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15.03.2015 ———————— 16.08.2015 MAC’s Musée des Arts Contemporains au Grand-Hornu CHRISTIAN BOLTANSKI « La Salle des pendus » EXPOSITION

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Supplément IPM du 11 mars 2015

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15.03.2015 ———————— 16.08.2015

MAC’sMusée des Ar ts Contemporains au Grand-Hornu

Christian Boltanski« La Salle des pendus »

EXPosition

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L’e xposition en 7 mots-cLÉs

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Les pendus

Au charbonnage, la « salle des pendus » désignait le vestiaire dans lequel se changeaient les mineurs. Avant d’entrer dans la mine, ils suspendaient leurs vêtements au plafond haut par un crochet. Ainsi disposés, les nombreux habits des travailleurs prenaient alors l’allure d’une foule fantoma-tique. Le titre de l’exposition choisi par Christian Boltanski renvoie nécessairement à l’histoire du site du Grand-Hornu et évoque en filigrane cer-tains des thèmes majeurs de l’artiste : la mort, la mémoire, l’oubli. Ses installations sont toujours connectées au lieu d’exposition, qu’il considère fondamental.

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Le spectateur

À partir de la fin des années 1990, Christian Boltanski réalise, avec le designer-lumière Jean Kalman et le musicien Franck Krawczyk, des œuvres-spectacles qui confirment la dimension théâtrale de sa démarche. À la manière d’un metteur en scène, l’artiste conçoit désormais l’exposi-tion comme un tout. Dans cette œuvre d’art total, adoptant le plus souvent la forme d’un parcours ini-tiatique – dans un déroulement quasi liturgique –, la participation du visiteur est sollicitée à travers la configuration spécifique de l’espace, la qualité de la lumière et des sons. Christian Boltanski préfère intervenir dans des lieux insolites, habités d’une forte présence humaine, comme c’est le cas dans l’ancien charbonnage du Grand-Hornu, aujourd’hui transformé en musée.

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Les boîtes

Christian Boltanski utilise les boîtes à biscuits pour la première fois en 1970. Depuis, elles reviennent de manière récurrente dans ses instal-lations, et notamment à partir des années 1980 dans ses Monuments, sortes d’autels « chargés d’assurer la mémoire future de la communauté des vivants ». Ainsi, Les Registres du Grand-Hornu convoquent l’ensemble des mineurs qui travail-lèrent sur le site ; les noms sur les étiquettes provenant des « cahiers de travail » des ouvriers conservés dans les archives des charbonnages de la région. Généralement en fer-blanc, la boîte peut être rouillée. L’artiste apprécie cet objet familier pour son esthétique minimaliste et ses capacités modulaires, mais aussi pour sa charge affective. Archives intimes, trésors enfantins, cendres d’un défunt… En fonction de son histoire, chacun ima-gine un contenu singulier car « on ne reconnaît que ce que l’on connaît vraiment ».

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Les Vêtements

À partir de 1987, peut-être en référence à l’Ho-locauste, l’artiste développe dans ses installa-tions spectaculaires différentes représentations de l’être humain à travers l’accumulation de photographies, les listes de noms, mais aussi les vêtements, évocateurs de corps disparus. Dans cette catégorie entrent Les Vêtements, Les Linges, Les Portants, mais aussi Les Regards, voiles flottants sur lesquels apparaissent des visages fantomatiques. Dans l’exposition, Les Regards et Les Portants, où persiste encore une fragile présence hu-maine, précèdent les Pendus, simples manteaux au milieu desquels le visiteur doit se frayer un chemin, pour finalement découvrir un immense amas d’habits sombres. Poignant processus de remémoration, ce parcours initiatique illustre la dure réalité du mineur : encore « humain » sur les photographies des Registres du Grand-Hornu, le travailleur sera petit à petit usé par le processus industriel.

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La Lumière

La lumière joue un rôle considérable dans l’œuvre de Christian Boltanski. Dès ses premiers Monuments, il emploie des lampes de bureau et des ampoules de faible intensité qui maintiennent ses installations dans la pénombre, renforçant ainsi leur caractère dramatique. Au MAC’s, occulté à l’occasion de l’exposition, l’ampoule, associée au manteau noir, évoque l’autel à la mémoire des travailleurs. Ailleurs, elle s’allume et s’éteint au ryhtme d’un battement de cœur, confondant alors l’homme et la machine en un seul mouvement.

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Les arcHiVes du cœur

Dès les années 2000, Christian Boltanski, dé-sormais habité par la perspective de sa propre mort, réoriente son travail vers le vivant. Ainsi, Les Archives du cœur, un travail entamé en 2008,requièrent un dispositif au sein de l’exposition afin d’enregistrer les battements de cœur des visiteurs qui le souhaitent. Ces « traces » sont ensuite envoyées sur l’île de Teshima, au Japon, où elles sont conservées dans une « bibliothèque de cœurs ». Au MAC’s, leurs bruits sourds sont diffusés dans plusieurs espaces et connectent le visiteur à ces signaux de vie.

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Les compteurs

Les compteurs détaillent chaque seconde de la vie de vingt-neuf individus. La date de naissance introduite dans le compteur fonctionne comme un repère et permet de calculer la somme des secondes déjà vécues par ces différentes per-sonnes jusqu’à aujourd’hui. Le compteur continue ensuite à égrener le temps qui passe seconde après seconde et laisse voir « en temps réel » la vie des autres qui s’écoule inexorablement.

Couverture : Les Registres du Grand-Hornu (détail), 1997. Collection MAC’s, propriété de la Fédération Wallonie-Bruxelles. 1. La Salle des pendus, 2015.2. Les Miroirs noirs, 2000.3. Les Registres du Grand-Hornu (détail), 1997. 4. Le Manteau, 2000.5. Cœur, 2005. 6. Les Archives du Cœur, 2008.7. Dernière seconde, 2015. Pages suivantes : Après, 2015.

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Christian Boltanski est né à Paris en 1944. Il arrête l’école à 13 ans et commence à peindre de grands tableaux expressionnistes qu’il expose en 1968 accom-pagnés de La vie impossible de Christian Boltanski, premier film parmi beaucoup d’autres qu’il réalise jusqu’en 1974.

Il expose son œuvre très tôt, à la galerie Sonnabend en 1971, à la documenta de Kassel en 1972, lors d’une grande série d’expositions aux États-Unis qui débute en 1987 et passe par New York, Chicago, Los Angeles, puis dans les années 1990 dans de nombreux musées européens.

Il travaille de plus en plus avec la lumière et les ombres et crée les séries des Monuments et des Réserves, Lessons Of Darkness résume en un titre cette période.

En 1997, il réalise pour le MAC’s Les Registres du Grand-Hornu : une œuvre monumentale spécifiquement imaginée pour l’ancien charbonnage.

Au début des années 2000, il se tourne vers de très grandes installations et participe à des spectacles musicaux, c’est également pendant cette période qu’il débute son projet des Archives du Cœur, hébergé sur l’île japonaise de Teshima.

Récemment, à l’instar de l’installation Personnes qu’il réalise en 2010 dans le cadre de la manifestation Monumenta au Grand Palais à Paris, ses œuvres sont devenues plus complexes et sont à la fois composées de sons, de mouvements et de lumières. Elles relèvent de l’« Art Total ».

Christian Boltanski a enseigné une grande partie de sa vie et a produit plus de 100 livres d’artistes.

Il habite et travaille à Malakoff près de Paris mais passe la majorité de son temps à voyager pour créer de nouveaux projets à travers le monde.

Quand vous êtes-vous dit pour la première fois que vous aviez fait de l’art ?

Enfant, j’étais très spécial. Mes parents ont essayé de me mettre dans plusieurs écoles, je m’enfuyais et on me retrouvait dans la rue en train de hurler. Vers 12-13 ans, ils ont finalement décidé de m’en-lever de l’école. Je restais à la maison. J’étais un garçon calme, je passais mes journées à compter les voitures et toutes sortes de petits amusements comme ça. Un jour, j’ai fait un petit truc en pâte à mo-deler et mon frère m’a dit que c’était beau. C’était la première fois qu’on me disait que j’avais fait une chose bien. Mes parents m’ont alors acheté de la peinture, des grands panneaux de bois et j’ai fait des centaines de tableaux. J’ai toujours été très actif et comme j’étais incapable de me servir du langage et de l’écriture, il a fallu que cela passe par la chose visuelle. C’est un hasard si je ne suis pas fou. Petit à petit, l’art m’a guéri.

Parmi vos premières œuvres, les boîtes avec les fausses archéologies révèlent déjà votre intérêt pour la question de la mémoire.

C’était l’idée de refabriquer des objets disparus par la mémoire uniquement et, en même temps, comme ils étaient faits de pâte à modeler, ils étaient condamnés à s’autodétruire. J’ai tou-jours été taraudé par la question de l’importance et de la vulnérabilité de chacun. Dès le début, j’ai glorifié les choses les plus insignifiantes dans une matière quelconque. Les gens auxquels je me suis intéressé n’étaient jamais des gens im-portants, mais plutôt des gens ordinaires. Dans mon travail, je veux glorifier chaque être en tant que tel.

Est-ce qu’il y a là une recherche d’humilité ?

Quand je suis dans le désert d’Atacama au Chili et que je discute avec le chaman, j’ai autant de respect pour lui que pour un artiste. Je suis abso-lument certain que la plupart des gens qui sont serveurs ou femmes de ménage auraient pu être de très bons médecins ou de très bons avocats. Chacun de nous est unique. Seule la mort nous remet sur un pied d’égalité. Le désir de choisir des gens sans histoires particulières, mais remar-quables, est constant dans mon travail.

Vous vous positionnez souvent comme un cha-man. Seriez-vous finalement une sorte de brico-leur de l’âme ?

Je me pose simplement des questions qui mènent à d’autres questions, mais je n’ai jamais de réponses. Il s’agit de questions universelles. Pourquoi meurt-on ? Pourquoi est-on là ? Chaque peuple cherche une explication et il n’y en a pas une qui soit meilleure qu’une autre. L’important, c’est ce désir de comprendre partagé par tous les humains. Les questions que je pose sont des questions ancestrales que je tâche de poser avec les paroles de mon temps. Je m’exprime de ma-nière visuelle à l’aide de formes actuelles.

Comment avez-vous envisagé l’exposition au Grand-Hornu ?

Je voulais m’inscrire dans les lieux en adaptant un certain nombre d’œuvres qui existaient déjà. Il y a un cheminement dans l’exposition. À l’époque du charbonnage, le site du Grand-Hornu fonc-tionnait de manière industrielle. Au fil de l’expo-sition, le visiteur sera confronté à la destruction progressive de l’individu qui, en fin de compte, sera traité comme un objet de l’industrie. Dans la première pièce de l’exposition, Les Registres du Grand-Hornu, les mineurs sont encore des êtres humains avec un nom, mais petit à petit, ils seront engouffrés dans un système. Les man-teaux représentent des humains. Au départ, ils symbolisent des hommes qui marchent puis ils deviennent des machines. Ils sont alors sus-pendus à un convoyeur qui bouge lentement et conduit le visiteur face à un immense tas de vête-ments dans la dernière salle. Le tas est comme un cimetière. Comme on est dans un ancien char-bonnage, les gens auront tendance à penser à la mine, mais on pourrait percevoir les choses différemment si le contexte était autre. Chaque œuvre est lue en fonction de l’endroit où elle est exposée. Je pense qu’une œuvre parle de la part la plus personnelle de soi ou d’un sujet précis, mais que chacun va l’aménager. Dans la der-nière salle, le tas de vêtements ne représente plus des humains… Ce ne sont plus que des objets. Cette masse informe de défroques ren-verra à la conclusion que les gens n’ont même plus de noms, plus de tombes. Il ne s’agit plus que d’un fonctionnement industriel.

Entretien du MAC’s avecChristian Boltanski

Chris t ia n Bolta nski au M aC’s

« il est essentiel que l’œuvre d’art parvienne à parler à ChaCun d’une Manière singulière »

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1. Les Registres du Grand-Hornu, 1997. 2. Les Archives du Cœur, 2008-2015. 3. Être à nouveau, 2011, 4. Stèles, 2000. 5. Les Miroirs noirs, 2000. 6. Dernière seconde, 2015. 7. Cœur, 2005. 8. Le Manteau, 2000. 9. Regards, 2013. 10. Véronique, 1996.11. Prendre la parole, 2005.12. Le Puit, 2015.13. La Salle des pendus, 2015.14. Les Containers, 2010.15. Après, 2015.

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Les multiples lectures qui pourraient être faites sont donc toutes bonnes ?

Bien sûr. Si un enfant dit « c’est comme un carrou-sel », je lui dirai qu’il a raison. On termine l’œuvre. Chacun la considère à travers le prisme de son passé, de sa connaissance et de son désir. L’œuvre d’art a cette belle particularité qu’elle est à la fois précise et imprécise. Comme j’aime le répéter, c’est comme d’évoquer l’odeur du café qui remplissait la maison quand tu partais le matin pour l’école. Chacun dira « Mais je connais cette odeur ! » et pourtant chacun conserve dans sa mémoire une odeur particulière, chaque fois différente. Il est essentiel que l’œuvre d’art par-vienne à parler à chacun d’une manière singu-lière. Par ailleurs, il est aussi important pour moi que les gens ne puissent pas dire « j’aime ça et je n’aime pas ça », mais qu’ils reçoivent l’expo-sition comme un bloc. Il faut cependant éviter le côté trop dramaturgie.

Quand vous employez le mot « dramaturgie », vous reportez-vous à la scénographie ?

Oui. La grande différence entre un spectacle et une exposition, c’est que dans un spectacle, on maîtrise le temps. Aussi, je me suis employé à trouver quelque chose qui soit entre le temps et l’espace. Je ne saurai pas combien de temps les gens resteront dans chaque endroit, mais il y a un chemin avec une sorte de début et une sorte de fin. L’exposition est conçue comme une seule œuvre dans laquelle les visiteurs sont plongés corporellement. Généralement, les visiteurs sont devant un tableau, mais là ils sont dedans et deviennent acteurs de la pièce.

Depuis toujours, la gestion de la lumière, de l’éclairage est assez symbolique dans votre travail. Quelle sera l’atmosphère au Grand-Hornu ?

L’éclairage est lié à cette idée d’être au cœur de l’œuvre. Il y a cette vieille utopie de l’art total. Ce qui m’importe n’est plus la contemplation de l’œuvre, mais que le visiteur soit pris à l’inté-rieur, qu’il soit assailli par du son, qu’il cherche son chemin dans un espace où la lumière est programmée. J’essaie de couper complètement avec la réalité. La vie est plus émotionnelle que l’art et je ne fais que de l’art, rien de plus. Je voudrais cependant, ne fût-ce qu’un bref instant, avoir quelque emprise sur la vie. Je voudrais que les gens oublient qu’il s’agit d’une œuvre d’art et qu’ils reçoivent juste une émotion. Pour ça, il faut bouleverser le contexte ; égarer la personne, la décontextualiser pour lui faire oublier que tout est factice. Je ne suis pas religieux, mais je pense que lorsqu’on entre dans une église très sombre, spécialement en été, quelque chose se passe. Je cherche à retrouver ce genre de chose.

Il y a du son aussi ?

Le son fait partie de ça. C’est une forme très dif-férente de la forme habituelle d’une exposition. J’essaie de parler d’un sujet angoissant et sur-tout de le faire ressentir physiquement par ceux qui sont là. Mon souhait en tant qu’artiste est de poser des questions et de donner des émo-tions. J’emploie des moyens qui permettent de les donner.

Dans l’exposition, nous serons confrontés au son d’un cœur qui bat. Le son d’un cœur qui bat a quelque chose d’assez troublant, car tout d’abord on a toujours peur qu’il s’arrête.

Oui, entendre son cœur est une chose terrible. Dans le cas du Grand-Hornu, je voulais que le battement du cœur diffusé à plusieurs endroits devienne comme un son industriel qui évoquerait le mélange de l’individu et de la machine.

Les Registres du Grand-Hornu que vous avez réalisés pour le MAC’s constituent clairement une œuvre in situ en écho avec le lieu. Cependant, cette œuvre gagne une pertinence différente quand elle est montrée ailleurs…

Ce n’est pas de l’in situ, c’est une règle du jeu. C’est une partition que l’on peut jouer d’une manière différente. J’espère qu’après moi, cette règle sera appliquée avec toutes mes œuvres.

Les Registres du Grand-Hornu pourraient donc un jour être montrés de façon différente (dans une autre géométrie) ici au Grand-Hornu ?

On pourrait tout à fait imaginer que l’œuvre du Grand-Hornu soit rejouée dans une autre con- figuration. Simplement, ce qu’il faut à ce moment-là, c’est que la personne qui la joue signe. Comme si quelqu’un joue Bach, ce sera « un tel joue Bach ».

Vous n’êtes pas venu au Grand-Hornu pour pro-duire Les Registres du Grand-Hornu. Y a-t-il un gain poétique et esthétique à vous effacer, à vous mettre en retrait par rapport à votre travail ?

Pour dire la vérité, quand je suis arrivé, j’ai pensé que les boîtes étaient trop rouillées. Elles sont plus rouges que les boîtes que j’employais à ce moment-là. Mais ça pouvait faire une variante intéressante. Je crois en la force de l’esprit. Je crois que dans un cas comme celui-ci, l’idée est plus importante que la fabrication.

Votre travail joue beaucoup sur la croyance. Il faut y croire, sinon on voit un tas de vêtements ou des boîtes à biscuits rouillées. Il y a un écart assez grand entre la banalité de la matière et l’idée de la mémoire collective, la mort. Il y a un écart énorme entre la pauvreté des matériaux et la richesse de l’idée. La règle du jeu se joue entre l’artiste, celui qui interprète, mais aussi le public. Le public doit jouer le jeu, c’est-à-dire y croire et rentrer dans la fiction comme quand on va à l’église, même si on n’y croit pas, ça reste de l’ordre du « jeu ».

Cette réflexion me fait penser à la pièce Les Enfants de Oiron. Pendant plusieurs années, j’ai été photographe scolaire d’un petit village fran-çais qui s’appelle Oiron où il y a un centre d’art. Les parents achetaient les photos pour 5 € puis une copie était mise dans le centre d’art. Le même objet peut avoir deux fonctionnements distincts. Au musée, les enfants avaient une valeur exem-plaire et à l’école une valeur d’usage. Par l’arti-fice, les objets les plus quotidiens prennent une valeur exemplaire et c’est la décontextualisation qui permet d’y croire. Il y a longtemps, j’ai fait des inventaires d’objets appartenant à quelqu’un. Le fait de mettre ma clé de voiture dans une vitrine fait qu’elle n’est plus objet, vu qu’elle n’a plus d’utilité. Elle n’est plus que l’image d’une clé de voiture.

Si, à l’époque, le directeur du MAC’s, Laurent Busine, vous avait dit : « Il n’y a plus de photos de mineurs », qu’est-ce que vous auriez proposé ? Une autre pièce, une variante ?

Pour répondre, lors de mon exposition au Grand Palais à Paris, il y avait un mur de bois très proche et j’ai juste mis des numéros. Au Grand-Hornu, il s’agit d’une pièce minimaliste, mais particu-lière, car elle est émotionnelle parce qu’il y a des photos, parce que les boîtes à biscuits ne sont pas des boîtes en fonte et renvoient dès lors à l’émotion, aux boîtes à trésors des enfants, à l’urne funéraire.

C’est un minimalisme affectif, sentimental.

C’est ce que je dis toujours.

Aujourd’hui, vous faites essentiellement des œuvres plutôt publiques, ou des monuments.

Oui, mais des monuments qui sont détruits. J’aime aussi faire des projets qu’il n’est pas né-cessaire d’aller voir. Il n’est pas nécessaire d’aller au Japon pour entendre des cœurs mais j’aime l’idée qu’un mythe se crée. J’ai envie que les gens sachent qu’il y a une île, au Japon, où battent plus de 100.000 cœurs ou que dans le désert du nord du Chili, il y a des centaines de clochettes qui battent au vent. Naturellement, presque per-sonne ne va trouver cette œuvre au Chili, mais peu importe, ce qui compte c’est de savoir que l’œuvre existe. Aujourd’hui, j’essaie de créer des mythologies plutôt que des œuvres qu’on peut admirer.

Presque comme des légendes ?

Tout à fait. C’est une manière très différente d’en-visager l’art. Dans ma vie, j’ai travaillé sur le chan-gement du regard qu’on peut avoir sur l’œuvre.

Est-ce que vous considérez que vous avez de l’humour dans votre travail ?

Il n’y a sans doute pas vraiment d’humour, mais de la dérision. La pièce de la Biennale de Venise par exemple était assez proche de l’univers de Tim Burton avec une fabrique de bébés. Tragique en somme, mais le tragique est toujours lié à la dérision. Parler de Suisses morts est dérisoire, c’est une blague. Ce n’est pas des juifs morts, mais des Suisses morts. Je crois que l’art doit être fragile. Dans mon travail, il y a toujours une plaisanterie, de l’artifice, des moqueries, je m’en-fuis, je fais une galipette.

C’est la politesse du désespoir, une formule de ce genre ?

On pourrait le dire comme ça.

— Paris, octobre 2014

Chris t ia n Bolta nski au M aC’s

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Regards, 2013.

L’EXPOSITION CHRISTIAN BOLTANSKI. LA SALLE DES PENDUS EST INSCRITE AU PROGRAMME OFFICIEL DE MONS 2015, CAPITALE EUROPÉENNE DE LA CULTURE

Exposition du 15 mars au 16 août 2015Le musée est ouvert du mardi au dimanche de 10 à 18h. Fermé le lundi.

INFORMATIONS PRATIQUES

VISITEURS INDIVIDUELS

• Visite guidée gratuite en français : du mardi au vendredi à 14h et le dimanche à 11h et 14h.

• Visite guidée gratuite en néerlandais : le 2e dimanche du mois à 10h et 15h30.

FAMILLES

• Tous les 1er dimanche du mois à 14h : visite guidée gratuite pour les enfants (en parallèle à la visite guidée classique que les parents peuvent suivre).

• Le 29 mars 2015 à 14h : atelier parents-enfants autour de l’exposition (2 €/participant hors droit d’entrée).

STAGES

• Du 7 au 10 avril 2015 : stage de Pâques pour les enfants de 8 à 11 ans

• Du 13 au 17 juillet 2015 : stage d’été pour les adolescents de 14 à 17 ans

• Du 10 au 14 août 2015 : stage d’été pour les enfants de 6 à 9 ans

ENSEIGNANTS

• Tous les 1er mercredi du mois : entrée et visite guidée gratuites pour les classes (réservation indispensable).

• 5 mai au 5 juin 2015 inclus, « le mois des maternelles » : visite adaptée de l’exposition (réservation indispensable).

• Le 24 avril 2015 : Journée de formation pour les enseignants.

• Le 21 juin 2015, Fête de l’été : Découverte de l’exposition et Rallye vélo gastronomique (réservation indispensable).

MAC ’SMusée des Arts Contemporains de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Rue Sainte-Louise, 82B-7301 HornuT. +32 (0)65 / 65 21 [email protected] www.mac-s.be

Commissaire de l’exposition : Laurent BusineEntretien avec Christian Boltanski : Laurent Busine, Denis GielenTextes : Sophie Trivière, Joanna LeroyCoordination éditoriale : Kimberly Colmitti, Julien Foucart Graphisme : Studio OtamendiPhotographies : Mirjam Devriendt

Le MAC’s tient à remercier toutes les personnes qui ont permis de mener à bien cette manifestation : la coordination tech-nique : Jérôme André, Jean Estiévenart, Claude Dequenne ; les équipes techniques du CID et du MAC’s, Grand-Hornu ; Mathias Desbonnets et les étudiants de l’Atelier d’Images dans le milieu idm©/Art2 de l’École Supérieure des Arts de Mons : Marine Cantigniau, Amandine Cordier, Helga Dejaegher, Pauline Delpierre, Justine Demol, Christopher Fernandes et Perle Terran.

Et, tout particulièrement, Christian Boltanski.

Christian Boltanski tient à remercier l’agence Eva Albarran, Paris ; la galerie Marian Goodman, Paris et New York ; la galerie Kewenig, Berlin.

Éditeur responsable : Claude Durieux, Président du MAC’s / Rue Sainte-Louise, 82 – B-7301 Hornu

Le MAC’s est subventionné par la Fédération Wallonie-Bruxelles – secteur des Arts plastiques et la Province de Hainaut, avec l’aide de la Région wallonne et de l’Union européenne (FEDER, INTERREG), et le soutien des peintures Sikkens et du CID. Entreprises partenaires : BNP Paribas Fortis, Léon Eeckman Assurances, Mobull, Prométhéa, CORA et Groupe Terre asbl. Partenaires presse : RTBF, La Première, Musiq’3, La Libre Belgique, <H> art, De Standaard, Télé Mons/Borinage et le groupe Vlan.

CHRIS T IA N BOLTA NSKI AU M AC’S

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