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1 Séquence pédagogique : Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes Alain-Fournier Le Grand Meaulnes Édition établie, présentée et annotée par Sophie Basch. Le Livre de Poche « Classiques » n o 1000, 352 pages. Le Grand Meaulnes, roman mythique de l’adolescence, étudié dans les classes depuis des géné- rations à cause de ses thèmes porteurs – l’aventure, l’amitié, l’amour –, n’a pourtant pas été écrit pour des enfants : « Ce n’est pas comme je l’avais cru et comme vous le croyez, le livre de la pureté, écrit pour les anges ; c’est une réponse inépuisable à toutes mes questions d’homme – c’est comme une auberge, où je me suis assis sale et fatigué » (lettre à Jacques Rivière). Il concen- tre l’expérience de toute une vie, une jeune vie, puisque Alain-Fournier est mort à vingt-huit ans dans les tranchées, demeurant à jamais l’auteur de ce livre emblématique. On essaiera de ne pas occulter le côté sombre du roman, où ironie et autodérision se dissimulent derrière une écriture limpide et une langue magnifique. Pour faire comprendre et aimer le roman en classe de Troisième, il semble préférable d’accompa- gner la lecture des élèves au lieu d’exiger d’emblée une lecture intégrale ; nous proposons donc une étude en plusieurs étapes, chacune comportant des questions sur un ensemble de chapitres, une lecture analytique et des indications sur les points de grammaire à travailler. Une fois ce par- cours achevé, on peut, ou non, procéder à des synthèses selon diverses modalités : exposé d’élè- ves, questionnement, reprise des travaux de la lecture suivie. C’est dire qu’il ne s’agit pas d’un plan séance par séance, d’une séquence « clés en mains » qui, d’ailleurs, excéderait de beaucoup le volume d’heures prévu pour l’étude d’une œuvre, mais d’un ensemble modulable ; à chaque pro- fesseur de construire son cheminement à partir des suggestions données ici. En classe de Seconde, après l’entrée dans l’œuvre par l’étude du premier chapitre, on pourra demander la lecture intégrale du roman et alterner explications de textes et synthèses.

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Page 1: Séquencepéda go gique: Alain- Fournier, Le Grand Meaulneslocipompeiani.free.fr/textes/le-grand-meaulnes.pdf · Le Grand Meaulnes, roman mythique de l’ado le sc ence, étu dié

1Séquence péda go gique :Alain- Fournier, Le Grand Meaulnes

Alain-FournierLe Grand MeaulnesÉdi tion éta blie, pré sen tée et anno téepar Sophie Basch.Le Livre de Poche « Clas siques »no 1000, 352 pages.

Le Grand Meaulnes, roman mythique de l’ado les cence, étu dié dans les classes depuis des géné -ra tions à cause de ses thèmes por teurs – l’aven ture, l’ami tié, l’amour –, n’a pour tant pas été écrit pour des enfants : « Ce n’est pas comme je l’avais cru et comme vous le croyez, le livre de la pureté, écrit pour les anges ; c’est une réponse inépui sable à toutes mes ques tions d’homme – c’est comme une auberge, où je me suis assis sale et fati gué » (lettre à Jacques Rivière). Il concen-tre l’expé rience de toute une vie, une jeune vie, puisque Alain- Fournier est mort à vingt- huit ans dans les tran chées, demeu rant à jamais l’auteur de ce livre emblé ma tique. On essaiera de ne pas occulter le côté sombre du roman, où iro nie et auto dérision se dis si mulent der rière une écri ture lim pide et une langue magni fique.

Pour faire comprendre et aimer le roman en classe de Troi sième, il semble pré fé rable d’accom pa -gner la lec ture des élèves au lieu d’exi ger d’emblée une lec ture inté grale ; nous pro po sons donc une étude en plu sieurs étapes, cha cune compor tant des ques tions sur un ensemble de cha pitres, une lec ture ana ly tique et des indi ca tions sur les points de gram maire à tra vailler. Une fois ce par -cours achevé, on peut, ou non, pro cé der à des syn thèses selon diverses moda li tés : exposé d’élè-ves, ques tion ne ment, reprise des tra vaux de la lec ture sui vie. C’est dire qu’il ne s’agit pas d’un plan séance par séance, d’une séquence « clés en mains » qui, d’ailleurs, excé de rait de beau coup le volume d’heures prévu pour l’étude d’une œuvre, mais d’un ensemble modulable ; à chaque pro -fes seur de construire son che mi ne ment à par tir des sug ges tions don nées ici.

En classe de Seconde, après l’entrée dans l’œuvre par l’étude du pre mier cha pitre, on pourra demander la lec ture inté grale du roman et alter ner expli ca tions de textes et syn thèses.

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On pro pose non une lec ture ana ly tique détaillée d’un pas sage, mais un repé rage des lignes de force du roman, pré sentes dès les pre mières pages, pour pré pa rer les élèves à la lec ture de la suite.Les enjeux du cha pitre d’expo si tion sont doubles :- his toire : qu’apprend- on dans ce pre mier cha pitre ?- nar ra tion : comment ces infor ma tions sont- elles mises en forme ?

Le cha pitre comporte deux par ties, sépa rées par un blanc typo gra phique ; nous les ana ly se rons suc ces si ve ment et la conclu sion répon dra aux deux ques tions posées.

• Pre mière par tie du cha pitre (p. 55 à 57)

Mys tère« Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189… » : la pre mière phrase sus cite la curio sité du lec teur (qui est ce « il » ?, à quoi ren voie ce « nous » ?, pour quoi l’année reste- t-elle impré cise alors qu’on nous donne le mois et le jour de la semaine ?). On attend un nom mais il ne sera pas révélé dans cette pre mière par tie, qui se ter mine par une expres sion sibyl line : « celui qui bou le -versa toute notre ado les cence et dont la fuite même ne nous a pas laissé de repos ».

Sou ve nir et nos tal gieFrus trant l’attente du lec teur, le récit bifurque dès la deuxième phrase et c’est le temps de l’écri -ture qui sur git (« Je conti nue à dire “chez nous” ») pour évo quer un passé loin tain, quinze ans aupa ra vant. L’abon dance des néga tions (« ne plus », « jamais »), les for mules (« il y a bien long temps », « à jamais »), expriment la nos tal gie du nar ra teur pour l’époque de son enfance. Le sou ve nir des lieux est pré cis : on pour rait faire un cro quis de la mai son à par tir des indi ca -tions don nées, dont les détails pro duisent un effet de réel (« vignes vierges », « avec cinq portes vitrées », « avec préaux et buan de rie »). L’arri vée dans le pays est racontée sans le trem blé des sou ve nirs anciens, mais aus si tôt, la véra cité du sou ve nir est mise en doute, comme s’il s’agis sait d’un souvenir- écran (« j’ima gine », « si j’essaie d’ima gi ner… » ; ces verbes viennent brouiller l’infor ma tion, tan dis que la perspec tive s’élar git par le rap pel « d’autres attentes » et « d’autres nuits »). Le lec teur se trouve embar qué dans une recherche mou vante du temps perdu.

Des sen ti ments mêlésLa fra gi lité des sou ve nirs s’accom pagne de l’ambi guïté des sen ti ments. Ainsi, la des crip tion de la mai son s’achève par une ampli fi ca tion lyrique qui assom brit le récit à venir (« les jours les plus tour men tés et les plus chers ») ; un peu plus loin appa raît le terme d’« anxiété », que pro longe l’évo ca tion de la « grande ombre inquiète et amie ». La der nière phrase de cette pre mière par tie reprend le même mou ve ment lyrique : « ce pay sage pai sible […] est à jamais […] agité, trans -formé », bou le versé. L’ampleur du rythme des fi ns de para graphes confère à la pre mière page un ton presque solen nel, pré mo ni toire d’une issue tra gique.

Rap pel des défi ni tions :His toire : contenu du récit. Les prin ci paux élé ments qui consti tuent l’his toire sont les évé ne ments, les per son nages, le temps, les lieux.Nar ra tion : ensemble des pro cé dés uti li sés pour rela ter ces évé ne ments.

Rap pel des défi ni tions :His toire : contenu du récit. Les prin ci paux élé ments qui consti tuent l’his toire sont les évé ne ments, les per son nages, le temps, les lieux.Nar ra tion : ensemble des pro cé dés uti li sés pour rela ter ces évé ne ments.

Entrée dans le roman : étude

du cha pitre I

Pre mière par tie : étude en trois étapes

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• Deuxième par tie du cha pitre (p. 57 à 62)

Nou velle entrée dans le récitLa pre mière phrase de la seconde par tie révèle enfi n l’iden tité du visi teur mys té rieux : Meaulnes. Mais l’exposé des cir constances de son arri vée est aus si tôt inter rompu par l’évo ca tion d’un passé plus loin tain : « Sou vent nos dimanches d’hiver se pas saient ainsi. »

Un jeu d’oppo si tions• entre les deux mères : d’un côté, la timi dité de Millie qui se cache pour rafi s to ler son cha peau, « qui n’ose rien dire » ; de l’autre, l’« aplomb » de la mère de Meaulnes, qui prend « un air supé -rieur et mys té rieux » quand elle parle de son fi ls pour lequel elle éprouve de l’« admi ra tion », dont elle fait « l’éloge », non sans une cer taine inquié tude.• entre les deux ado les cents : Meaulnes, pré senté dans le dis cours de sa mère comme aven tu -reux, intré pide (« il aimait lui faire plai sir … une faisane prise au col let ») avec un arrière- plan tra gique, la mort de son frère cadet Antoine ; et le nar ra teur, un enfant sans his toire, timide comme sa mère (« moi qui n’osais plus ren trer ») ; une sen si bi lité à fl eur de peau (« une cer taine appré hen sion »).

Une ren contre ini tiatiqueL’entrée de Meaulnes, retar dée jus qu’à la der nière page du cha pitre, est une véri table appa ri tion, dont le sus pense tient les per son nages (et le lec teur) en haleine : « Nous étions debout tous les trois, le cœur bat tant […] quelqu’un des cen dit… ». Le moment (« la nuit tom bante ») et le cadre (« l’entrée obs cure de la salle à man ger ») donnent à cette arri vée quelque chose de fan tas tique. Pas de longue des crip tion mais la nota tion de quelques traits mar quants : « C’était un grand gar -çon », un « cha peau de feutre », une « blouse noire san glée d’une cein ture, comme en portent les éco liers », « il sou riait ». Le jeune homme se montre immé dia te ment tel que sa mère l’a décrit :- pou voir de décou verte : sa pre mière trou vaille (« j’ai trouvé ça dans ton gre nier. Tu n’y avais donc jamais regardé ») est une « petite roue en bois noirci » ;- pou voir de trans gres sion : il pos sède des allu mettes, ce qui « nous était for mel lement inter -dit », mais fait preuve d’une habi leté et d’une pru dence qui témoignent de sa matu rité ;- auto rité et ascen dant immé diats : « Viens- tu… »; « nous allons tou jours les allu mer » ;- fas ci na tion ins tanta née du nar ra teur (« j’allai vers lui ») pour « le grand gars nou veau venu » un peu plus âgé, dix- sept ans, qui est déjà presque un homme (« la lèvre duve tée ») ; image fi nale des deux gar çons se tenant par la main dans « la lueur magique ».

• Conclu sion

His toire : infor ma tions sur les per son nages (le nar ra teur, quinze ans, fi ls de l’ins ti tu teur M. Seurel, Meaulnes, dix- sept ans), et les lieux (Sainte- Agathe, la maison- école) ; nais sance d’une ami tié qui a la sou dai neté et l’évi dence d’un coup de foudre amou reux.Nar ra tion :- le sou ve nir et la nos tal gie de l’enfance (allers et retours dans le passé) ;- atmo sphère de mys tère ;- le mer veilleux au cœur du réel (ou plu tôt trans mu ta tion du réel en mer veilleux) ;- un récit poé tique : les rythmes, l’élar gis se ment avec l’image de la mer (« demeure d’où par -tirent… »), dont les conno ta tions sol li citent puis sam ment l’ima gi na tion du lec teur.Un pre mier cha pitre qui donne son ton à tout le roman.

Lec ture des cha pitres II, III et IV.Tra vail : Dans la suite du roman, au fur et à mesure de la lec ture, rele ver toutes les images, compa rai sons ou expres sions qui ren voient à l’uni vers de la mer.

Lec ture des cha pitres II, III et IV.Tra vail : Dans la suite du roman, au fur et à mesure de la lec ture, rele ver toutes les images, compa rai sons ou expres sions qui ren voient à l’uni vers de la mer.

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Ques tions· « Le commen cement d’une vie nou velle » (II, p. 63) : mon trer que cette expres sion pour rait être le titre du cha pitre II.· En quoi la scène chez le char ron est- elle à la fois fami lière et mys té rieuse (ch. III) ?· Quel est le rôle du nar ra teur dans le cha pitre IV ?· Rele ver et ana ly ser les deux images qui trans fi gurent Meaulnes.· « Les jours les plus tour men tés et les plus chers de ma vie » (I, p. 56) : rele ver les expres sions qui reprennent la même asso cia tion para doxale dans les trois cha pitres.

• « Le commen cement d’une vie nou velle » : mon trer que cette expres sion pour rait être le titre du cha pitre II.Tout le cha pitre repose sur l’oppo si tion entre l’uni vers clos du nar ra teur et le bou le ver se ment du quo ti dien dû à l’irrup tion de Meaulnes. La mala die que sa mère cherche à cacher par fi erté, le cadre fami lial qui se confond avec l’école, tout concourt à enfer mer le nar ra teur dans une vie ran gée, mono tone, étri quée ; seul déri va tif : la lec ture, plai sir soli taire qui fait suite à la jour née de classe, « après quatre heures ». Enfant unique et pro tégé d’« une famille heu reuse », il connaît une forme de bon heur pai sible, balayé par l’entrée en scène de Meaulnes.La seconde par tie du cha pitre (p. 65-66) décrit les nou velles habi tudes, toutes ins pi rées par le nou -veau venu, qui exerce un ascen dant non seule ment sur le nar ra teur mais sur tous les élèves de la classe ; plus de soi rées soli taires (« il y avait tou jours, après le cours, dans la classe, une ving taine de grands élèves […] ser rés autour de Meaulnes »), mais « de longues dis cus sions, des dis putes inter mi nables » : « Meaulnes ne disait rien, mais c’était pour lui qu’à chaque ins tant, l’un des plus bavards s’avan çait » et « racontait quelque longue his toire de maraude ». Son auto rité n’est pas contes tée ; c’est lui qui donne le signal des aven tures : « Allons, en route ! criait- il… . Alors tous le sui vaient ». Le nar ra teur se fond dans le groupe et par ti cipe à ces sor ties noc turnes.

• En quoi la scène chez le char ron est- elle à la fois fami lière et mys té rieuse (chap. III, p. 68-70) ?- Un lieu fami lier : « la bou tique rouge et chaude » du char ron au centre du bourg ; des per son -nages bien identifi és : le maré chal et son ouvrier, les trois éco liers ; dans la rue, les pas sants : une « dame qui reve nait de chez le bou cher ».- Pré sence de détails du quo ti dien : « en capu chon, un mor ceau de pain à la main », « nos pieds boueux dans les copeaux blancs » ; un lieu de « tra vail pai sible et quo ti dien » ; l’atti tude de l’ouvrier « L’ouvrier […] en riant ») ; dia logue banal, juste « pour dire quelque chose ».- Mys tère : évo ca tion du silence (« sans rien dire », « per sonne ne disait rien ») ; temps hos tile (vent, pluie) ; étran geté de la lumière dans cette bou tique qui est comme une caverne : « l’un souf fl ant la forge, l’autre bat tant le fer, jetaient sur le mur de grandes ombres brusques ».- Contraste entre « ces gens pai sibles qui tra vaillaient » et Meaulnes, « adossé à la porte et la tête pen chée » ; reprise de l’image qui ter mi nait le cha pitre pré cé dent, compa rai son avec Robinson Crusoé qui ouvre le texte sur l’aven ture et sur l’ailleurs et explique le titre du cha pitre.

• Quel est le rôle du nar ra teur dans le cha pitre IV ?François est le témoin – le seul témoin – de l’éva sion de Meaulnes : par la fenêtre de la classe, il regarde, fas ciné et pas sif, la scène qui se déroule au loin (p. 73-74) et s’en fait le complice puis qu’il ne dit rien tant qu’il serait pos sible d’inter ve nir et de tout arrê ter. Cette compli cité lui pro cure une forme d’aven ture par pro cu ra tion.Remar quons aussi que la foca li sa tion choi sie entraîne un récit lacu naire et crée une atmo sphère d’irréa lité, qui se déve loppe dans les cha pitres sui vants.

• Rele ver et ana ly ser les deux images qui trans fi gurent Meaulnes.- Image de Robinson Crusoé : à la fi n du cha pitre III, par la simple men tion du nom d’un des aven tu riers les plus célèbres de la lit té ra ture, le lec teur pressent l’aven ture qui va entraî ner le héros loin du monde simple de Sainte- Agathe.

Étude des cha pitres II, III et IV

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- Image du conduc teur de char romain : le regard du nar ra teur trans fi gure Meaulnes pour en faire un jeune héros (cf. Ben Hur), conqué rant, beau, hardi.Avec ces deux compa rai sons, l’uni vers du roman s’élar git : l’espace de la mer et l’his toire anti-que viennent se super po ser à la cam pagne solognote. Meaulnes prend une dimen sion presque mythique.

• « Les jours les plus tour men tés et les plus chers de ma vie » (chap. I, p. 56) : rele ver les expres sions qui reprennent la même asso cia tion para doxale dans les cha pitres II, III et IV.Les expres sions sont :- « inquié tude et plai sir » (chap. II, p. 65) ;- « c’était en moi un mélange de plai sir et d’anxiété » (chap. III, p. 69) ;- « anxieu se ment » (chap. IV, p. 72)Un para graphe au centre du second cha pitre déve loppe le côté inquié tant, presque malé fi que, et d’autant plus fas ci nant, de Meaulnes : « Quelqu’un a souf fl é la bou gie … le grand Meaulnes » (p. 64). Le passé composé, qui signale l’inter ven tion du nar ra teur et ren voie au temps de l’écri -ture intro duit, comme dans le cha pitre I, une rup ture dans le récit. Le voca bu laire employé est néga tif : « m’a enlevé », « a souf fl é la bou gie », « a éteint la lampe » ; il s’agit d’un arra che ment « aux plai sirs » pai sibles, à « une famille heu reuse ».

Gram maire : étude des temps ver bauxLe Grand Meaulnes se pré sente comme un récit rétros pec tif, à la pre mière per sonne, repro -dui sant les carac té ris tiques du texte auto bio gra phique, où se côtoient temps du récit et temps du dis cours. On pourra choi sir quelques pas sages des cha pitres II à IV pour étu dier dans cette perspec tive l’emploi des temps (par exemple, les quatre pre miers para graphes du cha pitre II, la fi n du cha pitre III et le début du cha pitre IV, à cause du présent de nar -ra tion).

Dates Lieux EvénementsDuréeet nb

de pages

189... Pre mière par tie

Un dimanche de novembre 189... (p. 55)

I. Arri vée de Meaulnes à Sainte- Agathe.

Les pre miers jours de décembre (p. 64)

Sainte- Agathe

II. La vie à l’école avec Meaulnes.

Huit jours avant Noël (p. 66) III. Dans la bou tique du char ron, François pressent le départ de Meaulnes.

Le len de main (p. 71) IV. Meaulnes s’évade.

Lec ture jus qu’à la fi n de la pre mière par tie.Tra vail : Complé ter au fur et à mesure de la lec ture le tableau spatio- temporel ci- dessous :Lec ture jus qu’à la fi n de la pre mière par tie.Tra vail : Complé ter au fur et à mesure de la lec ture le tableau spatio- temporel ci- dessous :

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Ques tions· Comment se fait la tran si tion du monde réel au monde du rêve ?· En quoi le domaine mys té rieux est- il une image ren ver sée du monde habi tuel ?· Quels élé ments appar te nant à l’uni vers et à la struc ture du conte mer veilleux peut- on repérer dans ces cha pitres ?

• Comment se fait la tran si tion du monde réel au monde du rêve ?Si l’on tente de reconsti tuer le périple de Meaulnes à par tir d’un relevé des indices spatio- temporels (voir Tableau en fi n de séquence), on se heurte à une double dif fi culté : rareté des indices tem po rels, de plus en plus clair se més au fi l du texte et, sauf au début, ne per met tant guère un repé rage pré cis dans le temps ; sur abon dance au contraire des indices de lieux, dont l’impré ci sion empêche cepen dant de retra cer l’iti né raire suivi (« le sen tier », « un croi se ment de che mins », « un sen tier qui parais sait y conduire », « un nou veau sen tier », etc.) ; plus ces nota -tions se mul ti plient, plus le lec teur est perdu, comme le héros lui- même, qui tourne en rond, jus qu’à l’épui se ment.La tran si tion entre les deux mondes du roman s’effec tue très natu rel le ment : le som meil et la nuit rendent vrai sem blable le brouillage du temps et de l’espace qui conduit du monde réel au monde du rêve.- Le som meil : Meaulnes, recru de fatigue, s’endort tout en condui sant la car riole (p. 92) ; des points de sus pen sion « encadrent » le temps indé ter miné que dure ce som meil. Et ce sont encore les points de sus pen sion qui indiquent l’endormissement dans la ber ge rie (p. 100). Notons que la même ponc tua tion signa lera le retour à l’uni vers quo ti dien, la fi n de la paren thèse enchan tée (p. 135).- La nuit : d’abord le cré pus cule, l’heure entre chien et loup, propre aux per cep tions incer taines, fait perdre à Meaulnes tous ses repères une fois qu’il a soi gné la jument ; puis, après sa halte dans la ferme, la nuit trans forme le pay sage en laby rinthe ; la lumière appa raît et dis pa raît comme un feu fol let, allumé par magie ; les hypo thèses, les rai son ne ments du jeune homme butent sur des sen sa tions brouillées ; tout se confond ; Meaulnes est défi ni ti ve ment égaré et peut alors entrer dans une autre réa lité.Le pas sage s’opère par le rêve, à la fi n du cha pitre X, rêve ou sou ve nir (« une vision, plu tôt », p. 100) qui ren voie Meaulnes à son enfance et qui est accepté et décrit comme une réa lité (aucun terme n’indique l’entrée dans le som meil). L’évo ca tion de la demeure étrange, de la « lumière si douce » (sur na tu relle ?), de la jeune fi lle qui coud, ainsi que le son du piano à la fi n du cha pitre XI, annoncent la ren contre mer veilleuse. Réel, rêve et sou ve nir se super posent dans une sorte de « brouillage men tal » qui, en fai sant inter ve nir l’image de la mère, crée une sen sa tion de déjà vu, un retour à la pureté de l’enfance, clé de l’uni vers enchanté.

• En quoi le domaine mys té rieux est- il une image ren ver sée du monde habi tuel ?- Monde des enfantsLes rois de la fête, ce sont eux : Meaulnes les ren contre dès son entrée dans le domaine.« Vous savez bien que nous orga ni sons la fête à notre guise » (p. 103).« Est- ce que nous n’avons pas toutes les per mis sions ? » (p. 103).Conclu sion de Meaulnes : « Mais ce sont les enfants qui font la loi, ici ?… Étrange domaine » (p. 103).Yvonne : « il faut que je rejoigne les enfants puis qu’ils sont les maîtres aujourd’hui » (p. 123).- Résur gence de l’ancien tempsCe que Meaulnes aper çoit du Domaine, c’est d’abord « quelque vieux manoir aban donné » (p. 101), un « vieux pigeon nier, plein de hiboux et de cou rants d’air » (p. 102), « tout y parais -sait vieux et ruiné » ( p. 110) ; la chambre où il dort est pleine d’objets désuets : « vieux livres dorés, luths aux cordes cas sées, can dé labres jetés pêle- mêle » (p. 104) ; tous les invi tés sont « de vieilles gens débon naires » (p. 114), de « vieilles pay sannes », des « vieillards » qui res semblent à « d’anciens marins » (p. 113) ; tous portent des cos tumes de l’ancien temps et Meaulnes lui- même doit s’habiller en mar quis (p. 108).

Étude des der niers cha pitres de la

pre mière par tie : l’aven ture de

Meaulnes

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- Règne de l’illu sionLe dégui se ment qu’il doit revê tir est le signe de l’entrée dans le jeu ; Meaulnes fait alors vrai ment par tie de la fête, un des mots clés du récit.Autre mot clé, le théâtre : dans la chambre de Wellington (chap. XII, p. 107), pré sence d’un « comé dien qui a voyagé » et qui prend le ton « d’un fos soyeur de Shakespeare », avant de se lan cer dans « un boni ment forain » ; le grand Pier rot intro duit le thème de la « pan to mime ».Enchan te ment : tout arrive comme par magie, la ren contre par exemple (« À terre, tout s’arran -gea comme dans un rêve » p. 123).

• Quels élé ments appar te nant à l’uni vers et à la struc ture du conte mer veilleux peut- on re-pérer dans ces cha pitres ?Ces cha pitres pré sentent un scé na rio ini tiatique qui fait pen ser aux contes de fées. L’éga re ment du héros est le pre mier point de pas sage obligé, ame nant et sym bo li sant l’oubli du monde anté -rieur : « Ainsi peu à peu, s’embrouillait la piste du grand Meaulnes et se bri sait le lien qui l’atta -chait à ceux qu’il avait quit tés » (p. 99).On a déjà noté cer tains élé ments proches du mer veilleux dans la manière dont s’opè re la tran -si tion entre les deux mondes ; une lec ture atten tive en révèle d’autres : Meaulnes tra verse trois prés (chiffre magique, p. 95) ; il passe un gué, par court une cam pagne déserte où il aper çoit une ber gère fan to ma tique, il se blesse et boite ; toutes ces mises à l’épreuve du héros lui ouvrent la porte du domaine enchanté où l’attend une révé la tion : l’appa ri tion de la belle jeune fi lle, la prin cesse des contes mer veilleux.Meaulnes est lui- même devenu un autre par la magie du dégui se ment : « il crut voir un autre Meaulnes, non plus l’éco lier qui s’était évadé dans une car riole de pay san, mais un être char -mant et roma nesque, au milieu d’un livre de prix » (p. 119). La ren contre a lieu au milieu de la fête ; l’hiver s’est brus que ment retiré : « il se trouva comme tran sporté dans une jour née de prin temps » (p. 118) ; « sans savoir comment » (p. 122), le prince et sa prin cesse se retrouvent dans le même bateau mais la magie est éphé mère ; l’hiver revient, la jeune fi lle s’échappe et la fi n brusque et inex pli quée de la fête chasse Meaulnes de son conte de fées et du domaine mys té rieux qu’il ne pourra retrou ver qu’après et au prix de longues tri bu la tions.

Gram maire : la modalisationTout au long de l’aven ture de Meaulnes (chap. VIII à XVII), les modalisateurs sont très nom -breux : on pourra demander aux élèves de les rele ver dans le cha pitre XIII, par exemple, et de jus ti fi er leur emploi.Tous ren voient à la sub jec ti vité du per son nage, en l’occur rence Meaulnes, qui raconte une aven -ture incroyable, confi nant au mer veilleux et qu’on pour rait donc légi ti me ment mettre en doute s’il n’en avait pas rap porté une preuve maté rielle : le gilet de soie. L’usage de la modalisation est bien éta bli dans le conte fan tas tique, car para doxa le ment, l’expres sion du doute en face de per cep tions étranges les fait accep ter du lec teur. C’est la même démarche qui est à l’œuvre ici, d’autant plus que le nar ra teur, François Seurel, retrans crit avec une légère dis tance le récit que lui a fait Meaulnes, des années aupa ra vant.On pourra demander aux élèves de faire une recherche sur la modalisation dans des récits fan tas -tiques et/ou d’ana ly ser d’autres types de modalisation, par exemple celle qui consiste à nuan cer un juge ment pour mieux per sua der, dans un texte argumentatif.

(De « un peu angoissé » à « c’était sa femme », p. 116-117.)

En quoi la scène est- elle un entre- deux entre rêve et réa lité ?· En quoi la scène évo quée fait- elle pen ser à un tableau ?· Comment Meaulnes prend- il place dans ce tableau ?· La scène appartient- elle au rêve ou à la réa lité ?

Cette scène offre un contraste sai sissant avec le rythme hale tant des pages qui pré cèdent (chap. XIII et XIV) ; alors que la fête est deve nue de plus en plus désor don née, que l’exci ta tion se tra -duit par des pour suites éche ve lées, des « cris per çants » et culmine en une effer ves cence volup -tueuse, Meaulnes, en proie à une sorte de ver tige, s’en échappe « un ins tant ».

Lec ture ana ly tique no 1 : la jeune fille

au piano

Lec ture ana ly tique no 1 : la jeune fille

au piano

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• Un tableau pai sible- Silence et musiqueLa scène a lieu dans « la par tie la plus pai sible et la plus obs cure de la mai son », une « pièce silen cieuse » où Meaulnes pénètre, attiré par « le bruit étouffé du piano ». Silence et musique s’unissent har mo nieu se ment : la jeune fi lle joue « très dou ce ment des airs de rondes et de chan -son nettes », mais cette musique douce trouble à peine le silence qui domine dans tout le pas sage. Aucun bruit dans les dépla ce ments des enfants ; tout se passe en dou ceur : « De temps en temps, l’un d’eux glis sait à terre… un [autre] venait prendre sa place » ; Meaulnes regagne « sans bruit » la salle à man ger.- Calme et har mo nieL’emploi répété de l’impar fait dans les para graphes cen traux fi ge la scène dans une sorte de temps immo bile. Les mou ve ments, d’ailleurs, sont rares : les petits enfants, réfu giés comme Meaulnes loin de « la rumeur de la fête », ne sont pas du tout indi vi dua li sés : « les uns…, d’autres… ; d’autres… » ; ils se livrent « gra ve ment » à des occu pa tions tran quilles. Tous sont « sages » comme les images qu’ils regardent ; quelques- uns écoutent le piano, « ran gés comme sur une image ». Le mot revient plu sieurs fois dans le pas sage : c’est en effet l’image d’un bon -heur hors du temps et de l’espace que cette scène donne à voir.

• Meaulnes dans son rêve- Sen ti ment d’apai se mentLe pre mier para graphe nous montre un Meaulnes « un peu angoissé à la longue par tout ce plai -sir », « crai gnant » que son impos ture ne soit décou verte. Tous ces sen ti ments néga tifs s’effacent comme magi que ment à son arri vée dans la salle où il est venu « se réfu gier » ; il n’est plus ni « fi é vreux » ni « fou », et il entre dans le tableau sans rien déran ger, comme si on l’atten dait et que sa place était mar quée d’avance.- Sen ti ment de per fec tionLe voilà « plongé dans le bon heur le plus calme du monde » : le tableau se recom pose autour des deux jeunes gens, entou rés de petits enfants, dans une scène de bon heur conju gal et fami -lial ; des gestes confi ants (« un des petits se pen dit à son bras, grimpa sur son genou »), pas de paroles, mais la compli cité de la lec ture et le son du piano dans « la pièce atte nante » : « cet être char mant et inconnu qui jouait du piano près de lui, c’était sa femme ».

• Le sta tut de la scène : rêve ou réa lité ?- Le trem blé du rêveTout se passe comme dans un rêve, sans secousse, faci le ment. Une impres sion de fl ou res sort des hési ta tions de la nar ra tion (« une sorte de… », « une femme ou une jeune fi lle », « six ou sept… ») ; la seule nota tion pré cise, la cou leur « mar ron » du man teau de la jeune fi lle, bien loin de détruire l’impres sion oni rique, la conforte : elle est le détail qui, seul par fois, sub siste d’un rêve, détail que le lec teur reconnaî tra quelques pages plus loin.- L’anti ci pation de la ren contreLa scène appartient- elle donc au rêve ou à la réa lité ? Est- ce que Meaulnes voit et vit la scène, ou la rêve- t-il ? L’ambi guïté qui naît de l’emploi du verbe « ima gi ner », uti lisé pour intro duire le fan tasme fi nal, ne sera pas levée.Rêve ou réa lité, la scène fonc tionne comme une anti ci pation de la ren contre de Meaulnes et d’Yvonne, anti ci pation d’autant plus trou blante qu’elle rap pelle son rêve dans la ber ge rie (fi n du cha pitre X), pré senté comme le sou ve nir d’un rêve plus ancien et qui se confond avec un sou ve nir de sa petite enfance, le sou ve nir de sa mère jouant du piano (fi n du chap. XI). Cette imbri ca tion du rêve et du sou ve nir confère à la scène une irréa lité poé tique : « ce fut un rêve comme son rêve de jadis ».Cette scène pren dra plus tard pour le lec teur une colo ra tion tra gique car Yvonne et Augustin vivent sans le savoir, sans se connaître, sans s’être jamais parlé, une scène qui n’aura plus jamais lieu.

Lec ture de la seconde par tie et conti nuation du tableau.Lec ture de la seconde par tie et conti nuation du tableau.

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Ques tions· « Le bohé mien à l’école » : déve lop per le titre de ce cha pitre en étu diant le rôle de Frantz dans la seconde par tie.· À quel moment et de quelle manière le rôle de François change- t-il de nature ?· Les lettres de Meaulnes sont- elles de si « peu de confi dence » ?

• « Le bohé mien à l’ école » (chap. III) : déve lop per le titre de ce cha pitre en étu diant le rôle de Frantz dans la seconde par tie.« Bohé mien » et « école » semblent à pre mière vue des termes anti thétiques, liberté contre dis ci -pline, dehors contre dedans. L’entrée du bohé mien à l’école – on ne connaî tra son iden tité qu’à la fi n du cha pitre VII, au centre exact du roman – bou le verse immé dia te ment le petit monde des éco liers : dans la cour, il se met « à la place habi tuelle de Meaulnes » (p. 149) ; il nargue l’auto rité de M. Seurel, en fai sant cir cu ler « ses tré sors étranges », pen dant que ce der nier a le dos tourné ; il change l’esprit des récréa tions en orga ni sant des jeux agres sifs comme les tour nois ; la confu sion s’ins talle : « il n’y avait plus, semblait- il, entre les heures de cours et de récréa tion, cette dure démar ca tion qui fai sait la vie sco laire simple et réglée comme par la suc ces sion du jour et de la nuit » (p. 156). L’école s’est trans for mée en « grand jeu » (titre du pre mier cha pitre qui intro duit un des thèmes majeurs de la seconde par tie) : « un nou veau maître régnait sur les jeux » (p. 152) ; rien d’éton nant puisque Frantz a changé sa vie en jeu. Il domine d’abord l’école, y compris M. Seurel qu’il séduit par son panache, puis le village qu’il ras semble au cirque.La seconde par tie s’orga nise donc autour de ce per son nage qui change le quo ti dien en extra-ordinaire : « l’abor dage » de l’école (chap. I) est suivi d’une « embus cade » (chap. II) ; le balayage du soir, moment très ordi naire, se ter mine par un ser ment solen nel, un pacte à trois for te ment dra ma tisé et qui pèsera sur la suite ; enfi n la révé la tion de son iden tité est sui vie immé dia te ment de sa dis pa ri tion.

• À quel moment et de quelle manière le rôle de François change- t-il de nature ?Pen dant la pre mière moi tié du roman, François s’est mon tré ami dévoué de Meaulnes, spec ta -teur fas ciné de ses aven tures, confi né au rôle de second dans les jeux guer riers orga ni sés par Frantz. Son rôle – et sa place dans le roman – change à par tir du cha pitre IX, dans lequel il se lance « à la recherche du sen tier perdu », « seul […] pour la pre mière fois de [sa] vie » (p. 179). L’emploi du présent de l’indi ca tif dans ce cha pitre signale, de même qu’au cha pitre IV, qu’il s’agit d’un moment cru cial dans la vie de François. Comme lors de la fête étrange, le jeudi d’hiver s’est mira cu leu se ment changé en une « radieuse mati née de prin temps » (p. 176) ; François se place dans le sillage de son ami : « Me voici, j’ima gine, près de ce bon heur mys té rieux que Meaulnes a entrevu, un jour » (p. 180).Mais il n’a pas la même foi dans le rêve et il tient la magie à dis tance, ne serait- ce que par la conscience qu’il a de son dés ir d’aven ture : ainsi, il se voit, lui, en train de cher cher « le pas sage dont il est ques tion dans les livres », et Meaulnes en « prince harassé de fatigue [qui] n’a pu [en] trou ver l’entrée » (p. 180). L’échec est donc for cé ment au bout de la « mer veilleuse pro me nade » ; cepen dant, après la dis pa ri tion de Frantz et le départ de Meaulnes, François, le troi sième per -son nage du trio, est passé sur le devant de la scène et dans la troi sième par tie, il déploiera son action, non dans le rêve mais dans la réa lité.

• Les lettres de Meaulnes sont- elles de si « peu de confi dence » ?À la lec ture de ces trois lettres, François (et donc le lec teur) bute sur des ques tions : qui est la jeune fi lle qui attend comme Meaulnes ? D’où tire- t-elle ses infor ma tions ? Les énigmes conti -nuent à s’accu mu ler et les confi dences de Meaulnes ne les dis sipent pas, mais c’est la pre mière fois que l’on entend direc te ment sa voix, ce qui rend sa souf france palpable et émouvante. Les trois lettres s’éche lonnent sur quelques mois : avant Pâques, juin, fi n novembre et elles expri-ment toutes « une grande détresse » (p. 195). La pre mière lettre s’ouvre sur trois phrases brèves et néga tives : « Je n’ai rien vu. Il n’y avait per sonne. Il n’y aura jamais per sonne. » ; la der nière se ter mine sur l’obses sion de la mort : « Notre aven ture est fi nie. L’hiver de cette année est mort comme la tombe. Peut- être quand nous mour rons, peut- être la mort seule nous don nera la clef et la suite et la fi n de cette aven ture man quée. » Entre les deux, l’annonce du mariage d’Yvonne,

Deuxième par tie

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nou velle qui bou le verse le jeune homme au point de lui faire frô ler la folie. Mais le recours au rêve le sou tient ; la scène de bon heur que Meaulnes ima gine dans la troi sième lettre a un véri table pou voir hal lu ci na toire, signi fi é par le pas sage du condi tion nel au présent : « Je me retour ne rais. Ce serait elle.[…] Nous entrons dans notre mai son. » (p. 196).

(De « « Nous sommes main te nant… » jus qu’à la fi n du cha pitre - p. 188-192.)

En quoi cette scène signifi e- t-elle l’échec de François à réin té grer le monde réel ?· Déga ger la compo si tion du texte.· Déve lop per par l’étude du texte les expres sions sui vantes : « une sorte d’inti mité de mau vais aloi », « je raconte mal cette his toire », « ces aven tures me déplaisent », « je ne suis pas fi er de ma soi rée ».· Ana ly ser l’emploi du présent dans le texte.

Le pas sage se situe après le brusque départ de Meaulnes pour Paris. François, désem paré, éprouve des sen ti ments contra dic toires expri més dans la pre mière par tie du cha pitre : « Chose étrange : à cet ennui qui me déso lait se mêlait comme une sen sa tion de liberté. Meaulnes parti, toute cette aven ture ter mi née et man quée, il me sem blait du moins que j’étais libéré de cet étrange souci, de cette occu pa tion mys té rieuse qui ne me per met taient plus d’agir comme tout le monde. Meaulnes parti, je n’étais plus son compa gnon d’aven tures, le frère de ce chas seur de pistes ; je rede ve nais un gamin du bourg pareil aux autres » (p. 188). Le texte met en scène cette ten ta tion de la normalité.

• Compo si tion du textePre mière par tie : la tra hi son- un nou veau trio : « une inti mité de mau vais aloi »- un récit qui ne fait pas son effet : « je raconte mal cette his toire »Deuxième par tie : la décep tion et la honte- une fuite sans dignité : « ces aven tures me déplaisent »- les remords : « je ne suis pas fi er de ma soi rée »Le pas sage de la pre mière à la deuxième par tie se fait sur le mode de la rup ture : « Mais sou dain, tan dis que je suis absorbé dans ces réfl exions, il se fait du bruit dans la bou tique » (p. 190).

• Étude du texte selon la compo si tionPre mière par tie : la tra hi son

- « Une inti mité de mau vais aloi »Consti tution d’un nou veau trio autour de François : le gros Boujardon et Jas min Delouche ont rem placé Frantz et Meaulnes ; la dégra da tion est évi dente.Médio crité du cadre de la « fête » exprimée par un ensemble de termes péjo ra tifs : « l’arrière- boutique », « chez la bonne femme », « boîtes en fer- blanc », « ton neaux de vinaigre ».Médio crité de la « fête » elle- même : « rire pâteux », « une boîte ouverte et enta mée » de simples « bis cuits à la cuiller », « une bou teille de liqueur enta mée », un seul verre pour tous ; la gaieté est arti fi cielle ; en fait, « gêne » de François (le mot est répété deux fois). D’où sa tra hi son pré sen -tée comme une fuite en avant ; l’his toire de Meaulnes est déjà déva lo ri sée dans les jus ti fi cations qu’il se donne pour la divul guer : Meaulnes est parti, « une vieille his toire triste et fi nie », « tout est fi ni main te nant de ses aven tures ici ».La ligne de points de sus pen sion (p. 189) cor res pond au récit fait par François à ses nou veaux « intimes » : on retrouve là un pro cédé déjà uti lisé p. 90, avant la re trans crip tion des aven tures de Meaulnes par un François adhé rant alors tota le ment à ce « conte mer veilleux ».

- « Je raconte mal cette his toire »Cette fois le récit tombe à plat ; démys ti fi cation de l’his toire extraor di naire par le bon sens pay -san, qui refuse le mer veilleux et le mys tère : « c’était une noce, quoi ! » ; tout est rabaissé à leur niveau : le châ teau, les noces, la belle jeune fi lle ; pro pos plats rap por tés au style indi rect libre où s’exprime un esprit terre à terre (« On trou ve rait des gens… », « Meaulnes se mariera… »).Tout est simple : Frantz est res pon sable (« c’est l’infl u ence de ce Frantz qui a tout perdu… »),

Lec ture ana ly tique no 2 : Je tra his

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Meaulnes était « un si brave cama rade » ; cepen dant, la mau vaise foi n’est pas absente, par exemple dans le terme « embri ga dés », (les éco liers sui vaient Frantz sans réti cence, avec enthou siasme).François près d’adhé rer : « me voici presque de leur avis » ; est- ce un effort pour accep ter la réa -lité, pour avoir comme eux les pieds sur terre ou la per sis tance d’une jalou sie tenace à l’égard de Frantz ?Deuxième par tie : la décep tion et la honte

- « Ces aven tures me déplaisent »L’équi pée se ter mine par une fuite sans dignité, elle devient gro tesque : « Delouche cache rapi de -ment la bou teille », « Boujardon dégrin gole », « manque deux fois de s’éta ler », « Le petit Roy les pousse par der rière, à demi suf fo qué de rire » ; ils étaient là « en fraude » : François était le seul à ne pas savoir, il se rend compte qu’il était consi déré comme à part (voir plus haut : « on me sert le pre mier ») ; il est pris en charge comme un enfant : « on me fait pas ser » (à nou veau le même emploi du « on » qui l’isole des autres) ; la « rue mouillée, boueuse » devient une méta phore de l’équi pée peu glo rieuse, tour née en déri sion.

- « Je ne suis pas fi er de ma soi rée »Iro nie du sort : il se retrouve aux « Quatre- Routes » ; le lieu fait sur gir le sou ve nir du départ de Meaulnes, son « visage dur et fra ter nel » ; le terme fra ter nel reprend celui de « frère » (voir para -graphe cité plus haut) et fait contraste avec ces nou velles ami tiés fac tices.Retour piteux à la mai son : « vent froid », « brusques cou rants d’air », « je gre lotte », et pour fi nir « galette brû lée », méta phore de cette soi rée ratée.Les mots vrais arrivent : « tris tesse » et « remords » qu’il tente d’« étouf fer » dans la soli tude de sa chambre ; l’évo ca tion de Meaulnes en « chas seur aux aguets » ren voie au « chas seur de pistes » du para graphe déjà cité. Contraste entre cette image poé tique et valo ri sante et ses médiocres « cama rades ». Meaulnes le hante : impos sible de se contenter de la plate réa lité quand on a été le « compa gnon d’aven tures » d’un ami tel que lui.L’illu sion de ren trer dans la normalité s’effondre à la fi n du texte et la déné ga tion par François de « cette déso la tion vio lente qu’[il] n’avait pas sen tie d’abord » saute alors aux yeux du lec teur.

• Le présentAprès un début de cha pitre aux temps du récit, tout l’épi sode est au présent, un présent de nar -ra tion. (En général, dans le récit, le présent de nar ra tion rem place le passé simple pour don ner une impres sion d’actua lité aux faits énon cés, pour dra ma ti ser un moment par ti cu lier. Dans le texte auto bio gra phique, le présent de nar ra tion est employé pour signa ler un sou ve nir par ti cu -liè re ment vif.) Le Grand Meaulnes fonc tion nant comme un récit auto bio gra phique, c’est bien de cela qu’il s’agit ici : la honte éprou vée par François à tra hir Meaulnes est demeu rée brû lante et a rendu le sou ve nir indé lé bile.On se sou vient qu’un autre épi sode était lui aussi tout entier au présent de nar ra tion : le récit de l’éva sion de Meaulnes vue par François, mais alors il se mon trait complice, tan dis qu’ici il tra hit. L’emploi du même pro cédé sus cite le rap pro che ment entre les deux moments du roman.

Gram maire : les paroles rap por téesDans le pas sage étu dié plus haut, on trouve les trois modes uti li sés dans le récit pour rap por ter les paroles ; comme le style indi rect libre est peu présent dans Le Grand Meaulnes, c’est l’occa sion de tra vailler cette forme par fois dif fi cile à iden ti fi er.La reconnais sance du style indi rect libre est ici un peu plus dif fi cile parce que le texte étant au présent de nar ra tion, la concor dance des temps amène le futur simple et non le condi tion nel comme c’est le cas d’ordi naire. Autre sub ti lité : il n’y a pas un locu teur iden ti fi é pré ci sé ment pour cha cune des répliques qui ren voient indif fé rem ment à l’un ou à l’autre des par ti cipants à la petite réunion.On pourra pro po ser en pro lon ge ment l’étude d’une page de L’Enfant de Jules Vallès (par exemple un extrait du cha pitre XII, « Gour man dise ») : le nar ra teur joue avec toutes les pos si bi li tés du style

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indi rect libre dans un récit majo ri tai re ment au présent de nar ra tion ; par le style indi rect libre, Vallès fait entendre la voix de la mère, qui enva hit le dis cours de l’enfant mal heu reux qu’il a été.

Ques tions· Repérer les symé tries entre la pre mière et la troi sième par tie et déga ger leur sens.· Ana ly ser les rap ports entre Yvonne et François.· Quel « secret » révèlent les trois der niers cha pitres ? Ana ly ser la voix nar ra tive et commen ter la place de ces cha pitres dans le roman.

• Repérer les symé tries entre la pre mière et la troi sième par tie et déga ger leur sens.

Troi sième par tie : la par tie de plai sir Pre mière par tie : la fête étrange

Été : « à la fi n du mois d’août, au déclin de l’été » (p. 230).

Hiver, en décembre, juste avant Noël : « on eût pu se croire au cœur de l’été » (p. 122).

Fête de jour orga ni sée par l’oncle Flo ren tin : « on s’était efforcé comme jadis de mêler riches et pauvres, châ te lains et pay sans » (p. 230).

Fête étrange, fête de nuit, cos tu mée, où le me-neur de jeu ne se montre pas, où se mêlent « enfants et vieilles gens », « une foule joyeuse aux cos tumes extra va gants » (p. 114-116).

Nature simple d’un bord de rivière : « Que les bords du Cher étaient beaux, pour tant ! » (p. 231).

Décor roma nesque : vieux manoir aban -donné, « un mys té rieux air de fête » (p. 110).

Ennui de l’attente ; « fi èvre, ner vo sité » (p. 230) ; « éner ve ment bizarre » de Meaulnes « inca pable de sup por ter cette attente into lé -rable » (p. 233).

Meaulnes seul et heu reux, « trou blé d’une émo tion inex pli cable » (p. 101).

Enfants que Meaulnes croit reconnaître et qui sont méchants avec l’âne : « alors Meaulnes déçu pré ten dit s’être trompé » (p. 233).

Enfants char mants, rois de la fête, dont il sur -prend la conver sa tion mys té rieuse, qui l’entraî-nent avec eux, s’assoient sur ses genoux pour regar der un livre d’images.

Meaulnes se met à l’écart, ne vou lant rien avoir à faire avec un Jas min Delouche qui « pérore » ridi cu le ment et « fait mine de pour suivre » un lièvre qui passe par là (p. 233).

Meaulnes se laisse entraî ner dans la faran dole par le grand Pier rot.

Fuite de Meaulnes qui s’éloigne : « si je reste là je sens qu’elle ne vien dra pas » (p. 234).

Audace de Meaulnes : « Meaulnes, immo bile regarda la jeune fi lle », « il les sui vit » (p. 121).

Ren contre qui se fait au milieu des invi tés. Puis ils sont sépa rés : « un mal heu reux hasard vou lut qu’ils ne fussent point réunis pour le déjeu ner à la même petite table » (p. 236).

Ils sont comme seuls au monde :« Sans savoir comment, Meaulnes se trouva dans le même yacht que la jeune châ te laine » (p. 122).« À terre tout s’arran gea comme dans un rêve » (p. 123).

Dia logue fait de « dures ques tions » (p. 239).La jeune fi lle est « au sup plice » (p. 237).

Conver sa tion pleine d’émo tion, sen ti men -tale : « vous êtes belle » (p. 123) ; « ils par lèrent len te ment, avec bon heur – avec ami -tié », « je vous atten drai » (p. 125).

Lec ture de la troi sième par tie et conti nuation du tableau.Lec ture de la troi sième par tie et conti nuation du tableau.

Troi sième par tieTroi sième par tie

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« La tris tesse nous gagnait tous les trois » (p. 237).

« Apaisé, le grand gar çon se sen tit par fai te -ment heu reux » (p 127).

Au soir, on entend une « vieille bal lade triste », « un de ces airs que chan taient les pay sans attar -dés au Domaine sans nom, le der nier soir de la fête quand tout déjà s’était écroulé. »« Mes sou liers sont rouges…Adieu, mes amours » (p. 239).

Fin des noces : airs de caba ret, « commen -cement du désar roi et de la dévas ta tion »« Mes sou liers sont rouges…Adieu, mes amours » (p. 131).

Acci dent du che val Bélisaire (p. 241). Ten ta tive de sui cide de Frantz (p. 135).

Fin « heu reuse » ? : « c’est ce soir- là, avec des san glots, qu’il demanda en mariage Mlle de Ga-lais » (p. 243).

Fin triste ? : « il lui était égal de s’en aller main -te nant. N’avait- il pas été jus qu’au bout de son aven ture ? […] bien tôt il revien drait » (p. 130).

Le tableau parle de lui- même et avec une grande net teté fait appa raître la par tie de plai sir comme un véri table néga tif de la fête étrange : tout ou presque est changé en son contraire et quand il y a simi li tude, c’est sous une forme infé rieure, dégradée : « on s’était efforcé comme jadis de mêler riches et pauvres, châ te lains et pay sans ».Dans la fête étrange, tout était mer veilleux : un hiver pur et enso leillé (« on eût pu se croire au cœur de l’été »), un manoir déla bré (de nom breux adjec tifs insistent sur cet aspect du décor de la fête étrange, mais bien loin de déva lo ri ser le décor, ces termes le rendent roma nesque et plein de charme). Lors de la par tie de plai sir, tout s’est dégradé : l’été annonce l’automne, sai son du déclin, sym bo li sant l’approche de la mort (« Déjà les four reaux vides des châ tai gniers jau nis commen çaient à jon cher les routes blanches », p. 230) ; la beauté de la simple nature (« Que les bords du Cher étaient beaux, pour tant ! ») ne peut riva li ser avec le cadre d’un conte de fées. Le réel a repris ses droits et a détruit la magie : l’insis tance sur la pré sence de Jas min Delouche crée un violent contraste avec les pas seurs pleins de fan tai sie qu’étaient « l’extra va gant petit bon homme » et le grand Pier rot ; en met teur en scène, l’oncle Flo ren tin qui tient bou tique au Vieux- Nançay, qui voit en Meaulnes un beau parti pour une héri tière rui née ne peut riva li ser avec le meneur de jeu invi sible, le jeune châ te lain qui pliait tout à ses dési rs ; quant aux enfants char mants, les rois de la fête, ils sont deve nus de petits monstres cruels et mal éle vés. La der nière symé trie est l’annonce d’une mort à la fi n des deux fêtes : ten ta tive de sui cide de Frantz, bles sure de Bélisaire ; bien qu’il ne s’agisse que d’un ani mal, l’acci dent qui assom brit la fi n de la par tie de plai sir est traité plus dra ma ti que ment que la sup po sée mort de Frantz à la fi n de la fête étrange ; l’éta blis se ment du paral lèle proche de la déri sion crée un malaise.En fait, ce sont les sen ti ments qui ont changé et avec eux tout a pris un autre sens. Le désen -chan te ment a rem placé l’émer veillement, l’angoisse, l’aspi ra tion au bon heur. C’est vrai des trois per son nages, d’Yvonne chez qui on sent « de l’impa tience et presque de l’anxiété » (p. 234), de François qui a tout orga nisé et que « la tris tesse gagnait » (p. 237), mais sur tout de Meaulnes. Alors que jadis « un contente ment extraor di naire le sou le vait, une tran quillité par faite et pres-que eni vrante, la cer ti tude que son but était atteint et qu’il n’y avait plus main te nant que du bon -heur à espé rer » (p. 102), il est main te nant mal heu reux comme le montre sa curieuse demande en mariage : « c’est ce soir- là, avec des san glots, qu’il demanda en mariage, Mlle de Galais ». La décou verte dou lou reuse que le passé ne peut renaître (« rien ne sub sis tait de sa belle aven ture », p. 238) lui cause une souf france insur mon table.

• Ana ly ser le lien qui se crée entre Yvonne et François.La des crip tion que François fait de « la plus belle jeune fi lle qu’il y ait peut- être jamais eu au monde » (p. 212) rejoint celle de Meaulnes : grâce unie à la gra vité, min ceur, fra gi lité, blon deur. Mais les deux ren contres sont bien dif fé rentes : alors que Meaulnes a vu Yvonne pour la pre mière fois dans le cadre du Domaine mys té rieux, un matin d’hiver éblouis sant, François la découvre dans le cadre fami lier de l’épi ce rie de son oncle, un soir d’été bru meux. Comme Meaulnes, François est immé dia te ment sous le charme de sa conver sa tion, simple et directe ; son sérieux, son « aisance à par ler de choses déli cates » (p. 214), leurs goûts communs les rap prochent. Est- ce un coup de foudre comme celui de Meaulnes ? L’amour est inter dit : entre eux, il y a Meaulnes,

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l’ami de l’un, le fi ancé puis le mari de l’autre. Voyons comment François décrit ses sen ti ments à l’issue de la ren contre : « il y avait entre nous […] une entente secrète que la mort seule devait bri ser et une ami tié plus pathé tique qu’un grand amour … » (p. 215-216). Le mot amour est lâché et la déné ga tion qui l’accom pagne a plu tôt pour effet de le ren for cer ; les points de sus pen -sion laissent d’ailleurs à pen ser.Cet amour sublimé ne se réa li sera pas char nel le ment, mais il a pour lui la durée : François accom pagne Yvonne jus qu’à la mort, pen dant la longue absence de Meaulnes. En fait, les deux jeunes gens ne sont pas amou reux de la même Yvonne : Meaulnes aime la belle prin cesse, qui joue du piano dans un châ teau de conte de fées, et François, la vraie Yvonne, qui vou drait être ins ti tu trice et qui fait face à l’adver sité.

• Quel « secret » révèlent les trois der niers cha pitres ? Jus ti fi er la place et la forme de ces cha pitres.Le lec teur s’attend à une révé la tion à la lec ture de ces trois cha pitres. Il a sans doute deviné que la jeune fi lle ren contrée par Meaulnes est Valentine, mais ne sait rien de ce qui s’est passé entre eux, bien que des phrases lourdes de sous- entendus fassent craindre le pire : « une faute à répa -rer », « ce jour- là, j’ai amassé du remords pour long temps » (p. 227), « il faut qu’il me par donne et que je répare tout » (p. 254). Dans son jour nal, Meaulnes éclaire ces pro pos sibyl lins : il a séduit puis chassé avec cruauté la fi an cée de Frantz ; elle est cer tai ne ment deve nue « une fi lle per -due » : faute impar don nable et qu’il ne se par donne pas. Mais avant même que Meaulnes sache qu’il s’agit de la fi an cée de Frantz, son his toire avec Valentine est mar quée par la culpa bi lité et le regret. En fait, ces cha pitres révèlent un autre secret : l’accu sa tion qu’il porte contre Valentine de « n’avoir voulu croire à rien », c’est d’abord contre lui qu’il la retourne : « j’ai renoncé au para dis » (p. 282). On trouve là un écho de la conver sa tion qu’il avait eue avec François (pos té rieure au jour nal, mais le lec teur ne le sait pas) : il par lait de lui comme d’« un homme qui a une fois fait un bond dans le para dis » (p. 227) et il se déso lait : « j’étais à une hau teur, à un degré de per fec -tion et de pureté que je n’attein drai jamais plus » (p. 228). Il n’est plus apte au bon heur.Ce n’est pas un hasard s’il y a trois cha pitres comme il y a trois lettres : le chiffre magique, qui, dans la pre mière par tie, signa lait l’entrée dans le monde du rêve, revient ici par déri sion pour mar quer iro ni que ment la dés illusion. Comme les lettres, le cha pitre XIV, copie du jour nal de Meaulnes, donne son point de vue sans inter mé diaire ; puis dans les cha pitres XV et XVI, la voix de Meaulnes est recou verte par celle de François qui retrans crit l’aven ture avec Valentine ; le paral lèle s’impose avec le mode de nar ra tion de la ren contre d’Yvonne dans la fête étrange. Mais ce n’est pas seule ment par souci de symé trie, dans une construc tion très concer tée, que le « secret » de Meaulnes est relé gué à la fi n : ce choix struc tu rel per met de pré ser ver le mys tère du per son nage jus qu’à la fi n du roman et rend plus pathé tique le sacri fi ce d’Yvonne.

(De « Peu à peu, entre les grands sapins » à « ce ter rible ser ment enfan tin » - p. 248-250.)

En quoi ce pas sage constitue- t-il une démys ti fi cation complète du per son nage de Frantz ? (ou, si l’on veut poser la ques tion plus sim ple ment : En quoi cette scène révèle- t-elle le vrai visage de Frantz ?)· Déga ger les dif fé rents mou ve ments du dia logue entre les deux per son nages.· Quels aspects de Frantz le dia logue avec François révèle- t-il ?· Quel chan ge ment de point de vue sur le per son nage s’impose dans cette scène ?

C’est la pre mière ren contre de Frantz et François, hors de la pré sence de Meaulnes, mais c’est de lui dont il est ques tion dans ce face- à-face. Entre les répliques du dia logue, sont insé rés des pas sages nar ra tifs et des commen taires du nar ra teur : l’image de Frantz en sort tota le ment bou le ver sée.

• L’affron te ment d’un adulte et d’un enfantL’arri vée de Frantz est l’occa sion d’un pre mier cro quis, fait de quelques nota tions phy siques très dépré cia tives, reprises et déve lop pées plus loin ; l’accent est mis tout de suite sur son côté enfant : « il semble avoir pleuré ».

Lec ture ana ly tique no 3 : le retour

de Frantz

Lec ture ana ly tique no 3 : le retour

de Frantz

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- Commen cement en forceComme un enfant sûr de lui, il entame le dia logue de manière agres sive : « air très insolent » ;François, « l’adulte », se montre ferme, n’entre pas dans son jeu, ne répond pas à la pro vo ca -tion, pose des ques tions directes et pres santes : « Que faites- vous ? Pour quoi venez- vous… ? Que voulez- vous ? », aux quelles Frantz, « l’enfant », est inca pable de faire face : il « rou git, bal bu tie », « san glote » ; atten dris se ment sur lui- même : « je suis mal heu reux, moi » ; crise de larmes.En retour, patience de l’adulte, (« j’attends que la crise s’apaise »), dou ceur (« la main sur l’épaule »), pro po si tions apai santes (« vous vien drez, je vous mène rai »).- Refus de céderEntê te ment de l’enfant gâté : « il ne vou lait rien entendre » ; égoïsme : deux répliques pleines de « moi, moi » ; « il a retrouvé son amour ; pour quoi ne pense- t-il pas à moi ? » ; prêt à sacri fi er le bon heur d’Yvonne qui ne lui « a jamais rien refusé » ; ton reven di ca tif, exi geant.François s’en tient à sa double pos ture : dou ceur et fer meté ; il lui parle comme un adulte parle à un enfant : « Voyons, Frantz », essaie de le conso ler et de le rai son ner, mais il appelle les choses par leur nom : « fan tas ma go ries, enfan tillages, folies » ; appel sans effet à l’amour des siens, à la géné ro sité.- Accep ta tion fi naleSeule la pro messe magique a un effet : « ici, dans un an, exac te ment, à cette même heure : vous retrou verez la jeune fi lle que vous aimez » ; Frantz croit pour de vrai à la magie et c’est peut- être là le trait qui le relie le plus à l’enfance : « il me regar dait avec une volonté de confi ance vrai ment admi rable » ; « il avait quinze ans ! ».François le trompe comme on trompe un enfant, pour la tran quillité de Meaulnes et d’Yvonne ; pour Frantz, actua lité du « ter rible ser ment enfan tin », « ter rible » parce que Frantz joue encore (voir le titre du cha pitre I de la deuxième par tie : Le grand jeu).

• L’illu sion dénon cée- Contraste entre « naguère » et « main te nant »Reve nons sur le por trait phy sique : insis tance sur la saleté et l’aspect peu soi gné : « cou vert de boue », « mal vêtu », « vieille cas quette », « dans la pous sière et la boue, les larmes avaient tracé des sillons sales » ; « mal rasé », « col sale », « che veux trop longs » ; ce déla bre ment oppose « naguère » (« un royal enfant en gue nilles ») et « à présent » (un « vieux gamin épuisé et battu »).Mais per ma nence de l’enfance : « plus enfant que jamais », « impé rieux, fan tasque et tout de suite déses péré » et donc manipulable par l’illu sion, le pro lon ge ment du jeu. Frantz, ava tar de Peter Pan qui ne veut pas gran dir.- Sen ti ments mêlés : « enfan tillage pénible à sup por ter » ; « on était tenté de le plaindre puis de lui repro cher » ; mais au bout du compte, juge ment sévère ; luci dité, absence de conces sion et mépris sous- jacent : « tant d’orgueil avait abouti à çà ! ».Contraste entre « l’orgueilleuse jeu nesse » et la réa lité sor dide : « il avait dû voler » ; mise à dis -tance et iro nie : « notre beau Frantz aux belles amours », « le rôle absurde de jeune héros roman -tique » à l’aise dans « la folie ».

Dans ce pas sage, on assiste à une démys ti fi cation complète du per son nage, qui a perdu tout son pres tige. La lutte qui met aux prises les deux jeunes gens nous conduit à nous inter ro ger sur leurs pré noms : d’un côté, François, un nom enra ciné dans le ter roir fran çais, conno tant la matu rité et le sens du réel; de l’autre Frantz, un nom aux conso nances ger ma niques, aris to -cra tiques, fait pour un être rêveur, pris dans la faus seté des illu sions roman tiques, voi sines de la folie (le terme appa raît deux fois dans la page). À ce moment du roman, le réel affronte et combat l’illu sion.

Gram maire : le sub jonc tifLes verbes au sub jonc tif sont légion dans Le Grand Meaulnes, dont la langue sou te nue peut par -fois dérou ter les élèves : sub jonc tif présent bien sûr, mais aussi sub jonc tif impar fait et sub jonc tif plus- que-parfait en concor dance avec les temps du récit ; ces formes sont loin d’être fami lières aux élèves, même celles du présent, quand elles ne coïn cident pas avec l’indi ca tif.

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On pourra obser ver les emplois du sub jonc tif dans un ou plu sieurs cha pitres, et demander aux élèves de rele ver les verbes au sub jonc tif, d’ana ly ser les formes et d’expli quer les emplois les plus simples. On travaillera en classe sur les emplois plus déli cats (irréel du passé, rela tive au sub jonc tif, etc.).

Comment la forme du roman traduit- elle « un per pé tuel va- et-vient insen sible du rêve vers la réa lité », selon la for mule d’Alain- Fournier lui- même (lettre à Jacques Rivière, 22 août 1906) ? (Cette pre mière syn thèse peut consti tuer un commen taire du tableau spatio- temporel, construit au fur et à mesure de la lec ture par les élèves.)

L’orga ni sa tion du récitTrois par ties : la pre mière et la troi sième comportent cha cune 17 cha pitres (si l’on rat tache l’épi -logue à la der nière par tie) ; la seconde est plus courte (12 cha pitres) ; chaque par tie est divi sée en deux par un évé ne ment for te ment dra ma tisé : la fuite d’un per son nage.- Pre mière par tie : Meaulnes part au cha pitre IV ; sa fuite sera racontée aux cha pitres VIII, IX, X.- Deuxième par tie : Frantz dis pa raît à la fi n du cha pitre VII.- Troi sième par tie : le départ de Meaulnes a lieu entre les cha pitres IX et X.On est frappé par la symé trie de la pre mière et de la troi sième par tie (voir Tableau des symé tries, plus haut) ; d’où la ques tion : comment la seconde par tie s’insère- t-elle dans ce schéma ? Elle est plus courte, se passe toute entière à Sainte- Agathe (unité de lieu), mais la dis pa ri tion de Frantz, meneur de jeu et maître de l’illu sion, presque au centre exact du roman, déli mite net te ment un avant et un après, donc une compo si tion sous- jacente en deux par ties : d’abord au cœur du réel la pour suite du rêve, puis la lente défaite du rêve au pro fi t d’un réel déce vant.Autre sophis ti cation : le chan ge ment de voix nar ra tive à la fi n de chaque par tie. La fi n de la pre mière par tie retrace l’aven ture de Meaulnes telle qu’il l’a racontée au nar ra teur ; la deuxième par tie s’achève sur les trois lettres de Meaulnes à François ; la troi sième par tie, avant l’épi logue, comporte trois cha pitres inti tu lés « Le secret », re trans crip tion du jour nal intime de Meaulnes, soit tel quel, soit résumé et refor mulé par le nar ra teur, ce qui combine les deux modes de nar ra -tion uti li sés dans les deux pre mières par ties.Dans cha cune des par ties, un des trois héros mas cu lins domine : la pre mière par tie est celle de Meaulnes, dans la seconde, Frantz a le pre mier rôle et la troi sième consacre le chan ge ment de sta tut du nar ra teur en per son nage qui fait avan cer l’his toire.

L’ordre de la nar ra tionGlo ba le ment, la nar ra tion suit l’ordre chro no lo gique de la fi c tion, mais quand Meaulnes quitte le champ de vision du nar ra teur, il en résulte une impos si bi lité de raconter, une lacune dans le récit, que des infor ma tions four nies plus tard viennent combler. Le pre mier retour en arrière occupe la moi tié de la pre mière par tie ; Meaulnes fait à François le récit de la fête étrange dans la man sarde plus d’un mois et demi après son retour ; cet écart tem po rel accen tue le sen ti ment que la fête est irré vo ca ble ment fi nie, que le mer veilleux appar tient non seule ment à un lieu impos sible à situer mais aussi à un passé révolu ; la recherche du domaine mys té rieux devient la recherche du temps perdu.Dans la troi sième par tie, les retours en arrière sont moins mas sifs mais insé rés dans la trame du récit ; ils per mettent que peu à peu les énigmes soient élu ci dées : par la tante Moinel, le nar ra teur découvre l’his toire de Valentine, dont le lien avec Meaulnes ne sera révélé qu’à la toute fi n du roman. L’effet pro duit par la place des cha pitres « Le secret », où Meaulnes avoue sa « faute », est para doxal : on a l’impres sion (fausse, bien sûr) qu’il a trompé Yvonne après le mariage. Le rêve s’est défait et a laissé la place à une réa lité pro saïque et triste.Le va- et-vient entre le présent de l’écri ture et le passé raconté, la super po si tion des voix nar ra -tives, la répar tition des infor ma tions rendent dif fi cile la reconsti tution de la chro no logie. Le

Les enjeux de la compo si tion

Les enjeux de la compo si tion

Syn thèsesSyn thèses

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pre mier repé rage tem po rel qui situe l’arri vée de Meaulnes est une date fl oue : 189… ; cepen dant, à par tir de cette indi ca tion, on peut cal cu ler à peu près pré ci sé ment la durée de cha cune des par -ties (voir le Tableau spatio- temporel) et la durée totale de l’his toire : de la fi n novembre 189… à la fi n sep tembre 189… +4, il s’est passé presque quatre ans.

Le trai te ment du tempsLes varia tions de rythme tra duisent les fl uc tua tions entre rêve et réa lité. La plus nette a lieu dans la pre mière par tie, où le même laps de temps est raconté deux fois : ainsi, les cha pitres V et VI de la pre mière par tie, qui relatent les trois jours de François à Sainte- Agathe pen dant la fuite de Meaulnes, occupent huit pages tan dis que les mêmes trois jours vécus par Meaulnes s’étalent sur dix cha pitres et quarante-six pages. Conclusion : le récit ne s’attarde pas sur la plate réa lité dans laquelle évo lue François tan dis qu’il dilate l’expé rience oni rique de Meaulnes. Cette tem po ra lité défor mée se retrouve dans les deux autres par ties : les ellipses, char gées de mys tère, excitent la curio sité du lec teur. Ainsi, les cinq pages du der nier cha pitre de la seconde par tie relatent un an entier dont on ne connaî tra le « secret » qu’à la fi n du roman. Dans la troi sième par tie, les cinq mois que durent les fi an çailles sont tota le ment pas sés sous silence ; les neuf mois de la gros sesse d’Yvonne, révé lée au cha pitre XI, occupent quatorze pages, qui contre ba lancent le dra ma tique épi sode du départ de Meaulnes (un jour et une nuit entre le mariage et le départ) raconté en treize pages.Meaulnes arrive un dimanche ; son retour à la fi n du roman aura lieu éga le ment un dimanche mais excep tés ces deux évé ne ments, presque tout ce qui arrive d’impor tant a lieu le jeudi, jour de congé des éco liers à l’époque : la ren contre, la dis pa ri tion de Frantz, le départ de Meaulnes à Paris, la par tie de plai sir, le jour des noces. Le Grand Meaulnes se déroule au rythme de l’année sco laire, les dates des vacances et des ren trées ser vant de points de repère, aux quels s’ajoutent les sai sons qui non seule ment rendent concret l’écou le ment du temps, mais jouent aussi un rôle sym -bo lique ; elles sont comme la petite musique des per son nages : la sai son de Meaulnes est l’hiver, pour sa pureté gla cée, celle de François est l’été, par ti cu liè re ment lors qu’il tend vers l’automne, et que la nature s’offre alors dans toute sa splen deur.

On retrouve dans le trai te ment de l’espace la même ten sion entre rêve et réa lité.

Ancrage dans un monde fami lier- Lieux fi c tifs créés à par tir de lieux réels : Épineuil- le-Fleuriel, La Chapelle- d’Angillon, Nançay deviennent Sainte- Agathe, La Ferté- d’Angillon, Le Vieux- Nançay, aux noms à peine chan gés. Les sou ve nirs de François Seurel trouvent leur ancrage dans les sou ve nirs d’Alain- Fournier (voir la Chro no logie, p. 313-340). Le pays de l’enfance est à l’ori gine même du livre (voir les des crip -tions de pay sages p. 79, 179, 231).- Abon dance des détails « vrais » qui créent un effet de réel : voir les pages rela tant la vie du bourg, l’atmo sphère de la classe.

L’espace du rêve- Tran si tion entre le monde quo ti dien et le monde du rêve : la man sarde où dorment les deux gar çons (p. 85), la bou tique du maréchal- ferrant (chap. III).

Tra vail : ana ly ser et mettre en rap port les débuts et fi ns de cha cune des par ties.- Pre mière par tie : arri vée et départ de Meaulnes.- Deuxième par tie : tris tesse de l’hiver et soli tude.- Troi sième par tie : tra hi son de l’idéal pour la normalité (début : François fraye avec

« les mau vais drôles » du pays ; fi n : « confes sion » de Meaulnes qui révèle qu’il a fait « comme les autres », p. 227).

Tra vail : ana ly ser et mettre en rap port les débuts et fi ns de cha cune des par ties.- Pre mière par tie : arri vée et départ de Meaulnes.- Deuxième par tie : tris tesse de l’hiver et soli tude.- Troi sième par tie : tra hi son de l’idéal pour la normalité (début : François fraye avec

« les mau vais drôles » du pays ; fi n : « confes sion » de Meaulnes qui révèle qu’il a fait « comme les autres », p. 227).

L’espace roma nesque

L’espace roma nesque

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- Le Domaine mys té rieux est décrit avec autant de détails concrets que le village de Sainte- Agathe : « Je n’aime la mer veille que lors qu’elle est étroi te ment insé rée dans la réa lité » (lettre à J. Rivière ; cette for mule exprime le prin cipe même de l’esthé tique du Grand Meaulnes) mais il ren voie au para dis de l’enfance, insituable sur une carte (Alain- Fournier l’avait d’abord appelé « Le Pays sans nom », voir p. 318).- Impor tance de la foca li sa tion : Domaine mys té rieux vu par Meaulnes, puis retrans crit et peut- être encore magni fi é dans le récit de François (à l’inverse, rien de mer veilleux dans le regard de Jas min Delouche sur Les Sablon nières).- Élar gis se ment de l’espace : par l’abon dance des méta phores qui font inter ve nir l’uni vers de la mer (voir le relevé des termes, tra vail pro posé aux élèves p. 3), l’espace est poé tisé.

Le monde désen chantéLa villeParis, Bourges ; évo ca tions déva lo ri santes dans les lettres et le jour nal de Meaulnes : Paris est vu de nuit, comme une « ville déserte », inhos pi ta lière ; la cathé drale de Bourges, lieu sacré, est comme conta mi née par le quar tier de la pros ti tution qui l’entoure. Alors que la cam pagne ren -voie à l’enfance, la ville sym bo lise le pas sage redouté à l’âge adulte.L’œuvre du temps sur l’espaceDans la troi sième par tie, le monde de l’enfance n’existe plus ; Meaulnes découvre cette réa lité avec dou leur et reste aveugle devant la beauté de la nature ; seul existe pour lui le passé et les pay sages du passé.

Le sys tème des per son nagesOn fera construire aux élèves un schéma qui repré sente les rela tions entre les per son nages, en pre nant suc ces si ve ment Meaulnes, puis Yvonne comme centre.

Les deux sché mas font appa raître la fi gure du tri angle comme élé ment de base des rela tions entre les per son nages. Autour de Meaulnes, som met de tous les tri angles, gra vitent tous les per -son nages du roman ; Yvonne, elle, est au centre du trio des per son nages mas cu lins (voir plus loin, « Le brouillage des genres – Un roman auto bio gra phique ») : aimée des trois, elle les aime en retour, selon le sta tut de cha cun.Le chiffre 3, dont on a vu la récur rence tout au long du roman, n’est pas ici un clin d’œil à la magie mais plu tôt au dés ir tri an gu laire selon René Girard1.

Un enche vê tre ment sen ti men talPre mier schéma- Le tri angle Meaulnes/François/Yvonne est le tri angle des amours majeures et pures. Cha cun des trois per son nages aime les deux autres d’amour ou d’une ami tié pas sion née aussi forte que l’amour. Dés ir tri an gu laire : François tombe amou reux d’Yvonne parce qu’elle lui a été dési gnée par le dés ir de Meaulnes. Tou te fois, ce n’est pas la même Yvonne que les deux jeunes hommes aiment.

1. René Girard décrit le méca nisme du dés ir humain, comme ne se fi xant pas de façon auto nome selon une tra jec toire linéaire : sujet - objet, mais par imi ta tion du dés ir d’un autre selon un schéma tri an gu laire : sujet - modèle – objet (René Girard, Men songe roman tique et vérité roma nesque, Gras set, 1961).

La quête de l’amour

La quête de l’amour

François FrançoisYvonne

Yvonne

Valentine

Meaulnes

Meaulnes

Frantz Frantz

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- Le tri angle Meaulnes/Frantz/Valentine : l’ami tié entre Frantz et Meaulnes est basée sur une fas -ci na tion réci proque ; l’amour de Meaulnes pour Valentine est une forme dégradée de « son amour perdu » (p. 285). Là aussi, il y a dés ir tri an gu laire : Meaulnes semble inconsciem ment choi sir Valentine parce qu’elle est la fi an cée de Frantz. Ce tri angle fi gure les amours mineures : l’amour de Meaulnes pour Valentine est mar qué par la culpa bi lité ; quant à l’amour de Frantz et Valentine, il est récom pensé à la fi n du roman mais il a été payé au prix fort de la mort d’Yvonne. Notons que, comme pour Yvonne, ce n’est pas la même Valentine que Frantz et Meaulnes aiment.- Le tri angle Meaulnes/Frantz/François : Meaulnes se dit à plu sieurs reprises le « frère » de François ; il emploie le même terme, à peine modi fi é pour par ler de Frantz : « c’était mon frère d’aven tures » (p. 290) ; mais entre Frantz et François, mal gré le ser ment enfan tin qui a scellé le trio à Sainte- Agathe, il n’y a pas la même conni vence ; ils ont besoin de la média tion de Meaul-nes et, entre eux, se joue une lutte d’infl u ence (on revien dra plus loin sur le trio des per son nages mas cu lins).

Deuxième schémaFrantz et Yvonne forment un couple de frère et sœur que l’amour de Meaulnes ne peut que sépa rer. Yvonne tente de lut ter (p. 255-256) mais elle ne peut vaincre ni l’égoïsme de son frère, ni l’angoisse exis ten tielle d’Augustin qui, au moment de deve nir adulte, choi sit de rejoindre son enfance en par tant sur la trace des bohé miens.

Valentine et YvonneLe por trait phy sique des deux jeunes fi lles fait appa raître des simi li tudes : toutes deux ont en commun la fi nesse, la gra vité, quelque chose de dou lou reux et un air d’enfance. Mais c’est plu -tôt leurs dif fé rences qui retiennent l’atten tion : d’un côté, une châ te laine, « la fée, la prin cesse [mys té rieuse] de toute notre ado les cence » (p. 262) ; de l’autre, une fi lle du peuple, une simple cou tu rière, une Cen drillon.Par son ori gine sociale, Meaulnes serait plus assorti à Valentine : « telle était bien la compagne que devait sou hai ter, avant son aven ture mys té rieuse, le chas seur et le pay san qu’était le grand Meaulnes » (p. 287) ; elle a, comme lui, connu un amour de rêve mais n’y a pas cru parce que son fi ancé « [l’]admi rait trop » ; « il ne me voyait qu’en ima gi na tion et non point telle que j’étais » (p. 284), dit- elle, et Meaulnes lui par donne d’autant moins ce « manque de foi » qu’il s’en est, lui aussi, rendu cou pable. Cercle vicieux : la culpa bi lité le rend cruel, et cette cruauté s’exerce éga le ment à l’égard des deux jeunes fi lles. Il envoie à sa perte Valentine, « la jeune fi lle entre toutes qu’il eût dû pro té ger » (p. 295), il aban donne Yvonne le len de main de ses noces, après avoir obtenu d’elle qu’elle « lui demande de par tir » (p. 268) et la laisse sans nou velle. Et, par un éton nant dépla ce ment de la culpa bi lité (voir p. 108, note 1), c’est pour tant la jeune femme qui se reproche de n’avoir pas été à la hau teur. La face sombre du héros se révèle dans son rap port aux femmes : elle est l’exact revers de son dés ir de pureté et d’idéal.

Un roman d’aven tures« Un roman d’aven tures et de décou vertes »Le terme « aven tures » appa raît dans le pre mier cha pitre et revient comme un fi l conduc teur tout au long du roman (p. 189, 196, etc.). Accu mu la tion d’énigmes (on pourra demander aux élèves d’en faire la liste) ; pro cé dés du roman popu laire : les titres de cha pitres sont accro cheurs (« Nous tom bons dans une embus cade », « Le bohé mien enlève son ban deau », « Les gen darmes ! ») ; les phrases fi nales créent un effet de sus pens : par exemple, les fi ns des cha pitres III et V ; les enchaî -ne ments entre les cha pitres, sur le mode de l’oppo si tion, ou du fondu enchaîné (ch. VII et VIII, ch. X et XI) ne laissent aucune pause au lec teur.

Le brouillage des genres

Le brouillage des genres

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Ou un roman de ter roir ?Cepen dant, si l’on y regarde de plus près, les ingré dients de ce roman d’aven tures n’ont rien de vrai ment extraor di naire : le cadre est une pro vince fran çaise, la cam pagne pai sible de la Sologne ; l’iti né raire de Meaulnes ne le conduit pas dans des endroits dan ge reux mais dans des villages sans his toires ; quant à la mer, sym bole même de l’aven ture, elle n’est pré sente que méta pho ri que ment.

Un récit de quête mer veilleuseUn scé na rio ini tiatiqueMeaulnes tra verse une série d’épreuves tra di tion nel le ment réser vées aux princes des contes et aux che va liers arthuriens en quête du châ teau où une belle dame ver tueuse attend l’amour. Comme Perceval, dont on l’a rap pro ché, et comme bien d’autres héros de contes mer veilleux, Meaulnes n’a pas de père. Son Graal est la pureté, l’enfance, le passé. L’aven ture de Meaulnes fi gure l’explo ra tion du « coin le plus ignoré de l’âme » (voir Dos sier du Grand Meaulnes), ce qui rejoint la défi ni tion du conte de fées de Bruno Bettelheim : « un miroir magique qui refl ète cer tains aspects de notre uni vers inté rieur et des démarches qu’exige notre pas sage de l’imma tu -rité à la matu rité » (Psy cha na lyse des contes de fées).

Mais dis tan cia tionLe récit de l’aven ture n’est pas fait par Meaulnes mais par François, sub ju gué certes, mais capable de dis tance (voir l’expres sion « notre héros », p. 111). Quand il se lance à son tour dans l’aven ture, il ne peut oublier que le mer veilleux est l’apa nage des livres, non du réel (voir IIe par -tie, chap. IX, p. 180) : « Mais tan dis que je m’enivre ainsi, voici que brus que ment je débouche dans une sorte de clai rière, qui se trouve être tout sim ple ment un pré. » L’iro nie légère frôle ici la paro die ; elle se fait amère dans la troi sième par tie, où le contenu des cha pitres dément leurs titres : « La par tie de plai sir », « Le jour des noces », « Les gens heu reux ». Le dénoue ment ne sera pas celui qu’on attend d’un conte mer veilleux.

Un roman auto bio gra phiqueLe roman de l’enfanceL’enfance de François Seurel, fi ls d’ins ti tu teurs, dont la mai son et l’école ne font qu’un, repro -duit celle d’Alain- Fournier et l’œuvre s’appa rente, on l’a vu, à une recherche du temps perdu ; le but assi gné à l’écri ture est de recréer l’enfance, de faire revivre ce moment pri vi lé gié entre tous, qui laisse une nos tal gie ingué ris sable : « mon credo en art et en lit té ra ture : l’enfance. Arri ver à la rendre sans aucune pué ri lité, avec sa pro fon deur qui touche les mys tères » (22 août 1906).

Une « confes sion » ?Sans vou loir rabattre l’œuvre sur la vie, il est dif fi cile d’igno rer la ren contre avec Yvonne de Quièvrecourt (voir p. 319-322). La créa tion roma nesque se nour rit de la vie mais s’auto rise tous les ré aména ge ments1. De la vie à l’œuvre, l’idéa li sa tion de l’amour impos sible s’est ampli fi ée : Yvonne de Galais est mise sur un pié des tal, sa mort est son apo théose. Elle dis pa raît après la nais sance d’une petite fi lle qui sera son pro lon ge ment ; la nuit de noces ne se renou ve lant pas, Yvonne pourra res ter dans les mémoires comme une « pure jeune fi lle ».

1. Quant à l’ami tié pas sion née entre Henri Four nier et Jacques Rivière (voir p. 314-315), elle revit, encore embel -lie, dans les sen ti ments fra ter nels d’Augustin et de François. Tous deux aiment la même femme, l’un d’amour, l’autre d’une ami tié pro fonde, dans une confi gu ra tion tri an gu laire qui peut appa raître comme la repré sen ta tion roma nesque du trio formé par Four nier, sa sœur Isabelle et Jacques Rivière. D’ailleurs, ce n’est pas à Yvonne que le roman est dédi cacé, mais à Isabelle. Son mariage avec Jacques Rivière fut vécu par l’écri vain, sinon comme une double tra hi son – son ami et sa sœur ne le pré fé raient plus exclu si ve ment –, du moins avec une ambi va lence que tra hissent ses lettres de l’époque.

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L’ancrage bio gra phique joue aussi pour Valentine, dont la source est Jeanne Bruneau, maî tresse d’Henri Four nier (voir p. 322-323), mais alors plus d’idéa li sa tion ; au contraire, le cha pitre écarté, « La dis pute et la nuit dans la cel lule » (p. 308-312), est d’une grande cru dité : aveu des rela tions char nelles, dégoût devant le corps de la femme, vio lence du rejet ; la ver sion défi ni tive (« Le secret ») cultive l’ambi guïté et édul core la vio lence des rap ports, mais Valentine, comme An nette, est aimée dans la honte. C’est à son image qu’Alain- Fournier a créé Meaulnes. « Seules les femmes qui m’ont aimé peuvent savoir à quel point je suis cruel. Parce que je veux tout. Je ne veux même plus qu’on vive dans cette vie humaine. Vous voyez d’ici le héros de mon livre, Meaulnes » (lettre à J. Rivière). La cruauté de Meaulnes à l’égard des femmes a sa source dans son besoin d’absolu, son refus des compro mis sions, son inap ti tude au bon heur (voir p. 267, note 1), et aussi dans son dés ir infan tile d’être aimé et compris comme un enfant l’est par sa mère. Mais lui qui exige tout de ceux qu’il aime, est- il vrai ment capable d’aimer ? Il semble en tout cas ne pas ima gi ner la souf france des autres : il montre la même dureté vis- à-vis de François, qu’il aban donne bru ta le ment (IIe par tie, chap. 2), dans une sorte d’indif fé rence à sa « déso la tion vio -lente » et à qui il cause une der nière peine, lors qu’il repart avec sa fi lle.Tout le roman, et pas seule ment les der niers cha pitres, s’appa rente à « une confes sion » (p. 296), qui, sans que cela soit dit expres sé ment, a pour but de rache ter le héros, et y par vient : qui ose rait condam ner ce « cœur aven tu reux » (p. 259) ?

Un « moi » pro jeté sur trois per son nagesLes trois per son nages mas cu lins forment un trio à la confi gu ra tion mou vante, dont on a vu les rap ports complexes d’ami tié, de fas ci na tion, de riva lité. Cha cun repré sente un aspect de l’auteur : Frantz est la part chi mé rique qui veut plier le monde à sa loi, et qui, à la fi n du récit, revient dans la petite mai son où il aura tou jours quinze ans. François est la part rai son nable, aimante et fi dèle, qui accepte de compo ser avec le prin cipe de réa lité. Meaulnes est celui qui a « fait un bond dans le para dis » (p. 227) et ne peut plus dès lors vivre dans le monde ordi naire, « un jeune dieu mys té rieux et insolent » (lettre à J. Rivière, 4 avril 1910). Des trois, c’est assu ré -ment le plus pres ti gieux, c’est lui d’ailleurs qui ouvre le roman, le clôt, et lui donne son titre.Mais est- ce bien lui le héros du livre ? Seurel monte en puis sance tout au long du roman ; il oriente le juge ment du lec teur, condamne le roman tisme attardé de Frantz, pointe l’obses sion de pureté de Meaulnes. En fai sant de lui le nar ra teur, Alain- Fournier brouille le sens de l’his toire qui échappe constam ment : l’iro nie vient contre dire l’idéa li sa tion, sans la détruire ; la déri sion

Jacqueline MILHIT

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