these de doctorat
DESCRIPTION
Vécu de l'annonce diagnostique du cancer du sein chez des patientes suivies à l'Institut Joliot Curie du CHNU Aristide Le Dentec.TRANSCRIPT
LE VECU DE L’ANNONCE
DIAGNOSTIQUE DU CANCER DU SEIN
CHEZ DES PATIENTES SUIVIES A
L’INSTITUT JOLIOT CURIE DU C.H.N.U.
ARISTIDE LE DANTEC DE DAKAR
THESE DE MEDECINE
POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR
(Diplôme d’état)
PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT
Le 01/12/2010
PAR
EL HADJI MAKHTAR BA
INTERNE DES HOPITAUX DE DAKAR
SOMMAIRE
INTRODUCTION PREMIERE PARTIE
1- Le cancéreux et sa maladie
1.1-Image du sein
1.1.1-Symbole de maternité
1.1.2-Symbole de l’identité féminine
1.1.3-Symbole de sexualité
1.2-Image du cancer
2-Psychologie du cancer
2.1-Le terrain
2.2-Les mécanismes de défense
2.3-Le vécu de l’annonce diagnostique du cancer du sein
2.4-Le cancéreux, son entourage et ses possibilités de réadaptation
3-Les enjeux psychiques
4-Les enjeux éthiques
5-Le cadre de l’annonce
5.1-Le cadre légal
5.2-Les préalables
5.3-Qui annonce ?
5.4-A qui annoncer ?
5.5-Les techniques de communication
5.5.1-La communication verbale
5.5.1.1-La reformulation
5.5.1.2-La pause dans le discours
5.5.1.3-L’écoute
5.5.1.3.1-L’écoute participante
5.5.1.3.2-L’écoute active
5.5.2-La communication non verbale
5.5.2.1-Le contact visuel
5.5.2.2-L’expression faciale
5.5.2.3-La posture et la distance interpersonnelle
5.5.2.4-La voix
6-L’annonce diagnostique du cancer du sein en pratique
6.1-Les préliminaires
6.2-Ecouter la patiente
6.3-La communication de l’information
6.4-Quelles sont les informations importantes à fournir ?
6.5-Réponses aux sentiments des patientes
6.6-Préparer l’avenir
7-Expressions autour de l’expérimentation du dispositif d’annonce
7.1-Les bénéfices pour les professionnels
7.2-Les bénéfices pour les patients
DEUXIEME PARTIE
1-Matériel clinique et méthodologie
1.1-Cadre de l’étude
1.2-Type d’étude
1.3-Population d’étude
1.4-Méthodologie
1.5-Contraintes
2-Résultats
3-Synthèse des observations
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
INTRODUCTION
L’annonce d’un diagnostic grave ou fatal tel que le cancer, c’est l’énoncé
d’une réalité que la médecine a tout fait pour établir et confirmer, parfois à son
corps défendant, parfois dans une certaine excitation.
C’est l’annonce d’une mauvaise nouvelle, nouvelle qui modifie radicalement et
négativement l’idée que se fait le patient de son avenir et qui provoque chez
celui qui la reçoit des mouvements émotionnels puissants selon Buckman [8].
Ou selon Nicole Alby, c’est ce qu’un médecin n’a pas envie de dire à un malade
qui n’a pas envie d’entendre [8].
Pour le malade, l’adaptation ultérieure à la maladie dépend en grande partie de
la manière dont il vivra le moment de l’annonce du diagnostic.
Pour le médecin, annoncer un diagnostic de cancer est l’un des aspects les plus
difficiles de sa fonction. C’est un stress qui sera répété tout au long de sa
carrière, mais qui ne fait pourtant l’objet d’aucune formation. Chacun apprend
sur le tas, se situant entre deux extrêmes que sont : cacher ou cracher la vérité.
L’annonce d’un diagnostic de maladie potentiellement létale, telle qu’un cancer,
n’est jamais une situation facile tant pour le patient que pour le médecin
généraliste ou spécialiste. Toutefois, chaque annonce est singulière. Elle dépend
principalement de la localisation tumorale, de l’extension de la maladie, de son
agressivité, de la pratique du médecin et de la demande du patient.
Symboliquement, cette annonce représente une nomination de la maladie, et
pour le patient, son entrée dans le monde du cancer. C’est une nouvelle qui va
complètement bouleverser l’image qu’il se faisait de son futur. Elle va changer
sa représentation de l’avenir. C’est par conséquent, une modification radicale de
l’existence du sujet et de son entourage avec des repères compromis et une
précipitation dans l’incertitude.
Ces dernières années, l’évolution des mentalités a mis une pression sur le corps
médical, sommé de dire et de bien dire [28].
L’annonce d’un diagnostic de cancer reste une épreuve traumatique tant pour le
patient et sa famille que pour le médecin annonceur de la mauvaise nouvelle.
La réalité du patient et ses préoccupations du moment, à cet instant de la
révélation sont souvent très différentes de la réalité scientifique du médecin.
En effet, il s’agit d’un moment de vérité pour le patient mais aussi pour le
médecin annonceur. Cette révélation n’est jamais anodine et confronte le
médecin, le patient et son entourage à une violence insoupçonnée. Violence des
mots, des non-dits, du contenu de l’information et parfois même dans la manière
et le moment choisis pour cette révélation.
L’impact émotionnel intense généré chez le patient et son entourage n’est pas à
négliger. En effet, la confirmation d’un diagnostic de cancer reste associée pour
les patients à une sentence de mort et à un futur peuplé de catastrophes, de
souffrances et d’effets indésirables des traitements et redouté.
Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers féminins. En 2002, en France
42000 nouveaux cas sont diagnostiqués. Il représente aussi la première cause de
décès dus au cancer avec 11127 décès la même année [2].
L’impact psychologique du cancer du sein a une double origine.
D’une part, il est lié à l’image du cancer qui renvoie à la souffrance, à la mort.
Et d’autre part, il est associé à l’image des seins, symbole de féminité, de
maternité et de sexualité.
L’annonce d’un diagnostic de cancer du sein est un moment important dans
l’instauration de la relation médecin /malade. Elle doit s’accompagner d’une
communication de qualité dans la mesure du possible. Elle doit en permanence
osciller entre juste distance et proximité, tout en respectant l’autonomie, la
dignité et le libre arbitre des patientes.
En France, l’amélioration des conditions d’annonce du diagnostic de cancer est
l’objectif que poursuivent la Ligue contre le cancer et son réseau de malades, le
ministère de la santé et l’Institut national de lutte contre le cancer depuis les
premiers états généraux des malades du cancer en 1998 [3]. En effet, de 2000 à
2005, des échanges, des enquêtes et des expérimentations ont été faits auprès de
58 établissements de santé. Ceci a permis à des malades, à des professionnels de
la santé et aux pouvoirs publics français de formaliser des recommandations.
Ces dernières ont concouru à la mise en œuvre d’un dispositif d’annonce du
cancer dans les établissements de santé.
Le dispositif d’annonce est contenu dans la mesure 40 du Plan cancer.
Le Plan cancer est articulé autour de 70 mesures. L’objectif visé est d’améliorer
sensiblement la prévention, la prise en charge, la qualité et la durée de vie des
patients.
Le dispositif a été mis en place à la demande des patients lors des premiers états
généraux des malades atteints de cancer. Son but est d’améliorer les conditions
d’annonce du diagnostic de leur maladie.
En effet, les patients qui ont pris la parole à propos de l’annonce lors des
premiers états généraux avaient mis en avant trois revendications :
-la nécessité d’inscrire l’annonce du diagnostic dans un cadre : un cadre humain
et un temps spécifique.
-le besoin de recevoir des informations claires et compréhensibles dans un
champ relationnel.
-le souhait que la prise de décision thérapeutique soit associée à une discussion
pluridisciplinaire [6].
La mesure 40 s’articule autour de deux grands principes.
Le premier est que tout patient atteint de cancer doit pouvoir bénéficier, au début
de sa maladie et /ou en cas de récidive, d’un dispositif d’annonce organisé et mis
en place dans tous les établissements où la prise en charge de patients cancéreux
se fait.
Le second souligne que la coordination interprofessionnelle, la communication
relationnelle avec les patients et leurs proches ainsi que la souplesse dans la
mise en œuvre sont essentielles à la réussite du dispositif.
Le dispositif se construit autour de quatre temps [15].
-Le temps médical fait d’une ou plusieurs consultations. Elles sont dédiées à
l’annonce du diagnostic puis à l’annonce de la proposition thérapeutique définie
en réunion de concertation pluridisciplinaire. Cette proposition thérapeutique est
présentée par le médecin et remise sous forme d’un programme personnalisé de
soins.
-Le temps d’accompagnement soignant qui permet au malade et à ses proches
d’accéder, selon leurs choix, à des soignants disponibles à cet effet. Ils écoutent,
reformulent, donnent de l’information et peuvent orienter le patient vers
d’autres professionnels impliqués dans certains soins de support.
-L’accès à des équipes impliquées dans les soins de support et notamment le
service social, les psychologues et/ou psychiatres ; les associations de type
Espaces Rencontres Information.
-Le temps d’articulation avec la médecine de ville au cours duquel le dispositif
s’appuie sur un travail de liaison et de coordination entre les professionnels
concernés.
La mise en œuvre du dispositif fait partie intégrante de la prise en charge des
patients. Elle donne lieu à une évaluation annuelle au sein de l’établissement et
prend en compte l’avis des patients.
En Afrique, et particulièrement dans notre pays le Sénégal, un tel dispositif
n’existe pas. L’annonce du diagnostic de cancer en général et de cancer du sein
en particulier est un exercice auquel les soignants se livrent sans aucune
préparation. La dimension psychologique de l’annonce d’un tel diagnostic est
souvent non prise en compte, donnant lieu à des insuffisances.
L’intérêt majeur de ce travail que nous nous proposons de faire est de contribuer
à l’amélioration des conditions d’annonce diagnostique de cancer du sein dans
notre pays.
Ce travail est présenté selon le canevas suivant.
Dans la première partie, nous abordons la revue de la littérature. Nous
envisageons d’évoquer l’image du cancer du sein chez la femme, la personnalité
et les différents mécanismes de défense psychique. Puis, notre intérêt se
focalisera sur les enjeux psychiques et éthiques de l’annonce de cette affection.
Enfin, nous présentons le cadre de l’annonce diagnostique de cancer du sein,
les expressions des praticiens et patients suite à une expérimentation du
dispositif d’annonce en France.
Dans la seconde partie ou travail personnel, nous comptons vous faire part du
contexte de notre étude, puis nous vous livrons les observations de 11 patientes
interviewées au centre hospitalo-universitaire de Dantec. Nous terminons cette
partie par une synthèse discutée de ces observations.
1-Le cancéreux et sa maladie
La dimension psychologique du cancer dépend de la représentation que le
patient se fait de l’organe atteint mais aussi de la maladie cancéreuse.
1.1- Image du sein
Le sein est un organe fortement investi.
Il est l’image de la femme et de la mère. C’est un objet de désir sexuel et un
attribut maternel. Mais encore, il est un organe nourricier et un symbole de vie.
1.1.1-Symbole de maternité
Le sein est lié à la fécondité et au lait qui est la première nourriture du nouveau-
né. Il s’ouvre en premier à l’enfant comme source de vie et de chaleur.
Dans l’Antiquité, les nombreux seins engorgés du lait divin d’Artémis d’Ephèse,
déesse de la fécondité, de la fertilité et mère nourricière allaitent l’humanité
entière.
Dans la mythologie grecque, les seins sont le symbole de l’immortalité. Hercule,
fils de Zeus, fruit des amours illégitimes avec une mortelle, accéda à
l’immortalité en tétant le lait du sein d’Héra [2].
La maternité et l’allaitement apportent à une femme une autre dimension, celle
de pouvoir donner la vie et de s’épanouir dans le don de l’amour. Le nourrisson
posé sur la poitrine de sa mère s’engage dans la reconnaissance de l’univers qui
l’entoure.
1.1.2- Symbole de l’identité féminine
Quand la jeune fille devient femme, quand la poitrine se développe, la femme
découvre son corps et réalise ses potentialités féminines.
Les seins jouent un grand rôle dans l’image que la femme a de son corps et de sa
féminité. Mais la féminité ne se limite pas aux caractéristiques physiologiques.
La façon de percevoir son corps, ses seins, est influencée par des déterminants
culturels et sociaux du milieu dont elle provient.
La femme vit dans un corps physique mais aussi dans un corps imaginaire avec
lequel elle s’adresse aux autres. Le corps physique, c’est le schéma corporel qui
est le même pour tous les individus de la même ethnie et du même âge. L’image
du corps par contre, est propre à chacun. Elle est liée au sujet et à son histoire,
c’est la synthèse de nos expériences émotionnelles. Elle permet la relation à
autrui [2].
Ainsi, la féminité n’est pas seulement une représentation culturelle de la femme
ni un caractère biologique quant à une fonction de la femme par rapport à
l’homme. Elle est une essence qui ne se laisse rencontrer que dans la dimension
de l’intérioté. Elle est intemporelle et fait de chaque femme un être unique.
1.1.3- Symbole de la sexualité
Le sentiment identitaire est fortement marqué par les indices d’apparence
sexuelle. Les seins sont porteurs d’une fonction érotique tant d’un point de vue
symbolique que physiologique.
Zone érogène primaire, ils sont l’un des moteurs de la libido.
Pour l’homme, Ils expriment les beautés et les avatars de l’existence. Ils
renvoient aux plaisirs érotiques et entretiennent les rêveries fantasmées.
Pour la femme, ils expriment la sensualité, les élans maternels, mais aussi un
moyen de conquérir une source de désir sexuel.
Ils sont un objet de convoitise et de désir d’identification pour la femme qui tend
à se rapprocher de la perfection du modèle, un objet de désir et de fantasme
sexuel pour l’homme.
Le recours à la chirurgie esthétique souligne les impératifs plus ou moins
fantasmés de correspondre à des modèles de société ou reprécise
l’investissement primordial du corps pour la constitution du soi.
La femme dont le sein est atteint par un cancer se voit comme défaillante. Elle
est renvoyée à l’image de sa propre mère et à l’image qui les unit. La maladie
vient alors raviver les conflits de la relation mère-fille [24].
En raison de l’ampleur de l’investissement du sein et de sa valeur symbolique, le
cancer du sein représente l’une des maladies les plus redoutées de la femme,
indépendamment de la sévérité de l’affection.
1.2- Image du cancer
Les tumeurs malignes sont décrites par Hippocrate (460-370 avant Jésus Christ).
Il parle de « carcinos » qui signifie crabe.
Cette définition est reprise ultérieurement par Galien (131-201 avant Jésus
Christ) dans son traité des tumeurs où il décrit avec précision le cancer du
sein : « Maintes fois, nous avons vu aux mamelles une tumeur exactement
semblable à un crabe. En effet, de même que chez cet animal, il existe des pattes
des deux cotés du corps, de même, dans cette affection, les veines étendues sur
cette tumeur contre nature présentent une forme semblable à celle d’un crabe »
[2].
Au XVIIème siècle, le cancer est vu comme une maladie contagieuse et les
patients sont exclus des hôpitaux [2].
Au début du XXème siècle, dans les sociétés occidentales le cancer a pris rang
de fléau. Ce terme vient du mot latin « fouet avec lequel on flagelle ». Il
désignait une personne ou une chose funeste, paraissant à l’origine émaner de la
colère divine. Il désigne aujourd’hui une calamité redoutable qui s’abat de façon
incontrôlable [8].
De nos jours, la spécificité du cancer reste liée non pas à la technique mais à la
représentation de cette maladie.
En Algérie, le cancer se dit de façon familière khenzir [8]. Ce mot signifie
cochon. Ceci permet de le rejeter hors des pratiques religieuses musulmanes.
L’assimilation du cancer à l’animal honni transforme malheureusement chaque
malade en déviant et surtout en coupable. En effet, il est vu comme porteur
d’une marque infamante, traitre à sa religion. Les femmes algériennes porteuses
de cancer ont dès lors des raisons de se cacher.
L’image du cancer reste liée à la peur de la mutilation, de la souffrance et de la
mort.
La spécificité du cancer du sein se retrouve certes dans sa représentation mais
aussi dans sa répercussion sur la psyché de la patiente, de son entourage, du
médecin.
2-PSYCHOLOGIE DU CANCER
2. 1-Terrain
Certains auteurs ont parlé de personnalité du cancéreux.
Goldfarb a tenté d’établir un profil psychologique caractérisé par les traits
suivants : domination par la mère, immaturité, blocage de l’hostilité, incapacité
de supporter une perte d’objet, sentiment pré néoplasique de découragement et
de l’impuissance [29].
Tarlan parle de dominance maternelle et d’une attitude négative vis-à-vis de la
sexualité [29].
Béatrix Cobbson évoque l’existence d’une opposition avec la famille, une
tendance à éviter le stress et les difficultés à s’adapter aux relations sociales
[29].
Le Shan a tenté de résumer l’opinion générale des auteurs américains. Il affirme
qu’une perte d’objet majeure précède l’apparition du cancer. Pour lui, il existe
une relation entre la structure de personnalité et la localisation dans le corps de
la tumeur [29].
Bacon et Renneker, chez 40 femmes atteintes de cancer du sein, ont trouvé un
conflit non résolu avec la mère et des structures masochistes [29].
En définitive, il ne se dégage pas un profil psychologique bien établi et admis
par tous les auteurs. Seulement, nous nous rendons compte que toutes les études
se rejoignent sur le fait que le cancer survient sur une personnalité «fragilisée».
Par ailleurs, l’existence de facteurs aggravants ou déclenchants est envisagée
par certains auteurs notamment Le Shan. Ce dernier a classé les femmes
atteintes de cancer du sein en quatre catégories : les veuves, les divorcées, les
mariées et les célibataires. Il prétend que la morbidité va en décroissant dans
l’ordre donné.
De plus, il serait intéressant à notre avis de jeter un regard sur l’impact
psychologique de la maladie.
Le cancer évoque une mort terrifiante puisqu’elle est annoncée. Il s’oppose à
l’idée de mort idéale, celle qui passe inaperçue.
La conscience du cancer chez les patientes augmenterait avec la durée
d’évolution. Cette notion est généralement intégrée après un an d’évolution.
Selon Shands, au début, le malade est plongé dans un état vertigineux. Le choc
moral est trop traumatisant. La vérité n’est assimilée que partiellement et par
intermittence. L’anxiété est intense et c’est à cette période que l’on rencontre
des réactions suicidaires brutales ou des refus thérapeutiques de même
signification. Puis, peu à peu le malade intègre sa maladie [21].
Des mécanismes de défense se constituent. Ils sont destinés à lutter contre
l’angoisse mais peuvent être débordés. Des réactions psychopathologiques, soit
dépression ou auto-agressivité, soit régression avec dépendance et passivité
peuvent en effet apparaitre.
2.2-Les mécanismes de défense
A l’annonce du diagnostic de cancer du sein, la patiente se sent vulnérable. Son
existence physique devient incertaine. La valeur des choix destinés à donner un
sens à sa vie est remise en question. Simultanément, les statuts sociaux,
conjugaux (harmonie du couple, sexualité), familiaux (perte d’autorité) et
professionnels seront ébranlés. Cette annonce génère chez le patient une crise
identitaire, accentuée par son sentiment de fragilité.
Face à l’annonce diagnostique, la patiente peut interpréter ce qui lui arrive à
deux niveaux sur le plan cognitif :
-Le premier niveau est la prise de conscience d’une perte pour elle même
concernant sa santé, ses projets d’avenir, socioprofessionnels et familiaux, et à
l’extrême sa vie.
-Le second niveau est la plongée dans l’inquiétude et l’incertitude, avec toute la
difficulté à gérer les évènements et la maîtrise temporelle.
L’annonce diagnostique entraîne chez les patientes toute une série de réactions
psychologiques.
Le refoulement est possible. Le malade refuse de toutes ses forces de reconnaitre
la réalité traumatisante. Il préfère refouler sa souffrance et enfouir ce savoir
encore trop douloureux. En entretien, il ressort une angoisse profonde malgré
que la patiente semble détachée de sa pathologie. En dépit de l’évidence et de la
multiplication d’indices manifestes, certaines patientes s’acharneront à récuser
la menace pour tenter le plus longtemps possible, d’assourdir le choc de
l’inconcevable certitude [30].
La pseudo-rationalisation permet d’introduire une logique dans l’absurdité de la
maladie. Il arrive que les malades soient plus scandalisés par l’absence de cause
à leur maladie que par la maladie elle-même. Ils recourent à un système
explicatif. La notion d’hérédité est parfois invoquée : « Ma mère est morte d’un
cancer du sein ; j’ai toujours pensé que j’aurais un cancer du sein, c’est idiot
mais c’est arrivé ». La notion de fatalité revient souvent : « Qu’est ce qu’on y
peut ; ça devait arriver ; c’est le destin ». Cette acceptation apparente devant une
destinée implacable n’est pas exempte de révoltes et de réactions agressives.
Parfois, elle permet d’écarter le diagnostic : « Je n’ai pas mal, donc ça ne peut
pas être grave ; j’ai eu de la chance, ça a été pris au début ; ma maladie ce n’est
pas un cancer mais ça aurait pu devenir cancéreux » [21].
La culpabilité recourt à une intellectualisation plus irrationnelle encore. La
maladie, le mal s’intègre dans une atmosphère de culpabilité. Elle est imposée
comme punition d’une faute passée. D’autres fois, la culpabilité est rejetée sur
un tiers, le médecin notamment : « C’est la faute de mon médecin, il ne me
prenait pas au sérieux » ou « Mon médecin m’a laissé trainer ». Ce qui au
demeurant est peut-être vrai. Enfin, par un mécanisme plus arbitraire, le
sentiment de culpabilité peut-être imposé de l’extérieur.
La sublimation peut être retrouvée. Elle est la transformation des pulsions en
une activité socialement valorisée et, par extension, l’acceptation de la
souffrance et de l’angoisse dans une perspective, généralement religieuse, qui
transcende l’individu. La patiente peut nous dire : « J’ai la foi, je fais mon
calvaire, c’est Dieu qui l’a voulu… ». Ce mécanisme est plus retrouvé chez les
femmes âgées. La sublimation dans le travail est possible surtout chez les
patientes jeunes.
La dénégation est le mécanisme le plus fréquent. Elle signifie que le sujet
constate en même temps et nie la réalité. Il peut s’agir d’une patiente qui au lieu
de parler de ses troubles, se lance dans un monologue intarissable où défilent sa
vie, son passé, ses projets.
Les différents mécanismes s’intriquent les uns les autres chez le même malade.
L’un deux est souvent dominant. Cela tient de la structure de personnalité
préexistante.
Par ailleurs, les soignants aussi élaborent des mécanismes de défense.
Dans la maladie cancéreuse, les soignants sont les référents privilégiés de la
patiente et incarnent pour elle jusqu’au bout, cet espoir d’une possible guérison.
De ce fait, ils se trouvent confrontés en permanence à des situations difficiles et
éprouvantes. Souvent, démunis face à la souffrance psychique du malade, ils
sont désemparés par leur propre impuissance à accepter l’échec thérapeutique et
les limites de la médecine.
Pour se prémunir de ce désarroi et des angoisses conjuguées dont ils demeurent
la cible, ils instaurent des mécanismes.
Ces derniers s’apparentent souvent à des mécanismes de fuite.
Ainsi, ils peuvent user de mensonge. Ce mode de défense s’avère être le plus
dommageable à l’équilibre psychique du malade [30].
En effet, certes la violence de l’impact de la vérité dévoilée sans préalable
engendre toujours, par sa soudaineté, un effet de traumatisme insoutenable pour
le patient. Au contraire, en voulant l’apaiser par le mensonge, le soignant
neutralisera la montée progressive de l’angoisse, qui est protectrice par le biais
des contre-tensions qu’elle génère. L’angoisse permet au malade de s’ajuster
progressivement à la menace qui se profile.
La fuite en avant est aussi un mode de défense possible chez le thérapeute. Ce
dernier ne parvient pas à s’adapter au rythme du malade, ni à suivre les
bouleversements de son cheminement intérieur. Devançant toutes les questions
et brulant sans cesse les étapes, il s’empressera de tout dire. Il est comme
oppressé par le poids d’un secret non partagé dont il veut se libérer sur le champ.
Le retranchement derrière son savoir médical est également possible chez le
praticien. En adoptant un discours hermétique, il tente de neutraliser
l’expression de la souffrance de la patiente et pallie par là, même sa propre
angoisse. Ainsi, il parvient à établir un dialogue sans dialogue. Il apporte aux
questions trop embarrassantes de la patiente des réponses plus obscures qui ne
font qu’accroitre son malaise et sa détresse.
La réduction de la patiente à un simple cas clinique et à un dossier qu’il
consultera sans même un regard pour l’«Homme». Ainsi, il parviendra à oublier
ce dernier et sa souffrance.
Le soignant se doit d’identifier ses propres mécanismes, savoir les reconnaitre et
les accepter en tant que réponses légitimes à un surcroit d’angoisse. Ceci
engendre un certain assouplissement de l’intensité de ces derniers. En acceptant
de cheminer avec ses forces et ses failles, il va se révéler plus apte à reconnaitre
les mécanismes de défense du malade.
2.3-Le vécu de l’annonce diagnostique du cancer du sein
L’annonce diagnostique d’un cancer du sein ébranle la vie des patientes, elle
provoque une rupture dans la continuité de leur existence. (« Ma vie s’est arrêtée
à l’annonce de ma maladie… »). En effet, cette annonce agit comme « un
cataclysme ». Elle saisit la patiente et lui inflige « une douleur d’une extrême
violence ». C’est un traumatisme psychique qui « frappe l’individu au plus
profond de son être et fait résonner les blessures du passé ». Le retentissement
de cette annonce reste « imprévisible » [25].
Le vécu de cette annonce dépend de la personnalité de la patiente, de sa
représentation du cancer et du sein, de son histoire, de ses expériences et de la
période qu’elle est entrain de traverser. Plus rien ne sera comme avant.
Le mot « cancer » véhicule l’idée d’un « mal intérieur, d’un mal qui ronge et
incontrôlé par la médecine » [27]. Cette maladie est à la fois un fait et une
représentation. La patiente peut porter en elle cette maladie sans que cette
dernière ne se manifeste par des symptômes visibles. Face à cette situation
paradoxale, nous comprenons à quel point le diagnostic peut devenir iatrogène.
Le médecin annonce à la personne qu’elle est atteinte d’une affection
potentiellement létale, qu’elle devra subir divers traitements sans qu’elle ne
puisse se sentir malade. Le médecin devient l’ambassadeur de la réalité
médicale, légitimant la maladie. Cette annonce met à la fois la patiente et le
médecin dans une situation paradoxale. La patiente qui, pourtant se sent en
bonne santé, entre dans la maladie et le médecin qui par cette annonce fait du
mal à sa patiente alors que sa fonction première est de soigner et de soulager les
souffrances. (« J’ai cru qu’il parlait d’une étrangère…Je n’ai pas assimilé ni vu
la gravité de la situation »)
Le cancer bouleverse tant la dynamique que l’économie psychique de la
patiente, plus particulièrement son économie psychosomatique. Le gel des
processus de pensée est inhérent à l’annonce de la maladie et la sidération
émotionnelle qui suit, empêche pour un temps, le travail d’élaboration psychique
du traumatisme.
Face à l’annonce diagnostique du cancer du sein, la patiente et son entourage
sont « abasourdis. Certains disent même avoir eu le sentiment que le ciel
s’écroulait sur leur tête » [27]. De nombreux quiproquos peuvent perturber cet
entretien diagnostique ainsi que les futures relations soignant-soigné. Cette
situation particulière confronte alors la patiente mais aussi son entourage et les
équipes soignantes à une angoisse profonde.
2.4-Le cancéreux, son entourage et ses possibilités de réadaptation
La patiente atteinte de cancer est confrontée à la perte du sentiment
d’invulnérabilité et à la perte du sentiment identitaire sur le plan psychique.
Cette rencontre avec le cancer induit une rupture dans la vie du sujet et met en
jeu ses capacités d’adaptation [8]. Elles peuvent être débordées ponctuellement
ou durablement. Ceci donne lieu à différentes manifestations de détresse
émotionnelle.
Le cancer du sein requiert un effort continu d’adaptation tout au long de la
maladie. Le terme « adaptation » renvoie à l’idée d’une temporalité, d’une
réorganisation psychique nécessaire pour intégrer la représentation
bouleversante de la maladie. Il s’agit donc d’un processus dynamique, évolutif, à
ne pas rabattre du coté de la normalisation.
Les progrès de la science ont permis d’augmenter le nombre de patients en
rémission du cancer. Cette phase apparait comme une autre étape qui nécessite
aussi des efforts d’adaptation. Ces mêmes progrès ont permis de transformer le
cancer, de maladie bien souvent et rapidement fatale, en affection chronique
avec un avenir incertain.
Face à une réalité nouvelle, à un traumatisme, l’individu développera une série
de réactions cognitives, émotionnelles et comportementales. Elles lui
permettront d’évaluer les difficultés et d’y réagir. Soit elles favoriseront
l’adaptation de la personne, soit elles seront tenues en échec. Ces réactions
individuelles sont extrêmement diversifiées et dépendantes de facteurs multiples
tant sur le plan physique, psychologique que social.
En 1954, Clark soulignait le rôle de trois facteurs favorisant l’adaptation du
malade : l’attitude du médecin et de l’entourage, la psychologie antérieure du
patient, les facilités de soin et de traitement offertes [21].
L’entourage du cancéreux se sent souvent atteint dans sa sécurité affective,
s’identifie au malade ou au contraire se réfugie dans une attitude de refus,
d’inacceptation globale ou de démission.
La réadaptation du malade cancéreux dépend fortement de l’environnement
familial, du cadre socio-économique, des soins à domicile, de la rééducation au
travail et enfin de la psychothérapie. Cette dernière aura pour finalité
d’accompagner psychologiquement le cancéreux dans le vécu de ce
traumatisme.
3-Les enjeux psychiques
L’exigence en information des malades a beaucoup augmenté durant ces
dernières années.
D’un point de vue psychologique, l’information diminue l’angoisse générée par
l’incertitude et le sentiment de solitude engendré par le silence ou le mensonge.
Elle contribue à installer un climat de confiance entre le malade et le médecin.
Elle favorise l’adaptation aux traitements et l’anticipation des problèmes
susceptibles de se poser : nutrition, escarres par exemples.
Une bonne information permet d’éviter les confusions relatives aux sources
diverses que sont les médias, les amis ou les lectures personnelles.
Annoncer un cancer, c’est annoncer une mauvaise nouvelle et ne peut donc pas
être anodin.
L’annonce d’une maladie sollicite massivement l’imaginaire du malade et le
renvoie à des représentations qui lui sont propres, spécifiques de sa personnalité
et de son histoire de vie, mais aussi caractéristiques d’une époque, d’une société,
d’une culture.
A chaque époque, une maladie est venue cristalliser les angoisses d’une société,
une maladie le plus souvent insidieuse et toute puissante, irrémédiablement
porteuse de mort.
Le cancer est venu détrôner les figures du passé que représentaient les grandes
épidémies. Il véhicule une angoisse qui fait taire son nom, le mot est tabou.
La condition de l’être humain est d’être par essence mortelle. Dès que nous
venons au monde, nous sommes engagés dans un processus de vie que la mort
ordonne. Pourtant, la mortalité n’est pas éprouvée de l’intérieur. Elle ne nous est
pas représentable. Au fond, personne ne croit à sa propre mort. Dans notre
inconscience, « chacun de nous est persuadé de son immortalité » dira Freud
[10].
Le cancer, comme toutes les grandes affections, est bien une métaphore qui fait
se rencontrer vision archaïque et moderne du mal, une métaphore qui donne à
voir notre relation au monde d’aujourd’hui autant qu’elle met en évidence notre
fragilité d’individu.
L’annonce du diagnostic de cancer du sein agit comme un séisme. Elle saisit le
malade et lui inflige une douleur d’une extrême violence. C’est toujours un
traumatisme psychique.
La révélation de la maladie frappe l’individu au plus profond de son être et fait
résonner les blessures du passé. C’est pourquoi le retentissement de l’annonce
est imprévisible. Il dépend de la personnalité du sujet, de la représentation qu’il
se fait de la maladie et du sein, de son histoire, de ses expériences et de la
période de vie qu’il est entrain de traverser.
Que le diagnostic tombe brutalement sans que le malade n’ait été alerté par des
signes avant-coureurs, ou qu’il s’insinue au fil d’un tableau clinique plus ou
moins évocateur, c’est toujours l’idée d’une mort possible qui fait irruption dans
l’imaginaire du malade.
Plus rien ne sera désormais comme avant.
C’est dire à quel point le temps des premiers mots échangés autour de la
maladie, entre le médecin et le malade, est important. Ils marquent la relation
médicale d’une empreinte indélébile, qui conditionne l’histoire de la maladie en
train de s’écrire.
Il n’existe pas de bonnes façons d’annoncer une mauvaise nouvelle. Mais
certaines sont pires que d’autres, celles qui enferment le malade dans une
confusion par rapport à sa maladie, qui l’empêchent d’y réagir à sa façon, avec
ses propres défenses, celles qui assènent une vérité crue et brutale, inadaptée à
ses ressources du moment, celles qui ne tiennent pas compte de sa demande
implicite et du respect de sa personne.
Il appartient à chaque médecin, à chaque soignant, face à chaque malade de
saisir ce que celui-ci veut et peut entendre, à chaque instant, jour après- jour, car
il n’en a jamais fini avec l’annonce d’un cancer (annonce de la maladie, du
traitement, de l’arrêt du traitement, d’une récidive [24] ), de l’écouter et de
l’entendre, de s’ajuster au plus près à sa demande, de le suivre.
Le malade montre souvent la voie pour traverser ensemble l’épreuve en tant que
partenaires de soins et ouvrir vers un avenir et un espoir réalistes.
4- Les enjeux éthiques
Communiquer, mais surtout bien communiquer, dans une volonté de soutien
apparait comme un enjeu éthique. Le cancer envahit l’existence du sujet et le
soignant se doit de jouer un rôle de soutien au-delà de la compétence technique.
Le médecin qui délivre le diagnostic doit préserver l’autonomie de la patiente. Il
se met à l’écoute de tout ce qui est susceptible de préserver sa qualité de vie en
matière d’options thérapeutiques. Il préserve ainsi l’observance de la patiente et
donc ses chances de survie.
Il s’agit encore d’une écoute et non d’une délégation à la patiente de ce qui est
de l’ordre de la seule responsabilité médicale.
L’éthicien Geets rappelle que « la vérité assénée acquiert une signification
comparable au mensonge, impliquant le même refus d’accompagner le malade
dans son cheminement. Dans ce contexte, dire la vérité est une manière subtile
d’éviter l’angoisse de la rencontre de soi à soi au sein de la relation à l’autre »
[31].
L’inégalité, entre un médecin qui sait et un patient qui ne sait pas ou qui croit
savoir, est souvent responsable de difficultés éthiques avec des conséquences
parfois très préjudiciables sur le plan relationnel. Il appartient au praticien de
s’interroger tant sur les paramètres sous tendant cette verticalité (attitude de
paternalisme par exemple) que ceux permettant de réduire celle-ci (connaissance
et application de la législation concernant l’information à la patiente si elle
existe, implication des associations de malades, formation aux techniques de
communication).
Le repérage des dysfonctionnements de la communication tels que les messages
paradoxaux de type injonction ou le paralangage (mimiques, gestuelles,
euphémismes) lors des phénomènes d’annonce participe à la réflexion éthique. Il
a pour but de minimiser ou du moins, tenter de réguler l’impact traumatique de
l’annonce. Plusieurs niveaux éthiques peuvent être distingués lors de l’annonce
diagnostique :
-la divulgation d’une information respectant l’estime de soi, de la patiente et son
droit à l’information ;
-le respect et le maintien de l’autonomie de la patiente en lui faisant partager la
responsabilité des décisions la concernant (consentement informé ou choix
informé) ;
-la création d’une alliance thérapeutique fondée sur une confiance réciproque ;
-la délivrance d’une information optimale, c’est-à-dire adaptée à la patiente,
cohérente dans le temps, progressive et partagée, et surtout non désespérante ;
-le respect de la réticence de la patiente à recevoir une information pronostique.
Respecter ces différentes règles lors de l’annonce apparait comme le garant du
maintien de ce pacte de confiance entre le médecin annonceur et la patiente. Il
permet de rechercher, selon Paul Ricœur, « la juste distance entre points de vue
singuliers sur le front d’une compréhension partagée ». Régis Aubry nous
rappelle que « respecter l’autonomie d’un malade, c’est respecter son droit de
savoir » [28].
Le respect d’autrui et le maintien des valeurs humaines sont autant de piliers
éthiques guidant le praticien dans sa délicate mission d’annonce. C’est à ce prix
que le médecin pourra établir avec sa patiente une relation plus égalitaire, de
solidarité et de respect réciproque.
5- Le cadre de l’annonce
Pour beaucoup de malades, pour leurs proches aussi, l’annonce diagnostique de
cancer et la période qui l’entoure, constituent un traumatisme majeur.
Annoncer un diagnostic de cancer du sein revient à confronter la femme à une
double agression : celle de la maladie et souvent celle de l’acte chirurgical. Cette
situation couplée au fait que les seins sont le symbole de l’identité féminine,
engendre une détresse émotionnelle importante.
La représentation du cancer dépend de la représentation de l’organe atteint et de
son investissement par le malade. Le traumatisme psychique est d’autant plus
grand que l’organe est exposé au regard d’autrui. Peut-être, plus que n’importe
quel autre cancer, le cancer du sein menace la femme dans son intégrité
physique, psychique et sociale.
L’annonce du diagnostic va entrainer une situation de crise personnelle et
relationnelle. L’annonce de la maladie s’accompagne forcément d’un sentiment
de perte de sens dans le rapport avec l’avenir et devant l’existence. Cette
annonce peut s’avérer délicate pour le médecin, puisqu’il est lui aussi confronté
à la mort, mort de la patiente qui le renvoie à sa propre finitude. Il met
légitimement en place des mécanismes de défense.
En France, l’enquête « Parcours de femmes » a porté sur l’analyse de 2874
questionnaires adressés à des femmes ayant eu un cancer du sein pour 88% ou
un autre cancer gynécologique pour les autres [2]. Ce travail, bien que
comportant des biais méthodologiques, apporte plusieurs informations sur le
vécu des femmes lors de l’annonce sur le diagnostic.
L’annonce était vécue pour 78% d’entre elles comme un choc brutal qui les
confrontait à l’angoisse de leur propre mort. Parmi les femmes opérées, 26%
avaient l’impression qu’une partie de leur féminité leur avait été enlevée et que
leur image était altérée. Le sentiment de perte de féminité et de séduction était
bien plus présent chez les personnes jeunes. A l’annonce du diagnostic, deux
tiers des femmes estimaient que le médecin leur avait dit la vérité, leur avait
donné de l’espoir quant à l’évolution de la maladie et leur avait correctement
expliqué le traitement. Cependant, plus de 50% des femmes souhaitaient des
améliorations sur les informations et des explications sur les décisions
thérapeutiques. Un tiers des femmes désiraient participer aux choix
thérapeutiques. Leur demande de participation était plus fréquente si elles
étaient jeunes et actives et habitaient dans de grandes villes ou vivaient dans un
milieu moyen ou aisé.
Cette enquête concluait que l’amélioration de la prise en charge et de l’accueil
passe par l’information des malades et la formation des équipes soignantes.
De nombreuses études ont en effet montré que les patientes souhaitaient, la
plupart du temps, avoir des informations précises sur le diagnostic, le traitement,
le pronostic de la maladie et désiraient participer aux décisions thérapeutiques
[2].
L’annonce est un moment clé dans la relation médecin/malade qui déterminera
profondément les rapports de confiance mais aussi la compliance aux
traitements et le vécu de la maladie.
Les insuffisances dans la façon dont il est encore souvent procédé à cette
annonce ont été soulignées avec force par les malades et leurs représentants au
cours des dernières années, notamment lors des premiers états généraux des
malades du cancer, en 1998 [15]. Les malades avaient pointé l’absence
d’organisation et de formation de beaucoup d’équipes hospitalières. C’est dire
l’importance du cadre.
5. 1- Le cadre légal
En France, la loi du 4 Mars 2002 trouve sa genèse dans les états généraux de la
santé de 1998. En effet, ce message quasi unanime des malades « nous voulons
être considérés comme des personnes », mais aussi, et déjà, une crainte des
professionnels qui ont constaté une exigence croissante de qualité et de non
risque des « usagers »ont eu écho favorable auprès des décideurs.
Cette loi est relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Elle est appelée « démocratie sanitaire ». Elle précise et explicite les droits des
malades. En qualité de personnes, elles ont droit à la dignité, à la non
discrimination et au secret médical. En qualité d’usagers, ils doivent devenir
partie prenante de manière active au système de santé : l’information a priori et à
postériori et le consentement en font de véritables partenaires de la décision
médicale [22].
Dans notre pays le Sénégal, beaucoup d’avancées sont à faire dans ce domaine
pour arriver au patient, partenaire du système de santé et à une relation
médecin/malade plus humanisée. En effet, le médecin et de façon générale
l’acteur de santé ne devrait plus se positionner en détenteur d’un savoir absolu
qu’il impose au demandeur de soins, être humain en souffrance. Il devrait plutôt
accepter de perdre son pouvoir et l’associer à la démarche de soins.
5.2-Les préalables
L’annonce se prépare. Elle nécessite certains préalables.
Les conditions matérielles de l’annonce sont très importantes :
- disposer d’un bureau fermé, calme et confortable
- pouvoir annoncer sans être dérangé
- avoir relu correctement le dossier et avoir connaissance du prénom et du nom
de la patiente
-consacrer à cet entretien un temps suffisant (au moins 30 minutes)
Un bureau est, en effet, l’endroit le mieux adapté car une pièce isolée permet le
respect de la vie privée de la patiente. La patiente doit pouvoir s’approprier
l’espace, calme et silencieux, propre et confortable afin que ce lieu libère et
favorise les échanges. La patiente est habillée, assise confortablement sur un
siège dont la hauteur est équivalente au fauteuil du médecin. Le fait de s’asseoir
face ou à coté de la patiente favoriserait une perception positive du médecin. Le
malade y verrait un comportement bienveillant. La compréhension de la patiente
serait améliorée par la proximité du médecin dans l’espace [5].
Elle peut être accompagnée par un proche si elle le désire.
Le temps de l’annonce doit être suffisant pour que la patiente perçoive que le
praticien à du temps à lui consacrer. En France, la Ligue Nationale Contre le
Cancer recommande que le temps d’annonce d’une mauvaise nouvelle soit d’au
moins 30 minutes [5]. Il ne doit, non plus être trop long car ceci augmenterait
l’anxiété : « Il m’a consacré beaucoup de temps, alors ma maladie doit être
grave ».
En définitive, ce qui compte c’est la qualité de la relation, l’intensité de l’instant
partagé.
5.3-Qui annonce?
Le médecin référent ou un responsable permanent du service où la patiente est
suivie. Il pourra ainsi revoir la famille à la demande.
Il est préférable de se donner le temps de connaitre un peu la famille (niveau
social, expérience de la maladie en général, du cancer du sein en
particulier…) Des liens devraient déjà exister avec le médecin.
5.4- A qui annoncer?
L’annonce est faite à la patiente seule ou accompagnée d’une personne proche
de son choix
5.5- Techniques de communication
Elles sont des outils facilitant l’annonce. Elles ne remplacent en aucun cas la
qualité de la relation. Cette dernière est basée sur notre sincérité (authenticité,
congruence), notre mode de communication et notre savoir être (la façon d’être
dans le monde ici et maintenant).
La préoccupation majeure est de mener à bien une bonne communication. Une
communication est pertinente lorsque le message émis correspond au message
reçu. Il y a distorsion quand le message exprimé par une personne ne correspond
pas à celui reçu par l’autre ou les autres. Cet état de distorsion peut déjà exister
entre ce que le locuteur pense et ce qu’il dit, puis entre ce que l’interlocuteur
reçoit comme message et ce qu’il en comprend.
5.5.1-La communication verbale
Elle est basée sur le langage verbal qui correspond au contenu du discours. Elle
obéit à un vocabulaire et des règles de grammaire précis. Toute la difficulté de
ce langage est de s’adapter à l’interlocutrice-patiente.
Il est nécessaire d’utiliser des mots appropriés dans un vocabulaire adéquat, qui
permettront à la patiente de comprendre les propos de l’annonceur. Pour ce faire,
il faut se mettre au niveau de compréhension de la patiente tout en ne perdant
pas la pertinence de l’information à transmettre. D’autre part, il est important de
s’adapter au diagnostic et à la conduite à tenir. Enfin, il faut tenir compte des
circonstances de l’entretien.
Les phrases brèves et la présence de pauses sont nécessaires à une bonne
transmission du message. D’une manière générale, l’interlocutrice ne retient pas
tout ce qui lui est transmis quand plus de trois informations sont communiquées
dans un temps relativement court. A ceci s’ajoute le contexte anxiogène de
l’entretien qui peut augmenter considérablement les risques de distorsion du
message.
5.5.1.1- La reformulation
Une composante majeure de la communication verbale vient renforcer la
compréhension du langage verbal durant l’entretien médecin-patiente. La
reformulation est une reprise des mots de la patiente par le médecin. Cette action
de reprendre, de reformuler laisse au médecin le temps de réfléchir, et à la
patiente de ressentir en elle comme un accord entre le sens qu’elle donne aux
paroles entendues et son expérience sensible.
Elle peut prendre plusieurs aspects comme par exemple la reformulation-reflet
qui est une paraphrase du discours de la patiente, ou bien encore la
reformulation-clarification proprement dite qui consiste à mettre en lumière et à
renvoyer au sujet le sens même de son discours. Il y a ainsi congruence et
consonance entre ce qui est dit et ressenti.
Elle ne peut constituer la seule forme de communication médecin/patiente.
Durant l’entretien, des questions ouvertes et fermées sont posées.
Ces dernières sont formulées de telle sorte que la réponse ne peut être donnée
que sur un mode dichotomique (par exemple oui /non, toujours/jamais…). Ce
type de questions à l’avantage de fournir une réponse claire et précise. Mais, il
ne permet en aucun cas à la patiente de pouvoir exprimer ses émotions, son
ressenti ou même d’introduire spontanément une question dans son discours.
Les questions ouvertes laissent à la patiente la possibilité d’une réponse plus
longue et non dichotomique.
Il convient donc durant l’entretien d’associer des questions ouvertes et fermées
afin d’une part de ne pas avoir un entretien qui ressemble à un
interrogatoire « policier » et d’autre d’avoir une idée heuristique de la patiente,
de sa compréhension de ce qui a été changé et de son vécu affectif et
émotionnel.
5.5.1.2- La pause dans le discours
Il s’agit d’un moment délicat, mais nécessaire dans la communication verbale
car faire une pause induit un temps de silence, de non-parole.
Il est difficile de supporter un silence car il est toujours chargé de sens. Cette
peur du silence dans une relation duelle peut être polysémique.
Ainsi, elle semble vécue comme une peur du vide, un phénomène du néant,
générateur alors d’angoisse. Mais le silence peut également induire une
impression de perdre son temps, et engendrer de l’impatience.
Il est parfois identifié à un sentiment d’inefficacité personnelle et déclencher la
sensation d’anéantissement personnel ou de culpabilité. La patiente peut avoir
peur d’être jugée par le praticien et s’enfermer dans ses pensées, son mutisme et
cela sans explications.
Mucchielli décrit le silence comme « une peur magique », comme si le silence
« portait en lui une menace, le signe précurseur d’une explosion prochaine ou
d’une catastrophe cosmique » [4].
Laisser place au silence est essentiel car son utilité et son sens seront différents
selon les situations.
Il permet à la patiente de mettre de l’ordre dans ses idées et de libérer ses
émotions. Respecter ce silence est nécessaire car c’est un élément facilitateur de
compréhension et de mémorisation. Le praticien séquence alors son discours
pour mettre en exergue les informations principales de la consultation.
Le silence est un modulateur de la communication. Paroles et silences
s’entrelacent pour concourir à la respiration de l’échange. Lorsque la personne
se tait, elle n’en communique pas moins.
5.5.1.3- L’écoute
Elle est associée en communication à la qualité de réception d’un message.
Elle est pertinente lorsque le message reçu par une personne correspond au
message émis.
Un médecin, en relation avec son patient, ne reçoit pas passivement son
discours. Il va, de façon consciente ou pas, mettre en place un ensemble
d’attitudes verbales et non verbales qui vont favoriser ou pas l’expression de son
interlocutrice.
5.5.1.3.1- L’écoute participante
Il s’agit d’une écoute qui facilite la communication grâce à des encouragements
verbaux (petits mots) ou non verbaux (hochements de tête). Cette écoute va
inciter la parole de la patiente et l’aider à exprimer ses demandes et ses ressentis.
Ce type d’écoute permet d’améliorer qualitativement et quantitativement les
informations reçues en mettant à l’aise son interlocutrice.
5.5.1.3.2- L’écoute active
Elle est fondée sur trois attitudes :
-l’attitude facilitatrice permet à la patiente d’exprimer ce qu’elle ressent par la
reformulation ;
-l’attitude impliquée souligne que le médecin est concerné par les propos de la
patiente, qu’il est centré sur la patiente et sur sa vie ;
-l’attitude compréhensive montre au patient que nous sommes proche de lui, que
nous sommes au plus près de sa réalité.
Elle permet de s’assurer que les pensées exprimées par la patiente correspondent
à sa perception des faits. Elle est aussi éclairante de la composante non verbale
perçue (moue de la patiente, regard, etc.).
Le praticien peut vérifier le contenu de son message en reformulant et en faisant
un résumé. Il peut aussi demander à la patiente de répéter ce qu’elle a compris,
de verbaliser les perceptions du langage non verbal exprimé afin d’éviter les
déformations ou les interprétations erronées.
Cette phase est très importante car les insatisfactions des patientes sont
généralement dues à un dialogue et à une écoute inadéquats qui entrainent une
incompréhension.
L’écoute a une fonction évaluative, informative et régulatrice de la relation. Elle
permet de laisser du temps à la patiente pour entendre ce qui lui est dit, de poser
des questions.
Ce don de temps permet réellement une construction de l’échange dans
l’interaction et non plus uniquement dans un but d’information.
Elle permet au praticien d’adapter son discours par un effort de synthèse et de
mise en exergue des messages importants à retenir pour la patiente. La clôture
d’un entretien doit s’effectuer par un résumé de ces informations majeures afin
d’être dans une réelle interaction avec l’autre.
5.5.2- La communication non verbale
Lors de la relation médecin-patiente, il y a des paroles qui sont échangées et de
nombreux signes sans paroles qui sont aussi un langage.
La patiente a tendance à chercher des informations via la communication non
verbale du médecin. Ce type de communication aurait comme fonction de
faciliter et de favoriser une relation directe et intime qui induit un sentiment
d’affiliation, d’empathie et de confiance. Il a un rôle sur la compréhension et la
mémorisation des informations.
La communication non verbale augmente la compliance de la patiente et son
niveau de satisfaction.
Le langage non verbal est constitué par un ensemble d’éléments.
5.5.2.1. Le contact visuel
Il est à privilégier pour souligner une information importante, lors de l’écoute et
lorsque le médecin désire donner la parole.
Il est chargé d’émotions, il est donc important de ne pas fixer des yeux
longtemps afin d’éviter de gêner son interlocutrice. Un contact visuel soutenu
est intrusif et peut donc augmenter l’anxiété. Une cause d’échec lors de la
communication est l’évitement du contact visuel du médecin vis-à-vis de sa
patiente. Des patientes ont tendance « à lire dans le regard du praticien » [5].
Ceci les amène à créer des perceptions et des représentations personnelles. Ces
interprétations peuvent induire une distorsion de l’information.
5.5.2.2. L’expression faciale
Elle est recherchée par la patiente, notamment avant l’annonce du résultat afin
d’anticiper le diagnostic.
Le sourire est un moyen d’entrer en contact avec une personne. Il doit être à la
situation, ne pas être stéréotypé mais naturel, sincère, empathique. La présence
d’expressions faciales et un hochement de tête pendant le discours d’une
patiente sont des signes d’encouragement à la communication verbale et des
marques probantes d’empathie et d’écoute.
5.5.2.3. La posture et la distance interpersonnelle
Elles vont interférer sur la relation directe et intime. Les postures les mieux
adaptées sont celles dites ouvertes. Elles comportent l’orientation du visage et
du corps vers la patiente, une inclinaison discrète du buste en avant, les
membres symétriques non croisés et un contact visuel fréquent.
Les comportements d’affiliation comme le regard, le sourire, l’émission de
signes d’attention, l’inclinaison de la tête seraient des renforçateurs positifs de la
communication.
Une gestuelle importante du praticien peut témoigner de l’anxiété d’être débordé
par ses propres affects ou par les émotions de la patiente.
La distance interpersonnelle varie en fonction des cultures.
En Europe, elle se situe entre 1m et 1,5m [5]. Au Sénégal, l’expérience nous
montre que cette distance est beaucoup moindre.
Elle est un langage à part entière car toucher ou ne pas toucher, être distant ou
proche, est un élément facilitant ou bloquant la relation. Elle est optimale
lorsque nous sommes à l’aise avec notre interlocutrice mais elle dépend aussi de
la situation et de la patiente.
Il est important de s’assurer que celle-ci est satisfaite de la distance choisie.
Dans certains cas, il est utile d’aller jusqu’à toucher la patiente, par exemple
pour montrer son empathie dans un moment difficile pour elle. A l’inverse, des
contacts corporels excessifs auraient comme effet de rendre la patiente moins
satisfaite et induiraient une diminution de la compréhension.
5.5.2.4. La voix
Elle transmet des émotions et exprime des sentiments à notre insu. Les éléments
les plus prégnants qui caractérisent la voix sont : le volume sonore, le timbre ou
hauteur tonale, le débit verbal et l’articulation.
Dans notre culture sénégalaise, une personne parlant avec un volume sonore
suffisant pour être entendue sera considérée comme sûre d’elle. A contrario,
quelqu’un s’exprimant avec un faible volume sonore sera jugé peu sûr de lui. Le
volume sonore doit toujours être adapté à la situation.
La hauteur tonale correspond à l’utilisation des graves, des aigus et à leur
modulation. Un timbre de voix grave est généralement plus sécurisant. Il induit
une perception de calme et de sérénité par rapport à un timbre de voix plus aigu.
L’art est donc dans la modulation des graves et des aigus en fonction du
contexte. La production d’un changement d’intonation entraîne une meilleure
attention et améliore la compréhension de la patiente.
Le débit verbal est le plus souvent lié à l’articulation des mots. Si l’articulation
est précise, les mots sont plus distincts et le débit verbal plus adapté, la
communication sera ainsi facilitée et la compréhension meilleure. Il est
influencé souvent par les émotions, ainsi le praticien se doit de garder un affect
le plus neutre possible dans sa relation. Nous évoquons ainsi le concept de
neutralité positive. Ceci ne témoigne pas d’un manque d’empathie mais d’une
attention particulière à l’autre.
Par la communication non verbale, le médecin et la patiente négocient leur
participation active ou non à la relation.
L’empathie est la capacité à être branché à la réalité de l’autre c’est-à-dire avoir
une idée concrète de sa vie, et la capacité de pénétrer dans l’univers subjectif de
l’autre tout en gardant son sang-froid et la possibilité d’être objectif. Elle est la
clé de voûte de l’échange et de la communication patient/médecin. Elle doit être
étayée avec de l’authenticité c’est-à-dire le fait de se sentir à l’aise tant avec la
patiente et ses émotions, qu’avec ses propres émotions et son propre malaise.
Etre authentique dans une relation permet au médecin de ne pas être paralysé par
les affects de sa patiente.
La connaissance de tous ses facteurs permettrait d’améliorer la qualité de la
communication et de la relation médecin /patient.
6- L’annonce de cancer du sein en pratique
6.1- Les préliminaires
La période d’investigation doit permettre d’instaurer un lien avec le malade et
d’apprécier avec lui ce qu’il souhaite savoir du diagnostic quand celui-ci pourra
être posé. Le médecin doit garder à l’esprit que la volonté du malade est
rarement claire et définitive. Son sentiment par rapport à l’envie de savoir est
souvent ambivalent et fluctuant.
Quand cela est possible, nous demandons à la patiente si elle souhaite la
présence d’un proche à ses côtés, en tant que soutien affectif. Ce dernier pourra
relayer l’information auprès du malade et reprendre plus tard les paroles du
médecin et les explications. Lors de l’annonce du diagnostic, le malade souvent
saisi par la nouvelle, n’entend plus les mots du médecin, les explications et les
commentaires. L’émotion envahit tout, il est dans la sidération. Le médecin
choisit un lieu et un moment adaptés pour annoncer le diagnostic afin de ne pas
être dérangé. Il évite les veilles de week-end et les fins de journées, toujours plus
anxiogène pour les malades [24].Quelque soit le contexte, le médecin s’assied
pour parler en essayant de se situer au même niveau que le malade (niveau du
regard) et de supprimer les objets qui pourraient créer une barrière entre lui et le
malade (éviter d’être séparés par le bureau). Il est préférable d’éteindre une
éventuelle télévision ou radio et le téléphone portable. Ces préliminaires servent
à montrer la disponibilité du médecin pour sa patiente.
Des études montrent en effet que le patient a l’impression d’être mieux écouté et
entendu et que l’entretien dure plus longtemps lorsque le médecin est assis [24].
Certains médecins prendront l’initiative d’un contact physique, serrer la main ou
toucher une épaule, pour signifier leur empathie, leur engagement auprès du
malade.
6.2- Ecouter la patiente : le questionnement
-Que sait-elle déjà ? Que connait-il de sa maladie, de son évolution possible ?
Comment s’exprime-t-il, avec quelles émotions, celles exprimées verbalement
et celles exprimées par le corps : il se tord les mains, il est crispé ou détendu sur
son siège, pleure…
-Que veut-elle savoir? C’est l’un des moments les plus délicats de l’entretien.
La patiente souhaite-t-elle ou non connaître la vérité ? Et à quel niveau désire-t-
elle obtenir l’information ? La réponse du thérapeute ne peut que s’ajuster à sa
demande.
Face à une patiente qui exprime le désir de ne pas être informée sur son état de
santé, nous gardons la possibilité de communiquer sur les traitements
envisageables et les soins dont elle peut bénéficier.
-Comment l’écouter? Assis et aussi détendu que possible, pour préparer
l’écoute, le médecin commence par interroger le malade. Il le laisse parler sans
l’interrompre, l’encourage à continuer. Il s’agit là d’une écoute active qui
développe l’empathie avec la patiente.
Pour que celui-ci comprenne qu’il a été entendu, le praticien peut répéter ou
reformuler ce que vient d’exprimer le malade. Il lui adresse ainsi des signes de
compréhension. Il le laisse formuler sa demande, ses interrogations, ses
émotions, sans jugement ni commentaires. Parfois, le respect du silence est
salutaire.
Quand le médecin a perçu la demande et les besoins du malade, il est prêt à
communiquer l’information.
6.3- La communication de l’information
Il est préférable, avant de donner des informations à la patiente, d’avoir une idée
précise des objectifs à atteindre en fin d’entretien.
A ce moment, le professionnel de santé a déjà pris connaissance de l’état
d’information du malade et de sa demande. Il est en mesure de s’aligner sur le
point de vue de la patiente et de reprendre ses termes. Il lui montre ainsi que ses
propos sont pris au sérieux, entendus. Ceci éveille chez cette dernière un
sentiment de proximité et l’envie de faire confiance à son interlocuteur.
Le médecin va procéder par petites étapes pour diffuser l’information. Il va
donner à la patiente des bouts d’information « digérables ».
L’utilisation d’un langage aisément compréhensible favorise la communication.
Le recours au jargon médical exclut la patiente. Il n’est pas inutile de contrôler
la compréhension du malade, de répéter les messages, éventuellement d’écrire
ou d’éclaircir les explications par un dessin, de s’enquérir de questions
éventuelles, de le laisser prendre la parole, faire des pauses, exprimer ses
émotions.
En même temps que le praticien divulgue l’information, il reste à l’écoute
constante du malade et ajuste son discours à la demande implicite de son
interlocutrice. Il se laisse diriger par lui. Il guette la question dissimulée et incite
le malade à exprimer ses préoccupations « inavouables ». Certaines patientes
sont, par exemple, plus préoccupées par la perte de leurs cheveux à l’occasion
d’une chimiothérapie que par l’évolution de la maladie elle-même.
Il convient de rechercher ses préoccupations et de les reconnaître ouvertement
pour renforcer la confiance du malade et sa réassurance.
6.4- Quelles sont les informations importantes à fournir ?
Ceux sont celles que demande la patiente et celles qui la concernent surtout à
court terme.
Envahie par l’émotion, la patiente ne retiendra de ce premier entretien
d’annonce diagnostique qu’une infime partie. Il est inutile de la noyer de détails
qu’elle n’entendra pas. Elle se souviendra, en revanche, avec plus de précision
de la communication non verbale, celle des postures, des gestes, de l’expression,
de l’environnement : « le médecin était distant », « le téléphone n’a pas arrêté de
sonner »…
Elle ne se souvient pas forcément des paroles, mais elle retiendra toujours la
« musique » de cet instant où le cancer lui a été annoncé.
Un deuxième rendez-vous s’impose, lorsque cela est possible, pour compléter
l’information de l’annonce.
La patiente a besoin de temps pour intégrer la nouvelle, s’adapter, discuter et
réfléchir sur son traitement, en connaissance de causes.
6.5- Réponses aux sentiments des patientes
La verbalisation des émotions est une étape déterminante de l’entretien. La
phrase clé pourrait être : « Que ressentez-vous en ce moment ? »
Il s’agit de comprendre la réaction de la patiente, parfois agressive, sans la
prendre pour soi, le but est de valider ses émotions, sans les juger, sans tenter de
les réprimer et ensuite de les nommer « Je vois à quel point c’est difficile pour
vous ». Cette connotation positive est indispensable pour montrer à la patiente
que ses ressentis sont respectés.
Le malade peut exprimer toutes sortes de sentiments, froideur, révolte,
tristesse…et souvent culpabilité. Son image est dévalorisée et il craint souvent le
regard des autres, de ses proches, conjoint, enfants, mais aussi des collègues de
bureau.
En exprimant ses émotions face au soignant, qui sait les accueillir, il peut
reprendre une forme de confiance.
Par des gestes simples, tendre un mouchoir à un malade qui pleure, le toucher,
se rapprocher de lui, le médecin donne au malade l’autorisation d’exprimer sa
souffrance.
6.6- Préparer l’avenir
La patiente attend de son médecin qu’il l’aide à mettre de l’ordre et peut-être du
sens, dans tout ce trouble, et qu’il propose une marche à suivre.
A ce stade, l’alliance passée entre soignants et malade est déterminante. La
patiente a besoin d’être accompagnée et écoutée pour envisager son avenir.
Le rôle de soutien du médecin ne s’arrête pas à l’issue de l’annonce
diagnostique de cancer. Le praticien n’en finit jamais avec les annonces,
chacune des étapes clés de l’histoire d’un cancer peut susciter un traumatisme
psychique, que le médecin doit être en mesure d’anticiper et d’accompagner.
Un contrat est à sceller entre médecin et patiente afin de repenser la vie de cette
dernière, et d’élaborer un futur. Le médecin s’adresse à la personne non plus en
tant que « patient » mais partenaires de soins.
7-Expressions autour de l’expérimentation du dispositif d’annonce
En France, en 2003 une enquête a été réalisée sous forme d’entretiens avec des
professionnels de santé ayant développé de bonnes pratiques en matière
d’annonce du cancer [6].
Elle a permis d’identifier un certain nombre de critères qui contribuent à la
qualité de l’annonce.
Pour ces professionnels interrogés, l’amélioration de la qualité de l’annonce
passe par la nécessité d’améliorer les communications des praticiens en amont
des consultations d’annonce. Une prise de contact avec le médecin traitant ou
référent peut permettre de prendre en compte les dimensions personnelles du
malade. Ces dernières peuvent influencer les choix thérapeutiques. Dans notre
contexte sénégalais, ceci peut s’avérer dans certains cas très difficile voire
impossible. En effet, beaucoup de patientes n’ont pas de médecin traitant
identifié mais aussi les références sont parfois anonymes ou incomplètes (le
contact du référent).
Cette amélioration passe aussi par la formation et la recherche dans le domaine
de la communication avec les malades du cancer en général. Pour le moment,
dans notre formation de praticien sénégalais un tel module n’y est pas encore
intégré alors qu’en France cette connaissance est exigée à l’examen national
classant en fin d’études médicales.
Le dispositif d’annonce a été expérimenté dans 58 établissements français
volontaires entre juin 2004 et mai 2005. Le témoignage des équipes hospitalières
souligne l’impact très positif du dispositif d’annonce, tant pour ce qu’il apporte
aux professionnels que pour ce qu’il procure aux patients [33].
7.1- Les bénéfices pour les professionnels
Le dispositif permet de renforcer la collaboration entre soignants. Il facilite la
communication interne, donne de la cohérence aux actions engagées par une
meilleure répartition des tâches entre les différents acteurs. Il permet aussi la
reconnaissance de certains acteurs de la prise en charge dont l’action était mal
identifiée. Le travail du psychologue ou psychiatre dans l’équipe permet
d’évoluer dans l’écoute et la communication avec le malade. Enfin, il reconnaît
et valorise le temps relationnel avec le patient.
7.2- Les bénéfices pour les patients
Il permet d’établir une plus grande relation de confiance entre praticiens et
patients. Il donne aux patients un sentiment de sécurité et contribue à ré-
humaniser les soins.
La concertation, l’information, la disponibilité, l’écoute, le calendrier de soins,
l’identification des personnes ressources sont des points de repères essentiels
pour le patient.
Il atténue le choc de l’annonce lorsqu’il a permis d’établir une relation de
confiance, lorsque les consultations sont réalisées dans un cadre sécurisant,
lorsque l’information donnée tient compte de l’envie et de la capacité de savoir
du patient, enfin lorsque l’annonce est reliée à un traitement possible.
DEUXIEME PARTIE:
NOTRE ETUDE
1. METHODOLOGIE
1.1-Cadre de l‘étude
L’étude s’est déroulée à l’Institut Curie du Centre Hospitalier National
Universitaire Aristide Le Dantec de Dakar sur une période de deux mois : 9
mars – 13 mai 2009.Il s’agit d’un hôpital général. Le service de cancérologie
comporte une unité de consultations externes, une unité de chimiothérapie, une
unité de radiothérapie, des salles d’hospitalisation et un bloc opératoire.
1.2-Type d’étude
Il s’agit d’une étude qualitative.
1.3- Population d’étude
Elle est constituée par un échantillon de 11 patientes de différents âges qui
consultent dans le cadre de leur suivi de cancer du sein. Nous nous sommes
présenté comme médecin psychiatre réalisant une enquête avec l’accord de
l’institut Curie. L’objectif de la recherche a été présenté aux patientes :
permettre aux professionnels de santé impliqués dans le processus d’annonce de
mieux connaître le vécu et les attentes des patientes lors de l’annonce
diagnostique du cancer du sein. Nous ne connaissions pas les patientes. Leur
profil obéit aux critères suivants :
Avoir bénéficié d’une annonce de sa pathologie
Accepter de participer à l’étude
Pouvoir être joignable par téléphone
Pouvoir venir un jeudi seule ou accompagnée par une à deux
personnes pour l’entretien
1.4- Méthodologie
Elle est axée sur une approche par des entretiens. Nous nous sommes aidé d’un
guide d’entretien afin de sécuriser le cadre de l’entretien. Ce guide comporte 38
items. Il s’agit d’entretiens semi-directifs avec la patiente elle-même, seule ou
accompagnée, permettant de recueillir sa perception de la relation avec le
praticien lors de l’annonce diagnostique du cancer du sein. Ils permettent
également d’identifier leurs attentes, leurs satisfactions, leurs déceptions et leurs
souhaits. Les patientes n’ont été vues qu’une seule fois en entretien. Nous avons
opté pour la conduite d’entretiens semi-directifs car nous souhaitons privilégier
l’expression spontanée des patientes.
Les patientes ont été choisies au hasard. Nous assistions aux consultations de
cancérologie de patientes suivies en ambulatoire et nous nous rendions aussi en
unité de chimiothérapie. Nous donnons aux patientes une information éclairée
sur notre étude et ses finalités à court et moyen terme. Nous garantissions aux
patientes la confidentialité et le caractère anonyme de l’étude. Après le recueil
de leur consentement, nous convenions d’un rendez-vous avec elles au
téléphone selon leur disponibilité. Elles pouvaient venir seules ou accompagnées
d’un ou de deux proches si elles le souhaitaient.
1.5- Contraintes
La première difficulté à laquelle nous avons été confronté est l’éloignement de
beaucoup de patientes par rapport à l’hôpital. Aussi, elles avaient des difficultés
à revenir à l’hôpital pour l’entretien. En effet 02 patientes n’ont pas pu venir à
cause de l’éloignement (Mauritanie, Richard Toll).
Ensuite, la disponibilité de cadre approprié pour l’entretien a aussi constitué un
écueil. Pour certaines patientes la lourdeur de la chimiothérapie les empêchait de
pouvoir revenir pour l’entretien. Nous avions convoqué 01 patiente qui n’ont pu
venir le jour, suite aux effets secondaires des médicaments.
Pour d’autres patientes le contact téléphonique n’a pas été possible, soit elles ne
disposaient pas elle-même de téléphone et ont donné le numéro d’une autre
personne, soit le contact téléphonique ne passait pas. 02 patientes n’ont pu être
jointes au téléphone.
Un autre obstacle a été la peur de certaines que leur identité soit dévoilée aux
médias malgré que nous leur ayons garanti la confidentialité. 01 patiente a
refusé de participer à l’étude par crainte que son nom soit divulgué malgré nos
assurances de confidentialité.
Au total, des 18 patientes initialement sélectionnées, nous n’avons pu nous
entretenir qu’avec 11 patientes.
2- Résultats
Entretien 1 M.C.
Notre premier entretien s’est déroulé avec la dame M.C. Elle est âgée de 58 ans.
Elle est née d’un ménage monogamique. Ses parents étaient de confession
musulmane. Elle est l’aînée d’une fratrie utérine de 07 enfants dont 04 garçons
et 03 filles. Elle vit dans le village de Gabou dans le département de Bakel. Ses
parents sont respectivement décédés en 1990 et en 1999. Les frères et sœurs de
M.C. sont respectivement :
Samba est marié et vit en France avec sa femme depuis plusieurs années. Il
garde un contact régulier avec la patiente. Il est un soutien financier et
affectif pour la dame M.C.
Demba est marié et vit au village. Il ne travaille pas.
Issa est marié et vit en France avec sa femme. Il maintient également un
contact régulier avec sa sœur aînée.
Tapa est célibataire et vit à Dakar. Il est animateur radio.
Kanthouma est mariée et vit au village. Elle ne travaille pas.
Maabe est mariée et vit au village.
M.C. est mariée depuis 1974. Elle est la première épouse de son mari, bigame.
Elle est la mère de 09 enfants.
Elle est venue ce jour accompagnée de la femme d’un cousin et du frère de
son mari. Elle est bien habillée. Elle est grande de taille et de teint noir. Sa
mimique est expressive. Elle s’exprime de façon très posée. Elle réside à
Grand Yoff quelques jours au moment des rendez-vous avec son médecin
traitant ou pour ses séances de chimiothérapie. Elle est ménagère. Elle n’a
jamais été à l’école occidentale par contre elle a appris le coran.
Elle considère les seins comme symbole de féminité et de maternité. Dans son
discours, elle dit d’abord ignorer sa maladie puis elle revient dessus.
Elle nous dit «…C’est une aide infirmière qui m’en a parlé dans l’enceinte
même de l’hôpital Dantec, le médecin ne m’avait rien expliqué. Pourtant,
j’aurais voulu que ce soit le médecin qui m’explique tout, me le dise
clairement lors des premières consultations. » . Elle serait au courant de sa
maladie depuis Août 2009, avant qu’elle n’est débuté sa chimiothérapie.
Ce jour, nous a-t-elle expliqué elle avait ressenti un énorme choc et se
demandait si elle allait guérir. Elle a beaucoup pleuré et a aussitôt pensé à ses
enfants. Elle ne connaissait pas le cancer du sein auparavant mais pourtant
elle savait que c’est une maladie grave. Elle aurait aimé que son médecin lui
en parle d’abord et lui explique la maladie, les traitements et les effets
désagréables de ces derniers. Elle ne croit pas qu’elle puisse guérir ni avec la
médecine traditionnelle, ni avec la médecine moderne. Elle s’en remet à Dieu.
Elle n’aurait pas souhaité, si le médecin devait le lui annoncer, qu’il le dise
d’abord à son mari car dit-elle « c’est ma santé… ». Elle ne regrette pas,
même dans ces conditions, d’avoir appris sa maladie car « c’est tout à fait
normal de connaître ce que l’on a pour pouvoir se traiter ». Elle se dit
chanceuse car sa famille la soutient énormément sur le plan financier mais elle
souhaiterait être soutenue psychologiquement aussi.
Commentaire 1
La dame M.C évolue dans une famille avec une bonne dynamique
relationnelle. La patiente est soutenue à la fois financièrement et affectivement
par ses frères et sœurs. Elle vient à l’entretien accompagnée d’un beau frère et
d’un cousin. Nous avons senti une mobilisation de la famille autour d’elle,
peut-être là, la source de cette assurance qui l’anime. Son élocution est posée,
elle est élégamment habillée.
Elle tente de refouler sa maladie. Elle déclare l’ignorer dans un premier
temps. Puis secondairement, la réalité émerge, alors nous la sentons
soucieuse. Est-ce que cette maladie l’amputerait d’une partie de sa féminité et
même de sa nature de mère, elle qui a 58 ans ? Ce terme renvoie à une certaine
dimension surnaturelle mais peut-être que tout comme le diable, ce mal serait
insidieux et cherche à la perdre.
A l’annonce de sa maladie, une annonce intempestive, elle entrevoit aussitôt sa
mort. Nous voyons cette dame démunie devant cette dure réalité voire ce
diable contre qui ni la médecine traditionnelle, ni la médecine moderne ne
peuvent faire face. Elle s’en remet à Dieu, le seul qui pourrait contrecarrer ce
mal. Malgré tout, nous sentons derrière, une femme de forte personnalité,
autonome ; elle refuse que l’annonce soit faite d’abord à une tierce personne et
elle déclare «…c’est ma santé… ». Elle a envie pourtant d’être renforcée
positivement.
Nous finissons par nous dire que le refoulement de cette choquante réalité
contribue dans son attitude si apaisée à son arrivée.
Entretien 2 M.N
M.N. est âgée de 47 ans. Elle est née dans une famille monogamique de
confession musulmane. Elle est la troisième d’une fratrie utérine de 05 enfants
dont 02 garçons et 03 filles. Scolarisée à l’âge de 07 ans, elle abandonne les
études au collège car elle ne voulait pas. A l’âge de 25 ans, ses parents
divorcent. Elle dit ignorer les soubassements de cette rupture. Le père s’est
remarié mais cette seconde épouse est présentement décédée. Ce dernier est un
chauffeur à la retraite, et la mère n’exerce pas d’activité salariale.
Les frères et sœurs de M.N. sont respectivement :
Henry Amadou est le deuxième de la fratrie. Il a émigré en France
depuis 1985. La famille a perdu tout contact avec lui.
Birame Pathé est le quatrième de la fratrie. Il est célibataire, père de 02
enfants. Il n’a pas de profession. Il entretient de bonnes relations avec
M.N.
L’ainée Marie est mariée. Elle est la mère de 02 enfants. Elle est
ménagère. Elle s’entend bien avec la patiente.
La cadette Ngoné est divorcée. Elle est la mère de 03 enfants. Elle est
ménagère. Elle aussi s’entend bien avec sa sœur.
M.N habite dans la maison familiale à Fatick. Elle y vit avec sa mère. Elle est
célibataire et mère d’un jeune garçon de 21 ans. Ce dernier est en classe de 5ème
du collège. La patiente a été jusqu’au collège puis elle a abandonné, faute de
moyens financiers.
Elle voit les seins comme un symbole de féminité et de maternité. Elle
connaissait déjà le cancer du sein car sa sœur aussi en a souffert. Elle serait
guérie actuellement selon elle. La dame M.N. a cherché à savoir ce qu’elle
avait car dit-elle « j’étais inquiète, je voulais connaître ma maladie, le
traitement qu’il faudrait mais surtout quel est mon pronostic et de plus ils nous
disent rien si nous ne demandons pas. » Elle a été édifiée sur sa pathologie en
Janvier 2010 à l’hôpital Aristide Le Dantec à l’Institut Curie. «Après mes
interrogations, le médecin est resté longtemps silencieux… J’ai pensé qu’il me
cachait la vérité, c’est sûrement plus grave ».
Elle aurait aimé que cette annonce soit faite autrement. En effet, « j’aurais
aimé qu’il me dise tout avant même de prescrire des traitements car je pense
quand on soigne quelqu’un, on doit l’informer de sa maladie. » Par contre, elle
n’aurait pas aimé que l’annonce soit faite d’abord à quelqu’un de son
entourage.
La patiente est consciente de sa maladie. Elle la désigne en serere, sa langue
maternelle, sous l’expression « oute no dene ». Dans cette expression, le terme
« oute » désigne « une plaie ou un gonflement » et « no dene » du sein.
Elle a informé les autres membres de sa famille. Cependant, sa famille et même
sa sœur aînée qui aurait eu une tumeur du sein refusent de la croire. « ça me
fait mal qu’ils ne me croient pas…Ils m’appellent pour demander comment je
vais, je leur réponds bien…Je ne leur dis plus rien…Je ne leur en veux pas pour
l’absence de soutien financier mais pour l’absence de soutien moral. »
Elle est habillée en grand boubou traditionnel. Elle est de teint noir avec un bon
état général. Son visage est sérieux mais pas triste plutôt résigné. Elle parle
beaucoup de son fils à qui, elle n’arrive pas à dire sa maladie « Il est si jeune, je
ne veux pas lui en parler…Je ne pleure jamais devant lui, je m’en remets à
Dieu…J’ai deux amies. L’une me soutient énormément. C’est une amie
d’enfance chez qui je loge lors des cures ou des bilans. Je me sens bien dans sa
famille. Elle sait que ma maladie n’est pas contagieuse et je me sens proche de
ses enfants. Par contre, ma seconde amie, même si elle semble me comprendre,
elle me culpabilise. Elle n’a aucun projet ; elle veut seulement attendre la fin
du traitement pour voir ce qu’il adviendra d’elle. Elle souhaiterait que l’équipe
médicale la soutienne.
Commentaire 2
Cette patiente est mère célibataire. Elle ne s’est jamais mariée. Elle a 47 ans
présentement. Nous sentons sa famille chaotique avec un frère père célibataire,
un autre perdu de contact, une sœur divorcée. Les liens dans cette famille
semblent ténus ; la patiente trouve dans la famille de son amie, une famille
d’adoption. Elle arrive seule à notre entretien. A sa mimique, nous devinons
qu’elle transporte un fardeau très lourd. Elle a subi le divorce de ses parents
alors qu’elle était âgée de 25 ans. Un an après cet évènement, elle est enceinte
de son seul et unique fils, aujourd’hui âgé de 21 ans. Ce fils est énormément
investi. Elle cherche à protéger ce « petit garçon ». Elle a cherché à connaître
sa maladie. Elle pense qu’elle n’avait pas à le faire «ils ne nous disent rien si
nous ne demandons pas » Elle ne s’est pas sentie soutenue par sa famille.
Financièrement, ils n’arrivent pas à lui venir en aide. De même
psychologiquement, ils minimisent sa maladie. Elle n’arrive pas à comprendre
l’attitude de sa sœur qui aurait souffert de la même pathologie.
M.N vit mal le fait que ses frères et sœurs aient occulté la réalité de ce mal. Il
pourrait pourtant s’agir d’une réaction collective de défense de cette famille
face à une maladie devant laquelle ils sont complètement démunis.
Apparemment, c’est la négation d’une réalité trop horrible pour être admise.
Le médecin annonceur est fort mal à l’aise devant cette pathologie qui le
renvoie à sa propre finitude. Il perd sa certitude, hésite avant de brosser une
vérité qu’il se sent obligé d’atténuer avant de la livrer. Ce faisant, il inquiète
davantage la patiente qui perçoit son malaise.
Ce mal atteint le symbole de sa féminité et de sa maternité. Et son amie qui lui
insinue que c’est parce qu’elle n’a pas assumé sa sexualité qu’elle est devenue
malade. L’idée d’une sanction par rapport à un manquement émerge. Elle n’a
pas été une femme suffisamment épanouie. Elle a renoncé à sa sexualité et elle
serait punie pour cela. Pourtant, elle est forgée dans une société où la
préservation de la chasteté est une vertu. Elle en veut à cette amie qui remet en
cause ses certitudes et surtout l’a fait apparaître fautive, coupable de son sort.
Cette « plaie » qui la mutile fait qu’elle met quasiment en suspension sa vie :
elle n’a plus aucun projet d’avenir.
Observation 3 K.S
Il s’agit d’une patiente aux initiales de K.S. Elle est âgée de 30 ans. Elle est née
d’un ménage monogame. Ses parents sont de confession musulmane. Le père
est un policier à la retraite et la mère est femme au foyer. Elle est l’aînée d’une
fratrie utérine de 07 enfants dont 03 filles et 04 garçons.
Elle est mariée depuis une vingtaine d’années. Le mari est technicien dans un
quotidien de la place. Le couple a 06 enfants avec 03 filles et 03 garçons.
L’aîné Alouine a 20 ans. Il est mécanicien. Il est célibataire.
Deguène, âgée de 15 ans est élève au collège en classe de 5ème
.
Fatou a 12 ans. Elle suit des études en arabe.
Mame Diarra âgée de 09 ans; elle est élève à l’élémentaire.
Les jumeaux Serigne Fallou et Serigne Bara suivent des études en arabe.
Le couple demeure aux Parcelles Assainies, dans la banlieue dakaroise. Le
mari est monogame et musulman. K.S. a fréquenté l’école élémentaire puis elle
a abandonné les études occidentales.
La dame K.S. est venue seule. Elle est de teint noir, un peu élancée. Elle se
représente les seins comme symbole de sexualité et de féminité. Elle
connaissait auparavant le cancer du sein de par les campagnes de
sensibilisation. Elle n’a pas cherché à savoir ; elle n’a pas demandé au
médecin qui l’a reçue sa maladie. Selon elle, « c’est un droit du patient, je n’ai
pas à demander…J’aurais aimé qu’il me parle de la nature de ma maladie, des
traitements nécessaires, de leurs effets secondaires et aussi de mon
pronostic… » Pourtant, elle poursuit « Mais le médecin disait toujours après.
K.S. sait qu’elle a le cancer du sein et que c’est une maladie grave. Elle ignore
comment ce mal est désigné en Ouolof, sa langue maternelle.
Elle est consciente que c’est une maladie que la médecine traditionnelle ne
soigne pas. Le médecin le lui a dit au courant de l’année 2009 à l’hôpital, elle
ne se rappelle plus la date exacte.
« Le médecin ne m’a pas dit quelque chose de clair ;il a seulement dit : ça peut
être un cancer du sein...Après ces mots, je n’ai pas pu me contenir, j’ai
beaucoup pleuré…C’était un choc immense…J’aurais aimé être mise au
parfum de ma maladie autrement…J’aurais aimé qu’il soit plus clair dans ses
propos, qu’il ne refuse pas de me répondre ». Elle aurait préféré que le médecin
en parle d’abord à son mari parce que dit-elle « Lui, il sait comment me le dire
pour que je souffre moins… »
Depuis ce jour, elle pleure très souvent et surtout après les cures. Elle se
demande si c’est nécessaire qu’elle continue « ces cures désagréables et
coûteuses. Je ne croyais pas que la chimiothérapie durerait autant. Je veux être
opérée et en finir avec cette maladie ». Elle en a parlé avec ses quatre premiers
enfants, mais ils le vivent très mal de même que le mari. « Mon mari souffre
énormément de ma maladie…, il dépense énormément ; la maladie nous
appauvrit…Mes enfants pleurent quand ils me voient si fatiguée …Je pense à
cette maladie continuellement ; je me demande ‟vais-je guérir ?, quand vais-je
guérir ? »
Elle se sent coupable et se demande « pourquoi suis-je la seule de ma famille à
souffrir de cette maladie ?...Parfois, je me dis que je dois être coupable de
quelque chose pour mériter ça…D’autres fois, je pense qu’une personne a dû
me jeter un sort…J’ai appelé dans toute la famille pour savoir s’il y avait un
parent dans la même situation que moi. »
Elle estime avoir besoin d’un énorme soutien psychologique si bien qu’elle
s’en est ouverte à ses voisins.
Elle éprouve beaucoup de souffrance ; les larmes coulent lorsqu’elle
s’entretient avec nous ; elle a perdu l’appétit et trouve difficilement le sommeil.
Nous avons dû lui prescrire un anxiolytique. Malgré tout, elle ne regrette pas
de savoir qu’elle a le cancer du sein car dit-elle « je ne suis plus dans le doute,
je sais que je ne suis pas maraboutée ».
Commentaire 3
Cette patiente est mariée depuis l’âge de 18 ans et est la mère de 06 enfants.
Elle a une vie de couple épanouie. Son mari serait très présent à ses côtés et
très soutenant.
Elle est confrontée à un médecin qui a du mal à faire face à ses angoisses. Ce
dernier cherche à se dérober, il est dans la fuite. Il se contredit en mettant un
doute sur la nature cancéreuse de la maladie et en proposant une
chimiothérapie. Il semblerait qu’il pense qu’en suscitant le doute chez la
patiente sur la nature de son mal, il pourrait minimiser sa souffrance. Mais le
doute n’est-il pas plus dévastateur que la vérité dite dans le respect de la
dimension humaine de cette dame ? Elle s’est sentie si mal après cette annonce
qu’elle estime que son mari aurait dû être son annonceur. Ceci remet à jour la
question de la qualité relationnelle indispensable à une bonne annonce.
Nous retrouvons dans le discours de notre patiente les différentes conceptions
culturelles de la maladie retrouvées en Afrique de l’Ouest. Elle s’interroge
d’abord sur une culpabilité éventuelle, une faute commise ayant engendré une
punition ou une revenge de force surnaturelle. La thématique de la persécution
émerge également de son propos avec la notion de « maraboutage ».
Elle cherche à se consoler en recherchant une autre personne dans la même
situation qu’elle ; à notre avis c’est là qu’il faudrait envisager des groupes de
paroles pour ces personnes qui ont besoin de savoir qu’elles ne sont pas les
seules sur terre à porter un fardeau aussi lourd.
Elle est épuisée, elle cherche désespérément de l’aide, elle se confie aux
voisins pour que ces derniers aussi puissent la réconforter. Mais le traumatisme
qu’elle a subi est tel qu’elle n’arrive pas à se détacher de ses pensées. Elle est
envahie par le doute et des interrogations du style « vais-je guérir ? » la
submergent. Nous retrouvons quasiment des signes de la sphère dépressive
avec une insomnie, une perte d’appétit et une anxiété massive.
De notre cohorte, elle était la 2ème
plus jeune et la première à décéder des
suites de sa maladie. Ceci met en évidence l’intérêt d’une annonce de qualité et
la mise en place de soutien psychologique organisé pour ces patientes dans
l’espoir de prolonger leur espérance de vie.
Entretien 4 F.K.
F.K. est une patiente âgée de 29 ans. Elle est issue d’un ménage monogame.
Les parents sont de confession musulmane. Elle est deuxième d’une fratrie
utérine de 07 enfants dont 03 garçons et 04 filles. La grand-mère maternelle est
décédée des suites d’un cancer du sein aux environs de 1985.
Les frères et sœurs de la patiente sont respectivement :
L’aîné Abdoulaye est marié. Il est le père de 02 enfants et est technicien.
Moussa, le cinquième de la fratrie est célibataire et encore élève.
Idrissa, le sixième de la fratrie est aussi élève et célibataire.
Amie, la troisième de la fratrie est mariée et est mère de 02 enfants. Elle
est sans activité professionnelle.
Oumou, la quatrième de la fratrie est également élève et célibataire.
Aïcha, la benjamine est à la préscolaire.
Elle a été scolarisée à l’âge de 07 ans à l’école occidentale puis elle abandonne
en classe de C.E.1, suite à des difficultés à suivre en classe. Elle a aussi suivi
des études coraniques. Les parents ont émigré en Arabie Saoudite en 1998. Ses
petites sœurs y sont nées. Elle a été confiée à sa tante paternelle. Elle décrit
cette période comme difficile. Elle avait une grande charge de travail
domestique.
Elle est mariée depuis novembre 2007 avec un électricien sans lien de parenté.
Le couple vit dans un appartement à Grand-Mbao, dans la banlieue dakaroise.
F.K. est la mère d’un petit garçon de 03 ans.
Elle est venue accompagner de son mari. Elle est jeune, de teint clair, le visage
souriant. Elle est élégamment vêtue. Elle apparaît très vivante. Elle voit au
travers du sein, un symbole de féminité, de sexualité mais aussi de maternité.
Elle ne connaissait pas le cancer du sein auparavant. Elle ignore même
comment désigner ce mal dans sa langue, le « Ouolof ». Elle savait cependant
que c’est une maladie grave. Elle ignore si c’est une malade curable mais elle
est sûre que la thérapie traditionnelle n’aboutit à rien. Elle n’a pas eu besoin de
chercher à savoir. Ce fut un choc indescriptible pour elle.
C’était en janvier 2010, dans le service de cancérologie de l’hôpital. Elle
n’avait encore commencé aucun traitement. « Le médecin essayait son
ordinateur, il appelait ou répondait à chaque instant…cela ne m’a pas du tout
plu. J’aurais aimé qu’il m’écoute, qu’il soit attentif à moi…Malgré tout, j’ai
apprécié sa franchise mais aussi le fait qu’il m’ait dit ‟ ici, tu peux pleurer
autant que tu veux”. J’ai senti qu’il me comprenait… »
Elle n’aurait pas aimé que le médecin en parle d’abord à son mari. Elle estime
qu’elle est la seule qu’il faille informer en première. Même si le choc de
l’annonce a été énorme, elle préfère savoir plutôt que d’être dans l’ignorance.
En effet, elle dit « connaître ma maladie me permet de pouvoir me soigner et
guérir ».
Dans leur discours, elle et son mari, ils apparaissent fatalistes. Elle dit « je sais
que c’est une maladie et c’est Dieu qui inflige aux personnes des maladies… ».
Le mari poursuit dans la même lancée « nous nous en remettons à Dieu… »
Elle n’estime pas avoir besoin d’un soutien psychologique de la part de
l’équipe médicale mais plutôt celui de la famille. Le couple a annoncé la
maladie à toute la famille « nous en avons discuté avec toute la famille ; tous
nous soutiennent énormément. Ils nous aident financièrement et nous
réconfortent moralement… ».
Elle ne veut pas que le regard des gens autour d’elle soit rempli de pitié. Aussi,
à part la famille, elle refuse de partager avec les voisins ou autres « je ne veux
pas que les gens me regardent avec des yeux de pitié… La maladie n’a pas
influé sur ma vie de tous les jours…J’arrive à vivre… ».
Commentaire 4
Cette patiente est une jeune mariée et mère d’un petit garçon de 03ans. Elle a
une vie de couple stable et son mari est très prévenant à son égard. Il est un
soutien. Le médecin auquel elle est confrontée est angoissé. Il s’empresse de
tout lui dire sans même tenir compte de sa demande mais aussi en tentant
d’afficher une fausse décontraction. Il évite quasiment le regard de la patiente
dans un premier temps. Débarrassé de son fardeau, il se ressaisit et offre à la
dame un temps à elle, le temps de pleurer.
Il s’agit d’une dame avec une forte personnalité. Elle est la seule à qui cette
nouvelle doive être délivrée. Elle ne supporte pas de lire de la compassion dans
les yeux des autres. Elle est dans la fatalité. Elle responsabilise le surnaturel en
l’occurrence Dieu ce qui a pour effet de la déculpabiliser. Elle nous arrive
quasiment apaisée pourtant l’idée d’un cancer meurtrier ne lui est pas étranger.
En effet, un cancer du sein aurait emporté sa grand-mère.
Cette observation a le mérite de nous rappeler que même lorsque les règles de
l’annonce ne sont pas entièrement respectées, il faut primordialement éviter de
plonger la patiente dans le doute. Mais aussi que la consultation d’annonce est
dynamique, nous pouvons faire un faux pas et tenter de nous rattraper. Le
temps que nous accordons à la personne à laquelle nous annonçons une
mauvaise nouvelle est crucial.
Entretien 5 M.G
La patiente M.G est une femme âgée de 45 ans. Elle est née dans un ménage
monogame. Le père et la mère étaient de confession musulmane. Elle est
l’aînée d’une fratrie utérine de 12 enfants. Elle a perdu 01 frère et 06 sœurs,
tous décédés des suites de maladies à évolution foudroyante.
Elle est analphabète. Elle s’était mariée très jeune, nous dit-elle, sans autre
précision.
Elle a eu avec son mari 02 enfants, une fille et un garçon. Ils ont divorcé, il y a
plusieurs années. Elle ignore l’âge de ses enfants.
L’aînée, la fille est mariée. Elle a 03 enfants. Elle est ménagère.
Le fils est cultivateur. Il est également marié. Il n’a pas encore
d’enfants.
Elle s’est remariée avec un homme, paysan de profession et mari d’une
première femme. Elle n’a pas eu d’enfants avec lui. Elle a divorcé avec ce
dernier. Elle vit habituellement avec son jeune frère à Ngaye Mékhé, un village
situé dans la région de Thiès. Elle loge chez des parents à Médina lorsqu’elle
vient pour ses rendez-vous.
Elle rentre dans le bureau seule. Elle a le teint noir foncé. Elle est habillée en
boubou traditionnel. Elle est maigre. Sa mimique apparaît douloureuse.
Pour elle, le sein symbolise la féminité, la maternité mais aussi l’esthétique
féminine.
Elle ne connaissait pas le cancer du sein auparavant. Elle savait tout de même
que c’est une maladie grave. C’est au cours de l’année 2006, orientée à
l’hôpital par un généraliste, elle y apprend qu’elle a un cancer du sein. « Le
médecin m’a dit que ce n’est pas le grand cancer… »
Elle ne sait pas si ce mal, qu’elle désigne dans sa langue, le Ouolof par
« fébbaru wéne » (maladie du sein), est curable. Mais, elle est convaincue que
la médecine traditionnelle est impuissante devant ce mal.
Elle a interrogé le médecin cherchant à savoir la nature du mal qui la rongeait,
mais aussi la nature du traitement éventuel, les effets secondaires du traitement
et même le pronostic. Elle estime que le personnel de l’hôpital est accessible et
disponible. Cependant, pour elle, l’annonce a été brutale. Elle ne parle pas de
choc, même si à l’évocation de ce moment, nous sentons les émotions
submergeaient sa voix. Elle dit, quand nous lui avons demandé qu’avez-vous
ressenti au moment de l’annonce, «… je suis musulmane, je sais que c’est Dieu
qui m’inflige cette épreuve… » De longs silences ponctuaient son discours.
Elle ne sait même pas si elle aurait préféré que l’annonce soit faite autrement,
mais elle apprécie néanmoins la franchise du médecin. Elle n’aurait pas aimé
que la nouvelle soit d’abord donnée à son mari. Elle ne regrette pas d’avoir été
informée de sa maladie car nous dit-elle « cela me permet de me rappeler de
Dieu… »
Elle ne s’est pas sentie soutenue par son mari, qui au contraire l’aurait
délaissée, l’abandonnant presque. « Nous avons officiellement divorcé le
vendredi passé mais en réalité depuis qu’il connaît ma maladie, il s’est
totalement éloigné de moi… Quant à mes enfants, ils me soutiennent comme
ils peuvent… » Elle souhaiterait être soutenu psychologiquement par l’équipe
médicale.
Commentaire 5
M.G est une dame divorcée issue d’une famille qui avait été confrontée à
plusieurs fois à l’expérience de la mort. Elle a perdu 07 membres de sa famille
de maladies foudroyantes. Elle s’est remariée plusieurs années après son
premier divorce. Elle n’a pas d’enfant avec ce second époux, ce qui peut être
un facteur de fragilité de son couple.
Elle a rencontré un médecin plutôt disponible. Ce dernier cherche à évacuer sa
propre angoisse en usant d’euphémisme et en rejetant entièrement l’idée de
mort qui pourrait être attachée à cette maladie « petit cancer… cancer qui ne
tue pas ». Nous sentons qu’il doute de la capacité de compréhension de cette
dame. Nous autres praticiens, du moins ici dans ce pays qu’est le Sénégal,
avons tendance à confondre le niveau de scolarisation et la capacité de
compréhension. En milieu ouest africain, la maladie découle soit d’une force
surnaturelle, soit de la persécution d’un autre être humain vivant ou décédé.
Dans ce cas, c’est Dieu qui est mis en cause. Ainsi la tendance à un sentiment
de culpabilité devrait être minimisée.
Le mari, en se dérobant après avoir été mis au parfum de la maladie de son
épouse, la disqualifie. Son épouse serait devenue défaillante. Le sein, pour
cette dame, est le reflet de la féminité, de la maternité et de la beauté féminine.
Le mari, en renonçant à M.G, renonce à une personne amputée d’une partie de
sa féminité, de sa beauté mais surtout de ce qui donnait espoir qu’elle
enfanterait de nouveau.
M.G communique difficilement ses émotions dans le verbal. Elle répond à une
interrogation sur ses sentiments au moment de l’annonce par une esquive toute
faite et acceptée dans une société à la fois traditionnaliste et d’inspiration
musulmane. En effet, c’est dans ce moule que cette dame a été façonnée. En
Afrique traditionnelle musulmane, des sentiments comme la tristesse, le
désarroi et même la colère chez les femmes doivent être tus, la vertu est dans
l’absence de plaintes. Tout ce qui nous ébranle est une épreuve divine qu’il faut
impérativement accepter sous risque d’être un mécréant. Aussi, elle reste dans
le non verbal. Tous ses silences à la fois si lourds et si expressifs, ce visage si
chargé et même sa demande à être soutenue psychologiquement sont le reflet
de sa tristesse, de son désarroi et ce poids énorme qu’elle supporte.
Chez une personne pareille avec un discours très formaté par des réalités
culturelles très présentes, nous pouvons nous demander si son appréciation de
la franchise du médecin ne serait plutôt une invite à plus de franchise chez ce
dernier. L’exemple de la femme que sa belle mère loue à son baptême en ne
disant pas ses défauts mais plutôt les qualités qu’elle aimerait que cette
dernière ait.
Cette observation nous rappelle la nécessité de tenter de se connaître d’abord
mais aussi de tenter de connaître l’autre, en face de soi, à qui nous annonçons
une nouvelle qui aura des implications sur toute sa vie.
Entretien 6 S.N
S.N est âgée de 40 ans. Elle est issue d’un ménage musulman. Le père était
bigame, la mère étant la seconde épouse. Elle est 5ème
d’une fratrie utérine de
07 enfants dont 05 filles et 02 garçons. Elle n’a jamais fréquenté l’école
occidentale. Elle a fréquenté l’école coranique.
Elle s’est mariée depuis 1980 avec un cousin germain. Le mari est horloger. Il
a pris une seconde épouse depuis une vingtaine d’années. S.N est la mère de 07
enfants dont l’aîné, étudiant à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar et
soutien de la famille est décédé en Avril 2010. Il est décédé des suites d’un
accident de la voie publique. Elle réside avec son mari, sa coépouse et leurs
enfants à Diourbel.
Elle vient à l’entretien, accompagnée de son mari. C’est une femme de taille
moyenne, de teint noir d’ébène. Sa mimique trahit son inquiétude. Nous la
rassurons par rapport à cette entrevue.
Le sein, pour notre patiente, est le reflet de l’esthétique féminine. Elle
connaissait le cancer du sein auparavant. Elle en parle comme d’une affection
certes grave mais curable par la médecine moderne. Elle juge la pharmacopée
traditionnelle complètement impuissante face à ce mal. Elle désigne cette
affection dans sa langue maternelle, le ouolof, par « febbaru wéne » (maladie
du sein).
L’annonce de sa maladie lui a été faite par un médecin de spécialité non
précisée à l’hôpital régional de Diourbel en Mai 2009. A l’époque, elle n’avait
encore initié aucun traitement. Elle ne sait plus si c’est elle qui avait cherché à
savoir ou non son diagnostic. Elle sait seulement qu’elle aurait aimé être
informée de la nature de son mal et de son pronostic. Elle a vécu ce moment
comme un immense choc. Pourtant, elle souligne que le médecin lui a parlé de
son cancer comme d’une affection curable.
Elle n’aurait pas aimé que l’annonce soit faite autrement. Elle a apprécié la
disponibilité de l’équipe, la clarté et la franchise du médecin. Elle a eu le
sentiment d’avoir été écoutée. Elle ne regrette pas pour autant d’être au courant
de son diagnostic car, pour elle « être malade sans connaître son diagnostic, ce
n’est pas bien…c’est parce que je sais que je peux me soigner… »
Tout au long de l’entretien, nous sentons son inquiétude par rapport à son
avenir. Par moments, elle a la voix saccadée et essaie de réprimer ses larmes
mais à l’évocation de son fils, elle n’y parvient plus « …je pense énormément à
mon fils…il me manque…il me soutenait tant…la nuit même, je ne trouve pas
le sommeil…j’ai peur que mon mari ne puisse plus payer mes frais
médicaux…il fait vraiment tout ce qu’il peut… » Elle estime avoir besoin d’un
soutien psychologique et financier si possible me dit-elle de l’équipe médicale
même si elle se sent énormément soutenue par son mari.
Commentaire 6
S.N est une femme analphabète de la quarantaine mariée dans un ménage
bigamique. Le couple est cependant stable et le mari très présent aux côtés de
sa femme. La famille a été ébranlée par le décès du fils aîné, soutien de famille.
Nous sentons que le deuil n’est pas encore fait. Ce jeune homme absent
symboliquement, reste aussi, voire plus présent actuellement, qu’il ne l’avait
été auparavant.
Le médecin qui annonçait à cette dame sa pathologie s’est montré disponible
avec beaucoup de franchise dans son propos. Il a su se mettre à l’écoute de
cette personne qui se trouvait en face de lui. Nous nous interrogeons seulement
sur la place qu’à eu l’empathie dans cette consultation lorsque la patiente nous
confie qu’elle aurait préféré être informé par son mari. Elle déclare « …il aurait
su me le dire sans me faire trop de mal… » Ceci relance la nécessité de se
donner le temps de connaître celle qui est en face de soi.
Le décès brutal du fils remet en question toutes ses perspectives d’avenir. Elle
croyait à la guérison tant que le fils était là, à ses côtés. Nous retrouvons des
signes d’anxiété massive dans son discours : insomnie, beaucoup de questions
sur son devenir, sur les limites du mari. Elle pouvait reposer et sur son mari et
sur son fils, maintenant il ne lui reste que le mari, lui-même ébranlé par le
décès de son fils. D’autant plus que, pour cette dame, le sein est l’essence de la
beauté féminine, ce mal l’enlaidit et la rend défaillante devant son mari.
S’interroge-t-elle en silence sur l’avenir de son couple ? En Afrique
traditionnelle, la notion de coépouse est certes acceptée, mais il s’installe une
rivalité qui est tue. Est-elle dans cette dynamique ? Elle ne parle pas de sa
coépouse, même si elles habitent ensemble, c’est comme si elle l’avait gommée
par ce silence. Quelle est la nature de leur relation ?
Elle exprime le souhait d’être accompagné dans cette épreuve. Le mari rappelle
Dieu à sa femme à chaque fois qu’elle se laisse submerger par les émotions.
Nous l’avons senti quasiment dépassé et impuissant, cherchant un soutien dans
la religion.
Cette observation met en exergue la place prépondérante de l’empathie dans la
relation médecin malade et dans la consultation d’annonce en particulier.
Entretien 7 A.G
A.G est une femme âgée de 36 ans. Elle est née d’un ménage monogame
musulman. Elle est 7ème
d’une fratrie utérine de 08 enfants dont 03 garçons et
05 filles. Elle a une brève scolarisation à l’école française. Elle a arrêté ses
études à l’école élémentaire. Elle n’a pas fréquenté l’école coranique.
Elle s’est mariée depuis 2003 avec un employé des chemins de fer comme
deuxième épouse. Le couple a 02 enfants (01 garçon et 01 fille). Notre patiente
réside à Thiaroye/Gare, dans la banlieue dakaroise, dans la maison familiale
avec sa mère, ses sœurs et ses frères. Le père est décédé en 2008.
Elle entre dans le bureau, elle est seule. Elle est de teint noir, de taille moyenne
et est voilée. Les seins représentent, pour A.G, le symbole de la féminité. Elle
connaissait auparavant le cancer du sein. Elle aurait 02 de ses sœurs aînées qui
ont souffert de la même affection. Elle décrit cette maladie comme grave et non
curable par la médecine traditionnelle. Par contre, elle dit ignorer si la
médecine moderne guérit ou non cette affection.
Elle a appris pour sa maladie en 2009. Un cancérologue, à l’hôpital Dantec lui
a annoncé son diagnostic. C’est elle qui a cherché à savoir. Elle a été
encouragée dans sa démarche par l’accessibilité du personnel d’une part et
d’autre part parce qu’elle estime être dans son droit. Elle a cherché à connaître
la nature de sa maladie uniquement « je connaissais déjà le traitement car mes
02 sœurs ont souffert de la même pathologie…Pour ce qui est du pronostic, je
ne demande pas aux médecins… »
Elle nous dit, la voix tremblante, qu’elle a vécu le moment de l’annonce avec
indifférence « cela ne m’a rien fait…Nous sommes une famille très pieuse…Je
n’ai pas peur de la mort… » Elle n’arrive plus, nous dit-elle, à se souvenir avec
précision des mots du médecin. Elle se souvient seulement qu’elle avait
apprécié la disponibilité, la clarté et la franchise du médecin. Elle s’était sentie
écoutée. Elle n’aurait pas aimé que l’annonce soit faite autrement. Elle ne
regrette pas non plus d’être au courant pour sa maladie car, nous dit-elle,
« savoir permet de clarifier les choses… » Cela, malgré que son mari l’ait
abandonné après avoir appris pour sa maladie «…mon mari s’est fait
rembourser les ordonnances et les analyses par sa mutuelle, il ne m’a rien
donné…depuis même, il ne vient plus me voir ; pourtant, il sait que j’aie dû
arrêter mon travail de femme de ménage après avoir démarré la
chimiothérapie…Il ne vient même pas voir ses enfants…Il préfère rester avec
sa première épouse… »
Durant tout son propos, elle revient sans cesse sur l’expérience de ses sœurs
« elles vont bien, elles vaquent à leurs occupations donc tout va bien…j’ai
beaucoup d’espoir car elles sont guéries… »
Commentaire 7
A.G est une jeune femme, mère de 02 enfants et abandonnée par son mari après
la découverte de sa maladie. Le cancer vient ébranler ce couple. Il vient révéler
une crise de couple profonde antérieure à l’annonce du diagnostic.
Le sein pour cette dame est le reflet de l’esthétique féminine. C’est ce même
sein qui loge ce mal qu’elle ne parvient pas à nommer dans sa langue. En
Afrique noire musulmane, les coépouses se tolèrent mais restent en rivalité
perpétuelle. Le poids de cette maladie qui ampute une partie de la beauté de
cette femme fait pencher la balance en son défaveur « il préfère rester avec la
première ».
Elle refoule ce moment, ces mots qui ont provoqué la rupture dans la continuité
de sa vie. Elle ne se souvient plus que de la présence de l’équipe autour d’elle.
Nous notons une communication paradoxale chez cette patiente. Le décalage
est net entre l’analogique et le digital. Cette voix chargée d’émotions,
tremblante et cette indifférence déclamée. L’annonce réveille les traumatismes
antérieurs et le père dans le discours semble très présent. Le processus de deuil
est-il en suspension ? La courbe du temps s’est-elle inversée ?
Elle s’accroche « bec et griffe » à l’expérience de ses sœurs, lui permettant de
nourrir un espoir sans faille devant une maladie si « grave ».
Les mécanismes de défense chez cette dame s’entremêlent. Du refoulement,
elle passe à la sublimation. Elle est fataliste, elle impute la responsabilité de ce
mal à Dieu. Elle échappe ainsi à un sentiment de culpabilité. Elle n’est pas
seule en cause, ses sœurs aussi sont là, atteintes et « guéries ». Ceci devient
une épreuve qui la rapproche de ces dernières. Construisant ainsi sa théorie
étiologique de la maladie, elle cherche à lui donner un sens. Cela lui permet
d’entreprendre des réaménagements psychiques. Elle qui n’avait pas fait
d’études religieuses, était devenue voilée avec un discours quasiment de
prêche.
Entretien 8 D.W.
D.W est une femme peule âgée de 52 ans. Elle est issue d’un ménage
polygamique musulman. Le père avait 03 épouses, la mère étant la deuxième.
Elle est l’aînée d’une fratrie utérine de 03 enfants dont 02 filles et 01 garçon.
Elle n’a jamais fréquenté ni l’école française, ni l’école coranique.
Elle s’est mariée à l’âge de 18 ans avec un cousin de la famille. Son époux est
décédé il y a une dizaine d’années. Ce dernier était bigame. Le couple a eu 06
enfants dont 03 filles et 03 garçons.
L’aîné Elimane a 30 ans. Il est enseignant et célibataire.
Le second Moustapha est décédé à l’âge de 03 ans.
La troisième, Aïssatou a 22 ans. Elle est étudiante et célibataire.
La quatrième Mina a 21 ans. Elle est étudiante et célibataire.
Le cinquième, Daouda a 18 ans. Il est scolarisé à l’école coranique.
La sixième, Dieyna a 15 ans. Elle est mariée.
Elle réside habituellement à Fouta. Elle s’installe au moment des rendez-vous
à la rue Marchant chez des parents. Elle vient à l’entretien accompagnée de sa
fille Aïssatou. C’est une femme de teint clair, de taille moyenne. Elle est
habillée en boubou traditionnel. La fille par contre est vêtue de façon
occidentale.
Les seins, selon D.W, sont le reflet de l’identité et de l’esthétique féminine.
Mais, ils sont aussi un symbole de sexualité et de maternité. Elle ne connaissait
pas le cancer du sein auparavant. Présentement, elle en parle comme d’une
maladie grave mais curable aussi bien par une approche thérapeutique
traditionnelle que moderne. Elle le désigne dans sa langue traditionnelle, le
peul par « ouri baleri » (abcès noir).
Un cancérologue lui a annoncé sa maladie en 2009, avant tout traitement
médicamenteux. Cela s’est déroulé à l’hôpital, au service de cancérologie.
C’est elle qui avait cherché à savoir. Elle voulait être édifiée sur la nature de
son mal, du traitement et de ses effets secondaires mais aussi sur son
pronostic. Elle a été encouragée dans cette démarche par l’accessibilité du
personnel mais aussi par le fait qu’elle estime que c’est son droit de savoir.
Elle nous parle de ce moment de l’annonce en ces termes « le médecin a été
brutal…Je lui avais posé beaucoup de questions…J’ai beaucoup pleuré…C’est
Dieu qui l’a voulu ainsi…j’ai pensé à mes enfants, ils sont si jeunes, ils ne sont
même pas mariés… » Elle a apprécié toute fois la franchise du médecin. Elle
n’aurait pas aimé que la maladie soit annoncée d’abord à son entourage. « Je ne
veux pas que ma mère et mes 02 plus jeunes enfants apprennent pour ma
maladie… »
Elle ne regrette pas d’avoir été informée de son état même si sa fille nous dit
« ma mère vit très difficilement sa maladie ; elle y pense tout le temps… »
D.W déclare « savoir permet de mieux vivre avec sa maladie. En étant au
courant de la nature de ma maladie, je me soigne mieux… » Tout de même,
elle aimerait être soutenue psychologiquement par l’équipe médicale, en plus
de sa famille.
Tout au long de l’entretien, son discours a été ponctué de pauses, de silences,
de soupirs. Nous sentions toute la lourdeur de cet entretien pour elle.
Commentaire 8
D.W est une veuve de 58 ans, mère de 06 enfants. L’annonce de sa maladie a
été « brutale », une nouvelle venue lui rappeler la mort, sa mort « mes enfants
sont si jeunes… ». Elle lui a ravi son sentiment d’immortalité, d’éternité. En
effet, l’homme refoule l’idée de mort, de finitude.
Cette annonce réactive aussi toutes les angoisses antérieures liées à la mort de
ce qui nous sont proches. En effet, l’annonce diagnostique de cancer fait
résonance avec les pertes traumatiques antérieures. Elle avait subi le décès de
son mari, une dizaine d’années plutôt.
Dans la société sénégalaise, les cadettes sont très proches de leur mère. Ainsi
c’est la plus jeune des enfants qui « réalise en premier le souhait » apparent de
la mère, voir ses enfants se marier. Mais cette mère semble avoir même oublié
que son enfant s’est mariée dans son propos « mes enfants ne sont même pas
encore mariés… » C’est tout simplement que son véritable désir c’est de
demeurer encore. Pour cela, il faut que cet « abcès noir » imputable à Dieu
puisse être guéri par l’homme aussi bien par le biais de la médecine
traditionnelle que moderne. Au début de son propos cette note de colère qui
émerge. Elle la refreine, puis nous la sentons dans une dynamique de se forger
sa théorie étiologique de ce mal : Dieu lui a envoyé cette maladie.
Le sein, qui était jusqu’alors la marque de la femme-mère qu’elle est, s’est
transformé en une étrangeté. Il est porteur d’un « abcès noir ». Le noir, dans la
croyance populaire sénégalaise, est attaché à l’obscurité, aux ténèbres, au
surnaturel. La nuit est le domaine des esprits, des « rab » et autres. La personne
avec un cœur « noir » est méchante, elle est capable des pires choses.
Cette observation brosse l’importance pour la patiente que le médecin se mette
à son niveau et y va à son rythme. Pour cela, le temps doit devenir flexible,
maniable épousant les besoins de l’autre qui voit sa vie immuablement changée
par une nouvelle qui surprend. Elle pointe aussi toute la richesse du sens dont
peut être chargé le cancer du sein dans nos sociétés africaines.
Entretien 9 H.D.
H.D est une femme de 37 ans. Elle est née d’un ménage monogamique
musulman. Son père était bigame, la mère étant la première. Elle est la 2ème
d’une fratrie utérine de 06 enfants dont 03 garçons et 03 filles. Elle a été
scolarisée jusqu’en classe de CM2. Elle a aussi bénéficié d’une instruction
coranique.
Elle est en ménage depuis une vingtaine d’années. Son mari est paysan
pendant l’hivernage et électricien le reste de l’année. Le couple a 04 enfants.
Ils sont âgés de 02 ans à 23 ans. Ils vivent à Dagana, dans la région de Saint-
Louis. Au moment des rendez-vous de chimiothérapie, elle et son mari
s’installent à Front de Terre (Dakar) chez un beau frère de la dame.
Elle vient à l’entretien accompagnée de son mari et de son beau frère. Elle est
noire, de petite taille, assez coquette. Sa mimique n’est pas douloureuse, ni
même triste. Elle voit dans le sein une marque d’identité et d’esthétique
féminines. Il joue, selon elle, un rôle important dans la sexualité du couple
mais aussi dans la maternité. Elle connaissait le cancer du sein auparavant. Elle
y voit une maladie grave. Elle ne sait pas si la médecine moderne pourrait
guérir cette affection mais elle est sûre que la médecine traditionnelle y est
impuissante. Elle désigne ce mal dans sa langue, le ouolof par « febbaru
wéne » (maladie du sein).
Elle ne connaît plus la période à laquelle le médecin lui a annoncé sa maladie.
Elle sait seulement qu’elle avait déjà initié le traitement. C’était à l’hôpital,
dans le service de cancérologie. Elle a eu des échos des infirmières. Elle a
cherché alors à savoir ce qu’il en était avec le médecin. L’accessibilité du
personnel l’a encouragée dans cette entreprise, de même que le fait qu’elle
estimait avoir le droit de savoir. Elle voulait connaître seulement son
diagnostic, rien de plus.
Le moment de l’annonce fut difficile pour elle « je ne croyais pas que j’avais
cette maladie…j’avais été déjà opérée pour kyste…je ne pouvais pas le
croire… » Elle a les yeux embués de larmes à ses propos. Par moment, c’est
comme si sa voix s’éteignait. Elle reprenait après un temps de silence « Depuis
ce jour, j’ai du mal à dormir…Je pense beaucoup à cette maladie… » Elle ne
sait pas si elle aurait aimé que le médecin lui annonce autrement sa maladie.
Par contre, elle aurait préféré que cette annonce soit d’abord faite à son
entourage, en l’occurrence à son mari. Tout de même, elle ne regrette pas
d’avoir été informée de sa maladie car « je voulais vraiment savoir ce que
j’avais ». Seulement, elle aimerait être soutenue psychologiquement par
l’équipe médicale, en plus du soutien de sa famille.
Commentaire 9
Il s’agit d’une femme de 37 ans, mère de 04 enfants évoluant dans un couple à
première vue stable avec un mari très présent.
Nous entendons dans sa symbolisation du sein qu’une défaillance de ce dernier
pourrait retentir sur le couple. En effet, elle y voit une marque de l’identité
même de la femme. Ainsi, le cancer qui vient métamorphoser cet organe fait
perdre à la femme de son identité propre. Elle ne se reconnaît plus, elle habite
un corps qui n’est plus sien. Mais encore le sein est toujours pour cette dame
un reflet de la capacité quasi divine de la femme à donner la vie. Une femme
amputée symboliquement de cet organe perd de sa « divinité » Le sein est au
cœur de la sexualité pour H.D impliquerait que ce sein transformé,
méconnaissable qu’est devenu le sien, la priverait de son attrait et ferait poser
aussitôt la question de la sexualité dans son couple. Son mari va devoir faire
face à une présence pesante, celle d’une autre, inconnue et porteuse de l’idée
de mort.
Nous entendons ses questionnements par rapport à sa guérison comme des
interrogations sur sa capacité à retrouver tout ce que ce mal lui aurait
« amputé ».
L’annonce diagnostique chez cette dame nous apparaît chaotique avec une
totale méconnaissance de toutes les règles. Elle refoule ce moment
traumatique. Elle ne se souvient plus, ses instants sont enfouis dans la
profondeur de son subconscient. Le déni s’est installé « j’avais été opéré pour
kyste, je ne pouvais le croire… » Les émotions sont si présentes à l’évocation
des brides de souvenir de ce moment où sa vie bascule. Sa voix qui s’éteint
nous renvoie à l’image du cancer éteignant le « souffle de la vie ». Tout cela
l’angoisse. Elle est anxieuse et l’insomnie s’installe. Elle se sent dépassée et
elle exprime une demande d’être accompagnée.
Cette observation est l’exemple type d’une annonce chaotique faite au mépris
de toutes les règles. La vie de cette patiente semble suspendue dans le temps.
Entretien 10 D.B
D.B est une femme de 51 ans. Elle est née d’un ménage polygamique,
musulman. Le père est bigame et la mère est la 2ème
épouse. Elle est l’aînée
d’une fratrie utérine de 06 enfants dont 03 filles et 03 garçons. Elle a été
scolarisée à l’âge de 07 ans à l’école occidentale. Elle a poursuivi sans
difficulté ses études jusqu’à être enseignante. Elle a également fréquenté
l’école coranique.
Elle s’est mariée à l’âge de 19 ans. Elle n’a aucun lien de consanguinité avec
son mari. Son mari est bigame, elle est la première femme. Elle est la mère de
02 enfants.
L’aîné est un homme de 30 ans, il est médecin.
La seconde est une journaliste de 24 ans.
Elle réside habituellement en Guinée Conakry dans une localité du nom de
Koloma. Elle réside pour les besoins de son suivi à Grand Yoff.
Elle vient à l’entretien, en compagnie de son fils médecin. Ce dernier la laisse
seule avec nous après nous avoir demandé les raisons de cette rencontre. D.B
est une femme de teint clair, de forte corpulence, bien habillée. Elle voit dans
les seins un symbole de maternité. Elle connaissait le cancer du sein avant
l’annonce de sa maladie. Elle le décrit comme une affection certes grave mais
curable par la médecine moderne. Par contre, la médecine traditionnelle y
serait impuissante. Elle ne sait pas comment désigner cette affection dans sa
langue, le peul.
Son diagnostic lui a été révélé vers la fin de l’année 2006. C’était avant qu’elle
n’entame son traitement. Elle avait cherché à connaître la nature de sa maladie
et de son traitement de même que son pronostic. Devant ses interrogations, le
cancérologue qui l’a reçue à l’hôpital lui a révélé son diagnostic. Ainsi, durant
tout son périple dans les structures de santé guinéennes, elle était maintenue
dans l’ignorance de son mal.
Le moment de l’annonce fut difficile pour elle. Ce fut un immense choc. Elle a
ressenti que le médecin s’est évertué à ne pas être brutal dans sa manière de lui
annoncer sa maladie. Elle s’est sentie écoutée. Elle a même apprécié sa
disponibilité, sa clarté et sa franchise. Elle ne sait pas si elle aurait préféré que
l’annonce soit faite d’abord à son entourage. Elle ne regrette pas du tout d’être
informée de sa maladie car dit-elle « depuis que je sais que j’ai cette maladie,
je ne sens plus la douleur…Je dors bien la nuit…J’y pense rarement… elle me
fait du bien dans ce sens…et enfin le fait d’être informé m’a permis de me
traiter. » Elle n’estime pas avoir besoin d’un soutien psychologique de l’équipe
médicale en plus de celui de sa famille.
Commentaire 10
D.B est une enseignante de 51 ans mariée, mère de 02 enfants. Nous la sentons
plus imprégnée d’une éducation occidentale que traditionnelle. Dans sa
symbolisation du sein, elle l’assimile à la maternité, au don de la vie. Est-ce
une façon d’évoquer cette position singulière de la femme-mère, position qui la
rapproche du divin ? Cette maladie « mutilante », innommable dans sa langue
maternelle est venue la détrôner de son piédestal.
Elle a rencontré un médecin avenant qui s’est évertué à lui donner du temps et
à l’écouter. Elle réagit au choc de l’annonce en refoulant l’idée de mort
pouvant être contenue dans le cancer du sein. Ainsi en Guinée, elles meurent
mais pas au Sénégal où elle se trouve présentement. Elle s’est construite une
réalité du cancer plus acceptable pour elle, un cancer qui ne la tue pas tant
qu’elle est au Sénégal.
Le fait que ses douleurs antérieures à l’annonce de la maladie aient disparu est
singulier. Peut-être que ce cancer dépourvu de son potentiel mortifère est venu
rappeler la valeur de la vie à cette femme, qui en Guinée s’est vue confronter à
sa propre mort ?
Cette observation rend compte de la richesse des réaménagements
psychologiques qui peuvent se façonner pour faire face au cancer du sein chez
une femme ayant bénéficié d’une annonce diagnostique de qualité.
Entretien 11 D.S.
D.S est une femme âgée de 45 ans. Elle est née d’un ménage musulman
polygamique, la mère étant la 3ème
épouse. Elle est 3ème
d’une fratrie utérine de
quatre enfants. Les parents ont divorcé il y a plusieurs années. La mère s’est
remariée. Elle est analphabète. Elle s’est mariée à l’âge de 37 ans. Son mari est
monogame. Il exerce la profession de gardien. Le couple a 04 jeunes enfants
dont une fille et trois garçons. L’aîné a 08 ans et la benjamine 02 ans. Ils
résident à Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise.
Elle vient à l’entretien seule. Elle est élancée, de teint noir. Elle est maigre. Elle
assimile le sein à la maternité. Elle connaissait le cancer du sein auparavant.
Elle le présente comme une affection certes graves mais curable par la
médecine occidentale. Elle remarque l’impuissance de la médecine
traditionnelle. Elle le désigne dans sa langue, le ouolof par «fébbaru wéne »
(maladie du sein).
Elle ne sait plus à quelle période l’annonce de sa maladie lui a été faite. Mais
elle se souvient qu’à l’époque, le traitement avait été déjà amorcé. Elle a appris
qu’elle avait le cancer à l’hôpital mais c’est d’abord dans le couloir qu’elle
l’apprend. Une infirmière le lui aurait dit brutalement. « C’était si soudain…Je
ne lui avais rien demandé…Un instant, j’ai pensé qu’elle s’était trompée…cela
ne pouvait être… Mais quand je suis rentrée dans le bureau du médecin, il m’a
confirmé ce jour là cette maladie…Les autres médecins ne m’avaient rien
dit…Je n’étais plus en colère…C’est Dieu qui l’a voulu ainsi…Je n’ai pas
pleuré… Il semblait m’écouter attendant que je réagisse, mais je ne pouvais
rien dire…toutes mes pensées se sont tournées vers mes enfants…Ils sont si
jeunes…J’avais beau écouter, j’entendais plus rien… »
Elle ne sait plus si elle avait apprécié quelque chose durant ce moment. Elle ne
sait pas non plus si elle aurait voulu que cette annonce soit faite autrement.
Tout de même, elle aurait préféré que l’annonce soit faite d’abord à son mari.
Pour autant, elle ne regrette pas d’avoir été informée de sa maladie.
Elle estime avoir besoin d’un soutien psychologique de l’équipe médicale, en
plus de celui de la famille.
Tout au long de son propos, elle semblait par moment absente, plongée dans
des pensées lointaines. Elle semblait par moment avoir des difficultés
d’audition, elle nous demandait de nous répéter. D’autres moments, nous
aurions dit qu’elle perdait le sens des mots, tâtonnant, cherchant
laborieusement ses mots. Beaucoup de silences entrecoupaient son discours.
Commentaire 11
D.S est une dame de 45 ans, mariée et mère de 04 jeunes enfants. L’âge moyen
des enfants est de 05 ans.
Le sein chez cette dame renvoie à la maternité, cette singularité de la femme.
Le cancer qui rend «malade » cet organe prive la femme symboliquement de
ce qui fait son unicité, sar « surhumanité ». Elle devient défaillante,
indifférenciée de l’homme. Ainsi le choc de cette réalité nouvelle est
insupportable pour cette dame. L’amnésie de ce moment rend compte du
refoulement de cet instant insoutenable. L’annonce est si brutale ne lui laissant
pas le temps de digérer ses ressentis. Elle passe en un court instant par la
sidération, la colère, la fatalité, la résignation, et l’impossibilité d’assimiler
une information quelconque. Elle est prise dans un grand tourbillon
émotionnel.
L’annonce bouleverse le cours du temps. Il est suspendu. La patiente est
plongée au cœur des doutes. Elle doute de son avenir, de celui de ses enfants.
Le cancer nous replonge dans notre réalité de mortel. Cette dame voit sa mort
imminente, la finitude de son existence, la séparation d’avec ses enfants. Elle
qui était mère, ne le sera-t-elle plus ? Elle cherche à continuer à se rattacher à
ce monde mais rien n’y fit, tout lui échappe « j’avais beau écouter…j’entendais
plus rien… »
Son processus de pensée est gelé par cette nouvelle qui provoque une
distorsion de la continuité temporelle. Le travail psychique ne peut alors
logiquement se concevoir qu’après un temps d’appropriation de ce nouveau
soi. Ses absences, ses silences rendent compte du non amorçage de ce
processus. La demande de soutien psychologique de cette dame est plus que
légitime. Elle a été victime d’un système où encore la dimension humaine des
malades n’est pas encore suffisamment intégrée. Il ne s’agit pas d’un simple
dossier mais d’une personne avec son histoire propre, ses craintes, ses doutes et
ses ressentis.
3-Synthèse des entretiens
Le cancer du sein est le plus fréquent des cancers chez la femme [2]. Dans
notre étude, nous nous sommes aidés d’un guide d’entretien pour recueillir les
témoignages de 11 patientes ayant bénéficié d’une annonce diagnostique et
certains de leurs proches. Nous nous sommes entretenus avec un total de 18
personnes. Les patientes sont âgées de 29 à 58 ans avec un âge moyen de 42,73
ans.
Différents statuts matrimoniaux sont retrouvés. Les patientes sont célibataires,
mariées pour la plupart dans un ménage polygamique, divorcées,
« abandonnées », veuves. Elles sont toutes mères.
Le moment de l’annonce est perçu comme un énorme choc émotionnel chez la
quasi-totalité des patientes. La majorité d’entre elles ont été ébranlées :
«… c’est comme si tout s’effondrait autour de moi… ». En effet, Molley-
Massol le souligne, cette annonce agit comme « un cataclysme » qui saisit la
personne et lui inflige « une douleur d’une extrême violence » [25]. Cette
révélation frappe la patiente au plus profond de son être et fait résonner les
blessures psychiques. Ainsi, S.N et son mari ont du mal à faire le deuil de leur
fils(« …Je pense énormément à mon fils…Il me manque tant… »).
Elles ont exprimé soit dans le digital, soit dans l’analogique, pour la plupart
leur inquiétude, leur angoisse avec une émergence de nombreuses
interrogations.
«...Que vont devenir mes enfants ?...Si je devais mourir, qu’adviendra-t-il de
mes enfants…Ils sont si jeunes… ». Ces dernières mettent à nu la perte du
sentiment d’invulnérabilité de ces dames. Elles sont confrontées à une mort
« envisageable », annoncée qui mettrait à la fois un terme à leur existence
propre mais aussi à leur état de mère. Cette angoisse de séparation fait surface
avec l’annonce de cette maladie innommable pour certaines.
Le mot « cancer » a vieilli et sa représentation d’hier n’est plus celle
d’aujourd’hui. Les malades en rémission longue sont de plus en plus nombreux
et les traitements même s’ils sont lourds sont de plus en plus performants et de
mieux en mieux tolérés. Les patientes « oscillent entre le doute et l’espoir »
comme le remarque Françoise Bettevy [8]. Aujourd’hui, l’annonce du cancer
du sein ne signifie plus une mort certaine. Les patientes veulent croire à une
réalité médicale porteuse d’espoir qu’est la rémission longue.
Les attentes divergent selon les patientes. Elles veulent toutes connaître ce dont
elles souffrent. Elles ne veulent plus être dans le doute. Cela, des femmes telles
que H.D l’ont clairement exprimé « je voulais vraiment savoir ce que
j’avais ». A.G dira «…Savoir permet de clarifier les choses…Le doute aurait
pu me plonger dans la maladie mentale… » Certaines souhaitent que le
médecin communique avec elle sur leurs traitements et ses effets. D’autres
préfèrent plutôt être édifiées sur leur pronostic. Mais certaines estiment que
leur devenir n’est pas du ressort du médecin («Pour ce qui est du pronostic, je
ne demande pas aux médecins car c’est Dieu seul qui connaît le devenir du
malade… »). Dans une société islamisée comme la nôtre, la mort est
indépendante de la maladie. Elle survient à son heure sur décision divine. La
célèbre expression populaire « febbar ak dé bokkugne dara » (la maladie et la
mort n’ont rien en commun) traduit cette réalité sénégalaise.
Le cancer trouve sa singularité dans sa représentation, ce que Bézy appelle
« l’imaginaire de la maladie » [8]. Il a une charge symbolique. « Fanké…ouri
baleri…» renvoient à une dimension surnaturelle du cancer. Il est l’œuvre du
diable. Dans une conception pseudo islamisée, cela pourrait être culpabilisant ;
le diable s’en prend à celles qui ont exhibé leur sein au travers de vêtements
non convenables. Dans nos croyances ancestrales, le diable s’en prend à celles
qui n’ont pas honoré leur devoir envers les totems de la famille ou à celles sur
qui un sort est jeté.
La charge symbolique du cancer dépend aussi du symbolisme du sein. La
majorité des patientes de notre étude voient dans le sein l’image de la femme-
mère. En effet, le sein apparaît comme une marque identitaire de la femme
mais aussi reste un organe nourricier pour le bébé. La dimension sexuelle du
sein est plus abordée par les patientes les plus jeunes. Le sein occupe une place
dans les canons de beauté sénégalais. Avoir des seins fermes et assez gros est
un atout pour la sénégalaise. Le fait que cet aspect ne soit pas abordé par
toutes les patientes pourrait être lié à notre culture. Les patientes les plus jeunes
étant moins conformistes. En effet, tout ce qui est de l’ordre du sexuel est
tabou.
Cette étude aura montré la place prépondérante des proches dans
l’accompagnement des patientes. Elles souhaitent toutes être soutenues par leur
entourage. Une patiente nous déclare n’avoir pas besoin d’assistance médico-
psychologique car elle estime être suffisamment soutenue par sa famille. Une
autre cherche ce soutien au-delà de sa famille et en parle avec ses voisins. Une
autre réclame ce soutien à sa famille «…Je leur en veux pas pour l’absence de
soutien financier mais pour l’absence de soutien moral…». Ce rôle important
des proches a été souligné par Cattan « les proches assurent un soutien
psychologique, s’impliquent dans la prise en charge et accompagnent le
patient tout au long de son parcours médical. Ils apportent au médecin leur
connaissance du patient, laquelle permet habituellement de mieux comprendre
la situation. » Tout de même, dans le même article l’auteur attire l’attention
« les soignants sont assez enclin à établir un rapport de collusion avec les
proches si leur intervention s’en trouve simplifiée. Cette pratique excluant le
patient peut conduire à des annonces brutales au conjoint, plaçant ce dernier
dans une situation inadmissible d’annonceur et aboutissant à une souffrance
accrue du malade. A l’inverse, l’annonce faite au patient en l’absence de
proches le prive d’un soutien immédiat et l’oblige à devenir lui-même
annonceur. » [11]. La majorité des patientes de notre étude n’ont pas souhaité
que l’annonce soit d’abord faite à un membre de leur entourage. La présence
ou non des proches doit être une décision de la patiente. Dans notre réalité
sénégalaise, les proches sont au premier plan. Ils se cotisent pour soutenir
financièrement les patientes, chacun y met du sien. Pour ce qui est du soutien
psychologique, l’absence de dialogue avec verbalisation des ressentis peut être
une limite, certes pas dans toutes les familles. Souffrir en silence est une vertu
de la femme sénégalaise traditionnelle.
La majorité des annonces ont été faite par des médecins, certains généralistes,
d’autres cancérologues. Certains se sont montrés disponibles, capables
d’écouter la souffrance de leur patiente. A.G a apprécié la franchise, la clarté et
la disponibilité du médecin qui lui a annoncé sa maladie. Elle s’est sentie
écoutée. D’autres par contre ont adopté une fausse désinvolture, refusant de
croiser le regard de leur patiente. Ils ont même refusé de répondre à ses
interrogations. Une patiente nous dit « Le médecin essayait son ordinateur, il
appelait ou répondait à chaque instant…cela ne m’a pas du tout plu. J’aurais
aimé qu’il m’écoute, qu’il soit attentif à moi…» Une autre déclare « Le
médecin disait après…après…» Le médecin ignore le ressenti de la patiente, il
se contente de sa propre interprétation. Il imagine sans doute les
préoccupations et les craintes de la patiente. Cependant, il ne sait pas, faute de
l’avoir appris, comment et pourquoi l’inviter à dire ce qu’elle ressent. Il
instaure une distance lui garantissant une « anesthésie émotionnelle » [11]. Il
adopte une conduite de fuite.
Certaines patientes ont évoqué la brutalité de leur annonce diagnostique. Le
médecin embarrassé par le poids de sa découverte, se décharge sur la patiente
lui assenant une vérité crue. Dans la majorité des cas, les annonceurs n’ont pas
développé une connaissance mutuelle avec leur patiente préalable à l’annonce.
Ils n’ont parfois même pas tenu compte des attentes des patientes car ils n’ont
pas su les identifier. C’est comme si, ils ont rejeté la dimension humaine de
leur patiente en leur refusant le droit à la communication. D’autres ont tenté de
minimiser la charge émotionnelle de cette annonce en usant d’euphémismes.
Mais la réaction suscitée est toute autre, angoisse et doute prennent le dessus
chez ces patientes. Parfois, même le cadre est inexistant. Une patiente parle
d’une infirmière dans un couloir qui lui aurait annoncé sa maladie.
Des mécanismes de défense se constituent chez les patientes, les annonceurs et
même l’entourage. Chez certaines, leur psyché usera d’un refoulement associé
parfois à du déni, de l’ambivalence, de la pseudo-rationalisation, de la
sidération et/ou de la sublimation. Chez d’autres, de la culpabilité et de la
pseudo-rationalisation ont été retrouvées de façon isolée. Une patiente nous dit
« C’était si soudain…Je ne lui avais rien demandé…Un instant, j’ai pensé
qu’elle s’était trompée…cela ne pouvait être…J’étais en colère…Mais quand
je suis rentrée dans le bureau du médecin, il m’a confirmé ce jour là cette
maladie…Les autres médecins ne m’avaient rien dit…Je n’étais plus en
colère…C’est Dieu qui l’a voulu ainsi…Je n’ai pas pleuré…Je n’ai pas posé de
questions…Il semblait m’écouter attendant que je réagisse, mais je ne pouvais
rien dire…toutes mes pensées se sont tournées vers mes enfants…Si je devais
mourir, qu’adviendra t-ils d’eux ?…Ils sont si jeunes »
Certains médecins ont tenté de masquer leur émotion, maintenant délibérément
ou inconsciemment une distance avec la patiente. Celle-là, en face de nous,
venue nous rappeler par sa maladie, notre propre mort. Même si les avancées
de la médecine sont parvenues à diminuer la charge mortifère du cancer. La
fuite en avant s’avère être le mécanisme prédominant. L’usage d’euphémismes
et de mensonge a été moindre.
L’entourage réagit à l’intrusion du cancer. Une patiente nous rapporte que sa
famille banalise sa maladie. « Ils prennent ma maladie comme quelque chose
de légère, ça me fait mal qu’ils ne me croient pas…Ils m’appellent pour
demander comment je vais, je leur réponds bien…Je ne leur dis plus rien…Je
ne leur en veux pas pour l’absence de soutien financier mais pour l’absence de
soutien moral. » Cette famille tout entière refoule une vérité qui lui est
insupportable. La patiente le perçoit, par contre, comme du mépris. Cela traduit
la nécessité de mettre des mots sur les émotions de chacun, car tous sont
impliqués. Une autre patiente évoque son mari qui l’a abandonné après
l’annonce de son cancer. Est-ce un mécanisme de défense devant une présence
trop pesante ?
La nécessité d’une assistance médico-psychologique est apparue clairement au
travers de cette étude. La majorité des patientes l’ont exprimé et formulé la
demande. Cela a été une révélation inattendue de notre travail. Le carcan social
dans lequel les patientes sont forgées décrédibilisent la psychologie et la
psychiatrie, pourtant elles expriment ce besoin.
CONCLUSIONS ET
RECOMMANDATIONS
Cette étude, réalisée sur une période de deux mois, a porté sur 11 observations
avec un total de 18 personnes interviewées.
Nous avons tenté par cette étude qualitative de restituer aux professionnels de
santé sénégalais le vécu de ces patientes lors de leur annonce diagnostique. Nous
nous sommes évertué à recueillir leurs attentes, leurs déceptions et à faire l’écho
de leurs souhaits.
Nous avons procédé par des entretiens semi-directifs d’une heure. Pour fixer le
cadre, nous nous sommes aidé d’un guide d’entretiens comprenant 38 items. A
partir de ces entretiens nous avons retrouvé des caractéristiques communes par
rapport au vécu de cette annonce en milieu occidental. Les patientes ont toutes
ressenti ce moment comme un choc émotionnel.
Un nombre de constations ont été faites à partir de ces observations :
L’annonce diagnostique reste un énorme choc émotionnel quelque soit le
statut matrimonial et l’âge des patientes.
Les patientes ont exprimé soit de façon analogique, soit de façon digitale
leur inquiétude, leur angoisse de mort, de séparation avec les proches.
Les attentes divergent selon les patientes. Le désir d’information
diagnostique est retrouvé chez toutes ces femmes. Certaines souhaitent être
édifiées sur leur traitement et les effets occasionnés par ce dernier. Pour ce
qui est du pronostic, les avis des patientes restent partagés.
Les patientes ne veulent pas être dans l’angoisse d’un doute entretenu par
des euphémismes et/ou des mensonges.
La majorité des annonces sont faites par des médecins non préparés à cet
exercice. Aussi, ils tentent d’instaurer une distance avec les patientes.
Le cancer, dans la société sénégalaise, est porteur d’une énorme charge
symbolique.
Le sein, dans notre milieu culturel, revêt essentiellement trois dimensions :
une marque identitaire de la femme, un symbole de maternité et une
dimension sexuelle. Cette dernière serait moins évoquée du fait du tabou
social.
La place prépondérante qu’occupent les proches dans l’assistance
psychologique et financière des patientes.
La majorité des patientes n’ont pas souhaité que l’annonce soit faite
d’abord à un membre de leur entourage.
Les patientes ont formulé le souhait d’être écoutées. Elles souhaitent
également que les médecins leur accordent leur attention.
Certaines patientes ont évoqué la brutalité de leur annonce diagnostique.
Des patientes ont rapporté des annonces où il n’existait aucun cadre.
Des mécanismes de défense ont été identifiés chez les patientes, chez les
professionnels de santé de même que dans l’entourage. La pseudo-
rationalisation et le refoulement sont les mécanismes les plus rencontrés chez
les patientes. La fuite en avant et l’usage d’euphémismes sont retrouvés chez
les praticiens. Un refoulement collectif a été retrouvé chez une famille
entière.
La nécessité d’une assistance médico-psychologique est formulée
directement par certaines patientes.
L’ensemble de ces constatations amène à un certain nombre de réflexions.
Au Sénégal, le cancer du sein revêt une symbolique toute singulière. Elle n’est
pas forcément stigmatisante, en tout cas, pas forcément de la même façon
qu’elle pourrait l’être en Algérie. Cette symbolique est à la fois celle de la
maladie cancéreuse et celle du sein. Le cancer est un mal avec une dimension
« surhumaine », surnaturelle. Tout un mythe se construit autour de cette
maladie. Ce mal affecte et ronge le sein, reflet de la femme-mère mais
également de la femme érotique.
Cette maladie, très chargée symboliquement avec toute la richesse de la culture
sénégalaise, échappe à la médecine traditionnelle. Cette dernière semble
exceptionnellement disqualifiée dans la prise en charge de ce mal.
La structure singulière de la famille sénégalaise qui s’oppose à la classique
famille nucléaire occidentale. Parfois, même cette famille est élargie aux
voisins. Ce type d’organisation sociale permet de pallier le coût financier élevé
d’une pathologie appauvrissante. Mais, elle reste limitée souvent dans le soutien
psychologique des patientes. Les réalités culturelles sénégalaises valorisent le
concept de « souffrir en silence » C’est également ce mode organisationnel qui
rend quasi impossible l’évaluation des revenus des patientes.
L’annonce initiale aux proches peut s’avérer hasardeux voire catastrophique car
l’entourage, tout comme la patiente et le soignant, élabore des mécanismes de
défense pas toujours salutaire pour l’économie psychique de la patiente.
Ce travail est une invite aux professionnels de santé sénégalais, et en
l’occurrence les médecins, cancérologues ou non, à écouter les angoisses des
patientes, leurs ressentis d’un moment singulier pour eux. Nous ne cherchons
pas du tout à culpabiliser ces praticiens, mais seulement, juste inciter à la prise
de conscience.
Ce travail devrait peut-être poursuivi en recueillant les ressentis des soignants
qui occupent une chaise bien inconfortable, celle où l’annonce d’une maladie si
chargée dans l’imaginaire sociale et porteuse d’un potentiel mortifère.
Par cette étude, nous ambitionnons de contribuer à l’amélioration des
« consultations d’annonce » au Sénégal. Pour cela, le système soignant devra
s’assouplir et opérer certains changements. Aussi nous préconisons :
Les professionnels de santé, notamment les médecins cancérologues soient
formés aux techniques communicationnelles et à l’annonce de cancer ;
Le nombre de praticiens hospitaliers impliqués dans l’annonce soient
augmentés en vue d’offrir aux patientes plus de temps ;
Une annonce faite en tenant compte des attentes des patientes identifiées au
préalable ;
Une connaissance réciproque patiente/soignant comme préalable
indispensable à une annonce diagnostique ;
L’amélioration de la communication entre les différents praticiens
impliqués dans le suivi pour ne pas délivrer des messages contradictoires ;
La création d’un cadre approprié pour l’annonce en mettant à la disposition
des praticiens annonceurs des bureaux propices ;
La création de groupes de parole chez les patientes mais aussi chez les
praticiens afin de favoriser le partage des ressentis ;
La présence de travailleurs sociaux dans les équipes de prise en charge des
patientes cancéreuses ;
L’association à la prise en charge des patientes cancéreuses d’ un volet
psychologique structuré assuré par un psychiatre et/ou un psychologue.
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