triomphe de l'eglise... sur l'hérésie de l'abbé oegger, vicaire de la cathédrale...
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, •••• , •• DE L'ÉGLISE.
LIVBE PBEMŒB. TBIOlllPBB Sl1B LBS JIÉBBSIU ET LU SCBil1ll8.
LIVRE DEUDÈME. TBIOllPBll S'l!B, LE SCB1Sl!l8 ST L'BÉllÉSIB QVI BÈGQH J.CTUBL
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Pu L'.t.u~ T. 3. llAYNEAV,
Prédicateor de France, ex • Profeaeur P. d'éloqoence et de pbiloaophie , etc.;
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lk. lht•· c. atJ. •· 18.
PABIS.
lL'RROI, Libraire, dennt le Loovre et la paroi11&e royale, o• :a.(. CORBET, Libraire, rue Saint-Jacquet, n• 38.
Cau DE.MASURES. ao coin de la place Victoire, rue Crois«aPetit..Cbampa, o• 54.
t830.
Nota. J'avertis le lecteur que je ne porte que lé
nom de Jacques Mayneau , dans l'acte de bap
tême, et que c'est ce seul nom que j'ai pris quand
j'ai été ordonné prêtre ; mais que dans l'acte civil
il y a un surnom de plus, Toussaint : Voilà pour
quoi j'ai toujours mis dans mes trois ouvrages,
T. J. Mayneau, pour obvier à tout inconvénient;
en outre je suis le seul prêtre qui porte le nom de
Mayneau dans le diocèse de Montpellier, oh j'ai
été vicaire de première classe, à Saint-Denis et
ensuite curé à Murvieil.
Tous les exemplaires de cet ouvrage qui ne se
ront pas revêtus de ma signature, seront regardés
comme édition contrefaite. Deux exemplaires
ayant été soumis à l'administration , conformé
ment à la loi.
IMVltlMEKJE DE ST1HT,
quai rte- AnfultiiM .11. <j.
t*
DE L'EGLISE.
1
HARVARD COLLEGE LIBRARY
FROM THE LIBRARY OF
COMTE ALFRED BOULAY DE LA MEURTHE
APRIL 1927
Plft&MOS.
Uw saint transport d'allégresse en
flamme mon ame, embrase mon es-
. prit , et m'invite délicieusement à
peindre , non-seulement les beautés ,
les charmes, les merveilles de l'Eglise ;
mais encore ses combats, ses tempêtes,
ses orages, le sang des héros de la foi,
ses victoires , ses conquêtes , ses lau
riers et ses triomphes.
Ce n'est pas une société brillante
qui , établie dans une seule contrée ,
y reste toujours victorieuse; non, c'est
cette Eglise sainte et éternelle , hum
ble et puissante, sage et héroïque, sim
ple et magnifique, qui porte partout
l'étendard de la liberté, exerce son
empire dans toutes les régions de l'u
nivers , non-seulement dans ces con
trées heureuses où coule le lait et le
miel, l'abondance et la fertilité, la
volupté pure des jeux innocents ; où
VI PRÉFACE.
se réunissent les charmes ravissans de
la campagne enchanteresse dans des
plaines fécondes et dans des prairies
émaillées de fleurs odoriférantes ; où
se déployent au regard des hommes ,
des moissons jouissantes , des vigno
bles rians, des vergers délicieux; où
l'œil se réjouit dans des cites pittores
ques , s'étend sur des monts sourcil
leux, et des forêts superbes embellies
par l'art et la nature, qui laissent dans
î'entousiasme. Non, non ; elle parcourt
en guerrière toute la face de la terre, le
climat le plus affreux comme le plus
aimable, ,et fixe dans son sein sa puis
sance et son trône glorieux.
Attaquée, poursuivie , frappée, out
tragée, elle brave toutes les puissances
des tyrans, et leur résiste avec gloire,
établit partout son empire inébran
lable, y règne et y fleurit malgré
les combats et les guerres , les orages
et les tempêtes , elle régit en conqué
rante pacifique l'univers, y répand les
charmes de la paix , et se couronne
de guirlandes d'oliviers. . , ,.
Elle a placé son siège hrillant, prin
PRÉFACE. VII
cipal et éternel au milieu de Rome,
où la tyrannie la plus affreuse exerçait
ses carnages, et s'y nourrissait du sang
des malheureux! c'est là qu'elle a ar
boré l'étendard de la croix humble et
glorieuse, etqu'elle a établie son triom
phe, dont l'éclat ravissant éclairera le
monde entier jusqu'à la n'a des siècles.
Oui, c'est avec un vrai transport
d'allégresse que je réunis tous les ef
forts de ma plume pour défendre cette
Eglise sainte et en montrer toute la
Eompe, au moment où un grand nora-re drames vraiment religieuses apré-
hendent que la France ne déserte la
bannière romaine, en voyant un nom
bre infini d'ennemis de la religion qui
mettent en jeu tous les ressorts secrets
pour la faire prévariquer.
J'avais déjà commencé un poëme
épique, lorsqu'un de mes compatriotes
vintm'annoncer qu'un individu venait
deforger une religion 5 je pensai sé
rieusement à ce dont il me fit part, ce
qui me donna lieu de rappeler à mon
souvenir les Puristes , ainsi que plu
sieurs autres malheureux qui font
VIII PRÉFACE.
gloire de vomir sans cesse des blas
phèmes contre la sainte Eglise : je mé
ditai long-temps devant Dieu , je con
sultai des amis zélés pour la gloire de
la religion, et je me convainquis de
l'obligation d'abandonner l'entreprise
de mon poëme, pour travailler au
triomphe de Y Eglise.
Ce qui m'a donné du courage pour
embrasser un travail si délicat, c'est le
succès de mes deux ouvrages (1): Mon
premier essai sur la réforme des
abus, fut loué par beaucoup de savans
illustres qui en furent dans le plus
grand étonnement; entre autres jour-
neaux celui des Débats , en date du
1 1 novembre 1828, porta son enthou
siasme jusqu'à dire : « L'ouvrage de
» l'abbé Mayneau, qui traite des
» abus, est admirable , curieux et ins-
(1) Lesquels ouvrages j'ai composé, ainsi que
ce troisième, uniquement pendant trois ans que
j'ai demeuré à la capitale, sans l'aide même d'un
secrétaire, soit dans la bibliothèque du Roi, soit
dans celle de Mazarin et de la ville de Paris ; mais
il faut que j'avoue que pendant ces trois ans, j'ai
travaillé environ quatorze ou quinze heures par
jour.
PBÉFACE. IX
» tructif; il réunit, à la pureté du
» style, la force de l'éloquence, il joint
» au génie de l'homme d'état, la sa-
» gesse du législateur, etc. Voilà un
» grand homme, le Fénélon de notre
» siècle, etc., etc. »
Le second ouvrage, intitulé : Le
Génie du Sacerdoce, ou la Gloire des
bons Prêtres, eut les applaudissemens
de plusieurs journeaux remarquables;
entre autres la Quotidienne , qui est
impartiale, en date du 28 septembre
1829, a dit : « L'ouvrage qui a pour
» titre : Le Génie du Sacerdoce, par
» l'abbé Mayneau , est un ouvrage qui
» est nécessaire au clergé ; il est pré-
» cieux et capable de donner aux ecclé-
» siastiques le goût de la littérature;
» le style est beau et pur, on y voit le
» portrait du sacerdoce nourri de bons
» principes incontestables, bon catho-
» liqueetbon gallican, sans être ultra,
» justement tollérant sans être relâ-
» ché, etCe »
Beaucoup de savans et vertueux ec
clésiastiques de la capitale m'en firent
des éloges en me faisant de sages ré
X PRÉFACE.
flexions (i); ma joie redoubla, lors
que à l'apparition du Génie du Sa
cerdoce je fus honoré de plusieurs
lettres flatteuses des personnages les
plus distingués et les plus pieux de la
capitale ; telles que celles de Son Al
tesse Éminentissime Mgr. le Prince
de Croï , cardinal , archevêque de
Rouen , Grand aumônier de France ,
de M. Desjardins, vicaire - général,
archi-diacre de Paris , de M. le baron
deDamas, gouverneur de S. A. R. Mgr.
le duc de Bordeaux, de Son Excellence
Mgr. le Nonce apostolique, arche
vêque de Gènes , dont le zèle aimable,
l'esprit juste et le génie vaste, lui con
cilient la vénération de tous les bons
et savans ecclésiastiques.
C'est dans ces doux momens où, ces
(i) Un grand nombre d'entre eux me dirent
que j'avais été trop bon de mettre M. l'abbé Gau-
zargueau rang des prédicateurs; ils ajoutèrent de
lui d'autres choses : je leur répondisque j'en étais
affligé, et que j'avais été induit en erreur.
Je déclare ici solennellement que si je savais
que quelqu'un de ceux que j'ai placé dans les
rayons de la gloire sacerdotale eût des senti -
mens contraires à la foi, je l'en rayerai à l'instant
dans un journal.
PRÉFACE. XI
grands hommes , par l'exemple de leur
piété et de leur science profonde , ex
citant mon émulation , je conçus le
magnifique dessein de travailler au
triomphe de l'Eglise.
Je sais, par expérience, que dès
l'instant que l'on défend la gloire ro
maine, on devient suspect aux yeux
même de quelques ames qui font pro
fession de piété; mais n'importe, au
cune considération humaine ne sera
capable de me détourner de mon no
ble but ; lorsqu'il s'agit de la grande
cause de la Religion, je n'appréhende
rien. 11 ne faut pas cependant croire
que je sois ultramontain ; je suis tout
dévoué catholique et bon gallican ,
sans être ultra (i) ; je suis sincèrement
attaché aux libertés gallicanes ; mais ,
en véritable chrétienne défends la vé
rité aux dépens de mes intérêts les plus
chers, et avec l'aide du ciel je sais tout
sacrifier pour son triomphe.
Je diviserai- cet ouvrage en trois li-
(l) J'ai toujours fait respecter les lois de mon
pays ainsi que le Souverain et l'État; mais je n'ai
jamais aimé les abus qui nuisent à la gloire du
sanctuaire et du trône.
XII PRÉFACE.
vres : livre premier, Triomphe sur
les Hérésies et les Schismes ; livre
second , Triomphe sur le Schisme et
l'Hérésie oui régnent actuellement en
France; livre troisième, Triomphe
des souverains Pontifes sur leurs en
nemis (1).
Je tâcherai d'offrir au lecteur les
combats des Schismatiques et des Hé
rétiques ; je montrerai succintement
leurs erreurs, leurs vices et leur dé
pravation; j'offrirai, à l'admiration
des sages, le tableau des docteurs illus
tres qui lesont réfutés, les conciles qui
les ont solennellement condamnés ;
quelquefois même nous y admirerons
des Hérésiarques qui, pleins d'un es
prit juste, après avoir arboré l'éten
dard de la révolte, s'avouant vaincus,
venaient déposer aux pieds du pontife
toute la puissance de leurs lumières
et de leur gloire, pour unir le triomphe
(1) Après avoir composé cet ouvrage, je l'ai
soumis à M. Marduel, curé de Saint-Roch, doc
teur en Sorbonne, qui, ayant examiné ce qu'il y
a de plu» délicat, n'y a rien trouvé contre la foi
ni les saints canons, en outre , je le soumets au
Saint-Siège
PRÉFACE. XIII
de leur esprit au triomphe de l'Eglise.
Dans mon second livre, je tâcherai
de renverser le schisme des Puristes
qui règne encore en France , je mon
trerai que s'ils ont déserté fièrement
le giron de l'Eglise , c'est parce qu'ils
n'ont point trouvé dans son sein une
place assez glorieuse ; nous verrons
combien est déplorable l'égarement
de ces hommes aveugles qui ne savent
pas contempler cette époque célèbre,
où le vénérable pontife Pie VII fit la
restauration de l'Eglise gallicane ; où
sa conduite fut un véritable chef-d'œu
vre de sagesse, qui opéra des merveilles
dans toute la France, qui ne formait
qu'un concert de louanges envers les in-
strumens admirables de la Providence.
Je tâcherai de réfuter l'hérésie de
M. Oegger, ancien premier vicaire de
la cathédrale de Paris. Je montrerai
au grand jourl'abîme où il s'est plongé ;
on verra clairement qu'il se croit un
prophète unique envoyé du ciel, pour
annoncer une nouvelle doctrine qui
est ignorée de tout le monde , des
Protestans de toutes les sociétes, et
XIV PRÉFACE.
de la sainte Eglise ; c'est ce qu'on ne
peut apercevoir qu'en approfondissant
son ouvrage très-diffus et très-obscur,
avec beaucoup de réflexion (i).
Dans mon troisième livre, je met
trai la dernière main au Triomphe de
l'Eglise; comme il y a de nosjours beau
coup d'esprit pervers et frivoles qui
(i) Si M. Oegger, ainsi que les puristes sont
mécontens de ma réfutatiou , pour terminer l'af
faire avec plus de pompe , nous défendrons notre
cause solennellement devant tous les savans de
la capitale , soit à la Sorbonne ou ailleurs ; je me
soumets , pour leur satisfaction , à ce combat re
ligieux. Comme , à l'exemple de Goliath , tous les
jours ils insultent la milice sainte d'Israël et son
chef auguste, pour moi, à l'exemple de David,
j'offre volontiers de me mesurer avec eux , avec
l'aide unique de saint Pierre : Quinque lapides , etc.
On me trouvera , tous les lundis à trois heures
du soir, dans la bibliothèque de la ville de Paris;
et si je me trouvais en vacances , mon adresse est
à M. l'abbé Mayneau, auteur, chez AI. Fulcrand
Mayneau père, à Saint-Aphrodise, à la Tuilerie,
à Béziers , département de l'Hérault ; je me ren
drai à l'instant à leurs désirs, manifestés dans une
lettre affranchie et signée de deux témoins remar
quables; et ils se convaincront que lorsqu'il s'agit
de défendre l'Église, je ne recule jamais, à l'exem
ple de saint Augustin , qui combattit publique
ment à Carthage les hérésies en présence de cent
cinquante-neuf évoques donatistes , et de deux
cent quatre-vingt évêques catholiques.
PRÉFACE. XV
s'élèvent contre l'autorité romaine, et
vomissent des blasphèmes contre ses
chefs augustes dignes de la vénération
des hommes , j'offrirai , aux yeux de
l'ame fidèle, le tableau véritable, na
turel et magnifique de Pontifes véné
rables, qui ont honoré le trône pon
tifical par leurs vertus, leur zèle, leur
héroïsme, leur science et leur génie;
j'admirerai ceux qui étaient chéris de
tousles esprits, en donnant dans Rome
la liberté à toutes les religions , con
vaincus, comme les apôtres, qu'on ne
doit soumettre les hommes au doux
empirede Jésus-Christ, ni par la force,
ni par la puissance, mais par la per
suasion par la douceur, en leur pro
diguant toutes les richesses de la
charité.
Nous contemplerons leur génie
puissant parcourant l'univers , pour y
opérer des merveilles, en y déployant
avec générosité les trésors de leurs
vastes lumières 5 répandant partout
les charmes, les délices, les doux par
fums de la paix, créant en tout lieu
des établissemens pompeux de bien
XVI PREFACE.
faîsance pour adoucir les maux des
victimes de l'infortuue 5 devenant les
pacificateurs entre les peuples et les
souverains, leur décernant avec jus
tice et sagesse des couronnes légitimes,
versant sur eux toute l'étendue de leurs
grâces , de leurs bénedictions, qui de
viennent, pour eux et pour leurs su
jets, la source merveilleuse de l'abon
dance et du bonheur.
Enfin, nous contemplerons la gloire
de Rome chrétienne , maitresse de l'u
nivers, portant l'étendard de la croix,
recevant les hommages des mortels
qui s'y rendent journellement de tou
tes les parties du monde , les éclairant
par sa science vaste et profonde, so
lide et immuable , renversant, pulvéri-
. sant , anéantissant ces fantômes d'er
reurs qui s'élèvent sans cesse contre
elle pour déchirer son sein maternel ,
et affermissant de plus en plus sur la
pierre éternelle, malgré les tempêtes
et les orages, ses conquêtes et sou
triomphe !
iivve premier.
TRIOMPHE
SUR LES
mâffii&saiss wî iliss (Emasmosik
4 TRIOMPHE
ploie à leurs regards toutes les richesses de
sa magnificence, surtout lorsque le soleil
naissant vient donner la vie à tousles êtres,
et embellir de ses rayons dorés les îles voi
sines embaumées de fleurs odorife'rantes.
Un tel spectacle est ravissant sans doute;
mais lorsqu'un vaisseau vaste et solide ,
magnifique et inébranlable est agité par les
tempêtes les plus orageuses, tantôt enseveli
dans l'abîme, tantôt élevé au milieu des airs,
tantôt frappant contre des roches effrayan
tes J ou s'arrêtant sur des bancs affreux de
sable ; lorsqu'ainsi agité pendant des siècles,
il s'arrache de tous les périls les plus immi-
nens, franchit tous les obstacles, brave tous
les écueils, et arrive majestueusement avec
une vigueur toujours nouvelle au port de
la paix , tout couvert de gloire et de lau
riers ; on ne peut s'empêcher d'admirer sa
puissance , de contempler ses merveilles et
son brillant triomphe.
Tel est le vaisseau de la sainte Eglise qui
réunit merveilleusement dans son sein les
fidèles de l'univers chrétien; dans les ins-
tans heureux de calme , on voit avec ravis
sement ses chers enfansse nourrir ensemble
DE L'ELISE. f)
da pain des anges, se soulager dans leur
infortune , ne former tous qu'un cœur et
qu'une ame, et jouir ici-bas au milieu des
cantiques divins , des délices célestes au
sein d'une paix profonde.
Mais lorsqu'elle est attaquée, poursuivie,
cette mère tendre, et que ses fidèles enfans,
inviolablement attachés à la loi divine, souf
frent héroïquement la persécution , traver
sent les déserts, afin de ne jamais abandon
ner le Dieu de leurs pères , bravent la fureur
des tyrans à l'aurore de leur âge tendre ,
confondent leur orgueil par leur héroïsme,
volent vers l'échafaud pour y cueillir la
palme du martyre; ô! qu'il est beau, qu'il
est magnifique , ce triomphe!
Le sang coule de toute part, des chré
tiens sont moissonnés , soit au printemps de
leurs jours , soit au déclin de leur vie , mai*
il en renaît sans cesse ; le champ du père
de famille s'agrandit : des erreurs grossiè
res s'élèvent, une espèce de trophée de l'E
glise s'efface , mais l'Eglise, toujours puis
sante, rétablit bientôt sa beauté primitive ,
elle se couvre d'une plus grande gloire ail
leurs; que d'autres ennemis lèvent l'étçn
6 TRIOMPHE
dard de la révolte contre elle, des millions
de héros renaissent, l'Eglise, toujours pure,
brillante et glorieuse, s'affermit sur la pierre
contre laquelle viendront se briser tous les
efforts de l'enfer (1), elle élève avec pompe
son triomphe éclatant en répendant ses lu
mières victorieuses sur l'univers chrétien.
Elle se couvre de lauriers, non point
par la force des armes, ni par les gibets,
ni par les chaînes, mais par sa foi inébran
lable, par sa patienc . par son courage
confiant en Dieu et surtout parla vérité,
la justice , et quelquefois par la tolérance.
Comme la colombe plaintive , elle gémit à
la vile de ses chers enfans qui se plongent
dans l'abîme du vice et de l'erreur, elle
élève les mains vers le Tout-Puissant pour
apaiser son courroux, et fléchir la colère
de son bras vengeur.
Sa lumière pure qui brille au sein de ses
fidèles chéris , peut être obscurcie un ins
tant par quelques-uns de ses membres
corrompus, mais son éclat et sa splendeur
(1) TucsPctrus et super hancPeiram edificabo ecclesiam mcam
et portœ inferi non prevatebunt advenus cam. Math. VII , v. a5,
ebap. XVI-XV1II, saint Aug. , liv. I«, du Symbole.
DE L ÉGLISE. 7
ne pourront jamais être anéantis par le
corps de cette société sainte, auguste et ma
gnifique , qui oppose à ses cruels ennemis
les vérités éclatantes des prophéties , ainsi
que leurs effets merveilleux, les prodiges
du Sauveur, la beauté, les charmes, la gran
deur, la noblesse , la doctrine , l'établisse
ment miraculeux du christianisme , les mi
racles opérés dans tous les siècles pour
soutenir la vérité de notre auguste et su
blime religion.
S'ils osent résistera sa puissance, en ren
versant de fond en comble la sublimité de
nos écrits sacrés, leur attribuant de fausses
doctrines pour s'affermir avec un acharne
ment pitoyable dans leurs erreurs, et pour
en imposer aux simples et aux ignorans,
l'Eglise offre à leurs regards le tableau
honteux de la corruption humaine, leur
assure que le seul moyen de conserver la
foi est de fuir l'air empoisonné de cette
maudite Babylone qui les séduit.
Tel est de ses ennemis aveugles la con
duite odieuse, qui seule a le droit de les
faire nommer par Tertulien les meurtriers
de la vérité. Tel est aussi la grandeur , la
8 TRIOMPHE
noblesse avec laquelle notre mère chérie
triomphe de ses enfans égarés.
Dieu permet ces attaques, ces combats
toujours glorieux à la chrétienté, pour dé
ployer les trésors de sa justice envers les
héros de la religion , qui versent leur sang
pour cueillir des lauriers éternels , au sein
des tempêtes et des orages; pour accorder
une couronne de miséricorde à ceux qui ,
fidèles aux douces invitations de la grâce ,
désertent les voies perverses du monde, en
se jetant avec confiance dans les bras puis-
sans de la sainte Eglise , pour faire éclater
l'héroïsme de religion et de charité, ré
pendre sur les écrits sacrés des lumières
plus éclatantes, affermir la vigilance des
pasteurs et de leurs troupeaux avec le dé
pôt précieux de la foi , faire briller d'un vif
éclat l'autorité de nos magnifiques tradi
tions.
Etant la base et la colonne de la vérité
que l'esprit saintrend infaillible, elle triom
phera toujours de toutes les hérésies et de
tous les chismes, comme elle l'a fait jusqu'à
nos jours avec une pompe glorieuse.
Je vais tâcher de parcourir rapidement
DE L'ÉGLISE. 9
les erreurs des chismatiques et des hérésiar-
ques qui ont fait le plus d'éclat dans tous les
siècles , pour en montrer les horreurs, et le
néant en contemplant le triomphe de l'E
glise.
1 0 TRIOMPHE
CHAPITRE II.
Cuisines et Hérésies des premier et deuxième siècles.
Au milieu de la grandeur, de la pompe,
des prodiges éclatans qui entraînaient des
milliers de mortels au pied de la croix pour
adorer sa puissance et chanter sa gloire, en
contemplanl l'héroïsme des apôtres et l'es
prit saint qui régnait en eux, on vit des
audacieux qui essayèrent d'en ternir la
beauté; mais, dans leurs fatales entreprises,
ils ne firent qu'agrandir leur ignominie ,
et que donner un nouvel éclat au triomphe
de notre auguste religion.
Les premiers hérétiques qui levèrent l'é
tendard de la révolte, pour ravir les con
quêtes glorieuses de l'Eglise naissante de
Jésus - Christ, furent Simon le Magicien,
DE L'ÉGLISE. II
Ménandre , les Nicolaïtes, les Cérinthiens
et les Ebionites.
La première erreur de Simon fut de croire
qu'on pouvait acheter à prix d'argent les
dons merveilleux du Saint-Esprit ; et c'est
ce qui adonné lieu de nommer Simoniaque,
quiconquevend ou achète les choses saintes.
Cet aveugle mortel porta la folie jusqu'à
vouloir se faire reconnaître pour un dieu.
Il prétendait que les hommes etaient les
auteurs de VAncien Testament; il niait la
résurrection des corps , enseignait et prati
quait des infamies abominables. Ce fut saint
Pierre, prince des apôtres, qui, par ses
prières victorieuses , triompha de cet im
posteur au moment où il s'élevait dans les
airs à la vue d'un peuple immense, auquel
il s'était donné en spectacle pour montrer
sa prétendue divinité; mais Dieu qui se
joue, quand il lui plaît, des projets des
méchans, l'ensevelit dans toutes les horreurs
de la honte, en le précipitant du haut des
nues, où l'on contemplait son triomphe ap
parent (1).
(1) Arnove, liv. II, contre les Gentils. Eusèbe , liv. II. de
/
'
13 TKIOMPHE
Menandre fut un de ses sectateurs qui
voulait passer pour le sauveur des hom
mes, donnait un faux baptême, auquel il
attribuait des effets miraculeux, comme une
rie éternelle sur la terre, sans aucune es
pèce de vieillesse.
Les Nicoldites, dont il est parlé dans le
second chapitre de YApocalypse , furent
aussi les partisans de Simon. On a cru qu'ils
avaient eu pour coryphée Nicolas , un des
sept diacres de l'église romaine (1).
Les Ebionites avec Cérinthe , entre au
tres blasphêmes, vomirent celui-ci : « Que
Jésus-Christ n'était pas Dieu. » Au rapport
de Saint-Jérôme , Saint - Jean écrivit son
évangile pour les confondre (2).
Les hommes apostoliques de ce temps
renversèrent leur système et triomphèrent,
avec une pompe éclatante , de leurs blas
phêmes.
l'Hist. ecclésiastique, chap. XIII. Saint Epiph. , lier. XXI,
liv. I, n. 5. Saint Aug. , Ut. des héré., n. 1. Théodorct ,
liv. I, des Fables hérétiques , chap. Ier, etc.
(1) Saint Jérôme, épit. 1 à Héliodorc. Le père Alex., Dis
sertation sur l'Histoire ecclésiastique du premier siècle.
(a) Livre des écrivains ecclésiast. sur saint Jean, ch. XIX.
DE LÉGLISE. l3
Chismes et Hérésies du second siècle.
Ce siècle enfanta un plus grand nombre
d'hérésiarques ; ceux que la tradition a of
fert à nos regards sont Saturnin et Basilide;
leurs disciples furent innombrables, ainsi
que les Gnostiques , les Valentiniens , les
Marcionites , les Montanistes, et les Encra
ntes.
Les disciples de Saturnin et de Basilide
étaient disciples de Simon le magicien et
deMénandre, ils multiplièrent les extra
vagances de leurs coryphées.
Saturnin fut le premier qui condamna
les noces et le mariage. Basilide osa le pre
mier soutenir que Jésus-Christ n'avait eu
qu'un corps fantastique, et qu'il n'avait pas
été véritablement crucifié. Saint Clément ,
prêtre d'Alexandrie, et saint Irénée ont
confondu ces hérésiarques audacieux , ainsi
que les Gnostiques qui niaient la divinisé
du Sauveur du monde.
Les Valentiniens , les Serdoniens et les
Marcionites propagèrent les hérésies pré
l4 TRIOMPHE
cédentes en donnant un libre essor à leur
imagination fanatique, et malheureuse
ment ils firent tomber dans leurs piéges
séduisans une infinité d'ames faibles.
Saint Epiphane, saint Clément d'Alexan
drie, saint Justin, saint Irénée et Tertu-
lien combattirent ces ennemis de la religion
naissante et en triomphèrent.
Les Montanistes ou Cataphrygiens eu
rent pour chef Montan , Phrygien de na
tion, qui voulait passer pour le Saint-Es
prit ou Paraclet. Il se jeta dans un abîme
d'erreurs absurdes ; il prétendait que les se
condes noces devaient être prohibées; vou
lait introduire l'obligation de trois carêmes,
au lieu de se contenter d'un seul , d'après
la tradition des apôtres. Entre autres choses
ridicules , il enseignait que l'Eglise n'avait
point le pouvoir d'absoudre de tous les pé
chés.
Tertulien , qui était une des plus écla
tantes lumières du second et du troisième
siècle, eut le malheur de tomber dans l'hé
résie des Montanistes, lui qui avait si so
lidement écrit contre les hérésies , qui avait
établi dans ses ouvrages des principes pour
DE L ÉGLISE. Ï'J
réfuter invinciblement toutes les erreurs de
Montan. S'il avait voulu, ce grand homme,
se soumettre au jugement de la sainte Eglise,
il n'aurait point perdu la gloire éclatante
dontiljouissait dans son sein glorieux (1).
Tatien et ses disciples appellès les Encra-
tites, prohibaient la viande, le vin et le ma
riage , c'est ce qui les fit appeler Encratites,
nom grec qui signifie continent. Ils n'of
fraient au sacrifice de la messe que de l'eau ,
ayant en horreur le vin ; ils niaient qu'Adam
fut sauvé.
Entre autres savans de leurs siècles, saint
Kpiphane , saint Irénée , saint Clément
d'Alexandrie , et Origène confondirent ces
hérétiques, et en triomphèrent.
Ces désertions, ces guerres intestines
semblent , aux yeux des ignares , des hu
miliations et des défaites pour l'Eglise. Non,
non; il en est de ces combats comme de
ceux des guerriers illustres, qui, en exi
lant leurs ennemis vaincus, augmentent
leur gloire, multiplient leurs lauriers et
leurs triomphes.
(1) Eusèbe , au cinquième livre de son Histoire ecclés. rap
porte le nom des auteurs qui ont écrit contre cette hérésie.
1 f) TRIOMPHE
CHAPITRE III.
Chismes et Hérésies du troisième siècle.
Malgré la grandeur, la beauté, l'éclat,
la magnificence de la religion chrétienne,
qui fleurissait alors , on vit des enfans nés
dans son berceau , à lombre des autels, de
venir assez téméraires pour lever l'étendard
de la révolte contre leur mère tendre, qui
les avait enfantés en Jésus-Christ, et qui leur
prodiguait ses grâces et ses bienfaits les plus
doux.
Les Novatiens , les Sabelliens, les Paulia-
nistes, les Manichéens et les Origénistes for
mèrent des sectes qui firent du ravage dans
la vigne chérie du Seigneur.
Les Novatiens commencèrent par être
chismatiques et finirent par être hérétiques.
DE L ÉGLISE. i J
Ce chisme prit sa source dans Novatien, qui
voulut se faire élire pape à la place de saint
Corneille, qui avait été canoniquement
élu. Saint Cyprien combattit fortement ce
chisme, et c'est dans cette époque qu'il
écrivit son magnifique ouvrage sur l'unité
dela sainte Eglise, livre capable de ren
verser seul , toutes les hérésies , et tous les
chismes anciens , modernes et futurs (1).
L'hérésie des Novatiens consistait princi
palement en ce qu'ils prétendaient que la
sainte Eglise n'avait pas le pouvoir de re
mettre les grands crimes après le baptême.
Saint Basile, saint Ambroise , saint Paucien,
évêque de Barcelone, et saint Cyprien,
écrivirent contre cette hérésie, qui fut con
damnée par le concile général de Nicée et
par plusieurs autres tenus en .Italie et en
Afrique.
Les Sabelliens , disciples de Praxeas , de
Noëtus et de Sabellius , prétendaient, avec
les impies Sociniens , que Dieu ne subsiste
pas en trois personnes , mais que les noms
(1) Lettre de Corneille h Fabius d'Antioche , dont plusieurs
fragmens sont rapportés par Eusèbe , liv. VI , de l'Hist. ecclé».
chap. XLII1.
a
t8 . TRIOMPHE
de Père , de Fils et de Saint-Esprit sont
différons noms qui conviennent à une
même personne.
Cette hérésie donna lieu à celle de Paul
de Samosates , évêque d'Anlioche, homme
corrompu et infecté des principes de Sabel-
lius et des hérétiques anciens , réfutés par
saint Jean févangéliste. Il nia la divinité de
Jésus-Christ, et fut condamné dans deux
conciles d'Antioche (1).
Ces hérésies furent condamnées dans le
premier concile général de Nicée et dans
les conciles d'Antioche ; entre autres pères
de l'Eglise , saint Denis d'Alexandrie, saint
Athanase et saint Basile combattirent avec
un éclatant succès ces hérétiques.
Les Manichéens renouvelèrent dans ce
siècle un gr/md nombre d'erreurs des hé
résiarques du premier et second siècles : ils
admettaient deux principes, l'un bon et
l'autre mauvais; ils attribuaient à chaque
homme deux ames , l'une bonne et l'autre
mauvaise ; ils interdisaient et condamnaient
le mariage ; ils disaient que Jésus- Christ
(1) Tenus l'an 266 et 27a , septième livre de l'fliat. ecclés.
d'Eusèbe.chap. VIII.
DE L'ÉGLISE. i()
n'avait eu qu'un corps fantastique : ils
niaient la liberté de l'homme , le péché ori
ginel, la nécessité du baptême et de la foi.
Ils rejetaient l'autorité de l'Ancien et du
Nouveau Testament, prétendant que Dieu
n'en était pas l'auteur. Ils avaient plusieu rs
autres imaginations pernicieuses qu'on voit
dans saint Augustin.
Ce saint docteur connaissait à fond leur
corruption et leurs dogmes, parce qu'il
avait eu le malheur de s'engager dans leur
secte avant le baptême ; mais il déserta leur
bannière profane apres avoir aperçu l'extra
vagance de leurs sentimens; et Dieu se ser
vit de la puissance de son génie pour les
confondre (1).
Les Origénistes soutenaient les erreurs
d'Origène, qui fut l'homme le plus savant
et le plus renommé de son temps ; les prin
cipales erreurs dans lesquelles il s'est plongé
avec ses disciples, sont, que l'amede Jésus-
Christ avait été unie au Verbe éternel avant
(i) Cette hérésie est prédite et condamnée en termes for
mels par l'apôtre des nations , ch, II, 1. Tbimoth. 4 et suiv.
Saint Léon, sermon i5 qui est le 5, sur le jeûne du dixième
mois , chap. IV et VI. Sermon 67 qui est le 18 , sar la passion
du Sauveur, chap. V.
2 0 TRIOMPHE
l'incarnation : que Fame de chaque homme
subsistait avant son corps, et n'était en
voyée dans le corps humain que comme
dans une prison , en punition de ses anciens
péchés : que Jésus-Christ était mort, non-
seulement pour les hommes, mais encore
pour les démons , et que les peines de l'en
fer ne seraient pas éternelles. On l'accuse
d'avoir été le précurseur des Pélagiens sur
le péché originel et sur la grace de Jésus-
Christ.
Des théologiens ont cru qu'Origène n'a
vait point enseigné ces erreurs; mais que
ses disciples en avaient augmenté ses écrits,
pour leur donner plus de vogue, par le nom
de ce grand homme qui était l'admiration
de son siècle (i).
Saint Epiphane et saint Jérôme sont les
saints pères qui ont renversé les systèmes
des Origénistes, qui furent condamnés dans
plusieurs conciles généraux et particuliers ,
tenus en Orient et en Occident ; ainsi que
(i) Ceux qui veulent approfondir cette question peuvent
consulter M. Tillemont, le père Alexandre Dupin, Huet,
évêque d'Avranches , dans sa préface sur les Œuvres d'Ori
gine le père Halloix et les autres auteurs qui ont écrit sur
cette matière.
DE L ÉGLISE. 1 T
dans le cinquième concile général tenu à
Constantinople en 55a, sous le pontificat
de Vigile et sous le règne de l'empereur
Justinien.
Bien loin que ces erreurs effrayantes en
vironnassent de nuages le berceau de la re
ligion, elles faisaient éclater sa puissance,
lui donnaient de la pompe, et contribuaient,
à son triomphe.
2 2 TRIOMPHE
CHAPITRE III.
Chismes et Hérésies du quatrième siècle.
Comme un conquérant humain qui rem
plit la terre du bruit de ses merveilles , gé
mit au milieu de sa gloire, sur ses ennemis
qui versent leur sang pour ne pas vouloir
se rendre sous ses drapeaux, ainsi l'Eglise
sainte, qui tient l'univers sous sou doux
empire, gémit environné de l'éclat de sa
gloire , sur ses enfans aveugles qui se livrent
à la mort spirituelle, pour soutenir les com
bats de leurs erreurs : ce fut surtout dans ce
siècle qu'elle versa des torrens de larmes ,
et que son tendre cœur fut percé de mille
douleurs, sans néanmoins perdre de sa puis
sance et de sa gloire.
On vit naître dans ces jours de deuil un
de l'église. • a3
nombreinfini d'hérésiarques audacieux qui
déployèrent toute l'étendue de leurgénie ma
gique. Les principaux furent les Donatistes^
les Ariens, les Macedoniens, lesAnome'ens,
les Aériens, les Photiniens , les Messaliens ,
les Lucife'riens , les Appolinaristes, les Pris-
cillianistes et les Jovinianistes.
Les Donatistes furent d'abord chismati-
ques et ensuite hérétiques; leur chisme dut
son origine à un certain Donat , évêque de
Cases-Noires, en Afrique , qui eut la témé
rité d'ordonner Majorin, évêque de Car-
tage , au préjudice de Cécilien , évêque lé
gitime, qui avait succédé canoniquement à
Mensurius. ' • :
Après la mort de Majorin, les chismati-
ques élurent un autre évêque , nommé
Donat, qui fit du ravage dans la vigne chérie
du Seigneur (1). •»
Les Donatistes joignirent bientôt l'héré
sie au schisme; leurs erreurs principales
étaient que le baptême et les autres sacre-
mens donnés hors de l'Eglise étaient nuls :
qu'il fallait rebaptiser tous les hérétiques ;
(1) Dupin, dans «on éiliiion d'Optai. i ". '. . . ' .
24 , TRIOMPHE
que l'Eglise sainte était ruinée de fond en
comble , et qu'elle n'existait que dans leur
société ; c'est d'après ces conséquences
qu'ils ordonnèrent des prêtres , des évêques,
pour tous les lieux de l'Afrique, où leur
chisme était répandu , prétendant que toutes
les ordinations faites par les évêques catho
liques étaient nulles, que les pasteurs ca
tholiques étaient déchus de tout droit au
ministère.
Us déployèrent toutes les horreurs de leur
fureur et de leur rage dans les Eglises dont
ils purent se rendre maîtres; ils osèrent,
ces monstres , porter leurs mains sacriléges
sur la sainte Eucharistie , l'offrir avec im
piété à l'avidité des chiens, qui,aussitôt après,
se précipitèrent avec rage sur ces audacieux
sacriléges et les dévorèrent. Les vases sacrés
fftrent profanés, les autels renversés, les
huiles saintes répandues dans le lieu saint et
foulées aux pieds. - . ;
Je ne puis concevoir comment les héré
tiques entreprennent de répéter sans cesse
que l'Eglise romaine les persécute ; et jamais
elle ne l'a fait, et s'il ait existé des Chrétiens
qui , de leur propre gré , aient causé quel
DE LÉGLISE. 2 5
que trouble, c'est parce qu'ils tâchaient de
se défendre contre ceux qui leur faisaient
du mal. Mais la sainte Eglise n'a jamais ap
prouvé aucun mal : pourquoi donc, crient-
ils sans cesse que les Catholiques romains
attenteraient à leur vie , s'ils en avaient le
pouvoir. Rome ne nous prêche que l'union,
la fraternité, le pardon des injures des en
nemis , elle nous engage à faire du bien à
ceux qui nous font du mal. Bene facile his
qui oderunt vos. Telle est, telle a été et
telle sera toujours la doctrine pure de cette
mère tendre et chérie , qui régit sagement
l'univers chrétien.
Dans ce malheureux siècle ces sectes se di
visèrent entre elles , mais elles se réunirent
par une haine implacable pour ravager le
champ légitime du père de famille : c'est ce
que font ordinairement tous ceux qui déser
tent les drapeaux de Jésus-Christ , comme
l'a fort bien remarqué Tertulien (1).
Ces hérétiques furent condamnésdans un
concile d'Arles, en 314, et dans un autre
tenue à Rome, en3i3. Ils persistèrent dans
(1) Tertulien, Ht. de» Prescriptions , chap. XLI .
l6 TRIOMPHE
leur hérésie et dans leur chisme jusqu'au
siècle suivant. Pour les réunir au sein de
l'Eglise, l'empereur Honorius proposa des
conférences entre les évêques catholiques,
et ceux de la partie adverse.
Les débats eurent lieu à Carthage en 4 1 1 ;
on y vit cent cinquante-neufprélats donatis-
tes et deux cent quatre-vingts évêques catho
liques; mais ces hommes aveugles furent
confondus; un grand nombre déchirèrent
le bandeau fatal qui couvrait leurs yeux, et
les ouvrirent à la lumière pure qui les
inonda de ses charmes ravissans.
Ce beau triomphe appartient à saint
Augustin auquel tous ses collègues véné
rables avaient laissé l'honneur du combat
religieux. . . v
Le zèle épiscopal se distingua dans cette
époque célèbre d'une manière éclatante. Les
évêques catholiques offrirent d'un consen
tement unanime le partage de leur siége , et
même leur siége propre aux Donatistes., s'ils
voulaient rentrer dans le giron de l'Eglise»
cette secte diminua peu à peu, et l'hérésie
s'éteignit (l).
(1) Optat en a fait l'histoire , »aint Aug. a écrit contre cnx.
DE L ÉGLISE. . 7-7
On a beau vomir des blasphêmes contre
la doctrine pure de Rome : ce n'est point
par lu force des armes ni par la contrainte
qu'elle essaie de ramener les ames égarées,
mais par le dévouement, par la bienfai
sance, en se dépouillant de ses biens légi
times en leur faveur, comme nous le voyons
par ces prélats distingués, qui auront un
nom immortel dans nos annales sacrées et
une gloire brillante dans la Jérusalem cé
leste.
On connaît assez les Ariens (t) pour les
coups éclatans dont ils frappèrent impu
demment la société catholique. L'erreur
principale flAnus, prêtre d'Alexandrie,
a été celle de Paul de Samosate sur la Tri
nité. Il insistait principalement sur la per
sonne du Fils de Dieu, et prétendait que
le Verbe n'était pas co-éternel ni consub-
stantiel k Dieu son père, et que par consé
quent Jésus-Christ n'était pas véritable
ment Dieu.
(1) Hermant, dans la Vie de saint Athanase; Dupin, dans sa
Bibliothèque des Acteurs ecclésiastiques, les auteurs du pre
mier concile de Nicée, imprimé à Paris , en 1691; Tillemont,
dans ses Mémoires sur l'histoire du quatrième et cinquième
siècles , où il est parlé de l'Arianisme.
28 TRIOMPHE
Ces malheureux se divisèrent en plu
sieurs parties; mais ils s'unirent pour s'ar
mer contre la sainte Eglise : ils firent jbuer
tous leurs secrets ressorts pour jouir de la
puissance séculière, et par ce moyen ils
firent de honteux et rapides progrès; et
persécutèrent d'une manière atroce les
Catholiques.
Plusieurs grands hommes réfutèrent leurs
erreurs, et la vérité triompha. Saint Au
gustin, saint Ambroise, saint Epiphane,
saint Cyrille d'Alexandrie , saint Basyle ,
saint Grégoire de Nazianze, saint Phœba-
dius , évêque d'Agen ; saint Hilaire, évêque
de Poitiers; saint Athanase, et saint Alexan
dre , évêque d'Alexandrie , furent les intré
pides défenseurs de la foi contre cette secte
effrayante, qui fut condamnée par le grand
concile de Nicée, qui est le premier des
conciles généraux assemblés en 325.
Macédonius, arien de profession, s'em
para du siége de Constantinople par la fac
tion des hérétiques, et en ayant été chassé,
il publia une nouvelle hérésie, dontles sec
tateurs furent appelés Macédoniens. Elle
consistait à nier la divinité du Saint-Esprit,.
DE L'ÉGLISE. 2Q
comme celle d'Arius, à nier la Divinité du
Verbe.
Saint Augustin et saint Ambroise, saint
Epiphane , saint Grégoire de Nyce , saint
Basyle, saint Athanase, sont ceux qui ont le
plus écrit contre cette hérésie, qui fut con
damnée par le premier concile de Constan-
tinople, qui est le second concile général
tenu en 381.
Les Anoméens ou Eunomiens eurent pour
chefs, Eunomius, évêque de Cysique, dis
ciple d'Aëtius , diacre d'Antioche , sur
nommé YAthée) il joignit beaucoup d'im
piétés à celles de Macédonius et ftArius : il
prétendait que la nature de Dieu n'était pas
incompréhensible, et qu'il connaissait Dieu
aussi parfaitement que Dieu se connaissait
lui-même.
Il jetait du ridicule sur les reliques des
martyrs et sur les prodiges que Dieu opé
rait à leurs tombeaux; il renversa la forme
du baptême , et ne voulut point qu'on le
donnât au nom de la Trinité , aussi il re
baptisait les hérétiques qui entraient dans
son parti; il méprisait les apôtres et les pro
phêtes; il prétendait que les plus grands
3© TRIOMPHE
crimes n'étaient pas un obstacle au salut,
pourvu qu'on embrassât ses opinions, et
qu'on eût la foi dont il faisait lui-même
profession. Des hérétiques semblables chas
sés de l'Eglise ne pouvaient contribuer
qu'à son triomphe.
L'empereur Théodose fit tous ses efforts
pour éteindre cette secte. Théodoret, saint
Augustin, saint Epiphane, saint Chrysos-
tôme, saint Basyle, saint Grégoire de Nice
renversèrent par leurs savans écrits cette
hérésie , et en triomphèrent.
Aérius, prêtre de l'église de Sébaste ,
partisan des opinions d'Arius, composa plu
sieurs erreurs que les Calvinistes ont re
nouvelées dans une époque II prétendait
qu'il n'y avait point de différence entre les
évêques et les prêtres , et qu'ils étaient
égaux. Il ne voulait ni prières pour les
morts, ni jeûnes, ni abstinences; il affec
tait de faire meilleure chère pendant le ca
rême, les mercredis et les vendredis; il
choisissait quelquefois les dimanches pour
jeûner.
Les dogmes de cet audacieux hérésiarque
ont été condamnés dans presque tous les
de l'église. 3r•
conciles tenus depuis ce temps-là. Saint
Augustin et saint Epiphane réfutèrent cette
hérésie avec un succès brillant.
Photin porta ses extravagances plus loin
qu'Anus; ses erreurs ressemblaient plus à
celles de Paul de Sarnosate et des Socinieos,
qu'à celles des Ariens : il prétendait que
Jésus-Christ était un pur homme , et qu'il
n'avait rien qui subsistait avant sa naissance
temporelle. Un grand nombre de conciles
ont foudroyé cet audacieux hérésiarque.
Les Messaliens , ou enthousiastes, étaient
à peu près semblables aux Quiétistes; leur
dogme consistait à nier la nécessité du bap
tême, à croire que l'oraison mentale a la force
d'effacer les péchés et de chasser les démons
de l'âme, ilsenseigaient que la prière devait
tenir lieu de tout; pour tout exercice ils
priaient ou dormaient tout le jour. Ils pré
tendaient être favorisés d'un grand nombre
de révélations, et se donnaient pour gens
forts spirituels ; mais ils négligeaient la
mortification , et vivaient dans un horrible
libertinage.
Ils ne firent aucune secte à part, parce
qu'ils se cachaient, en niant même qu'ils
32 . TRIOMPHE
fussent imbus de telles erreurs. Théodore*
et saint Epiphane nous rendent savant sur
ce point : ces hérétiques furent condamnés
dans le concile d'Ephèse, qui est le troi
sième général (1).
Lucifer, évêque de Clagliari en Sar-
daigne , abandonna la communion des
évêques catholiques , parce qu'ils rece
vaient dans la société des fidèles, des Ariens
convertis (2).
On nomma Lucifériens ceux qui persis
tèrent dans ce chisme , et plusieurs d'entre
eux joignirent l'hérésie au chisme, préten
dant qu'il fallait rebaptiser les Ariens qui
revenaient à l'église. On les accusait aussi
d'enseigner que les ames étaient corporelles
et qu'elles étaient engendrées comme les
corps. Saint Augustin et saint Jérôme écri
virent contre les Lucifériens avec un écla
tant succès.
Apollinaire , prêtre de l'église de Lao-
(1) Act. 7, part, a , voy. saint Epiphane Théodoret , liv. IV,
des Fables hérétiques, chap. XI.
(a) Saint Aug. , let. i85 on 5o , à Boniface, chap. X, D. 47,
liv. du Combat chrétien de Agone christlane chap. XXX,
n. 3a , et sur les ps. 67 , n. 5g.
DE l'église. 33
dicée, eut beaucoup de disciples appelés ap-
pollinaires. Ils enseignaientque Jésus-Christ
n'avait point d'ame humaine, mais que le
Verbe de Dieu animait son corps. Que du
Verbe et du corps de Jésus-Christ il s'était
fait une seule et même substance; en sorte
que le Verbe avait souffert, et était vérita
blement mort sur la croix; que la chair de
Jésus-Christ n'avait pas été formée du corps
de la sainte Vierge , mais qu'elle était venue
du ciel; que c'était la substance même du
Verbe actuel qui s'était changée en corps;
, que le Saint-Esprit était moins grand que
le fils et le fils moins grand que le père;
Ce fut exactement l'erreur des Millenaires
qu'ils renouvelèrent.
Ils furent condamnés dans le concile
d'Alexandrie, Fan 362; dans un concile
de Rome, en 373; dans un concile d'An-
tioche, en 3y8 ; et enfin dans le second
concile général, tenu pour la première fois
àConstantinople, l'an 38i.Saint-Fulgence,
saint Arnbroise, Théodoret, saint Grégoire
de Nyce, saint Grégoire de Nazianze et
saint Athanase les confondirent par leurs
réfutations victorieuses.
3
34 TRIOMPHE
Priscillien , homme de qualité de Sara-
gosse, en Espagne, forma une secte qu'il
eut soin de nourrir des erreurs des Sabel-
liens, des Manichéens et des Gnostiques. Il
permettait le mensonge et le parjure pour
se cacher plus aisément.
Sulpice Sévère parle fort de ces héré
tiques au second livre de son histoire, et
c'est à cette époque que saint Augustin
écrivit contre le mensonge. Ils furent con
damnés dans plusieurs conciles : dans ce
lui de Saragosse, en 38o; dans le premier
de Tolède , en 4oo ; dans deux autres con
ciles d'Espagne, dont on ignore la date, et
dans le concile de Prague, en 56g.
Jovinien eut plusieurs disciples nommés
Jovinianistes; leurs erreurs étaient que l'é
tat de mariage était aussi parfait devant
Dieu que celui de la virginité et de la vi-
duité; que c'était une dévotion mal enten
due que de jeûner et de s'abstenir de la
viande en espritde pénitence; que l'homme,
après le baptême , élait impécable; que les
saintsavaient tous le même degré de gloire;
que tous les péchés étaient égaux , et qu'on
ne devait pas distinguer entre les véniels
DE L'ÉGLISE. 3 )
et les mortels; que Jésus-Christ n'etait pas
né d'une vierge : c'est ce qu'enseignent au
jourd'hui les protestans, en osant dire qu'ils
ne font que suivre la doctrine de la primi
tive Eglise.
Ces erreurs furent condamnées par le
concile de Trente. L'empereur Théodose fit
des -lois pour les éteindre. Le pape saint
Cyrice les condamna dans un concile tenu
à Rome en 3go. Saint Augustin , saint Am-
broise, saint Jérôme ont combattu ces er
reurs et en ont triomphé.
Sans doute dans ces temps orageux l'E
glise , cette mère tendre et chérie, essuya
des larmes, des angoisses, en voyant son
corps auguste affligé de plusieurs plaies ef
frayantes; mais elles ne servirent qu'à ré
veiller la foi d'un grand nombre de fidèles,
et à faire trembler pour leur salut un grand
nombre de ceux qui étaient frappés d'un
état léthargique; ils se réveillèrent du mi
lieu des ombres de la mort, pensèrent au
.Dieu auquel ils n'avaient jamais pensé,
aimèrent la religion qu'ils avaient toujours
méprisée , embrassèrent la vertu qu'ils
avaient toujours détestée, s'y attachèrent
36 TRIOMPHE
inviolablement, firent éclater un courage
héroïque, rendirent gloire à l'Eglise, la cou
vrirent de lauriers , au milieu des horreurs
des combats, que leur livrèrent ses cruels
ennemis.
DE LÉGLISE. 37
CHAPITRE V.
Chismes et Hérésies du cinquième siècle.
Réjouissons-nous en voyant sans cesse
agir sur son Eglise le bras puissant du Sei
gneur qui la soutient et l'affermit au milieu
des orages. Ce qui semble souvent l'humi
lier contribue à sa gloire et à son triomphe.
Ce siècle, quoique un peu plus paisible que
le précédent, en offre des preuveséclatantes.
Entre autres hérétiques, Vigilance, les
Pêlagiens , les semi-Pêlagiens , les IVesto-
riens , les Enfichions , furent les principaux
qui essayèrent de faire quelques incursions
dans le champ du père de famille.
Vigilance, prêtre de Barcelonne, com
battit la vénération des reliques, l'interces
sion et l'invocation des saints. Il se déchai
38 TRIOMPHE .
liait contre les prodiges qui éclataient aux
tombeaux des martyrs, et traitait de culte
superstitieux d'y faire brûler des cierges.
Il enseignait que l'état de virginité ou de
célibat devait être prohibé, et que cet état
n'était point préférable au mariage. Ces er
reurs furent condamnées dans la personne
deJovinien, et réfutées par saint Jérôme.
Célestius et Pelage ont été les coryphées
des Pélagiens. Les fondemens de cette hé
résie reposaient sur ce quidam avait été
créé pour mourir, qu'il tombât dans le pé
ché ou qu'il n'y tombât pas ; que son
péché n'avait nui qu'à lui seul; que les en-
fans ne naissent coupables d'aucun péché
originel, et qu'en conséquence le baptême
n'était pas nécessaire au salut; que la con
cupiscence n'avait rien de mauvais ; que
l'oubli ou l'ignorance ne pouvaient point
être péché; qu'il dépendait de l'homme,
s'il voulait , d'être sans passions et sans au
cun mouvement désordonné; que les vertus
n'étaient pas des dons de Dieu, mais des effets
purement naturels de notre humanité.
S'ils admettaient le nom de grâce et sa
nécessité, ils entendaient par-là les dons
de l'église. 3g
de Dieu purement naturels , ou les grâces
externes, comme sont les bons exemples,
les miracles, les instructions, ou les grâces
qui éclairent interieurement sans qu'elles
agissent; tout au plus, d'après ces hérésiar
ques , la grâce interne était utile, mais non
pas nécessaire, etc., etc.
Saint Germain, évêque d'Auxerres, saint
Loup de Troies, firent tous leurs efforts
pour détruire cette hérésie, répandue en
Angleterre pendant que Pelage vivait. Saint
Jérôme composa plusieurs traités contre
les Pélagiens. Saint Augustin, l'illustre co
lonne de l'Eglise de ce temps, mérita, en
triomphant de ces hérétiques, le titre glo
rieux de docteur de la grâce. La sainte
Eglise romaine,avec ses souverains pontifes,
admira la puissance de son génie religieux.
Ces hérétiques furent condamnés par le
premier concile, qui fut celui de Carthage,
en 412j parle concile de Diospolis, en Pa
lestine, en 415; par un autre concile tenu
à Carthage , en 416; par le concile de Mi-
lève, la même année. Innocent 1er les con
damna l'an 4i7i et, après cet anathême, saint
Augustin regarda cette affaire comme ter
4o TRIOMPHE
minée. Zozime , successeur du pape Inno*-
cent, trompé par les artifices de Célestius
et de Pelage, écrivit en leur faveur aux
évêques de l'église d'Afrique.
Ceux-ci tinrent un concile Pan 4'7> ou
ils condamnèrent de nouveau les Pélagiens,
et avertirent le pape Zozime de l'artifice
des hérétiques. Ils en tinrent un autre, en
4i8, où les Pélagiens furent également
condamnés.
Le Saint-Père, après un mur examen,
condamna Pelage et Célestius avec leurs
partisans , et envoya des anciclyques à
toute l'Eglise pour publier son jugement,
qu'on accueillit avec une vive allégresse.
Célestin Ier confirma les décisions de ses
prédécesseurs, et le concile général d'E-
phèse, tenu l'an 43 1, acheva de confirmer
toutes ces condamnations légitimes.
Après les Pélagiens s'élevèrent les semi-
Pélagiens : ils admettaient le péché origi
nel et la nécessité d'une grâce interne pour
parvenir au salut; mais ils croyaient que
l'homme pouvait par ses propres forces
mériter la foi et la première grâce néces
saire pour le salut.
DE L'ÉGLISE. 4 r
Ils avaient ajoute à ces erreurs un grand
nombre d'autres, qui furent réfutées par
saint Augustin dans un ouvrage de la pré
destination. Ce saint mourut en réfutant
ces hérétiques.
L'an 4g4 1 Ie p<ipe Pélage condamna les
livres de Cassien et de Fauste, semi-Péla-
giens, et autorisa ceux de saint Augustin.
Hormisdas , son successeur, fit la même
chose. Le second concile d'Orange, de l'an
52g , et le concile de Valence en Dauphiné,
tenus peu de temps après, condamnèrent
les erreurs des semi-Pélagiens par les ou
vrages de saint Augustin. Boniface II con
firma ces conciles. Saint Prosper , saint
Fulgence , saint Cesaire d'Arles soutinrent
la doctrine de l'Eglise et triomphèrent de
ces erreurs fanatiques.
Les Nestoriens eurent pour coryphée
Nestorius. Son hérésie fit un grand ravage
dans l'Eglise , et subsiste encore dans plu
sieurs endroits de l'Orient.
1° Il prétendait qu'il y avait deux per
sonnes en Jésus-Christ , et que le Fils de
Dieu n'était pas uni , comme parle l'E
glise, hypostatiquement, mais seulement
/p TRIOMPHE
accidentellement au Fils de l'Homme ; en
sorte que Jésus-Christ n'était Fils de Dieu
que par adoption.
2* Il prétendait , par une suite nécessaire
de ce blasphème, que la sainte Vierge n'é
tait pas mère de Dieu, puisque le fils qu'elle
avait mis au monde n'était pas Dieu en sa
propre personne, comme il le soutenait au-
dacieusement.
Le jugement du pape Célestin Ier, qui le
condamna, fut accueilli, avec acclamation,
et ratifié par le concile général d'Ephèse ,
convoqué exprès pour exterminer cette hé
résie, l'an 43 1. Saint Cyrille, patriarche
d'Alexandrie, saint Proclus , évêque de
Cyzique, le combattirent fortement et fu
rent victorieux.
Les Eutichiens eurent pour chef Eutichès,
prêtre, abbé d'un monastère célèbre de
Constantinople; son hérésie, qui est dia
métralement opposée à celle des Nestoriens
existe encore en Orient. Nestorius prétendait
qu'il y avait deux personnes en Jésus-Christ,
comme il a deux natures : Eutichès voulait,
au contraire, qu'il n'y eut qu'une nature en
Jésus-Christ; parce que l'Eglise avait décidé
DE L'ÉGLISE* 43
contre Nestorius qu'il n'y avait qu'une per
sonne ; il renouvelait, en quelquesorle, l'hé
résie iïAppollinaire, parce que Appollinaire
prétendait que la nature humaine avait été
absorbée par la nature même du Fils de
Dieu, et que le corps de Jésus-Christ n'a
vait pas été véritablement formé du corps
de la sainte Vierge, tandis que Eutichès
reconnaissait que le corps de Jésus-Christ
avait été véritablement formé du corps de
la sainte Vierge; mais il prétendait que la
nature humaine et la nature divine, étant
unies en la personne de Jésus-Christ, sans
aucune division, il ne résultait de cette
union qu'une seule nature; tandis que l'E
glise a toujours cru que l'union des deux
natures, en la personne du Fils de Dieu,
n'empêche pas que chacune des deux na
tures ne subsiste sans confusion.
Dioscore , patriarche d'Alexandrie , se
déclara le protecteur de cette hérésie, et
étant soutenu de l'empereur Théodose-le-
Jeune, dont les hérétiques avaient surpris
la religion, il tint un faux concile à Ephèse,
où il ne voulut admettre ni les légats du
pape saint Léon , ni saint Flavien ; il les fit
44 ' TRIOMPHE
au contraire Iraiter de la manière la plus
indigne, et y fit absoudre Eutichès.
Sai^t Flavien, patriarche de Constanti-
nople, s'opposa courageusement aux pro
grès de cette secte; l'an 44g, d tint un
concile dans cette ville où Eutichès fut
condamné; mais ce saint patriarche fut mal
traité, on l'accabla de coups , il reçut plu
sieurs blessures , et fut couronné martyr
par la fureur des hérétiques. C'est pour cela
qu'on donna à ce faux concile le nom de Bri
gandage d'Ephèse,Latrocinium Ephesinum.
Les ennemis de la religion doivent être
réduits au silence, en voyant qu'à cette
époque les catholiques , doux comme des
agneaux , bien loin de faire une légère of
fense à quelqu'un, furent impitoyablement
massacrés par les ordres ou par les conseils
des hérésiarques.
Comment osera-t-on nous répéter sans
cesse que la sainte Eglise Romaine veut
qu'on détruise par le fer et le feu ses enne
mis? non, non; elle ne veut pas la mort
des pécheurs , mais elle désire qu'ils vivent
et qu'ils se convertissent. Nolo mortem
peccatoris , sed ut convertalur et vivat.
DE L'ÉGLISE. 4r)
Saint Léon défendit courageusement la
foi de l'Eglise. L'empereur Marcien, qui
succéda à Théodose-le-Jeune , fit éclater
admirablement sa piété dans le concile de
Calcédoine; ce concile, qui fut le quatrième
général, se tint l'an 45 1- Eutichès et son
hérésie furent condamnés; l'impie Dioscore
fut déposé; tout ce que saint Léon avait
écrit, contre cette hérésie, fut reçu avec de
grands applaudissemens , et on éleva un
triomphe éclatant à la doctrine de la sainte
Eglise.
Les ennemis du concile de Calcédoine
formèrent différentes sectes ; la plus fameuse
fut celle des Acéphales, ainsi nommés,
parce qu'ils n'eurent d'abord aucun chef,
et qu'ils se séparèrent également du giron
de l'Eglise, et du parti de Pierre Mongus ,
faux patriarche d'Alexandrie , qui proté
geait les Eutichiens de tout son pouvoir.
Les Acéphales furent aussi appelés Sévê-
rins, parce que Sévère, après s'être emparé
du siége patriarchal de l'Eglise d'Antioche,
se mit à la tête de ces hérétiques pour agran
dir le domaine de son usurpation, et donner
un plus grand éclat à son zèle fanatique.
4<> TRIOMPHE
Au sujet des Prédestinatiens, il semble
qu'il y a quelque difficulté. Le sentiment le
mieux fondé est qu'ils se formèrent d'un
petit nombre de personnes, qui, déduisant
de fausses conséquences des principes de
saint Augustin sur la grâce et sur la pré
destination, prétendaient que Dieu ne vou
lait pas le salut de tous les hommes; qu'il
prédestinait les réprouvés au mal et à la
damnation éternelle, sans aucun mérite
précédent; que la prédestination et la grâce
imposaient à l'homme une nécessité d'agir
incompatible avec la liberté.
Fauste , évêque de Riez, s'étant aperçu
qu'un prêtre, nommé Lucidas, était dans
ces erreurs, lui avait écrit pour l'en détour
ner. Deux conciles tenus, l'an 47$, l'un à
Arles, l'autre à Lyon, condamnèrent les
erreurs des Prédestina tiens (1).
C'est au milieu des pleurs, des larmes et
du sang que versent ses enfans chéris, que
l'Eglise, cette mère tendre , soutient sa
gloire et sa puissance.
(1) Ceux qui veulent approfondir ces questions, peuvent lire
le cardinal liarouius, le père Sumond et le pire Alexandre.
DE LÉGLISE. l^n
CHAPITRE VI.
Chûmes et Hérésies du sixième siècle.
L'impiété aura beau se déchaîner contre
la sainte Eglise; ses efforts viendront se
briser contre la pierre inébranlable, sur
laquelle elle repose. Elle fleurira toujours,
malgré les erreurs et les persécutions qui
s'élèvent dans son sein.
Les principales sectes, qui dans ce siècle
firent du ravage, furent les Agnoëtes , les
Trithéites, ksJcémètes, et les défenseurs
des trois chapitres.
Thémistius, diacre d'Alexandrie, imbu
de l'hérésie des Eutichiens,fut le chef des
Agnoëtes; leur erreur consistait en ce qu'ils
attribuaient à Jésus-Christ l'ignorance de
plusieurs choses.
4 8 TRIOMPHE
Euloge, patriarche d'Alexandrie, dont les
écrits furent approuvés par saint Grégoire-
le-Grand, réfuta avec succès leur hérésie (1).
Philopone , surnommé Jean le grammai
rien , infecté de l'Eutichianisme , fut le
chef des Trithéites. Il prétendait qu'il y
avait trois natures divines , comme il y a
trois personnes; il niait la résurrection des
corps. Les Eutichiens renversèrent eux-
mêmes cette hérésie , qui s'éteignit bien
tôt.
Les Acémèles, ainsi nommés du mot grec,
qui signifie gens qui ne dorment point ,
étaient des moines, qui, divisés en trois
bandes , se succédaient continuellement
jour et nuit, pour chanter les louanges de
Dieu. Leur erreur consiste en ce qu'ils niè
rent qu'il fût vrai de dire qu'une personne
dela Trinité se fût incarnée, qu'elle fût née
d'une Vierge, et qu'elle eût souffert.
Ils furent condamnés comme Nestoriens
par le pape Jean II, et, ayant insisté avec opi
niâtreté dans leurs erreurs, ils furent re
tranchés de l'Eglise.
(j) Saint Grégoire, lclt. XLII , du liv. VIII.
DE L'ÉGLISE. 4f)
Il y a trois sortes de défenseurs des trois
chapitres d'hérétiques, de schismatiques et
de catholiques. Il est juste que le lecteur
connaisse ces trois fameux écrits, qui fu
rent déférés au jugement de l'Eglise, comme
remplis des blasphêmes des Nestoriens.
î?. Les écrits de Théodore , évêque de
Mopsuest, qui avait été le maître de Nesto-
rius;
2°. La lettre d'Ybas , évêque d'Edesse , à
un Persan appelé Maris;
3°. Les écrits deThéodoret, évêque de
Cyr, faits pour réfuter les douze anathéma-
tismes de saint Cyrille d'Alexandrie contre
ïestorius.
Le second concile de Constantinople, qui
est le cinquième général , condamna solen
nellement ces trois écrits, et joignit à leur
condamnation celle de la perSonne de l'im
pie Théodore de Mopsuest , qui , quoique
mort, fut anathématisé comme blasphéma
teur et Nestorien.
Pour ce qui est d'Ybas et deThéodoret,
ce concile se contenta de condamner leurs
deux écrits, sans toucher à leur personne;
la raison de cette différence fut que Théo
4
5t) TRIOMPHE
dore deMopsuest était mort dans son impié
té sans avoir rétracté ses écrits, au lieu que
Théodoret et Ybas avaient toujours vécu et
étaient morts dans la communion de l'E
glise.
Ils favorisèrent Nestorius en écrivant
pour sa défense ; mais ils condamnèrent
publiquement cet hérésiarque dans le con
cile de Calcédoine; et, en prononçant l'ana-
thême contre lui, ils furent regardés comme
ayant rétracté ce qu'ils avaient écrit de fa
vorable à cet audacieux hérétique, et par
conséquent le concile ne fit nulle difficulté
de les accueillir comme orthodoxes, et de
leur donner une place dans l'assemblée.
La condamnation des trois chapitres fut
contredite par les hérétiques et par un
grand nombre d'églises, dont plusieurs fi
rent un chisme à cette occasion.
Les défenseurs hérétiques des trois cha
pitres furent ceux qui, étant d'accord que
ces trois écrits étaient infectés des opinions
de Nestorius, ne laissaient pas de les dé
fendre comme orthodoxes ; et comme ils
n'osaient prendre ouvertement le parti de
Nestorius , qui avait été publiquement con
DE L EGLISE. DI
damné par toute la sainte Eglise , pour
pouvoir, avec quelque couleur, soutenir
les sentimens de cet hérésiarque, ils pré
tendaient que ces sentimens avaient eté
approuvés par le concile de Calcédoine;
car, disaient-ils, la lettre d'Ybas a été re
çue comme orthodoxe; donc ce concile,
par son silence , a approuvé tout ce que
cette lettre approuvait.
Ce concile, ajoutaient-ils, a reçu aussi
Théodoret sans exiger de lui aucune rétrac
tation , par rapport à ses écrits contre saint
Cyrille; il a donc, continuaient-ils, ap
prouvé ces écrits. Ces hérétiques abusaient
ainsi de l'autorité du concile de Calcé
doine pour soutenir le Nestorianisme, qui
avait été si solennellement proscrit.
Les défenseurs chismatiqu.es des trois cha
pitres furent les évêques d'Istrie et de quel
ques provinces voisines, et ceux d'Hiber-
nie, en Irlande. Ces évêques condamnèrent
Nestorius et ses blasphêmes, quoiqu'ils fus
sent orthodoxes sur tout le reste; mais s'é-
tant persuadés, par un préjugé dont on
ne put les arracher, que le concile de
Constantinople était opposé-/-dans la con
f>2 TRIOMPHE
damnation des Irois chapitres, au concile
de Calcédoine; non-seulement ils préten
daient qu'il fallait donner un sens catho
lique aux expressions venimeuses qui se
trouvent dans ces trois écrits, mais ils reje
taient aussi le concile de CoDstantinople,
comme chismatique , et se séparèrent de
la communion des chefs de l'Eglise et des
orientaux, qui avaient applaudi à ce cin
quième concile.
Saint Grégoire-le-Grand et Pélage II tra
vaillèrent avec un grand succès à éteindre
ce chisme.
Les défenseurs catholiques des trois cha
pitres sont ceux qui donnaient un sens ca
tholique à toutes les expressions nesto-
riennes qui sont dans ces trois écrits; quel
ques-uns persévérèrent dans ce sentiment ,
après la tenue du cinquième concile qui
n'avait pas été général et œcuménique ,
n'ayant été célébré que par une partie des
églises d'Orient; mais ils ne se séparèrent
point de la communion du Saint-Siége , ni
des autres églises.
Cette dispute fut terminée par l'accepta
tion de la censure des trois chapitres ; ce
DE 1/ÉGLISE. 5^
qui est très-evident, car toutes les églises
reçurent comme œcuménique le sixième
concile tenu à Constuntinople contre les
Monotellites, sans aucune contradiction et
exception. Or, ce sixième concile confirma
tout ce qui avait été fait dans les cinq con
ciles précédens. .
Il ne se contenta point d'une confirma
tion générale de la condamnation des héré
sies et des écrits qui avaient été condamnes,
mais il entra dans le détail de chacune de
ces hérésies, de chacun de ces écrits, et
prononça anathême contre leurs défen
seurs.
C'est du choc des sentimens et des opi
nions que jaillit la lumière pure. Ainsi, au
milieu des combats , des erreurs , des chis-
mes et des hérésies , on voit briller l'Eglise,
se dépouiller de toute apparence de faiblesse
et de petitesse , et on aperçoit avec enchan
tement sa doctrine se couvrir d'un lustre
plus éclatant, et devenir plus belle, plus
noble et plus majestueuse.
54 TRIOMPHE
»■■,■,
CHAPITRE Vil.
Cliismca et Hérésies des septième, huitième et neuvième siècles-.
La puissance de l'Eglise prenant sa source
dans Dieu , ne pourra jamais être ébranlée,
siDeuspronobis quis contra nos. Ainsi, chré
tiens fidéles, ne tremblons jamais à la vue
des orages et des tempêtes qui s'élèvent
contre elle; Dieu les permet pour un plus
grand bien et pour sa plus grande gloire.
Les hérétiques qui jouèrent un grand
rôle dans ce siècle, furent les Monotélites f
les Pauliciens et les Mahoniétans.
Les Monotélites enseignaient qu'il n'y
avait en Jésus - Christ qu'une action et
qu'une volonté , qui était l'action et la vo
lonté divine , quoiqu'il y eut en Jésus-Christ
deux natures.
DE LÉGLISE. 55
Les coryphées de celle héresie, qui pri
rent naissance sous l'empire d'Héraclius,
Furent Sergius , Syrien de nation , patriarche
de Constantinople, et Cyrus, patriarche
d'Alexandrie. Pyrrhus, Paul et Pierre, qui
après Sergius tinrent successivement le siége
de Constantinople, furent les principaux
appuis de cette secte. Macaire, patriarche
d'Antioche, en était aussi le défenseur du
temps du sixième concile , et cette seclè
persévère encore en plusieurs endroits de
TÔrient.
Plusieurs souverains pontifes condamnè
rent celte hérésie; entre autres Séverin ,
Jean IV, Théodore, saint Martin Ier et Aga-
thon. Ce fut pour l'éteindre entièrement
qu'on assembla le sixième concile général ,
à Constantinople, l'an 68o , sous le pontifi
cat d'Agathon. •
Saint Maxime, célèbre abbé, qui fut mar
tyrisé pour la défense de la foi contre les
Monotélites; Arcadius, archevêque de Chy
pre; Sophronius, patriarche de Jérusalem;
saint Jean l'aumônier, patriarche d'Alexan
drie , furent les principaux défenseurs de la
foi contre ces hérétiques.
56 TRIOMPHE
Les Pauliciens étaient des Manichéens
qui reparurent sous" ce nouveau nom, et
avec de nouvelles extravagances, vers l'an
653. Ils eurent pour chef un malheureux
appelé Paul de Samosale , en Arménie. Ils
se plongeaient dans toutes sortes d'abomi
nations. Ils firent une secte puissante (1).
Ce fut ce siècle qui enfanta l'impie Maho
met, Cyrénéen de nation, qui, dit-on, à
l'aide de Sergius, moine nestorien, com
posa la religion qui est répandue chez les
Mahométans, qui s'étend en Orient et en
Afrique, et dont les dogmes sont un mé
lange monstrueux du judaïsme, du chris
tianisme , des hérésies anciennes , et dé
mille inventions ridicules.
D'après l'alcoran , qui est le code de
leurs lois , Dieu est auleur du mal ainsi que
du bien; l'homme n'est pas libre dans ses
œuvres; il n'y a qu'une personne en Dieu;
Jésus-Christ n'est qu'une pure créature et
un prophète; Jésus-Christ n'a été crucifié
qu'en apparence; il a été enlevé dans le
ciel ; il doit mourir et ressusciter avec tous
^ (1) Abrégé de l'Histoire Jes Ardennes, torn. I, dans Bos-
suet, évoque de Meaeix , Histoire des variations, liv. XI, n. i3.
DE L'ÉGLISE. 57
les hommes; les démons seront sauvés; le
Paradis consiste dans des voluptés char
nelles.
D'après leur alcoran encore, les plaisirs
de la chair ne sont pas des péchés : un
homme peut avoir plusieurs femmes, et il
est permis de les répudier; la circoncision
est nécessaire au salut; le baptême est inu
tile, l'eucharistie est une idolâtrie; il est
défendu de boire du vin.
Quoique cette religion soit environnée de
mille dehors ridicules , cependant elle s'est
étendue par la puissance des armes; Dieu l'a
permi en punition des crimes des hommes,
habitans de ces régions où elle règne avec
empire. Ce qui fait la gloire de la sainte
Eglise, et contribue à sa pompe et à son
triomphe , c'est que tout ce qui s'éloigne de
son sein se plonge dans le ridicule et
s'arme contre la saine et sublime raison.
Chismcs et Hérésies du huitième siècle.
Les hérésies de Felix, d1 Eh'pandus et des
Iconoclastes prirent naissance dans ce siècle.
58 TRIOMPHE
Les Iconoclastes se déclarèrent contre le
culte de la croix, des images de Jésus—
Christ et des saints , et c'est ce qui leur fit
donne rle nom à?Iconoclastes.
Léon , surnommé Isaurien, excité par un
nommé Constantin, évêque, fut le princi
pal appui de cette hérésie ; Constantin Co-
phronime, fils de Léon, et Léon, fils de
Constantin , qui règnèrent successivement,
favorisaient la même impiété, et firent dans
la sainte Eglise de grands ravages.
Le septième concile général de Nreée
condamna cette hérésie, sous le règne de
l'impératrice Irène , et de Constantin, son
fils, Tan 787. Saint Jean de Damas , saint
Germain, patriarche de Constantinople,
Grégoire II et ses successeurs firent tous
leurs efforts pour renverser cette secte.
Félix, evêque d'Urgel en Espagne, et
Elipandus, évêque de Tolède, enseignè
rent, vers la fin de ce siècle, que Jésus-
Christ, n'était fils de Dieu que par adop
tion , et qu'il était esclave du Père Eternel.
Les principaux conciles qui ont condamné
cette hérésie, sont ceux de Ratisbonne, te
nus Pan 79a ; ceux de Francfort, l'an 7g4;
DE L'ÉGLISE. 5()
ceux de Rome , sous le pontificat de
Léon III, l'an 799.
Entre autres savarrs , Agobard, le celè
bre saint Benoît, fondateur et premier
abbé d'Aniane, dans le diosèse de Mont
pellier, et restaurateur de l'ordre monasti
que en Occident, sous l'empire de Charle-
magne et de Louis-le-Débonnaire; le célèbre
Alcuin , Paulin , patriarche d'Aquilée ;
Etenus, évêque d'Osne, employèrent avec
succès , toutes les ressources imaginables
pour combattre fortement cette hérésie,
qui tendait à renouveler celle des Nesto-
riens (^ ainsi ils établirent en l'honneur
de l'Eglise un triomphe éclatant.
Chismes et Hérésies du neuvième siècle.
Les principaux hérétiques qui déchirè
rent le sein de l'Eglise en ce siècle, furent
Sergius , Baanes, Claude, de Turin, Gotes-
calh , Photius et Jean Scot.
Sergius et Baanes firent naître en Orient,
(1) On peut voir leurs écrits dans la bibliothèque des l'ère».
f)D TRIOMPHE
l'hérésie des Pauliciens, nouveaux Mani
chéens, dont nous avons parlé ci-dessus,
en y ajoutant de nouvelles impiétés, ou en
donnant une nouvelle couleur, à quelques-
unes des anciennes hérésies.
Claude, évêque de Turin , renouvela les
erreurs de Vigilance et d'Aërius, sur les
reliques, sur l'invocation des saints, et celles
des Iconoclastes sur les images ; il fut réfuté
par un saint diacre du diocèse de Paris ,
nommé Dungale, moine de la célèbre ab
baye de Saint- Denis , en France, et par
Jonas , évêque d'Orléans.
Gotescalk, moine de l'abbaye d'Orbai ,
diocèse de Soissons , fut accusé d'enseigner
les erreurs attribuées, dans le cinquième
siècle , à ceux qu'on nommait Prédestina-
tiens, desquels nous avons parlé.
L'an 848, ces erreurs furent condamnées
parle concile de Mayence et par les conciles
de Cressi, l'an 84g et 853, Hincmarc, ar
chevêque de Rheims, et Raban Maure , ar
chevêque de Mayence, écrivirent contre cet
hérésiarque.
Photius était neveu de saint Tarasius, pa
triarche de Constantinople, sous les aus
DE l'f.GT.ISF. 6t
pices duquel le septième concile général fut
célébré : c'était un des plus savans hommes
de son temps , comme il paraît par ses écrits
que nous avons de lui , et dont le plus fa
meux est sa bibliothèque, où l'on voit l'ex
trait et la critique des livres qu'il avait lus.
EtantUncore laïque , il fut intrus sur le
siége de Constantinople, à la place de saint
Ignace , patriarche légitime, qui fut chassé
de son siége; et l'impie Bardas, neveu de
l'empereur Michel III. La sainte liberté d'I
gnace lui attira ce traitement; il avait re
fusé la communion à Bardas, qui scandali
sait tout l'empire , par un inceste avec sa
belle-fille.
Photius, homme ambitieux, se fit ordon
ner en six jours, de laïque qu'il était , pa
triarche de Constantinople, par Grégoire
de Syracuse, évéque excommunié et dé
posé, et par d'autres évêques pareillement
excommuniés.
Nicolas 1er, après une mûre discussion,
excommunia Photius et ses adhérens; Pho
tius méprisant l'excommunication, eut l'au
dace de fulminer le pape dans un faux con
cile qu'il assembla. Ce fut alors qu'il écrivit
G 2 TRIOMPHE
contre l'Eglise romaine, et qu'il enseigna
queleSaint-Esprit ne procède point du Fils;
erreur contraire à la doctrine de la sainte
Eglise, dont les pères grecs et latins, tels
que saint Basyle, saint Athanase et autres,
ont été les dépositaires.
Apres la mort frappante de Bordas, l'em-
pereur Basyle, le Macédonien, ayant succédé
à l'empereur Michel, fit assembler le hui
tième concile général à Constantinople,
l'an 86g. Saint Ignace fut remis sur son siége
dans ce concile : Photius fut déposé et ex
communié, après quoi l'empereur l'exila.
Saint Ignace étant mort dix ans après,
Photius eut assez d'adresse pour se faire ré
tablir dans le siége de Constantinople, par
le crédit du même empereur,dans les bonnes
grâces duquel il était rentré. Il fit confir
mer son élection par le pape Jean VIII, qui
y consentit pour éviter un plus grand mal ,
et alors il fut patriarche légitime.
S'étant vu paisible possesseur du trône
patriarcal , il assembla un faux concile, qu'il
osa nommer le huitième général , il y fit
annnller tout ce qui avait été fait contre lui
dans le huitième concile, et se déclara de
de l'église. 6 J
nouveau contre l'Eglise romaine ; le saint
Père prononça contre lui une sentence de
déposition, et confirma tout ce qui avait
été' fait contre Photius dans le huitième
concile.
Marin , successeur de Jean VIII , renou
vela la déposition de Photius ; après lui ,
Adrien III et son successeur , Etieqne V, fi
rent la même chose. Photius persista dans
son chisme, appuyé par l'empereur Basyle.
Après la mort de Léon-le-Sage, celui-ci,
fils et successeur de Basyle, chassa Photius
du siége de Constantinople, le fit enfermer
dans un monastère, où il mourut, et fit
élire un patriarche orthodoxe lié à la saipte
Eglise.
Sous l'empire de Charles-le-Chauve ,
Jean Scot publia plusieurs erreurs sur la
prédestination et sur la sainte Eucharistie ;
ce fut de ses écrits que Béranger puisa les
principes de son hérésie sur l'auguste sacre
ment de nos autels.
Toutes ces révolutions opérées dans l'E
glise , ces erreurs, ces chismes , ces hérésies,
ne sontque les effets évidens des prophéties
du Sauveur pendant qu'il vivait sur la terre,
(34 TRIOMPHE
et qu'il environnait les hommes de sa gloire.
Il faut, disait-il, qu'il y ait des scandales;
necesse est ut ventant scandala. Voilà, en
effet, ce que nous voyons dans tous les siè
cles; le Chrétien, qui est fermement atta
ché à l'ancre de la foi, ne doit point en être
étonné, il doit toujours au contraire y ad
mirer le- doigt puissant du Seigneur, qui
triomphe de tout.
de l'égl1se. 65
»w»»mw»»w»!!»i»M»»' « KMamt^matt*
GHAPITTE VIII.
Chismes et Hérésies rfes dixième, onzième et douzième siècles.
f
Le Ciel sembla vouloir faire cesser les
combats et les guerres de l'Eglise dans le
dixième siècle, et y répandre des bénédic
tions plus abondantes et plus douces
En effet, on n'y vit naître aucune secte
considérable; les Antropomorphites , c'esl-
à-dire ceux qui attribuent à Dieu une forme
corporelle, parurent en Italie; Ratérius,
évêque deVérone, les réfuta. On vit en peu
de temps cette société de gens grossiers et
ignorans, s'éteindre insensiblement,
Valafrid, homme obscur, ne craignit pas
de nier l'immortalité de l'ame ; il fit éclater
ce dogme impie en Languedoc. A Castres,
dans une jibbaye de Sainl-Benoît,se trouva
5
66 TRIOMPHE
un savant abbé, nommé Durand, qui la ré
futa et en triompha. Jean XXII applaudit à
'ce beau triomphe , et érigea son abbaye en
évêché.
Hérésies du onzième siècle.
La sainte Eglise vit avec douleur déchi
rer son sein maternel , dans ce siècle , par
Béranger et Michel Ce'rulalre, nouveaux
Manichéens.
Sous le règne du roi Robert, ils parurent
en France, dans la ville d'Orléans; ils eu
rent pour chefs deux chanoines de cette
ville, qui, ayant été découverts, furent
condamnés dans un concile , et de'gradés.
Béranger, archidiacre d'Angers, fit sa
réputation au commencement de ce siècle ;
il était le premier, après Jean Scot, qui ait
eu la témérité de prétendre que le corps de
Jésus - Ghrist n'est contenu qu'en figure
dans l'auguste sacrement de nos autels.
L'Eglise universelle s'éleva contre cet héré
siarque , qui voulait renverser la doc rine
pure enseignée par les apôtres.
DE t'ÉGMSF. 67
Il fut condamné , dans un concile tenu à
Rome sous Léon IX, Pan io5o; par les con
ciles de Versailles et de Paris, tenus la même
année; par le concile de Florence , sous
Victor II, Tan 1o55; par le concile de Tours,
la même annee; par le concile de Rome,
sous Nicolas I! , en io5a ; par le concile de
Rouen , en 1o63 ; par le concile de Poitiers,
en 1075; par un concile de Rome, sous
Grégoire VII, en 1078; et par un autre de
Rome, en 107g.
Alger, diacre de Liége, et dans la suite
abbé de Cluny, Guimond, évêque d'Aver-
sano près de Naples , Durand, abbé de
Troard, Lanfranc, archevêque de Cantor-
beri, Hugues, évêque de Langres, sont ceux
qui écrivirent le plus contre cet hérésiar
que; mais leur triomphe fut d'autant plus
beau , plus éclatant et plus magnifique ,
qu'il rétracta ses erreurs, reçut avec joie
la pénitence imposée , et entra avec allé
gresse dans le sein de la sainte Eglise catho
lique.
En 1o43, un nommé Michel Cérulaire ,
patriarche de Constantinople , écrivit contre
l'Eglise latine. Les principales accusations
68 TRIOMPHE
fausses ou frivoles dont il voulait la noircir
étaient :
i°. Que le Latins consacraient avec du
pain sans levain;
•j°. Qu'ils mangeaient des viandes suffo
quées;
3°. Qu'ils se rasaient la barbe;
4°. Qu'ils jeûnaient le samedi;
5°. Qu'ils mangeaient de la viande pen
dant toute la semaine dela Quinquagésime;
6°. Qu'ils avaient ajouté au symbole de
iNicée ce motfilioque, pour faire entendre
que le Saint-Esprit procède du Père et du
Fils, ce qu'il taxait d'erreur;
7°. Que deux frères avaient le pouvoir
dans l'Eglise latine d'épouser deux sœurs;
8°. Qu'on se donnait le baiser de paix à
la messe avant la communion ;
9°. Qu'on ne chantait point alleluia en
carême ;
io°. Que l'Eglise n'honnorah pas les re
liques des saints, ni les images, et autres
semblables choses : voilà à peu près ce qui
causa le grand chisme de l'Eglise grecque.
Léon IX employa tous les moyens ima
ginables pour ramener cet hérésiarque au
DE L'ÉGLISE. 69
sein de l'Eglise ; il envoya à Constantinople,
pour procurer la paix , trois légats , à la tête
desquels était le savant cardinal Humber ,
évêque de Blanche Selve.
L'empereur Constantin, surnommé Mo-
nomacus , les reçut avec honneur; ils con
férèrent, souvent avec le patriarche, mais
n'ayant' pu le convertir à force de raison-
nemens et de prières, ils lancèrent contre
lui l'excommunication dans l'église de
Sainte-Sophie.
Ce malheureux hérésiarque eut l'audace ,
après cela , d'excommunier les légats et le
pape; il posa les fondemens d'un grand
çhisme dans l'Orient, quoique l'empereur
l'eût chassé du siége de Constantinople , et
qu'un grand nombre d'églises grecques fus
sent liées avec l'église romaine.
Chismes et Hérésies du douzième siècle.
Les principaux hérésiarques qui déchi
rèrent le sein de l'Eglise pendant ce siècle
furent Tanchelin , Pierre de Bruis, Henri,
moine apostat, chef des Albigeois , Arnaud
70 TRIOMPHE
de Bresse , Pierre Abaillard, Gilbert de la
Porrée , les Apostoliques et les Vaudois.
Tanchelin , rempli d'un esprit pervers ,
eut la temérité d'enseigner, a Anvers , que
Jésus - Christ n'avait pas institué le mi
nistère des évêques et des prêtres, et que la
participation de l'eucharistie était inutile
pour le salut : il joignait à ses erreurs une
vie infâme. Il profita du temps où il n'y
avait à Angers qu'un prêtre corrompu pour
répandre sa doctrine , la faire accueillir , et
s'y faire admirer comme un prophète.
Heureusement Dieu jeta des yeux de mi
séricorde sur ce troupeau chéri, déjà égaré.
ll suscita saint Norbert, fondateur de l'ordre
de Prémontrès et ensuite évêque deMagde-
bourg, qui , s'étant transporté à Angers,
combattit si bien cette hérésie , qu'il l'étei-
gnit entièrement, et qu'elle devint pour l'E
glise une joie vive et un triomphe éclatant.
A Saint-Gilles, diocèse de Nismes , Pierre
de Brjiis renouvela les erreurs des Mani
chéens , auxquelles il joignit plusieurs nou
veautés qui ont été épousées dans les siècles
suivans par les Calvinistes et les Luthériens;
ses sectateurs furent appelés Petrobusiens ,
DE L ÉGLISE. 7i
et après la mort de Pierre de Bruis , ils fu-
ventappelés Henriciens, parce qu'ils eurent
pour chef un nommé Henri , moine apos
tat , qui publia les erreurs de son maître ,
et y en ajouta de nouvelles. C'est de là que
prit naissance la secte des Albigeois (1).
Ces hérétiques furent condamnés par le
second concile de Latran , tenu l'an 103g,
sous Innocent II; c'est le dixième des con
ciles généraux. Saint Pierre-le-Vénérable ,
abbé de Cluny , le grand saint Bernard,
premier abbé de Clairvaux, réfutèrent leurs
erreurs.
Arnaud de Bresse , en Italie , fut d'abord
clerc, de là religieux, et ensuite apostat; il
enseigna plusieurs erreurs sur l'eucharistie,
sur le baptême des enfans , sur l'état reli
gieux efsur l'état ecclésiastique : il suivit de
près les erreurs des Petrobusiens. Il fut con
damné l'an i %3q par le concile général de
Latran, sous Innocent II. Saint Bernard le
réfuta.
Pierre Abaillard né dans le territoire de
Nantes , en Bretagne, s'acquit une brillante
(1) Histoire des variations ; Bossuet , éveque de Mcaux ,
Ut. XI.
^?2 TRIOMPHE
réputation dans l'université de Paris, où il
montra publiquement la philosophie : sa
triste dialectique le plongea dans plusieurs
erreurs, sur la Trinité , et sur d'autres ma
tières.
Il fut condamné parle concile de Soissons
en 1120, et dans celui de Sens, en n40,
ces condamnations furent confirmées par
le pape Innocent II. Saint- Bernard combat
tit avec un brillant succès ces erreurs ,
son triomphe fut d'autant plus éclatant,
qu'Abaillard retracta ses erreurs, et vécut
pieusement dans l'abbaye de Cluny, où il
avait été admis par Pierre-le-Vénérable.
Il.se réconcilia avec saint Bernard, et
mourut d'une manière édifiante, dans un
monastère de cet ordre, dans le prieuré de
Saint-Marcel de Châlons-sur-Saône, où il
avait été envoyé pour rétablir sa santé, par
saint Pierre-le-Vénérable, abbé de Cluny,
qui fait de grands éloges de la vie édifiante,
qu'il mena jusqu'à la mort. .
Gilbert de la Porrée, évêque de Poi
tiers, enseigna des erreurs sur la Trinité,
l'an 1148. Elles furent condamnées, au
concile de Keims. Saint-Bernard les réfuta,
DE L'ÉGLISE. "]3
avec un si heureux succès , que cet heré
siarque se retra cta.
Les Apostoliques élaient des Manichéens,
qui s'étaient répandus vers le pays de Co
logne : ils étaient à peu près plongés dans
les mêmes erreurs que les Albigeois (1).
Les Vaudois doivent leur origine à un
marchand de Lyon, nommé Valdo : ils se
mêlèrent de prêcher sans mission, car ils
étaient tous laïques. Ayant été réprimandés
ils ne voulurent point se soumettre , ils en
seignèrent plusieurs erreurs condamnées
dans le livre onzième de l'histoire des Va
riations, par Bossuet, évêque de Meaux.
Ces hérétiques furent condamnés par
plusieurs conciles; dans celui de Lombes,
l'ann63; dans celui de Toulouse, l'an 1178;
dans le troisième de Latran , célébré sous
Alexandre III, l'an 1 179: et enfin dans le
quatrième concile du Latran , tenu sous le
pontificat dTnnocent III, Tan I215.
Reinerus, chrétien Vaudois nouveau con-
(1) Sermons de saint Bernard, 64, sur les cantiques n. 8.
Serm. 65 , n. î, a, 4, 6, 7, serm. 66, n. 8 et 12 , Bossuet, éyc-
gue de Meaux ; Histoire des variations , liv. XI.
74 TBIOMPHE
verti, s'étant fait dominicain , écrivit contre
ces hérétiques avec applaudissement.
Comme le soleil après des éclipses, de
vient plus agréable , et attire d'avantage les
regards des mortels; de même, la sainte
Eglise , ce soleil de justice et de vérité , de
vient après les combats des erreurs, plus
intéressante , et attire davantage les regards
de l'univers , et les bénédictions du ciel qui
verse sur son sein les richesses de ses grâces
et de sa magnificence.
DP LÉGLISE. 75
^^^>»p<fci^&Ê*trm*mt*m&mmr*t*m*********
CHAPITRE IX.
Chismes et Hérésies des treizième, quatorzième et quinzième
siècles.
Les combats des hérésies, qui ont eu
lieu pendant tant de siècles, montrent evi
demment la puissance de l'Eglise, sa gran
deur, sa noblesse, et son triomphe.
Les hérétiques qui jetèrent la consterna
tion dans son sein maternel , pendant le
treizième siècle , furent les albigeois , les
disciples d'Almaric pu d'Aimeri , ceux qui
se dirent les disciples de l'abbé Joacliim,
les Circoncellions d'Allemagne , les Flagel-
lans, les Fratricelles , les Béguards et les
Béguines.
Les Albigeois, ainsi nommés parce qu'ils
se répandirent principalement dans le dio
cèse d'Albi, et dans tout le Haut-Languedoc,
y6 TRIOMPHE
firent profession des erreurs des Mani
chéens, des Petrobusiens, des Arnaldistes
et des Vaudois, desquelles ils avaient fait
un composé monstrueux. Ces malheureux
se plongeaient dans toutes sortes d'infamies.
Ils furent condamnés par plusieurs con
ciles de la Gaule-Narbonnaise , par un
concile d'Avignon , en 1210; par celui de
Lavaur , Tan 1243 ; par le concile de Saint-
Gilles, la même année ; par un concile de
Montpellier; par le quatrième concile gé
néral de Latran , tenu l'an I215 ; par un
concile provincial de Sens à Paris, l'an 1223;
par celui de Toulouse, l'an 123g; par celui
de Narbonne, l'an 1225; et par celui de
Béziers, l'an 1256
Saint-Dominique fit tousses efforts pour
éteindre cette hérésie; Arnaud, abbé de Ci-
teaux, réfuta leurs erreurs , ainsi que le
bienheureux Pierre de Castelnau , légat du
Saint-Siége , qui fut martyrisé par la fureur
des Albigeois, qui mettaient tout à feu et
à sang; voilà ce qu'inspire le fanatisme.
Amairie ou Aimeri, clerc du diocèse de
Chartres, écolier de philosophie, et ensuite
de théologie dans l'université de Paris, en
DE L EGLISE. n~
seigna plusieurs erreurs, et eut un grand
nombre de disciples; il fut pour ainsi
dire le précurseur des Calvinistes; il niait
outre cela la résurrection des corps, pré
tendait que le Paradis et l'Enfer étaient
une chimère , qu'on portait le Paradis en
soi-même, quand on était occupé de Dieu;
qu'on portait l'Enfer avec soi quand on
était en péché-mortel , que la parole de
Dieu ne se trouvait pas plus dans les écrits
des Saints-Pères , que dans les fictions des
poetes.
Il ajoutait d'autres extravagances ; il
fut condamné dans un concile de Paris,-
l'an 120g , et dans le quatrième concile gé
néral de Latran , l'an 121 5.
Joachim,abbé d'un monastère de l'ordre
de Citeaux, dans la Calabre, s'acquit une
grande réputation par ses vertus; il tomba
par simplicité dans une erreur sur le mys
tère de la très-sainte Trinité; voulant dis
tinguer la" nature divine des personnes et
admettre une quaternité, pour ainsi dire,
plutôt qu'une Trinité.
Cette erreur, qui était un effet de l'ima
gination sophistique, fut suivie de quelques
78 TRIOMPHE
fanatiques, qui prenantl'abbé Joachim pour
un prophète s'attachèrent à lui. L'un d'entre
eux composa un livre sous le titre de YE-
vangile éternel, rempli de mille extrava
gances. Ce livre et ses défenseurs furent
condamnés dans un concile tenu à Arles en
1260. Les erreurs de l'abbé Joachim furent
condamnées par le concile général de La-
tran, tenu sous Innocent III, en 1215.
Vers l'an 1268, les Circoncellions paru
rent en Allemagne, et renouvelèrent l'er
reur des Donatistes du quatrième siècle. Us
prétendirent, avec ces anciens hérétiques,
que les pécheurs ne pouvaient conférer va-
lidement aucun sacrement, ni avoir aucun
droit au ministère dont ils étaient privés;
dès-lors qu'ils étaient pécheurs. Que par
conséquent il n'y avait plus dans l'Eglise
aucun évêque , ni aucun prêtre qui eut le
pouvoir de lier et de délier? parce que,
disaient-ils , le pape , les évêques et les prê
tres étaient hérétiques, simoniaques et pé
cheurs.
Ces malheureux audacieux osèrent s'at
tribuer le pouvoir dont ils prétendaient
que les prêtres et les évêques de la sainte
DE L'ÉGLISE. 7Ç)
Eglise étaient tléchus. Ces erreurs ont été
condamnées depuis long-temps, et dans le
quatrième siècle , dans la personne des Do-
na listes. ,
Les "Flagellans commencèrent par une
dévotion populaire , et dégénérèrent en
hérésie l'an 1260. Plusieurs personnes s'at
troupèrent en Italie, et, marchant en pro
cession par les rues , nus jusqu'à la ceinture,
ils se donnaient la discipline jusqu'au sang.
Ce spectacle attendrissant produisit d'a
bord la conversion de plusieurs pécheurs;
mais ils poussèrent les choses jusqu'à dire
qu'on ne pouvait recevoir la rémission des
péchés si on n'entrait dans cette confré
rie. Ils prirent la liberté de se confesser et
de s'absoudre sacramentellement les uns les
autres, quoique laïques.
La secte passu en Italie, en Allemagne
et en Hongrie, où elle fut renouvelée le
siècle suivant , l'an i34q. La faculté de
théologie de Paris s'opposa foriement à
cette secte; et le fameux Gerson, chance
lier de l'université de Paris, la réfuta dans
le quinzième siècle.
Les Fratricelles , les Béguards et les Be-
80 TRIOMPHE
guines eurent pour chefs quelques religieux
apostats, qui, sous prétexte de spiritualité,
menaient une vie fainéante , vagabonde et
fort débauchée. Ces erreurs, empruntées
des Manichéens et des Albigeois, avaient
beaucoup de rapport.avec celles qu'ont en
seigné les Quiétistes.
Ces erreurs furent condamnées par la
sainte Eglise , dans un concile général de
Vienne, tenu sous Clément V, l'an1311.
Chismes et Hérésies du quatorzième siècle.
Les hérétiques qui firent du ravage dans
l'Eglise , en ce siècle , furent les Turlupins ,
Raimond Lulle et Wiclef.
Les Turlupins étaient des hommes abo
minables, qui, sous le pontificat de Gré
goire XI, parurent enDauphinéeten Savoie.
Ils embrassèrent les erreurs des Béguards ,
et soutenaient que la prière mentale était
la seule bonne et utile. Ils marchaient nus
en public, et faisaient gloire de se plonger
dans des vices honteux. Cette secte infâme
DE L'ÉGLISE. 8l
fut bientôt dissipée par l'autorité des magis
trats (i).
On compte deux Raimond Lulle , que
plusieurs ont confondus sans raison : le pre
mier était de l'île de Majorque; ayant été
marchand , on croit qu'il entra dans le tiers,
ordre de Saint-François. Il composa un
grand nombre d'ouvrages, qui furent dé
férés au pape Grégoire XI comme conte
nant plus de cent erreurs sur la nature et
les attributs de Dieu, sur la Trinité, et sur
plusieurs autres matières.
Le souverain pontife l'ayant condamné,
il se soumit au jugement de l'Eglise ; par
conséquent il ne fut pas hérétique. On pré
tend même que sa foi fut si vive , et son cou
rage si héroïque , qu'il obtint la palme du
martyre en Afrique.
Dans la suite on nomma Lullistes ceux
qui épousèrent les erreurs de Raimond
Lulle , condamnées par la sainte Eglise.
Le second Raimond Lulle s'étant fait
(1) Je suis bien éloigné d'approuver les cruautés dont on
a usé quelquefois pour éteindre les hérétiques ; mon opinion
est de ne les convertir que par la force de la doctrine, a l'exem
ple des apôtres.
02 TRIOMPHE
chrétien , de juif et de rabin qu'il était, fut
surnommé le Néophite. Il composa plusieurs
ouvrages de magie et de chimie, remplis
de mille extravagances.
Jean fViclef, prêtre anglais, curé dans
le diocèse de Lincoln , enseigna plusieurs
erreurs contre Dieu, contre Jésus-Christ,
contre l'Eglise et contre les sacremens. Il re
nouvela les erreurs des Donatistes : il a été,
en beaucoup de choses, le précurseur de
Calvin. Il ne rejetait pas le sacrement de
confirmation, de pénitence, d'extrême-onc
tion, ni la messe, ni l'invocation des saints,
ni l'honneur que l'on rend aux reliques et
aux images.
Les erreurs de Wiclef'furent condamnées
dans le concile général de Constance, com
mencé l'an 1414i et dans plusieurs conciles
tenus en Angleterre, ailleurs, et dans l'il
lustre faculté de Paris*, c'est-à-dire. que ce
fut la Sorbonne qui confondit , par la puis
sance merveilleuse de sa science, l'orgueil
des Wicletites.
de l'église. 83
Cblsmes et Hérésies du quinzième siècle.
Jean Hus enfanta dans ce siècle un parti
assez considérable , qu'on appela Hussites.
Etant prêtre de Bohême et recteur de l'u
niversité de Prague , il enseigna publique
ment les erreurs de Wiclef. Les Calvinistes
le regardent comme leur protecteur, et le
traitent de martyr.
Cependant le ministre Laroque a prouvé
que Jean Hus a toujours enseigné la pré
sence réelle de Jésus-Christ dans l'eucha
ristie, l'invocation et le culte des saints,
les sept sacremens , et l'honneur dû aux
aux images et aux reliques.
Cet hérétique fut condamné, comme Wi
clef, au concile général de Constance, où,
n'ayant pas voulu se rétracter, il fut livré
au bras séculier.
Jérôme de Prague , laïque , fut disciple
de Jean Hus, soutint à peu près les mêmes
erreurs que son maître, et subit le même
sort.
84 TRIOMPHE
L'Eglise versa sans doute des larmes, en
voyant tant d'enfans déserter ses drapeaux
glorieux; mais la désertion de ces ames pu
sillanimes n'affaiblirent ni sa puissance , ni
sa gloire.
DE LÉGLISE 85
»w»'»«»» meMmmmmm »'!» m*m menmim
CHAPITRE X.
Chismes et Hérésies du seizième siècle.
C'est après des jours sombres et téné-
breux que l'on voit, avec une vive allé
gresse , arriver ces jours beaux et sereins
où l'astre répand partout sa lumière fé
conde; ainsi l'Eglise, après ces jours de
tempête et d'orage, voit avec une véritable
jubilation la splendeur du soleil de vérité
qui l'éclaire, et attire de nouveaux specta
teurs pour contempler son triomphe.
Parmi les hérétiquesqui , en déchirant le
sein glorieux de l'Eglise , enfantèrent des
erreurs opposées les unes aux autres, parut
dans ce siècle Luther, Carlostade , Zuingle,
OEcolampade, Melancton, Bucer, Osiandre,
Brentius, les anabaptistes, Calvin , les Anti->
Trinitaires , les Socinicns , et autres.
86 TRIOMPHE
Il serait fatigant de rapporter au long
toutes les erreurs de ces hérésiarques et de
leurs disciples ; je vais me contenter de
dire uniquement qu'elles furent condam
nées toutes par le Saint-Siége et par le
concile général de Trente, depuis l'an 1545
jusqu'à l'an 1563.
Hérésies de Jansenius.
Jansenius , docteur et professeur d'écri
ture sainte de la faculté de théologie de
Louvain , et ensuite évêque d'Ypres , com
posa plusieurs ouvrages qu'il soumit au
Saint-Siége par son testament.
À peine le fameux ouvrage qu'il avait
composé sur la grâce eut-il paru , qu'il s'é
leva plusieurs contestations à ce sujet. Qua
tre-vingt-cinq evêques de France écrivirent
sur cela au pape Innocent X, pour, lui de
mander son jugement sur cinq propositions
de ce livre , qui était la source d'un nombre
infini de disputes théologiques. Je vais offrir
au lecteur les cinq articles, comme quelque
chose d'utile à savoir.
DE L'ÉGLISE. 87
1 . Quelques commandemens de Dieu
sont impossibles aux hommes justes , lors
même qu'ils veulent et s'efforcent de les ac
complir, selon les forces qu'ds ont présen
tées ; et la grace qui les leur rendrait pos
sibles leur manque;
2°. Dans l'état de nature corrompue , on
ne résiste jamais à la grdee intérieure ;
3°. Pour mériter et démériter dans l'état
de la nature corrompue , la liberté qui exclut
la nécessité n'est pas requise en Vhomme ,
mais la liberté qui exclut la contrainte suffit;
4°. Les semi- Pélagiens admettaient la
nécessité ne la grâce intérieure , prévenante
pour toutes les actions en particulier , même
pour le commencement de la Foi , et ils
étaient herétiques en ce qu'ils voulaient que
cette grace fût telle que la volonté humaine
pût lui résister ou lui obeir;
5°. C'est donner dans l'erreur des sémi-
Pélugiens que de dire que Jésus- Christ est
mort ou qu'il a répandu son sang généra
lement pour tous les hommes.
Le souverain pontife , après avoir fait
assembler un grand nombre de congréga
tions, pour cette aflaire importante, l'exa
88 TRIOMPHE
mina lui-même, et rendit une constitution
le dernier du mois de mai, l'an 1653, par
laquelle il qualifie ainsi chacune de ces
propositions.
1°. Nous déclarons, dit-il, la première
téméraire , impie , blasphématoire , condam
née d'anathème et hérétique , et comme telle ,
nous la condamnons ;
2°. Nous déclarons ta seconde hérétique ,
et comme telle, nous la condamnons;
3°. Nous déclarons la troisième héretique,
et comme telle nous la condamnons;
4°. Nous déclarons la quatrième fausse
et hérétique, et comme telle nous la con
damnons ;
5°. Nous déclarons la cinquièmefausse ,
téméraire, scandaleuse, et en ce sens que
Jésus-Christ soit mort pour le salut seulement
des prédestinées , nous la déclarons impie ,
blasphématoire , outrageante , dérogeante à
la bonté de Dieu et hérétique , et comme
telle nous la condamnons.
Ce sage souverain pontife ajoute qu'il ne
prétend point approuver les autres opinions
du livre de Jansenius.
Alexandre VII , successeur d'Innocent X ,
UE L'ÉGLISE. 8()
donna une nouvelle constitution le 16 oc
tobre i656, par laquelle, en confirmant
celle de son prédécesseur, il déclara que
les cinq propositions étaient tirées du livre
de Jansenius, intitulé ufugustinus, et qu'elles
avaient été condamnées dans le sens de l'au
teur. Il défendit la lecture de ce livre.
Le i5 février 1664 il ordonna, par une
constitution, la signature d'un formulaire
qu'il dressa sur celte matière.
Comme par ce formulaire on était forcé
de déclarer que Ton condamnait les cinq
propositions dans le sens du livre de Jan
senius , ses disciples firent des difficultés de
s'y souscrire purement et simplement ; ils
prétendirent qu'ils n'étaient obligés à signer
qu'avec la distinction du droit et du fait,
c'est-à-dire qu'ils voulaient bien condam
ner les cinq propositions en elles-mêmes,
mais qu'ils ne voulaient pas reconnaître que
ces propositions fussent hérétiques dans le
sens qu'elles avaient dans le livre de Jan
senius, et ils continuaient à soutenir que
la doctrine de ce livre était orthodoxe.
Dans la suite , étant pressés de signer ce
formulaire , ils enseignèrent qu'on n'était
QO TRIOMPHE
pas obligé de se soumettre intérieurement
à la condamnation du livre de Jansenius,
qu'il suffisait de garder un silence respec
tueux sur cette condamnation; ils soutin
rent même qu'on pouvait signer le formu
laire sans être persuadé que la doctrine du
livre de Jansenius fût hérétique.
Pour éteindre les mouvemens excités en
France, Clément XI publia, le i6 juillet
1706, une constitution nouvelle, dans la
quelle il rappelle tout ce qui a été décidé à
ce sujet par ses prédécesseurs , dont il in
sère les constitutions dans la sienne ,.et les
confirme en renouvelant et en déclarant de
plus « que par le silence respectueux on ne
satisfait point à l'obéissance , qui est due aux
constitutions apostoliquessusdites, mais que
le sens de Jansenius condamné dans les cinq
propositions, et que les termes dont elles
sont composées portent d'eux-mêmes , doi
vent être non-seulement de bouche, mais
aussi de cœur , rejetées et condamnées
comme hérétique par tous les fidèles Chré
tiens, et qu'on ne peut licitement signer le
formulaire dans un autre esprit, dans uneau-
tre disposition ou dans un autre sentiment.
DE L ÉGLISE. ()I
« De manière que ceux qui penseront,
tiendront, prêcheront, enseigneront ou as
sureront, soit de vive voix, soit par écrit ,
le contraire sur toutes ces choses ou sur
quelques-unes d'entre elles , seront soumis
comme transgresseurs des susdites consti
tutions apostoliques , à toutes et à chacune
des peines qui y sont portées. »
Tout le clergé de France, accepta solen
nellement toutes ces constitutions du Saint-
Siége.
Peu de temps après cette epoque remar
quable on vit naître un germe de disputes
effrayantes, touchant la doctrine du livre
des Réflexions morales sur le nouveau Tes-
ment, composé par Quesnel , qui, ayant
refusé de se soumettre aux constitutions
apostoliques , était sorti du royaume.
Il se retira ensuite dans la Hollande par
mi les Protestans; il fut néanmoins excom
munié par sentence de Parchcvëquede Ma-
lines, Pan 1704. Il mourut frappé de cet
ana thème sans jamais en avoir appelé à au
cun tribunal ecclésiastique.
Pour éteindre lest disputes nées à l'occa
sion de son livre , Clément XI publia , le 8
g'2 TRIOMPHE
septembre 1713 , la constitution unigenitus;
par cette bulle il condamna cent et une
propositions, extraites de ce livre : elle fut
acceptée par une assemblée dé quarante
évéques de France. Cette acceptation (ut
confirmée par sept autres assemblées du
clergé de l'Eglise gallicane.
Innocent III, Benoît XIII, Clément XII
et Benoît XIV, ont confirmé la condamna
tion portée par Clément XI , laquelle fut
reçue avec acclamation par les conciles de
Rome, d'Avignon etd'Ambrun.
Tous les évêques de l'Eglise catholique
s'y soumirent. Quelques évêques de France
s'étaient d'abord opposés à l'acceptation de
cette bulle , et en avaient interjeté appel au
futur concile , presque tous révoquèrent
leur appel ou moururent, et furent rem
placés par des évêques qui acceptèrent le
décret du souverain pontife.
Par conséquent cette constitution accep
tée par l'Eglise est un jugement indéforma
ble. Tous les Chrétiens sont obligés de s'y
soumettre de cœur et de bouche, en con
damnant le livre des Reflexions morales , et
les cent et une propositions de la même ma
DE LÉGLISE. 93
nière que le souverain pontife les a con
damnées.
On prétend qu'il existe, de nos jours,
beaucoup de Jansénistes recelés d;i os le sein
de l'Eglise gallicane , qui se déchaînent
continuellement contre l'autorité romaine,
vomissent des injures contre elle, et font
ainsi plus de mal que les hérétiques connus.
Je ne veux pas m'étendre davantage sur
cette matière; je me borne à leur dire : si
vous êtes Chrétiens, vous devez pensera
sauver votre ame , vous devez considérer
combien est grande l'affaire du salut éter
nel, et qu'il ne servira de rien à l'homme
d'avoir gagné l'univers entier s'il vient à se
perdre lui-même : Quid prodest homini si
universum mundum lucretur animee vero de
trimentumpatiatur; et que, par conséquent,
le seul moyen de vous sauver, c'est de vous
attacher inviolablement à la société la plus
ancienne , la plus brillante, la plus savante,
la plus grande et la plus pure établie par
notre divin législateur.
Or , vous ne pouvez pas l'ignorer , c'est
Borne : vous lui appartenez, en qualité de
simples Chrétiens; vous êtes ses enfans; au
Q^ TRIOMPHE
riez-vous la témérite de mépriser son sein
maternel , qui vous a enfanie' en Jésus-
Christ, qui vous a comblé de ses grâces, de
ses bienfaits et de ses bénédictions les plus
abondantes ? venérez-la , faites la vénérer ;
attachez-vous fortement à l'ancre de la foi ;
que votre piété corresponde à vos discours
édifians; de quelque côté que vous soyez
égaré dans la mer orageuse du monde,
tournez vos regards vers cette étoile du
ciel, elle vous dirigera au port de la paix
véritable , vous conduira sur cette pierre
brillante, triomphante et solide, où vous
pourrez environner votre ame de l'espé
rance d'un bonheur éternel.
tfhtt* bcuxièmc.
TRIOMPHE
SUR
aa ismasmiB ibh tL'miliailsiiïB
QUI REGNENT ACTUELLEMENT EU FRANCK.
TRIOMPHE
i t
DE L EGLISE.
^rtom*^ sur U çjgfa't&VM <i f||p«si<
<jHt rouent acfueffemcnf en i!g|granc« ,
f. MT'A'DIXE ,
RÉFUTATION DU CHI6ME DES PURISTES ET DE L'HERESIE D'OEGGEB
CHAPITRE PREMIER.
Réfutation du chisme des Puristes.
La France offre, dans ce siècle, le spec
tacle attendrissant d'un schisme singulier ,
qui paraît dans le sein de beaucoup de dio
cèses, et y fait quelques ravages, en attirant
dans ses piéges séd licteurs, les ames ignares
7
gS TRIOMPHE
et pusillanimes. Cenl fois mon ame atten
drie à la vue de ces hommes aveugles, éga
rés, a été navrée de douleur, en voyageant
dans une grande partie du sol français.
Ces schismatiques, qui ont déserté le gi
ron de l'Eglise , ont quelques dehors de
piété , et quelques-uns même en avaient
donné des preuves à des époques remar
quables : mais en voulant suivre l'élan de
leur imagination exaltée ils ont perdu la
\o\r du ciel , ils ont formé une société qu'ils
nomment le petit nombre des élus, en fai
sant gloire de l'appeler la petite Eglise. Ils
ont élevé secrètement des autels dans leur
habitation, où ils réunissent les victimes de
leur fanatisme et exercent leur ministère:
c'est ce que l'on voit dans plusieurs pro
vinces, et à Paris où ils se sont créés un co
ryphée.
Ce chisme prit naissance au moment où
Pie VU fit le grand rétablissement de l'E
glise de France, pendant la république.
Les membres de cette secte commencèrent
alors à se séparer de la communion de ce
souverain pontife ; soit parce qu'ils ne trou
vaient point un grand avantage temporel à
DE L ÉGMSE. 99
demeurer dans le sein de la sainte Eglise,
soit parce qu'ils se persuadèrent faussement
de s'acquérir une plus grande gloire hu
maine en l'abandonnant.
Leur conduite est un entêtement ridicule,
ou un aveuglement total de lumières. Exa
minons succinctement cette grande affaire ,
digne de toute notre attention. La France
venait d'être bouleversée , l'ordre moral
n'existait plus, le culte religieux avait cessé,
les cérémonies augustes avaient disparu
avec leur éclat et leur grandeur, les dépo
sitaires de la loi divine, les ministres du
Seigneur, étaient dispersés dans des régions
lointaines.
Les temples étaient fermés , ou déserts ,
ou dégradés, ou réduits en cendres, ou de
venus la demeure des plus vils animaux;
les signes augustes de notre sublime reli
gion étaient brisés , ou anéantis; les autels
renversés , les statues magnifiques des hé
ros de la religion réduites en poudre; et
dans le sanctuaire où avait reposé mille fois
le saint des saints, on voyait avec horreur
l'abomination de la désolation , et bien sou
vent les statues honteuses du paganisme.
IOO TMOMPHK
Pie VII , dans sa sagesse , résolut d'y faire
fleurir la religion flétrie; et après avoir as
semblé sa cour, et avoir long-temps medité
devant Dieu et devant les hommes, crut
qu'il était nécessaire de rétablir l'Eglise gal
licane, et que le moyen le meilleur et le
plus solide était de faire une nouvelle orga
nisation. Tout homme de génie sera d'avis
que, pour l'aire une organisation nouvelle
il faut renverser la précédente : c'est ce qoi
était nécessaire et indispensable alors; c'est
ce que fit cet illustre souverain pontrfe,
d'accord avec le premier consul de la répu
blique française.
Comme il y avait peu d'ecclésiastiques en
France , qu'il n'y avait point de revenus
pécuniaires , que tous les biens du clergé
avaient été vendus , et qu'une grande partie
avait passé dans les mains de plusieurs pro
priétaires, il décida d'établir dix métro
poles et cinquante évéchés , en supprimant
d'abord toutes les prélatures existantes. Ceci
était dicté par la sagesse la plus pure ; nous
pouvons nous en convaincre par la bulle
magnifique de Pie VII, qui sera un monu
DE L ÉGLISE. IOI
meut éternel de son zèle éclaire, que la pos
térité eéléhrera toujours avec pompe.
DECHET ET BULLE
Pour la nouvelle circonscription des Diocèses.
« Nous , Jean-Baptiste Caprara, cardinal,
prêtre de la sainte Eglise romaine , du titre
de Saint-Onuphre , archevêque , évêque
d'Yesi , légat à latere de notre saint-père le
pape Pie VII, et du Saint-Siége apostolique,
auprès du premier consul de la république
française ;
«A tous les Français , Salut en Notre-
Seigneur.
» Pie Vil, par la divine Providence, sou
verain pontife, voulant concourir au réta
blissement du culte public de la religion ca
tholique et conserver l'unité de l'Eglise en
France, a solennellement confirmé par ces
lettres apostoliques scellées en plomb, com
mençant par ces mots : Ecclesia Christi, et
données à Rome à Sainte-Marie-Majeure ,
i02 TRIOMPHE
le 18 des calendes de septembre, l'an de
l'incarnation -1801, le second de son ponti
ficat , la convention conclue entre les plé
nipotentiaires de Sa Sainteté et ceux du gou
vernement français ; et comme dans ces
mêmes lettres Sa Sainteté a ordonné qu'il se
rait fait une nouvelle circonscription des
diocèses français, elle a voulu procéder à
cette nouvelle circonscription par les let
tres apostoliques , scellées en plomb , dont
la teneur suit :
» Pie,évêque, serviteur des serviteurs de
Dieu, pour en conserverie perpétuel sou
venir;
» Le pontife , qui remplit sur la terre les
fonctions de représentant de Jésus-Christ,
et qui est établi pour gouverner l'Eglise de
Dieu , doit saisir avidement toutes les oc
casions qui se présentent , et tout ce qu'elles
offrent d'utile et de favorable pour ramener
les fidèles dans le sein de l'Eglise, et pour
prévenir les dangers qui pourraient s'élever,
afin que l'occasion perdue ne détruise pas
la juste espérance de procurera la religion
les avantages qui peuvent contribuera son
triomphe.
DE LÉGLISE. lo3
« Tels sont les motifs qui, dans les der
niers mois , nous ont engagés à conclure et
signer une convention solennelle, entre le
Saint-Siége et le premier consul de la répu
blique française. Ce sont encore ces mêmes
motifs qui nous obligent à prendre mainte
nant une délibération ultérieure sur ce même
objet, qui, si elleétait plus long-temps dif
férée, entraînerait après elle de très-grands
malheurs pour la religion catholique, et
nous ferait perdre cet espoir flatteur, que
nous n'avons pas témérairement conçu, de
conserver l'unité catholique au milieu des
Français.
«Pour procurer" un aussi grand bien,
nous avons, dis-je, résolu de faire une nou
velle circonscription des diocèses français,
et d'établir, dans les vastes états qui sont
aujourd'hui soumis à la république fran
çaise, dix métropoles et cinquante évéchés.
» Le premier consul doit nommer à ces
siéges, dans les trois moia qui suivront la
publication de nos lettres apostoliques, des
hommes capables et dignes de les occuper,
et nous avons promis de leur donner l'ins
titution canonique, dans les formes usitées
Io4 TRIOMPHE
pour la France , avant cette époque. Mais
nous étions bien éloignés de penser que
nous fussions pour cela obligés de déroger
au consentement des légitimes évêques qui
occupaient précédemment ces siéges, vu que
leurs diocèses devaient être totalement chan
gés par la nouvelle circonscription, et re
cevoir de notre part de nouveaux pasteurs.
» Nous les avions invités d'une manière
si pressante, par nos lettres remplies d'af
fection et de tendresse, à mettre par ce der
nier sacrifice le comble à leur mérite précé
demment acquis, que nous espérions rece
voir de leur part la réponse la plus prompte
et la plus satisfaisante; nous ne doutions
pas qu'ils ne remissent librement, et de
plein gré, leurs titres et leurs Eglises entre
nos mains.
» Cependant, nous voyons avec la plus
vive amertume que, si d'un côté les libres
démissions d'un grand nombre d'évêques
nous sont parvenues, d'un autre côté celles
de plusieurs autres évêques ont éprouvé du
retard, ou leurs lettres n'ont eu pour objet
que de développer les motifs qui tendent à
retarder leur sacrifice.
DE LÉGLISE. I05
» Vouloir adopter ces délais, ce serait
exposer la France, dépouillée de ses pas
teurs, à de nouveaux périls; non-seulement
le rétablissement de la religion catholique
serait retardée, mais, ce qui est à remar
quer, sa position deviendrait de jour en
jour plus critique et plus dangereuse, et
nos espérances s'évanouiraient insensible
ment. Dans cet état de choses, c'est pour
nous un devoir, non-seulement d'écarter
les dangers qui pourraient s'élever, mais
encore de préférer à toute considération,
quelque grave qu'elle puisse être, la con
servation de l'unité catholique et celle de
la religion , et de faire , sans délai, tout ce
qui est nécessaire pour consommer l'utile
et glorieux ouvrage de sa restauration.
» C'est pourquoi , de l'avis de nos véné
rables confrères les cardinaux de la sainte
Eglise romaine , nous dérogeons à tout con-.
sentement des archevêques et des évêques
légitimes des chapitres, et des différentes
Eglises , et de tous les autres ordinai
res, etc., etc.
» En sorte que les différentes Eglises
archi-épiscopales . épiscopales et cathé
IOÔ TRIOMPHE
drales, et les diocèses qui en dependent,
soit en totalité, soit en partie, suivant la
nouvelle circonscription qui va être établie,
doivent être regardés et sont dans la réalité
libres et vacans, de telle sorte que l'on
puisse en disposer de la manière qui sera
ci-dessous indiquée.
» Considérant donc comme exprimé de
droit, dans les présentes lettres apostoliques,
tout ce qui doit être nécessairement con
tenu , nous déclarons annuller, supprimer
et éteindre à perpétuité tout l1état présent
des Eglises archi-épiscopales etépiscopales,
ci-après désignées, avec leurs chapitres,
droits, priviléges et prérogatives, de quel
que nature qu'ils soient; savoir :
» L'Eglise archi-épiscopale de Paris ,
avec ses suffragans; les évéchés de Chartres,
Meaux , Orléans et Blois , etc. , etc. , etc. »
Il serait trop long de rapporter ici tous
les archevêchés, qui étaient au nombre de
vingt-trois, et les évéchés, qui étaient au
nombre de cent trente-cinq environ.
Continuons la suite de la bulle , et nous
l'admirerons de plus en plus.
« En sorte que, sans excepter le droit des
DE L ÉGLISE. 107
metropoles, quels qu'ils soient et quelque
part qu'ils soient, tous les susdits archevê
chés, évéchés, abbayes mêmes indépen
dantes, et dont le territoire n'appartient à
aucun évéchi, doivent être considérés, avec
leur territoire et leur juridiction , comme
n'existant plus dans leur premier état, parce
que ces titres, ou sont éteints, ou vont être
érigés sous une nouvelle forme , etc. , etc. »
Il est donc clair qu'il était impossible,
à cette époque, de faire occuper digne
ment tous les siéges vacans des Eglises de
France; il était absolument nécessaire de
les aunuller pour établir une nouvelle orga
nisation ; voilà pourquoi la bulle continue.
« Notre dessein étant de terminer, sui
vant les désirs que nous a exprimés le pre
mier consul de la republique française, l'é
tablissement du régime ecclésiastique, dans
tout ce qui est urgent et nécessaire, nous
déclarons établir, et parles présentes lettres
nous érigeons de nouveau en France dix
églises métropolitaines et cinquante siéges
épiscopaux, savoir :
» L'église métropolitaine et archiépis
copale de Paris, et les nouveaux évéchés
Iû8 TRIOMPilE
de Versailles, de Meaux, dWmiens , etc.
etct. , etc.
» Nous mandons en consequence et or
donnons à notre cher fils Jean Baptiste
Caprara, cardinal de la sainte Eglise ro
maine... de procéder de suite à retablisse
ment des églises archi-episcopales et épis-
copales que nous venons d'ériger , suivant
la forme que nous avons adoptée dans cette
érection, en assignantà chacun des archevê
ques et évêquescequi doit lui appartenir.
» En assignant le patron ou titulaire spé
cial de chaque diocèse, sous l'invocation
duquel la principale église est consacrée a
Dieu; les dignités et membres de chaque
chapitre, qui doit être formé suivant les
règles prescrites par les canons des saints
concdes ; l'arrondissement et les limites
précises de chacun des diocèses, le tout
expliqué par lui de la manière la plus
claire, et la plus distincte, dans tous les
décrets ou actes qu'il fera pour l'établisse
ment desdits archevêchés au nombre de
dix et de cinquante autres évêchés.
» Nous lui conférons à cet effet les pou
voirs les plus amples, avec la faculté de
DE L ÉGLISE. 109
les sub-léguer; nous lui donnons en outre
toute l'autorité, dont il a besoin pour ap
prouver et confirmer les statuts des cha
pitres, pour leur accorder les marques
distinctives , qui peuvent leur convenir ;
pour supprimer les anciennes paroisses,
les resserer dans des bornes plus étroites ,
ou leur en donner qui soient plus étendues;
en ériger de nouvelles et leur assigner de
nouvelles limites; pour décider toutes les
contestations qui pourraient s'élever dans
l'exécution des dispositions consignées dans
nos présentes lettres apostoliques, et géné
ralement le pouvoir de faire tout ce que
nous ferions nous-même pour pourvoir le
plus promptement possible aux pressans
besoins des fidèles catholiques de France ,
par l'érection desdites Eglises archiépisco
pales, par l'établissement des séminaires ,
dès qu'il sera possible, et par celui des pa~
roisses devenu nécessaire, en leur assignant
une portion convenable à toutes, etc.
» Nous voulons aussi qu'on ajoute aux
copies des présentes, même imprimées, si
gnées de la main d'un notaire ou officier
public, et scellées du sceau d'une personne
I II) TRIOMPHE
constituée en dignite ecclésiastique , la
même foi qu'on ajouterait aux présentes .
si elles étaient représentées et montrées en
original.
» Qu'il ne soit donc permis à aucun
homme d'enfreindre ou de contrarier, par
une entreprise téméraire, cette bulle de
suppression, extinction, érection, établis
sement , concession , distribution de pou
voir, commission , mandement , décrets de
gradation et volonté. Si quelqu'un entre
prend de le faire , qu'il sache qu'il encourra
l'indignation du Dieu tout-puissant et des
bien-heureux saint Pierre et saint Paul.
». Donné à Rome, à Sainte-Marie-Ma
jeur, l'an de l'incarnation 1801, le 3 des
calendes de décembre , la seconde année
de notre pontificat.
Signé, A. Card. Prod. ; R. Card.
Braschi Onesti.
Visa de Curie, J. Mahasseï.
Cette Bulle est à mon avis un chef-
d'œuvre de sagesse dicté par l'esprit
saint , par l'amour de la paix , par le zèle le
plus pur et le plus circonspect; et je ne puis
DE L ÉGLISE. I I I
point m'imaginer , comment il peut y avoir
des hommes si aveugles pour ne pas en ad
mirer la beaute, la grandeur, et Futilite.
Par cette grande et magnifique œuvre
une infinité de citoyens qui étaient préve
nus contre la religion, ne pouvaient point
être épouvantés du rétablissement de l'E
glise amené avec tant de sagesse, et ne pen
saient point à se soulever contre une si sage
ordonnance ; mais au contraire ils étaient
portés à l'accueillir favorablement. Pie VII
réunit trois grandes merveilles ensemble
dans cette grande œuvre ; il rétablit la reli
gion avec peu de prélats, sans beaucoup
de revenus, et en ménageant les esprits de
puis long-temps aigris contre l'Eglise. C'est
ce qu'on a droit d'appeller un véritable
chef-d'œuvre de sagesse.
La religion depuis si long-temps ense
velie dans les ténèbres de l'oubli, sortit du
milieu de ses ruines , recommença à faire
flotter ses étendards; on vit les temples ou
verts réprendre leur première beauté , les
peuples en foule y volaient avec un vrai
transport d'allégresse, des cantiques de ju
bilation et d'actions de grâces faisaient re
I I i TRIOMPHE
tentir les lieux saints depuis si long-temps
deserts. Les autels renversés renaquirent du
milieu de la poussière, furent parés de la
grandeur et de la magnificence conve
nables, les sacrifices commencerent à s'of
frir avec une pompe éclatante. Les fidèles
se hâtèrent de renouveller la ferveur de leur
âmes; beaucoup de chrétiens endurcis res-
sucitèrent à la vie de la grâce , les impiétés
s'affaiblirent, les blasphèmes contre Dieu
s'appaisèrent, les anciennes coutumes reli
gieuses commencèrent à fleurir; enfin la
France entière ne formait qu'ut, concert
merveilleux de louanges, et d'actions de
grâces envers le Dieu de miséricorde, qui
leur apportait le bonheur et la paix , et en
vers les instrumens admirables de la divine
Providence.
Pour rendre cette œuvre plus belle, plus
glorieuse , pour mettre le sceau à la restau
ration de l'Eglise, cet illustre souverain-
pontife ayant lieu d'appréhender que les
fêtes obligatoires hebdomadaires ne fus
sent un objet de scandale pour un grand
nombre de fidèles pusillanimes, fit publier
l'indult qui suit :
DE LÉGLISE. I I J
INDULT
Pour la rédaction des Fêtes.
Nous Jean Baptiste Caprara cardinal,
prêtre de la Sainte-Eglise romaine du titre
de Sainte-Onuphre , archevêque, évêque
d'Iési, légat a latere de notre très saint père
le pape Pie VII , et du Saint-Siége aposto
lique. Auprès du premier consul de la ré
publique Française.
» Le devoir du Siége apostolique qui a
été chargé par notre Seigneur Jésus-Christ
du soin de toutes les églises, est de modé
rer l'observance de la discipline ecclésias
tique , avec tant de douceur et de sagesse ,
quelle puisse convenir aux différentes cir
constances des temps et des lieux.
» Notre saint père le pape Pie VII, par
la divine Providence , souverain pontife ,
avait devant les les yeux ce devoir, lorsqu'il
a mis au nombre des soins qui l'occupent ,
à l'égard de l'Eglise de France, celui de
réfléchir sur ce qu'il devait statuer , tou
chant la célébration des fêtes dans ce nou
8
I I 4 TRIOMPHE
vol ordre de choses. Sa Sainteté savait par
faitement que dans la vaste étendue des
pays qu'embrasse le territoire de la répu
blique française, on n'avait pa* suivi par
tout les mêmes coutumes; mais que dans
les diverses diocèses , des jours de fêtes dif-
férens avaient été observés.
» Sa Sainteté observait de plus que les
peuples soumis au gouvernement de la
mêmerépublique, avaientle plus grand be
soin■, après tant d'événemens et tant de
guerres, de réparer les pertes qu'ils avaient
faites pour le commerce , et pour les autres
choses nécessaires à la vie, ce qui devenait
difficile par l'interdiction du travail aux
jours de fêtes, si le nombre de ses jours
n'était diminué. Enfin elle voyait, et ce
n'était point sans une grande douleur , elle
voyait que, dans ce pays, les fêtes jusqu'à
ce jour n'avaient pas été observées partout
avec la même piété; d'où il résultait en plu
sieurs lieux un grave scandale pour les
âmes pieuses et fidèles.
» Après avoir examiné et mûrement pesé
toutes ces choses, il a paru qu'il serait avan.
tageux pour le bien de la religion et de l'é
DE l/ÉGLlSE. I l5
tat, de fixer un certain nombre de jours de
fêtes, le plus petit possible , qui seraient
gardees dans tous le territoire de la répu
blique, de manière que tout ceux qui sont
régis par les mêmes lois, fussent également
soumis à la même discipline; que la réduc
tion de ces jours vint au secours d'un grand
nombre de personnes , dans leurs besoins ,
et que l'observation des fêtes conservées en
devint plus facile.
« En conséquence , et en même temps
pour se rendre aux désirs et aux demandes
du premier consul de la république, à cet
égard, Sa Sainteté nous enjoint, en notre
qualité de son légat a latere , de déclarer,
en vertu dela plénitude de la puissance apos
tolique , que le nombre de jours de fêtes ,
autres que les dimanches, sera réduit au*
jours marqués dans le tableau que nous met
tons au bas de cet indult . de manière qu'à
Vavenir tous les habitans de la même répur
blique soient sensés exempts , et que réelle
ment ils soient entièrement déliés , non-seu
lement de l'obligation d'entendre la mes,$e,
et de s'abstenir des œuvres serviles aux au
tres jours de fêtes; mais encore de l'obligar
I l6 TRIOMPHE
tion du jeûne aux veilles de ces mêmes
jours.
i. Elle a voulu cependant que dans au
cune église rien ne fût innové dans l'ordre
et le rit des offices et des cérémonies qu'on
avait coutume d'observer aux fêtes mainte
nant supprimées et aux veilles qui les pré
cèdent; mais que tout soit entièrement fait
comme on a coutume de faire jusqu'au mo
ment présent, exceptant néanmoins la fête
de l'Epiphanie de Notre-Seigneur, la Fête-
Dieu, celle des apôtres saint Pierre , saint
Paul, et celle des saints patrons de chaque
diocèse et de chaque paroisse, qui se cé
lèbreront partout le dimanche le plus pro
che de chaque fête.
» En l'honneur des saints Apôtres et des
saints Martyrs, Sa Sainteté ordonne que
dans la récitation, soit publique, soit pri
vée , des heures canoniques, tous ceux qui
sont obligés à l'office divin, soient tenus de
faire , dans la solennité des apôtres saint
Pierre, saint Paul, mémoire de tous les
saints apôtres, et dansla fête de saint Etienne,
premier martyr, mémoire de tous les saints
martyrs, on fera aussi ces mémoires dans
t,li L EGLISE. 1 in '
toutes les messes qui se célèbreront ces
jours-là.
»Sa Sainteté ordonne encore que l'anni
versaire de la dédicace de tous les Temples
érigés su rle territoire de la république, soit
célébrée dans toutes les églises de France ,
le dimanche qui suivra immédiatementl'oc-
tave de la Toussaint.
» Quoiqu'il fût convenable de laisser sub
sister l'obligation d'entendre la messe aux
jours des fêtes qui viennent d'être suppri
mées, néanmoins Sa Sainteté , afin de don
ner de plus en plus de nouveaux témoigna-
gnesde sa condescendance envers la nation
française, se contente d'exorter ceux prin
cipalement qui ne sont point obligés de vi
vre du travail des mains, à ne pas négliger
d'assister ces jours-là aux saints sacrifices
de la messe.
» Enfin Sa Sainteté attend de la religion
et de la piété des Français, que plus le nom
bre des jours de fêtes et jours de jeûnes sera
diminué, plus il observeront avec soin, zèle
et ferveur le petit nombre de ceux qui res
tent, rappelant sans cesse dans leur esprit
que celui-là est indigne du nom Chrétien ,
I l8 TRIOMPHE
qui ne garde pas comme il le doit les Com-
mandemens de Jésus-Christ et de son Eglise;
car, comme l'enseigne l'apôtre saint Jean :
Quiconque dit qu'il connaîtDieu et n'observe
pas ses Commandemens, , est un menteur, et
la vérité n'estpas en lui.
» Les jours de fêtes qui seront célébres
en France, outre les dimanches, sont:
» La Naissance de Notre-Seigneur Jésus-
Christ;
» L'ascencion;
» L'Assomption de la très-sainte Vierge;
» La fête de tous les Saints.
» Donné à Paris, en la maison de notre
résidence, ce jourd'hui 9 avril 18o3.
• J. B. Card. Gapbaha, Légat;
» J. A. Sala, Secrétaire de
la Légation apostolique. „
On voit évidemment que ce fut par le
conseil de l'Esprit saint que ce grand pon
tife daigna accorder alors l'indulgence que
nous venons d'admirer, et dans laquelle est
incluse l'abrogation des fêtes obligatoires
hebdomadaires.
DE L'ÉGLISE. 1 19
Dans ces temps malheureux, tout ordre
moral était renversé, le mépris de la religion
régnait avec empire. Les saints jours des di
manches et des l'êtes étaient profanés avec
impiété : on faisait gloire de livrer au fléau
du ridicule les religieux observateurs des
jours solennels consacrés à l'honneur des
bienheureux, et à la gloire du Dieu puissant
du ciel et de la terre.
L'indigence s'unissant à la faiblesse
de la vertu, aurait pu plonger beaucoup
de Chrétiens pusillanimes dans les voies
perverses du monde , et les empêcher de
marcher d'un pas ferme et solide dans le
chemin du ciel : cette abrogation fut donc
pour eux un aiguillon admirable , dont le
ciel voulut faire grâce par l'entremise de ce
pontife vénérable.
Il couronna l'œuvre en introduisant dans
cet ordre nouveau et pacifique quatre gran
des solennités : celle de ta naissance du Sau
veur, son ascension triomphante dans les
d'eux, l'assomption glorieuse de Marie dans
la gloire céleste, le jour solennel de tous
les bienheureux. 0 c'est ici que j'admire
Rome chrétienne , que je contemple avec
1.20 TMIOMPHE
ravissement la droite du Seigneur qui l'en
vironne sans cesse de sa puissance!
Ces quatre grands jours, qui ne semblent
qu'un grain de poussière aux yeux d'un fa
natique exalté , sont un des plus beaux, des
plus sublimes dessins, que l'homme, sage
ment religieux, puisse concevoir. Il em
brasse pleinement la profession ostensible
de toute la religion , que fait gloire de pro
fesser la sainte Eglise catholique, aposto
lique et romaine , dans tout son éclat et
dans toute sa pompe.
On ne peut point l'ignorer, on est forcé
de l'avouer , cette époque sera toujours re
gardée dans les grandes histoires de France
comme une des époques les plus célèbres
et les plus glorieuses à la religion ; elle fera
toujours, dans tous les siècles futurs, l'ad
miration des religieux , des sages, et des sa-
vans les plus distingués.
Que vit-on naître de ce prodige si écla
tant? Une secte d'aveugles qui ne voulurent
point prendre part à un si beau triomphe.
Oui, malheureusement, les puristes, dans
leur exaltation fanatique, osèrent appeler
ces merveilles opérées en France , une pré
UK L'ÉGLISE. 22 i
varication ; osèrent publier secrètement que
la sainte Eglise romaine s'était égarée et
corrompue, et que le chef auguste de l'E
glise avait dissipé toutes ses richesses spiri
tuelles; que les évêques de France, placés
légitimement par le Saint-Siége , étaient des
intrus téméraires. Tous les jours , dans leur
assemblée clandestine, ils vomissent mille
noires calomnies contre les légitimes suc
cesseurs de saint Pierre et de ses apôtres.
On peut assurer que ces chismatiques
sont remplis d'un caractère bizarre . origi
nal et superbe, dépourvus autant d'un es
prit solide que d'une science féconde. S'ils
n'aperçoivent point le flambeau de la vé
rité éclatante que je leur offre avec simpli
cité, je ne craindrais pas, avec l'aide de
Dieu, de le leur montrer publiquement
dans le lieu qu'ils voudront m'assigner (1) ;
je n'accepterai ce combat religieux que
dans l'unique but de les convertir à Dieu ,
de sauver leur ame et de les rendre heu
reux sur la terre et dans le ciel.
Il faut néanmoins que j'avoue une chose
(i) J'ai donné mon adresse dans nia préface.
1'1'2 TRIOMPHE
qui me navre le cœur; c'est que parmi ces
victimes de l'erreur on voit des Chrétiens
aimables , ornés de mille heureuses qua
lités, et même des prêtres, qui, avec de
l'esprit et de la science, ont été introduits
dans cette secte vile et honteuse par fai
blesse et sans malice , n'y ont été entraînés
que par l'esprit pervers de leur coryphée.
Oh ! qu'ils sont dignes de compassion, ohl
que je les plains sincèrement! Ah! si je
pouvais leur adresser la parole ; je leur di
rais du fond de mon cœur : Mes frères
bien aimés, vous êtes plongés dans l'abîme
éternel , si vous ne cherchez point à vous en
arracher au plutôt. Où cherchez-vous votre
salut? Vous le cherchez où il n'est pas;
vous vous laissez envelopper du manteau
brillant de l'erreur mensongère. Au nom du
Dieu trois fois saint , je vous l'assure , vous
êtes hors du bercail du véritable pasteur;
vous n'avez au milieu de vous que des loups
féroces qui se nourrissent des brebis le? plus
tendres, et qui se font un plaisir barbare
de répandre dans votre esprit docile les té
nèbres de l'erreur.
Profitez du temps précieux que le Sei
DE L'ELISE. 123
gneur vous accorde pour revenir à lui dans
toute la sincérité de votre aine, pour ad
mirer la lumière du ciel qui vous éclaire.
Quel dommage que vous vouliez vous per
dre, vous qui jusqu'ici avez offert tant de
magnifiques sacrifices au Seigneur pour
vous sauver! Pensez sérieusement devant
Dieu à la grande affaire de votre salut, Dieu
vous bénira et vous arrachera le bandeau
fatal qui couvre vos yeux , vous montrera
la vrai étoile de Jacob , :ifin que vous puis
siez un jour jouir des délices de la Jérusa
lem céleste.
Portez vos regards sur l'arche sainte de
la nouvelle alliance que Dieu conserve de
puis tant de siècles sur la pierre romaine,
malgré les tempêtes de la mer orageuse qui
mugit sans cesse contre elle sans l'ébranler.
Pénétrés d'un profond repentir, proster
nez-vous au pied de ce nouveau mont Sinaï,
où le Dieu tout-puissant, par l'entremise
de son prophète , nous donne ses lois bé
nignes au milieu de la foudre et des éclairs.
Admirez le voyant de nos jours qui nous
explique magnifiquement la loi que Dieu
lui inspire; considérez avec ravissement,
12-4 TRIOMPHE
au milieu du Capitole , l'étendard de la
croix qui y brillera éternellement; contem
plez le prince des apôtres qui, à l'exemple
du Sauveur , se nommant le serviteur des
serviteurs au milieu de la splendeur et de
la pompe qu'il méprise, dirige paisible
ment en père l'univers chrétien , qui l'en
vironne de toute sa vénération.
DE L EGLISE. 12.'
CHAPITRE 11.
Réfutation de l'Hérésie de Oegger , ancien premier vicaire de
la cathédrale de Paris (1).
La France , qui depuis plus d'un siècle
n'avait point vu d'hérésiarque , ne pensait
point à en voir naître de son sein ; elle sem
blait même n'en voir jamais paraître an mi
lieu de l'assoupissement des Chrétiens re-
làchés et timides qui paraissent incapables
d'embrasser un parti formidable. C'estnéan-
moins à ce moment de calme et de paix que
(1) .Te me fais volontiers un vrai plaisir de rendre hommage
à Mgr. l'Archevêque de Paris, Pair de France, membre de
l'Académie française, y occupant, par son génie et par son
zélé, le fauteuil de Fénélon. Il n'est nullement cause de
la désertion de M. Oegger, Sa Grandeur a fait au contraire tout
ce qu'elle a pu pour le conduire au chemin de la vérité, et
aujourd'hui même elle le recevrait comme l'enfant prodigue ,
selon l'Évangile. Voila ce que j'ai entendu dire d'une personne
de mérite.
J^6 TRIOMPHE
les hommes savans et religieux ont vu avec
un grand étonnement un prêtre elevé àl'om
bre de nos autels , nourri depuis longues
années de leurs dons et de leurs grâces ,
prendre les armes contre l'Eglise, déchirer
son sein maternel , lever l'étendard de la
révolte contre elle , devant tout Israël.
Cet aveugle téméraire , environné de per
fides séducteurs dans sa désertion, croupis
sant dans l'erreur pendant quelques an
nées , a osé réunir tous les efforts de sa
plume de fer pour enfanter une hérésie
monstrueuse , afin de conquérir une gloire
imaginaire.
Il ne s'est point contenté de la produire
au grand jour sous tous les dehors qui lui
ont parus magnifiques et brillans , de faire
paraître son ouvrage dans toute la France,
et même dans l'Europe, il a- porté l'audace
plus loin ; il a osé demander au gouverne
ment un temple pour y exercer solennel
lement son ministère , pour y accueillir fa
vorablement et y réunir, avec un avantage
éclatant , les ames faibles et ignares qui
voudraient prêter une oreille attentive à sa
voie séductrice.
DE L ÉGLISE. i2 7
Comme à l'instant où ou a vu uaitre cet
héresiarque, nul sage ne pensait qu'il fût
jamais capable de se montrer tel aux yeux
de tous les hommes, ifaurait-on pas lieu
de croire aujourd'hui que , lorsqu'on y
pensera le moins , il ne réussisse à faire
tomber cruellement dans ses piéges un
grand nombre d'aveugles, toujours bien
précieux aux yeux du Seigneur? C'est pour
prévenir ce grand malheur, pourfaire bril
ler à ses yeux le flambeau de la vérité , lui
frayer le chemin du ciel , que j'entreprends
de dévoiler sagement ses erreurs funestes à
la société chrétienne.
Il divise son ouvrage en deux parties :
en dogme et en morale : Dans le dogme,
pour enchanter et ravir les amateurs des
nouveautés , il commence à publier avec
les transports d'une feinte allégresse , la
divinité du Sauveur , l'exalte dans tout
l'éclat de sa gloire , avec tout le ravis
sement d'un faux prophète ; il renverse avec
impiété et emphase la Trinité , en jetant du
ridicule sur ce dogme auguste enseigné par
les apôtres; il essaie de prouver son système
par l'ancien et le nouveau Testament : voilà
i2 8 TRIOMPHÉ
les fondcmens sur lesquels repose sa reli
gion nouvelle.
Sa morale est fort douce : il renverse avec
une haine farouche la confession . la fait
regarder comme contraire à l'avancement
spirituel, tandis que les Protestans même,
conseillent d'y recourir comme à une pis
cine salutaire , qui porte dans Pame des pé
cheurs contrits le baume de la paix. Il s'ef
force de faire voir que tous les péchés sont
égaux, et que les peines spirituelles de l'en
fer auront des bornes.
Il vomit des calomnies contre les apôtres,
contre l'Eglise et ses chefs augustes et véné
rables. Il va plus loin, il porte son exaltation
fanatique jusqu'à dire que la vérité n'a été
aperçu, dans aucun temps, nulle part, dans
aucune secte, ni chez les Protestans , ni
même dans l'Eglise romaine, et qu'il n'y a
que lui qui l'a trouvé aujourd'hui. Voilà,
en peu de mots, toute l'étendue de l'hérésie
de notre prétendu prophète ; je vais tâcher
de montrer au grand jour la fausseté des
principes sur lesquels il prétend l'appuyer
solidement.
DE L ÉGLISE. I 29
ARTICLE PREMIER.
Fausseté de ses principes.
Pour faire paraître sa prétendue vérité
avec quelque faux éclat éblouissant, il a
cherché divers moyens qui pussent paraître
plausibles aux yeux de certains hommes : il
a été recourir aux hiéroglyphes égyptiens ;
par ce moyen il donne à FEcriture-Sainte
le sens qui lui est le plus propice pour édi
fier et embellir son système; il prétend
même que les hiéroglyphes égyptiens et
païens, sont l'unique moyen de découvrir les
grandes vérités chrétiennes.
II. pose la puissance de son système sur le
système de M. Champollion; je conviens
que cet auteur moderne est très - savant
dans les hiéroglyphes égyptiens, qu'il y
a fait même de très -grandes découvertes
et -que, quoique plusieurs autres auteurs
l'aient contrarié, ses ouvrages ont pour but
des caractères et des figures vraiment hiéro
glyphiques, tandis que M. Oegger veut trou
IJJO TRIOMPHE
ver, ou veut mettre des hiéroglyphes dans
les mots, dans les paroles qui portent par
elles-mêmes des significations , mais jamais
des hiéroglyphes , soit dans la langue fran
çaise, soit dans la latine , soit dans la grec
que, etc.
Ce n'estque dans la languehébraïque que
ces figures hiéroglyphiques existent, mais
il faut en avoir fait une élude particulière
pendant tout le cours de sa vie pour en
connaître tout le prix , or , M. Oegger pos-
sède-t-il dans un degré éminenl cette lan
gue difficile ? Non sans doute , et l'on voit
aisément, par la citation de quelques mots,
quljl n'en a qu'une légère connaissance.
Supposez même qu'il sut l'entendre, l'ex
pliquer et la parler dans un suprême degré :
tout homme sage et savant aurait droit
d'appréhender que cet individu ne plon
geât les hommes dans une abîme d'erreurs
épouvantables, en arrachant de l'Ecriture-
Sainte, écrite en hébreu, une doctrine nou
velle qui n'a point paru jusqu'à nos jours, et
de nouveaux principes que les hommes les
plus savans n'y ont jamais aperçus.
Je n'ignore pas que Moïse à employé
de l'église. 131
dans certains mots , trois sens distincts , l'un
propre, l'autre figuré, et le troisième hié
roglyphique.
Heraclite a parfaitement exprimé la dif
férence de ces trois styles , en les désignant
par des épithètes. Les deux premières ma
nières, qui consistaient à prendre les mots
dans le sens propre ou figuré, étaient ora
toires; mais le troisième ne pouvait rece-
voirsa forme hiéroglyphique qu'au moyen
des caractères dont les mots étaient com
posés , n'existaient que pour les yeux et ne
s'employaient qu'en écrivant.
Moïse, initié dans tous les mystères du
sacerdoce égyptien , s'est servi avec un
grand avantage de ces trois manières , sa
phrase est presque toujours rendue de ma
nière à offrir trois sens : mais les interpré
tes les plus savans, qui ont traduit les li
vres saints écrits en hébreu , soit de Moïse ,
soit des autres prophètes, étaient des hom
mes qui mûris par l'expérience, et versés
dans les connaissances entières de cette lan-
langue difficile, en connaissaient alors les
hiéroglyphes mieux qu'aucun savant de nos
jours, puisque la langue hébraïque est une
l3z TRIOMPHE
langue morte, qu'on ne cultive presque
point, ou bien très-faiblement aujourd'hui.
Ces interprêtes dont je veux parler sont
ceux qui , étant au nombre de soixante-
dix, sans se voir , sans se parler, étant
séparés, traduisirent miraculeusement l'an
cien Testament dans le même sens de l'hé
breu en grec , et c'est ce qu'on a appelé
depuis lors la version des Septantes.
La Vulgate que nous possédons en latin ;
qui est répandue dans tout l'univers chré
tien , et qui a été déclarée authentique par
le concile de Trente, est entièrement d'ac
cord avec la version des > eptantes.
Voilà les traductions fidèles qui nous con
servent la vérité sans la dégrader, et qui mé
ritent notre vénération et notre croyance.
Voilà l'autorité qui a droit d'expliquer les
livres saints écrits en hébreu , et ce n'est
pas à un simple individu comme Oegger à
venir nous donner une nouvelle explica
tion dans une langue qu'il ne connaît pas-
Quant aux langues grecque, latine , fran
çaise et autres, elles peuvent avoir un sens
ou naturel, ou moral, ou mystérieux, ou
figuré, etc.; mais elles n'ont jamais des
iîe l'égmse. t33
figures hiéroglyphiques* Aucun savant n'a
droit de donner à un mot un sens differend
de celui que lui donne sa langue propre ,
tandis que M. Oegger prétend le contraire.
Tputniqt, toute parole, ne peut avoir
que le sens que lui donne la convention
que les hommes d'une nation font entre
eux, et tout homme n'a le, droit de donner
un sens à un mot que d'après les lexipo-
graphes approuvés dans sa nation. Ainsi
M. Oegger, qui prétend qvi'pn peut donner
à un mot, par des hiéroglyphes qu'il ap
pelle la langue de la nature , un sens dif
férend de celui que lui donne la langue
propre , est entièrement enseveli dans les
ténèbres de l'erreur, et ses principes sont
évidemment faux. : . . . .,
,, Qu'il y ait dans les paroles un sens mys
térieux , figuré, moral, etc., on ne peut pas
en disconvenir et on ne peut 'pas le conr
naître sur un mot, mais uniquement d'a
près un livre, ou d'après un chapitre. Il
faut avoir soin de bien observer alors qu'un
homme sage , qui cherche son salut dans
l'Ecriture-Sainte , ne doit jamais se fier à
son explication propre , et même à l'expli
l34 TRIOMPHE
cation d'un savant , parce que l'homme est
faillible et capable par sa faiblesse d'abon
der dans son sens, quelques lumières qu'il
puisse avoir.
La raison dicte au vrai savant que le
«îoyen le plus sûr de ne pas tomber dans
l'erreur et de connaître le veritable sens de
l'Ecriture - Sainte , c'est de suivre le sens
approuvé, publié depuis dix-huit cents ans
par la société la plus nombreuse , la plus
ancienne, la plus religieuse et la plus sa
vante; or, cette société est la sainte Eglise
catholique, apostolique et romaine.
1°. Je dis d'abord la plus nombreuse; en
effet, quelle société pourra être plus ré
pandue sur toute la terre que celle dont
nous nous enorgueillissons d'être les en-
fans bien aimés : c'est elle qui règne avec
modestie dans toutes les contrées de l'Amé
rique , de l'Afrique , de l'Asie , de l'Europe ,
de la Chine , de l'Allemagne , de l'Angle
terre, qui a des adorateurs partout, et sur
tout en Espagne, en France et en Italie, où
elle brille d'un vif éclat.
2". La plus ancienne; car les sectes in
finies qui ont paru dans diverses régions
de l'égl1se. i35
n'ont pris leur origine que dans la sainte
Eglise , quelque temps après que la 'erre
entière a admiré le pompeux établissement
du Christianisme romain qui l'environnait
de toute sa gloire.
3*. La plus religieuse, parce que depuis
l'aurore de ses premiersjoursjusqu'àprésent
elle a constamment annoncé la doctrine la
plus pure, la plus sûre et la plus sage,
étant parfaitement d'accord avec la raison ,
elle cherche à convaincre les hommes pour
les rendre heureux sur la terre et dans le
cieli, n'emploie d'autres armes pour les con
quérir au doux empire de la religion de
Jésus-Christ que la douceur, la tolérance
et la force de la vérité ; qui fait sa toute-
puissance.
C'est elle seule qui prend toujours le parti
le plus sûr dans toutes les décisions qu'elle
donne , et surtout dans la foi qu'elle pres
crit, sans laquelle il n'est point de salut. Ce
qui est étonnant et merveilleux, c'est que
les coryphées de toutes les sectes avouent
publiquement qu'on peut faire son salut
dans le sein de notre sainte Eglise.
C'est elle qui compte le plus de héros
l36 TRIOMPHE
*
de ht Foi ; elle a fourni des milliers de mar
tyrs, de confesseurs , de vierges illustres
qui avalent coulé leurs précieux jours pour
la gloire de la religion , les uns sous le
chaume où le ciel les avait fait naître, les
autres dans les palais des monarques où la
Providence les avait conduits pour y opérer
des prodiges.
Si quelquefois on aperçoit des ames qui
désertent son sein maternel , ce sont des
pécheurs endurcis , des aveugles , des lâches
qui , fatigués des douceurs et des richesses
qu'ils né savent point apprécier , veulent
vivre dans l'indépendance au gré de leurs
passions ; et ce qui a fait toujours la re
marque des savans, c'est que les plus reli
gieux des sectes , pénétrés d'un profond
repentir à la vue des prodiges qui éclatent
dans notre sainte Eglise , volent dans son
sein avec une confiance entière. C'est là
qu'ont pris naissance tons les grands hom
mes qui ont enrichi la terre chrétienne de
leur charité , et d1un nombre infini et porn*
peux d'établissemens merveilleux de'bien-
faisance que tout l'univers admire.
4". La plus savante ; on y voit desauteurs
de l'église. i37
célèbres de toutes les classes de la littéra
ture, des historiens dignes de la plus h^ute
confiance, des poetes dont la sublime et re
ligieuse imagination unie à leur style en
chanteur, feront dans tous les siècles la
gloire de la religion et des lettres ; des ora
teurs rares dont l'éloquence égale celle de
Cicéron et de Démosthene ; des hommes
d'état célèbres qui par la vaste étendue de
leur génie ont su éteindre les dissensions
et les guerres intestines, unir tous les mo
narques de la terre , et établir dans l'univers
une paix profonde et enchanteresse au mi
lieu des acclamations des hommes et des
lauriers les plus magnifiques*
Clément XIV sut enrichir l'Eglise des
trésoçs de sa science et de sa charité.
Léon X illustra, sgft sjècle par les mo-
numens immortels qu'il établit à la gloire
des lettres au milieu de la capitale de l'u
nivers chrétien. Les Augustin , les Gé-
rôme, les Chrysostôme , déployèrent toute
la vaste étendue de leur science pro
digieuse pour confondre les plus grands
esprits de leur siècle qui étaient enveloppés
des ténèbres de l'erreur , pour les éclairer
1 38 TRIOMPHE
les conduire en triomphe au pied de la
croix de Jésus-Christ.
Combien d'autres grands hommes n'y
voyons-nous pas qui , comme Bossuet et Fé-
nélon, ont contribué par leurs lumières écla
tantes au triomphe de l'Evangile. Les vrais
savans et les vrais sagesqui penseront sérieu
sement à conquérir le royaume des cieux, se
ront contraints d'avouer dans tous les temps
que la sainte Eglise catholique est la plus so
lide et la plus sûre , pour ne pas tromper et
pour n'être pas trompés, et qu'elle est seule
capable de porter dans l'esprit des mortels
dociles à la grâce le flambeau éclatant de
la vérité dont le triomphe sera éternel.
'---i> '> V», ■ , , . \Ki :.'
ARTICLE H.
Falsification des textes sacrés.
'■ '■' "'-•'-Vf jjï
Notre prétendu prophète , persuadé que
le moyen d'être admiré des hommes et d'en
recueillir les suffrages glorieux , est de les
nourrir, de les enchanter d'abord des opi
nions et des croyances agréables qu'ils ado
de l'église. i 3g
rent et dont ils font une profession solen
nelle, offre à l'admiration du lecteur ravi
les magnifiques prophéties de la divinité de
notre Sauveur que l'Eglise a contemplé
cent fois avant lui avec un véritable ra
vissement, et en déploie à ses regards la
grandeur, la noblesse et la majesté. Pour
parvenir à son but , il donne toutes les ex
plications qui lui plaisent , qui lui sont
agréables , par le moyen de ses hiéroglyphes
imaginaires auxquels il donne quelquefois
le nom splendide de langue de la nature.
« Rendez gloire , dit-il (i\ à la sainteté
de Jehovah, le dieu des armées; qu'il soit
lui-même votre crainte et votre terreur , et
il deviendra votre sanctuaire. Il sera une
pierre d'achoppement , une pierre de scan
dale pour les deux maisons d'Israël , un
piège et un sujet de ruine à ceux qui habi
tent dans Jérusalem. Plusieurs (Pentre eux
se heurteront contre cette pierre ; ils tom
beront et se briseront , ils s'engageront dans
le filet ety serontpris. »
Au commencement du treizième verset
(i) Page 134, de Oeggcr. Isaïe,ch. VIII, v, i3-i4-t5-i6.
I/JO TRIOMPHE
du 'chapitre huit du prophète Tsdle , il
augmente la phrase d'un mot de plus; il
ajoute Jehovah , tandis que le texte hébreu,
grec et latin, ne nomment qu'une seule
fois dieu des armées. Dominum exercituunx
ipsum sanctificate.
Jusqu'à présentnul grand homme n'avait
trouvé mieux que M. Oegger le moyen ma
gique de rapiécer l'Ecriture-Sainte; quand
son imagination sinistre lui persuade qu'il
y a un vide qui nuit à ses desseins , il y
place, avec un art merveilleux de devin, une
pièce de sa façon. Continuons le chapitre
d'isaïe, et vous apercevrez l'adresse de
notre Ahacien ; il ajoute avec abondance
de egeur, sans doute , il deviendra votre
sanctuaire , tandis qu'il n,'y a aucune pa
role qui désigne sanctuaire. C'est apparem
ment par sa prétendue langue de la nature
qu'il a cru voir le sanctuaire véritable ; mais
pourquoi ce pauvre homme allait-il mettre
son esprit à la torture pour expliquer ces
paroles si simples : et erit vobis in sanctifi-
cationem ? Tout individu médiocrement
instruit expliquera naturellement au pre
mier abord il deviendra votre sanctification.
DE LÉGLISE. l4l
Je ne veux pas examiner davantage ce
chapitre du prophète Isdie, ce que je viens
d'en dire me suffit pour convaincre le sage,
que M. Oegger, pour édifier son système
imaginaire , a élé contraint de falsifier les
textes sacres.
Portons nos regards sur le nouveau cha
pitre d'Isaïe (1) , et nous nous convaincrons
de ce que j'ai avancé : Un petit enfant,
ajoute-t-il , nous est né , et un fils nous a été
donné; il portera sur son épaule la marque
de saprincipauté; il sera appeléAdmirable,
Conciliateur, Dieu , Héros, Père du siècle
jutur , Prince de la paix. Son empire s'éten
dra de plus en plus, et la paix qu'il établira
n'aura point defin. Il s'asseoira sur te trône
de David, et ilpossédera son royaume,pour
l'affermir et lefortifier dans l'équité elddins
la justice ', depuis ce temps jusqu'à jamais*
Le zèle de Jehovah-Zebaoth fera ce que je
dis (2).
Pourdonner plus de pompe et de magni
ficence à ce brillant chapitre, il veut l'orner
(1) Page 136 de Oegger. Isaïe, chap. IX, v. 6.
(a) Parvulus. Ieaïe , 9-6. Natns est nobis datas est.
l4' TBIOMPHF,
du nom magnifique de conciliateur, qui n'y
est point renfermé ; on n'y aperçoit que Je
mot consiliarius : or , jamais consiliarius n'a
voulu signifier Dieu conciliateur, comme
il prétend lui-même: mais celui qui donne
des conseils; ce qui est très-applicable et
très-conforme à la mission de Jésus-Christ,
qui nous a donné les conseils évangéliques,
connus et admirés de toute la terre, qui est
soumise à son doux empire.
Il ne se contente point de cet ornement,
il y ajoute deux noms hébreux de plus, Je-
hovah-Zebahoth , dans cette phrase où l'on
voit uniquement le zèle du seigneur : fera
ce que je dis, zelus Domini exercituum fa-
ciet hoc; et en y ajoutant deux mots inu
tiles il en omet un qui est essentiel : exerci
tuum.
Nous nous donnerons la peine de parcou
rir succinctement le chapitre onzième d'I-
saïe, expliqué à sa façon (1).
// sortira , dit-il , un rejeton de la tige de
Jesse', et une fleur naîtra de sa racine, et
l'esprit de Jehovah se reposera sur lui , t'es-
(i) Page 139, de Oegger. lai, ch. XI du 1" v. jusqu'au i3.
UE L'ÉGLISE. l43
prit de sagesse et d'intelligence , l'esprit de
conseil et de force , L'esprit de science et de
piéte', et il sera rempli de l'esprit de la
crainte de Jehovah. Il ne jugera point sur le
rapport des yeux, et il ne condamnerapoint
sur un oui-dire / mais il jugera les pauvres
dans lajustice , et il se déclarera le vengeur
des humbles qu'on opprime.
Il frappera la terre de la verge de sa
bouche , et il tuera l'impie par le souffle de
- ses lèvres. La justice sera la ceinture de ses
reins , et lafidélité la ceinture de sesflancs.
Le loup demeurera alors avec Vagneau , et
le léopard gîtera avec le chevreau. Le veau,
le lionceau et le bétail qu'on engraisse , se
ront confondus ensemble , et un petit enfant
les conduira.
La jeune vache paîtra avec l'ours , leurs
petits gîteront ensemble , et le lion mangera
du fourage comme le bœuf. L'enfant qui
tête s'abattra sur le trou de l'aspic, et Fen
fant qu'on sevre mettra sa main dans la ca
verne du basilic. Aucun ne nuira ni ne fera
aucun dommage sur ma montagne sainte,
parce que la terre aura été remplie de la
connaissance de Jehovah f comme le bassin
144 TRIOMPHE
de la mer est rempli des eaux qui le cou
vrent. En cejour-là le rejeton de Jessé sera
exposé comme un étendard devant tous les
peuples ; les nations viendront lui offrir leurs
prières , et son sépulcre sera glorieux. Alors
le Seigneur étendra sa main plus loin , pour
acquérir le residu de son peuple , qui sera
demeuré de reste en Assyrie, en Egypte, a
Patras, à Cus, à Hélam, à Sinhar, à Ha-
math et dans les îles de la mer y il élevera
sort étendard parmi les nations, et assern*
blera les Israélites , qui auront etéchassés;
il recueillera des quatre coins de la terre
ceux de Juda , qui auront été dispersés.
Je n'ignore pas la beauté de cette mer
veilleuse prophétie, j'en admire, j'en con
temple la noblesse , la splendeur et la ma
gnificence , qui s'est solennellement réalisée
dans l'univers chrétien qui adore la divinité
du Sauveur. --> - v .,..
Maïs je suis saintement indigné que
M. Oeggery falsifie certaines choses, comme
dans toutes les prophéties qui agrandissent
le volume de son ouvrage, et qui y so'nt
comme de riches diamans ensevelis dans
les horreurs exécrables d'un fumier infect.
DE L'ÉGLISE. î45
Je suis affligé que dans toutes les autres ,
comme dans celle-ci, il y ajoute ou re
tranche ce qui flatte ou irrite son imagina
tion fanatique , et qu'il se montre ainsi le
cruel tyran de l'Evangile, en y faisant peser
un sceptre de fer qu'il a usurpé audacieu-
sement. Le nom le plus magnifique et le
plus brillant qu'il ajoute à fantaisie dans
son ouvrage ennuyeux, c'est le nom hébreux
Jèhovah , qu'il emploie souvent pour signi
fier Dieu , et qu'il y promène sans cesse en
pompe.
Voici la raison pour laquelle il se sert sou
vent de ce nom si magnifique : c'est que,
s'imaginanl que les Français ne peuvent pas
bien comprendre la grandeur de Dieu , ni
se soumettre à ses lois , au lieu de leur ré
péter Dieu, en français , pour les convertir,
il le leur répète en hébreu , Jéhovah. Voilà
la manière ingénieuse dont se sert notre
fameux prophète dans sa doctrine singu
lière; il ose même espérer qu'ils entendront
mieux l'hébreu que le français (1).
(1) Page 3 , de Oegger. La carrière , dit-il , que nous....
IO
1 46 TRIOMPHE
ARTICLE III.
Ses blasphèmes.
On a certainement bien droit de gémit
sur l'aveuglement du pauvre M. Oegger;
il réalise dans sa malheureuse personne la
prophétie du Sauveur, qui, s'adressant aux
apôtres, leur prédit qu'un jour il y aurait
des hommes qui croiront rendre gloire à
Dieu que de persécuter leurs personnes vé
nérables , et de vomir des injures contre
eux et contre leur Eglise.
Les ténèbres et tous les crimes, voilà le
siècle de Jésus-Christ; c'est ainsi que ce vé
ritable aveugle ose parler pour blasphémer
ce qu'il ignore (t). Comment a-t-il pu pen
ser que le siècle de Jésus-Christ fût un
siècle de ténèbres et de crimes? Ce siècle
dans lequel les apôtres, avec l'Evangile
renversèrent l'idolâtrie, les vices, les crimes',
les abominations, la dépravation des mœurs,
(0 Page 241 , de Oegger.
DE LÉGLISE. l/fi
etétablirent, sur les ruines du paganisme, la
religion triomphante.
Ce fut dans ce siècle où les prodiges mer
veilleux des apôtres éclatèrent en tout lieu ;
l'admiration saisit tous les esprits; les ténè
bres de l'erreur se dissipèrent; la déprava
tion s'étonna , s'irrita ; la tyrannie trembla ,
se cacha, arrêta ses fureurs et frémit; les
sceptres de fer se brisèrent, le sang humain
ne ruissela plus dans le sanctuaire des dieux
monstrueux , les temples consacrés à la dé
bauche s'écroulèrent, les autels profanes se
renversèrent, et sur leurs ruines s'élevèrent
avec enchantement l'olivier de la paix, le
laurier de la victoire , le règne de la jus
tice.
L'univers tomba aux pieds de ces hommes
apostoliques pour leur offrir ses hommages,
en reconnaissant et contemplant en eux la
véritable puissance divine ; les princes , les
monarques , les savans les plus distingués
de tous les rangs , de toutes les conditions
reçurent leurs lumières, et cédèrent à la
puissance de leurs œuvres miraculeuses.
Hé ! le pauvre Oegger à osé appeller ce
siècle célèbre de Jésus-Christ ; 1 e siècle des
I 48 TRIOMPHE
tenèbres et des crimes : on voit évidem
ment par-là que quand un homme se jete
dans l'erreur , il roule de précipice en pré
cipice , se plonge enfin dans l'abyme de ses
pensées sinistres, sans reconnaître le mal
heur déplorables de son aveuglement.
Dans la même page , il avance que lors
qu'on a parcouru toutes les erreurs on est
plus près de la vérité ; c'est une imposture :
elle est d'autant plus claire, que, communé
ment , les hommes, même très-savans, qui
parcourent les erreurs et se familiarisent
avec elles, non-seulement s'y plongent,
mais s'y affermissent , et y restent inébran
tables jusqu'à la fin de leurs jours. Tel
est peut-être l'étal malheureux qui vous
attend, ô infortuné Oegger ! mais touché
de votre triste sort , je prie Dieu de déchi
rer le voile fatal qui couvre vos yeux.
; Voici d'autres blasphèmes qu'il vomit,
contre les apôtres dans une autre endroit
non moins absurde (1); les apôtres , dit-il,
partageaient encore des idees aussi gros
sières , ils reçurent depuis , dira-t-on le
(1) Page ubi. Ouvrage de Oegger.
de l'égl1se. 149
Saint-Esprit. Nous ne l'ignorons pas , nous
savons même qu'ils le reçurent trois ou
quatrefois , preuve qu'ils en avaient besoin,
et que le Saint-Esprit n'était point une
personne. Nul homme fi*a peut-être , ajoli-
te-t-il une plus grande idée que nous des
douzes pécheurs de Galilée ; mais toujours
étaient-ils des hommes , et des hommes de
leur temps : aujourd'hui seulement la masse
du genre humain devait par conséquent
pouvoir envisager un vrai rayon de sa divi-
vinité manifestée. ' ■
Peut-on porter le déraisonnement à un
plus haut période , que de mépriser les
apôtres et de prétendre que la vérité na pas
étéannoncée par eues, daqjs toute son éten
due ; qu'aucune société existante sur la terre
ainsi que la sainte Eglise n'ont pu apperce-
voir encore la véritable lumière du ciel, et
qu'il n'y a que lui qui vient de trouver ces
jours-ci , dans un coin d'un livrefanatique,
la véritable vérité.
Il ose, ce malheureux , insulter, dans le
cours de son ouvrage, à nos vénérables
prélats et surtout aux saints pontifes Ro
mains, que tous les sages de là terre envi
l"5o TRIOMPHE
ronnent de leur vénération; à ces véritables
successeurs de saint Pierre , qui nourissent
l'univers chrétien et le fécondent par leur
charité, leur science , leurs bienfaits et leur
grâces , comme l'astre du jour qui ranime
le monde par sa lumière brillante et pom
peuse.
Il ose, cet aveugle, vomir des blasphèmes
contre leur majesté pontificale; mais Rome,
toujours glorieuse, méprise cette infortunée
victime de son aveuglement , la regarde
comme un ver de terre, et ne montre son
magnifique triomphe qu'en la laissant gé-
mirdansl'iguominie, couverte de confusion.
Pour moi je n'essaye de renverser son
système de fond^en comble , d'un coup de
plume, que pour convaincre les hommes,
qu'il est aisé d'entrer en lice, même avec
un savant ennemi de la religion , puis
que nous avons pour nous la vérité, qui
triomphe toujours.
A la page 437 , il redouble ses calomnies
et ses fureurs contre Rome, et montre évi
demment qu'il cherche à renverser la chaire
de Saint-Pierre, pour établir le trône pon
tifical de Rome à Paris et s'y asseoir en
de l'église. 15i
qualité de nouveau prophète. Mais il ne
voudra pas qu'on lui reproche publi
quement toutes les trames secrèles qu'il
ourdit à la congrégation de au
poste où exerçant son ministère, comme
Scribe et Pharisien, il imposait aux autres
un joug pénible , qu'il ne touchait que du
bout du doigt. On pouvait alors lui appli
quer tout au long le chapitre 23, de saint
Mathieu, qu'il ose impudemment appliquer
a nos souverains pontifes.
Il est bon, je crois, d'observer à noire
faux prophète, qu'on donne aux rois, aux
empereurs le titre de majesté comme à
Dieu; mais pour cela prend -ton, sur
tout de nos jours , les rois et les empe
reurs pour des dieux? non sans doute, et
il s'en faut de beaucoup. Mais un sage, un
savant quelconque, ne fait pas de difficulté
lorsqu'il s'adresse à un monarque , de lui
dire votre ma/este par un sentiment de vé
nération dont-il est rempli pour un souve
rain légitime.
De même, quant aux souverains de l'E-i
glise, devra-t-on être étonné qu'on leur
donne le titre de Sainteté? Ce ne sont vas.
1 5a TRIOMPHE
les chefs de l'église, qui ont pris ce nom'
glorieux; personne ne pourra prouver le
contraire, mais ce sont des hommes rai-
sonahles , qui , dans certaines époques , es
sayèrent de donner le titre de Sainteté à
celui qui occupait avec dignité le trôné
papal et édifiait l'univers entier par sa
science et ses vertus héroïques. Dans la
suite, insensiblement , l'usage eut force de
loi; voilà pourquoi aujourd'hui on se sert
du nom de sainteté pour rendre les hom
mages légitimes, aux chefs augustes de
l'Eglise.
Je suis bien surpris qu'il ait porté l'au
dace jusqu'à dire que le souverain pontife
se faisait adorer ; de tels blasphèmes dé
célent un aveuglement total , une privation
entière de lumières naturelles. Et comment
pourra-t-il prouver qu'une cérémonie re
ligieuse, appellée adoration dupape, a lieu
dans quelque époque, à moins que ce ne
soit un lieu saint où le pape lui-même
aille adorer, en marchant à pied, pour don-
ner l'exemple.
Si on leur baise les pieds et les mains 5
est-ce contraire à la religion ? ne baise-t-on
DE L'ÉGLISE. I 53
pas les mains des princes , sans les prendre
certainement ni pour des saints, ni pour
des dieux ? Et un bon chrétien s'éloigne-
ra-t-il de la loi divine, lorsqu'à l'exemple
de la Magdelaine , il baisera les pieds de
celui qui est le représentant de Jésus-Christ,
ou qui, comme la femme de l'Evangile, sai
sira avec un saint transport d'allégresse , le
pan de sa robe dans l'intention de guérir
les plaies de son âme ?
Qu'il se rappèle, cet aveugle, que leur titre
favori , dont leur sainteté s'en orgueillit, est
celui de serviteur des serviteurs , qui paraît
à la tête de tous leurs écrits sublimes et de
leur bulles toujours pieuses et magnifiques,
a l'exemple de notre divin maître qui , en
lavant les pieds des apôtres , voulut être le
serviteur de tous; n'est-ce pas la vérité ? qui
osera me contredire justement ?
Il ne faut pas croire que je sois ultra-
montain; point du tout : je suis sincère
ment et entièrement attaché aux libertés
gallicanes, et en gardant le juste milieu ,
n'étant ultra d'aucun côté; je me fai6 un
vrai plaisir , en quatilé de chrétien fidèle ,
de défendre la justice partout, de soutenir
1 54 TRIOMPHE
la vérité aux dépends de tous mes intérêts.
Ainsi que M. Oegger vienne recon
naître, admirer, contempler le flambeau
éclatant de la vérité, que je lui offre avec
franchise pour faire luire à ses yeux l'au
rore du vrai bonhem»! qu'il se hâte de se
prosterner devant cette pierre inébran
lable , contre laquelle ses blasphèmes s'é
crasent, et rejaillissent sur lui pour le noir
cir, et qu'en avouant la faiblesse de son
aine et la grandeur de ses erreurs , il
vienne unir le triomphe de ses passions,
au triomphe de l'Eglise !
ARTICLE IV.
Ses absurdités.
Je désirerais beaucoup queles protestans,
que M. Oegger semble le plus caresser ,
s'occupassent à considérer le grand coup de
pinceau que notre nouveau prophète donne
avec enchantement : que la vérité n'est au
jourd'hui nulle part . ni dans l'Eglise Ro
maine, ni chez les protestans, ni dans au
dé l'église. I 55
cune secte existante, et quelle n'est que
chez lui en bonne santé.
Enjetant, dit-il (1), un regard impartial
sur là société depuis dix-huit cents ans, et
ses haineuses et inconcevables divisions, n'est-
on pas en droit de soupçonner que , dès les
premiers temps , il a dû être commis quelque
grande erreur qui aura entravé Vœuvre de
la régénération de Tunivers , et qu'ily apar
conséquent quelque grand obstacle à lever
pour que la véritépuisse se répandre.
Il est évident que le pauvre Oegger veut
montrer finement que l'univers est ploqgé
dans un cahos d'erreurs; que lui seul, pa
raissant comme un phénomène, vient éclai
rer la terre corrompue des beaux rayons de
ses lumières immenses.
Ah ! pour le coup , le pauvre Oegger a
trop médité sur ces paroles de l'Ecriture-
Sainte: Borate cœli desuper et nubespluant
justum. Il a tant prié depuis qu'il n'est plus
demi-Déiste, que dans un moment d'en
thousiasme il a cru tomber juste du ciel,
chargé de sa nouvelle doctrine.
(1) Page 3 , de l'ouvrage de Oegger.
1 56 TRIOMPHE
Je n'avance vien que je ne prouve ;
Que les lecteurs, dit - il (1), apprennent
donc quen commençant notre travail nous
étions , comme ils peuvent l'être , Déiste s
ou quelque chose Rapprochant, et quen le
terminant nous nous sommes trouvé Chré
tien. .. , , . , A . W.l
J'en appelle à tous les hommes sages >
ainsi qu'aux philosophes sa vans.: je les in
vite à venir contempler son eclatante frao-r
chise, qui le trahit et dévoile entièrement
le noir projet qu'il avait formé de mettre
le feu à l'Eglise, en créant une religion qu'il
ne croyait pas, puisqu'il avoue lui-même,
naïvement, qu'il n'est devenu Chrétien
qu'en terminant son ouvrage. ,_ .,,
Comment peut -on., concevoir qu'un
Déiste, qui a étudié l'Ecriture-Sainte pen
dant plusieurs années, sans la croire, vienne
tout-à-coup se soumettre à la foi , l'ayant
toujours méprisée; comment pourra-t-on
se persuader que cet aveugle, qui, pendant
toute sa vie, s'est traîné dans la boue de
l'erreur, vienne nous montrer la vérité sans
(j) Pag>: 3, ouvrage du Ooggci.
DE L'ÉGLISE. 1 5^
qu'il soit capable d'errer; mais qu'il soit de
venu subitement Ja vérité unique ! Ce serait
réellement le comble du déraisonnement
que de vouloir suivre un tel guide , qui
veut créer un système nouveau pour se faire
une gloire monstrueuse.
J'avoue qu'il a du talent et une grande
science, ayant des notions du grec, du latin,
et même une teinture de l'hébreu; con
naissant assez la géographie, et même je
crois l'astronomie et surtout la physique,
c'est une science qui est très-bonne de ce
temps pour amuser les jeunes gens.
Mais quant à la philosophie il n'y entend
rien. Je regrette, beaucoup de n'avoir ja
mais eu l'avantage glorieux de jouir de son
aimable présence, pour lui demander ce
qu'il veut dire par ce mot, qui se trouve
solemnellement publié dans la fameuse
page 4, que Jésus-Christ est un dieu mé
taphysique. Je me suis empressé de consul
ter nos meilleurs lexiques , qui m'ont con
firmé , que le mot jéhovah, métaphysique,
qu'il promène en triomphe dans son ou
vrage , était selon lui , le dieu trop abstrait,
trop subtil avant de paraître sur la terre.
I 58 TRIOMPHE
Il parait que dans la page 3 16 , il nie
l'immensilé de Dieu, et qu'il soit partout.
Ce créateur infiniment bon , qui nous avait
placés sur cette terre et qu'on nous disait
présentpartout. Voyez qu'elle absurdité de
la part d'un homme tel que Oegger, qui
fait gloire de connaître la philosophie; tant
il est vrai que la raison, conduite par l'am
bition, se jete dans des écarts effrayans;
la philosophie bien saine apprend à tout
homme, que Dieu parcourt d'un seul re
gard l'espace immense de l'univers, règne
en tout lieu, assiste à tous les actes de tous les
êtres , et de tous les mortels ; voit tout jus
qu'à nos plus secrètes pensées, sans que
nous puissions le voir ni le comprendre ;
sans cela il faudrait dire , qu'il ne peut pas
nous entendre quand nous avons le bon
heur de lui offrir nos prières , nos vœux et
nos hommages.
DE L'ÉGLISE. i09
ARTICLE V.
Ses contradictions.
Quand un homme n'a pas la vérité pour
lui, il s'égare et se contredit nécessaire
ment; c'est ce que nous pouvons voir bien
clairement dans M. Oegger. Il serait trop
long de montrer toutes les contradictions
qui fourmillent dans son ouvrage ; je me
contenterai de mettre au grand jour quel
ques-unes des principales.
Pour comprendre la Bible , dit-il , à la
page fy], il ne suffit pas, par conséquent, de
de comprendre l'hébreu , lé grec , le latin ,
on tel autre idiome dans lequel elle est tra
duite 1 mais ilfaut aussi comprendre la lan-
gue de la nature ; les auteurs sacrés , etc.
Il est évident qu'il veut faire voir que,
pour comprendre la Bible, il faut qu'un
homme très-savant et très-intelligent sache
l'hébreu, le grec, le latin et la langue de sa
nation , ainsi que celle de la nature , tandis
que, à la page 3i6 , il dit qu'un enfant sans
l6o TRIOMPHE
aucune instruction peut la comprendre. Il
est évident que M. Oegger, se contredit
d'une manière visible aux jeux de tout
homme rempli du sens commun.
Quelle conduite extravagante dans notre
prétendu prophète !' Dans le frontispice de
son livre, il invoque la philosophie, du
moins il semble se servir de ses armes vi
goureuses, pour se couvrir de gloire; il
paraît même lui elever un triomphe par ses
paroles :
Un peu de philosophie éloigne du christianisme ,
Beauconp de philosophie y ramène.
Tandis que dans l'intérieur de l'ouvrage
il ne cesse d'insulter les philosophes, qui
ne lui disent rten et qui ont plus de sa*
gesse que lui-même. A la page 253, il
dit d'eux , que le Seigneur se présente à
un de nos prétendus sages , à un de nos de-
mi-savans , ou de nos philosophes natura
listes pour se /aire reconnaître ? Tous ces
raisonnemens les reconnaîtront-ils' plutôt ,
quand, dans le monde-esprit, Useprésen
tera à eux comme un ange resplendissant de
lumière, qu'ils ne' le reconnaissent sous la
DE LÉGLISE. l6l
forme dun homme vertueux et aimant ? Il
y a lieu d'en douter.
Est-ce ainsi que l'on doit parler aux phi
losophes ? M. Oegger devrait les respecter
un peu plus, ce sont nos frères égarés qui,
souvent remplis de toutes les richesses de
l'esprit, ont des idées plus pures, plus vastes
et plus magnifiques que lui. Il redouble sa-
diatribe contre eux, à la page 316,oûil
dit : en attendant nous nous égarions au loin
avec dorgueilleux philosophes. Hélas ! mon
Dieu ! et nous en voyons qui ont une idée
juste d'eux mêmes et qui ne se prévalent ja
mais des dons magnifiques dont la nature a
orné leur esprit, et leur ame, et qui n'en font
un glorieux usage qu'envers l'humanité
souffrante.
Il prétend, dans un endroit, que l'Eglise
Romaine n'est pas Universelle , et qu'elle a
usurpé ce titre ; tandis que, dans un autre
article , il ose se nommer lui-même chré
tien catholique; il est forcé d'avouer qu'il
nVsfpas concluant dans ses principes et, qu'il
se contredit manifestement.. -•■
Le. mot catholique vient du mot grec
katholikos , qui signifie répandus sur toute
ti
l62 THIOMPHE
la terre; or, nous ne voyons pas que M. Oeg-
ger soit répandu sur toute la terre : au con
traire, bien loin d'être répandu dans tout
l'univers, il est caché dans l'obscurité, dans
un coin de Paris, méprisé de tout le monde;
ainsi , à dire la vérité , il n'a le droit que de
se nommer chrétien singulier.
ARTICLE VI.
Système dogmatique de M. Oegger.
C'est avec de faux principes, en falsi
fiant les écrits sacrés, en vomissant des
blasphèmes contre les apôtres et la sainte
Église , qu'il prétend élever son système ,
parlequel il montre uniquement la divinité
de Jésus-Christ, créateur et sauveur, en
renversant avec impiété le dogme auguste
de la très-sainte Trinité. Il essaie de le
prouver par l'Ancien et le Nouveau Testa
ment ; dans cet essai on aperçoit des absur
dités, des contradictions qui révoltent la
raison ; je ne vais pas me donner la peine
de les réfuter article par article , ce serait
de l'église. 163
trop ennuyeux pour le lecteur, qui aurait,
de la peine à en supporter la lecture.
Avant toute chose, je vais d'abord lui
annoncer qu'il a renouvelé l'herésie des
Sabelliens, disciples de Praxe'as, de Noëtus
et de Sabetlius , qui prétendaient , avec les
impies Sociniens , que Dieu ne subsiste pas
en trois personnes j mais que les noms de
Père , de Fils et de Saint-Esprit , sont dif-
férens noms qui conviennent à une même
personne. Celte hérésie donna lieu à celle
de Paul de Samosate, évêque d'Antioche,
homme corrompu et infecté des principes
de Sabellius, et des hérétiques anciens ré
futés par saint Jean l'évangéliste. Cet héré
siarque fit plus que celui de nos jours, il
nia la divinité de Jésus-Christ , et fut con
damné dans deux célèbres conciles d'An-
tioche, tenus pendant les années 266 et 272;
on peut s'en convaincre dans le septième
livre de YHistoire ecclésiastique cTEusèbe,
au chapitre huitième.
Ces hérésies furent publiquement con
damnées par le premier concile général de
Nicée, et par les conciles d'Antioche.
Entre autres Pères de l'Eglise, saint Denis
l64 TRIEOMPHE
d'Alexandrie, saint Athanase et saint Basyle
les combattirent avec un éclatant succès. En
voilà assez pour la confusion de M. Oegger,
et pour le triomphe de l'Eglise , dont je vais
montrer au grand jour le dogme auguste de
la Trinité sur les ruines de son nouveau sys
tème.
Bien loin de croire que ce dogme sacré,
de notre auguste religion puisse tendre à
introduire le Polythéisme ; nous voyons au
contraire qu'il est la base solide de la foi
catholique , par laquelle un esprit docile à
la grâce embrasse avec aisance les lumières
pures qui jaillissent du sein de la Divinité.
Oui , le Chrétien véritable croit ferme
ment avec orgueil jusqu'à son dernier sou
pir : trois personnes en Dieu , qui ne sont
néanmoins qu'un seul Dieu. J'avoue qu'on
ne peut aisément comprendre ce grand et
auguste mystère, et qu'il est le cas de s'é
crier avec l'apôtre : Que les jugemens de
Dieu sont incompréhensible ! Çuam sunt
incomprehensibiliajudicia Dei!
C'est Dieu qui a parlé clairement sur ce
point; il ne peut être induit en erreur ni
nous y induire. La sainte Eglise , qui recèle
DE L'ÉGLISE. l65
dans son sein les plus grands hommes, qui
ont répandu leurs vastes et brillantes lu
mières dans l'univers entier, doit être, pour
tout homme raisonnable, le plus sûr ga
rant de celle vérité qui nous est sans cesse
annoncée dans nos Temples , au milieu de
l'éclat et de la pompe divine qui y règne.
M Oegger, simple particulier, veut for
ger un dogme nojuveau sur les ruines de no
tre foi antique, en détruisant la puissance
étonnante du sens naturel qui s'offre à tout
lecteur fidèle et juste , qui se délecte à lire
de bqnne foi le code sacré des lois divines.
Portons nos regards sur ce beau texte de
saint Mathieu, au chapitre vingt-huitième:
Allez instruire toutes les nations, en les bap
tisant au nom du Pere , du Fils et du Saint-
Esprit; euntes ergo docete omnes gentes,
baptisantes eos in nomine Patris, et Filii et
Spiritus sancti. On voit évidemment par ce
texte formel, qu'il y a un Dieu en trois
personnes distinctes.
Pour peu qu'on se livre à la méditation,
on aperçoit que le Père est Dieu, le Fils est
Dieu, et le Saint-Esprit est Dieu. Au com
mencement , dit saint Jean au premier cha
l66 TRIOMPHE
pitre , etait le Verbe , et le Verbe était avec
Dieu, et Dieu était le Verbe. In principio
erat Verbum, et Verbum erat apud Deum,
et Deus erat Verbum.he quinzième chapi
tre de saint Jean vient à l'appui de notre
proposition. Lorsque le Consolateur, dit-il,
l'esprit de véritéquiprocède du Verbe vien
dra , il rendra témoignage de moi: Cum au-
tem venerit paracletus quem ego mittam vo-
bis à Pâtre , spiritum veritatis, qui a Pâtre
procedit^ille testimonium per hibebit de me.
Ces trois personnes n'ayant qu'une même
nature et une même divinité, étant égales
en majesté, en ancienneté et en perfection,
ne forment qu'un seul et même Dieu.
Le Père a engendré de toute éternité le
Fils, qui lui est consubstantiel, qui est Dieu
comme lui, et qui est appelé le Verbe, la
sagesse de Dieu ; nous en avons une preuve
dans le pseaume 2, v. 7. Vous êtes monfils,
je vous ai engendré aujourd'hui. Filiusmeus
es tu , ego hodie genui te. Saint Paul vient à
l'appui de notre foi légitime. Quel est l'ange,
s'écrie-t-il, à qui Dieu ait jamais dit, vous
êtes mon fils, je vous ai engendré aujour
d'hui Je suis son Père, il sera mon Fils.
DE L'ÉGLISE. l67
Cui enim dixit aliquando angelorum : Filius
meus es tu , ego hodie gentri te? et rursum
ego ero Mi in Patrem et ipse erit mihi in
Filium.
Le Père et le Fils , en s'aimant , produisent
de toute eternité la troisième personne, que
nous appelons Saint-Esprit. Saint Jean nous
en donne une notion dans le chapitre qua-?
torzième, afin que le monde, dit Jésus-
Christ, connaisse, que j'aime mon Père,
j'exécute ses ordres. Sed ut cognoscat mun-
dus quia diligo Palrem et sicut mandatum
dedit mihi Pater sic jacio.
Le Saint-Esprit procède du Père et du
Fils ; nous en voyons une preuve éclatante
au quinzième chapitre de Saint-Jean que
nous avons déjà cité : Lorsque le consola
teur, dit-il, Vesprit de vérite' qui procède
du Père , queje vous enverrai de la part de
mon Père , sera venu , il rendra témoignage
de moi. Cumautemveneritparacletus, quem
ego mittam vobis à Patre spiritum veritatis ,
qui a Patre procedit, Me testimonium per
hibebit de me. Dans le.seizième chapitre où
notre Sauveur parle, il ajoute : lime glori
fieraparce qu'il recevra, de ce qui est à moi,
l68 TRIOMPHE
et il vous Vannoncera. ïlle me glorificahit ,
quia de meo accipiet, et annonciabit vobis.
Tout ce qui est à mon père , ajoute-t-
il ailleurs, est à moi -, c'est pourquoi je vous
dis qu'il recevra ce qui est à moi , et vous
l'annoncera.
Ces trois augustes et divines personnes
sont aussi anciennes les unes que les au
tres ; le Père n'a pas existé un instant sans
produire le Fils , et le Fils n'a pas été un seul
moment sans produire avec lui leSt.-Esprit.
Tel que le soleil , qui , ouvrant sa carrière
glorieuse, déploie sa magnificence céleste
sur la surface de la terre , ne peut exister
sans produire tout à la fois son brillant
éclat , sa chaleur et sa lumière , ainsi ces
trois personnes en Dieu réunissent en
semble leurs qualités essentielles, magni
fiques et brillantes, raniment au même
instant l'univers, et l'environnent de leur
gloire pompeuse.
Que M. Oegger contemple donc la beauté,
la grandeur, la majesté de ce sacré mystère;
que , pénétré de repentir, et contraint de
frapper sa poitrine, il vienne se prosterner
aux pieds du Dieu trois fois saint, recpn.r
DE LÉGLISE. 169
naître la triple puissance d'un Dieu uni
que , manifesté aux hommes de bonne
volonté, pour les environner un jour dans
le ciel des rayons éclatans de sa gloire eter
nelle.
I-'O • TRIOMPHE
■^^ffawttPWfc^^^w^^^^www^MO^
CHAPITRE III.
Morale de M. Oegger.
Après s'être enseveli dans un gouffre d'er
reurs absurdes ton chant le dogme de la foi,
ej s'être efforcé de les annoncer solennel
lement, en falsifiant les textes de l'Ecriture-
Sainte,il vient, avec le même front d'airain,
présenter à la Société chrétienne une doc
trine nouvelle qui fait gémir les vrais sages.
Il essaie de montrer avec emphase au
grand jour, qu'il n'existe point de distinc
tion entre le péché mortel et le péché vé
niel, que tous les péchés sont égaux, et
qu'également on ne doit point distinguer
entre les préceptes et les conseils. Il ne
craint pas d'endormir les pécheurs dans l'é
tat malheureux où ils traînent leursjours, en
DE L ÉGLISE. i7 I
voulant leur faire croire que les peines de
l'autre rie auront certainementleurs bornes.
Il semble se délecter eu répétant ce que
cent autres aveugles comme lui ont mille
fois répété; il assure que le jeûne, dont nous
parle notre Sauveur, n'est point un jeune
physique réel , mais un jeûne spirituel, une
privation du péché, des plaisirs honteux de
la terre : il détruit les sacremens de bap~
tême et de pénitence, et prétend qu'ils con
sistent uniquement dans la contrition et
dans la perfection.
Il ne fait pas de difficulté de renverser
le sens véritable du Pater, prétendant que
ce n'est pas un pain réel que l'on doit de
mander à Dieu tous les jours , mais unique
ment la vie spirituelle; que la dévotion
du saint Rosaire est une cérémonie ridicule.
Il porte l'audace jusqu'à mépriser le culte
des saints et de la sainte Vierge, ainsi que
la beauté du célibat; mais on voit en lui
l'homme égaré, poursuivi à toute outrance
par les remords cruels de sa conscience ,
. qui lui reproche sans cesse sa honteuse
apostasie.
I72 TRIOMPHE
ARTICLE PREMIER.
Destruction des Sacremen's du Baptême et de la Pénitence, du
Pater et du Rosaire.
Il' faut avoir parcouru tout l'ouvrage de
M. Oegger, et l'avoir approfondi quelque
temps , pour concevoir combien est grand
l'aveuglement dans lequel il est plongé. Il
commence d'abord à faire connaître, à la
page 317, que toutes les sociétés du monde,
sans excepter l'Eglise romaine, usent d'une
fausse manière d'annoncer l'Evangile. L#
fausse manière , dit-il , dont on annonce
l'Evangile à l'univers , n'est pas même le
veritable obstacle qui s'oppose aux Chretiens
de nos jours , quoique sans doute elle soit
bien capable de les dérouter.
D'après ce raisonnement il faut conclure
qu'il n'y a que lui qui soit capable de se
flatter, avec un légitime orgueil , de montrer
aux hommes la doctrine qu'ils ont ignorée
jusqu'à ce jour : voyons lefaire et nous ad
mireronspeut-être la grosseur de son génie
destructeur.
DE LÉGLISE. 173
Le baptême d'eau, dit-il à la page 32* ,
qu'administrait le precurseur Jean , n'était
que l'emblème matériel de cette conversion
du cœur, indispensable pour entrer au
royaume céleste queJéhovah venaitfonder
en terre. Baptême, vu la signification emblé
matique de l'eau et de l'absolution, veut
dire connaissance de la vérité, et par elle
pénitence ; et lapenitence elle-même ne si
gnifie que conversion. Sans le changement
radical de l'intérieur de l'homme, le bap
tême et la pénitence ne sont que de pures
cérémonies ; mais changer Vintérieur de
l'homme , c'est-à-dire Vintérieur de son es
prit et de son cœur , n'est point une chose
aussi facile qu'on pense , ni l'œuvre d'un
jour.
Vhomme n'est point, ajoute-t-il, si on
nous permet cette expression , une simple
surface, mais un solide profond, et, pour
ainsi dire, immense : vraie raison pour la
quelle Dieu nepeutjamais se décider à l'a
néantir , quelque progrès qu'ait fait chez
lui la corruption. Ily a des degrés de con
version , ily a des degrés de bonne volonte
qui vontjusqu'à l'infini. '^uxyeux de Dieu
1^4 TRIOMPHE
nous serons même dans le mal, et nous de
vons travailler éternellement à notre ré
forme.
Tel est donc le baptême que l'on doitprê
cher aujourd'hui ; continue- t-il , convertis
sez-vous sérieusement et sans retour; allez
droit à la perfection , même dans les plus
petites choses / suivez non-seulement ce qu'on
a appelé les commandemens de Dieu , mais
suivez les conseils qu'il a bien voulu vous
donner , persuadé que vous ne pouvez les
deprécier sans blasphème.
Reconnaissez en un mot Jésus - Christ
pour l'unique Dieu du ciel et de la terre , et
commencez, dès aujourd'hui, à marcher sur
ses traces ou bien vous êtesperdus. Tant que
vous ne serez point attachés irrevocablement
à la vérité qui sauve , vous ne serez point
baptisés dans toute laforce du terme.
Et tant que vous ne serez pas convertis de
manière à ne plus retomber sciemment,
même dans les plus petites fautes, telle que
de négliger uneplus grandeperfectionpour
une moindre, vous ne pourrez point vous
flatter d'avoir véritablement reçu le sacre
ment de pénitence.
DE LÉGLISE. 175
Il st évident qu'il détruit le sacrement
du baptême , son essence et sa forme.
Eunomius, évêque de Cyzique, renversa
autrefois la forme du baptême; il fut réfuté
par Théodoret, par saint Augustin, saint
Epiphane , saint Chrysostôme , saint Ba
sile et saint Grégoire de Nice.
Mais Oegger a fait plus même que les
Protestans qui admettent le baptême et bap
tisent réellement avec de l'eau au nom du
Père , du Fils et du Saint-Esprit , tandis que
notre faux prophête est plus savans que tous
les hommes lorsqu'il s'agit de détruire, il est
unique. Ce seul point important suffit pour
que jamais aucun sage Chrétien quelcon
que, soit catholique, soit protestant, ne
se confie, en aucune époque, à sa doc
trine et n'aille se ranger sous son noir éten
dard.
On voit également, par les passages que
je viens de citer, qu'il détruit aussi le sacre
ment de pénitence. D'après lui , si on né
glige de prendre une plus grande perfec
tion pour une moindre , il n'y a plus de
conversion , plus de pénitence ; d'après ses
raisonnemens, il faut être ou tout pécheur
I76 TRIOMPHE
ou tout parfait; mais la saine raison nous
montre qu'il peut y avoir un juste milieu
entre le pécheur et l'homme parfait, et que
s'il fallait obliger les hommes à embrasser
les choses les plus parfaites, Ce serait mettre
un des plus grands obstacles à la conversion
des hommes.
Il prétend, ce malheureux, que la con
fession sert à endormir les pécheurs dans
les douceurs funestes du péché ; tout homme
raisonnable reconnaît, je l'avoue, qu'elle
est pénible, mais qu'elle est un moyen très-
salutaire pour rendre la conversion solide
et durable, pour |précautionner les faibles
contre les périls éminens qui se rencontrent
sans cesse dans cette vallée de larmes , pour
fournir des remèdes efficaces aux âmes dé
sespérés, et les environner des plus flat-
teuses et des plus douces consolations que
notre auguste religion nous offre dans la
personne vénérable de ses ministres sacrés.
Quoique les ministres protestans n'obli
gent pas comme nous leurs fidèles à la con
fession, néanmoins ils conviennent qu'elle
estbonne, et conseillent d'y recourir comme
à une piscine salutaire qui porte le beaume
DE LÉGLISE. I77
dans l'ame du pécheur contrit. Mais Oeg-
ger veut être plus savant que les catholi
ques et que les protestans; il tranche la dif
ficulté : il a trouvé un chemin plus court
pour aller au ciel; il ne veut pas qu'on
s'arrête aux confessionaux pour y arriver
plutôt.
Destruction du Pater.
Il a autant de mérite dans l'explication
vicieuse de l'oraison dominicale, que dans
l'article que nous venons de parcourir. Je
suis bien surpris que notre prétendu pro
phète , ne puisse pas encore bien com
prendre le sens naturel .de ces magnifiques
paroles, qui sont incluses dans la prière,
la plus belle que le Sauveur du monde en
seigna lui-même à ses apôtres, et qui sont,
tout à la fois simples, et sublimes; donnez-
nous aujourd'hui notre pain quotidien :
panent nostrum quotidianum danobis hodie.
Il s'agit véritablement ici d'une nourri
ture réelle quotidienne, que nous deman
dons à Dieujournellemen t pour le soutien de
12
r"S TIUOMPHE
notre corps : mais IM. Oeggerplus mystique
an/ourd'huique les plus grands mystiques de
Tantiquité, ne veut pas qu'on prie pour cela.
Lorsqu'il s'agit dans l'Ecriture-Sainte du
mot Pain signifiant nourriture de l'âme, il
lui donne un sens naturel , nourriture du
corps, et ici où tous les hommes entendent
par pain, nourriture du corps , il veut lui-
même lui donner un sens mystique, nour
riture de l'âme où la vie de Dieu. Il ne faut
plus en douter, c'est parfaitement le langage
d'un chrétien singulier.
Destruction du Rosaire.
Voici comment il essaye de renverser le
saint usage de rendre nos hommages à Dieu
et à la sainte Vierge. Le chrétien éclairé
dit-il, à la page 333 , r?adresserapasfaci
lement à son createur , d'autre prière que
celle qu'il lui a lui-même enseignée. Et
quand il l'aura dite, une ou deuxfois dans
unejournée, avec une confiance et unepiete
vraiment filiales , il sera persuadé que l'a
mour éternel l'a suffisamment compris... Le
de l'égl1se. j^q
chrétien eclairé évitera surtout cet usage
sacrilège de s'adresser à d'autres êtres qu'à
Dieu, quelque parfaits que ces autres êtres
puissent paraître...
Il est évident qu'il veut parler ici du ro
saire et qu'il jette du ridicule sur «et an
tique et sublime usage, par lequel nous
rendons en commun , les savans avec les
ignorans tous ensemble , nous rendons nos
humbles et profonds hommage au Iloi et
à la Reine des cieux. . ? •
Quant à la sainte-Vierge, il parait qu'il
prohibe insolemment nos salutations et nos
vœux; cette puissante médiatrice qui jouit,
auprès de son divin fils, de toute les puis
sances célestes, qui distribue les grâces et
les couronnes, n'a-t-elle pas droit à notre
reconnaissance, et ne mérife-t-elle pas tous
les jours l'encens de nos mains pures, et
les dons de nos cœurs. .; ! ; . . ,, ■
Quant au pater, il recommande très-ex
pressément que quand, pendant une jour
née on le répete deux fois, on doit s'arrê
ter tout de suite , et prendre bien garde
au moins de ne plusprier le reste du jour ,
de peur d'ennuyer le bon dieu. Voyez com
l8o TRIOMPHE
bien est grande la simplicité âe notre grand
prophéte , que de borner la prière à ce
point; je veux bien croire que si nous con
sultons le langage des incrédules , ils nous
diront avec Oeggér, que c'est assez de finir
sitôt quton a commencé. Mais parcourons
le code sacré des lois divines, nous ver
rons qu'il est dit partout, qu'il faut prier et
prier sans cesse : sine intermissione ora-
te. Il nous est dit aussi dans saint Luc,
chap. XVIII , v. 1 : il ne faut jamais cesser
de priera oportet semper orare et non defi-
cere. On voit évidemment que M. Oegger est
diamétralement opposé à l'esprit de l'E-
vangile:;. ■ ■: --
Qu'il soit donc frappé d étonnement, en
voyant le ravage de sa plume sacrilége,
qui va profaner le sacrement du baptême et
de la pénitence , détruire le sens naturel du
pater , et le saint usage des ames simples
qui rendent leurs sincères hommages au Roi
et à la Reine des cieux, en leur offrant de
cœur et d'ame , la répétion solennelle de
la salutation angélique , et de l'oraison do
minicale- « . . ■
de l'église. i8l
article ii.
] 1 ne distingue pain t entre les préceptes et les conseils, entre
les péchés mortels et véniels ; il nie l'éternité des peines ;
il détruit le jeune et les abstinences.
Que les hommes se rapprochent de Dieu,
et Dieu se rapprochera d'eux : dit-il avec
majesté à la page 3i7, qu'il renoncent aux
petites passions ; qu'ils ne marchandentplus
avec leur conscience ; qu'en attendant de
plus grandes lumières, ils commencentpar
vivre conformement , au peu de vérites mo
rales qu'ils connaissent ; que dans le doute
ils s'abstiennent, selon le conseil que leur
donne un païen ; qu'ils ne distiguent plus,
continue-t-il, avec une noire sévérité, qu'ils
ne distinguent plus entre préceptes et con
seils} qu'ils ne parlent plus d'offenses vé
nielles quand il £agira de leur eternelpère.
Vraiment à entendre parler M. Oegger,on
le prendrait pour un Saint dans cet article;
ets'il observe entièrement tout cequ'ilydit,
il ne lui manque que la foi romaine pour
être canonisé. Mais sans l'avoir jamais ni
l8l TRIOMPHE
vu , ni connu, je crois qu'il fait comme les
membres de la sinagogue, qui annonçaient
toujours des lois sévères pour les autres, et
n'en observait jamais aucune eux-mêmes.
N'est-ce pas réellement contre la raison
que de publier solennellement , qu'on ne
doit point distinguer entre les préceptes et
les conseils ? Un monarque qui commande
légitimement, n'a-t-il pas le droit de faire
punir si on n'exécute pas les ordres émanes
de sa puissance et de sa sagesse ? Oui sans
doute; mais s'il donne un conseil sur tel ob
jet à son peuple chéri , les sujets seront
libres d'agir, du moins seront privés, ou
dignes d'une récompense, sans manquer de
respect à leur souverain. Il en est de même?
jusqu'à un certain point, à l'égard de Dieu
qui donne aux hommes des préceptes et
des conseils ; ne pas les distinguer c'est tom
ber dans un abyme d'erreurs effrayantes.
Il ne veut pas non plus qu'on parle d'of
fenses vénielles; il veut donc que tous les
péchés soient égaux, soient mortels; qu'elle
absurdité de sa part! Il voudrait donc,cebar-
bare,damner un chrétien qui aurait la fai
blesse de dire un léger mensonge , le con
de l'église. ' 183
damner au même fea de l'enfer que le mon
stre apostat qui égorgeait sans pitié, et avee
plaisir un grand homme d'un siècle célèbre.
On voit clairement que M. Oegger à aban
donné entièrementla voie magnifique de la
raison.
Il a renouvelé la même erreur de Jove-
nien , qui vécut dans le quatrième siècle,
et qui ne voulait pas qu'on distinguât entre
les péchés mortels et les véniels , prétendan t
qu'ils étaient tous égaux. Entre autres er
reurs vomies par cet hérésiarque , celle-ci
fut condamnée par le concile de Trente.
L'empereur Théodose fit des efforts pour
contribuer à son extinction. Le pape saint
Cyrice le condamna dans un concile, tenu à
Rome en 3go. Saint Augustin, saint Ambrai-
se, saint Jérôme, combattirent cette erreur.
Il nie l'éternité des peines.
Nous ne saurions nous arrêter, dit-il, à
ces images grossières qui représentent les
damnés comme brûles éternellement dans un
feu matériel, à la page 402. Il ajoute, nous
l84 TBIOMPHE
dirons ailleurs que , selon nous, lespeines de
Tautre vie ne sont éternelles que pour ceux
qui voudront bien rester éternellement mé
dians; mais qu'il y a toujours lieu au re
pentir devant le père, quoique le retour de
vienne plus difficile à mesure qu'on ienfonce
dans l'abîme.
On voit évidemment que M. Oegger a si
peur d'être damné éternellement, qu'il pu
blie solennellement que les peines de l'enfer
pourront un jour finir, soit pour apaiser ,
endormirles remords de sa conscience , soit
pour attirer des partisans à sa doctrine.
Il a renouvelé l'erreur ÏÏOrigène , qui
fut un des hommes les plus savans et les
plus renommés du troisième siècle. Entre
autres erreurs celle-ci, qui nie l'éternité des
peines, fut réfutée par saint Epiphane et
saint Jérôme, fut condamnée dans plu
sieurs conciles généraux et particuliers te
nus en Orient et en Occident , ainsi que dans
le cinquième concile général tenu à Cons-
tantinople, en 552, sous le pontificat de
Vigile et sous le règne de l'empereur Justi-
nien.
pe l'église. i85
Il détruit le jeûne et les abstinences.
On voit aussi par ce passage, dit-il à la
page 376 , que par jeûner le Seigneur en
tendait simplement s'affliger dans le sens
moral ou iaffluer de ses péchés. Lejeûne
corporel , continue-t-il , en usage dans cer
taines églises , et que dans quelques-unes on
a rendu si ridiculepar les details minutieux
et absurdes dans lesquels ont est entré', riest
donc , dans la realité, qu'un mémorial du
jeûne du cœur, et dont Tunique importance
est de rappeler ce dernier.
Ce n'est point du tout entrer dans Fesprit
de l'Evangile , ajoule-t-il, que de croire
que Von à tout faitquandon ajeûnéauprin-
temps et quon s'est abstenu pendant quel
ques semaines d'œufs et de graisse , il faut
jeûner toute Vannée ; faites jeûner vos pas-
sions.....
M. Oegger, à quoi pensez-vous? Peut-on
se faire illusion sur un point si évident?
lorsque notre divin Sauveurjeûna quarante
jours dans le désert et qu'il eut faim : post
j86 tr1omphe
quantjejunasset quadraginta diebus et noc-
tibus. etpostea esuriit. On voit évidemment
que c'était un jeûne corporel, réel, et on
ne peut, en aucune manière, prouver que
c'était un jeûne spirituel. C'est d'après ce
grand exemple , que notre Sauveur nous
donna, que la sainte Eglise a fait à tous les
fidèles une loi de jeûner pendant le carême
et pendant certaines époques de l'année , et
nous ordonne, avec une sagesse admirable,
des abstinences en certains jours , et en
particulier tous les vendredis et samedis de
chaque semaine , afin que nous pensions
continuellement à mortifier notre chair,
nos passions, et que nous puissions par-là
nous élever plus aisément à la contempla
tion des choses célestes.
M. Oegger a renouvelé une des erreurs
de Aërius, prêtre de l'église de Cébaste,
partisan des opinions fi!Anus. Cet hérésiar
que ne voulait ni jeûnes, ni abstinences,
et affectait de faire meilleure chair pen
dant le carême. Il fut condamné dans beau
coup de conciles. Saint Augustin et saint
Epiphane le réfutèrent avec un brillant
succès.
DE L'ÉGLISE. 187
Contemplons la conduite admirable de
notre mère chérie, organisant cette insti
tution merveilleuse pour contribuerai] bien
temporel et spirituel de ses chers enfans ,
dociles à ses douces lois. C'est par cette
magnifique institution qu'elle les anime
journellement à dompter leurs passions re
belles et à remporter sur elles les plus belles
victoires , et bien loin d'altérer les charmes
éclatans de la nature dont la Providence a
orné leurs corps , elle les affermit et les cor
robore , de l'aveu mê:ne des plus savans
disciples d'Hyppocrate.
Je connais un personnage distingué par
ses vertus et ses sublimes écrits admirés des
sa vans, qui a gardé l'abstinence pendant
trois années consécutives à Paris. Ce grand
homme, au milieu de ses mortifications sé
vères et volontaires, jouit de la plus bril
lante santé, sans prendre aucun ménage
ment, sans éprouver la plus légère infir
mité ; mais il faut avouer qu'il méprise tous
les plaisirs du monde, et, qu'au milieu de
la corruption séduisante du siècle , il n'a
d'autres passions que celle des bellesrlct-
tres : aussi est-il vertueux et sage autant
lH8 TRIOMPHE
qu'il est possible de l'être à un véritable
apôtre. Ainsi, enchanté, ravi des merveilles
qu'opère la sainte Eglise par ses préceptes
ei ses conseils, je l'admire, et, en particu
lier sur ce point sublime , je l'admirerai
toujours avec un saint transport d'allé
gresse , et tous les sages savans seront con
traints de l'admirer dans tous les siècles.
ARTICLE III.
Il méprise la canonisation des saints, le culte de la sainte
Vierge , le célibat.
M. Oegger, s'étant déchaîné contre lesPro-
testans, contre les philosophes et contre tous
les hommes, il est absolument nécessaire
qu'il se déchaîne contre Rome; et qu'à Romey
dit-il, à la fin de la page 36o, on ne dise
pas que dans la canonisation des saints on a
aussi, et particulièrement, égard aux vertus
qu'ils ontpratiquées dans un degréhéroïque.
Il n'estpoint donne à Phomme de connaître
ce degrédans un individu : éest là un mys
tère
Pardonnons le pauvre aveugle Oegger
sur toutes ses erreurs; expliquons-les lui,
DE L'ÉGLISE. 189
et enfin peut-être il comprendra la beauté,
la majesté de l'ordre qui règne à Rome au
tour du trône pontifical.
Dès l'aurore des beaux jours de l'Eglise,
les fidèles unis ensemble par la charité, ne
formant tous qu'un cœur et qu'une ame,
offraient l'encens de leurs hommages à des
personnages défunts, ayant été témoins de
leurs vertus héroïques pendant leur vie;
ainsi on les voyait courir en foule, honorer
les restes précieux de saint Pierre, de saint
Paul et de tant d'autres saints dignesde leur
vénération , et les supplier d'obtenir pour
eux des grâces signalées auprès de Dieu.
Mais l'Eglise voyant naître de cette fer
veur des abus dangereux, et qu'insensible-
nrentles fidèles rendaient des hommages à
des personnages qui en étaient indignes,
pensa alors avec sagesse à prohiber tout
culte envers tout défunt , avant d'être re
connu digne de cette vénération. Elle éta
blit alors un tribunal pour juger ceux qui,
pendant leur vie , s'étant distingués par des
vertus sublimes ou par des prodiges, méri
taient d'être honorés comme saints après
leur mort. Ainsi Rome ne fait pas les saints
TC)C) TRIOMPHE
comme on veut le dire, mais déclare uni-*
quement saints ceux qui , pendant le cours
de leur vie, ont montré un héroïsme écla
tant des vertus les plus magnifiques.
En outre, quoi de plus juste que de vé
nérer et de prier les saints sans les adorer:
nous supplions tous les jours nos meilleurs
amis environnés de l'éclat de gloire du
trône, d'obtenir du monarque des grâces,
des bienfaits; ainsi, sans blesser la Majesté
divine , on a bien droit de prier les bien
heureux d'obtenir miséricorde auprès du
Seigneur; c'est avec justice que nous con
servons précieusement les tableaux qui
rappellent à notre souvenir leur héroïsme,
comme nous conservons ceux de nos plus
chers amis, et, sans leà adorer, nous les en
vironnons sincèrement, de toute notre vé-
ration et. de nos plus.éclatans hommages.
11 détruit le culte de la sainte Vierge.
. ',; '. '$: ..••'... i ' .'' , .
Ceci devrait, dit-il à la page 3o5, don
ner à penser à ceux qui ne craignent pas
d'élever des autels a cette créature, qui,
DE T. ÉGLISE. 1C)1
toute intéressante qu'elle puisse être, ne
devrait jamais , sous aucun rapport , être
assimilée au Créateur.
Comment est-il possible que M. Oegger
ait l'audace de faire entendre au public que
l'Eglise assimile la sainte Vierge au Créa
teur? Dans quel temps, dans quelle époque
peut-il avoir vu cela? Qu'il le prouve, et
alors il ne méritera pas le titre d'imposteur.
Nous la regardons comme une créature, et,
si nous lui dressons des autels comme nous
en dressons aux saints comme aux anges,
c'est pour y faire brûler en pompe l'encens
pur de nos hommages, maisjamais celui de
nos adorations ; c'est pour faire couler sur
nous, par son intercession, les bénédictions
divines, et non pour reconnaître en elle
quelque divinité.
t II méprise le célibat. . -
- Est-il nécessaire, dit-il à la page 427i
après cela de longs raisonnemens pour dé
montrer Vabsurdite du célibat , tel que dans
des temps d'ignorance et de barbarie, on l'a
192 TIUOMPHE
introduitparmi les Chrétiens, au risque de
donner naissance par là à tout ce que For
dre des choses possibles peut offrir....
On voit assez bien que M. Oegger a re
nouvellé l'erreur de Jovinien, qui préten
dait que l'état du mariage etait aussi parfait
devant Dieu que celui de la virginité; ainsi
que celle deVigilance, prêtre de Barcelone,
qui enseignait que l'état de virginité ou du
célibat devait être prohibé. Celte erreur fut
réfutée dans la personne de Jovinien par
saint Jérôme, et condamnée par le concile
de Trente , et par un autre concile tenu à
Rome l'an 3go.
M. Oegger prétend de plus que , dans le'
ciel, les hommes seront unis par les liens cou-
jugaux ; et en cela il ne fait que renouveller
l'erreur honteuse de Mahomet qui enseigne
dans son infâme Alcoran , que dans l'autre
vie les justes jouissent des plaisirs charnels,
ce qui est entièrement opposé à l'Evangile,
où il est dit que les mariages n'auront point
lieu dans la cité sainte : Neque nubent, ne-
que nubentur. ••.... , ', , ,,
lla porté sa témérité jusqu'à vouloir ren
verser le célibat sacerdotal. J'avoue que lui
de l'église. ig3
même, né avec un penchant honteux au
mal , d'une manière particulière , reconnaît
qu'il est dans l'impossibilité de garder la
continence , et de faire briller dans sa mal
heureuse personne l'éclat des vertus ange-
liques; mais s'il en était convaincu avant de
porter le pied dans le sanctuaire, il devait
reculer, nous aurions été plus enchantés de
sa lâcheté, qu'affligés aujourd'hui de sa folie
ou de son prétendu courage.
La sainte Eglise n'a établi ce magnifique
usage qu'à l'exemple de notre divin Sau
veur , et des apôtres qui n'ont jamais été
liés par le lien conjugal; cette mère ten
dre et sage n'a prescrit la virginité aux
habitansdu sanctuaire, que pour l'avantage
et la gloire de la religion; en effet, si le
célibat n'existait pas, on verrait des Ophni,
des Phinées, des prêlres pères de familles
dans les horreurs de l'infortune, des en-
fans nombreux entre les mains dela justice;
que de soins innombrables pour les nour
rir, les élever, les établir avantageusement'
Tous ces objets divers ne pourraient -ils
pas devenir }a source d'une ambition dan
gereuse ! tandis que leur état sacré leur im
i3 .
iq4 triomphe
pose le devoir de veiller aux soulagemens
temporels et spirituels des pauvres fidèles
qui gémissent sous le poids de l'indigence.
Rien au contraire n'est plus beau , n'est
plus magnifique que de voir un saint mi
nistre des autels, environné de tout l'éclat
des vertus angéliques, dépouillé du soin
d'une famille et occupé uniquement de
celui de ses fidèles, leur déployant toutes
les richesses de sa charité, et remplissant
toutes ses fonctions glorieuses avec un dé
vouement héroïque.
ARTICLE IV.
Ses aveux et ses remords.
Voici le tableau singulier qu'offre M. Oeg-
ger, en parlant de Judas, traître du Sauveur
du monde ; il le dépeint comme un autre en
fant prodigue, qui, pénétré d'un profond
repentir, trouva miséricorde auprès du Père
céleste, et jouit de la gloire divine.
Ce Judas, dit-il à la fin de la page 3q6,
gui poussa le repentirjusqu'à ne plus pou
DE L'ÉGLISE. 1g5
voir vivre t taudis qu'il n'estpoint dit que les
autres apôtres , à Fexception de Pierre ,
aient pensé le moins du monde à pleurer
leurs lâches desertions; et Judas, qui pou
vait s"1être laissé persuader que son maître
n'était quunfauxprophete , ou bien , qu'é
tant unprophète veritable , il Saurait quuh
miracle à faire pour le sauver, n'était au
fond que Vemblème vivant de tous ceux qui
trahissent leur Dieu. Il était nôtre emblème
à tous!
Nous sommes tous des Judas, continue-
t-il dans l'amerttlriie de son ame, et mal
heur à celui qui se croirait meilleur que
lui/i.... Quel spectacle, ô Dieu! que de se
représenter. Le pauvre Judas! au
ciel! avec son ancien maître..*... aimant
beaucoup, parce qu!on lui a beaucoup par
donné.... Et ce même bon maître , nefaisant
d'autre distinction entre lui et les autres
apôtres, que de le choisir plus particulière
mentpour aider à ramener ceux de ses der
niers et malheureux en/ans représentés par
Benjamin , et qui ne sont autres que lesJuifs
actuels.....
Lecteurs, qui que vous soyez, ajoute-t-il,
196 TRIOMPHE
vos larmes coulent en cet endroit! oui, elles
coulent, carles miennes inondent ma plu
me.' ..... Malheur, oui malheur à ce cœur as
sez infortuné, qui nepalpiteraitpas à la seule
idée de Judas sauvé, ou même d'une chance
de salutensa faveur!Hélas ! cepauvre mal
heureux, il riavait pu survivre à sa faute:
J 'ai péché, faipéché'!.... n'en doutonsplus,
éest Venfantprodigue pour lequel le père,*,
a tué le veau gras.
On voit bien que le pauvre Oegger s'é
gare en suivant son imagination exaltée. Ce
Judas , dit-il, poussa le repentir jusqu'à ne
pouvoir plus vivre; ce furent les remords
durs et affreux qui le dévoraient , ce fut le
désespoir qu'il conçut en reconnaissant la
divinité de, notre Sauveur, qui le porta à se
suicider. Ce n'est pas un repentir visible ,
comme celui de saint Pierre, qui pleure sa
faiblesse, et qui, dans la suite, donne des
preuves incontestables de son repentir, en
étonnant toute la terre par son courage hé
roïque.
Dans cet article, Oegger fait un aveu bien
éclatant : Nous sommes tous des Judas, dit-
il ^ en se mettant du nombre; mes larmes,
DE L EGLISE. 197
ajoute — t — il ailleurs, inondent maplume.
Il faut que j'avoue qu'à la vue de cet atten
drissement de son cœur, j'ai espéré qu'un
jour M. Oegger pourrait se convertir.
Il a osé avancer, en parlant de Judas : mal
heur à celui qui se croirait meilleur que lui;
c'est une erreur grossière; on peut fort bien
croire qu'il y ait des gens qui n'ont pas trahi
Jésus-Christ . et que ces paroles ne peuvent
mieux s'appliquer qu'à un apostat qui trahit
la religion en perdant toute espèce d'hon
neur, et en avouant lui-même qu'il n'est
pas meilleur que Judas. •
Il semble que Dieu s'est plus à manifester
dans cet ouvrage sa puissance miraculeuse,
lorsqu'on voit que M. 0eggery déploie toute
l'étendue de la perversité de son cœur, avec
une franchise vraiment ravissante et digne
de pardon.
Nous allons nous en convaincre à la
page 33 1. « Faire tout pour moi, dit-il au
» pluriel , rapporter tout à moi , n'attacher
de prix qu'à l'orgueil, à la vanité, à la re-
» nommée ; ne voirjamais que mon individu
» dans toutes mes démarches , même dans
» mes prétendues bonnes œuvres; m'ap
1g8 TRIOMPHE
» puyer sur mo\, sur mon bras, et non sur
» Dieu. C'est là , dit-il au commencement
» de cette phrase, c'est là effectivement mon
» grand mal. »
On voit évidemment que la main divine
a dirigé sa plume pour le conduire à faire
Taveu éclatant de l'intérieur de son ame. La
page 3i8 va nous le confirmer d'une ma.r
nière indubitable. « Ce n'est pas Dieu, dit-
» il au pluriel, qui s'est éloigné de moi , c'est
» moi qui me suis éloigné de lui, il me cher-
» che et je me dérobe à ses regards; il me
» poursuit, et je le fuis; il m'adresse la pa-
» rôle , et je ne l'entends point; il vient se
« se montrer à mes yeux sous les traits les
» plus palpables de l'être, et je ne veux pas
» le reconnaître. »
Voyez comment cet homme , savant sans
doute, laisse échapper des traits visibles qui
décèlent les remords cuisans qui déchirent
son ame alarmée, malgré les triomphes ima
ginaires que lui montrent dans le lointain
des flatteurs esprits frivoles, qui veulent se
servir de sa faiblesse, pour renverser la
colonne puissante de l'illustre Eglise de
France.
DE L EGLISE. I99
ARTICLE V.
Réflexion consolante adressée à M. Oegger.
O mon cher Oegger, que je suis allarme
de votre aveuglement que tout le monde
déplore ! Ne voyez-vous pasl'abimeeffrayants
où vous êtes plongé ? Et si vous ne voulez
point revenir à Dieu avec sincérité, n'a-
prébendez-vous pas que le ciel ne frappe
d'un anathème éternel votre endurcisse
ment, dont vous avez fait l'aveu sans vous
en douter? Vous ne pouvez pas ignorer
que le Seigneur poursuit le pécheur du feu
de sa colère , et que souvent il le frappe au
moment où il se croit tranquille, et qu'il se
joue des conseils des sages et des lois de
Dieu , odisti omîtes qui operantur iniquita-
tem , perdes omnes qui loquuntur menda—
cium. '
Les anges étaient les chefs-d'œuvre des
mains du Créateur, mais l'instant qui les
vit coupables les vit réprouvés. Baltasar,
Sédécias , Jéhu , et tant d'autres pécheurs
200 TRIOMPHE
sont punis de mort et arrosent de leur sang
la place glorieuse qu'ils avaient occupée in
dignement. Mariasses, oubliant son Dieu,
est chargé de fers et enseveli dans les hor
reurs d'un souterrain.
Ce fut la colère divine , nous dit l'Ecri-
ture-Sainte , qui abrégea les jours de David
et iïEzéchias , à cause de leurs péchés. C'est
pour punir les crimes que le ciel réduisit
en cendres des villes rebelles à ses ordres,
renversa des provinces , désola des royau
mes , et que sous Noé il ensevelit la terre
sous les eaux.
En homme rempli de vénération et de
foi pour les écrits sacrés , les cheveux se
dressent sur ma tête à la vue de ces traits
effrayans. Les beautés , les charmes écla-
tans de la jeunesse , et les glaces de Tâge
très-mûr, n'arrêtent point le courroux du
ciel ; les vieillards calomniateurs sont pu
nis comme les enfans qui avaient insulté le
prophète.
Oza le téméraire tomba subitement mort
à côté de l'arche. Le grand prêtre Eli ou
blie ses devoirs , il est renversé dans le
sanctuaire ; Heliodore profane le temple de
DE L ÉGLISE. 201
Jérusalem , il est étendu au pied de l'autel ,
et y est laissé à demi-mort par un ange qui
y paraît miraculeusement. Saùl, Antiochus,
ayant méprisé la puissance de Dieu, finis
sent leurs malheureux jours dans les hor
reurs du désespoir.
Voilà le malheur qui vous attend , mon
cher Oegger , si vous n'ouvrez les yeux à la
lumière qui vous éclaire; votre crime d'a
postasie est bien grand, sans doute, mais
Dieu s'apaisera si vous revenez à lui sincè
rement. Prosternez-vous aux pieds du Dieu
trois fois saint que vous avez abandonné,
. il se laissera toucher; suppliez-le dans toute
l'amertume de votre ame, et il vous fera
miséricorde.
L'impie Achab , ennemi des saints et des
prophètes , implora sincèrement le secours
du ciel , et la foudre destinée à tomber sur
sa tête fut réservée pour sa postérité. Ninive,
condamnée à devenir l'exemple des ven
geances célestes, devint par la prière le mo
nument glorieux des miséricordes divines.
La femme de Samarie demande au Sauveur
les eaux vives de la grâce, et son cœur n'est
plus altéré des voluptés de Babylone.
203 TRIOMPHE
Etes-vous agité par les mouvemens sédi
tieux d'une cupidité rebelle? priez avec les
disciples, le calme succédera à la tempête,
les flots des passions mutinées s'abaisseront,
et dans le silence des sens votre ame n'en
tendra que la voix de la grâce.
Pour moi , mon cher Oegger, plein
d'une tendresse fraternelle à votre égard,
depuis quelques temps je supplie le Très-
Haut de faire un prodige en votre faveur,
et de vous arracher comme Lazare du tom
beau du péché , où vous êtes enseveli de
puis quatre ans , afin que vous deveniez
l'admiration d'Israël. ■ -
Mais auriez-vous, peut-être, la pensée
effrayante que votre crime est trop grand
pour que le ciel daigne vous pardonner?
Non, mon cher ami, non; rappelez ici à
votre souvenir saint Augustin , ce grand
homme qui s'était plongé dans toutes sortes
d'erreurs, d'opinions bizarres, et de systè
mes absurdes , qui avait croupi pendant
plusieurs années dans le cloaque de toutes
les passions humaines, et qui obéit àla grâce
qui l'anima ,fit un effort, fut victorieux , se
rendit à. la voix d'Ambroise , qui le pressa
de l'église. ao3
tendrement sur son sein , et l'enfanta à la
foi pure de Jésus-Christ.
Ce grand génie, qui possédait toutes les
richesses de la poésie , tous les trésors de
l'éloquence , ne craignit pas de faire l'aveu
de ses erreurs; combattit les Donatistes, les
Tertulliens, les Pélagiens; il peupla les dé
serts de l'Afrique de bons Chrétiens, en y
établissant la religion et la pureté des
mœurs; ainsi, celui qui avait été si faible
devint upe des plus puissantes colonnes de
l'Eglise. Eh! savez-vous si Dieu ne veut pas
faire de vous un second Augustin ?
Saint Paul avait persécuté cpmme vous
l'Eglise , avait insulté aux saints qui en
avaient été les membres, il se faisait un jeu
de l'Evangile dont on lui parlait, et, dans
le moment où il était dans le dessein de
l'anéantir , il est frappé par un ctfup du
ciel, et renversé sur le chemin de Damase.
Alors, pénétré de douleur, il entendit une
Yoix qui lui disait : Saul , Saul, pourquoi
me persécutez-vous? Ayant aussitôt obéi à
la voix céleste , il se convertit , il prêcha le
Dieu qu'il avait persécuté, et devint l'a
pôtre des nations.
204 TRIOMPHE
Ah ! mon cher Oegger , c'est peut-être
vous que Dieu réserve pour être l'apôtre
de la France ! Hâtez-vous de reconnaître la
voix du ciel qui vous parle et vous terrasse
au moment où vous portez, les armes contre
l'Eglise? Ah! relevez-vous, suivez-moi, je
vais vous conduire chez Ananie ; vous re
couvrerez la vue, vous rétablirez vos forces
épuisées , et il ne vous restera qu'à faire
des conquêtes et qu*à cueillir des lauriers.
Hélas ! peut-être encore vous êtes sourd
à la foudre du ciel qui gronde sur votre tête,
et vous cherchez à endormir les remords
affreux de votre ame qui ne vous donnent
aucun véritable repos. Pourriez-vous vous
faire illusion sur vos égaremens et applaudir
à votre rebellion, comme à une victoire glo
rieuse. Votre endurcissement me navre le
cœur; que votre position est digne de pitié!
Les larmes coulent de mes yeux ; ô que je
vous plains du fond de mon cœur!
O mon Dieu! faites un prodige; sauvez cet
enfant chéri que vous avez racheté au prix
de votre sang précieux. O Vierge sainte! ô
Marie ! ne laissez point périr cette ame qui
a coûté si cher à votre divin Fils ; mettez le
DE LÉGLISE. 2û5
comble à vos bienfaits; brisez les liens hon
teux qui l'attachent à la terre, et donnez-lui
la liberté des véritables enfans de Dieu.
Mon cher Oegger , laissez-vous toucher de
la grâce que Dieu vous prodigue 5 pénétré
d'un profond repentir, arrosez la terre de
vos larmes; Dieu écoutera vos vœux et fera
pleuvoir sur vous toute l'abondance de ses
bénédictions : c*est peut-être lui-même qui
frappe à la porte de votre cœur au moment
où je vous parle. Oh ! que vous seriez heu
reux si vous pouviez comprendre sa voix !
c'est lui qui vous appelle, qni vous tend les
bras, vous offre son sein miséricordieux: por
tez vos regards dans le Ciel, il y prépare vo
tre couronne.
Vous persuaderait-on que ce serait un
déshonneur pour vous de vous rétracter?
Non, non, ce serait pour vous, au con
traire un honneur signalé; vous seriez du
nombre de ces grands hommes qui, s'étant
égarés, retrouvèrent avec ravissement la
voie romaine à la lueur de l'éclat de sa
gloire.
Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers,
qui enseigna des erreurs sur la Trinité, fut
20Ô TRIOMPHE
condamné en n48 parle concile de Reims,
et réfuté par saint Bernard ; il se rétracta et
ne fit que mettre le sceau à sa réputation.
Pierre Abaillard, né dans le territoire de
Nantes en Bretagne , s'acquit une brillante
réputation dans l'université de Paris, où il
montra publiquement la philosophie; sa
dialectique le plongea dans plusieurs er
reurs sur la Trinité. Il fut condamné par le
concile de Soissons , en aïo, et par celui
de Sens, en n4o. Le pape Innocent II con
firma sa condamnation : saint Bernard 'le
Combattit. Il avoua ses erreurs, et son aveu
donna un nouveau lustre au nom glorieux
dont il jouissait.
Béranger, archi-diacre d'Angers, fit sa
réputation au commencement du onzième
siècle. Il prétendait que le corps de Jésus»
Ghrist n'était contenu qu'en figures dans
l'augustcsacrement de nos autels ; l'Eglise
universelle s'éleva contre cet hérésiarque ,
qui renversait la doctrine enseignée par les
Apôtres.
Il fut condamné , dans un concile tend à
Rome, sous Léon IX, l'an io5o^ par les con
ciles de Versailles et de Paris, tenus la même
DE L ÉGLISE. 207
année; par le concile de Florence, sous Vic
tor II, l'an 1o55 ; par le concile de Tours, la
même année ; par le concile de Rome , sous
Nicolas II, l'an 105g; par le concile de Rome,
en1o63; parle concile de Poitiers, en 107$$
par le concile de Rome, sOus Grégoire Vil,
en 1078. ii
Alger, diacre de Liége, et dans la suite
abbé de Cluny , Guimond, évêque d'Aver-
sano, près de Naples, Durand, abbé de
Troard, Lanfranc, archevêque de Cantor-
béri,Hugues, évêque de Langres, sont ceux
qui écrivirent contre le célèbre Béranger ,
qui reconnutses erreurs etfutreçu en pompe
dans le sein de l'Eglise catholique.
Féhélon, évêque de Cambrai, auteur im
mortel , composa un ouvrage sur le Quié-
tisme, et, après beaucoup de conseils et de
combats religieux qu'il daigna accepter
avec soumission , il aperçut qu'il était tombé
dans une grande hérésie , dont il fit l'aveu
public. Il brûla lui-même son ouvrage en
chaire, sans néanmoins éclipser sa gloire.
Ce personnage, illustre par son génie, sa
science profonde dans toutes les branches-
de la littérature et par ses sublimes vertus ,
208 TRIOMPHE
jouit aujourd'hui d'une plus grande gloire
que Bossuet, son antagoniste ; il possède les
suffrages de tous les savans français , et en
est regardé comme un des plus illustres
grands hommes que la France ait vu naitre
de son sein glorieux.
Suivez l'exemple de jes ames magnani
mes, dont l'esprit sublime et les vertus hé
roïques seront célébrés dans tous les siècles.
Quoi ! n'auriez-vous pas le courage de voler
vers votre triomphe éclatant? Est-ce que
vous n'oseriez pas rompre les liens d'atta
chement qui vous unissent encore à quel
que société? Un lien injuste peut se dissou
dre, et l'honneur n'y met jamais opposition.
La raison vous appelle à la religion de vos
pères, et si elle voit vos combats et vos bles
sures, elle saura donner du prix à vos vic
toires.
Ecoutez celui qui vous parle aujourd'hui
sincèrement; ce n'est point votre ennemi,
non ; c'est votre ange tutélaire , c'est votre
ami véritable qui fait luire à vos yeux l'au
rore de la vraie félicité. Leslarmes luiéchap
pent; seriez-vous insensible? Votre cœur,
bon , tendre, reconnaissant, ne serait-il pas
DE L ÉGLISE. 209
attendri? ne reconnaîtrait-il pas la main
charitable qui dirige ma plume?
Oh ! quel dommageque vous vouliez vous
perdre et vous affermir pour toujours dans
les ténèbres des erreurs, que vous contem
plez peut-être encore avec allégresse! quel
dommage que vous vouliez vous perdre
sans ressource , vous dont les talens, l'esprit
et la science étonnent les savans, vous dont
le cœur a été toujours noble , qui n'a été
faible que par trop de tendresse?
Oui, je ne l'ignore pas; des amis perfides
ont séduit votre esprit, lui ont tendu des
piéges par des éloges séducteurs ; détournez
vos regards de ces monstres vomis de l'en
fer, avant qu'ils vous laissent dans l'igno
minie et le désespoir. J'ai entendu leurs
sentimens à votre égard. Vous vous êtes dé
claré formellement contre eux dans plu
sieurs articles : c'est fini pour vous, et s'ils
vous caressent aujourd'hui de peur que vous
ne rentriez dans le bercail du véritable pas
teur, ils vous délaisseront un jour à coup
sûr, quand ils seront assurés que tous les
hommes vous laissent dans l'oubli entière
ment.
4
5>TO TRIOMPHE
Certainement l'état ne satisfera pas vos
désirs, puisqu'il n'a pas satisfait ceux des
puristes, dont le nombre, assez prodigieux
dans toute la France, forme une société
réelle qui , depuis plusieurs années , a de
mandé des temples avant vous.
Profitez donc de l'occasion merveilleuse
que le ciel vous offre par un prodigeicette oc
casion heureuse ne reviendra peut-être plus.
Suivez héroïquement le sentier glorieux que
je vous trace ; ne balancez pas : soyez ferme
et inébranlable , et vous arriverez , je vous
l'assure, à un terme parfaitement heureux.
Quel malheur qu'on ait abusé de la bonté
de votre cœur e t de la docilité de votre esprit?
O mon cher Oegger ! Pensez sérieusement à
la grande affaire de votre salut! pensez qu'un
grand nombre d'ames gémissent dans l'abî
me infernal , et qui voudraient pouvoir se
repentir ; mais il n'est plus temps pour elles :
elles croyaient que ces peines auraient des
bornes; mais elles se sont trompées , et ne
pouvant plus revenir sur la terre elles sont
perdues pour toujours, etsont malheureuses
pendant toute l'éternité.
Pour vous , il vous reste encore un temps
DE L EGLISE.- 2ii
magnifique et propice que le ciel fait briller
à vos yeux j saisissez-le avec un saint trans
port ! L'Eglise vous offre un rayon de sa
gloire, hâtez-vous d'en ceindre votre front;
mais pensez que c'est peut-être la dernière
grâce signalée qu'elle vous accorde ; prêtez
une oreille attentive à sa voix maternelle,
venez vous jeter dans le sein de cette mère
tendre et chérie , elle vous prépare un fes
tin pompeux, une place auprès des sages,
des lauriers immortels dans l'autre vie.
Le zélé prélat que vous avez abandonné
vous recevra avec joie dans ses bras pater
nels, son cœur tendre vous ouvrira encore
la porte du sanctuaire : comme lui l'Eglise
pleure , gémit sur votre malheureux sort ,
sur votre égarement , sur votre ignominie.
Vos véritables amis, avec lesquels vous cou
lâtes autrefois, avec un charme enchanteur
les plus beaux jours de votre innocence, se
réjouiront avec vous, prendront part à vo
tre triomphe.
Hâtez-vous de donner un véritable lustre
à votre gloire ; venez , vous trouverez dans
ma simple personne un homme franc et
sincère, qui ne connaît point la trahison ,
212 TRIOMPHE
je vous donne ma parole d'honneur la plus
sacrée : je vous conduirai moi - même sur
le Thabord, pour yvoir à découvert la véri
table grandeur de Jésus-Christ, vous mon
trer la grandeur d'ame de saint-Jean, dont
vous avez été disciple , et dont vous avez ou
blié la doctrine pure: nous y contemple
rons saint Pierre, comme le véritable prince
de la terre chrétienne.
Auprès de son trône pontifical, environné
d'une pompe céleste , nous admirerons
avec un charme ravissant , l'éclat modeste
de l'Arche de la nouvelle alliance, conser
vée pure comme le soleil, ainsi que le Ployant
vénérable, qui possède la véritable sagesse
et les principes du chef invisible, toujours
établis et inébranlables pendant tant de siè
cles sans aucune interruption.
Nous y contemplerons cette humble reine
de l'univers [chrétien , toujours puissante ,
toujours glorieuse, accueillant journelle
ment avec tendresse les hommes, qui , de
toutes les parties de la terre, viennent lui
offrir l'encens pur de leurs hommages, et
y consulter le Samuel de nos jours.
Nous y admirerons toute la pompe des
DE L'ÉGLISE. 2l3
beaux arts, la pureté et l'éclat de toutes les
langues antiques et modernes, qui, dans
tous les temps , ont augmenté son doux em
pire; en amateur de toutes les sciences,
nous n'oublierons point toutes les richesses,
toute la magnificence de la littérature,
brillant d'un vif éclat au milieu de la piété
sincère de la religion romaine; il ne dé
pendrait que de vous, ô mon cher Oegger,
d'avoir une place au milieu de l'éclat ra
vissant de sa splendeur immortelle ; vous
seriez au nombre des hommes remarqua
bles de ce siècle , qui ne terniriez nullement
les rayons éclatans de sa gloire immense,
si vous vous attachiez solidement à son
char de triomphe.
iivvc troisième.
TRIOMPHE
SOUVERAINS PONTIFES SUR LEURS ENNEMIS.
TRIOMPHE
?JL
DE L EGLISE.
i«r Unts «utwtnis.
CHAPITRE PREMIER.
Tableau des vertus héroïques des Pontifes romains.
Que j'aime à contempler nos augustes
chefs de l'Eglise , portant sur leur front ra
dieux l'image éclatante de la grandeur de
leur ame et de la bonté de leur esprit paci
fique et sublime, dont ils déploient les ri
chesses pures dans l'univers chrétien ! A leur
vue, l'enfer frémit, le Ciel entonne des can_
ri I 8 TRIOMPHE
tiques de jubilation; à leur aspect, les amis
de l'erreur et de la corruption tremblent et
frémissent; leur autorité ne règne, n'a d'em
pire que pour le bonheur des hommes, elle
renverse les erreurs nuisibles à la société.
Les rébellions clandestines ourdies contre
la sécurité publique n'échappent point à
leurs regards : les foudres de leur puissance
légitime éclatent sur eux. , et les ordres
pompeux, puissans , mais pernicieux, ne ré
sistent point à leur génie : ils s'écroulent
devant eux avec tout l'éclat de leur gloire
colossale.
Dans tous les siècles, leur ame magna
nime, ne goûtant de bonheur sur la terre,
que de voirles peuples heureux, réunirent
toujours leurs efforts pour couronner les
vœux des malheureux qui, abandonnés des
hommes puissans, sont souvent livrés à la
fureur de l'injustice, et ne voient jamais
briller à leur égard les secours de la pre
mière puissance , qui devrait adoucir leur
infortune.
Certains savans s'étaient persuadés quel
quefois que les souverains de l'Egljse font
peser un sceptre de fer sur les sujets dociles
de l'église. 2i9
à Jeurs lois, et que leur plaisir barbare est
de les faire gémir dans les chaînes de l'es
clavage; non, un tel langage ne peut être
que celui de la calomnie. "Ils ne dirigent
leurs peuples chéris qu'au milieu des dou
ceurs, des charmes de la paix , sous l'éten
dard glorieux de la vertu et de la religion
libre, et on verra avec ravissement que
dans le sein de leur domaine légitime plu
sieurs donnaient la liberté d'agir à tous les
hommes, de quelque opinion et de quel
que religion qu'ils fussent, leur offrant,
avec un cœur généreux, une retraite assu
rée , un asile charitable , et la protection de
toute leur autorité, en leur prodiguant
leurs bienfaits et leurs grâces.
La diatribe, qui depuis tant de siècles ne
cesse de se servir de ses noirs pinceaux
pour noircir audacieusement les augustes
représentans de Jésus-Christ , s'arrêtera au
spectacle magnifique des vertus héroïques
de toutes les espèces qu'ils ont fait éclater
au milieu de la pompe romaine, et dont
les exemples sublimes et mémorables ont
environné le trône pontifical d'une gloire
solide et inébranlable.
2 20 TRIOMPHE
Bien loin de réunir tous leurs efforts pour
faire briller le luxe et l'éclat des richesses
dans leurs demeures papales, on en a vu
un grand nombre se dépouiller du vain
éclat de la grandeur humaine, embrasser
la simplicité des premiers Apôtres en ver
sant dans le sein de l'humanité souffrante
toutes leurs richesses; d'autres , animés d'un
zèle plus héroïque,* renonçaient à leurs
grands revenus pour voler au secours de
l'indigence, et vivant eux-mêmes comme
des anachorètes, se contentaient d'un re
pas frugal , comme les hommes de la cam
pagne, et, bien loin de consacrer leur
temps précieux aux plaisirs de la vie, le
consacraient au bonheur de la société chré
tienne, se livraient aux jeûnes, aux veilles
et aux travaux pénibles du ministère pour
contribuer au salut des fidèles et à la gloire
de la religion.
Peut-on ignorer l'héroïsme éclatant de
ceux qui , brûlant d'une foi vive . non-seu
lement animaient les fidèles à recevoir la
doctrine pure de Jésus-Christ, à vaincre ou à
mourir plutôt que del'abandonner, frayaient
eux-mêmes le chemin de l'héroïsme, volaient
DE L EGLISE. 22 1
vers l'échafaud pour cueillir la palme glo
rieuse du martyre , arrosaient de leur sang
la terre chrétienne, embaumaient l'Eglise
de l'odeur de leurs vertus , et l'affermis
saient sur la pierre, en la laissant pour mon
ter dans les Cieux ?
Nous contemplerons la grandeur d'ame
de plusieurs autres, persécutes par des ty
rans qui dévastaient sans pitié leur domaine
légitime; nous les verrons envoyés en exil,
condamnés aux plus durs travaux, termi
nant leurs malheureux jours au milieu de
l'héroïsme de leur patience , n'ayant d'autre
douceur et d'autre consolation que les char
mes de la paix de leur ame.
Combien n'en voyons-nous pas qui ,
pleins d'un zèle éminent et pacifique , ren
versaient les impôts qui faisaient gémir
leurs malheureux sujets, arrêtaient leurs
vices dans leur source , étendaient l'empire
d'une sage liberté, afin que l'homme , en
tièrement libre, embrassant un genre de
vie conforme à sa fortune , à ses forces
physiques et morales, pût être évidemment
utile à la société et à la religion.
Nous les contemplerons, nonpas comme
2 22 T1lIOMPHE
des despotes qui veulent désunir les princes
de la terre , porter le fer et le feu chez les
peuples, semer la zizanie parmi eux, afin
de faire couler à grands flots le sang au mi
lieu des guerres et des carnages; au con
traire , nous les admirerons véritablement
avec justice comme des pères tendres, bien
faiteurs de l'humanité , parcourant de leurs
regards attentifs l'univers chrétien , pour
lui prodiguer leurs soins paternels.
Nous les verrons chérir les monarques
qui font briller dans leurs augustes person
nes les plus magnifiques vertus, tantôt en
les comblant de leurs bienfaits et de leurs
grâces, en condescendant à leurs justes dé
sirs, tantôt en favorisant leurs entreprises
glorieuses, en portant l'amour de la paix
jusqu'à descendre du trône pontifical pour
venir dans leur cour , leur offrir leur hom
mage, traverser même les armées pour por
ter la paix entre les princes chez lesquels
régnait la discorde, et parleur présence '
arrêter à l'instant le sang, la guerre et le
carnage.
Si nous voyons un grand nombre de
pontifes romains reçus en .France par nos
DE L'ÉGLISE. 223
illustres monarques , qui les accueillent au
milieu de tout l'éclat, de toute la pompe
royale, et leur donnent des asiles avec
tous les honneurs imaginables, de même
nous les voyons accueillir pompeusement
dans Rome, les princes infortunés, se dé
clarer leurs pères, leurs protecteurs intré
pides, en leur prodiguant leurs richesses et
leurs bienfaits , dignes de leur rang au
guste.
Dans des époques remarquables, les
sciences, chassées des autres nations, vin
rent se réfugier à Rome, y trouvèrent un
asile puissant sous les auspices de nos sou
verains pontifes; l'imprimerie y établit son
empire et y déploya toutes les richesses et
toutes la magnificence des langues antiques
et modernes : on vit naître aussi alors une
infinité de découvertes merveilleuses.
Tandis que l'ignorance régnait dans
l'univers, on voyait dans cette cité célèbre
des grands hommes qui, à la laveur des
princes de l'Eglise , répandaient leurs lu
mières dans toutes les parties du monde.
Les beaux-arts y ont toujours fixé leur
plus magnifique empire : la musique, la
2 24 TRIOMPHE
peinture, l'architecture, la poésie y ont dé
posé des monumens qui feront l'admiration
de tous les peuples. Un grand nombre d'é-
tablissemens de bienfaisance, non-seule
ment établis dans son sein , mais encore ré
pandus par toute la terre, par leur bénigne
influence, ainsi que les temples majestueux
consacrés à la Divinité , sont les monumens
magnifiques qui rappelleront éternellement
les combats , les victoires , les lauriers et les
triomphes des souverains pontifse.
DE L'ÉGLISE. 225
CHAPITRE 11.
Extinction de certains ordres par les chefs de l'Eglise.
La beaute , l'éclat, la grandeur de notre
auguste et sublime religion, se conservera
toujours au milieu des tempêtes et des ora
ges, en renversant les erreurs qui peuvent
secrètement s'opposer à ses principes ma
gnifiques et inébranlables. Ainsi nos pon
tifes romains , augustes représentans de Jé
sus-Christ, destinés à veiller au champ du
père de famille, dont ils sont à la tête, ont
conservé la pureté de sa magnificence cé
leste , en renversant avec force et courage
les digues qui pouvaient s'opposer aux pro
grès du véritable Evangile : c'est ce qu'ils
ont fait dans des époques remarquables ,
en éteignant le corps célèbre des Jésuites,
i5
aaC TRIOMPHE
dont une partie était imbue d'erreurs per
nicieuses.
Clément XIV, ou Ganganelli, naquit,
le 3i décembre 1705, d'une famille noble:
de bonne heure les lumières de son génie
le firent admirer : il fit des progrès rapides
dans ses études, dans les sciences les plus
abstraites. Benoît XIV, charmé de ses bon
nes qualités et de ses grands talens, le fit
élever à la dignité de consulteur d'office.
Clément XIII le revêtit de la pourpre ro
maine; les Jésuites, venant d'être chassés
du Portugal , de l'Espagne , de Naples, par
Clément XIII, on demanda, après la mort
de ce pontife , l'extinction de ce corps cé
lèbre en France à Clément XIV, son suc-
seur, qui voulut peser cette affaire au poids
du sanctuaire.
« Je suis , dit-il , le père des fidèles , et
» particulièrement des religieux: pour,sup-
» primer un tel ordre puissant et illustre , il
» faut des motifs qui me justifient aux yeux
» de Dieu et de la postérité. » Il fit des recher
ches immenses, pendant très-long-temps,
dans les écrits et les archives qui pou
DE L'EGLISE. 227
vaient lui donner de justes renseignemens
sur cette fameuse société (1).
Des réclamations s'élevèrent de toute
part; des lettres anonymes , des e'crits pu
blics, et même des menaces, ne purent
point ébranler le grand pontife, qui fit
éclater contre eux, avec un courage he
roïque, son bref d'extinction. La discipline
de l'Eglise, la réforme des abus, l'ordre po
litique , et la tranquilité de différens états
demandaient cette grande catastrophe.
Clément XIV était autant bon souverain
pontife que sage, et profond politique. Le si
lence était un de ses grands principes ; sa
tactique était de ne se fier à personne: il
avait raison, car tôt ou tard on est trahi. Il
était très-aimable, gai et tolérant, traitant,
avec une fraternité touchante , les Catholi
ques et les hérétiques; il avait coutume de
dire, pour maintenir la foi : « N'oublions
» pas la charité, s'il ne nous est pas permis
» de tolérer le crime, il nous est défendu
» de haïr ceux qui y sont tombés. »
(i) On sait qu'une partie des Jésuites n'avait pas les seuti-
mens de tout le corpscorrouipu , comme par exemple Ricci et
et tant d'autres.
2ïR TRIOMPHE
Il vivait sans luxe au milieu d'une grande
et magnifique simplicité évangélique, que
quelques Romains, partisans du faste et de
la magnificence , osèrent lui reprocher in
justement. Les Anglicans ayant élevé une
statue en son honneur, il s'écria : « Plut à
» Dieu qu'ils fissent pour la religion ce qu'ils
» font pour moi. » Ce qui prouve incontes
tablement qu'il était rempli de zèle pour la
gloire de Dieu.
Ce grand souverain pontife fit des éta-
blissemens très-utiles; c'est à lui qu'on est
redevable du musée Clémentin, où se dé
posent les monumens de l'antiquité. Il mé
rita d'être regardé comme un homme de
lettres, comme un bon prince et un sage
pontife: il avait fait inscrire les noms des plus
célèbres écrivains de ses états, et si la mort
n'eût pas empêché l'exécution de ses nobles
projets , il aurait récompensé ceux dont les
chefs-d'œuvre avaient pour objet la reli
gion et la patrie. Il fit quelques ouvrages ,
où l'on voit briller ses grands talens et son
génie.
Paul V, nommé Camille Borgèze, fut d'a
bord clerc de la chambre apostolique, en
DE L'ÉGLISE. 229
suite nonce en Espagne sous Clément VIII,
qui lui donna le pourpre : il monta sur la
chaire de saint Pierre après Léon XI. Use
forma un parti contre lui, il eut recours à
Henri IV, roi de France , qui eut tout l'hon
neur de cet accommodement glorieux.
Ce bon souverain pontife accorda le ré
tablissement des corps religieux; mais il ne
voulut jamais consentir avec un courage
héroïque à rétablir l'ordre des Jésuites : les
Vénitiens promirent d'envoyer un ambassa
deur à Rome, pour remercier Sa Sainteté,
qui chercha à terminer un autre différend
long-temps agité dans les congrégations de
auxiliis ; elle leur fit annoncer qu'elle fai
sait défense aux parties belligérantes de se
censurer mutuellement.
Quelques autels ont avancé que Paul V
avait dressé, contre la doctrine de Molina ,
une bulle à laquelle il n'a manqué que d'ê
tre promulguée.
Il tâcha d'embellir Rome, et d'y rassem
bler les plus beaux ouvrages de peinture et
de sculpture : cette superbe capitale du
monde chrétien , doit à son z,èle les plus
belles fontaines , surtout celle qui fait jaillir
î3o TRIOMPHE
l'eau d'un vase antique tiré des thermes de
Vespasien ; et celle qu'on appelle VAqua
pa-ola , ancien ouvrage d'Auguste , que ce
pontife rétablit; à l'exemple de Sixte-Quint,
il y fit conduire l'eau par un aquéduc de
trente-cinq mille pas.
Il fit mettre la dernière main au frontis
pice de Saint-Pierre , ainsi qu'au magnifi
que palais de Monte - Cavallo. Il releva
tous les monumens délabrés, pour les faire
servira la gloire du christianisme. Plusieurs
ambassadeurs ne craignirent point 'd'aban
donner les délices de leur cour, pour venir
admirer la gloire véritable de ce grand sou
verain de l'Eglise.
Il n'oublia jamais les devoirs sacrés que
lui imposait la dignité auguste dont la Pro
vidence l'avait honoré; n'envoya des prê
tres et des êvêquesau roi du Japon , à celui
de Congo et à quelques autres princes des
Indes. Il confirma en France l'ordre de l'O
ratoire , ainsi que la congrégation des Ur-
sulines , dépendante de l'ordre de la Cha
rité. Il ne laissa couler un seul jour, pen
dant son pontificat, sans célébrer les saints
mystères: il édifia l'univers chrétien par
de l'église. a31
sa piété, ses talens et ses vastes lumières, et
contribua pleinement au triomphe de l'E
glise.
Le célèbre Benoît XIV, qui a fait plu
sieurs ouvrages, qui a fait des merveilles
dans l'Eglise, et y créa des établissemens
glorieux à la religion , ce souverain pon
tife, dis-je , reforma les Jésuites en Por
tugal.
Un autre excellent pape, dont le nom glo
rieux a échappé à ma mémoire , détruisit
l'ordre des Jésuitesses, qui se plongeaient
dans la dépravation , par suite de leur mau
vais système religieux introduit dans leur
institut. ' '
Nous voyons évidemment que nos véné
rables pontifes, brûlant de zèle pour la
gloire de la religion, en cherchant à en,
étendre le doux empire dans l'univers , n'ou
blient jamais de retrancher, de foudroyer
les membres vicieux qui peuvent corrom
pre la société sainte , afin de contribuer
ainsi solidement au triomphe de l'Eglise.
a3i TRIOMPHE
CHAPITRE III.
Tolérance des Pontifes.
C'est toujours avec le même ravissement
que l'on comtemple dans la personne au
guste des chefs de l'Eglise, leur zèle pacifi
que et tolérant , leur amour pour les mal
heureux, et leur sollicitude admirable qui
les porte sans cesse à veiller au salut des
hommes que le ciel a confié à leur soins.
Pie VII, né à Césène, de l'illustre famille
de Chiara-Monte , élevé par ses sublimes
vertus et par ses vastes talens à la dignité
d'évêque d'Imola, monta sur le trône pon
tifical dans un moment de trouble, et de
désordre de Denise, où il fut élu souverain
pontife.
Il vint à Rome , malgré les périls qu'il y
de l'égl1se. 2 33
avait d'y fixer son séjour, au milieu des Na
politains qui l'occupaient. Son premier soin
fut de rétablir l'ordre , de calmer la tem
pête, et d1y faire régner la paix et la con
corde.
On n'ignore pas que ce souverain pon
tife fut rempli d'une sincère vénération
pour les libertés de l'Eglise gallicane; il fit
lin concordat signé par la majorité des
évêques français, pour unir l'Eglise de
France à l'Eglise Romaine. C'est un véri
table chef-d'œuvre de sagesse, digne de
l'admiration des savans de tous les siècles.
Ce grand pontife avait fait tous ses ef
forts pour faire fleurir l'Eglise et l'enrichir
des trésors de ses vertus et de ses magni
fiques exemples. On le vit traîné dans toute
la France couvert de chaînes, recueillant
partoutles bénédictions du peuple qui volait
en foule sur son passage, et s'empressait
de recevoir avec allégresse ses bénédictions
et ses grâces. (1)
(1) J'ai eu le bonheur de contempler , à Bézier, sa Sainteté
pendant un moment assez favorable pour recevoir avec une
pleine satisfaction toute l'abondance de ses bénédictions. On
prétend que l'illustre cardinal Fech, qui jouit d'une brillante
2 34 TRIOMPHE
Ce pontife vénérable aimait la tolérance,
il donna l'hospitalité dans ses états à tous
les individus de toutes les communions qui
cherchaient un azile, et y accueillit avec
bienveillance tous les proscrits de tous les
royaumes, même la famille de celui qui
l'avait persécuté; tant était grande sa cha
rité héroïque : il finit ses jours, chéri de
son peuple, comme un père tendre, comme
un grand homme admiré de tout l'univers.
Léon XII, appellè Annibal della Genga,
monta sur le trône pontifical eu 1823. Il
s'était déjà distingué dans ses hautes fonc
tions : ayant été nonce auprès de l'empe
reur des français, auprès du roi de Bavière,
et de Louis XVIII, après la première res
tauration. Dès le moment qu'il fut assis sur
la chaire de saint Pierre , il redoubla de
ferveur et donna des exem ples éclatans de
douceur , de charité et de sagesse à tout
l'univers chrétien. En 1825, il fit publier
le Jubilé à Rome, et dans tous le monde
réputation en France, soit par son bon esprit, soit par son
zèle , soit en défendant l'Église toujours au péril ce de sa vie ,
on prétend, dis je, que c'est lui-même qui fit donner la liberté
à Pie VII.
de l'égl1se. 7 35
chrétien ; la bulle qu'il écrivit à ce sujet
est un chef-d'œuvre de son génie pacifique,
et de ses vertus apostoliques. Nous avons
vu avec édification qu'il a respecté nos li
bertés gallicanes, (t)
Il s'est toujours montré l'ami des malheu
reux; il aimait les sciences et les beaux-
arts : il enrichit le Musée des antiques, de
plusieurs statues de la plus grande beauté
et du plus grand intérêt, il augmenta la
bibliothèque du Vatican et l'enrichit de
magnifiques ouvrages capables de con
tribuer à la gloire de la religion et des
lettres.
Paul II , noble Vénitien, neveu du pape
Eugène , qui l'honnora du chapeau de car
dinal, en 1440i monta sur la chaire de
saint Pierre après Pie II; il accorda aux
cardinaux le privilége de porter l'habit de
pourpre, le bonnet de soie rouge et une
(1) LéoD XII était lie avec l'illustre baron de Damas , gou
verneur de S. A. R. Mgr. le duc de Bordeaux ; étant ministje
des affaires étrangères, Sa Sainteté lui fit don d'un reliquaire
magnifique, que j'ai tu, pompeusement placé dans sa cha
pelle, pendant long-temps, lorsque j'avais l'honneur d'y être
aumônier.
2 36 TRIOMPHE
mitre de soie semblable à celle que les sou
verains pontifes avaient seuls droit de
porter.
Les seigneurs d'Italie divisés entre eux ,
exerçaient des vexations horribles : Paul II,
réussit à les appaiser et à les réunir par le
moyen de la tolérance. On a de ce grand
souverain pontife des lettres et des ordon
nances , on lui attribue un traité des règles
de la chancellerie. Si on lui reproche un
peu de luxe , il faut néanmoins que ses en
nemis avouent qu'il fit de grandes choses
utiles à l'Eglise.
Il abolit la simonie, il donna rarement
des indulgences; il abrogea les grâces ex
pectatives, il défendit d'aliéner les biens
ecclésiastiques , et même de les affermer à
la même personne plus de trois ans. Il pour
vut libéralement aux besoins des pauvres ,
et à la dotation des filles indigentes. C'est
par ces beaux exemples de vertu qu'il fit
fleurir la religion.
Saint- Victor I", Africain de nation, oc
cupa la chaire de saint Pierre, après saint
Eléuter. Son zèle pour la gloire de la reli
DE L'ÉGLISE. 337
gion brilla toujours dans son auguste per
sonne. Il excommunia Thédore de Bysance,
qui niait la divinité de Jésus-Christ : cette
ancienne hérésie désola long-temps l'Eglise
chrétienne.
Il fixa te jour de Pâques au quatorzième
jour de la lune de mars, ce qu'on observa
dans toutes les Eglises , à l'exception de
celles de l'Asie , qu'il menaça des foudres
de sa puissance légitime; mais plein de dou
ceur et d'aménité, il donna l'exemple d'une
belle tolérance de peur d'égarer un trou
peau si antique et si digne de mémoire.
Adrien VI, fils d'un tisserand nommé
Florent, parvint par son esprit et sa science
à être professeur de théologie, doyen de
l'Eglise , et vice-chancelier de Louvain.
Dans la suite il devint précepteur de l'ar
chiduc Charles, et fut élevé à cet emploi
éminent par l'empereur Maximien Ier; Fer
dinand, roi d'Espagne, auprès duquel il
avait été ambassadeur, lui donna l'évéché
de Tortose en Catalogne : après la mort du
roi, il partagea la régence d'Espagne avec
le cardinal Ximénès , il devint même vice
238 TRIOMPHE
roi de Charles Vj enfin quelque temps
après , en i522 , il fut élu pape après
Léon X , qui l'avait fait cardinal.
Il réforma le clerge et la cour romaine ;
il retrancha beaucoup d'offices et d'em
plois inutiles; il réprima les abus qui s'é
taient glissés dans la collation des bénéfices,
dans les réserves et les dispensations des
indulgences. Il supprima les dépenses super-
perflues , il vécut aussi frugalement qu'un
religieux.
Dans l'instruction qu'il donna à son
Nonce, envoyé à la Diète de Nuremberg as
semblée, pour pacifier les différends, excités
par Luther, on voit combien il désirait une
réforme générale dans l'Eglise : « Avouez
dit-il, que Dieu à permis cette persécution
à cause des péchés des hommes, etc.. » Il
avait de grandes vertus, il était grand éco
nome, et ennemi du luxe : il ne chercha
point à s'enrichir ni a combler de richesses
ses parens, il ne pensa qu'à la gloire de
l'Eglise.
Il faut donc avouer que nos pontifes ro
mains remplissent le monde de leur vertus
héroïques , de leur esprit pacifique et tolé
DE l'ÉGLISF. 23p
rend, et de leur genie sublime, et qu'ils
ramènent ainsi les hommes à la religion ,
en contribuant non-seulement à augmen
ter la gloire des lettres , mais a multiplier
les triomphes de l'Eglise.
24û TRIOMPHE
CHAPITRE IV.
Héroïsme de vertu et de zèle.
C'est sur le trône pontifical que l'on peut
admirer des héroïsmes de vertus portés à
son dernier période , et qui laissent le
spectateur dans l'étonnement , dans l'en
thousiasme.
Grégoire-le-Grand , docteur de l'Eglise ,
descendant du pape Félix III , ne dut le
beau nom de Grand qu'à son rare mérite.
Il était Romain de naissance et fils d'une
famille très-illustre par son ancienne no
blesse; son père Gordien lui conservait le
rang de sénateur. Il eut pour mère sainte
Silvie : sainte Emilienne et sainte Tharsille
furent ses tantes. Il joignait à un caractère
heureux de hautes vertuset un grand génie.
DE L'ÉGLISE. 24l
De sénateur qu'il était , il fut fait préfet
de Rome par l'empereur Justin II, et bien
loin d'oublier Dieu dans cette haute di
gnité, il remplissait avec noblesse tous les
devoirs d'un véritable chrétien. Après la
mort de son père , étant dans une pleine li
berté d'agir , voyant que le monde ne lui
offrait de toute part qu'une coupe empoi
sonnée de plaisir, au milieu des périls de
faire un triste naufrage, il pensa à Dieu
plus sérieusement , et voulut s'y attacher
d'une manière particulière , surtout lorsque
sa mère Sylvie fut vivre en veuve chrétienne
dans une maison religieuse nommée Celle-
Neuve.
Il fit bâtir six monastères en Sicile , et les
dota; il en fonda.un autre à Rome dans la
maison paternelle où il dédia l'Eglise de
Saint-André; il se démit de sa charge, ven
dit tous ses biens immenses, en donna le
prix aux pauvres , et se retira dans un mo
nastère de Saint-André sous la discipline
d'un religieux , nommé Valence , qu'il avait
fait créer abbé.
Les jeûnes, les veilles et la lecture conti
nuelle des livres saints , lui affaiblirent la
16
$4^ TRIOMPHE
santé ; il n'avait d'autre jouissance sur la
terre que Dieu. Pelage II , étonné des ses
vertus héroïques , de sa profonde science
et de son génie, l'arracha du sein de la so
litude et le fit diacre de l'Eglise de Rome;
il l'envoya nonce du Saint-Siége à Constau-
tinople auprès de l'empereur Tibère. Il vi
vait à la cour comme un ange; c'est sur ce
théâtre brillant et périlleux qu'il fit briller
l'éclat de la piété la plus pure des anacho
rètes qui vivent au milieu des forêts dans le
désert.
C'est au sein de la pompe des richesses et
des grandeurs terrestres qu'il composa son
excellent ouvrage des Morales de Job, qu'il
acheva dans la suite à Rome. Il se montra
une des plus solides colonnes de l'Eglise ,
par les savantes conférences qu'il fit en pré
sence de l'empereur avec Eutyque, patriar
che de Constantinople. Il Convertit cet hé
résiarque qui prétendait que les corps après
la résurection seraient insensibles comme
les esprits. Les ouvrages de cet hérésiarque
furent livrés aux flammes avec une pompe
triomphante.
Quelques temps après il vint à la capitale
DE L'ÉGLISE. 243
du monde chretien , couvert de gloire et
de lauriers, y ayant passé quelque temps
en qualité de secrétaire du pape; il se retira
dans la solitude de son premier monastère ,
où il fit fleurir la discipline dans tout son
éclat. La cour de Rome, convaincue du gé
nie vraiment religieux de Grégoire, avait
recours à lui dans les grandes affaires de
l'Eglise , et se furent ses lumières qui éclai
rèrent les évêques d'Istrie pour condamner
les trois chapitres , conformément au cin
quième concile général, ainsi que pour les
réunir à l'Eglise.
Il était encore ahbé de Saint-André lors
que malgré lui il fut élu souverain pontife
par le clergé , le sénat et le peuple, après
la mort de Pélage II. Attaqué de la peste qui
eut lieu à l'occasion de l'inondation du Ti
bre , il fit tous ses efforts pour se soustraire
aux désirs des Romains; il écrivit même à
l'empereur Maurice pour révoquer sa pro
motion ï mais, malgré ses instances récu-
satoires, l'empereur approuva l'élection de
Grégoire , qui , l'ayant appris , fut se cacher
dans une forêt. Mais il fut pris et conduit à
Rome pour être sacré souverain pontife.
244 TRIOMPHE
Sur le trône de saint Pierre son zèle re
doubla. On voyait dans son auguste per
sonne le portrait d'un véritable apôtre; les
qualités de son esprit et de son bon cœur
lui conciliaient tous les ecclésiastiques, qu'il
chérissait et traitait comme ses frères; mais
autant sa bonté éclatait envers les bons , au
tant sa fermeté se manifestait à l'égard des
méchans. Partout il envoyait des ouvriers
évangéliques pour agrandir la vigne ché
rie du Seigneur, renverser le paganisme,
éteindre les chismes et combattre les hé
résies.
Son zèle brilla aussi dans la réforme d'une
multitude d'abus et dans la pureté de la dis
cipline ecclésiastique ; les malheureux , l'or
phelin et la veuve étaient l'objet précieux
de ses soins , quoiqu'il remplit toujours par
lui-même toutes les fonctions du ministère
papal avec un héroïsme qui enchantait.
Il montra un respect étonnant pour l'em
pereur; au lieu de se regarder comme son
égal , il se regardait, au contraire, comme
son sujet. A l'instance de plusieurs person
nages il se retira à la campagne pour réta
blir les forces de sa santé , et ce fut alors
DE LÉGLISE. 245
qu'il composa les dialogues de la vie et des
miracles des saints de l'Italie. On y voit une
aimable négligence régner au milieu d'une
r.imable simplicité; c'est un de ses ouvrages
les moins travaillés. Sa science était si vaste
et si profonde, qu'il comptait pour penses
morales sur Job, ainsi que son Pastoral au
quel il avait donné un soin particulier.
Il éteignit la puissance qu'allait prendre
le patriarche de Constantinople , en se nom
mant évêque universel ; il fit sentir qu'un
titre semblable serait par lui-même une vé
ritable usurpation qui renverserait les droits
réels du prince des apôtres; et afin que ja
mais personne n'eût droit de douter que ce
saint combat fût le fruit de l'ambition, il
prit pour titre : Serviteur des serviteurs de
Jésus-Christ.
C'est avec juste raison qu'il mérita le
titre d'apôtre d'Angleterre, quoique la
Grande - Bretagne eût embrassé le chris
tianisme long-temps avant son pontificat..
Les Anglais et les Saxons , peuples ido
lâtres sortis de la Germanie , avaient con
quis la partie de ce pays qu'on appelle
Angleterre , et avaient chassé les Bretons
2^6 TRIOMPHE
dans l'extrémité de Pile : le paganisme y
était entré. Saint Grégoire y aurait été lui-
même pour les évangéljser en personne s'il
n'avait été retenu à Rome par de grands
personnages; mais, ne pouvant s'y rendre
lui-même, il y envoya des ouvriers évan-
géliques.
Il écrivit aux rois de France, qui de tout
temps ont fait du bien aux souverains pon
tifes, et en particulier à Thierry de Bour
gogne , à Théoderet d'Austrasie , et à leur
aïeule la reine Brunchaut , aux évêques
d'Arles, de Vienne et d'Autun , au gouver
nement de Provence, pour les engagera
favoriser cette conquête spirituelle de l'An
gleterre et à y envoyer des secours et des
missionnaires. Ce fut ainsi, par ses soins,
qu'il fit fleurir bientôt la chrétienté dans
ces pays comme dans les plus beaux en
droits de l'Eglise.
Outre qu'il y détruisit le paganisme , il y
convertit un grand nombre de juifs en n'em
ployant que la douceur et la tolérance, dé
fendant expressement qu'on ne les fît ja
mais baptiser par force. La gloire dont il
se couvrit en renversant les erreurs des
^,
• DE L'ÉGLISE. 2 47
Nçstoriensi des Manichéens eldes Agnoëtes,
egala celle qu'il avait acquis eu pulvérisant
l'hérésie des Ariens.
En France il employa tous ses soins pour
exterminer la simonie qui déshonorait cette
belle partie de la vigne chérie du Seigneur;
il y rétablit la discipline de l'Eglise et la
pureté des mœurs dont il donnait lui-même
l'exemple , comme saint Paul , pouvant dire
comme ce grand apôtre : imitatores mei
estote, .
Nous avons de cet illustre souverain pon
tife un recueil de ses lettres au nombre de
huit cents , que l on regarde comme ce
qu'il y avait de meilleur dans son siècle. Il
avait tant de respect pour les princes, qu'il
les regardait comme les dépositaires de la
puissance céleste ; il portait à cet égard sa .
vénération à un si' haut degrès, qu'il res
pecta toujours, dans la personne du tyran
Phocas , le caractère de souverain.
Voilà un grand homme dont la piété, le
zèle, le courage, la douceur, la charité, la
vertu la plus pure et la plus sublime , ainsi
que le génie le plus solide , sont capa
248 TRIOMPHE
bles de confondre les ennemis de la re
ligion , en nous montrant dans son auguste
personne tout l'éclat de sa gloire triom
phante.
DE L'ÉGLISE. 2 49
>W«ww>w*»ww«*B*a«*ww<
CHAPITRE V.
Héroïsme de courage, de patience, de charité et de religion.
Le sage sera toujours contraint d'admirer
la grandeur d'ame, l'héroïsme de toutes les
espèces, dans ces anges tutélaires de l'E
glise.
Saint Pierre, premier pape, mérita par
sa foi , son zèle et son courage , de devenir
le prince des Apôtres et d'être choisi par
notre divin Sauveurpour fonder son Eglise,
contre laquelle les portes de l'enfer ne pré
vaudront jamais. Tu es Petrus, etc.
Il fut toujours fidèle à son divin Maître,
et si, pendant son jugement, il eut la fai
blesse de le renier, il répara un instant après
sa faute par un torrent de larmes. Il brava
tous les périls et la mort pour annoncer
230 TRIOMPHE
l'Evangile et étendre l'empire de Jésus-
Christ.
Dans son premier discours, il convertit
trois mille ames. 11 souffrit la persécution ;
il fut plongé dans les fers par les tyrans;
mais, se confiant en Dieu, il s'arracha du
milieu de l'oppression par son éloquence et
par son courage religieux.
Il prêcha dans plusieurs royaumes de
l'Asie, et y fonda l'église d'Antioche; de là
il se rendit à Rome pour combattre l'idolâ
trie.
Il renversa ses autels, ses temples, et
éleva sur leurs ruines les fondemens de l'E
glise éternelle de Jésus-Christ.
Il confondit l'impiété de Simon le Magi
cien par des prodiges éclalans en présence
de tout Israël.
Léon IV, Romain de naissance, monta
sur le trône pontifical après Sergius II. Il
illustra le pontificat par ses vertus et son
courage héroïque. Les Sarrasins étaient aux
portes de Rome , prêts à s'emparer de la ci
tée sainte : les empereurs d'Orient et d'Oc
cident l'avaient abandonnée. Léon, plus
DEL ÉGLISE. 25 1
grand qu'eux, prit dans cette grande affaire
l'autorité d'un souverain , d'un père qui dé
fend ses enfans chéris.
Il fit réparer des murs, élever des tours
et tendre des chaînes sur le Tibre ; il équippa
l'armée à ses dépens; il encouragea les ha-
bitans de Naples et de Gayette à venir dé
fendre les côtes et le port d'Ostie. Il visitait
tous les postes, il prit les Sarrasins à leur
descente, non pas en équipage de guerrier,
mais comme un bon pontife qui exhortait
un peuple chrétien, comme un monarque
qui veille à la sûreté de ses sujets.
Il était Romain de naissance. «Le courage
des premiers âges , dit l'auteur de YHistoire
générale, revivait en lui dans un temps de
lâcheté et de corruption, tel qu'un des plus
beaux monumens de l'ancienne Kome, qu'on
trouve quelquefois dans les ruines de la
nouvelle. »
Une partie des ennemis fut jetée dans les
fers. Le pape rendit sa victoire utile en fai
sant travailler aux fortifications de Rome et
à ses embellissemens les mains qui devaient
la détruire. Il fit bâtir à quelques milles de
ùbl TRIOMPHE
Rome une ville à laquelle il donna son nom.
Léopolis (1).
Félix Ier, Romain de naissance, monta
sur la chaire de saint Pierre après saint De
nis. Il combattit courageusement l'hérésie
de Paul de Samosate, évêque d'Antioche,
qui attaquait le mystère de la Trinité et de
l'incarnation. Il refusa la communion à cet
hérésiarque , qui fut condamné dans un
concile d'Antioche. Il se dévoua au sou
lagement des martyrs persécutés par l'em
pereur Aurélien , dans l'Italie et dans
les Gaules. Il gouverna avec sagesse l'E
glise pendant quelques années, et donna
l'exemple d'un courage héroïque au milieu
des angoisses qu'il essuya dans les fers.
Sixte III succéda au pape Célestin sous
l'empire de Théodose-le-Jeune et de Va-
lentinien III. L'odeur de ses vertus, l'éclat
des lumières brillantes de son esprit furent
l'objet des réjouissances du peuple romain
en le voyant sur la chaire de saint Pierre.
Depuis long-temps il avait attaqué les
(1) Cinq jour» après sa mort, Benoît III fut élu Pape, ce
qui détruit l'histoire de la papesse Jeanne, qui est placé entre
ces d.cux pontifes.
DE LÉGLTSE. 2 53
hérésies des Pélagiens et des Nestoriens ;
niais alors il les renversa avec un brillant
succès. Il triompha de la calomnie de ces
novateurs, qui avaient répandu le faux bruit
que Sa Sainteté était le protecteftr de leurs
sentimens.
La calomnie, bien loin de lui nuire en atta
quant sa pureté, donna un plns grand éclat
à Sa Sainteté , de telle manière que l'empe
reur Valentinien assembla un concile pour
examiner la chose : on découvrit l'impudent
caliomnateur, qui fut exilé et dépouillé de
ses biens par l'autorité impériale.
On vit un spectacle digne des anges à
la mort de ce malheurenx. Saint Sixte, plein
d'une charité héroïque, ensevelit de ses
mains ce calomniateur, nommé Bassus, qui
mourut trois mois après son jugement et sa
condamnation. Rome retentit aussitôt du
bruit de cette merveille, et ce souverain
pontife redevint aussi éclatant que l'or qui
sort du creuset.
Il travailla avec un zèle étonnant à la
gloire de Rome et de toute l'Eglise ; il fit
bâtir plusieurs temples et en rétablit quel
1 54 TRIOMPHE
ques-uns, entre autres la basilique de Li-
bériuS, appelée Sainte-Marie-Majeure. Il
poursuivit les Pélagiens jusque dans ses re-
tranchemens; il découvrit un grand nom
bre de Pëlagiens cachés , qu'il ramena
dans le sein de l'Eglise, qu'il gouverna
huit ans avec une gloire magnifique et
pompeuse.
La jeunesse de Simplice, natif de Tibur
dans l'ancien Latium , fut embelli par ses
vertus, qui lui méritèrent de devenir mem
bre du clergé de Rome. Son mérite éminen t
le fit élire souverain pontife par une voix
unanime , après la mort de saint Hilaire. Au
commencement de son pontificat, il fit tous
ses efforts pour arrêter les progrès de l'hé
résie des Macédoniens, que l'empereur An-
thèue avait amenés à Rome, en les hono
rant de sa protection.
Ce zèle fut couronné d'un heureux suc
cès. Quatre empereurs depuis Anthène, dé
trônés successivement en Occident en moins
de trois ans, donnèrent lieux aux barbares,
conduits par Odoacre, d'envahir le reste de
l'empire en Italie, après les démembremens
de l'égl1se. 255
qu'en avaient déjà fait les Français, les Bour
guignons, les Goths et les Vandales, qui
s'étaient rendus les maîtres des Gaules, de
l'Espagne et de l'Afrique.
Au milieu de cette tempête orageuse, qui
agitait le vaisseau de l'Eglise, on vit dans
l'intrépide Simplice un zèle éclairé qui ré
sista à tout, et qui porta la lumière de l'Evan
gile dans les quatre parties du monde, dans
un siècle, où aucun prince n'était catho
lique.
Zénon et le tyran Bazilique étaient les
protecteurs des Ariens. Odoacre , qui était
maître de l'Italie, après avoir renversé l'em
pire d'Occident , était Arien , ainsi que les
rois des Goths, des Bourguignons et des
Vandales, qui faisaient gémir l'Eglise sous
le poids de leur tyrannie.
Il arrêta une grande hérésie dans l'Eglise
d'Orient, où près de cinq cents prélats avaient
fait naufrage. Ses soins s'étendirent aussi sur
les Eglises d'Antioche et d'Alexandrie, dont
le sein était déchiré par des audacieux no
vateurs. Pendant son règne, qui dura quinze
ans, il composa difFérens règlemens utiles
à l'Eglise et à la gloire de la religion.
256 TRIOMPHE
L'Eglise regardera toujours ces grands
personnages, dont nous venons d'admirer
l'héroïme de courage , de patience, de cha^-
rité et de religion comme des monumens
glorieux de son triomphe.
de l'égl1se. 2 5y
CHAPITRE VI.
Tableau de plusieurs Martyrs Pontifes.
Qu'il, est attendrissant, le spectable de ces
pontifes qui non-seulement animaient les
fidèles à aller cueillir la palme du martyre,
mais qui versaient eux-même leur sang
d'une manière héroïque ! Oh ! qu'il est beau,
qu'il est consolant pour la religion! et le
chrétien sincère avoûra que c'est un des
plus beaux triomphes pour l'Eglise.
Saint Télesphore , sorti de la Grèce, tint
avec un grand avantage les reines de l'E
glise romaine pendant qu'elle fut persécu
tée; il éprouva lui-même le fléau de la per
sécution , ne triompha de la fureur des
tyrans, que parle martyre ; il futle septième
pontife , après saint Pierre. Il régna onze
2 58 TRIOMPHE
ans après Sixte premier. Quelques-uns lui
attribuent l'institution du carême.
Anterre, grec de nation, fut exilé en Sar-
daigne sous, l'empire de Maximien; après
la mort du pape Pontien, il occupa la chaire
de sant Pierre : ce ne fut pas certainement
par les appas des richesses qu'il accepta
l'honneur de la thiare î moins encore par
ambition, mais pour y cueillir la palme du
martyre; cette première dignité de l'E
glise en était un sûr garant : en effet il fut
persécuté et couronné de la palme du mar
tyre , la sixième semaine de son glorieux
pontificat.
Sixte premier , vécut dans le onzième
siècle; dans le temps qu'il prit les rênes de
la Sainte Eglise, le trône de saint Pierre
• n'offrait à ses princes que des douleurs, des
guerres, des supplices ou la mort; et ce
ne fut qu'en offrant au ciel le sacrifice de
ses plaisirs , que Sixte accepta cette auguste
dignité. Toute sa vie ne fut qu'un tableau
magnifique de vertus et de grâces; la fin
répondit merveilleusement à son heureux
commencement, et, pour récompense de
DE L'ÉGLISE, 2 5()
ses glorieux travaux, le ciel lui donna la
palme du martyre.
Cayus se conduisit en grand pontife,
dans le gouvernement de l'Eglise, que Dieu
lui confia, sa conduite fut si sage, si édi
fiante, son zèle si admirable , qu'il obtint
la couronne du martyre. C'est sous ce pon
tificat qu'eut lieu le martyre de la légion
Thébaine, qui fait tant d'honneur à la re
ligion. L'empereur voulant contraindre ces
braves à égorger leurs coynpagnons d'ar
mes , parce qu'ils étaient chretiens ; alors
pleins d'un noble sentiment; ils préférèrent
la mort plutôt que d'obéir à un commen-
dement si atroce.
Félix premier fut élu pape , lorsque Paul
de Saraosate déchirait l'Eglise, par une hé
résie, qui détruisait la divinité de Jésus-
Christ. Cet hérésiarque fut chassé honteu
sement de l'évéché d'Antioche, après avoir
été condamné dans plusieurs conciles. Pen
dant la persécution d'Aurélien, il n'oublia
rien pour préserver les fidèles de l'aposta
sie. Il combattit vaillament lui-même pour
la foi , et sortit victorieux du milieu de ses
souffrances. Les malheurs et les peines qu'il
260 TRIOMPHE
essuya, lui firent donner le nom glorieux
de martyr.
Martin I" , élu pape après Théodore,
mérita la chaire de saint Pierre, par ses ver
tus et ses talens; il tint à Home un nom
breux concile , dans lequel il condamna
l'hérésie des Monothélites , avec YEcthèse
de Héraclius et le Type de Constant II; ce
qui lui causa sa disgrâce , auprès de ce der
nier prince.
Il souffrit déjà autant de mauvais traite-
mens que notre divin Sauveur; on entre
prit de l'assassiner dans Rome : on l'arra-
cha du milieu de cette grande cité, pour
le conduire à Constantinople, où. on l'acca-
bla de toute sortes d'outrages, d'injures et
de calomnies. Il fut chargé de fers, et in
carcéré , étant toujours sur le point de
mourir.
Constant l'exila dans la Cherspnèze , où
ce bon souverain pontife, expira au milieu
des souffrances. On a eu l'audace de dire
que les papes de tout les temps ont fait du
mal; peut-on tenir un tel langage ? C'est
un blasphême. C'est aux papes qu'on a fait
dans tout les temps, toutes sortes d'injus
DE L'ÉGLISE. 2ÔI
tices. Nous avons de ce bon pontife dix-
huit épitres dans la bibliothèque des Pères,
et dans l'édition des conciles de Labbe.
Zéphirin, romain de naissance, fut élu
pape après saint Victor I" ; il eut la dou
leur de voir son pontificat troublé, parla
cinquième persécution que Sévère ordonna,
et par des hérésies que ce saint pontife
combattit courageusement , comme par
exemple celle des Patripassiens : le chef de
ces hérétiques se convertit, et se soumit à la
condamnation prononcée par le pape, qui
pendant son pontificat, s'appliqua à main
tenir la pureté de la foi, et la discipline
dans le clergé, qui, de son temps, acquit une
splendeur toute nouvelle.
Un nommé Natalis , partisan de l'hérésie
de Théodote le Corroyeur , se convertit , fit
à sa sainteté l'aveu des erreurs qu'il profes
sait; il se jetla avec confiance dans ses bras
paternels; il en fut accueilli avec tous les
avantages imaginables que l'on pût désirer
de ce véritable père des fidèles, qui l'ad
mit à la communion de l'Eglise. Ce saint
pontife fut persécuté, et le martyre, cou
2Ô2 TRIOMPHE
ronna ses travaux, ses souffrances, et ses
œuvres.
De tous les héros de la foi , qui ont fait
le plus d'honneur à la religion, ce sont
sans contredit, ceux qui ont versé leur sang
pour sa défense, pour sa gloire, et pour
son triomphe.
DE l'église. 263
CHAPITRE VII.
Pontifes qui ont fait de glorieuses réformes.
C'est par la restauration que l'on peut
conserver l'éclat, la beauté, la grandeur,
la noblesse de la religion; c'est ce qu'ont eu
soin de faire, dans tous les siècles , les au
gustes princes des apôtres que le ciel avait
mis à la tête de l'empire doux et pacifique
de Jésus-Christ , sur la terre chrétienne.
Benoît XIII, né à Rome d'une famille il
lustre , fut de l'ordre des Dominicains de
Venise, ensuite cardinal en 1672, et après
avoir été orné dela pourpre romaine, il fut
fait évêque de Manfrédonie de Cézene,
et archevêque de Bénévent. On croit que
la Providence le conserva d'une manière
miraculeuse. Le 5 juin 1688 un tremble,^
264 , T1UOMPUE
ment de terre ayant eu lieu , renversa une
partie de son palais archi-épiscopal ; un in
dividu, qui était à ses côtés, fut écrasé, mais
lui-même fut précipité de l'appartement du
second sur la voûte de la cave , où quelques
roseaux, miraculeusement croisés, le mi
rent à l'abri de tout mal. Au bout d'une
heure et demie on le tira des décombres ,
et le jour même, il prêcha le Saint-Sacre
ment à la main.
L'église de Bénévent fut rétablie et em
bellie par ses soins. Etant souverain pontife
il honora la chaire de saint Pierre par ses
sublimes vertus, il veilla sur les séminaires
et réforma avec exactitude son clergé. Il
assembla un concile à Rome, un au après
son élévation à la chaire de saint Pierre,
pour confirmer la bulle unignitus. La mé
moire de ce bon pontife est en honneur à
Rome qu'il édifia par ses exemples et sou
lagea par ses bienfaits.
Calixte II , Gui de Bourgogne , fils de
Guillaume , tête hardie , surnommé le
Grand , comte de Bourgogne , étant élu
archevêque de Vienne en 1o88 , dirigea
cette église avec beaucoup de succès pen
de l'église. 265
dant trente ans environ. Après la mort de
Gélas II , il fut élu souverain pontife à Cluny
le 1er février mg; il ne fut pas redevable
de la papauté à son illustre naissance, étant
parent de l'empereur, des rois de France
et d'Angleterre, et d'Adelaïde de Savoie,
épouse de Louis-le-Gros ; mais il dut la sou
veraineté de l'Eglise à ses talens et à ses
vertus.
Il fut jugé capable d'apaiser les troubles
qui désolaient l'Eglise; en effet, il y établit
la paix la plus profonde avec l'empereur
Henri V , que l'anti-pape Grégoire VIII
avait couronné à Rome , après en avoir
chassé Gélas II. Les Simoniaques, les prê
tres concubinaires et tous ceux qui exi
geaient un salaire pour les sépultures et
pour les baptêmes , furent condamnés.
L'empereur restitua tous les domaines
confisqués sur l'Eglise depuis le commen
cement de la discorde ; les deux parties
contractantes se promirent mutuellement
une paix durable et sincère. Calixte ne s'at
tribua point la puissance temporelle, et,
dans cette circonstance remarquable , il
agit comme médiateur.
'l66 TRIOMPHE
Il vint à Rome en 112o pour rétablir le
véritable siége pontifical; il y fut reçu en
pompe; ses bontés, son affabilité, lui ga
gnèrent tous les cœurs. Il tint un concile
général , qui est regardé comme le neu
vième écuménique , et le premier de La—
tran, où l'on remarque, parmi plusieurs
décrets , celui qui annulle les ordinations
de l'anti-pape Bourdin.
Son pontificat fut couvert de gloire; il
rétablit la paix dans l'Eglise et dans la ca
pitale du monde chrétien ; il renversa les
tours de Cercio-Frangipane, et des autres
petiis tyrans; il soumit quelques comtes qui
pillaient lesbiens de l'Eglise; il répara quel
ques monumens, et donna des aqueducs à
la ville de Rome; il enrichit l'église de Saint-
Pierre en empêchant des hommes puis-
sans de voler les offrandes qui lui étaient
destinées.
Nous avons de cet auguste chef de l'E
glise plusieurs bulles, sermons, imprimés
dans le Miscellanea de Baluze. Le Specile—
gium de d'Àchéry, la Collection des Conci
les de Labbe , la Florin censis Bibliotheca
de J. du Bosco, la Bibliothèque des Pères,
DE L'ÉGLISE. 267
Vltalia sacra d'Ughelli , le Bullarium cassi-
nense de Margarini , la Marca hispanica ,
et dans le de Re diplomatica de Mabillon.
Deux lettres de Calixte I1 à Othon , évêque
de Bamberg, ont été imprimées à Ingoles-
tads en 1602, in-12. Quatre sermons sur
saint Jacques, apôtre , furent publiés à Co
logne. On lui attribua une vie de Charle-
magne et un traité de obitu et vita sanclo-
rum.
Alexandre II, auparavant nommé An
selme, était de Milan; il fut tiré du siége de
Lucques pour être élu pape à Rome. Il eut
à combattre un anti-pape, qui, quoique
soutenu par l'empereur Henri IV, fut con
damné dans plusieurs conciles etcbasséde
Rome.
Il fit rendre les terres , que les princes
normands avaient envahi , au Saint-Siége.
Nous possédons de ce souverain pontife
plusieurs épîtres, parmi lesquelles on dis
tingue celles qu'il écrivit aux évêques de
France, à l'occasion des persécutions dos
Juifs. Ce bon pontife loua beaucoup les pré
lats français qui avaient détourné certains
mauvais Chrétiens de massacrer les Juifs;
2Ô8 TRIOMPHE
il était convaincu que les hommes quelcon
ques, quoique hors de l'Eglise , sont nos
frères , et que nous devons les chérir ,
comme dit l'Evangile. Il entreprit de ré
primer la simonie et les mœurs du clergé
en Allemagne; il régla certains objets de
discipline en France.
Benoît XII fut élu pape à Avignon. Dès
son bas âge il embrassa la vie monastique
de l'ordre de Citeaux : étant venu étudier
à Paris il passa bachelier, et fut fait abbé
de Font-Frode , monastère de son ordre.
Lorsqu'il fut docteur, il devint évêque de
Pamiers, et dans la suite évêque de Mire-
poix, etenfin cardinal parle pape JeanXXII.
A peine fut-il élevé sur la chaire de saint
Pierre, qu'une députation de Romains vint
le prier de venir en Italie; il ne seconda pas
leur vue , et demeura à l'endroit où il crut
que la Providence l'avait appelé. Il gou
verna l'Eglise avec distinction; son premier
soin fut d'ordonner la résidence aux évé-
ques et de leur défendre de paraître à la
cour sans y être appelés pour affaires.
Il écrivit au clergé de Castille pour exor-
icr les ecclésiastiques à réformer les mœurs;
DE L'ÉGLISE. 269
il abolit la pluralité des bénéfices, tâcha de
bannir la faveur et la simonie dans la dis-
pensation des emplois; il fit tous ses efforts
pour renverser les hérésies de son temps,
celles des Vaudois en Lyonnais et en Dauphi-
né, et celles desFratricelles en Italie, ainsi
que d'autres en Irlande et en Allemagne.
Le roi Philippe de Valois vint visiter Be
noît XII, à Avignon , pour lui faire part du
dessein qu'il avait d'entreprendre une nou
velle croisade. Ce prétexte parut à ce mo
narque , et à celui d'Angleterre , une cause
suffisante pour lever sur le clergé de leurs
états des dîmes pour les frais de la guerre.
Il se plaignit auprès du roi de France au
sujet de l'extension et de l'abus du droit de
régale, à la faveur duquel les officiers royaux
pillaient ou dégradaient les bénéfices va
cants. Les objets de discipline et de dogme
occupèrent Sa Sainteté : il réforma les frères
mineurs.
Son pontificat fut rempli de grands évé-
nemens et de travaux utiles à la religion. Il
releva la statue de ce chef auguste de l'E
glise qui avait été érigée autrefois au Vati
can , ayant deux couronnes à la thiare. Il
27O TRIOMPHE
laissa plusieurs écrits qui ne sont pas impri
més : on a à Rome son principal ouvrage ,
qui est un traité de la vision béatifique.
Marcel II, natif de Montepulciano, était
fils du receveur général des revenus du
Saint-Siége à Alfano; il fit ses études avec
distinction et devint secrétaire du pape
Paul III. Il accompagna en France le car
dinal Farnèse, neveu de ce pontife, et s'y*
fit admirer par ses talens et ses vertus; de
retour à Rome , il obtint de son bienfaiteur
le bonnet de cardinal, et fut choisi pour
être un des présidens du concile de Trente.
. 11 succéda à Jules III ; il établit une con
grégation de six cardinaux pour travailler
à la réforme des abus de l'Eglise. Quelques-
uns de vos prédécesseurs, dit-il , s'imagi
nèrent que la réforme diminuait leur auto
rité; c'est par-là , ajoutait- il , qu'il faut
commencer àfermer la bouche aux héré
tiques.
Il donna ordre aux nonces qui étaient
auprès de l'empereur et du roi très-chré
tien de les presser de faire la paix , et de
leur dire que s'ils ne la faisaient , il irait lui-
même les conjurer de la faire. Il ne voulut
DE L EGLISE. 21; I
jamais recevoir aucune requête qui ne fût
juste. Il disait avec Caton : Heureux celui à
qui personne n'oserait demander une injus
tice! Il mourut avec le regret de n'avoir pas
assez pacifié les troubles de l'Eglise et assez
réformé les abus, après y avoir fait fleurir la
science et la piété.
Léon IX, fils du comte d'Egesheim, par
vint du siége de Toul à celui de Rome ; par
l'entremise de l'empereur Henri III, son pa
rent. Elu souverain pontife malgré lui , il
partit pour Rome en habit de pélerin , et
ne prit celui de pontife que lorsque les ac
clamations de joie du peuple romain l'eu
rent engagé à accepter la tbiare.
Ce bon pontife assembla des conciles en
Italie, en Allemagne et en France, pour
arrêter le mal dans sa source , et pour y ré
pandre le bien. La simonie et le concubi
nage paraissaient d'une manière éclatante
au milieu du sanctuaire : il porta un décret
pour éteindre ces abus effrayans.
C'est sous son pontificat que le schisme
des Grecs , dont Photius avait jeté les fonde-
mens , éclata par les écrits de Michel Çœru-
larius, patriarche de Constantinople. Ses
272 TRIEOMPHE
écrits infâmes furent réfutés par ordre de
Léon IX, qui envoya à Constantinople trois
légats qui excommunièrent le patriarche,
après avoir employé tous les moyens de
douceur.
Il fut un excellent pontife , rempli d'un
zèle ardent, d'une piété tendre et solide; il
fut le fléau des hérétiques et la terreur des
mauvais prélats. dont il déposa un grand
nombre. Plusieurs personnages distingués
de son temps s'attachèrent à son auguste
personne , entre autre Pierre Darnien,Hum-
bert et Hildebrand.
Il était si actif et si laborieux, qu'à l'âge
de plus de cinquante ans il commença d'ap
prendre la langue grecque , pour p'ouvoir
réfuter les écrits des Grecs schismatiques.
Nous avons de ce saint pontife , canonisé ,
des sermons, des épî très décrétales, et une
Vie de sainte Hidulphe.
On ne peut point disconvenir que ces
hommes, illustres par leurs vertus sublimes
et par leurs rares talens , et auxquels Dieu
avait confié les rênes de la sainte Eglise,
n'aient contribué, parleur courage héroï
que, à réformer les abus qui la dévoraient
et à étendre ainsi sa gloire et son triomphe.
DE L'ÉGLISE. -273
GHAPITTE VIII.
Exemples de vertus rares.
La vertu est le premier fondement sur
lequel repose l'édifice spirituel des chefs
augustes de l'Eglise; c'est avec elle qu'ils
peuvent tout, étant aidés de l'esprit saint :
c'est ce que nous admirons dans tous les
pontifes vénérables dont Rome chrétienne
s'honore.
Saint Félix III , Romain de naissance et
d'une famille sénatoriale, ayant été admis
au nombre du clergé de Rome, son mérite
lui conquit tous les vœux pour être élevé
sur le trône pontifical , qu'il honora de ses
vertus sublimes. 1l fit briller son zèle en ré
tablissant la foi orthodoxe dans les Eglises
d'Orient ; il travailla à rétablir la pureté de
18
jy4 TRIOMPHE
la foi dans l'Eglise d'Afrique, long-temps
troublée par l'arianisme.
Syrice , Romain de naissance , fut élu
pape après Damas I"; il gouverna l'Eglise
avec zèle : il condamna Jovinien et ses sec -
tateurs. Nous possédons de ce bon pontife
plusieurs épîtres intéressantes, entre autres
une à Homère, évêque de Tarragone, dans
laquelle il répond à diverses questions de
ce prélat : elle passe, parmi les savans,
pour la première épître décrétale qui soit
véritable.
Symmaque, natif de Sardaigne, fut élu
pape après saint Anastase II; son pontificat
fut troublé par le schisme d'un anti-pape,
Laurent. Théodoric , roi des Goths , s'unis-
sant au pape Symmaque , éteignit ce schis
me, fit proclamer sa légitimité sur la chaire
de saint Pierre en le montrant , par un ju
gement équitable, innocent des crimes dont
ses cruels ennemis l'avaient impitoyable
ment noirci.
Tant il est vrai qu'on s'est plu dans tous
les siècles à ternir par la calomnie les chefs
augustes de l'Eglise, pleins de zèle pour la
gloire de la religion. Ce vénérable pontife
DE L'ÉGLISE. 275
fit un bien immense dans l'Eglise, autant
par ses œuvres admirables que par ses ver
tus pures et sublimes; il fit bâtir plusieurs
temples magnifiques. Nous possédons de
lui onze épîtres dans le recueil deD. Cons
tant, ainsi que divers décrets.
Théodore ï" succéda à Jean IV; il con
damna avec sagesse Pyrrhus et Paul , pa
triarches de Constantinople, qui étaient
monothélites. C'est le premier pape qui fut
nommé souverain pontife : il le mérita par
ses vertus sublimes , et surtout par sa dou
ceur et sa charité , qui éclatèrent dans toute
sa conduite. ,
A sa mort, il fut regretté des fidèles
comme un père tendre et chéri, et des évê-
ques comme un frère aimable qui versait
Sur eux ses lumières, ses bénédictions et ses
grâces.
Saint Higin, originaire de Grèce, au
commencement du règne de l'empereur
Antonin-le-Débonnaire,occupa le siége apo
stolique après la mort de Thélesphore. Ce
fut avec la pompe et la magnificence la plus
grande qu'il fit briller l'ordre et la paix au
sein du sanctuaire de la capitale de l'univers
276 TRIOMPHE
chretien. Les hérésies, qui commençaient
à déchirer le sein maternel de la sainte
Eglise , furent éteintes presque aussitôt par
sa douceur, sa vigilance et son bon es
prit pacifique. Il tendit une main secoura-'-
ble aux hérésiarques Ce'dron et Valentin,
qui retombèrent dans la suite dans l'abîme
de leurs erreurs ; et pendant quatre ans
qu'il gouverna l'Eglise, il y déploya toutes
les richesses de ses vertus et toute la noblesse
de son ame.
Agathon ne fut pas moins vertueux que
les pontifes précédens. Ce fut au printemps
de son enfance que la vertu commença à
germer dans son cœur, et que son esprit
essaya de s'enrichir des trésors dela science.
Après la mort de Domnus, chefde l'Eglise,
les brillantes qualités de son esprit, le
beautés de ses sublimes vertus , et la no
blesse de sa belle ame, lui méritèrent le
trône de saint Pierre : l'Eglise n'eut qu'à se
louerdu zèle éclairé de cet Apôtre.
Le sixième concile écuménique , tenu à
Constantinople contre les monothélites, par
l'empereur Constantin Pogonat, fut une
époque mémorable de son règne. Il y en
DE LÉGLISE. 2 77
voya ses légats après avoir fait assembler ,
outre son synode de Rome, qui fut de cent
vingt-cinq évêques , différens conciles par
ticuliers en Italie, en France, en Angle
terre , en Espagne , et partout l'Occident ,
afin de recueillir la tradition de l'Eglise
contre l'hérésiarque qu'il fallait combattre.
Ses légats, accompagnés de savans ecclé
siastiques qu'Agathon avait choisi, furent
reçus en pompe par le patriarche Georges,
l'an 680. Le succès fut brillant par les béné
dictions heureuses qu'y répandit le génie
d'Agathon. Les jours de son pontificat fu
rent courts , mais pleins , selon l'expression
de l'Ecriture.
Une douceur admirable, une aimable
gaîté et un heureux naturel , joints à ses
grandes œuvres , à ses vertus, à sa charité
et à sa modestie , offraient dans sa personne
la véritable imagedu vicaire de Jésus-Christ.
Il se signala par sa charité héroïque au mo
ment où il possédait en ses mains le trésor
de l'Eglise , et pendant la peste qui affligeait
tous les habitans de Rome et une partie de
l'Italie. Ce fut par ses soins qu'il fit cesser
l'impôt exorbitant que le Saint-Siége payait
278 TRIOMPHE
à la réception de chaque pontife. Il mourut
couvert de gloire , en laissant à la postérité
un nom brillant et immortel , capable
de contribuer au triomphe de la sainte
Eglise.
Célestin fut élu souverain pontife au mo
ment où il jouissait avec raison de la bril
lante réputation d'être le meilleur sujet de
Rome, joignant à la solidité de l'esprit les
charmes des plus belles vertus : il fit revi
vre avec une sagesse merveilleuse les ap
pellations des clers et des évêques d'A
frique.
Sa Sainteté était si vénérée , que saint
Augustin lui-même , le docteur de la grâce,
une des plus puissantes colonnes de l'E
glise, n'eut pas honte d'y venir goûter les
doux fruits de ses brillantes et solides lu
mières.
Cet illustre souverain pontife, non-seule
ment content de poursuivre l'hérésie des Pé-
lagiens,exilaunde leurs coryphées, nommé
Celestius , qui se réfugia dans les îles bri
tanniques. Il y envoya, entre autres ouvriers
évangoliques , Pallade, diacre de l'Eglise
de Rome, qu'il ordonna évêque apostoli
DE L ÉGLISE. 27g
que d'Irlande et d'Ecosse , alin d'étouffer
le germe de la zizanie, que l'hérésie avait
pu repandre dans cette partie du champ
de l'Eglise.
Son zèle éclairé s'étendit également dans
diverses parties du monde chrétien; il res
taura la discipline ecclésiastique et corrigea
les vices dans l'Eglise d'Occident; il fou
droya l'impiété du patriarche de Constan-
tinople, qui ravageait par une nouvelle
doctrine cette belle portion de la vigne
chérie du Seigneur. L'empereurThéodose-
le-Jeune prit part à son triomphe en con
tribuant de toutes ses forces à la ruine de
cet audacieux hérésiarque.
Victor III, qui descendait d'une illustre
famille de Bénévent, fut abbé duMontcas-
sin, 1o57, ensuite légat à Constanlinople ,
de là cardinal, et enfin pontife souverain
après Grégoire Vll; il s'était retiré dans son
abbaye pendant les troubles, excités par
l'anti-pape Guibert, lorsque les Normands
le prièrent de se mettre à leur tête pour tâ
cher de conclure la paix avec Grégoire Vll
et Henri.
Lorsqu'il avait été élu pape, il avait fait
280 TRIOMPHE
tous ses efforts pour refuser la thiare , et ce
ne fut qu'au bout d'un an qu'il consentit à
exercer ses augustes fonctions. Que les en
nemis de Rome chrétienne, qui traitent
constamment les chefs augustes de l'Eglise
d'intrigans et d'ambitieux, portent leurs
regards sur tous les bons pontifes qui , par
humilité, ne voulaient point accepter la
papauté; et en particulier sur Victor III,
qui, par un esprit d'une piété sincère, ne
voulait nullement s'en charger. Il fit ana-
thématiser l'anti - pape Guibert dans un
concile : son zèle se distingua en faisant
rebâtir l'église du Montcassin avec magni
ficence. On a de ce pape trois volumes de
dialogues sur les miracles de saint Benoît,
et autres moines du Montcassin.
Saint Evariste, Grec de naissance, fut
élu pape après saint Clément; il eut le cou
rage de supporter la persécution de Trajan.
On s'efforce de nous dire que les chefs au -
gustes de l'Eglise font du mal, afin de nous
dissuader que dans beaucoup d'époques
plusieurs d'entre eux ont été les malheu
reuses victimes des tyrans.
Ce saint pontife honora la chaire de Saint
DE L'ÉGLISE. 28l
Pierre par ses vertus et par son bon esprit;
c'est ce célèbre souverain pontife qui fit le
département ecclésiastique de Rome, en la
distribuant par quartiers ^auxquels il donna
le nom de paroisse.
Soter , né à Fondis dans la terre de la
bour, devint pape, le 1" janvier 162; il
gouverna l'Eglise sous Marc-Aurele : il dé
ploya, dans son auguste ministère, les fruits
de ses vertus et de ses talens ; il conbattit
courageusement les hérésies qui commen
çaient à naître , celles des Montanistes on
Cataphryges.
Pascal Ier, Romain de naissance , était fils
de Bonase; sa brillante éducation religieuse,
ses vertus éminentes, son amour pour les
austérités comme pour l'étude de l'Ecri-
ture-Sainte, lui firent confier la direc
tion du monastère de Saint-Etienne , sous
Léon III. A peine fut-il monté sur le trône
pontifical , qu'il envoya en France des lé
gats ,' qui apportèrent des présents à l'em
pereur Lonis-le-Débonnaire; ces députés
rapportèrent à Rome un acte authentique,
qui confirmait la donation de Pepin et de
Charlemagne , à laquelle Louis ajoutait les
282 TRIOMPHE
îles de Corse, de Sardaigne et de Sicile.
Il était l'arni de la paix et de la concorde.
L'Orient étant désolé par les fureurs des
Iconoclastes; quelques Grecs , chassés par
la persecution , se réfugièrent à Rome:
Pascal, plein d'une charité apostolique, y
fonda pour eux un monastère, où ils trou
vèrent un asile et un libre exercice de leur
religion. Il rétablit un grand nombre d'é
glises et de monumens qu'il embellit avec
magnificence. Ce fut lui qui couronna l'em
pereur Lothaire.
Pascal II, né en Toscane, fut d'abord
moine de Cluni ; il fut envoyé à Rome à
l'âge de vingt ans, pour régler les affaires
du monastère ; il se fit connaître de Gré
goire VII , qui , charmé de son mérite , le
retint auprès de lui, l'honora de la pour
pre , et le créa abbé de Saint-Paul.
Sa piété était si grande et si solide,
qu'ayant été élu pape après Urbin II , il
prit la fuite et se cacha : il fallut employer
toutes les violences de la religion pour l'y
faire consentir. Il fut persécuté par quel
que tyran; il s'en délivra de la manière la
plus sage. Il voulait de nouveau abdiquer
DE L'ÉGLISE. 283
son pontificat, tandis que Dieu l'appela
dans le ciel , pour lui donner une couronne
immortelle. Nous avons , de cet excellent
pontife , un grand nombre de lettres dans
la collection des conciles du père Labbe.
Qui n'admirerait pas ces beaux exemples
des plus hautes vertus qui brillent dans nos
pontifes romains, qui élèvent notre ame,
nous confirment dans la foi , et contribuent
infailliblement à la gloire et au triomphe
de l'Eglise !
l84 TRIOMPHE
CHAPITRE IX.
Exemples de piété.
Quand nos pontifes romains n'auraient
pour partage que la piété solide et vénéra
ble, ce serait assez pour confondre leurs
ennemis et pour faire triompher l'Eglise
Sainte. Portons nos regards sur quelques-
uns d'entre eux , et nous en serons enchan
tés et ravis.
Saint Hormisdas , né à Frusinone , en
Campanie , monta, par sa piété, sur le
trône de saint Pierre; ses vertus, jointes à
ses grands talens et à son amour pour les
lettres, lui méritèrent l'honneur de la thiare :
il éteignit le chisme des Eutéchiens ; il reta
blit la paix en Orient, et déploya son zèle
pour conserver la foi dans les églises d'Oc
DE l'ÉGLISE. 28 5
cident; on peut en voir une preuve dans ses
instructions adressées à saint Avit, dans la
Gaule narbonnaise, à Jean de'Tarragonne,
et à Sallusle de Sèville , dans l'Espagne.
Sa. conduite intérieure ne fut pas moins
honorable : il donna des exemples touclians
de modestie, de pénitence, de charité; il
prit un grand soin du culte extérieur de la
religion , instruisit le clergé dans la psal
modie, et fit orner beaucoup d'églises de
Rome. Nous avons de cet excellent pontife
plusieurs lettres bien écrites.
Saint Hilaire, né en Sardaigne, fut si di
gne du trône pontifical, que tous les évê-
ques éprouvèrent une joie éclatante de son
élection. Ses vertus sublimes, ses œuvres
admirables furent plus magnifiques parleur
solidité que par leur éclat. C'est le premier
pape qui ait défendu aux prélats de se choi
sis des successeurs, afin d'éviter par là les
faveurs particulières , qui retranchent les
plus dignes des emplois importans.
Etienne 1" fut pape après la mort de Lu-
cius; son pontificat est remarquable par la
question sur la validité du baptême donné
par les hérétiques. Ce sage pontife , plein
^86 TRIOMPHE
d'une piété solide,répondit affirmativement,
et qu'il ne fallait rien innover; son senti
ment triom pha après sa mort dans le concile
de Nicée.
Saint Etienne fut victime de la persécu
tion de l'empereur Valérien; sa doctrine
fut toujours aussi pure que sa piété , sa con
duite fut admirable ainsi que sa douceur
pourleshérétiques nouvellement convertis.
Innocent XIII , nommé Michel - Ange
Conti , était d'une des plus illustres familles
de Rome ; il en était sorti sept papes, et dans
laquelle la charge de grand-maître apos
tolique était héréditaire. En 16g3 il fut gou
verneur de Vilerbe: en 16g5 archevêque
de Tharse , et nonce en Suisse , il fut fait
cardinal en 1706, et enfin il fut élevé sur
la chaire de saint Pierre après la mort de
Clément XI.
Il sut, dit un auteur, immortaliser son
règne si court par sa piété , par de grandes
vertus et par la science du gouvernement;
les grands et les petits le regrettèrent beau
coup à sa mort. Lalande ajoute qu'il est au
nombre des meilleurs souverains pontifes :
sous son règne , le bonheur était chez tous
DE L'ÉGLISE. ^87
les sujets; la police était parfaitement exacte,
et l'abondance régnait en tout lieu, parmi
ses fidèles Chrétiens.
Saint Jules 1" ne vit au tour de son trône
papal que les horreurs de la persécution
élevée contre Athanase par Anus; et, après
l'avoir reçu en pompe au milieu des hon
neurs, il le fit justifier dans un concile , des
calomnies dont les Eusébiens avait osé le
noircir.
Ce saint pontife écrivit à ses persécuteurs
une lettre qui , au jugement de Tillemont ,
est un de plus beaux monumens de l'anti
quité. Il leur reprocha» d'avoir abandonné
la doctrine du concile de Nicée, pour em
brasser les hérésies condamnées. Il termina
cette grande affaire , en élevant saint Atha
nase sur le siège d'Alexandrie.
Innocent X, natif de Rome, succéda au
pape Urbain VIII à l'âge de soixante-douze
ans; il se distingua principalement par sa
bulle contre les cinq propositions de Jansé-
nius, qui fut publiée en 1763. Les propo
sitions y sont qualifiées chacune en par
ticulier. Les trois premières sont déclarées
hérétiques; la quatrième fausse et héréti
?.88 TRIOMPHE
que , et la cinquième, sur la mort de Jesus-
Christ, fausse, téméraire, scandaleuse.
Ce bon pontife était doué de grandes
qualités; il était sobre , vivant de peu , dé
testant le luxe , économe dans les dépenses
superflues, magnifique dansles nécessaires,
rendant la justice avec exactitude à tous les
sujets, en jugeant des affaires avec esprit,
célérité et discernement.
Innocent IX, natif de Bologne , se distin
gua au concile de Trente; il fut fait cardinal
par Grégoire XIII, monta sur le trône pon
tifical en 15g1. Il est fâcheux qu'il n'ait pas
long-temps régné; il avait de grands pro
jets qu'il ne peut mettre en exécution. Un
de ses desseins était de restaurer le port
d'Ancône,pour faciliter la navigation, et de
creuser un canal près du château de Saint-
Ange, pour mettre la ville de Rome à cou
vert des inondations fréquentes du Tibre.
Il avait résolu aussi de délivrer les sujets
de Rome de plusieurs impôts , et de travail
ler à la conversion des fidèles, d'extirper
les hérésies et de soulager , par ses libéra
lités , l'Eglise du Japon , affligée sous la ty
rannie du prince qui y régnait.
DE L'ÉGLISE. 28g
Bnoit IV, natif de Rome, fut élu pape
'en g00. Cet excellent souverain pontife,
rempli de belles qualités, parut sur le trône
de saint Pierre dans le temps où les abus
fourmillaient de toutes parts : ses exemples
de piété convertirent beaucoup d'ames,et
opérèrent un bien merveilleux.
Louis XIII} surnommé l'Aveugle, qui fut
si indignement traité par le cruel Bérenger,
son concurrent , vint à Rome , où il fut cou
ronné empereur des mains de ce sage pon
tife.. On admira toujours , dans son auguste
personne , l'amour pour la justice ainsi que
sa libéralité envers les pauvres.
Saint Corneille I" fut élu souverain de
l'Eglise par le clergé romain , un an et demi
après que le Saint-Siége eut demeuré va
cant; il était rempli d'une pureté vir
ginale, d'un esprit, d'une modestie et d'un
courage extraordinaires. Ce fut avec une
patience angélique qu'il repoussa les ca
lomnies d'un chismatique nommé Nova-
tien.
Les bons fidèles environnaient d'une pro
fonde vénération ce saint pontife, se plai
saient à se réunir dans son bercail , à y con
*9
290 TRIOMPHE
templer ses beaux exemples de vertu , et à
y goûter ses doux fruits ; il confessa la foi
avec un héroïsme étonnant : il fut envoyé
en exil par l'empereur Gallus, et finit ses
jours au milieu des angoisses, mais au sein
de la véritable gloire.
Saint Eleuthère était originaire (VEpire,
il reçut sous son pontificat, la célèbre dépu-
tation des martyrs de Lyon , au sujet des
Montanistes , qui excitaient de grands trou
bles parmi les fidèles de l'Asie.
Il combattit avec un courage héroïque,
les erreurs de ces hérétiques, qui sous le
brillant manteau de la vertu, recélaient
dans leur cœur le germe des vices les plus
iniâmes. Il gouverna la Sainte-Eglise ro
maine avec douceur , et avec une sagesse
angélique. -
Jean VI, Grec de naissance, succéda à
Sergius Ier. Peu de temps après son élec
tion, Théophylacte, chambellan de l'empe
reur Tibère III, exarque d'Italie, vint de
Sicile à Rome ; les troupes Payant appris ,
s'assemblèrent dans la ville, pour le mal
traiter; le pape, par un esprit de paix s'y
DE L ÉGLISE. 2C)I
opposa, et calma la sédition, en envoyant
des évêques pour haranguer les soldats.
La sédition était à peine appaisée, que
Gisulfe Lombard, duc de Bénévent,vint ra
vager la Campanie, pillant , et enlevant les
hahitans impunément. Le pape, par le
moyen de riches présens , se fil rendre les
captifs , que Gisulfe avait fait. Ce bon
pontife entre autres grandes œuvres , justi
fia dans un concile saint Vilfrid , accusé par
l'archevêque de Cantorbery.
Bonifacel", élu pape en 4l!^i après la
mort de Zozime, gouverna paisiblement le
Saint-Siége , pendant quatre ans environ ;
ce fut sous son pontificat que mourut saint
Gérôme, et que saint Augustin adressa à Sa
Sainteté ses quatre livres, en réponse aux
deux lettres des Pélagiens.
Cet excéllent pontife soutint avec cou
rage les droits du Saint-Siége sur l'Illyrie,
que le patriarche de Constantinople vou
lait détacher de sa juridiction. Boniface ter
mina cette contestation, traitée entre les
empereurs Honorius et Théodose.
Benoît II, Romain de naissance , fut un
bon souverain pontife; très-pieux, patient?
2fp TRIOMPHE
doux , et généreux, et très-instruit dans l'E-
criture-Sainte. Etant élevé sur la chaire de
saint Pierre, il s'occupa aussitôt d'ordonner
la convocation du quatorzième concile de
Tolède, pour y faire recevoir la définition
du sixième concile écuménique. Il rétablit
les Eglises de Saint-Pierre, de Saint-Va-
lentin et de Sainte-Marie.
Qn'il est beau pour un chrétien fidèle de
parcourirces magnifiques exemples de piété
que nous donnent les princes de l'Eglise ,
pour contribuer à la propagation de la foi ,
à la gloire de l'Eglise et à son triomphe!
de l'égl1se. 2g3
CHAPITRE X.
Exemples de zèle.
C'est par un zèle juste et éclairé que
l'on peut faire briller la religion , con
tribuer à sa gloire et à son triomphe; por
tons nos regards sur la vie magnifique de
quelques-uns de nos saints pontifes,revêtus
légitimement de la puissance divine et nous
nous en convaincrons avec un charme ra
vissant.
Boniface IV, fils d'un médecin > fut fait
pape après la mort de Boniface III; son
zèle pour la gloire de l'Eglise fut sans bor
nes ; il obtint de l'empereur Phocas le Pan
théon , qu'Agrippa avait fait élever en
l'honneur de tous les. dieux , et le consacra
à l'honneur de tous les martyrs et de la
2C)4 TRIOMPHE
Sainte-Vierge , sous le nom de Sainte-Ma
rie de la Rotonde, qui existe encore. Il fit
de sa maison un monastère , qu'il dota de
très-grands biens On lui' attribue quelques
ouvrages.
Benoît I" fut élu pape en 5y4 , après la
mort de Jean III; ce fut sous son règne
que les Lombards avaient fait quelques
progrés en Italie, il s'en suivit pendant long
temps un partage de domination , entre les
empereurs Grecs, et les rois des Lombards*
Il tâcha de réparer les maux que causait
aux Romains l'armée des Lombards, et usa
de toutes les ressources de son zèle éclairé ,
pour les soulager dans un temps affreux de
peste et de famine.
Benoit III, né Romain, fut élu pape au
milieu des troubles, et fut conduit en triom
phe au palais de Latran , au milieu des lar
mes de joies universelles et de cantiques
mélodieux : il honora le trône pontifical
par ses vertus sublimes , et par un zèle qu'il
déploya sur la terre chrétienne pour la
gloire de la religion.
C'est entre ce pontife et Léon IV, que des
imposteurs osèrent placer la papesse Jeanne.
DE L'ÉGLISE. 295
Jl ne faut point s'étonner de cette calomnie,
reconnue de tous les savans : de tout temps,
ainsi que de nos jours , les ennemis de la
religion se sont fait un plaisir de noircir
les chefs augustes de la sainte Eglise ro
maine, par des accusations atroces; mais
les traits de leur satyre viendront se briser
au pied des monumens glorieux du zèle
des successeurs légitimes de saint Pierre.
Saint Clément 1" fut élu pape l'an 91 ; il
fut témoin de la persécution de Donatien,
qui dura trois ans environ. Ce fut saint
Pierre lui-même qui avait ordonné saint
Clément. Saint Paul a parlé de ce souverain
pontife , dans son Epure aux Philippiens.
On croit aujourd'hui que c'est à saint Clé
ment qu'est due la première mission des
évêques dans la Gaule : quoiqu'il en soit ,
on ne peut pas lui disputer un zèle admira
ble et magnifique pour la gloire de l'Eglise.
On lui attribue plusieurs,écrits : le seul qui
soit avéré est une épître aux Corinthiens,
publiée à Oxford en 1633; c'est un des plus
beaux monumens de l'antiquité, qui fut
long-temps lu dans l'église de Corinthe.
Saint Calixte 1" fut Romain de naissance
296 TRIOMPHF
et successeur du Pape Zéphirin. Cet ex
cellent pontife était estimable et très-estimé
d'Alexandre Sévère, qui proposait ses exem"
ples de piété à ses officiers subalternes et à
son peuple.
C'est à son zèle que nous devons la ma
gnifique institution du jeûne et des quatre-
temps; les registres de l'Eglise romaine en
font encore la glorieuse mention. Ce fut
sous son pontificat que les chrétiens com
mencèrent à bâtir des églises , sous la tolé
rance des magistrats.
Le nom de Calixte est illustre, surtout
par le cimetière placé sur le chemin d'Ar-
dée, qui s'étend jusqu'à la voie appienne.
On lit sur une inscription placée dans l'é
glise ces mots : (Test ici le cimetière du cé
lèbre pape Calixte, martyr. Cent soixante-
quatorze martyrs y ont été enterrés avec
quarante-six évêques illustres.
Saint Anastase 1" occupa le trône de
saint Pierre en 3g8; son zèle se distingua
par la réconciliation de l'Eglise orientale
avec l'occidentale : il foudroya les Origé-
nistes, et mérita des éloges pompeux de
saint Jérôme , qui l'appelait l'homme d'une
DE L ÉGLISE. 297
riche probité et (Tune sollicitude aposto
lique.
Il réforma la discipline de l'Eglise, fit
plusieurs réglemens, entre aulres celui qui
défendait d'ordonner prêtres les nouveaux
convertis, surtout venant d'Amérique. Nous
avons de lui, dans le pontifical romain,
deux lettres qui sont de la plus grande im
portance. La solidité de son esprit corres
pondit aux charmes de ses sublimes vertus.
Saint Pie I", natif d'Aquilée, devint pape
après saint Hygin : ses émineutes vertus lui
firent donner le nom de Pie, et le firent
respecter sous l'empire &Adrien et d'An-
tonin , qui conservèrent la paix, pendant
son pontificat, malgré les combats que ce
saint pontife eut à soutenir, et qui lui con
quirent la couronne de martyr.
Aidé des lumières de saint Justin, dit le
philosophe, il travailla avec ardeur à com
battre les hérésies de Valentin et de Mar-
cion ; le premier était un platonicien exalté ,
qui, en mêlant la doctrine des idées, et les
mystères des nombres avec la théogonie
d'Hésiode et l'Evangile de saint Jean ne
formait qu'un système absurde. Toute la
298 triomphe
vie de ce saint pontife fut une suite des
bonnes œuvres et de son zèle éclairé.
Pie II , nommé Enéas, né en Toscane
d'une famille noble et illustre, succéda au
pape Calixte III ; son éducation fut très-
soignée , et ses progrès dans les lettres fu
rent étonnans ; à vingt-six ans il fut fait se
crétaire au concile de Bale, par le cardinal
Dominique Capronica. Félix II lui donna
le même emploi auprès de son auguste per
sonne.
L'empereur Frédéric l'ayant appelé, en
lui conservant le même titre, l'honora de
Ja couronne poétique; l'envoya comme am
bassadeur à Rome, àNaples, à Milan, en
Bohême et dans d'autres cours. Le pape
Eugène IV en fait un grand cas et s'en ser
vit quoiqu'il lui eut été contraire dans le
concile de Bàle. Nicolas V l'employa en qua
lité de nonce en Autriche, en Bohême, en
Moravie, en Silésie. Il réussit partout et
principalement dans les diètes de Ratis-
bonne et de Francfort, qu'il fit assembler
pour déterminer une croisade contre les
Turcs; et quand il fut sur son trône ponti-
cal, il ne fut pas en peine de répandre dans
DE L'ÉGLISE. 299
l'Eglise les fruits magnifiques de ses lumiè
res et de son zèle éclairé.
Melchiade était originaire d'Afrique; il
vit, pendant son pontificat, la religion
chrétienne s'étendre par toute la terre , et
adoptée par Constantin, qui en fut le pro
tecteur. Ce triomphe fut troublé par le
schisme des Donatistes, il mit en jeu tous
les ressorts de son zèle pour les engager à
se soumettre.
Etienne IX, frère de Godefroi , duc de
Lorraine , un des plus grands princes de
son temps, fut d'abord archidiacre de Liége,
d'où le pape Léon IX le tira pour le faire
chancelier de l'Eglise romaine , et l'en
voya ensuite, en qualité de légat, à Cons-
tantinople, en 1o54; il se retira au Mont-
cassin où il embrassa la vie monastique , et
dont il devint abbé.
Le pape Victor l'ayant fait cardinal du
titre de saint Chrysostôme, il fut obligé
d'aller à Rome, pour prendre possession
de ce titre, et ce fut là qu'on le prit de
force pour l'élever sur le trône pontifical.
Ce zélé pontife tint à Rome plusieurs con
ciles pour empêcher le mariage des prêtres,
■ jz
3oO TRIOMPHE
qu'il bannit du sanctuaire pour un temps ,
avec défense de célébrer la messe.
Il fit un voyage au Montcassin, pour y
reformer la 'conduite des moines qui se
laissaient corrompre par l'amour des ri
chesses ; il mena une vie angélique qui
honora le trône pontifical.
Nous voyons donc évidemment briller
dans l'auguste personne des princes véné
rables de la sainte Eglise , de nombreux
exemples de zèle , capables de ranimer la
ferveur des fidèles, d'éteindre parmi eux la
discorde allumée par l'enfer , d'y appor
ter la paix , de soutenir la gloire, de la reli
gion et de consolider son triomphe.
DE L EGLISE. 3oi
CHAPITRE XI.
Pontifes amis du peuple.
Sans la charité, l'édifice magnifique de
notre foi s'écroulerait, nous dit le grand
Apôtre, et c'est sur ce pompeux et solide
fondement que les chefs augustes de l'E
glise se fondent pour se rendre les dignes
représentans de Jésus-Christ sur la terre.
Clément IX, issu d'une famille noble de
la Toscane, fut envoyé nonce en Espagne
par Urbain VIII, qui l'avait donné dans une
époque au cardinal Barbarin pour auditeur
de légation. Pendant onze ans qu'il remplit
avec dignité la place de nonce , il se conci
lia l'estime de tous les grands de la capitale
et de la cour, de telle manière qu'il fut
prié d'être parrain d'une des filles du roi.
302 TRIOMPHE
Après la mort d'Alexandre VII, il fut
elevé sur le trône papal; il s'y montra ma
gnifique et libéral à l'égard des malheu
reux, ami des lettres et de la paix; il fit ad
mirer les beaux commencemens de son
règne en déchargeant le peuple de l'état
ecclésiastique, des tailles et de beaucoup
d'autres subsides : il envoya tous ses revenus
pour secourir les habitansde Candie contre
les Turcs.
La distinction de fait et de droit dans l'af
faire de Jansénius lui donnait de grandes
inquiétudes ; il fit tous ses efforts pour étein
dre ces contestations, allumées depuis long
temps. Il se contenta des soumissions des
quatre évêques opposans ; il leur rendit ses
bonnes grâces et les honora d'un bref en
1668 : c'est ainsi que, par les moyens de la
plus grande douceur , il établit la paix.
Le roi, satisfait de ce triomphe pacifique,
l'annonça solennellement à la France en
tière , et fit frapper une médaille pour per
pétuer cette action glorieuse , digne de vé
nération et de mémoire.
Etienne fêtait Romain et fils d'une fa
mille noble ; il fut élu pape par un consen
de l'église. 3o3
tement unanime des évêques, du clergé et
du peuple; il était si pieux, qu'il fallut qu'on
le forçât à sortir de sa maison pour lui faire
accepter le pontificat , dont il se croyait in
digne.
Cette époque fut remarquable par plu
sieurs calamités qu'il tâcha d'étouffer. Des
sauterelles ravageaient les campagnes;
Rome était menacée par les Sarrasins; la
France , qui avait été toujours l'amie de
Rome, était alors désolée par les Lombards,
ne pouvait nullement lui apporter de se
cours.
Les trésors de l'Eglise étaient vides :
Etienne V remédia autant qu'il pût à ce
grand fléau , en distribuant tout son pa
trimoine aux pauvres , et en admettant à sa
table des orphelins qu'il nourrissait chari
tablement.
Clément XII, issu d'une famille de Flo
rence, fut élevé d'abord à différentes char
ges d'honneur par sa piété et ses talens. Il
devint trésorier de la chambre apostolique,
et obtint la pourpre en 1706. A peine fut-
il élevé sur la chair de saint-Pierre , qu'il
abolit une partie des impôts, et fit châtier
T
3o4 TRIOMPHE
ceux qui s'étaient mal comporté sous le
pontificat suivant. Aussi tout le peuple ro
main témoignait publiquement sa joie par
des acclamations publiques : il distribuait
aux pauvres tous ses revenus.
Il se distingua en lançant un bref pour
condamner une instruction pastorale de
l'évêque de Montpellier, Colbert, grand
Janséniste , qui , dans diverses circonstan
ces, ne respecta pas les évéques ses collè
gues; il montra même sa désobéissance aux
jugemens de l'Eglise, et plusieurs de ses
ouvrages furent condamnés par le Saint-
Siége.
Le peuple romain, justement enthou
siasmé du mérite rare de Clément XII, lui
érigea, par reconnaissance, une statue de
bronze qui fut placée en pompe dans la ca
pitale.
Anastase IV fut un souverain pontife
doué d'une grande charité qu'il exerça pen
dant une famine qui désolait ses Etats : il
protégea l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusa
lem, vulgairement appelé les Templiers, et
les honora de beaucoup de priviléges.
H était rempli de vertus, et avait une
de l'église. 305
grande expérience pour les affaires de la
cour de Rome : ou voit, dans le recueil du
père Labbe, neuf lettres de ce pontife.
Eugène //, natif de Rome , fils de Bohé-
mond, succéda à Pascal I"; il fut élu pape
le 5 juin 824; il fut remarquable par des
qualités et des vertus qui lui méritèrent la
préférence sur son concurrent : il sut, par
son esprit aimable, se lier avec les monar
ques français.
Louis-le-Débonnaire , roi de France, en
voya Lothaire, son fils, à Rome, pour ré
gler avec le pape tout ce qu'exigeait la
nécessité des circonstances. Déjà , depuis
quelques années, les troubles de Rome
avaient excité la sollicitude de l'empereur.
On avait fait beaucoup de fausses condam
nations ; le pape, par un esprit de justice,
consentit au redressement de tous les griefs,
et on vit la paix se rétablir à la grande sa
tisfaction du peuple romain.
Pour affermir ces heureuses réformes,
Lothaire fit publier un.e constitution où il
sembla ajouter aux concessions de Charle-
magne, en mettant sur la même ligne l'au
torité du pape et celle de l'empereur. Il
20
3o6 TRIOMPHE
recommanda qu'on eût une obéissance en
tière au souverain de l'Eglise , à ses juges et
à ses ducs pour l'exécution de la justice.
Cet admirable pontife tint un concile à
Rome pour la réforme du clergé. Lorsqu'il
mourut, tous les Romains le regrettèrent;
il avait pourvu, pendant son pontificat, à
l'abondance des blés avec une telle sa
gesse, que la ville de Rome était celle où
Ton vivait à meilleur marché. Son amour
pour les malheureux , ses soins pour les
malades, les orphelins et les veuves, lui
conquirent le beau titre de Père des pau
vres.
Il faut donc convenir que la charité a fait
dans tous les temps l'objet précieux des bel
les occupations, des vénérabbs princes de
l'Eglise, et qu'animés par elle ils ont ré
pandu avec une libéralité ravissante, dans
le; sein des malheureux, toutes leurs riches
ses pour contribuer à la félicité et à la gloire
dela religion.
de l'église. 307
BX>^<»W^»M^rtW^t»PW^»^w^^#^^t^^*<^<«<Wiig^^N»^É
CHAPITRE XII.
Pontifes amis des peuples et des Souverains.
On est ravi , sans doute , lorsqu'on voit
une main libérale prodiguer avec sagesse,
dans le sein de l'indigence , les dons de la
magnificence pontificale; mais quel charme,
quel ravissement , quel spectacle magnifi
que , lorsqu'on voit la thiare unie à la cou
ronne pour faire éclater les grandeurs de la
terre et pour faire admirer la puissance du
Ciel.
Urbain V, nommé Guillaume de Gri-
moald, fils du baron du Roure et de l'Em-
phélise de Sabran , sœur de saint Elzéar ,
né à Grisac, dans le diocèse de Mende, dans
le Gévaudan , de bénédictin , il devint abbé
de Saint-Germain-l'Àuxerre, ensuite de
3o8 TRIOMPHE
Saint-Viclor, et enfin pape, le 27 octobre
i362, après la mort d'nnocent VI;le Sainte
Siége était alors à Avignon, et ce pontife
l'y occupait avec gloire. Le roi de France,
Jean , vint l'y visiter : ils formèrent ensem
ble le projet de renouveler une nouvelle
croisade qui n'eut pas lieu.
En 1 367, les Romains l'engagèrent à venir
à Rome poury fixer le Saint-Siége et pour ré
parer les maux causés en Italie par la lon
gue absence des papes; il s'y rendit et y fut
reçu avec d'autant plus d'allégresse et de
pompe, que depuis Benoît XI aucun sou
verain pontife n'y avait résidé. Entre au
tres choses , il y fit rétablir le Vatican avec
une magnificence digne de la grandeur
pontificale.
L'empereur Charles IV vint en Italie en
1368 , a la prière du pape, avec une nom
breuse armée , pour soumettre les usurpa
teurs des terres de l'Eglise ; mais aupara
vant il avait confirmé , par une bulle d'or,
tous les priviléges et donations accordés
aux papes par les empereurs. Le dénom
brement des domaines et des droits de
l'Eglise y étaient faits avec exactitude.
de l'église. 3og
L'empereur trouva le souverain pontife"
à Viterbe, et alla l'attendre à son tour à un
mille de Rome, où Urbain fit son entrée
triomphante à cheval. L'empereur et le
comte de Savoie, marchant à pied, tenaient
la bride chacun de son côté; l'impératrice
s'y rendit quelques jours après, et le pape
la couronna le jour de la Toussaint, à la
messe. L'empereur y remplissait la fonction
de diacre ; mais il ne lut point l'Evangile,
ce qu'il ne pouvait que le jour de la Noël.
L'empereur d'Orient, Jean Paléologue,
vint aussi visiter Urbain à Rome, pour de
mander des secoure aux princes d'Occident
contre les Turcs. Ce grand pontife, ami des
souverains, le reçut très-favorablement, et
avec tous les honneurs possibles.
Etant très-attaché au roi de France , il se
détermina à revenir à Avignon pour réta
blir la paix entre la France et l'Angleterre:
il exerça son zèle contre les clercs déréglés,
simoniaques, et contre les usuriers: il ré
forma , autant qu'il fut en son pouvoir, la
pluralité des bénéfices.
Pendant les beaux jours de son glorieux
pontificat , il entretint cent étudians en dif
3lO TRIOMPHE
férentes universités; il fonda à Montpellier
un collége pour douze élèves en médecine;
il donna , en mille occasions , des marques
de son affection sincère pour les malheu
reux.
Il fit construire plusieurs églises, et fonda
plusieurs chapitres de chanoines. Ce fut par
ses soins que le palais d'Avignon fut cons
truit. Cet édifice magnifique, qui existe en
core, frappe d'étonnement par sa belle an
tiquité. En voyageant, j'ai eu l'avantage de
le contempler avec une sincère vénération,
ainsi que l'Eglise papale, qui vient d'être
restaurée naguère par Monseigneur l'arche
vêque actuel d'Avignon (1).
Il était l'ennemi déclaré des abus; il tâ
cha de les réformer jusque dans les procu
reurs et les avocats. On ne le vit point pro
diguer ses richesses à ses parens ; il se pré
serva de cette légère faiblesse : il s'éleva
noblement au faite de la vraie gloire par des
actions admirables et immortelles.
Clément XI , nommé Jean-François Al-
bani , fils d'un sénateur romain , devint se-
(1) Je puis en parler savamment , puisque j'ai prêché à
Avignon pendant le carême 1827.
DE LÉGLISE. 3 II
crétaire des brefs et cardinal : il n'accepta
la papauté qu'après avoir consulté des per
sonnages religieux du premier mérite. Le
cardinal de Bouillon , doyen du sacré col
lége, distingué par son esprit et par sa
piété, contribua 'à son élection. :",
Ce bon pontife fut élu pape à un âge
peu avancé, plein de vigueur et de sagesse
au moment où la sainte Eglise romaine en
avait besoin; il détourna des malheurs de
la guerre l'Italie , qui allait en devenir le
théâtre; mais il fut contraint par l'empe
reur Léopold à reconnaître l'archiduc pour
roi d'Espagne , et quoique naturellement
attaché à la France, il renonça à son al
liance.
Son pontificat fut troublé par les guerres
du Jansénisme. En 1705, il publia la bulle
fineam Sabahot contre ceux qui soute
naient les cinq fameuses propositions, et
qui prétendaient qn'on satisfaisait par le
silence respectueux à la soumission due aux
bulles apostoliques. Il publia aussi la fa
meuse constitution Unigenitus contre cent
et une propositions du Nouveau Testameqt
de Qucsnel, prêtre de l'Oratoire. Un his
3 12 TRIOMPHE
torien malin, indigne de foi, osa lancer
quelques satyres contre cette belle et ma
gnifique conduite, capiible d'illustrer ce
grand pontife.
C'est avec juste raison qu'on a toujours
xlit que ce vénérable pape était autant
pieux que savant ; il composa une assem
blée remarquable des plus fameux astro
nomes d'Italie pour rétablir le calendrier
Grégorien; et comme il leur parut impos
sible de corriger les défauts qu'il y avait, il
aima mieux le laisser dans son état primi
tif. Il donna retraite au fils de Jacques II,
qui jouit à Rome des honneurs de la
royauté sous le nom de Jacques III.
C'est à cetilluslre pontife que la Provence
fut redevable de beaucoup de greniers d'a
bondance et de sommes considérables qu'il
y envoya pour y être distribuées aux mal
heureux pendant la peste de 172o. Hé!
des Français oseront insulter les souverains
pontifes, les accusant de porter la désunion
parmi les princes etles peuples! Comment
a-t-on l'audace de vomir de semblables
blasphêmes? Peut-on être plus magnifique
et plus charitable lorsqu'on répand à pleines
N
de l'égl1se. 3i3
mains des bienfaits immenses sur une nation
qui a toujours joui des plus beaux privilè
ges de Rome?
Ce vénérable chef de l'Eglise fut auteur
de quelques ouvrages. Le cardinal Albani,
son neveu , les recueillit et les fit imprimer
à Rome en deux volumes in-folio. Sa vie
magnifique fut conservée pour orner le
frontispice de ses belles œuvres.
Qu'il est beau de voir, de contempler la
gloire de Clément XI triomphant par son
génie et ses vastes lumières des jansénistes,
qui troublèrent la paix de l'Eglise comme
des reptiles venimeux. Son triomphe fut
d'autant plus magnifique, qu'il les confon
dit en leur prodiguant les richesses de sa
charité au sein de la France, où. cette hé
résie alarmante avait un siége secret, impo
sant et pompeux.
HonoriusIV, noble Romain, fut cardi
nal du titre de Sainte-Marie, par Urbain IV.
Il fut élu pape à Pérouse, sans que les car
dinaux en eussent été informés, comme
c'était l'usage depuis la constitution de Gré
goire X. Il confirma les décimes accordés
par son prédécesseur à Philippe-le-Hardi ,
3 I 4 TRIOMPHE
roi de France , pour faire la guerre à Pierre
d'Arragon, qui retenait captif Charles II,
roi de Sicile , et le neveu de saint Louis.
Il purgea l'État des voleurs qui l'infec
taient; il signala son zèle autant pour les
malheureux que pour les droits de l'Eglise
et pour le recouvrement de la Terre-Sainte.
Il conçut l'idée de quelques établissemens
utiles pour accélérer les progrès des lettres,
très-négligées dans son siècle. ; il fonda à
Paris un collége où l'on put apprendre les
langues orientales. Il était laborieux, et
quoique les incommodités de la goutte nui
sissent à ses affaires, il ne les négligeait ja
mais.
Nous devons donc rendre hommage aux
augustes chefs de l'Eglise , qui se montrent
les amis des souverains, les pères des peu
ples, pour nourrir leur corps et leur ame, et
pour éclairer leur esprit au milieu des triom
phes éclata ns de l'Eglise.
de l'église. 3l5
CHAPITRE XIII.
Union des Pontifes avec les Souverains.
L'union des sages pontifes avec les bons
souverains contribue à l'affermissement des
Etats , au bonheur de la société , à la gloire
et au triomphe de l'Eglise. C'est ce dont
nous pouvons aisément nous convaincre.
Alexandre III, natif de Sienne j fut car
dinal et chancelier de l'Eglise romaine.
Après la mort d'Adrien IV , tous les cardi
naux, à l'exception de trois, l'élurent sou
verain pontife. Sa Sainteté persécutée injus
tement par l'anti-pape Victor IV, se réfu
gia en France , où elle fut très-bien ac
cueillie par Louis-le-Jeune.
Alexandre était si bon, qu'il fit du bien
même à l'anti-pape , son ennemi déclaré; il
3l6 TRIOMPHE
lui rendit toutes sortes- d'honneurs , et l'ad
mit à sa table; lorsqu'il revint à Rome, où il
fntreçu en pompe en 117g,où il convoqua le
troisième concile général deLatran. Il était
respecté de toute l'Europe, et chéri de tous
les Romains.
Il renversa la servitude, rendit la liberté
à ses sujets , et montra la justice aux mo
narques. Il contraignit Henrii II, roi d'An
gleterre, à expier le meurtre de saint Tho
mas de Cantorbéri. C'est lui-même qui a
fait réserver au Saint-Siége la canonisation
des saints, qui dépendait des Métropoli
tains, et chez lesquels on voyait un grand
nombre d'abus.
Alexandre VII, né d'une famille illustre,
fut vice-légat à Ferrare , nonce en Allema
gne, évêque, et dans la suite cardinal : il
devint enfin pape après Innocent X. On ne
put jamais lui reprocher aucune faute qui
échappe ordinairement à fa jeunesse : l'es
prit et la vertu brillèrent en lui dès l'aurore
de ses tendres années.
Les commencemens de son pontificat
furent embellis par plusieurs réformes. Un
de ses premiers soins fut de confirmer ta
DE L'ÉGLISE. 3 17
bulle d'Innocent X, son prédécesseur,
contre les cinq propositions de l'évêque
Jansénius , et de prescrire la fameuse for
mulaire de »656. Louis XIV fit enregistrer
ces deux bulles au parlement, d'accord
avec le Saint-Père.■
Il embellit Rome de plusieurs édifices
magnifiques , n'épargna rien pour achever
le collége de la Sapience , qu'il orna d'une
belle bibliothèque. Il aima les lettres et les
cultiva avec succès. Nous avons de Sa Sain
teté des poésies intitulées Philomathi, musœ
Juveniles, qu'il avait composées dans sa
jeunesse , étant membre de l'Académie de
Philûmathie de Sienne.
Anastase II fit du bien à l'Eglise par son
zèle; il était très-lié avec l'empereur Atha-
nase, qui vivait alors, et avec Clovis, roi
de France, auquel il écrivit une lettre char
mante dans laquelle il se félicite de sa con
version et de ses victoires. L'Arianisme avait
tellement étendu son empire, que Clovis
se trouvait alors le seul prince en commu
nion avec Rome. Ce fut à cette époque que
le nom de Fils de l'Eglise, de Roi très
3 I 8 TRIOMPHE
chretien fut donné aux monarques français
et à ses successeurs.
Adrien l'\ issu d'une ancienne famille
romaine, était doué du caractère prudent
des Romains, réunissant à de sublimes
vertus un génie vaste et solide. llse lia avec
Charlemagne, roi de France, qui vint à
Rome pour défendre ses droits , ainsi que
dans la Lombardie. Ce grand roi confirma
Adrien dans la donation qu'avait faite au
trefois au pape le roi Pepin. Adrien, de
son côté , créa Charlemagne patrice de
Rome. Ce bon souverain pontife secourut
les Romains dans une famine , et répandit
sur eux de grandes aumônes : il embellit
l'Eglise de saint Pierre d'ornemens magni
fiques.
Clément PIII, originaire de Florence ,
fut d'abord auditeur de Rote et référendaire
de Sixte V , qui l'honora de la pourpre ro
maine. Après avoir été pénitencier et légat
en Pologne , où il montra visiblement son
zèle pour la religion catholique , il monta
sur la chaire de saint Pierre après Inno
cent IX.
Ce pontife était attaché à Henri IV ; mais
de l'église. 319
les Espagnols Payant prévenu contre Sa
Majesté, et en faveur de Philippe II, il en
voya une bulle pour refuser l'absolution à
Henri IV. Cependant, ayant reconnu son
erreur par la voie de Duperron et d'Ossat ,
il se réconcilia avec le bon Henri. Ce bon
pontife, enchanté lui-même de sa réconci
liation , voulut conserver le souvenir pré
cieux de cette grande époque par des mé
dailles où se trouvaient d'un côté l'effigie
de Clément VIII, et de l'autre celle de
Henri IV.
Sous son pontificat , les Grecs reconnu
rent la primatie de l'Eglise romaine. Le
livre de Molina de la Compagnie de Jé-
' sus ayant suscité des querelles entre les Do
minicains et les Jésuites sur les matières dé
la grâce , le roi d'Espagne renvoya les an
tagonistes à Clément VIII, qui établit à
H orne les fameuses congrégations de Ai*xi-
liis , composées de prélats distingués. Ce
vénérable pontife assistait aux conférences
qui y avaient lieu. Les consulteurs ne furent
pas favorables à Molina ; ainsi ces choses
continuèrent sous Paul V , son successeur.
Clément VIII rendit de grands services à
320 TRIOMPHE
l'Eglise; il corrigea le cérémonial desévê-
ques et le pontifical romain. Il fut aussi bon
pape que bon prince; il abolit les duels
dans ses Etats; il établit une congrégation
pour l'examen des nouveaux évêques en
Italie; il réprima les brigandages usuraires
des Juifs en ne leur permettant de s'établir
qu'à Rome , à Ancône et à Avignon. Il ra
mena un grand nombre d'hérétiques au
sein de l'Eglise , et contribua beaucoup à
la paix des Vervins^ en 15g8, après la mort
d'Alphonse II , duc de Ferrare et de Mo-
dène : il accrut le domaine ecclésiastique
du duché de Ferrare.
Grégoire XP, nommé Alexandre Ludo-
visio, fut pape en 1621 après Paul V; il
avait été successivement archevêque de Bo
logne , sa patrie , et nonce en Espagne , où
il pacifia les démêlés entre ce monarque et
le duc de Savoie. Son élection fut générale
mentapprouvée : il était alors âgéde soixante
ans; il avait toujours montré de l'équité, de
la candeur et beaucoup de justice dans les
emplois qu'il avait occupés.
Il fit un nouveau réglement pour le con
clave , à l'égard des élections ; il régla que
DE L'ÉGLISE. 32 1
les scrutins des cardinaux seraient secrets
dorénavant, et qu'on ne ferait plus usage
des suffrages donnés à haute-voix, ce qui
pouvait donner lieu à des erreurs.
Il érigea l'évéché de Paris en métropole ,
fonda le collége de la Propagande , en 1622.
La maison palatine ayant succombé sous
les armes bavaroises , le pape aida l'empe
reur dans le dessein qu'il avait de relever
cette famille puissante. Maximilien , duc de
Bavière, également reconnaissant de ce ser
vice , donna à Grégoire XV la plus grande
partie de la bibliothèque palatine.
En 1623 , la cour de France ayant formé
une ligue contre la maison d'Autriche pour
la [restitution de la Vatteline , Philippe III
pressa Grégoire XV d'interposer sa média
tion pour terminer ce différend. Il fit beau
coup de bien à Rome pendant les deux ans
qu'il occupa le Saint-Siége; il y entretint
l'abondance et déploya tous ses soins et ses
richesses daus le sein des pauvres et des in
firmes ; il réunissait à de grandes vertus de
très-grands talens : on lui doit la publication
de plusieurs collections importantes.
Jean IX, natifde Tibur, fils de Rampolde,
ai
32 2 TRIOMPHE
fut élu pape après Théodore II : il "tut tou
jours en union avec Charlemagne, Lothaire
et Louis, ainsi qu'avec un empereur. Dans
un concile , il déclara excommunié quicon
que s'opposerait à leur puissance et vou
drait résister à leur autorité.
Il fit 'briller un z.èle éclatant pour la gloire
de la religion; il écrivit à Stylien, évêque de
Néocésarée, pour 'le louer de la fermeté avec
laquelle i) avait résisté au schisme de Pho-
tius. Ce fut par ses ménagemens heureux
que l'empereur promit de conserver invio-
lablement les privilèges de l'Eglise.
Eugène III, né à Pise , devint abbé de
Saint-Anastase après avoir passé quelque
temps à Clairvaux sous la discipline de
«aint Bernard. Il fut sacré pape au monas
tère de Earfe , parce qu'il craignait la fu
reur des Romains, nouvellement excités
par les discours séditieux d'Arnaud, qui
ne reconnaissaient point l'autorité du pape,
et demandaient la confirmation du Sénat
nouvellement établi. Ils s'étaient porté à
d'autres excès ; rls avaient abattu les maisons
des cardinaux; ils forçaient les pélerins à
payer une offrande qu'ils gardaient pour
de l'église. 523
eux : ils portèrent leur audace jusqu'à en
tuer plusieurs.
Eugène y établit l'ordre et la paix, fit
connaître que le Sénat ne tenait son pou
voir que de lui. Les Romains le reçurent
en pompe dans Iiome; mais ils exigèrent
ensuite qu'il détruisît Tibur. Pour se déro
ber à tant d'honneurs , il quitta Rome et
passa le Tibre. Ce fut vers cette même épo
que, en ii455 que la prise d'Edesse par
Zengui consterna les chrétiens d'Orient et
les contraignit à demander des secours à
toutes les puissances de l'Europe.
Eugène,informé de tous ces désastres par
Hugues , évêque de Gabela en Syrie , écrivit
à Louis-le-Jeune , pour l'exorter, ainsi que
> tous les Français, à venir au secours des
Croisés.
Les mouvemens séditieux des Romains
obligèrent ce souverain pontife à fuir : il
se réfugia en France , où le roi le reçut en
pompe dans Paris, en allant à sa rencontre.
llse retira à Clairvaux, où il vivaiteomme
un religieux , jusqu'à ce qu'il retournât à
Rome. Il fit la réforme des chanoines de
Sainte-Geneviève, condamna les erreurs
32 4 TRIOMPHE
de Gilbert de la Porrée. Nous possédons de
de lui des décrets, des épîtres et des consti
tutions.
Eugène IV, nommé Gabriel Condolmero,
fils d'une famille roturière, commença à
être chanoine de la congrégation de Saint-
Grégoire-en-Alga , de là évêque de Sienne.
Son oncle, Grégoire XII, le fit cardinal,
sous le titre de saint Clément : il fut élu
pape le 3 mars 1 43i , après Martin V.
Il lança une bulle pour dissoudre le con
cile de Bâle. L'empereur Sigismond mit
d'accord Eugène avec les pères de ce con
cile. Ce bon pontife fit tous ses efforts pour
unir l'Eglise grecque à la latine ; mais cette
réunion ne fut pas de longue durée , il fut
mal récompensé des services qu'il avait
rendu à l'Eglise; les pères du concile de
Bâle se révoltèrent contre lui, et osèrent
le déposer injustement.
Les rois de France, toujours bons à l'é
gard des souverains pontifes ; le roi d'An
gleterre , l'empereur et les princes d'Alle
magne se plaignirent au concile d'un si
mauvais et si injuste traitement envers ce
bon pontife, qui se retira à Florence , tan
DE LÉGLISE. 32D
disque Amédée VIII était à Rome, nommé
pape par ce concile hérétique.
Eugène mourut en i447 , il fat extrême
ment regretté, et d'autant plus, qu'il s'était
toujours montré l'ami sincère de l'ordre et
de la pajx ; il ne se mêla jamais des affaires
des princes; il obligea les Grecs à se sou
mettre à l'Eglise romaine; il convertit les
Arméniens et les Jacobites; il composa
quelques écrits contre les Hussites; il fonda
plusieurs églises; il aima les savans et les
pauvres, en leur faisant part de ses bien
faits et de ses grâces.
Saint Innocent I", originaire d'Albo , fu,t
élevé, après la mortd'Athanase, sur le trône
pontifical par ses vastes lumières et ses émi-
nantes vertus. Il fut toujours très—lié d'a
mitié avec les Chrysostôme, les Jérôme et
les Augustin]qui vivaientt de son temps.
L'empire d'Occident était gouverné par
Honorius; l'Eglise d'Afrique était divisée
par la secte des Donatistes, il employa avec
succès son crédit auprès de l'empereur,
pour obtenir des lois sévères contre les Do-
natistes. L'irruption des Goths sous la con
duite d'Alaric, amena de grands événemens,
32Ô TRIOMPHE
à un tel point , que ce chef des barbares
menaça la capitale du monde chrétien.
Saint Innocent quitta Rome pour aller trou
ver Honorius, afin de traiter de la paix avec
AUaic.
Après ces malheurs et ces guerres r il
revint à Rome où il fut reçu en pompe
comme un ange consolateur; il redoubla
ses travaux , ses soins et son zèle pour faire
fleurir la religion. Il condamna les erreurs
de Pelage, déjà combattus avec éloquence
par saint Jérôme , et saint Augustin. Nous
possédons de ce saint pontife des décrétâtes
et des lettres qui eurent pour objet l'éta
blissement du dogme , sur la tradition et
TEcriture-Sainte.
Nous ne pouvons donc pas ignorer que
dans tous les siècles les princes de l'Eglise
se sont unis aux bons princes de la terre
pour contribuer au bonheur des peuples
et au triomphe de la religion.
de l'église. 3? 7
CHAPITRE XIV.
Vénération des Pontifes envers les Souverains , et vénération,
des Souverains envers les Pontifes.
Qu'elle délectation délicieuse goûte mon
ame ravie , à la vue des saints pontifes , re
cueillant avec modestie les honneurs de la
pompe royale , et rendant à leur tour l'en
cens de leurs hommages aux héritiers des
trônes légitimes, pour donner de hautes
idées aux hommes , des princes que la pro
vidence conserve pour diriger paisiblement
les peuples, et pour leur faire contempler
avec ravissement ces instrumens merveil
leux, qui soutiennentla puissance vénérable
de l'Eglise.
Innocentll, originaire de la maison des
Papir , devint chanoine régulier de Latran»
cardinal-diacre de Sainte-Ange , et fut en
3^8 TRIOMPHE
fin élevé sur le trône pontifical par la ma
jeur partie des cardinaux. Son élection fut
approuvée par toute l'Europe, et par saint
Bernard; mais il eut pour anti-pape Pierre
de Léon, qui opprima par une faction ce
bon pontife , qui se réfugia en France, où
tous les papes ont été bien accueillis dans
tous les temps , des peuples et surtout des
bons monarques.
Ce fut à Cluni, qu'Innocent II, ainsi que
ses cardinaux furent reçus avec tous les
honneurs possibles. Le roi de France , ac
compagné de la reine, et des princesses
enfans , vint à sa rencontre jusqu'à Saint-
Benoit sur Loire , se prosterna à ses pieds ,
et offrit ses services à l'Eglise et à ce légi
time pontife, qui visita plusieurs monas
tères de France, et fut accueilli à Saint-De
nis, par le fameux abbé Suger, qui alla au-
devant de Sa Sainteté , en procession avec
tout son chapitre.
Innocent II, y fit une entrée solennelle,
étant couronné d'une thiare, ornée d'un
cercle d'or ; étant monté sur un cheval
blanc , que les barons et les vasseaux de
l'abbaye conduisaient par la bride; un
DE L'ÉGLISE. 3-2i)
peuple immense s'y était rendu de Paris ,
pour contempler cette entrée triomphante.
Quelque temps auparavant, ce vénérable
pontife était passé en Lorraine, ensuite à
Liège , où le roi Lothaire se trouva avec la
reine pour le recevoir , et le faire recon
naître dans une assemblée solennelle d'é-
vêques et de seigneurs, qu'il avait convo
qué. Ce prince , vraiment digne du nom
glorieux très-chrétien, s'avança à pied dans
la place,"devant l'Eglise cathédrale, tenant
d'une main une verge, pour écarter la mul
titude, et de l'autre la bride du cheval
blanc, que le pape montait.
Ce vénérable souverain pontife, désirant
retourner à Rome , le roi Lothaire l'y ac
compagna pour le protéger, et le mettre a
labri de la fureur de ses ennemis; il y re
çut en même temps de sa main paternelle
la couronne impériale, dans l'Eglise de
Latran.
L'anti-pape faisant injustement la guerre
à Innocent , Lothaire repassa les Alpes et
y aporta de nouveaux secours. Lorsque le
calme eut succédé à la tempête, et que le
vaisseau de l'Église cessant d'être agité,
33o TRIOMPHE
/
commença à jouir des charmes de la paix ,
dans Rome, Sa Sainteté répara tous les dé
sordres commis pendant l'usurpation ; il
tint un concile dans le palais de Latran, où
se trouvèrent mille évêques.
Il s'occupa de la condamnation des er
reurs d'Abailard, et d'Arnaud de Bresse.
Il honora le trône pontifical par ses subli
mes vertus. 11 veilla d'une manière particu
lière sur la justice, et faisait prêter serment
aux juges et aux avocats. Plusieurs d'entre
eux étaient gagés pour exercer la justice
gratuitement.
Innocent IV, natif de Gène, fut d'abord
chancelier de l'Eglise romaine ; il fut ho
noré de la pourpre par Grégoire IX en 1227;
enfin il parvint à la chaire de saint Pierre ,
en 1243 , après la mort de Célestin IV.
Pendant long - temps Innocent IV avait
été fort lié avec l'empereur Frédéric , mais
malheureusement sa majesté ne voulant pas
ménager les intérêts de l'Eglise , perdit son
amitié; ce savant pontife persécuté se réfu
gia en France , où il fut bien accueilli par
saint Louis, qui fut le visiter à Lyon, et
de l'église. 33 i
tâcha d'appaiser la colère de cet empereur,
injustement irrité contre Sa Sainteté.
Ce vénérable pontife était profond dans
la jurisprudence; il était appelé le père du
droit. Nous avons des fruits de son génie ,
un ouvrage précieux intitulé A'pparatus su
per Decretales. On croit que c'est lui qui
donna le chapeau rouge aux cardinaux.
Il avait peut-être des sentimens ultramon-
tains qui ne furent pas approuvés de tout
le monde, mais il eut toujours une vie irré
prochable et magnifique.
Innocent VI, appelé Etienne d'Albert ,
natifde la paroisse de Beissac, au diocèse de
Limoges, commença dès son jeune âge à
honorer sa famille, par ses grands talens,et
ses belles vertus; il professa le droit à Tou
louse, et devint évêque de Noyon , ensuite
de Clermont, de là cardinal-évêque d'Os-
tie, et enfin pape, après la mort de Clé
ment VI.
Il fit briller dans son auguste personne
un zèle éclatant, la simplicité et la modestie
apostolique. Il fit une constitution contre
les commandes. Quatre ans après son exal-
/
3âï TRIOMPHE
/
tation, il fonda la Chartreuse de Ville—
Neuve-les-Avignon. (1)
Il Employa tous ses soins à reconcilier
les rois de France et d'Angleterre. On vit
toujours briller dans son auguste personne,
les belles qualités d'un pape excellent. Ami
de la justice, il punit jusque dans sa cour les
scandales. Protecteur des gens de lettres , il
en récompensa plusieurs. Zèle pour l'Eglise,
il en fit réparer toutes les ruines causées
dans quelques endroits , par ses ennemis.
Il déploya toutes les richesses de sa charité
envers les pauvres, qu'il accueillait comme
ses frères. Il aima beaucoup les Français et
chercha toujours à les soustraire au mal
heur qui les menaçait.
Innocent f///,nommé Jean-Baptiste Tibo
noble Génois , Grec d'extraction , naquit
en i 432 , il fut quelque temps à la cour de
Naples. Etant devenu dataire , cardinal-
évêque de Melfi, sous Sixte V, il s'acquitta
(1) Il n'y a pas long-temps que j'ai parcouru cette Char
treuse, où j'ai contemplé les mausolées splendides de quelques
papes; cette Chartreuse était plus magnifique que la Grande
Chartreuse de Grenoble , que j'ai vue aussi de nos jours avec
ravissement.
de l'église. 333
avec un merveilleux succès de plusieurs
commissions importantes ; il signala son
zèle en réunissant les princes chrétiens
contre les Turcs. Par le grand maître de
Malte, il se fit remettre Zizime, frère de
Bajazet II.
Enfin, il fut honoré de la thiare en i4S4i
en recompense de son mérite éminent et de
ses grandes actions. Il se montra partout un
excellent pontife; il fut un modèle de bien
faisance et de douceur; on vit toujours bril
ler, dans son auguste personne, la science
sans orgueil, l'amour de la paix sans osten
tation.
Il fut très-lie d'amitié avec Charles VIII,
roi de France; il lui accorda toutes les fa
veurs que son zèle légitime pouvait lui con
céder. Nous possédons de Sa Sainteté quel
ques ouvrages, un traité du sang de Jésus-
Christ sur la puissance de Dieu, sur
l'immaculée conception de la sainte Vierge.
Il ordonna que ce dogme serait prêché dans
toute l'Eglise , sans néanmoins accuser d'hé
résie ceux qui soutiendraient l'opinion con
traire. Il essaya d'accorder la doctrine de
saint Thomas et celle de Scot; il employa
334 TRIOMPHE
tous ses soins pour apaiser la grande dis
pute des stigmates de sainte Catherine-de—
Sienne, contre les Jacobins et les Francis
cains.
11 confirma l'ordre des Minimes , la
congrégation des Angustins déchausses, et
l'ordre de la Conception de lasainte Vierge,
instituée par Béalrix de Silva. Il condamna
plusieurs propositions avancées par Jean
Pic dela Mirandole comme suspectes d'hé
résie; il fit briller la justice dans toutes ses
actions, et n'accorda qu'au mérite toutes
les dignités ecclésiastiques, qualités ma
gnifiques d'un vicaire de Jésus-ChrisU
Innocent XII, Napolitain , né d'une fa
mille distinguée , fut d'abord employé par
les papes dans diverses dignités de l'Eglise;
il monta enfin sur le trône pontifical après
Alexandre VIII ; il eut toujours le bonheur
de jouir d'une brillante réputation pendant
tout son pontificat.
Son élection causa une jqie étonnante
aux Romains. Son amour pour les pauvres
était si grand qu'il les appelait ses neveux,-
il répandit dans leur sein toutes sortes de
bienfaits; il fonda plusieurs hôpitaux , et
de l'église. 335
agrandit les ports d'Anzio et de Nettuno.
Sous son règne il fut question , entre la
cour de Rome et la cour de France , des
quatre articles de la déclaration du clergé
gallican. Louis XIV écrivit à ce bon pon
tife , qui , satisfait de la lettre des évêques
et de cet illustre monarque , accorda les
bulles si long-temps désirées, et la paix ré
gna entre les deux cours. Il procura des
secours au roi d'Angleterre pour le rétablir
dans ses droits ^ il vola également au se
cours des Vénitiens.
D'après la décision d'une congrégation
établie pour examiner la question, le livre
dé l'explication des maximes des saints fut
condamné par un de ses brefs; l'ouvrage de
l'immortel Fénélon fut aussi condamné.
En 1694 , Innocent XII donna une nou
velle preuve* de sa droiture et de sa pru
dence , en adressant à l'archevêque de Ma-
lines un bref, par lequel il lui défendit
d'inquiéter aucune personne sur des accu
sations vagues d'hérésie ou de jansénisme,
sans les avoir juridiquement convaincus
d'attachement aux erreurs condamnées.
Honorius II fut élevé sur le trône ponti
336 TRIOMPHE
fical après Caliste II. Il était natif de Bolo
gne , dont il avait été archidiacre; le pape
Pascal lui avait donné l'évéché (TOstie, et
enfin, il devint souverain pontife.
Son élection fut assez vivement disputée;
il ne fut nommé qu'après son rival , qui eut
une partie des voix. Sqo concurrent se dé
mit de son titre, et lui-même, rempli de
piété, apréhendant par un vrai scrupule de
sa tendre conscience que sa nomination
ne fût légitime , voulait renoncer à la thiare.
On le vit se dépouiller de tous les ornemens
de sa dignité , lorsque tous les cardinaux le
réhabilitèrent solennellement, et de suite la
paix régna parmi les deux partis.
Il prit part à la querelle de l'évêque de
Paris, contre lequel son clergé s'était ré
volté à cause de la réforme qu'il avait voulu
y opérer : heureusement cet évêque triom
pha de ses ennemis.
Honorius favorisa la conversion de la
Poméranie , entreprise par saint Othon ,
évêque de Bamberg , et sollicitée par le duc
de Pologne , Boleslas. Il donna l'habit aux
Templiers , dont l'ordre venait d'être établi.
Il confirma solennellement, avec une vive
DE L'ÉGLISE. 337
joie, l'élection de Lothaire à l'empire; il
condamna les abbés de Cluny et du Mont-
cassin , accusés de divers crimes. On voit
plusieurs de ses lettres dans la collection
des papes.
Honorius III, romain de naissance , fut
élevé sur la chaire de saint Pierre après In
nocent III. Il confirma l'ordre de Saint-Do
minique et celui des Carmes. ( Ces derniers
religieux tirèrent leur nom du Mont-Car-
mel en Syrie ; le patriarche de Jérusalem
leur donna une règle que Honorius ap
prouva.)
Ce vénérable pontife fit prêcher des croi
sades pour le recouvrement de la Terre-
Sainte. 11 est le premier pape qui ait accordé
des indulgences dans la canonisation des
saints. Nous avons de lui plusieurs ouvrages
précieux.
Il couronna Frédéric II , empereur d'Al
lemagne. Il eut de grandes relations avec
Louis XIII , successeur de Philippe; il était
très-lié avec ce prince , qui , ayant reçu
avec vénération d'excellens conseils de
Sa Sainteté , les mit en exécution avec
succès.
22
338 TRIOMPHE .
Nous voyons donc avec une grande satis
faction que les pontifes vénérables se sont
fait toujours un vrai plaisir de s'unir aux
bons monarques pour étendre la gloire de
la religion.
DE L'ÉGLISE. 339
CHAPITRE XV.
Union de la thiare avec la couronne.
Si l'accord merveilleux des princes vé
nérables de l'Eglise, avec les princes dis
tingués de la terre , n'avait éclaté que dans
quelques époques remarquables, on aurait
raison de me dire que c'est une ostentasion
frivole, dont je m'en orgueillis avec une sa
tisfaction ridicule. Non , ce n'est pas seule
ment dans un temps où l'on a admiré leurs
amitiés passagères ; mais il est incontestable
ment sûr par l'histoire, qui nousen offre de
magnifiques tableaux , que les bons pon
tifes ont été toujours intimement et solide
ment unis avec les bons monarques pour
le salut des hommes et pour la gloire de
Dieu.
3/|.0 TRIEOMPHE
Etienne III', Sicilien d'origine, fils d'O-
livus, fut ordonné prêtre par le pape Za-
charie; il fut élu pape après l'expulsion de
Constantin et de Philippe , anti-papes , qui
avaientusurpés le Saint-Siége pendant treize
mois. Rome le reçut avec une pompe éton
nante; et malgré son bon cœur et tous ses
soins, il ne put s'opposer aux vengeances
atroces exercées contre les intrus et leurs
partisans.
Etienne III étant lié d'amitié avec le roi
de France , et étant plein de confiance
pour Sa Majesté, lui envoya Sergius pour
le prier de lui envoyer des secours; mais
malheureusement ce bon monarque mou
rut lorsqu'il arriva. Il montra combien il
était attaché aux Français et aux rois de
France dans une lettre qu'il écrivit aux
deux rois français à l'égard de la reine
Berthe, qui avait intention de marier un de
ses enfans avec une fille de Didier, roi des
Lombards.
Souvenez-vous , leur dit-il , que le roi
votre père apromis en votre nom que vous
demeureriez fermes dans la fidélité de la
sainte Eglise , à l'obéissance et à l'amitié
DE L'ÉGLISE. 34l
des papes, et que vous avez renouvele' les
mêmes promesses par vos lettres. Ce souve
rain pontife se montra grand observateur
des traditions ecclésiastiques, et eut soin de
renouveler plusieurs anciennes coutumes
pour l'honneur du clergé.
Etienne If, fils d'une famille noble , de
vait son instruction aux soins du pape
Adrien, et son diaconat à Léon, qui l'esti
mait pour ses vertus et son application à
l'étude des choses spirituelles : il fut élu
pape d'un consentement unanime.
Plein de vénération pour les monarques
de France , il se disposa peu de temps après
à aller visiter Louis IV, qui. le reçut avec
les plus grands honneurs. Ce bon pontife
le couronna empereur, ainsi que son épouse
Ermengarde impératrice. Il revint à Rome
chargé des dons des Français. La mort ne
lui permit pas d'exécuter plusieurs grands
desseins qu'il avait formé pour la gloire de
l'Eglise.
Martin /^Romain de naissance, fils d'une
ancienne et illustre famille nommée Othon-
Colonne, fut cardinal-diacre , et monta sur
le trône pontifical le 11 novembre 1417i
34^ TUIOMPHE
après l'abdication de Grégoire XII. Jamais
pontife ne fut plus solennellement inau
guré. Il fut à l'église monté sur un cheval
blanc, dont l'empereur et l'électeur palatin
tenaient les rênes. Un grand nombre de
princes et un concile entier fermaient la
marche triomphante. Après avoir été or
donné prêtre et évêque , il fut couronné de
la triple couronne, que les papes avaient
porté depuis deux siècles environ.
Etant sur la chaire de saint Pierre , son
premier soin fut de lancer une bulle contre
les Hussites de Bohême, qui causaient jour
nellement des ravages. Le premier article
de cette bulle est remarquable , en ce que
le pape y veut que celui qui sera suspect
d'hérésie, jure qu'il reçoit les conciles gé
néraux , et en particulier celui de Cons
tance, représentant l'Eglise universelle, et
qu'il reconnaisse que tout ce que ce der
nier concile a approuvé et condamné doit
être approuvé et condamné par tous les fi
dèles.
Il tint les dernières sessions du concile
de Constance au commencement de 14i8.
On avait crié pendant deux ans dans cette
DE L'ÉGLISE. 343
assemblée contre les annateS, les exemp
tions, les réserves, les impôts des papes sur
le clergé au profit de la cour de Rome : il
promit de remédier à tout; mais le concile
cessa , et les choses n'eurent pas leur effet.
Le retour du pape à Rome fut si beau ,
si solennel, qu'on en marqua le jour dans
les fastes de la ville pour en conserver un
éternel souvenir. Le schisme n'était pas en
core éteint, puisque l'anti-pape Benoît XI II
vivait. Après la faction, les deux seuls car
dinaux de ce schisme élurent un chanoine
espagnol : ce prétendu pape se démit quel
que temps après de son faux titre.
Notre vénérable pontife, plein de bonté
pour cet intrus converti^ lui donna l'évéché
de Majorque. Ce fut par sa douceur qu'il
mit fin au schisme affligeant qui avait causé
tant de douleurs à la véritable Eglise pen
dant un demi-siècle. >
Il avait convoqué un concile à Pavie dans
le dessein de réformer l'Eglise; mais des
évenemens contrarièrent ses vues. Cet il
lustre souverain pontife avait Jes qualités
d'un prince et les vertus d'un apôtre. L'E
glise lui est redevable de sa paix et de son
344 TRIOMPHE
union, l'Italie de son repos, Rome de son
rétablissement, et la littérature de quelques
ouvrages.
Nicolas I'\ dit le grandfils de Theodore ,
Romain de naissance diacre de l'Eglise de
Rome, fut élu pape après Benoit III, et
sacré le même jour dans l'Eglise de
Saint-Pierre en présence de l'empereur
Louis II.
Une ambassade solennelle lui fut adres
sée par l'empereur Michel III, qui suppliait
Sa Sainteté de faire cesser le schisme qui
venait d'éclater au sujet de la déposition
du patriarche saint Ignace, auquel on
avait substitué Photius. Le pape envoya des
légats à Constantinople pour éclairer cette
affaire. Le résultat des informations fut que
la doctrine de Photius n'était point hété
rodoxe, mais que la déposition de saint
Ignace était irrégulière.
Les soins qu'employa ce souverain-pon
tife pour la propagation de la foi produisi
rent la conversion de Bogoris , roi des Bul
gares. Ce monarque embrassa la religion
avec une partie de ses sujets, en 865. Ce
souverain pontife lui envoya des évêques,
DE LÉGLISE. 345
des prêtres et tant d'autres choses que le
roi lui avait demandé par la voix de son
fils, qu'il avait envoyé à Kome pour cela.
Ce chefauguste de l'Eglise, plein de con
fiance pour l'Eglise gallicane, écrivit aux
évêques de France , en 867 , pour les infor
mer des calomnies que les Grecs vomis
saient contre l'Eglise de Rome, et des re
proches injustes qu'ils lui osaient adresser. .
Nous avons de lui un grand nombre de
lettres sur différens points de morale et de
discipline , qu'on a recueillies à Rome en.
i54a. Sa charité, sa fermeté et son zèle lui
ont conquis une place glorieuse dans le
Martyrologe, et l'ont fait regarder comme
un des plus grands souverains pontifes.
Nicolas //, nommé Gérard de Bourgogne,
né dans cette province, fut elevé par ses
sublimes vertus sur le siége pontifical à
Florence, et ensuite à Rome, où il fut placé
le 28 décembre io58, et couronné le 18jan
vier io5g. C'est le premier pape dont l'his
toire ait marqué le couronnement.
Il fit déposer un anti-pape qu'une fac
tion ennemie lui avait opposé. Sous son
pontificat, un concile convoqué à Rome
3^6 TRIOMPHE
décida qu'à la mort du pape les évêques-
cardinauxtraiteraientensembleles premiers
des affaires électorales, qu'ils appelleraient
les clercs-cardinaux , afin que le reste du
clergé et du peuple pût donner justement
leur consentement.
Il avait une profonde vénération pour
les souverains ; un de ses décrets en offre
une preuve non équivoque : On choisira
dans le sein de CEglise, s'il s'y trouve un su
jet capable , sauf Phonneur dû à notre cher
fils Henri, qui est maintenant roi, et quisera,
s'il plaît à Dieu, empereur, etc.
Ce bon pontife passa ensuite dans la
Pouille , à la prière (des Normands , qui lui
restituèrentles domaines del'Egliseromaine,
dont ils s'étaient emparés : ij y fit un traité
avec eux, après avoir levé l'anathême qu'ils
avaient encouru.
Richard, l'un de leurschefs, fut confirmé
dans la principauté de Capoue, qu'il avait
conquise sur les Lombards. Robert Gui-
chard, autre chef de ces conquérans, fut
confirmé dans le duché de la Pouille et de
la Calabre. Nous avons de ce vénérable
pontife, qui a toujours joui d'une bonne ré
DE L'ÉGLISE. 347
putation , neuf lettres pontificales qui con
cernent les affaires de France.
Nicolas IV, général des frères mineurs ,
né à Ascoli, dans la Marche d'Ancône, fut
élevé sur le trône papal en 1288 : il renonça
deux fois à son élection , et n'y consentit
qu'avec beaucoup de peine. Le commen
cement de son pontificat fut embelli par
une ambassade d'Argon, kan des Tartares.
Ce prince demandait le baptême et pro
mettait de faire la conquête de Jérusalem
pour les chrétiens; mais ses projets s'éva
nouirent.
Ce souverain pontife redoubla ses efforts
pour exciter le zèle des princes chrétiens ;
il fit assembler des conciles; mais sa mort
renversa tous ses grands et magnifiques
projets. En 1289, il érigea l'Université de
Montpellier. Il composa plusieurs ouvrages:
1*. des commentaires sur l'Ecriture sainte,
2°, sur le maître des sentences; 3°. plusieurs
bulles en faveur des Franciscains ses con
frères.
Paul 1" succéda sur la chaire de saint
Pierre à Etienne II , son frère , en 757 ; il
donna avis de son élection à Pepin, roi de
348 TRIOMPHE
France, lui promettant union, amitié , fide
lité, jusqu'à l'effusion de son sang. Ce bon
prince , très-chrétien , lui prêta tous les se
cours possibles pour le défendre contre les
vexations de Didier, roi des Lombards. Il
gouverna l'Eglise avec prudence et sa
gesse, et fonda diverses églises. Nous avons
de Jui vingt-deux lettres dans le recueil de
Gretser.
Sergius /'r, originaire d'Antioche, fut
mis sur la chaire de saint Pierre, après là
mort de Conon , en 687 ; il désapprouva les
canons du concile connu sous le nom de
In trulla.
C'est ce souverain pontife qui statua le
chant de VAgnusDei, et qui reçut les hom
mages de Cerdowalla, roi de Wertsex, qui
vint à Rome pour recevoir le baptême.
Sergius, sensible à une piété si héroïque ,
rendit toutes sortes d'hommages à ce prince,
et lui donna le baptême de ses mains.
Sergius II, Romain de naissance , fut
élevé par son mérite. Etienne IV le fit sous-
diacre; Pascal Ier l'ordonna prêtre, et Gré
goire IV le fit archi-prêtre. A la mort de
Grégoire, ilfutélu d'un consentement una
DE L'ÉGLISE. 34<)
nime pour monter sur le trône papal. La
noblesse romaine, malgré une dissention
qui s'éleva, le porta en triomphe sur la
chaire de saint Pierre.
Sergius reçut avec toutes sortes d'hon
neurs Louis, roi d'Italie, que Lothaire em
pereur lui envoya à Rome. Ce bon roi,
plein de la plus sincère vénération pour le
pape, fut couronné par Sa Sainteté, et sacré
roi des Lombards.
Sylvestre i", Romain de naissance, fut
élu pape après saint Miltiade : il avait été
ordonné prêtre par saint Marcellin, pape.
Son pontificat fut heureux, parce que le
grand Constantin avait fait cesser les per
sécutions, et faisait aimer la religion chré
tienne en enrichissant les églises de ses
dons et de sa magnificence.
Les Donatistes troublèrent la paix qui
régnait dans l'Eglise. Ce fut aussi dans ce
temps qu'éclata l'hérésie d'Arius. Constan
tin, qui convoqua cet hérésiarque dans le
premier concile écuménique de Nicée ,
triompha. C'est sous .les auspices de ce
grand monarque, qui était très-lié avec
35t) TRIOMPHE
Sylvestre, que la religion romaine se for
tifia et étendit son empire.
Sylvestre //, né en Auvergne, reçut dès
son bas-âge ; dans le monastère d'Auriac ,
la plus.brillante éducation. Ses rares talens
l'avaient fait rechercher par l'empereur
- Ôthon II , qui lui donna l'abbaye de Bobio,
et ce choix fut applaudi de tout le monde.
Après la mort d'Othon , il revint en France
et devint précepteur de Robert, fils de Hù-
gues-Capet : il se montra un zélé gallican.
Après la mort de Grégoire V, il fut élevé
sur le trône pontifical , et , au milieu de ce
siècle d'ignorance et de barbarie, il fit bril
ler ses grands talens , ses vastes lumières et
ses éminentes vertus. On lui attribue l'intro
duction du chiffre arabe ou indien. C'est ce
grand homme qui inventa la première
horloge à roue. Sa grande science était
si étendue, qu'il semblait opérer des mer
veilles. Nous avons de cet illustre chef de
l'Eglise cent quarante-neuf épîtres, un dis
cours contre la simonie, et quelques opus
cules de mathématiques.
Leon III, Romain de naissance, reçut
son éducation au palais de Latran; il fut
DE 1/rGUSF. 35 I
ordonné prêtre du titre de Sainte-Suzanne.
On vit toujours briller dans son auguste
personne le zèle, le courage pour la gloire
de la religion; ses mœurs pures, jointes à
son esprit, lui gagnèrent tous les cœurs à
un tel point, qu'il fut élu souverain pontife
d'un consentement unanime.
Il se lia d'amitié avec Charlemagne , roi
de France, en lui offrant l'obéissance. Ce
grand monarque répondit à ces hommages
ravissanspardes présens magnifiques. Qua
tre ans après , en 7gg , une conspiration af
freuse éclata contre ce pontife; on chercha
à lui arracher la vie; mais quelques-uns de
ses domestiques intrépides l'arrachèrent des
portes de la mort ( tant il est vrai qu'on a
toujours persécuté les bons pontifes!)
Il se réfugia en France, asile sûr des chefs
augustes de l'Eglise : il y fut reçu avec une
pompe solennelle, au milieu des cantiques
de jubilation. Léon, après quelque temps,
étant escorté par l'armée française , vint à
Rome , et y entra en triomphe. Charlema
gne quitta Aix-la-Chapelle et alla dans la
capitale du monde chrétien pour y être
couronné : il y fut sacré ainsi que son fils ,
le roi Pepin.
Ô'JI TRTOMfHE
Ce grand monarque poursuivit les enne
mis de Léon III , et les fit juger par le tri
bunal romain; mais cet excellent pontife ,
à l'exemple du Sauveur, tout puissant au
milieu de l'éclat de sa gloire, intercéda
pour eux, leur sauva la vie. Ce chef au
guste de l'église avait de très-grands talens
et de l'Eloquence. Nous avons de lui treize
épîtres.
Constantin , Syrien de naissance , monta
sur le trône pontifical après la mort de Si—
sinnius, en 708. Ce chef auguste de l'Eglise
illustra la thiare par son zèle et par ses hau
tes vertus, gouverna avec sagesse la sainte
Eglise. 1l fit un voyage en Orient, où il fut
reçu en pompe par l'empereur Justinien,
qui lui fit toutes sortes d'honneurs.
Nous voyons évidemment que les chefs
augustes de l'Eglise se sont unis ensemble,
non-seulement dans quelques époques cé
lèbres , mais dans tous les siècles , pour con
tribuer au bonheur de la société et au triom
phe de l'Eglise.
de l'égl1se. 353
■w—»*■[ «s a*«««««««««M»
CHAPITRE XVI.
Pontifes amis des Souverains et des arts libéraux.
Non-seulement nous sommes enchantes
de voir les princes vénérables de l'Eglise
chérir les bons monarques de la terre;
mais nous sommes ravis encore en contem
plant leur génie, protecteur des grandes
choses , des sciences et des beaux arts.
Grégoire XInommé Pierre Roger, né au
château de Maumont , dans la paroisse de
Rosier, dans le bas Limousin , fut créé car
dinal par Clément VI, avant l'âge de dix-
huit ans, et reçut de Sa Sainteté plusieurs
bénéfices nécessaires pour soutenir l'éclat
de sa naissance. Son amour pour l'étude
s'étendit sur toutes les sciences qui étaient en
vogue de ce temps, et il y fit d'heureux
a3
35^ TRIOMPHE
progrès; il joignit à de grands talensde su
blimes vertus. Après la mort d'Urbain V, il
réunit tous les suffrages des cardinaux, et
fut élu pape au premier scrutin en 1370.
Il profita du crédit de sa haute dignité
pour engager les rois de France et d'An-,
gleterre à suspendre leurs hostilités par une
trêve de quatre ans , pour obliger ceux de
Castille, d'Arragon et de Navarre à termi
ner, par une solide paix , la guerre qu'ils se
faisaient, et pour réconcilier la reine de
Navarre avec le roi de Sicile.
Les soins qu'il donnait pour rétablir l'har
monie entre les princes, ne furent point
préjudiciables à ceux qu'il devait au gou
vernement de l'Eglise. Il obtint d'André
Contarini, doge de Venise, qu'on n'admet
trait plus, dans l'île de Candie, d'autres
prêtres que ceux qui auraient été ordonnés
par des évêques du rit latin ou du rit grec
en communion avec le Saint-Siége. Il en
voya au duc de Moldavie, rentré dans le
sein de l'Eglise, des prêtres pieux elsavans,
pour y ramener sa famille et ses sujets.
Il ouvrit, avec l'ex-empereur JeanCan-
tacuzène, une négociation, dans le butdV
de l'église. 355
pérer la réunion des deux Eglises; sa sol
licitude pastorale s'étendit sur les fron
tières de Hongrie , pour faire cesser l'a
bus des nouveaux convertis , qui, quelque
temps après , retombaient dans le mahomé-
tisme. Son zèle s'étendit aussi sur l'Allema
gne, pour réprimer Abbert, évêque d'Hal-
berstad,qui enseignait ouvertement le plus
absurde fatalisme.
Son zèle s'étendit egalement sur l'Espa
gne où ArnaudMoutanier prêchait en Cata
logne, que toute personne qui portait l'ha
bit de saint François, était sauvé. Il fit
prendre de sages mesures contre certains
moines qui publiaient des propositions té
méraires sur l'Eucharistie.
En France, il déploya tous ses soins pour
engager Charles V à éteindre des sectes
turbulantes qui étaient autant nuisibles à
l'état qu'à l'Eglise , comme les Mbigeois,
les Vaudou, qui agitaient le Languedoc et le
Dauphiné; les Bégards ouTurlupins qui,
par le plus scandaleux cynisme, offensaient
ouvertement les mœurs publiques. Il réta
blit l'ancienne discipline de l'Eglise , en re-
nouvellant les anciennes constitutions sur
,'
356 TBTOMPHK
la tenue des conciles provinciaux, sur la ré
sidence des évêques. Il fit donner des con
fesseurs aux criminels; tant était grande sa
charité !
Malgré les invitations contraires que lui fit
le roideFrance,qui le chérissait, il transféra
le Saint-Siége d'Avignon à Rome pour réta
blir la paix dans cette capitale de l'univers
chrétien , où le désordre et le brigandage
régnaient depuis longues années. Ce grand
pontife mérita les éloges dela postérité, par
la protection qu'il accorda aux sciences et
aux beaux-arts, et par les soins glorieux
qu'il avait eu d'élever aux grandes dignités,
et de combler de bienfaits ceux qui les cul
tivaient avec un brillant succès. On voit un
grand nombre de ses lettres dans Wadding,
dans Ughelli et dans d'autres collections.
C'est le dernier pape que la France ait donné
à l'Eglise.
Benoît XIV naquit à Boulogne en 1675,
de l'illustre famille de Lambertini. A peine
eut-il fini ses études avec distinction, qu'il
fut fait chanoine de la bazilique de Saint-
Pierre , consulteur du saint office , promo
teur de la foi , avocat consistorial, secrétaire
DE LÉGLISE. 357
de la congrégation du concile . canoniste
de la sacrée pénitencerie, archevêque titu
laire de Thépdosie en 1724, ensuite cardi
nal en 1728. Benoît XIII le nomma à l'ar
chevêché de Bologne en 173*. Après la
mort de ce pontife, -en 174°, il.fut élu par
quarante voix pour occuper le trône de
saint Pierre.
Chaque année de son pontificat fut mar
qué par quelque bulle,, qui réformait des
abus, ou quiintroduisaitdes usages utiles. La
modération., l'équité et l'esprit de paix ont
toujours brillé dans son auguste.personne.
Il avait cultivé de tout temps les belles-let-
res; mais il leur donna un nouveau lustre
dès le moment qu'il fut assis sur le trône
pontifical.
Il établit des académies dans Rome ; il
envoya "des gratifications à celle de Boulo
gne ; il orna cette belle cité de plusieurs
monumens magnifiques; il honora bien des
fois les hommes de lettres et les encouragea
par des récompenses, entre autres le cé
lèbre Gagliani , littérateur et naturaliste ,
auquel il donna une pension considérable.
En 1756 , il décida , par une lettre encY*
358 ÏT.IOMPHE
clique , qu'on ne devait refuser les sacre—
mens qu'à ceux qui seraient convaincus
notoirement d'être désobéissans à la bulle
unigenitus. Cette conduite fut admirable ,
mit la paix dans beaucoup d'endroits où la
guerre régnait depuis long- temps entre
les partisans de Molina et de Jansenius.
Louis XV sut le reconnaître, et en remercia
ce grand pontife , en faisant enregistrer
au parlement une déclaration conforme à
ce sage décret.
Cet illustre chef de la sainte Eglise ro
maine était bon et pacifique , et n'adoptait
pas toutes les idées ultramontaines. Moins
de libertés gallicanes , disait-il, au père de
Montfaucon, moins de presentions ultra
montaines, et nous mettrons les choses du
niveau qu'elles doivent être.
Il existait une guerre, enlrepris'e par la
France et la Prusse coalisées , pour exclure
la nouvelle maison d'Autriche de la dignité
impériale; Sa Sainteté établit la paix et ne
négligea rien pour la maintenir. Son atta
chement pour la France fut inébranlable;
il chercha aussi à obliger Marie-Thérèse
qui croyait , mais à tort , avoir à s'en plain
de l'église. 35q
dre, pour avoir marqué quelque prédilec
tion à l'électeur de Bavière.
1l accorda à cette princesse la suppres
sion du patrîarchat d'Aquilée, malgré l'op
position des Vénitiens , et lui permit de to
lérer le culte des Protestans dans ses états.
« C'est un très-grand bien, écrivait-il à cette
princesse , de chercher à rapprocher les
protestans du St.-Siége; ou ne les convertira
jamais que par la persuasionet la douceur. »
Les rois, les grands hommes, les Protes
tans même étaient remplis de vénération
pour Sa Sainteté. L'impératrice de Russie
Elisabeth le nommait le sage par excellence.
Les souverains de la Sardaigne et du Por
tugal lui étaient très-attachés; il était esti
mé même, à Constantinople. «Le bon Turc,
écrivait-il à un de ses amis , m'a fait dire
les choses du monde les plus agréables par
le marquis Maïo. »
En recevant le Roi de Naples qui venait
lui rendre hommage , il lui dit : Comme
chef de la religionje vous vois à mes pieds,
et comme particulier je suis aux vôtres. La
Margrave de Bareith, sœur du roi de Prusse,
princesse du mérite le plus distingué, vint
36o TRIOMPHE
à Rome pour visiter Benoît XIV. Les étran
gers de toutes les nations et de toutes les
sectes se hâtèrent d'aller voir un si grand
pontife*
Il favorisa les beaux-arts , releva l'obé
lisque du champ de Mars; fit bâtir l'église
de Saint-Marcelin , dont il traça lui-même
le plan ; il fit exécuter en mosaïque les beaux
tableaux de Saint-Pierre , traduire en ita
lien les bons livres anglais et français ; il
augmenta la bibliothèque du Vatican d'un
grand nombre de livres qui allaient jusqu'à
trois mille trois cents , ce qui était beau
coup pour ce temps-là.
Son administration intérieure fait éga-
ment honneur à sa sagesse; il s'éleva contre
les usuriers et les faux nobles, favorisa la
liberté du commerce, diminua le nombre
des fêtes. Sa piété était solide, éclairée et
tolérante; il s'appliqua à conserver le dogme
et les bonnes mœurs, dont il donnait lui-
même l'exemple; il réforma les jésuites en
Portugal; il confirma la bulle de Clément XI
contre les cérémonies chinoises.
Ses ouvrages sont en seize volumes in-fo
lio; les cinq premiers ne traitent que de la
de l'église. 36 1
beatification et de la canonisation des saints :
il y a épuisé la matière ; tant il y montre de
la profondeur. Le sixième contient les actes
des saints qu'il canonisa. Les deux tomes
suivans renferment des supplémens et des
remarques sur les volumes précédens. Le
neuvième est un traité du sacrifice de la
messe ; le dixième traite des fêtes instituées
en l'honneur de JésusrChrist et de la sainte
Vierge.
Giacomelli a traduit ces deux derniers
ouvrages. Le onzième renferme les instruc
tions et les mandemens qu'il avait donnés
avant que d'être pape> le douzième est un
synode qui est le meilleur et le plus ré
pandu de ses ouvrages. Les quatre derniers
sont un recueil de ses brefs et de ses bulles.
On remarque dans tous ses écrits une
vaste érudition et une profonde connais-*.
sance du droit civil et canonique, de l'his
toire sacré et profane. On a encore de lui
un martyrologe et quelques autres œuvres.
Benoît XIV était si vertueux et si sa
vant , que les ennemis de l'Eglise étaient
forcés à lui rendre leurs hommages. Vol
taire lui-même, l'ennemi acharné de la re
3Ô2 TRIOMPHE
i
li" ion , a fait de cet illustre pontife un ma
gnifique éloge dans un poëme de Mahomet
dédié à Sa Sainteté.
Lambartinus hic est, Romœ decus, et paHr orbis.
Qui mundum scriptis doeuit , virtutibus ornat.
Grégoire XIII , né à Bologne s'appelait
Hugues Buon Compagno ; il parvint au grade
de docteur en droit à l'âge de dix-huit ans ;
il assista au concile de Trente sous Paul III.
Pie IV l'avait honoré de la pourpre ; il fut
élevé sur le trône pontifical par une voix
unanime. Des réjouissances odieuses sur le
massacre de la saint Barthélemi signalèrent
les premiers temps de son règne ; son ca
ractère , plein de douceur et d'aménité ,
était bien loin de tels excès. L'histoire as
sure que ses discours et ses actions ont fait
voir qu'il détestait les auteurs de cette san
guinaire conspiration. Les mémoires de la
ligue ajoutent même qu'il refusa de lancer
des bulles d'excommunication contre Hen
ri IV et contre le prince de Condé, malgré
les instances du Jésuite Maldonat.
En i5y5, il déploya tous les charmes de
son zèle à la célébration du Jubilé , qui at
tira à Rome plus de trois cents mille péle
de l'égl1se. 363
rins. Il fonda plusieurs colléges à Rome*
l'un pour les Catholiques anglais, un pour
les Allemands, un pour les Juifs néophytes,
un pour les Grecs, un autre pour les Mos
covites, etc., etc.... En 158o, il fit publier
une nouvelle édition du décret de Gratien
avec des notes et des gloses très-savantes.
Ce qui a le plus contribué à illustrer le
pontificat de Grégoire XIII , c'est la réfor
mation du calendrier ; il s'y, était glissé des
erreurs si condérables, que la fête de Pa
ques se serait insensiblement trouvée au
solstice d'été, au lieu de demeurer entre la
pleine lune et le dernier quartier de la lune
de mars , qui suivent l'équinoxe du prin
temps comme l'avait ordonné le concile de
Nicée.
Un retranchement de dix jours dans le
mois d'octobre 1582 , replaça l'équinoxe du
printemps au 21 mars de l'année suivante,
et, par conséquent, la fête de Paques se
trouva à la même époque du concile de
Nicée.
Louis Lilio, médecin calabrais, Chris
tophe Clavius et Pierre Chacon, eurent la
plus grande part à cette grande œuvre. Ce
364 TRIOMPHE
calendrier, nommé Grégorien, fut adopté
sucessivemcnt dans tous les états catholi
ques de l'Europe ; on s'en servit en France
en 1 582. Les Protestans même l'adoptèrent
environ un siècle ;iprès. On voyait briller
dans ce grand ponlife la science , la dou
ceur, la modération et la bienfaisance.
Etienne II , Romain de naissance , fut
élevé sur le trône pontifical par une voix
unanime. Rome étant sur le point d'être
prise, il demanda des secours à Constantin-
Copronyme, empereur d'Orient, qui ne
voulut point condescendre à sa prière ; il
s'adressa à Pepin , roi des Français , qui
consentit à tout ce qui lui demanda Etienne.
S'étant réfugié en France, ce bon prince
alla à sa rencontre, et l'ayant joint, il des
cendit de son cheval , se prosterna devant
Sa Sainteté avec sa femme, ses enfans, et
les seigneurs de sa cour : le roi lui-même
marcha à côté du pape, tenant la bride de
son cheval et lui servant d'écuyer.
Ce bon pontife , rempli de vénération à
son tour pour le roi Pepin, parut le lende
main devant sa majesté sous le cilice, se
prosterna à ses pieds pour implorer le se-r
DE l'église. 36^
Cours de ses armes contre son persécuteur :
le roi lui promit à l'instant sa protection.
Ce vénérable pontife passa l'hiver à Saint-
Denis, et («ce fut, dit-on, pendant ce long
séjour que les clercs de sa suite apprirent
aux Gallicans à mieux chanter l'office di
vin. ») Au printemps suivant, Pepin célébra
la fête de Pâques, qui était le i4 avril y54,
à Quercy-sur-Oise , il y tint, en présence de
sa Sainteté, une assemblée des seigneurs de
son royaume, où il annonça son dessein de
passer en Italie.
Il fit donation ail pape de plusieurs villes
et territoires usurpés par les Lombards , et
qui étaient, en grande partie, des proprié
tés conquises sur les domaines de l'empire
d'Orient, tel que l'exarchat de' Ravenne.
Le 1 8 du même mois , ce vénérable pontife
absout Pepin de son manque de fidélité au
roi légitime, lui donna l'onction royale
qu'il avait déjà reçu de saint Boniface, ar
chevêque de Mayence : il conféra en même
temps au roi et à ses deux fils le titre de
patrices des Romains.
Le roi Pepin , fidèle à ses engagemens ,
passa les Alpes et essaya d'abord, sur les
f
366 TRIOMPHE
instances de Sa Sainteté, la voie des re
montrances auprès d'Astolphe, son enne
mi; mais il se vit obligé d'en venir aux
hostilités. Ce prince lombard , pressé dans
Pavie par Pepin , qui le tenait assiégé , fut
contraint de se soumettre à la force de ses
armes victorieuses ; il s'obligea , par écrit ,
ainsi que ses principanx seigneurs, de resti
tuer Ravenne et plusieurs autres villes : sa
tisfait de cette soumission, Pepin repassa en
France.
En l'absence du vainqueur français , As-
tolphe, ayant marché contre Rome, Pepin,
à la prière d» pape , repassa les Alpes , at
taqua Astolphe , le pressa dans Pavie et le
força à demander quartier. Le roi de France,
couvert das plus beaux lauriers , prit des
mesures sûres pour assurer la restitution
déjà promisé au souverain pontife : elle
composa la donation définitive et à perpé
tuité que Pepin fit à saint Pierre, à l'Eglise
et à son chef auguste : dans ce don sont
comprises vingt- deux villes. Ce vénérable
pontife était très - religieux , il assemblait
souvent son clergé dans le palais de Latran
et l'exhortait à étudier les saintes Ecritures
DE L'ÉGLISE. 367
pour être capable de confondre les enne
mis de la religion. Il aima les beaux - arts ,
se fit un devoir de les encourager, et fit ré
tablir plusieurs monumens glorieux à l'E
glise et aux lettres.
Zacharie, grec de naissance, orné des
plus belles qualités de l'esprit et de l'ame ,
vint à Rome dans le huitième siècle, quel
que temps après que Grégoire III eut de
mandé du secours à Charles Martel, duc
des Français; il fut élu souverain Pontife
pour la gloire de l'Eglise : les plus subli
mes vertus brillèrent dans son auguste per
sonne d'un vif éclat, la douceur, l'aménité
accompagnaient toujours ses paroles de
paix et de charité , et jamais personne n'a
pu être témoin d'aucun mouvement de co
lère de sa part.
Il se servit quelquefois de la puissance
spirituelle du trône pontifical pour faire du
bien à ses ennemis : rempli d'un courage
vraiment héroïque pour le bien de l'Eglise,
il ne craignit pas d'exposer sa vie en en
voyant un nonce auroiLiutprand, avec des
lettres pleines de douceur , et réussit à ga
gner l'estime de ce prince qui acquièsça à
368 TRIOMPHE
tout ce que ce Sa Sainteté lui proposait: ce
vénérable pontife fut lui-même trouver
Liutprand, à Terni, en Ombrie, où il fut
reçu par sa Majesté avec toute la pompe
royale.
Il fit avec ce prince un traité de paix très-
avantageux à l'Eglise, dans une époque où
ce roi était eu guerre avec le peuple de lia-
venne; il fut lui-même trouver ce monar
que et lui fit faire la paix. A peine Hilde—
brand fut-il monté sur le trône de Liut
prand , après sa mort , que Zacharie lui
envoya aussitôt un nonce, et lui fit signer
un traité de paix avec toute l'Italie , pen
dant vingt-ans.
11 profita des doux et heureux momens
de la paix pour arrêter les désordres pu
blics, pour faire réformer les mœurs du
peuple et du clergé, et faire fleurir par
tout la discipline. Il fit construire des éta-
blissemens magnifiques, utiles à la société,
fit bâtir et orner de belles églises, surtout
celle de Saint-Pierre.
Son zèle éclairé se déploya dans toutes
les parties de l'univers; il contribua aux
brillans succès de Boniface , apôtre de l'Al
de l'église. 36g
lemagne : il éteignît par sa douceur la fu
reur de l'empereur Constantin Coprony-
me, ennemi déclaré des saintes images:
rassembla divers conciles à Rome, pour le
bien de l'Eglise : il excommunia deux hé
résiarques Adalbert et Clément, condam
nés déjà quelque temps avant par saint Bo-
niface. Nous devons à ce vénérable Pontife
une place distinguée parmi les savans lit
térateurs, il traduisit en grec les dialogues
de saint Grégoire-le-Grand.
Il fit la conversion de Carloman , maire
du palais d'Austrasie , fils de Charles Mar
tel , et frère aîné de Pepin , qui fut , peu de
temps après , élu roi de France ; ce prince,
qui portait la qualité de duc des Français et
qui avait part à la gloire royale , après avoir
contribué à la discipline de l'Eglise , se con-
v ertit , renonça au monde , vint à Rome , y
reçut la tonsure de sa Sainteté, et se retira au
mont Soracte, où il fit bâtir un monastère.
Rachis, roi des Lombards, après avoir
mis le siège devant Pérouse , fut converti
par Zacharie; ce bon monarque donna
l'exemple d'une vie édifiante, abandonna
le trône et resta dans la solitude, ainsi que
24
370 TRIOMPHE
sa femme et sa tille. On vit ce vénérable
pontife se rendre aux désirs des Français ,
qui souhaitaient que leur roi Pepin futcou-
ronné; il exhorta même ce prince à rece
voir la couronne que la Providence lui of
frait d'une manière éclatante.
Qu'il est beau de voir nos souverains
pontifes sacrifier leurs plus chers intérêts,
pour s'unir aux rois , pour faire éclater la
puissance céleste , rendre les peuples heu
reux, faire fleurir les beaux-arts, les sciences
et la religion! Et comment peut -il exister
des hommes qui osent insultera la thiare,en
regardant ceux qui en sont ornés comme des
perturbateurs de l'univers I Aveugles in
sensés , ouvrez les yeux à la lumière qui
vous éclaire, ne laissez point endurcir vos
cœurs, éteignez en vous ce germe d'hérésie
qui appelle sur vos têtes les malédictions
divines. NoUte obdurare corda vestra , ho-
die si vocem ejus audieritis.
DE LÉGLISE. 37 I
CHAPITRE XVII.
Pontifes restaurateurs des beaux-arts et des lettres.
Mon ame ravie se délecte à contempler
les tableaux magnifiques que l'histoire nous
offre des princes vénérables de l'Eglise, qui,
environnés des pompes et des grandeurs
terrestres qu'ils méprisent, nourris des dou
ceurs de la vertu, plongés dans les mys
tères profonds de l'Evangile, n'oublientja-
mais ce qui peut contribuer à éclairer
les hommes et à agrandir leur génie; ils
se font un plaisir de restaurer pour leur
avantage , les beaux-arts et les belles-let
tres, afin que leur esprit, élevé dès l'au
rore de leur vie aux grandeurs véritables de
la terre , puisse s'élever heureusement vers
les grandeurs du ciel.
372 TRIOMPHE
Léon A, issu d'une famille illustre, s'a
donna , dès le printemps de ses beauxjours,
aux délices des lettres avec un succès pro
digieux; et si la magnificence de son illus
tre maison a toujours accompagné les ac
tions de sa vie , elle n'a contribué qu'à faire
briller sa grandeur d'ame et son genie.
Nous admirerons dans son auguste personne
le grand homme d'état, le véritable apôtre
et le restaurateur des beaux -arts et des
lettres.
Il éteignit le feu effrayant des guerres
qui existaient, depuis long-temps, entre
différens monarques et diverses nations ; il
y établit la paix, dans plusieurs époques re
marquables , et s'y couvrit de gloire et de
lauriers brillans et immortels, dignes des
héros de la guerre. Il fit un concordai avec
François Ier, où il fut convenu que le roi
nommerait aux grands bénéfices de France
et du Dauphiné.
Au moment où , en véritable successeur
de saint Pierre, il préparait une croisade
contre les Turcs , à l'exemple de ses pré
décesseurs, il fit annoncer des indulgences,
en statuant que les quêtes ou les dons se
de l'église. 3} 3
raient consacrés au rétablissement de la ba
silique de saint Pierre; c'était la chose la
plus magnifique qu'on pût faire alors;
néanmoins Luther trouva là un prétexte
pour se révolter contre l'Eglise et les or
donnances de son chef auguste.
Léon X , dont la finesse d'esprit accom
pagnait toujours la grandeur d'ame, après
avoir mis enjeu tous les ressorts imagina
bles de sa douceur angélique , tous les
charmes de sa tendresse paternelle, fou
droya cet hérésiarque , qui , roulant de
précipice en précipice, renversa la religion
dans une partie considérable du champ de
l'Eglise , et ne craignit pas, à un âge avancé,
d'épouser une jeune vierge qu'il pervertit
à la face de tout Israël.
Adorons la Providence qui, dans toutes
les œuvres qu'elle tolère, a ses grandes
vues incompréhensibles. Quant sunt incom-
prehensibiliajudicia dei. L'Ecriture-Sainte
nous l'a dit ; notre divin Sauveur nous a
assuré qu'il est nécessaire que des scandales
arrivent; necesse est ut ventant scandala.
Le grand cœur, la belle ame de Léon en
étaient déchirés de douleur , en faisant
374 TRIOMPHE
tous ses efforts pour apaiser ces tempêtes
enrayantes que le ciel laissait mouvoir.
Son génie et son goût pour les belles-
lettres eurent un triomphe plus eclatant. La
chute de l'empire grec amena beaucoup de
savans en Italie; Rome, Naples, Florence,
Venise , Milan , possédaient des hommes de
lettres; mais les discordes civiles contra
riaient extrêmement leurs études.
Cet illustre pontife forma le dessein de
créer une source intarissable de lumières;
il y réussit merveilleusement; il fonda une
université à laquelle il fit don de tous ses
revenus; il chercha dans toutes les parties
de l'Europe de savans professeurs pour la
théologie , le droit canon , le droit civil, la
médecine, la philosophie, la morale, la
logique, la rhétorique, les mathématiques:
il leur avait fait accorder de bons re
venus.
Il accorda des privilèges aux étudians
pour exciter l'émulation. La langue grec
que fut le premier objet de cette célèbre
entreprise ; il fit venir une colonie de jeu
nes hélénistes dont les chefs furent Marc
Muturus et Jean de Lascaris. Bientôt on vit
DE L'ÉGLISE. 375
Homère , Sophocle sortir de l'obscurité;- de
même les œuvres de Platon reçurent un
nouvel eclat sous les presses XAide Ma-
rence.
La litterature latine eut aussi beaucoup
de part à ses libéralités ; il acheta cinq cents
sequins un exemplaire des cinq premiers
livres de Tacite; il protégea également les
langues orientales; il en confia les soins
à Thésée Ambrosio. La langue hébraïque
fut montrée par Santés Pagnini, qui tra
duisit les livres saints, et par Agacio Gui-
dacerio.
La poesie s'enrichit de tous les trésors de
la littérature. Les écrivains du premier or
dre travaillèrent surtout dans la versifica
tion latine. On accorda à quelques-uns
d'entre eux une double couronne.
On s'éleva jusqu'aux plus sublimes scien
ces ; la philosophie rationnelle fut l'objet
de leurs principaux soins; on s'attacha
aussi aux principes de la philosophie mo
rale, ainsi qu'à la métaphysique. Une as
tronomie méthodique succéda à la vieille
astrologie, qui commença à disparaître. Le
système de Copernic fut soupçonné par
376 TRIOMPHE
Celio Calcagnini, qui essaya de montrer le
mouvement diurne de la terre.
Ce fut alors que Leon X essaya de réfor
mer le calendrier. Il prit part à la gloire de
Cristophe Colomb et ÏÏAméric Vespuce,
qui avait découvert une grande partie de
la terre inconnue jusqu'alors.
Non-seulement il fit des concessions aux
princes conquérans , mais il étendit sa puis
sance pour y protéger les malheureux In
diens et les mettre à l'abri des vexations
des Espagnols ; il rompit les chaînes de leur
servitude , et se déclara leur zélé protec
teur.
Il recueillit tous les ouvrages d'esprit, et
en forma une bibliothèque pour laquelle
il fit construire un édifice particulier dont
"il confia le soin à Michel-Ange. Telle fut la
bibliothèque Laurentienne ; celle du Vati
can jouit des mêmes avantages.
Les beaux-arts furent en triomphe dans
cette belle capitale du monde chrétien sous
le règne de ce grand pontife, qu i encouragea
la recherche des antiquités; il composa
lui-même une pièce de vers qui est rap
portée par Roscoé. Son palais papal fut orné
DE L'ÉGLISE. 377
des plus beaux chefs-d'œuvre de Raphaël :
Michel-Ange embellit de ses magnifiques
tableaux la chapelle Sixtine.
C'est sous ses auspices que la gravure au
burin et la gravure à Peau-forte prirent
naissance pour agrandir la magie dela pein
ture. Il encouragea aussi la musique, dont
il était amateur. Des écrivains célèbres
écrivirent de son temps, et méritèrent des
éloges de la postérité la plus reculée.
Les savansd'un grand nombre de royau
mes se rendirent à la capitale de l'univers
chrétien pour contempler les merveilles
produites par le génie de Léon : il avait
beaucoup de présence d'esprit, et même
de profondeur; il traitait avec dignité les
sujets les plus sérieux, les matières les plus
graves.
Sa science correspondait à ses vertus; il
observait une grande sobriété, et même
il jeûnait fréquemment, comme l'ont rap
porté plusieurs historiens dignes de foi. Sa
vie fut brillante et sans reproche , de l'aveu
même de quelques anglicans qui ont dé
cerné à sa mémoire des hommages bien
flatteurs.
378 TRIOMPHE
Pie //, nommé Eneas, reçut le chapeau
de cardinal en i458, et fut élu pape dans
un conclave paisible; Ja joie publique con
firma l'élection. Il reconnut bientôt combien
était onéreuse la dignité du pontificat; il
donna des preuves de zèle et d'humilité d'un
successeur de saint Pierre : à l'exemple de
saint Augustin, il se rétracta de quelques
erreurs qu'il avait commises.
Il était un des hommes les plus instruits
de son siècle. Ce fut lui qui accueillit
en Italie les beaux arts et les belles-let
tres, chassées de la Grèce. Le cardinal
de Pavie fit avec raison son éloge , loua son
zèle pour la religion, la pureté de ses mœurs
et sa profonde érudition.
Ce pape a laissé beaucoup d'écrits, entre
autres des mémoires sur le concile de Bâle,
une histoire des Bohémiens, et un poëme
sur la passion de Notre-Seigneur Jésus-
Christ. Ses œuvres ont,été recueillies en un
volume in-folio, en 1571 : ses ouvrages
historiques et géographiques ont été don
nés à part.
Ses harangues, dont plusieurs étaient
encore inédites, ont été publiées par J. D.
DE L'ÉGLISE. 379
Mansi , Lucques , 1755 ; ses lettres, qui ren
ferment des particularités curieuses, ont été
souvent réimprimées; son roman di'Euriale
et de Lucrèce, fruit de sa jeunesse, qu' il dé
plora dans un âge avancé , a été plusieurs
fois traduit en français. On lui appliqua so
lennellement, en l'honneur de son illustre
pontificat, ce beau vers de Virgile:
Sum plus Eneas, famâ super athera aotus.
Pie VI , né à Cézène , petite ville de l'état
ecclésiastique , devint trésorier de la Cham
bre apostolique sous Benoît XIV , qui l'ho
nora de son amitié ; devenu cardinal sous
Ganganelli, il devint bientôt son succes
seur. Tous les suffrages se réunirent en sa
faveur : à peine fut-il élu , qu'il prédit les
malheurs dont il serait un jour environné.
Les premiers actes de son autorité furent
de distribuer des aumônes, de répriman
der le gouverneur de Rome , qui était en
défaut, de supprimer pour quarante écus
romains des pensions onéreuses au trésor
public , de faire rendre un compte sévère
au préfet de l'annone, accusé de dilapida
tion, de compléter au Vatican un Museum
38o TRIOMPHE
commence par son prédécesseur, et con
sacré à recueillir les monumens, les vases ,
les statues et médailles que les fouilles dé
couvriraient dans les états de l'Eglise.
Charmé d'étendre les progrès du com
merce, il fit réparer"*le port d'Ancône et
construire le superbe fanalquiy manquait.
Il employa avec succès toutes ses ressources
pour dessécher les marais Pontins. Ce fut
un très-grand et très-utile projet que des
empereurs et des papes n'avaient jamais pu
exécuter. Ces marais occupenttoute la vallée
qui s'étend des Apennins à la mer; ils com
mencent au port d'Astura , couvrent la côte
de Terracine , et parviennent jusqu'au
royaume de Naples. Il fit rendre ce terri
toire à l'agriculture, en le purgeant des va
peurs pestilentielles.
A l'exemple de Boniface VIII , de Mar
tin V, de Léon X et de Sixte-Quint , Pie VI
fit pratiquer une route sûre, réparer l'an
cien aqueduc de Terracine , dégager la voie
Appienne du limon sous lequel elle avait
disparu, et fit creuser le canal du Sogliano
en consacrant à cette grande entreprise le
fruit de ses épargnes.
de l'église. 38 i
Chaque année il visitait ces ouvrages, et
ranimait les artistes par sa présence. Il fit
construire une église et une bibliothèque
dans l'abbaye de Subiaco; il fonda des hô
pitaux; il fit construire avec magnificence
une sacristie à la superbe église de Saint-
Pierre, à Rome.
Il fut visiter plusieurs souverains de l'Eu
rope qui étaient venu contempler la capi
tale du monde chrétien et les merveilles
qu'elle renfermait. Joseph II , empereur
d'Allemagne, Paul I", empereur de Rus
sie, Gustave-Adolphe, roi de Suède, les
fils du roi d'Angleterre, et son frère, le duc
de Glocester, furent touchés de son accueil
et de ses hautes vertus.
En 1788, il abolit la nonciature dans ses
Etats, Ce bon pontife chérissait les princes
et en était chéri. Après avoir remis le gou
vernement de Rome au cardinal Colonne ,
il partit de cette ville le 27 février. L'empe
reur et son. frère l'archiduc Maximilien al
lèrent à sa rencontre à quelques lieues de
Vienne; ils descendirent de voiture dès
qu'ils aperçurent Pie VI, et l'embrassèrent.
Joseph II ayant pris le Saint-Père dans la
382 TRIOMPHE
voiture , ils entrèrent ainsi ensemble dans
la capitale d'Autriche, le 22 mars 1782.
Leurs conferences furent fréquentes et
amicales, quoiqu'elles ne fussent pas publi
ques : l'empereur Joseph disait que le pape
étaitle meilleur des hommes. Ce bon pontife
donna l'hospitalité dans des maisons reli
gieuses à beaucoup de prêtres émigrés de
la France, en 17g2. Il fut fait prisonnier
par les Français, et traîné captif, couvert
de chaînes , sur leur sol toujours hospita
lier : il montra, dans le malheur, le cou
rage héroïque d'un véritable apôtre.
Il reçut toutes sortes d'honneurs dans
beaucoup de villes de France, surtout à
Gap , à Grenoble et à Voiron. Il mourut à
Valence , où sont encore ses vénérables en
trailles, dans un mausolée érigé en son hon
neur dans l'Eglise de la cathédrale, que
j'ai vu et contemplé en voyageant.
L'abbé Delille fit en son honneur des
vers dignes de sa grandeur pontificale :
Pontife révéré , souverain magnanime ,
Noble et touchant spectacle , et du monde et du ciel :
Il honora la foi par «a vertu sublime ,
Les malheurs , la vieillesse , et le trône et l'autel,
de l'église. 383
Nicolas F', cardinal-évêque de Bologne,
né dans un bourg près de Luni, fut élu pape
malgré lui après Eugène IV , en i447- Son
premier soin fut de travailler à la paix de
l'Eglise et de l'Italie , et ce fut avec un très-
heureux succès.
Les Allemands le reconnurent et renon
cèrent à toute communication avec l'anti
pape Félix IV. Charles VIII, roi de France,
approuva cette élection, et envoya, pour
manifester son obéissance au nouveau pape,
une magnifique ambassade (Mézerai croit
que c'est ce qui donna lieu à la pompe et à la
dépense de ces grandes ambassades d'aubé-
dience que les rois envoyaient à chaque mu
tation des pontifes). L'anti-pape Félix se
prêta à la paix et fut traité généreusement
par Nicolas , qui le créa doyen des cardi
naux. Cette modestie lui conquit la consi
dération des sages, des grands et des savans.
L'année i45o fut célèbre par l'ouverture
du Jubilé-, cette solennité attira tant de
monde à Rome, que plusieurs personnes
furent étouffées dans les églises et ailleurs.
Des conspirations vinrent troubler les doux
charmes de la paix qui environnaient son
384 TfUOMPHE
trône pontifical -, il avait engagé depuis
long-temps les princes et les peuples à se
courir les Grecs, mais son zèle n'eut abso
lument aucun effet heureux , et les malheurs
des Chrétiens orientaux lui causèrent la
mort.
Il fit revivre avec pompe les belles-lettres
laissées dans l'oubli pendant plusieurs siè
cles, où l'ignorance régnait partout; il les
cultiva lui-même et répandit ses bienfaits
sur ceux qui s'y distinguèrent. Il enrichit sa
bibliothèque des plus beaux manuscrits
grecs et latins recueillis par son ordre dans
tous les lieux du monde. «
Il fit traduire les ouvrages grecs et com
bla de bienfaits ceux à qui il confiait les
traductions et la recherche des livres ; il
promit cent mille ducats à celui qui lui ap
porterait l'évangile de saint Mathieu en hé
breu. Il fit élever dans Rome des monumens
glorieux à la religion et aux beaux-arts; il
fit construire des palais , des églises , des
ponts et des fortifications.
Il accueillit avec joie les Grecs qui se ré
fugièrent chez lui; il vint au secours d'un
grand nombre de gentilshommes; il n'ac
de l'église. 385
corda qu'au mérite les charges et les bé-
néfices; enfin tout annonça, dans son au
guste personne, un grand pontife, qui
travailla ardemment avec succès au salut
des hommes, à la gloire des lettres et de la
religion. Sa vie , publiée par l'abbé Georgi,
déploie son illustration avec un plus grand
éclat.
Il faut donc avouer qu'ils sont ravissans
les beaux rayons de la gloire pure qui en
vironne le trône éclatant et légitime de nos
vénérables pontifes, lorsqu'on contemple
leur zèle éclairé, leur vaste génie , s'occu-
pant à agrandir le doux et vaste empire de
la religion , ainsi que le brillant empire des
sciences et des arts , en créant ou en res
taurant des monumens éternels qui contri
bueront à la gloire et au triomphe des
beaux-arts , des belles-lettres et de l'Eglise.
a5
386 TRIOMPHE
Il faut donc que la fureur des ennemis
de la religion vienne échouer et se briser
contre la pierre antique et inébranlable
qui soutient fermement l'Eglise au milieu
de l'éclat et de la pompe romaine , et
qu'en dépit de leurs combats et de leurs
guerres intestines, ils viennent reconnaître
ses victoires , ses lauriers flottant sans cesse
sur le Capitule , en contemplant son triom
phe splendide, brillant dansl'univers entier.
Tous les siècles passés ont été témoins de
sa gloire pompeuse; tous les siècles futurs
l'admireront éternellement. Tu es Petrus et
super hanc Petram dificabo ecclesiam meam
et portée inferi non prevalebunt adversus
eam.
Le premier siècle vit des hommes auda
cieux lever l'étendard de la révolte contre
cette mère tendre et chérie ; mais que de
vinrent-ils? Ils ne furent que le jouet ridi
cule de l'enfer qui les plongea dans l'igno
minie, en faisant accroître la grandeur, la
de l'église. 38t
noblesse de la vraie religion. Ainsi Simon,
Ménandre , les Nicolaïtes , les Cérinthiens ,
les Ebionites , en donnant naissance à des
erreurs absurdes et monstrueuses , n'affai
blirent point l'éclat, les beautés de la nou
velle Jérusalem ; mais ils fournirent l'heu
reuse occasion de purger la partie malsaine
qui aurait pu corrompre toute la société
sainte.
Le second siècle enfanta aussi une réu
nion de malheureux , parmi lesquels furent
Saturnin , Bazilide , les Gnostiques , les
Montanistes , les Ancratites, les Valenti-
niens , les Marclonites ; ils ne furent que
comme des nuées de sauterelles sauvages
qui effrayèrent plutôt les Pharaons que de
les enchanter, et contribuèrent eux-mêmes à
donnerlavéritable 1 iberté aux enfans d'Israël.
Le troisième siècle donna naissance à plu
sieurs suppôts de l'enfer , parmi lesquels on
a nombre les Novatiens , les Sabelliens , les
Paulianistes , les Orige'nistes , les Mani
chéens ; tous semblables aux serpens des
prêtres magiciens de l'Egypte corrompue ,
furent dévorés par le serpent miraculeux
de Moïse pour leur confusion et pour la
gloire du ciel. ■;..>-.
388 TRIOMPHE
Le quatrième siècle déroula des milliers
de ces monstres dont les vapeurs pestilen
tielles, grossissant les ténèbres de l'igno
rance , ne résistèrent point à l'éclat du so
leil de justice et de vérité qui les dissipa.
Ainsi les Donatistes , les Ari' ns f les Macé
doniens , les Anomeens , les Aeriens, les
Photiniens , les Messatiens , les Lucife'riens,
les Appollinaristes, les Priscillanistes , les
Jovinianistes , ne s'élevèrent du cloaque de
leurs passions que pour être confondus en
présence de la milice sainte.
On vit naître encore du cinquième siècle
de ces êtres bizarres, tels que Vigilance,
les Pe'lagiens , les semi-Pélagiens, les Nes-
toriens, les Eutichéens , qui, ne trouvant
point dans le giron de l'Eglise assez de
gloire, se révoltèrent contre elle, déchirèrent
son sein maternel ; et n'offrant journelle
ment au seigneur que des sacrifices impurs,
osèrent, par envie, verser le sang de leur
frère Abel, dont l'âme généreuse plaisait
au Seigneur : Dieu frappa leur crime d'a-
nathême; ils furent chassés de la Terre -
Sainte de leur père et errèrent dans les
lieux sauvages , portant sur leur front le
signe de la réprobation éternelle.
DE L'EGLISE. 389
Les Agnoëtes., les Trithéites, les Acé-
mètes et les défenseurs des trois chapitres ne
sortirent du sixième siècle, comme des rep
tiles hideux que pour être écrasés et pour
servir à engraisser la terre fertile de la vigne
chérie du Seigneur.
Les Monotelites , les Pauliciens et les
Mahométans dressèrent leur théâtre dans le
septième siècle; les Iconoclastes , avec Fé
lix et Elipandus dans le huitième ; Sergius
Badnes, Claude, de Turin , Gotescalh, Po-
tius et Jean Scot dans le neuvième , ils s^é—
croulèrent dans l'abîme de leurs erreurs,
excitèrent les risées du peuple saint, et
firent éclater sa gloire.
Les Antropomorphites sortirent du
dixième , Béranger et Michel Cérulaire du
onzième; Gilbert de la Porre'e, Pierre
Abaillard , Arnaud de Bresse , Pierre de
Bruisdu douzième, les Albigeois et les disci
ples cfAiméri du treizième, les Turlupins du
quatorzième , les Hussites du quinzième ,
Luther, Carlostade, Zuingle, OEcolampade,
Mélancton , Bucer , Osiande , Brendus ,
Calvin , les Anabaptistes , les Antitrini-
taires, les Sociniens, jaillirent avec impé
tuosité du sein du seizième siècle, ainsi que
39O TRIOMPHE
les partisans de Jansenius, et firent du ra
vage dans le champ de l'Eglise.
Ces hommes qui , comme les prêtres
égyptiens, essayèrent, par mille enchante-
mens divers , d'anéantir la vertu divine de
Moïse ne méritèrent que la confusion , et ,
voulant détruire les enfans d'Israël, n'en
tendirent que l'arrêt formidable de l'ange
exterminateur qui , visitant terriblement
leur demeure, les y marqua du sceau de la
réprobation.
.Endurcis jusqu'à la dernière heure de
leur vie, poursuivant les Israélites, ils sont
engloutis miraculeusement dans les flots
de la mer Rouge; et contribuent ainsi, avec
un grand éclat, à la beauté, à la grandeur,
à la noblesse, au triomphe d'Israël , qui ar
rive heureusement dans la terre promise,
éclate en actions de grâces, et goûte les dou
ceurs d'une paix profonde ainsi que les bé
nédictions de Dieu, qui fait couler le lait et
le miel dans ses prairies charmantes, dans
ses clairières , d'où jaillissent des torrens
d'eau vive , l'abondance de la manne, l'o
deur des parfums et de fleurs odoriférantes
qui embeaument ces lieux chéris du ciel.
Que j'aime à contempler l'Arche sainte,
de l'égl1se. 3g I
Couvrant toute l'immensité de Ja gloire di
vine sous des tentes, au milieu du désert,
errant çà et là , bravant les glaces de l'hiver
et les feux de l'éte, les frimats et les neiges,
les tempêtes et les orages, arrêtant le cours
des fleuves dans leur fureur. Au seul son
du clairon, les murs de Jérico rebelle trem
blent, s'écroulent, et offrent un vaste champ
au triomphe dela milice sacrée.
Nabuchodonosor ayant persécuté les Is
raélites, et après avoir vaincu tonte l'Asie,
voulant se faire adorer comme un dieu,
fut réduit, par une permission divine, à la
condition des animaux sauvages pendant
sept années, et offrit un éclatant exemple
des victoires du dieu d'Israël.
Que les puristes se hâtent de déposer leur
orgueil aux pieds d u trône de la vérité ; qu'ils
viennent reconnaître leur égarement, et ap
prendre qu'au son du clairon de l'armée
sain tel'édificedeleur schisme s'écroulera in
sensiblement; qu'ils contemplent cette épo
que célèbre où le vénérable pontife réta
blit l'Eglise de France, et dont la conduite
fut un véritable chef-d'œuvre de sagesse.
La religion, ensevelie depuis si long
temps dans les ténèbres de l'oubli, sortit du
3gi TRIOMPHE
milieu deses ruines, commença à faireflot-
ter sesétendards. On vit les temples ouverts
reprendre leur premièrebeauté;les peuples
en foule y volaient avec un vrai transport
d'allégresse ; des cantiques de jubilation et
d'actions de grâces faisaient retentir le lieu
saint, depuis si long-temps désert.
Les autels renversés renaquirent da mi
lieu de la poussière, furent parés de la gran
deur et de la magnificence convenables; les
sacrifices commencèrent à s'offrir avec une
pompe éclatante ; les fidèles se hâtèrent de
renouveler la ferveur de leurs ames; beau
coup de chrétiens endurcis ressuscitèrent à
la vie de la grâce; les impiétés s'affaibli
rent, les blasphêmes contre Dieu s'appaisè-
rent, les anciennes coutumes religieuses
commencèrent à fleurir, enfin la France
entière ne formait que concert de louanges
et d'actions de grâce envers le Dieu de mi
séricorde qui leur apportait le bonheur et
la paix , et envers les instrumens admira
bles de la divine Providence.
Que M. Oegger se hâte de déposer le faste
de sa science au pied de la croix humble et
triomphante; qu'en enfant élevé à l'ombre
des autels , nourri des dons du Seigneur, il
de l'église. 3g3
vienne rendre mille actions de grâce au
Dieu miséricordieux qui fait jaillir sur lui
un rayon de lumière pour le diriger dans le
vraie chemin du Ciel.
L'ignominie, je ne crains point de l'assu
rer, l'ignominie ou l'état de Nabuchodono-
sor l'attend à coup sûr, s'il n'ouvre les yeux
au soleil de vérité qui le frappe, et s'il ne vient
à l'instant célébrer avec nous le triomphe
de la sainte Eglise.
Que l'impiété, toujours prêle à faire la
guerre au trône de saint Pierre et à flétrir
l'éclat dela thiare , baisse ici ses armes em
poisonnées; qu'elle se prosterne et con
temple sa pureté et sa grandeur véritable
et éternelle !
Ce n'est point l'éclat pompeux des ri
chesses colossales qui devient la source in
tarissable des voluptés terrestres où se plon
gent jusqu'à satiété les augustes princes de
l'Eglise; cène sont ni les crimes, ni les pas
sions de toutes les espèces qui les environ
nent comme des serpens et en répandent
le venin sur la terre entière. Arrête ta voix
audacieuse, téméraire! admire ces hom
mes... Je me trompe...; contemple ces an
3p4 TRIOMPHE
ges qui , abhorrant les plaisirs de la terre ,
vont chercher les délices de la croix!
Est-ce sur le Thabord ? Non , non , c'est
sur le Calvaire. A l'exemple de leur divin
maître, ils coulent leurs jours paisibles dans
lasolitude,livrentleur corps à la pénitence,
aux jeûnes, aux veilles, à la mortification
des sens et à la privation de toutes les vo
luptés mondaines, quelquefois abhorrant
même la pompe légitime et convenable, se
dépouillent de leurs moindres richesses
pour ne conserver que la simplicité des
premiers apôtres.
On ne peut point l'ignorer, il faut l'a
vouer, ces pasteurs aimables dirigent en
paix l'univers; leurs regards attentifs par
courent toutes les parties de la terre , veil
lent au soin dechaquemalheureux, de cha
que fidèle, écoutent sa voix , sa prière , et
accordent à chacun des dons et des grâces.
L'infidèle est-il rebelle à leur voix , ils
ne se réfroidissent point, ils le supportent, le
conservent dans, le bercail par la douceur
et la tolérance, le convertissent par leurs
bienfaits. C'est sur les habitans de tous les
climats qu'ils portent leurs regards, sur l'In
dien comme sur l'Arabe, sur le Français
DE LÉGLISE. 395
comme sur l'Asiatique, sur l'Africain comme
sur le Grec; ils se transportent quelquefois
dans les régions lointaines, traversent les
monts et les mers ou les Deux-Mondes pour
contribuer à leur bonheur : leur zèle n'a de
bornes que dans le Ciel.
C'est dans Rome, séjour heureux de leur
gloire pure, où ils font flotter l'étendard de
la liberté ; c'est là où les hommes de toutes
les religions sont leurs amis , leurs frères
bien-aimés;ilslesaccueillentavec honneur,
les reçoivent dans leurs bras paternels, les
pressent sur leur sein, leur prodiguent leurs
bienfaits, leur assurent leur protection,
leur donnent un asile sûr; ils forcent leur
vénération , font la conquête de leur cœur
et le triomphe de leur esprit.
Fermes sur le trône de Pierre, rien n'é
branle leur doctrine , toujours pure , tou
jours glorieuse ; que les tyrans les attaquent,
ils leur opposent avec une tranquillité d'es
prit ravissante, avec un courage héroïque,
le bouclier le plus redoutable, leur foi :
Hœc est Victoria quœ vicit mundumJides
nostra. Qu'on les persécute, ils résistent
avec gloire; ils souffrent l'exil en bénissant
le Ciel, qui le permet; ils traînent avec une
3C)6 TRIOMPHE
patience angélique leur chaîne , et s'envi
ronnent des plus beaux rayons d'une gloire
éternelle.
Qu'on leur offre la mort, s'ils ne cèdent
à la puissance qui leur commande, s'ils
n'abandonnent la loi divine ; rien ne les
ébranle; et bien loin de trembler à la vue
de la tyrannie , la tyrannie tremble à leur
vue. Ils montrent eux-mêmes le chemin
magnifique du Ciel à leurs fidèles chéris;
ils volent avec allégresse vers l'échafaud
pour cueillir la palme du martyre, et vont
avec ravissement dans les Cieux chercher
la triple couronne immortelle.
Leurs jouissances terrestres ne sont que
des objets charitables; ils versent leurs ri
chesses dans le sein des malheureux; ils les
consolent dans leur infortune; ils essuient
leurs larmes, partagent avec eux un pain
de douleur, allègent le poids des impôts
dont ils sont les victimes.
Ils ont créé dans tout l'univers, par leurs
grâces ou par leurs bienfaits, des établisse-
mens immenses pour mettre à l'abri des in
jures du temps, et pour soulager des infir
mités de la vie les victimes de toutes les
espèces d'infortune. Ces édifices magnifi
DE L'ÉGLISE. 397
ques de bienfaisance , placés merveilleuse
ment dans toutes les parties de la terre
comme des colonnes nombreuses réunies
par le lien de la charité fraternelle , forme
ront le véritable triomphe de la sainte
Eglise , jusqu'à la fin des siècles.
Venez , héros de la sagesse humaine , ve
nez contempler la vaste étendue du génie
sublime de nos vénérables pontifes, dont
les lumières pures s'étendent dans toutes les
cours de l'univers chrétien ?
Ils consolent les princes affligés* ils rani
ment des reines mourantes; ils adoucissent
les maux des monarques opprimés, con
seillent des empereurs glorieux; ils leur
montrent sagement le danger des victoires;
ils portent la paix au milieu des tyrans, arrê
tent le sang et le carnage, et, se plaçant eux-
mêmes entre le fer et le feu , entre la vie et
la mort, suspendent les combats, font des
victoires brillantes et merveilleuses en ar
rêtant les conquêtes.
Au milieu de la magnificence pontificale
qui les environne sur leur trône , ils accueil-
lent avec tendresse les princes infortunés,
qui, chassés, exilés, persécutés, courent,
volent dans leur sein paternel, trouvent au
3g8 TRIOMPHE
près de leur Sainteté un azile sûr et tran
quille, des bienfaits abondans, l'honneur
et la gloire.
Que les savans viennent admirer encore
la pompe, la magnificence des richesses,
de l'esprit humain, regorgeant dans Home
sous les auspices de nos illustres pontifes.
L'ignorance, exerçant un empire univer
sel sur toute la terre, et la couvrant de ses
ténébres pendant des époques remarqua
bles, la science avait son empire à Rome.
Les belles-lettres, chassées de certaines ré
gions, de certains royaumes, trouvèrent
dans cette capitale du monde chrétien un
azile glorieux; c'est là que les beaux-arts et
toutes les sciences découvrirent des mines
inépuisables d'or pur pour s'enrichir et se
féconder.
Les arts libéraux y ont fixés leur plus bril
lant théâtre :1a peinture, l'architecture, la
sculpture, la musique, réunissent toute leur
grandeur, leur beauté, leur éclat et leur
pompe, pour agrandir la magnificence des
édifices religieux, qui annoncent vraiment
la gloire et le triomphe de l'Eglise.
On y voit briller non -seulement des
sciences communes, comme les langues
DE L'EGLISE. 399
hébraïque, syriaque , chaldéenne , grec
que , latine , française , allemande , anglaise,
espagnole, etc., l'histoire , la géographie ,
mais encore les hautes sciences qui ne
sont le partage que des esprits sublimes,
comme les mathématiques, la dialectique,
la physique, l'astronomie, la médecine, le
droit civil , le droit canon , la poésie, l'élo
quence, y ont fait des progrès merveil
leux, et ont répandu leurs fruits sur toute
la terre.
Des ouvrages de tous les genres, de toutes
les espèces, ont été créés par nos vénéra
bles pontifes romains ; de* bibliothèques
immenses , établies par leurs soins , remplis-
sent la capitale du monde , pour l'inonder
de lumières immenses , et toujours fécon
des, capables de nourrir l'esprit ainsi que
l'ame des fidèles qui contemplent sans cesse
l'arche sainte de la nouvelle alliance, con-s
servée pure pendant tant de siècles, toujours
inébranlable et couverte de gloire, rece
vant les hommages de tous les hommes
qui se prosternent au pied de ce triom
phe éternel de l'Eglise.
Ecclésiastiques, sincèrement religieux,
voilà nos modèles! A leur exemple, réu-
400 TRIOMPHE DE l'ÉGLISF.
nissez à ce moment critique tous vos efforts
pour soutenir le veritable autel. Voyez de
toutes parts les ennemis de la sainte Eglise
tendre des pièges pour la renverser; mon
trez-vous à la tête des fidèles, des pasteurs
courageux et intrépides , toujours disposés
à verser votre sang pour sa gloire : n'ap
préhendez ni les peines, ni les fatigues, que
votre présence et vos exemples édifians ra
niment partout la piété des fidèles!
Arrêtez, avec la douceur des apôtres , les
abus qui y éclatent; rétablissez les lois an
tiques, humaines et divines; faites revivre
les beaux jours de l'Eglise naissante , et
vous aurez la gloire d'unir vos lauriers à
ceux de notre illustre souverain pontife
Pie VIII, dont le zèle éclairé, l'esprit paci
fique et le vaste génie , sont capables de
soutenir dans l'univers chrétien le triomphe
de l'Eglise.
FIN.
<\§U bt$ y^atifrts.
Page».
Priïfack . ... S
LIVRE PREMIER.
TRIOMPHE DE l.'ÉGISE.
Ghapitsk I". — Tableau de ses combats et de ses vic
toires 3
Cjiap. II.—Schismes et Hérésies des premier et deuxième
siècles 10
Chap. III. — Schismes et Hérésies da troisième siècle.. . 16
Chu, IV, — Schismes et Hérésies du quatrième siècle., aa
Chap. V. — Schismes et Hérésies du cinquième siècle. . 5j
Chap. VI. — Schismes et Hérésies du sixième siècle. ... iy
Chap. VII. — Schismes et Hérésies des septième, hui
tième et neuvième siècles 54
Chap. VIII. — Schismes et Hérésies des dixième, on
zième et douzième siècles 65
Chap. IX. — Schismes et Hérésies des treizième, qua
torzième et quinzième siècles 75
Chap. X. — Schismes et Hérésies du seizième siècle. ... 85
27
402 TABLE.
LIVRE DEUXIÈME.
TRIOMPHE
Pagei.
Sur le Cbisme et l'Hérésie qui régnent actuellement , en
France; c'est-à-dire réfutation du Chisme des Puristes
et de l'Hérésie de Oegger 97
Chapitre I". — Réfutation du chisme des Puristes.. . . id.
Décret et Bulle pour la nouvelle circonscription des Dio
cèses - 101
Induit pour la réduction des Fêtes u5
Chap. II. — Réfutation de l'Hérésie de Oegger, ancien
premier vicaire de la cathédrale de Paria 126
Article I". — Fausseté de ses principes 129
Art. II. — Falsification des textes sacrés i38
Art. III. — Ses blasphèmes i46
Art. IV. — Ses absurdités i54
Art. V. — Ses contradictions i5g
Art. VI. — Système dogmatique de M. Oegger 162
('.11 av. III. — Morale de M. Oegger 170
Amt. Ier. — Destruction des Sacremens du Baptême et de
la -Pénitence, du Pater et du Rosaire 172
Art. II. — Il ne distingue point entre les préceptes et
les conseils , entre les péchés mortels et véniels ; il nie
l'éternité des peines; il détruit le jeûne et les abstinences. 181
Art. III. — Il méprise la canonisation des saints, le
culte de la sainte Vierge , le célibat 188
Art. IV. — Se» aveux et ses remords 194
Art. V. — Réflexion consolante adressée à M. Oegger. . . 199
LIVRE. III.
TRIOMPHE DES SOUVERAINS PONTIFES SUR LECRS ENNEMIS.
Chapitre I". —Tableau des vertus héroïques des Pontifes
romains 2 > S
TABLE 4°3
Page»-
Chip. II. — Extinction de certains ordres par les chefs
de l'Eglise a. . . . ? ■;!>
Chap. III. — Tolérance des Pontifes 232
Chap. IV. — Héroïsme de vertu et de zèle a4o
Chap. V. — Héroïsme de courage, de patience, de charité
et de religion 249
Chap. VI. — Tableau de plusieurs Martyrs pontifes 257
Chap. VII Pontifes qui ont fait de glorieuses réformes. 2g3
Chap. VIII. — Exemples de vertus rares 273
Chap. IX. — Exemples de piété 284
Chap. X. — Exemples de zèle 2g5
Chap. XI. — Pontifes amis du peuple 3oi
Chap. XII.—Pontifes amis des peupleset des Souverains. 3oj
Chap. XIII. — Union des Pontifes avec les Souverains. ■ 3i5
Chap. XIV. — Vénération des Pontifes envers les Souve
rains , et vénération des Souverains envers les Pontifes. 327
Chap. XV. — Union de la thiare avec la couronne 53g
Chap. XVI. — Pontifes amis des Souverains et des arts
libéraux 353
Chap. XVII. — Pontifes restaurateurs des beaux arts et
des belles-lettres 071
Conclusion , 386
PIM DE I.A TABLI.
^
Nota. Si quelque savant croit avoir droit de con-
tredir qeulques vérités contenues dans mes trois
ouvrages, que j'ai composé seul à la capitale, sans
l'aide même d'un secrétaire, soit à la bibliothèque
du Roi , soit à la bibliothèque Mazarine et de la
ville, pendant trois ans que j'ai demeuré à Paris,
travaillant quatorze ou quinze heures par jour, je
me soumets volontiers à les défendre dans le lieu
qu'on trouvera à propos.
On me trouvera tous les lundis, à trois heures
du soir, à la Bibliothèque de la ville de Paris, et
si je me trouvais en vacances, moi adresse est à
M. l'abbé ÏHayneau, prêtre, prédicateur, auteur du
Traité des Abus, du Génie du Sacerdoce et du
Triomphe de l'Église, chez M. Fulcrand Mayneab
père, fabricant, marchand, propriétaire, électeur,
à Saint-Aphodise, à la tuilerie, à lîéziers, dépar
tement de l'Hérault.
Je me rendrai à ses désirs, manifestés dans une
lettre affranchie et signée de deux témoins re
marquables.
■
C 12Ô3.V57
HARVARD ^^g^T COLLEGE
LIBRARY
+
FROM THE LIBRARY OF
Comte ALFRED BOULAY DE la MEURTHE
PURCHASED APRIL, l 927
1
DE L'EGLISE. KD
LIVRE PREMIER.im
IgiOMPHE SIR LES HERESIES ET LES SCHISMES.
LIVRE DEUXIEME.
TRIOMPIIE SIR LE SCniSME ET l'hÉRÉSIE QCI RtGSEST ACTUEL
LEMENT EN FRANCE; c'EST-A-DIBE, BEFI'TATION DU SCHISME
DES PURISTES ET DE l'hÉbESIE DEM.OEGGEP., ANCIEN PREMIER
W CAIRE DE LA CATHEDRAIE DE PABIS.
ïm
3
1 .. y.
LIVRE TROISIEME.
TRIOMPHE DES SOUVERAINS POXTiFES SUR LEURS ENNEMIS.
Pas l'abbé T. J. MATNEAU,
Prédicateur de France , ex - Professeur P. d'éloquence et de
philosophie, etc.;
Aceeur do GÉNIE DU SACERDOCE et do TRAITÉ DES ADl'S.
Tu ee Pefru», et »aper hanc Pciram a'dlficabo
ecieeiam meam ei poreœ inferi nan prœvalebune
advenus eam.
S;. Mi-.ii. c. iei. e. 18.
PARIS.
(LÏÎROI, Libraire, devant le Louvre et la paroisse royale, W a4.
CORBET, Libraire, rue Saint-Jacques , n° 58.
" DEMAS LIRES, au coin delâ place des Victoires, rue Croix-
des-Petits-Cbauips, n° 54.
1830. .
%
y.M
»' V
>;'^:
This book should be returned to
the Library on or before the last date
stamped below.
A fine of five cents a day is incurred
by retaining it beyond the specified
time.
Please return promptly.
2 1
mîm