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Changement climatique et littoral méditerranéen : comprendre les impacts, construire l’adaptation  Synthèse des pro grammes de rech erche CIRCLE-Med 2008-2011 Laurent Basilico, Marie Mojaïsky, Maurice Imbard Édition VERSeau Développem ent

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  • Changement climatique et littoral mditerranen : comprendre les impacts, construire ladaptation

    Synthse des programmes de recherche CIRCLE-Med2008-2011

    Laurent Basilico, Marie Mojasky, Maurice Imbard

    dition VERSeau Dveloppement

  • Cette brochure a t dite grce au nancement du ministre de lcologie, du Dveloppement Durable, des Transports et du Logement (CGDD/DRI) sous la coordination de lAssociation VERSeau Dveloppement, et dans le cadre de sa participation au programme ERA-Net CIRCLE.

    Les auteurs remercient le programme GICC pour les textes emprunts louvrage Changement climatique : impacts sur le littoral et consquence pour la gestion (Laurent Basilico, Natacha Massu et Daniel Martin).

    Contacts :Marie Mojasky, Coordinatrice CIRCLE-Med

    VERSeau [email protected]

    Maurice Imbard, Charg de mission changement climatique

    MEDDTL CGDD/DRI/[email protected]

  • Changement climatique et littoral mditerranen : comprendre les impacts, construire ladaptation

    Synthse des programmes de recherche CIRCLE-Med2008-2011

    Laurent Basilico, Marie Mojasky, Maurice Imbard

    dition VERSeau Dveloppement

  • 4Des falaises de lAlgarve la baie de Tunis, du dtroit de lbre la cte dalmate, les rivages mditerra-nens abritent, sur plus de 46 000 kilomtres, un patrimoine naturel et culturel sans quivalent. Berceau des civilisations antiques, espace de contacts autant que de contrastes, la mer au milieu des terres rassemble aujourdhui plus de 420 millions dhabitants, rpartis dans 22 tats. Ses ctes concentrent des enjeux socitaux et cono-miques majeurs : industrie, tourisme, agri-culture, installations portuaires. Elles sont aussi le lieu dune biodiversit remarquable. Zone refuge au cours des grandes glacia-tions quaternaires, le bassin mditerranen abrite 10% des plantes eurs du monde entier, et un grand nombre despces vg-tales ou animales endmiques.

    Dans un contexte de pressions anthropiques croissantes, lavnement du changement climatique suscite de nombreuses interro-gations. Selon le quatrime rapport du GIEC, les cosystmes mditerranens seraient parmi les plus menacs par lvolution an-nonce du climat. Quels seront les impacts de llvation du niveau de la mer, de son aci-di cation, de lvolution du rgime des pr-cipitations, sur ces quilibres vulnrables ? Sur les cosystmes ctiers, les masses deau de transition, les nappes phra-tiques ? Quelles consquences faut-il en attendre sur la qualit et la disponibilit de la ressource en eau, enjeu vital pour lappro-visionnement des populations, laquaculture et lagriculture ? Comment, en n, prparer ds aujourdhui ladaptation de nos socits ces changements, et quels outils mobiliser pour ce faire auprs des parties prenantes ?

    4

    Sicile Maurice Imbard

  • 5 linterface de la climatologie, de lhydro-logie, de la biologie, des sciences cono-miques et sociales, les questions cruciales de ladaptation appellent un vaste champ de connaissances scienti ques nouvelles, ali-mentant la dcision locale comme les poli-tiques globales. Cest dans cet objectif quont t mens les huit projets de recherche ports par la coordination internationale CIRCLE-Med, dont la confrence nale de restitution a rassembl, les 22 et 23 mars 2011 Aix-en-Provence, plus de 65 acteurs scienti ques, gestionnaires et reprsentants de collectivits issus de 10 pays.

    Mobilisant des quipes scienti ques de neuf pays, ces projets ont gnr, au terme de deux annes bien remplies, une moisson considrable de connaissances nouvelles pour ladaptation au changement climatique, sur des thmatiques originales et compl-mentaires. Pour certains, ils constituent des avances fondatrices dans des champs encore peu investis par la recherche. Les informations apportes dans la prsente synthse ne fournissent quun rapide pano-rama de ces apports : outre les importants rapports naux dlivrs pour chaque projet, les travaux des quipes CIRCLE-Med se sont dj traduits par une trentaine de publica-tions scienti ques, et de nombreuses autres sont en cours dacceptation ou en prpara-tion.

    Au-del des progrs induits pour la com-prhension des impacts du changement climatique sur le bassin mditerranen,

    les projets CIRCLE-Med, mens dans une optique dappui la dcision, ont favoris, sur chacun des sites concerns un dialogue entre science, gestionnaires et acteurs lo-caux autour de ces questions complexes. Ils constituent ce titre autant davances vers une gestion intgre, proactive et transdisci-plinaire du littoral mditerranen. Dans cet objectif, les expriences participatives me-nes localement sont galement porteuses de prcieux apports mthodologiques pour la sensibilisation des acteurs, leur mobili-sation, et la co-construction de ladaptation.

    En n, le cycle CIRCLE-Med a apport, en phase avec lesprit du mcanisme ERA-Net, une contribution prcieuse la mise en rseau de lEurope de la recherche et sa connexion avec les universits et labo-ratoires des rivages sud de la Mditerrane. De Montpellier Faro, de Tunis Hafa, de Palerme Tirana, des ponts ont t btis entre les quipes scienti ques engages sur les projets, mais aussi avec dautres partenaires de recherche, des organismes publics, des collectivits locales, des acteurs conomiques. Ces liens, contractuels ou informels, constituent un acquis majeur des projets. Ils doivent maintenant tre entrete-nus, exploits, prenniss par le biais de col-laborations venir, pour poursuivre les tra-vaux initis par CIRCLE-Med ou explorer des pistes complmentaires. Cest dans la dure que se construiront les rponses de nos socits aux d s cruciaux du changement climatique : du global au local, de lanalyse cible la vision intgre.

    Introduction

  • 6Sommaire1 Changement climatique et rgions littorales :

    notions prliminaires et projections globales ................................... 81.1 Quel changement climatique ? .................................................................. 101.2 Quelles consquences pour les rgions littorales ? .................................. 11 1.3 Le pourtour mditerranen : entre intgration et multiplicit .................. 14

    2 Comprendre les impacts : de lcologie lconomie .........................182.1 Impacts sur les cosystmes marins : cas des bivalves ........................... 202.2 Impacts sur la bande intertidale ............................................................... 232.3 Impacts sur les eaux de transition ........................................................... 262.4 Impacts sur les nappes phratiques et les cosystmes dpendants ..... 312.5 Impacts sur les bassins versants ctiers ................................................... 352.6 Vers une gestion intgre : tude pilote dans le golfe de Gabs (Tunisie) .. 38

    3 Construire ladaptation : outils et mthodes ..........................................423.1 Quelles recommandations la gestion ? .................................................. 443.3 Mobilisation des acteurs locaux : retours dexprience ........................... 483.2 Projet Aquimed : des outils participatifs pour construire ladaptation .... 50

    Liste des publications ...........................................................................................42

    Rfrences bibliographiques et webographie ................................................60

    6

  • 7Oualidia

    Chaouia

    Sidi Boughaba

    Taheddart

    Ile de Terceira

    Algarve

    Delta de l'Ebre

    Aquifredu Roussillon

    Parc Camargue Flumi Uniti-Bevamo

    ParcoCirceo

    Golfe de Gabs

    Lampedusa

    Malta

    Siciliancoasts

    Akhziv

    Bat Yam

    Zadar

    Neretva

    Prevlaka

    Mer Mditerrane

    Orbetello

    Acidbiv

    Climwat

    Climbiomednet, Aquimed

    Cantico

    Waterknow

    Medcodyn

    InterMed

    CIRCLE-Med en brefCr en 2002 par la Commission europenne, le mcanisme ERA-Net (European research area network) joue depuis un rle prpondrant dans la mise en rseau de lespace europen de la recherche : il permet des bailleurs de fonds nationaux dans le domaine de la recherche de se coordonner lchelle europenne et dmettre des appels propositions communs. Il est no-tamment lorigine du projet ERA-Net CIRCLE (Climate impact research and response coordina-tion for a larger europe), rseau europen de coor-dination de programmes de recherche ddis ladaptation au changement climatique. Dbut en 2004 avec un nancement du sixime pro-gramme cadre de recherche et dveloppement (PCRD6) de la Commission, ERA-Net CIRCLE est depuis 2010 nanc par le programme PCRD7. Il constitue aujourdhui un rseau de 34 institutions issues de 23 pays (ministres, autorits rgio-nales, organismes gestionnaires de projets). Il dveloppe un fonctionnement par groupes go-thmatiques espace mditerranen, domaine nordique ou espace montagnard pour lesquels les connaissances sur les impacts du chan-gement climatique et les solutions possibles dadaptation demandent une approche intgre et partage.

    Trois appels joints projets de recherche ont t lancs ce jour dans le cadre de CIRCLE, corres-pondant aux trois premiers groupes go-thma-tiques identi s : Gestion de leau en zones ctires mditerra-

    nennes en 2007 (Circle-Med) Consquences du changement climatique

    pour les politiques des pays nordiques en 2007 (Circle-Nordic )

    Adaptation en zones de montagne en 2009 (Circle-Mountain)

    En juillet 2007, lappel proposition de recherches CIRCLE-Med, ddi la thmatique de la gestion de leau en zones ctires mditerranennes, a t lanc par cinq partenaires co- nanceurs du rseau ERA-Net CIRCLE : les Ministres fran-ais, italien et isralien en charge de lenvironne-ment, la Fondation portugaise pour la science et la technologie (FCT) et le Conseil de linnovation et de lindustrie de Galicie. Sur seize propositions reues, huit projets furent slectionns pour un budget total de 1,65 M, chaque partenaire nanceur gardant la matrise de sa contribution. Les programmes retenus, dune dure de deux ans, ont associ des structures de recherche en France, Italie, Portugal, Espagne, Isral, Maroc, Tunisie, Croatie et Albanie. La coordination et la valorisation de ces travaux ont t pilotes par le MEDDTL (Ministre de lcologie, du dvelop-pement durable, des transports et du logement), avec lappui technique de lassociation VER-Seau Dveloppement. Outre le site internet www.circle-med.net, linformation sur les projets a t partage par la diffusion de lettres dinfor-mation trimestrielles.

    Figure 1. Les sites dtude et de coordination des projets CIRCLE-Med

    Sites dtudes

    Coordination du projet

    Pays participant aux projets CIRCLE-MED

  • 8Changement climatique notions prliminaires et projections globales

    1

    8

  • 9 et rgions littorales :

    Le quatrime rapport du GIEC (Groupement dex-perts intergouvernemental sur lvolution du cli-mat), paru en 2007, tablit lexistence dun chan-gement climatique : Le rchauffement du systme climatique est sans quivoque, car il ressort dsormais de lobservation de laugmentation des tempratures moyennes mondiales de latmosphre et des ocans, de la fonte gn-ralise des neiges et des glaces, et de llvation du niveau moyen mondial de la mer. (GIEC, 2007)

    Le rapport constitue en outre une avance majeure dans lexplication des mcanismes contribuant ce change-ment, et con rme lorigine anthropique de ce dernier : Lessentiel de laccroissement observ sur la temprature moyenne globale depuis le milieu du XXe sicle est trs proba-blement d laugmentation observe des concentrations des gaz effet de serre anthropiques. (GIEC, 2007)

    En introduction aux travaux mens dans le cadre de CIRCLE-Med, cette premire partie fournit un reprage des connaissances actuelles sur le changement climatique et dresse un panorama des mthodes et des scnarios uti-liss en climatologie. Elle donne un aperu gnral des diffrentes consquences observes ou attendues de ce changement sur les eaux marines et sur le littoral : lvation du niveau moyen de la mer, de sa temprature, acidi cation des ocans. Elle prsente en n le contexte particulier du bassin mditerranen, et introduit, au regard de ses spci cits environnementales et socitales, les im-plications du changement climatique sur les cosystmes ctiers, les nappes phratiques et les usages locaux de la ressource en eau.

    Plage du petit travers, Hrault Michel Dukhan

  • 10

    1.1 Quel changement climatique ?

    Depuis 1910, la temprature moyenne de la Terre sest accrue denviron 0,6 C. La dcennie 1990 a t la plus chaude du XXe sicle, en valeur moyenne et au niveau pla-ntaire, avec un record pour lanne 1998. La dcennie actuelle ne dment pas cette ten-dance, et lanne 2010 a t la plus chaude jamais enregistre, galit avec 2005. Le diagramme ci-dessous illustre la rapidit et lintensit de cet accroissement, sans prc-dent depuis lre quaternaire.

    Scnarios dmissions et projections climatiques

    Pour alimenter les modles climatiques utiliss par les scienti ques et gnrer des projections, le GIEC tablit divers scnarios dmissions bass sur diffrentes hypo-thses dvolution socio-conomiques et

    gopolitiques. Dans le quatrime rapport, deux scnarios sont frquemment cits. Le scnario dit A2, le plus pessimiste, envisage une certaine inaction ou inef cacit des au-torits mondiales, qui ne pourraient viter dici 2100 un triplement des concentrations en gaz effet de serre depuis la rvolution industrielle. Celui-ci se traduirait par une augmentation de temprature moyenne, pour la France, de 5C en un sicle. Le sc-nario B2 correspond quant lui une r-duction ef cace et gnrale des missions permettant de ralentir laugmentation de la concentration atmosphrique en gaz effet de serre, laquelle limiterait laccroissement de la temprature moyenne, en France, 3C dici 2100. Ce scnario, prsent comme optimiste, correspondrait tout de mme une augmentation moyenne de la tem-prature de la plante suprieure tout ce quelle a connu au cours des 400 000 der-nires annes.

    NO2 protoxyde dazote

    CO2 dioxyde dazote

    CH4 mthane

    D (~T)

    360

    320

    280

    240

    200

    -360

    -380

    -400

    -420

    -440

    -600 000 -125 000500 400 300 0

    Temps en centaine de milliers dannes (rf. : 1950)

    Figure 2. Variations de la temprature moyenne de la Terre et concentrations atmosphriques de quelques gaz effet de serre, du quaternaire nos jours. Reconstruction paloclimatique sur la base de carottages glaciaires. Projet EPICA dome C.

    10

  • 11

    Modles climatiques, incertitudes et rgionalisation

    Ces projections globales restent entaches dune forte incertitude, issues des forages (scnarios dmission), des imprcisions inhrentes aux calculs numriques, et de la prise en compte toujours perfectible par les modles de certains mcanismes du sys-tme climatique.

    Un axe de progression, essentiel dans une perspective de gestion et dadaptation, concerne ainsi la rsolution spatiale des projections, ou descente dchelle : les projections globales masquent une grande diversit des volutions locales, en termes de temprature et de prcipitations. Pour le bassin mditerranen, cette descente dchelle a notamment t amorce avec le projet CIRCE (www.circeproject.eu), voqu dans la section 1.3 de la prsente synthse. La gure suivante est un exemple des rsul-tats des simulations de CIRCE.

    1.2 Des consquences multiples sur les rgions littorales

    La consquence la plus mdiatise du chan-gement climatique sur le littoral est bien sr llvation du niveau de la mer, qui suscite ds aujourdhui de nombreuses recherches portant sur ladaptation des cosystmes, la gestion du trait de cte ou la prserva-tion des enjeux socio-conomiques. Mais dautres implications du changement clima-tique impactent ds aujourdhui les milieux ctiers : lacidi cation et le rchauffement des ocans modi ent les quilibres colo-giques, et par consquent les secteurs de laquaculture, de la pche ou du tourisme.

    52 N

    42 N

    28 N10W 0 10E 20E 30E 40E

    52 N

    42 N

    28 N10W 0 10E 20E 30E 40E

    52 N

    42 N

    28 N10W 0 10E 20E 30E 40E

    52 N

    42 N

    28 N10W 0 10E 20E 30E 40E

    0 0.5 0.75 1 1.25 1.5 1.75 2

    2 2.5 3 3 .5 4 4.5 5 5.5 6 6.5 7 7.5 8

    HIVER

    HIVER

    T

    T

    1951-2000

    1951-2000

    2001-2050

    2001-2050

    Figure 3. Moyenne multi modle de la temprature 2 mtres du sol obtenue par les simulations du projet CIRCE pour les priodes de 1951-2000 et 2001-2050. Lunit de lchelle est le (C/dcennie) multipli par un facteur 10 pour une meilleure lisibilit (Gualdi S. et al, in press).

  • 12

    En n, des volutions importantes sont pr-voir sur la qualit et la disponibilit des res-sources en eau douce. Llvation du niveau de la mer accrot le risque dintrusions salines dans les nappes phratiques. La tension sur la ressource sera encore accrue par les modi -cations annonces du rgime des prcipita-tions, couples un accroissement des be-soins socitaux pour lirrigation par exemple. Ces impacts pr gurent des enjeux de gestion majeurs, dont la prise en compte par la sphre de la recherche est encore naissante.

    Une lvation inluctable du niveau de la mer

    Celle-ci est dj observe : entre 1900 et 2000, on a relev une lvation moyenne glo-bale de 1,7 mm/an. La tendance sacclre actuellement : entre 1993 et 2003, le rythme global a t de 3,1 mm/an, ce qui correspond une lvation de 31 cm sur un sicle. Les contributions llvation du niveau de la mer sont multiples : dilatation thermique de leau due au rchauffement, fonte des glaciers, du Groenland et de lantarctique, apport des eaux continentales. Pour calcu-ler les consquences venir du changement climatique sur les masses deau ocaniques,

    les climatologues utilisent des modles cou-pls ocans-glaciers-atmosphre. On peut donner ici quelques projections dlvation pour la dcennie 2090-2099, en rfrence 1980-1999. Pour le scnario B2 (augmenta-tion de la temprature moyenne globale de 2,4C), celle-ci serait comprise entre 0,20 et 0,43 m. Dans le cas du scnario A2 (+ 3,4C), laugmentation du niveau de la mer serait comprise entre 0,23 et 0,51 m (GIEC, 2007).

    Rchauffement et acidi cation des ocans

    Outre llvation du niveau de la mer, le changement climatique se traduit par des modi cations des caractristiques physi-co-chimique des eaux marines. Le premier paramtre impact est bien sr la tempra-ture : locan mondial a stock plus de 90% de laugmentation de quantit de chaleur reue par la plante pendant la seconde moiti du XXe sicle (Bindoff et al., 2007). Levitus et al. (2009) estiment que la temprature moyenne des eaux super cielles a augment de 0,17C depuis 1969. Cette tendance est, l encore, ingalement rpartie dans lespace. Cest en Atlantique Nord quelle a t la plus marque (+0,4C).

    12

  • 13

    Ce rchauffement saccompagne dune s-rie dvolutions des quilibres chimiques. Alors que la concentration en oxygne des eaux marines tend diminuer (Keeling et al., 2010), la concentration en CO2 connat un accroissement significatif : on estime que les ocans absorbent 25 30 % du CO2 mis par les activits humaines. Cette absorption entrane une acidification des eaux superficielles marines, qui ont connu une diminution de leur pH moyen denviron 0,1 depuis 1800 avec toujours des dispa-rits gographiques.

    La dynamique couple du rchauffement et de lacidification de locan mondial se caractrise par une grande complexit, in-cluant diffrents mcanismes de rtroac-tion. Par exemple, llvation de la tem-prature diminue la solubilit du CO2 dans leau. Des impacts sont galement atten-dus sur les cosystmes, et les premires communauts biologiques concernes pourraient tre les bivalves coquilles carbones, dont la physiologie est lie au pH du milieu.

    Consquences sur les cosystmes : un d scienti que

    La comprhension et la prvision des r-ponses possibles de la biodiversit marine ces changements coupls rchauffe-ment, acidi cation, modi cation des qui-libres chimiques restent un vritable d scienti que. Des impacts sont attendus, et souvent dj observs, sur les aires de rpartition des espces, mais aussi sur le fonctionnement des rseaux trophiques, avec par exemple des altrations des rela-tions prdateurs-proies. Le rchauffement a en outre pour effet de rduire lapport de nutriments aux eaux super cielles en ren-forant leur strati cation. Cet appauvrisse-ment limite la production primaire et favo-rise lextension de dserts ocaniques (Polovina et al., 2008). Lapparition des-pces envahissantes, dj constate, pour-rait galement tre favorise par le change-ment climatique ; en n, la diminution de la concentration en oxygne des eaux marines pourrait aggraver jusqu lanoxie les effets de leutrophisation des eaux ctires (Diaz et Rosenberg, 2008).

    Pour ce qui est des poissons, lanalyse des variations daires de rpartition a beaucoup progress au cours de la dernire dcennie. lchelle mondiale, Cheung et al. (2008, 2009) ont esquiss une projection des effets de dif-frents scnarios sur lorganisation de 1066 espces de poissons et invertbrs marins. En Mditerrane, sur la base dune simula-tion ocanographique physique publie dans Somot et al. (2006), Ben Rais Lasram et al. (2010) ont cartographi lvolution jusqu la n du XXIe sicle des habitats potentiels de 75 endmiques, en quasi-totalit ctires. La gure ci-aprs (Fig. 4) montre les rsul-tats obtenus, dans le cas du scnario A2 du Camargue

    Michel Dukhan

  • 14

    GIEC, pour la fausse-limande (A. kessleri) : les rsultats montrent la disparition progressive, dici 2099, de 90% des habitats favorables cette espce, aujourdhui rpandue dans tout le bassin. Toujours dans le scnario A2, la temprature super cielle aura augment de 3,1 degr en 2070-2099. Les habitats seront rduits pour 50 des espces endmiques considres, et 14 dentre elles disparatront vraisemblablement. linverse, certaines verront leur aire de rpartition stendre, limage de la sole gyptienne, qui pourrait oc-cuper tout le bassin la n du sicle (source CCBio, 2011).

    1.3 Le pourtour mditerranen : entre intgration et multiplicit

    Carrefour entre Nord et Sud, entre Orient et Occident, la Mditerrane est un espace de contact autant que de fractures. Ses rives, densment peuples, baignent 22 pays sur trois continents. Partout, la bande ctire concentre des populations et des enjeux so-cio-conomiques importants. Les contrastes sont vidents entre le Nord dvelopp et le Sud en dveloppement. Dun ct, une d-mographie stabilise ; de lautre, des popu-lations jeunes et en accroissement. Dun ct, un socle politique porte par lUnion europenne ; de lautre, des constructions dmocratiques encore naissantes. Dun ct le monde judo-chrtien, de lautre la civili-sation islamique.

    Mais au-del de ce clivage schmatique, chaque pays diffre de ses voisins par son histoire, sa culture, sa ralit propre. De mme, il partage avec eux une histoire, une culture, une ralit communes : celles du bassin mditerranen.

    Lune de ces caractristiques partages tient un climat spci que, auquel la Mditerra-ne a donn son nom. lexception des litto-raux libyen et gyptien, de type dsertique, le climat mditerranen baigne lensemble du bassin et stend jusquaux ctes atlantiques du Maroc et du sud du Portugal. Il est caract-ris par quatre saisons contrastes. Les ts chauds sont marqus par une faible pluvio-mtrie, et connaissent rgulirement des s-cheresses parfois intenses. Lhiver est doux, la moyenne mensuelle des tempratures nest jamais infrieure 0C. Le printemps et surtout lautomne concentrent lessentiel des pluies. Les quantits annuelles de prcipita-tions sont relativement importantes : 765 mm

    4575 N

    3800 N

    3025 N0595 W 1513 E 3621 E

    dbut 1980

    2041-2060

    2070-2099

    prsence absence

    Figure 4. volution de laire de rpartition de la fausse limande (Arnoglossus kessleri) en Mditerrane au XXIe sicle pour le scnario A2 (Ben Rais Lasram et al. 2010).

  • 15

    Le changement climatique sopre dans le contexte du faisceau plus large des pressions anthropiques sexerant sur les cosystmes aquatiques. En quelques dcennies, lindus-trie et lagriculture ont entran de nom-breuses pollutions dans les sols, les masses deau ctires, les estuaires et les lagunes. Lurbanisation acclre a engendr une arti cialisation des rivages et la dgrada-tion des milieux naturels, la globalisation des transports a entran larrive dans les cosystmes despces exotiques et parfois envahissantes. Limpact de ces pressions sur les milieux est bien souvent coupl avec celui du changement climatique. Ce dernier entrane par exemple des conditions plus favorables pour la pullulation de certaines espces et acclre leutrophisation des milieux aquatiques. De mme laccroisse-ment des tempratures se traduit par des besoins croissants en eau dirrigation, qui gnrent en retour des impacts supplmen-taires sur le dbit des euves ctiers ou la balance recharge-prlvement des nappes phratiques.

    Dans ce contexte dinteractions multiples et dimpacts croiss, lattribution dun impact observ une cause donne est une dif cul-t rcurrente des recherches menes pour ladaptation. Telle rduction constate loca-lement dune population de moules est elle imputable au rchauffement de leau, son acidi cation, un polluant chimique, une prolifration dalgues ou, plus probable-ment, la combinaison de plusieurs de ces facteurs ? La notion de changement clima-tique comme composante dun changement global est dsormais consensuelle. Ds lors, le vritable enjeu des recherches menes sur ladaptation au changement climatique est bien de diminuer la vulnrabilit des co-systmes et des socits humaines au chan-gement global. Rciproquement, lamliora-tion de la capacit dadaptation des milieux suppose un effort concert pour la rduction des pressions anthropiques locales.

    Changement climatique et changement global : les dif cults de lattribution

    Alger, 862 mm Nice, et mme 2 000 mm sur les Cvennes. Parfois trs concentres dans le temps, elles peuvent avoir des cons-quences dramatiques : cest le cas, en France, des pisodes cvenols susceptibles de pro-voquer des crues soudaines et dvastatrices lautomne. En n, le climat se distingue par une forte variabilit interannuelle, ce qui constitue une dif cult supplmentaire pour la gestion de la ressource en eau.

    Ces caractristiques climatiques se tra-duisent par une biodiversit aussi remar-quable que vulnrable. Le bassin mditerra-nen abrite 25 000 espces de phanrogames, soit 10% des plantes eurs du monde entier (source : ENS Lyon). Plus de la moiti lui sont endmiques.

    Porquerolle Maurice Imbard

  • 16

    lheure du changement global, nombre de ces espces subissent la fragmentation voire la disparition de leurs habitats : environ 5 000 dentre elles (17% de la ore totale) sont classes comme menaces, rares ou vulnrables par lUnion mondiale pour la conservation de la nature (IUCN). Ainsi, 80% des plantes concernes par la Directive Habi-tats de lUnion europenne sont prsentes dans les pays mditerranens. Les pressions anthropiques affectent galement la faune mditerranenne, limage du phoque moine (Monachus monachus), quasiment disparu de la mer ge ou des ctes du Maghreb o il tait autrefois trs commun. Les milieux aquatiques, les zones humides, les espaces deltaques, abritent des cosystmes parti-culirement fragiles, surtout au sud.

    De mme quil impacte les cosystmes mditerranens, le changement climatique constitue un facteur dinquitude crois-sant pour les enjeux socio-conomiques concentrs dans le bassin. Cette inquitude concerne en premier lieu la ressource en eau douce, besoin vital pour lalimentation en eau potable des populations, mais aussi pour une agriculture qui repose largement sur lirrigation. Comment laccroissement annonc des tempratures et les modi ca-tions du rgime des pluies affecteront-elles les hydrogrammes des euves ctiers ? Dans quelle mesure la submersion menace-t-elle les nappes phratiques dintrusions salines ? Comment la qualit et la disponibilit de la ressource en eau seront-elles impactes par ces volutions ? Et quelles consquences in-directes peut-on en attendre sur lagriculture, laquaculture, ou encore le tourisme, dont le bassin mditerranen est la premire desti-nation mondiale ?

    Projet CIRCE : des projections climatiques de haute rsolution pour le bassin mditerranen

    Pour progresser sur les questions cruciales de ladaptation, la premire condition est de disposer de projections climatiques ables localement. Pour le bassin mditerranen, une tape-cl dans cette descente dchelle a t franchie avec le projet CIRCE*, nanc par le PCRD6 et co-organis par lInstitut national de gophysique et de vulcanologie (INGV, Italie). Grce lemploi de modles avancs, il a per-mis daf ner les travaux du GIEC sur le pourtour mditerranen, aboutissant un faisceau de projections climatiques lhorizon 2050, de r-solution spatiale leve (30 km, contre 300 pour les projections globales du GIEC). Ses conclu-sions ont t prsentes lors de la confrence nale du projet, organise du 23 au 25 mai 2011 Rome. Il en ressort que la rgion connatra un rchauffement plus marqu que la moyenne mondiale, avec un accroissement de la temp-rature de surface de la mer compris entre 0,8C et 1,8C en 2050. Ce qui se traduira par une l-vation du niveau des eaux comprise entre 6 et 12 cm. Les prcipitations moyennes chuteront de 5 10% par rapport aux valeurs actuelles, tandis que les vnements extrmes (inonda-tions, pluies torrentielles, cyclones) seront plus frquents. Ces chiffres ne sont cependant que des ordres de grandeur moyens : les modles de CIRCE ont mis en vidence le caractre hau-tement imprvisible du systme mditerranen, trs in uenc par sa topographie complexe et sujet une grande variabilit spatiale.

    Pour aller plus loin et permettre une vritable adaptation des politiques nationales, rgionales mais aussi et surtout locales aux impacts du changement climatique, il est dsormais nces-saire de construire le dialogue entre recherche, gestion et usages socitaux au niveau des ter-ritoires : port, bassin versant ou plaine ctire, par exemple. Cest dans cet objectif quont t mens huit projets de recherche impulss par CIRCLE-Med.

    * www.circeproject.eu

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    Tunisie Michel Dukhan

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    Comprendre les impacts : de lcologie lconomie

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    Oualidia, Maroc Tibor Stigter

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    De 2008 2010, les huit projets de recherche CIRCLE-Med ont explor diffrentes facettes de la problmatique de ladaptation au changement climatique. Mens dans un souci constant de dialogue avec les gestionnaires et dcideurs locaux, ils se sont nourris dexprimentations et de collaborations construites sur un ensemble de 22 sites dtudes, repr-sentatifs de la diversit du bassin mditerranen de Oua-lidia sur la cte marocaine Bat Yam en Isral, du parc naturel de Camargue lle de Lampedusa, au large de la Sicile. En pralable la construction des politiques dadap-tation, une part importante des efforts entrepris par les diffrentes quipes mobilises tait consacre lacquisi-tion de connaissances nouvelles sur les impacts attendus du changement climatique sur ces sites et par extension, sur les sites aux caractristiques cologiques et cono-miques comparables.

    Cette seconde partie est consacre la prsentation de ces apports scienti ques, pour chacun des cosystmes consi-drs : cosystmes marins, bande intertidale, lagunes, bassins versants ctiers, nappes phratiques et cosys-tmes dpendants.

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    2.1 Impacts sur les cosystmes marins : cas des bivalves

    Lacidi cation conscutive laccroissement des concentrations en CO2, couple aux autres modi cations des quilibres biochi-miques gnres par le changement clima-tique, constitue un sujet dinquitude, en pre-mier lieu, pour les populations de mollusques coquilles carbones. Ces animaux, parfois de grand intrt patrimonial ou conomique, sont un chanon essentiel dans le fonction-nement des cosystmes marins : ils lient la production primaire aux niveaux trophiques suprieurs. En affectant la physiologie de ces espces, lacidi cation entranerait en cas-cade des modi cations de leurs actions sur les cosystmes : taux de ltration, de res-piration, dexcrtion. Le projet ACIDBIV sest donn pour objectif de mener une analyse in-tgre de ces impacts, et de leurs traductions pour les secteurs conomiques de la pche et de laquaculture.

    Une tude prliminaire a permis de dtermi-ner les espces de bivalves les plus perti-nentes pour les exprimentations et la mod-lisation, ainsi que les tapes de leur cycle de vie tudier. Le choix de la moule Mytilus gal-loprovincialis, dintrt commun, sest impos tous les partenaires. Deux autres espces ont t retenues pour leur intrt rgional : le clam Chamelina gallina, exploit en Adriatique du Nord, et le clam Ruditapes decussatus, pr-sent sur les littoraux dAlgarve et de Tunisie.

    Une fois ces espces identi es, les parte-naires ont d ni un ensemble de protocoles exprimentaux et analytiques communs pour le suivi de 14 paramtres dtude par exemple : composition de la coquille, den-sit, taux de croissance, activit reproductive, mortalit.

    Le scnario pessimiste A2 du GIEC a t choisi comme base de travail. Des modles numriques, cals laide des donnes his-toriques disponibles, ont t utiliss pour simuler ses implications sur le pH et les autres paramtres, pour les sites dtudes de Ria Formosa (Portugal) et de la lagune de Venise (Adriatique Nord). Un grand nombre dexprimentations ont t menes en labo-ratoire pour caractriser les effets court ou long terme (plusieurs semaines plu-sieurs mois) de lacidi cation sur la structure des coquilles, la croissance des juvniles, le comportement alimentaire des individus.

    Les observations ont t dans un second temps af nes par des tudes en mso-cosmes, implants la station hydrobiolo-gique de Chioggia (Italie) : en communication avec la lagune, les rservoirs permettaient disoler les effets du forage en pH, les autres paramtres voluant naturellement avec leau extrieure.

    ACIDBIVImpacts coupls de lacidi cation marine et du changement climatique sur les populations ctires de bivalves et laquaculture : caractrisation et adaptation Organismes nanceurs

    IMELS Italian Ministry for Environment, Land and Sea FCT Foundation for Science and Technology - Ministry

    of Sciences, Technology and Higher Education CII Galicia Consellera de Innovacin e Industria

    Xunta de Galicia

    Organismes partenaires

    UNIPD University of Padova - Department of Biology FSB Faculty of Sciences of Bizerta CSIC Consejo Superior de Investigaciones Cienti cas CCMAR Centre of Marine Sciences of Algarve

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    Des impacts site-spci ques

    Cette srie dexpriences, sans prcdent sur le sujet, a mis en vidence des rponses contrastes lacidi cation. En Adriatique Nord, des effets trs signi catifs ont t ob-servs pour les deux espces considres. Lexposition ponctuelle des adultes un pH rduit, tout comme lexposition long terme des individus juvniles, sest traduite par des prjudices importants sur la formation des coquilles, et par une croissance minore dans le cas de C. gallina. Lorsque les mol-lusques taient de surcrot exposs des valeurs de salinit et de temprature le-ves, une mortalit accrue et une capacit moindre survivre lair libre taient obser-ves. Les quipes ont galement mis en vi-dence des altrations des fonctions de respi-ration, de ltration, ou encore des rponses immunitaires, pour les moules comme pour les clams. De manire gnrale, ces rsul-tats montrent un affaiblissement trs net des espces soumises simultanment un pH rduit et des valeurs de temprature et de salinit correspondant aux limites de leur tolrance spci que. Ce constat suggre un risque accru localement dextinction de ces espces.

    En comparaison, les rsultats obtenus dans la lagune de Ria Formosa montrent un impact moindre de lacidi cation sur les populations. Des spcimens jeunes des deux espces ont survcu plus de 80 jours des valeurs de pH trs basses (0,7), sans dom-mages majeurs pour les coquilles mais avec tout de mme une calci cation moindre dans le cas des moules. Dans le cas de R. dessicatus, les altrations des paramtres physiologiques observes sous leffet de lacidi cation laissent entrevoir une crois-sance minore long terme : taux dinges-tion et de respiration plus bas, rejets ammo-niaqus accrus.

    Les rponses de M. galloprovincialis, com-mune aux deux sites dtude, diffraient donc nettement dun site lautre, mais aus-si dune tape lautre du cycle de vie. Cette observation, inattendue dans cette ampleur, met en vidence le danger quil y aurait extrapoler des connaissances acquises loca-lement. De mme, les rponses obtenues pour une espce donne ne prvalent pas du comportement dune autre espce. Les impacts de lacidi cation sur les bivalves sont site-spci ques, mais aussi propres chaque espce.

    Figure 5. Dispositif exprimental pour ltude en msocosme des effets long terme de lexposition de bivalves juvniles lacidi cation.

    Bassin extrieur avec de leau de mer temperature, salinit et lumire normales

    Flux deau de mer

    Bassin de contrle (x3) Bassin exprimental (x3)

    pH 7.4

    CO2

    M. Galloprovincialis (1.2 0.5 cm)Chamelea gallina (0.7 0.2 cm)Croissance Indice de ConditionDveloppement des gonadesParamtres physiologiques et biochimiques

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    Cette variabilit spatiale met en vidence la ncessit de prendre en compte les para-mtres locaux susceptibles de renforcer ou de limiter les effets de lacidi cation. Ainsi la chimie carbone de la lagune de Ria For-mosa se distingue-t-elle par son alcalinit totale trs leve, probablement couple des ruissellement eux-mmes trs alcalins en provenance des eaux continentales. Ce contexte a vraisemblablement limit lim-pact de lacidi cation sur la calci cation et la croissance des coquilles.

    Plus gnralement, les bivalves vivant dans les eaux ctires de transition et estua-riennes apparaissent naturellement plus exposes des variations rgulires de la chimie carbone de leau que les populations implantes en pleine eau. Ce point, mis en vidence par des chantillonnages raliss sur les habitats intertidaux de moules sur les ctes galiciennes, suggre que ces po-pulations des eaux de transition pourraient prsenter une meilleure tolrance lacidi- cation annonce des ocans.

    En consquence, une piste de recherche pertinente consiste tudier les interac-tions entre la composition chimique locale des eaux marines (pollutions, chimie du car-bone) et les impacts biologiques de lacidi -cation due laccroissement du CO2 dissous. Dans cet optique, deux exprimentations ont t inities la suite du projet ACIDBIV, pour les mmes espces, Padoue (Italie) et en Algarve.

    Une analyse poursuivre

    Mer semi ferme, la Mditerrane prsente des caractristiques ocanographiques et biogographiques uniques, qui peuvent contribuer exacerber, ou au contraire limiter, les impacts cologiques de lacidi -cation. Lapport croissant en nutriments des rivires, les pollutions, la pche ou laqua-culture, parmi dautres pressions anthro-piques, complexi ent encore ce jeu dinte-ractions croises. Au vu de limportance des bivalves pour laquaculture ou les pcheries mditerranennes, tout prjudice port la viabilit ou la productivit de leurs popu-lations pourrait entraner des dommages socio-conomiques non ngligeables. Ainsi les rsultats obtenus par le projet ACIDBIV conduisent-ils des inquitudes relles, en particulier quant au devenir des stocks naturels de clams en Adriatique Nord. Des mortalits constates, couples une forte pression de pche, se traduisent dj par une importante rgression de la densit des populations de ce mollusque sur la cte ita-lienne de la mer Adriatique.

    Pourtant, les tudes sur les impacts de laci-di cation ne sont encore quune tendance naissante et les donnes solides restent rares. Dans ce contexte, ACIDBIV a constitu une avance signi cative. Ses conclusions montrent la ncessit de poursuivre leffort pour acqurir une meilleure comprhension des effets synergiques du changement global sur la survie, la croissance, la calci cation et la physiologie de ces espces de haute impor-tance cologique et conomique. ce titre, les partenariats initis par le projet consti-tuent des fondations solides pour investir plus avant ce champ de recherche, dans une optique collaborative associant des quipes au Nord et Sud du bassin mditerranen.

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    Palourdes ACIDBIV

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    INTERMEDImpacts du changement climatique sur les communauts intertidales mditerranennes : atteintes sur lintgrit des cosystmes ctiers et les services associs

    Organismes nanceurs

    IMEP Israel Ministry for Environmental Protection IMELS Italian Ministry for Environment, Land and Sea

    Organismes partenaires

    University of Dubrovnik University of Dubrovnik, Dept of Aquaculture

    Recanati Institute Leon Recanati Institute for Maritime Studies, University of Hafa

    LoEEB University of Palermo, Animal Biology Dept., Lab.of Experimental ecology and Behaviour

    2.2 Impacts sur la bande intertidale

    Point de contact entre terre et mer, la bande du littoral comprise entre la limite haute et basse des mares concentre une biodiversit remarquable et des services cosystmiques de premire importance pour le fonctionne-ment des espaces littoraux. Elle est aussi le lieu privilgi de la promenade, de la pche pied, de la rencontre entre lhomme et la vie marine. Cest vrai des rivages ocaniques, o elle stire souvent sur des dizaines de mtres, mais aussi dans le bassin mditer-ranen alors mme que la faiblesse des mares y rduit parfois lestran une bande de quelques dcimtres de largeur.

    Men par les universits de Palerme (Italie), Hafa (Isral) et Dubrovnik (Croatie), le projet INTERMED sest donn pour objectifs dva-luer les impacts du changement climatique sur les communauts intertidales du bassin mditerranen, et den analyser les cons-quences socio-conomiques.

    Rsolument transdisciplinaire, le projet a associ biologistes, cologues, sociologues et conomistes. Il a t dcid de concen-trer leffort sur six groupes biologiques cls

    du substrat rocheux ou du substrat meuble : clams, crabes, moules, patelles, ponges et escargots. Les analyses cologiques et socio-conomiques, menes en parallle, se sont nourries dun change constant entre les deux parties. Pendant deux annes, ces tra-vaux se sont dploys sur plus de vingt sites dtude, rpartis sur les ctes croate, isra-lienne, sicilienne, dans le golfe de Gnes, Malte et Lampedusa. Sur le plan cologique comme sur le plan socio-conomique, le pro-jet INTERMED prvoyait dabord une tude approfondie de la bibliographie.

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    Sicile Gianluca Sar

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    Cette premire tape sest avre, dans les deux cas, plus courte que prvue. Les tudes existantes pour les organismes tudis se caractrisent en effet par des donnes trs parcellaires, et plus gnralement les infor-mations relatives aux impacts du changement global sur la bande intertidale mditerra-nenne sont rares.

    De mme une recherche pousse de la lit-trature consacre aux enjeux socio-cono-miques de lintertidal mditerranen a rvl labsence quasi-totale de travaux antrieurs. Cet tonnant sous-investissement par la recherche des services conomiques rendus par la zone intertidale est dailleurs constat lchelle mondiale, lexception de travaux portant sur quelques habitats spci ques (zones humides ou mangroves par exemple).

    Cartographie, chantillonnages, msocosmes : une moisson sans prcdent dinformations

    Fort de ce constat, le versant cologique du projet sest dabord propos de caractri-ser lenvironnement de la bande intertidale mditerranenne. Une cartographie des tempratures et de lirradiance solaire a t dresse pour lensemble du pourtour. Des

    donnes relatives la salinit, la houle, et dautres variables environnementales ont t acquises.

    Des chantillonnages ont t mens sur les ctes rocheuses en Ligurie, en Sicile, Malte. En Croatie, des prlvements ont t raliss dans des substrats rocheux et meubles. Ces oprations ont permis de caractriser les communauts tudies en termes dabondance, de biodiversit, de distribution et de morphologie. Outre les es-pces-cl prcites, les quipes ont collect des donnes relatives plusieurs espces invasives crabes en Croatie, moules en Sicile et en Italie. Grce des protocoles de mesure et de manipulation in situ des ani-maux, le projet a galement relev des para-mtres physiologiques (rythme cardiaque, rapidit de croissance) et comportementaux.

    En complment, des tudes en msocosme ont permis de quanti er nement, pour dif-frentes tempratures, les taux de respira-tion, dalimentation et dexcrtion des clams, moules, patelles et ponges intertidaux.

    Ces travaux complmentaires, engags dans un contexte de grand pauvret de la littrature existante sur le sujet, ont rcolt

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    Figure 6. Image satellite des sites dtude du projet INTERMED

  • 25

    une quantit considrable dinformations neuves. De grand intrt potentiel pour la science et la gestion, ces apports ouvrent la voie des tudes intgres ultrieures. Plusieurs articles consacrs ces avan-ces ont dj t publis ou accepts pour publication, dautres sont en prparation. Des rsultats prliminaires ont galement t largement diffuss lors de confrences internationales ou dans la presse.

    Globalement, les rsultats suggrent que le changement climatique notamment laccroissement attendu de la temprature aura des impacts sur lintertidal mditerra-nen en altrant la physiologie de plusieurs espces-cls et en favorisant des espces exotiques envahissantes. tant donn le rle cologique majeur jou par la plupart des espces tudies, de tels impacts pourraient avoir des effets en cascade sur lensemble du milieu.

    Premires modlisations, nouvelles interrogations

    Les apports dINTERMED ont galement conduit la premire utilisation pour la Mditerrane dun modle numrique com-plexe permettant la simulation de limpact de scnarios climatiques sur les cosys-tmes, qui ncessite en entre un jeu de donnes tendu, des paramtres environ-nementaux au comportement des espces. Les premires analyses envisagent des scnarios dvolution trs perturbe des milieux, par rapport une situation actuelle dj non pristine. Cependant, compte tenu de ltroitesse de lestran mditerranen, le dferlement des vagues pourrait agir comme un facteur de mitigation des effets attendus. Alors que le modle est encore en cours doptimisation, ce point mrite une

    analyse pousse pour comprendre les effets venir du changement climatique sur ce do-maine spci que. De nombreuses questions restent sans rponse. Si la faible largeur de la bande intertidale mditerranenne peut lui confrer une moindre exposition aux effets du changement climatique, elle peut dautre part constituer un facteur de fragilit pour des cosystmes aux milieux fragmen-ts : selon les scnarios, certaines espces seraient capables de migrer ou de sadapter, dautres non.

    Services conomiques : un champ de recherche investir

    Sur le versant socio-conomique, le premier apport dINTERMED a t la rdaction dun article, accept pour publication, qui ta-blit la quasi-absence de travaux antrieurs consacrs aux enjeux de lintertidal mdi-terranen : aucune valuation na t trou-ve pour lintertidal rocheux, et seul un petit nombre de travaux font rfrence au subs-trat meuble.

    Une analyse statistique des perceptions de la mer par le public a t mene, sur la base de donnes collectes dans le cadre dun projet de lUnion europenne r-analyses dans la perspective dINTERMED. Celle-ci a mis en vidence un fort attachement du public au domaine marin, indpendamment de lge, du sexe, du niveau dducation ou de lorigine. Elle a galement soulign une grande mconnaissance des systmes ma-rins, des sciences et techniques de la mer et des bn ces quelles peuvent gnrer.

    lappui de cette analyse, INTERMED a ensuite identi deux grandes catgories dacteurs en lien avec lintertidal mditerra-nen : les utilisateurs (touristes, rsidents,

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    professionnels) et les gestionnaires environ-nementaux. Les premires investigations auprs de ces acteurs, menes en Isral et en Croatie, ont cherch tablir leurs per-ceptions, usages et proccupations propos de lhabitat en question. Elles ont constat un faible niveau de comprhension et dim-plication. Lidenti cation par les personnes interroges des bn ces apports par la bande intertidale (et des services associs) sest galement avre dif cile. En labsence complte de bases solides pour nouer un dialogue productif plus large chelle, IN-TERMED a d renoncer mener une analyse formelle des jeux dacteurs, comme cela tait propos initialement.

    Les services conomiques rendus par la zone intertidale dcoulent de son fonction-nement cologique : la poursuite des travaux entrepris pour la comprhension de ce fonc-tionnement constitue donc un premier axe de travail essentiel en vue dune vritable prise en compte de ce milieu. En parallle, lidenti cation exhaustive de lensemble des bn ces et services conomiques quil apporte doit tre entreprise. INTERMED a initi ce travail, et propos un agenda de recherche ddi lvaluation conomique de ce compartiment.

    2.3 Impacts sur les eaux de transition

    Les eaux de transition estuaires, lagunes, zones humides et lacs ctiers jouent un rle cologique et conomique prpond-rant dans le bassin mditerranen. Leur bon fonctionnement est une condition fon-damentale pour la ressource en eau, la production vivrire aquaculture, levage, agriculture et la biodiversit quelles abritent. Cette importance stratgique se traduit par une prise en compte croissante dans les politiques publiques, limage de la Directive cadre sur leau adopte par lUnion europenne en 2000, qui identi e les masses deau de transition comme une catgorie spci que pour lvaluation de ltat des eaux.

    la con uence des enjeux socitaux, ces cosystmes complexes subissent des pressions anthropiques importantes, parfois ampli es par une gestion inap-proprie. Ce constat, consquence dune conscience limite des impacts du chan-gement global sur les eaux de transition, tmoigne dune collaboration insuf sante entre scienti ques et gouvernance locale.

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    Camargue gardoise Marie Mojaisky

  • 27

    2.3.1 Vulnrabilit et pistes dadaptation pour trois sites reprsentatifs

    Le projet MEDCODYN a mobilis, deux an-nes durant, des quipes scienti ques ita-liennes, franaises et marocaines autour de trois sites naturels reprsentatifs de la vari-t des eaux de transition mditerranennes : ltang de Vaccars, qui stend sur 6500 ha au coeur du delta du Rhne ; les lagunes du parc national de Circeo, 100 km au sud de Rome, et le lac ctier de Sidi Boughara, prs de Kenitra au Maroc.

    Pour chacun de ces cosystmes, le pro-jet sest nourri sur le terrain dun dialogue rgulier entre les partenaires et les parties prenantes locales ou nationales pour travail-ler selon trois objectifs : La collecte et la synthse des informations

    disponibles au sein dune base de donnes centralisant des paramtres biochimiques et climatiques ;

    Une analyse de vulnrabilit de ces co-systmes ctiers au moyen de modles numriques ;

    Lidenti cation de mesures dadaptation au changement climatique.

    Base de donnes : un outil oprationnel

    La structure de la base de donnes MEDCO-DYN a t nalise en mai 2009. Depuis, la base de donnes est disponible sur Internet : www.medcodyn.unisi.it. Tout au long du projet, lquipe de recherche la enrichie de lensemble des donnes disponibles pour un grand nombre de paramtres : changements dans les stocks de poissons, les populations doiseaux, le pH, la salinit, loxygne dis-sous, la vitesse du vent, la temprature de lair et de leau et les prcipitations. Cet outil a ensuite t utilis pour analyser les ten-

    dances temporelles dans les paramtres chimiques, biologiques et physiques des trois sites dtude.

    Prospective participative et modlisation : deux approches complmentaires

    A n dorienter au mieux les outils dvalua-tion dvelopps dans le projet, des ateliers de prospective participative ont t organiss Sabaudia (Italie, dcembre 2008) et Mehdia (Maroc, juin 2009), avec la participation active des parties prenantes, des oprateurs et des chercheurs. Une approche SWOT (Forces-Fai-blesses, Opportunits-Menaces) a t utilise, dans lobjectif daller vers un scnario optimal pour 2050 au regard de la gestion passe. Plusieurs scnarios intermdiaires ont t identi s. Pour ltang du Vaccars, une s-rie de runions avec les dcideurs rgionaux et les associations ont t tenues en 2009 et 2010. Ces exercices ont permis didenti er des menaces souvent communes aux trois cosystmes (changements climatiques, su-rexploitation du bassin versant et mauvaise coordination entre les scienti ques et les d-cideurs). Cependant, des diffrences claires sont apparues dans les contextes politiques et socio-conomiques des trois sites.

    MEDCODYNCaractrisation de la vulnrabilit des cosystmes ctiers aux changements climatiques et anthropiques. Exploration de mesures dadaptation

    Organismes nanceurs

    MEDDTL Ministre de lEcologie, du Dveloppement Durable, des Transports et du Logement

    IMELS Italian Ministry for Environment, Land and Sea

    Organismes partenaires

    UNISI_CSGI Universit di Siena, Dipt. Di Scienze e Technologie Chimiche e dei Bioistemi

    UC University An Chock of Casablanca TdV La Tour du Valat CRA_LCI Consiglio per la Ricerca e la

    Sperimentazione in Agricoltura, Laboratorio Centrale di Idrobiologia

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    Pour analyser, dans les diffrentes options de gestion envisages, les impacts poten-tiels du changement climatique sur les co-systmes, le projet sest dot de plusieurs outils de simulation numrique ddis. Les chercheurs de la Tour du Valat et du Consigliio per la Ricerca e la Sperimenta-zione in Agricoltura (CRA) ont collabor pour le dveloppement de modles hydrodyna-miques pour ltang de Vaccars et le site de Fogliano. Pour ce dernier, un modle doxygne dissous a galement t dve-lopp par le CRA a n dtudier les impacts de changements de la temprature de leau, des changes lac/mer, limpact du vent et de la charge en matire organique sur les teneurs en oxygne dans la colonne deau et le sdiment, considrant plus particuli-rement lanoxie. Un modle photo-dgra-dation/matire organique a t dvelopp par lUniversit de Sienne pour les trois sites, sur la base des donnes actuelles de conditions optiques mesures dans chaque cosystme et dune estimation des chan-gements en couverture nuageuse jusquen 2050.

    Pour Sidi Boughaba (Maroc), le manque de donnes historiques a rendu dif cile la mo-dlisation et lanalyse des tendances. Les chercheurs de lUC avec ceux de la TdV, CRA et UNISI ont en revanche ralis une analyse pousse des conditions locales en mai 2009. Ces mesures ont t alors utilises pour d- nir un plan de suivi long terme a n dtu-dier les tendances mensuelles dans des caractristiques cologiques, hydrologiques et chimiques cls du lac.

    Lintrt des travaux mens dans le cadre de MEDCODYN ne se limite pas aux trois sites tudis. Les approches suivies pour la d -nition des scnarios et les mthodologies dveloppes pour en analyser les cons-quences sur les paramtres et les services cosystmiques sont largement applicables dans le bassin mditerranen. Les forages environnementaux et socio-conomiques identi s sont communs de nombreux cosystmes aquatiques de transition dans la rgion, galement confronts des pro-blmatiques lies loxygne dissous, la salinit leve ou lhydrodynamique.

    Figure 7. Cartographie lhydrosystme de Vaccars : bassin versant, rseau de drainage, digues et interfaces.

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    2.3.2 Cas des lagunes : un inventaire complet en Mditerrane et en Mer noire

    En parallle de MEDCODYN, le projet CLIMBIOMEDNET sest intress au cas spci que des lagunes, dressant un inven-taire complet qui a abouti la plus grande base de donnes disponible ce jour pour ces cosystmes. Une revue pralable des connaissances existantes pour la th-matique de la biodiversit lagunaire a montr le manque dintgration entre les disciplines biologie, cologie, socio-co-nomie entre les chelles de temps envi-sages et entre les diffrentes approches nationales et locales. Les travaux de CLIM-BIOMEDNET se sont dabord orients sur le dveloppement dune base thorique intgrant ces connaissances dans un cadre mthodologique, conceptuel et lexical com-mun. Ce travail sest appuy sur deux ate-liers dune dure de trois quatre jours, runissant des contributeurs invits ayant des comptences complmentaires et des membres de lquipe scienti que du pro-jet : cologues, sociologues, conomistes, modlisateurs, juristes.

    Ces rencontres fcondes ont permis de mettre en vidence des paradoxes (faible biodiversit mais forte productivit) et des tendances communes (dominance des espces gnralistes) pour les systmes lagunaires mditerranens. Ils ont notam-ment montr la ncessit dintgrer dans le primtre du projet les paramtres abio-tiques des bassins versants.

    Sur ces fondations, les quipes ont collect des donnes biologiques (listes despces) et physico-chimiques (salinit, temprature) pour les 635 lagunes inventories dont la rpartition par pays est dtaille en gure 8.

    Celles-ci se caractrisent par leur faible su-per cie moyenne : 314 dentre elles ont des surfaces infrieures un kilomtre carr.

    CLIMBIOMEDNETIn uence du changement climatique sur la biodiversit, les biens et services des lagunes mditerranennes

    Organismes nanceurs

    MEDDTL Ministre de lEcologie, du Dveloppement Durable, des Transports et du Logement

    CII Galicia Consellera de Innovacin e Industria Xunta de Galicia

    Organismes partenaires

    University of Vigo University of Vigo, Dep. De Ecologia y Biologia Animal

    University of Tirana Faculty of Natural Sciences of Tirana University, Dept. of Bio-technologies

    INA Institut National Agronomique de Tunisie, Laboratoire ecosystmes et ressources aquatiques

    Ecolag University of Montpellier, Laboratoire Ecosystmes lagunaires

    DISTeBA University of Salento, Dip.Scienze e Tecnologie Biologiche ed Ambientali

    Figure 8. Rpartition par pays des lagunes inventories par CLIMBIOMEDNET

    Continent Pays Nombre de lagunes

    Afrique AlgrieEgypteLybieMarocTunisie

    137161228

    Total Afrique 76

    Asie SyrieTurquie

    266

    Total Asie 68

    Europe AlbanieBulgarieCroatieFranceGrceItalieMontngroRoumanieSlovnieEspagne

    161105936244324116

    Total Europe 491

    Total 635

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    La recherche de donnes, vocation dexhaus-tivit, a port sur lensemble des publications disponibles des 25 dernires annes. Un effort considrable a t consenti pour harmoniser la toponymie des lagunes, et xer la dnomi-nation des espces mentionnes au regard des bases de donnes taxonomiques inter-nationales. Un contrle scrupuleux de la qua-lit des donnes rcoltes a permis dcarter toutes les publications originales entaches derreurs. Au nal, la base de donnes intgre pour chaque lagune des informations go-graphiques, physiologiques, des paramtres abiotiques de leau et des sdiments, des donnes sur le bassin versant utilisation des terres, pressions des relevs climatiques ainsi que des projections issues des scnarios A1B, B1 et A2 du GIEC (temprature de lair et prcipitations).

    Cette base de donnes, la plus com-plte jamais assemble sur ce sujet, a t conue comme un outil oprationnel de support la dcision. Accessible en ligne, www.circlemednet.unisalento.it, elle offre un accs public linventaire des lagunes et des

    espces, et propose aux utilisateurs autoriss des fonctionnalits avances dextraction et danalyse de donnes, couples un systme dinformation gographique.

    Les observations menes par les quipes du projet ont montr que la plupart des espces rpertories sont rares : la moiti dentre elles nont t repres que dans une lagune. La biodiversit des lagunes c-tires mditerranennes, et les impacts quy induira le changement climatique se carac-trise par une rpartition htrogne. Des analyses effectues lchelle rgionale, pour 32 lagunes de la cte italienne, ont par ailleurs mis en vidence un dcalage entre les efforts consentis pour la conservation et le statut cologique des milieux au regard de la richesse de leur faune macro-invertbre. De manire gnrale, il apparat indispen-sable de consolider et de mieux cibler les politiques de prservation de ces milieux fra-giles. Dans le cas du scnario A2 du GIEC, la temprature de la surface de la mer en face des lagunes ctires connatra un accroisse-ment de 0,1C au milieu du sicle, et 1,2C

    Figure 9. Capture dcran du systme dinformation gographique coupl la base de donnes CLIMBIOMEDNET.

  • 31

    la n du sicle. Le rchauffement le plus important aura lieu dans la mer Adriatique et en particulier sur la cte croate, o un accroissement de 2,5C est attendu.

    Dans ce contexte, la base de donnes construite dans le cadre de CLIMBIOMED-NET fournit un outil de choix aux quipes de recherches travaillant sur les lagunes et le changement climatique. Elle permet dacc-der des informations utiles pour proposer de nouveaux projets et obtenir des nance-ments. Elle apportera un clairage objectif aux discussions souvent complexes qui pr-valent lidenti cation des zones protges. Ce sera notamment le cas dans le cadre du projet europen Lifewatch, qui dmarre en 2012 avec lobjectif danticiper les impacts du changement climatique sur le fonction-nement et la biodiversit des lagunes mdi-terranennes et didenti er les zones de conservation prioritaires.

    2.4 Impacts sur les nappes phratiques et les cosystmes dpendants

    Les nappes phratiques ctires constituent un enjeu majeur pour lalimentation en eau potable des populations locales, pour lirriga-tion, mais aussi pour les quilibres des co-systmes de surface qui en dpendent. Pour ces masses deau stratgiques, lavnement du changement climatique est une source dinquitude croissante plusieurs titres : les modi cations annonces de la pluviom-trie affecteront la balance recharge-prlve-ments des nappes, tandis quelle pourraient accrotre dans le mme temps les besoins socitaux en eau par le fait dune irrigation accrue notamment. De plus llvation du niveau de la mer pourrait majorer le risque dintrusions salines dans les nappes.

    Dans ce contexte, le projet CLIMWAT sest donn pour objet ltude des impacts du changement climatique sur les nappes phratiques de trois systmes ctiers : en Al-garve centrale, dans le delta de lbre et sur la cte du Sahel atlantique.

    Ce travail sest appuy au pralable sur une caractrisation ne (topographie, tempra-ture, pluviomtrie, fonctionnement hydrolo-gique) des sites dtude, tous marqus par la prsence dimportants aquifres exploits pour leau potable et lirrigation, et communi-quant par ailleurs avec des zones humides de surface qui constituent autant dcosystmes dpendants des nappes en question. Dans le cas de lAlgarve centrale et du Sahel atlan-tique, ces zones humides reoivent gale-ment des apports deau de mer, via des zones de transition entre eau douce et eau sale bien connues.

    CLIMWATCaractrisation et gestion des impacts du changement climatique sur les nappes phratiques ctires et les cosystmes dpendants

    Organismes nanceurs

    FCT Foundation for Science and Technology - Ministry of Sciences, Technology and Higher Education

    CII Galicia Consellera de Innovacin e Industria Xunta de Galicia

    Organismes partenaires

    FSSM - UCAM Facult des Sciences Semlalia, Universit Cadi Ayyad

    DTC/UDC Dept. de Technoloxia da Construcion , Universidad da Corua

    CVRM/Geosystems Centre CVRM/Geo Systems Centre, Instituto Superior Technico/Universitare do Algarve

    CEHIDRO, IST CEHIDRO, Instituto Superior Tcnico

  • 32

    Figure 10. Cartes des niveaux pizomtriques de la nappe de Quena-Silves pour trois scnarios distincts, obtenues selon la mthode de Penman-Grindley.

    Le projet a utilis un faisceau de projec-tions climatiques issu du projet europen ENSEMBLES, qui fournit des donnes pour la priode 1950-2100 avec une bonne rso-lution spatiale (25x25 km) et couvre les trois sites dtude retenus. Il sest concentr sur le scnario dmissions A1B du GIEC, consi-dr comme intermdiaire et quilibr. Diff-rentes mthodes de descente dchelle ont ensuite permis aux quipes du projet daf -ner les donnes de temprature et de prci-pitation pour prendre en compte au mieux les conditions locales. Sur la base de ces don-nes, des scnarios din ltration de surface et de recharge des nappes ont t dvelopps au moyen de diffrents outils calculs de ux deau par les mthodes de Thornthwaite-Ma-ther et Penman-Grindley, modles hydro-logiques avancs pour les sites espagnol et portugais.

    Les aquifres ont t modliss par sections horizontales et verticales, et aliments par les diffrents jeux de donnes climatiques. Les calculs raliss ont dlivr des projections pour lvolution de la recharge de laquifre, lvolution des besoins en eau dirrigation, et llvation du niveau de la mer.

    Tendances fortes et effets site-spci ques

    Tous les scnarios concluent une hausse signi cative de la temprature. Celle-ci se-rait comprise entre 1,1 et 2,6C lhorizon 2060, et entre 2,8 et 5,3C lhorizon 2100. Les rchauffements les plus importants sont attendus sur les sites portugais et espagnol, et seront plus prononcs de la n du prin-temps lautomne. Sur la cte du Sahel atlantique, laccroissement serait mieux rparti au cours de lanne.

    Les projections de prcipitations annoncent des variations plus contrastes sur les trois sites. Au Maroc et au Portugal, les pluies se concentreront de novembre janvier, et la rduction quantitative sera comprise entre -12 et -40% pour la priode 2071-2100. Dans le delta de lbre, lvolution sera plus mo-dre (entre -7 et -13%). Les projections en terme de recharge des nappes suivent glo-balement ces orientations, avec une rduc-tion plus marque sur la priode 2071-2100 pour les trois systmes. Les tendances sont fortes, compte tenu du caractre modr du scnario A1B considr : de -9 -25% dans le delta de lbre, -7 -38% pour lAlgarve

  • 33

    centrale, - 38 -48% sur la cte du Sahel atlantique. Dans le delta de lbre, o lin l-tration des eaux de surface utilises pour lirrigation contribue signi cativement la recharge des nappes, les valeurs varient spatialement selon la prsence de ce type dactivits. Inversement, dans les zones o les nappes fournissent lessentiel de leau dirrigation, le dveloppement de systmes dirrigation plus performants apparat indis-pensable, dans un contexte de hausse an-nonce des besoins en eau de lagriculture.

    Si les sites ne connaissent pas actuelle-ment de problme majeur de salinisation des nappes, des pisodes de scheresse marque entranent dj une forte rduction des quantits deau apportes par les aqui-fres aux zones humides dpendantes. Cette tendance va se con rmer. lhorizon 2100, les calculs prdisent des baisses du niveau suprieur des aquifres comprises entre 5 et 20 m pour la majeure partie des systmes considrs, avec niveaux pizomtriques localement descendus de 100 m par rapport aux ctes actuelles dans le delta de lbre et en Algarve centrale.

    Partout o existent des interfaces eau sale-eau douce, des phnomnes dintrusions sales se produiront de manire saisonnale, et seront bien plus frquents sur la priode 2071-2100. court terme (avant 2050), la tendance est moins vidente et les incerti-tudes leves. Elle est toutefois ampli e dans les scnarios intgrant une croissance de lirrigation sauf sur le site espagnol o, comme on la vu, cette dernire est princi-palement prleve dans les eaux de surface.

    Dans le cas de lAlgarve centrale, des simu-lations avances, prenant en compte les in-certitudes lies aux diffrentes approches de

    calcul de la recharge, ont donn des rsultats contrasts quant lampleur et la dure des inversions de gradient qui entranent les intrusions sales. Cependant, ils saccordent montrer un abaissement global du niveau des nappes. Les eaux sales pntreront les nappes sur plusieurs kilomtres, affectant la qualit de laquifre et compromettant son utilisation pour les besoins humains. De plus, leur reconstitution lors des annes plu-vieuses sera lente et dif cile.

    cosystmes dpendants : vers des bio-indicateurs

    Une inquitude partage pour les trois sites tudis concerne la rduction annonce de lapport deau douce aux zones humides dpendantes des aquifres. Le projet CLIM-WAT sest propos de dvelopper un outil dvaluation biologique pour caractriser la rponse de ces cosystmes aux volutions de lapport des nappes. Pour ce faire, des campagnes dchantillonnage de la faune invertbre ont t menes sur les sites marocains (dix stations) et portugais (cinq stations), aux interfaces entre la nappe et la masse deau super cielle. Ces oprations ont permis dtablir la composition de la

    Oualidia, Maroc Tibor Stigter

  • 34

    faune et les paramtres physico-chimiques correspondants dont la salinit. Au total 6 784 organismes ont t inventoris. Cer-tains taxons ont t identi s comme des bio-indicateurs potentiels de la qualit des eaux souterraines. Cependant le grand nombre despces endmiques qui carac-trise ce type de faune limite la validit des modles que lon pourrait en tirer au niveau rgional. En outre, au Maroc, labsence de certains taxons sensibles dans certaines stations est probablement due aux impacts de polluants agricoles et dautres activits humaines.

    Les quipes de CLIMWAT ont ensuite identi- les taxons les plus susceptibles de pro -ter ou au contraire de ptir dune rduction des apports deau douce sous leffet cou-pl du changement climatique et de pr-lvements anthropiques plus importants sur les nappes. Les analyses statistiques faites ont con rm lintrt de ltude des

    communauts biologiques de ces zones de communication entre aquifre et estuaire pour lvaluation des effets du changement climatique sur des cosystmes aquatiques cls.

    Au nal, ces travaux, les premiers consa-crs ltude de la faune invertbre aux interfaces estuaire-nappe dans une pers-pective de bio-indication, ont dbouch sur la construction dune grille danalyse et dun premier outil qui permet des simulations dvolution de la composition en fonction de la salinit.

    Sur la base de ces rsultats, il est mainte-nant ncessaire de mettre en oeuvre des programmes de suivi pour consolider les ou-tils de bio-indication proposs et permettre une comprhension plus avance des vo-lutions de la salinit et de ses impacts sur les communauts invertbres, au Maroc comme au Portugal.

    34

    Puits Oualidia, Maroc Tibor Stigter

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    2.5 Impacts sur les bassins versants ctiers

    Les bassins versants (BV) ctiers mditer-ranens, enclaves fertiles au sein denvi-ronnements souvent arides, constituent des zones de forte pression anthropique. Des tensions importantes sy exercent pour lusage de ressource en eau ou lexploitation des surfaces cultivables ou constructibles. La dtermination des effets venir du chan-gement climatique sur ces systmes ne peut donc tre dcouple de ltude des chan-gements qui sy produiront dans lutilisa-tion des terres. Cest cette analyse croise, suivie de la mise au point dun outil daide la dcision utilisable par les parties pre-nantes locales, que sest propos de mener le projet WATERKNOW sur trois sites aux caractristiques trs diffrentes. Le bassin de Quinto (Italie), petit BV poldris de 100 km est domin par lagriculture irrigue par un rseau de drainage et lexploitation de carrires. Beaucoup plus tendu, le bas-sin de Tahaddart (Maroc) couvre plus de 1145 km et se caractrise par une agriculture non irrigue et la prsence de vastes bas-sins de rtention, destins lalimentation en eau de lagglomration de Tanger. En n lle de Terceira, dans larchipel des Aores (Portugal) stend sur 640 km. Soumise un climat trs pluvieux (entre 1000 et 3000 mm annuels), elle recle des cultures et des pturages.

    Sur la base dune caractrisation du fonc-tionnement actuel des systmes (utilisa-tion des terres, paramtres climatiques), le projet a utilis les projections climatiques lhorizon 2100 dans le cadre du scnario A1B du GIEC pour simuler les volutions locales de lhydrologie et calculer la disponibilit de la ressource en eau (ainsi que sa vulnrabi-

    lit aux intrusions sales) au regard de diff-rents scnarios dutilisation des terres.

    La premire phase du projet, mene par lUni-versit de Lille, lUniversit de Bologne et lcole Nationale Forestire dIngnieurs du Maroc, a donc consist dvelopper un sys-tme dinformation gographique pour les trois sites dtude. Dans le cas du bassin de Ta-haddart, en labsence de donnes existantes, ce point a donn lieu une programmation dacquisition dimage satellite sur lanne 2009, ainsi que des reconnaissances de terrain effectues sur toute la dure du projet.

    Lanalyse du fonctionnement des bassins ver-sants a t mene par diffrentes techniques. Une analyse SWOT (forces, faiblesses, oppor-tunits, menaces) a t organise pour le site italien avec des acteurs locaux. Lopration a permis didenti er les intrusions sales et le manque de coordination entre les acteurs de la ressources en eau comme les principales

    WATERKNOWGestion intgre de leau dans les bassins versants ctiers : enjeux et stratgies dadaptation face au changement climatique

    Organismes nanceurs

    MEDDTL Ministre de lEcologie, du Dveloppement Durable, des Transports et du Logement

    IMELS Italian Ministry for Environment, Land and Sea FCT Foundation for Science and Technology - Ministry

    of Sciences, Technology and Higher Education

    Organismes partenaires

    USTL Universit des Sciences et Technologies de Lille, Labo. Territoire, Ville, Environnement, Socits

    GGCN/DCA/UAC Cabineto de Gestao e Conservacao de Natureza de Depto de Ciencias Agrarias da Universidade dos Aores

    ENFI cole Nationale Forestires dIngnieurs CIRSA Alma Mater Studiorum, Universit di Bologna,

    Interdepartmental Centre for Environmental Sciences

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    menaces pesant sur le systme. La perspec-tive du changement climatique est apparue loigne des proccupations des acteurs, focaliss sur des enjeux plus court terme. Au Maroc, une analyse quantitative ralise par lquipe de lUniversit de Lille 1 sur les images contenues dans les publicits dif-fuses par la lire touristique, acteur co-nomique majeur, a livr des enseignements intressants : les acteurs du tourisme ont rvl un fort attachement au maintien dacti-vits fortement consommatrices en eau ter-rains de golf, espaces verts, piscines, etc.

    Une fois la base de donnes relationnelletablie pour chaque site, un large ventail doutils a t mobilis pour simuler lvolu-tion des systmes : modle CROPWAT de la Food and Agriculture Organisation (FAO) pour le calcul des budgets deau, modles hydrolo-giques et gochimiques coupls des indica-teurs de tendance de salinisation, ou encore modles MODFLOW ou SEAWAT pour estimer la profondeur de linterface eau douce eau sale.

    Ces simulations ont con rm une tendance dj constate la salinisation des eaux sou-terraines Terceira comme Quinto, et une dgradation globale des conditions hydrocli-matiques pour les trois bassins dans le sc-nario A1B. Autre tendance importante, pour Tahaddart et Quinto, le taux dvaporation accru pour les masses deau ouvertes se tra-duira par un prjudice signi catif aux cosys-tmes ctiers et une moindre disponibilit de leau potable.

    Un modle dinteraction gographique a t dvelopp par lUniversit des Aores et lUniversit de Lille 1 pour raliser une analyse cartographique de lutilisation des terres au regard des caractristiques go-morphologiques des bassins et des facteurs conomiques locaux. Les cartes quil dlivre fournissent un support pour concevoir des scnarios dvolution de lutilisation des terres, applicables ensuite aux modles hy-drologiques.

    Figure 11. Modle conceptuel DPSIR pour le bassin socio-cologique de Quinto.

    Figure 11. Mconceptuel Dpour le bassisocio-cologde Quinto.

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    Un outil pratique daide la dcision

    Lun des objectifs principaux du projet WA-TERKNOW tait la construction dun outil pratique daide la dcision, permettant aux gestionnaires locaux de prendre les meilleures dcisions en termes dutilisation des terres sur les questions relatives la disponibilit de la ressource et aux risques dintrusions sales, dans le contexte du changement climatique. Baptis WATDSS, celui-ci a t dvelopp dans un souci de simplicit demploi pour les utilisateurs non spcialistes. Reposant sur des chiers (feuilles de calcul Excel), il permet dimpor-ter les donnes de systmes dinformation gographique relatives aux trois bassins tudis, chaque cellule correspondant un carr de 100 mtres de ct. Il est com-pos de trois modules coupls, largement paramtrables, ddis respectivement au changement climatique, lutilisation des terres, et au fonctionnement hydrogolo-gique. Il permet de gnrer en sortie des cartes montrant le budget en eau pour chaque scnario climatique et dutilisation des terres envisag. Trs interactif, il recal-cule rapidement les rsultats lorsque luti-lisateur apporte une modi cation sur une cellule.

    Cet outil ( gure 12) a t utilis par les quipes du projet pour tudier en dtail la disponibilit de leau douce dans le BV de Quinto, au travers de diffrents scnarios climatiques et/ou dutilisation des terres. Tous les scnarios se traduisent par une r-duction de la disponibilit de leau douce. De manire inattendue, les scnarios les plus favorables du point de vue du climat sont les plus consommateurs en eau, du fait de laccroissement des surfaces de fort et de zones humides quils supposent.

    Plus gnralement, il ressort des projec-tions obtenues sur les trois bassins pour le scnario A1B lhorizon 2070-2100 les ob-servations suivantes : La disponibilit de leau douce sera im-

    pacte par une forte rduction des pluies hivernales couples, dans le cas de Tahaddart, une trs forte croissance de lvaporation pendant lt.

    Les vnements extrmes se multiplie-ront probablement Terceira ; Tahad-dart il y aura une forte lvation du risque de scheresse ; dans le bassin de Quinto les risques de scheresse et dinondation seront plus levs.

    La vulnrabilit des aquifres ctiers aux intrusions sales saccrotra modrment dans certaines zones de Terceira, et dans une plus forte mesure dans la zone ctire et les forts de pins du bassin de Quinto. Tout changement dutilisation des terres, de lagriculture irrigue vers une autre activit, se traduira par une vulnrabilit accrue.

    Ces observations ont conduit les quipes du projet formuler un faisceau de recomman-dations aux gestionnaires, prsentes dans la section 3.1 du prsent document.

    Puits large diamtre prs de Tanger, Maroc Marco Antonellini

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    Figure 12. Capture dcran de linterface graphique de loutil WAT-DSS.

    2.6 Vers une gestion intgre : tude pilote dans le golfe de Gabs (Tunisie)Les sections prcdentes ont mis en vidence la multiplicit des impacts du changement climatique sur les diffrentes zones du lit-toral cosystmes marins, bande interti-dale, lagunes, estuaires, nappes phratiques ctires et bassins versants. Elles ont donn un aperu des interactions complexes qui existent entre ces effets climatiques et les autres pressions anthropiques qui sexercent sur lenvironnement, et montr la ncessit de considrer, dans une perspective dadap-tation, les relations entre impacts environ-nementaux et consquences socio-cono-mique. La ncessit de prendre en compte lchelle rgionale lensemble de ces d s pour mettre en oeuvre des politiques adap-tes est lorigine du concept de Gestion intgre de la zone ctire (GIZC), pro-cessus qui a pour objectif de runir autour

    dun mme projet de dveloppement durable des acteurs aux intrts souvent divergents (www.developpement-durable.fr).

    CANTICOChangement climatique et pressions anthropiques dans le golfe de Gabs : approche intgre et priorisation des risques Organismes nanceurs

    MEDDTL Ministre de lEcologie, du Dveloppement Durable, des Transports et du Logement

    IMELS Italian Ministry for Environment, Land and Sea IMEP Israel Ministry for Environmental Protection

    Organismes partenaires

    OGS Istituto Nazionale di Oceanogra a e Geo sica Sperimentale

    Mto-France CNRM Centre National de Recherches Mtorologiques

    IPSL - CNRS Institut Pierre Simon Laplace IOLR Israel Oceanographic & Limnological Research INSTM Institut National des Sciences et Technologies

    de la Mer CMCC Centro Euro-Mediterraneo per i Cambiamenti

    Climatic

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    Rsolument transdisciplinaire, le projet CANTICO sest donn pour objectif de ra-liser cette double intgration, spatiale (len-semble de la zone marine et terrestre c-tire) et des pressions (lies au changement climatique et aux activits anthropiques), lchelle du golfe de Gabs, en Tunisie.

    L a mthode a dabord consist dvelopper, sur la base doutils existants, une chane de modles permettant la simulation des effets locaux du changement climatique, et lintgration aux calculs des pressions dues aux activits humaines sur la zone. Cette chane comprend des modles globaux et rgionaux de circulation atmosphrique et ocanique (notamment ARPEGE Climat de Mto France et LMDZ du CNRS/ISPL), ainsi que des outils de simulation des processus biochimiques soumis aux forages anthro-piques. De nombreuses projections ont t ralises diffrentes chelles spatiales, sub-nationale, rgionale et locale. Les rsul-tats ont permis de caractriser, sous divers forages, lvolution prsente et future de paramtres-cls (temprature, pluviom-trie, niveau de la mer). Ils ont servi de base la d nition dun faisceau de scnarios de risque locaux, aboutissant au dve-loppement dune approche dvaluation des risques rgionaux (Regional risk assessment,

    RRA) et son application sur lensemble du golfe de Gabs.

    Prioriser les risques

    Cette mthode a permis de gnrer un en-semble de cartographies de vulnrabilit, dexposition et de risques : ces cartes de haute d nition identi ent les zones spa-tiales et les enjeux (plages, zones humides, zones agricoles, zones urbaines, cosys-tmes marins ou terrestres, masses deau, zones protges) les plus exposes chaque impact climatique lvation du niveau de la mer, crues ou inondation, rosion ctire ou dgradation de la qualit de leau, entre autres.

    Parmi les nombreuses tendances obtenues, on peut par exemple relever que les plages et les zones humides sont les types de ter-rain les plus exposs la fois llvation du niveau de la mer et aux crues ; ces phno-mnes sont par ailleurs attendus dans une plus grande mesure, du point de vue spa-tial, sur les rivages mridionaux du golfe et autour de lle de Kerkenna. Autre enseigne-ment : les impacts les plus importants sur la qualit de leau douce seront localiss proximit des principales agglomrations et des infrastructures portuaires.

    Figure 13. Modle conceptuel de Regional Risk Assessment propos dans le cadre du projet CANTICO

  • 40

    Le projet CANTICO a en n amorc un dia-logue avec les gestionnaires locaux. Un effort dinformation a t ralis pour leur prsenter la mthode et les rsultats prli-minaires. Une enqute ralise auprs des dcideurs a permis de mieux orienter les utilisations faites du modle en fonction de leurs attentes, en vue de la prparation de mesures dadaptation au changement cli-matique. Elle a notamment rvl que les

    problmes de qualit deau et drosion c-tire taient perus comme les impacts les plus proccupants, tandis que les plages et les activits touristiques taient considrs comme les rcepteurs les plus sensibles conomiquement. De manire plus gn-rale, cette analyse a con rm la pertinence de la mthode RRA pour la gestion int-gre du changement global dans les zones ctires.

    Figure 14. Cartographie dexposition la submersion marine dans le golfe de Gabs.

  • 4141

    Sicile Maurice Imbard

  • 42

    Construire ladaptation : outils et mthodes

    3

    42

  • 43

    Dans les chapitres prcdents, il a t dress un panorama des avances scienti ques ralises par les projets CIRCLE-Med pour la comprhen-sion des impacts du changement climatique et des autres pressions anthropiques sur diffrents comparti-ments (zone intertidale, nappes phratiques, lagunes...) du bassin mditerranen. Une proprit frquemment parta-ge par ces impacts est leur caractre site-spci que : si les mthodes dveloppes dans le cadre de CIRCLE-Med sont largement applicables, au-del des primtres tu-dis, un ensemble de sites comparables, les rsultats obtenus ont mis en vidence le danger quil y aurait ex-trapoler des tendances tablies localement pour dautres systmes, mme soumis des contextes voisins.

    Ce point, essentiel, rappelle le rle prpondrant que joue la composante locale caractristiques propres des co-systmes, du tissu socioconomique, de la gouvernance dans les effets attendus du changement global. De mme, dans la perspective de ladaptation, il dmontre que les orientations de politique publique et les mthodes d nies aux niveaux nationaux ou supra-nationaux ne peuvent d-boucher sur des mesures ef caces que si elles sont dcli-nes localement.

    Pour ce faire, la prise de conscience par les parties pre-nantes locales (gestionnaires, utilisateurs et socit civile) des enjeux du changement climatique, et au-del lappropriation par ces acteurs des connaissances et des recommandations formules par la recherche, doivent tre facilites. Autant que possible, la d nition de mesures adaptatives locales doit tre le fruit dun dialogue rgulier entre scienti ques et parties prenantes. Cette co-construc-tion des politiques adaptatives, au niveau local, est garante de leur pertinence pour un contexte donn, et de leur mise en oeuvre dans la dure.

    Plage Palavas-Les-Flots Michel Dukhan

  • 44

    Favoriser la collaboration entre quipes scienti ques et parties prenantes locales est lun des objectifs communs lensemble des actions nances dans le cadre de lERA-Net CIRCLE. Chacun des projets de recherche prsents dans ce qui prcde a intgr cette dimension, diffrents degrs selon les cadrages initiaux et les possibilits d-couvertes sur place : de la formulation de recommandations lorganisation dateliers participatifs ou au dveloppement doutils daide la dcision.

    Cette troisime partie propose une syn-thse des expriences entreprises au sein de CIRCLE-Med pour construire ce dialogue, des dif cults rencontres localement et des interrogations qui en dcoulent. Elle prsente en n les lments de rponse m-thodologiques apports par le projet AQUI-MED, ddi la construction de stratgies participatives pour ladaptation au change-ment climatique.

    3.1 Quelles recommandations la gestion ?

    Tous les projets CIRCLE-Med ont t mens dans un logique explicite dappui la dci-sion : les problmatiques retenues abordent le changement climatique sous langle de ladaptation au changement climatique dans le bassin mditerranen, laquelle implique classiquement la formulation de recom-mandations aux parties prenantes comme livrable de lavance des connaissances scienti ques.

    En pratique, cette dernire tape a t me-ne terme par plusieurs projets, ou sim-plement prpare, dans dautres cas les quipes scienti ques de CIRCLE-Med lais-

    sant alors leurs partenaires institutionnels locaux le soin dassurer lappropriation de leurs rsultats par les parties prenantes. Cet tat de fait prend son origine dans le cadre temporel contraignant impos aux projets : les deux annes imparties sont parfois appa-rues bien courtes au regard de ltendue des tches mener.

    ACIDBIV : les rsultats en de bonnes mains

    Une recommandation commune len-semble des projets CIRCLE-Med consiste bien sr encourager la sensibilisation de lopinion au changement climatique et ses impacts sur le bassin mditerranen. Ainsi le projet ACIDBIV, consacr aux effets de lacidi cation sur les bivalves, a consenti un effort consquent la valorisation et la vulgarisation de ses rsultats. Cette volont sest notamment traduite par des partici-pations divers vnements acadmiques ou grand public ainsi que par lorganisation de 14 interventions dans des coles, biblio-thques, lyces et centres de culture scienti- que, accueillant chaque fois entre 50 et 100 personnes (des lves au grand public).

    Au-del de cette volont pdagogique, les quipes ont travaill dans le souci constant de prparer, in ne, des recommandatio