sciences cognitives philosophie(s) et epistémologie et ... · une forme de structuralisme...

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Philosophie(s) ET sciences cognitives La philosophie des sciences cognitives Epistémologie et sciences cognitives - 1er semestre 2017-2018 Alice DUPAS - ENS de Lyon [email protected]

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Philosophie(s) ET sciences cognitives La philosophie des sciences cognitives

Epistémologie et sciences cognitives - 1er semestre 2017-2018

Alice DUPAS - ENS de Lyon [email protected]

Séance Introductive - 19 septembre 2017

Eléments de logistique

❖ BLOG : vous pourrez trouver les textes lus et analysés en cours, ainsi que les slides des cours, sur le site suivant : https://sciencescognitives.wordpress.com

❖ MAIL : pour toute question, voici mon adresse mail : [email protected]

❖ PLANNING : 10 cours❖ PARTIEL : Date du partiel à définir.

Quelques citations liminaires sur les sciences cognitives- Andler D., 2004: “Les sciences (...) ont pour objet de décrire, d’expliquer et le cas échéant de simuler

les principales dispositions et capacités de l’esprit humain - langage, raisonnement, perception, coordination motrice, planification”.

- Imbert M., 2004 : “Par sciences cognitives, il faut entendre l’étude de l’intelligence, notamment de l’intelligence humaine, de sa structure formelle à son substratum biologique, en passant par sa modélisation, jusqu’à ses expressions psychologiques, linguistiques et anthropologiques. Cette caractérisation constitue en fait un programme de recherche; elle exprime la conviction que seule une association étroite entre sciences du cerveau, psychologie, linguistique, informatique, anthropologie et philosophie (…) peut apporter des réponses nouvelles, c’est-à-dire issues de recherches empiriques, aux questions traditionnelles concernant la nature de l’esprit humain ».

- Varela F., 1988 : Les Sciences cognitives = “L’analyse scientifique moderne de l’esprit et de la connaissance sous toutes ses dimensions”.

- Camus T., 2012 : « Les sciences cognitives constituent un ensemble de champs disciplinaires visant la compréhension et l’explicitation du même objet, à savoir l’esprit, mis en relation avec son substrat matériel, le cerveau. Depuis les années 50, l’intelligence artificielle a été le « cœur intellectuel » des sciences cognitives, donnant naissance au paradigme cognitiviste ».

-

Texte : Bly et Rumerlhardt, Cognitive Science, Préface. « Les sciences cognitives étudient les représentations mentales, les calculs mentaux ainsi que les systèmes physiques sous-jacents à ces processus. Les sciences cognitives incluent l’étude par la psychologie cognitive des processus intellectuels, mais bien d’autres choses encore. Elles portent aussi sur la manière dont le cerveau humain et d’autres systèmes, naturels ou artificiels, rendent possibles des comportements complexes qui dépendent d’états internes au système. Ces états et processus peuvent ne pas se prêter directement à des mesures, soit parce qu’aucun instrument ne peut y accéder, soit parce qu’ils ne sont pas en eux-mêmes équivalents à un état mesurable particulier de la matière ou de l’énergie. Un objet d’étude si intangible semble vouer à l’échec toute tentative de validation objective et même nous empêcher de placer les sciences cognitives dans le domaine des sciences empiriques. En fait, cela n’est pas le cas.

Suite du texte

Le succès de la science dans l’utilisation de mesures empiriques, afin de tester des prédictions détaillées à propos du monde, a mis l’accent particulièrement sur l’acte de mesure comme étant une caractéristique distinctive de la méthode scientifique. Mais le fait que des arguments scientifiques dépendent d’une mesure minutieuse ne signifie pas que la science dépend de la mesure seule ; en effet, cela n’est pas possible (…). La physique peut être pensée comme concernant seulement des mesurables et des mesures, mais bien sûr cela n’est pas vrai et ne l’a jamais été. Toutes les affirmations générales vont au-delà du simple fait brut, en ce qu’elles dépendent d’un langage et de concepts pour leur formulation même. C’est seulement que, dans le cas des Sciences Cognitives, on fait face à un problème doublement complexe en ce que l’objet de notre intérêt est l’instrument même de notre enquête scientifique : l’esprit lui-même ».

Le double problème des SC : objet et méthode

❏ Méthode : Les SC (sciences cognitives) sont-elles :- des sciences empiriques (physique, chimie, biologique, médecine, etc.)- des sciences théoriques ou formelles (mathématiques, logique, etc.)- des sciences humaines (histoire, géographie, anthropologie, philosophie,

linguistique, démographie, etc.)

❏ Objet : Qu’est-ce que l’esprit ?

Un aperçu non exhaustif des questions abordées dans le cours➔ Peut-on connaître et comprendre (scientifiquement) cet objet mystérieux qu’est

l’esprit ? (= risque du réductionnisme ?)➔ La pensée et la conscience transcendent-elles les processus neuronaux/le

cerveau/le calculable ? ➔ Les SC peuvent-elle étudier la conscience ? ➔ Qu’est-ce qui fait d’une science une science ? (= critères de scientificité) ➔ D’où proviennent les SC ? (= antérieures au XXe siècle)

Question sous-jacente à toutes ces questions : pourquoi mettre en lien les SC et la philosophie ?

Citations : définir ‘la philosophie des sciences cognitives’ / définir ‘les sciences cognitives’

- Andler, “Philosophie des sciences cognitives” : « Quoi qu’il en soit, la philosophie des sciences cognitives est un domaine proliférant, immense, aux frontières mal définies et poreuses : il est souvent difficile de dire si l’on y est encore, ou si l’on a gagné une autre branche de la philosophie, ou bien une province de la science positive”.

- Ander, “Philosophie des sciences cognitives” : « Les sciences cognitives se présentent comme un ensemble articulé de recherches visant à constituer une science de l’esprit »

L’interdisciplinarité des Sciences Cognitives

Citation : l’interdisciplinarité des sciences cognitives et le rôle de la philosophie

J-P Dupuy, Les savants croient-ils en leurs théories ?, p. 34 : « Sans la philosophie « cognitive », il y aurait des travaux en psychologie, en linguistique, en neurobiologie, en intelligence artificielle - et il n’y aurait pas de science de la cognition. C’est la philosophie qui réfléchit et systématise la ou les attitude(s) de base qui constituent le seul lien social à l’intérieur du domaine »

Un objet commun : l’esprit

● L’esprit = la cognition = toutes les formes de traitement de l’information (perception, mémoire, raisonnement, langage, etc.).

● “Traitement de l’information” = lié au paradigme initial des SC : le cognitivisme.

● Les SC = ensemble de champs disciplinaires visant la compréhension et l’explicitation du même objet.

Une démarche commune : la démarche scientifiqueToutes les disciplines des SC ont l’ambition de construire une explication scientifique du fonctionnement de l’esprit

⇒ revendication de scientificité :

- un savoir constitué- fondé sur des observations objectives et vérifiables expérimentalement- et sur des raisonnements rigoureux

⇒ Vers une théorie fonctionnaliste de l’esprit

Citation : le fonctionnalisme

Andler, “Philosophie des sciences cognitives” : « Le fonctionnalisme est une forme de structuralisme appliqué aux entités mentales. Il consiste à substituer à la question de la nature de ces entités une description de leurs rapports mutuels. Plus exactement, tout ce que nous avons à connaître d’états tels que les douleurs, les croyances, les désirs, les souvenirs, les regrets, les intentions, les projets, etc., ce sont les rapports qui existent entre eux, ainsi que les rapports qu’ils entretiennent avec les stimulations sensorielles et les mouvements ».

Une ou des question(s) fondamentale(s)

Si les SC veulent construire une science de l’esprit, comment peuvent-elles le faire ?

→ Quelles méthodes doivent-elles utiliser au regard de la spécificité de leur objet (l’esprit) ?

→ D’ailleurs, quel est cet objet dont les SC veulent faire la science ?

→ En définitive, comment parler des SC, tant elles sont hétérogènes et complexes?

Citation : définir les sciences cognitives Andler, “Les sciences cognitives dans le cours de philosophie. L’exemple de la conscience” : « Je juge quant à moi utile de cerner les sciences cognitives par trois côtés, en faisant converger : 1) une caractérisation historique : c’est un courant de recherche, la rencontre, historiquement située, d’un certain nombre d’idées ; 2) une caractérisation extensionnelle : on trouve, dans cette discipline, de la psychologie, de la logique, des neurosciences, de la philosophie, etc. ; 3) une caractérisation intensionnelle : les sciences cognitives se sont forgées autour d’une hypothèse maîtresse, en elle-même discutable, et aujourd’hui largement mise en question. Ici se pose une question philosophiquement intéressante : quel est le lien entre les sciences cognitives et cette hypothèse, sachant que celle-ci est aujourd’hui très largement contestée? »

Les 3 axes du cours

❏ Axe 1 : Épistémologie générale et sciences cognitives (quelle méthode ? quel critère de scientificité ?).

❏ Axe 2 : Philosophie de l’esprit et sciences cognitives (quel objet ? comment définir l’esprit ? l’esprit est-il le cerveau ?).

❏ Axe 3 : Philosophie cognitive et philosophie des sciences cognitives (quel(s) modèle(s) pour la cognition ? peut-on naturaliser la conscience ? = questions actuelles qui se posent dans le champ des SC).

Axe 1 : Epistémologie générale et sciences cognitives

Épistémologie ou Philosophie des sciences (= évaluer et comprendre la science)

Philosophie générale des sciences

Philosophie spéciale des sciences

philosophie de la biologie philosophie de la physique

philosophie des sciences cognitives

philosophie de la linguistique

philosophie des neurosciences

philosophie de la psychologie

philosophie de l’IA

philosophie de la médecine

Les grandes problématiques en épistémologie

❖ 1 - La syntaxe des théories : réflexion sur la nature et la structure des concepts et des théories scientifiques

❖ 2 - La sémantique des idées : réflexion sur l’objet, la portée et la signification des concepts et des théories scientifiques.

❖ 3 - La méthode scientifique ❖ 4 - Les limites et la valeur de l’entreprise scientifique

Les trois grands problèmes en philosophie générale des sciences que nous allons aborder1. Comment s’établit une science, comment progresse-t-elle ? → en

rupture, en continuité avec ce qui précède ? ⇒ analyse du concept de révolution scientifique.

2. Quels sont les critères qui font d’une discipline une science per se ? ⇒ analyse des enjeux éthiques notamment.

3. Quelle méthode doit-être utilisée en SC ? ⇒ Distinction entre sciences dures et sciences humaines + question de l’unité de la science.

Axe 2 : Philosophie de l’esprit et sciences cognitives

Qu’est-ce que l’esprit ?

Théorie de l’esprit (XVIIème siècle)

Philosophie de l’esprit (début XXe siècle) issue de la philosophie analytique

Philosophie de l’esprit

Philosophie cognitive

Clarification conceptuelle

Distinction ‘philosophie continentale’ / ‘philosophie analytique’

→ Philosophie continentale :

1) Énoncés = visions du monde 2) Problèmes philosophiques abordés à travers des moments historiques 3) Ambition = se demander pourquoi ces problèmes se posent

→ Philosophie analytique :

1) Énoncés = thèses claires et logiques 2) Insistance sur la rigueur et la cohérence logique des raisonnements et des conclusions 3) Ambition = résoudre un problème particulier, assez spécialisé et qui existe indépendamment de

toute historicité

Les questionnements autour de l’objet esprit

ESPRIT

Racines ?

Identité cerveau ?

Facultés ?

Axe 3 : Philosophie des sciences cognitives et philosophie cognitive; questions actuelles. ⚠ Il faut différencier :

1) Philosophie de l’esprit → parallèle (et antérieure) aux sciences cognitives, car s’occupent du même objet.

2) Philosophie des sciences cognitives = branche spécifique de l'épistémologie dédiée aux problèmes propres aux sciences cognitives → à l’extérieur des sciences cognitives.

3) Philosophie cognitive = discipline constitutive → à l’intérieur des sciences cognitives

Citation : le cognitivisme

Varela, Thompson, Rosch, L’Inscription corporelle de l’esprit, p. 73 : “« L’intuition centrale du cognitivisme est que l’intelligence - humaine comprise - ressemble tellement à la computation dans ses caractéristiques essentielles que la cognition peut en fait se définir par des computations sur des représentations symboliques ».

Les sciences cognitives - genèse → Les années 1930-40 = convergence :

1) Travaux de Turing2) Travaux de Neumann3) Cybernétique (Wiener)4) Théorie de l’information (Shannon)

→ Jusqu’aux années 1970 = pas de véritable discipline instituée. Puis rassemblement sous la bannière des sciences cognitives :

1) Institutionnel (revues et société savantes)2) Médiatique (manuels, ouvrages, centres)3) Théorique (cognitivisme)

Le rôle de la philosophie dans l’élaboration du paradigme cognitif ❖ Critique du behaviorisme = remise en cause des ses hypothèses fondatrices.❖ Unification des différentes disciplines autour du cognitivisme. ❖ La philosophie réfléchit et systématise les attitudes et théories proposées par les sciences

cognitives et elle accompagne, voire crée de nouveaux paradigmes en leur sein → cf extension de la cognition (intentionnalité, environnement, émotions, corps, conscience) pour aller peu à peu au-delà du paradigme cognitiviste.

❖ Elle ne prend rien pour acquis, elle questionne : - Quels sont les paradigmes alternatifs au cognitivisme ? - Jusqu’où peut-on connaître l’esprit ?- Peut-on et doit-on naturaliser l’esprit ?- Quels sont les enjeux éthiques que soulèvent notamment les neurosciences ? - etc.

Pour aller plus loin : bibliographie indicative ● Andler D. “Philosophie des sciences cognitives”, in Barberousse, Bonnay et Cozic, Précis de

philosophie, éd. Vuibert, 2011, pp. 519-571. ● Andler D., “Les sciences cognitives dans le cours de philosophie. L’exemple de la conscience”,

Intervention de Daniel Andler aux journées d’études de l’Acireph, Octobre 2002, disponible sur http://www.acireph.org/spip.php?article91.

● Andler D., Introduction aux sciences cognitives, Folio, 2004. ● Dortier J-F., Le Cerveau et la pensée, éd. Sciences Humaines, 2ème édition, janvier 2003. ● Dupuy J-P., Les Savants croient-ils en leurs théories ?, INRA éditions, 2000. ● Fodor J., The Language of Thought, Harvard University Press, 1980. ● Gardner H., Histoire de la révolution cognitive, éd. Payot, 1993. ● Pouivet R., Philosophie Contemporaine, éd. PUF, 2008. ● Salanskis J-M., “Philosophie et sciences cognitives”, Intellectica, 1993/2, 17. ● Varela, Thompson, Rosch, L’Inscription corporelle de l’esprit, éd. Seuil, 1999. ● Varela F., Invitation aux sciences cognitives, Seuil, 1997. ● Weil-Barais A., L’homme cognitif, PUF, 1993.