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Sommaire
Le Toucher d’orextrait du Livre des merveilles.
Contes pour les enfants tirés de la mythologie de Nathaniel Hawthorne, traduit par Léonce Rabillon
et illustré par Hengjing Zang.
p. 76LA PETITE FABRIQUE Réalise de magnifiques porcelaines dorées au pinceau.
p. 68TÉTRAS-DÉLIRETests et jeux or et doré.
p. 58L’AS-TU LU ? L’AS-TU BIEN LU ?
p. 62 DIS-M’EN PLUS
Ton dossier pour tout savoir sur l’or et la fascination des hommes pour cette matière précieuse de l’Antiquité à nos jours.
À pleines pages
p. 3À PLEINES PAGESLe Toucher d’or
Un conte de Nathaniel Hawthorne,illustré par Hengjing Zang.
Le roi Midas passe ses journées à contempler son trésor. Un jour, un mystérieux visiteur lui fait une étrange proposition...
p. 90 LIRE ET SORTIRDes pistes de lecture pour aller plus loin, des idées de sorties pour de nouvelles découvertes.
p. 82DU MONDE ENTIEREl choclo, l’or de Cuzco
Une légende péruvienne, illustrée par MÄ Harel.
Du même auteurtu peux lire :
Les autres contes du Livre des merveilles et ceux du Second Livre des Merveilles, pour découvrir toutes sortes de récits tirés de la mythologie et présentés avec beaucoup de fantaisie et de simplicité.
L’obsession du passéNathaniel perd son père très jeune, puis reste presque un an alité après une blessure à la jambe. Cette enfance très solitaire fait de lui un jeune homme timide, ayant peu d’amis, n’aimant rien mieux que de vivre près de sa mère dans le cocon familial. Très sensible aux récits du passé et aux contes qui ont marqué son enfance, il commence à écrire lui-même des contes tirés des légendes de son pays natal. Mais ses premiers re-cueils rencontrent peu de succès. Certains écrits sont même refusés par les éditeurs et Nathaniel pré-fère les brûler.
Les contes, une passion d’enfanceLongtemps, les écrits et articles de Nathaniel ne lui permettent pas de vivre. Marié, bientôt père de deux enfants, Una et Julian, auxquels s’ajoutera plus tard la petite Rose, Nathaniel tra-vaille dans les douanes quand il trouve enfin le succès en 1850 : il écrit son grand roman La Lettre écarlate, qui le rend célèbre. Salué désormais comme un grand romancier, il ne délaisse pas l’écriture des contes qui lui plaisent depuis l’enfance, parce que ce sont des histoires à ra-conter à haute voix. En 1852, il se lance dans l’écriture des Contes du Bois Touffu, qui pa-raîtront sous le titre de Livre des merveilles.
L’AUTEUR
Nathaniel Hawthorne
Le Livre des merveilles
L’ŒUVRE
Les histoires d’EustacheLe cousin Eustache raconte 6 histoires, qui mettent chacune en scène un héros de la mythologie grecque : Persée et la Gorgone ; Midas et le toucher d’or ; la boîte de Pandore ; Héraclès et les pommes d’or ; Philémon et Baucis ; Bellérophon contre la chimère.
À pleines pages
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illustration de Walter Crane pour Le Livre des merveilles
né en 1804, mort en 1864
La Lettre écarlate
brûle ses manuscrits « ratés »
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Créer une mythologie américaineAu XIXe siècle, les États-Unis sont encore une jeune nation de moins d’un siècle puisque leur Déclaration d’indépen-dance date de 1776. Sans passé antique, sans mythologie, les Américains cherchent à écrire leur propre histoire en se trouvant des héros, des hauts faits, des victoires, mais aussi en puisant dans les modèles antiques hérités de leurs racines européennes. Nathaniel Hawthorne n’échappe pas à ce mouvement. Il veut faire connaître aux jeunes Américains les légendes grecques. Ses récits sont faits pour frapper l’imagination de ses jeunes lecteurs. L’auteur n’hésite donc pas à ajouter aux mythes d’origine des personnages d’enfants auxquels les petits Américains peuvent s’identifier.
Des histoires dans l’histoireLe Livre des merveilles raconte les vacances d’automne d’une bande d’enfants, cousins et amis, dans une grande maison perdue dans les bois, Tanglewood. L’auteur situe l’histoire dans le Massachusetts et les enfants, s’ils portent des noms de fleurs comme des elfes, ressemblent tout à fait à de petits Américains de leur époque. Ils ne se gênent pas pour poser des questions et faire d’amusantes réflexions sur les histoires que leur raconte leur grand cousin, Eustache. Ce sont des récits tirés de la mythologie, qu’il a apprise pendant ses études. Cette manière d’emboîter des récits antiques dans l’histoire d’une bande d’enfants permet à l’auteur de rendre les mythes plus actuels. Le livre connut pour cela un immense succès auprès du public anglo-saxon.
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États-Unis
Nathaniel Hawthorne est considéré comme un des grands écrivains américains du XIXe siècle. Herman Melville, l’auteur de Moby Dick, lui dédicace son livre en 1851, « en gage de mon admiration pour son génie ».
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Le Toucher d’orLe Toucher d’or
Pendant les vacances de la Toussaint, une joyeuse bande de
cousins et d’amis est réunie à Tanglewood. Le cousin Eustache,
qui est étudiant, est chargé de surveiller les plus jeunes. Il est
toujours prêt à raconter une histoire.
Au milieu du jour, notre jeune et joyeuse bande
fit halte dans le creux d’un vallon, au fond
duquel coulait un petit ruisseau. Le vallon
était resserré, et ses flancs escarpés, à partir des bords
du ruisseau jusqu’au sommet de la colline, se cachaient
sous des touffes épaisses de verdure, dominées par des
massifs de noyers et de marronniers auxquels se mê-
laient quelques chênes et quelques érables. Le feuillage
de toutes ces branches entrecroisées, se mariant et se
confondant au-dessus de l’eau, donnait assez d’ombre
pour produire au cœur de l’été une sorte de crépuscule
en plein midi. Mais, depuis que l’automne avait pénétré
dans cette retraite mystérieuse, la sombre verdure que
nous venons de décrire avait pris un aspect doré, et, loin
d’obscurcir le vallon, semblait réellement l’éclairer de
ses brillantes nuances. On eût dit que ces feuilles, d’un
jaune éclatant, avaient retenu au milieu d’elles les rayons
du soleil, et qu’elles répandaient une teinte lumineuse
sur ce ruisseau dont elles jonchaient les bords. Ainsi,
bien que l’été eût fait place à l’air froid et aux journées
brumeuses, ce petit asile, ordinairement si ombreux,
paraissait tout inondé de lumière.
Le ruisseau serpentait dans son lit d’or, ici se reposant
pour former une petite mare où les ablettes s’ébattaient
joyeusement, là-bas poursuivant sa course, comme pressé
d’arriver au lac ; puis, se ralentissant tout à coup, il se
heurtait contre la racine d’un arbre avec un fracas et
des bouillonnements qui vous auraient fait rire, tant il
semblait se révolter contre cette digue inattendue ; cet
obstacle franchi, notre paisible ruisseau affectait des airs
de torrent, et se parlait à lui-même, comme émerveillé de
sa victoire. Mais bientôt, frappé de surprise en revoyant
sa sombre vallée maintenant si pleine de lumière, et en
1. Le ruisseau ombragé
Escarpé : abrupt, en pente raide.
Crépuscule : tombée de la nuit. Retraite : refuge.
Ablette : petit poisson d’eau douce aux écailles argentées.
Digue : barrage sur l’eau. Affecter des airs : se donner des airs.
Asile : refuge.
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Le Toucher d’or
entendant le babil d’un groupe si nombreux d’enfants,
il se hâtait de fuir pour aller se cacher au fond du lac.
Eustache Bright et ses amis avaient choisi le vallon
de Shadow-Brook pour faire leur dîner. Ils avaient ap-
porté de Tanglewood plein leurs paniers de friandises,
les avaient arrangées sur des troncs d’arbres ou des
branchages couverts de mousse, puis s’étaient livrés à
leur régal avec une joie bruyante. C’était vraiment une
délicieuse petite collation. La fête une fois terminée,
aucun d’eux ne se sentit disposé à s’éloigner.
« Nous allons nous reposer ici, dirent plusieurs enfants,
et, pendant ce temps-là, notre cousin Eustache nous
racontera quelqu’une de ses jolies histoires. »
Le cousin Eustache avait le droit d’être aussi fatigué
que ses jeunes camarades, car il avait exécuté nombre
de tours de force dans cette matinée mémorable. Dent-
de-Lion, Pâquerette, Primevère et Bouton-d’Or étaient
presque convaincus qu’il avait des sandales ailées sem-
blables à celles que les Nymphes donnèrent à Persée :
car l’écolier s’était bien souvent trouvé au faîte d’un
noyer, au moment où chacun le croyait encore à la place
Babil : bavardage enfantin.
Shadow-Brook : ce nom anglais signifie « ruisseau ombragé ».
Dans la mythologie grecque, les Nymphes étaient des divinités à l’apparence de jeunes filles représentant les forces de la nature. Elles fournirent à Persée un casque, des sandales ailées et une besace magique afin qu’il puisse trancher la tête de Méduse la Gorgone.Faîte : sommet.
Collation :repas léger, goûter.
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Le Toucher d’orLe Toucher d’or
qu’il venait d’occuper. Et quelle averse de noix il avait
fait pleuvoir sur leurs têtes ! si bien que leurs mains et
leurs paniers suffisaient à peine à la récolte. En un mot,
il avait déployé la vivacité d’un écureuil ou d’un vrai
singe ; et, s’étendant à présent sur les feuilles jaunes, il
semblait préparé à prendre un peu de repos.
Mais les enfants n’ont ni pitié ni merci pour la
fatigue des autres. Il ne vous resterait plus que le dernier
souffle, qu’ils vous demanderaient encore de le leur
sacrifier en leur contant une histoire.
« Cousin Eustache, s’écria Primevère, quel joli conte
que celui de la Tête de la Gorgone ! Croyez-vous que vous
pourriez nous en dire un autre qui fût aussi amusant ?
– Oui, mon enfant, répondit Eustache en rabattant le
bord de sa casquette sur ses yeux, comme s’il se disposait
à dormir ; je puis, si bon me semble, vous en conter une
douzaine de plus jolis encore.
– Oh ! Primerose, Pervenche, l’entendez-vous ? repartit
Primevère en sautant de plaisir. Cousin Eustache va
nous raconter une douzaine d’histoires plus amusantes
que celle de la Tête de la Gorgone !
– D’abord, je ne t’en ai même pas promis une
seule, petite follette ! dit-il d’un air à demi boudeur.
Pourtant je crois que je vais vous en chercher une.
Voilà l’inconvénient de s’être acquis une certaine
réputation ! J’aimerais mieux être moins spirituel, ne
pas avoir mis au grand jour la moitié des brillantes
qualités dont la nature m’a doué ; je pourrais au moins
me reposer tranquillement et faire mon petit somme
à mon aise. »
Mais le cousin Eustache, je crois vous l’avoir dit,
prenait grand plaisir à débiter ses histoires ; son esprit,
libre et heureux, se complaisait dans sa fécondité, et
n’avait besoin, pour se mettre à l’œuvre, d’aucune im-
pulsion étrangère.
Quelle différence entre cet entrain spontané de l’in-
telligence et l’activité forcée de l’âge mûr, alors que
le travail, peut-être rendu plus facile par l’habitude,
devient un soulagement nécessaire aux douleurs de la
vie ! Mais ce n’est pas pour les enfants que nous faisons
cette remarque.
Sans se faire prier davantage, Eustache Bright se
mit à raconter la magnifique histoire que nous allons
dire. Le sujet lui en était venu à l’esprit en plongeant
ses regards à travers le feuillage, et en observant
Gorgone : ce monstre décapité par Persée avait le pouvoir de changer en pierre toute personne qui le regardait (voir page précédente).
Merci : grâce, pitié.
Se complaire : trouver du plaisir à quelque chose.Fécondité : créativité, production abondante.
L’âge mûr : l’âge pleinement adulte.
Spirituel : intelligent et plein d’humour.