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SECRET ET HISTOIRE

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SECRET ET HISTOIRE

SECRET ET HISTOIRE

Qu’est-ce qui rend le passé secret ?

La censure est un exemple de cause de disparition d’informations…

… même si, dans ce cas précis, l’information ne disparait pas totalement.

On appelle « secret d’Etat » ces informations qu’un pouvoir souhaite cacher à tout

le monde ; cela se fait au nom de la « raison d’Etat » (intérêt supérieur du pays sur

l’intérêt de ses habitants).

17 octobre 1961, une manifestation en faveur de la fin de la guerre en Algérie est

violemment réprimée à Paris…

8 février 1962, une manifestation contre l’OAS voit de violents incidents avec la

police…

… par un étrange glissement mémoriel, les

deux événements tendent à se fondre

ensemble conduisant à une invisibilisation

de la manifestation la plus meurtrière et la

plus gênante pour le pouvoir en place.

On a donc la disparition de certains

événements de la mémoire collective

(notamment à travers les programmes

scolaires qui ne parlent pas de certains

événements). Par exemple, des manuels

scolaires de 1948 parlaient de

l’indépendance de l’Inde en 1947… mais

pas du tout de la période de la Seconde

Guerre mondiale en France.

Guingamp : Nuit du 16 au 17 février 2018

Des événements peuvent aussi disparaître de l’Histoire connue du fait de la disparition de sources (une sorte de « secret accidentel »)

L’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie fait partie de ces moments tragiques qui

ont fait disparaitre de nombreux ouvrages souvent uniques…

… Parfois les incendies ne sont pas qu’accidentels (exemple des archives sensibles

brûlées en 1914 et 1940 pour éviter qu’elles tombent aux mains des Allemands)

Aujourd’hui, on commence seulement à

s’inquiéter de la disparition des données

numériques car, bien souvent, peu a été

fait pour assurer leur préservation : dans

les services de l’Etat comme dans les

entreprises ou chez les citoyens.

SECRET ET HISTOIRE

Le passé est-il vraiment secret ?

Depuis l'avènement et le développement de la psychologie, les sociétés contemporaines ont compris les vertus thérapeutiques de la parole, du récit de soi à un autre. Dès le XIXe siècle cependant, des hommes et des femmes ont pour habitude de livrer le récit de leur vie personnelle à un directeur de conscience à qui l'on confie ses tourments intimes. On évoque avec lui ce dont on ne peut parler ailleurs : les secrets de l'âme et du corps. De son côté, le directeur doit guider sur la voie du progrès moral. Bien loin cependant de toujours se soumettre à cette exigence de progrès, hommes et femmes dirigés y voient une occasion de parler d'eux-mêmes et de s'observer, d'ouvrir une " chambre à soi " : les femmes y content les pesanteurs de la vie conjugale et domestique, les hommes leur difficulté à remplir leurs devoirs : se marier, entretenir une famille. Préoccupations morales et spirituelles, inquiétudes existentielles, désirs de liberté se lisent dans ces lettres qui portent bien souvent la mention " à brûler ".

Ces différents exemples montrent que,

par l’appui sur des sources diverses (et

parfois improbables), en croisant celles-

ci, les historiens et les historiennes

peuvent accéder à des choses très

intimes (univers de personnes

« anonymes » ; pensées) tout comme à

ce que les « grands » détenant le pouvoir

avaient tout intérêt à cacher au présent…

et parfois même au futur.

SECRET ET HISTOIRE

L ’Histoire conserve-t-elle encore des secrets ?

Une partie des secrets difficilement pénétrables par l’historien est liée à la

destruction ou à la non-existence des sources : sans celles-ci, difficile de savoir. Par

exemple, pour beaucoup de personnages historiques jusqu’aux trois derniers

siècles, on ne connaît pas toujours la date et le lieu de naissance, le déroulement

des premières années (personne n’a pris la peine de le consigner quelque part

puisqu’on ne pouvait pas savoir que le personnage deviendrait important).

Il se peut aussi qu’on se rende compte que les sources dont on dispose posent

problème (comme dans le cas de correspondance qu’on prend au premier degré

alors qu’il peut s’agir de formules codées disant tout autre chose). Ce secret n’est

pas toujours percé à jour… ce qui peut conduire à des interprétations erronées du

passé.

Dans ces périodes qui restent sombres, sont peu ou pas documentées et restent

pleines de secrets, peuvent s’engouffrer des personnes mues par des intérêts très

divers…

Les auteurs de romans historiques…

Les adeptes d’une histoire contrefactuelle (qui a sa traduction artistique avec

l’uchronie) qui cherchent à explorer d’autres futurs possibles (« non advenus ») pour

sortir d’une lecture téléologique de l’Histoire.

TV Programme (20 avril 2016)

Infos paranormal (9 juillet 2017)

Les fantasmeurs qui cherchent à démontrer des hypothèses un peu farfelues ou à

mettre à jour des lieux disparus… Et qui fatiguent quand même pas mal les

professionnels de l’Histoire…

Vous saviez bien sûr pourquoi Napoléon Ier a perdu à Waterloo ?

Les complotistes de tous poils pour qui un secret a été tendu par-dessus des vérités

historiques qui dérangent : c’est le prétexte à la remise en cause d’événements du

passé (cas du négationnisme par exemple) ou de théories scientifiques (théorie de

l’évolution de Darwin par exemple).

Les historiens William Blanc,

Aurore Chéry et Christophe

Naudin ont étudié le cas de ces

personnages médiatiques et

populaires (souvent invités dans

des émissions de grande écoute…

quand ils ne les animent pas).

Ils se retrouvent tous globalement

autour de l’idée qu’on cache la

vraie histoire, celle qu’on baptise

aujourd’hui du nom de « roman

national », une histoire fondée sur

quelques grands personnages qui

auraient fait la France telle qu’elle

est (ou supposée être). Cela les

conduit à défendre des idées très

marquées politiquement qui

seraient la vérité vraie face à des

tabous ou des secrets imposés par

les historiens universitaires.

La résolution d'un des plus grands mystères de l'Histoire : la guerre de Troie, grâce aux deux œuvres majeures de l'Antiquité, l'Iliade et l'Odyssée. Pour la première fois, Iman Wilkens développe la thèse que la guerre de Troie ne s'est pas déroulée au Proche-Orient mais en Angleterre et qu'Ulysse a voyagé non pas en Méditerranée mais en Europe du Nord et en Atlantique.

A force de subir, les

historiens de

profession (qui

travaillent donc sur

les sources… et ne

se contentent pas

d’en montrer juste

quelques-unes)

peuvent enrager ou

essayer de démonter

par l’humour le partis

pris de ces

« historiens de

garde ».

On est dans un

affrontement entre

professionnels vantant

leur expertise et

« pseudo historiens »

se présentant comme

les seuls valables car

n’étant pas

« poussiéreux » et

« ennuyeux ».

Note : le fameux

ouvrage pédagogique

était une suite de

double page consacrée

aux rois de France…

Cette idée qu’on cache aux Français la véritable Histoire de France est de plus en

plus partagée (retours fréquents de ces questions via les réseaux sociaux

notamment). Mouvement initié à droite et à l’extrême-droite, il convertit aussi d’autres

personnes qui pensent qu’effectivement tout était mieux avant, qu’on connaissait

mieux l’Histoire et que c’est la faute aux profs si tout ça s’est dégradé (les jeunes ne

connaissent plus les dates etc…).

Il faut dire que la classe politique instrumentalise sans cesse et de plus en plus

l’Histoire en la réécrivant selon ses intérêts (Mélenchon affirme que c’est la rue qui a

renversé Hitler…)

Les nouveaux programmes de lycée en Histoire acte un retour à ce roman

national : on y parle plus de la France, des événements politiques, des grands

hommes (qui sont très rarement des femmes), des bons Français (qui ne

viennent donc pas d’ailleurs). Au nom d’une lutte contre ce fameux secret qui

cacherait l’essentiel de leur histoire aux Français…