tirer les citoyens par la manche

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Eléments de recherche : ANACEJ ou Association Nationale des Conseils d'Enfants et de Jeunes : pour la participation des jeunes à la vie politique,toutes citations

PRESIDENTIELLE. Face au risque de l'abstention, de nombreuses initiatives, des plus classiquesaux plus originales, ont vu le jour pour mobiliser les électeurs.

Tirer les citoyens paila manche

Les spécialistes sont formels : uneabstention massive menace lescrutin de dimanche, comme si

la forte participation de 2007, qui s'étaitélevée à près de 85 % des inscrits, n'avaitété qu'une parenthèse enchantée.Depuis plusieurs semaines, politologueset journalistes tentent de comprendrepourquoi les Français, si férus de poli-tique, manifestent un tel éloignement,pourquoi les jeunes, si rapides à semobiliser pour de grandes causes col-lectives, se détournent des échéancesélectorales. Beaucoup refusent de serésigner : les associations, les municipa-lités, les Églises même donnent de leurtemps, de leur énergie pour convaincrenos concitoyens, notamment les plusjeunes, d'allervoter. Démarche difficile,exigeant de la modestie, de la constanceet de l'imagination.

Le rôle des tables rondes« Croyez-vous que nous disposions

de recettes magiques ?, interroge avechumour Gilles Vermot-Desroches,président des Scouts et Guides deFrance. Il faut avant tout faire preuvede pédagogie, montrer que par-delà lecaractère brouillon qu'elle peut induire,la diversité des thèmes abordés pendantl'élection presidentielle représente unevraie richesse, comparable à l'inter-dépendance telle qu'elle s'exprime surInternet. » Un point de vue partage parDenis Viénot, président de Chrétiens

« ll existe encore des zones où l'information politique passe mal »




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en Forum, pour qui les nombreusestables rondes organisées depuis plu-sieurs mois par l'association donnent laparole aux citoyens sur des thèmes quiles concernent au premier chef et per-mettent l'émergence d'une démocratievraiment participative : « En éloignantles experts, en redonnant la parole auxgens, on se donne les moyens de conso-lider la pratique démocratique et doncde lutter contre l'abstention. »

« On ne devient pas citoyenparce qu'on a dix-huit ansmais parce qu'on fait vivreles droits dont on dispose »

D'une façon plus systématique et radi-cale, l'Association nationale des Conseilsd'enfants et de jeunes (ANACEJ) inter-vient en première ligne pour favoriserl'insertion de la jeunesse dans le corpsélectoral. Cela passe d'abord par unevérification pratique : en dépit de la loiqui rend automatique cette inscription,près de 15 % des nouveaux citoyens sont,chaque année, laissés de côté. « Nousmultiplions les campagnes d'informa-tion, à l'approche du 31 décembre, afin

que les jeunes fassent une démarcheauprès de leur mairie », précise ErwanDagorne, responsable de l'accompagne-ment des collectivités à l'ANACEJ. D'unefaçon plus générale, cette associationse donne pour ambition de sensibili-ser l'opinion publique aux échéances àvenir. « On ne devient pas citoyen parcequ'on a dix-huit ans mais parce qu'on fait

vivre les droits dont on dis-pose, note encore ErwanDagorne. Il existe encoredes zones où l'informa-tion politique passe mal,où les gens ne savent mêmepas que des élections vontavoir lieu, ignorent à quoi

elles vont servir. »Au moyen de rencontres-débats, l'as-

sociation établit un lien entre l'échangedes idées, auquel les jeunes Françaisaiment toujours autant participer, etl'engagement civique. « Ils estiment lesjoutes politiques traditionnelles parti-culièrement rebutantes, constate MikaëlGarnier-Lavalley, délégué général del'ANACEJ. Notre objectif consiste donc àorganiser des rencontres-débats, animéespar déjeunes adultes afin que l'empathie

fonctionne, et démontrer aux nouveauxélecteurs qu'ils peuvent agir sur la sociétéà laquelle ils appartiennent et en démys-tifiant les responsables politiques qu'ilsvoient chaque jour à la télévision. »

Si ce travail est indispensable, il ren-contre vite ses limites parce que ceuxqui participent à ces réunions sont déjà,pour la plupart, convaincus de l'utilitédu vote. Voilà pourquoi dè nombreusesmunicipalités soutiennent des actionsconcrètes et innovantes.

Sortir des sentiers battusÀ Strasbourg, les membres du conseil

municipal des jeunes ont réalisé un clipintitulé Au lieu de geeker va voter quimet en scène un slameur déclarant saflamme au bulletin de vote. Mis en lignesur les réseaux sociaux, diffusé dans desétablissements fréquentés par des pri-mo-votants - universités, lieux de loisirs-, ce film sollicite le public de manièreénergique. « Un vendredi soir, il a étéprésente dans un bar de nuit, relate-t-on du côté de la mairie. Les jeunes quil'ont conçu se sont impliqués auprès desconsommateurs et ont récolte des réac-tions positives. » Même son de cloche




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L'ELECTION EN STATISTIQUES

Nombre d'électeurs inscrits :43,2 millions en février 20T1auxquels il faut ajouter environ

(P millions de nouveaux inscrits.f

Âge moyen des électeurs 50 ansPart des 18-36 ans dans le collègeélectoral 26 % contre 29 % danslensemble de la population.Les nouveaux électeurs représententun tiers des nouvelles inscriptions,les autres correspondentà des déménagements

Taux d'abstention prévu entre 28 et32 %, selon les instituts de sondage.

Nombre d électeurs résidantà l'étranger sur une populationexpatriée totale de 1 600 DOOFrançais 183 DOO ont voulu resterrattachés a leur commune d origine,les autres iront voter dans leurambassade ou leur consulat

(sources Insee)

à Figeac (Lot), où Guillaume Baldy,conseiller municipal délégué à la jeu-nesse, a lancé l'opération « En 2012, jevote » : « Nous avons rédigé un prospec-tus expliquant les prérogatives du pré-sident de la République et nous l'avonsdistribué lors du festival "Roots dans laVallée" une manifestation musicale très

populaire. » Les Parisiens eu aussi semobilisent ! Une entreprise périlleusequand on sait la concurrence effrénéedes manifestations, artistiques ou non,qui traversent la capitale. Tee-shirts réa-lisés par une créatrice de mode, inter-ventions lors de séances de body fitness,les initiatives ne manquent pas. « Surla place carrée, au cœur du Forum desHalles, nous avons présente trois flashmab [mobilisation éclair, nair], expliqueVirginie Belin, responsable de la missioncitoyenneté à la Mairie de Paris. Quandla musique s'arrêtait, les jeunes gens rap-pelaient aux passants les dates des élec-tions puis engageaient des discussionsautour du vote. »

Au sein du protestantisme, enfin, ladémarche de l'Église évangélique laBonne nouvelle de Strasbourg témoigned'une forte volonté civique. « En 2007,nous avions déjà organisé deux veilléesde prières consacrées à la France et à lapersonne de chaque candidat, révèleMonique Praline, secrétaire de l'Église.Nous voulons encourager les paroissiensà étudier les programmes et à choisir leurcandidat en leur âme et conscience. »

Comme on le devine, ces initiativesobtiennent d'autant plus de succèsqu'elles sont menées sans aucun soucipartisan, sans arrière-pensées militan-tes. Peut-être s'agit-il là d'une des clésde cette forme de combat politique : ungeste gratuit, vraiment fraternel. I

FREDERICK CASADESUS




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EDITORIAL

Charles Péguy

Dérisoiremais sublimeNous tournant vers les jeunes gens,nous ne pouvons que leur dire : « Pre-nez garde. Vous nous traitez de vieillesbêtes. C'est bien. Mais prenez garde.Quand vous parlez à la légère, quandvous traitez légèrement, si légèrementla République, vous ne risquez passeulement d'être injustes, vous risquezplus, dans votre système, même dansvos idées, vous risquez d'être sots.Pour entrer dans votre système, dansvotre langage même, vous oubliez,vous méconnaissez qu'il y a une mys-tique républicaine ; et de l'oublier etde la méconnaître ne fera pas qu'ellen'ait pas été. Des hommes sont mortspour la liberté comme des hommessont morts pour la foi. Ces électionsaujourd'hui vous paraissent une for-malité grotesque, universellementmenteuse, truquée de toutes parts. Et

vous avez le droit de le dire. Mais deshommes ont vécu, des hommes sansnombre, des héros, des martyrs... deshommes ont vécu sans nombre, héroï-quement, saintement, des hommes ontsouffert, des hommes sont morts, toutun peuple a vécu pour que le dernierdes imbéciles aujourd'hui ait le droitd'accomplir cette formalité truquée.Ce fut un terrible, un laborieux, unredoutable enfantement. Ce ne fut pastoujours du dernier grotesque. Et despeuples autour de nous, des peuplesentiers, travaillent du même enfante-ment douloureux, travaillent et luttentpour obtenir cette formalité dérisoire.Ces élections sont dérisoires mais il y aeu un temps héroïque où les malades etles mourants se faisaient porter dansdes chaises pour aller déposer leur bul-letin dans l'urne. Déposer son bulletindans l'urne, cette expression vous pa-raît aujourd'hui du dernier grotesque.Elle a été préparée par un siècle d'hé-roïsme... Ces élections sont dérisoiresmais il y a eu une élection. C'est le grandpartage du monde, la grande électiondu monde moderne entre l'Ancien Ré-gime et la Révolution... Ces électionssont dérisoires mais l'héroïsme et lasainteté avec lesquels, moyennant les-quels on obtient des résultats dérisoi-res, temporellement dérisoires, c'esttout ce qu'il y a de plus grand, de plussacré au monde. C'est tout ce qu'il y ade plus beau. » I




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Le vote blanc n'est pas nulRemplir son rôle de citoyen tout en exprimantson refus de l'offre proposée en votant blancn'est pas pris en compte. Pourquoi ?

La faute en revient à Napoléon III. C'est lui qui a effacé levote blanc - institué en 1798, en période révolutionnaire -au travers de l'article 30 du décret impérial du 2 février 1852.Depuis, en dépit de nombreuses tentatives portées par diffé-rents groupes parlementaires, le vote blanc n'a jamais retrouvésa légitimité. Résultat : il n'est pas comptabilisé dans lessuffrages exprimés. Glisser un papier blanc dans l'enveloppe(et non la laisser vide, contrairement à une idée répandue),dans le secret de l'isoloir, est assimilé à gribouiller le bulletin,le déchirer ou le couvrir d'injures, ce qui équivaut à un votenul... Un état de fait qui en irrite plus d'un.

Parmi eux, Stéphane Guyot, fondateur du Parti pour le voteblanc1. Lors d'un suffrage où l'alternative ne lui convenaitpas, il a pris conscience que son vote blanc ne servirait à rienet s'est attelé à ce qu'il considère comme « une aberration ».« Le vote blanc correspond à une insatisfaction du citoyen,désireux de remplir son devoir civique mais qui ne trouve aucuncandidat qui lui convienne. Je refuse l'idée qu'on soit obligé devoter contre. Actuellement, on n'entend que cela, le front durefus contre Sarkozy. Moi, je souhaite que les gens votent paradhésion ou alors expriment leur désaccord par un bulletinblanc. »

Le professeur de droit Guy Carcassonne ne voit pas de rai-sons valables à ce rejet du vote blanc, si ce n'est l'absence devolonté de la classe politique de changer la donne. « II seraitpourtant assez simple de comptabiliser les votes blancs, émispar des électeurs sophistiqués2, séparément des nuls, émis pard'autres qui le sont moins », commente-t-il.

Une évidence pour Stéphane Guyot, qui s'appuie sur la réalitéde plusieurs sondages qui montrent l'adhésion des Françaisau vote blanc. Sur le site de Rue89, Jean-Philippe Jouvenel,membre du conseil fédéral du Rhône du PS, défend lui aussicette possibilité de « refus » par les électeurs, indispensableau bon fonctionnement démocratique.

« Ne laisser aux mécontents que le choix de l'abstention n'obligepas les candidats à proposer le meilleur mais juste mieux quel'adversaire », écrit-il.

Pour d'autres commentateurs, en revanche, légitimer le voteblanc serait la porte ouverte à une désaffection plus grandeencore de la politique. I

NATHALIE LEENHARDT

1. www parti dll vote blanc fr

2. Il lui faut en effet anticiper puisque selon I article R 30 du code électoral lebulletin blanc doit absolument respecter des criteres de taille (10 5 cm sur 14.8cm] et de poids (entre 60 et 80 grammes) Sinon, le vote sera considère comme nul




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DÉCRYPTAGE. Jérôme Fourquet, directeurdu département opinion de lifop, analyseles hésitations d'une partie des électeurs.

Électeurs de ladernière heure

N ous assistons à une consolidation des inten-tions de vote. Cependant, comme il arriveà chaque échéance, une partie de l'électoral

demeure hésitant. Cette année, 30 % de la popu-lation nous disent qu'ils peuvent encore changer.C'est une traction importante, si l'on songe qu'ily a cinq ans la part de ceux qui se sont décidésdans les dernières quarante-huit heures s'élevaità environ 20-25 % - une fraction de ces citoyensfaisant leur choix dans l'isoloir. Contrairement auxannées précédentes, ce comportement ne varie passelon les catégories sociales. En revanche, commed'habitude, il change suivant les classes d'âge oude sexe : le taux d'incertitude s'élève à 25 % chezles hommes et 34 % chez les femmes, 41 % chez lesmoins de 35 ans contre 16 % chez les 65 ans et plus.Les femmes et les jeunes sont traditionnellementmoins politisés.

Actuellement, les électeurs susceptibles de chan-ger d'intention de vote - s'abstenir vraiment oubien aller voter - se situent au centre ou bien auxextrêmes : 42 % des gens qui se déclarent intéres-sés par François Bayrou, 52 % de ceux qui suiventEva Joly, 36 % des électeurs de Jean-Luc Mélen-chon, 25 % des partisans de Marine Le Pen affir-ment pouvoir changer d'avis ou renoncer. De tels

chiffres pourraient laisser penser que les Françaissont versatiles. Mais ces indicateurs sont trom-peurs. Quand on dit qu'un gros quart de l'électoralhésite encore, on ne voit qu'une vérité slatisliqueen ignoranl que la plupart des gens vont changerd'avis en restani à l'intérieur d'un même camp :1res rares seront ceux qui vont passer de FrançoisHollande à Nicolas Sarkozy, ce qui veut dire queles arbitrages de dernière minute se compenserontles uns les autres.

Les raisons d'un basculementCela nous amène à la question centrale : selon

quels critères les électeurs de la dernière heurevont-ils se déterminer ? Contrairement à ce quel'on entend dire parfois, les électeurs qui se déci-dent au dernier moment ne sont pas des citoyensdistrails mais des individus tourmentés, tiraillés pardes inlentions contraires. Ils peuvent être tenlés desuivre la penle de leurs convictions ou bien élaborerune stratégie. Les médias tiennenl un rôle prépon-dérant dans cette affaire, mais les sondages aussi :en fonction de la courbe de tel ou tel grand candidat,les hésitanls vonl se mobiliser ou pas. Mais il nefam pas sous-estimer non plus ce que l'on pourraitappeler l'imprégnation : les conversations au seindes familles ou sur le lieu de travail vonl faire évo-luer les inlentions. Rappelons au passage que leshésitants ne sont pas des ciloyens hors sol. Mais jecrois essentiel, pour terminer, de formuler encoredeux remarques. D'une part, il esl illusoire de croireque la majorité de ceux qui se déclarenl aujourd'huiabstentionnistes vont se déplacer dimanche. D'autrepari, aucun événemenl speclaculaire n'a jamaisprovoqué de brusque relournemenl de lendanceà quèlques jours du scrutin. Le choix de dernièreminule esl un mystère qui échappe à celui qui leréalise aulant qu'à celui qui l'analyse. I

PROPOS RECUEILLIS PAR F. C.

tirer les citoyens par la manche

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