurée par les organismes dontdépendent les bénéficiaires (universités, EPSTs, centres derecherche etc.). Les orientations et les formes de soutienpourraient être rapidement ajustées pour s'adapter àl'évolution de la science. Il est clair que l'activité decertains laboratoires, centrée uniquement sur lesNeurosciences, serait très fortement dépendante d'un telprogramme, alors que d'autres pourraient ne bénéficierde son soutien qu'à l'occasion d'un projet de rechercheorienté dans ce domaine.Toutefois il serait important qu'iln'y ait pas de relation d'affiliation rigide entre certainslaboratoires et un tel Programme, de façon à maintenirtoute la souplesse nécessaire à son fonctionnementdynamique. Une même équipe devrait pouvoir demanderdes financements aussi bien à un programme national enNeurosciences qu'à d'autres sources selon la nature deses recherches et son évolution. Réciproquement,le Programme n’aurait aucune obligation de continuer àfinancer un groupe si sa thématique change ou si laqualité de ses projets diminue.

Dans la période difficile que nous traversons, de tellespropositions peuvent paraître utopiques. Nous sommespourtant convaincus qu'il est parfaitement possible de lesmettre en œuvre s'il existe une volonté politique claired'amélioration de la recherche scientifique en France.Il est important que les membres de la Sociétédes Neurosciences y réfléchissent, qu'ils en discutent,et qu'ils fassent entendre à tous les niveaux possibles unevoix unie. �

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Pour un grand programme pérenne de financementdes Neurosciences en France (suite)

International Associationfor the Study of Pain

11th World Congress on PainAugust 21-26,2005

Sydney,Austria

IASP Secretariat909 NE 43rd Street, Suite 306

Seattle,WA 98105 USATél : 206 547 6409 - Fax : 206 547 1703

Email : [email protected] : www.iasp-pain.org

À la suite de la découverte des effets bénéfiques de la stimulation cérébrale profondedans le traitement de la maladie de Parkinson (voir dans ce même numéro, l’histoirede cette découverte par le Dr Benabid), il apparaît de nouvelles applications potentiellesde cette technique. La SCP suscite une recherche pluridisciplinaire et représente un exemplede complémentarité productive pour l’ensemble des Neurosciences.

Stimulation cérébrale profonde et épilepsiesColin Deransart ([email protected]) et Antoine Depaulis([email protected]){JE 2413, Contrôle des réseaux synchronesépileptiques}

L’idée de traiter un cerveau épileptique par stimulationélectrique, directement ou indirectement, peut quelquepart paraître paradoxal. Classiquement, stimulation signi-fie “excitation”, et l’épilepsie se caractérise précisémentpar une hyperexcitabité pathologique du cortex.L’expérience acquise dans le domaine de la pathologie dumouvement nous a cependant montré qu’une “inhibitionfonctionnelle” pouvait être obtenue par la stimulation àhaute fréquence de diverses structures sous-corticalestelles que le noyau sous-thalamique (voir dans ce numé-ro, Benabid AL, Histoire d’une Découverte). Dans ledomaine de l’épilepsie, l’utilisation de diverses méthodesde neurostimulation n’est pas nouvelle. Dès les années70, l'équipe de Cooper aux Etats-Unis a souligné les éven-tuelles potentialités thérapeutiques de la stimulation céré-belleuse ou thalamique dans l’épilepsie et a lancé l’idéed’une modulation à distance des réseaux épileptogènescorticaux.

Ces dix dernières années ont surtout vu émergerla stimulation chronique du nerf vague, mais l’actuelleméconnaissance de ses mécanismes d’action, son efficaci-té très relative et l’incapacité d’identifier les patients quiseraient les meilleurs répondeurs ont parallèlementconduit plusieurs équipes à chercher d’autres ciblespotentielles. Ces méthodes de neurostimulation sontcependant des méthodes palliatives dont il ne faut pasattendre, au moins à l’heure actuelle, une suppressioncomplète des crises. Elles ont pour but de réduirel’hyperexcitabilité et/ou l’hypersynchronie corticale quicaractérisent le processus épileptique, en agissant soitindirectement sur des systèmes de contrôle à distance,soit directement sur la zone épileptogène. Si les avantagesde ces méthodes semblent multiples en comparaison dela chirurgie de résection (réversibilité du geste, faiblemorbidité, modulation de l’effet), cette dernière resteencore la méthode de choix dès lors qu’elle est possible(environ 30 % des épilepsies médicalement intraitables).

Depuis les travaux empiriques de l'équipe de Cooper,les effets antiépileptiques de la stimulation à hautefréquence du noyau ventral antérieur du thalamus ont étémontrés chez l’animal par Mirski, puis de nouveausuggérés chez l’homme à la suite d'une étude chez 5patients épileptiques souffrant de crises d’allure générali-sées tonico-cloniques par l'équipe de Lozano au Canada.Cependant, l’efficacité de ce type de SCP pourraitprovenir d'un effet lésionnel local ou loco-régional qui semaintient quel que soit le mode de fonctionnement dustimulateur. Une étude contrôlée est en cours outre-atlan-tique pour vérifier ce point chez des patients souffrant decrises partielles avec ou sans généralisation tonicoclonique secondaire.

Au milieu des années 80, le noyau centromédianparafasciculaire du thalamus, de par son rôle dans la modu-lation de l’excitabilité corticale, a été proposé comme unecible de stimulation potentielle dans l’épilepsie humaine.La SCP de cette structure réalisée par les Velasco auMexique à des fréquences de stimulation variant entre 60et 130 Hz, s'est en effet révélée prometteuse danscertaines formes d’épilepsies généralisées pharmaco-résistantes et notamment chez des patients souffrant dusyndrome de Lennox-Gastaut. Ces premiers résultatsn’ont pu être confirmés par une étude contrôlée, du faitprobablement de la difficulté à déterminer les bonnesindications, mais aussi à identifier la cible et lesparamètres de stimulation optimaux. D'autres études, noncontrôlées, ont confirmé cependant l’effet modulateur dela SCP du noyau centro-médian sur les crises généraliséestonico-cloniques et les absences atypiques du syndromede Lennox-Gastaut.

L'utilisation de la SCP des ganglions de la base (GB)découle du travail expérimental réalisé par plusieurséquipes au cours de ces vingt dernières années chezl'animal. En effet, depuis les travaux de Karen Gale auxEtats-Unis, plusieurs équipes ont montré que l'inhibitiondes neurones de la substance noire réticulée (SNr), prin-cipale voie de sortie des GB, a des effets antiépileptiquesdans différents modèles de crises généralisées. Comptetenu des relations anatomo-fonctionnelles entre les GB etles circuits nerveux qui interviennent dans la générationd'activités synchrones oscillatoires, plusieurs équipes ontémis l’hypothèse selon laquelle les GB moduleraient lesactivités oscillatoires pathologiques observées dans le cas

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de certaines formes d’épilepsie généralisée. En particulier,dans un modèle génétique d’épilepsie-absences chez le rat(GAERS), nous avons montré que la modification locale dela neurotransmission des principaux relais des GB pouvaitmoduler la survenue des crises. En particulier, l'inhibitionpharmacologique du noyau sous-thalamique (NST) suppri-me la survenue de ces crises et il est possible de les inter-rompre par la stimulation à 130 Hz de cette structure. Leseffets antiépileptiques qui résultent de l'inhibition pharma-cologique du NST ont été également observés dansd'autres modèles d'épilepsie par différentes équipes amé-ricaines. Plus récemment, la stimulation à 130 Hz de la SNrsemble être tout aussi efficace pour interrompre les crisesdans différents modèles de crises généralisées convulsives,non convulsives, mais aussi focales. Enfin, des donnéesélectrophysiologiques récentes suggèrent que certainsneurones du NST et de la SNr participent à la modulationdes activités oscillatoires paroxystiques dans le modèlegénétique d'épilepsie-absences du rat et qu’ils pourraientêtre mis en jeu par la survenue même des crises.

Les mécanismes d'action et les circuits qui sont mis enjeu par l'inhibition du NST ou de la SNr, que ce soit phar-macologiquement ou par SCP, et qui permettent l'inhibitionde crises d'épilepsie sont loin d'être élucidés. Cependant,plusieurs résultats suggèrent que les projectionsGABAergiques de la SNr sur les couches intermédiaires ducolliculus supérieur seraient plus particulièrement impli-quées dans ce mécanisme de contrôle. De même, certainesprojections du colliculus supérieur sur les noyaux intrala-minaires thalamiques (n. centromédian, n. parafasciculaire)pourraient intervenir dans ces circuits de contrôle et agirainsi sur les activités oscillatoires corticales.

Chez l’homme, les travaux de l'équipe de Chkhenkeli enGéorgie ont montré que la stimulation à basse fréquencedu striatum chez des patients qui présentent une épilep-sie temporale pouvait avoir un effet bénéfique. Les résul-tats expérimentaux précédemment décrits, ainsi quel'expérience des équipes neurochirurgicales et neurolo-giques de Grenoble dans le traitement par neurostimula-tion de certaines pathologies du mouvement ont conduità réaliser pour la première fois en 1998 la stimulation àhaute fréquence du NST chez une patiente de 5 ans quiprésentait une épilepsie due à une dysplasie corticalecentro-pariétale pharmaco-résistante et qui ne pouvaitbénéficier d'une chirurgie de résection. Par la suite, chez4 autres patients ainsi traités et suivis à Grenoble, lastimulation continue à haute fréquence du NST aentraîné une diminution significative de la fréquence descrises de 40 à 80 % pour 3 d’entre eux. Des résultatssimilaires ont été obtenus chez 2 des 5 patients traitéspar SCP du STN par l’équipe de la Cleveland Clinic

Foundation (États-Unis). Ces résultats, qui restent trèspréliminaires, suggèrent que la neuromodulation des GB,et en particulier celle du NST, pourrait avoir des effetsthérapeutiques chez des patients épileptiques pharmaco-résistants pour lesquels une chirurgie de résection nepeut être envisagée.

En conclusion, des données expérimentales et desrésultats préliminaires en clinique humaine, suggèrent quela SCP peut s’avérer bénéfique chez certains patientssouffrant d’une épilepsie sévère et médicalement intrai-table ne relevant pas de la chirurgie d’exérèse. En parti-culier, la stimulation des noyaux antérieur et centro-médian du thalamus, ainsi que celle du noyau sous-thala-mique ou de la SNr pourrait s’avérer prometteuse danscertaines formes d’épilepsie. De nombreuses questionsrestent en suspens concernant le ou les type(s) d’épilep-sie qui seraient susceptibles d’être amélioré(s) par unetelle approche, les cibles et paramètres de stimulationoptimaux, les modalités de stimulation idéales (stimulationcontinue vs stimulation intermittente) et les mécanismesd’action de cette approche thérapeutique innovante.De même, la comparaison des circuits impliqués avecceux mis en jeu par la SCP chez les parkinsoniens estindispensable. Nul doute qu’une interaction étroite entrechercheurs et cliniciens est en ce sens impérative, toutcomme des études contrôlées en pathologie humaine.

Inhibition, activation ou les deux : les mécanismes d’action proposésConstance Hammond (INSERM U.29, Marseille,[email protected])

Comment la stimulation d’une structure profonde dusystème nerveux central peut-elle restaurer une fonction ?Pourquoi cette stimulation n’est-elle efficace qu’à des fré-quences de 100 Hz et au-dessus ? À de si hautesfréquences, une stimulation peut avoir des effets différentsde ceux observés à 1 Hz, du fait, entre autres, despropriétés de plasticité des transmissions synaptiquesglutamatergique et GABAergique. C’est pourquoi,les hypothèses les plus diverses pour expliquer sonmécanisme d’action ont été proposées. Pour certains, elleinhibe les neurones stimulés, pour d’autres, elle les excite.

La stimulation cérébrale profonde est une stimulationextracellulaire. Elle peut donc activer plusieurs élémentsneuronaux : les corps cellulaires présents dans le noyau,les axones efférents de ces corps cellulaires, les axonesafférents à la structure ou bien encore des axones de

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passage dans cette structure. Si nous prenons l’exemplede la stimulation du noyau sous-thalamique (STN),les neurones présents sont les neurones sous-thalamiquesglutamatergiques (excitateurs), leurs axones efférents seprojettent vers le pallidum et la substance noire et leursaxones afférents sont des axones cortico-sous-thala-miques et pallido-sous-thalamiques qui établissent desterminaisons libérant respectivement du glutamate(dépolarisant) ou du GABA (hyperpolarisant).

Si les enregistrements sont unanimes à montrerl’existence d’une période de silence juste après un longtrain de stimulation à haute fréquence, les résultats obte-nus pendant la stimulation divergent grandement. Il fautpréciser que les artéfacts à haute fréquence, générés parla stimulation, polluent les enregistrements extracellulaireset rendent difficile l’analyse des résultats. Pour contournerce problème, les chercheurs ont réduit soit l’intensité, soitla fréquence des stimuli, ce qui pose problème puisquecette stimulation n’a des effets cliniques positifs qu’à desfréquences égales ou supérieures à 100 Hz avec une inten-sité d’environ 1-2 Volts. Plus récemment, une technique desoustraction des artéfacts a été utilisée avec succès.

Hamid Benazzouz et collaborateurs en France, AndrèsLozano et Jonathan Dostrovsky au Canada, montrentchez le singe, le rat ou l’homme que la stimulation hautefréquence inhibe l’activité des neurones stimulés soitparce qu’elle les dépolarise de façon excessive (bloc dedépolarisation), soit parce qu’elle active les terminaisonsGABA dans le STN. Pour ces auteurs, cette stimulationest l’équivalent d’une lésion qui, en supprimant l’activité“pathologique” des neurones sous-thalamiques, permet-trait au réseau des ganglions de la base de retrouver uneactivité plus compatible avec la réalisation de mouve-ments.

À l’inverse, l’équipe de Jerrold Vitek aux USA montrechez le singe parkinsonien une activation des neuronescibles du STN en réponse à chaque train de stimulation.De plus, ils vérifient que la stimulation qu’ils appliquentdans le STN provoque bien une amélioration des signesparkinsoniens. Ceci corrobore le résultat plus ancien del’équipe de Marc Savasta en France sur une augmentationde la libération de glutamate dans les structures cibles duSTN pendant la stimulation chez le rat. Pour ces auteurs,la stimulation cérébrale profonde active directement lesneurones sous-thalamiques ou leurs axones et parconséquent les neurones cibles du STN. Toute stimulationest en effet censée activer des axones myélinisés plutôtque de les bloquer et les neurones sous-thalamiques sontconnus pour suivre de hautes fréquences de stimulation.

Mais la question cruciale n’avait toujours pas été posée :pourquoi la stimulation cérébrale profonde n’est-elleefficace qu’à des fréquences de 100 Hz et au-dessus ?

Liliana Garcia et moi-même avons décidé de travailler surdes tranches de STN de rat, dépourvues de dopamine,avec des enregistrements en “patch clamp” afin d’enregis-trer les effets de la stimulation et d’en comprendre lesmécanismes. Nous avons testé une large gamme defréquences (1 à 185 Hz) et mis à jour les effets tout à faitfondamentaux de la stimulation, uniquement lorsqu’elleest appliquée à 80 - 100 Hz et au-dessus :

- elle n’a pas d’effet sur la transmission synaptique quine suit pas de telles fréquences.Ainsi, on peut éliminer uneffet de la stimulation sur les axones afférents au STN ;

- elle stoppe l’activité spontanée “pathologique” desneurones sous-thalamiques (effet inhibiteur).

- elle active directement les corps cellulaires et/ou lesaxones des neurones sous-thalamiques (effet excitateur) :en réponse à un pulse de stimulation les neurones sous-thalamiques émettent, avec une latence très courte, unpotentiel d’action. Cependant, les neurones ne répondentpas à chaque stimulation, ce qui fait que l’activité évoquéeest intermittente, en trains de potentiels d’action.Cette réponse, comme toute réponse d’un neurone à unestimulation, est due aux propriétés membranaires desneurones sous-thalamiques.

Pourquoi l’activité spontanée est-elle bloquée par lastimulation ? Parce que l’activité évoquée, dictée par lastimulation, prédomine sur l’activité spontanée. La grandemajorité des neurones sous-thalamiques passe ainsi sousl’entière influence de la stimulation. Le résultat final est laproduction par les neurones sous-thalamiques d’uneactivité en trains ou bouffées de potentiels d’action avecune fréquence d’environ 60-80 Hz à l’intérieur desbouffées, activité propagée en l’état ou avec des modifica-tions aux structures de sortie des ganglions de la base.Depuis, l’équipe de Jean Michel Deniau a publié des résul-tats in vivo qui pourraient aller dans ce sens. Ainsi, dansl’opposition entre “inhibiteurs” et “excitateurs”, la véritéest entre les deux. Certes, la stimulation haute fréquenceinhibe, mais elle excite aussi, son effet est double. Commetoujours, aussitôt obtenus des résultats posent d’autresquestions. Celle qui nous intéresse concerne l’activitéimposée aux neurones sous-thalamiques: a-t-elle un sensen elle-même ou bien n’est-elle présente que pourempêcher l’activité spontanée “pathologique” ?

Connaître les mécanismes d’action de la stimulationcérébrale profonde et ses conséquences sur le réseau estun défi important car les retombées seront l’améliorationdes paramètres cliniques de la stimulation mais aussi lacompréhension de données de neuroscience fondamen-tale comme le type et la fréquence des oscillations desganglions de la base compatibles avec la réalisation demouvements.

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Stimulation cérébrale profonde et psychiatrieLuc Mallet (CNRS UMR 7593, La Pitié-Salpêtrière, Paris, [email protected])

La stimulation cérébrale profonde (SCP) continue àhaute fréquence, de par sa réversibilité, son adaptabilité etsa faible morbidité, a potentiellement des applicationsdans tous les domaines où une intervention sur un grou-pe de neurones au sein d’un réseau est susceptible demodifier une fonction ou un symptôme. En ciblant avecprécision son action sur des régions et des circuits céré-braux profonds impliqués dans la physiopathologie demaladies psychiatriques, elle offre l’espoir d’une améliora-tion de troubles sévères et résistants aux thérapeutiquesmédicales. Cela concerne en premier lieu les patientsatteints de trouble obsessionnel compulsif (TOC) ou dedépression avec des formes sévères et chroniques demaladie que les traitements conventionnels n’arrivent pasà améliorer et pour lesquels en dernier recours certaineséquipes proposent encore une chirurgie lésionnelle, auxeffets irréversibles.

De plus, parmi les traitements psychiatriques endéveloppement, basés sur la neuroanatomie, comme la sti-mulation magnétique transcranienne ou la stimulation dunerf vague, la SCP est tout particulièrement un outil d’in-vestigation physiopathologique original pour étudier lesbases anatomophysiologiques de certains troublespsychiatriques. En effet, la recherche contemporaine enpsychopathologie tente de mettre en relation les proces-sus psychologiques et leurs bases neurales, généralementau moyen de l’imagerie cérébrale fonctionnelle, par uneapproche performante, mais qui n’est pas sans relever d’uncertain néolocalisationnisme nosographique, et ne permetque de suggérer le rôle des structures cérébrales dans lagenèse des phénomènes observés. Une approche alterna-tive est de chercher une relation entre les symptômes psy-chiatriques et un dysfonctionnement acquis (maladie) ouprovoqué (chirurgie) des structures cérébrales, commedans le cas de lésions isolées des ganglions de la base,entraînant des troubles comportementaux et thymiques.L’intérêt du système des ganglions de la base réside dansla neuromodulation dont ils sont le siège, et le fait de rece-voir et de projeter de façon ubiquitaire vers les aires cor-ticales, subdivisées fonctionnellement en territoires senso-ri-moteur, oculomoteur, associatif et limbique. Le dysfonc-tionnement de la boucle associative (fonctions cognitives)et de la boucle limbique (processus émotionnels) contri-bue à l’apparition de troubles psychiatriques. Le dysfonc-tionnement de tels circuits cortico-striato-pallido-thala-mo-corticaux est d’ailleurs étayé par les données de laneuroimagerie, tant dans le TOC que dans la dépression.

L’approche par la SCP s’est concrétisée par des travauxrécents qui ont permis une meilleure compréhension decertains aspects des TOC et divers troubles émotionnelsau cours des maladies du mouvement, dont la maladie deParkinson. C’est lors de la (re)modulation par SCP dans larégion sous-thalamique que des manifestations émotion-nelles et comportementales, ont été observées (1-3)avec parfois la preuve d’une activation concomitante d’unensemble d’aires corticales (4). Dans ce contexte, lorsd’un suivi prospectif de patients parkinsoniens bénéficiantde la SCP, centré sur la psychopathologie et les tempéra-ments, nous avons observé la disparition des manifesta-tions obsessives et compulsives chez deux patientssouffrant de TOC concomitant et à début antérieur à lamaladie de Parkinson (5). Nous avons fait l’hypothèse d’uneffet de la stimulation sur un réseau limbiquedysfonctionnel, en accord avec les modèles physiopatho-logiques actuels du TOC. Globalement, les modificationscomportementales et émotionnelles consécutives à unemanipulation restreinte des parties les plus inférieures dusystème des ganglions de la base plaident pourl’intrication des processus de régulation à ce niveau etsont compatibles avec des données morphologiquesquestionnant le modèle de boucles strictement ségrégées(6), ce qui ne résout cependant pas le problème du choixde la cible thérapeutique. Car la stimulation exerce soneffet sur le fonctionnement cérébral via plusieurs types demécanismes distincts mais reliés entre eux, et dont lesrôles respectifs dépendent du site de stimulation, de lamaladie et de sa physiopathologie, et de la valeur desparamètres de stimulation utilisés. Le mécanisme exact,inhibition, activation est encore en cours d’élucidation.Le parallèle toutefois avec l’approche lésionnelle n’est pasconstamment confirmé par l’expérience de la stimulationdans les maladies du mouvement. Il existe probablementd’autres mécanismes possibles d’action, incluant le fait quel’inhibition de l’information n’est pas la seule règle.Ainsi, les données les plus récentes (cf l’article deConstance Hammond) laissent envisager la possibilité d’unerestauration d’un flux informatif, après élimination d’acti-vités chaotiques spontanées. Un autre pointimportant est que l’effet de la SCP sur l’état fonctionneld’une structure ou d’une voie de communication peutchanger au fur et à mesure que la distance de l’électrodeaugmente. Finalement, les effets cliniques observés avec laSCP reflètent une combinaison complexe d’inhibition etd’activation des corps cellulaires et des axones et dépen-dent de l’orientation des électrodes. Cet ensemble d’élé-ments laisse entrevoir la possibilité d’une restauration parla SCP de capacités de traitement d’informationscomplexes, comme la régulation comportementale etémotionnelle.

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Stimulation cérébrale profonde et épilepsies (suite)

PATHOLOGIE

De plus, des aspects pratiques laissent entrevoir lapossibilité d’étendre les indications de la SCP à dessituations psychopathologiques : le dispositif techniqueoffre la possibilité d’ajuster l’aire d’effet anatomique de lastimulation : la fréquence, l’intensité, et la largeurd’impulsion sont programmables; la stimulation chroniquepeut être unipolaire, bipolaire ou multipolaire, procurantla possibilité de varier les patterns de champ électriqueémis ; la stimulation peut être délivrée de façon continueou intermittente, selon des cycles programmables. Un dis-positif auto-programmable peut aussi être envisagé.Ainsi, des patients pourraient activer ou désactiver le sti-mulateur ou modifier un certain nombre de paramètresdans les limites prévues par les médecins. Ce large poten-tiel d’espace paramétrable offre l’opportunité d’optimisa-tion du traitement et de protocoles d’essai thérapeutiquecontrôlés.

Pour d’éventuelles applications thérapeutiques à lapsychopathologie, le noyau sous-thalamique pourraitreprésenter une des cibles potentielles au sein desganglions de la base car il intègre, dans un très petitvolume, différents territoires supportant des fonctionssensorimotrices, cognitives et émotionnelles, et contrôleles voies de sortie, donnant la possibilité d’intervenirsimultanément sur la régulation de ces fonctions et doncreprésentant une cible de choix pour moduler la capacitéde self-contrôle moteur, cognitif, comportemental etémotionnel.

C’est pourquoi, nous avons proposé un essai thérapeu-tique de SCP du noyau sous-thalamique basésur l’hypothèse d’un dysfonctionnement des systèmeslimbiques au sein des noyaux gris pour le TOC sévère etrésistant. Ce protocole multicentrique a fait l’objet d’untravail collaboratif d’élaboration mené par un Consortiumrassemblant des disciplines complémentaires telles que laneurochirurgie, la neurologie, la neuroradiologie,la neuroanatomie, la neuropsychologie, la neurophysiolo-gie et la psychiatrie. À l’avenir, d’autres thérapeutiquessimilaires, focalisées sur d’autres cibles sous-corticales,pourront être disponibles, fondées sur la physiopathologiefonctionnelle et non lésionnelle des maladies psychia-triques, ce qui est en cours par exemple pour la maladiede Gilles de la Tourette (7), modèle d’intrication desprocessus pathologiques moteurs et émotionnels.Il semble que le paradigme de la SCP en psychiatrie soitsusceptible d’apporter une compréhension de la genèsede troubles psychopathologiques à partir de modèlesbâtis sur une meilleure connaissance de l’anatomie et dela physiologie, avec la constitution d’une nosographiedécortiquée, claire, précise, fondée sur des observations

cliniques au plus près de la physiopathologie. L’apport de laSCP dans le champ de la psychopathologie donne aussi lapossibilité au clinicien-chercheur d’intégrer des faitsscientifiques expérimentaux au travers de leur validitépragmatique, dans une démarche au service des patients. �

Références

1. Krack P, Kumar R,Ardouin C, et al. Mirthful laughter induced by sub-thalamic nucleus stimulation. Mov Disord 2001;16(5):867-75.

2. Bejjani BP, Houeto JL, Hariz M, et al. Aggressive behavior induced byintraoperative stimulation in the triangle of Sano. Neurology2002;59(9):1425-7.

3. Houeto JL, Mesnage V, Mallet L, et al. Behavioural disorders,Parkinson's disease and subthalamic stimulation. J Neurol NeurosurgPsychiatry 2002;72(6):701-7.

4. Bejjani BP, Damier P, Arnulf I, et al.Transient acute depression indu-ced by high-frequency deep-brain stimulation. N Engl J Med1999;340(19):1476-80.

5. Mallet L, Mesnage V, Houeto JL, et al. Compulsions, Parkinson's disea-se, and stimulation. Lancet 2002;360(9342):1302-4.

6.Yelnik J. Functional anatomy of the basal ganglia. Mov Disord 2002;17Suppl 3:S15-21.

7. Temel Y, Visser-Vandewalle V. Surgery in Tourette syndrome. MovDisord 2004;19(1):3-14.

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Manifestation soutenuepar la Société des Neurosciences

Conférences Ladislav Tauc en neurobiologie Gif-sur-Yvette, 9-10 décembre 2004

Contact : M. Baux GérardCNRS UPR 9040

Neurobiologie cellulaire et moléculaireINAF, 91198 Gif-sur-Yvette.Mèl : [email protected]

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Les vertus thérapeutiquesde la stimulation électrique à haute fréquence

par Alim Louis Benabid

DÉCOUVERTE

Classiquement, stimulation signifie excitation.

L es relations de l’électricité et de la biologie sont biuni-voques. En dehors de la foudre, l’énergie électrique netrouve sa source que dans les cellules biologiques où lesgradients de concentrations ioniques transmembranaires,maintenus par la pompe Na-K, créent, en accord avec laloi de Nernst, le potentiel de membrane de repos.Réciproquement, l’énergie ainsi produite peut exciter lesstructures biologiques dont les membranes comportentdes canaux ioniques voltage-dépendants. Ainsi, lesdécharges de l’organe électrique du gymnote ou du pois-son torpille sont-elles perçues avec désagrément par lenageur imprudent. Leur vertu thérapeutique en étaitmême connue des Romains qui l’appliquaient au traite-ment de la goutte et des rhumatismes. En 1804, JeanAldini, neveu de Galvani, utilisant les piles de Volta, faitl’observation qu’un choc électrique appliqué sur le crâned’un sujet déclenche des réactions dont il prédit qu’ellesauront un jour des applications médicales. À travers l’uti-lisation de la stimulation électrique en électrodiagnostic,puis en stimulation cardiaque grâce aux pace-makers, leconcept “stimulation électrique = excitation” se dévelop-pe et s’érige en dogme : un stimulus électrique catho-dique, en dépolarisant la membrane, l’excite en créant unpotentiel d’action, qui va déclencher une fonction dans lesystème ou l’organe. Les progrès de la technologie per-mettent de développer des stimulateurs implantables etdes électrodes chroniques ouvrant la voie à la stimulationdes structures cérébrales, dans une perspective encoreexcitatrice, pour le but de “neuro-augmentation”, engénéral à basse fréquence (30 à 60 Hertz). Même quandla stimulation est antalgique, cette inhibition de la conduc-tion des influx nociceptifs passe par l’excitation de neu-rones enképhalinergiques inhibiteurs dans la corne posté-rieure de la moelle, ce qui est la base du concept du GateControl proposé en 1960 par Wall et Melzack. On voitdès lors se développer la stimulation antalgique au niveaudes nerfs périphériques, des cordons postérieurs de lamoelle, mais aussi au niveau des structures sensoriellesintracérébrales, notamment thalamiques. Dans le mêmetemps, des applications avaient été rapportées pour lesaffections psychiatriques, ainsi que pour des mouvementsanormaux, de la maladie de parkinson aux dystonies. Laraison de cet attrait pour les méthodes de stimulationréside dans sa réversibilité qui en fait une méthode très

souple et inoffensive, et aussi adaptable du fait de la pos-sibilité de varier l’amplitude des stimuli. La méthode va sedévelopper avec succès dans le domaine de la douleur carle concept du Gate Control justifie l’efficacité de lastimulation en tant que stimulus excitateur mettant enœuvre les maillons du réseau conduisant à l’interruptionde la conduction des messages nociceptifs. Par contre, lastimulation cérébrale ne connaît pas un bonheur similaireen psychochirurgie ou en chirurgie des mouvementsanormaux, malgré des essais précoces, multiples et dispa-rates. Irving Cooper, entre autres, sera très actif etrapportera de multiples tentatives pour des indicationsdiverses dans des cibles variées. Marsden et Fahn, en 1982concluront que les résultats sont peu reproductibles.A posteriori, l’analyse de la littérature rapportant cetteentreprise met en évidence, quand mention en est faite,que le paramètre le plus variable d’un essai à l’autre est lafréquence, sans qu’une relation entre ce paramètre et leseffets soit établie. La découverte de la stimulation à hautefréquence (SHF) sera manquée, et la chirurgie s’orienteravers les méthodes lésionnelles, conduisant au développe-ment de la thalamotomie et de la pallidotomie. C’est dansce contexte, en 1987, en pratiquant des thalamotomiesdans le noyau ventral intermédiaire (Vim) du thalamus,que m’est apparu le concept, encore à ce jour controver-sé, de l’effet inhibiteur de la SHF. C’est de ce concept quel’actuelle méthode de neurochirurgie fonctionnelle estnée, qui se développe depuis 17 ans et dont les applica-tions sont en cours d’élargissement à d’autres domainesque les mouvements anormaux, tels que l’épilepsie, lapsychochirurgie à nouveau, les algies vasculaires de la face,ou bientôt l’obésité (voir dans ce numéro, Neurosciences etPathologie).

Que s’est-il donc passé en 1987 ?

La neurochirurgie des mouvements anormaux, qui étaitessentiellement une chirurgie lésionnelle, ou “ablative”,ayant pour cible le thalamus pour les tremblements etavec un succès moindre le pallidum interne pour la rigidi-té, avait vu sa pratique se réduire et presque disparaîtreavec l’avènement triomphant de la levodopa dans lesannées 1960.

Les inconvénients (prises multiples, effets secondairesvariés) et les complications du traitement au long cours

(apparition des fluctuations motrices et des dyskinésies,parfois aussi invalidantes que le syndrome akinéto-hyper-tonique lui-même, et dont l’absence aurait fait de lalevodopa le traitement exclusif de la maladie de Parkinson)justifient dès le début des années 1980 un nouveaurecours pour certains malades à cette chirurgie.Les neurochirurgiens sont alors sollicités à nouveau, avecnéanmoins une bien moindre tolérance des maladescomme des neurologues, vis-à-vis des complications, quiétaient tolérées quand il n’y avait pas d’autre choix, com-plications liées aux erreurs de tir stéréotaxique et à labilatéralité des lésions chirurgicales quand la clinique desmalades le nécessite. Ce souci, bien légitime, est à la basede la recherche d’une alternative moins lourde, et sans lesinconvénients et risques précités. Les greffes neuronales,s’inscrivant dans cette démarche, auraient pu en être une.On sait les difficultés rencontrées et leur non-accession àce jour au statut de méthode thérapeutique établie. Ellesrestent expérimentales, malgré l’élégance du concept.La place restait donc libre. La neurochirurgie a répondu àla demande renaissante de thalamotomie avec les moyensdu bord, souvent moindres que ceux qui sont disponiblesau temps de l’apogée de la méthode, portée à l’excellen-ce par des équipes comme celles de Guiot et deMadame Albe-Fessard, en vue d’offrir une méthodeoptimisée et aussi précise que possible : stéréotaxie,ventriculographie pour déterminer la cible statistiquenormalisée et macrostimulation intraopératoire à l’aide

de l’électrode de lésion. J’avais hérité de mon séjoursabbatique avec Floyd Bloom au Salk Institute, des prin-cipes d’approche systématique, notamment de toujoursexplorer une gamme de fréquences, basse, 5 et 50 HZ, ethaute (mais l’appareil présent au bloc opératoire ne pou-vait aller au-delà 100). Le but était de vérifier que le sitede lésion visé ne se trouvait pas :

- dans la capsule interne (où elle aurait créé un déficitmoteur et où la stimulation à basse fréquence entraînedes contractions motrices controlatérales) ;

- ou dans les structures thalamiques plus postérieuresque Vim, (c’est-à-dire dans le noyau ventro-postéro-latéral(VPL), où elle aurait créé un déficit sensitif, de surcroît

douloureux, comme le syndrome de Dejerine-Roussy, etoù la stimulation crée des paresthésies également contro-latérales),

- ou dans des structures végétatives plus profondes.

Une découverte vient de l’observation fortuited’un phénomène dans un contexte d’attente decet événement.

Lors d’une thalamotomie faite chez un malade porteurd’un tremblement essentiel, chez qui j’avais observé que,comme souvent, la stimulation à basse fréquence tendaità aggraver le tremblement, l’utilisation de la hautefréquence (ici 100Hz) bloqua instantanément le tremble-ment d’attitude (figure 1) : ma première idée fut quel’électrode se trouvait dans la capsule interne et que lastimulation des fibres du faisceau pyramidal avait provo-qué une tétanisation des muscles du membre supérieurcontrolatéral. Le malade se déclara au contraire heureuxde cette suppression du tremblement, qui n’avait été quetransitoire, car j’avais instantanément arrêté la stimula-tion. Un nouvel essai montra que l’effet était reproduc-tible et que l’arrêt du tremblement n’était pas une tétani-sation puisque le malade pouvait facilement pianoter avecses doigts. La SHF était née. Nous avons utilisé pragmati-quement cet effet, vérifié régulièrement chez les maladessuivants, d’abord comme un test intraopératoiresupplémentaire, empirique, non validé. L’idée de l’étendreau champ thérapeutique a été appliquée quelques moisplus tard, chez un malade qui avait eu préalablement unethalamotomie pour un tremblement et qui souhaitait uneintervention controlatérale, en raison de la bilatéralisationde sa séméiologie. En raison des risques connus decomplications neuropsychologiques, notamment pha-siques, survenant lors de ces interventions bilatérales etjustifiant l’abstention de ces pratiques, nous lui avonsproposé de réaliser plutôt la mise en place d’une électro-de de stimulation chronique dans son thalamus nonopéré. Le passage de l’idée au geste était aisé car lematériel existait et était validé, et la technique disponiblenotamment à Grenoble, où nous utilisions la stimulationthalamique dans le noyau VPL, à basse fréquence, pourle traitement de certaines douleurs de déafférentation.

La fréquence est le facteur clé.

C’est la qualité du résultat d’une technique qui en faitune méthode. La reproductibilité du résultat, qui avait faitdéfaut aux études plus anciennes rapportées dans la litté-rature, fut au contraire assurée ici, parce que, depuis ledébut, j’avais réalisé que le facteur clé était la fréquence.C’était cela la découverte : la stimulation, à des fréquencessupérieures à la centaine de Hertz, induit des effets

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Figure 1 : Photographie (pose 2 secondes) visualisant,à gauche le tremblementsans stimulation, et à droite sous stimulation thalamique à 130 Hertz

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comparables à ceux que crée, dans la même structure,sa destruction chirurgicale. C’est parce que cela n’avaitpas été réalisé par les anciens auteurs que les essaispréalables disparates et non-reproductibles avaient faitabandonner la technique.

C’est cette constatation des effets reproductibles de laSHF qui en a justifié :a) l’extension à d’autres cibles, déjà utilisées pour les

lésions (Pallidum interne Gpi dans les pallidotomies), ouissues de la recherche fondamentale (noyau sous-thala-mique STN, Bergmann et al,1990, Aziz 90). Il est inté-ressant de noter que dans le transfert des données dela recherche vers l’application humaine, l’étape intermé-diaire de l’essai de la stimulation à haute fréquence chezle singe a permis de prouver l’innocuité de la méthode(Benazzouz et al, 1993) et le contrôle de l’hémiballismequi pouvait être un obstacle majeur ;

b)puis à d’autres indications, telles que les dystonies, l’épi-lepsie, les troubles obsessifs compulsifs, les algies vascu-laires de la face et “cluster headaches” ;

c) et qui en permet l’utilisation expérimentale : en effet, lescaractères spécifiques de la SHF, notamment son adap-tabilité et sa réversibilité, nous procurent cette oppor-tunité unique et sans précédent d’un moyen puissant,chez l’animal de laboratoire comme chez l’être humainaffecté d’une maladie, d’exploration couplée à unedémarche thérapeutique, impensable avec les méthodeslésionnelles préalables. Il faut utiliser l’essence de cettedécouverte, c’est-à-dire utiliser l’analogie SHF=lésionmais aussi redécouvrir l’utilisation, en complément, de lastimulation à basse fréquence et ses effets excitateurs,d’où l’intérêt du retour à la recherche fondamentale afinde bien comprendre les mécanismes et de jouer à bonescient des propriétés différentielles de la stimulation enfonction de la fréquence.

Quelles leçons tirer de cette histoire ?

Le phénomène existait, a été observé, voire rapportémais n’a pas été reconnu en tant que tel tant que la rela-tion avec la fréquence n’a pas été faite. C’est là queréside en fait ma véritable découverte, tout ce qui suivitne fut qu’adaptation à des cibles connues, et perfection-nement de systèmes existants. La nouvelle cible sous-tha-lamique ne tire pas ses propriétés de la haute fréquence,mais c’est parce qu’elle a pu être utilisée du fait de l’inno-cuité de celle-ci. La découverte de la SHF n’a eu lieu queparce que l’observation fortuite de ses effets suppres-seurs-inhibiteurs a été faite à un moment où le besoinétait pressant de trouver une méthode alternative à lalésion, rendue nécessaire en face des complications de lalevodopa mais aussi de celles de la chirurgie lésionnelle.

Le mécanisme en reste méconnu, même si de nom-breux travaux expérimentaux ou cliniques commencent àle déchiffrer. Mais la relation haute fréquence - inhibitionreste difficilement acceptée et la confusion persiste, le fac-teur fréquence est peu mentionné dans les publications,non reconnu comme crucial. Le nouveau concept se heur-te donc au dogme classique stimulation - excitation etn’acquiert pas de pénétrance. En fait, il s’agit d‘un conceptd’inhibition fonctionnelle,a) qui devrait s’imposer à la lumière de l’observation : dans

toutes les situations connues et toutes les cibles abor-dées, le concept est vérifié par l’expérience ;

b)qui peut s’accommoder ou être compatible avec lesconcepts de la neurophysiologie, mais nécessite unegymnastique plus subtile, à travers peut-être la notionde brouillage, qui était ma première hypothèse, lors dela constatation des effets de la stimulation thalamiquesur le tremblement. À la suite de l’histoire de ladécouverte des effets de la stimulation à hautefréquence, s’ouvre maintenant l’histoire de la compré-hension de ses mécanismes, qui apportera vraisembla-blement de nouveaux concepts en neurobiologie.À l’heure actuelle, il est intéressant de se demander

si cette expérimentation clinique serait autorisée, et doncsi cette découverte pourrait être faite. En effet, un projetde recherche clinique n’est justifié que sur la connaissan-ce des mécanismes qui expliquent ce phénomène.

Enfin, il convient de constater qu’à travers cettedécouverte, la recherche clinique se confond (car elle endécoule et lui donne naissance) avec la recherchefondamentale. L’absence de multidisciplinarité a été unecause, partielle, de l’échec des essais préalables, en nepermettant pas de reconnaître dans les facteursd’efficacité de la stimulation, le rôle crucial de la hautefréquence, et donc d’en faire la découverte plus tôt. �

[email protected]

Références

Aziz TZ, Peggs D, Sambrook MA, Crossman AR: Lesion of the subthalamic nucleusfor the alleviation of 1-methyl-4-phenyl-1,2,3,6-tetrahydro-pyridine (MPTP)-indu-ced parkinsonism in the primate. Mov Disord ,1991, 6: 288-292.

Benabid AL, Pollak P, Louveau A, Henry S., De Rougemont J: Combined (thala-motomy and stimulation) stereotactic surgery of the Vim thalamic nucleus forbilateral Parkinson disease. Appl Neurophysiol, 1987; 50: 344-346.

Bergman H,Wichmann T, DeLong MR: Reversal of experimental parkinsonism bylesions of the subthalamic nucleus. Science, 1990; 249: 1346-1348.

Benazzouz A, Gross C, Féger J, Boraud T, Bioulac B. Reversal in rigidity andimprovement in motor performance by subthalamic high frequency stimulationin MPTP-treated monkeys. Eur J Neurosc 1993:5, 382-389.

Marsden CD , Fahn S. Surgical approaches to the dyskinesias: afterword. InMovement Disorders, eds CD Marsden and S Fahn,1982: pp345-347. London:Butterworth Scientific.

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Les vertus thérapeutiques de la stimulation électrique à haute fréquence (suite)

DÉCOUVERTE

Clinique et traitement des troubles anxieux :un état des lieuxChristophe André (Service Hospitalo-Universitaire, Centre Hospitalier Sainte-Anne, Paris, [email protected])

“La terreur qui me hantait, c’est elle qui m’atteint,Et ce que je redoutais m’arrive.Pour moi, ni tranquillité, ni cesse, ni repos,C’est le tourment qui vient… ” (Job, 3, 25-26)

Les hommes connaissent et décrivent depuis toujours lamorsure et l’usure de l’anxiété. Mais depuis les années 60,une masse importante de travaux a bouleversé l’état desconvictions et des connaissances en la matière : voici unpetit état des lieux…

Modèles théoriques : anciens et modernes

Dès la fin du XIXe siècle, Freud proposa une explicationet une classification des troubles anxieux qui fitlongtemps autorité : on parlait ainsi de névrose d’angois-se, névrose phobique, névrose obsessionnelle… Pour lespsychanalystes, les symptômes anxieux étaient l’expres-sion de conflits inconscients, liés à la sexualité, etprovenaient du refoulement de ces conflits, dont ilssignaient l’échec. Mais les conceptions freudiennes, trèsnovatrices à leur époque, subissent actuellement unsérieux déclin, lié notamment à la maigre efficacité de lapsychanalyse en tant qu’outil thérapeutique des troublesanxieux (cf. le rapport de l’INSERM paru en 2004 surl’efficacité des psychothérapies, disponible sur le sitehttp://www.inserm.fr).

C’est aujourd’hui le modèle bio-psycho-social qui estconsidéré comme le plus convaincant par les chercheurset cliniciens pour expliquer la survenue des pathologies

anxieuses. Pour qu’un trouble anxieux existe et persiste,il faut que soient présents à des degrés divers :• Une vulnérabilité biologique, souvent innée.• Une trajectoire psychologique allant dans le sens du

trouble : des modèles parentaux eux-mêmes anxieux,une éducation conditionnant l’enfant à surévaluer lesdangers de l’environnement, parfois des événements devie traumatisants…

• Un environnement social facilitant : ainsi, une sociétécomme la nôtre, exigeant des rapports sociauxnombreux et variés, va révéler davantage de casd’anxiété sociale que des sociétés plus sédentaires, danslesquelles les trajectoires de vie étaient plus stables(on naissait, vivait et mourait au même endroit, entourédes mêmes personnes, sans avoir à rechercher unconjoint ou un emploi, puisque tout était décidé par lacommunauté familiale…).

Les psychologues évolutionnistes soulignent de leur côtéque l’anxiété est un phénomène normal et adaptatif ausein de l’espèce humaine, servant à augmenter la vigilanceface aux dangers éventuels, et à faciliter les réactions desurvie (anticiper, fuir ou faire face). Mais certains individuspeuvent s’avérer hyperanxieux et, tout comme dansl’hypertension artérielle, ou dans les maladies inflamma-toires, ce qui est au départ une fonction naturelle peutdevenir un phénomène pathologique. Dans cette optique,il est inutile en psychothérapie de chercher indéfinimentavec les patients où résident les éventuelles “causesprofondes” de leur anxiété, mais il est plus judicieux deleur apprendre à gérer plus efficacement leur vulnérabili-té anxieuse, pour la ramener dans des limites adaptatives.

Les six grandes familles de troubles anxieux

Les classifications actuellement utilisées par la commu-nauté scientifique internationale sont celles de l’OMS etsurtout celle de l’Association Américaine de Psychiatrie(le DSM IV). Elles séparent les troubles anxieux en six

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Anxiété

L’anxiété, tout comme la peur, correspond à un état psychologique, physiologique et comportemen-tal signalant un danger, une menace ou un conflit - que ceux-ci soient réels ou seulement perçuscomme tels - et destiné à déclencher une réponse adaptative. Par conséquent, l’anxiété est liéeà la fois à notre évaluation subjective de ces stimuli ou perceptions de danger ainsi qu'à nosréactions physiologiques à l’environnement. Bien que l'anxiété corresponde à une réactionadaptative naturelle, elle peut devenir pathologique et interfère alors avec notre propre capacitéà faire face à notre environnement. Les troubles anxieux représentent ainsi les affections mentalesles plus répandues chez l'adolescent et l'adulte puisque l'on estime à près de 25 % la proportiond'individus ayant subi un épisode de trouble anxieux sévère et/ou invalidant au cours de leur vie.Christophe André dresse un état des lieux des données cliniques ainsi que des diverses optionsde prise en charge des patients atteints de troubles anxieux.Par ailleurs, Georges Chapouthier et Patrice Venault nous présentent, au travers d'un bref panorama, l'intérêt des modèles animaux de l’anxiété.

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pathologies principales, qui se différencient par lessources de l’anxiété, ou par les stratégies utilisées pourtenter de la limiter :• L’anxiété généralisée est une forme d’inquiétude

pathologique (chronique, excessive et incontrôlable)pouvant porter sur tous les soucis de la vie quotidien-ne, réels ou surtout éventuels (retard, problèmes finan-ciers, maladies) associée à des manifestations soma-tiques (hypertonie musculaire, troubles digestifs, etc.).En raison de la mobilité et de l’ubiquité de ses sourcesquotidiennes, cette anxiété est souvent dite “flottante”,par opposition aux autres formes d’anxiété, phobiques,obsessionnelles ou traumatiques, dans lesquellesl’anxiété est fixée sur une ou plusieurs causes précises.

• Les phobies spécifiques sont des peurs excessives desituations ou d’objets variés, comme les animaux, leséléments naturels (noir, hauteur, eau, espaces clos…), lesang, etc. La différence entre peurs normales et peursphobiques résident dans l’intensité de l’émotion (véri-table panique) et le handicap au quotidien(les phobiques sont contraints à un évitement radical dece qu’ils craignent).

• Les phobies sociales sont une exacerbation de l’anxiétésociale “normale”, comme dans le trac ou la timidité,mais à un degré maladif : les sujets ne peuvent regarderautrui dans les yeux, craignent de rougir, trembler,transpirer, de perdre le contrôle d’eux-mêmes, de secomporter de façon ridicule dans une ou plusieurssituations sociales. Ils sont contraints d’éviter cessituations, ou ne peuvent les affronter qu’après usaged’alcool ou de tranquillisants.

• Le trouble panique avec agoraphobie consiste en lasurvenue d’attaques de panique (crises d’angoisseviolentes durant lesquelles le patient a le sentiment qu’ilva mourir ou devenir fou), qui entraînent peu à peu desévitements de toutes les situations où l’on craint d’avoirune nouvelle attaque de panique (on ne se lance plusdans des situations à risque comme lieux surpeuplés ousurchauffés, la conduite automobile ou les transports encommun…). L’anxiété est ici situationnelle (on redoutedes situations génératrices de malaise) et intéroceptive(on redoute des sensations physiques que l’on perçoitcomme des signes avant-coureurs d’une catastrophe).

• Le TOC (trouble obsessionnel-compulsif) associe des obses-sions (pensées intrusives, angoissantes et surtout inlas-sablement répétitives) portant sur la propreté, la symé-trie, le risque d’accident… et des compulsions, qui sontdes actes ou pensées destinés à neutraliser l’angoisseliée à l’obsession (laver, désinfecter, ranger, vérifier,compter, réciter des séries de mots ou de chiffres…).Obsessions et compulsions consomment habituelle-ment des heures entières sur une journée du patient.

• Le stress post-traumatique, qui consiste en la persistance,après un traumatisme psychologique (agression, viol,accident, catastrophe naturelle…) de nombreuxsymptômes de souffrance (anxiété, dépression, troublesdu sommeil…) et de reviviscence de l’événement(cauchemars répétitifs, sentiments de flash-back,évitement de tout ce qui rappelle le trauma…).

Ces troubles sont assez souvent associés chez lespatients (comorbidité) de manière soit synchronique(coexistence au même moment) soit diachronique(à des périodes successives). Leur intensité peut aussifluctuer dans le temps. D’où la très grande variétédes tableaux cliniques rencontrés par les psychiatres.

Les caractéristiques communes à tous les troubles anxieuxsont :• un état d’hyperactivité chronique du système nerveux

sympathique, associé à une hypervigilance consciente etpréconsciente (études de neuropsychologie sur laperception subliminale des stimuli anxiogènes),

• la présence de nombreux évitements (de situations,d’images ou de pensées) qui soulagent l’anxiété à courtterme, mais la chronicisent à long terme en validant lespostulats anxiogènes (“si je n’avais pas évité de faire celaou de penser à ceci, les choses se seraient sûrement malpassées pour moi…”).

Prise en charge et traitement

L’éducation et l’information des patients anxieux est unestratégie thérapeutique à part entière (voir pour informa-tion le site de l’Association Française des TroublesAnxieux : http://www.afta-anxiete.org). Se croyant seul dansleur cas, et pensant que ce qui leur arrive relève davanta-ge d’un trait de personnalité que d’une maladie, les grandsanxieux tendent souvent à subir leur trouble et à lui“obéir”. Ils renoncent ainsi à de nombreuses activités, cequi appauvrit ou complique considérablement leurquotidien, et aggrave leurs symptômes.

Les médicaments actuellement préconisés ne sont plustant les benzodiazépines, anxiolytiques autrefoislargement prescrits, que les molécules ayant un effetsérotoninergique. Ces traitements, initialement utilisésdans la dépression, s’avèrent en fait avoir un impact directsur les différentes manifestations anxieuses (anticipations,ruminations, attaques de panique) indépendant de leureffet antidépresseur. Elles semblent exercer un effetclinique régulateur sur les dysfonctionnements émotion-nels des troubles anxieux, perceptible chez les patients,mais aussi, selon certaines études, chez les volontairessains (avec un probable effet dimensionnel global sur les

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Clinique et traitement des troubles anxieux : un état des lieux (suite)

affects négatifs dans leur ensemble). Les malades anxieux,lorsqu’ils sont répondeurs aux traitements sérotoniner-giques, décrivent comment ces derniers ne supprimentpas la survenue des pensées anxieuses, mais en amortis-sent l’intensité émotionnelle, ce qui rend peu à peu plusfacile leur mise à distance et leur remise en question parle patient.Autre différence : le délai d’action des sérotoni-nergiques diffère de celui des benzodiazépines. Cesdernières ont une action rapide (en moins d’une heure),et directement perceptible par le patient, tandis que lessérotoninergiques nécessitent plusieurs jours à plusieurssemaines avant que leur effet ne se manifeste, et ce demanière plus progressive. Ils nécessitent donc des pres-criptions sur de longues durées (au moins 6 à 12 mois,comme dans la dépression), sans doute nécessaires à lamise en place durable de nouveaux styles cognitifs etcomportementaux, et peut-être de modifications céré-brales fonctionnelles.

Quant aux thérapies recommandées, ce sont les théra-pies comportementales et cognitives (TCC) qui ont faitl’objet du plus grand nombre d’études contrôlées.Elles reposent sur différentes stratégies, parmi lesquelles :• l’exposition, qui consiste à aider le patient à se confron-

ter progressivement à ce qu’il redoute, selon des règlesprécises. Par exemple, pour un phobique des oiseaux :regarder des photos d’oiseaux, voir des vidéos, serendre avec le thérapeute dans une oisellerie, puis dansun square fréquenté par des pigeons.

• La restructuration cognitive, qui aide le patient à identi-fier ses systèmes de pensées et de croyances anxio-gènes (“si je prend la parole devant les autres et que jebafouille, on m’estimera moins et on doutera de mescompétences…”).

• La relaxation, qui propose des outils de contrôle del’emballement somatique associé à l’anxiété.On a récemment proposé d’utiliser les techniques deméditation (“mindfullness”) pour aider les patientsanxieux, notamment paniqueurs, à mieux contrôlerleurs processus attentionnels, souvent perturbés.

Perspectives

Bien que des outils efficaces existent pour aider audépistage et au traitement des pathologies anxieuses, denombreux patients attendent encore des années avant derecevoir un diagnostic correct et des soins adaptés :la diffusion des données scientifiques valides auprès del’ensemble des praticiens prendra encore plusieursannées. En parallèle, de passionnantes recherches dessi-nent déjà ce que seront les prochaines percées :l’imagerie cérébrale permet de progresser dans la com-

préhension des mécanismes physio-pathologiques destroubles anxieux (avecnotamment le rôle clé de l'amygda-le) et aussi d’objectiver l’évaluation de l'efficacité des trai-tements (médicamenteux ou psycho-comportementaux) ;les études de génétique et d’épidémiologie clarifient lesmécanismes étiologiques et les sous-types cliniquespropres à chaque trouble ; l’entrée de la psychothérapiedans l’ère des études contrôlées permet peu à peu unesélection des méthodes les plus efficaces ; la pharmacolo-gie et la neurobiologie mettent sur la piste de nouveauxneurotransmetteurs, et donc de nouvelles molécules thé-rapeutiques… N’ayons donc pas d’anxiété particulièrepour l’avenir de nos patients anxieux ! �

Ouvrages recommandés

André C,Muzo. Petites angoisses et grosses phobies. Paris, Seuil, 2002.

Craske MG. Origins of phobias and anxiety disorders. Oxford, Elsevier, 2003.

Ladouceur R, Marchand A, Boisvert JM. Les troubles anxieux. Paris,Masson, 1999.

Marks IM. Fears, phobias and rituals. Oxford, Oxford University Press, 1987.

McGuire M,Troisi A. Darwinian psychiatry. Oxford, Oxford UniversityPress, 1998.

Pélissolo A, Cohen-Salmon C. Le cerveau anxieux. Paris, PIL, 2003.

Rapee RM (ed). Current controversies in anxiety disorders. New-York,Guilford Press, 1996.

Stein DJ, Hollander E (eds).Textbook of anxiety disorders.WashingtonDC,American Psychiatric Publishing, 2002.

Vasey MW, Dadds MR (eds).The developmental psychopathology ofanxiety. Oxford, Oxford University Press, 2001.

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Facettes expérimentales de l'anxiétéchez l’animalGeorges Chapouthier ([email protected])et Patrice Venault ([email protected]){CNRS UMR 7593, Paris VI}

L’anxiété est une fonction très multiforme.Chez l’homme, des classifications psychiatriques del’anxiété pathologique permettent de distinguer : phobies,troubles obsessionnels compulsifs, anxiété généralisée,stress post-traumatique, agoraphobie et attaques depanique avec leurs différentes variantes. Les spécialistesdes modèles animaux, quant à eux, opposent chezl’animal, l’anxiété “de trait” (constitutive) et l’anxiété“d’état” (provoquée dans des situations anxiogènes).

L’intérêt des modèles animaux dans ce domaine résultede l’utilisation possible de la pharmacologie et de lagénétique. À l’aide de molécules, anxiolytiques comme lesbenzodiazépines, ou anxiogènes comme certaines ß-car-bolines, l’anxiété peut être modulée et les conséquencescomportementales peuvent être étudiées. Il existe, enoutre, des lignées de souris plus ou moins anxieuses, quipermettent une investigation du rôle de certains gènesdans les processus anxieux. Il n’est pas question icid’affirmer les bases uniquement génétiques de l’anxiété,mais de dire que des prédispositions existent et que lesmodèles animaux permettent de les mettre en évidence,sans exclure d’autres déterminismes.

L’anxiété chez les souris peut être étudiée par de nom-breux tests. Dans le test du champ ouvert (open field), lessouris anxieuses restent à la périphérie du dispositif, alorsque les animaux moins émotifs s’aventurent au centre.Dans le test de l’évitement de l’obscurité, les animauxanxieux restent plus facilement dans un compartimentsombre. Dans le test du labyrinthe surélevé, situé à50 centimètres du sol, les animaux anxieux restent plusvolontiers dans les allées protégées par des parois quedans les allées sans parois.

Notre approche expérimentale a permis de lier l’anxié-té à des phénomènes pathologiques comme l’épilepsie oule déséquilibre postural, mais aussi à certaines aptitudescomme les capacités d’apprentissage. Elles permettentenfin de proposer, avec prudence, des bases génétiquespour certaines formes d’anxiété.

Anxiété et perte de l’équilibre

Chez l’homme, les patients anxieux ont souvent destroubles de l’équilibre et les patients vestibulaires souf-frent parfois d’anxiété. Un modèle animal de ces troubles

a consisté à faire progresser des souris sur de longuesbarres en rotation. Les animaux des lignées anxieusesmontrent des déséquilibres et tombent de la barre, alorsque les animaux des lignées non anxieuses circulaient sansproblème1. Un traitement préalable par un anxiolytique,comme une benzodiazépine, améliore la circulation desanimaux anxieux sur la barre en rotation.Au contraire, untraitement anxiogène (ß-carboline) perturbe la locomo-tion des animaux non anxieux.

Anxiété et épilepsie expérimentale

Parmi les ß-carbolines, la methyl ß-carboline-3-carboxy-late, ou “ß-CCM” a été étudiée. À des doses systémiquesde l’ordre de 1 mg/kg chez la souris, elle déclenche descomportements anxieux dans tous les tests évoqués plushaut. Mais, à doses fortes (5 à 10 mg/kg), elle provoquedes crises tonico-cloniques, analogues à celles qui seproduisent lors d’épilepsies expérimentales2. La raison enest sans doute que l’anxiété, comme l’épilepsie, sont liéesà des processus cérébraux GABAergiques, ceux surlesquels agit la ß-CCM. D’autres agents GABAergiques(pentylènetétrazol, picrotoxine) sont à la fois anxiogènesà doses moyennes et épileptogènes à doses fortes.Ces études pharmacologiques indiquent un lien entreanxiété et épilepsie, que des études génétiques ontconfirmé. Ainsi, nous avons sélectionné deux lignées desouris, l’une, appelée “BS”, très sensible à l’actionconvulsivante de fortes doses de ß-CCM, l’autre, appelée“BR” très résistante à ces mêmes doses. Les comporte-ments des animaux de ces deux lignées diffèrentégalement dans des tests d’anxiété.

Anxiété et apprentissage

Les effets de l’anxiété ne sont pas tous négatifs. L’étudedes effets de la ß-CCM, à des doses systémiques extrê-mement faibles (0,2 à 0,3 mg/kg), a permis de montrer desactions facilitatrices sur plusieurs apprentissages chez lasouris3. Ici encore, la raison pourrait être l’implication duGABA à la fois dans les mécanismes qui contrôlent l’anxié-té et dans ceux qui contrôlent les processus mnésiques4.Ces résultats ont pu être confirmés, chez le rat, par desadministrations de doses faibles de ß-CCM au niveau cen-tral, directement dans le noyau basal magnocellulaire(l’équivalent du noyau basal de Meynert chez l’homme), onpeut améliorer l’apprentissage5. Ces travaux suggèrentqu’une anxiété légère puisse faciliter la mise en mémoire.

Anxiété et génétique

De nombreuses lignées de souris, consanguines ou non,permettent l’analyse de prédispositions génétiques à

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Pour compléter ce dossier, nous vous proposons quelques liens inter-net et l’abondante littérature de ER Kandel (Cell. 2002Dec 13;111(6):905-18; Neuron. 2002 Apr 11;34(2):289-300;Science. 1981 Jan 30;211(4481):504-6).http://www.dialogues-cns.org/brochures/14/pdf/14.pdfhttp://www.inserm.fr/servcom/servcom.nsf/9eca30f557b488dcc12569b400384ef1/1b232b2b2519d63fc1256e460045f1ee/$FILE/syn-these%20psychotherapie.pdfhttp://www.chu-rouen.fr/ssf/pathol/etatanxiete.html#di

Références

1. Lepicard EM,Venault P, Perez-Diaz F, Joubert C, Berthoz A, Chapouthier G.Balance control and posture differences in the anxious BALB/cByJ mice compa-red to the non anxious C57BL/6J mice. Behav. Brain Res. 2000;117:185-195.

2. Chapouthier G, Venault P. À pharmacological link between epilepsy andanxiety ? Trends Pharmacol Sci 2001;22:491-493.

3.Venault P, Chapouthier G, Prado de Carvalho L, Simiand J, Morre M, DoddRH, Rossier J. Benzodiazepine impairs and ß-carboline enhances performancein learning and memory tasks. Nature 1986;321:864-866.

4. Chapouthier G,Venault P. GABA-A receptor complex and memory processes.Curr.Top. Med. Chem. 2002;2:841-851.

5. Mayo W, Dellu F, Cherkaoui J, Chapouthier G, Dodd RH, Le Moal M, Simon H.Cognitive enhancing properties of ß-CCM infused into the nucleus basalis magno-cellularis of the rat. Brain Res. 1992;589:109-114.

6. Clément Y, Chapouthier G. Biological bases of anxiety.Neurosci. Biobehav. Rev1998;22:623-633.

7. Belzung C , Rodent models of anxiety-like behaviors : are they predictive forcompounds acting via non benzodiazepine mechanisms ? Curr. OpinionInvestig. Drugs 2001, 2: 1108-1111.

8.Thiébot MH, Current behavioural models of anxiety in animals : how pre-dictive are they for anxiolytic activity ? In: Hamon M. OH,Thiébot M.H. (ed)Anxiety: Neurobiology, Clinic and Therapeutic Perspectives. 1993 John LibbeyEurotext and Editions INSERM, Paris, pp 25-37.

9. Chapouthier G. L'homme, ce singe en mosaïque. Paris : Odile Jacob, 2001.

l’anxiété. Sur les deux lignées que nous avons isolées,BR et BS, des travaux de génétique moléculaire sont encours, avec Eric Le Guern à la Salpêtrière, afin de savoir sides différences existent entre ces deux souches, en ce quiconcerne les gènes qui déterminent les sous-unités durécepteur du GABA. Certaines lignées de souris, dites“à marqueurs multiples”, offrent un autre intérêt :les animaux possèdent, sur leur corps, des marqueursvisibles (couleur du pelage, tache sur le dos, petitesoreilles, etc.) qui permettent de savoir si un gène, dont lalocalisation chromosomique est connue, est présent ounon chez l’animal considéré. Si certains sujets s’avèrentanxieux chaque fois que le gène est présent, on peut endéduire qu’un ou des gènes, situés à proximité de la loca-lisation chromosomique du gène marqueur, ont quelquechose à voir avec l’anxiété. C’est ainsi que nous avons pulocaliser trois gènes impliqués dans l’anxiété chez lasouris6, qui interviennent sans doute dans un ensemblecomplexe de (nombreux) gènes et de (multiples)influences environnementales.

Conclusion

Voici quelques facettes de l’anxiété étudiée dans desmodèles animaux. De nombreuses recherches internatio-nales ont été effectuées sur l'anxiété7,8. Elles ont porté surla mise en évidence de molécules anxiogènes et surtoutanxiolytiques, ainsi que sur les mécanismes biochimiquesimpliqués, GABAergiques, mais aussi sérotoninergiques,noradrénergiques ou peptidergiques. Nos résultats met-tent l'accent sur un autre aspect. En analysant le rôle duGABA, ils montrent que l'anxiété occupe des fonctionsoriginales qui en font un “pont” entre des processuspathologiques (déséquilibre postural, épilepsie) et desprocessus normaux (mise en mémoire). Les êtres vivantspeuvent ainsi réutiliser des processus de base pour lesadapter à des fonctions variées9. Le statut épistémologiquede l'anxiété s'en trouve considérablement modifié. �

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Le Conseil d’Administration s’est réuni le 9 avril 2004.

Étaient présents : J.C. Beauvillain, B. Bloch,M.T. Bluet-Pajot, S. Dehaenne, C. Duyckaerts,V. Fénelon, J.A. Girault, C. Mulle, J.P Pin, B. Poulain,D. Poulain, G. Rougon,A. Triller.

Absents : A. Beaudet, M. Cador, G. Chouvet,M. Peschanski, O. Rascol, P. Vernier.

Dernier palmarès du Conseil d’administration

Depuis son élection au mois de mai 2003, le Conseil s’est réunideux fois pour discuter de la vie de la Société.Voici les scores d’assiduité de ses membres :0/2 : A. Beaudet,1/2 : J.C. Beauvillain, B. Bloch, M. Cador,

S. Dehaenne, O. Rascol, P. Vernier.2/2 : M.T. Bluet-Pajot,C. Duyckaerts,V. Fénelon,

J.A. Girault, C. Mulle, J.P Pin, B. Poulain,D. Poulain, G. Rougon,A. Triller.

VIE DE LA SOCIÉTÉ

L ors de sa réunion du 9 avril 2004, le Conseild'Administration a choisi les thèses 2003 qui ont étéhonorées d'un prix. Le choix a été difficile parmi les

25 thèses déposées qui étaient toutes de bonne qualité.Les quatre lauréats 2004 et les titres des thèses sont les

suivants :

La thèse de Bruno Bozon concerne l'implication du gèneimmédiat précoce zif268 dans la plasticité synaptique, laconsolidation et la reconsolidation mnésique (Directeurs de thèse :Serge et Sabrina Laroche Et Davis, CNRS UMR 8620,Laboratoire de Neurobiologie de l’Apprentissage et de laMémoire, Orsay).

Celle de Stéphane Jamain a pour sujet l'identification de gènesde prédisposition à l'autisme et la schizophrénie (Directeur dethèse : Thomas Bourgeron, INSERM E021, Laboratoire deGénétique Humaine et Fonctions Cognitives, Institut Pasteur,Paris).

Celle d'Étienne Herzog est consacrée au sujet suivant :caractérisation des transporteurs vésiculaires du glutamate etdiversité des systèmes glutamatergiques dans le cerveau de rat(Directeur de thèse : Salah El Mestikawy, INSERM U.513,Neurobiologie et psychiatrie, Faculté de médecine, Créteil).

Enfin, la thèse de Claire Wardak, concerne l'implicationfonctionnelle de l'aire intrapariétale latérale (LIP) et du champoculomoteur frontal (FEF) dans l'attention visuelle sélective chez lemacaque (Directeur : Jean-René Duhamel, CNRS UMR 5015,Institut des Sciences Cognitives, Bron).

Cinquante-six thèses ont été déposées en 2003 sur le ser-veur. Nous encourageons très fortement les jeunes cher-cheurs à continuer. Cette action est un axe très important dela vie de la Société. �

Antoine [email protected]

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THÈS

E Prix de thèse

Étienne Herzog

Lieu de thèse : INSERMU.513, Neurobiologieet psychiatrie, Faculté deMédecine, 8 Rue du GénéralSarrail, 94010 Créteil Cedex

[email protected]

Claire Wardak

Lieu de thèse : CNRS UMR 5015,UCBL, Institut des SciencesCognitives, 67 Bd Pinel, 69675Bron Cedex

[email protected]

Bruno Bozon

Lieu de thèse : Laboratoire deNeurobiologie del’Apprentissage et de laMémoire, CNRS UMR 8620,Bâtiment 446, UniversitéParis-Sud, 91405 Orsay

[email protected]

Stéphane Jamain

Lieu de thèse : INSERM E021,Laboratoire de GénétiqueHumaine et FonctionsCognitives, 25 Rue du DocteurRoux, 75724 Paris Cedex 15

[email protected]

Nous remercions les rapporteurs qui ont pris le tempsd’évaluer les thèses. Par ordre alphabétique :

Jean-Claude Beauvillain, Bertrand Bloch, Marie-Thérèse Bluet-Pajot,Olivier Caillard, Martine Cador, Guy Chouvet, Stanislas Dehaenne,

Charles Duyckaerts,Valérie Fénelon, Jean-Antoine Girault, ChristopheMulle, Jean-Philippe Pin, Bernard Poulain, Olivier Rascol,

Geneviève Rougon, Antoine Triller, Philippe Vernier.

European Conference On Visual Perception (ECVP)1-5 septembre 2003, siège de l’Université René Descartes, Paris

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UConférence européennesur la perception visuelle

par Andrei Gorea

L’ ECVP 2003 a été organiséesous les auspices duMinistère de la Recherche

et de la Technologie, du CNRS, del’Université René Descartes, del’INSERM et de la Mairie de Paris. Ellea été dédiée aux aspects fondamen-taux et appliqués de la recherche enperception visuelle et a promu lesinteractions interdisciplinaires dans ledomaine des sciences cognitivesentre des spécialités aussi diversesque la neurophysiologie, l’imageriecérébrale, la psychophysique, l’IA, lesréseaux de neurones et l’ophtalmo-logie. Avec un budget global de

199 535 €, l’ECVP 2003 a accueilliquelque 630 participants de 42 paysdont 60 boursiers ECVP (étudiants,scientifiques des pays de l’est, d’Iran,de Chine…) et 38 conférenciers invi-tés. Elle a comporté 120 communica-tions orales et 240 communicationsaffichées et a offert la possibilité quescientifiques et artistes visuels serencontrent.

Les participants ont été invités aucocktail d’ouverture tenu aurestaurant Toupary de la Samaritaine.Quatre cents d’entre eux ont aussiparticipé au banquet d’honneurorganisé dans les salons de la Mairiede Paris. Les participants ont aussiété conviés au vernissaged’Aperceptions, une exposition d’artcontemporain sponsorisée parl’ECVP 2003 avec l’objectif avoué etréussi de mettre en contacts artistesvisuels et scientifiques de la vision.

L’ECVP 2003 a été ouverte par la“Perception lecture” donnée auGrand Amphithéâtre de la Sorbonnepar Patrick Cavanagh, professeur à

Harvard University. Elle s’est poursui-vie pendant quatre jours à raison dedeux sessions parallèles de présenta-tions orales (120 en tout), auxquellesont été intercalées six sessions deprésentations affichées (240 en tout),soit 360 communications sur quatrejours. Les thèmes les plus abordésont porté sur la perception dumouvement de bas et haut niveau,des surfaces (illumination, brillance,ombrage, transparence), des visages,sur la notion d’objet visuel, ainsi quesur la modélisation et la vision parordinateur, l’attention visuelle, lesinteractions intersensorielles, l’ap-prentissage perceptif, les aspectsneuropsychologiques de la vision, etsur les perspectives philosophiquesde la recherche visuelle courante.Ont été aussi abordés des sujetsportant sur la couleur, les imagesnaturelles, les mouvements oculaires,l’action et la perception, les aspectscliniques de la vision.

Pour atteindre ses buts, l’ECVP2003 a eu besoin d’obtenir auprès de

ses sponsors quelque 110 000 €

dont l’écrasante majorité (à troisexceptions près, c.-à-d. Essilor, EdF,Pion Ltd.) a été obtenue d’organisa-tions gouvernementales.Vu la difficul-té majeure de cette entreprise,une restructuration européenne(au niveau de la CEC) et française(ville, région, ministères) des sourcesde financement des colloques decette taille a de très bonnes raisonsd’être mise en place. �

[email protected]

HOMMAGE

Nathalie Giannetti nous aquittés le vendredi 26 mars 2004.Elle était Maître de Conférencesen Neurosciences à l’Universitéde Franche-Comté et faisaitde la recherche en collaborationavec l’UMR 5020 du CNRS àLyon. Elle a publié une séried’articles, référence enNeurobiologie de l’olfactionet en Neuroimmunologie,et marquée par l’élégance desréalisations expérimentales

Elle assumait à Besançonsa charge statutaire d’enseigne-ment dans la plus exigeantedes missions universitaires :la préparation aux concoursnationaux CAPES et AgrégationSVT. Dans ce cadre elle a,d’emblée et pendant plusieursannées, augmenté le taux deréussite des étudiantsfranc-comtois à ces concours.

Membre actif de la Société desNeurosciences, Nathalie Giannettiétait co-organisatrice de laSemaine du Cerveau à Besançon.Elle était unanimement appréciéepour son dynamisme,sa convivialité et son sensadmirable du service public.Sa disparition prématuréeest une perte cruelle pour larecherche française et l’Université.Tous ceux qui l’ont croiséese souviennent d’elleet de son sourire.

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7e Colloque de la Sociétédes Neurosciences

Lille, 17-20 mai 2005

Le programme

sera diffusé

à l’automne 2004

Secrétariat d’organisation

MCO Congrès

7e Colloque de la Société des Neurosciences27, rue du Four à Chaux - 13007 MarseilleTéléphone : +33 (0)4 95 09 38 00Télécopie : +33 (0)4 95 09 38 01www.mcocongres.com

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La Lettre des Neurosciences est éditéepar la Société des Neurosciences

Secrétariat, case 67, Université Victor Segalen Bordeaux 2146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux cedex� Téléphone : 0557573740� Télécopie : 0557573750� Messagerie : [email protected]� Internet : www.neurosciences.asso.fr

Directeur de la publication

Rédacteur en Chef

Fabrication

Concept maquette

Impression

Comitéde rédaction

Ont participéà ce numéro

Dessins

Rappel

Photographie de couverture :Neurone à GnRH et astrocytes hypothalamiques

(culture primaire d'aire pré-optique provenant de souris transgéniquesGnRH-GFP avec marquage GFAP,

par X. d'Anglemont de Tassigny et V. Prévot, INSERM U.422)

Luc BuéeINSERM U.422Bât. INSERM - Cité HospitalièreBât. Gérard Biserte, 1 Place de Verdun59045 Lille Cedex� Télécopie : 03 20 62 20 79� Mèl : [email protected]

I. Conjat, J.-M. Israel, J.-F. Renaudon

Mazarine communication

Univ. Victor Segalen Bordeaux 2

D. Bagnard (Strasbourg),J. Brocard (Grenoble),B. Chamak (Paris),F. Coussen (Bordeaux),P. Damier (Nantes),P. Derkinderen (Nantes),A. Didier (Lyon), B. Dubois (Paris),T. Galli (Paris), T. Jay (Orsay),J.C. Poncer (Paris)L. Prézeau (Montpellier),P. Taubenblatt (Gif sur Yvette),J. Trouslard (Strasbourg),L. Venance (Paris).

C. André, A.-L. Benabid,G. Chapouthier, J.-M. Danion,A. Depaulis, C. Deransart,J.-A. Girault, J. Rossier,A. Gorea, C. Hammond,L. Mallet, A. Triller, P. Venault,

P. [email protected]

Dates limites pour nous adresservos textes et annonces :le 8 mars pour le numéro deprintemps, et le 1er octobre pourle numéro d’hiver.

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