strat©gie de traduction - diva

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Institutionen för franska och italienska Département de français et d’italien Forskningsrapporter Cahiers de la recherche 21 _____________________________________________ Quelques stratégies et principes en traduction technique français-allemand et français-suédois Alexander Künzli

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Institutionen för franska och italienska Département de français et d’italien

Forskningsrapporter Cahiers de la recherche

21 _____________________________________________

Quelques stratégies et principes en traduction technique

français-allemand et français-suédois

Alexander Künzli

Thèse pour le doctorat Département de français et d’italien Université de Stockholm S-106 91 Stockholm

Doctoral dissertation Department of French and Italian

Stockholm University S-106 91 Stockholm

Abstract This dissertation investigates translation strategies and translation principles in technical translation. Five translation students and 5 professional translators from German-speaking Switzerland and 4 translation students and 6 professional translators from Sweden were asked to think aloud while translating a user guide from French into German and from French into Swedish, respectively. The focus of the analysis was on the strategies that could be observed by comparing the translation products with the source text; and on the principles underlying these strategies as revealed by the think-aloud protocols of the translation processes. In order to evaluate the extent to which the translation products complied with the fictitious translation brief given to the participants, 2 reviewers per language pair proofread the translation products. The analysis also included contrastive analyses of certain linguistic features of technical texts in French-German and French-Swedish. The results show that experience of translation does play a role in the choice of translation strategy. It is, however, an even more important factor with respect to knowing and applying translation principles in the translation process. Also, students more often display uncertainty regarding translation principles, and conflict between the principles verbalised and those actually followed. Language-pair specific differences were mostly found in connection with translation strategies. Comments about future directions include the need for clearer definitions and more systematic manipulations of the variables involved in translation, and the potential interest in investigating the principles governing how translations are revised through the use of think-aloud protocols.

Keywords: translation strategies, translation principles, think-aloud protocols, technical translation, French-German, French-Swedish, translation students, professional translators. 2003 Alexander Künzli Printed by Akademitryck, Stockholm, 2003

ISBN 91-974284-6-9 ISSN 1400-7010

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TABLE DES MATIÈRES

TABLE DES MATIÈRES 1

REMERCIEMENTS 4

LISTE DES ABRÉVIATIONS 5

LISTE DES TABLEAUX 5

1 CADRE CONCEPTUEL DE RÉFÉRENCE 7

1.1 Introduction 7

1.2 Notions théoriques de base 8

1.2.1 Les stratégies de traduction 8

1.2.2 Les principes de traduction 15

1.3 La réflexion parlée 21

1.4 La traduction technique 28

1.5 Objectif et questions de départ 31

2 MÉTHODE 35

2.1 Les répondants 35

2.2 Le matériau 41

2.3 Conditions d’expérimentation 44

2.4 Procédure 45

2.5 Conventions de transcription 46

2

2.6 Les réviseurs 47

2.7 Les instruments 48

3 DÉCRIRE LA TECHNIQUE 54

3.1 ‘Oh là là ! J’aime pas les volts et compagnie !’ 54

3.2 Résultats 62

3.2.1 Le groupe germanophone 62

3.2.2 Le groupe suédophone 83

3.3 Discussion 100

4 INTÉRESSER L’ACHETEUR 106

4.1 ‘Pas la peine de flatter autant l’acheteur !’ 106

4.2 Résultats 114

4.2.1 Le groupe germanophone 114

4.2.2 Le groupe suédophone 130

4.3 Discussion 152

5 DONNER DES INSTRUCTIONS 158

5.1 ‘Ce deux-points me rend fou !’ 158

5.2 Résultats 164

5.2.1 Le groupe germanophone 164

5.2.2 Le groupe suédophone 184

5.3 Discussion 199

6 CONCLUSIONS 206

6.1 Synthèse 206

3

6.1.1 Les stratégies de traduction 207

6.1.2 Les principes de traduction 208

6.1.3 Domaines connexes 211

6.2 Mise en contexte 214

6.3 Implications 219

6.3.1 Au niveau méthodologique 219

6.3.2 Au niveau pédagogique 223

6.4 Pistes de recherche pour l’avenir 225

BIBLIOGRAPHIE 231

APPENDICE 1 : LE TEXTE DE DÉPART 238

APPENDICE 2 : LES TEXTES D’ARRIVÉE 240

INDEX DES AUTEURS 264

4

REMERCIEMENTS

Je tiens, en premier lieu, à exprimer ma vive gratitude au professeur Gunnel Engwall, directrice de thèse, et au professeur agrégé Birgitta Englund Dimitrova, co-directrice de thèse, pour leurs encouragements constants, leurs judicieux conseils et leurs lectures attentives tout au long de ces années.

Je voudrais ensuite adresser mes remerciements les plus sincères : - aux professeurs Inge Bartning et Mats Forsgren pour leurs pré-

cieuses remarques qui m’ont permis d’améliorer le texte final ; - aux doctorants du Département de français et d’italien ainsi

qu’aux membres de TRAPROS (Translation process group in Sweden) pour leurs très utiles commentaires sur les versions antérieures du présent travail ;

- aux étudiantes en traduction, traducteurs professionnels et révi-seurs pour avoir mis leurs connaissances et compétences à ma disposition et sans lesquels rien n’aurait été possible ;

- à Laure Berney, Fobester Chadehumbe, Denis Dafflon, Barbara Darrier, Valérie Dullion, Carol Leipziger, Vinciane Mazy, Maria Sandqvist et Katherine Stuart pour leur aide pratique, linguis-tique ou informatique ;

- au Fonds commémoratif de la Banque centrale de Suède, grâce auquel j’ai pu financer le présent travail.

Toutes les erreurs, approximations ou omissions restantes relèvent, bien entendu, de ma seule responsabilité.

Stockholm, avril 2003 Alexander Künzli

5

LISTE DES ABRÉVIATIONS É-CH : étudiante germanophone G : syntaxico-grammatical T-CH : traducteur germanophone S : sémantique É-SE : étudiante suédophone Pr : pragmatique T-SE : traducteur suédophone

LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 : Caractéristiques des étudiantes germanophones 37

Tableau 2 : Caractéristiques des traducteurs germanophones 38

Tableau 3 : Caractéristiques des étudiantes suédophones 39

Tableau 4 : Caractéristiques des traducteurs suédophones 40

Tableau 5 : Volume des protocoles de verbalisation 43

Tableau 6 : Conventions de transcription 47

Tableau 7 : Stratégies employées par les étudiantes germanophones pour traduire la séquence descriptive 80

Tableau 8 : Stratégies employées par les traducteurs germanophones pour traduire la séquence descriptive 81

Tableau 9 : Répartition des stratégies employées par le groupe germanophone pour traduire la séquence descriptive 82

Tableau 10 : Stratégies employées par les étudiantes suédophones pour traduire la séquence descriptive 96

Tableau 11 : Stratégies employées par les traducteurs suédophones pour traduire la séquence descriptive 97

6

Tableau 12 : Répartition des stratégies employées par le groupe suédophone pour traduire la séquence descriptive 99

Tableau 13 : Stratégies employées par les étudiantes germanophones pour traduire la séquence incitative 127

Tableau 14 : Stratégies employées par les traducteurs germanophones pour traduire la séquence incitative 128

Tableau 15 : Répartition des stratégies employées par le groupe germanophone pour traduire la séquence incitative 129

Tableau 16 : Stratégies employées par les étudiantes suédophones pour traduire la séquence incitative 149

Tableau 17 : Stratégies employées par les traducteurs suéodophones pour traduire la séquence incitative 150

Tableau 18 : Répartition des stratégies employées par le groupe suédophone pour traduire la séquence incitative 151

Tableau 19 : Stratégies employées par les étudiantes germanophones pour traduire la séquence instructionnelle 180

Tableau 20 : Stratégies employées par les traducteurs germanophones pour traduire la séquence instructionnelle 181

Tableau 21 : Répartition des stratégies employées par le groupe germanophone pour traduire la séquence instructionnelle 183

Tableau 22 : Stratégies employées par les étudiantes suédophones pour traduire la séquence instructionnelle 196

Tableau 23 : Stratégies employées par les traducteurs suédophones pour traduire la séquence instructionnelle 197

Tableau 24 : Répartition des stratégies employées par le groupe suédophone pour traduire la séquence instructionnelle 198

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1 CADRE CONCEPTUEL DE RÉFÉRENCE

1.1 Introduction Le présent travail est une recherche sur la traduction. Nous nous

intéressons d’abord à étudier (1) les stratégies employées par des per-sonnes appelées à traduire une notice technique (approche axée sur la traduction en tant que produit), et (2) les principes sous-jacents à ces stratégies (approche axée sur la traduction en tant que processus). Puis, à l’intérieur de chacun de ces deux volets, nous poursuivrons une approche transversale. Nous comparerons ainsi les stratégies et les principes observables dans le travail d’étudiantes en traduction avec ceux qu’on trouve chez des traducteurs professionnels. Une troisième et dernière distinction interviendra à l’intérieur de ces deux groupes : dans l’objectif d’étudier d’éventuelles différences dans les stratégies et les principes de traduction selon la langue et la culture d’arrivée, nous avons fait traduire le même texte de départ à des répondants germano-phones et à des répondants suédophones. La décision de manipuler l’expérience de la traduction et la langue d’arrivée émane du constat que ces variables n’ont pas encore fait l’objet d’études systématiques dans le domaine qui nous intéresse. Dans le souci de combiner la description des stratégies et des principes de traduction avec l’évalua-tion de leur adéquation avec la tâche de traduction concrète, nous avons, en outre, demandé à deux réviseurs par couple de langues de réviser les traductions écrites.

Notre étude repose sur l’utilisation de deux instruments principaux. La taxinomie des stratégies linguistiques à l’échelle du texte, proposée par Chesterman (1997), nous permettra de catégoriser certains traits apparaissant dans les traductions écrites, produites par nos répondants. La réflexion parlée, qui consiste à demander à une personne de verba-liser toutes les pensées lui venant à l’esprit pendant qu’elle est en train d’accomplir une tâche, nous servira de base pour recueillir des proto-coles de verbalisation. Dans ces protocoles, nous identifierons les verbalisations qui révèlent les principes de traduction sous-jacents au choix de telle ou telle stratégie, selon la taxinomie proposée par Jääskeläinen (1999). L’analyse des données portera sur trois passages du texte de départ, dans lesquels se manifestent les principales fonc-

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tions des notices techniques destinées au grand public : (1) décrire les caractéristiques techniques de l’appareil, (2) inciter l’acheteur à en faire usage, (3) donner des instructions. Ce ne sont cependant pas les fonctions elles-mêmes qui constitueront l’intérêt principal de nos analyses ; elles ne nous serviront que de point de départ pour la mise en évidence des stratégies et principes de traduction et, accessoire-ment, d’un ensemble de facteurs importants qui entrent en jeu dans la traduction au quotidien : l’incertitude, le sentiment de responsabilité ou encore la prise de risques du traducteur.

Sur cette base, nous allons procéder au compte rendu des études qui sont en rapport direct avec notre travail : les stratégies et les principes de traduction (1.2), la réflexion parlée (1.3), et la traduction technique (1.4). Suivra la présentation de notre objectif et de nos questions de départ (1.5), dans laquelle nous fournirons également un aperçu de notre plan de recherche ainsi que de la structure des chapitres suivants.

1.2 Notions théoriques de base Dans la présente section, nous donnerons un aperçu des notions

théoriques essentielles pour notre travail : les stratégies et les principes de traduction.

1.2.1 Les stratégies de traduction L’étude des stratégies de traduction connaît un essor considérable

depuis un certain temps déjà, alors que celle des principes de traduc-tion est d’origine plus récente. Commençons par les stratégies. Elles ont été abordées selon deux axes. L’un porte sur la traduction en tant que processus, à savoir les stratégies cognitives ou actionnelles (exemple : recherche d’un terme dans un dictionnaire ; voir Krings, 1986, et Lörscher, 1991). L’autre concerne la traduction en tant que produit écrit, à savoir les stratégies textuelles grâce auxquelles le tra-ducteur manipule le matériau linguistique (voir, par exemple, Chesterman, 1997). Dans la pratique cependant, les deux axes se che-vauchent souvent.

Les définitions proposées pour les stratégies de traduction cog-nitives ou actionnelles ont été fortement influencées par les recherches sur l’acquisition d’une seconde langue. Selon Færch et Kasper (1983,

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p. 36), les stratégies de communication sont des plans potentiellement conscients pour résoudre ce qu’un individu considère comme un pro-blème lorsqu’il tente d’atteindre un but de communication donné. Krings (1986, p. 175), quant à lui, définit les stratégies de traduction comme des plans potentiellement conscients, activés par le traducteur pour résoudre des problèmes de traduction concrets, dans le cadre d’une tâche de traduction concrète. Par exemple, devant un problème de compréhension, le traducteur peut recourir à deux stratégies : soit inférer le sens, soit consulter une source d’information.

Cette manière de voir le concept de stratégie soulève cependant cer-taines questions, comme le montre Jääskeläinen (1993) dans un article consacré à la discussion concernant le statut théorique de la notion de stratégie de traduction cognitive ou actionnelle. En effet, si la plupart des auteurs semblent d’accord sur le fait que la démarche visant à atteindre un but est un critère essentiel d’une stratégie, il en est autrement pour ce qui est des critères de problème et de conscience potentielle. On peut ainsi avancer l’hypothèse qu’il existe des compor-tements stratégiques, même en l’absence d’un problème de traduc-tion ; par exemple : la décision de suivre de près la structure du texte de départ, fondée sur l’interprétation des exigences du mandat de traduction. Et pour ce qui est du critère de la conscience potentielle, l’auteur relève les problèmes pratiques que rencontre le chercheur appelé à distinguer ce qui est potentiellement conscient de ce qui re-lève d’un processus proprement inconscient.

Ces réflexions amènent Jääskeläinen (1993) à abandonner les cri-tères de problème et de conscience potentielle et d’élargir le concept de stratégie de traduction en définissant la stratégie comme un en-semble de règles ou de principes (librement formulés) qu’utilise le tra-ducteur afin d’atteindre de la façon la plus efficace possible les buts tels qu’ils sont déterminés par la situation de traduction (p. 116). L’au-teur propose aussi de distinguer les stratégies globales des stratégies locales. Les stratégies globales feraient référence aux principes géné-raux et aux manières d’agir préférées du traducteur (exemple : la déci-sion initiale sur le style à adopter dans le texte d’arrivée en fonction des besoins des receveurs), alors que les stratégies locales refléteraient les processus de résolution de problèmes et de prise de décision dans

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des situations spécifiques (exemple : la décision de supprimer tel élé-ment du texte de départ).

Venons-en aux stratégies textuelles : celles qui reflètent une mani-pulation du matériau linguistique du texte de départ dans le but de pro-duire un texte d’arrivée (voir Chesterman, 1997, p. 92). On s’y inté-resse depuis longtemps, bien que pas tous les auteurs n’y aient référé sous le terme stratégie. C’est déjà dans les années cinquante que Vinay et Darbelnet (1958/1977) publient leur Stylistique comparée du français et de l’anglais, ouvrage dans lequel ils présentent les procé-dés techniques auxquels a recours le traducteur lors de la réexpression, dans la langue d’arrivée, des idées exprimées dans le texte de départ. Il est vrai que le terme procédé technique fait penser à une stratégie actionnelle plutôt qu’à une stratégie textuelle. Or, ces procédés tech-niques sont étudiés sous forme de comparaisons entre les structures du texte de départ et du texte d’arrivée.

Vinay et Darbelnet (1958/1977) distinguent sept procédés tech-niques, divisés en deux groupes (p. 46-55) : la traduction directe ou littérale d’un côté, la traduction oblique de l’autre. L’emprunt, le calque et la traduction littérale relèvent de la traduction directe, alors que la transposition, la modulation, l’équivalence et l’adaptation sont considérées comme des manifestations de la traduction oblique. Autrement dit, Vinay et Darbelnet utilisent le terme traduction litté-rale pour référer à la fois à une des deux directions générales que le traducteur peut emprunter (traduction directe ou littérale par opposi-tion à traduction oblique) ainsi qu’à un procédé technique spécifique. C’est un tant soit peu gênant et nous en reparlerons. À côté des pro-cédés techniques, il existe ce que les auteurs appellent indifféremment procédé ou technique tout court (exemple : l’explicitation ou l’impli-citation). Ces procédés semblent coïncider, du moins dans certains cas, avec l’un des sept procédés techniques. Par ailleurs, les auteurs adoptent une approche prescriptive. Le recours à la traduction oblique ne serait autorisé que dans certaines conditions (p. 268). Ce pres-criptivisme doit cependant être replacé dans son contexte historique ; il n’enlève rien à l’importante contribution des auteurs à la traduc-tologie. Signalons encore que la taxinomie des procédés techniques a

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été reprise, entre autres, par Malblanc (1968) et appliquée au couple de langues français-allemand.

D’autres catégorisations ont été proposées par Nida (1964) et Catford (1965). Nida distingue quatre types de changements interve-nant lors du transfert du texte de départ en langue d’arrivée (p. 184-192) : les changements au niveau de l’ordre, les omissions, les changements structurels et les ajouts. L’auteur élabore un système de valeurs numériques pour mesurer l’importance qu’il faut accorder à chacun de ces types de changements. Par exemple, il considère qu’un ajout a plus d’importance qu’une omission, puisque l’impact de ce qui est perdu ne serait pas aussi grand que l’effet de ce qui est ajouté. En outre, il distingue différents degrés de changements au sein de chaque type : il y aurait ainsi des omissions plus attendues d’une part, et des omissions moins attendues d’autre part, ces dernières se voyant attri-buer une valeur numérique plus élevée. La question se pose, cepen-dant, de savoir si les jugements attribués par différents chercheurs se rejoindraient systématiquement. Catford, quant à lui, construit sa théorie de la traduction autour du concept de translation shifts, par lequel il entend des écarts dans la correspondance formelle entre texte de départ et texte d’arrivée. Comme le note Snell-Hornby (1995, p. 19-20), l’approche de Catford se soustrait quelque peu à la com-plexité de la traduction dans sa réalité, puisqu’il étaye sa théorie en étudiant des mots ou des phrases isolés.

Il existe des travaux plus récents. Citons d’abord l’ouvrage de Delisle (1993), consacré à la traduction professionnelle de l’anglais vers le français. L’auteur y aborde certaines questions, développées par Vinay et Darbelnet (1958/1977). Il se démarque cependant à plu-sieurs égards. Les procédés de transfert comprennent des manipu-lations textuelles qui relèvent de différentes catégories chez Vinay et Darbelnet. L’explicitation, par exemple, fait partie des procédés de transfert à côté de la modulation ou de la transposition. Aussi Delisle utilise-t-il le terme stratégie de traduction pour référer au résultat de l’opération de traduction. L’auteur en distingue deux types : la traduc-tion littérale et la traduction libre. Cette division rejoint la distinction faite par Vinay et Darbelnet entre traduction directe et traduction

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oblique, tout en évitant la confusion de la hiérarchie des notions (procédé de transfert par opposition à stratégie de traduction).

La taxinomie des stratégies de traduction textuelles, proposée par Chesterman (1997, chap. 4), s’inspire, entre autres, des travaux de Vinay et Darbelnet (1958/1977), Nida (1964) et Catford (1965). Chesterman (p. 89) voit les stratégies comme des formes explicites de manipulations textuelles, observables en comparant le résultat de l’opération de traduction, à savoir le texte d’arrivée, avec le texte de départ. Il se concentre, en outre, sur les manipulations qui ne relèvent pas d’une simple obligation, mais qui sont le résultat d’un choix fait par le traducteur entre différentes possibilités (voir aussi la différence, établie par Vinay et Darbelnet [p. 12 et 14], entre servitude et option, et, par Eriksson [1997, p. 20], entre transformation obligatoire et transformation facultative). Chesterman distingue trois groupes de stratégies :

• les stratégies syntaxico-grammaticales, qui reposent princi-palement sur des manipulations au niveau de la forme ; exemple : la traduction littérale ou la transposition ;

• les stratégies sémantiques qui relèvent de manipulations au niveau du sens ; exemple : la paraphrase, la concentration ou la dilution ;

• les stratégies pragmatiques, qui ont à voir avec la sélection de l’information à inclure dans le texte d’arrivée et qui sont déterminées par ce que le traducteur pense être les besoins et les attentes des receveurs ; exemple : l’explicitation ou l’im-plicitation, l’ajout ou l’omission.

Chesterman (1997) souligne que ces groupes de stratégies peuvent se chevaucher et qu’une manipulation textuelle peut relever de plu-sieurs stratégies. Cela semble particulièrement vrai pour les stratégies pragmatiques.

À notre avis, cette taxinomie présente divers avantages par rapport aux tentatives précédentes de rendre compte des stratégies textuelles. Ce qui, auparavant, relevait de différentes catégories – procédé tech-nique, procédé ou technique tout court, procédé de transfert ou stratégie de traduction – se retrouve ici regroupé sous une seule et

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même appellation. Ainsi, l’explicitation, la dilution et la concentration sont toutes considérées comme des stratégies, mais classées dans différents groupes de stratégies et appartenant, dès lors, à différentes hiérarchies. Un bémol toutefois : la traduction littérale figure parmi les stratégies de traduction. Or, nous venons de signaler qu’on pourrait avoir intérêt à réserver ce terme pour référer au résultat global de l’opération de traduction (voir sections 3.2.2 et 6.3).

Quoi qu’il en soit, grâce à la taxinomie de Chesterman (1997), il semble plus facile d’analyser l’apparition de stratégies dans des segments de texte plus longs, comme les paragraphes, voire le texte entier (exemple : la stratégie de transediting, à savoir le remaniement radical que doit effectuer le traducteur sur un texte de départ mal rédigé). En reconnaissant que la traduction est un processus dans lequel se manifeste un grand nombre de phénomènes enchevêtrés, Chesterman rend également mieux compte de la traduction dans la vie réelle. Selon l’auteur, la taxinomie, qui s’appuie sur des stratégies observées chez les traducteurs professionnels, a un intérêt pratique pour l’enseignement de la traduction. Mais l’auteur signale également un intérêt pour la recherche : il voit l’analyse des stratégies textuelles utilisées par un traducteur comme la première étape nécessaire vers une mise en évidence des raisons sous-jacentes à la décision de tel tra-ducteur de choisir telle stratégie dans telle condition (p. 93). Notons enfin que l’auteur qui affirme que les stratégies figurant dans sa taxi-nomie ne sont pas spécifiques à un couple de langues concède qu’il y en a qui peuvent être adaptées, en règles simples, à la résolution de problèmes de traduction spécifiques dans une combinaison linguis-tique donnée (p. 93). Voilà, selon nous, un intérêt supplémentaire que de faire traduire le même texte de départ dans deux langues différentes afin de voir dans quelle mesure de telles règles simples se dégagent en fonction de la langue d’arrivée.

En somme, il semble intéressant d’étudier les stratégies de traduc-tion en prenant appui sur la taxinomie élaborée par Chesterman (1997). En effet, traduire, et en particulier traduire des textes, c’est effectuer des manipulations textuelles de différents types. L’emploi d’une stratégie textuelle varie certainement, du moins jusqu’à un cer-tain degré, en fonction du couple de langues étudié. Mais on peut, de

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plus, s’attendre à des différences en fonction de l’expérience de la tra-duction. Prenons le modèle de la compétence traductive proposée par Cao (1996) : ce modèle repose sur l’interaction entre différentes va-riables, dont les connaissances linguistiques, les connaissances extra-linguistiques et la compétence stratégique (l’application des connais-sances linguistiques et extralinguistiques dans un contexte donné). Au sein de la compétence linguistique, l’auteur cite d’une part les con-naissances approfondies de la syntaxe, du lexique et des règles séman-tiques relatives à la structure phrastique dans les deux langues, et d’autre part les connaissances des conventions sociolinguistiques, né-cessaires à l’exécution des fonctions linguistiques appropriées dans un contexte donné. On peut penser que les stratégies, en tant que manipu-lations textuelles, s’expriment au niveau de la compétence linguis-tique. Autrement dit, que les connaissances linguistiques, observables notamment à travers les manipulations textuelles effectuées par une personne en train de traduire, varient en fonction de l’expérience de la traduction.

Signalons cependant que l’approche de Chesterman (1997) soulève aussi quelques questions. Ainsi, l’auteur voit les stratégies textuelles comme une sorte de changement auquel le traducteur procéderait en cas d’insatisfaction avec la première version lui venant à l’esprit, c’est-à-dire suite au constat d’un problème (p. 92). Autrement dit, la stratégie de traduction littérale, pour ne prendre qu’un exemple, ne relèverait d’une stratégie que dans la mesure où elle ne se présente pas au traducteur comme solution première, automatique. Comment défi-nir le concept de problème ? Weil-Barais (1999, p. 562) propose une définition qui nous semble à la fois adéquate et suffisante pour notre travail : un problème désigne le fait que le répondant exerce un contrôle de son activité lors du traitement de l’information, c’est-à-dire lorsque son comportement ne relève pas seulement de processus automatiques. Afin de pouvoir différencier une traduction littérale relevant d’une stratégie et une traduction littérale découlant d’un simple automatisme, on doit avoir accès aux processus de raison-nement des personnes traduisantes. L’approche de Chesterman révèle donc le fait que l’étude des stratégies à l’échelle du texte repose, au

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moins jusqu’à un certain degré, sur une prise en considération de ce qui se passe au niveau cognitif.

Après cette première mise au point, nous retenons l’intérêt qu’il y aurait à conduire une analyse combinée des stratégies textuelles et des motifs sous-jacents à ces stratégies. La réflexion parlée, c’est-à-dire le raisonnement à voix haute, apparaît comme une méthode utile pour l’investigation de ces mobiles. Selon Chesterman (1997, p. 113), les mobiles dérivent de normes qui, à leur tour, sont déterminées par les valeurs auxquelles adhère le traducteur. Nos lectures indiquent qu’il existe bel et bien un petit corpus de recherches portant sur le processus de traduction et s’attachant à explorer les facteurs qui incitent un tra-ducteur à agir d’une certaine façon. Elles sont donc pertinentes pour notre démarche visant à déceler ce qui se cache derrière le choix d’une stratégie. Nous en proposerons un aperçu dans la section suivante.

1.2.2 Les principes de traduction Dans sa thèse de doctorat, Jääskeläinen (1999) utilise le terme

principe de traduction (translation principles ; voir p. 178-183 et p. 233-236). Elle considère ces principes comme constituant des exemples de marked processing (p. 162). Le unmarked processing renvoie aux parties du processus de traduction, pendant lesquelles le répondant lit le texte de départ à voix haute ou produit une traduction sans effort apparent. Pendant le marked processing, en revanche, le traducteur interrompt le unmarked processing pour concentrer son attention sur un aspect spécifique de la tâche. L’auteur identifie trois types de verbalisations qu’elle considère comme révélatrices des prin-cipes de traduction :

• les commentaires procéduraux, qui indiquent la façon dont le répondant procède dans une tâche de traduction (exemple : d’abord lire le texte en entier pour se faire une idée) ;

• les déclarations qui révèlent les stratégies globales guidant le processus de traduction du répondant (exemple : être cohé-rent dans l’usage de la terminologie ; voir Jääskeläinen, 1993) ;

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• les commentaires qui reflètent l’image que les traducteurs professionnels ont d’eux-mêmes, leur identité professionnelle (exemple : craindre qu’un médecin ayant de bonnes connais-sances linguistiques n’arrive mieux à traduire un texte médi-cal qu’un traducteur).

Ces exemples de comportement traductif sont une bonne illus-tration de la définition que donne le Nouveau Petit Robert (1996) de la notion de principe : « règle d’action s’appuyant sur un jugement de valeur et constituant un modèle, une règle ou un but ». Aussi montrent-ils que la notion de principe se prête particulièrement bien à l’étude des facteurs sous-jacents au choix d’une stratégie. Concrète-ment, Jääskeläinen (1999, p. 178) dit observer, chez les 4 traducteurs professionnels auxquels elle a fait appel, des principes ou des règles de conduite explicites. Les verbalisations des 4 traducteurs non-professionnels (à savoir des traducteurs amateurs), par contre, refléte-raient souvent un manque de principes de traduction ou d’inexpé-rience, c’est-à-dire une incertitude quant à savoir ce qui est attendu d’eux ou ce qui est permis en traduction. Cela ne veut pas dire que les traducteurs procèdent sans ressentir le moindre doute. Au contraire, selon Jääskeläinen (p. 234), leurs protocoles indiquent qu’ils se sou-cient de leur image professionnelle, voire de l’image de la profession en général.

Nous pouvons, une nouvelle fois, nous référer au modèle de la compétence traductive proposée par Cao (1996). Il semble raisonnable de supposer que les principes verbalisés varient en fonction du couple de langues (exemple : les stratégies globales employées pour traiter les anglicismes peuvent varier d’une communauté linguistique à l’autre). Mais ils varient certainement aussi en fonction de l’expérience de la traduction. Plus précisément, on peut penser que les principes de tra-duction s’expriment à la fois au niveau des connaissances linguis-tiques (exemple : posséder des règles de conduite pour le traitement de problèmes de traduction résultant de différences linguistiques entre langue de départ et langue d’arrivée), des connaissances extralinguis-tiques (exemple : plus on maîtrise l’univers notionnel auquel fait appel le texte de départ, plus le traducteur avancera avec confiance) et de la

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compétence stratégique (exemple : savoir consulter de la manière la plus efficace les sources d’information à la disposition du traducteur).

Ajoutons que Jääskeläinen (1999) évoque également certaines questions méthodologiques. Elle indique que les principes de traduc-tion ne sont pas toujours verbalisés explicitement, mais qu’ils doivent être déduits, par exemple à partir des verbalisations comportant un commentaire évaluatif (p. 180). Aussi souligne-t-elle que certaines verbalisations pouvant être interprétées comme des principes de tra-duction (tels que les commentaires procéduraux) peuvent être le ré-sultat de la condition expérimentale (p. 179). Elle signale, cependant, à juste titre que, même si ces verbalisations sont un tant soit peu artifi-cielles, elles fournissent des informations intéressantes qui peuvent aider le chercheur dans l’analyse d’autres aspects du comportement des répondants. Par ailleurs, le chercheur dispose en général de diffé-rentes sources de données, ce qui limite les erreurs possibles dans l’attribution du sens aux verbalisations.

Le travail de Jääskeläinen (1999) a l’avantage de proposer une opérationalisation d’un concept qui rend possible l’étude des facteurs incitant un traducteur à opter pour une certaine stratégie. D’autres tra-vaux méritent cependant d’être mentionnés. Ces derniers s’attachent à mettre en évidence des phénomènes apparentés aux principes de traduction et nous permettront ainsi d’insérer nos données dans un contexte plus large.

Tirkkonen-Condit (1997) dit observer un degré de responsabilité plus élevé chez les traducteurs professionnels que chez les traducteurs amateurs et les étudiants en traduction : les traducteurs feraient preuve d’ambition et d’éthique professionnelle, alors que les deux autres groupes de répondants auraient tendance à minimiser les problèmes. Précisons que ces observations s’appuient sur une analyse des proces-sus de traduction de 10 répondants, dont 2 traducteurs amateurs, 2 étu-diants en traduction et 6 enseignants de traduction ou traducteurs pro-fessionnels. Toujours selon Tirkkonen-Condit, les traducteurs pro-fessionnels assument leur ignorance sur un sujet plutôt que de mettre leurs problèmes sur le compte du texte de départ ou de la situation expérimentale, contrairement aux deux autres groupes de répondants. Aussi, la spécificité des évaluations portant sur le texte d’arrivée

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augmenterait-elle avec l’expérience de la traduction (voir aussi Englund Dimitrova, 2003a). Ce constat rejoint celui de Jääskeläinen (1999) concernant le fait que les traducteurs professionnels verbalisent des principes de traduction explicites.

Toujours selon Tirkkonen-Condit (1997), les traducteurs profes-sionnels ont acquis une certaine tolérance de l’incertitude. Cette tolé-rance semble indispensable en traduction, comme le montre l’auteur de façon plus détaillée dans un autre article (Tirkkonen-Condit, 2000, p. 123), dans lequel elle étudie le processus de traduction de 6 traduc-teurs ayant rédigé des traductions de qualité. Selon Tirkkonen-Condit, tout traducteur se trouve souvent dans la situation où il existe dif-férentes solutions de traduction ou dans des situations où aucune des solutions potentielles n’est tout à fait la bonne. Tout acte traduisant comporte ainsi une dose d’ambiguïté se manifestant, lors de l’acte tra-duisant, par des sentiments d’incertitude. Et, d’après Tirkkonen-Condit (1997, 2000), les traducteurs professionnels dont on considère les travaux comme des traductions de qualité se caractérisent par la capacité de tolérer momentanément des sentiments d’incertitude et de ne pas essayer de résoudre simultanément tous les problèmes.

Les principes de traduction ressortent également d’un rapport de recherche cosigné par Tirkkonen-Condit et Laukkanen (1996). Dans cet article, les auteurs analysent les commentaires évaluatifs de 4 ré-pondants, d’une traductrice professionnelle et de 3 enseignants de tra-duction, pour mettre en évidence ce qu’elles considèrent comme deux facteurs majeurs sous-jacents aux processus décisionnels en traduc-tion, à savoir l’image que les traducteurs ont d’eux-mêmes (voir Jääskeläinen, 1999) et leurs théories personnelles de la traduction.

Pour étudier le premier critère, les auteurs analysent les commen-taires que les répondants font sur eux-mêmes (autoévaluations) et sur l’exécution de la tâche elle-même. Elles arrivent à la conclusion que, même s’il existe une corrélation positive entre la confiance en soi en tant que traducteur et la qualité de la traduction, un éventuel manque de confiance peut être compensé par une attitude qui révèle de l’inté-rêt et de l’engagement. Parmi les facteurs pouvant saper la confiance du traducteur, les auteurs évoquent le passage d’une tâche routinière à une tâche non-routinière, telle que la traduction d’un genre de texte

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que le traducteur n’a pas l’habitude de traduire. Il arriverait cependant qu’un traducteur moins expérimenté dans la traduction d’un certain genre de texte verbalise de nombreuses autoévaluations négatives, sans que cela ne se répercute dans la qualité de la traduction. Signa-lons, en outre, que Tirkkonen-Condit et Laukkanen (1996) interprètent l’absence d’autoévaluations comme un indicateur d’un sentiment de certitude et de confiance. Les théories personnelles de la traduction, quant à elles, sont déduites des évaluations verbalisées lors d’une prise de décision entre deux solutions de traduction. Elles révèlent ce que le traducteur considère comme légitime ou recommandable (traduire librement ou fidèlement, cohérence du texte d’arrivée, adaptation aux besoins des receveurs). Selon Tirkkonen-Condit et Laukkanen, cer-taines théories, certains critères de qualité sont partagés par les répon-dants, alors que d’autres sont plus idiosyncratiques.

Signalons que la notion de théorie personnelle de la traduction semble présenter certains parallèles avec ce que Jääskeläinen (1999) appelle stratégie globale. Une différence réside cependant dans le fait que les théories personnelles de la traduction sont réservées aux verba-lisations révélatrices des critères de qualité qui guident les répondants lors de la prise de décision entre différentes solutions de traduction. Les stratégies globales, en revanche, concernent d’autres types de ver-balisations et également de comportements (exemple : la résolution de problèmes de compréhension par inférence plutôt que par consultation d’un outil de référence). À notre avis, c’est en étudiant l’ensemble des verbalisations révélatrices d’une théorie personnelle de la traduction ainsi que les témoignages indiquant des stratégies globales qu’on ob-tiendra des informations sur les stratégies globales employées par le répondant en question.

Citons, en dernier lieu, un rapport de recherche publié par Laukkanen (1996). L’auteur y compare les commentaires évaluatifs d’une traductrice professionnelle pour une tâche routinière et pour une tâche non-routinière, définie en fonction de son degré de familiarité avec le sujet du texte à traduire. Elle conclut que lorsqu’il s’agit de la tâche routinière, l’attitude critique manifestée par la traductrice envers le texte de départ l’aide à s’en libérer et à améliorer la lisibilité et la cohérence du texte d’arrivée. En outre, la traductrice n’hésiterait pas à

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ajouter ou à supprimer des mots dans la tâche routinière. Dans la tâche non-routinière, en revanche, elle essaie, d’après Laukkanen, de rester le plus près possible du texte de départ et n’envisage même pas de procéder à des omissions. Aussi, la qualité de la traduction serait-elle moins bonne. Laukkanen dit également observer que, dans la tâche non-routinière, la traductrice pense ne pas avoir le droit de critiquer le texte de départ, à l’inverse de ce que Tirkkonen-Condit (1997) a observé chez les traducteurs amateurs et les étudiants en traduction.

Laukkanen (1996) parvient, d’ailleurs, à la conclusion suivante : l’identification des évaluations explicites, qui peuvent être très courtes, est moins intéressante que l’étude des évaluations implicites et donc d’unités plus larges, comme les principes de traduction. Elle suggère également qu’on se mette à examiner la relation entre les principes verbalisés et le comportement effectif, par exemple en comparant les principes de traduction avec les processus de résolution de problèmes, pour voir dans quelle mesure il y a conflit entre ces deux phénomènes. Une autre possibilité, que nous nous proposons d’explorer, est de confronter les principes verbalisés lors du processus de traduction avec les stratégies textuelles finalement sélectionnées.

Le tour d’horizon de la recherche faite jusqu’ici dans le domaine des stratégies et des principes de traduction a permis de dégager cer-taines conclusions intéressantes. Nous avons vu que la notion de stra-tégie peut être abordée soit du point de vue du processus de traduc-tion, soit de celui de la traduction écrite. Il est ensuite apparu que l’étude des principes de traduction permettrait de comprendre pour-quoi tel traducteur opte pour telle stratégie textuelle. De plus, si nous possédons quelques informations sur les principes verbalisés par les traducteurs, nous connaissons encore mal ceux qui se présentent chez les étudiants en traduction ; ces derniers sont, en effet, clairement sous-représentés au sein des populations étudiées dans la recherche conduite jusqu’ici sur les principes de traduction. Aussi nous sommes-nous aperçu qu’on aurait tout à gagner si on combinait une analyse de processus de traduction avec une analyse de traductions écrites en va-riant la langue d’arrivée. En définitive, l’étude des principes de traduc-tion poussant tel étudiant en traduction ou tel traducteur à opter pour

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telle stratégie, dans la traduction vers telle langue d’arrivée, mériterait d’être approfondie.

1.3 La réflexion parlée La réflexion parlée, également appelée méthode du raisonnement à

voix haute (Dancette et Ménard, 1996, p. 142), consiste à demander à une personne de verbaliser toutes les pensées lui venant à l’esprit au cours de la réalisation d’une tâche. Les verbalisations ainsi produites sont enregistrées, puis transcrites en protocoles de verbalisation (think-aloud protocols), et finalement analysées. La réflexion parlée a été développée par les représentants de la psychologie cognitive ras-semblés au sein de l’École de Genève dans les années 30 du siècle dernier, dans le but d’étudier la résolution de problèmes (voir, par exemple, Claparède, 1934). Aujourd’hui, elle est utilisée dans de nom-breux autres domaines de recherche, dont la traductologie. Elle pré-sente au moins trois avantages (voir aussi Pressley et Afflerbach, 1995, p. 4). Premièrement, elle permet au chercheur d’appréhender les processus en cause dans l’accomplissement d’une tâche en temps réel. Deuxièmement, la réflexion parlée peut donner accès aux processus à l’œuvre dans la réalisation de tâches complexes telles que la tra-duction. Troisièmement, elle fournit des données non seulement sur les processus cognitifs, mais également sur les réactions affectives d’un répondant à un aspect de la tâche (exemples : intérêt pour le genre du texte à traduire ou sentiment de satisfaction ou d’insatisfac-tion quant aux solutions de traduction trouvées).

En dépit des avantages qu’elle offre à l’investigation d’un large éventail de phénomènes, la réflexion parlée a suscité bon nombre de questions. Nous allons examiner les principales objections formulées à son égard ainsi que la manière dont elles ont été réfutées. Pour un survol des études en traduction qui prennent en compte la réflexion parlée, nous renvoyons le lecteur à Bernardini (2001), Jääskeläinen (1999, 2002) ou Tirkkonen-Condit (2002).

Notre point de départ est l’ouvrage Protocol analysis: Verbal reports as data d’Ericsson et Simon (1984/1993). Il constitue l’ouv-rage de référence pour tout chercheur employant la réflexion parlée et contient un compte rendu de la plupart des travaux effectués en

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psychologie cognitive grâce à cette méthode. Relevons qu’Ericsson et Simon ont tenté le tour de force de faire accepter la réflexion parlée au sein de la psychologie cognitive expérimentale ; cela n’a toutefois été possible que grâce à des compromis, d’où un potentiel des protocoles peut-être pas toujours idéalement exploité. En effet, en psychologie cognitive, leur utilisation est dans la plupart des cas restreinte à des tests d’hypothèses à l’aide de systèmes de codage et de catégorisation rigides et prédéfinis (protocol analysis, approche hypothético-déductive), alors que la réflexion parlée se prête particulièrement bien à des analyses inductives, où le chercheur pose certes des questions de départ, mais laisse émerger des hypothèses et des concepts du proces-sus d’analyse des données.

Un aspect central de l’ouvrage d’Ericsson et Simon (1984/1993) est le compte rendu des critiques formulées à l’égard de la réflexion par-lée. En ce qui concerne sa validité, citons les critiques portant sur l’effet qu’a la consigne de parler à voix haute sur les processus cogni-tifs d’une part, et sur la complétude des protocoles d’autre part. Pour ce qui est de sa fiabilité, on critique, entre autres, la variabilité intra-sujet au niveau des processus cognitifs. Passons en revue ces critiques une à une.

En comparant les résultats issus de la réflexion parlée avec des données plus indirectes telles que la mesure de temps de réaction, Ericsson et Simon (1984/1993, chap. 2) arrivent à la conclusion qu’un répondant est capable de verbaliser ses processus tout en centrant son attention en premier lieu sur l’accomplissement de la tâche, c’est-à-dire sans se laisser gêner par le fait de parler à voix haute. Afin d’évi-ter tout changement des processus, Ericsson et Simon recommandent cependant que le chercheur dise au répondant de ne verbaliser que le contenu de sa mémoire de travail. La mémoire de travail est censée contenir toutes les informations qui pénètrent dans le champ de la conscience à un moment donné. Selon Ericsson et Simon, la quantité de ressources cognitives nécessaires pour analyser le déroulement d’un processus pourrait envahir la mémoire de travail à tel point que tout le processus s’en trouverait affecté. Même si, dans ses verbalisa-tions, le répondant ne fournit pas de descriptions ou d’analyses de ses

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processus, l’accomplissement de la tâche se trouverait cependant ra-lentie, du moins partiellement, par la consigne de parler à voix haute.

Force est, toutefois, de constater que les protocoles de verbalisation contiennent, généralement différents types de verbalisations (voir aussi Jääskeläinen, 1999, p. 67-68 ; Pressley et Afflerbach, 1995, p. 7-8) : (1) des verbalisations spontanées reflétant le contenu plus ou moins exact de la mémoire de travail, (2) des descriptions de proces-sus, et (3) des analyses de processus. Concrètement, dans le cas d’un traducteur en train d’évaluer une solution de traduction, une verbalisa-tion crédible serait pour Ericsson et Simon (1984/1993) : « non, ça ne sonne pas bien. » La tentative du répondant de décrire ce même pro-cessus serait moins crédible. Exemple : « je suis en train d’évaluer ma solution de traduction, en la comparant avec les exigences formulées dans le mandat de traduction et je n’en suis pas satisfait. » Tout en acceptant cependant ces descriptions, dites rétrospectives, des pro-cessus cognitifs comme des témoignages crédibles, puisqu’elles reflé-teraient souvent les processus tels qu’ils se seraient déroulés, Ericsson et Simon soulignent que la tâche d’inférer les processus à partir des verbalisations incombe au chercheur plutôt qu’au répondant. En revanche, les témoignages indiquant que le répondant analyse ses propres processus cognitifs seraient moins crédibles, puisqu’ils ne re-fléteraient pas vraiment le contenu exact de la mémoire de travail. Exemple : « je suis en train de comparer ma solution avec les exi-gences du mandat, parce qu’on m’a conseillé de faire comme ça en cours. »

Il n’est pas toujours facile de distinguer les trois types de té-moignages, comme le note également Jääskeläinen (1999, p. 67-68). Cet auteur est d’accord avec Ericsson et Simon (1984/1993) en ce sens que les témoignages révélant le contenu exact de la mémoire de travail devraient idéalement constituer la majeure partie des données. Mais elle affirme en même temps que les deux autres types de verbali-sations fournissent, eux aussi, au chercheur des informations impor-tantes sur le comportement traductif d’un répondant, telles que ses principes de traduction. Séguinot (1996, p. 88) signale, par ailleurs, qu’une instruction du chercheur demandant au répondant de ne pas analyser ses propres processus peut conduire à l’autocensure.

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La deuxième question qui nous intéresse est celle de la complétude des protocoles de verbalisation (Ericsson et Simon, 1984/1993, chap. 3). Rappelons qu’Ericsson et Simon adoptent les postulats de base de la théorie du traitement de l’information. Selon cette théorie (voir Weil-Barais, 1999, chap. 24), le processus de résolution de pro-blèmes repose sur l’implication de différentes composantes. Ainsi, le répondant élaborerait une représentation du problème, c’est-à-dire qu’il interpréterait la situation de départ, le but à atteindre et les con-traintes. De plus, il effectuerait des traitements sur les données ou sur les représentations ; autrement dit, il procéderait à des identifications, des classifications et des inférences. En outre, il exercerait des contrôles et prendrait des décisions sur ses représentations et traite-ments. Et, finalement, il activerait des connaissances qui, elles, inter-viendraient sur toutes les composantes du processus.

Selon Ericsson et Simon (1984/1993), les connaissances et les com-posantes des processus à l’œuvre à chaque étape de la résolution d’un problème sont relativement stables et, dès lors, accessibles à la verba-lisation. Le répondant arriverait donc à verbaliser au moins certaines traces de l’activité mentale, c’est-à-dire les produits intermédiaires et finaux de ses processus. Ericsson et Simon affirment, en outre, que même en évitant l’introspection, à savoir l’émergence de verbalisa-tions sur les raisons de l’activation d’un processus, les protocoles con-tiennent toujours davantage d’informations que des données plus indi-rectes, telles que les mesures du temps d’un traitement. En plus, il ne serait même pas souhaitable que le répondant verbalise toutes les étapes de la résolution du problème. Prenons l’exemple d’une expé-rience dans laquelle on compare les processus décisionnels chez des traducteurs professionnels et des étudiants en traduction. Dans ce cas, les traducteurs ne sont pas censés verbaliser les étapes des processus qui, pour eux, relèvent de la routine. En effet, chez eux, les produits intermédiaires de ces processus ont, dans certains cas, été automatisés, et ne sont donc plus activés dans la mémoire de travail. Dès lors, si le chercheur leur demandait de verbaliser toutes les étapes des processus décisionnels, il obtiendrait des résultats ne reflétant pas le processus tel qu’il a lieu dans des conditions naturelles.

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Ericsson et Simon (1984/1993, p. 25-30) concluent ainsi, à la lu-mière des nombreux travaux effectués dans le but de comparer les résultats de la réflexion parlée avec les résultats issus de méthodes plus indirectes (temps de réaction, fréquence de réponses erronées ou mouvements oculaires), que les protocoles de verbalisation fournissent des données valides sur les processus cognitifs. Ils soulignent à ce titre qu’il a été possible de prédire de façon systématique les verbalisations devant apparaître dans les protocoles (exemple : dans des tâches de multiplication, on a réussi à prédire la séquence des produits intermé-diaires des processus mentaux en cause, verbalisée par les répondants [p. xv]). De plus, la plupart des critiques qui remettent en question la validité de la réflexion parlée ne concerneraient que les cas où les répondants ne verbalisent pas leurs pensées au moment de l’accom-plissement de la tâche, mais seulement après coup. En raison de la capacité limitée de la mémoire de travail, on considère comme pri-mordiale la plus grande simultanéité possible entre la verbalisation du processus et sa manifestation réelle : plus le temps qui sépare la mani-festation du processus de sa verbalisation augmente, plus l’infor-mation tend à se déformer, ce qui augmente le risque d’obtenir des protocoles moins valides, d’après Ericsson et Simon. C’est pourquoi ils déconseillent le recours à la rétrospection, dans laquelle le cher-cheur demande au répondant de verbaliser ses pensées, seulement une fois la tâche terminée.

Pour ce qui est de la fiabilité des protocoles de verbalisation, les choses ne semblent cependant pas aussi claires. La fiabilité d’un instrument peut être mesurée en administrant aux mêmes répondants la même tâche à deux occasions différentes et en comparant ensuite les protocoles. Ce n’est pourtant pas chose facile, car, comme le sou-lignent Ericsson et Simon (1984/1993, p. 356-372), la mémorisation de la solution à la tâche précédente peut changer les processus cogni-tifs lors de la deuxième séance. De plus, il y aurait déjà une certaine variabilité des processus cognitifs en cause dans la même tâche lors d’une seule séance. Selon Ericsson et Simon (p. 372), la grande stabi-lité observée dans des protocoles successifs sur le plan de certaines composantes, comme des représentations, l’emporterait cependant sur le fait qu’il y a une certaine variabilité à d’autres égards.

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Après Ericsson et Simon (1984/1993), la réflexion sur les proto-coles de verbalisation s’est poursuivie au sein de la psychologie, no-tamment de la psychologie discursive (Long et Bourg, 1996 ; Whitney et Budd, 1996), ou de l’apprentissage et de l’enseignement de la lecture (Pressley et Afflerbach, 1995). Ces études se distinguent des travaux dont rendent compte Ericsson et Simon sur un point im-portant : ils ne visent pas en premier lieu à tester des prédictions spéci-fiques, mais à explorer et décrire des phénomènes encore peu connus. Rappelons que le but poursuivi par Ericsson et Simon était de faire accepter la réflexion parlée par les représentants du paradigme posi-tiviste, selon lequel seuls les phénomènes mesurables numériquement peuvent être étudiés scientifiquement. D’autres courants, appartenant aux new paradigms (voir Cooligan, 1994, chap. 11), se sont montrés d’emblée plus réceptifs à la réflexion parlée et en font un usage différent.

Whitney et Budd (1996) critiquent ainsi la quantification prématu-rée de phénomènes complexes et peu étudiés en temps réel, tels que la compréhension du discours. Ils avancent l’hypothèse que les proto-coles de verbalisation possèdent une structure interne qui n’est pas ré-vélée par de simples calculs. Un autre facteur important dont il convient de tenir compte, selon eux, est le rôle joué par la grande variabilité intrasujet et intersujets en ce qui concerne l’aptitude verbale. Ainsi, on peut émettre l’hypothèse qu’un répondant verbalise plus systématiquement ses pensées par rapport à un phénomène donné (par exemple, des commentaires évaluatifs de solutions de traduction provisoires) que par rapport à un autre (des évaluations du texte de départ). Whitney et Budd précisent, cependant, que cet état de fait ne disqualifie pas la réflexion parlée en tant que méthode utile pour l’étude des processus cognitifs, mais recommandent, comme pour toute autre méthode, la triangulation des données, soit l’utilisation combinée de la réflexion parlée avec d’autres méthodes, afin de ré-colter des preuves convergentes. Signalons à ce titre que Dancette et Ménard (1996, p. 150) considèrent la variabilité dans l’aptitude ver-bale des répondants comme la faiblesse la plus marquée des proto-coles de verbalisation. Selon ces auteurs, cela ne signifie cependant pas qu’on doive renoncer à l’investigation des processus de traduction,

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mais que l’interprétation des données gagne en qualité, si le chercheur est conscient des limites de la réflexion parlée.

Long et Bourg (1996) font valoir qu’une partie des verbalisations contenues dans les protocoles reflète des processus cognitifs ayant effectivement lieu lors de l’exécution silencieuse de la tâche, alors que d’autres témoignages révèlent des processus spécifiques à la situation de la réflexion parlée. Celle-ci inciterait les répondants à construire une « histoire » à l’intention du chercheur. Selon Long et Bourg, cette limitation serait cependant compensée par la richesse des informations que fournit la réflexion parlée sur les processus cognitifs et par son potentiel à générer des hypothèses sur des processus cognitifs ou affectifs peu explorés. À l’instar de Whitney et Budd (1996), elles se prononcent pour l’utilisation combinée de la réflexion parlée avec d’autres méthodes. Signalons cependant qu’on peut se demander si le fait qu’une partie des verbalisations se réduise à une histoire que les répondants construisent à l’intention du chercheur est vraiment un artefact dû à la situation expérimentale. En effet, concernant l’ap-proche du traitement de l’information Weil-Barais (1999, p. 576) sou-ligne que si celle-ci a permis de faire progresser notre compréhension de la façon dont les individus résolvent des problèmes, elle est criti-quée pour ne pas tenir compte du fait que, dans la vie réelle, les indi-vidus sont rarement seuls pour résoudre des problèmes. Autrement dit, on aurait négligé le rôle exercé par les interactions sociales dans les processus de résolution de problèmes. La traduction est un exemple de processus complexe de résolution de problèmes. Et les traducteurs ne sont pas seuls dans ce processus. Ils disposent en général de personnes-ressources auxquelles ils font appel en cas de questions sur un aspect du texte de départ ou d’arrivée. Le fait que les répondants, en situation de réflexion parlée, construisent une histoire à l’intention de l’expérimentateur ou entrent dans un dialogue fictif avec celui-ci, reflète peut-être ce besoin naturel d’interaction.

Nous avons vu que les auteurs précités préconisent la triangulation des données. Ceci tranche quelque peu avec la position défendue par Pressley et Afflerbach (1995). Ces derniers ont entrepris la tâche de fournir un compte rendu de l’ensemble des études conduites sur les processus de lecture à l’aide de la réflexion parlée. D’après ces

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auteurs, la vaste quantité de données convergentes entre les résultats issus des protocoles de verbalisation et ceux qui sont issus de mesures chronométriques fait de la réflexion parlée une méthode valide pou-vant être utilisée seule. Selon Pressley et Afflerbach, la première tâche des chercheurs travaillant avec des protocoles de verbalisation serait de rendre leur démarche méthodologique plus transparente et non d’accumuler plus de données convergentes.

Il découle de ce qui vient d’être dit que la réflexion parlée a certes ses limites, mais aussi des avantages uniques pour l’étude d’un do-maine complexe, comme les processus de traduction, ou peu exploré, comme les principes de traduction. Il apparaît également que la ré-flexion parlée se prête particulièrement bien à des analyses quali-tatives, et ce, pour des raisons pratiques. Il faut un nombre de répon-dants considérable pour pouvoir segmenter un échantillon en sous-catégories et établir des corrélations statistiquement fiables (voir aussi Dancette et Ménard, 1996, p. 141). La triangulation, à savoir la récolte de preuves convergentes, s’offre alors comme un outil prometteur : non seulement elle permet l’élaboration d’un profil plus nuancé de chaque répondant, mais elle améliore aussi la qualité de l’interpréta-tion des données.

1.4 La traduction technique En 1985, Muller déclare que « les langues de spécialités et les

langues techniques constituent actuellement les réalisations les plus fréquentes et les plus intéressantes pour le linguiste .... Si l’ancien français fut l’époque des registres régionaux (dialectes), le moyen français la période où s’affirmèrent les différenciations sociales (sociolectes), le français moderne, plus précisément le français actuel, est caractérisé par l’imposant développement des langues de spécialités et des langues techniques (technolectes) » (p. 186). Cette affirmation est probablement encore plus vraie aujourd’hui, non seulement pour le français, mais aussi pour les autres langues étudiées dans le cadre de la présente thèse, à savoir l’allemand et le suédois. La recherche sur l’allemand en tant que langue de spécialité est féconde (pour ne citer que quelques ouvrages : Albrecht, 1992 ; Göpferich, 1995 ; Hoffmann, Kalverkämper et Wiegand, 1998-1999). Pour le

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suédois, citons Laurén (1993) et Nordman (1992). En ce qui concerne le français, en revanche, Gambier (1998) déplore la faible quantité de travaux, comparé à la situation pour d’autres langues largement diffu-sées comme l’anglais ou l’allemand (voir cependant Kocourek, 1991, pour le français technique et scientifique). Aussi regrette-il la quasi-absence de perspectives différentielles, c’est-à-dire de travaux portant sur au moins deux langues, dont le français. De tels travaux sont potentiellement intéressants pour le traducteur, en raison des connais-sances qu’ils lui fournissent sur les différences et ressemblances dans les conventions de genre entre différentes langues.

La traduction dite technique est un cas particulier de la traduction de textes de spécialités. Elle porte sur des textes qui traitent essentiel-lement de réalités technologiques. Selon un sondage effectué par Schmitt (1999a) auprès de traducteurs et d’interprètes établis en Alle-magne, 76 % d’entre eux travaillent surtout ou exclusivement sur des textes techniques. La traduction économique arrive en deuxième posi-tion avec 12 %, suivie de la traduction juridique (6 %). On peut penser que ces chiffres ne sont pas tout à fait les mêmes dans des pays ayant plusieurs langues officielles, comme la Suisse ou le Canada. La part de la traduction juridique, par exemple, y est probablement plus élevée en raison de la nécessité de traduire le droit dans différentes langues. Or, même dans ces pays, la traduction technique occupe sûrement une part très grande du travail quotidien du traducteur, surtout de celui qui travaille en indépendant. Relevons encore un autre aspect intéressant qui ressort du sondage mené par Schmitt (1999a) : si 76 % des traduc-teurs et interprètes travaillent sur des textes techniques, ils ne sont que 43 % à avoir choisi de se spécialiser dans la traduction technique lors de leur formation.

La traduction technique semble cependant gagner du terrain au sein des départements de traduction et d’interprétation, à côté des branches enseignées depuis plus longtemps, c’est-à-dire la traduction générale, économique et juridique. En témoigne la production, certes toujours faible, mais croissante, d’articles paraissant sur l’enseignement de la traduction technique (par exemple, Izarenko et Oleinik, 1996 ; Schmitt, 1997). Aussi existe-t-il un certain nombre de monographies traitant de la traduction technique, même s’il semble bien inférieur à

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celui des ouvrages consacrés à la traduction juridique, par exemple. Citons Bédard (1986), Durieux (1988) ou Maillot (1981) pour le français. En ce qui concerne l’allemand, nous pensons à Göpferich (1995), Schmitt (1999b) ou Stolze (1999). Pour le suédois, en re-vanche, nos recherches semblent indiquer qu’il n’existe pas d’ouvrage traitant de la traduction technique proprement dite. Les travaux de Mårdsjö (1992) et de Mårdsjö et Carlshamre (2000) contiennent ce-pendant des informations pouvant être mises à profit pour la traduc-tion d’un genre particulier de texte technique, à savoir les notices tech-niques, alors que Jämtelid (2002) a étudié des textes produits par l’entreprise Electrolux, notamment des brochures de vente pour des aspirateurs.

Les notices techniques occupent une place prépondérante dans l’en-semble des textes techniques traduits (Schmitt, 1999a). Bédard (1986, p. 228) signale, lui aussi, leur importance quantitative et conclut que c’est pour cette raison qu’on les assimile le plus souvent au domaine technique. Mais qu’est-ce qu’une notice technique ? Mårdsjö (1992, p. 41) la définit comme un texte donnant en premier lieu des instruc-tions pour l’acquisition de connaissances exploitables ou pour l’exécu-tion d’opérations concrètes, mais qui, en plus de cela, fournit des des-criptions sur les principes de fonctionnement de l’appareil et vise à inciter l’acheteur à en faire usage. Cette définition semble en premier lieu valable pour les notices grand public. Or, les notices peuvent aussi être destinées à des spécialistes, comme aux techniciens, chargés par exemple d’entreprendre des travaux de réparation. Dans ce cas, la troisième fonction identifiée par Mårdsjö – la fonction incitative – sera sûrement réduite à un minimum. En outre, les formes linguistiques varient selon le public visé. Ainsi, une notice technique adressée au grand public est idéalement plus concrète et explicite. Aussi éviterait-elle un style impersonnel en ayant recours, par exemple, à des impé-ratifs à la place du passif ou au déterminant possessif votre (votre code de sécurité et non pas le code de sécurité ; voir Bédard, p. 232-233).

Vu l’importance des textes techniques dans la pratique profession-nelle du traducteur, on s’attendrait à les voir figurer dans le matériau utilisé pour la recherche sur les processus de traduction. Or, force est de constater, à la lecture de l’aperçu proposé par Jääskeläinen (1999,

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p. 43), qu’ils semblent en être absents. En effet, ce sont des textes dits généraux, à savoir les articles de presse (éditoriaux ou actualités) qui se taillent la part du lion. Est-ce parce qu’on craint de surmener les répondants en leur demandant à la fois de penser à voix haute et de faire preuve de connaissances extralinguistiques ? Il est vrai que la traduction technique exige la maîtrise d’un univers conceptuel et ter-minologique spécifique. Or, tout comme pour la traduction générale, il s’agit essentiellement de communiquer un message (Bédard, 1986, p. 239 ; Durieux, 1988, p. 6). Qui plus est, si les textes techniques ont ceci de commun qu’ils traitent de réalités technologiques, ils appar-tiennent à des genres différents. Les notices techniques grand public exigent, nous l’avons dit, moins de connaissances extralinguistiques qu’un document de recherche destiné à des ingénieurs. Elles seraient donc particulièrement adaptées comme matériau à utiliser dans un projet de recherche.

1.5 Objectif et questions de départ À l’issue de ce tour d’horizon des études constituant le cadre con-

ceptuel de référence de notre recherche, il est temps de préciser à nouveau notre objectif. Celui-ci se dégage des conclusions que nous avons tirées de nos lectures. Nous tâcherons de répertorier les straté-gies et les principes de traduction apparaissant chez des étudiants en traduction et des traducteurs professionnels, lorsqu’ils sont appelés à traduire une notice technique du français en allemand et en suédois, respectivement. Plus précisément, nous nous proposons de répondre aux questions suivantes :

1. Y a-t-il des différences dans l’emploi de stratégies entre étudiantes en traduction et traducteurs professionnels dans la traduction d’un texte technique ?

2. Y a-t-il des différences entre étudiantes et traducteurs dans les principes sous-tendant l’emploi de ces stratégies ?

3. Y a-t-il des différences au niveau des stratégies et principes en fonction du couple de langues, soit dans la traduction français-allemand, soit dans la traduction français-suédois ?

32

Notre plan de recherche repose sur l’étude de deux variables dépen-dantes – les stratégies et les principes de traduction – en fonction de deux variables indépendantes pré-existantes : l’expérience de la tra-duction et la langue d’arrivée (plan de recherche ex post facto ; voir Coolican, 1994, p. 73). La décision de manipuler la variable expé-rience de la traduction a été prise suite au constat de l’absence de données concernant les principes de traduction chez des étudiants en traduction. On peut cependant penser que des différences entre étu-diants et traducteurs se dégagent également au niveau des stratégies. En effet, celles-ci constituant – du moins dans le cadre du présent travail – des formes de manipulation textuelle, on peut penser qu’elles interviennent d’une manière ou d’une autre jusque dans la compétence traductive. Le choix de varier le couple de langues en cause découle du fait que le rôle joué par les différences linguistiques et culturelles n’a pas encore fait l’objet d’investigations systématiques dans la recherche sur la traduction grâce à la réflexion parlée, ce que signale, d’ailleurs, Jääskeläinen (1999, p. 247) explicitement.

La description des stratégies employées par nos répondants sera effectuée sur un corpus de 20 traductions. Elle se fera au moyen de la taxinomie des stratégies, proposée par Chesterman (1997). Les prin-cipes de traduction seront extraits des verbalisations des répondants invités à penser à voix haute pendant l’accomplissement de la tâche de traduction. Pour ce faire, nous nous appuierons sur la taxinomie éla-borée par Jääskeläinen (1999). Elle inclut les verbalisations suivantes parmi les principes de traduction : (1) les commentaires procéduraux, (2) les déclarations révélant les stratégies de traduction globales, et (3) les commentaires reflétant l’identité professionnelle (voir section 1.2.2). Toujours dans le but d’appréhender les principes de traduction, nous analyserons accessoirement, et à chaque fois que cela nous semble nécessaire, les théories personnelles de la traduction, autre-ment dit les critères de qualité, auxquels adhèrent les répondants (voir Tirkkonen-Condit et Laukkanen, 1996).

Nos analyses porteront sur trois passages du texte de départ ainsi que sur les extraits des protocoles verbaux s’y rapportant. Les pas-sages ont été choisis en fonction de la quantité de verbalisations à la-quelle leur traitement a donné lieu. Ces verbalisations indiquent que

33

les répondants se voyaient obligés d’explorer différentes stratégies et différents principes. Par ailleurs, les passages choisis nous permettront de mettre en évidence les trois principales fonctions des notices tech-niques : décrire la technique, inciter l’acheteur à l’utiliser et lui donner des instructions. Comme nous l’avons dit dès le départ, elles ne nous serviront cependant que de tremplin pour l’exploration des stratégies et principes de traduction et, dans un deuxième temps, d’un ensemble de facteurs importants jouant un rôle dans l’activité traduisante.

Nous avons, en outre, demandé à deux réviseurs par couple de langues de réviser les traductions écrites, ceci dans le but d’examiner l’adéquation des stratégies et principes – tels qu’ils apparaissent chez nos répondants – avec la tâche de traduction concrète. Les révisions seront à leur tour analysées pour mettre en évidence les préférences et principes guidant le travail des réviseurs.

Nous sommes conscient des limites de notre recherche. Les va-riables en cause dans l’acte traduisant sont complexes : la manière de traduire est non seulement liée à l’expérience de la traduction ou au couple de langues, mais aussi au genre de texte, au degré de familia-rité avec le sujet ou aux préférences personnelles. Qui plus est, les protocoles de verbalisation, qui nous serviront à mettre en évidence les principes de traduction, sont des instruments imprécis. Aussi les analyses ne porteront-elles que sur une partie des stratégies et prin-cipes apparaissant dans nos données. Nous proposons une recherche qualitative, une étude de cas. C’est donc avec prudence que nous présenterons nos résultats.

Nous fournissons maintenant un survol des chapitres suivants. Dans le chapitre 2, nous exposerons la façon dont nous avons récolté et traité les données. Les chapitres 3 à 5 contiendront les résultats. Nous commencerons par présenter les stratégies et les principes apparaissant chez les répondants lors de la traduction d’un passage qui contient cer-taines descriptions du fonctionnement technique de l’appareil acheté (chap. 3). Le rôle qu’y joue le vocabulaire technique est central. Le chapitre 4 nous permettra de voir comment les répondants ont traité un passage intéressant du point de vue de la rhétorique des notices tech-niques. Nous nous attacherons à mettre en évidence la façon dont on incite l’acheteur, dans différentes langues et cultures, à lire la notice et

34

à faire usage du produit. Dans le chapitre 5, nous nous attarderons plus en détail sur un passage du texte de départ qui apparaît dans la partie instructionnelle de la notice technique. Il soulève la question du traite-ment de l’ambiguïté en traduction. Les trois chapitres consacrés aux résultats de notre recherche seront structurés de façon identique : nous présenterons d’abord les analyses pour le groupe germanophone, suivies de celles pour le groupe suédophone, avant de fournir une dis-cussion plus approfondie des résultats obtenus. Le chapitre 6, finale-ment, proposera une synthèse des résultats. Nous insérerons nos résultats dans le contexte de la recherche faite jusqu’ici, avant de donner un aperçu des implications de notre recherche et d’explorer des pistes de recherche pour l’avenir.

35

2 MÉTHODE

2.1 Les répondants Les répondants ont été répartis en fonction de deux variables indé-

pendantes : l’expérience de la traduction (étudiantes et traducteurs) et la langue d’arrivée (allemand et suédois). Nous disposons ainsi de quatre groupes expérimentaux.

Nous avons d’abord recruté 5 étudiantes germanophones de l’École d’interprètes de Zurich. Il s’agissait d’étudiantes en troisième se-mestre ; la durée des études en traduction est de huit semestres. Pour être admis, les candidats doivent réussir un concours. Après avoir reçu la permission de présenter notre projet à la fin d’un cours de tra-duction, nous avons sélectionné les cinq premières étudiantes à se porter volontaires. Les informations données étaient formulées de façon délibérément vague, afin de ne pas influencer les verbalisations des futurs répondants. Nous disions seulement que nous cherchions des participants à un projet de recherche visant à mettre en évidence quelques problèmes associés à la traduction de textes techniques et s’appuyant, entre autres, sur la réflexion parlée.

L’autre moitié du groupe germanophone est composé de 5 traduc-teurs professionnels. Ils avaient entre 5 et 15 ans d’expérience profes-sionnelle lors du déroulement des séances. Ils ont été recrutés par le biais d’un appel lancé aux membres d’une association de traducteurs et grâce à des contacts avec des collègues traducteurs. Deux répon-dants, à savoir Sonja (T-CH) et Laurent (T-CH ; voir tableau 2, tous les prénoms sont fictifs), possédaient déjà une expérience de la ré-flexion parlée (Künzli, 2001b).

Nous avons ensuite demandé à 10 suédophones de traduire le même texte en suédois. Pour ce faire, nous avons d’abord recruté 3 étudiantes de l’Université d’Örebro. Elles se trouvaient en deuxième et dernier semestre de leur formation en traduction français-suédois. Pour être admises à cette formation, elles ont dû, au préalable, suivre deux semestres de cours de français au niveau universitaire (40 points). Une quatrième étudiante, Ylva (É-SE ; voir tableau 3), a été recrutée à l’Université d’Uppsala où elle était en deuxième semestre

36

de ses études en traduction français-suédois ; la durée totale des études y est de quatre semestres. Pour être admis à la formation en traduction à Uppsala, les étudiants doivent d’abord suivre deux semestres de cours de français et de suédois au niveau universitaire (40 points dans les deux langues) et réussir un concours. Nous avions prévu d’avoir recours à cinq étudiants et cinq traducteurs suédophones. Or, la qua-trième étudiante, qui était en train de suivre la formation de traduction à l’Université d’Örebro, a décidé d’arrêter ses études ; ainsi, nous l’avons remplacée par un traducteur.

Le recrutement des traducteurs suédophones s’est fait par le biais d’un appel à participation lancé aux membres d’une association de tra-ducteurs. Ils possédaient entre 3 et 22 ans d’expérience de la traduc-tion au moment où les séances avaient lieu.

Les quatre tableaux suivants résument le profil des répondants :

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2.2 Le matériau Le texte de départ est donné dans l’appendice 1. Il présente les

caractéristiques suivantes : • Source : extrait d’une notice technique pour un téléphone-fax-

répondeur vendu par l’entreprise France Télécom en France et s’adressant au grand public ;

• Longueur : le texte compte 278 mots, ce qui est supérieur à la longueur des textes que nous avons utilisés précédemment et qui faisaient respectivement 143 et 169 mots (Künzli, 2001a, 2001b). Tous les répondants ont réalisé la tâche en trois heures maximum ;

• Sujet : l’entreprise décrit les caractéristiques de base de l’appa-reil, incite l’acheteur à lire la notice et à faire usage du produit, et lui donne les instructions nécessaires à l’installation ;

• Genre et fonctions du texte : le texte appartient au genre des notices techniques grand public. Il contient de nombreuses sé-quences ayant une fonction instructionnelle. En outre, nous trou-vons des séquences de type descriptif et incitatif (voir Mårdsjö, 1992, p. 41) ;

• Difficultés : vocabulaire technique, constructions syntaxiques sans équivalence directe en allemand ou en suédois, inexacti-tudes sémantiques, dialogue fictif entre émetteur (France Télécom) et receveur (l’usager).

Voici la traduction française du mandat fictif qu’ont reçu les répon-dants avec le texte de départ :

Vous avez reçu le mandat de traduire une notice technique pour un appareil téléphonique vendu par France Télécom du français en allemand/suédois. Votre client est un importateur et distributeur suisse/suédois d’appareils téléphoniques. Il a besoin de la traduction pour lancer l’appareil sur le marché suisse/suédois.

Il s’agit d’un mandat express. Le client vous a annoncé la veille qu’il vous enverrait le texte à traduire le lendemain, vous demandant de lui faire parvenir la traduction le même jour. Il vous a également informé que votre seule tâche était la traduction proprement dite et

42

que vous n’aviez pas à vous occuper de la mise en page. La notice intégrale étant volumineuse, il a de plus décidé de répartir la traduc-tion entre différents traducteurs. Vous avez reçu la première partie.

Nous avons mis à la disposition des répondants quelques textes parallèles, à savoir des notices techniques pour des produits sem-blables, rédigées ou traduites respectivement en allemand et en sué-dois. Voici la liste :

• les répondants germanophones ont reçu : o une notice technique pour le téléphone Tritel Luzern de

l’entreprise Ascom ; o une notice d’installation rapide pour le téléphone-fax-

répondeur Magic Vox de l’entreprise Philips. • les répondants suédophones ont reçu :

o un extrait de la notice technique pour le téléphone-fax-répondeur Telia Delphi 30 de l’entreprise Telia ;

o une notice technique pour le téléphone Prins de l’entre-prise Häger.

Tous les répondants ont également reçu un extrait supplémentaire de la notice technique à traduire, à savoir de l’original français, dans lequel figuraient divers schémas de l’appareil.

Voici, en dernier lieu, le tableau indiquant le volume des protocoles de verbalisation. Nous y fournissons le nombre de pages, de mots ainsi que de caractères.

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Tableau 5 : Volume des protocoles de verbalisation

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Deborah É-CH 10.5 8 226 47 811 Flavia É-CH 7.5 5 424 32 998 Heidi É-CH 4.5 3 787 21 385 Illana É-CH 4.5 3 634 20 929

Sophia É-CH 15.5 11 748 69 532 Adina T-CH 14.5 10 759 64 843 Fanny T-CH 18 13 565 80 902

Laurent T-CH 9.5 6 885 43 355 Sonja T-CH 8.5 6 305 38 153

Tamara T-CH 8.5 6 244 36 911 Agneta É-SE 12 10 100 56 516 Camilla É-SE 9.5 8 028 44 503 Sanna É-SE 7.5 6 036 35 068 Ylva É-SE 14.5 12 591 67 540 Elin T-SE 10.5 8 670 49 148

Joakim T-SE 11.5 9 547 52 430 Kristina T-SE 7 5 851 32 312

Lotta T-SE 7.5 6 065 36 062 Niklas T-SE 2.5 1 747 10 260 Pernilla T-SE 9 7 332 42 467

Total 193 152 544 883 125

Dans le cadre du présent travail, nous n’entrerons pas plus en détail sur l’intérêt de la quantité des verbalisations produites par chacun des répondants. Un bref commentaire s’impose cependant. Les chiffres donnés ci-dessus montrent, en définitive, que les traducteurs profes-sionnels sont capables de verbaliser leurs pensées tout en exécutant une tâche de traduction. C’est même le cas des répondants pour qui la tâche relevait de la routine (par exemple, Fanny [T-CH] ou Joakim [T-SE]). Nos données ne permettent donc pas de confirmer la conclusion tirée à partir des premières études conduites grâce à la ré-

44

flexion parlée, selon laquelle les traducteurs professionnels produisent peu ou pas de verbalisations du tout (voir, par exemple, Lörscher, 1991, p. 35).

2.3 Conditions d’expérimentation Les séances avec les étudiantes germanophones se sont déroulées

dans une salle de l’École d’interprètes, en janvier 2001. Elles avaient à leur disposition un ordinateur avec le traitement de texte WORD et les textes mentionnés. En plus, avant le début des séances, nous nous sommes rendu avec chaque étudiante dans la bibliothèque de l’École où nous lui avons demandé de se munir de tous les dictionnaires dont elle pensait avoir besoin pour traduire une notice technique.

Les séances avec les étudiantes de l’Université d’Örebro, à savoir Agneta (É-SE), Camilla (É-SE) et Sanna (É-SE), se sont déroulées entre avril et mai 2001, de la même façon qu’avec les étudiantes ger-manophones, à une exception près : nous leur avons demandé d’ap-porter leurs propres dictionnaires, tout en mettant à leur disposition ceux auxquels elles avaient souhaité avoir accès en plus. La séance avec l’étudiante de l’Université d’Uppsala, Ylva (É-SE), s’est dérou-lée chez elle. Contrairement aux autres étudiantes, elle a donc pu s’acquitter de la tâche à son poste de travail habituel, où elle disposait de ses aides coutumières à la traduction.

Les séances avec les traducteurs ont eu lieu chez eux, en janvier 2001 pour les traducteurs germanophones, et entre avril et juin 2001 pour les traducteurs suédophones. Ils avaient accès à toutes les sources d’information et autres aides à la traduction dont ils se servent habi-tuellement. Nous leur avons également remis les mêmes textes paral-lèles qu’aux étudiantes.

La décision de conduire les séances avec les étudiantes à l’uni-versité et celles avec les traducteurs professionnels à leur poste de travail habituel était motivée par les observations faites dans le cadre d’un précédent projet (Künzli, 2001b). Il en ressortait que les étudiants ne disposent généralement pas encore de poste de travail fixe pour ré-diger leurs devoirs de traduction. Ils s’en acquittent tantôt à la biblio-thèque, tantôt dans la salle d’ordinateurs de l’école, à la maison ou dans le train. Toutes les étudiantes ont ainsi été d’accord pour exécuter

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la tâche à l’université, sauf Ylva (É-SE), l’étudiante la plus âgée, qui possédait déjà toutes les aides nécessaires (ordinateur, dictionnaires) et a ainsi souhaité travailler chez elle. Dans tous les cas, nous étions présent dans le même bureau que les répondants, assis à quelques mètres derrière eux. Parmi les étudiantes qui ont réalisé la tâche à l’université, seules Sophia (É-CH) et Sanna (É-SE) ont travaillé sur ordinateur, les autres ayant préféré écrire à la main.

2.4 Procédure Les répondants ont d’abord été invités à signer un formulaire de

consentement. Il contenait les informations suivantes : • une description des objectifs généraux de la recherche ; • une présentation des tâches à accomplir ; • une garantie que la participation était volontaire et que le répon-

dant avait le droit d’arrêter l’expérience à tout moment ; • une garantie de l’anonymat du répondant et du traitement confi-

dentiel des données récoltées. Ils ont ensuite reçu une feuille contenant la consigne de réflexion

parlée. Elle était formulée respectivement en allemand et en suédois ; voici la traduction française :

Par réflexion parlée, nous entendons la verbalisation de toutes les pensées que vous avez en rapport avec le mandat de traduction, même si elles vous paraissent triviales. Ces pensées peuvent concer-ner des problèmes terminologiques, syntaxiques ou sémantiques que vous avez en cours de route ; vous pouvez aussi dire quels mots ou quelles constructions vous devez chercher dans un dictionnaire ; vous pouvez verbaliser vos commentaires sur des solutions de tra-duction provisoires et lire à voix haute les textes de départ et d’arrivée quand vous êtes en train de les parcourir.

Nous avons complété cette consigne en faisant écouter aux ré-pondants suédophones un enregistrement réalisé avec un chercheur habitué à la réflexion parlée, auquel nous avions demandé de traduire un texte en pensant à voix haute pendant quelques minutes. La déci-sion de fournir aux répondants suédophones un tel modèle a été prise au terme des séances conduites avec les répondants germanophones.

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Ces séances ont révélé que la consigne de réflexion parlée gagnerait à être rendue plus concrète. Puis, nous avons organisé une brève séance de préparation afin de familiariser davantage les répondants avec la consigne de réflexion parlée et de vérifier que l’enregistreur fonction-nait. Le texte de préparation était une histoire drôle publiée dans l’hebdomadaire romand L’Hebdo. C’est seulement après qu’ils ont re-çu le texte de départ, le mandat de traduction ainsi que les textes paral-lèles. Pendant que les répondants traduisaient en pensant à voix haute, nous avons consigné nos observations (exemple : les sources d’infor-mation consultées) sur un carnet. Lorsqu’un répondant est resté trop longtemps silencieux, nous l’avons encouragé à continuer de parler. Une fois la traduction terminée, nous avons arrêté l’enregistrement et sauvegardé la traduction sur disquette ou, le cas échéant, ramassé les feuilles sur lesquelles les répondants avaient écrit la traduction. En-suite, nous avons demandé aux répondants de remplir un question-naire, afin d’obtenir des informations supplémentaires sur leur forma-tion, leur expérience de la traduction ou leurs impressions concernant la réflexion parlée. À la fin de la séance, nous leur avons remis un compte rendu de l’expérience et de son suivi.

2.5 Conventions de transcription Les enregistrements ont été transcrits en protocoles de verbalisation

à l’aide du système de conventions de transcription suivant :

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Tableau 6 : Conventions de transcription

(.) pause de moins d’une seconde (5s) pause en nombre de secondes (()) verbalisation inaudible (fiche) transcription incertaine füh- führen troncation (elle soupire) réaction paralangagière (Norstedts F-S: fiche) consultation d’un outil de référence

(ici : dictionnaire français-suédois de Norstedts pour chercher le mot fiche)

äh ähm marqueur d’hésitation étant accent d’insistance ja: segment allongé åj! intonation exclamative kann man das vielleicht weglassen?

intonation interrogative

ein ehemaliger Kunde der bei [nom de l’entre-prise] arbeitet

suppression d’une verbalisation ris-quant de compromettre l’anonymat du répondant

... omission de verbalisations non per-tinentes pour l’analyse ; nous procéderons de la même manière lorsque nous donnerons des extraits de protocoles dans le corps du texte

2.6 Les réviseurs Les traductions écrites ont été soumises à un réviseur suisse et un

réviseur suédois. Le réviseur des traductions allemandes est traducteur et terminologue diplômé. Il a enseigné la traduction et a travaillé dans différentes grandes entreprises suisses en tant que terminologue, les dernières années en tant que chef terminologue. Le réviseur suédois est fil mag ‘licencié’ en langues modernes et diplômé de la Förenin-gen Teknisk Information ‘Association d’information technique’. Il est membre d’une association de traducteurs et travaille depuis de nom-

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breuses années en tant que rédacteur technique dans une grande entre-prise suédoise.

Les réviseurs n’étaient pas au courant de l’appartenance des répon-dants à l’un ou l’autre des groupes d’expérience de la traduction (étu-diantes ou traducteurs). Nous leur avons transmis les consignes sui-vantes avec les traductions à réviser :

• corriger toutes les fautes et marquer toutes les bonnes so-lutions sur les copies ;

• joindre pour chaque traduction une évaluation globale en mentionnant aussi ce qu’ils considéraient comme (particu-lièrement) réussi (dans le cadre du présent travail, nous ne tiendrons pas compte de ces évaluations globales de façon systématique) ;

• effectuer le travail de révision dans des conditions aussi similaires que possible à leurs conditions habituelles.

Nous avons recruté deux réviseurs supplémentaires pour la révision des traductions du segment qui fait l’objet du chapitre 3. Il s’agissait de deux doctorants à l’École polytechnique royale (KTH) de Stockholm, l’un de langue maternelle allemande, l’autre de langue maternelle suédoise. Le besoin d’obtenir une seconde opinion s’est fait ressentir en raison des connaissances extralinguistiques auxquelles fait appel le segment en question.

2.7 Les instruments Nous nous sommes servi de la taxinomie des stratégies, proposée

par Chesterman (1997), pour analyser les traductions écrites de nos répondants. Nous avons fait contrôler 15 % de nos décisions de catégorisation par un deuxième chercheur. Le taux d’accord interjuges s’élevait à 94 %. Les cas de désaccord étaient attribuables à deux facteurs : soit des négligences, soit des cas où une manipulation textuelle pouvait être catégorisée à différents niveaux, mais ne l’avait été qu’à un seul niveau par l’un des chercheurs. Exemple : le passage d’une construction passive de l’original français à une construction ac-tive en traduction suédoise peut être catégorisé non seulement comme une stratégie syntaxico-grammaticale, mais également comme une

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stratégie pragmatique, puisque le rapport interpersonnel entre émetteur et receveur s’en trouve changé.

Précisons, en plus, deux choses. Primo, nous avons classé toutes les manipulations textuelles parmi les stratégies, exception faite de quelques cas où le répondant n’avait pas le choix (voir Chesterman, 1997, p. 92). Exemple : la traduction du groupe prépositionnel à votre intention par för dig a été classée comme concentration en suédois, parce que le répondant a le choix entre för dig et för din skull. En allemand, en revanche, la traduction par für Sie n’a pas été considérée comme une concentration : c’est la traduction la plus naturelle ou idiomatique, celle qui s’impose, en quelque sorte. Secundo : on se souvient que Chesterman (p. 92) rattache la notion de stratégie à celle de problème. Dans l’idéal, on devrait donc écarter de l’inventaire des stratégies toutes les manipulations textuelles qui ne relèvent pas d’un problème pour le répondant, à en juger par son protocole de verba-lisation. Nous avons toutefois décidé de ne pas procéder de la sorte. Ainsi, à quelques exceptions près, nous avons restreint l’étude des stratégies à la comparaison entre texte de départ et texte d’arrivée, pré-férant réserver les protocoles de verbalisation à l’étude des principes de traduction ; d’autant plus que Chesterman illustre sa taxinomie des stratégies sous forme d’une seule comparaison entre un texte original et sa traduction.

Notre deuxième instrument principal, la taxinomie des principes de traduction sous forme de commentaires procéduraux, stratégies globa-les et identité professionnelle, a été emprunté à Jääskeläinen (1999). Voici des exemples des trois types de verbalisations censés révéler des principes de traduction :

• les commentaires procéduraux : ich würde schnell diesen Kollegen anrufen wenn er nicht im Büro wäre (.) würde ich (.) einen Kollegen von ihm fragen und das wär etwas das ich auch weil es so eilt weil es so dringend ist da würde ich dem Kunden schreiben ich hätte zu wenig Zeit gehabt um das fundiert abzuklären

[je passerais vite un coup de fil à ce collègue si lui n’était pas au bureau (.) je demanderais (.) à un de ses collègues et ça aussi ça serait quelque chose parce que ça urge parce que c’est tellement

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urgent j’écrirais au client pour lui dire que j’ai pas eu assez de temps pour clarifier ça de façon approfondie]

Dans l’extrait de protocole donné ci-dessus, Tamara (T-CH) décrit comment elle s’y prend de façon habituelle pour résoudre des pro-blèmes de terminologie, une fois que toutes ses sources d’information sont épuisées. Plus précisément, elle rend compte des maillons de la chaîne des personnes-ressources auxquelles elle ferait appel pour ob-tenir de l’aide dans la traduction de termes techniques.

• les déclarations révélant des stratégies globales : jetzt werd ich da vielleicht mal schnell in diesen Paralleltexten nachsehen (Ascom) (2s) ähm (5s) und zwar (2s) da sprechen sie die Leute jetzt nicht grad direkt an (1s) aber ähm (2s) ich glaube ich würde das machen weil das sind ganze Sätze (.) besonders am Anfang und ähm wir hatten das auch in der Schule dass das eigent-lich benutzerfreundlicher ist (3s) dann werd ich das (.) auch versu-chen das sicher im ersten Teil ja eigentlich immer zu machen

[je vais peut-être jeter un coup d’œil rapide sur ces textes parallèles (Ascom) (2s) ehm (5s) et bon (2s) là ils ne s’adressent pas vraiment aux gens de façon directe (1s) mais ehm (2s) je pense que je vais faire ça parce que ce sont des phrases entières (.) surtout au début et ehm nous en avons parlé aussi en cours que c’est plus convivial en fait (3s) alors je vais (.) sûrement aussi essayer de toujours faire ça en fait dans la première partie]

Il ressort de cet extrait du protocole de Deborah (É-CH) que l’étudiante est en train de réfléchir à la façon dont elle pourrait rendre le dialogue fictif entre l’entreprise et l’usager. Elle décide de suivre le conseil reçu en cours et de s’adresser toujours au receveur de façon directe (par opposition à la voix passive donc).

• les commentaires reflétant l’identité professionnelle : och sen så står det kolon efter det (()) jaså aha för att ansluta (()) för att ansluta jaha det ger en förklaring (2s) det är en förklaring för det står här att man ska öppna den främre och den bakre kåpan eller vad man ska kalla det för (2s) capot (4s) (()) franska lexikon (2s) om alla översättningarna vore så här krångliga så skulle dom ta längre tid det var ett litet koncentrat utav (.) utav (.) små problem som i och

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för sig en översättare kan råka förbise men eftersom jag är elektroingenjör så kanske jag lättare märker ähm

[et après il y a deux-points après ça (()) tiens ah bon pour brancher (()) pour brancher ah bon ça donne une explication (2s) c’est une explication car c’est marqué ici qu’il faut ouvrir ‘kåpan’ avant et arrière ou selon qu’on va appeler ce (2s) capot (4s) (()) dictionnaire français (2s) si toutes les traductions étaient aussi compliquées elles prendraient plus de temps c’était un petit concentré de (.) de (.) petits problèmes qui en fait peuvent échapper à un traducteur mais puisque moi je suis ingénieur en électronique je les repère peut-être plus facilement]

Dans l’extrait ci-dessus, Joakim (T-SE) traite un passage ambigu du texte de départ. Malgré le fait que la traduction lui pose problème, il est sûr de lui et avance avec confiance. Il mentionne explicitement qu’il est ingénieur en électronique et qu’il a dès lors plus de facilité à repérer certains pièges. Nous verrons dans quelle mesure de telles ver-balisations reflétant une identité professionnelle in statu nascendi apparaissent dans les protocoles des étudiantes.

Si la taxinomie de Jääskeläinen (1999) nous semble à la fois suffi-samment précise et flexible pour décrire les principes de traduction apparaissant chez nos répondants, nous avons jugé bon de la complé-ter par une analyse des marqueurs linguistiques de l’incertitude appa-raissant dans les protocoles de verbalisation. L’analyse de l’incertitude ressentie par nos répondants nous sert d’appoint pour mettre en évi-dence deux phénomènes qui, a priori, ne sont pas faciles à distinguer : d’un côté, la présence d’un principe de traduction en l’absence de ver-balisation, de l’autre l’absence de principe de traduction tout court. Pour ce faire, nous avons suivi la méthode d’analyse proposée par Tirkkonen-Condit (2000). Dans cet article, l’auteur étudie l’incertitude chez des traducteurs professionnels, mais sans aborder la question des principes de traduction. Rappelons, en même temps, qu’une des con-clusions du travail de Jääskeläinen (1999) est que certains principes de traduction peuvent révéler une incertitude (voir aussi Englund Dimitrova, 2003b). Voilà une deuxième raison pour laquelle nous avons jugé intéressant d’associer l’étude des principes de traduction à celle de l’incertitude. Nos données indiquent que les deux phéno-mènes évoqués – présence d’un principe de traduction mais absence

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de verbalisation, et absence de principe de traduction tout court – sont associés à différents marqueurs linguistiques d’incertitude. Pour ne prendre qu’un exemple : les atténuateurs semblent pointer vers l’ab-sence d’un principe de traduction tout court. Nous y reviendrons, plus en détail, dans les chapitres suivants. Voici des exemples des diffé-rents types de marqueurs linguistiques de l’incertitude :

• atténuateurs : irgendwie könnte man vielleicht auch ‘extra’ nehmen ‘quelque part on pourrait peut-être aussi prendre ‘extra’’ ; då får man nästan fråga en elektriker ‘on devrait pres-que demander à un électricien’ ; par ailleurs, l’adverbe peut-être pourrait être classé à la fois parmi les atténuateurs et les expres-sions de modalité épistémique ;

• déclarations hypothétiques : ich könnte natürlich auch alles einfach im Infinitiv machen ‘je pourrais bien sûr simplement tout mettre dans l’infinitif aussi’ ;

• expressions de modalité épistémique : ich glaub das stimmt schon ‘je pense que c’est quand même juste’ ;

• expressions de modalité déontique : kanske man borde uppre-pa det ‘peut-être qu’on devrait répéter ça’ ;

• aveux d’ignorance : där är jag lite osäker ‘là je suis un peu incertain’ ;

• questions : was ist überhaupt eine einphasige Standard-steckdose? hab ich das auch? ‘c’est quoi en fait une prise élec-trique standard monophasée ? est-ce que j’ai ça aussi ?’

Il nous faut encore préciser, en fin de compte, que nous avons décidé de ne pas fournir dans chaque chapitre des extraits de proto-coles des 20 répondants. Au lieu de cela, nous nous concentrerons sur certaines stratégies et analyserons les extraits des protocoles des ré-pondants ayant produit des verbalisations sur le passage en question et appliqué les stratégies en question.

Le présent chapitre nous a permis de décrire le profil de nos ré-pondants, notre matériau ainsi que nos principes de récolte et d’ana-lyse des données. Dans le chapitre suivant, nous passerons à la présen-tation de nos résultats en commençant par l’analyse des stratégies et

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des principes portant sur la traduction d’un extrait de notre texte de départ dont la fonction principale est de décrire les caractéristiques techniques de l’appareil.

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3 DÉCRIRE LA TECHNIQUE Si l’instruction est la fonction principale des notices techniques,

elle n’en est pas la seule. Il s’agit aussi, nous l’avons dit, de fournir des descriptions du fonctionnement de la technique. Autrement dit, de donner au receveur des connaissances sur l’objet qu’il vient d’acquérir et sur l’environnement dans lequel celui-ci s’insérera. Le vocabulaire technique joue un rôle central dans les séquences descriptives. Voilà pourquoi nous lui consacrerons le premier chapitre comportant les résultats de notre recherche.

3.1 ‘Oh là là ! J’aime pas les volts et compagnie !’ La traduction de textes techniques soulève d’emblée le problème

posé au traducteur par le vocabulaire technique ; l’extrait de protocole servant de titre à la présente section en témoigne. Cela est peut-être moins dû au poids réel qu’occupe ce vocabulaire – Schmitt (1999b, p. 57) mentionne que les textes techniques ne contiennent en moyenne que 20 % de terminologie technique à proprement parler – qu’à la profonde impression qu’il exerce sur le traducteur. En effet, les textes techniques font appel à des notions qui sont inconnues des non-initiés. Selon Bédard (1986, p. 9), cela suscite chez le traducteur non familier une sorte de « respect sacré » qui bloquerait souvent le raisonnement critique.

Sur la base de ces constats, il paraît judicieux de s’attarder un peu plus sur la façon dont les répondants participant à la présente re-cherche ont traité le vocabulaire technique. Voici le passage du texte de départ qui sera au centre de nos réflexions dans le présent chapitre :

La prise téléphonique doit se trouver à 1,50 m maximum, la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz à 2 m maxi-mum.

La fonction principale de l’extrait est de décrire la position de l’appareil par rapport aux prises auxquelles il doit être branché, ainsi que les propriétés techniques de celles-ci. Nous nous concentrerons sur le groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz. L’analyse des protocoles de verbalisation et des

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traductions écrites révèle qu’il soulève au moins trois problèmes potentiels :

1. différences structurales dans la formation du vocabulaire technique entre le français, langue romane, et l’allemand et le suédois, langues germaniques ;

2. différences au niveau des conventions pour l’emplacement de détails techniques dans les notices techniques ;

3. problèmes de compréhension en cas de lacunes sur le plan des connaissances extralinguistiques.

Commençons par les différences structurales. Le groupe nominal étendu est composé des éléments suivants :

• la prise : déterminant et nom (noyau)

• électrique : adjectif épithète

• standard : nom épithète

• monophasée : participe épithète

• 220-240 V : groupe nominal épithète

• 50-60 Hz : groupe nominal épithète

Pour la syntaxe interne de ce groupe, nous nous référons à Charaudeau (1992, p. 44) et Riegel, Pellat et Rioul (1999, p. 148-149 et 179-192). Ils font remarquer que dans les groupes nominaux éten-dus, c’est généralement l’élément le plus éloigné qui caractérise le groupe formé du nom et de l’adjectif le plus rapproché. Exemple : l’épithète monophasée caractérise les éléments la prise électrique standard, alors que standard caractérise la prise électrique, mais non pas monophasée.

Le groupe nominal étendu reflète divers aspects typiques de la langue technique, par exemple le style elliptique. En l’espèce, il y a accord entre le participe épithète monophasée et le nom prise. Il s’agit en fait d’un tour elliptique : monophasée se rapportant au courant, il aurait été plus correct, sémantiquement parlant, de mettre à courant monophasé. La complexité accrue serait cependant allée à l’encontre du principe de concision qui caractérise, lui aussi, la langue technique

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(Bédard, p. 160). Le style elliptique se manifeste, du reste, dans l’absence de prépositions devant les épithètes 220-240 V et 50-60 Hz.

Le groupe nominal étendu illustre également la façon privilégiée dont s’élabore la terminologie technique dans la langue française, à savoir par le biais de syntagmes nominaux de type nom + adjectif (Muller, 1985, p. 194-196). Cette association d’un nom et d’un adjec-tif est le type de composition syntagmatique le plus simple. Dans notre cas, nous avons la prise électrique comme syntagme nominal de base, auquel viennent s’ajouter d’autres éléments employés adjectivement (standard, monophasée, 220-240 V, 50-60 Hz).

Puisque nos répondants avaient pour tâche de traduire le groupe nominal étendu en allemand et en suédois, il est naturel que nous nous demandions comment s’élabore la terminologie technique dans les langues germaniques. Il apparaît que là où le français recourt au syn-tagme nominal nom + adjectif, au groupe prépositionnel complément du nom (épithète) ou à la construction directe à N2 épithète (efface-ment de la marque de relation ; exemple : bloc alimentation ; voir Noailly, 1990, p. 176-178), les langues germaniques, dans notre cas l’allemand et le suédois, préfèrent les mots composés sous forme de juxtapositions de noms ou d’adjectif + nom (voir Albrecht, 1992, p. 70 ; Kalverkämper, 1992, p. 47 ; et Muller, 1985, p. 195, pour le français et l’allemand, ainsi que Nordman, 1992, p. 54, pour le sué-dois). Forner (1992, p. 215) souligne également que le mécanisme de composition lexicale de la langue allemande – les mots composés donc – n’est pas très productif en français.

Cette différence entre les langues romanes et germaniques est traitée par Stolze (1999, p. 68-76) du point de vue de la traduction. Elle signale qu’indépendamment de la façon de construire la nomen-clature technique, il peut être utile de rappeler au traducteur que, dans les langues germaniques, l’élément déterminé est placé après l’élé-ment déterminant, alors que c’est très souvent l’inverse dans les langues romanes. Voici un exemple tiré de Stolze (p. 68) :

allemand 1-2-3-4 : Bremsstörungskontrolllampe

français 4-3-2-1 : témoin détecteur d’incident de frein

italien 4-3-2-1 : lampada pilota di disturbo del freno

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La version suédoise suivrait le modèle allemand et pourrait prendre la forme suivante :

suédois 1-2-3-4 : bromsstörningskontrollampa

L’équivalent standard à la composition syntagmatique des langues romanes est donc la composition lexicale dans les langues germa-niques. Lorsqu’on traduit des groupes nominaux étendus du français vers une langue germanique, il convient cependant d’être conscient du fait qu’on ne peut pas créer de mots composés à l’infini. D’après Schmitt (1999b, p. 305-306), la limite du supportable se situe pour l’allemand entre trois et quatre morphèmes basiques. De plus, il signale que les compositions à trois éléments sont fréquentes dans les langues de spécialité, alors que celles à quatre éléments ou plus sont considérées comme trop longues, même dans les langues de spécialité, et souvent abrégées. À la place de l’abrègement, on trouve, en alle-mand, l’utilisation du trait d’union (Maillot, 1981, p. 93 ; Schmitt, p. 281-301). Reichert (1993, p. 209) l’évoque comme un moyen en-courageant la facilité et la rapidité du traitement de mots longs. Préci-sons que, depuis la dernière réforme de l’orthographe allemande en 1996, le trait d’union n’est plus réservé aux mots composés à quatre éléments ou plus, mais peut s’utiliser également dans des composi-tions lexicales moins longues (Duden: Richtiges und gutes Deutsch, 1997). En plus, un trait d’union n’enlève pas à ces mots le statut de mot composé (voir aussi Noailly, 1990, p. 74-75).

Qu’en est-il du suédois ? Pour ce qui est de la longueur des mots composés, la situation semble similaire à celle de l’allemand. En effet, Nordman (1992, p. 54) signale que, dans son corpus de textes spéciali-sés, les mots composés à deux éléments sont les plus fréquents, excep-tion faite du domaine de l’informatique, où les mots composés à trois éléments l’emportent. La limite du supportable semble se situer, en suédois aussi, entre trois et quatre morphèmes basiques, puisque l’auteur ne recense que trois exemples de mots composés à quatre éléments. Pour l’anecdote, on peut toutefois faire remarquer que des compositions lexicales plus longues existent dans les deux langues dans le jargon technique militaire (exemples : Kraftwagenaufbewah-rungsstelle ‘endroit pour la garde de véhicules automobiles’ et radiopersonlastterrängbil ‘véhicule tout terrain affecté au transport de

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personnes et de choses avec équipement radioélectrique’ non moins de cinq morphèmes basiques chacun !). L’allemand et le suédois se distinguent cependant pour ce qui est de l’utilisation du trait d’union. En effet, en suédois, le recours au trait d’union au sein de mots com-posés est stigmatisé (Skrivregler för svenska och engelska från TNC, 2001, p. 34-37 ; Svenska skrivregler, 2000, p. 178). Il est réservé à certains cas spéciaux, tels que les mots composés d’un élément de ra-cine suédoise et d’un élément constituant un emprunt. Dès que les compositions lexicales de ce type sont considérées comme ancrées dans la langue suédoise, le trait d’union doit être supprimé. Exemple : online-tjänst ‘service informatique en ligne’ est peu à peu devenu onlinetjänst (Svenska Skrivregler, p. 99).

Nous avons mentionné l’abrègement comme un moyen permettant de faciliter le traitement de termes techniques. La différence entre ab-règement et omission est floue. Le traducteur a-t-il le droit de suppri-mer des détails techniques s’il estime qu’ils vont avant tout déconcer-ter l’usager ? Cette question soulève le problème de la responsabilité du fabricant (Stolze, 1999, p. 151). Par responsabilité, on entend l’obligation qu’a l’entreprise de dédommager l’usager pour des dom-mages corporels et matériels dus à des produits défectueux (Reichert, 1993, p. 188). Cet auteur se réfère aussi à la réglementation commu-nautaire pour les machines qui stipule que les notices techniques font partie intégrante des produits avec lesquels ils sont livrés. Qui plus est, elles doivent tenir compte du niveau de formation générale et de la perspicacité qu’on peut raisonnablement attendre des usagers non pro-fessionnels.1

Sur la base de ces constats, on peut se demander pourquoi le rédac-teur technique, auteur du texte de départ, a décidé de donner à son texte un degré de précision aussi élevé. Plusieurs hypothèses sont per-mises. La plupart des auteurs mentionnés sont unanimes pour dire que les rédacteurs techniques, souvent ingénieurs et donc experts en tech-nique, ont du mal à se mettre à la place du profane. Nos données montrent effectivement que la plupart de nos répondants se sont sentis

1 voir http://europa.eu.int/comm/enterprise/mechan_equipment/machinery/guide/guide_fr.pdf

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assez démunis face au groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz. Et si le traducteur peine à comprendre, on peut penser que le receveur de la traduction peinera aussi. Or, on peut également énoncer l’hypothèse que France Télécom souhaite se prémunir contre l’engagement de sa responsabilité au cas où l’usager brancherait l’appareil à une prise non conforme. Cette hypothèse se renforce à mesure qu’on lit la suite du texte. Au point 5, consacré aux différentes étapes d’installation (voir appendice 1), l’entreprise fait référence au même type de prise par le terme prise de courant, sans doute mieux connu du grand public que prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz.

Le désir de se prémunir contre d’éventuelles actions en dommages-intérêts, justifié par l’utilisation d’un terme plus technique, lorsque le concept est évoqué pour la première fois, va cependant à l’encontre de la recommandation selon laquelle un même concept doit toujours être rendu par le même terme, du moins dans les notices grand public (Stolze, 1999, p. 163). Il est vrai que la synonymie peut prêter à con-fusion : les différents équivalents donnés dans notre texte de départ pour un seul et même concept poussaient certains de nos répondants à croire qu’il s’agissait de concepts différents. Bédard (1986, p. 69) re-commande, de ce fait, au traducteur de notices techniques de n’utiliser qu’un seul terme pour chaque référent, ce qui n’empêcherait pas le re-cours aux variantes d’abrègement. Schmitt (1999b, p. 315-316) con-seille, lui aussi, le recours à l’abrègement. Reichert (1993, p. 91), dans la même lignée, préconise la flexibilité vis-à-vis des termes techniques lorsque le rédacteur ou le traducteur pense que le grand public ne les saisit pas aisément. Concrètement, il suggère l’omission des termes jugés superflus ou l’explication des termes techniques indispensables dans une note de bas de page ou dans une annexe. Ces suggestions consisteraient, dans notre cas, à ne donner dans le corps du texte que les éléments prise électrique (désignation abrégée) et à mentionner dans un descriptif technique annexe les spécificités, comme le fait qu’il doit s’agir d’une prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz (désignation explicite).

C’est effectivement ce que nous observons dans le matériau auquel avaient accès nos répondants. Ainsi, l’un des textes parallèles que

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nous avons mis à la disposition des répondants germanophones (celui de l’entreprise Philips pour le téléphone-fax-répondeur Magic Vox) contient une telle annexe, intitulée Technische Daten où l’entreprise précise, au sujet de l’alimentation électrique, qu’elle doit passer par une prise de courant 220-240 V/50 Hz. Dans le corps du texte, en re-vanche, il n’est fait mention que de Netzsteckdose. Nous avons ob-servé la même tendance dans les notices techniques que les répondants consultaient en plus de celles que nous avions mis à leur disposition. Ainsi, une traductrice germanophone s’est servie d’une notice pour le téléphone Samoa II de l’entreprise Ascom. Dans le corps du texte, on se réfère à la prise de courant par 230 V-Steckdose, des informations supplémentaires se trouvant dans une annexe intitulée Technische Daten.

Il en va de même pour le suédois. L’un des textes parallèles dis-tribués aux répondants suédophones (celui de l’entreprise Telia pour le téléphone-fax-répondeur Telia Delphi 30) contient une annexe, inti-tulée tekniska fakta ‘détails techniques’ où l’entreprise précise, au sujet de l’alimentation électrique, qu’elle doit passer par une prise de courant 220-240 V, 50 Hz, monophasée, mise à la terre au moyen d’un bloc d’alimentation :

Strömförsörjning: 220-240 V, 50 Hz, enfas jordat uttag via nätadap-ter

L’autre texte parallèle (la notice pour le téléphone Prins de l’entreprise Häger) concerne un appareil qui ne peut servir que de téléphone. Cet appareil doit uniquement être branché à une prise télé-phonique (tout comme l’appareil décrit dans le deuxième texte paral-lèle distribué aux répondants germanophones).

Les extraits des textes parallèles donnés témoignent aussi du fait que, dans les langues germaniques, l’élément déterminé est placé après l’élément déterminant, alors que c’est l’inverse dans les langues romanes (exemple : prise 220-240 V vs 230 V-Steckdose). Mais ils illustrent également l’émergence d’une convention, celle de ne donner dans le corps du texte que les informations techniques générales et de renvoyer le lecteur, pour plus de détails, à une annexe. Bien entendu, seules des études de corpus portant sur des notices techniques rédigées

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en français, en allemand et en suédois permettraient d’affirmer que les rédacteurs techniques français préfèrent généralement donner les dé-tails techniques dans le corps de texte, alors que, dans d’autres pays, ce sont d’autres conventions qui prévalent. Mais notre matériau per-met au moins d’avancer l’hypothèse que de telles différences dans les conventions de genre existent.

Des pages précédentes ressort un autre aspect que nous n’avons pas encore abordé directement : l’importance des connaissances extra-linguistiques et le problème qui peut émerger lorsque de telles connaissances font défaut. Rappelons que les groupes nominaux étendus sont fréquents dans les textes techniques, puisqu’ils per-mettent de décrire des objets et des réalités avec un degré élevé de précision et de concision linguistiques. Leur longueur dépend du degré de spécialisation. Plus le terme est long, plus le nombre de personnes qui le connaissent est restreint (Muller, 1985, p. 196-197). C’est pour-quoi il n’a pas été surprenant de constater que la plupart de nos répon-dants apparaissaient quelque peu déconcertés face aux extensions standard, monophasée, 220-240 V, 50-60 Hz. Dancette (1995, p. 188) a étudié expérimentalement l’influence des connaissances linguis-tiques et extralinguistiques sur la traduction et la compréhension. Parmi les résultats les plus importants de sa recherche, elle évoque la mise en évidence d’un effet de seuil : en dessous d’un niveau minimal de connaissances linguistiques et extralinguistiques, un texte traduit ne peut pas dépasser un certain seuil de qualité.

Le vocabulaire technique est prédestiné à révéler d’éventuelles lacunes dans les connaissances extralinguistiques du traducteur. Comment celui-ci peut-il se tirer d’affaire si de telles connaissances lui font défaut ? Bédard (1986, p. 92) mentionne différentes échappa-toires, dont la stratégie de traduction littérale. Il insiste cependant sur le fait que le traducteur doit s’assurer que cette stratégie est possible, sinon sur le plan de l’élégance stylistique, du moins en ce qui concerne le sens. Dancette (1995, p. 28) signale à ce titre que la tra-duction littérale et les pseudo-traductions vont de pair avec un manque de précision qui se manifeste, entre autres, sous forme d’absence de liens logiques entre les propositions du texte traduit. Une autre stratégie mentionnée par Bédard est l’omission calculée. Cette

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dernière est, selon cet auteur, souvent stigmatisée dans l’enseigne-ment, mais utile dans la pratique lorsque l’élément supprimé n’est pas essentiel au message. Dancette (p. 198) indique, elle aussi, que l’omis-sion peut être une bonne stratégie d’évitement, à condition qu’elle porte justement sur un élément du texte isolé et de détail. La prudence reste donc de mise, même si les stratégies pour se sortir de problèmes de compréhension ne manquent pas.

Quelles conclusions pour notre travail ces réflexions nous permettent-elles de tirer ? Notre texte de départ s’adresse au grand public. L’usager doit acquérir des connaissances exploitables et ap-prendre à exécuter des opérations concrètes. La facilité de lecture ap-paraît dès lors comme un critère important (Bédard, 1986, p. 217). Voilà pourquoi on pourrait s’attendre à ce que les répondants décident de supprimer certains détails techniques. Or, nous avons également vu qu’ils sont censés tenir compte de certains critères concernant la res-ponsabilité du fabricant. Nous verrons dans ce qui suit comment nos répondants ont opéré dans cette apparente zone de tension et, plus pré-cisément, quels choix ils ont opéré en termes de stratégies et quels principes de traduction sous-tendent ces choix.

3.2 Résultats Nous venons d’évoquer quelques problèmes liés à la traduction de

termes techniques. Dans les sections 3.2.1 et 3.2.2, nous étudierons quelles stratégies ont appliqué nos répondants pour traiter ces pro-blèmes et quels principes sous-tendent ces choix. Nous proposerons également un compte rendu de la réaction des réviseurs appelés à commenter les traductions écrites. Les éventuelles différences dans les comportements entre les deux groupes linguistiques seront abordées dans la section 3.3, où nous essayerons également d’expliquer plus en profondeur certaines observations.

3.2.1 Le groupe germanophone Les tableaux 7 – 9 figurant à la fin de la présente section donnent

une vue d’ensemble des stratégies employées par les répondants ger-manophones pour traduire le groupe nominal étendu la prise

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électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz. Ils révèlent que certaines stratégies sont plus fréquentes que d’autres.

On constate ainsi que les transpositions sont présentes chez tous les répondants sauf Flavia (É-CH), qui n’a pas traduit le passage en ques-tion. Les transpositions sont accompagnées de concentrations. Pour ne prendre qu’un exemple : la traduction du syntagme nominal la prise électrique par le mot composé Netzsteckdose (ou simplement par Steckdose) implique à la fois un changement au niveau de la catégorie de mot (un adjectif est transposé en nom) et une réduction du nombre des unités (les deux unités prise électrique sont réduites en une seule, à savoir Netzsteckdose). Il s’agit là d’un cas de concentration assez élémentaire ; et, comme nous le verrons, la situation sera pareille pour le suédois (concentration de prise électrique en eluttag). Les exemples donnés par Chesterman (1997) et Vinay et Darbelnet (1958/1977) re-posent sur des changements plus substantiels (exemples de concentra-tions en anglais : to charge ‘Ihre Rechnung begleichen’ ; as ‘au fur et à mesure que’). Nous avons pourtant décidé d’inclure nos exemples parmi les concentrations afin de pouvoir rendre compte de ce phéno-mène spécifique de la traduction d’une langue romane en une langue germanique. Cette réserve faite, nous constatons qu’il n’y a pas de différence, à ce titre, entre étudiantes et traducteurs. Autrement dit, tous les répondants germanophones ont recours à la composition lexi-cale pour former un terme technique en allemand, là où le français préfère la composition syntagmatique.

Un autre couple de stratégies utilisé assez fréquemment est celui des changements au niveau de l’hyponymie et de l’information. Exemple : l’omission de l’épithète monophasée entraîne le passage d’un terme spécifique à un terme générique (dans la relation entre prise électrique monophasée et prise électrique, prise électrique monophasée est hyponyme de prise électrique et prise électrique est hyperonyme de prise électrique monophasée). Ces stratégies sont plus fréquentes chez les traducteurs (3 répondants) que chez les étudiantes (1 répondante). Signalons, en outre, que les 2 traducteurs ayant rendu l’ensemble des épithètes contenues dans le texte de départ sont ceux qui semblent les plus familiers avec le genre des notices techniques.

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C’est ce qui ressort du tableau 2 ainsi que du questionnaire que nous leur avons administré.

Une troisième stratégie, fréquente dans les deux groupes, est celle du changement concernant l’insistance. Précisons d’emblée, par rap-port au tableau 9, que nous avons compté chaque mise en retrait d’une épithète comme un changement concernant l’insistance. Trois étu-diantes ainsi que 4 traducteurs y ont recours. Outre le fait qu’elle est en évidence chez une majorité des répondants, elle est intéressante à deux égards : (1) elle est inattendue, car les ouvrages passés en revue dans la section 3.1 n’en font pas mention, et (2) elle doit être le résul-tat d’un choix réfléchi, étant donné que rien dans la structure du texte ou de la langue de départ n’obligeait les répondants à l’employer. Nous allons donc nous concentrer sur cette stratégie dans ce qui suit.

Voyons d’abord comment Chesterman (1997, p. 104) définit le changement concernant l’insistance (emphasis change) :

This strategy adds to, reduces or alters the emphasis or thematic focus, for one reason or another.

Nous interprétons cette définition comme s’appliquant à tous les cas où un élément apparaissant dans le texte de départ figure dans le texte d’arrivée, mais a été mis en retrait au moyen de parenthèses. Voici les traductions dans lesquelles cette stratégie se manifeste :

Die Telefonanschlussdose darf höchstens 1,5 m und die Netzsteckdose mit Einphasenbrückenschaltung (220–240V, 50-60Hz) höchstens 2 m vom Gerät entfernt sein.

(Deborah, É-CH)

Das Telefonkabel sollte maximal 1.50 m lang sein, und beim Stromkabel sollte es sich um ein maximal 2 m langes einphasiges Standardkabel handeln (220-240 V, 50-60 Hz).

(Heidi, É-CH)

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Der Telefonanschluss darf nicht höher als 1,50 m liegen, die normale Steckdose (einphasig, 220-240 V, 50-60 Hz) nicht höher als 2 m.

(Illana, É-CH)

Die Telefonanschlussdose sollte maximal 1,50 m, die einphasige 220/240 V-Netzsteckdose (50-60 Hz) maximal 2 m entfernt sein.

(Adina, T-CH)

Die Telefonsteckdose darf nicht weiter als 1,5 m entfernt sein, die einphasige Standardsteckdose (220–240 V, 50–60 Hz) nicht weiter als 2 m.

(Fanny, T-CH)

Die Telefonsteckdose darf nicht weiter als 1,50 m, die Netzsteckdose (Standardeinphasensteckdose 220-240 V, 50-60 Hz) nicht weiter als 2 m entfernt sein.

(Laurent, T-CH)

Die Telefonsteckdose sollte maximal 1,5 m, die Netzsteckdose (Einphasenstrom 220 – 240 V, 50-60 Hz) maximal 2 m entfernt sein.

(Tamara, T-CH)

Chacune des épithètes du groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz a été mise entre paren-thèses au moins une fois. L’élément le plus souvent mis en retrait est l’épithète 50-60 Hz. Voyons maintenant quelle a été la réaction des ré-viseurs au choix de cette stratégie. Voici, en premier lieu, la traduction que propose le réviseur-technicien, parmi plusieurs variantes pos-sibles, bien entendu :

...die Netzsteckdose (einphasig, 220-240 V, 50-60 Hz)...

Cette traduction repose, elle aussi, sur une mise en retrait de cer-tains éléments : le participe épithète monophasée ainsi que les groupes

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nominaux épithètes 220-240 V, 50-60 Hz. Selon ce réviseur, les infor-mations sur le nombre de volts et de hertz ne sont pas primordiales ; il émet l’hypothèse qu’ils figurent dans le texte de départ pour des raisons juridiques. Toujours d’après ce réviseur, l’indication sur le nombre de hertz est d’importance secondaire, étant donné que la diffé-rence entre les États-Unis et l’Europe est négligeable sur ce plan (res-pectivement 50 et 60 Hz), alors que la différence concernant les volts est plus marquée (respectivement 110 et max. 240 V). Voilà pourquoi le réviseur indique une autre possibilité de traduction, celle d’anté-poser les indications sur le nombre de volts au nom Netzsteckdose pour en faire un mot composé (220-240-V-Netzsteckdose). Pour ce qui est de la mise entre parenthèses du participe épithète monophasée, il met en avant trois arguments : (1) le souci de ne pas trop déconcerter l’usager, (2) le fait que ce n’est pas la prise, mais le courant qui est monophasé, et (3) le fait que l’usager ne peut de toute façon que brancher la fiche à une prise à courant monophasé, les prises à courant triphasé se rencontrant dans l’industrie et ayant d’autres propriétés. Pour ce qui de l’omission de l’épithète standard, il souligne le fait que la prise standard en tant que telle n’existe pas : il y a différents stan-dards pour les prises électriques. D’après lui, la fonction de cette épi-thète dans le texte de départ est avant tout de rassurer l’usager, de contrebalancer l’effet de l’épithète monophasée.

Voici plus en détail les commentaires des deux réviseurs, le réviseur-technicien et le réviseur-traducteur, sur les différentes traduc-tions du groupe nominal étendu :

• ils se disent satisfaits du recours aux parenthèses dans la traduc-tion de Deborah (É-CH), mais pas du terme Einphasenbrücken-schaltung, utilisé à mauvais escient et relevant d’un registre trop technique (adapté aux experts du domaine, mais pas aux pro-fanes) ;

• la traduction de prise par Kabel dans la traduction de Heidi (É-CH) est erronée ; les indications sur les volts et les hertz pourraient faire penser qu’elles sont des attributs du câble, alors qu’elles réfèrent au courant qui sort de la prise ;

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• ils se disent satisfaits des parenthèses dans la traduction d’Illana (É-CH) ; le déterminant défini dans die normale Steckdose est cependant critiqué car il pourrait faire croire qu’il s’agit d’une expression toute faite ;

• les parenthèses et l’antéposition des informations concernant les volts sont jugées comme de bonnes solutions dans la traduction d’Adina (É-CH) ; ils auraient cependant également souhaité que l’adjectif épithète einphasig soit mis entre parenthèses ;

• les parenthèses dans la traduction de Fanny (T-CH) sont jugées comme une bonne solution ; le déterminant défini dans die Standardsteckdose est critiqué ;

• ils se disent satisfaits des parenthèses dans la traduction de Laurent (T-CH), mais critiquent la double utilisation du terme Steckdose ; aussi jugent-ils la composition lexicale Standardein-phasensteckdose trop longue, tout en approuvant le fait qu’elle figure, au moins, entre parenthèses ;

• la version de Tamara (T-CH) est considérée comme la meilleure par le réviseur-technicien, les raisons étant (1) l’omission de l’épithète standard, (2) l’explicitation (c’est le courant qui est monophasé et non pas la prise), et (3) la mise entre parenthèses de tous les éléments sauf prise électrique.

Ces commentaires appellent quelques précisions. Tout d’abord, ils font apparaître que si les réviseurs disent préférer la facilité de lecture à la fidélité stricte au texte de départ, il ne s’agit pas pour autant d’une carte blanche pour des changements radicaux. Tout donne à penser qu’ils souhaitent atteindre la facilité de lecture par des moyens syntaxico-grammaticaux ou sémantiques, autrement dit par le recours à des parenthèses pour séparer les informations de première et seconde importance ou à des traits d’union pour éviter des mots trops longs. Le réviseur-traducteur, quant à lui, met en avant un autre fait intéressant. Dans son commentaire global de la traduction de Deborah (É-CH), il dit que cette répondante aurait pu se permettre un peu plus de liberté dans la formulation, à la condition qu’elle ait compris le texte de départ. Cette précision n’est pas sans rappeler la remarque faite par Bédard (1986, p. 92) selon laquelle le traducteur doit s’assurer que la

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stratégie littérale est possible du point de vue du sens, mais tranche avec le fait que cette stratégie peut justement avoir la fonction d’échappatoire à un problème de compréhension. L’évaluation faite par le réviseur-traducteur révèle donc, à cet égard, un certain para-doxe.

Passons maintenant aux protocoles de verbalisation pour voir quels principes sous-tendent la décision des répondants d’opter pour la stratégie de changement concernant l’insistance. Sur les 7 répondants ayant eu recours à cette stratégie, 6 ont fourni des verbalisations au sujet de la traduction du groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz. Regardons plus en détail leurs verbalisations, en commençant par celles de Deborah (É-CH) :

[1] [Deborah] da steht wie viel Volt ähm (2s) die Steckdose haben muss und wie viel Hertz und so also ich schreib das in Klammern (1s) weil es sich dann etwas besser in den Satz integriert

Cette étudiante justifie la mise entre parenthèses des informations sur les volts et les hertz en avançant comme argument une meilleure intégration dans la syntaxe de la phrase. Or, il n’est pas sûr qu’une telle mise en retrait facilite le processus de lecture, car la parenthèse, placée au milieu d’une phrase, peut être considérée comme un élément interrompant la construction syntaxique. Elle facilite cependant l’acte traduisant, puisqu’elle permet à l’étudiante de contourner le problème posé par la construction elliptique de l’original français. Autrement dit, Deborah (É-CH) n’a pas à mettre des prépositions devant le nombre de volts et de hertz.

Relevons encore un aspect intéressant, portant non pas sur la mise entre parenthèses stricto sensu, mais sur la traduction du groupe nomi-nal étendu en général. Pendant la tâche de traduction, Deborah (É-CH) signale à plusieurs reprises que c’est important d’adapter le texte aux connaissances et besoins des receveurs (style personnel, cohérence dans le choix du vocabulaire technique). Voilà des exemples de stra-tégies globales qu’elle a été encouragée à suivre en cours. Or, son protocole révèle un conflit entre ce qu’elle déclare être important dans la traduction de notices techniques grand public, et ce qu’elle fait. Ainsi, elle avoue ne pas comprendre elle-même le terme Einphasen-

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brückenschaltung (da ist mir auch nicht ganz klar was das ist), équi-valent qu’elle a trouvé dans le dictionnaire, tout en l’intégrant dans sa traduction. Ce terme risque, cependant, de donner un résultat assez indigeste pour le receveur. Aux dires du réviseur-technicien, il est à la fois trop technique et trop long. Il y a donc incompatibilité entre stra-tégie globale verbalisée et stratégie de traduction locale, conflit entre ce que l’étudiante déclare faire et ce qu’elle fait effectivement.

Voici les verbalisations d’une deuxième étudiante, Illana (É-CH) : [2] [Illana] monophasée (42s) (Ernst F-D: monophasée) also da

steht jetzt einphasig ich weiss zwar nicht was das bedeuten soll wenn ich jetzt nachgucken könnte würde ich irgendwo abklären was genau das im Deutschen bedeutet weil ich da nicht kapiere aber ich nehm jetzt einfach mal einphasig

[3] [Illana] ich glaub die Angaben mit Volt und Hertz und so die setz ich einfach (2s) in Klammern (3s) damit es fast so wie eine Ergänzung ist (2s) und dann (39s) ich glaub ich schreib diesen Satz nochmals (.) also (110s) also wenn ich jetzt etwas mehr Zeit hätte und (.) Mittel zum Nachforschen würde ich das mit dem (1s) monophasée und Volt und Hertz noch (.) noch genauer abklären wie das gemeint ist

L’extrait [2] révèle que cette étudiante opte pour la traduction de monophasée par einphasig parce que c’est l’équivalent qu’elle trouve dans un dictionnaire bilingue spécialisé. Elle avoue cependant ne pas comprendre cette notion. Nous avons observé un comportement simi-laire chez Deborah (É-CH). L’incertitude quant à la traduction du groupe nominal étendu ressort également de l’extrait [3] où l’étudiante traite les informations concernant les volts et les hertz. Il y a au moins deux interprétations possibles à la verbalisation ich glaub die Angaben mit Volt und Hertz und so die setz ich einfach in Klammern et au fait qu’elle met ces épithètes ainsi que l’élément monophasée entre paren-thèses. La première, c’est que l’étudiante a des lacunes sur le plan des connaissances extralinguistiques et cherche dès lors à reléguer à l’arrière-plan des éléments lui posant un problème de compréhension (monophasée, 220-240 V, 50-60 Hz). La deuxième interprétation pos-sible concerne le problème posé par la traduction du groupe nominal étendu en raison des différences structurales entre le français et l’allemand (voir section 3.1). Concrètement, l’étudiante est incertaine

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quant à l’ordre dans lequel elle doit placer les épithètes en allemand. Le changement concernant l’insistance pourrait ainsi bel et bien avoir la fonction d’une échappatoire, similaire à celle de la traduction littérale. Nous constatons en effet que la manière dont Illana (É-CH) agence les épithètes entre parenthèses correspond à celle de l’original français. Mise en retrait et traduction littérale peuvent donc toutes les deux constituer un moyen pour contourner des problèmes syntaxiques.

L’incertitude se manifeste dans le protocole sous forme d’atténuateurs (irgendwo abklären; ich nehm jetzt einfach mal; Volt und Hertz und so; fast so wie eine Ergänzung) ou d’expressions de modalité épistémique (ich glaub die Angaben mit Volt und Hertz und so die setz ich einfach in Klammern). Elle semble associée à une absence de principes de traduction. Nous apprenons ainsi dans l’extrait [2] qu’Illana (É-CH) vérifierait ‘quelque part’ la signification de einphasig, notion qu’elle avoue ouvertement ne pas comprendre. Dans l’extrait [3], elle dit encore une fois qu’elle vérifierait la signifi-cation de ce terme à la condition qu’elle ait plus de temps et d’aides à sa disposition. Nous n’incluons pas cette verbalisation parmi les com-mentaires procéduraux. Elle nous semble trop vague. Relevons, d’ail-leurs, une différence notable entre Illana (É-CH) et Tamara (T-CH). Les deux répondantes utilisent le même dictionnaire bilingue spécia-lisé pour trouver un équivalent allemand à l’épithète monophasée. Elles ont toutes les deux accès à des dictionnaires unilingues généraux pour y vérifier la signification de einphasig, mais il n’y a que Tamara (T-CH) qui en consulte un.

Il se dégage ainsi du protocole d’Illana (É-CH) non seulement une impression de vague, mais, en plus, une certaine incohérence. Elle a des sources d’information à sa disposition pour vérifier une notion in-comprise, mais n’y a pas recours. Il n’empêche que cette étudiante cherche à donner d’elle l’image d’une future traductrice à la fois cons-ciencieuse et consciente de ses devoirs. Et rien ne nous permet de douter qu’il n’en soit pas ainsi dans d’autres situations.

Passons aux verbalisations des traducteurs. Voici d’abord celles d’Adina (T–CH) :

[4] [Adina] die (2s) prise électrique standard monophasée zwei-hundertzwanzig bis zweihundertvierzig Volt ... la prise élec-

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trique standard monophasée (.) die Netzsteckdose (4s) (Ascom Samoa II: monophasée) oder da steht in eine stecken Sie in eine zweihundertzwanzig zweihundertdreissig Volt-Steckdose (.) kann ich zwar auch (.) die nehmen wir das nach vorne die zweihundertzwanzig (.) bis zweivierzig (2s) wie haben sie das geschrieben? mit Bindestrich? (3s) Volt (3s) die zweihundertzwanzig bis zweihundertvierzig Volt-Steckdose (2s) da haben wir machen wir einen Slash ähm (1s) aber das (3s) mit diesen Hertz warum steht denn das da nirgends? (2s) auch in meinen Dokumenten nicht (4s) Steckdose grad noch-mals gucken da steht da hats ja (.) ah nein (4s) setz ich mal in Klammern

L’extrait [4] fait apparaître qu’Adina (T–CH) consulte, en plus des textes parallèles mis à sa disposition, ses propres notices techniques. Elle y trouve l’expression 230 V-Netzsteckdose, mais aucune indica-tion sur le nombre de hertz ; cela illustre bel et bien le fait que ce soit l’indication sur les volts qui est centrale, tout comme l’avait signalé le réviseur-technicien. Adina (T–CH) décide de suivre le modèle du texte parallèle en antéposant le nombre de volts au mot composé Netzsteckdose, et de postposer les indications sur les hertz en les mettant entre parenthèses. Le motif paraît double : la consultation du texte parallèle lui suggère que le nombre de hertz est d’une impor-tance secondaire par rapport aux informations sur les volts. Mais le protocole révèle également une certaine incertitude quant à la com-préhension de ces notions techniques. La décision de mettre les hertz entre parenthèses pourrait donc, au moins en partie, relever d’une ten-tative de mettre à l’arrière-plan des éléments posant problème.

La lecture globale du protocole d’Adina (T-CH) montre que chez cette traductrice, la consultation des textes parallèles pour trouver des solutions de traduction lui permettant de satisfaire les exigences du mandat constitue bel et bien une stratégie globale. D’ailleurs, il se peut que ce soit la répondante qui s’en serve le plus massivement. Elle y a recours pendant toutes les phases du processus de traduction : avant la traduction proprement dite pour se faire une idée de l’aide qu’elle pourra trouver dans les textes parallèles ; pendant la phase de traduction pour résoudre des problèmes de traduction concrets ; après la traduction proprement dite, lors de la révision, pour valider des

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solutions de traduction. Les verbalisations mises en évidence dans l’extrait [4] reflètent donc une tendance plus générale.

Mais il ressort encore un autre aspect intéressant du protocole d’Adina (T-CH). Au moment du déroulement de l’expérience, elle n’avait plus travaillé comme traductrice depuis une année. L’interrup-tion de son activité professionnelle semble associée à la perte de certaines routines ; autrement dit, elle s’exprime sur le plan de la com-pétence stratégique (nous y reviendrons plus en détail dans la section 4.2.2 où nous parlerons d’Agneta [É-SE]). Le protocole contient des verbalisations révélant une incertitude de la traductrice quant à la meilleure façon de planifier et d’exécuter la tâche. En voici quelques exemples : jetzt eine neue Seite (3s) ähm jetzt weiss ich gar nicht mehr wie man das macht da break page break; ich hätte gescheiter erst mal das Ganze durchgelesen; dann sollte ich mit dem (2s) Rechtschreibe-programm drüber hab ich wahrscheinlich gar nicht auf Deutsch. Aussi semble-t-elle comparer la vitesse à laquelle elle avance avec une vitesse idéale, celle à laquelle elle avait l’habitude de s’acquitter d’une tâche de traduction : ich muss da etwas schneller machen; ich hätte wirklich die Zeit aufschreiben sollen die ich da brauche. Adina (T-CH) n’est d’ailleurs pas la seule à signaler que les textes parallèles, certes, aident le traducteur, mais risquent également de lui faire perdre du temps : à force de consulter ces aides, il risque de ne pas activer des connaissances linguistiques ou extralinguistiques qu’il possède au départ. Il se peut donc que la stratégie globale mise en évidence chez Adina (T-CH) lui serve à compenser une perte de confiance en ses propres connaissances qui n’attendraient qu’à être activées. Quoi qu’il en soit, à en juger de l’évaluation globale de sa traduction par le réviseur-traducteur, la stratégie globale employée paie.

Voici les verbalisations de Fanny (T-CH) : [5] [Fanny] la prise électrique ach du lieber Schreck! la prise

électrique standard monophasée ... also wie reihen wir jetzt die Wörter aneinander? die einphasige Standard (1s) électrise électrique (elle rit) warte mal jetzt muss ich die Wörter zusammensetzen (.) wir haben einphasig (1s) das ist nämlich immer im Französischen so gemein die hängen dann vier oder fünf Adjektive aneinander und man muss dann sehen wie man das in eine (.) intelligente Reihenfolge bringt ... und da profi-

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tieren wir wieder von der Eigenschaft des Deutschen dass man einfach lauter Substantive aneinanderhängt (2s) also ich schlag jetzt vor la prise électrique standard monophasée das ist die einphasige Standardsteckdose (2s) mit zweihundertzwan-zig zweihundertvierzig Volt fünfzig sechzig Hertz (1s) und dieser ja gut haben wir (2s) ach herrje! und jetzt soll man das begreifen

[6] [Fanny] ach und das war ja (elle rit) meine komplizierte Kombination mit den ganzen Adjektiven (2s) die einphasige Standardsteckdose (3s) ach und da tu ich das einfach in Klam-mern die technische Beschreibung denn sonst sind einfach zu viele Zahlen in diesem kleinen Satz (1s) das heisst mein Gott (2s) kann ja auch ich sein die so ein Telefon kauft und in-stalliert das macht mir ja nur Angst dieser ganze diese ganze Beschreibung (2s) wir sind ja nicht alles Superfachleute

Fanny (T-CH) verbalise dans l’extrait [5] son incertitude quant à l’ordre dans lequel elle va mettre les épithètes en traduction alle-mande. Rappelons qu’il y a un ordre standard que le traducteur peut suivre : en français, l’élément déterminé est placé avant l’élément déterminant, alors que c’est l’inverse en allemand. Fanny (T-CH) respecte d’ailleurs cet ordre, la prise électrique standard monophasée étant rendu par einphasige Standardsteckdose. Dans l’extrait [6], elle donne un commentaire évaluatif négatif d’une solution de traduction provisoire, einphasige Standardsteckdose mit 220-240 V, 50-60 Hz. Elle qualifie cette construction de ‘combinaison compliquée’ et tente de l’alléger en mettant les chiffres entre parenthèses. Contrairement à ce que nous avons pu observer chez les étudiantes, le protocole de Fanny (T-CH) contient une verbalisation qui montre que cette traduc-trice a trouvé une solution provisoire pour rendre la construction ellip-tique de l’original français ; en l’occurrence, elle a recours à un changement d’unité à l’aide de la préposition mit (‘mit 220-240 Volt’). On peut donc penser que la stratégie de changement con-cernant l’insistance repose, au moins en partie, sur d’autres motifs que ceux qui sont identifiés dans le protocole de Deborah (É-CH), par exemple.

Un autre point à signaler : Fanny (T-CH) commente dans l’extrait [6] le groupe nominal étendu en disant que cette description lui fait

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peur, car pas tout le monde n’est un expert en technique. Autrement dit, elle invoque l’éventuel manque de connaissances extralinguis-tiques chez le receveur de la traduction. Est-ce pour cette raison qu’elle opte pour le changement concernant l’insistance, c’est-à-dire pour une relégation à l’arrière-plan des informations qu’elle considère avant tout comme déconcertantes pour les receveurs ? Rappelons qu’il s’agit là d’un argument avancé aussi par les réviseurs pour motiver une mise entre parenthèses. Dans ce cas de figure, on peut toutefois se demander pourquoi Fanny (T-CH) ne met pas non plus l’épithète einphasige entre parenthèses, car cette dernière doit sûrement aussi faire peur à l’usager. En tout état de cause, chez cette traductrice, la stratégie de changement concernant l’insistance paraît partiellement reposer sur la réflexion que si elle peine à comprendre la signification du groupe nominal étendu de l’original français, les receveurs pré-sumés de sa traduction peineront aussi. D’autres prises de décision concernant la recherche d’équivalents en langue d’arrivée, mises en évidence chez cette traductrice, indiquent d’ailleurs que l’invocation des attentes et des besoins des receveurs relève bel et bien d’une stratégie globale, donc d’un principe de traduction. En plus, il y a, dans l’ensemble, compatibilité entre stratégie globale et décisions prises au niveau local.

Le troisième traducteur ayant opté pour un changement concernant l’insistance tout en commentant son choix est Laurent (T-CH) :

[7] [Laurent] und jetzt (.) die Stromsteckdose la prise électrique standard monophasée mein Gott sind die genau (.) das muss ich nachher irgendwo nachschauen monophasée (.) Einphasen- (3s) gut das ist das ist aha logisch eine normale Steckdose hat ja nur eine Phase (1s) aber muss man das unbedingt sagen? du meine Güte (2s) was schreiben denn die? (3s) (Philips: monophasée) der richtigen Telefonanschlussdose Netzsteck-dose genau so heisst das Ding Netzsteckdose ... und jetzt setzen wir die technischen Sachen da in Klammern (1s) also (1s) hm schreiben wir im Moment mal Einphasen- (5s) Steckdose zweihundertzwanzig bis zweihundertvierzig Volt (1s) fünfzig bis sechzig Hertz (5s) Standard(.)einphasen-steckdose das streich ich grad mal an (2s) das guck ich nach-her (.) im Eurodicautom nach

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[8] [Laurent] das hab ich noch nie gesehen in einer Bedienungs-anleitung dass noch beschrieben wurde (2s) ausser der Span-nung von der von der Netzsteckdose dass auch noch gesagt wurde es müsse eine Einphasensteckdose sein also das ist ja total übertrieben

Laurent (T–CH) a l’habitude de lire des notices techniques, il nous le dit dans l’entretien. C’est ce qui ressort également de ses verbalisa-tions. S’il est vrai qu’il ressent de l’incertitude quant à la meilleure façon de traduire le terme monophasée (voir extrait [7]), ce n’est pas la notion en tant que telle qui pose problème. En effet, il dit que généralement, une prise ne dispose que d’une seule phase. Voilà pourquoi il se demande s’il est nécessaire de traduire le participe épithète. Cette interrogation paraît légitime à la lumière des constats faits par le réviseur-technicien. Il est peu surprenant, dès lors, que Laurent (T–CH) dise, en se fondant sur ses connaissances du genre des notices techniques, qu’il n’a jamais lu dans ce genre de texte d’autres informations que celles concernant les volts (voir extrait [8]). Sa décision de traduire prise électrique standard monophasée par Standardeinphasensteckdose ne le satisfait donc pas. Le mécontente-ment pourrait cependant également être motivé par la longueur de cette composition lexicale et exprimer ce malaise devant les composi-tions lexicales à cinq éléments, jugées au-delà de la limite du supportable en allemand, comme nous l’avons montré dans la section 3.1.

Les extraits [7] et [8] ne contiennent pas de verbalisations pouvant être interprétées comme révélant un principe de traduction. On pour-rait même avancer que Laurent (T-CH), en traduisant le passage en question, ne se fie pas à son intuition (voir également section 4.2.2 où nous parlerons de Camilla [É-SE]). Trois commentaires venant relati-viser cette hypothèse s’imposent cependant. Tout d’abord, l’incerti-tude ne porte pas sur l’exécution de la tâche proprement dite : Laurent (T-CH) a une idée claire de comment procéder (exemple : planifica-tion des différentes étapes de consultation des sources d’information). Ensuite, il avoue ouvertement son incertitude quant à savoir s’il doit rendre le groupe nominal étendu dans son intégralité (voir les ques-tions dans l’extrait [7]). Il ne la cache donc pas. Ce qui donne à penser

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qu’il saura présenter des arguments pour et contre sa décision vis-à-vis du donneur d’ouvrage. Et finalement, la mise en retrait des éléments épithètes ne relève pas, chez ce traducteur, d’une solution bon marché. Il antépose seulement les éléments jugés absolument nécessaires pour la compréhension, à savoir Netzsteckdose, tout en transférant à l’arrière-plan les détails techniques qui ne figurent pas d’habitude, d’après lui, dans une notice technique rédigée en allemand. La ten-tative d’atteindre un compromis entre les choix faits par le donneur d’ouvrage et les besoins présumés des receveurs de la traduction pour-rait d’ailleurs être représentative du travail de ce traducteur, à en juger par l’intégralité de son protocole.

Voici, en dernier lieu, les verbalisations de Tamara (T-CH). Rappe-lons que c’est sa traduction que préfère le réviseur-technicien. Trois facteurs au moins semblent jouer un rôle dans la décision de cette traductrice de mettre les épithètes monophasée, 220-240 V et 50-60 Hz entre parenthèses : (1) l’incertitude quant à la signification exacte de ces notions techniques, (2) l’incertitude quant à leur pertinence pour le marché suisse, et (3) l’impossibilité de consulter des personnes-ressources. Voici deux extraits de son protocole :

[9] [Tamara] die Person die das lektoriert innerhalb des Betriebs die wird das auch die technischen Begebenheiten also die landesspezifischen (.) und die gerätespezifischen anpassen es könnte ja sein dass das Gerät für die Schweiz adaptiert wurde (2s) das heisst dass andere Konfigurationen nötig sind (.) und die Person die das lektoriert die wird technisch so versiert sein dass die das (()) weiss also drum könnt ich das schreiben aber ich würd vielleicht noch eine Begleitnotiz machen für den Kunden (5s) (elle se racle la gorge) (14s) jetzt also mach ich das den Netzanschluss also die Telefonanschlussdose (2s) oder der Tel- sollte maximal eins Komma fünf Meter entfernt sein die Netzanschluss- müsste ich jetzt richtig sagen die Netzanschlussdose (2s) wegen der Parallelität (.) und dann schreib ich (.) ein schreib ich in Klammern Einphasen(.)strom zweihundertzwanzig bis zweihuntervierzig Volt (2s) und was die dann mit diesen technischen Daten machen das überlass ich denen wenn sies lektorieren

[10] [Tamara] was ich natürlich jetzt machen würde ich hab einen sehr guten Kollegen das ist ein ehemaliger Kunde der bei

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[nom de l’entreprise] arbeitet (elle se racle la gorge) und der ist Elektroingenieur und den würd ich jetzt anrufen (.) und würd ihm sagen dass ich das recherchiert habe und dass ich das einfach noch kurz mit ihm abklären würde also ich würd zuerst mal persönliche Ressourcen nutzen bevor ich den Kunden fragen würde ... und eigentlich wär jetzt wirklich der Zeitpunkt ich habe keine eindeutigen Information ich würde schnell diesen Kollegen anrufen wenn er nicht im Büro wäre (.) dann würde ich (.) einen Kollegen von ihm fragen und das wär etwas das ich auch weil es so eilt weil es so dringend ist da würde ich dem Kunden schreiben ich hätte zu wenig Zeit gehabt um das fundiert abzuklären aber äh ich würde den Zusatz ich habe das jetzt ja nur in Klammern Einphasenstrom und dann habe ich angegeben welche Spannung (.) habe ich also äh das könnte das würde ich ihm dann schreiben dass er das rausnehmen soll ... also die technischen Unsicherheiten bestehen nach wie vor ich weiss ich bin mir gar nicht bewusst was für eine Spannung wir haben also vor allem im Moment nicht in dieser Situation nicht in einem ruhigeren Moment vielleicht schon das wäre bei einem Expressauftrag auch so da würde ich jetzt wahrscheinlich äh noch schnell andere Leute anrufen um das abzuklären oder eben (.) weil ich unsicher bin meine Kundin

L’extrait [9] révèle que Tamara (T-CH) considère sa traduction comme un produit qui devra encore être validé par le donneur d’ouv-rage ou le correcteur représentant celui-ci (voir Horguelin et Brunette, 1998, p. 4, pour la notion de validation). Tamara (T-CH) a une idée claire de la fonction de ce correcteur : il doit évaluer la pertinence des détails techniques qu’elle a mis entre parenthèses (Einphasenstrom, 220-240 V, 50-60 Hz) pour les receveurs de la traduction qui vivent dans un pays différent (die Person die das lektoriert innerhalb des Betriebs die wird das auch die technischen Begebenheiten also die landesspezifischen (.) und die gerätespezifischen anpassen). Ce com-mentaire procédural est un indice de son expérience de la traduction de la vie réelle. Nous ne disposons pas de chiffres pour la Suisse, mais du moins selon une enquête menée en Belgique, 66 % des traductions sont effectivement relues par un tiers (Horguelin et Brunette, p. 10). Tamara (T-CH) rend également compte de la façon dont elle a l’habi-tude de signaler des problèmes de traduction au donneur d’ouvrage,

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c’est-à-dire sous forme d’une note jointe à la traduction (ich würd vielleicht noch eine Begleitnotiz machen für den Kunden).

Outre des principes de traduction sous forme de commentaires pro-céduraux, l’extrait [9] contient des verbalisations révélant des straté-gies globales. Elles ne portent pas sur les éléments mis entre paren-thèses, mais méritent d’être mentionnées. Ainsi, en mettant en avant le parallélisme entre Telefonsteckdose et Netzanschlussdose, Tamara (T-CH) change une solution de traduction provisoire, à savoir Netzan-schluss, en Netzanschlussdose. Dans la version finale, elle se décide pour Netzsteckdose, ce qui ne change pourtant rien du point de vue du parallélisme. La stratégie globale sous-jacente est donc celle de rendre la terminologie cohérente. L’extrait se termine par une verbalisation indiquant qu’elle laisse au correcteur chargé de la validation de la tra-duction la tâche de décider s’il y a lieu de rendre les épithètes mises entre parenthèses.

L’extrait [10] montre cependant que Tamara (T-CH) ne baisse pas les bras. Elle continue à rendre compte de la façon dont elle procéde-rait pour résoudre les problèmes de traduction liés aux notions tech-niques mises entre parenthèses, avant de les signaler au correcteur. Elle décrit l’ordre dans lequel elle a l’habitude de consulter des personnes-ressources, une fois toutes ses aides à la traduction épui-sées, sous forme de commentaires procéduraux précis ; la chaîne va d’un collègue-ingénieur au donneur d’ouvrage en passant par un col-lègue de travail du collègue-ingénieur en cas d’absence de celui-ci. L’extrait montre, en plus, qu’elle n’essaie pas de minimiser les pro-blèmes, mais les reconnaît ouvertement (also die technischen Unsi-cherheiten bestehen nach wie vor; ich bin mir gar nicht bewusst was für eine Spannung wir haben; weil ich unsicher bin). Précisons toute-fois que l’incertitude porte sur le contenu du texte de départ, et non pas sur le principe de traduction lui-même : elle sait comment procé-der pour résoudre le problème de traduction en question.

Les verbalisations nous renseignent aussi sur l’identité profession-nelle de Tamara (T-CH). Rappelons qu’elle continue à faire des re-cherches poussées sur la Toile et à évoquer les personnes-ressources auxquelles elle s’adresserait pour demander de l’aide, même après avoir annoncé qu’elle laisse au correcteur le soin de décider s’il faut

79

maintenir les éléments mis entre parenthèses. Cela donne à penser qu’elle est très soucieuse de son image. Les aveux d’incertitude (weil ich unsicher bin) pourraient être interprétés comme une tentative de prendre les devants, de ne pas perdre la face au cas où sa traduction ne devait pas être à la hauteur de la qualité espérée.

Nous voilà arrivé à la fin de la première section consacrée aux ré-sultats de nos analyses. Elle sera close par les tableaux synoptiques des stratégies employées par les répondants germanophones pour tra-duire le groupe nominal étendu la prise électrique standard monopha-sée, 220-240 V, 50-60 Hz. Rappelons que nous les avons analysés plus en détail au début de la présente section. Dans la section suivante, nous rendrons compte des résultats du groupe suédophone.

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Tableau 9 : Répartition des stratégies employées par le groupe germanophone pour traduire la séquence descriptive

Stratégies Étudiantes Traducteurs Traduction littérale (G1) 1 - Transposition (G3) 5 8 Changement d’unité (G4) 1 - Restructuration de la phrase (G6) 1 - Changement concernant la cohésion (G8) 1 1 Total stratégies syntaxico-grammaticales 9 9 Hyponymie (S3) 1 3 Concentration (S6) 6 10 Changement concernant l’insistance (S7) 7 11 Total stratégies sémantiques 14 24 Explicitation (Pr2) 1 Omission (Pr3) 1 3 Total stratégies pragmatiques 1 4 Nombre total des stratégies employées 24 37

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3.2.2 Le groupe suédophone Les tableaux 10 – 12 figurant à la fin de la présente section donnent

un aperçu des stratégies employées par les répondants suédophones pour traduire le groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz. Ils appellent certains commen-taires.

Les stratégies utilisées le plus fréquemment sont les transpositions accompagnées de concentrations. Exemple : tous les répondants ont rendu le syntagme nominal la prise électrique par un mot composé, soit eluttag, elurtag ou väggkontakt. Une traduction plus littérale par elektriskt uttag aurait été possible, mais beaucoup moins idiomatique. Les transpositions de ce genre se rapprochent donc d’une servitude (Vinay et Darbelnet, 1958/1977, p. 14) ou d’une transformation obli-gatoire, dans la terminologie d’Eriksson (1997, p. 20). Nous les avons classées comme des stratégies. La différence entre servitude et option est une différence de degré ; nous sommes en présence d’un conti-nuum, et non pas de cloisonnements étanches.

Toujours par rapport aux stratégies syntaxico-grammaticales, nous souhaitons attirer l’attention sur les changements d’unité. Quatre répondants y ont recours, dont 3 pour rendre les épithètes standard et monophasée ; les traductions proposées sont respectivement av standardmodell med emfasström [sic], för enfasström ... av standardtyp et för enfas växelström. Ces exemples donnent à penser que le changement d’unité peut être utilisé comme une stratégie pour éviter des mots composés jugés trop longs.

Signalons ensuite, parmi le groupe des stratégies pragmatiques, les changements au niveau de l’information sous forme d’omissions et d’ajouts. Deux étudiantes et 3 traducteurs y ont recours. L’ajout au-quel procède Lotta (T-SE) en introduisant l’élément AC ‘à courant alternatif’ est le résultat d’une longue série de consultations de sources d’information. En dernier lieu, il semble lié au fait qu’elle trouve l’élément AC dans son propre texte parallèle ; il s’agit d’une notice rapide pour un appareil similaire de l’entreprise Canon. C’est égale-ment ce texte parallèle qui, peut-être, lui suggère l’omission de l’épithète standard : il n’y figure pas. Une orientation similaire vers

84

les conventions de genre caractérisant les notices techniques rédigées en suédois semble motiver les omissions auxquelles procède Sanna (É-SE). Dans le cas de Joakim (T-SE), ce sont ses connaissances extralinguistiques approfondies qui jouent un rôle dans l’omission des épithètes standard et monophasée et dans la mise en retrait des infor-mations sur les volts et les hertz. Nous nous attarderons plus en détail sur ses principes de traduction ci-dessous. Ses verbalisations sont inté-ressantes à plusieurs égards, surtout à la lumière de celles des répon-dantes qui ont opté pour la stratégie de traduction littérale.

Nous avons signalé dans la section 3.1 que les ouvrages traitant de la traduction technique mentionnent la traduction littérale comme une échappatoire à des problèmes de compréhension. Il n’y a donc pas grande surprise à voir cette stratégie figurer parmi les stratégies em-ployées par nos répondants. Bien au contraire : nous sommes plutôt étonné qu’elle ne soit pas plus fréquente, car la traduction du groupe nominal étendu pose problème. Mais nous avons montré précédem-ment, par rapport aux répondants germanophones, que d’autres stratégies, comme le changement concernant l’insistance, peuvent ser-vir une fonction similaire à la traduction littérale. Au vu de la place accordée à la traduction littérale dans les ouvrages consacrés à la tra-duction technique d’un côté, et des profils à première vue assez dif-férents des deux répondantes suédophones qui y ont recours de l’autre côté, nous avons décidé d’examiner d’un peu plus près l’emploi de cette stratégie.

Voici d’abord les deux traductions que nous qualifions de litté-rales :

Telefonjacket måste finnas på ett avstånd av max 1,5 meter, och ett enfasigt standard eluttag 220-240 V, 50-60 Hz på ett avstånd av max 2 meter.

(Camilla, É-SE)

Telefonkontakten bör befinna sig på högst 1.50 m avstånd, och standard enfasväggkontakten 220-240 V, 50-60 Hz på högst 2 m.

(Kristina, T-SE)

85

Ces traductions suivent de près la structure du texte de départ. Les tableaux 10 et 11 montrent cependant que d’autres stratégies que la traduction littérale sont en évidence ici, à savoir des transpositions, accompagnées de concentrations, et une restructuration du groupe. La question se pose donc de savoir si on peut qualifier une traduction de littérale, si d’autres stratégies apparaissent simultanément. Nous ré-pondons par l’affirmative. Tout d’abord, dans ces traductions, la fidé-lité à la structure de la langue et du texte de départ est telle qu’on y trouve des formes qui enfreignent certaines conventions de rédaction de la langue suédoise. Camilla (É-SE) et Kristina (T-SE) mettent standard eluttag et standard enfasväggkontakten en deux mots, alors que les Skrivregler för svenska och engelska från TNC ‘Conventions de l’écriture en suédois et en anglais de TNC’ (2001, p. 68) précisent qu’en suédois, les mots composés doivent toujours être écrits en un seul mot, peu importe le nombre d’éléments dont ils sont composés.

Il se peut d’ailleurs que l’influence de l’anglais joue un rôle dans ces infractions. La tendance toujours plus répandue en suédois d’écrire en deux mots ou plus ce qui doit être écrit en un seul est sans aucun doute l’un des phénomènes linguistiques les plus discutés et critiqués par les chercheurs en langue suédoise et les personnes intéressées par des questions d’ordre linguistique en général. En témoigne, par exemple, le grand nombre d’articles parus sur ce sujet dans la revue Språkvård ou le fait qu’un site d’accueil soit consacré au seul but de lutter contre les särskrivningar, c’est-à-dire le fait d’écrire des mots composés en plusieurs mots (voir www.skrivihop.nu).

Mais revenons à notre discussion des raisons pour lesquelles nous considérons les traductions de Camilla (É-SE) et Kristina (T-SE) comme littérales. À part les infractions aux conventions mentionnées, force est de relever que la stratégie de restructuration du groupe en évidence dans la traduction de Camilla (É-SE) peut être considérée comme une suite naturelle de l’emploi de la stratégie de traduction lit-térale : en présence de plusieurs épithètes, il est plus idiomatique de mettre ett enfasigt standardeluttag, donc d’opter pour le déterminant indéfini, que de mettre le déterminant défini, à savoir det enfasiga standardeluttaget, étant donné que les épithètes contribuent, par leur seule présence, à spécifier l’élément déterminé.

86

Une raison supplémentaire de taxer ces traductions de littérales, c’est le fait que les auteurs traitant de la stratégie de traduction littérale suggèrent que la littéralité est une question de degré. Vinay et Darbelnet (1958/1977, p. 136), par exemple, signalent qu’on peut « traduire à peu près littéralement » (les italiques sont de nous). Chesterman (1997, p. 94), quant à lui, indique, par rapport à l’exemple qu’il fournit pour illustrer la stratégie de traduction littérale, qu’il laisse de côté une différence sémantique mineure. Et enfin, le dernier argument qui nous amène à considérer ces traductions comme littéra-les provient de la réaction des réviseurs.

Pour comprendre la réaction des réviseurs, il peut être utile de donner la version proposée par le réviseur-technicien parmi plusieurs solutions possibles :

Telefonen kan placeras högst 1,5 meter från telefonjacket och högst 2 meter från eluttaget (enfas växelström, 220-240 V, 50-60 Hz).

D’après lui, la meilleure solution serait une traduction à l’aide de parenthèses, autrement dit qui repose sur la stratégie de changement concernant l’insistance. Voici plus en détail les commentaires évalua-tifs des deux réviseurs :

• le réviseur-traducteur accepte la version de Camilla (É-SE), tout en critiquant la traduction littérale de monophasée par enfasigt, avançant qu’il aurait été plus correct de mettre enfasström ‘courant monophasé’ ; le réviseur-technicien, quant à lui, n’ap-prouve pas cette traduction, signalant qu’il s’agit d’une traduc-tion littérale lourde et typique des traductions suédoises de notices dans le domaine de l’électronique ; il ajoute que si cette version n’est pas fausse, elle est inutilement compliquée ;

• la traduction de Kristina (T-SE) est approuvée par le réviseur-traducteur, mais refusée par le réviseur-technicien ; signalons cependant que le premier précise que si cette traductrice a rendu les détails techniques de façon correcte, il s’agit d’une solution un peu lourde ; il émet deux hypothèses sur les motifs sous-jacents à cette traduction littérale : (1) la traductrice a déjà fait l’objet de critiques de la part des clients lorsqu’elle a supprimé des informations contenues dans le texte de départ, et (2) la tra-

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duction a subi des interférences du français ; le réviseur-technicien, quant à lui, déclare que l’expression standard enfasväggkontakten est incompréhensible.

En résumé, la stratégie de traduction littérale n’a pas la faveur des réviseurs suédophones. Le critère de facilité de lecture l’emporte, chez eux aussi, sur celui de fidélité stricte aux informations données dans le texte de départ. La version préférée du réviseur-technicien, dans la-quelle un seul élément est supprimé, montre cependant que facilité ne rime pas avec abandon du respect fondamental des décisions prises par l’auteur du texte de départ.

Passons maintenant aux protocoles de verbalisation pour voir ce qui a poussé Camilla (É-SE) et Kristina (T-SE) à employer la stratégie de traduction littérale. Voici d’abord comment raisonne Camilla (É-SE) :

[11] [Camilla] hm la prise électrique standard aha (2s) eluttag är det det då? (2s) standard (2s) la prise électrique standard (4s) eluttag (5s) eluttag (3s) monophasée vad betyder det? (Norstedts F-S: monophasée) (7s) jag undrar om allt behöver vara med (3s) men det kanske har med (4s) säkerhet att göra monophasée (3s) enfasig enfas- (4s) enfasigt eluttag (3s) kan man säga så? då får man nästan fråga en elektriker (elle rit) enfasigt eluttag (4s) på (1s) tvåhundratjugo till tvåhundrafyrtio (.) volt (1s) komma femtio till sextio (.) hertz inom (2s) två max två meter (5s) det blir lite konstigt (5s) (()) svenska (Telia: monophasée) ... anslutas till ett jordat vägguttag (.) jag undrar om det här är (2s) det här med enfasigt eluttag (4s) jag slår upp (elle soupire) (2s) jordat (Norstedts S-F: jordat) på svenska ska vi se om det står (2s) om dom har nåt (()) (3s) jordat (4s) jorda (3s) jordat (6s) jorda (()) jorda (2s) står inte med (.) jorda mettre à la terre (4s) ah (2s) (()) (7s) enfasigt el- (3s) ah nej jag får ha kvar inom (()) för det står ju så jag kan ju inte skriva jordat när jag inte vet (6s) ah (4s) nät (2s) ah det får stå så

[12] [Camilla] just det! det var ju det där elektriska (4s) enfasigt eluttag (6s) ... det (4s) enfasiga (4s) eluttag standard eluttag (2s) kan man säga så? (3s) standard (2s) eluttag (3s) men jag tror jag har det i obestämd form och ett enfasigt standard uttag (6s) inom (4s) inom (2s) jaha just det! (2s) äh tvåhundratjugo

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till tvåhundrafyrtio volt (2s) och sen det där hertz jag skriver som dom har gjort

L’extrait [11] rend compte de l’incertitude de Camilla (É-SE) lors de ses tentatives pour comprendre la notion de monophasée et de trouver un équivalent suédois aux épithètes monophasée, standard et électrique. L’étudiante se demande ainsi à voix haute ce que mono-phasée veut dire (vad betyder det?). Parallèlement à la recherche de ce terme dans un dictionnaire bilingue, elle évalue la possibilité de la stratégie d’omission, sans toutefois préciser quels éléments pourraient être omis (jag undrar om allt behöver vara med ‘je me demande si tout doit figurer dans le texte d’arrivée’) ; ce manque de spécificité pourrait aussi être un indicateur de l’incertitude. Avant même d’avoir trouvé un équivalent pour monophasée dans le dictionnaire consulté, Camilla (É-SE) renonce à une omission en invoquant des raisons de sécurité (men det kanske har med säkerhet att göra). Elle fait donc preuve de prudence, ce qui paraît légitime à la lumière de ce que nous disions dans la section 3.1 à propos de la responsabilité du fabricant. Or, il aurait bien entendu été possible de rendre les épithètes autre-ment que sous forme de traduction littérale. Ensuite, elle émet l’hypo-thèse que monophasée pourrait correspondre à jordat ‘mis à la terre’, terme qu’elle trouve dans un texte parallèle. Incertaine de l’exactitude d’une telle traduction, elle se rabat, après une nouvelle consultation de dictionnaire, sur la première solution de traduction qu’elle a trouvée, à savoir enfasigt, tout en manifestant sa résignation en disant ah det får stå så ‘ah ça doit faire l’affaire’.

L’extrait [12], quant à lui, fait apparaître que l’incertitude ne diminue pas au fur et à mesure que l’étudiante avance dans la tâche de traduction. En effet, elle se demande une nouvelle fois si elle peut dire det enfasiga standard eluttag[et] (kan man säga så?), version très lit-térale, avant de déclarer suivre le modèle du texte de départ pour ce qui est des indications sur les hertz (jag skriver som dom har gjort). Nous émettons l’hypothèse que cette déclaration révèle avant tout une incertitude de la part de l’étudiante, plutôt que de conclure qu’il y aurait similarité dans les conventions de genre entre le français et le suédois.

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L’incertitude de Camilla (É-SE) se manifeste dans les protocoles sous forme de nombreux marqueurs linguistiques. À part les questions déjà mentionnées, nous trouvons des aveux d’ignorance (jag kan ju inte skriva jordat när jag inte vet ‘je ne peux pas écrire mis à la terre si je ne le sais pas’) et des expressions de modalité épistémique (jag undrar om allt behöver vara med ‘je me demande s’il faut rendre tout’ ; jag undrar om det här ... med enfasigt eluttag ‘je me demande si ça ... avec la prise électrique monophasée’ ; jag tror jag har det i obestämd form ‘je crois que je vais mettre le déterminant indéfini’). Signalons aussi la présence de nombreux atténuateurs (det kanske har med säkerhet att göra ‘peut-être que ça a à voir avec la sécurité’ ; då får man nästan fråga en elektriker ‘on devrait presque demander à un électricien’ ; det blir lite konstigt ‘ça sonne un peu bizarre’). On pour-rait également compter parmi les atténuateurs l’utilisation du pronom indéfini man ‘on’ à la place du pronom personnel jag ‘je’. L’indéter-mination de ce pronom permet à Camilla (É-SE) de rejeter le référent, qui n’est personne d’autre qu’elle, dans l’anonymat (Riegel et al., 1999, p. 197).

Force est également de constater que l’incertitude de l’étudiante ressort de la façon dont elle consulte des sources d’information. Premièrement, elle ne semble pas exploiter les informations trouvées ; elle préfère suivre de près le modèle du texte de départ, tout en mani-festant sa frustration plutôt que de procéder à des adaptations suggé-rées par les textes parallèles, comme le fait par exemple Sanna (É-SE). Ensuite, elle rit lorsqu’elle dit qu’on devrait presque consulter un élec-tricien pour savoir si on peut dire enfasigt eluttag, alors que ce com-mentaire n’a rien de ridicule. En effet, nous avons montré, lors de l’analyse du protocole de Tamara (T-CH), que l’aide apportée par des personnes-ressources est mentionnée par les traducteurs profession-nels comme une étape importante dans le processus de traduction.

La référence faite par Camilla (É-SE) à la consultation d’un élec-tricien constitue bel et bien un commentaire procédural. Ce principe de traduction reflète cependant une incertitude plutôt qu’une règle de conduite claire. L’atténuateur nästan ‘presque’ ainsi que le rire donnent à penser qu’il n’est pas sûr que Camilla (É-SE) considère la consultation d’un électricien comme une vraie option. Le grand

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nombre de marqueurs d’incertitude nous amènent à croire que la tra-duction littérale s’offre à Camilla (É-SE) comme une échappatoire à ses problèmes de compréhension. On obtient l’image d’une étudiante qui semble assez déconcertée devant la tâche de traduire les notions techniques auxquelles fait référence le groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz.

Venons-en à l’autre répondante ayant opté pour la stratégie de traduction littérale, à savoir Kristina (T-SE) :

[13] [Kristina] la prise électrique standard monophasée (2s) och vänta nu (4s) monofas ähm vänta nu (Häger: monophasée) (5s) ähm standard ähm (7s) standard (15s) ah! ja ja ja! standard äh väggjack kanske man ska (2s) väggjacket mono-phasée vi tar (()) så (Engström F-S: monophasée) det mono-phasée jag undrar vi ska se (2s) det finns säkert inte här (()) (2s) mo- mo- (2s) mono (2s) monom(()) nej (.) ja! monoph- en- enfas- (.) standard enfasvägg- vägg enfas (2s) enfas (4s) väggjacket ähm (3s) tvåhundratjugo till tvåhundrafyrtio volt (3s) nu får vi fundera lite ähm det får telefonjacket bör befinna sig (2s) på högst (4s) en och en (.) och skulle jag skriva här och standard enfasjacket två- (2s) på måste man upprepa här vänta nu (2s) kommatecken (2s) femtio till sextio hertz (1s) på (3s) två på högst (2s) två meter nu nu får man telefon- på högst (2s) telefon bör befinna sig på högst en och en halv meters avstånd standard väggjacket på högst två meter

La motivation qui se cache derrière la décision de cette traductrice d’opter pour la traduction littérale ne ressort pas explicitement de cet extrait. Kristina (T-SE) semble entièrement absorbée par la tentative de trouver des équivalents pour les différents éléments contenus dans le groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz. Il n’y a pas de verbalisation indiquant qu’elle se pose à un moment donné la question de savoir s’il convient de rendre toutes les épithètes, contrairement à Camilla (É-SE) donc. Rien n’in-dique non plus que Kristina (T-SE) se demande si la meilleure façon de rendre les épithètes est de copier le modèle du texte de départ. Il en résulte une version taxée par les réviseurs de lourde et d’incompréhen-sible.

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Comment expliquer ce comportement traductif ? Rappelons que Kristina (T-SE) possède une formation technique et qu’elle est spécia-lisée dans la traduction de brevets. Elle mentionne à plusieurs reprises, lors du traitement d’autres passages du texte de départ, qu’il est très important de ne rien changer lorsqu'on traduit des brevets (voir aussi section 4.2.2). Or, notre texte de départ ne relève pas du genre des bre-vets. Même si Kristina (T-SE) en est sûrement consciente, elle semble transférer à ce texte la stratégie globale qu’elle applique à la traduc-tion de brevets. Quelle en est la raison ?

Nous pensons qu’une réponse possible réside dans des lacunes au niveau de ses connaissances linguistiques. Dans l’entretien conduit après la séance de réflexion parlée, Kristina (T-SE) dit ne pas avoir suivi d’apprentissage formel approfondi du français ; elle l’a appris en travaillant quelques années dans une ville francophone. Ses lacunes au niveau des connaissances du français se manifestent également au niveau de sa traduction écrite (voir appendice 2). Elle contient de nombreux calques de structure, manifestes, entre autres, dans la traduction du groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz. En effet, nous disions dans la section 3.1 que, dans les groupes nominaux étendus, c’est générale-ment l’élément le plus éloigné qui caractérise le groupe formé du nom et de l’adjectif le plus rapproché. Nous évoquions également que dans les langues germaniques, l’élément déterminé est placé après l’élé-ment déterminant, alors que c’est l’inverse dans les langues romanes. L’ordre le plus naturel pour rendre les épithètes françaises en suédois serait donc enfasstandardeluttag. Or, Kristina (T-SE) suit le modèle français en mettant standard enfasväggkontakt. À cela s’ajoute encore un deuxième calque de structure, celui d’écrire standard enfasvägg-kontakt en deux mots au lieu d’un seul.

Cependant, il ne paraît guère possible d’expliquer tous les calques apparaissant dans cette traduction par de seules lacunes au niveau des connaissances du français ; c’est-à-dire en argumentant qu’elles poussent Kristina (T-SE) à rester le plus près possible de la structure du texte de départ afin de ne pas s’égarer dans ce qu’elle doit ressentir comme des interprétations hasardeuses. Il semblerait tout autant qu’elle ait de la peine à trouver des formulations en suédois qui soient

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à la fois idiomatiques et adaptées au genre des notices techniques grand public. Le protocole nous conforte d’ailleurs dans cette impres-sion. Il contient de nombreuses verbalisations témoignant du désarroi de cette traductrice lors de la prise de décision entre différentes solu-tions de traduction. De même, il y a une impression de vague qui se dégage de ses commentaires évaluatifs. Par exemple, elle abandonne dans la deuxième phase de traduction le terme väggjack, tel qu’il figure à la fin de l’extrait [13] au profit de väggkontakt en s’exclamant kontakt heter det och inte nåt jack! ... jack kan man ju inte ha ... jag tycker inte att det låter bra ‘ça s’appelle kontakt et non pas jack! ... on peut pas mettre jack ... je trouve pas que ça sonne bien’. Effective-ment, on ne peut pas mettre jack. Ce n’est toutefois pas une question de préférence personnelle, mais de sémantique et de précision termi-nologique : jack désigne la prise téléphonique, et non la prise élec-trique.

Le choix de la stratégie de traduction littérale semble ainsi le résul-tat d’une incertitude liée à ses lacunes sur le plan des connaissances linguistiques. Peut-être aussi en raison du fait qu’il s’agit d’une tâche de traduction qui ne relève pas de la routine pour Kristina (T-SE). Ceci pour deux raisons : (1) le français n’arrive qu’à la dernière posi-tion de ses langues passives, c’est-à-dire qu’elle réalise moins de mandats à partir de cette langue qu’à partir des autres, et (2) elle dit être spécialisée presqu’exclusivement dans la traduction de brevets. Rappelons toutefois qu’elle est technicienne de formation. Bien enten-du, nous ne nous attendons pas à ce qu’une formation technique se tra-duise automatiquement par des connaissances approfondies dans tous les domaines techniques. Or, on peut raisonnablement supposer que les notions techniques en jeu dans le groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz constituent des notions techniques de base pour une technicienne de formation (voir Bédard, 1986, p. 106). Il semblerait cependant que Kristina (T-SE) ne réussisse pas à mettre à profit ses connaissances extralinguistiques pour compenser des lacunes à d’autres niveaux. On doit cependant signaler que l’incertitude de la traductrice porte sur la compréhension du texte de départ et la réexpression en langue d’arrivée, et non pas

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sur le principe de traduction : la stratégie globale adoptée, si elle n’est guère adaptée au présent mandat, est au moins claire.

On se souvient que nous nous sommes proposé de comparer le comportement traductif de Camilla (É-SE) et de Kristina (T-SE) avec celui de Joakim (T-SE), notamment parce qu’il dispose, tout comme Kristina (T-SE) d’une formation technique. Voici sa traduction du groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz :

Telefonjacken måste finnas inom 1,5 meters avstånd, och eluttaget (220-240 V, 50-60 Hz) på högst 2 meters avstånd.

(Joakim, T-SE)

Cette traduction repose à la fois sur l’omission des épithètes standard et monophasée et une mise entre parenthèses des indications sur les volts et les hertz. Elle est la seule parmi les traductions sué-doises à être approuvée par les deux réviseurs sans bémol. Voici l’ex-trait en question du protocole de Joakim (T-SE) :

[14] [Joakim] här står det det enfasiga elektriska uttaget men något annat än ett enfasigt uttag har jag aldrig sett (il rit) i en i ett kontor eller i en bostad så jag tillåter mig att stryka enfasig ähm (2s) så jag skriver äh kommatecken och (3s) ja det ska vara standard ja det är ju självklart det behöver jag inte skriva i en en bruksanvisning för svensk publik (2s) och ähm el-uttaget och sen tillåter jag mig att sätta en äh parentes här äh som inte finns innehållet i parentesen finns men inte själva parentesen (2s) tvåhundratjugo tankstreck eller bindestreck det är svårt att säga det står bindestreck här jag kan fortsätta med det då tvåhundrafyrtio äh V som i volt kommatecken äh femtio bindestreck sextio hertz (3s) måste (4s) ah vi stryker det där kommatecknet efter äh (2s) avstånd och så skriver vi och eluttaget (4s) på högst två meters (.) avstånd nu står det här visserligen meter förkortad till m men i källtexten men jag tycker att man kan kosta på sig att skriva meter därför det finns kanske nån människa som liksom förbiser det här och det kostar så lite att skriva fyra bokstäver till två gånger

Ces verbalisations illustrent bel et bien que les connaissances extra-linguistiques « tuent l’insécurité » face au texte de départ (Bédard, 1986, p. 100), à condition toutefois que le répondant dispose de

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connaissances linguistiques suffisantes. Nous venons de voir que ce n’est justement pas le cas de Kristina (T-SE). Joakim (T-SE) supprime d’abord l’épithète monophasée en faisant valoir qu’il n’a jamais vu ni dans un appartement, ni dans un bureau, de prise qui ne fonctionnerait pas à courant monophasé (men något annat än ett enfasigt uttag har jag aldrig sett i ett kontor eller i en bostad så jag tillåter mig att stryka enfasig). Cette épithète semble relever, pour lui, d’une telle évi-dence qu’il en rit. Il s’agit d’un rire qui n’a rien d’une incertitude, mais qui traduit la confiance avec laquelle ce traducteur traite les notions techniques. Joakim (T-SE) souligne en outre que le substantif épithète standard n’est pas non plus indispensable pour l’usager sué-dois (det ska vara standard ja det är ju självklart det behöver jag inte skriva i en bruksanvisning för svensk publik). Il annonce ensuite sa décision de mettre les indications sur les nombres de volts et de hertz entre parenthèses, sans toutefois justifier cette dernière décision (och sen tillåter jag mig att sätta en parentes här som inte finns). Une chose semble cependant sûre : il ne cherche pas à reléguer à l’arrière-plan des notions posant problème. Peut-être estime-t-il que les détails techniques mis en retrait sont d’une importance secondaire. En effet, pour pouvoir installer l’appareil correctement, l’usager doit savoir en premier lieu qu’il doit brancher l’appareil à deux prises, une prise téléphonique et une prise électrique, et que la distance entre l’appareil et les prises ne doit pas dépasser une certaine distance.

Un autre motif pourrait être la volonté de rédiger une traduction facile, voire agréable à lire. Signalons que c’est en ces termes que Joakim (T-SE) motive sa décision de rendre l’abréviation m de l’origi-nal français par un mot entier en suédois, à savoir meter (nu står det här visserligen meter förkortad till m i källtexten men jag tycker att man kan kosta på sig att skriva meter därför det finns kanske nån människa som liksom förbiser det här och det kostar så lite att skriva fyra bokstäver till två gånger). Ces verbalisations peuvent être inter-prétées comme révélant des stratégies globales. Ainsi, il semblerait que Joakim (T-SE) considère que, lorsqu’on traduit des notices grand public, (1) l’adaptation du texte d’arrivée au contexte de la culture d’arrivée l’emporte sur la fidélité au contenu du texte de départ, et (2) le texte d’arrivée doit être adapté aux besoins des receveurs qui ne

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sont pas forcément des spécialistes en technique. Nous verrons dans la section 5.2.2 qu’il s’agit là bel et bien de stratégies globales : des ver-balisations similaires apparaissent de manière systématique dans les processus de prises de décision de ce traducteur.

Les verbalisations données dans l’extrait [14] peuvent également être interprétées comme une autoévaluation positive implicite, comme des commentaires reflétant l’identité professionnelle de Joakim (T-SE) en tant que traducteur de textes techniques. Tout d’abord, l’absence de marqueurs d’incertitude dans les passages du protocole portant sur la traduction du groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz montre que pour ce qui est de la traduction de vocabulaire technique, Joakim (T-SE) a confiance en ses décisions. Qui plus est, il assume le rôle de communicateur cherchant à faire passer le message. En outre, le rire pourrait être interprété comme une critique implicite de l’auteur du texte de départ, comme indiquant que Joakim (T-SE) pense, peut-être, mieux savoir ce dont ont besoin les receveurs d’une notice grand public.

Nous terminons la présente section par les tableaux synoptiques, déjà commentés, des stratégies employées par les répondants suédo-phones pour traduire le groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz. Dans la section suivante, nous discuterons plus en détail certains résultats.

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Tableau 12 : Répartition des stratégies employées par le groupe suédophone pour traduire la séquence descriptive

Stratégies Étudiantes Traducteurs Traduction littérale (G1) 1 1 Transposition (G3) 5 11 Changement d’unité (G4) 4 5 Restructuration du groupe (G5) 2 - Restructuration de la phrase (G6) 1 3 Total stratégies syntaxico-grammaticales 13 20 Hyponymie (S3) 2 3 Concentration (S6) 4 7 Changement concernant l’insistance (S7) 3 Total stratégies sémantiques 6 13 Explicitation (Pr2) 1 2 Omission (Pr3) 6 5 Ajout (Pr3) 2 Changement concernant la visibilité du traducteur (Pr8)

2 -

Total stratégies pragmatiques 9 9 Nombre total des stratégies employées 28 42

100

3.3 Discussion À l’issue de ce premier chapitre consacré aux résultats de nos

analyses, il est temps de réintroduire nos questions de départ. La première question à laquelle nous avons souhaité répondre est

celle des éventuelles différences dans les stratégies employées par les étudiantes en traduction d’un côté et les traducteurs professionnels de l’autre. Pour ce qui est de la traduction du groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz, certaines différences sont apparues dans les deux groupes linguistiques.

Au sein du groupe germanophone, on peut, par exemple, relever le recours plus fréquent aux stratégies pragmatiques chez les traducteurs professionnels. Chose intéressante à cet égard : les 2 traducteurs à avoir rendu le groupe nominal étendu dans son intégralité sont ceux qui semblent les plus familiers avec le genre du texte à traduire. La taille restreinte de nos groupes expérimentaux ne nous permet bien en-tendu pas d’exclure l’effet du hasard. Il n’empêche que nous sommes en droit d’énoncer des hypothèses. Nous constatons ainsi que les 2 tra-ducteurs en question sont aussi les seuls à évoquer l’éventuel désarroi que pourraient provoquer chez le grand public les détails techniques mentionnés ou le fait que les notices rédigées en allemand ne dé-crivent pas d’habitude les propriétés des prises avec une telle préci-sion. À la lumière de ces verbalisations, on aurait pu s’attendre à ce qu’ils suppriment certains éléments. Ils ne l’ont pas fait. Comment ex-pliquer ce cas de figure ? S’ils ont rendu l’ensemble des éléments, ils en ont relégué certains à l’arrière-plan sous forme de changements concernant l’insistance. Cette stratégie pourrait donc parfois traduire un effort de trouver un compromis entre le respect des choix faits par l’auteur du texte de départ et l’adaptation à ce qu’on pense être les be-soins des receveurs du texte d’arrivée.

En nous référant au tableau 9, nous notons, en plus, une différence réelle entre étudiantes et traducteurs germanophones par rapport au nombre total de stratégies employées : 24 pour les étudiantes contre 37 pour les traducteurs. On peut interpréter ces chiffres comme indi-quant une plus grande disposition, chez les traducteurs germano-

101

phones, à se détacher de la structure du texte de départ pour traduire la séquence descriptive.

Il est vrai qu’au sein du groupe suédophone, le nombre total de stratégies employées est plus élevé chez les traducteurs que les étudiantes (42 contre 28). Rappelons cependant qu’il n’y a que 4 étu-diantes contre 6 traducteurs. La moyenne du nombre de stratégies employées est identique. Nous tenons là une première indication du fait que le choix d’une stratégie peut être lié à d’autres variables que l’expérience de la traduction, ou qu’il est nécessaire de faire mieux ressortir les variables qui interagissent pour former la variable expé-rience de la traduction. Exemple : les constats que nous avons faits par rapport à la stratégie de traduction littérale suggèrent que le choix d’une stratégie puisse être lié au degré de connaissances linguistiques. Le cas d’une traductrice suédophone, technicienne de formation, in-dique, par ailleurs, qu’un répondant doit posséder un seuil minimum de connaissances linguistiques pour pouvoir tirer profit de ses con-naissances extralinguistiques. Nos résultats confirment les conclusions tirées par Dancette (1995, p. 188) de son travail sur les processus de compréhension en traduction. Rappelons que la mise en évidence d’effets de seuil, le fait qu’il faille un niveau minimal de connais-sances linguistiques et de connaissances extralinguistiques pour pou-voir traduire et comprendre, est un des résultats les plus significatifs de sa recherche.

Nos données nous permettent cependant de jeter une lumière nouvelle sur cette question. Dancette (1995) avait fait appel à des étudiants en traduction. Par contre, dans notre échantillon, il y a des répondants qui sont à la fois traducteurs et techniciens. Ils possèdent, en théorie du moins, les connaissances extralinguistiques nécessaires pour s’acquitter de la tâche. Force a cependant été de constater que le seul fait de posséder une formation technique ne garantit pas une traduction technique de qualité, et ceci alors que de nombreux traduc-teurs ont fait l’expérience que des clients potentiels donnent la priorité aux connaissances extralinguistiques (documentées, par exemple, sous forme d’une formation technique), au détriment d’une formation lin-guistique.

102

Nous nous sommes ensuite posé la question de savoir s’il y a des différences dans les principes sous-tendant l’emploi des stratégies entre étudiantes d’un côté et traducteurs de l’autre. Nos résultats nous ont fourni des preuves assez fortes de l’existence de certaines différ-ences selon l’expérience de la traduction.

Ainsi, nous avons constaté lors de l’analyse des motifs sous-jacents à l’emploi de certaines stratégies pour traduire le groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz que les protocoles de verbalisation des étudiantes révèlent souvent une absence de principes de traduction et un conflit entre ce qu’elles disent faire et ce qu’elles font. Par contre, les protocoles des traducteurs pro-fessionnels contiennent de nombreuses verbalisations pouvant être in-terprétées en termes de principes de traduction, sous forme de com-mentaires procéduraux, de déclarations indiquant des stratégies glo-bales ou de commentaires révélant leur identité professionnelle.

Signalons toutefois qu’il n’est pas a priori facile de distinguer la présence d’un principe de traduction en l’absence de sa verbalisation, d’un côté, de l’absence d’un principe de traduction tout court. Voilà pourquoi nous avons complété l’étude des principes de traduction par une analyse des marqueurs linguistiques de l’incertitude. Grâce à cette analyse complémentaire, nous pensons avoir pu trancher de façon assez fiable entre le cas où tel choix de stratégie semble motivé par tel principe de traduction, sans que le répondant ne le verbalise, et le cas où un tel principe lui fait défaut. L’incertitude se manifeste à la fois chez les étudiantes et les traducteurs. Ce qui pourrait cependant distin-guer les deux groupes, c’est la façon dont elle s’exprime. Chez les étu-diantes, elle prend souvent la forme d’atténuateurs, et chez les traduc-teurs, de questions ou d’aveux d’ignorance. Chez les étudiantes, la présence d’atténuateurs est associée à une incertitude portant sur l’exécution de la tâche de traduction elle-même. Chez les traducteurs, l’incertitude porte en premier lieu sur le contenu du texte de départ ou la réexpression en langue d’arrivée, et non pas sur l’exécution de la tâche.

Comment peut-on expliquer la différence sur le plan des marqueurs d’incertitude ? Plusieurs hypothèses sont permises :

103

• les traducteurs savent que l’incertitude est une caractéristique inhérente à l’acte traduisant, et que l’avouer n’est pas une décla-ration d’incompétence ;

• leur éthique professionnelle leur impose de ne pas minimiser ou dissimuler les problèmes ;

• ils ont fait l’expérience qu’on ne peut pas duper le donneur d’ouvrage.

L’absence de principes de traduction constatée chez les étudiantes ne nous permet toutefois pas de conclure que de tels principes leur font généralement défaut. En effet, nous avons montré dans la section 3.1 que la traduction du groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz pose un grand nombre de problèmes potentiels. On peut donc penser qu’elles n’ont pas encore acquis des principes pour venir à bout du genre de problèmes que sou-lève le traitement de ce segment.

Toujours par rapport aux principes de traduction, nous avons fait une observation intéressante chez une traductrice suédophone. Pour s’acquitter d’une tâche qui, pour elle, ne relevait pas de la routine, elle a appliqué la stratégie globale dont elle se sert pour la réalisation de tâches routinières. Son comportement traductif semble se situer, pour ce qui est de la traduction du groupe nominal étendu, à mi-chemin entre celui de ses collègues-traducteurs et celui des étudiantes. En effet, si son protocole révèle l’adhérence à un principe de traduction clair, il n’est pas adapté à la tâche. Autrement dit, elle ne semble pas encore avoir développé des principes de traduction valables pour dif-férents types de problèmes et différents types de tâches.

La troisième et dernière question à laquelle nous nous sommes proposé de répondre est celle des éventuelles différences au niveau des stratégies et principes en fonction du couple de langues, c’est-à-dire la traduction français-allemand et la traduction français-suédois. Pour ce qui est des stratégies, nous avons noté à la fois des ressem-blances et des différences. Sur le plan des ressemblances, nous pouvons relever que les transpositions et les concentrations sont pré-sentes chez tous les 19 répondants ayant traduit le groupe nominal étendu. Nous tenons là une confirmation assez forte de ce que l’alle-

104

mand et le suédois préfèrent, dans le cas présent, le mode de compo-sition lexicale, alors que le français recourt à la composition syn-tagmatique.

On peut toutefois se demander si l’allemand ne tolère pas des mots composés plus longs que le suédois. Primo, les concentrations sont plus fréquentes chez les germanophones que les suédophones (16 contre 11). Secundo, les changements d’unité sont plus fréquents par-mi les suédophones. Il s’agit là d’une stratégie permettant d’éviter des mots composés trop longs. Terzo, le fait que 2 répondantes suédo-phones aient faussement copié la structure de l’original français en sé-parant deux éléments devant être écrits en un mot pourrait constituer une preuve supplémentaire de cette tendance. L’hypothèse selon la-quelle l’allemand tolère des mots composés plus longs est aussi étayée par le fait suivant : les protocoles de plusieurs répondants suédo-phones contiennent des verbalisations révélant une réaction contre des compositions lexicales trop longues ; il s’agit d’évaluations négatives de solutions de traduction provisoires. De tels commentaires évaluatifs explicites sont absentes des protocoles des germanophones. On pour-rait même émettre l’hypothèse qu’une partie des omissions constatées au sein du groupe suédophone est attribuable à cette même tendance de vouloir éviter des mots composés trop longs. Rappelons que le nombre d’omissions constaté chez les suédophones est de 11 contre 4 chez les germanophones.

Une différence supplémentaire entre les deux groupes linguistiques apparaît au niveau de la stratégie de changement concernant l’insistance. Sept germanophones y ont recours, et seulement 2 suédo-phones. Cette différence pourrait avoir un lien avec ce que nous venons de dire. Si l’allemand semble tolérer des mots plus longs, on peut quand même y déceler une tendance consistant à éviter des compositions lexicales dépassant la limite de ce qu’on considère comme supportable. Les changements concernant l’insistance en sont un moyen.

Pour ce qui est des principes de traduction, nous n’avons pas repéré de différences pouvant être expliquées en fonction de l’appartenance linguistique. Certes, des différences dans la quantité et les types de principes verbalisés sont apparues. Elles nous semblent cependant

105

plutôt liées à d’autres variables, déjà mentionnées. Est-ce à dire que le couple de langues en cause ne joue aucun rôle au niveau des principes de traduction ? Peut-être pas en ce qui concerne les commentaires procéduraux ou les commentaires révélant l’identité professionnelle. Il n’en va cependant pas nécessairement de même pour ce qui est des stratégies globales. Nous pensons par exemple à la conception prédo-minante dans une communauté linguistique sur l’attitude à adopter à l’égard d’anglicismes ; à la politique linguistique en matière de fémi-nisation du langage ; ou à la manière de prendre en charge des diffé-rences culturelles existant entre culture de départ et culture d’arrivée. Nous en parlerons plus en détail dans le chapitre qui suit.

106

4 INTÉRESSER L’ACHETEUR Nous venons d’évoquer quelques questions liées à la traduction de

séquences descriptives apparaissant dans des notices techniques. Il ne suffit cependant pas de décrire le fonctionnement du produit que le client vient d’acquérir. Encore faut-il qu’il s’y intéresse.

L’entreprise doit inciter le consommateur à l’achat. Mais, comme le souligne Mårdsjö (1992, p. 57-58), elle fera également en sorte que le client fasse un usage optimal du produit, l’objectif à long terme étant de le fidéliser et de l’amener à encourager d’autres à devenir clients. Toujours selon Mårdsjö, l’entreprise veillera donc à la mise au point de notices qui soient lues et qui suscitent, chez l’acheteur, la volonté de se familiariser avec les fonctions du produit. La lecture de la notice constituant une étape importante dans la stratégie visant à lier l’ache-teur à l’entreprise, nous examinerons dans le présent chapitre les pro-cédés rhétoriques par lesquels l’entreprise tente d’y inciter l’acheteur, avant d’étudier comment nos répondants ont traité le segment du texte de départ où apparaît une telle injonction.

4.1 ‘Pas la peine de flatter autant l’acheteur !’ L’injonction appartient à la gamme des actes directifs : l’émetteur

cherche à agir sur le receveur afin d’obtenir de lui un certain compor-tement (Riegel et al., 1999, p. 407). L’acte d’injonction peut prendre différentes formes (exemples : ordre, conseil ou demande polie) per-mettant à l’émetteur de produire différents effets. L’ensemble des moyens d’expression mis en œuvre pour produire ces effets est com-munément appelé rhétorique (Delisle, 1993, p. 43). Les entreprises se servent de la rhétorique dans le but de faire appel aux sentiments et aux opinions des acheteurs et d’influencer ainsi leurs conceptions, leurs attitudes et leurs valeurs (Mårdsjö et Carlshamre, 2000, p. 26). Parfois, les moyens mis en œuvre peuvent être considérés comme ex-cessifs, comme en témoigne l’extrait de protocole servant de titre à la présente section.

Dans le segment du texte de départ qui fera l’objet du présent cha-pitre, l’entreprise incite les acheteurs à lire la notice attentivement :

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Afin d’utiliser votre GALEO 4710 efficacement et dans les meil-leures conditions, nous vous conseillons de lire très attentivement cette notice d’installation rapide, qui a été rédigée spécialement à votre intention.

Examinons de plus près les procédés rhétoriques employés par l’entreprise dans ce segment, mais également dans d’autres parties du texte de départ : (a) dialogue fictif entre le nous de l’entreprise et le vous/votre de l’acheteur, (b) acte de langage direct et positif (nous vous conseillons ; voir Riegel et al., 1999, p. 586-588), (c) adjectifs et adverbes intensifs (dans les meilleures conditions, très attentivement, spécialement ; voir Noailly, 1999, p. 38). La subordonnée relative qui a été rédigée spécialement à votre intention clôt le paragraphe et sera au centre de notre analyse. Quelle est sa fonction ? Elle doit d’abord contribuer au but général consistant à inciter l’acheteur à lire la notice, afin qu’il fasse un usage optimal du produit et en achète d’autres de la même entreprise. Mais elle a certainement encore une deuxième fonction : celle de prendre en charge l’acheteur et de vaincre l’an-goisse qu’il pourrait éventuellement ressentir s’il pense ne pas être à la hauteur de la technologie (Göpferich, 1996, p. 81 ; Mårdsjö et Carls-hamre, 2000, p. 83).

Ces considérations nous rappellent certaines conclusions que nous avons tirées d’un travail sur le langage de la publicité (Künzli, 2001a). Selon Grunig (1990, p. 165), le pronom personnel nous, utilisé par l’entreprise, laisse supposer que celle-ci est une sorte d’ « Ange Gardien ». Le vous, quant à lui, doit interpeller le client potentiel. La mise en relation entre le nous et le vous a pour fonction de pousser celui-ci à l’achat en le séduisant par le biais d’un dialogue. Un tel dia-logue donne ainsi à l’entreprise l’occasion de proposer un « contrat de confiance » (Charaudeau, 1992, p. 160). Il demeure qu’il ne s’agit que de la simulation d’un dialogue. En effet, le rapport entre émetteur et receveur reste monologique et asymétrique, le client potentiel étant soumis aux manœuvres persuasives de l’entreprise.

On peut sans hésiter conclure que des stratégies similaires sont à l’œuvre lorsque, dans notre cas, l’entreprise précise que la notice a été rédigée spécialement à votre intention. Elle cherche par là non seule-ment à faire en sorte que l’acheteur se sente personnellement inter-

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pellé, mais aussi à le rassurer. La subordonnée relative peut également être interprétée comme la mise en texte d’une stratégie d’intimité visant à créer une proximité étroite entre le nous de l’entreprise et le vous de l’acheteur (Hellspong et Ledin, 1997, p. 166). Toujours selon ces auteurs, le succès de l’emploi d’une telle stratégie n’est pas ga-ranti. Si l’émetteur va trop loin dans sa tentative de créer une proxi-mité, il risque d’être perçu comme hypocrite (p. 166). Nous verrons plus loin que c’est bel et bien la réaction spontanée de quelques-uns de nos répondants.

Revenons à l’injonction de lire la notice. Le fait de préciser qu’une notice doit être lue n’est pas aussi banal que cela pourrait sembler à première vue. C’est ce qui ressort des entrevues que Mårdsjö (1992, p. 188 et 223) a menées avec des rédacteurs techniques suédois. Selon eux, l’objectif premier de la rédaction d’une notice est d’amener l’acheteur à lire la notice. La lecture des notices rebuterait souvent les acheteurs qui préféreraient appeler le service clientèle pour obtenir des renseignements oralement. Les constatations faites par Bédard (1986, p. 232) vont dans le même sens. Selon ce dernier, le fabricant espère que l’acheteur lit la notice au moins assez pour éviter des frustrations inutiles, celles-ci pouvant entraîner une perception négative du produit et de la marque. Bédard recommande au traducteur de rendre la lec-ture invitante, au moyen d’un style très personnel, par exemple à l’aide des pronoms vous/votre, qui donneraient à l’acheteur l’impres-sion qu’il est personnellement concerné. Le besoin de rendre la lecture des notices techniques invitante serait d’ailleurs plus grand encore lorsqu’elles s’adressent au grand public chez qui le degré de motiva-tion de lecture serait très faible et l’acquis technique souvent insigni-fiant.

Dans une perspective traductionnelle, nous nous posons les ques-tions suivantes : y a-t-il des différences au niveau des procédés rhéto-riques employés par les entreprises pour s’adresser aux acheteurs d’une part, et dans la façon dont les actes d’injonction de lire la notice sont formulés d’autre part, en fonction de la communauté linguis-tique ? Il nous faut en effet insérer cette deuxième question, plus spé-cifique, dans le contexte plus large de l’étude des procédés rhétoriques employés par les entreprises dans les notices en général. Nos lectures

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semblent indiquer qu’il n’y a pas encore de travaux qui aient traité de l’injonction de lire la notice du point de vue des couples de langues étudiées dans la présente recherche. Nous avons cependant vu que Bédard (1986), s’adressant principalement, mais non pas exclusive-ment, à un public francophone, prône l’emploi d’un ton très personnel dans les notices grand public. Qu’en est-il plus précisément de la rhé-torique des notices techniques rédigées en allemand et en suédois ?

Dans sa recherche consacrée à la comparaison de notices tech-niques en anglais et en allemand, sur la base d’un corpus comprenant plus de 800 pages A5 par langue, Göpferich (1995, chap. 7.1.7 et 7.1.8) montre qu’on trouve dans les deux langues des passages dans lesquels l’entreprise invite l’acheteur à lire la notice attentivement. Or, les deux langues se distinguent par la façon dont cette injonction est formulée. L’allemand se caractérise par un style sobre et impersonnel, tandis que le ton des notices rédigées en anglais reflète, à bien des égards, le style plus personnel et exubérant du langage de la publicité. Plus précisément, pour indiquer que la notice doit être attentivement lue, l’allemand a tendance à utiliser un ordre, alors que l’anglais a re-cours à une gamme d’actes directifs plus étendue. Rappelons que l’influence de l’anglo-américain sur les langues de spécialité est telle qu’on ne peut raisonnablement l’exclure d’études portant sur d’autres couples de langues, comme c’est notre cas. Voici quelques exemples tirés du corpus de Göpferich (1995, p. 275 et 285) :

Gebrauchsanweisung unbedingt lesen und aufbewahren!

Legen Sie diese Bedienungsanleitung nicht ungelesen beiseite!

Mais aussi : Wie man mit dem privileg umgeht, will Ihnen dieses Büchlein sagen, Sie sollten es gelesen haben, bevor Sie mit dem Einfrieren beginnen.

par opposition à : Before starting to cook with your new microwave cooker, we would suggest that you read this booklet. In this book there are many general cooking hints to help you make the best use of this exciting new appliance.

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Les observations de Stolze (1999, p. 98) concordent avec les constatations faites par Göpferich (1995). D’après Stolze, en alle-mand, les actes directifs sont plutôt impersonnels, ce qui correspon-drait au style sobre de l’allemand, alors qu’en anglais, on interpelle davantage l’usager. En nous reportant à notre texte de départ français (voir appendice 1), nous constatons qu’il suit la tendance observée pour l’anglais. L’injonction de lire la notice s’exprime sous forme de conseil (nous vous conseillons). De plus, le ton employé est personnel (votre Galeo ; rédigée spécialement à votre intention), l’acheteur étant explicitement identifié à l’aide de pronoms. Signalons, par ailleurs, que Reiss (1976, p. 112) fait remarquer par rapport au langage de la publicité en allemand et en français que les informations données en allemand sous forme d’ordres sont souvent formulées en français sous forme de conseil ou de question ; exemple : Koche mit Gas par oppo-sition à La bonne cuisine se fait au gaz ou Pourquoi ne pas faire votre cuisine au gaz ?

À la lumière de ces constatations, il apparaît que les germano-phones s’attendent habituellement à un ton plutôt sobre et impersonnel dans les parties introductives d’une notice technique. Peut-on donc dire que la dialogicité du texte de départ français y est toujours ab-sente ? Pas forcément. Nous avons déjà donné des exemples qui montrent que l’usager germanophone est parfois identifié explicite-ment (exemple : Legen Sie diese Bedienungsanleitung nicht ungelesen beiseite!). Stolze (1999, p. 100) montre justement par rapport aux actes d’ordre que l’impératif de politesse gagne du terrain au détri-ment de l’infinitif employé à la place de l’impératif. L’impératif de politesse est considéré comme plus convivial et moins technique : l’acheteur se sent directement concerné et mieux guidé (Göpferich, 1996, p. 81). Cela semble pourtant être une tendance récente. Ainsi, dans le corpus de Göpferich (1996), compilé quelques années avant celui de Stolze (1999), presque 60 % des ordres étaient encore formu-lés au moyen de l’infinitif.

L’hypothèse selon laquelle il s’agit d’une évolution récente en allemand est confirmée par les observations de Schmitt (1999b, p. 168 et 208). À l’issue de l’analyse d’un corpus de notices dans le domaine de l’industrie automobile, l’auteur conclut à un renversement de ten-

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dance dans la deuxième moitié des années nonante. Elle se manifes-terait dans le fait qu’un nombre croissant de fabricants allemands se sont mis à utiliser des formulations plus personnelles et à produire des notices colorées – à l’instar de ce qui était de coutume en France. Ce dernier constat est particulièrement intéressant, car il semble indiquer que l’allemand ait commencé à se rapprocher, à ce titre, de la conven-tion française (et anglo-américaine, bien entendu).

Il se peut d’ailleurs que les textes parallèles que nous avons distribués à nos répondants germanophes reflètent ce renversement de tendance. Ainsi, l’entreprise Ascom formule l’injonction de lire la no-tice pour son téléphone Tritel Luzern sous forme de demande polie, dans laquelle on renvoie explicitement à l’acheteur (Sie) et on illustre le gain que celui-ci tirera de la lecture :

Mit dem TRITEL Luzern haben Sie sich für ein Schweizer Qualitätsprodukt entschieden. Wir danken Ihnen für den Kauf. Bitte lesen Sie diese Bedienungsanleitung genau durch, damit Sie alle Vorzüge Ihres neuen TRITEL Luzern kennenlernen und anwenden können.

La même injonction est exprimée sous forme de conseil par l’entre-prise Philips pour son téléphone-fax-répondeur Magic Vox. Dans cette notice, on met également en avant l’avantage qu’aura l’acheteur à lire la notice, même si l’entreprise en bénéficiera sûrement aussi, sous forme d’un service clientèle moins sollicité, ce qui semble être l’un des buts non directement exprimés :

Um Ihnen unnötige Mühen zu ersparen, empfehlen wir Ihnen, die Bedienungsanleitung Ihres Gerätes sorgfältig zu lesen, bevor Sie sich mit Ihrem Händler oder der Service-Annahmestelle in Verbin-dung setzen.

Qu’en est-il du ton caractéristique des notices techniques rédigées en suédois et plus précisément de l’injonction de lire la notice ? Peut-on également y distinguer deux conventions dont la plus récente se rapprocherait de ce qui se pratique depuis plus longtemps au niveau des notices rédigées en français, à savoir un ton plus personnel ? Comme nous le disions dans la section 1.4, tout donne à penser qu’il n’existe pas d’ouvrages consacrés à la traduction technique s’adres-

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sant à un public suédophone. Nous pouvons cependant référer à Anward (1994) qui fait remarquer qu’il est devenu de plus en plus courant en suédois d’interpeller directement le receveur quand il s’agit de textes tels que les recettes de cuisine, la publicité ou la com-munication écrite diffusée par les autorités publiques. Le du ‘tu’ aurait remplacé les formulations impersonnelles comme le passif. Précisons à cet égard que le du suédois ne correspond au français tu et à l’allemand du qu’au niveau du système de la langue. En effet, dans la pratique, donc au niveau de la parole, il est également utilisé dans les cas où le français et l’allemand auraient recours au vous/Sie pour ex-primer l’idée de politesse. Toujours selon Anward (1994, p. 261), cette évolution est due au fait qu’on s’est mis à utiliser davantage le langage parlé comme ressource de la langue écrite.

Mårdsjö et Carlshamre (2000, p. 82) révèlent cependant les limites de cette évolution. Ainsi, les rédacteurs techniques suédois inter-viewés définissent la culture suédoise comme discrète et axée sur les faits. Ces mêmes rédacteurs disent éviter un style trop personnel dans les notices rédigées à l’intention du public suédois. De même, ceux d’entre eux qui consacrent une partie de leur temps à la traduction dé-clarent que les notices américaines prennent souvent un ton intime et importun qu’ils s’appliquent à atténuer en traduction suédoise. Dans l’ensemble, l’objectif de ces rédacteurs consiste à adapter les notices au public suédophone qui, selon eux, préfère un style sobre et moins expansif (Mårdsjö, 1992, p. 233). Cependant, à l’instar de ce que nous avons observé pour l’allemand, une deuxième convention semble ré-cemment être entrée en concurrence avec cette convention plus tradi-tionnelle. En nous reportant aux textes parallèles distribués à nos ré-pondants suédophones, nous constatons que le ton employé, proche du langage publicitaire, est plus convivial et exubérant que ne l’aurait laissé penser la convention traditionnelle. Ainsi, la notice de l’entre-prise Telia pour le téléphone-fax-répondeur Delphi 30 commence par :

Gratulerar till valet av Telia Delphi 30 ‘Nous vous félicitons pour le choix de Telia Delphi 30.’

Cet exemple est particulièrement révélateur. En effet, les rédacteurs techniques suédois interviewés par Mårdsjö (Mårdsjö et Carlshamre, 2000, p. 90) avaient justement donné comme exemple de style améri-

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cain expansif à éviter en suédois des formulations du genre Grattis till din nya produkt ‘félicitations pour votre nouveau produit’. La notice de Telia ne contient pas d’injonction de lire la notice. Nous avons pourtant inclus ici le passage dans lequel l’entreprise remercie, voire félicite, le client pour sa bonne décision d’achat, et ce pour la raison suivante : dans la présentation de la macrostructure des notices tech-niques, Göpferich (1995, p. 273-294) montre que les passages con-tenant respectivement l’injonction de lire la notice ainsi que des félici-tations pour la bonne décision d’achat se suivent d’habitude. Tous les deux appartiennent à la section Allgemeine Informationen. Voilà pour-quoi le ton employé pour remercier le client en dit sûrement quelque chose sur la façon dont l’entreprise aurait formulé l’injonction de lire la notice.

La notice livrée par l’entreprise Häger avec le téléphone Prins con-tient, contrairement à celle de Telia, un passage dans lequel on de-mande à l’acheteur de lire la notice :

Vi tackar för att du valt en HÄGER-telefon. Läs denna instruktion först och du kan ha glädje av din telefon i många år. ‘Nous vous remercions d’avoir choisi un téléphone HÄGER. Veuillez d’abord lire cette notice et votre téléphone vous procurera du plaisir pendant de nombreuses années.’

L’injonction de lire la notice y est formulée à l’aide d’un impératif. En suédois, l’impératif se construit sans interpellation directe du rece-veur, c’est-à-dire sans pronom personnel. Cela dit, l’injonction de lire la notice pour le téléphone Prins se caractérise par un style assez con-vivial et personnel. Précisons à ce titre également que la notice de Telia contient bon nombre d’illustrations qui rappellent des dessins animés et donnent à la notice un aspect ludique.

Au terme de ces considérations, nous pensons pouvoir affirmer qu’on peut déceler deux conventions dans la rédaction de notices tech-niques en allemand et en suédois : d’une part, un ton impersonnel et sobre, d’autre part, un ton personnel et convivial. La première conven-tion est plus ancienne, la deuxième convention plus récente. Nous verrons dans ce qui suit les choix que nos répondants ont faits pour rendre la rhétorique du texte de départ français. Nous nous focalise-rons sur les stratégies employées et les principes suivis pour traduire

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la subordonnée relative qui a été rédigée spécialement à votre intention. La stratégie d’intimité de l’entreprise y atteint son apogée. Aussi la subordonnée est-elle d’autant plus intéressante à analyser que nous n’avons pas trouvé de pendant dans des notices rédigées en alle-mand et en suédois. Nous nous attendions dès lors à ce que son traite-ment donne lieu à de nombreuses verbalisations.

4.2 Résultats Nous venons d’aborder quelques questions liées à la rhétorique des

notices techniques. Les sections 4.2.1 et 4.2.2 seront consacrées à la présentation des stratégies et principes apparaissant respectivement chez les répondants germanophones et chez les répondants suédo-phones. La section 4.3 contiendra, outre la discussion plus approfon-die de certains résultats, la comparaison du comportement des deux groupes linguistiques.

4.2.1 Le groupe germanophone Les tableaux 13 – 15 figurant à la fin de la présente section donnent

une vue d’ensemble des stratégies employées par les répondants germanophones pour traduire la subordonnée relative qui a été rédigée spécialement à votre intention.

Ils révèlent que les omissions constituent le type de stratégie employé le plus fréquemment. En effet, 3 étudiantes et 3 traductrices suppriment la subordonnée relative, une traductrice optant pour l’omission de l’adverbe intensif spécialement. Autrement dit, 50 % des stratégies employées par les répondants germanophones con-cernent des omissions. Précisons, à cet égard, que nous avons compté l’omission de l’ensemble de la subordonnée relative comme une seule omission ; ce commentaire vaudra également pour le groupe suédo-phone. Un deuxième type de stratégie pragmatique, celui de change-ment concernant la visibilité du traducteur, est employé par une traductrice ; celle-ci motive l’omission de la subordonnée relative sous forme d’une note à l’intention du donneur d’ouvrage fictif.

Évidemment, les changements concernant la visibilité du traducteur envisagés par Chesterman (1997) portent sur des notes figurant dans le texte d’arrivée définitif. Ainsi, un traducteur littéraire peut décider

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d’expliquer dans une note certains termes considérés comme exo-tiques. Nous avons néanmoins choisi de compter les notes dont nos ré-pondants assortissent leurs traductions comme relevant d’une straté-gie. Premièrement, elles constituent, malgré tout, une forme de mani-pulation textuelle, observable dans les textes d’arrivée rendus par les répondants ; deuxièmement, et c’est peu surprenant, les protocoles indiquent qu’elles sont le résultat du constat d’un problème. Toujours par rapport aux tableaux, nous constatons, ensuite, 5 occurrences de stratégies syntaxico-grammaticales. Il s’agit de 3 changements d’uni-té, d’une traduction littérale ainsi que d’un changement concernant la cohésion. Pour ce qui est du troisième groupe de stratégies figurant dans la taxinomie de Chesterman, à savoir les stratégies sémantiques, nous ne comptons qu’un seul cas. Ainsi, une étudiante change légère-ment le sens de la subordonnée relative en la paraphrasant sous forme d’une formule quasiment toute faite du langage publicitaire allemand.

Comme on vient de le voir, une majorité des répondants germano-phones optent pour des stratégies qui entraînent une certaine atténuation de la rhétorique de l’original français. Quelle a été la réac-tion du réviseur-traducteur ? Le segment du texte de départ dont il est question ici n’a été révisé que par un seul réviseur. Par ailleurs, les commentaires sont plus succincts que dans le cas du segment traité dans le chapitre 3. Voilà pourquoi nous avons inclus ses commentaires portant sur la traduction de la subordonnée relative dans les tableaux 13 et 14. Ils montrent qu’il a une préférence pour l’omission de la subordonnée relative. Avec un bémol toutefois : il considère la traduc-tion de Heidi (É-CH), traduction reposant justement sur l’omission de la subordonnée, comme libre. Nous ne pouvons bien entendu pas ex-clure le fait qu’il s’agisse d’une négligence ou d’une incohérence. Ce-pendant, on peut penser que le commentaire porte sur la traduction du paragraphe tout entier, qui repose sur des omissions d’autres éléments pertinents du point de vue de la rhétorique, comme les adjectifs et adverbes intensifs meilleures et très.

Si les omissions l’emportent à la fois dans le groupe des étudiantes et dans celui des traducteurs, il peut être intéressant de nous y attarder un instant. Plus précisément, il nous faut nous demander quels prin-cipes de traduction sous-tendent la décision de ces répondants d’opter

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pour cette stratégie, si principes il y a. Faisons quelques commentaires généraux d’entrée de jeu. Tout d’abord, nous recensons à la fois chez les étudiantes et les traducteurs des verbalisations indiquant des prin-cipes de traduction, principalement sous forme de stratégies globales, mais aussi de commentaires procéduraux. Aussi ressort-il des proto-coles que si la traduction de la subordonnée relative ne se fait pas sans heurts, l’incertitude y est moins grande que lors de la traduction du passage dont nous parlions dans le chapitre 3. Et finalement, nous constatons que parmi les répondantes ayant opté pour la stratégie d’omission, les étudiantes font valoir des différences plus fondamen-tales entre le français et l’allemand que les traductrices.

Voici d’abord les traductions des 6 répondantes germanophones qui ont procédé à l’omission de la subordonnée relative. Nous les présen-tons dans l’ordre alphabétique, les traductions des étudiantes précé-dant celles des traductrices :

Bitte lesen Sie die Bedienungsanleitung aufmerksam durch, damit ein einwandfreies Funktionieren des Gerätes gewährleistet ist.

(Flavia, É-CH)

Bevor Sie Ihr Gerät benutzen, raten wir Ihnen, die Bediedungsanleitung [sic] aufmerksam durchzulesen.

(Heidi, É-CH)

Bitte lesen Sie diese Anleitung vor der Installation genau durch, um GALEO 4710 möglichst praktisch anwenden zu können.

(Sophia, É-CH)

Damit Sie Ihr GALEO 4710 stets effizient und unter den besten Bedingungen benutzen können, empfehlen wir Ihnen, die vorlie-gende Installationsanleitung sehr aufmerksam durchzulesen.

(Fanny, T-CH)

Fanny (T-CH) assortit la traduction de ce passage de la note sui-vante :

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rédigée exprès à votre intention: habe ich weggelassen, weil es den Satz nur schwerfälliger macht und im Grunde selbstverständlich ist

Lesen Sie bitte diese Kurzanleitung aufmerksam durch, dies wird Ihnen die effiziente und angenehme Bedienung des GALEO 4710 erleichtern.

(Sonja, T-CH)

Damit Sie Ihren Galeo 4710 optimal nutzen können, empfehlen wir Ihnen, die nachfolgende Schnellinstallationsanleitung genau durchzulesen.

(Tamara, T-CH)

À l’exception de Tamara (T-CH), toutes les répondantes ont produit des verbalisations portant sur la subordonnée relative. Nous les examinons à tour de rôle. Voici comment raisonne Flavia (É-CH) :

[15] [Flavia] afin d’utiliser votre (1s) efficacement et dans les meilleures conditions nous vous conseillons de lire très attentivement cette notice d’installation rapide wir bitten Sie (3s) wie haben die das da geschrieben? (Ascom) bitte lesen Sie (4s) dann hätte ich keinen Infinitiv (2s) bitte lesen Sie (5s) diese (2s) Bedienungsanleitung (1s) aufmerksam durch (3s) aufmerksam durch (4s) qui a été rédigée spécialement à votre intention (2s) brauchts eigentlich nicht (7s) (Ascom) qui a été rédigée spécialement à votre intention (2s) nein (()) bitte lesen Sie diese Bedienungsanleitung aufmerksam durch

[16] [Flavia] bitte lesen Sie die die Bedienungsanleitung diese Bedienungsanleitung die Bedienungsanleitung aufmerksam durch damit (1s) Sie das Gerät efficacement (1s) damit das Gerät (3s) zum bestmöglichen Einsatz kommt damit das Gerät (2s) damit (2s) bitte lesen Sie die Anleitung aufmerksam durch (3s) damit (3s) was machen die da? (10s) (Philips) keine Werbung (6s) damit ein (3s) gewährleistet ist damit ein (3s) bestmöglicher Einsatz (1s) bestmöglicher Einsatz des Gerätes ist etwas hochgestochen

Les extraits [15] et [16] font apparaître que Flavia (É-CH) consulte les deux textes parallèles pour voir comment l’injonction de lire la

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notice peut être formulée en allemand. En effet, elle dit explicitement wie haben die das da geschrieben? et was machen die da? Ces consul-tations lui semblent suggérer au moins trois choses. Tout d’abord, elles suggèrent la suppression du dialogue fictif en remplaçant ce qui est donné sous forme de conseil dans l’original français par un impé-ratif poli en allemand. Ainsi, en mettant Bitte lesen Sie die Bedie-nungsanleitung aufmerksam durch, Flavia (É-CH) choisit une formu-lation qui est proche de celle qui figure dans la notice de l’entreprise Ascom (Bitte lesen Sie diese Bedienungsanleitung genau durch), sans en être une copie exacte. Deuxièmement, nous constatons, dans l’extrait [15], que l’étudiante retourne à la notice de l’entreprise Ascom lorsqu’elle doit valider sa décision de supprimer la subordon-née relative qui a été rédigée spécialement à votre intention ; la négation ‘non’ pourrait indiquer qu’elle maintient la décision de sup-primer la subordonnée parce que le texte parallèle ne contient pas de passage analogue.

Ensuite, l’extrait [16] donne à penser que Flavia (É-CH) consulte la notice de Philips pour trouver une formulation allemande qui soit l’équivalent du segment dans les meilleures conditions. Le protocole révèle, implicitement, qu’elle considère cette expression comme rele-vant du langage de la publicité. Elle constate cependant que le texte parallèle ne contient pas de tournure publicitaire similaire (keine Werbung) et déclare plus tard que bestmöglich est un peu prétentieux (ist etwas hochgestochen). Lors de la révision, elle remplacera ce terme par une solution qu’elle semble estimer moins expansive, c’est-à-dire einwandfrei.

La considération de ces exemples et de la traduction entière suggère que la consultation de textes parallèles pour trouver des formulations adaptées au contexte suisse (et, par conséquent, moins expansives) et pour valider les solutions trouvées constitue une stratégie globale chez Flavia (É-CH). En effet, de nombreuses solutions de traduction sont inspirées des notices rédigées par les entreprises Ascom et Philips (exemples : le remerciement pour la bonne décision d’achat, la réfé-rence au service clientèle ou encore les instructions données dans la deuxième partie du texte à traduire). Précisons cependant que si l’étu-diante s’inspire des textes parallèles, on ne peut dire que sa traduction

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frise le plagiat. Nous verrons dans la section suivante que ce risque existe chez une autre répondante. Le protocole et la traduction de Flavia (É-CH) révèlent également que cette étudiante cherche à atté-nuer en général le ton personnel de l’original français (exemple : elle enlève aussi le déterminant possessif dans les différentes occurrences du segment votre Galeo). On peut penser que l’idée selon laquelle l’allemand réclamerait un style moins personnel constitue une convic-tion générale que l’étudiante tente de valider par le biais de consulta-tions de textes parallèles rédigés en allemand.

Venons-en à une deuxième étudiante, Heidi (É-CH) : [17] [Heidi] qui a été rédigée spécialement à votre (.) intention

(10s) ob das heissen soll (elle rit) dass diese Anleitung extra für die Kunden nochmals ähm (1s) ja umgeschrieben wurde (3s) oder anders gemacht haben oder so (.) ist etwas seltsam (7s) hm also mit so Sachen weglassen ist natürlich immer etwas (2s) also ich denke da müsste man dann mit dem Auftraggeber noch sprechen und sagen ja im Deutschen würde das schon etwas ungewöhnlich klingen das ist nicht üblich dass man in so (1s) so gewisse Ausdrücke reinbringt damit er nicht meint man habe es einfach vergessen oder (2s) oder weggelassen (2s) also ich denke da würde es absolut reichen wenn man schreibt bevor (()) bevor Sie Ihr Gerät (1s) ähm benutzen raten wir Ihnen (.) die Bedienungsanleitung (.) ähm (2s) durchzulesen aufmerksam durchzulesen

L’extrait [17] montre que la réaction de l’étudiante face à la stratégie d’intimité de l’entreprise est une réaction d’incompréhension qui la fait même rire. Aussi déclare-t-elle que de telles formulations ne sont pas habituelles en allemand. Ces réflexions lui suggèrent l’idée de procéder à une omission. Nous trouvons dans la suite une verbali-sation pouvant être interprétée comme principe de traduction. Il s’agit d’un commentaire procédural. En effet, Heidi (É-CH) déclare qu’elle ne procéderait à une omission qu’après en avoir discuté avec le donneur d’ouvrage (da müsste man dann mit dem Auftraggeber sprechen), de peur que ce dernier ne pense qu’elle ait simplement oublié de traduire la subordonnée (damit er nicht meint man habe es einfach vergessen). Aussi dit-elle also mit so Sachen weglassen ist natürlich immer etwas... Voilà pourquoi ce commentaire nous semble

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révéler comment l’étudiante procéderait non seulement en l’espèce, mais aussi en général, lorsqu’elle doit valider une décision d’omis-sion. Et tout donne à penser que dans de telles situations, elle prend une attitude de prudence.

Signalons encore que la verbalisation selon laquelle le style adopté dans la subordonnée relative de l’original français ne serait pas habi-tuel en allemand pourrait être interprétée comme une justification po-tentielle fournie au donneur d’ouvrage fictif pour motiver l’omission. Une nouvelle fois, nous constatons donc que la décision d’omission entraîne presqu’invariablement un besoin de justification.

Voici les verbalisations de la troisième étudiante ayant opté pour l’omission de la subordonnée relative. Il s’agit de Sophia (É-CH) :

[18] [Sophia] um Ihre Anwendung von Galeo zu optimieren nein (2s) um von allen Vorzügen profitieren zu können (1s) dann les ich es nochmals durch (5s) es muss ja nicht so genau sein sie müssen ja nur Lust darauf kriegen (3s) aber diese Anlei-tung (2s) die speziell für Sie (3s) geschrieben worden ist aber das klingt auch komisch das hab ich noch nie gelesen (1s) ich glaub das lass ich einfach aus (.) das sagt man nicht auf Deutsch (8s) nein das lass ich aus das schreib ich nicht das klingt blöd (1s) diese Anleitung die (.) die speziell für Sie geschrieben wurde nein (5s) votre Galeo das schreib ich auch nicht Ihr (.) Galeo einfach

[19] [Sophia] afin d’utiliser efficacement et dans les meilleures conditions (.) nous vous conseillons de lire très attentivement cette notice (3s) bitte lesen Sie diese Anleitung vor der Installation genau durch um von allen Vorzügen von Galeo profitieren zu können (.) ja das hab ich ja ausgelassen qui a été rédigée spécialement à votre intention aber ich glaub das braucht es nicht also so schmeicheln braucht man den Leuten nicht die das Gerät gekauft haben

Les extraits [18] et [19] contiennent certains indicateurs permettant l’hypothèse que la décision prise par cette étudiante de supprimer la subordonnée relative est liée à l’application d’une stratégie globale. Cette stratégie est verbalisée explicitement au début de l’extrait [18]. En effet, l’étudiante déclare que ce qui compte, au moins dans la par-tie introductive de la notice, ce n’est pas la similarité sémantique entre

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texte de départ et texte d’arrivée, mais bien de faire en sorte que l’acheteur s’intéresse (es muss ja nicht so genau sein sie müssen ja nur Lust darauf kriegen), qu’il soit intéressé soit par la lecture de la notice, soit par le bon usage du produit. Nous ne saurons dire pour laquelle de ces alternatives opte Sophia (É-CH), mais nous avons montré dans la section 4.1 que ces deux aspects sont intimement liés. Il est vrai que la verbalisation porte d’abord sur le segment dans les meilleures condi-tions. Nous constatons cependant que Sophia (É-CH), conformément au principe que la traduction ne doit pas suivre fidèlement le texte de départ, supprime non seulement la subordonnée relative, mais aussi d’autres éléments pertinents du point de vue de la rhétorique, comme le déterminant possessif dans les différentes occurrences du syntagme nominal votre Galeo (voir fin de l’extrait [18] : Galeo einfach).

Parallèlement, le protocole contient des indicateurs révélant que les processus décisionnels concernant la traduction de la fonction rhéto-rique du texte de départ sont guidés, chez cette étudiante, par la con-ception qu’en allemand, on s’attend à un style plus sobre, ou que l’allemand s’en sort avec moins pour réaliser le même effet que le français. En témoigne, par exemple, la verbalisation apparaissant à la fin de l’extrait [19] selon laquelle il n’est pas nécessaire de flatter l’acheteur au point de déclarer que la notice a été rédigée spécialement à son intention. Elle révèle, en outre, que l’étudiante résiste à la straté-gie d’intimité employée par l’entreprise pour créer un maximum de proximité avec l’acheteur. Ces verbalisations constituent des éva-luations de solutions de traduction provisoires. On peut donc les con-sidérer comme révélant une théorie personnelle de la traduction.

Signalons, en dernier lieu, que la verbalisation apparaissant dans l’extrait [18], diese Anleitung (2s) die speziell für Sie (3s) geschrieben worden ist aber das klingt auch komisch das hab ich noch nie gelesen pourrait être un indicateur du fait que les étudiantes germanophones ont travaillé pendant un trimestre sur des notices techniques et qu’elles disposent donc de certaines connaissances sur le genre des notices techniques. Nous trouvons, en effet, chez certaines d’entre elles des références plus ou moins explicites à cet enseignement sous forme de verbalisations indiquant ce que l’enseignant leur a conseillé de faire. Exemples : recours à l’impératif de politesse plutôt qu’à l’infinitif,

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cohérence au niveau du vocabulaire technique, préférence du mode actif au mode passif. Autant de recommandations donc qui pourraient se révéler constituer des stratégies globales entrant en jeu dans le pro-cessus de traduction des étudiantes germanophones.

Venons-en maintenant aux verbalisations produites par les traduc-trices. Nous commençons par Fanny (T-CH) :

[20] [Fanny] ach jetzt kommt dieser doofe Satz (3s) permet ah ja afin de nous vous conseillons de lire très attentivement (3s) (elle soupire) das ist wirklich so ein bisschen aufgebläht (5s) äh (2s) gut ich lass den Anfang so (1s) damit der Benutzer merkt aha also gut ich man sorgt sich darum dass ich alles äh dann bestens bedienen kann (.) deshalb fang ich mit diesem damit durchaus an damit Sie äh empfehlen wir Ihnen (2s) die vorliegende (2s) äh Sch- die vorliegende (4s) also ich schmeiss das raus die eigens dafür entwickelt wurde Schmar-ren das ist doch sowieso spezifisch für das Gerät (1s) empfeh-len wir Ihnen die folgende Installationsanleitung sehr auf-merksam durchzulesen (7s) damit Sie Ihr Galeo (()) benutzen können empfehlen wir Ihnen die vorliegende Installations-anleitung sehr aufmerksam durchzulesen (2s) soll ich da eine Fussnote machen oder reicht mein Kommentar? (2s) ja doch wenn ich da jetzt so tue als ob das eine echte Arbeit wäre für einen Kunden mache ich eine Fussnote und erkläre warum ich diesen Teil rausgeschmissen habe insertion note (4s) wie war der französische Satz? äh rédigée äh exprès (4s) à votre intention (2s) habe ich weggelassen (2s) weil es den Satz nur schwerfälliger macht und im Grunde äh selbstverständlich ist (2s) okay also haben wir erklärt warum wir (1s) dieses Stück da weggeschmissen haben (4s) ja hört sich doch jetzt viel besser an (3s) damit Sie Ihr Galeo stets effi- Galeo stets effizient und unter den besten Bedingungen benutzen können (2s) empfehlen wir Ihnen die vorliegende Installations-anleitung sehr aufmerksam durchzulesen genau

L’extrait [20] révèle que Fanny (T-CH) aspire à un compromis lors de la traduction du passage contenant l’injonction de lire la notice : le désir de rendre ce qu’elle croit être l’intention de l’auteur du texte de départ, à savoir faire comprendre à l’acheteur que l’entreprise prend ses besoins au sérieux (ich lass den Anfang so damit der Benutzer

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merkt man sorgt sich darum dass ich alles bestens bedienen kann), tout en cherchant à trouver une solution qui évite le style un peu pompeux de l’original français (jetzt kommt dieser doofe Satz; das ist wirklich so ein bisschen aufgebläht). Résultat : la traductrice supprime la subordonnée relative (also ich schmeiss das raus; Schmarren das ist doch sowieso spezifisch für das Gerät). Elle fait pourtant figurer la subordonnée relative dans le texte d’arrivée, sous forme d’une note. Fanny (T-CH) y déclare qu’elle considère la subordonnée relative comme lourde et redondante en allemand et qu’elle va la supprimer (wenn ich da jetzt so tue als ob das eine echte Arbeit wäre für einen Kunden mache ich eine Fussnote und erkläre warum ich diesen Teil rausgeschmissen habe). Signalons cependant que si cette traductrice supprime la subordonnée relative, elle va non seulement maintenir d’autres éléments pertinents du point de vue de la rhétorique (par exemple le déterminant possessif dans les différentes occurrences du syntagme nominal votre Galeo), mais également introduire de nou-veaux éléments ayant une telle fonction (l’adverbe stets).

Les verbalisations mentionnées peuvent être interprétées comme révélant deux types de principes de traduction. Primo, la décision d’ajouter une note expliquant pourquoi la traductrice supprime la subordonnée relative est un commentaire procédural. Il met une nouvelle fois en évidence le besoin de justification en cas d’omission de segments plus longs. Le contenu de la note révèle, de plus, qu’un des motifs sous-jacents à la décision de cette traductrice de procéder à une omission est la complexité syntaxique. Nous entrerons plus en détail sur cet aspect lors de la présentation du protocole de la tra-ductrice suivante, à savoir Sonja (T-CH). Signalons, pour l’instant, simplement que l’argument de complexité syntaxique n’est pas expli-citement présent dans les protocoles des étudiantes en traduction.

Secundo, les verbalisations nous renseignent également sur un principe de traduction sous forme de stratégie globale. En effet, Fanny (T-CH) dit qu’elle va maintenir la structure du texte de départ au début, pour que l’acheteur sache qu’on s’occupe de lui, tout en se per-mettant de s’en détacher dans la suite du paragraphe en supprimant la subordonnée relative. La prise en compte de ce que cette traductrice considère être les besoins des acheteurs, ainsi que la recherche d’un

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compromis entre le respect des décisions prises par l’auteur du texte de départ et ce qu’elle considère comme adapté au contexte suisse, sont bel et bien deux exemples de stratégies globales. La seule con-sidération du présent extrait de protocole ne nous permet pas, bien entendu, de conclure à la présence de stratégies globales. Contraire-ment à Sonja (T-CH ; nous y reviendrons), nous ne trouvons pas chez Fanny (T-CH) de verbalisations qui révèlent un principe général pour la traduction de la rhétorique du texte de départ. Ce que nous devons faire, c’est comparer nos observations portant sur sa façon de traiter un problème d’ordre rhétorique avec celles qui se dégagent du traitement d’autres types de problèmes. Force est alors de constater une stabilité concernant les stratégies employées. En effet, nous avons montré, dans la section 3.2.1, que l’invocation des besoins des ache-teurs semble être prototypique du comportement traductif de Fanny (T-CH) pour la traduction de termes techniques. Qui plus est, elle essaie de trouver là aussi un compromis entre le respect des choix faits par l’auteur du texte de départ et l’adaptation à ce qu’elle pense être les besoins et les attentes des receveurs suisses alémaniques. Voilà un exemple de stabilité intrasujet sur le plan des stratégies employées. Nous en donnerons d’autres plus loin.

Examinons finalement plus en détail les verbalisations d’une deuxième traductrice germanophone qui a opté pour la stratégie d’omission. Il s’agit de Sonja (T-CH) :

[21] [Sonja] werden wir da mal etwas Schmus beibehalten aber nicht ganz so üppig wie im Französischen

[22] [Sonja] nicht ganz so anpreisend wie im Französischen

[23] [Sonja] afin d’utiliser (1s) nous vous conseillons also das wir passt mir gar nicht (.) lesen Sie (.) genau diese (.) Kurzan-leitung aufmerksam durch (.) äh die erste Person ist nicht sehr üblich im Deutschen (.) qui a été rédigée à votre intention ist ja wohl logisch so (.) ähm lesen Sie bitte bleiben wir höflich äh diese Kurzanleitung aufmerksam durch (1s) ähm (5s) afin d’utiliser (elle soupire) lesen Sie bitte durch um zu benutzen ein bisschen blöd hm? (5s) äh vielleicht können wir mit um zu anfangen (()) soll Ihnen helfen (3s) die das aufmerksame Lesen (.) hilft Ihnen dabei so irgendwie so was hm? (.) oder wir schliessen direkt an den andern Absatz an durch dadurch

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(2s) äh wird (5s) dadurch wird Ihnen erleichtert irgend so was hm? (.) wird Ihnen die effi- äh effiziente (.) Bedienung (2s) Verwendung Bedienung? Bedienung (.) die effiziente und (.) angenehme für meilleures conditions beste Bedienung (ist ja wohl) (()) Bedienung (1s) des Galeo vier sieben eins zehn er-leichtern und dann lassen wir das bisschen à votre intention sein das klingt wirklich zu albern

Les extraits [21] et [22] ne portent pas spécifiquement sur la traduc-tion de la subordonnée relative, mais reflètent la réaction de Sonja (T-CH) à la partie introductive et plus particulièrement à la traduction de la fonction rhétorique, après la première lecture du texte de départ. Ils révèlent une stratégie globale sous-jacente : celle d’atténuer la rhé-torique, mais pas trop (werden wir da mal etwas Schmus beibehalten aber nicht ganz so üppig wie im Französischen; nicht ganz so anprei-send wie im Französischen). Les commentaires évaluatifs qui a été rédigée à votre intention ist ja wohl logisch so et lassen wir das bisschen à votre intention sein das klingt wirklich zu albern figurant dans l’extrait [23] peuvent être interprétés comme constituant une suite naturelle de l’adhérence à la stratégie globale verbalisée tôt dans l’exécution de la tâche de traduction. Ils révèlent, en outre, que la stratégie d’intimité échoue chez cette répondante. Nous constatons également que Sonja (T-CH) élimine le déterminant possessif dans les différentes occurrences du groupe nominal votre Galeo. L’extrait contient, de plus, une référence aux conventions pour la rédaction de notices techniques en allemand : Sonja (T-CH) estime que l’emploi du pronom personnel wir, pour faire référence à l’entreprise, est inhabi-tuel. Conformément à cette conviction, elle élimine à certains endroits le dialogue fictif entre l’entreprise et l’acheteur.

Il ressort encore un autre aspect intéressant du protocole de Sonja (T-CH). Nous l’avons déjà abordé brièvement : la traduction de la subordonnée relative peut non seulement constituer un problème d’ordre rhétorique, mais aussi syntaxique. En nous reportant à l’origi-nal français, nous constatons que le paragraphe contenant l’injonction de lire la notice est composé d’une seule phrase. Il s’agit d’une phrase complexe, formée d’une principale et de trois subordonnées. Le mode de composition est assez transparent : les différentes propositions se suivent, il n’y a pas d’insertion d’une proposition à l’intérieur d’une

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autre. En allemand, une construction identique n’est pas possible. Si on décide de traduire la subordonnée relative littéralement, elle devrait normalement être insérée au sein d’une autre proposition (à savoir entre de lire très attentivement cette notice d’installation rapide), ce qui donne diese Bedienungsanleitung, die speziell für Sie geschrieben wurde, aufmerksam durchzulesen. Il en résulte une construction qui peut être ressentie comme plus complexe encore que celle de l’original français. À la lecture des tableaux 13 et 14, nous constatons que certains répondants, à savoir Deborah (É-CH), Adina (T-CH) et Laurent (T-CH), tentent d’y remédier en ayant recours à un change-ment d’unité. Deborah (É-CH) coupe la phrase en deux, alors qu’Adina (T-CH) et Laurent (T-CH) traduisent la subordonnée rela-tive sous forme d’un participe épithète (respectivement diese für Sie verfasste Kurzanleitung et diese speziell für Sie abgefasste Kurzanleitung).

En somme, nous ne pouvons exclure que l’omission à laquelle procède Sonja (T-CH) ne soit pas au moins partiellement motivée par le désir de résoudre un problème syntaxique. Mais même s’il en est ainsi, les verbalisations contiennent des preuves assez fortes que l’omission est aussi liée à l’adhérence à un principe de traduction ex-plicite, celui d’atténuer quelque peu la rhétorique. De plus, la verbali-sation de la stratégie globale pour la traduction de la rhétorique du texte de départ arrive plus tôt chez cette traductrice que chez les étu-diantes, c’est-à-dire dès la fin de la première lecture du texte de départ, avant qu’elle n’entame la traduction du paragraphe contenant l’injonction de lire la notice.

Nous voilà arrivé à la fin de la section consacrée aux résultats de nos analyses concernant la traduction de la subordonnée qui a été rédigée spécialement à votre intention par les répondants germano-phones. Après les tableaux synoptiques déjà commentés suivra la section où nous rendrons compte du comportement du groupe suédo-phone.

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Tableau 15 : Répartition des stratégies employées par le groupe germanophone pour traduire la séquence incitative

Stratégies Étudiantes Traducteurs Traduction littérale (G1) 1 - Transposition (G3) - - Changement d’unité (G4) 1 2 Changement concernant la cohésion (G8) 1 - Total stratégies syntaxico-grammaticales 3 2 Paraphrase (S8) 1 - Total stratégies sémantiques 1 - Omission (Pr3) 3 4 Changement concernant la visibilité du traducteur (Pr8)

- 1

Total stratégies pragmatiques 3 5 Nombre total des stratégies employées 7 7

130

4.2.2 Le groupe suédophone Les tableaux 16 – 18 figurant à la fin de la présente section donnent

un aperçu des stratégies employées par les répondants suédophones pour traduire la subordonnée relative qui a été rédigée spécialement à votre intention. Ils révèlent que dans l’ensemble, les étudiantes sont plus promptes à se détacher du texte de départ, soit en supprimant la subordonnée relative qui a été rédigée spécialement à votre intention, soit en la mettant en retrait, ou alors en supprimant l’adverbe intensif spécialement. Un commentaire supplémentaire s’impose par rapport à la traduction de Camilla (É-SE). Cette étudiante décide de mettre la subordonnée entre parenthèses. Le protocole de verbalisation révèle qu’elle considère la subordonnée comme redondante, mais qu’elle laisse au donneur d’ouvrage le choix de décider s’il veut la maintenir dans la version définitive. La mise entre parenthèses se rapproche donc d’une omission (ou d’un changement concernant la visibilité du traducteur). Les traducteurs, quant à eux, préfèrent des stratégies qui leur permettent de rester, somme toute, plus proches du texte de départ. Deux traductrices choisissent une traduction littérale. Deux autres traducteurs procèdent à des changements syntaxiques mineurs (transformation de la subordonnée relative en proposition indépen-dante ou en groupe participial apposé). Un traducteur paraphrase la subordonnée relative par une formule quasiment toute faite du langage publicitaire suédois. Une traductrice seulement décide de supprimer la subordonnée relative.

Attardons-nous un instant sur les différentes solutions de traduction proposées pour traduire le segment à votre intention. Les deux solu-tions les plus naturelles et figurant dans les dictionnaires sont för dig et för din skull. La première solution entraîne, par rapport à l’original français, une concentration. Nous recensons 3 cas de concentrations dans le groupe suédophone. Dans le groupe germanophone, nous avons également constaté 3 cas où la locution prépositionnelle à votre intention a été rendue par für Sie, pendant de la construction suédoise för dig. Nous ne les avons cependant pas considérés comme des con-centrations et, partant, comme des stratégies. En effet, en allemand, il n’existe qu’une solution de traduction naturelle, für Sie, contrairement au suédois donc, où le traducteur doit faire un choix. En témoigne

131

aussi le fait que, parmi les 4 répondants germanophones qui traduisent la subordonnée, 3 optent pour für Sie, alors que dans le groupe suédo-phone, ils ne sont que 3 sur 7.

Comment le réviseur-traducteur a-t-il réagi aux solutions de traduction proposées par nos répondants ? Il ressort de la lecture des tableaux 16 et 17 qu’il affiche, à l’instar de son homologue germano-phone, une préférence pour l’omission de la subordonnée relative, en-traînant une atténuation de la rhétorique. Un bémol toutefois : la ver-sion d’Agneta (É-SE) se voit attribuer la remarque omission, alors que celle de Sanna (É-SE) est taxée de bonne solution de simplification. Peut-être cette apparente incohérence dans la révision reflète-elle le fait suivant : lors de l’entrevue, le réviseur-traducteur explique avoir commencé le travail de révision des traductions en les jugeant en premier lieu comme des traductions. C’est seulement par après qu’il s’est mis à les considérer comme des textes techniques qui devaient remplir efficacement leur fonction. Exemple : il dit, par rapport à la traduction que propose Camilla (É-SE) pour la subordonnée relative, qu’il s’agit d’une solution correcte, si on considère le texte comme une traduction. En revanche, on ne mettrait pas, d’après lui, som skrivits särskilt för dig ‘rédigée spécialement à votre intention’ dans un texte rédigé originalement en suédois. Le réviseur met en avant une analogie avec le genre des lettres commerciales. Selon lui, les lettres commerciales françaises contiennent beaucoup plus de formules de politesse que celles qui sont rédigées directement en suédois. Signalons que les propos du réviseur-traducteur peuvent être inter-prétés comme révélant deux principes dans la révision de traductions : (1) la révision des textes d’arrivée comme des traductions, (2) la révision des textes d’arrivée comme des textes devant correspondre aux normes d’exigence pour des textes rédigés directement en suédois.

Notre prochaine étape consiste à nous demander quels principes de traduction sont sous-jacents aux différents choix de stratégies faits par nos répondants. Pour ce faire, nous avons décidé de présenter les extraits de protocole des répondants qui ont opté pour une omission complète ou partielle de la subordonnée relative. Nous donnerons également les verbalisations de Camilla (É-SE), puisque sa traduction se rapproche d’une omission, et celles de Kristina (T-SE). Cette

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dernière n’a pas supprimé la subordonnée relative. Son protocole démontre, cependant, dans quelle mesure les processus mentaux con-cernant le traitement de différents types de problèmes peuvent se res-sembler. Voici d’abord les versions des 6 répondantes dont nous pré-senterons les protocoles :

För att Ni skall kunna använda er GALEO 4710 på ett effektivt sätt, samt under bästa förhållanden1, råder vi er att läsa dessa installa-tionsanvisningar2 noggrant3.

(Agneta, É-SE)

Agneta (É-SE) ajoute les trois notes suivantes : 1nja... ‘bof...’ 2för att betona ‘pour souligner’ 3Är det ok att ta bort ”som har skrivits speciellt för er?” Jag tycker det är överflödigt. ‘Est-ce okay de supprimer ‘qui a été rédigée spécialement à votre intention ?’ Je trouve que c’est superflu.’

Läs noggrant igenom installationsanvisningen innan apparaten tas i bruk.

(Sanna, É-SE)

För att du ska kunna använda GALEO 4710 på bästa sätt bör du läsa installationsanvisningen noggrant.

(Elin, T-SE)

För att du skall få bäst möjliga utbyte av din GALEO 4710 så föreslår vi att du noga läser den här snabbinstruktionen, som vi har skrivit för din skull.

(Ylva, É-SE)

För att ni ska kunna använda Galeo 4710 effektivt och på bästa sätt, råder vi er att mycket noggrant läsa denna installationsanvisning (som skrivits särskilt för dig).

(Camilla, É-SE)

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För att använda din GALEO 4710 på ett effektivt sätt under de bästa förhållanden, rekommenderar vid [sic] dig att läsa mycket noggrant detta sammandrag av snabbinkoppling, som formulerats speciellt för ditt behov.

(Kristina, T-SE)

Commençons par Agneta (É-SE) qui décide de supprimer la subordonnée relative, à l’instar de la majorité des répondants germa-nophones :

[24] [Agneta] okej då kör jag med Ni eftersom jag har börjat så (2s) för att Ni (9s) jag fyller gärna in ett skall (.) för att Ni skall kunna (()) (5s) använda (6s) ja Er det blir (2s) Galeo (4s) äh efficace- efficacement (2s) på (2s) effektivt sätt (13s) samt (4s) et dans les meilleures conditions (4s) jag vet inte riktigt (2s) vad jag skulle skriva (15s) alltså det betyder väl egentligen under bästa förhållanden (16s) jag skriver det men det hade jag ändrat för det är ingen idiomatisk svenska ... som har skrivits (1s) speciellt utformad för Er det låter ju konstigt (7s) jag kommer inte ihåg om jag har slagit upp det där vad jobbigt (6s) qui a été rédigée spécialement à votre intention (3s) alltså som har skrivits alltså speciellt för Er intention (2s) får jag slå upp igen (Norstedts F-S: intention) ... som har skrivits speciellt för Er det är ganska självklart och jag skulle helst vilja ta bort det men jag kan inte bara stryka allt det där ... jag tror jag skulle ha ringt och frågat om jag kunde ta bort det för det är faktiskt självklart att den är skriven till kunden (2s) låter lite krystad på svenska (21s) jag skriver att jag tycker att det är (2s) överflödigt

Le protocole d’Agneta (É-SE) nous permet d’illustrer un aspect du travail de Jääskeläinen (1999, p. 178) que nous n’avons pas encore abordé : l’identification d’un principe de traduction dans un protocole de verbalisation ne nous autorise pas à conclure que le répondant sait ce qu’on attend de lui ou ce qui est permis en traduction. Il faut, en outre, analyser comment un tel principe est exprimé (voir aussi Englund Dimitrova, 2003b).

En nous référant à la traduction d’Agneta (É-SE ; voir appen-dice 2), nous constatons que l’étudiante ajoute 10 notes à l’intention du donneur d’ouvrage fictif. Elles ont laissé des traces dans le

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protocole sous forme de commentaires procéduraux. Par exemple, l’étudiante dit, dans l’extrait [24], qu’elle aurait appelé le donneur d’ouvrage pour lui demander si elle peut supprimer la subordonnée relative. D’après elle, il est évident que la notice a été rédigée à l’in-tention du client. Il s’agit d’une réaction d’incompréhension à la stratégie d’intimité de l’entreprise (jag tror jag skulle ha ringt och frågat om jag kunde ta bort det för det är faktiskt självklart att den är skriven till kunden). Le commentaire procédural signale que l’étu-diante sait qu’il est légitime de se faire aider par des personnes-ressources, en l’occurrence par le donneur d’ouvrage. Relevons toute-fois que le commentaire en question est associé à un marqueur linguis-tique d’incertitude, sous forme d’expression de modalité épistémique : jag tror jag skulle ha ringt ‘je pense que j’aurais appelé.’ En plus, Agneta (É-SE) adopte non moins de trois variantes pour signaler, dans le texte d’arrivée, son intention de consulter le donneur d’ouvrage : des notes, des points d’interrogation et des guillemets.

D’après Delisle (1993, p. 37-38), les notes de traducteur ne sont pas un aveu d’échec, mais fournissent un complément d’information jugé indispensable. Bien entendu, Delisle fait référence à des notes figurant dans le texte d’arrivée définitif. Mais ses propos sont pertinents pour notre analyse, tout comme ceux de Bédard (1986, p. 88). D’après cet auteur, la consultation du donneur d’ouvrage sur des détails de sens ne constitue pas un aveu d’incompétence – à condition que le traducteur montre qu’il connaît assez bien le sujet. Les notes d’Agneta (É-SE ; voir appendice 2) semblent cependant relever d’un aveu d’échec, voire d’incompétence. Exemples : la note 7 (ingen snygg formulering ‘pas de formulation jolie’) ou la note 10 (saknar vokabulär...! ‘je manque de vocabulaire... !’). Il est même difficile de comprendre à quoi ré-fèrent certaines notes. Signalons, en dernier lieu, le fait que la note 4, qui nous occupe en particulier ici, prend la forme d’une interrogation : Är det ok att ta bort ”som skrivits speciellt för er?” Jag tycker att det är överflödigt. ‘Est-ce okay de supprimer ‘qui a été rédigée spé-cialement à votre intention ?’ Je trouve que c’est superflu.’ Rappelons que Fanny (T-CH) juge également nécessaire de commenter l’omis-sion de la subordonnée relative dans une note, mais sous forme d’assertion. Englund Dimitrova (2003b) a d’ailleurs fait une obser-

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vation similaire : les verbalisations d’étudiants en traduction indiquent qu’ils peuvent très bien connaître certaines normes régissant le travail du traducteur. Or, la verbalisation de ces normes se fait sous forme interrogative plutôt qu’assertive ; autrement dit, en reflétant une incer-titude.

L’incertitude d’Agneta (É-SE) ressort aussi du corps de son texte d’arrivée. Celui-ci contient des incohérences relatives aux éléments pertinents du point de vue de la rhétorique. Ainsi, l’étudiante met à la fois majuscule et minuscule au pronom personnel Ni/ni ‘vous’. Les Svenska skrivregler ‘Conventions de l’écriture en suédois’ (2000, p. 94-95) recommandent l’usage de la majuscule. Aussi supprime-t-elle le déterminant possessif dans le syntagme nominal votre appareil. Sa justification : det där votre stör mig det tar jag bort för det är klart det spelar väl ingen roll vems den är ‘le votre me dérange je l’enlève parce que ça n’a pas d’importance de savoir à qui il appartient.’ D’autres répondants suppriment également le déterminant possessif votre, en faisant toutefois valoir des différences rhétoriques et cultu-relles. L’incertitude de l’étudiante ressort aussi du commentaire évaluatif suivant, verbalisé à la fin de la tâche de traduction : nu läser jag den svenska texten och ser att den är ganska oförståelig det som jag har skrivit tyvärr ‘je suis en train de lire le texte suédois et je me rends compte que c’est assez incompréhensible ce que j’ai écrit mal-heureusement.’

L’extrait de protocole [24] nous permet de mettre en évidence un autre aspect dont nous n’avons pas encore eu l’occasion de parler. A priori, rien ne nous permet de postuler que les connaissances linguis-tiques et extralinguistiques d’Agneta (É-SE) sont significativement plus basses que celles des autres répondants. Sa traduction est cepen-dant considérée comme la moins bonne, globalement. Nous émettons l’hypothèse qu’une des raisons possibles réside dans des lacunes au niveau de la compétence stratégique (Cao, 1996). Selon cet auteur, l’acte traduisant fait appel à une compétence de traitement et de syn-thèse (processing and synthesizing ability). Autrement dit, le traduc-teur doit être capable de coordonner les différents types de connais-sances et de compétences dans une tâche de traduction concrète, en sachant évaluer, planifier et exécuter les différentes étapes.

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Certains choix apparaissant dans l’extrait [24] semblent pointer vers l’existence de lacunes au niveau de cette compétence stratégique. Ainsi, Agneta (É-SE) décide d’opter pour Ni ‘vous’ au lieu de du ‘tu’ en avançant que c’est parce qu’elle a commencé sa traduction avec Ni (då kör jag med Ni eftersom jag har börjat så ‘j’utilise Ni puisque j’ai commencé comme ça’). Et ceci malgré le fait qu’elle se rend compte que les textes parallèles utilisent du ‘tu’ et malgré le fait aussi qu’elle ne considère pas son choix comme très idiomatique.

L’extrait [24] révèle aussi qu’elle doit, à plusieurs reprises, cher-cher le même terme dans un dictionnaire (jag kommer inte ihåg om jag har slagit upp det där vad jobbigt ‘je me souviens pas si j’ai déjà cherché ce mot dans le dictionnaire c’est embêtant’; får jag slå upp igen ‘je dois chercher encore une fois dans le dictionnaire’). La raison de cet oubli pourrait résider, une nouvelle fois, dans des lacunes au ni-veau de la compétence stratégique : la façon dont Agneta (É-SE) se déplace à travers le texte a quelque chose d’erratique. L’étudiante en est d’ailleurs consciente. En témoignent les verbalisations suivantes, apparaissant ailleurs dans son protocole : jag hoppar fram och tillbaks ‘je saute en avant et en arrière’ ; jag verkar väl lite väl hoppig kanske men (2s) jag fastnar där ‘j’ai sûrement l’air d’être erratique peut-être mais (2s) ça coince’. Un dernier exemple : après avoir décidé d’abandonner la traduction de la première partie du texte de départ, pourtant plus facile du point de vue de la compréhension, Agneta (É-SE) aborde la deuxième partie, disant jag tar det faktiskt mening för mening ‘je prends une phrase après l’autre’. C’est pourtant ce qu’elle a fait jusque là.

Passons à la deuxième étudiante qui a opté pour l’omission de la subordonnée relative. Il s’agit de Sanna (É-SE) :

[25] [Sanna] för att kunna använda din Galeo på bästa sätt (.) äh et dans les meilleures conditions (2s) efficacement et dans les meilleures conditions (2s) (()) (2s) effektivt dans les meil-leures conditions på äh bästa (3s) efficacement (2s) vad ska vi ta för svenska ord för det där? (2s) les meilleures conditions (2s) jag skriver upp det där så länge (.) så (2s) hm afin d’utiliser votre (3s) efficacement måste kolla upp det på svenska (Enwall et Lötmarker F-S: efficacement) efficacement (3s) effektivt (()) efficace efficace (2s) effektiv (()) verksam

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(()) verkningsfull slagkraftig effektivt effektivt (()) (2s) bäst- conditions bästa förutsättning (2s) (()) (3s) se om dom har nåt bra på svenska (Telia + Häger: efficacement) (()) det där vi rekommenderar (Häger + Telia: nous vous conseillons) (2s) (()) nej (()) äsch! undrar om vi måste ha med det där faktiskt för dom är mer invecklade på franska än vad dom är på svenska när dom skriver såna saker (15s) innan (elle soupire) (4s) (()) innan du använder (.) innan (2s) hur ska jag (()) (7s) läs (1s) noggrant (2s) igenom installationsanvisningen innan (4s) innan asch! appara- (2s) appa- apparaten (elle rit) tas i bruk … det var inte så mycket mer än så man säger på svenska

Soulignons tout d’abord que l’extrait [25] ne traite pas uniquement de la traduction de la subordonnée relative, mais du paragraphe entier. La traduction de Sanna (É-SE) fait apparaître que l’étudiante procède à un changement plus radical que les autres répondants. Elle remanie tout le paragraphe. Comment en est-elle arrivée là ? Le protocole ré-vèle qu’elle consulte des textes parallèles écrits en suédois pour trou-ver une traduction qui sonne bien à ses oreilles (se om dom har nåt bra på svenska). Les versions qu’elle avait proposées précédemment étaient restées très proches de la structure du texte de départ et elle n’en avait pas été satisfaite. Lors de la consultation des textes parallèles, l’étudiante se rend compte que la notice de l’entreprise Telia ne contient pas de passage dans lequel l’acheteur est invité à lire la notice ; celle de l’entreprise Häger, en revanche, contient une telle injonction (läs denna instruktion först och du kan ha glädje av din telefon i många år ‘veuillez d’abord lire cette notice et votre téléphone vous procurera du plaisir pendant de nombreuses années’).

On peut penser que c’est suite à cette consultation que Sanna (É-SE) décide de rejeter une traduction littérale de l’injonction de lire la notice. En effet, elle rend par un ordre ce qui est donné dans l’origi-nal français sous forme de conseil. En plus, elle se met à réfléchir à la possibilité de supprimer le passage en question (undrar om vi måste ha med det där faktiskt). La décision de procéder à une omission déclenche chez elle aussi un besoin de justification. Elle fait valoir des différences stylistiques entre le français et le suédois. Selon Sanna (É-SE), le français a tendance à être plus embrouillé que le suédois (dom är mer invecklade på franska än vad dom är på svenska när dom

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skriver såna saker). Résultat : elle produit une traduction dans laquelle de nombreux éléments rhétoriques de l’original français disparaissent (läs noggrant igenom installationsanvisningen innan apparaten tas i bruk ‘veuillez attentivement lire la notice avant d’utiliser l’appareil’). Aussi déclare-t-elle qu’il n’est pas nécessaire d’en dire plus en suédois (det var inte så mycket mer än så man säger på svenska). Sous-entendu : la convention pour la rédaction de notices techniques en langue suédoise serait d’adopter un style plus dépouillé. Signalons que les commentaires évaluatifs portent sur deux solutions de traduction concurrentes (traduction littérale vs omission). Ils révèlent donc une théorie personnelle de la traduction. Il faudrait étudier d’autres prises de décision de Sanna (É-SE) pour voir si cette théorie correspond à une stratégie globale.

Que nous révèle le protocole du point de vue des principes de traduction ? Sanna (É-SE) adopte une stratégie globale claire : elle se sert des textes parallèles pour trouver des solutions de traduction adap-tées au contexte suédois. En nous reportant à sa traduction (voir appendice 2), nous constatons que le texte d’arrivée contient de nom-breuses séquences qui ont été reprises telles quelles de la notice pour le téléphone Prins de l’entreprise Häger. La question de savoir dans quelle mesure ce procédé est légitime ne nous intéresse pas ici. Peut-être Sanna (É-SE) décide-t-elle de suivre de près la structure d’un texte parallèle en raison de l’impossibilité de négocier directement avec le donneur d’ouvrage. On peut toutefois se demander comment elle procéderait dans la traduction d’autres genres de textes, de textes littéraires, par exemple, où elle ne pourrait pas importer dans sa tra-duction des passages provenant d’autres œuvres. A priori, rien ne nous permet de douter qu’elle ne soit consciente du fait que la stratégie glo-bale adoptée pour s’acquitter de la présente tâche de traduction ne peut être transférée telle quelle à d’autres mandats.

La réaction du réviseur-traducteur montre d’ailleurs que la stratégie globale employée par Sanna (É-SE) porte ses fruits. Son évaluation globale de la traduction dit : bra omskrivningar och anpassningar till svenska förhållanden ‘bon remaniement et bonnes adaptations au contexte suédois’. L’adhérence à la stratégie globale mentionnée est, en outre, associée à un gain de temps. Sanna (É-SE) est la répondante

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à s’acquitter le plus rapidement de la tâche. On peut même émettre l’hypothèse que sa stratégie globale plus spécifique est celle de consulter des textes parallèles pour accélérer le processus de traduc-tion. En effet, l’étudiante nous dit avant la séance qu’elle est assez pressée. Précisons que la consultation de textes parallèles n’est pas dans tous les cas associée à un gain de temps. Elle l’est, en l’occur-rence, parce que Sanna (É-SE) décide rapidement de reprendre telles quelles des formulations trouvées dans les textes parallèles. Finale-ment, nous souhaitons rappeler que la consultation de textes parallèles a été identifiée comme relevant d’une stratégie globale chez d’autres répondants. Dans le cas d’Adina (T-CH ; voir section 3.2.1), elle nous semblait, cependant, remplir une autre fonction : celle de compenser une perte partielle sur le plan de la compétence stratégique.

Voici un extrait d’une deuxième répondante, Elin (T-SE), qui opte pour une omission de la subordonnée relative :

[26] [Elin] qui a été rédigée spécialement à votre inten- intention (3s) den har skrivits speciellt för dig? (2s) äh! suck! ja: (3s) ska man (knöla) in det nånstans? (2s) men noggrant måste ju komma där (.) och man kan inte stoppa in det mitt i meningen (4s) då blir det ju extralångt en sån där extrasats (()) (elle soupire) eller om vi kastar om hela skiten (2s) läs installations-anvisningen noggrant (4s) bör nej (2s) då blir det bökigt (3s) okej nej vi börjar nog med för att du ska kunna läsa Galeo på bästa sätt (.) använda Galeo på bästa sätt bör du läsa installationsanvi- visningen noggrant ähm (2s) man kan bara stryka den där lilla sista kanske? (2s) kan man vara så fräck? (2s) hm (()) att läsa (()) hm (6s) som har skrivits speciellt för dig låter ju faktiskt ganska löjligt

[27] [Elin] okej nu var det det där med (3s) på den sidan äh qui a été rédigée spécialement (elle soupire) oj för att du ska kunna använda Galeo fyrtiosju tio på bästa sätt bör du läsa installa-tionsanvisningen noggrant (5s) eller bör du läsa installa-tionsanvisningen som (2s) skrivits äh (3s) med tanke på användaren (3s) nej det där är väl bara blaj egentligen (1s) bort! (2s) vi vill inte ha nåt blaj (4s) qui a été rédigée spécialement (3s) det är ju ingen information i den meningen egentligen (2s) den har skrivits för (elle soupire) Arne Anka

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Elin (T-SE) est la seule répondante parmi les traducteurs suédo-phones à opter pour la suppression de la subordonnée relative. Elle supprime également le dialogue fictif entre le nous et le vous et main-tient une seule tournure avec un terme intensif, à savoir dans les meil-leures conditions.

L’extrait [26] montre qu’elle considère la subordonnée relative rédigée spécialement à votre intention comme exagérée ou ridicule (den har skrivits speciellt för dig?(2s) äh! suck!). Elle se demande, en outre, où elle doit placer la subordonnée relative (ska man (knöla) in det nånstans?). Voilà un indicateur qui démontre que la traduction de ce paragraphe en suédois peut poser un problème au niveau de la syntaxe, à l’instar de ce que nous avons observé chez les germano-phones. Après quelques tentatives de traduction, Elin (T-SE) se de-mande si elle ne peut pas avoir l’audace de supprimer la subordonnée relative (man kan bara stryka den där lilla sista kanske? (2s) kan man vara så fräck?). Elle justifie cette possibilité en disant que la formule rédigée spécialement à votre intention lui semble assez ridicule (som har skrivits speciellt för dig låter ju faktiskt ganska löjligt).

L’extrait [27] fait ensuite apparaître qu’elle propose néanmoins une autre solution de traduction dans une phase ultérieure, med tanke på användaren ‘en tenant compte de l’usager’. C’est une solution qui ex-prime bien les différentes nuances sémantiques vers lesquelles pointe la subordonnée relative qui a été rédigée spécialement à votre intention. En effet, on peut penser que le vous réfère à la fois à l’ache-teur en train de lire la notice et à la catégorie toute entière des usagers profanes. Elin (T-SE) rejette cependant cette solution, déclarant que la subordonnée relative n’est que du vent (det där är väl bara blaj egent-ligen) et peut être supprimée en suédois (bort!; vi vill inte ha nåt blaj). Elle répète que la subordonnée relative n’a pas vraiment de valeur informationnelle (det är ju ingen information i den meningen egent-ligen) et ajoute, sur un ton moqueur, que la notice a été rédigée à l’intention d’Arne Anka, un personnage de bande dessinée suédoise qui passe sa journée à traîner dans les bars, une cigarette à la bouche et un verre de bière à la main. Visiblement, la stratégie d’intimité n’atteint pas son objectif chez cette répondante, puisqu’elle ridiculise son emploi.

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Les seuls extraits de protocole [26] et [27] ne contiennent pas de verbalisations pouvant être interprétées comme révélant un principe de traduction. Or, ils contiennent plusieurs commentaires évaluatifs révé-lateurs d’une théorie personnelle de la traduction. Ils nous renseignent sur le profil qu’Elin (T-SE) cherche à donner à son texte d’arrivée : celui d’un texte qui apporte de l’information réelle. L’évaluation glo-bale de cette traduction par le réviseur-traducteur suédois montre qu’il pourrait s’agir là d’une stratégie globale. En effet, il commente la tra-duction d’Elin (T-SE) de la sorte : koncis och precis ‘concis et précis’.

Nous proposons maintenant des verbalisations de répondants qui optent pour des traductions leur permettant de rester plus près de la structure de l’original français. Voici comment raisonne Ylva (É-SE) :

[28] [Ylva] qui a été rédigée spécialement à votre intent- intention (.) det här då har då skrivits särskilt (.) à votre intention?! för Er? det är ju klart att det har skrivits för alla kunder (.) det är ett sådant litet insmickrande (elle rit) uttryck à votre intention eller också (()) (så) (()) betyder det nåt annat (Enwall et Lötmarker F-S: intention) (4s) ähm intention betyder ju avsikt (.) (elle soupire) intention (2s) à votre intention (1s) jag slår upp sådant där som jag (.) syfte avsikt ähm (2s) ja det betyder för Er skull alltså (2s) à ton intention (.) samma sak (4s) vi har gjort det för din skull jaha (elle rit) för Er skull jag skriver väl det också

[29] [Ylva] så föreslår vi att du noga läser den här snabbinstruk-tionen som vi har skrivit (1s) för din skull det tycker jag är ett lite larvigt tillägg men det är inte min sak (1s) (()) (1s) hur skulle jag säga annars? jag skulle nog säga så föreslår vi att (4s) den här snabb- vi har skrivit (1s)

[30] [Ylva] för att du ska få bästa möjliga utbyte av din Galileo (2s) skriver jag (2s) så föreslår vi att du noga läser den här snabbinstruktionen som vi har skrivit för din skull (.) det låter lite löjligt men (.) kanske man kunde tänka sig något annat här då för att du ska få bästa möjliga (.) äh så läs äh den här snabbinstruktionen uppmärksamt (5s) för att du ska få bästa möjliga utbyte (2s) så föreslår vi att du noga läser (3s) för att du ska (2s) för att du ska få bästa möjliga utbyte av din Galileo äh så föreslår vi att du noga läser den här snabb-

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instruktionen som vi har skrivit för din skull (2s) ja det får vara

[31] [Ylva] för att du ska få bästa möjliga utbyte bestämde jag mig för då (3s) äh din Galeo så föreslår vi att du noga läser (2s) du noga skriver jag (()) noga läser att du läser den här snabbin- noga ja det är bara för ordföljden här (.) jag har med det som har skrivits för din skull (.) alltså äh qui a été rédigée spécialement à votre intention det är väl ett sådant franskt (.) blomsterspråk litegrand va? lite onödigt (elle rit) (4s) som som alltså som vi skrivit för din skull (3s) så föreslår vi att du noga läser den här snabbinstruktionen som vi har skrivit för din skull (2s) ah! det får stå kvar

Dans l’extrait [28], Ylva (É-SE) déclare qu’il est évident que la notice a été rédigée à l’intention de tous les clients (det är ju klart att det har skrivits för alla kunder), qualifiant dès lors la subordonnée de flatteuse (det är ett sådant litet (elle rit) insmickrande uttryck). L’étudiante se demande ensuite s’il y a dans le mot intention un sens qui lui échappe (eller också (()) (så) (()) betyder det nåt annat). Ce n’est pas le cas, comme elle le constate suite à la consultation d’un outil de référence. Elle propose alors une traduction littérale (för Er skull jag skriver väl det också).

Dans l’extrait [29], Ylva (É-SE) signale qu’elle considère la subor-donnée comme un supplément bête (det tycker jag är ett lite larvigt tillägg), ajoutant toutefois que ce n’est pas son affaire (men det är inte min sak). Or, elle ne se résout pas à rendre le segment tel qu’il figure dans le texte de départ. En effet, la déclaration selon laquelle ce n’est pas son affaire est tout de suite annulée par la tentative de trouver une traduction moins littérale (hur skulle jag säga annars?).

Le même scénario se produit dans l’extrait [30], où Ylva (É-SE) dit d’abord que la subordonnée relative sonne un peu ridicule (det låter lite löjligt), avant de chercher une traduction qui soit moins littérale. Précisons toutefois que la verbalisation kanske man kunde tänka sig något annat här ‘on pourrait peut-être s’imaginer autre chose ici’ pourrait porter sur l’ensemble du paragraphe. Quoi qu’il en soit, la déclaration ja det får vara ‘tant pis’ montre qu’en fin de compte,

143

l’étudiante a l’intention de se rabattre sur la traduction assez littérale, qu’elle a proposée auparavant.

L’extrait [31] fait une deuxième fois apparaître que la traduction de ce passage du français au suédois soulève non seulement un problème au niveau de la rhétorique mais aussi sur le plan de la syntaxe. En effet, il n’est pas facile de décider de la place du segment très attentivement (ja det är bara för ordföljden här). Concernant plus précisément l’adverbe intensif spécialement, Ylva (É-SE) se demande s’il ne relève pas d’un style fleuri propre au français, style qu’elle estime légèrement impropre en suédois (det är väl ett sådant franskt blomsterspråk litegrand va? lite onödigt). À l’instar de Sanna (É-SE), elle fait valoir des différences stylistiques entre le français et le sué-dois pour justifier la suppression d’un élément rhétorique. Contraire-ment à Sanna (É-SE), elle se résigne pourtant à traduire les autres éléments de la subordonnée relative (ah! det får stå kvar ‘ah ! je vais quand même garder ça’), ce qui donne som vi har skrivit för din skull ‘que nous avons rédigée à votre intention’.

Les verbalisations fournissent implicitement des informations sur l’identité professionnelle de cette étudiante. Ainsi, l’extrait [29] fait apparaître qu’à un moment donné, elle refuse de prendre l’entière responsabilité pour le texte qu’elle est en train de produire, déclarant qu’une traduction littérale de la subordonnée sonne ridicule, mais que ce n’est pas son affaire. Or, nous voyons également qu’elle ne baisse pas les bras et s’efforce de produire d’autres solutions de traduction qui lui permettent de se détacher un tant soit peu de la structure du texte de départ. Nous avons vu dans le chapitre 3 un comportement similaire chez Tamara (T-CH). En effet, cette traductrice continuait à chercher des solutions de traduction qui la satisfassent davantage, même après avoir déclaré arrêter les recherches. Tamara (T-CH) et Ylva (É-SE) se distinguent, toutefois, concernant le souci qu’elles semblent se faire pour l’image qu’elles donnent d’elles.

Il nous faut insérer nos observations dans un contexte plus large. En nous reportant à la traduction d’Ylva (É-SE ; voir appendice 2), nous constatons que cette étudiante traduit l’abréviation Hz par W. Lors du traitement de cet élément, elle déclare à plusieurs reprises qu’elle sait qu’elle devrait consulter une encyclopédie, sans toutefois

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se résoudre à le faire. Ce comportement pourrait indiquer qu’Ylva (É-SE) fait la différence entre un mandat réel et la situation expéri-mentale. Autrement dit, elle ne consulte pas l’encyclopédie à sa dispo-sition, puisqu’elle est moins soucieuse de son identité professionnelle et de l’image qu’elle véhicule que les traducteurs professionnels, qui, eux, en sont très conscients et soucieux même lorsque c’est une situa-tion expérimentale et donc hors du cadre professionnel. Signalons toutefois que l’évaluation globale de la traduction d’Ylva (É-SE) par le réviseur-traducteur est très positive. On peut donc émettre l’hypo-thèse qu’elle arrive à compenser un manque de motivation partiel par de bonnes connaissances linguistiques.

Nous proposons maintenant des extraits des protocoles de deux répondantes dont nous avons déjà parlé dans le chapitre 3. Commen-çons par Camilla (É-SE) :

[32] [Camilla] qui a été rédigée spécialement à votre intention (3s) som (6s) (elle soupire) rédigée har dom tagit fram den särskilt för (3s) det är väl ganska självklart men (3s) vad skulle man annars ha en bruksanvisning till? (2s) ska vi se (Norstedts F-S: rédigée) (10s) formulera skriva att skriva bara som har skrivits särskilt för (3s) för dig (3s) nej (1s) det står ju faktiskt (2s) aja (2s) som skrivits (4s) särskilt (2s) à votre intention (Norstedts F-S: intention) (1s) intention (5s) intention (12s) syfte avsikt uppsåt (2s) (()) (3s) jaha (3s) det låter ju dumt (2s) som har skrivits särskilt för dig (elle soupire) äh jag skriver så eftersom dom har det med

[33] [Camilla] qui a été rédigée spécialement à votre intention (3s) läsa denna (2s) för er specialskrivna (1s) installations-anvisning? (.) nej (.) råder vi er att mycket noggrant läsa denna (2s) installationsanvisning (2s) (()) tycker att den har skrivits speciellt för er det är väl ganska självklart (3s) att mycket noggrant läsa denna (3s) installations(3s)anvisning (3s) och sen sätter jag faktiskt inom parentes som skrivits (3s) särskilt (2s) för dig för då får faktiskt den som redigerar det här sen bestämma om det ska vara med eller (.) jag tycker det låter lite (2s) fånigt men det kanske ska (2s)

L’extrait [32] contient de nombreuses hésitations et troncations. Ainsi, Camilla (É-SE) commence une phrase en disant qu’il est

145

évident que la notice a été rédigée, sans toutefois la terminer et préciser à l’intention de qui (har dom tagit fram den särskilt för (3s) det är väl ganska självklart men). On peut penser qu’il s’agit là d’une réaction d’incompréhension à la stratégie d’intimité de l’entreprise. Ensuite, Camilla (É-SE) consulte un dictionnaire pour chercher les éléments intention et rédigée et enchaîne avec la traduction en produi-sant une version assez littérale qu’elle juge stupide (det låter ju dumt). Il n’empêche qu’elle décide de rendre la subordonnée, au moins dans la version préliminaire, puisque, d’après elle, l’auteur a décidé d’in-clure cette subordonnée dans le texte de départ (jag skriver så efter-som dom har det med). Cette verbalisation fait apparaître l’existence d’un conflit entre ce que Camilla (É-SE) considère comme recom-mandable ou acceptable et ce qu’elle pense devoir faire.

L’extrait [33] contient les verbalisations de Camilla (É–SE) pendant la phase de révision. Elle propose une nouvelle solution de traduction en transformant la subordonnée relative en groupe nominal étendu avec participe épithète (denna för er specialskrivna installa-tionsanvisning), solution qu’elle rejette aussitôt (nej). Elle répète que c’est évident que la notice a été rédigée à votre intention (det är väl ganska självklart). Comment l’étudiante va-t-elle résoudre ce pro-blème de traduction ? Elle met la subordonnée som skrivits särskilt för dig ‘qui a été rédigée spécialement à votre intention’ entre parenthèses (sen sätter jag faktiskt inom parentes som skrivits (3s) särskilt för dig) et déclare que c’est au réviseur de décider si ce passage doit figurer dans le texte d’arrivée (då får faktiskt den som redigerar det här sen bestämma om det ska vara med eller). De plus, elle laisse la phrase en suspens ; elle dit då får faktiskt den som redigerar det här sen bestämma om det ska vara med eller... ‘celui qui va réviser le texte doit décider ensuite si ça doit figurer dans le texte ou...’. Il pourrait bel et bien s’agir là d’un indicateur révélant qu’elle n’est pas tout à fait sûre ou satisfaite de sa décision. D’autant plus qu’elle répète que la subordonnée relative lui semble un peu ridicule (jag tycker det låter lite fånigt), et poursuit en disant men det kanske ska... ‘mais peut-être que cela doit...’ ; autrement dit, sans finir à nouveau sa phrase.

Les verbalisations de Camilla (É-SE) se rapportant à la traduction de la subordonnée relative qui a été rédigée spécialement à votre

146

intention confirment l’hypothèse que nous avons énoncée lors de l’analyse de ses processus de traduction dans le chapitre 3. Plus préci-sément, nous avons évoqué la possibilité que chez cette étudiante, il y a une absence de principes de traduction ou une difficulté à com-prendre ce qui est permis ou recommandable en traduction. Le proto-cole contient une nouvelle fois de nombreux marqueurs linguistiques d’incertitude, dont plusieurs sous forme d’atténuateurs : det är väl ganska självklart ‘c’est assez évident’ (à deux reprises), det låter lite fånigt ‘ça sonne un peu ridicule’ ou det kanske ska... ‘peut-être que ça...’.

Signalons finalement que l’impression ressentie par une étudiante qui n’est pas très sûre de ce qu’elle fait se reflète aussi dans la tra-duction, au niveau du dialogue fictif entre l’entreprise et l’usager. En effet, Camilla (É-SE) traduit le pôle du vous indifféremment par ni ‘vous’ et du ‘tu’.

Voici, en dernier lieu, au protocole de Kristina (T-SE), dont nous avons également eu l’occasion de parler dans le chapitre 3 :

[34] [Kristina] qui a été rédigée (5s) som redigerats det kan man inte skriva (Norstedts F-S: rédigée) (3s) som (elle soupire) (5s) rédi- (3s) som rédiger avfatta formulera som (1s) for-mulerats (2s) formulerats speciellt för (2s) ert behov? inte (.) behov skulle jag skriva (Norstedts F-S: intention) vänta nu nu ska vi se vi kontrollerar (10s) avsikt syfte uppsåt (19s) nu göra jag så här avsikt (2s) fråge- äh! (2s) avsikt vi gör (2s) vänta nu avsikt (2s) frågetecken behov (2s) det det vänta nu vi gör så här vänta den synonymboken för den avsikt (Norstedts svenska synonymordbok: avsikt) det är inte alls bra men vad finns det för annat? för man är ju också rädd alltid att man (2s) och det är viktigt när det är tekniska patenttexter man får inte ändra på något sätt (2s) uppsåt mening (4s) för ert (2s) ändamål nej det passar inte för ert baktanke spekulation (()) ändamål tendens (()) det här är inte alls (4s) behov tycker jag blir bättre (9s) nej (2s) för ert behov (3s) det där är det där det där är inte bra det är inte alls bra det får vi ta senare

[35] [Kristina] för att använda på ett effektivt sätt och under de bästa (2s) förhållanden (.) rekommenderar vi dig att läsa mycket noggrant detta sammandrag (3s) sammanfattning (2s) sammanfattning (2s) för nej det är ett sammandrag av (7s) vad

147

är vad låter bättre sammandrag eller sammanfattning? (6s) i patent måste man alltid ha sammandrag (4s) som formulerats speciellt för ditt behov det måste det ju vara

L’extrait [34] révèle que, comme la majorité des répondants, Kristina (T-SE) commence par proposer une traduction qui reste proche du texte de départ (som redigerats). Or, elle rejette tout de suite cette possibilité (som redigerats det kan man inte skriva). Elle se sert alors d’outils de référence pour chercher les mots rédigée et intention et décide de traduire le segment par formulerats för ert behov. Le motif qui se cache derrière ce choix n’apparaît pas dans le protocole. Il en ressort cependant que Kristina (T-SE) craint de s’écarter trop du texte de départ (för man är ju också rädd alltid). Elle transfère au présent texte la stratégie globale qu’elle applique à la traduction de brevets. En effet, elle dit qu’il est important de ne rien changer quand on traduit des brevets techniques (det är viktigt när det är tekniska patenttexter man får inte ändra på något sätt). Contraire-ment aux autres répondants ayant traduit la subordonnée relative, nous ne trouvons pas chez Kristina (T-SE) de verbalisations indiquant qu’elle se demande, à un moment donné, s’il y a lieu de rendre la relative. Elle semble au contraire entièrement absorbée par la tentative d’achever un élément du texte de départ après l’autre et absorbée à trouver des solutions de traduction lui permettant de rester proche de la structure de la langue de départ. Elle porte son attention en premier lieu sur le segment à votre intention, qu’elle traduit d’abord par för ert behov ‘pour votre besoin’, déclarant que ça ne sonne pas bien du tout et qu’elle va y revenir plus tard (det är inte alls bra det får vi ta senare).

Elle y revient en effet lors de la phase de révision (voir extrait [35]) où elle fait une nouvelle fois référence à la traduction de brevets, mais cette fois-ci dans le contexte de la traduction du segment notice d’in-stallation rapide. D’après elle, il faut toujours mettre sammandrag ‘résumé’ dans les brevets (i patent måste man alltid ha sammandrag). Elle finit par déclarer qu’on doit traduire à votre intention par för ditt behov ‘pour votre besoin’, l’expression de modalité déontique det måste det ju vara ‘ça doit être ça’ donnant cependant à penser qu’elle est incertaine. Autrement dit, Kristina (T-SE) se rabat sur la solution

148

qu’elle a trouvée au cours de la première phase de traduction, mais en changeant le degré de formalité : elle remplace le déterminant posses-sif ert ‘votre’ par ditt ‘ton’, plus idiomatique.

Le protocole de Kristina (T-SE) met une nouvelle fois en lumière que cette traductrice a des lacunes au niveau des connaissances lin-guistiques, à la fois en français et en suédois. À notre avis, les lacunes au niveau du français s’expriment non seulement dans le fait qu’elle applique au présent mandat une stratégie globale qui lui est familière et qui lui permet de rester très proche de la structure de la langue de départ. Elles se manifestent également sous forme d’un grand nombre de consultations de dictionnaire pour des mots, somme toute, assez fréquents. Les lacunes au niveau du suédois s’expriment, entre autres, dans le fait que Kristina (T-SE) produit de nombreuses solutions de traduction qu’elle rejette aussitôt. C’est comme si elle n’arrivait pas à filtrer entre des solutions potentiellement acceptables et d’autres moins acceptables, comme si elle n’arrivait pas à entendre ce qui sonne idiomatique en suédois.

L’extrait [34] contient, en outre, une verbalisation nous renseignant sur un aspect de son identité professionnelle. En disant on a toujours peur que... (‘för man är ju också rädd alltid att man...’), elle montre non seulement qu’elle manque de confiance, mais aussi qu’elle ne sait pas trop ce qu’on attend d’elle. Il s’agit donc de la verbalisation d’un principe de traduction qui révèle une incertitude. Bien entendu, rien ne nous permet de dire qu’il en serait de même dans une tâche qui, pour Kristina (T-SE), relève de la routine (voir section 3.2.2). L’adverbe toujours pourrait cependant être un indicateur du fait qu’elle n’est ja-mais très sûre d’elle. Relevons, en dernier lieu, que l’évaluation glo-bale faite par le réviseur-traducteur confirme nos observations. Il com-mente la traduction de Kristina (T-SE) en ces termes : följer källtexten onödigt väl ‘il n’aurait pas été nécessaire de suivre le texte de départ de si près’.

Nous concluons la présente section par les tableaux récapitulatifs, déjà commentés, des stratégies employées par les répondants suédo-phones pour traduire la subordonnée relative qui a été rédigée spécia-lement à votre intention. Dans la section suivante, nous expliquerons plus en détail certains résultats.

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Tableau 18 : Répartition des stratégies employées par le groupe suédophone pour traduire la séquence incitative

Stratégies Étudiantes Traducteurs Traduction littérale (G1) - 2 Changement d’unité (G4) - 2 Restructurations de la phrase (G6) 1 - Total stratégies syntaxico-grammaticales 1 4 Concentration (S6) 1 2 Changement concernant l’insistance (S7) 1 - Paraphrase (S8) - 1 Total stratégies sémantiques 2 3 Omission (Pr3) 3 1 Changement interpersonnel (Pr4) 1 - Changement concernant la visibilité du traducteur (Pr8)

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Total stratégies pragmatiques 5 1 Nombre total des stratégies employées 8 8

152

4.3 Discussion Nous confronterons maintenant les résultats qui se dégagent de nos

analyses à nos questions de départ. Y a-t-il des différences dans l’emploi des stratégies entre étudiantes

en traduction et traducteurs professionnels ? Pour ce qui est de la tra-duction de la subordonnée relative qui a été rédigée spécialement à votre intention, nous notons que les ressemblances l’emportent au sein du groupe germanophone. L’omission est la stratégie la plus fréquente aussi bien chez les étudiantes que les traducteurs.

Des différences se dégagent, par contre, au sein du groupe suédo-phone. L’omission l’emporte chez les étudiantes, alors que les traduc-teurs optent pour des stratégies qui leur permettent de rester plus près de la structure du texte de départ (traduction littérale ou changement d’unité). Précisons aussi que si Camilla (É-SE) ne choisit pas l’omis-sion, mais la mise en retrait, son protocole indique clairement sa préférence pour l’omission. Il s’agit donc d’un conflit dans son com-portement traductif. La différence entre étudiantes et traducteurs suédophones devient, de ce point de vue, encore plus nette. Comment expliquer cette différence, si nous écartons pour un instant l’effet du hasard ? En nous reportant aux tableaux 3 et 4, nous constatons une corrélation intéressante entre l’âge des répondants et le choix de la stratégie. Ainsi, à une exception près, tous les traducteurs décident de rendre la subordonnée relative. L’exception est Elin (T-SE), la tra-ductrice suédophone la plus jeune. Dans le groupe des étudiantes, nous notons que les étudiantes les plus jeunes optent pour l’omission ou la mise en retrait de la subordonnée relative, alors que le com-portement traductif d’Ylva (É-SE), l’étudiante la plus âgée, se rap-proche de celui de la plupart des traducteurs.

Cette observation n’est pas sans rappeler un constat qu’a fait Toury (1995, p. 63). D’après cet auteur, le comportement traductif des jeunes gens se trouvant en phase d’initiation au métier de traducteur se caractérise souvent par une adhérence à des normes datées, quoique toujours en vigueur. Rappelons que nous avons identifié l’adoption d’un style sobre et impersonnel comme reflétant la convention plus ancienne pour la rédaction de notices techniques en allemand et en

153

suédois. Aussi, le terme phase d’initiation pourrait-il se référer à la fois à une personne suivant une formation de traduction et à un tra-ducteur entré récemment dans le marché de la traduction. Elin (T-SE) est non seulement la traductrice suédophone la plus jeune, mais égale-ment celle qui dispose, à côté de Lotta (T-SE), de la moins grande expérience de la traduction (voir tableau 4). Son protocole révèle qu’elle est la traductrice à s’exprimer le plus fortement contre l’adop-tion d’un style exubérant en suédois. Une nouvelle fois, nous consta-tons une tendance similaire parmi les étudiantes. En effet, Ylva (É-SE) est l’étudiante la plus âgée. Son protocole révèle une attitude certes critique envers un style exubérant en suédois, mais moins catégorique que celle des autres étudiantes plus jeunes. De plus, elle rend la subordonnée relative presque intégralement. En plus, elle rend presque la subordonnée relative presqu’intégralement.

L’hypothèse énoncée ci-dessus trouve d’ailleurs confirmation dans la façon dont les répondants suédophones traduisent la forme de poli-tesse de l’original français. Rappelons que le pronom personnel vous et le déterminant possessif votre jouent un rôle central au niveau du dialogue fictif entre l’entreprise et l’acheteur, donc du point de vue rhétorique. Les seules répondantes à les avoir traduits respectivement par ni ‘vous’ et er ‘votre’, considérés comme plus datés en suédois, sont Agneta (É-SE) et Camilla (É-SE), les étudiantes les plus jeunes. Elin (T-SE), la plus jeune des traducteurs suédophones et celle qui dispose du moins d’expérience, les rend indifféremment par ni ‘vous’ et du ‘tu’. Cette hésitation révèle donc une adhérence partielle à la norme plus datée.

Il est vrai que nous ne trouvons pas le même tableau au sein du groupe germanophone : le nombre d’étudiantes et de traductrices qui optent pour l’omission de la proposition relative est égal. Les proto-coles révèlent, cependant, que les étudiantes concernées font valoir des différences rhétoriques plus fortes entre le style français et le style allemand. Nous pouvons donc au moins émettre l’hypothèse que l’âge est, à côté de l’expérience de la traduction, une variable dont il convient de tenir compte dans le comportement traductif.

Notre deuxième question est la suivante : y a-t-il des différences entre étudiantes et traducteurs dans les principes sous-tendant l’emploi

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de ces stratégies ? Pour ce qui est du groupe germanophone, nous avons constaté que l’incertitude manifestée par les répondants pour traduire la subordonnée relative qui a été rédigée spécialement à votre intention est moins grande que lors de la traduction du passage dont il a été question dans le chapitre précédent (la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz). Cette observation vaut à la fois pour les étudiantes et les traducteurs. Aussi avons-nous trouvé, en général, un plus grand nombre de verbalisations révélant des principes de traduction explicites, principalement sous forme de déclarations indiquant des stratégies globales et de commentaires procéduraux. Ce cas de figure peut s’expliquer par le fait que la traduction de la subor-donnée relative pose moins de problèmes a priori que celle du groupe nominal étendu traité dans le chapitre 3. Encore que nous avons été surpris de voir surgir des verbalisations indiquant l’existence de pro-blèmes que nous n’avons pas pressentis, tels que les problèmes d’ordre syntaxique.

Une différence entre étudiantes et traducteurs germanophones apparaît, néanmoins, pour ce qui est des principes de traduction. En nous reportant au tableau 1, nous constatons que les étudiantes germa-nophones ont suivi un trimestre de traduction technique. Plusieurs d’entre elles y font explicitement référence sous forme de déclarations indiquant des stratégies globales, par exemple sur le style à adopter pour s’adresser à l’acheteur. De telles déclarations, faisant référence à des instances considérées comme habilitées à établir des règles de conduite, ne se trouvent pas dans les protocoles des traducteurs ger-manophones.

Qu’en est-il des principes de traduction des répondants suédo-phones ? Rappelons tout d’abord que parmi les répondants à avoir opté pour une omission, il n’y a qu’une seule traductrice. La prudence dans l’interprétation des résultats est donc de mise. Cette réserve faite, nous avons constaté chez plusieurs étudiantes une incertitude sur ce qu’elles ont le droit de faire et un certain conflit entre ce qu’elles déclarent devoir faire et ce qu’elles font en réalité. En témoignent par exemple la façon dont est formulée la note d’Agneta (É-SE ; voir tableau 16) ou le fait qu’à un moment donné, Ylva (É-SE) décline la responsabilité pour sa traduction. Signalons que l’entretien conduit

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avec les étudiantes suédophones après la tâche de traduction a révélé qu’elles n’ont pas travaillé sur des textes techniques en cours. Peut-être ce manque d’expérience s’est-il traduit par un sentiment d’incerti-tude plus général, portant également sur des passages du texte de départ qui posent moins de problèmes a priori. Le comportement de Sanna (É-SE) montre cependant que l’absence d’expérience peut être compensée. Les textes parallèles semblent avoir pour elle une fonction analogue à celle remplie par les enseignants de la traduction technique chez les étudiantes germanophones : une instance qui guide le processus de traduction et dont l’influence se manifeste, dans le protocole, sous forme de verbalisations indiquant une stratégie glo-bale. L’analyse du comportement traductif d’Agneta (É-SE) nous a, en outre, permis de mettre en évidence une variable supplémentaire dont il convient de tenir compte dans l’étude des stratégies et principes de traduction : la compétence stratégique. Aussi a-t-elle illustré le fait que principe de traduction verbalisé ne rime pas nécessairement avec certitude quant à savoir ce que le traducteur a le droit ou l’obligation de faire.

Les verbalisations d’Elin (T-SE), la seule traductrice à avoir sup-primé la subordonnée relative, se distinguent de celles des étudiantes à plusieurs égards. Tout d’abord, cette traductrice propose une solution de traduction provisoire jugée comme la meilleure parmi l’ensemble des solutions produites, d’après des locuteurs natifs. Aussi y a-t-il co-hérence entre ce qu’elle déclare faire et ce qu’elle fait, ainsi qu’entre les verbalisations portant sur la subordonnée relative et celles con-cernant les processus de prise de décision relatifs à d’autres extraits analysés (voir section 5.2.2). Autrement dit, il se dégage du protocole d’Elin (T-SE) une stratégie globale claire.

Notre dernière question est la suivante : y a-t-il des différences au niveau des stratégies et principes en fonction du couple de langues, soit dans la traduction français-allemand, soit dans la traduction français-suédois ? Pour ce qui est des stratégies, certaines différences émergent entre les traducteurs professionnels. En effet, les traducteurs suédophones décident, dans une plus grande mesure que leurs collègues germanophones, de rendre la subordonnée relative qui a été rédigée à votre intention (4 omissions pour les germanophones contre

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une seule pour les suédophones). Aussi notons-nous 2 occurrences de traduction littérale chez les traducteurs suédophones, et aucune chez leurs collègues suisses. Est-ce à dire que l’adoption d’un ton convivial et personnel, tel qu’il se manifeste dans le texte de départ, est perçue comme plus acceptable dans des notices techniques adressées à un public suédophone ? Peut-être. Les observations faites par Jämtelid (2002, p. 137-139) apportent quelque soutien à cette hypothèse. Au terme de son analyse d’un genre de texte qui n’est pas identique au nôtre, mais qui présente certaines analogies, à savoir des brochures de vente pour des aspirateurs, elle arrive à la conclusion que les textes destinés à des receveurs suisses alémaniques sont formulés de façon plus impersonnelle et distanciée que leurs pendants suédois.

Peut-être y a-t-il d’autres facteurs encore qui jouent un rôle dans la décision de supprimer (ou de transformer) la proposition relative en traduction allemande et suédoise. Selon Malblanc (1968, p. 203), la proposition relative est plus fréquente en français qu’en allemand. Il s’agit donc d’une différence au niveau des deux systèmes de langue. Aussi constatons-nous qu’un seul répondant germanophone a traduit la subordonnée relative de l’original français par une construction ana-logue en allemand. Deux répondants l’ont traduite par un participe épithète. C’est là une autre transformation fréquemment observable dans la traduction de propositions relatives du français en allemand, à en croire Malbanc (p. 195).

Eriksson (1988, p. 318-319), quant à lui, fait des constats similaires pour le couple de langues français-suédois : (1) la proposition relative est plus fréquente en français qu’en suédois, et (2) la proposition rela-tive apparaît, en suédois, dans d’autres contextes syntaxiques qu’en français. En nous référant aux tableaux 16 et 17, nous constatons que la moitié des répondants suédophones traduisent la proposition rela-tive de l’original français par une construction analogue, l’autre moitié optant soit pour une omission, soit pour un changement d’unité. La différence est donc moins prononcée que pour le groupe germano-phone, mais elle existe.

Il se dégage de ces observations une question supplémentaire, à vé-rifier dans un corpus plus large : est-il est possible que l’omission (ou la transformation) de la subordonnée relative soit, au moins en partie,

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liée à des différences linguistiques entre d’une part le français, et d’autre part l’allemand et le suédois, et non pas seulement à des ré-flexions d’ordre rhétorique et culturel ? Certes, les protocoles ne con-tiennent pas de verbalisations pouvant être interprétées en ce sens. Or pourrait-on s’attendre à de telles verbalisations ? Nous en doutons. Comme le souligne Eriksson (1988, p. 321), il ne s’agit pas d’un phé-nomène d’ordre stylistique, mais de tendances conditionnées par des facteurs syntaxiques spécifiques (« specifika syntaktiska faktorer ») et, dès lors, probablement non verbalisables, d’après nous. Signalons fi-nalement une différence entre l’allemand et le suédois au niveau des possibilités dont disposent ces langues pour traduire la proposition relative de l’original français. Le recours au participe épithète re-présente une solution idiomatique en allemand ; en suédois, s’il est grammaticalement possible, il n’est pas idiomatique. Par contre, le participe détaché représente une solution idiomatique dans cette langue. S’il est possible en allemand, il n’est toutefois pas du tout idiomatique.

Pour ce qui est des principes de traduction, finalement, nous avons pu repérer des différences entre les étudiantes germanophones d’un côté et les étudiantes suédophones de l’autre. En effet, chez les étudiantes suisses alémaniques, nous avons identifié plus de verbalisa-tions qui révèlent des principes de traduction sous forme de commen-taires procéduraux ou de stratégies globales. Il n’y a cependant pas de raison de croire que cette différence est liée à une différence au niveau de la langue d’arrivée, à savoir l’allemand ou le suédois. Nous pen-sons qu’elle est plutôt liée à une variable supplémentaire jouant un rôle dans le processus de traduction, celle de l’enseignement. En effet, contrairement à leurs collègues suédophones, les étudiantes germano-phones ont bénéficié d’un trimestre de traduction technique. On peut donc penser qu’elles possèdent des connaissances plus approfondies du genre des notices techniques. Cela a sûrement dû laisser des traces dans leur comportement traductif sous la forme d’une plus grande confiance dans le traitement de certains problèmes associés à la traduction de textes techniques, au moins pour les problèmes qu’a soulevés le segment de texte qui a fait l’objet du présent chapitre.

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5 DONNER DES INSTRUCTIONS Nous voilà arrivé au troisième chapitre consacré aux résultats de

notre recherche. Il y sera question de la fonction la plus importante des notices techniques : celle de donner à l’acheteur les instructions nécessaires pour l’acquisition de connaissances exploitables ou l’exé-cution d’opérations concrètes (Mårdsjö, 1992, p. 41). Dans notre cas plus précis, l’usager s’attend à recevoir des instructions pour l’installa-tion du téléphone-fax-répondeur qu’il a acheté. Et cela sous forme d’informations correctes et pertinentes, bien entendu (Mårdsjö et Carlshamre, 2000, p. 16).

5.1 ‘Ce deux-points me rend fou !’ Les séquences instructionnelles sont caractérisées par la succession

logique ou chronologique d’unités de base désignant les étapes suc-cessives d’un processus à exécuter (Adam, 1990, p. 88). Cette succes-sion est mise en texte grâce à trois procédés principaux (Mårdsjö, 1992, p. 68) : (1) les directives (exemple : les impératifs), (2) la struc-ture séquentielle (l’usager doit savoir avec certitude ce qui se passe et ce qui se passera), et (3) la forme graphique sur laquelle s’appuie la structure (exemple : listes de puces ou de numéros). Nous retrouvons ces procédés dans notre texte de départ (voir appendice 1). L’extrait qui sera au centre de nos analyses constitue la quatrième étape sur cinq d’une séquence instructionnelle. Le voici :

4. Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière. La petite fiche étant branchée sur le connecteur (C), faites passer le cordon dans le passe-fil (D). Refermez les capots avant et arrière.

Nous nous concentrerons sur la première phrase complexe appa-raissant dans le paragraphe (pour la notion de phrase complexe, voir Riegel et. al, 1999, p. 469-478). Elle est composée de deux propo-sitions liées par un deux-points : Insérez la petite fiche du bloc alimen-tation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière. Elle a déjà retenu notre attention lors de la première lecture, lorsque nous avons choisi le matériau à utiliser pour la présente re-cherche. Le deux-points placé au milieu nous semblait un tant soit peu déroutant. Fallait-il ouvrir les capots pour insérer la petite fiche ?

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C’est l’interprétation qui découle d’une analyse de la valeur séman-tique du deux-points. Ni le cotexte, ni les schémas ne permettent, cependant, de comprendre pourquoi il en serait ainsi. La réaction de la personne qui nous a fourni le texte de départ a confirmé cette première impression d’ambiguïté, d’interprétation incertaine. Lorsque nous lui avons posé des questions sur d’autres parties du texte de départ, elle a spontanément fait la remarque suivante : à mon avis, ce paragraphe pose aussi un problème de ponctuation : je ne vois pas quelle valeur logique on pourrait attribuer au deux-points.

Quelle est la fonction du deux-points dans les langues qui nous concernent, à savoir le français, l’allemand et le suédois ? D’après Le Goffic (1993, p. 65) et Riegel et al. (1999, p. 92), il introduit en fran-çais un terme ou une phrase qui marque un rapport sémantique avec ce qui précède. Plus précisément, il (1) introduit une citation ou un dis-cours rapporté, (2) annonce une énumération ou des exemples, et (3) exprime un rapport logique entre les termes qu’il sépare, à savoir entre ce qui est marqué respectivement avant et après : la cause, la consé-quence ou l’explication. Les choses ne sont pas différentes en alle-mand. Zemb (1978, p. 838-839) signale explicitement que le deux-points a les mêmes fonctions en français qu’en allemand. C’est égale-ment la conclusion qu’on peut tirer pour le couple de langues français-suédois. Ainsi, les Svenska skrivregler ‘Conventions de l’écriture en suédois’ (2000, p. 155) précisent que le deux-points précède des cita-tions, des énumérations, des exemples ou des explications.

Comme en témoigne l’extrait de protocole servant de titre à la présente section, le deux-points liant la phrase complexe a déconcerté certains répondants. Dans la plupart des cas, ils ont émis l’hypothèse qu’il annonce une explication, les autres possibilités d’interprétation, citées dans la grammaire, n’étant pas plausibles : (1) il ne s’agit ni d’une citation ni d’un discours rapporté, (2) il n’annonce ni une énu-mération ni des exemples, (3) il ne peut exprimer ni un rapport de con-séquence, ni de cause, l’impératif ouvrez interdisant ces possibilités d’interprétation. Autrement dit, le mode des verbes, le fait qu’il s’agisse d’une séquence instructionnelle, caractérisée d’habitude par une succession logique ou chronologique, donnent à penser qu’on doit attribuer au deux-points la valeur sémantique de la succession, alors

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que, d’après la grammaire, il doit indiquer une autre relation logique, celle d’explication.

Or, il n’est pas nécessaire d’ouvrir les capots pour pouvoir brancher la petite fiche. Les étapes successives à exécuter sont les suivantes : insérer la petite fiche, ouvrir le capot avant, qui dégage le capot ar-rière, puis ouvrir ce dernier pour pouvoir glisser le cordon entre la gauche de l’appareil et le passe-fil, puis refermer le tout. Dans la réa-lité, le paragraphe indique une stricte séquentialité. Dans le texte, par contre, cette séquentialité est mise à mal à la fois par le deux-points (les impératifs indiquant une stricte séquentialité), et la proposition participiale apparaissant dans la phrase suivante (nous y reviendrons). Signalons à ce titre que Stolze (1999, p. 93) décrit justement la sé-quentialité (klar gerichtete Gedankenabfolge) comme un trait général du style technique. De surcroît, aucun des textes parallèles distribués à nos répondants ne contient de deux-points dans les séquences instruc-tionnelles. Voilà une preuve supplémentaire qui vient étayer notre hypothèse selon laquelle le traitement de la phrase complexe peut être déroutant pour le lecteur.

Rappelons à ce titre une remarque faite dans la section 3.1 et qui portait sur la responsabilité du fabricant. La notice technique fait par-tie intégrante du produit avec lequel elle est livrée. Le fabricant a l’obligation de faire en sorte que les instructions soient complètes, précises et faciles à exécuter (Reichert, 1993, p. 190). Dans le cas qui nous occupe, il n’est pas nécessaire d’ouvrir les capots pour brancher la petite fiche. L’instruction n’est donc pas précise et pas non plus forcément facile à exécuter. Signalons toutefois que le traducteur est souvent confronté à des décalages entre texte et réalité, autrement dit à des textes contenant des erreurs (voir aussi Schmitt, 1999b, p. 83-85). Cet auteur souligne, à juste titre, un autre point important : même si un examen du matériel en cause n’est pas possible, un test de plausibilité peut aider le traducteur à reconnaître et éliminer de telles erreurs. Dans notre cas, il s’agit d’une d’ambiguïté. Même un test de plausibi-lité ne permettrait pas au traducteur de trancher du bien-fondé du deux-points, deux interprétations étant plausibles (pour la notion de test de plausibilité comme une étape intervenant dans la phase de compréhension en traduction, voir aussi Gile, 1995, chap. 5).

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Le deux-points liant la phrase complexe n’est d’ailleurs pas la seule ambiguïté que comporte le texte de départ, comme le suggèrent les verbalisations de nos répondants. L’élément options dans la première partie du texte de départ (voir appendice 1) prête à confusion. Il est impossible de savoir avec certitude à quels éléments il se rapporte : à combiné sans fil et imprimante PC seulement, ou également à copieur d’appoint ? Aussi y a-t-il incompatibilité entre les informations gra-phiques et textuelles (le cordon du combiné téléphonique tel qu’il est représenté sur la page de couverture de la notice n’est pas branché comme le laisserait entendre l’instruction donnée dans le paragraphe numéro 2 de la liste des étapes à exécuter).

On peut, au demeurant, se demander si l’interaction entre les informations textuelles et graphiques est en général juste. À en con-clure par les verbalisations de nos répondants, le texte aurait gagné en clarté si on avait ajouté un schéma supplémentaire expliquant com-ment et pourquoi il fallait ouvrir les capots. Il faut toutefois concéder que c’est surtout un problème pour le traducteur. L’acheteur lisant la notice a devant lui l’appareil et comprendra donc forcément plus facilement comment ouvrir les capots. D’après Bédard (1986, p. 80), il est plus important pour le traducteur de savoir repérer les ambiguïtés que de pouvoir les résoudre par lui-même. Il pourra toujours consulter le donneur d’ouvrage ou d’autres personnes-ressources. Toujours se-lon Bédard (p. 96 et 179-180), assumer son rôle de communicateur exige, toutefois, du traducteur qu’il redresse les éventuelles ambi-guïtés ou erreurs de logique constatées dans le texte à traduire ; dans la mesure où une telle intervention est risquée, le traducteur devrait cependant contacter le donneur d’ouvrage afin d’obtenir confirmation de l’erreur soupçonnée.

Par rapport à l’ambiguïté en traduction, nous pouvons aussi nous référer à Dancette (1995, p. 28), qui l’aborde du point de vue de l’habileté de raisonnement du traducteur. Selon cet auteur, les traduc-teurs font preuve d’une habileté particulière qui leur permet de détec-ter l’ambiguïté sous toutes ses formes. Nous espérons que nos données nous permettront également de nous prononcer quant au traitement de l’ambiguïté par des étudiants en traduction.

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La séquence instructionnelle contenue dans notre texte de départ peut également être analysée du point de vue du langage contrôlé. La plupart des grandes entreprises mettent au point des règles que les ré-dacteurs ou traducteurs techniques doivent suivre lors de la prépara-tion de documents dans différentes langues. Ces règles concernent, entre autres, le choix du vocabulaire et la grammaire. L’objectif pour-suivi avec le langage contrôlé est de réduire les risques d’ambiguïté (Mårdsjö et Carlshamre, 2000, p. 91-93) et de favoriser la rapidité et la facilité de lecture (Stolze, 1999, p. 141-143). Lors de notre entrevue avec le réviseur-traducteur suédophone, celui-ci nous a signalé que les séquences instructionnelles du texte de départ étaient, dans l’en-semble, rédigées selon les règles du langage contrôlé, le rédacteur français ayant peut-être eu pour tâche de rendre le texte compatible pour la phase ultérieure, à savoir la traduction assistée par ordinateur. Et pourtant, l’extrait du texte de départ dont il est question ici enfreint certaines règles du langage contrôlé.

Primo, les deux premières phrases sont des phrases complexes : Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière, d’un côté, et la petite fiche étant branchée sur le connecteur (C), faites passer le cordon dans le passe-fil (D), d’autre côté. Elles contiennent plus d’un seul énoncé. Secundo, la proposition participiale, la petite fiche étant branchée sur le connecteur (C), crée une redondance qui perturbe plutôt que sou-lage, à en juger des verbalisations de nos répondants. D’après Stolze (1999, p. 154), toute redondance inutile doit être évitée dans les no-tices techniques. Il est vrai qu’il n’est pas facile de trancher entre re-dondance utile et redondance inutile. Reichert (1993, p. 98-99) donne néanmoins quelques pistes. Dans la redondance utile, il cite les ré-sumés, statistiques ou schémas. On peut donc émettre l’hypothèse qu’il aurait été plus avantageux de donner un quatrième schéma plutôt que de répéter dans le texte que la petite fiche a été branchée. Cette dernière répétition semble en effet avoir accru la confusion parmi nos répondants, pour au moins trois raisons : (1) elle arrive juste après la phrase complexe comportant le deux-points et difficile à interpréter elle-même, (2) elle prend la forme d’une proposition participiale, structure qui laisse implicite les relations sémantiques entre les deux

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propositions constituant la phrase complexe, et (3) elle reprend une information déjà donnée, ce qui est contraire au principe de linéarité des séquences instructionnelles.

Les règles établies dans le cadre du langage contrôlé ne sont pas sans rappeler les listes de directives pour la rédaction d’instructions dans des notices techniques, dressées respectivement par Reichert (1993, p. 208) et Schmitt (1999b, p. 389-406). Les directives suivantes nous intéressent particulièrement : (1) écrire des phrases courtes, et (2) éviter les formulations équivoques. Puisque l’effet combiné des infractions constatées dans notre texte de départ semble être celui de déconcerter certains répondants, on peut se poser la question de savoir si la présente notice, avant de quitter l’entreprise, a été soumise à un test d’aptitude sur des personnes volontaires pour des expériences, test destiné à garantir la compréhension aisée et l’exécution sûre (Reichert, 1993, p. 270).

Dans les pages qui vont suivre, nous nous occuperons d’étudier à quelles stratégies et quels principes nos répondants ont eu recours pour traduire la phrase Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière, et plus précisément le deux-points. Celui-ci indique, rappelons-le, que l’ouverture des capots précède l’insertion de la petite fiche. C’est l’interprétation qui s’impose d’après la grammaire et c’est elle qui constituera notre point de départ pour l’établissement de l’inventaire des stratégies employées par nos répondants. Une possibilité est, bien entendu, la stratégie du mot-à-mot, c’est-à-dire le transfert en langue d’arrivée du deux-points. À l’autre bout existe la substitution du deux-points par un autre signe de ponctuation, renversant la chronologie. Finalement, il y a aussi la stratégie d’explicitation. Le deux-points peut annoncer une explication, disions-nous. S’il est traduit en alle-mand ou en suédois par une formulation correspondant en français à pour pouvoir insérer la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur (C), il faut ouvrir le capot avant et le capot arrière, le répondant précise dans la traduction la relation logique entre les deux propositions. Le choix de la stratégie employée dépendra évidemment aussi de la mesure dans laquelle l’ambiguïté est repérée et redressée. Dans un deuxième temps, il sera intéressant de voir si les étudiantes

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en traduction et les traducteurs professionnels se distinguent en ce qui concerne leur habileté à détecter une telle ambiguïté. Nous espérons obtenir ainsi des renseignements sur les principes de traduction sous-jacents au choix de telle ou telle stratégie et sur la façon habituelle des répondants de traiter l’ambiguïté.

5.2 Résultats Pour la présentation des résultats de nos analyses, nous suivrons la

structure adoptée dans les chapitres précédents. Nous commencerons par décrire les stratégies employées par le groupe germanophone avant de passer aux commentaires du réviseur-traducteur et à la pré-sentation des principes de traduction (section 5.2.1). La section sui-vante sera consacrée aux résultats du groupe suédophone (5.2.2). Nous conclurons par une discussion plus approfondie de certains résultats observés chez nos répondants (5.3).

5.2.1 Le groupe germanophone Nous nous référons d’abord aux tableaux 19 – 21 figurant à la fin

de la présente section. Ils donnent un aperçu des stratégies employées par les répondants germanophones pour traduire la phrase Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière. Signalons d’emblée que nous n’y avons répertorié que les stratégies employées pour traduire le deux-points stricto sensu. Le nombre total des stratégies mises en évidence dans les traductions des répondants germanophones est de 17. Elles se répartissent de façon assez égale entre les trois groupes de stratégies (syntaxico-grammaticales, sémantiques et pragmatiques).

Parmi les stratégies syntaxico-grammaticales, nous notons deux types de stratégies : la traduction littérale, employée par 2 traductrices, et les changements d’unité auxquels ont recours 4 étudiantes et 2 traducteurs. Les changements d’unité indiquent soit que la phrase complexe a été séparée en deux au moyen d’un point, soit que le deux-points a été remplacé par la conjonction de coordination und. Préci-sons que la ponctuation ne figure pas parmi les unités prévues par Chesterman (1997, p. 95) dans la définition qu’il donne de la stratégie de changement d’unité. Il n’y évoque que les unités suivantes : mor-

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phème, mot, groupe, proposition, phrase et paragraphe. En traitant le remplacement d’un signe de ponctuation (le deux-points) par un mot (und) de changement d’unité, nous avons ajouté la catégorie ponctua-tion. D’ailleurs, nous traiterons de la même façon le remplacement du deux-points par la conjonction de coordination och ‘et’ dans la traduc-tion de Pernilla (T-SE).

On constate ensuite une différence assez nette entre étudiantes et traducteurs au niveau des stratégies sémantiques. En effet, toutes les étudiantes suppriment le deux-points dans le texte d’arrivée, ce qui amène un changement de direction temporelle chez 4 d’entre elles. Autrement dit, elles produisent des traductions où l’insertion de la petite fiche du bloc alimentation précède l’ouverture des capots. Ce renversement de l’ordre temporel est correct dans la pratique, mais contraire à la valeur logique du deux-points. Il constitue donc une prise de risque. Par ailleurs, l’appellation changement de direction temporelle ne doit pas masquer le fait que la portée du changement effectué varie dans ces traductions. Nous trouvons ainsi d’un côté la traduction d’Illana (É-CH), dans laquelle le deux-points a été rem-placé par la conjonction de coordination und. Comme le souligne Weinrich (1993, p. 799-808), le und exprime la succession (Reihung), mais la spécification de cette succession est laissée au contexte. On peut donc faire valoir que la traduction d’Illana (É-CH) pourrait être interprétée comme indiquant une simultanéité, c’est-à-dire qu’on doit à la fois insérer la petite fiche et ouvrir le capot. À l’autre bout, il y a la traduction de Deborah (É-CH). Le connecteur temporel dann ne permet pas de douter de la succession chronologique des deux étapes. Entre ces deux extrémités, se situent les traductions de Flavia (É-CH), Heidi (É-CH) et Tamara (T-CH) qui ont remplacé le deux-points par un point ou une virgule.

Peut-être pourrait-on même parler d’un changement de direction temporelle dans le cas de la traduction de Sophia (É-CH). Étant donné que cette étudiante a supprimé – délibérément ou par mégarde – tout signe de ponctuation entre les deux propositions, la prudence dans la classification nous semble de mise. En effet, il ne paraît pas possible de considérer l’omission constatée comme relevant d’une stratégie. Elle se rapproche plutôt d’une erreur de traduction, l’étudiante ayant

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probablement oublié de mettre un signe de ponctuation après le segment die Buchse (C).

Une différence supplémentaire apparaît entre étudiantes et traducteurs au niveau du groupe des stratégies pragmatiques. Nous ne comptons aucune stratégie relevant de ce groupe parmi les étudiantes. Par contre, 2 traducteurs ont recours à l’explicitation et à des notes du traducteur. Fanny (T-CH) et Laurent (T-CH) rendent explicite la rela-tion sémantique entre les deux propositions, soit syntaxiquement (en changeant l’ordre dans lequel celles-ci apparaissent), soit lexicalement (au moyen de l’adverbe prépositionnel dazu). On peut ensuite signaler que, parmi les répondants ayant repéré l’ambiguïté de la phrase com-plexe, seuls les traducteurs décident de la signaler au donneur d’ouv-rage plutôt que de se lancer dans une interprétation hasardeuse.

Comment le réviseur-traducteur a-t-il réagi à ces traductions ? Les tableaux 19 et 20 donnent un aperçu de ses commentaires. Nous n’avons tenu compte que des commentaires portant sur la traduction du deux-points au sens strict. Sur les 10 traductions, seules 2 se voient attribuer des commentaires : celle d’Adina (T-CH), dans laquelle le deux-points est précédé d’un espace, ce qui est contraire aux conven-tions de rédaction de l’allemand, et celle de Laurent (T-CH), qui a opté pour une explicitation du deux-points au moyen de l’adverbe prépositionnel dazu. Précisons, cependant, que les traits ondulés figu-rant dans cette traduction signalent que Laurent (T-CH) comptait con-sulter le donneur d’ouvrage pour obtenir confirmation du bien-fondé de son interprétation. Le réviseur-traducteur signale qu’il n’est pas sûr qu’il faille ouvrir le capot pour pouvoir brancher le connecteur. Dans son évaluation globale, il exprime, cependant, son approbation des notes ajoutées par Laurent (T-CH) : der Hinweis auf abzuklärende Punkte (Handelsvertretung, Deckel öffnen) zeugt von Gewissen-haftigkeit, da eine Klärung dem Zielpublikum einerseits wichtige Informationen liefern und andererseits das Verständnis der Anleitung erleichtern würde.

Les huit autres traductions sont approuvées telles quelles, ce qui nous amène à nous demander s’il n’y a pas une incohérence dans la révision. La traduction de Fanny (T-CH), par exemple, n’est pas iden-tique à celle de Laurent (T-CH). Mais tout comme chez ce dernier, sa

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traduction laisse entrevoir l’hypothèse qu’il faut ouvrir les capots pour pouvoir brancher la petite fiche. Or, le réviseur ne critique pas cette explicitation du deux-points. On peut donc émettre l’hypothèse qu’il n’a pas repéré l’ambiguïté. Aussi constatons-nous qu’il n’a pas signalé l’omission de tout signe de ponctuation dans la traduction de Sophia (É-CH).

Nous avons décidé de nous concentrer, dans ce qui suit, sur les répondants ayant produit des verbalisations portant sur le deux-points. Ils sont au nombre de 6, à savoir 4 étudiantes et 2 traducteurs. Voici leurs traductions :

Schliessen Sie den kleinen Stecker des Netzgerätes an die Buchse (C) an. Öffnen Sie dann die vordere und hintere Abdeckhaube und ziehen Sie das Kabel durch die Drahtdurchführung. Schliessen Sie wieder die vordere und hintere Abdeckhaube.

(Deborah, É-CH)

Stecken Sie den kleinen Stecker des Netzgerätes in die Buchse C. Öffnen Sie die vordere und hintere Klappe am Gerät und führen Sie das Kabel durch den Kabelkanal D. Schliessen Sie die Klappen.

(Flavia, É-CH)

Verbinden Sie den kleinen Stecker des Netzteils mit der Anschlussdose und öffnen Sie die vordere und hintere Abdeckklappe. Wenn der Stecker mit der Anschlussdose verbunden ist, können Sie das Kabel durch die Durchführungstülle leiten. Schliessen Sie nun die vordere und hintere Abdeckklappe wieder.

(Illana, É-CH)

Stecken Sie den Stecker des Netzgeräts in die Buchse (C) klappen [sic] Sie das Bedienungspanel nach vorne und den Deckel nach hinten. Klemmen Sie das Netzkabel in die Durchführungsbuchse (D). Klappen Sie das Bedienungspanel und den Deckel wieder zu. . [sic]

(Sophia, É-CH)

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Öffnen Sie die vordere und die rückwärtige Abdeckunga. Stecken Sie den kleinen Stecker des Netzteils in die Anschluss-buchse C und das Kabel in den vorgesehenen Anschluss Db. Schliessen Sie die vordere und die rückwärtige Abdeckung.

(Fanny, T-CH)

Fanny (T-CH) ajoute les notes suivantes : aHabe ich die Folge der Arbeitsschritte richtig verstanden? Deckel auf, in C einstecken, in D einstecken, Deckel zu. bHabe mich hier für eine weniger technische Ausdrucksweise ent-schieden, um den Endverbraucher nicht zu verunsichern. Die beige-fügte Zeichnung ist ja auch schon sehr hilfreich, und ich glaube, dass man auf die Fachausdrücke hier verzichten könnte.

Verbinden Sie den kleinen Stecker des Netzgerätes mit der Buchse (C). Öffnen Sie dazu den vorderen und hinteren Deckel. Nachdem der kleine Stecker an der Buchse (C) angeschlossen ist, legen Sie das Kabel in die Kabelführung (D). Schliessen Sie die beiden Deckel wieder.

(Laurent, T-CH)

Les soulignements en ondulé indiquent que Laurent (T-CH) comptait consulter le donneur d’ouvrage pour vérifier l’exactitude de sa traduction. Ils ont donc la même fonction qu’une note de traduc-teur.

Force est de constater des similitudes au sein des traductions des étudiantes d’un côté et de celles des traducteurs de l’autre. Alors que les premières changent la direction temporelle de l’original français, telle qu’indiquée par le deux-points, les deux traducteurs la respectent. Nous passons maintenant aux extraits des protocoles des étudiantes, suivis de ceux des traducteurs. Commençons par Deborah (É-CH) :

[36] [Deborah] jetzt steht da ein Doppelpunkt (1s) jetzt weiss ich da nicht genau was das da soll wahrscheinlich (3s) ich muss wahrscheinlich nochmals den Absatz durchlesen (22s) da weiss ich jetzt nicht ob das eine Erklärung ist (1s) oder das was man nachher machen muss (4s) aber wahrscheinlich hat der Doppelpunkt die Funktion (3s) dass man das weitere Vorgehen beschreibt nehm ich jetzt mal an (8s) hm weil wenn

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ich jetzt das Bild anschaue seh ich nicht ein wieso man (1s) zum Einstecken (3s) also zum Anschliessen dieses Steckers jetzt ähm (1s) die Abdeckhaufe die Abdeckhaube öffnen soll (7s) ich mach jetzt da mal einen Punkt (2s) anstatt einen Doppelpunkt

[37] [Deborah] und eben (2s) da ich jetzt angenommen habe und ich glaube es ist auch wirklich so dass der Doppelpunkt dass das einfach beschreibt was nachher kommt (2s) hab ich da jetzt einfach ähm das Wort dann gebraucht also öffnen Sie dann die vordere und hintere Abdeckhaube ich glaube das ist etwas klarer als einfach ein Doppelpunkt

Les extraits [36] et [37] contiennent bon nombre de marqueurs linguistiques témoignant de l’incertitude de Deborah (É-CH) quant à la bonne interprétation du deux-points : aveux d’ignorance (jetzt weiss ich da nicht genau was das da soll; da weiss ich jetzt nicht ob das eine Erklärung ist), expressions de modalité épistémique (aber wahrscheinlich hat der Doppelpunkt die Funktion (3s) dass man das weitere Vorgehen beschreibt nehm ich jetzt mal an; ich glaube es ist auch wirklich so; ich glaube das ist etwas klarer) et atténuateurs (wahrscheinlich apparaissant à trois reprises; das ist etwas klarer). Deborah (É-CH) émet deux hypothèses sur la valeur logique du deux-points : celle d’une explication (da weiss ich jetzt nicht ob das eine Erklärung ist), et celle selon laquelle il annonce la suite (aber wahrscheinlich hat der Doppelpunkt die Funktion (3s) dass man das weitere Vorgehen beschreibt). Elle se rabat sur cette deuxième interprétation qui lui suggère de remplacer le deux-points par un point (ich mach jetzt da mal einen Punkt) et d’introduire le connecteur temporel dann (hab ich da jetzt einfach ähm das Wort dann ge-braucht). Elle fait valoir qu’un point est un peu plus clair qu’un deux-points (ich glaub das ist etwas klarer als einfach ein Doppelpunkt).

Les verbalisations de Deborah (É-CH) appellent plusieurs commen-taires. Tout d’abord, elles ne peuvent pas être interprétées comme ré-vélant un principe de traduction. Deuxièmement, selon la grammaire, le deux-points peut bel et bien annoncer une conséquence, mais non pas une succession. Or, dans le cas présent, le deux-points sépare deux étapes qui se succèdent dans le temps. L’interprétation de Deborah (É-CH) est donc la bonne, mais risquée. Toutefois, elle s’appuie au

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moins sur la prise en considération des schémas, même si ceux-ci ne permettent pas de désambiguïser la phrase complexe.

Flavia (É-CH) a, elle aussi, remplacé le deux-points par un point : [38] [Flavia] stecken Sie (2s) stecken Sie (2s) die (1s) den (1s) ähm

kleinen (1s) Stecker das ist mühsam mit diesen Steckern (7s) (Philips) ... in die (2s) die Buchse (1s) C (2s) indem Sie (2s) der Doppelpunkt heisst wahrscheinlich schon indem (6s) indem Sie (6s) nein das ist aussen das ist aussen

Cet extrait ne contient pas non plus de verbalisations pouvant être interprétées comme révélant un principe de traduction. Il révèle cepen-dant d’autres choses sur le traitement du deux-points. Flavia (É-CH) lui attribue d’abord la valeur logique d’une explication (der Doppel-punkt heisst wahrscheinlich schon indem). La prise en considération des informations données dans les schémas lui suggère cependant qu’il n’est pas nécessaire d’ouvrir les capots pour brancher la petite fiche, puisque le connecteur (C) se trouve à l’extérieur de l’appareil (das ist aussen). C’est correct, mais, répétons-le, les schémas ne per-mettent pas d’affirmer cela avec certitude. Le redressement de l’ambi-guïté constatée par cette étudiante est donc une intervention risquée.

Illana (É-CH), quant à elle, raisonne de la manière suivante : [39] [Illana] und der Doppelpunkt ist eigentlich auch nicht nötig (.)

ich mach da einfach ein und (59s) im nächsten Satz eben bei diesem Partizipialsatz das ist etwas komisch weil (.) im Deutschen muss man irgendwie mit können weiterfahren also (.) denn wenn ich da jetzt wenn nehme wenn der Stecker (()) (2s) dann kann man ja nicht grad wieder ähm (1s) mit Imperativ weiterfahren aber ich glaub das macht nichts da kann man sicher (.) können nehmen (2s) das ist sogar mal eine Abwechslung

Rappelons qu’Illana (É-CH) opte pour une traduction au moyen de la conjonction de coordination und, qui laisse une certaine marge d’interprétation. On peut, en effet, l’interpréter comme voulant dire qu’il faut d’abord brancher la fiche et ensuite ouvrir les capots, ou alors exécuter les deux étapes plus ou moins simultanément. L’extrait [39] nous révèle que l’étudiante considère le deux-points comme in-utile sans donner plus de précisions (und der Doppelpunkt ist eigent-

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lich auch nicht nötig (.) ich mach da einfach ein und). La suite des verbalisations contenues dans cet extrait ne porte pas directement sur le deux-points, mais sur la proposition participiale au début de la phrase suivante. L’impression générale qui s’en dégage est celle d’une étudiante qui n’est pas très sûre de ce qu’elle fait. Rappelons que nous avons mis en évidence, dans la section 3.2.1, que le protocole de cette étudiante contient de nombreux marqueurs linguistiques d’incertitude sous forme d’atténuateurs et d’expressions de modalité épistémique. Nous faisons le même constat dans le présent extrait : und der Doppel-punkt ist eigentlich auch nicht nötig; das ist etwas komisch; im Deut-schen muss man irgendwie mit können weiterfahren; ich glaub das macht nichts. Nous tenons là une preuve supplémentaire et assez so-lide venant étayer notre conclusion que cette étudiante ne dispose pas encore de principes de traduction clairs, du moins pour le traitement de certains problèmes mis en évidence dans notre texte de départ.

Venons-en à la quatrième et dernière étudiante germanophone ayant produit des verbalisations sur le deux-points. Il s’agit de Sophia (É-CH). Rappelons qu’elle a supprimé le deux-points sans le rempla-cer par un autre signe de ponctuation :

[40] [Sophia] stecken Sie den Stecker des Netzgeräts in die Buchse C (2s) Stecker des Netzgeräts (2s) klappen Sie die das Bedie-nungspanel nach vorne (1s) und den hinteren Deckel nach hinten ... also so wie es jetzt ist ohne dass dass mir jemand sagen könnte wie was da genau passiert würd ich es einfach so lassen (2s) obwohl kein Zusammenhang besteht zwischen diesen Deckeln die man aufmacht und dem dem Netzkabel das man befestigt weil dafür braucht man den Deckel nicht aufmachen

[41] [Sophia] stecken Sie den Stecker des Netzgeräts in die Buchse C (.) klappen Sie das Bedienungspanel nach vorne (1s) und den Deckel nach hinten (.) befestigen Sie das Netzkabel an der Durchführungsbuchse (1s) klappen Sie das Bedienungspanel und den Deckel wieder zu (7s) hm (13s) ich seh nicht wieso der Doppelpunkt steht irgendwie das müsste ja eigentlich heissen (.) dass das über einen (.) im Zusammenhang steht (1s) wenn man den Stecker des Netzgerätes reinsteckt (2s) dass dann irgendwie (1s) eine Folge davon wäre dass die Deckel

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aufgehen aber das (.) macht ja auch keinen Sinn der Doppelpunkt (5s) na ja

Sophia (É-CH) est, avec Fanny, (T-CH) la répondante qui a fourni le plus grand nombre de verbalisations sur le paragraphe contenant la phrase Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière.

L’extrait [40] fait apparaître que Sophia (É-CH) est consciente de l’aide potentielle que pourraient lui apporter des personnes-ressources (ohne dass dass mir jemand sagen könnte wie was da genau passiert würd ich es einfach so lassen). Nous verrons que les deux traducteurs ayant produit des verbalisations sur le deux-points font également référence à des personnes-ressources, en l’occurrence au donneur d’ouvrage. À la différence de Sophia (É-CH), ils se résolvent toutefois à concrétiser cette aide en assortissant leurs traductions de notes. L’extrait se termine par une verbalisation dans laquelle Sophia (É-CH) affiche sa conviction qu’il n’y a pas de rapport entre l’ouverture des capots et l’insertion de la petite fiche. C’est correct, mais, répétons-le, on ne peut l’affirmer avec certitude. Nous avons d’ailleurs décidé de ne pas compter la référence à des personnes-ressources, reproduite ci-dessus, parmi les commentaires procéduraux. À notre avis, elle est trop vague.

L’extrait [41] contient les verbalisations de Sophia (É-CH) lors de la phase de révision. C’est seulement là qu’elle évoque explicitement le deux-points. La référence au deux-points est associée à de nom-breux marqueurs d’incertitude sous forme d’aveux d’ignorance (ich seh nicht wieso der Doppelpunkt steht) et d’atténuateurs (irgendwie das müsste ja eigentlich heissen; das dann irgendwie (1s) eine Folge davon wäre). Peut-être pourrions-nous interpréter la verbalisation ‘bon ben’ concluant cet extrait comme un aveu de résignation, comme un indicateur que cette étudiante n’a pas oublié de remplacer le deux-points par un autre signe de ponctuation, mais qu’elle s’est résolue à laisser un blanc. En tout état de cause, les extraits ne contiennent pas de verbalisations pouvant être interprétées comme révélant un principe de traduction explicite et clair pour traiter l’ambiguïté dans le texte de départ. Sophia (É-CH) se distingue cependant d’Illana (É-CH) en ce

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sens qu’elle avoue ouvertement son ignorance et déclare vouloir se faire aider par des personnes-ressources.

Il est temps de passer aux traducteurs professionnels. Nous présentons d’abord les verbalisations pertinentes de Fanny (T-CH). Nous les avons considérablement raccourcies en éliminant les passa-ges n’apportant rien de plus à la discussion :

[42] [Fanny] ach und jetzt kommt ein Doppelpunkt warum eigentlich? (4s) warum macht der jetzt einen Doppelpunkt? wird jetzt erklärt wie man das macht? (2s) anscheinend (3s) ouvrez le capot avant et le capot arrière (6s) (France Tele-com:) da kann man aber nun nicht mehr sehr gut erkennen was nun was ist ... aber anscheinend ist das jetzt wirklich die Erklärung wie man das macht vielleicht kommt man da gar nicht so leicht ran (2s) versteh ich das richtig? ouvrez le capot avant et le capot arrière (2s) öffnen Sie den vorderen und den rückwärtigen Deckel die Abdeckung Deckel ist auch nicht gut (2s) dann müsst ich aber sagen dazu müssen Sie

L’extrait [42] fait apparaître que Fanny (T-CH) identifie la difficulté tout de suite : c’est le deux-points placé au milieu de la phrase complexe qui pose problème. L’incertitude quant à son inter-prétation s’exprime sous forme de questions. Elle émet l’hypothèse qu’il précède une explication. Aussi verbalise-t-elle un commentaire évaluatif négatif des schémas. L’extrait se termine par une première solution de traduction, à l’aide de l’adverbe prépositionnel dazu, solution reposant sur une stratégie d’explicitation. La similarité entre le raisonnement de cette traductrice et celui de Laurent (T-CH ; voir plus loin) est frappante. Voici l’extrait suivant du protocole de Fanny (T-CH) :

[43] [Fanny] dass es ein Doppelpunkt ist ist merkwürdig (2s) das ist nämlich nicht die Erklärung wie man das tut sondern das ist die Folge äh Folgehandlung (2s) denn jetzt plötzlich sagt er la petite fiche étant branchée also die ist schon drin also (2s) also ist das nicht richtig dazu müssen Sie (3s) stecken Sie den Stecker des Netzteils in die Anschlussbuchse (C) äh öffnen Sie (1s) ja das sind einfach verschiedene Schritte in einer bestimmten Handlung ... das sind wirklich verschiedene

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Schritte also er steckt das da rein (2s) dann öffnet er die vordere und die andere die andere Abdeckung

Nous constatons dans l’extrait [43] que Fanny (T-CH) revient sur son hypothèse initiale. En prenant en considération la proposition participiale la petite fiche étant branchée sur le connecteur (C), elle émet une nouvelle hypothèse d’interprétation du deux-points, à savoir qu’il annonce la suite des étapes à exécuter. Ici aussi, il ne s’agit que d’une hypothèse provisoire, comme le révèle l’extrait suivant :

[44] [Fanny] nein also irgendwo kommt mir schon wieder was komisch vor mit diesem Doppelpunkt (4s) muss ich erst den Deckel öffnen vorne und hinten und kann dann überhaupt erst in diesen connecteur C rein (4s) hat der den Doppelpunkt à bon escient gemacht warum? ... hier weiss ich nicht was er meint durch magische Kräfte ist nämlich diese petite fiche im connecteur C plötzlich drin (5s) und dann soll man das Kabel in diese Kabeltülle äh einführen (4s) (elle soupire) (4s) stecken Sie den Stecker des Netzteils in die Anschlussbuchse C und dann macht er einen Doppelpunkt (4s) muss ich dann das wo vorher (2s) (elle soupire) also ich komm zu meiner auf meine ursprüngliche Idee zurück ich vertrau dem Autor dass der weiss warum er einen Doppelpunkt gemacht hat (2s) vielleicht ist das doch der Weg den man machen muss (2s) er sagt gut wir unterhalten uns jetzt darüber wie man dieses petite fiche vom Netzteil da in den connecteur bringt aber dazu muss man erst mal die Deckel öffnen (2s) dann tun Sie das da rein und dann tun Sies in die Kabeltül- dann noch die Kabeltülle D (2s) denn sonst ist der Doppelpunkt wirklich ohne jeden Sinn (2s) und da ichs nicht ausprobieren kann am Apparat ... jetzt bin ich mal ganz mutig (2s) jetzt formulier ich das mal so wie ich glaube dass es sein soll dann dreh ich nämlich die Abfolge der Handlung (2s) ich sage jetzt nun öffnen Sie warte mal ich muss jetzt den Satz nach vorne ziehen ich mach jetzt erst das mit dem Deckel öffnen ... öffnen Sie die vordere und die rückwärtige Abdeckung (2s) stecken Sie den Stecker des Netzteils in die Anschlussbuchse C ... ich hab ich glaub jetzt ein neues Telefon gebaut ähm aber dieser Doppelpunkt macht mich verrückt ... ich bin sehr mutig vielleicht haut er mir das um die Ohren der Hersteller

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L’extrait [44] fait ressortir, comme nous l’avons signalé, que Fanny (T-CH) renverse sa décision d’interpréter le deux-points comme annonçant la suite des étapes à exécuter. Elle se demande explicite-ment si l’auteur du texte de départ a utilisé le deux-points à bon escient. Aussi constatons-nous que la proposition participiale la petite fiche étant branchée sur le connecteur (C) semble augmenter le senti-ment d’incertitude.

Dans la suite, Fanny (T-CH) attribue au deux-points la valeur logique d’une explication (il faut d’abord ouvrir les capots pour pou-voir insérer la fiche), décidant de faire confiance à l’auteur du texte de départ (ich vertrau dem Autor dass der weiss warum er einen Doppel-punkt gemacht hat). Voilà une illustration de ce que Gile (1995, p. 118) appelle « author-is-no-fool principle ». Selon Gile, le traduc-teur devrait partir du principe que l’auteur du texte de départ sait de quoi il parle, même si le texte semble ambigu à première vue (préci-sons que Gile utilise le terme principe dans un sens général ; il ne coïncide donc pas avec la définition plus spécifique que nous lui réservons dans le cadre du présent travail). Autrement dit, le tra-ducteur devrait vérifier ses hypothèses autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce qu’il arrive soit à une hypothèse plausible, soit à la con-clusion que l’auteur s’est trompé. La réaction de Fanny (T-CH) constitue un compromis. En concluant que le deux-points n’a pas de sens s’il n’annonce pas une explication, elle émet une hypothèse sé-mantiquement plausible, tout en affichant son intention de contacter le donneur d’ouvrage pour vérifier si c’est vraiment ce que celui-ci a voulu dire.

L’extrait [44] contient, en outre, des verbalisations pouvant être interprétées comme révélant un principe de traduction, en l’occurrence sous forme de commentaire reflétant l’identité professionnelle de cette traductrice. Fanny (T-CH) commente sa décision de renverser l’ordre des propositions en disant qu’elle est courageuse (jetzt bin ich mal ganz mutig). Elle répète cette autoévaluation plus loin et donne libre cours à sa crainte que le donneur d’ouvrage va lui jeter la traduction à la figure (ich bin sehr mutig vielleicht haut er mir das um die Ohren der Hersteller). Il s’agit cependant d’une prise de risque modérée. Premièrement, la solution de traduction est fidèle au sens de l’original,

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même si elle s’en écarte du point de vue syntaxique. Il n’empêche que la différence par rapport à Kristina (T-SE), par exemple, est frap-pante : celle-ci a aussi exprimé sa crainte de se faire critiquer par le donneur d’ouvrage (voir section 4.2.2), et a produit une traduction qui reste en général syntaxiquement très proche du texte de départ. La dif-férence constatée entre ces deux traductrices peut s’expliquer par le fait que Fanny (T-CH), contrairement à Kristina (T-SE), dispose de solides connaissances linguistiques. Deuxièmement, Fanny (T-CH) prend soin de justifier sa décision dans une note à l’intention du donneur d’ouvrage, anticipant, de la sorte, la critique qu’elle voit pondre à son sujet :

[45] [Fanny] und werde das meinem Kunden mit einer Fussnote mitteilen (.) warum ich das gemacht habe so gehe ich normalerweise vor (2s) es kommt immer wieder vor dass ich Texte abgebe mit Fussnoten und Fragen (2s) und dann muss er das äh entweder mir antworten machen Sies bitte so oder er änderts direkt bei sich weil er den Text auch dann zur Ver-fügung hat ... warum ich an dieser Stelle (2s) brutal (2s) die Abfolge verändert habe liegt daran dass ich glaube dass dieser Doppelpunkt nach dem ersten Satz in Punkt vier (3s) deshalb da steht weil er jetzt in Ruhe nochmal die Schritte beschreibt und deshalb glaube ich man muss erst den Deckel öffnen dann steckt man das C ein und dann steckt man das D ein (2s) und ich glaube nicht dass es so ist wie mans auch verstehen könnte wie ich ja auch einen Moment lang gedacht habe (.) dass ers erst in C einsteckt dass er dann die Deckel öffnet und dann in D (3s) denn wenn das richtig wäre warum (.) wiederholt er dann la petite fiche étant branchée sur le connecteur C (.) also da ist etwas rätselhaft

L’extrait [45] contient une nouvelle verbalisation pouvant être interprétée comme révélant un principe de traduction, sous forme de commentaire procédural, indiquant la façon dont Fanny (T-CH) procède habituellement dans une tâche de traduction. En effet, elle déclare qu’elle a l’habitude de justifier certaines décisions sous forme de notes de bas de page (so gehe ich normalerweise vor).

Un dernier principe de traduction apparaît chez cette traductrice. Il ne porte pas directement sur le deux-points, mais est intéressant pour nos propos. Lorsque nous nous référons à la traduction entière de

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Fanny (T-CH ; voir appendice 2), nous constatons qu’elle justifie dans une note le recours à un vocabulaire moins technique que celui de l’original français, en invoquant les connaissances qu’on peut raison-nablement attendre des receveurs (habe mich hier für eine weniger technische Ausdrucksweise entschieden, um den Endverbraucher nicht zu verunsichern). Il semble s’agir là d’une stratégie globale : nous avons vu dans les chapitres 3 et 4 que Fanny (T-CH) avance le même motif pour justifier d’autres prises de décision.

Pour résumer, le protocole de Fanny (T-CH) fait apparaître le profil d’une traductrice qui possède des principes de traduction clairs. Cela ne veut pas dire qu’elle procède sans ressentir un quelconque doute. Or, les aveux d’incertitude, les questions ainsi que les notes de tra-ducteur renforcent plutôt qu’affaiblissent la crédibilité de cette traduc-trice. Ils mettent en évidence une attitude révélant un sentiment de responsabilité, une prise en charge d’un texte qui contient certaines erreurs.

Le dernier répondant germanophone à avoir produit des verbalisa-tions portant sur le deux-points est Laurent (T-CH) :

[46] [Laurent] und dann der Doppelpunkt auch das ergibt keinen Sinn (4s) ouvrez le capot avant et le capot arrière (12s) das heisst man muss das machen damit man überhaupt den Ste-cker einstecken kann (7s) la petite fiche étant branchée sur le connecteur faites passer le cordon dans le passe-fil und dann erst wieder den Deckel zumachen (6s) das ist blöd dass man das auf dem Bild nicht sieht

[47] [Laurent] öffnen Sie dazu das ist eben jetzt das Obskure le capot avant et le capot arrière (10s) also das Bild ist nicht sehr gut da weil (3s) auf dem Bildchen ist da überhaupt nichts offen (7s) aber es kann natürlich sein (1s) dass man das da durch stecken muss (8s) und dass man dafür muss (2s) nein das ergibt überhaupt keinen Sinn (8s) dass man dazu den Apparat aufmachen muss das ergibt überhaupt keinen Sinn also das müsste ich nachfragen weil das ist wirklich zu riskant wenn ich einfach schreibe (.) öffnen Sie dazu den (1s) öffnen Sie den vorderen und hinteren Deckel das steht zwar da aber das ergibt überhaupt keinen Sinn (1s) also (.) ich muss ja eh nachfragen also frag ich das auch das sind zwei kurze Fragen (2s) da kann man entweder sagen stimmts oder nicht und dann

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ist die Sache erledigt (.) aber das ist sonst zu riskant ... also zumindestens kann er dann sagen dass die Zeichnung nicht stimmt weil wenn es tatsächlich stimmt dass man die beiden Deckel aufmachen muss dann müssen sie auch die Zeichnung anpassen

L’extrait [46] révèle que Laurent (T-CH) considère le deux-points comme n’ayant pas de sens. En outre, il contient une verbalisation explicite de la stratégie d’explicitation auquel ce traducteur aura fi-nalement recours (man muss das machen damit man überhaupt den Stecker einstecken kann) ainsi qu’une évaluation négative des schémas (das ist blöd dass man das auf dem Bild nicht sieht).

Dans l’extrait [47], Laurent (T-CH) traite la phrase complexe d’obscure. Aussi procède-t-il à une nouvelle évaluation négative des schémas qui ne montreraient pas comment et pourquoi il faut ouvrir les capots. Il émet l’hypothèse qu’il faut peut-être quand même les ouvrir pour brancher la fiche, s’interrompant toutefois en disant que cela n’a pas de sens. Suivent des verbalisations que nous pouvons interpréter comme révélant un principe de traduction. Il s’agit d’un commentaire procédural. Laurent (T-CH) dit à deux reprises que ce serait trop risqué d’expliciter le deux-points dans la traduction alle-mande sans consulter le donneur d’ouvrage. Bédard (1986, p. 179-180) fait valoir que la conscience professionnelle interdit au traducteur de se dérober à son obligation de repérer, voire de redresser des ambi-guïtés et ajoute qu’il faut prendre contact avec le donneur d’ouvrage dans la mesure où une telle intervention est risquée. À en conclure des verbalisations de Laurent (T-CH), non seulement ce traducteur se sent obligé de réfléchir sur une ambiguïté constatée dans le texte de départ, mais, en plus, il n’affiche aucune incertitude quant à savoir ce qu’il considère comme convenable dans une situation qui comporte une prise de risque jugée trop grande : se faire aider par le donneur d’ouv-rage plutôt que de se lancer dans une interprétation hasardeuse. En témoignent les traits ondulés dans le texte d’arrivée sous les passages posant problème. Rappelons qu’ils ont la fonction d’une note de traducteur.

Le protocole de Laurent (T-CH) contient d’autres passages traitant du deux-points, mais qui n’apportent rien de nouveau à la discussion.

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Cet état de fait pourrait cependant indiquer que les deux traducteurs ayant produit des verbalisations sur le deux-points investissent plus de temps pour tenter de désambiguïser la phrase complexe que ne le font les étudiantes.

Nous concluons la présente section par les tableaux récapitulatifs, déjà commentés, des stratégies employées par les répondants germa-nophones pour rendre la phrase Insérez la petite fiche du bloc alimen-tation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière.

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183

Tableau 21 : Répartition des stratégies employées par le groupe germanophone pour traduire la séquence instructionnelle

Stratégies Étudiantes Traducteurs Traduction littérale (G1) - 2 Changement d’unité (G4) 4 2 Total stratégies syntaxico-grammaticales 4 4 Changement de direction temporelle (S10) 4 1 Total stratégies sémantiques 4 1 Explicitation (Pr2) - 2 Changement concernant la visibilité du traducteur (Pr8)

- 2

Total stratégies pragmatiques - 4 Nombre total des stratégies employées 8 9

184

5.2.2 Le groupe suédophone Les tableaux 22 – 24 figurant à la fin de la présente section donnent

une vue d’ensemble des stratégies employées par les répondants suédophones pour traduire la phrase Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière. Nous n’y avons rapporté que les stratégies utilisées pour traduire le deux-points au sens strict. Elles se répartissent de manière inégale entre les trois groupes de stratégies (syntaxico-grammaticales, sémantiques et pragmatiques).

Les stratégies syntaxico-grammaticales l’emportent à la fois chez les étudiantes et les traducteurs. Deux types de stratégies appa-raissent : la traduction littérale et les changements d’unité (remplace-ment du deux-points par un point ou par la conjonction de coordina-tion och ‘et’). Au niveau des stratégies sémantiques, nous recensons un seul type de stratégie, celui de changement de direction temporelle. Le comportement entre étudiantes et traducteurs se ressemble ; 2 étu-diantes et 3 traducteurs y ont recours. Une différence entre étudiantes et traducteurs apparaît, cependant, sur le plan des stratégies pragma-tiques. Seuls 2 traducteurs y ont recours. Il s’agit d’explicitations.

Joakim (T-SE) emploie à la fois la stratégie de traduction littérale et celle d’explicitation. Il rend la phrase complexe de la manière sui-vante : för att ansluta sladden från nätdelen till uttaget C: öppna den främre och bakre huven ‘pour insérer le cordon du bloc alimentation dans le connecteur C : ouvrir les capots avant et arrière.’ Le subordon-nant för att ‘pour que’ est une explicitation de la valeur logique du deux-points. Tout en l’explicitant, Joakim (T-SE) maintient le deux-points. Pernilla (T-SE) est l’autre répondante suédophone à employer la stratégie d’explicitation. Il est intéressant de comparer sa traduction avec celle d’Illana (É-CH ; voir tableau 19). Les deux répondantes remplacent le deux-points par la conjonction de coordination und/och ‘et’. Nous avons toutefois classé la solution proposée par Illana (É-CH) comme un changement de direction temporelle. La raison en est la suivante : alors qu’Illana (É-CH) maintient l’ordre dans lequel apparaissent les deux propositions de l’original français, Pernilla (T-SE) le renverse ; elle commence la phrase en prévenant l’usager

185

qu’il faut ouvrir les capots. Il est vrai que nous avons précédemment dit que la conjonction de coordination und/och ‘et’ permet plusieurs interprétations. D’après nous, la solution proposée par Pernilla (T-SE) relève cependant d’une explicitation. L’hypothèse d’interprétation la plus immédiate est qu’il faut d’abord ouvrir les capots. On se souvien-dra également du renversement de l’ordre des propositions dans la traduction de Fanny (T-CH). Celle-ci a, de surcroît, remplacé le deux-points par un point. D’après nous, sa traduction manifeste, dès lors, un degré d’explicitation encore plus élevé.

Qu’en est-il de la réaction du réviseur-traducteur suédophone ? Il ressort de la lecture des tableaux synoptiques 22 et 23 qu’il ne com-mente qu’une seule traduction, celle de Joakim (T-SE). Il ne faut pourtant pas se leurrer : l’intérêt réside justement dans la quasi-absence de commentaires. La traduction de Joakim (T-SE) fait appa-raître un degré d’explicitation plus élevé que celle de Pernilla (T-SE). Il maintient le deux-points, tout en explicitant sa valeur logique. Pour-tant, le réviseur-traducteur qualifie cette traduction de omformulerat, men ok ‘reformulation admissible’, alors que c’est en fait la traduction la plus fidèle à l’original français. Précisons que ce commentaire concerne l’ensemble du paragraphe. Puisque la traduction de la deuxième phrase suit d’assez près le sens et la forme de l’original français, nous pensons que ce commentaire porte néanmoins en pre-mier lieu sur le deux-points. Nous sommes donc tenté d’émettre l’hypothèse que le réviseur-traducteur suédophone n’a pas entièrement repéré l’ambiguïté, à l’instar de son collègue suisse. Signalons juste-ment que la similarité dans la réaction des deux réviseurs-traducteurs, suédophone et germanophone, est frappante. Le seul commentaire substantiel fait par le réviseur-traducteur germanophone concernait également la traduction dans laquelle la valeur logique du deux-points avait été explicitée le plus directement (l’adverbe prépositionnel dazu dans la traduction de Laurent [T-CH]).

Notre prochaine étape consiste à nous demander si les protocoles révèlent des principes de traduction sous-jacents au choix des stra-tégies. Six répondants ont fourni des verbalisations portant sur le deux-points. Ils se répartissent en deux groupes : ceux qui ont eu recours à des changements d’unité et de direction temporelle d’un

186

côté, et ceux qui ont employé la stratégie d’explicitation de l’autre. Voici leurs traductions, présentées dans l’ordre alphabétique des ré-pondants. Les traductions des étudiantes précèdent, comme toujours, celles des traducteurs ; les traductions, dans lesquelles des change-ments d’unité et de direction temporelle sont manifestes, précèdent celles dans lesquelles apparaissent des explicitations :

Sätt in stickkontakten för elförsörjning i uttag C. Öppna den främre och den bakre huven. För in stickkontaktens sladd genom hålet D. Stäng främre och bakre huven.

(Ylva, É-SE)

Anslut adapterns mindre kontakt till uttag C. Öppna den främre och den bakre luckan. För kabeln som du just anslöt till uttag C genom kabelhållaren (D). Stäng luckorna igen.

(Elin, T-SE)

Anslut den lilla kontakproppen [sic] för strömförsörjningen till uttag (C). Öppna den främre och den bakre luckan .. [sic] Placera nätsladden i hållaren (D), efter att den lilla kontaktproppen har anslutits till uttag (C). Stäng den främre och den bakre luckan.

(Lotta, T-SE)

Sätt in minnseskretsens [sic] lilla kort i kontakten C. Öppna främre locket och bakre locket. Då det lilla kortet är anslutet till kontakten C, drar du in sladden via trådgenomföringen D Stäng [sic] åter det främre och det bakre locket.

(Niklas, T-SE)

För att ansluta sladden från nätdelen till uttaget C: öppna den främre och bakre huven.

(Joakim, T-SE)

187

Öppna den främre och den bakre luckan och sätt in aggregatets lilla kontakt i uttag (C). Då den lilla kontakten är inkopplad i uttag (C) för du sladden igenom hållaren (D) och stänger sedan båda luckorna.

(Pernilla, T-SE)

Nous proposons maintenant les extraits pertinents des protocoles des répondants qui ont opté pour les stratégies de changement d’unité et de direction temporelle :

Ylva (É-SE) :

[48] [Ylva] varför står det kolon där? det förstår jag inte det tror jag jag skriver en (2s) punkt och så ny mening

Elin (T-SE) :

[49] [Elin] där har dom kolon men det gör vi inte

[50] [Elin] äh punkt där (2s) mycket kortare och (()) meningar (()) fast det kanske gör inte nånting för dom där hänger ju inte ihop på nåt sätt egentligen

[51] [Elin] la petite fiche étant branchée sur le connecteur C (.) faites passer le cordon dans le passe-fil D (2s) jaha men den sitter där redan så varför talar dom om den en gång till? (3s) äh (3s) ska man ha med det? ... en massa ord bara

Lotta (T-SE) :

[52] [Lotta] och så semikolon (5s) vi struntar i det

Niklas (T-SE) :

[53] [Niklas] (man har nytta av) en bra pedagog när man översätter tekniska anvisningar

[54] [Niklas] jag skulle vilja kunna förstå det själv

[55] [Niklas] jag tar bort kolon och skriver punkt stor bokstav och ny mening istället

La lecture des extraits [48] à [55] révèle que les 4 répondants suédophones qui ont opté pour la stratégie de changement d’unité pro-

188

duisent relativement peu de verbalisations portant sur le deux-points. On peut néanmoins en dégager certaines observations intéressantes.

Ylva (É-SE) est la seule étudiante à avoir réagi au deux-points sous forme de verbalisations. Son protocole révèle qu’elle est incertaine quant à la meilleure traduction et qu’elle détecte l’ambiguïté. L’extrait [48] contient des marqueurs linguistiques d’incertitude sous forme de questions (varför står det kolon här? ‘pourquoi ils mettent deux-points ?’), d’aveux d’incompréhension (det förstår jag inte ‘je ne comprends pas’) et d’expressions de modalité épistémique (det tror jag jag skriver en (2s) punkt och så ny mening ‘je pense que je vais mettre un (2s) point et puis nouvelle phrase’).

Les traducteurs, eux, ne verbalisent que la décision de supprimer le deux-points, et, dans un cas, la justification de cette décision. Ainsi, Elin (T-SE) déclare där har dom kolon men det gör vi inte ‘ils ont mis deux-points mais nous on fait pas ça’ (voir extrait [49]), ajoutant que les deux propositions n’ont pas de rapport de toute façon (dom där hänger ju inte ihop på nåt sätt egentligen; voir extrait [50]). Lotta (T-SE) déclare och så semikolon (5s) vi struntar i det ‘et puis point-virgule (5s) on s’en moque’ (voir extrait [52] ; il s’agit, bien sûr, d’un deux-points et non pas d’un point-virgule). Niklas (T-SE), finalement, dit jag tar bort kolon och skriver punkt stor bokstav och ny mening istället ‘j’enlève le deux-points et je mets point, majuscule et puis nouvelle phrase’ (voir extrait [55]).

L’absence de marqueurs linguistiques d’incertitude chez les 3 tra-ducteurs est intéressante. Il se peut, bien entendu, qu’ils aient ressenti de l’incertitude, mais que cette dernière n’ait pas laissé de traces dans les protocoles. Mais il est également possible qu’ils n’aient pas en-tièrement repéré l’ambiguïté. Voilà pourquoi on ne peut pas automati-quement interpréter leur comportement comme révélant une plus grande disposition à la prise de risques, contrairement aux étudiantes germanophones. La justification donnée par Elin pour supprimer le deux-points signale, toutefois, que la décision de remplacer le deux-points par un point n’est pas prise sans une certaine hésitation chez les traducteurs suédophones. De plus, elle semble indiquer que la traduc-trice a repéré l’ambiguïté de la phrase complexe.

189

Il est intéressant de nous attarder un peu sur les extraits du proto-cole de Niklas (T-SE). L’extrait [53] révèle que ce traducteur consi-dère qu’on a intérêt à être bon pédagogue lorsqu’on traduit des textes techniques ((man har nytta av) en bra pedagog när man översätter tekniska anvisningar). Aussi déclare-t-il qu’il voudrait lui-même pouvoir comprendre (jag skulle vilja kunna förstå det själv; voir ex-trait [54]). Ces verbalisations ne portent pas directement sur le deux-points. Elles sont produites après la première lecture du texte de dé-part. Niklas (T-SE) est le répondant qui a produit le moins de verbali-sations : son protocole fait à peine 2.5 pages (voir tableau 5). Il semble préparer et annoncer à l’avance sa stratégie globale, effectuant, par la suite, les traitements de manière silencieuse et ne donnant que des ré-sumés de ces traitements. Nous pensons donc au moins pouvoir énon-cer l’hypothèse que les extraits [53] et [54] peuvent être interprétés comme révélant des principes de traduction qui interviennent égale-ment dans le traitement du deux-points. Plus précisément, ils pour-raient refléter une stratégie globale qui guide le processus de traduc-tion de Niklas (T-SE) : celle de traduire de façon à ce que les rece-veurs et le traducteur lui-même comprennent, quitte à s’écarter du texte de départ. En outre, il est possible de considérer l’extrait [53] comme une autoévaluation positive implicite qu’on pourrait décrire en ces termes : « quand je traduis des textes techniques, j’assume le rôle d’un bon pédagogue. » Voilà un commentaire qui nous renseigne sur l’identité professionnelle de ce traducteur. À en juger des verbalisa-tions, il ne manque pas de confiance en ses capacités et il a une idée claire du rôle qu’il assume dans l’exécution de la tâche de traduction concrète.

Le dernier commentaire concernant les répondants qui ont opté pour la stratégie de changement d’unité porte sur le protocole d’Elin (T-SE). L’extrait [51] ne traite pas directement du deux-points, mais de la proposition participiale qui succède à la première phrase com-plexe. Il confirme notre prédiction formulée dans la section 5.1, selon laquelle la proposition participiale pourrait déconcerter le lecteur, indépendamment de la langue d’arrivée. Elin (T-SE) se demande ainsi pourquoi on répète que la fiche doit être branchée sur le connecteur (jaha men den sitter där redan så varför talar dom om den en gång

190

till?) et si elle doit rendre la proposition participiale (ska man ha med det?). Elle la supprimera. Peut-être parce qu’elle la considère comme redondante, comme en témoigne la fin de l’extrait [51], où elle qualifie la proposition participiale comme en massa ord bara ‘qu’un tas de mots’. On peut interpréter ces commentaires évaluatifs de solu-tions de traduction provisoires comme indiquant une théorie person-nelle de la traduction. Rappelons que nous avons classé, dans la sec-tion 4.2.2, plusieurs commentaires évaluatifs d’Elin (T-SE) comme ré-vélant une théorie personnelle de la traduction, qui nous renseigne sur le profil que cette traductrice souhaite donner à son texte d’arrivée : celui d’un texte concis, qui apporte de l’information réelle. En tenant compte, en outre, de l’évaluation globale de sa traduction par le réviseur-traducteur suédophone, nous avions émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir là d’une stratégie globale à vérifier dans d’autres pas-sages du protocole. La façon dont Elin (T-SE) traduit le paragraphe comportant le deux-points ainsi que le contenu de ses verbalisations apportent des preuves supplémentaires venant étayer la conclusion suivante : l’objectif visant à rédiger une traduction concise est une stratégie globale qui guide le processus de traduction de cette répon-dante. Si elle ne supprime pas la proposition participiale, elle en fait une version suédoise élaguée (voir appendice 2).

Passons maintenant aux deux répondants suédophones qui ont opté pour la stratégie d’explicitation. Il s’agit de Joakim (T-SE) et de Pernilla (T-SE). Ce sont également eux qui ont produit le plus de ver-balisations sur le deux-points. Voici, en premier lieu, les extraits du protocole de Joakim (T-SE) :

[56] [Joakim] och sen så står det kolon efter det (()) jaså aha för att ansluta (()) för att ansluta jaha det ger en förklaring (2s) det är en förklaring för det står här att man ska öppna den främre och den bakre kåpan eller vad man ska kalla det för (2s) capot (4s) (()) franska lexikon (2s) om alla översättningarna vore så här krångliga så skulle dom ta längre tid det var ett litet koncentrat utav (.) utav (.) små problem som i och för sig en översättare kan råka förbise men eftersom jag är elektroingenjör så kanske jag lättare märker äh då ska vi se (Vising F-S: capot) (()) har vi där (2s) capot (()) motorhuv (()) huv eller (.) huv eller kåpa huv är kanske egentligen bättre i det här fallet (3s) för att

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ansluta sladden från nätdelen till uttaget C (2s) då är kolon faktiskt motiverat äh öppna den främre och bakre äh man ska öppna (2s) öppna en huv ja ju öppna en huv det är kanske lite tvivelaktigt men jag tror vi tar det (2s) öppna den främre och bakre huven

L’extrait [56] révèle que Joakim (T-SE) attribue au deux-points la valeur logique d’une explication (jaha det ger en förklaring). La première solution de traduction trouvée sera définitive ; elle repose sur la stratégie d’explicitation (jaså aha för att ansluta ‘ah bon pour insérer’). L’extrait contient ensuite des verbalisations pouvant être interprétées comme révélant un principe de traduction, en l’occurrence comme un commentaire reflétant l’identité professionnelle de ce tra-ducteur. Joakim (T-SE) dit que le paragraphe présente un concentré de petits problèmes qui pourraient échapper à un traducteur, mais que lui, grâce à sa formation en tant qu’ingénieur en électronique, il a plus de facilité à repérer (det var ett litet koncentrat utav (.) utav (.) små problem som i och för sig en översättare kan råka förbise men efter-som jag är elektroingenjör så kanske jag lättare märker).

Cette verbalisation est encore un exemple de stabilité intrasujet sur le plan du comportement traductif. Nous avons déjà mis en évidence dans la section 3.2.2 comment le protocole de Joakim (T-SE) fait apparaître la confiance avec laquelle ce traducteur avance dans l’exé-cution de la tâche de traduction, aidé en cela par ses connaissances extralinguistiques. Il faut toutefois signaler que Joakim (T-SE) ne semble pas considérer la phrase complexe comme ambiguë. Ce n’est pas banal. En effet, son protocole contient plusieurs critiques du texte de départ et de l’auteur du texte de départ. Elles concernent le style adopté ou la technicité de certains termes. Pour ce qui est du deux-points, il ne semble cependant pas douter qu’on puisse faire confiance à l’auteur. Peut-être parce qu’il sait, grâce à ses connaissances extra-linguistiques, qu’il faut vraisemblablement ouvrir les capots pour insé-rer la petite fiche, bien que les schémas ne permettent pas de l’affirmer.

Le protocole de Joakim (T-SE) contient encore un deuxième pas-sage qui porte sur la traduction de la phrase complexe, plus particu-

192

lièrement sur le terme bloc alimentation. Il ne touche donc pas directe-ment le deux-points, mais confirme ce que nous venons de dire :

[57] [Joakim] där tänkte jag säga att jag kanske också borde ha en översättaranmärkning om att äh nätdelen är nätaggregatet eller nätdelen jag är inte säker på att jag var konsekvent där men jag tittar ju igenom utskriften och rättar allt möjligt på min dator så det är inte något bekymmer äh jag har skräckexempel på jag har sett skräckexempel på beskrivningar där nätdelen ibland kallas transformator och ibland nätdel och möjligen ibland nätaggregat vilket är en fruktan- en dödssynd för en in-struktionsskrivare men som bekant så är ju författare av av bruksanvisningar ofta inget vidare på att skriva bruks-anvisningar

Joakim (T-SE) se demande s’il a été cohérent dans la traduction du terme bloc alimentation (c’est-à-dire soit nätdel, soit nätaggregat). Il dit que, d’habitude, la vérification de la cohérence du vocabulaire technique ne lui pose pas de problème. Il y procède sur l’impression papier que sa secrétaire lui fait parvenir. En l’espèce, ce n’est pas ce qui se passe. Joakim (T-SE) dicte sa traduction, comme il a l’habitude de le faire. Or, il n’a pas accès à une impression papier : la mise par écrit de son texte d’arrivée ne se fait que lors de la transcription des verbalisations. Cela dit, le souci de cohérence sur le plan du voca-bulaire technique est un exemple de stratégie globale. La deuxième partie de l’extrait [57] porte toujours sur le même problème, à savoir la cohérence du vocabulaire technique. Cependant, elle contient aussi une critique des auteurs de notices techniques et, implicitement, une autoévaluation positive. Elle nous renseigne donc une nouvelle fois sur l’identité professionnelle de ce traducteur. Joakim (T-SE) déclare qu’il a vu des exemples effroyables de notices techniques, dans lesquelles on parle indifféremment de nätdel, transformator ou encore nätaggregat; autrement dit : une synonymie déconcertante au lieu d’une cohérence rassurante dans le choix du vocabulaire technique. Il va jusqu’à déclarer que cette incohérence sur le plan du vocabulaire technique est un péché mortel pour les auteurs de notices techniques, dont le point fort ne résiderait pas dans les compétences rédaction-nelles – contrairement à lui, semble-t-il suggérer. La bonne évaluation

193

globale de sa traduction semble, d’ailleurs, lui donner raison sur ce point.

La dernière répondante suédophone à avoir produit des verbalisa-tions sur le deux-points est Pernilla (T-SE) :

[58] [Pernilla] sätt in aggregatets lilla kon- (1s) lilla kontakt i uttag C (5s) nu fattar jag inte (()) öppna D C C C (3s) (elle soupire) för att (2s) för att (.) det är ju ett kolon efter det måste man (.) för att (2s) f- ouvrez le capot avant et le capot arrière capot avant capot arrière (1s) på bilden på telefonen (France Telecom: point 4) (2s) capot (.) det är inga bra bilder här det är bara själva (4s) capot just det (3s) capot le ruban encreur (()) (4s) (()) det är inte alls (()) på den här sidan inte alls (()) (7s) la petite fiche étant branchée (()) det där är lite krångligt där då borde man se hur det (.) hur det ser ut (()) (4s) (()) el- nätan-slutning (()) (2s) nåt speciellt sätt (.) men visst öppnar man nån lucka (2s) lucka är väl capot (2s) lucka (()) förstås (4s) att sätta in sätt in den lilla (()) genom att öppna le (2s) genom att (2s) efter det att först öppna (4s) efter att först ha öppnat (2s) efter att först ha öppnat (2s) le (.) le ca- fram båda luckor luckorna på fram och baksidan (.) luckorna på fram (4s) luckorna på fram och baksida (4s) öppna det är bättre ta först (.) öppna först luckorna och sätt sedan i (2s) det är bättre (.) öppna först luckorna (.) och sätt sedan (.) jag tar öppna först luckorna (.) jag flyttar fram meningen öppna först luckorna (3s) på fram (.) och sätt in (()) (2s) öppna öppna luckorna på fram och baksida och sätt in agregatets lilla kontakt i uttag C ... öppna den främre och den bakre luckan och sätt in aggregatets lilla kontakt i uttag C

La première réaction de Pernilla (T-SE) au deux-points est celle d’un aveu d’incompréhension (nu fattar jag inte). Elle enchaîne avec une première solution de traduction provisoire, en attribuant au deux-points la valeur logique d’une explication (för att ‘pour’). Le proto-cole contient ensuite une évaluation négative des informations graphi-ques (det är inga bra bilder). Une réaction similaire a été constatée chez des traducteurs germanophones. Après avoir relu à voix haute la proposition participiale la petite fiche étant branchée, tout en accen-tuant le participe présent, Pernilla (T-SE) déclare que c’est une his-toire compliquée et qu’elle devrait avoir accès à l’appareil pour voir

194

de quoi il a l’air. C’est donc une nouvelle preuve que la proposition participiale peut accroître la confusion des répondants.

Dans la deuxième partie de l’extrait [58], Pernilla (T-SE) verbalise cinq solutions de traduction supplémentaires pour rendre le deux-points : genom att öppna ‘en ouvrant’, efter det att först öppna et efter att först ha öppnat ‘après avoir d’abord ouvert’. Elle affirme ensuite qu’il vaut mieux antéposer la proposition ouvrez le capot avant et le capot arrière, ce qui l’amène à la traduction suivante : öppna först luckorna och sätt sedan i ‘ouvrez d’abord les capots et insérez en-suite’ ; elle remanie cette version en éliminant les connecteurs tempo-rels först ‘d’abord’ et sedan ‘après’, ce qui la conduit à la solution dé-finitive, à savoir öppna den främre och den bakre luckan och sätt in aggregatets lilla kontakt i uttag C ‘ouvrez les capots avant et arrière et insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur C.’ Rappelons que nous avons classé cette solution parmi les stratégies d’explicitation. Force est cependant de constater que l’avant-dernière solution trouvée, dans laquelle figurent les connecteurs temporels, constitue une explicitation encore plus nette du deux-points.

Ce qui est frappant chez Pernilla (T-SE), c’est le grand nombre de solutions de traduction provisoires produites. Bien entendu, elle n’est pas la seule. Nous avons fait le même constat chez Kristina (T-SE). Cependant, il y a une différence nette entre les deux traductrices. La plupart des équivalents verbalisés par Pernilla (T-SE) constituent déjà des solutions potentielles et acceptables, alors que Kristina (T-SE) ne nous semblait pas savoir filtrer entre les solutions acceptables et les inacceptables. Il faut ajouter à ce titre que Pernilla (T-SE) travaille également comme interprète. Et une des observations que nous avons faites dans des études antérieures, sans les rapporter, c’est la capacité des interprètes à générer un grand nombre d’équivalents de qualité. C’est comme s’ils disposent d’un filtre qui leur permet de trier rapide-ment entre les bonnes et les moins bonnes solutions.

Une deuxième remarque s’impose par rapport au protocole de Pernilla (T-SE). Nous n’y avons pas trouvé de verbalisations expli-cites de principes de traduction, en tout cas pas dans les passages qui nous ont occupé dans le présent travail. Or, d’autres passages de son protocole donnent à penser qu’elle sait très bien ce qu’elle fait et ce

195

qu’elle souhaite réaliser. En témoigne, entre autres, la déclaration sui-vante qu’elle fait à propos de sa traduction, tout à la fin de la tâche : jag tycker det är helt okej ‘je trouve que c’est tout à fait okay.’ Ce commentaire évaluatif positif est confirmé par l’évaluation que donne le réviseur-traducteur de la traduction de cette répondante : känns som om den var skriven på svenska ‘on dirait que ce texte a été rédigé di-rectement en suédois.’

Comment se fait-il donc que le protocole contient peu de verbalisations explicites de principes de traduction ? Dans la section 1.3, nous avons signalé que les protocoles peuvent comporter diffé-rents types de verbalisations : (1) des verbalisations spontanées re-flétant le contenu (plus ou moins) exact de la mémoire de travail, (2) des descriptions de processus mentaux, et (3) des analyses de pro-cessus mentaux. Dans le protocole de Pernilla (T-SE), les verbali-sations du deuxième et troisième type sont rares. Or, souvent, ce sont des descriptions (par exemple, décrire comment on a l’habitude de procéder dans une tâche de traduction) ou des analyses de processus mentaux (par exemple, expliquer pourquoi on réduit la technicité des termes dans une notice grand public) qui contiennent des verbalisa-tions explicites de principes de traduction.

Nous arrivons au terme de la présente section, dans laquelle nous avons rendu compte de la façon dont les répondants suédophones ont traité la phrase Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière. Suivent en dernier lieu les tableaux récapitulatifs, déjà commentés, contenant un aperçu des stratégies employées ainsi que la réaction du réviseur-traducteur.

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Tableau 24 : Répartition des stratégies employées par le groupe suédophone pour traduire la séquence instructionnelle

Stratégies Étudiantes Traducteurs Traduction littérale (G1) 2 2 Changement d’unité (G4) 2 4 Total stratégies syntaxico-grammaticales 4 6 Changement de direction temporelle (S10) 2 3 Total stratégies sémantiques 2 3 Explicitation (Pr2) - 2 Total stratégies pragmatiques 0 2 Nombre total des stratégies employées 6 11

199

5.3 Discussion Dans les pages suivantes, nous nous attacherons à résumer les

principaux résultats qui se dégagent de nos analyses et à approfondir certaines observations.

Commençons par les stratégies. Pour ce qui est de la traduction de la phrase Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connec-teur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière, et plus particuliè-rement du deux-points, nos données ont fait ressortir des différences à l’intérieur deux groupes linguistiques.

Les analyses portant sur le groupe germanophone ont fait apparaître que toutes les étudiantes, contre une seule traductrice, ont supprimé le deux-points, ce qui a entraîné des changements sémantiques par rap-port au texte de départ. Nous avons également enregistré des diffé-rences sur le plan des stratégies pragmatiques (aucune pour les étu-diantes contre 4 pour les traducteurs). Le recours à l’explicitation et au changement concernant la visibilité du traducteur a permis aux traducteurs concernés d’être fidèles à la valeur logique du deux-points et de s’informer de l’ambiguïté de la phrase complexe auprès du donneur d’ouvrage. Dans l’ensemble, ces données pointent vers une plus grande disposition à la prise de risques chez les étudiantes dont au moins 4 sur 5 ont repéré l’ambiguïté, d’après nous. La cinquième étudiante, Heidi (É-CH), n’a pas fourni de verbalisations sur le deux-points ; nous ne savons donc pas dans quelle mesure elle l’a détectée. Rappelons également que Dancette (1995, p. 28) a mis en évidence l’habileté particulière des traducteurs professionnels à détecter des ambiguïtés. À en juger des protocoles, les étudiantes germanophones participant à notre recherche se sont révélées autant habiles à détecter une ambiguïté figurant dans le texte de départ. Étudiantes et traduc-teurs se distinguent, par contre, dans la façon dont ils donnent suite à un tel constat d’ambiguïté : prise de risques chez les étudiantes, pru-dence chez les traducteurs.

D’après Gile (1995, p. 108-109), la prise de risques est inhérente au processus de traduction. Il affirme que le traducteur se trouve régu-lièrement dans une situation où il ne peut résoudre tous les problèmes de traduction. Toujours selon Gile, le traducteur doit donc tôt ou tard

200

prendre des risques. Rappelons cependant le rôle des personnes-ressources : le traducteur n’est pas seul. Il peut tempérer la prise de risques en consultant des tiers. Peut-être les étudiantes ont-elles été plus promptes à prendre le risque de changer la direction temporelle parce que (1) elles craignent moins fortement une éventuelle perte de crédibilité au cas où leur interprétation devait se révéler erronée, (2) elles ne sont pas encore conscientes de l’aide potentielle que peuvent leur apporter des personnes-ressources, (3) elles craignent de se montrer indécises, pensant qu’un traducteur doit tout savoir, et (4) elles ne savent pas encore distinguer les cas où la prise de risques est inévitable de ceux où elle peut, voire doit être évitée. En effet, on peut supposer que le donneur d’ouvrage s’attend à ce que le traducteur ré-solve autant de problèmes de traduction que possible par lui-même.

Nous avons, en outre, constaté une corrélation entre le degré de fa-miliarité avec le genre de texte à traduire et la prise de risques. Fanny (T-CH) et Laurent (T-CH) peuvent être considérés comme les deux répondants germanophones les plus familiers avec le genre des notices techniques. Autrement dit, ils disposent de connaissances linguistiques et extralinguistiques spécifiques du mandat de traduction concret. Signalons que, dans le modèle de la compétence traductive de Cao (1996), les connaissances linguistiques spécifiques correspondent à la compétence sociolinguistique : le traducteur doit connaître les conven-tions qui régissent un certain domaine afin d’être en mesure d’accom-plir les tâches linguistiques appropriées dans le contexte donné (en l’occurrence : les notices techniques). Dans la terminologie proposée par Adam (1990, p. 15), elles correspondent aux connaissances typologiques. Fanny (T-CH) et Laurent (T-CH) sont également les seuls à avoir décidé de signaler l’ambiguïté au donneur d’ouvrage plutôt que de se lancer dans une interprétation hasardeuse. Il y a au moins trois explications possibles à cela : ils savent (1) qu’il est tech-niquement possible qu’on doive ouvrir les capots pour pouvoir insérer la petite fiche, (2) que le deux-points n’est pas un signe de ponctuation apparaissant d’habitude dans des séquences instructionnelles, et (3) que dans les séquences instructionnelles, la prudence est de mise. Des instructions erronées ou simplement ambiguës peuvent engager la responsabilité du fabricant et entraîner de lourdes conséquences pour

201

celui-ci, et par conséquent pour le traducteur, sous forme de perte de crédibilité et donc de clients et de recettes. Rappelons à ce titre que Fanny (T-CH) et Laurent (T-CH) sont les seuls traducteurs germano-phones à ne pas avoir procédé à des omissions pour rendre le groupe nominal étendu la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz (voir chapitre 3), autre segment important du point de vue de la responsabilité du fabricant.

Y a-t-il également des différences dans les stratégies employées au sein du groupe suédophone ? Pour ce qui est des stratégies syntaxico-grammaticales et sémantiques, la réponse est non. Une différence apparaît cependant sur le plan des stratégies pragmatiques. Seuls 2 ré-pondants ont opté pour l’explicitation du deux-points, ce qui se traduit en fait par une plus grande fidélité à l’original français. Ici aussi, les 2 répondants en question appartiennent au groupe des traducteurs pro-fessionnels. Étant donné que la moitié des étudiantes suédophones ont rendu le deux-points littéralement, on ne peut, cependant, parler d’une prise de risques plus élevée chez elles. D’autant plus qu’à en juger de leurs verbalisations, une seule a repéré l’ambiguïté.

Le comportement traductif de Joakim (T-SE) confirme l’hypothèse, énoncée précédemment, d’une corrélation négative forte entre la fami-liarité avec le genre de texte à traduire et la prise de risques. Ingénieur en électronique, il est l’un des deux traducteurs suédophones à avoir opté pour la stratégie d’explicitation plutôt que de supprimer le deux-points. Un bémol toutefois : nos données n’indiquent pas qu’il consi-dère la phrase complexe comme ambiguë. Par contre, elles montrent que plus on dispose de connaissances extralinguistiques, plus on con-sidère comme possible qu’on doive ouvrir les capots pour insérer la petite fiche. Les verbalisations de ce traducteur permettent, en outre, de nuancer le ‘author-is-no-fool’ principle (Gile, 1995, p. 118). En effet, si Joakim (T-SE), ingénieur et traducteur, décide de faire con-fiance à l’auteur du texte de départ pour ce qui est de ses compétences techniques, il se montre beaucoup plus critique envers lui quant à ses compétences rédactionnelles.

Ensuite, pour ce qui est des éventuelles différences entre les étu-diantes en traduction et les traducteurs professionnels dans les prin-cipes de traduction sous-tendant l’emploi des stratégies, nos données

202

nous ont fourni des preuves assez fortes de l’existence de telles diffé-rences en fonction de l’expérience de la traduction. Parmi les répon-dants germanophones ayant produit des verbalisations sur le deux-points, seuls les protocoles des 2 traducteurs contiennent des verba-lisations révélatrices de principes de traduction (c’est-à-dire des com-mentaires procéduraux, des déclarations qui révèlent des stratégies globales et des commentaires reflétant leur identité professionnelle). Il s’agit de Fanny (T-CH) et de Laurent (T-CH), qui sont comme nous l’avons dit le plus habitués au genre de texte à traduire. Ce sont également ceux qui ont produit le plus de verbalisations portant sur le deux-points. De plus, ils font partie de ceux qui ont repéré le plus rapidement l’ambiguïté (à en juger des protocoles), et qui ont décidé de la signaler au donneur d’ouvrage.

Comment peut-on expliquer ce cas de figure ? Rappelons tout d’abord que les traducteurs ne se sont pas révélés plus habiles à détec-ter l’ambiguïté que les étudiantes. Or, contrairement à celles-ci, ils semblent avoir développé des routines, des principes de traduction guidant leurs processus de traduction lorsqu’une ambiguïté émerge dans le texte de départ. Contrairement aux étudiantes, ils ne se sentent pas obligés de trancher en faveur d’une hypothèse d’interprétation. Ils laissent le problème en suspens, se permettant de compter sur l’aide d’une personne-ressource, en l’occurrence le donneur d’ouvrage. Rap-pelons que Tirkkonen-Condit (1997, 2000) dit justement avoir con-staté une plus grande tolérance de l’ambiguïté chez des traducteurs qui n’essayeraient pas de résoudre tous les problèmes simultanément. Fanny (T-CH) dit d’ailleurs explicitement, sous forme de commen-taire procédural, qu’elle a l’habitude de signaler au donneur d’ouvrage des questions ou des commentaires concernant la traduction. Pour ce qui est de la rapidité avec laquelle une ambiguïté est repérée, nous pouvons également nous rapporter à Englund Dimitrova (2003a). Dans sa recherche sur la traduction du russe en suédois, cet auteur dit avoir constaté que des traducteurs repèrent une ambiguïté apparaissant dans le texte à traduire de façon plus rapide et automatique que des étudiants en traduction et en langues modernes.

Venons-en aux principes de traduction mis en évidence au sein du groupe suédophone. Parmi les 6 répondants qui ont produit des verba-

203

lisations portant sur le deux-points, 5 sont des traducteurs profession-nels. Autrement dit, tous les traducteurs, sauf Kristina (T-SE), ont commenté le deux-points. À la lumière de ce que nous avons dit sur le comportement traductif de cette répondante dans les chapitres 3 et 4, ce n’est guère surprenant. Son protocole n’indique pas qu’elle pense avoir le droit de remettre en question ou de critiquer le texte de dé-part ; elle semble ne pas même oser commenter le texte de départ. Son objectif semble être de rester le plus près possible du texte de départ, ce que confirme la façon dont elle traite le deux-points. Kristina (T-SE) a recours à la stratégie de traduction littérale dans tous les trois segments du texte de départ qui ont fait l’objet du présent travail. Pour ce qui est plus précisément des principes de traduction, 2 répondants suédophones ont produit des verbalisations qu’on peut interpréter dans ce sens. Il s’agit de 2 traducteurs : Joakim (T-SE) et Niklas (T-SE). Leurs protocoles n’indiquant pas explicitement qu’ils ont repéré l’ambiguïté, nous ne pouvons pas spéculer sur les routines dévelop-pées par les traducteurs suédophones pour traiter de l’ambiguïté en général. En revanche, il ressort clairement de leurs verbalisations qu’ils se sentent responsables de produire un texte qui soit clair et compréhensible pour le grand public.

L’analyse des protocoles des répondants suédophones a cependant fait apparaître une variable supplémentaire dont il convient de tenir compte dans l’étude des principes de traduction : la disposition à la verbalisation. Nous avons montré, par rapport à Pernilla (T-SE), que certains protocoles ne contiennent pas de verbalisations explicites de principes de traduction, alors que de tels principes ne semblent pas faire défaut aux répondants en question. Cette observation nous a conforté, une nouvelle fois, dans notre décision de compléter l’étude des principes de traduction par une analyse des marqueurs linguis-tiques de l’incertitude apparaissant dans les protocoles de nos répon-dants. Une telle analyse permet, d’après nous, de trancher entre pré-sence de principe, mais absence de verbalisation d’un côté, et absence de principe de traduction tout court. Le présent chapitre a confirmé notre hypothèse que les atténuateurs sont les marqueurs privilégiés par lesquels s’exprime une absence de principe de traduction tout court (voir, par exemple, l’extrait [39]).

204

La troisième et dernière question à laquelle nous nous sommes proposé de répondre est celle des éventuelles différences dans les stratégies et les principes selon le couple de langues en cause, à savoir la traduction français-allemand et la traduction français-suédois. Rappelons tout d’abord que le deux-points remplit les mêmes fonctions dans les deux langues d’arrivée. Voilà pourquoi nous ne nous attendions pas à des différences entre les deux groupes linguis-tiques sur le plan des stratégies employées. Certaines différences sont néanmoins apparues, comme on le constate à la lumière des tableaux 19 – 24. Ainsi, les étudiantes germanophones privilégient les stra-tégies de changements d’unité et de direction temporelle, alors que la traduction littérale est aussi fréquente parmi les étudiantes suédo-phones que les changements d’unité et de direction temporelle. Pour ce qui est des traducteurs, on a le tableau inverse : les stratégies employées le plus fréquemment par les traducteurs suédophones sont les changements d’unité et de direction temporelle, alors que leurs collègues suisses ont autant de fois recours à la traduction littérale, à l’explicitation et aux changements concernant la visibilité du traduc-teur. Il s’agit probablement d’un hasard.

Pour ce qui est des principes de traduction, finalement, les ressem-blances entre les deux groupes linguistiques l’emportent. L’analyse des extraits de protocoles traitant de la phrase Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connecteur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière a révélé que les étudiantes n’ont pas produit de verbali-sations pouvant être interprétées comme indiquant des principes de traduction. De telles verbalisations figurent cependant dans les proto-coles des traducteurs germanophones et de leurs collègues suédo-phones. Ils font référence aux valeurs de clarté, de loyauté, à la fois envers le donneur d’ouvrage et envers les receveurs, ou de compré-hension (voir aussi Chesterman, 1997, chap. 7 pour la notion de trans-lational values). Il aurait été surprenant de voir émerger de telles dif-férences selon le couple de langues. En effet, les problèmes qui nous ont occupé dans la présente section sont des phénomènes probable-ment universels de la traduction. Du moins c’est le cas de l’ambiguïté (Tirkkonen-Condit, 1997, 2000). C’est l’expérience de la traduction

205

plutôt que la langue d’arrivée qui joue un rôle dans la façon dont elle est abordée.

Ce qui est plus surprenant, en revanche, c’est le fait suivant : nous ne disposons d’aucun exemple où un répondant a recours à la stratégie de traduction littérale, repère l’ambiguïté et dit explicitement qu’il va la rendre intacte dans la langue d’arrivée, laissant au lecteur le soin de choisir plutôt que de trancher pour lui. Voilà un moyen, un principe, d’après Bédard (1986, p. 92), pour venir à bout d’une ambiguïté. Il se peut, bien entendu, que certains répondants aient raisonné de la sorte, mais qu’ils aient préféré taire ces pensées, de peur qu’elles soient jugées peu professionnelles ou peu éthiques.

Nous sommes arrivé au terme des analyses de notre matériau. Il est temps de terminer notre travail en procédant aux conclusions.

206

6 CONCLUSIONS L’objectif du présent chapitre est quadruple : (1) résumer nos

principaux résultats, (2) les inclure dans le corpus d’études conduites précédemment sur les stratégies et principes de traduction, (3) mettre en lumière les implications de notre travail, et (4) proposer des pistes qui pourraient donner lieu à des recherches ultérieures.

6.1 Synthèse Nous avons divisé la présente section en trois parties : (1) les straté-

gies de traduction, (2) les principes de traduction et (3) les domaines connexes. Nous commencerons par répondre succinctement aux ques-tions de départ, énoncées dans la section 1.5, pour y revenir plus en détail dans les sections suivantes : 1. Y a-t-il des différences dans l’emploi de stratégies entre les étu-

diantes en traduction et les traducteurs professionnels lors de la tra-duction d’un texte technique ? Oui. Toutefois, les différences constatées ne sont que partiellement

liées à la variable expérience de la traduction. D’autres variables, par exemple les connaissances linguistiques ou extralinguistiques, jouent un rôle tout aussi grand, voire plus grand. 2. Y a-t-il des différences entre étudiantes et traducteurs dans les prin-

cipes liés à l’emploi de ces stratégies ? Oui. La variable expérience de la traduction joue un rôle important.

Les différences constatées entre étudiantes et traducteurs dans les principes sont plus systématiques que celles concernant les stratégies de traduction. Les traducteurs ont donc acquis davantage de règles de conduite adaptées au traitement d’un grand nombre de problèmes po-tentiels. 3. Y a-t-il des différences au niveau des stratégies et principes en

fonction du couple de langues, soit dans la traduction français-allemand, soit dans la traduction français-suédois ? Oui. Sur le plan des stratégies de traduction, nous avons constaté

des différences en fonction du couple de langues. Sur le plan des prin-cipes de traduction, en revanche, nous n’avons identifié qu’une seule

207

différence liée à cette variable (il s’agit du style à employer pour s’adresser au receveur d’une notice technique respectivement en France, en Suisse et en Suède).

Pour récapituler, on peut dire qu’entre les deux variables indépen-dantes manipulées, l’expérience de la traduction joue un rôle plus im-portant que la langue d’arrivée au niveau des stratégies et principes de traduction. Après cette première mise au point, nous procédons, main-tenant, à une synthèse plus détaillée.

6.1.1 Les stratégies de traduction Les principaux résultats qui se dégagent de l’étude de la première

variable dépendante sont les suivants : Il existe des différences dans l’emploi des stratégies en fonction de l’expérience de la traduction ; elles sont liées à la façon dont se construit la relation au texte : • les traducteurs se montrent plutôt scrupuleux face au contenu

du texte de départ, et ne s’en détachent d’ailleurs qu’en cas de besoin ; la décision de mettre en question le bien-fondé des choix faits par l’auteur du texte de départ repose sur une évaluation des compétences de ce dernier ;

• les étudiantes construisent parfois une relation aléatoire avec le texte de départ ; elles sont plus promptes à s’en détacher s’il ne correspond pas à leurs préférences ou attentes person-nelles (exemple : elles changent d’emblée la direction tempo-relle de la séquence instructionnelle traitée dans le chapitre 5 pour la concilier avec leurs attentes personnelles).

Il existe des différences dans l’emploi de stratégies en fonction de la langue d’arrivée (exemple : dans la traduction français-allemand, les compositions syntagmatiques peuvent être rendues par des compositions lexicales plus longues que dans la traduc-tion français-suédois ; voir chap. 3). Hormis l’expérience de la traduction et du couple de langues, le choix de la stratégie est lié aux variables suivantes, dont cer-taines sont complexes, c’est-à-dire composées elles-mêmes de différentes sous-variables :

208

• les connaissances linguistiques (connaissances générales de la langue de départ et de la langue d’arrivée)

• les connaissances extralinguistiques • les connaissances des conventions de genre (connaissances

typologiques) • la compétence stratégique • l’âge • l’enseignement

Il existe des couples de stratégies privilégiés, compris entre des degrés allant du plus obligatoire (exemple : concentrations et transpositions) au plus facultatif (omission et changement au ni-veau de la visibilité du traducteur). Une seule et même stratégie peut refléter une grand nombre de motifs ou de principes (exemple : la traduction littérale peut à la fois constituer une échappatoire à un problème de compréhen-sion ou de réexpression, refléter le respect d’un choix fait par l’auteur du texte de départ, exprimer la crainte du traducteur de trop s’éloigner du texte de départ et de se faire critiquer par le donneur d’ouvrage ou encore révéler une attitude de prudence basée sur de solides connaissances extralinguistiques). Il existe des couples de stratégies et principes de traduction pri-vilégiés (exemple : la stratégie d’omission est souvent associée à un besoin de justification sous forme de commentaire procédu-ral).

6.1.2 Les principes de traduction Les principaux résultats qui se dégagent de l’étude de la deuxième

variable dépendante sont les suivants : Observations générales : • la variable principe de traduction varie plus que la variable

stratégie de traduction en fonction de l’expérience de la tra-duction; en revanche, les principes varient moins que les stra-tégies en fonction du couple de langues ;

209

• le choix du principe de traduction est lié aux variables men-tionnées pour les stratégies de traduction ; sa verbalisation est, de plus, liée à la variable disposition à la verbalisation ;

• les traducteurs verbalisent plus de principes et de types de principes différents que les étudiantes ;

• certains traducteurs n’ont pas acquis de principes de traduc-tion applicables à différents types de problèmes et de tâches (exemple : plus d’incertitude dans des tâches non-routinières) ;

• les principes de traduction verbalisés par les étudiantes re-flètent plus souvent une incertitude que ceux des traducteurs ;

• les étudiantes verbalisent des principes de traduction en fonc-tion de la complexité du problème :

• il y a souvent absence de principes de traduction lors du traitement de segments soulevant des problèmes com-plexes ; les étudiantes ne semblent pas encore avoir acquis la coordination des différents principes de tra-duction ;

• il y a souvent présence de principes de traduction lors du traitement de segments soulevant un nombre limité de problèmes (exemple : la traduction du dialogue fictif entre émetteur et receveur dans les notices techniques ; voir chap. 4) ;

• chez les étudiantes, l’absence de principes de traduction est souvent associée à la présence de marqueurs linguistiques d’incertitude spécifiques, à savoir les atténuateurs (voir sec-tion 2.7) ;

• les étudiantes laissent souvent apparaître un conflit entre ce qu’elles déclarent faire et ce qu’elles font effective-ment (exemple : elles disent vouloir éviter un vocabulaire trop spécialisé tout en choisissant des équivalents qu’elles avouent ne pas comprendre elles-mêmes) ;

• l’analyse des marqueurs linguistiques de l’incertitude appa-raissant dans les protocoles de verbalisation permet de distin-

210

guer entre présence de principes de traduction en l’absence de sa verbalisation et absence de principes de traduction ; ainsi, les atténuateurs pointent vers une absence de principe de tra-duction ;

• un seul et même principe de traduction peut être associé à un grand nombre de stratégies différentes (exemple : la référence à une personne-ressource pour résoudre un problème termi-nologique peut s’exprimer dans la traduction écrite sous forme de note du traducteur, de changement concernant l’in-sistance [mise entre parenthèses], de traduction littérale, ou d’omission [prise de risques, le répondant comptant consulter le donneur d’ouvrage] ; voir chap. 3).

Les commentaires procéduraux verbalisés montrent que : • les principes de ce type ne varient guère en fonction du

couple de langues ; • les traducteurs ont une idée claire des maillons de la

chaîne des personnes-ressources auxquelles faire appel ; • les références aux personnes-ressources et aux sources

d’information sont souvent vagues chez les étudiantes, et ne peuvent être classées parmi les principes de ce type ;

• la stratégie d’omission entraîne chez les étudiantes et les traducteurs un besoin de justification envers le donneur d’ouvrage, exprimé dans les protocoles sous forme de commentaire procédural.

Les déclarations révélant des stratégies globales montrent que : • les stratégies globales varient à la fois en fonction de l’ex-

périence de la traduction et du couple de langues ; • les traducteurs verbalisent plus tôt et plus explicitement

des stratégies globales que les étudiantes ; • les processus de traduction des étudiantes font souvent ap-

paraître une incompatibilité entre stratégie globale verbali-sée et stratégie de traduction locale ;

211

• la stratégie globale verbalisée et suivie, même si elle est claire et explicite, peut être inadaptée à la tâche de traduc-tion concrète ;

• les étudiantes ont tendance à faire ressortir plus fortement que les traducteurs les différences entre langue et culture de départ et entre langue et culture d’arrivée ;

• chez les étudiantes, la verbalisation d’une stratégie globale peut comporter des références explicites à des instances considérées comme habilitées à établir des règles de con-duite (exemple : l’enseignant de la traduction technique ; voir section 3.2.1) ;

• la consultation d’une source d’information peut constituer une stratégie globale et remplir des fonctions différentes (exemple : valider des solutions de traduction, gagner du temps, ou encore compenser la perte de certaines rou-tines).

Les commentaires reflétant l’identité professionnelle montrent que :

• les principes de ce type ne varient guère en fonction du couple de langues ;

• les traducteurs semblent plus soucieux de l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes que les étudiantes ;

• les étudiantes ne verbalisent que rarement des commen-taires de ce type ;

• les autoévaluations positives peuvent être associées à des évaluations négatives (de l’auteur) du texte de départ ;

• certains principes de ce type font apparaître une incerti-tude chez les traducteurs (exemple : angoisse ressentie lors de l’exécution d’un mandat de traduction dans un couple de langues peu habituel pour le traducteur).

6.1.3 Domaines connexes Voici d’autres résultats qui se dégagent de notre étude et qui con-

cernent les stratégies et principes de traduction :

212

L’incertitude : • chez les traducteurs, l’incertitude porte en premier lieu sur un

aspect lié à la compréhension du texte de départ ou à la réex-pression en langue d’arrivée ; chez les étudiantes, elle porte en outre souvent sur l’exécution de la tâche elle-même et, dès lors, sur le principe de traduction (exemple : incertitude quant aux sources d’information ou personnes-ressources à consul-ter pour résoudre des problèmes de compréhension) ;

• en l’absence d’un seuil minimum de connaissances ou de compétences pour l’une des variables liées à la compétence traductive, l’incertitude porte également, chez les traducteurs, sur leur capacité à s’acquitter de la tâche de façon satisfai-sante ;

• les traducteurs avouent souvent leur incertitude ouvertement, les étudiantes essaient souvent de la dissimuler ; toutefois, si les traducteurs sont prêts à avouer leur incertitude à l’expéri-mentateur, ils se montrent plus prudents envers le donneur d’ouvrage ; de manière générale, ils semblent ne faire appel à celui-ci qu’une fois toutes les aides à la traduction épuisées, et lui font part de leur incertitude sous forme de questions ou de notes précises.

Les théories personnelles de la traduction : • l’étude des théories personnelles de la traduction, autrement

dit des critères de qualité verbalisés par les répondants, peut constituer une étape vers l’identification des stratégies glo-bales ;

• les protocoles des traducteurs contiennent souvent des verba-lisations explicites de stratégies globales, alors que les étu-diantes verbalisent des théories personnelles de la traduction, desquelles il faut déduire d’éventuelles stratégies globales.

L’ambiguïté : • les étudiantes se sont révélées aussi habiles à repérer les am-

biguïtés que les traducteurs ; • les traducteurs tolèrent mieux l’ambiguïté ;

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• les traducteurs partent du principe que l’auteur sait ce qu’il veut dire.

La prise de risques : • les étudiantes prennent souvent plus de risques que les tra-

ducteurs qui effectuent un choix entre une prise de risques évitable et inévitable ;

• les étudiantes pensent que le traducteur doit tout savoir et craignent de se montrer indécises ;

• les étudiantes ne comptent pas encore sur l’aide que peuvent apporter les personnes-ressources et se sentent obligées de ré-soudre tous les problèmes par elles-mêmes ;

• les étudiantes craignent moins fortement une éventuelle perte de crédibilité dans le cas où leur interprétation devait se révé-ler erronée ;

• la prise de risques peut être associée à un manque de respon-sabilité et de déontologie professionnelles.

La révision de traductions : • la révision de traductions est régie par deux principes fonda-

mentaux : • la révision des textes d’arrivée en tant que traductions ; • la révision des textes d’arrivée en tant que textes devant

correspondre aux normes d’exigence pour des textes rédi-gés directement dans la langue d’arrivée ;

• les deux principes mis en évidence peuvent être présents au sein d’un seul et même mandat de révision et constituer un champ de tension.

• la traduction faisant intervenir un grand nombre de variables, de bonnes connaissances extralinguistiques ne garantissent pas à elles seules la rédaction d’une traduction de qualité.

Au terme de cette première synthèse de nos principaux résultats, nous nous attacherons à étudier, dans ce qui suit, comment nos ré-

214

sultats s’intègrent dans la recherche conduite précédemment sur les stratégies et principes de traduction.

6.2 Mise en contexte À notre connaissance, la taxinomie des stratégies proposée par

Chesterman (1997) n’a pas encore fait l’objet d’études empiriques autres que celle entreprise par l’auteur lui-même pour exemplifier les stratégies postulées. Nous pouvons toutefois nous exprimer sur les conclusions de notre recherche quant aux intérêts que Chesterman attribue à sa taxinomie.

Rappelons tout d’abord que Chesterman (1997, p. 93) voit dans l’analyse des stratégies textuelles la première étape nécessaire vers une mise en évidence des raisons sous-jacentes à la décision du tra-ducteur d’opter pour telle stratégie dans telle situation. Nos données montrent qu’une analyse combinée des stratégies et principes de tra-duction est intéressante à cet égard, comme nous l’avons fait ressortir dans la section précédente. Chesterman (p. 93) signale, en outre, un intérêt pratique pour l’enseignement de la traduction. Notre recherche confirme cet intérêt. A titre d’exemple, le recours à la stratégie de changement concernant la visibilité du traducteur (notes du traducteur) aurait permis aux étudiantes germanophones de modérer la prise de risques lors de la traduction du passage traité dans le chapitre 5. Rap-pelons à cet égard que le réviseur-traducteur germanophone a com-menté une note de traducteur comme étant révélatrice de la conscience professionnelle du traducteur en question. Dans la section 1.2.1, nous avons identifié un troisième intérêt dans la taxinomie de Chesterman ; il consiste à faire traduire le même texte de départ dans deux langues différentes afin de déterminer dans quelle mesure des règles simples se dégagent en fonction de la langue d’arrivée. Nos analyses ont permis de dégager de telles règles. Nous pensons notamment au fait que dans la traduction français-allemand, certains types de subor-données relatives peuvent être rendus par un participe épithète, alors que dans la traduction français-suédois le traducteur peut recourir à la solution standard du participe détaché. Le nombre de ces règles qui ressortent de nos données en fonction de la langue d’arrivée est cepen-dant limité. Sans doute faudrait-il choisir des langues dont les struc-

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tures diffèrent plus que l’allemand et le suédois pour voir apparaître des différences plus systématiques.

Pour ce qui est du deuxième volet de notre recherche, à savoir les principes de traduction, rappelons que Jääskeläinen (1999) a constaté que les traducteurs professionnels verbalisent davantage de principes ou règles de conduite explicites, et que ceux mis en évidence chez les traducteurs non-professionnels reflètent souvent une incertitude. Nous n’avons pas étudié les mêmes catégories de répondants que Jääskeläinen. Il n’empêche que nos données font apparaître des ten-dances similaires. Les traducteurs professionnels, germanophones et suédophones, verbalisent plus souvent des principes de traduction que les étudiantes en traduction. De plus, ceux que verbalisent les étu-diantes reflètent plus souvent une incertitude. Nous sommes cepen-dant en mesure de proposer des observations plus pointues.

Premièrement, les différences constatées entre étudiantes et traduc-teurs tendent à s’estomper en fonction de la complexité du problème. Les étudiantes verbalisent bon nombre de principes de traduction pour des segments soulevant un nombre limité de problèmes. Même dans ce cas, une différence apparaît pourtant entre les deux groupes : chez les étudiantes, la verbalisation du principe se fait souvent plus tard dans le traitement et également de façon plus implicite (voir aussi Englund Dimitrova, 2003a). En même temps, les protocoles des tra-ducteurs révèlent dans de nombreux cas une incertitude lors du traite-ment de segments qui nécessitent l’activation de connaissances extra-linguistiques. Voilà pourquoi nous tenons à souligner que chacun des deux niveaux d’expérience de la traduction observés dans le cadre du présent travail se caractérise non seulement par des lacunes, mais également par des compétences activées de façon plus ou moins systé-matique. Autrement dit, il faut se garder de voir en l’acquisition de l’expertise en traduction un processus linéaire menant forcément à la perfection. En effet, nous avons comparé des répondants appartenant à des populations très opposées, à savoir des étudiantes de premier cycle de traduction et des traducteurs chevronnés, certains possédant plus de 20 ans d’expérience professionnelle. Cet état de fait ne peut que ren-forcer l’impression de lacunes chez les étudiantes. Il n’empêche que les traductions et les verbalisations produites par les étudiantes mon-

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trent qu’elles ont réussi à activer de nombreuses compétences. Ce que confirment les révisions effectuées par les réviseurs. Ces mêmes révi-sions montrent que les traducteurs, en dépit de leurs compétences, rencontrent eux aussi forcément des problèmes ; leur nombre varie toutefois selon que, pour eux, la tâche relève ou non de la routine.

Un deuxième constat s’impose quant aux types de verbalisations que Jääskeläinen (1999) considère comme révélateurs des principes de traduction. Ainsi, nous avons noté que les commentaires reflétant l’identité professionnelle des répondants sont quasiment absents des protocoles des étudiantes. Cette observation nous a surpris. On aurait pu penser que leurs protocoles révéleraient au moins les contours d’une future identité professionnelle, sous forme de commentaires reflétant leur identité professionnelle in statu nascendi. Comment s’expliquer ce cas de figure ? Les commentaires de ce type sont, en premier lieu, déduits des verbalisations contenant une autoévaluation. Or, nous avons vu que les étudiantes semblent souvent penser qu’un traducteur doit tout savoir. Voilà une explication possible du fait que leurs protocoles contiennent moins d’aveux d’ignorance et, partant, moins d’autoévaluations. Les autoévaluations se sont en effet révélées particulièrement riches en renseignements sur l’image que les répon-dants ont d’eux-mêmes.

Troisièmement, grâce à l’opérationalisation de la notion d’incerti-tude, selon la méthode d’analyse proposée par Tirkkonen-Condit (2000), il nous a été possible de montrer que l’incertitude s’exprime non seulement différemment chez les étudiantes et les traducteurs, mais qu’elle porte de plus sur des aspects différents de l’acte tradui-sant. Contrairement aux étudiantes, les traducteurs semblent savoir qu’avouer une ignorance n’est pas une déclaration d’incompétence. Leur disposition à faire de tels aveux est cependant limitée, puisqu’il leur est plus simple de l’admettre vis-à-vis de l’expérimentateur que du donneur d’ouvrage. On peut en outre se demander dans quelle me-sure la forte présence d’atténuateurs dans les protocoles des étudiantes refléterait le fait qu’elles ne savent pas encore identifier les problèmes de traduction au même degré que les traducteurs. Autrement dit, il est peu probable que les atténuateurs soient uniquement le reflet d’une crainte de passer pour indécises. Quoi qu’il en soit, on peut penser que

217

cette crainte est plus élevée chez les étudiantes. Rappelons que lors des contrôles de connaissances, elles n’ont d’habitude pas le droit d’assortir leurs traductions de notes à l’intention du correcteur. Elles sont donc forcées de prendre des risques. Il se peut qu’elles aient assi-milé la situation expérimentale à une situation d’examen.

Ensuite, en nous référant aux travaux de Tirkkonen-Condit (1997, 2000), nous obtenons confirmation de certains de nos résultats. Comme nous venons de le dire, il s’est avéré que les traducteurs pro-fessionnels assument plus facilement que les étudiantes leur incerti-tude quant à un sujet. Contrairement aux étudiants observés par Tirkkonen-Condit, au nombre de 2 seulement, nos données n’in-diquent cependant pas que les étudiantes mettent leurs problèmes sur le compte du texte de départ ou de la situation expérimentale. Une ten-tative de mettre des problèmes de traduction sur le compte de la situa-tion expérimentale apparaît cependant dans le protocole d’une traduc-trice germanophone. Cette tentative semble liée à la variable disposi-tion à la verbalisation, la répondante en question manifestant certains problèmes à verbaliser librement. Ensuite, pour ce qui est du degré de responsabilité, qui serait plus élevé chez les traducteurs que les étu-diants, nous ne sommes à nouveau pas entièrement d’accord avec Tirkkonen-Condit. Du moins la prudence dans l’interprétation des données nous semble-t-elle de mise. En particulier, le fait d’interpréter une tendance à minimiser les problèmes comme reflétant un degré de responsabilité moins élevé nous semble quelque peu problématique. Il est vrai, par exemple, que certaines étudiantes ont assez vite balayé le problème posé par l’ambiguïté de la ponctuation dans la séquence in-structionnelle traitée au chapitre 5. On peut cependant aussi interpréter ce comportement en faisant valoir qu’elles croient devoir résoudre de tels problèmes par elles-mêmes. Autrement dit, comme une preuve d’ambition.

Tirkkonen-Condit et Laukkanen (1996) disent en outre observer que, même s’il existe une corrélation positive entre la confiance en soi en tant que traducteur et la qualité de la traduction, un éventuel manque de confiance peut être compensé par une attitude qui révèle de l’intérêt et de l’engagement. Il s’agit sans doute de nuancer quelque peu cette affirmation. En effet, si la personne traduisante ne possède

218

pas un seuil minimum de connaissances linguistiques et extralinguis-tiques ainsi que la compétence stratégique nécessaire pour s’acquitter de la tâche, même la meilleure volonté ne lui permettra pas de rédiger une traduction de qualité. Prenons l’exemple d’Agneta (É-SE), la ré-pondante qui a mis le plus de temps pour s’acquitter de la tâche. Elle y a mis beaucoup d’effort et d’acharnement. Toutefois, l’évaluation glo-bale de sa traduction n’est pas très bonne. Rappelons ensuite que Tirkkonen-Condit et Laukkanen interprètent l’absence d’autoévalua-tions comme un indicateur d’un sentiment de certitude et de con-fiance. Il s’agit, une nouvelle fois, d’un résultat que nous n’avons pas pu mettre en évidence dans nos données. Grâce à l’analyse des mar-queurs linguistiques de l’incertitude, nous disposons de preuves assez solides pour affirmer qu’une absence d’autoévaluations explicites n’est pas synonyme de confiance en ses propres capacités. Certains protocoles ne contiennent que peu d’autoévaluations, ce qui ne veut pas forcément dire que le répondant en question possède une grande confiance en ses capacités. Toujours par rapport au travail de Tirkkonen-Condit et Laukkanen, nous pouvons signaler que la notion de théorie personnelle de la traduction s’est révélée utile pour notre travail. Nous avons montré que l’étude de la théorie personnelle de la traduction à laquelle adhère un répondant peut constituer une première étape vers la mise en évidence de la stratégie globale suivie.

La dernière recherche citée dans la section 1.2.2. est celle de Laukkanen (1996). Cet auteur dit avoir noté, chez la traductrice pro-fessionnelle observée, une attitude critique et libre vis-à-vis du texte de départ dans l’exécution d’une tâche routinière. Lors de la réalisa-tion de la tâche non-routinière, en revanche, celle-ci aurait essayé de rester le plus près possible du texte de départ. Cette différence dans l’attitude traductive se serait répercutée dans les deux traductions ainsi produites, celle relevant d’un genre que la traductrice a l’habitude de traduire étant de meilleure qualité. Nous avons relevé des tendances similaires chez nos répondants. En effet, la stratégie de traduction lit-térale s’est offerte, chez certains répondants, comme un moyen de compenser des lacunes dans différents types de connaissances. De plus, nous n’avons trouvé de critiques explicites envers l’auteur du texte de départ que dans les protocoles des traducteurs professionnels.

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Les constats établis sur le comportement traductif de Kristina (T-SE) confirment que le passage d’une tâche routinière à une tâche non-routinière peut saper la confiance du traducteur et se traduire par la tentative de rester le plus près possible du texte de départ. Or, il nous faut souligner que le passage à une tâche non-routinière n’est pas une condition suffisante pour ébranler la confiance. Certaines étudiantes se sont acquittées de la tâche en avançant apparemment avec confiance. Aussi ont-elles rédigé des traductions de qualité malgré le fait qu’il ne s’agissait pas pour elles d’une tâche routinière. Nous pensons en particulier aux étudiantes suédophones Sanna (É-SE) ou Ylva (É-SE), qui n’ont jamais travaillé en cours sur des textes techniques.

Après cette mise en contexte de nos résultats, nous passons mainte-nant à un aperçu des différents intérêts que présente notre travail.

6.3 Implications Les implications de notre travail se situent à deux niveaux prin-

cipaux : la méthodologie de la recherche et la formation des traduc-teurs.

6.3.1 Au niveau méthodologique L’étude des stratégies de traduction, conduite grâce à la taxinomie

proposée par Chesterman (1997), a révélé qu’il n’est pas toujours pos-sible de distinguer clairement l’option de la servitude (Vinay et Darbelnet, 1958/1977), ni la transformation facultative de la transfor-mation obligatoire (Eriksson, 1997). Nous avons pris soin de signaler de tels cas en précisant nos critères d’inclusion et d’exclusion. Les protocoles nous ont au moins indiqué dans quelle mesure tel choix de stratégie relevait pour tel répondant d’une option plutôt que d’une ser-vitude. À l’avenir, il serait peut-être judicieux, comme nous le disions dans la section 2.7, d’exclure de l’inventaire des stratégies tous les choix qui ne relevaient pas d’un problème pour le répondant en question. Nous ne l’avons pas fait pour la simple raison que même les protocoles ne permettent pas de distinguer avec certitude les cas où un traitement constitue un problème de ceux où il est effectué sans effort apparent.

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Toujours par rapport aux stratégies, nous souhaitons nous attarder un instant sur le concept de stratégie de traduction littérale. Parfois, cette stratégie nous semblait plus appropriée pour désigner l’effet combiné des stratégies appliquées. L’appellation même de cette straté-gie indique qu’elle pourrait ne pas se situer au même niveau que les autres types de stratégies : traduction littérale évoque l’impression gé-nérale que donne une traduction, contrairement aux autres types de stratégies qui portent sur des prises de décision locales. Voilà pour-quoi il peut être judicieux de réserver les termes traduction littérale et traduction libre au résultat global de l’opération de traduction, comme le fait Delisle (1993). On peut émettre l’hypothèse que les stratégies d’emprunt et de calque (voir Chesterman, 1997, p. 94) permettront de rendre compte de la plupart des manipulations textuelles faisant appa-raître une fidélité maximale au texte de départ.

Ensuite, nous avons jugé bon de remanier légèrement certains types de stratégies. Rappelons que la ponctuation ne figure pas parmi les unités prévues par Chesterman (1997, p. 95) dans la définition qu’il donne de la stratégie de changement d’unité. Aussi nous demandons-nous s’il est justifié de faire figurer les changements concernant la ré-partition (concentrations et dilutions) parmi les stratégies sémantiques. Nos données contiennent des cas de concentration qui nous semblent relever d’une manipulation au niveau de la forme plutôt que du sens (exemple : l’allemand et le suédois préfèrent le mode de composition lexicale, alors qu’en français c’est la composition syntagmatique qui prédomine).

Finalement, nous tenons à nous attarder un instant sur la distinction opérée par Chesterman (1997) entre stratégies syntaxico-grammati-cales, stratégies sémantiques et stratégies pragmatiques. Selon Chesterman (p. 107), les stratégies pragmatiques ont trait à la sélection de l’information à inclure dans le texte d’arrivée ; cette sélection serait régie par le degré de connaissance qu’a le traducteur des receveurs de la traduction. Nos données indiquent cependant que le choix d’une stratégie syntaxico-grammaticale peut tout autant refléter l’activation de telles connaissances. Exemple : dans le but de ne pas trop décon-certer le receveur, plusieurs répondants ont préféré des changements d’unité à des compositions lexicales trop longues. On pourrait, à la

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limite, qualifier cette manipulation textuelle de stratégie de change-ment interpersonnel. Or, il serait probablement plus judicieux de sup-poser que l’emploi des trois groupes de stratégies s’effectue sur la base d’une analyse des besoins et des attentes des receveurs.

Passons à notre deuxième instrument. La taxinomie des principes de traduction proposée par Jääskeläinen (1999) s’est révélée utile pour l’étude des motifs sous-jacents au choix d’une stratégie textuelle. Ce-pendant, cette taxinomie a elle aussi soulevé un certain nombre de questions. Premièrement, la frontière entre commentaire procédural et stratégie globale s’est révélée moins nette que ne l’auraient laissé croire les exemples donnés par Jääskeläinen. Cela n’est pas un pro-blème en soi : (1) la réflexion parlée fournit des données qui peuvent, voire doivent être codées simultanément à différents niveaux, et (2) la traduction fait intervenir un grand nombre de variables combinées, entre lesquelles il n’existe pas toujours de cloisonnements étanches.

Toujours par rapport à l’étude des principes de traduction, nous souhaitons signaler qu’il est parfois apparu difficile de distinguer un commentaire procédural de tout autre commentaire portant sur l’exé-cution de la tâche. Afin d’en limiter le nombre, nous n’avons compté parmi les commentaires procéduraux que les verbalisations dans les-quelles le répondant fait référence à une personne-ressource, une source d’information ou un aspect de la tâche spécifiques. La verbali-sation « il faudrait demander à un électricien » a ainsi été qualifiée de commentaire procédural, contrairement à la verbalisation suivante, ju-gée trop vague : « il faudrait chercher ce terme quelque part. » Il faut d’ailleurs reconnaître, concernant le travail de catégorisation des ver-balisations, qu’il mène souvent à un point à partir duquel il faut avan-cer par intuition.

De plus, force est de constater que le nombre de répondants partici-pant à notre étude, 20 en tout, se situe à la limite supérieure de ce qui nous semble faisable dans le cadre d’une recherche telle que la nôtre. Le tableau 5 révèle que les protocoles comptent plus de 150 000 mots au total. À notre avis, les progrès méthodologiques dans l’étude des processus de traduction par le biais de la réflexion parlée ne provien-dront pas d’un élargissement du nombre des répondants participant à une recherche. Il nous semble plus productif, dans l’immédiat, de pré-

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férer des analyses intrasujet et intragroupes à des études transversales. Autrement dit, de renoncer à une étude parallèle du comportement tra-ductif d’étudiants en traduction et de traducteurs professionnels, afin de privilégier l’étude des uns ou des autres. Cela permettrait de dou-bler le nombre de répondants à l’intérieur des groupes. Exemple : dans un travail futur, nous pourrions recruter 10 traducteurs germano-phones et 10 traducteurs suédophones. De la sorte, il serait possible de mieux prendre en compte un autre problème, posé par les comporte-ments qui se situent à un extrême ou l’autre et qui se répercutent mas-sivement sur la moyenne d’un petit échantillon. Il faudrait également davantage tenir compte de la variabilité intrasujet, par exemple en donnant à chaque répondant deux tâches à exécuter. Cela permettrait aussi de fournir une appréciation plus juste des connaissances et com-pétences de chaque répondant. Prenons le cas de Kristina (T-SE). Dans le cadre du présent travail, elle était appelée à exécuter une tâche qui pour elle ne relevait pas de la routine, ni du point de vue du couple de langues, ni de celui du genre de texte. A priori, rien ne nous permet cependant de douter du fait qu’elle s’acquitte de tâches de traduction routinières à l’entière satisfaction de ses clients.

Ces considérations nous mènent à un dernier point d’ordre métho-dologique. Rappelons que nous avions décidé de limiter nos analyses à trois passages du texte de départ. Au vu de la quantité de notre maté-riau, une telle étude de cas nous semblait préférable. Aussi avions-nous pour objectif de conduire une étude plus ciblée des principes de traduction, puisque celle de Jääskeläinen (1999) restait forcément plus sommaire, l’auteur ayant repéré tous les principes de traduction appa-raissant dans les protocoles de ses répondants. Toutefois, il s’est par-fois avéré difficile de conduire une étude sur les principes de traduc-tion en limitant ainsi notre matériau. À commencer par les problèmes de segmentation : où s’arrête un traitement et où commence le suivant dans un protocole de verbalisation ? Par moments, nous avons aussi été obligé d’aller au-delà du phénomène étudié stricto sensu, soit en tenant compte de verbalisations portant sur des segments voisins, soit en tournant notre regard vers des passages du protocole dans lesquels le répondant traite un problème similaire, voire d’un autre type. La dé-cision de mener une telle étude de cas soulève donc la question de la

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validité des résultats obtenus. D’un côté, il aurait sûrement été préfé-rable d’approfondir les analyses intrasujet. Or, l’une des critiques gé-néralement adressées à l’endroit de la recherche sur les processus de traduction portant sur le nombre limité de répondants, nous avons dé-cidé de répondre à cette critique en recrutant un nombre de répondants bien supérieur à la moyenne. De plus, nous avons tenté d’exploiter au mieux les différentes sources de données à notre disposition afin d’aborder un seul et même phénomène sous différents angles : proto-cole de verbalisation, traduction écrite, questionnaire, entrevue menée après la séance de réflexion parlée, observations écrites sur l’utilisa-tion des sources d’information et commentaires des réviseurs.

6.3.2 Au niveau pédagogique Dans les chapitres consacrés aux résultats de nos analyses, nous

avons passé en revue un grand nombre de stratégies considérées comme utiles par les auteurs d’ouvrages traitant de la traduction tech-nique. Aussi avons-nous constaté que certaines de ces stratégies ne fi-guraient pas parmi les choix effectués par nos répondants. Nous sommes conscient du fait que la raison pour laquelle telle ou telle stra-tégie n’apparaît pas dans nos données peut être due à la situation expé-rimentale. Cela dit, les étudiants pourraient peut-être profiter, dans l’enseignement de la traduction technique, d’un aperçu plus complet des stratégies à la disposition du traducteur technique. Rappelons en particulier les stratégies qui s’offrent au traducteur comme échappa-toires à un problème de traduction. Elles auraient permis à certaines étudiantes d’éviter de laisser des blancs dans les textes d’arrivée.

Notre recherche a également révélé qu’une seule et même stratégie peut refléter un grand nombre de motifs ou de principes de traduction. De même, un seul et même principe peut s’exprimer au travers d’un grand nombre de stratégies différentes. L’analyse des traits linguis-tiques d’une traduction ne permet donc pas à elle seule de comprendre les motifs qui se cachent derrière les choix faits par un étudiant (ou un traducteur).

En outre, il est apparu que les similarités entre les deux langues d’arrivée étudiées, l’allemand et le suédois, sont parfois telles qu’il serait utile, dans l’enseignement de la traduction technique français-

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suédois, d’attirer l’attention des étudiants sur les ouvrages traitant de la traduction technique pour d’autres couples de langues. L’absence d’ouvrages portant sur la traduction de textes de spécialité français-suédois est regrettable, et un tel domaine de recherche est sûrement prometteur pour l’avenir. Dans l’intervalle, il est plus facile de com-bler ce manque en apprenant aux étudiants à établir des correspon-dances avec d’autres couples de langues.

Rappelons également que les étudiantes germanophones avaient travaillé pendant un trimestre sur des notices techniques et disposaient donc de certaines connaissances de ce genre de texte. Plusieurs d’entre elles ont fait référence à cet enseignement sous forme de déclarations indiquant des stratégies globales. Or, nous avons constaté qu’elles n’ont pas toujours suivi ces stratégies globales au niveau des décisions locales. Par exemple, elles déclarent vouloir éviter un vocabulaire trop technique, tout en traduisant le terme monophasée (voir section 3.2.1) par des équivalents qu’elles avouent ne pas comprendre elles-mêmes. Il pourrait donc être utile d’examiner, en cours, dans quelle mesure les copies rendues par les étudiants reflètent une harmonie entre stratégie globale et stratégies locales. Dans ce cas, ils devraient, au préalable, annoncer leur stratégie globale.

Nos données ont aussi fait ressortir, par moments, une plus grande disposition à la prise de risques chez les étudiantes en traduction ; autrement dit, elles s’écartent des choix mis en évidence dans le texte de départ. Cette observation est intéressante à plusieurs égards. D’abord, parce qu’elle s’oppose à l’hypothèse selon laquelle les tra-ducteurs non-professionnels se focalisent en premier lieu sur la forme, alors les traducteurs professionnels privilégieraient le travail au niveau du sens (voir, par exemple, Lörscher, 1991, p. 276). La différence au niveau de la prise de risques est, d’ailleurs, associée à une différence dans l’usage des notes du traducteur. Les traducteurs modèrent sou-vent la prise de risques en assortissant leurs traductions de commen-taires. Non seulement pourrait-il donc être utile, en cours, de signaler encore davantage aux étudiants qu’ils pourront se faire aider par des personnes-ressources, mais il faudrait aussi leur faire comprendre que consulter le donneur d’ouvrage n’est pas un aveu d’échec, mais un im-pératif du point de vue de la déontologie des traducteurs.

225

Nous arrivons à un dernier commentaire, qui concerne indirecte-ment la formation des traducteurs. Le présent travail a montré que des connaissances extralinguistiques approfondies ne garantissent pas la rédaction d’une traduction de qualité si elles ne sont pas associées à de solides connaissances linguistiques. Notre recherche indique en parti-culier que la connaissance des différences structurales entre langue de départ et langue d’arrivée aide le traducteur à manier de façon plus ju-dicieuse les charnières logiques servant à articuler des phrases com-plexes et à éviter des calques de structure. Elle diminue également sa crainte de se faire critiquer par le donneur d’ouvrage, ce qui se traduit par la rédaction de textes d’arrivée qui restent, syntaxiquement par-lant, moins proches du texte de départ.

Au terme de cet aperçu des implications de notre recherche, nous tracerons, dans la dernière section, quelques pistes de recherche pour l’avenir.

6.4 Pistes de recherche pour l’avenir Nous avons bien vu, aux chapitres précédents, que notre recherche

soulève un certain nombre de nouvelles questions qu’il serait intéres-sant d’étudier plus en détail à l’avenir. Dans ce qui suit, nous propose-rons quelques pistes. Elles concernent (1) la définition et la manipula-tion des variables indépendantes, (2) l’extension de nos analyses à d’autres parties du matériau récolté et à d’autres variables dépen-dantes, et (3) le processus de révision de traductions.

Il est coutume d’insister, à cet endroit, sur la nécessité de transférer le plan expérimental à d’autres groupes de répondants. Ce besoin nous semble réel. Malgré l’essor considérable qu’a connu l’étude des pro-cessus de traduction au cours des quinze dernières années, les efforts de recherche (en termes du nombre de publications) se concentrent sur quelques centres, notamment la Finlande. Ce que nous croyons savoir, aujourd’hui, sur les processus de traduction chez les étudiants en tra-duction provient, dans une large mesure, de l’observation d’étudiants ayant suivi leur formation à l’École de traduction et d’interprétation de l’Université de Joensuu (voir les ouvrages cités de Jääskeläinen, Laukkanen et Tirkkonen-Condit dans la Bibliographie). Or, il est peu probable que leur comportement ressemble à tous les égards à celui

226

d’autres étudiants. Rappelons que certaines différences apparues dans notre travail entre les étudiantes germanophones et suédophones ne peuvent être expliquées par des différences linguistiques entre l’alle-mand et le suédois. Ces différences semblent liées à la variable en-seignement de la traduction. L’émergence d’autres centres de re-cherche, dont les investigations dépasseraient le ponctuel pour s’ins-crire dans le moyen et long terme, est dès lors souhaitable. L’axe Stockholm-Uppsala est un exemple d’une telle collaboration scienti-fique ; hormis la présente thèse, nous pouvons citer celle de Norberg (2003), les travaux de Jonasson (1997, 1998a, 1998b) ainsi que la monographie en préparation d’Englund Dimitrova (2003a).

La variable enseignement de la traduction n’est pourtant qu’une des nombreuses variables dont il faudra davantage tenir compte à l’avenir. Nous en avons identifié d’autres. Par exemple, les connais-sances linguistiques et les connaissances extralinguistiques. Rappe-lons que nous avons administré aux répondants un questionnaire dans lequel nous leur demandions d’évaluer, entre autres, la difficulté du texte de départ. La prudence dans l’interprétation de ces données est de mise, les réponses obtenues se fondant sur l’appréciation subjective des répondants. Nous ne les avons prises en considération qu’à titre indicatif. Il faudrait mettre au point des mesures plus fiables pour éva-luer ces variables. De tels tests comporteraient cependant eux-mêmes certains risques. Notamment celui d’augmenter, chez les répondants, le sentiment de se soumettre à un contrôle de connaissances avec, pour résultat, un effet inhibiteur sur la réflexion parlée. D’ailleurs, une ré-pondante disait en ces mots, au cours de la réflexion parlée, qu’elle avait l’impression d’être en train de passer un examen. Le problème semble pourtant moindre pour ce qui est des étudiants en tra-duction, car ils ont l’habitude d’être en situation d’examen. Le cas échéant, on pourrait aussi consulter leurs résultats lors de précédents contrôles de connaissances pour se faire une idée de leur maîtrise des langues de départ et d’arrivée.

Une autre variable à prendre en considération est la compétence stratégique. Elle n’a reçu que peu d’attention jusqu’à présent, cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est difficile de mettre au point des tests permettant de la mesurer de façon fiable (Cao, 1996, p. 333-

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334). La compétence stratégique renvoie aux opérations d’évaluation, de planification et d’exécution d’une tâche. Ce n’est pas chose facile que d’identifier ces composantes. Or, nos données ont fourni au moins quelques indications sur la manière dont on pourrait s’y prendre. Par exemple, en examinant la façon dont un répondant se déplace à travers les textes de départ et d’arrivée, la relation entre le temps utilisé pour s’acquitter de la tâche et la qualité de la traduction, ou encore la ma-nière dont il exploite les informations obtenues par le biais de sources d’information.

Rappelons que nous avons distingué deux variables indépendantes d’entrée de jeu : l’expérience de la traduction (étudiantes par opposi-tion à traducteurs) et le couple de langues (français-allemand par op-position à français-suédois). Nous sommes conscient du fait que la variable expérience de la traduction est vague : elle repose sur l’interaction de plusieurs variables, telles que les connaissances linguistiques (du français ainsi que de la langue d’arrivée, à savoir l’allemand ou le suédois) ou la compétence stratégique (on peut émettre l’hypothèse que les traducteurs savent mieux coordonner les différentes composantes qui jouent un rôle au niveau de la compétence traductive). Elle s’est pourtant révélée pratique, d’abord pour la pré-sentation de nos résultats, puis pour la comparaison de nos résultats avec ceux obtenus par d’autres chercheurs. À l’avenir, on pourrait ce-pendant essayer de grouper les répondants en fonction d’autres va-riables, plus précises, comme le degré de connaissances linguistiques.

Nous souhaitons également signaler la proximité terminologique entre les termes expérience de la traduction et routine. La distinction entre tâche routinière et tâche non-routinière est centrale dans certains travaux, dont celui de Laukkanen (1996). Là aussi se pose cependant la question de savoir quelles variables interviennent au niveau de la routine : la familiarité avec les conventions de genre du texte de départ (connaissances typologiques ; voir Adam, 1990, p. 15), les connais-sances extralinguistiques ou encore les connaissances linguistiques gé-nérales (plus élevées si la tâche à exécuter porte sur le couple de langues dans lequel le traducteur travaille le plus souvent). Il faudra dorénavant en tenir compte lors de la planification de tâches qui visent

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à mettre en évidence le comportement de traducteurs dans des tâches routinières et non-routinières.

Les variables évoquées ci-dessus concernent la traduction au quoti-dien. D’autres sont plus spécifiques à la situation expérimentale. Rap-pelons un fait dont nous avons rendu compte dans la section 2.4. Au terme des séances conduites avec les répondants germanophones, nous avions pris la décision de compléter la consigne de penser à voix haute en faisant écouter aux répondants suédophones un enregistrement réa-lisé avec un chercheur habitué à la réflexion parlée. La mise à disposi-tion d’un tel modèle peut influencer les verbalisations. Le contenu du mandat fictif donné avec le texte à traduire joue certainement aussi un rôle. Dans le cadre du présent travail, nous avons simulé un mandat express ; ceci aussi pour des raisons pratiques, c’est-à-dire afin de pouvoir récolter en une seule fois les données pour chaque répondant. Il s’est avéré que les protocoles contiennent maintes références à cet aspect de la consigne, les répondants disant, par exemple, qu’ils n’avaient pas eu le temps de vérifier une deuxième fois tel terme dans tel dictionnaire. Cette accélération du processus de traduction s’est certainement répercutée dans la traduction écrite. Précisons, cepen-dant, que le facteur temps intervient dans l’exécution de toute tâche de traduction, c’est-à-dire aussi hors du cadre expérimental. Les sources d’information mises à la disposition des répondants représentent une autre variable dont il faut tenir compte. Dans notre cas, seuls les tra-ducteurs et une étudiante se sont acquittés de la tâche à leur poste de travail habituel. Plusieurs d’entre eux ont consulté des textes parallèles supplémentaires, à savoir des notices pour leurs propres téléphones, télécopieurs ou imprimantes. On peut penser que ces consultations ont facilité le processus de traduction. Peut-être se sont-elles traduites par une plus grande adaptation des textes d’arrivée au genre des notices techniques.

Venons-en au deuxième point évoqué en début de section : l’exten-sion des analyses à d’autres parties du matériau récolté et à d’autres variables dépendantes. Pour des raisons déjà exposées, nous avions pris la décision de limiter nos analyses à certains passages du texte de départ. Afin de pouvoir nous prononcer de façon plus sûre sur les comportements observés, il faudrait cependant tenir compte des textes

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d’arrivée et des protocoles dans leur intégralité. Ceci afin de mieux comprendre dans quelle mesure il y a stabilité ou variabilité au niveau des stratégies et principes chez un seul et même répondant. Nos don-nées fournissent au moins certaines preuves de la constance non seule-ment dans la façon dont un répondant aborde des problèmes qui re-lèvent d’un même type, mais également dans la façon dont il traite dif-férents types de problèmes.

Il serait également intéressant d’étudier plus en détail certains prin-cipes de traduction. L’analyse des commentaires révélant l’identité professionnelle, par exemple, a fait ressortir des différences dans la façon dont les répondants se situent face à l’auteur du texte de départ. Y a-t-il une corrélation entre le degré de connaissances linguistiques ou extralinguistiques et le nombre d’évaluations négatives portant sur l’auteur du texte de départ ? Une évaluation négative des choix faits par l’auteur du texte de départ se traduit-elle globalement par une plus grande liberté par rapport au texte de départ ? Voilà des questions qui, bien qu’elles touchent au domaine des principes de traduction, dé-passent le cadre que nous nous sommes fixé pour le présent travail.

Signalons également l’existence d’une certaine parenté des termes principe et norme. Toury (1995, p. 54-55) définit les normes comme l’expression de valeurs générales ou d’idées partagées par une com-munauté sur ce qui est approprié ou impropre en traduction. Jääskeläinen (1999, p. 183), quant à elle, considère les principes de traduction comme des règles de conduite. Il pourrait donc être intéres-sant d’essayer d’opérationaliser le concept de norme pour voir s’il est possible de l’étudier, à côté des principes de traduction, comme une variable dépendante. Englund Dimitrova (2003a), par exemple, émet l’hypothèse que la verbalisation d’un principe de traduction est le re-flet potentiel d’une norme sous-jacente.

Nous souhaitons conclure nos propos en traçant une dernière piste de recherche. Il s’agit du travail de révision de traductions. L’évalua-tion des traductions produites par nos répondants nous a servi d’ap-point pour comprendre dans quelle mesure les stratégies employées étaient adaptées aux exigences du mandat. Signalons également que l’évaluation est un sujet qui a connu un essor considérable au cours de ces dernières années (voir, par exemple, le numéro spécial de Meta

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paru à ce sujet : Évaluation, 2001). La révision de traductions, c’est-à-dire le processus d’amélioration de traductions au moyen de correc-tions menant à l’évaluation est, quant à elle, moins bien étudiée (voir, cependant, Horguelin et Brunette, 1998). Les commentaires de nos réviseurs-traducteurs nous ont amené à penser que leur travail se ca-ractérise, tout comme celui des répondants appelés à traduire le texte de départ, à la fois par l’activation de compétences, mais aussi par cer-taines incertitudes. Sans aucun doute, la révision est un « travail pé-nible », comme le signale également Engwall (1980, p. 44, 1983) dans ses travaux portant sur un cas de révision très particulier et intéres-sant : la révision d’un roman rédigé directement en langue française par l’écrivain suédois August Strindberg. C’est au critique dramatique Georges Loiseau que fut confiée la tâche de réviser le français de Strindberg. Pour ce faire, ce dernier prenait, entre autres, appui sur la traduction allemande de ce même roman !

L’étude de la révision de traductions permettrait également d’ex-plorer plus en détail une variable dont nous n’avons parlé que briève-ment : l’âge du répondant. En effet, selon une étude pilote menée par Englund Dimitrova (2003a), de jeunes réviseurs ont tendance à donner des évaluations plus positives de traductions rédigées par de jeunes ré-pondants. Nos propres résultats suggèrent, en outre, que si le travail de révision de traductions présente certains parallèles avec l’acte tradui-sant, il s’en distingue à plusieurs égards. Nous pensons, par exemple, à la problématique posée par la tâche de formuler des critiques à l’adresse d’un collègue, au sentiment de responsabilité quant au texte final ou encore au nombre et aux types de consultations de sources d’information. Autant de facteurs qui pourraient être étudiés au moyen de la réflexion parlée. Il ne semble pas exister, à ce jour, d’étude dans laquelle le travail de révision de traductions ait été étudié empirique-ment par le biais de protocoles de verbalisation. Voilà donc un do-maine qui reste à être défriché et auquel nous pensons nous consacrer dans l’après-thèse. D’autant plus que de nombreux répondants ont fourni des verbalisations indiquant qu’il y a une vie après la traduc-tion : la révision.

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APPENDICE 1 : LE TEXTE DE DÉPART NOTICE D’INSTALLATION RAPIDE

Vous venez d’acquérir le Téléphone-Fax-Répondeur GALEO 4710 et nous vous en remercions.

Intégrant les plus récentes innovations technologiques, cet appareil vous permet de disposer à la fois d’un téléphone, d’un répondeur enregistreur, d’un fax, d’un copieur d’appoint, d’une imprimante PC et d’un combiné sans fil (options).

Afin d’utiliser votre GALEO 4710 efficacement et dans les meilleures conditions, nous vous conseillons de lire très attentivement cette notice d’instal-lation rapide, qui a été rédigée spécialement à votre intention.

Votre GALEO 4710 bénéficie d’une garantie d’un an.

Pour toute information supplémentaire sur les produits et services FRANCE TELECOM, adressez-vous à l’accueil professionnel de votre Agence Commer-ciale.

INSTALLER GALEO 4710

GALEO 4710 doit être placé à l’écart de toute zone de chaleur excessive et d’installation d’air conditionné. Il doit être protégé contre les vibrations, la poussière, l’humidité, les projections d’eau ou de produits, le rayonnement électromagnétique, et son accès doit être aisé.

La prise téléphonique doit se trouver à 1,50 m maximum, la prise électrique standard monophasée 220-240 V, 50-60 Hz à 2 m maximum.

239

1. Tournez votre appareil de façon à voir sa face gauche.

2. Branchez le cordon du combiné téléphonique au connec-teur (A).

3. Branchez le cordon de ligne téléphonique au connecteur (B), d’un côté, et dans la prise téléphonique murale, de l’autre.

4. Insérez la petite fiche du bloc alimentation dans le connec-teur (C) : ouvrez le capot avant et le capot arrière. La petite fiche étant branchée sur le connecteur (C), faites passer le cordon dans le passe-fil (D). Refermez les capots arrière et avant.

5. Branchez la fiche du cordon secteur du bloc alimentation dans une prise de courant murale aisément accessible.

Votre appareil est maintenant sous tension.

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APPENDICE 2 : LES TEXTES D’ARRIVÉE

Deborah (É-CH)

Kurzanleitung zur Installation

Sie haben sich für den Telefon-Fax-Beantworter GALEO 4710 entschieden und wir danken Ihnen für diesen Kauf.

Dieses Gerät beinhaltet die neusten technischen Erfindungen und verfügt gleichzeitig über ein Telefon, einen automatischen Anrufbeantworter, einen Fax, einen Kopierer, einem [sic] PC-Drucker und einem [sic] schnurlosen Hörer.

Bitte lesen Sie diese Kurzanleitung zur Installation des GALEO 4710 genau durch, damit Sie alle Vorzüge Ihres neuen Gerätes kennenlernen und anwenden können. Diese Kurzanleitung wurde speziell auf Ihre Bedürfnisse abgestimmt.

Die Garantie auf Ihren GALEO 4710 ist ein Jahr gültig.

Haben Sie weitere Fragen zu Geräten oder Dienstleistungen der FRANCE TELECOM, so wenden Sie sich bitte an die Auskunftsstelle Ihrer Filiale.

Installation am GALEO 4710

Der GALEO 4710 darf nicht in der Nähe von grossen Hitzequellen und Klimaanlagen installiert werden. Er muss vor Erschütterungen, Staub, Feuchtig-keit, Wasser und Chemikalien und elektromagnetischen Strahlen geschützt sein und sich an einem leicht zugänglichen Ort befinden.

Die Telefonanschlussdose darf höchstens 1,5 m und die Netzsteckdose mit Einphasenbrückenschaltung (220–240V, 50–60Hz) höchstens 2 m vom Gerät entfernt sein.

1. Drehen Sie das Gerät so, dass Sie die linke Seite vor sich haben.

2. Schliessen Sie das Kabel des Telefonhörers an die Buchse (A) an.

3. Schliessen Sie die eine Seite des Telefonkabels an die Buchse (B), die andere an die Telefonanschlussdose an.

4. Schliessen Sie den kleinen Stecker des Netzgerätes an die Buchse (C) an. Öffnen Sie dann die vordere und hintere Abdeckhaube und ziehen Sie das Kabel durch die Drahtdurchführung. Schliessen Sie wieder die vordere und hintere Abdeckhaube.

5. Schliessen Sie den Stecker, welcher sich am Kabel des Netzgerätes befindet, an die Netzsteckdose an. Letztere muss leicht zugänglich sein.

Ihr Gerät steht nun unter elektrischer Spannung.

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Flavia (É-CH)

Bedienungsanleitung

Wir danken Ihnen für den Kauf des GALE0 4710 Telefongerätes mit integrier-tem Anrufbeantworter und Fax.

Unser Gerät bietet die neuesten technologischen Innovationen und ermöglicht es Ihnen, gleichzeitig von einem Telefon, Anrufbeantworter, Faxgerät, Kopierer, PC-Drucker und drahtlosen Hörer (Option) Gebrauch zu machen.

Bitte lesen Sie die Bedienungsanleitung aufmerksam durch, damit ein einwand-freies Funktionieren des Gerätes gewährleistet ist.

Auf dem Gerät besteht eine Garantie von einem Jahr.

Für weitere Informationen über das Gerät und Dienstleistungen Ihrer Telefon-gesellschaft wenden Sie sich bitte an Ihren Händler.

Installation des GALEO 4710

Stellen Sie sicher, dass das Gerät nicht in der Nähe von extremen Wärmequellen oder einer Klimaanlage steht. Vermeiden Sie Erschütterungen, Staubablagerun-gen, Feuchtigkeit, Verunreinigungen und elektromagnetische Strahlen. Installie-ren Sie Ihr Gerät so, dass freie Luftzirkulation rund um das Gerät gewährleistet ist.

Die Telefonanschlussdose sollte nicht weiter als 1,5 m entfernt sein____________

1. Platzieren Sie das Gerät so, dass Sie die Anschlussbuchsen vor sich haben.

2. Stecken Sie das Hörerkabel in die Buchse A ein.

3. Verbinden Sie das Telefonkabel mit der Buchse B und stecken Sie den Netzstecker in die Anschlussdose ein.

4. Stecken Sie den kleinen Stecker des Netzgerätes in die Buchse C. Öffnen Sie die vordere und hintere Klappe am Gerät und führen Sie das Kabel durch den Kabelkanal D. Schliessen Sie die Klappen.

5. Schliessen Sie das Netzgerät an einer leicht zugänglichen Steckdose am Stromnetz an.

Ihr Telefongerät ist jetzt betriebsbereit.

242

Heidi (É-CH)

Bedienungsanleitung

Sie haben sich für den Kauf des Telefons GALEO 4710 mit Anrufbeantworter und integriertem Fax entschieden. Wir danken Ihnen für den Kauf.

Dieses Gerät ist mit der neusten Technologie ausgestattet und besteht aus Telefon, Anrufbeantworter, Fax, Kopierer, Drucker und einem kabellosen Hörer.

Bevor Sie Ihr Gerät benutzen, raten wir Ihnen, die Bediedungsanleitung [sic] auf-merksam durchzulesen.

Sie haben eine einjährige Garantie auf Ihr Gerät GALEO 4710.

Für weitere Informationen über die Produkte und Dienstleistungen der FRANCE TELECOM wenden Sie sich bitte an die Auskunftsstelle der Telecom Direktion (Telefonnummer 113).

Installation des GALEO 4710

Das Gerät GALEO 4710 darf nicht übermässiger Hitze ausgesetzt sein oder in der Nähe der Klimaanlage stehen. Das Gerät muss leicht zugänglich sein und vor Vibrationen, Staub, Feuchtigkeit, Wasser und ähnlichem sowie vor elektromag-netischen Strahlen geschützt sein.

Das Telefonkabel sollte maximal 1.50 m lang sein, und beim Stromkabel sollte es sich um ein maximal 2 m langes einphasiges Standardkabel handeln (220-240 V, 50-60 Hz).

1. Drehen Sie das Gerät, so dass Sie die linke Seite sehen.

2. Stecken Sie das Kabel des Telefonhörers an die Telefonanschlussdose (A).

3. Stecken Sie das Telefonkabel an die Telefonanschlussdose (B) und in den Netzstecker an der Wand.

4. Fügen Sie den kleinen Stecker des Netzgerätes an die Telefonanschlussdose (C). Öffnen Sie die vordere und die hintere Klappe. Ziehen Sie das Kabel durch die Öffnung (D). Schliessen Sie beide Klappen.

5. Stecken Sie den Stecker vom Kabel des Netzgerätes in einen einfach zugäng-lichen Netzstecker.

Ihr Gerät ist jetzt betriebsbereit.

243

Illana (É-CH)

Kurze Bedienungsanleitung für die Installation

Wir danken Ihnen für den Kauf von GALEO 4710, das Telefon-, Fax- und Telefonbeantwortergerät.

Das Gerät beinhaltet die neuesten technologischen Erfindungen und ermöglicht Ihnen gleichzeitig über ein Telefon, einen Telefonbeantworter, einen Fax, einen Kopierzusatz, einen PC-Drucker und ein kabelloses Telefon (auf Wunsch) zu verfügen.

Damit Sie Ihren GALEO 4710 ohne Probleme und unter den besten Bedingungen anwenden können, empfehlen wir Ihnen, diese kurze Bedienungsanleitung, die speziell für Sie geschrieben wurde, aufmerksam durchzulesen.

Ihr GALEO 4710 hat eine Garantie für ein Jahr.

Für alle weiteren Informationen über die Produkte und Dienstleistungen von FRANCE TELECOM wenden Sie sich bitte an das Fachpersonal unserer Ge-schäftsagentur.

Installation des GALEO 4710

Galeo 4710 darf nicht in der Nähe von übermässiger Wärme oder an einem Ort mit Klimaanlage platziert werden. Er muss zudem vor Schwingungen, Staub, Feuchtigkeit, Wasser und elektromagnetischen Strahlen geschützt werden, und er muss leicht zugänglich sein.

Der Telefonanschluss darf nicht höher als 1,50 m liegen, die normale Steckdose (einphasig, 220-240 V, 50-60 Hz) nicht höher als 2 m.

1. Drehen Sie das Gerät so, dass Sie seine linke Seite sehen.

2. Stecken Sie das Kabel des Telefonhörers in die Telefonanschlussdose (A).

3. Stecken Sie das Anschlusskabel des Gerätes auf der einen Seite in die Telefonanschlussdose und die andere Seite in die Wandanschlussdose.

4. Verbinden Sie den kleinen Stecker des Netzteils mit der Anschlussdose und öffnen Sie die vordere und die hintere Abdeckklappe. Wenn der Stecker mit der Anschlussdose verbunden ist, können Sie das Kabel durch die Durchfüh-rungstülle leiten. Schliessen Sie nun die vordere und hintere Abdeckklappe wieder.

5. Verbinden Sie den Stecker am Stromnetzkabel des Netzteils in eine Wand-steckdose, die leicht zugänglich ist.

Ihr Gerät steht nun unter Spannung.

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Sophia (É-CH)

Schnell-Installation

Mit GALEO 4710 haben Sie sich für ein Gerät entschieden, das die Funktionen von Telefon, Fax und Anrufbeantworter vereint. Wir danken Ihnen für den Kauf.

Dieses technologisch innovative Gerät kann gleichzeitig als Telephon, Anrufbe-antworter, Fax, Kopierer, Drucker und Schnurlostelefon eingesetzt werden.

Bitte lesen Sie diese Anleitung vor der Installation genau durch, um GALEO 4710 möglichst praktisch anwenden zu können.

GALEO 4710 besitzt ein Jahr Garantie.

Bitte wenden Sie sich für weitere Informationen über Produkte und Dienst-leistungen von FRANCE TELECOM an die Auskunftsstelle in ihrer [sic] Nähe.

Installation von GALEO 4710

Vermeiden Sie die unmittelbare Nähe von GALEO 4710 zu Wärmequellen, Klimaanlagen, Staub, Feuchtigkeit, Wasser, Chemikalien, Schwingungen und elektromagnetischen Strahlungen.

Das Gerät kann höchstens 1,50m vom Telefonanschluss entfernt sein, und 2m vom einphasigen Standard-Netzstecker 220-240 V, 50-60Hz.

1. Drehen Sie das Gerät so, dass die linke Seite sichtbar ist.

2. Schliessen sie [sic] das Hörerkabel an das Gerät an (A).

3. Stecken Sie das Anschlusskabel in die Buchse (B) und verbinden Sie das andere Ende mit der Telefonanschlussdose.

4. Stecken Sie den Stecker des Netzgeräts in die Buchse (C) klappen [sic] Sie das Bedienungspanel nach vorne und den Deckel nach hinten. Klemmen Sie das Netzkabel in die Durchführungsbuchse (D). Klappen Sie das Bedienungs-panel und den Deckel wieder zu. . [sic]

5. Verbinden Sie das andere Ende des Netzgerätkabels mit dem Netzstecker an der Wand.

Ihr Gerät ist nun optimal installiert und somit betriebsbereit.

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Adina (T-CH)

KURZANLEITUNG

Sie haben ein Telefon-Fax-Anrufbeantworter GALEO 4710 gekauft, und wir danken Ihnen für Ihr Vertrauen.

Dieses mit den neuesten Technologien ausgerüstete Gerät verfügt über Telefon, Anrufbeantworter, Fax, Fernkopierer, PC-Drucker sowie Schnurlostelefon (Op-tionen).

Damit Sie Ihren GALEO 4710 optimal und unter den besten Bedingungen nutzen können, raten wir Ihnen, diese für Sie verfasste Kurzanleitung aufmerksam durchzulesen.

Der GALEO 4710 hat eine Garantie von 12 Monaten.

Weitere Informationen über sämtliche Produkte und Dienstleistungen von FRANCE TELECOM erhalten Sie bei Ihrem Fachhändler.

INSTALLATION

Stellen Sie den GALEO 4710 nicht in die unmittelbare Nähe von Wärmequellen wie Heizkörpern und Klimaanlagen. Setzen Sie das Gerät nicht Vibrationen, Staub, Feuchtigkeit, Wasserquellen, Chemikalien oder elektromagnetischen Feldern aus und wählen Sie einen leicht zugänglichen Standort.

Die Telefonanschlussdose sollte maximal 1,50 m, die einphasige 220/240 V-Netzsteckdose (50-60 Hz) maximal 2 m entfernt sein.

1. Drehen Sie das Gerät so, dass Sie die linke Seite sehen.

2. Stecken Sie das Hörerkabel in die Buchse (A).

3. Stecken Sie das Telefonanschlusskabel in die Buchse (B) und das andere Kabelende in die Telefonanschlussdose.

4. Stecken Sie den kleinen Stecker des Netzkabels in die Buchse (C) : öffnen Sie den vorderen und den hinteren Deckel. Nachdem Sie den kleinen Stecker in die Buchse (C) eingesteckt haben, können Sie das Kabel durch die Zugent-lastung (D) führen. Schliessen Sie die Deckel wieder.

5. Stecken Sie das Anschlusskabel des Netzgerätes in eine leicht zugängliche Wandsteckdose.

Das Gerät steht nun unter elektrischer Spannung.

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Fanny (T-CH)

Anleitung zur Schnellinstallation

Sie haben unser Telefongerät GALEO 4710 mit Faxfunktion und automatischem Anrufbeantworter erworben, wofür wir Ihnen bestens danken.

Dieses Gerät verfügt über die jüngsten technologischen Neuerungen: ausser der üblichen Telefonfunktion besitzt es einen automatischen Anrufbeantworter und ein Fax. Als Optionen sind weiterhin möglich: Kopierfunktion, Anschluss als Drucker für einen PC, schnurloser Hörer.

Damit Sie Ihr GALEO 4710 stets effizient und unter den besten Bedingungen benutzen können, empfehlen wir Ihnen, die vorliegende Installationsanleitung sehr aufmerksam durchzulesen.1

Auf Ihr GALEO 4710 gewähren wir eine Garantie von einem Jahr.

Für allfällige2 weitere Fragen bezüglich der Produkte und Dienstleistungen von France TELECOM wenden Sie sich bitte an einen Kundenberater in Ihrer zustän-digen Verkaufsvertretung.

Installation des GALEO 4710

Das Gerät darf nicht in nächster Nähe von Hitzequellen bzw. von Klimaanlagen aufgestellt werden. Des weiteren muss es vor folgenden Einflüssen geschützt werden: Erschütterungen, Staub, Feuchtigkeit, Wasserspritzern, herumfliegenden Partikeln (wie z.B. in einer Schreinerei) und elektromagnetischer Abstrahlung. Das Gerät sollte leicht zugänglich sein.

Die Telefonsteckdose darf nicht weiter als 1,5 m entfernt sein, die einphasige Standardsteckdose (220–240 V, 50–60 Hz) nicht weiter als 2 m.

1. Drehen Sie das Gerät so, dass Sie die linke Seite vor sich haben.

2. Stecken Sie das Hörerkabel in die Anschlussbuchse A.

3. Stecken Sie das eine Ende des Telefonkabels in die Anschlussbuchse B und das andere Ende in die Telefonsteckdose an der Wand.

4. Öffnen Sie die vordere und die rückwärtige Abdeckung.3 Stecken Sie den kleinen Stecker des Netzteils in die Anschlussbuchse C und das Kabel in den vorgesehenen Anschluss D4. Schliessen Sie die vordere und die rückwärtige Abdeckung.

5. Stecken Sie den Stecker des Netzteilkabels in eine leicht zugängliche Wandsteckdose.

Ihr Gerät GALEO 4710 ist jetzt einsatzbereit.

247

Notes : 1rédigé exprès à votre intention: habe ich weggelassen, weil es den Satz nur schwerfälliger macht und im Grunde selbstverständlich ist 2Text nur für die Schweiz??? Wenn nicht, statt allfällig besser „eventuelle“ einsetzen 3Habe ich die Folge der Arbeitsschritte richtig verstanden? Deckel auf, in C einstecken, in D einstecken, Deckel zu. 4Habe mich hier für eine weniger technische Ausdrucksweise entschieden, um den Endverbraucher nicht zu verunsichern. Die beigefügte Zeichnung ist ja auch schon sehr hilfreich, und ich glaube, dass man auf die Fachausdrücke hier ver-zichten könnte.

248

Laurent (T-CH)

Kurzanleitung

Vielen Dank, dass Sie sich für den Telefon/Fax/Beantworter GALEO 4710 entschieden haben.

Dieses Gerät mit den neusten technologischen Innovationen dient Ihnen gleichzeitig als Telefon, Telefonbeantworter, Fax, behelfsmässig als Kopierer sowie Drucker für den PC und erlaubt Ihnen die Verwendung eines Schnurlos-telefons (Optionen).

Für eine effiziente und bestmögliche Verwendung Ihres GALEO 4710 lesen Sie bitte diese speziell für Sie abgefasste Kurzanleitung aufmerksam durch.

Ihr GALEO 4710 besitzt ein 1 Jahr Garantie.

Für weitere Informationen über die Produkte und Dienstleistungen von FRANCE TELECOM wenden Sie sich bitte an die Profis Ihrer Handelsvertretung.

INSTALLATION GALEO 4710

Der GALEO 4710 ist von übermässigen Hitzequellen und Klimaanlagen entfernt aufzustellen. Er muss gegen Erschütterungen, Staub, Feuchtigkeit, Wasser und Chemikalien sowie elektromagnetische Strahlung geschützt werden und leicht zugänglich sein.

Die Telefonsteckdose darf nicht weiter als 1,50 m, die Netzsteckdose (Standardeinphasensteckdose 220-240 V, 50-60 Hz) nicht weiter als 2 m entfernt sein.

1. Drehen Sie das Gerät so, dass Sie die linke Seite sehen können.

2. Schliessen Sie das Kabel des Hörers an die Buchse (A) an.

3. Schliessen Sie das Telefonkabel am einen Ende an die Buchse (B) und am anderen Ende an der Telefonsteckdose an.

4. Verbinden Sie den kleinen Stecker des Netzgerätes mit der Buchse (C). Öffnen Sie dazu den vorderen und hinteren Deckel. Nachdem der kleine Stecker an der Buchse (C) angeschlossen ist, legen Sie das Kabel in die Kabelführung (D). Schliessen Sie die beiden Deckel wieder.

5. Schliessen Sie das Netzkabel des Netzgerätes an eine leicht zugängliche Steckdose an.

Nun ist das Gerät am Netzstrom angeschlossen.

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Sonja (T-CH)

KURZANLEITUNG FÜR DIE INSTALLATION

Wir gratulieren Ihnen zum Kauf des Telefon-Fax-Anrufbeantworters GALEO 4710.

Dank der in diesem Gerät enthaltenen modernsten Technologie verfügen Sie gleichzeitig über ein Telefongerät, einen Anrufbeantworter, ein Fax und eine zusätzliche Kopierfunktion, einen PC-Drucker und ein weiteres schnurloses Telefon (Option).

Lesen Sie bitte diese Kurzanleitung aufmerksam durch, dies wird Ihnen die effiziente und angenehme Bedienung des GALEO 4710 erleichtern.

Die Garantie für das Gerät GALEO 4710 beträgt ein Jahr.

Für zusätzliche Informationen zu den Produkten und Dienstleistungen von FRANCE TELECOM wenden Sie sich bitte an die Verkaufsstelle.

INSTALLATION VON GALEO 4710

GALEO 4710 sollte nicht direkt neben einer Wärmequelle oder Klimaanlage stehen. Achten Sie darauf, dass das Gerät vor Erschütterungen, Staub, Feuchtig-keit, Wasser und anderen Flüssigkeiten sowie elektromagnetischen Strahlungen geschützt ist. Das Gerät muss leicht zugänglich sein.

Die maximale Entfernung zur Telefonanschlussdose beträgt 1,50 m, die einphasige Netzsteckdose 220-240 V, 50-60 Hz, darf höchstens 2 m entfernt liegen.

1. Drehen Sie das Gerät mit der linken Seite zu sich.

2. Stecken Sie das Kabel des Telefonhörers in die Buchse (A).

3. Das Anschlusskabel des Geräts wird nun in die Buchse (B) und das andere Ende in die Telefonanschlussdose gesteckt.

4. Stecken Sie den kleinen Stecker des Netzteils in die Buchse (C): öffnen Sie das Bedienungspanel und die hintere Abdeckung. Legen Sie danach das mit dem kleinen Stecker verbundene Kabel durch den Kabelkanal (D). Schliessen Sie dann das Bedienungspanel und die hintere Abdeckung wieder.

5. Der Stecker des Stromkabels wird zum Schluss in eine leicht zugängliche Netzsteckdose gesteckt.

Ihr Gerät ist jetzt betriebsbereit.

250

Tamara (T-CH)

Schnellinstallationsanleitung

Sie haben ein Faxgerät mit integriertem Telefon und Telefonbeantworter erworben, und wir gratulieren Ihnen zu Ihrer Wahl.

Der GALEO 4710 vereint die neuesten technologischen Erkenntnisse und bietet Ihnen zahlreiche Zusatzfunktionen: Er ist zugleich Telefon, Telefonbeantworter, Faxgerät und Kopierer, PC-Drucker und schnurloses Telefon (Optionen).

Damit Sie Ihren Galeo 4710 optimal nutzen können, empfehlen wir Ihnen, die nachfolgende Schnellinstallationsanleitung genau durchzulesen.

Ihr GALEO 4710 bietet Ihnen eine 1jährige Betriebsgarantie.

Weitere Informationen zu Produkten und Dienstleistungen der SWISSCOM erhalten Sie bei der Geschäftsstelle Ihres Wohnortes oder unter der Nummer 0800 ...

INSTALLATION IHRES GALEO 4710

Stellen Sie den GALEO 4710 an einem Ort auf, der vor direkter Hitze und Sonneneinwirkung sowie Klimaanlagen geschützt ist. Der richtige Standort bietet Ihrem Gerät ausserdem Schutz vor Erschütterungen, Staub, Feuchtigkeit, Wasser und Chemikalien, elektromagnetischen Strahlungen und sollte leicht zugänglich sein.

Die Telefonsteckdose sollte maximal 1,5 m, die Netzsteckdose (Einphasenstrom 220 – 240 V, 50-60 Hz) maximal 2 m entfernt sein.

1. Drehen Sie den Apparat so, dass Sie die linke Geräteseite vor sich haben.

2. Stecken Sie das Hörerkabel in die Buchse A.

3. Stecken Sie das eine Ende des Telefonkabels in die Buchse B des Gerätes, das andere Ende in die Telefonsteckdose.

4. Stecken Sie den kleinen Stecker des Netzkabels in die Buchse C, öffnen Sie die vordere und die hintere Abdeckung. Ziehen Sie das Netzkabel von Buchse C durch die Führungsrille D. Schliessen Sie die beiden Abdeckungen.

5. Stecken Sie das an das Gerät angeschlossene Netzkabel in die nächste Netzsteckdose.

Ihr Gerät steht jetzt unter Strom.

251

Agneta (É-SE)

INSTALLATIONSANVISNINGAR

Vi tackar för Ert köp av GALEO 4710, vår1 kombinerade telefon, fax och telefonsvarare.

Tack vare att GALEO 4710 innefattar de allra senaste tekniska nyheterna, förfogar Ni – i en och samma apparat – över både telefon, telefonsvarare, fax, -kopiator, PC-skrivare och en trådlös lur (valfritt).

För att Ni skall kunna använda er GALEO 4710 på ett effektivt sätt, samt under bästa förhållanden,2 råder vi er att läsa dessa installationsanvisningar3 noggrant.4

Ni har 1 års garanti på er GALEO 4710.

För all ytterligare information om FRANCE TELECOMS produkter och service, kontakta er återförsäljare.

INSTALLATION AV GALEO 4710

Telefonen GALEO 4710 bör inte placeras i/i närheten av varma utrymmen, inte heller i närheten av en luftkonditioneringsinstallation.

Telefonen skall skyddas mot/vara skyddad mot skakning, damm, fukt, vatten eller annan/andra ? samt elektromagnetisk strålning. Telefonen bör placeras på ett ställe där den är lättåtkomlig.

Telefonjack måste finnas på max 1,5 meters avstånd från platsen som valts ut för installationen av telefonen. Eluttaget5 skall vara av standardmodell med emfasström [sic], 220-240 V, 50-60 Hz6 _____.

1. Vrid apparaten så att Ni ser den från dess vänstra sida.7

2. Koppla lursladden till uttag A på telefonen.

3. Koppla telesladden mellan uttag B på telefonen och telefonjacket i väggen.

4. För in den lilla stickkontakten/teleproppen8 som finns på sladden till9 ____ i uttag C: öppna den främre och den bakre _____. När stickkontak-ten/teleproppen är kopplad/har kopplats till uttag C skall sladden träs igenom den lilla ”sladdhållaren” (D). Stäng igen de båda _____.

5. Koppla _____10 till ett vägguttag som är lättåtkomligt.

Apparaten är nu ansluten till telelinjen.

252

Notes : 1kan ev. misstolkas. Jag måste fråga kunden. 2nja... 3för att betona 4är det ok att ta bort ”som har skrivits speciellt för er”? Jag tycker det är överflödigt. 5”Telefonjack” och ”eluttaget”: Skulle läsa upp för kunden, eftersom jag är en ”nolla” i elektr. 6här skulle jag ha frågat hur man uttrycker sig på ”elspråk”. 7ingen snygg formulering... 8fråga kunden! 9prep. 10saknar vokabulär...!

253

Camilla (É-SE)

Installationsanvisning

Tack för att ni just köpt en Galeo 4710 som är en kombinerad Telefon-Fax-Telefonsvarare.

Genom att innefatta de allra senaste nyheterna, gör denna apparat det möjligt för er att förfoga över telefon, telefonsvarare, fax, kopiator (speciell?1), PC-skrivare och trådlös lur (som extrautrustning) på en gång.

För att ni ska kunna använda Galeo 4710 effektivt och på bästa sätt, råder vi er att mycket noggrant läsa denna installationsanvisning (som skrivits särskilt för dig).

Galeo 4710 har en garanti på ett år.

För ytterligare information om France Telecoms produkter och tjänster, vänd er till (yrkesmottagning hos Handelskammaren.2)

Installation av Galeo 4710

Galeo 4710 får inte placeras i alltför heta utrymmen eller vid luftkonditio-neringsapparatur. Den bör skyddas från vibrationer, damm, fukt, vatten, (rengöringsmedel?3), elektromagnetisk strålning, och den bör vara lättillgänglig.

Telefonjacket måste finnas på ett avstånd av max 1,5 meter, och ett enfasigt standard eluttag 220-240 V, 50-60 Hz på ett avstånd av max 2 meter.

1. Vänd apparaten så att vänster sida syns.

2. Anslut telefonlurens sladd (spiralsladden) till kontakt (A.)

3. Anslut ena änden av telefonsladden till kontakt (B) och andra änden i telefonjacket.

4. Infoga den lilla stickkontakten från (bloc alimentation4) i kontakt (C). Öppna den främre och den bakre luckan. När den lilla stickkontakten är ansluten i kontakt C, passa in sladden i (passe-fil5) bild (D). Stäng de båda luckorna.

5. Anslut nätsladdens stickkontakt från (bloc alimentation6) i ett lättillgängligt vägguttag.

Apparaten är nu inkopplad.

254

Notes : 1fråga kunden 2fråga kunden el. kolla med handelskammaren 3fråga kunden 4fråga kunden 5fråga kunden 6fråga kunden

255

Sanna (É-SE)

SNABBINSTALLATION

Vi tackar för att du valt en Galeo 4710, en kombinerad Telefon-Telefax-Telefonsvarare.

Din Galeo 4710 innehåller den nyaste teknologin och ger tillgång till telefon, telefonsvarare, fax, kopiator, skrivare samt bärbar telefon (tillägg) i en och samma apparat.

Läs noggrant igenom installationsanvisningen innan apparaten tas i bruk.

Din Galeo 4710 levereras med ett års garanti.

För ytterligare information kontakta FRANCE TELECOM eller din telebutik.

INSTALLATION AV GALEO 4710

Galeo 4710 får inte utsättas för direkt solljus eller placeras i närheten av luftkon-ditionering. Utsätt den inte heller för skakningar, damm, fukt, vatten, kemikalier eller elektromagnetisk strålning. Placera din Galeo 4710 lättåtkomligt och inte längre än 1,50 m från telefonjacket och maximalt 2 m. från eluttaget.

1. Börja med att montera lursladden till uttag A på vänstra sidan av apparaten.

2. Därefter kopplar du telesaldden [sic] till uttag B på apparaten och telesladdens telepropp till ett vanligt väggjack.

3. Anslut strömdosan (?) till uttag C : öppna den främre samt den bakre panelen. Då stickkontakten är ansluten till C, låt då sladden passera över hållaren D. Stäng de två panelerna.

4. Anslut nätsladden till ett vägguttag.

Apparaten är nu ansluten och klar att använda.

256

Ylva (É-SE)

SNABBINSTRUKTION

Vi tackar för att du valt en GALEO 4710 med telefon, fax och telefonsvarare i ett.

Den här apparaten som innehåller de allra senaste tekniska nyheterna gör det möjligt att samtidigt få tillgång till telefon, automatisk telefonsvarare, fax, kopieringsapparat, skrivare (för dator) och sladdlös telefon (som extrautrustning.)

För att du skall få bästa möjliga utbyte av din GALEO 4710 så föreslår vi att du noga läser den här snabbinstruktionen, som vi har skrivit för din skull.

GALEO 4710 levereras med ett års garanti.

För ytterligare information om produkter och service från FRANCE TELECOM ber vi dig att kontakta den lokale återförsäljaren.

INSTALLATION

GALEO 4710 får inte placeras i närheten av stark värmekälla eller luftkonditioneringsapparat. Den bör skyddas mot vibrationer, damm, fukt, vattenstänk, småskräp, elektromagnetisk strålning och den bör vara lättåtkomlig.

Telefonjack måste finnas på 1,50 meters avstånd, och elurtag för 200-240 V och 50-60W på högst 2 meters avstånd.

1. Se till att du har apparatens vänstra sida mot dig.

2. Anslut lursladden (spiralsladden) till uttag A på apparaten.

3. Anslut telesladdens ena sida till uttag B och den andra sidan till telefonjacket i väggen.

4. Sätt in stickkontakten för elförsörjning i uttag C. Öppna den främre och den bakre huven. För in stickkontaktens sladd genom hålet D. Stäng främre och bakre huven.

5. Anslut elförsörjningskontakten till ett lätt åtkomligt vägguttag.

Din apparat är nu ansluten till elnätet.

257

Elin (T-SE)

Installationsanvisning

Tack för att ni köpte den kombinerade telefonen, faxen och telefonsvararen GALEO 4710.

I GALEO 4710 har den allra senaste tekniken införlivats och apparaten är både en telefon, en telefonsvarare, en fax, en reservkopiator och en skrivare. Telefonen har även en trådlös lur som tillval.

För att du ska kunna använda GALEO 4710 på bästa sätt bör du läsa installationsanvisningen noggrant.

GALEO 4710 omfattas av en garanti som gäller i ett år.

Vill du ha mer information om FRANCE TELECOMs produkter och tjänster kan du vända dig till återförsäljarens kundtjänst.

Installera GALEO 4710

GALEO 4710 får inte placeras på en alltför varm plats eller i närheten av en luftkonditioneringsanläggning. Den ska skyddas mot vibrationer, damm, fukt, stänk och elektromagnetisk strålning och den ska stå lättåtkomligt.

Telefonjacket får inte sitta högre upp än 1,5 meter. Eluttaget för enfasström ska vara av standardtyp och hålla en spänning på 220-240 V, 50-60 Hz, och får inte sitta högre upp än 2 meter.

1. Vänd apparaten så att du ser den vänstra sidan.

2. Anslut telefonlurens sladd till uttag A.

3. Anslut telekabelns ena ände till uttag B och den andra änden till telefonjacket.

4. Anslut adapterns mindre kontakt till uttag C. Öppna den främre och den bakre luckan. För kabeln som du just anslöt till uttag C genom kabelhållaren (D). Stäng luckorna igen.

5. Anslut adapterns nätkontakt till ett lättåtkomligt vägguttag.

Apparaten är nu strömförsörjd.

258

Joakim (T-SE)

Snabbinstallation

Du har just fått GALEO 4710, som är en kombinerad telefon, fax och telefonsvarare. Tack för det!

Denna apparat, som utnyttjar alla de färskaste tekniska innovationerna, är samtidigt en telefon, en telefonsvarare, en fax och en kompletterande kopiator, en datorskrivare och en utrustning för trådlös kommunikation, det sistnämnda som tillval.

För att använda GALEO 4710 effektivt och på bästa sätt råder vi dig att mycket uppmärksamt läsa instruktionen för snabbinstallation, som har anpassats speciellt för dina behov.

Garantin för GALEO 4710 är ett år.

Om du behöver ytterligare information om de tjänster som1 utnyttja det stöd som lämnas av din leverantör.

INSTALLATION AV GALEO 4710

Galeo 4710 får inte installeras där det förekommer extrema temperaturer. Den får heller inte placeras intill ett luftkonditioneringsaggregat.2 Apparaten måste vara skyddad mot vibrationer, dammig atmosfär, hög luftfuktighet, vatten och andra vätskor samt elektromagnetisk strålning. Den måste vidare vara åtkomligt place-rad.

Telefonjacken måste finnas inom 1,5 meters avstånd, och eluttaget (220-240 V, 50-60 Hz) på högst 2 meters avstånd.

1. Vänd apparaten så att du har dess vänstra sida mot dig.3

2. Anslut telefonlurens sladd till uttaget A.

3. Anslut telefonsladden till jacken på väggen och uttaget B.

4. För att ansluta sladden från nätdelen till uttaget C: öppna den främre och bakre huven. När du har satt in den lilla pluggen i uttaget C, lägg då sladden i haken D. Stäng sedan båda huvarna.

5. Anslut nätdelen till ett lättåtkomligt vägguttag.

Din apparat är nu startad.

259

Notes : 1Här skall namnet på tillhandahållaren av support anges. 2Den sista meningen förefaller egendomlig. Den kan ju inte betyda att man måste ha luftkonditionering, men å andra sidan kan källtextens formulering i den första meningen på andra sidan tolkas som att man måste undvika lufkonditionerings-aggregat, vilket inte heller kan vara meningen. Jag skulle tro att meningen före denna översättaranmärkning bör uteslutas när det gäller installation på våra breddgrader. 3Jag undrar om det verkligen är den vänstra gaveln som avses, eftersom det i den i och för sig dåliga xerografiska kopian av det franska referensmaterialet tycks framgå att det inte finns några elektriska anslutningar på vänster gavel.

260

Kristina (T-SE)

SAMMANDRAG AV SNABBINKOPPLING

Vi tackar för att du har valt telefon-fax-telefonsvarare GALEO 4710.

Innehållande de allra senaste teknologiska nyheterna, tillåter denna apparatur dig att disponera samtidigt en telefon, en registrerande telefonsvarare, en fax, en tilläggskopiator, en PC-skrivare och en trådlös telefonlur (valfritt).

För att använda din GALEO 4710 på ett effektivt sätt under de bästa förhållanden, rekommenderar vid [sic] dig att läsa mycket noggrant detta sammandrag av snabbinkoppling, som formulerats speciellt för ditt behov.

GALEO 4710 innehar ett års garanti.

För all ytterligare information angående produkterna och servicen från FRANCE TELECOM, kontakta din återförsäljare.

INKOPPLING AV GALEO 4710

GALEO 4710 bör inte placeras i närheten av en värmekälla och luftkonditio-nerare. Den bör skyddas för vibrationer, damm, fukt, vattenstrålar eller kemika-lier, elektromagnetisk strålning, och den bör vara lättillgänglig.

Telefonkontakten bör befinna sig på högst 1.50 m avstånd, och standard enfasväggkontakten 220-240 V, 50-60 Hz på högst 2 m.

1. Vänd din apparat så att du ser dess vänstra sida.

2. Anslut den kombinerade telefonens sladd vid anslutning (A).

3. Anslut sladden för telefonlinjen vid anslutning (B), å ena sidan, och vid tele-fonväggkontakten, å andra sidan.

4. Insätt den lilla försörjningkontakten i anslutning (C): öppna det främre locket och det bakre locket. Då den lilla kontakten är ansluten till anslutning (C), låt sladden passera genom sladdkanalen (D). Stäng det bakre och främre locket.

5. Anslut sladdkontakten från försörjningssektionen till en lättillgänglig vägg-strömkontakt.

Din apparat är nu inkopplad.

261

Lotta (T-SE)

Snabbinstallationsguide

Du har just införskaffat en fax med telefonsvarare GALEO 4710 och vi tackar för ditt val.

Denna apparat har de senaste tekniska innovationerna och är en kombination av telefon, telefonsvarare, fax, kopiator, skrivare till datorn och en trådlös telefon (tillvalsmöjlighet).

För att du ska kunna använda GALEO 4710 så effektivt och bra som möjligt, ber vi dig läsa denna snabbinstallationsguide, speciellt framtagen för dig.

GALEO 4710 har ett års garanti.

För all övrig information angående France Telecoms produkter och service, vänd dig till din återförsäljare.

Installation av GALEO 4710

GALEO 4710 skall inte ställas på extremt varma ställen och ej i närheten av luftkonditionering. Apparaten skall skyddas från vibrationer, damm, fukt, vatten, substanser, elektromagnetisk strålning och den skall vara lättåtkomlig.

Telefonjacket skall sitta maximalt 1,5 meter från apparaten. Eluttaget skall vara ett 220-240 V AC (50-60 Hz), med ett avstånd av maximalt två meter från appa-raten.

1. Vänd apparaten så att du ser dess vänstra sida.

2. Anslut telefonlurens sladd till uttag (A).

3. Anslut telefonsladden till uttag (B) i ena änden, och till telefonjackets vägg-uttag i sladdens andra ände.

4. Anslut den lilla kontakproppen [sic] för strömförsörjningen till uttag (C). Öppna den främre och den bakre luckan .. [sic] Placera nätsladden i hållaren (D), efter att den lilla kontaktproppen har anslutits till uttag (C). Stäng den främre och den bakre luckan.

5. Anslut nätkontakten till ett lättåtkomligt vägguttag.

Nu är apparaten inkopplad.

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Niklas (T-SE)

ANVISNINGAR FÖR SNABBINSTALLATION

Du har just köpt en GALEO 4710, en kombinerad telefon/telefax/telefonsvarare och vi tackar dig för förtroendet.

Denna apparat innehåller de nyaste tekniska finesserna och ger dig på en och samma gång en telefon, en telefonsvarare för inspelning av meddelanden, ett telefax, extra kopiator, en printer och en trådlös lur (tillval).

För att du ska kunna använda din GALEO 4710 effektivt och under bästa förhållanden, rekommenderar vi dig att läsa den här bruksanvisningen mycket noggrant. Den har utarbetats speciellt för dig.

Du har ett års garanti på din GALEO 4710.

Om du behöver mer information om produkter och tjänster från FRANCE TELECOM, råder vi dig att kontakta sakkunnig personal hos den återförsäljare där du köpte enheten.

SÅ HÄR INSTALLERAR DU GALEO 4710

GALEO 4710 ska placeras så att den inte utsätts för alltför stark värme och inte för nära en luftkonditioneringsanläggning. Den ska vara skyddad mot vibrationer, damm, fukt, vattenkranar eller uttag för fasta produkter (t.ex. automater) samt elektromagnetiska fält. Det ska vara lätt att nå den.

Telefonjacket i väggen ska finnas på ett avstånd av högst 1,5 meter och eluttaget för enfas växelström 220-240 volt och 50-60 Hz på ett avstånd av högst 2 meter.

1. Vrid din enhet så att man kan se dess vänstra sida.

2. Anslut lurens sladd till kontakten A.

3. Anslut telefonsladden till kontakten B i ena änden och till väggjacket i den andra änden.

4. Sätt in minnseskretsens [sic] lilla kort i kontakten C. Öppna främre locket och bakre locket. Då det lilla kortet är anslutet till kontakten C, drar du in sladden via trådgenomföringen D Stäng [sic] åter det främre och det bakre locket.

5. Anslut minneskretsens kort från kretsens nätsladd till ett lättåtkomligt eluttag i väggen.

Din GALEO 4710 är nu under spänning.

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Pernilla (T-SE)

ENKEL INSTALLATIONSANVISNING

Du har köpt en kombinerad telefon-fax-telefonsvarare GALEO 4710, vilket gläder oss.

Denna apparat består av det allra senaste inom den tekniska utvecklingen och du får samtidigt tillgång till en telefon, telefonsvarare, fax, kopiator, datorskrivare och trådlös telefon (tillval).

För att kunna använda telefonapparaten GALEO 4710 effektivt och på bästa sätt råder vi dig att läsa denna installationsanvisning noggrant, som är särskilt framtagen för din skull.

GALEO 4710 har ett års garanti.

Behöver du få ytterligare information om FRANCE TELECOMS produkter och tjänster kan du vända dig till någon fackman hos närmaste återförsäljare.

HUR MAN INSTALLERAR GALEO 4710

GALEO 4710 bör placeras på avstånd från alla slag av värmekällor och luftkonditioneringsutrustning. Apparaten bör skyddas från vibrationer, damm, fukt, stänk av vatten eller andra medel och elektromagnetiska strålningar. Apparaten bör placeras lättillgängligt.

Telefonuttaget bör vara på högst 1,5 meters avstånd från apparaten och eluttaget måste vara vanlig enfas 220-240 V, 50-60 Hz, på högst 2 meter avstånd från apparaten.

1. Placera apparaten så att du ser vänster sida.

2. Koppla lursladden till uttag (A).

3. Koppla telefonsladdens ena ända till uttag (B) och den andra till telefonens vägguttag.

4. Öppna den främre och den bakre luckan och sätt in aggregatets lilla kontakt i uttag (C). Då den lilla kontakten är inkopplad i uttag (C) för du sladden igenom hållaren (D) och stänger sedan båda luckorna.

5. Koppla aggregatets nätsladdskontakt till ett lämpligt vägguttag.

Nu är din telefonapparat ansluten till elnätet.

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INDEX DES AUTEURS

Les chiffres renvoient aux pages. Voir aussi la Bibliographie.

Adam, 158, 200, 227, 231 Afflerbach, 21, 23, 26, 27, 236 Albrecht, 28, 56, 231, 233, 235, 237 Anward, 112, 231 Bédard, 30, 31, 54, 56, 59, 61, 62, 67, 92, 93, 108, 109, 134, 161, 178, 205, 231 Bernardini, 21, 231 Bourg, 26, 27, 235 Brunette, 77, 230, 233 Budd, 26, 27, 237 Cao, 14, 16, 135, 200, 226, 231 Carlshamre, 30, 106, 107, 112, 158, 162, 235 Catford, 11, 12, 231 Charaudeau, 55, 107, 231 Chesterman, 7, 8, 10, 12, 13, 14, 15, 32, 48, 49, 63, 64, 80, 86, 114, 164, 204, 214, 219, 220, 231 Claparède, 21, 231 Coolican, 32, 231 Cooligan, 26 Dancette, 21, 26, 28, 61, 101, 161, 199, 231

Darbelnet, 10, 11, 12, 63, 83, 86, 219, 237 Delisle, 11, 106, 134, 220, 232 Durieux, 30, 31, 232 Englund Dimitrova, 18, 51, 133, 134, 202, 215, 226, 229, 230, 232 Engwall, 230, 232 Ericsson, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 232 Eriksson, 12, 83, 156, 157, 219, 232 Færch, 8, 233 Forner, 56, 233 Gambier, 29, 233 Gile, 160, 175, 199, 201, 233 Göpferich, 28, 30, 107, 109, 110, 113, 233 Grunig, 107, 233 Hellspong, 108, 233 Hoffmann, 28, 233 Horguelin, 77, 230, 233 Izarenko, 29, 234 Jääskeläinen, 7, 9, 15, 16, 17, 18, 19, 21, 23, 30, 32, 49, 51,

265

133, 215, 216, 221, 222, 225, 229, 234, 237 Jämtelid, 30, 156, 234 Jonasson, 226, 234 Kalverkämper, 28, 56, 233, 234 Kasper, 8, 233 Kocourek, 29, 235 Krings, 8, 9, 235 Künzli, 35, 41, 44, 107, 235 Laukkanen, 18, 19, 20, 32, 217, 218, 225, 227, 235, 237 Laurén, 29, 235 Le Goffic, 159, 235 Ledin, 108, 233 Long, 26, 27, 235 Lörscher, 8, 44, 224, 235 Maillot, 30, 57, 235 Malblanc, 11, 156, 235 Mårdsjö, 30, 41, 106, 107, 108, 112, 158, 162, 235 Ménard, 21, 26, 28, 232 Muller, 28, 56, 61, 235 Nida, 11, 12, 236 Noailly, 56, 57, 107, 236 Norberg, 226, 236 Nordman, 29, 56, 57, 236 Oleinik, 29, 234

Pellat, 55, 236 Pressley, 21, 23, 26, 27, 236 Reichert, 57, 58, 59, 160, 162, 163, 236 Reiss, 110, 236 Riegel, 55, 89, 106, 107, 158, 159, 236 Rioul, 55, 236 Schmitt, 29, 30, 54, 57, 59, 110, 160, 163, 236 Séguinot, 23, 236 Simon, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 232 Snell-Hornby, 11, 236 Stolze, 30, 56, 58, 59, 110, 160, 162, 237 Tirkkonen-Condit, 17, 18, 19, 20, 21, 32, 51, 202, 204, 216, 217, 218, 225, 234, 237 Toury, 152, 229, 237 Vinay, 10, 11, 12, 63, 83, 86, 219, 237 Weil-Barais, 14, 24, 27, 237 Weinrich, 165, 237 Weiss, 237 Whitney, 26, 27, 237 Wiegand, 28, 233 Zemb, 159, 237