révolution technologique : les impacts sur l'emploi, les compétences, le travail ·...
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Révolution technologique :
les impacts sur l'emploi, les compétences, le travail
Marie-Claire Carrere-Gee,
présidente du Conseil d’orientation pour l’emploi
Contexte et objectifs des rapports du COE
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Contexte du rapport
Pourquoi cette interrogation?
• Une crainte ancienne et récurrente
• Un élargissement des domaines d’application de la robotique et de l’intelligence artificielle quireplace au cœur du débat public les inquiétudes autour d’un « futur sans emploi ».
Des études marquantes sur le risque d’automatisation
Un diagnostic partagé sur ces question est crucial pour définir des politiques publiquesadaptées.
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Le tome 1 : l'impact sur le volume, la structure et la localisation de l'emploi
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Objectifs du tome 1 du rapport
• Le débat est souvent mal posé
• Apprécier les effets de la diffusion des technologies d’automatisation et de numérisation:
sur le volume de l’emploi.
sur la structure de l’emploi.
sur la localisation de l’emploi, internationale et nationale.
• Deux approches distinctes:
Une revue de la littérature des travaux existants portant sur des données passées (travauxrétrospectifs) et une analyse des travaux prospectifs (notamment dans les branches).
Une étude réalisée pour le COE par le Secrétariat général.
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Le volume de l’emploi : résultats des études rétrospectives (1)
Le volume de l’emploi a augmenté à la suite des révolutions technologiques passées.
De nombreuses études empiriques ont cherché à évaluer, en France et à l’étranger, leseffets des dernières vagues d’innovations technologiques:
o La dernière vague d’innovations technologiques a été globalement favorable àl’emploi
o Ses effets sont néanmoins variables selon la nature des innovationstechnologiques (procédés ou produits) et le niveau d’analyse retenu (micro,sectoriel, macro).
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L'étude quantitative du COE : méthode et principaux résultats
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Focus sur l’étude : cadre et objectifs
• Plusieurs études récentes ont cherché à estimer le nombre d’emplois quipourraient être détruits dans un futur proche à cause du développement destechnologies d’automatisation et numériques:
• Résultats divergents et se focalisant uniquement sur les destructions d’emploi
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La méthode
Notre objectif : se baser sur des données individuelles, françaises et décrivant la réalitédu travail de chacun : l’enquête Conditions de travail (2013)
• Les questions de cette enquête que nous avons choisies permettent d’apprécier sicertaines tâches accomplies par le salarié sont, ou non, difficilement automatisables :flexibilité, capacité à résoudre des problèmes, interactions sociales, adaptabilité,perception
• Plus un emploi comporte de tâches automatisables, plus il sera vulnérable
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L’étude: les résultats globaux
% emplois exposés% emplois susceptibles
d’évoluer
Moins de 10 % Environ 50 %
• Moins de 10% des emplois cumulent des vulnérabilités qui pourraient en menacerl’existence dans un contexte d’automatisation : ce sont les “emplois exposés”
• La moitié des emplois existants pourrait voir son contenu notablement ou profondémenttransformé : ce sont les “emplois susceptibles d’évoluer”
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L’étude : les métiers exposés - qui sont-ils ?
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L’étude : les métiers exposés – quels sont les métiers « sur représentés » ?
FAP87 Intitulé de la famille professionnelle
% salariés
exerçant ce
métier dans le
total des
emplois
«exposés»
% salariés
exerçant ce
métier dans
l’emploi total
Coefficient de
sur-répresentation
E0ZOuvriers non qualifiés des industries de
process5,48% 1,08% 5,08
A0ZAgriculteurs, éleveurs, sylviculteurs,
bûcherons2,10% 0,47% 4,46
J0Z Ouvriers non qualifiés de la manutention 5,65% 1,37% 4,12
B3ZOuvriers non qualifiés du second oeuvre
du bâtiment2,25% 0,55% 4,10
T4Z Agents d'entretien 21,05% 5,44% 3,87
E1ZOuvriers qualifiés des industries de
process6,28% 1,66% 3,79
D4Z Ouvriers qualifiés de la mécanique 2,16% 0,58% 3,75
T1Z Employés de maison 2,89% 0,78% 3,72
B0Z
Ouvriers non qualifiés du gros oeuvre du
bâtiment, des travaux publics, du béton
et de l'extraction
3,06% 0,89% 3,45
D3Z Ouvriers non qualifiés de la mécanique 2,09% 0,73% 2,87
A1Z Maraîchers, jardiniers, viticulteurs 3,28% 1,17% 2,80
C1ZOuvriers qualifiés de l'électricité et de
l'électronique1,11% 0,41% 2,75
S1Z Cuisiniers 4,62% 1,69% 2,74
T0Z Coiffeurs, esthéticiens 0,65% 0,24% 2,69
B2ZOuvriers qualifiés du gros oeuvre du
bâtiment3,19% 1,20% 2,65
R0Z Caissiers, employés de services divers 2,88% 1,15% 2,50
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L’étude : les métiers susceptibles d’évoluer - qui sont-ils ?
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L’étude : les métiers susceptibles d’évoluer – quels sont les métiers« sur représentés » ?
FAP87 Intitulé de la famille professionnelle
% salariés exerçant ce métier
dans le total des emplois
«susceptibles d’évoluer»
% salariés exerçant ce
métier dans l’emploi total
Coefficient de
sur-répresentation
J4Z Agents d'exploitation des transports 1,03% 0,59% 1,75
S2ZEmployés et agents de maîtrise de l'hôtellerie et de la
restauration3,00% 1,71% 1,75
J3Z Conducteurs de véhicules 5,17% 3,05% 1,69
S0Z Bouchers, charcutiers, boulangers 1,14% 0,69% 1,67
T2A Aides à domicile et aides ménagères 3,74% 2,27% 1,65
K0Z Artisans et ouvriers artisanaux 0,53% 0,32% 1,64
R0Z Caissiers, employés de services divers 1,87% 1,15% 1,62
T0Z Coiffeurs, esthéticiens 0,39% 0,24% 1,61
D2Z Ouvriers qualifiés travaillant par formage de métal 0,95% 0,59% 1,61
J1Z Ouvriers qualifiés de la manutention 3,31% 2,08% 1,59
B1ZOuvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de
l'extraction0,52% 0,33% 1,55
F1Z Ouvriers qualifiés du textile et du cuir 0,29% 0,19% 1,54
S1Z Cuisiniers 2,59% 1,69% 1,53
T3Z Agents de gardiennage et de sécurité 2,19% 1,44% 1,52
A1Z Maraîchers, jardiniers, viticulteurs 1,76% 1,17% 1,50
T1Z Employés de maison 1,15% 0,78% 1,49
T4Z Agents d'entretien 7,62% 5,44% 1,40
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Effets des technologies d’automatisation et de numérisation sur le
volume d’emploi: un potentiel de créations d’emplois
• Un potentiel de création d’emplois d’une double nature:
Des créations directes d’emplois, en lien avec la production de technologies
Des créations d’emplois indirectes en lien notamment avec:
l’émergence d’innovations de produits ou de services.
une amélioration de la compétitivité coût et hors coût permettant degagner des parts de marché à l’étranger.
des effets d’entrainements supplémentaires dans les secteurs abrités.
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Effets des technologies d’automatisation et de numérisation sur la
structure de l’emploi : résultats des études rétrospectives
•Une modification de la structure de l’emploi en France depuis les années 1980, à relier pourpartie à la diffusion de technologies d’automatisation et numériques:
Une évolution de l’emploi qui a surtout profité aux plus qualifiés.
Un progrès technique qui joue surtout en défaveur des tâches « routinières ».
•Une profonde évolution des métiers en lien avec la diffusion des nouvelles technologies :
Une complexification généralisée des métiers.
Un essor des compétences transversales cognitives, sociales et situationnelles.
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Effets des technologies d’automatisation et de numérisation sur la
structure de l’emploi : résultats des études prospectives
Et pour la suite :
•Une modification de la structure de l’emploi qui devrait continuer à bénéficier d’abord auxplus qualifiés
•Une poursuite de la complexification des métiers avec un essor à la fois de compétencescognitives transversales – cognitives, sociales et situationnelles– et de compétences techniquesnouvelles.
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Effets des technologies d’automatisation et de numérisation sur la
localisation de l’emploi à l’échelle internationale
• Quelle influence des technologies numériques sur les stratégies d’implantationdes entreprises ?
Une réduction des coûts de coordination favorable à des délocalisations
Une transformation des modes de production pouvant conduire à privilégier laproximité avec les fournisseurs, les clients finaux et les viviers de travailleurs qualifiés
• Depuis les années 1980, des délocalisations de tout ou partie de fonctions desentreprises facilitées par les TIC
Mais l’automatisation dans la production industrielle et dans les services peut réduirel’intérêt des délocalisations
Des relocalisations encore peu nombreuses en France et concentrées sur les territoiresurbains ou disposant d’un écosystème industriel structuré et innovant.
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Effets des technologies d’automatisation et de numérisation sur la
localisation de l’emploi à l’échelle nationale
• Au niveau national, des technologies favorables à la concentration des activitésdans les grandes aires urbaines
• Un effet multiplicateur : créations d’emplois induits dans les services qualifiés etpeu qualifiés
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Le tome 2 : l'impact sur les compétences
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Objectifs du rapport
• La révolution technologique, c’est aussi une révolution des compétences
• Les objectifs :
Identifier les « compétences de demain »
Apprécier l’état actuel des compétences de la population active française à l’aune de cesnouveaux besoins
• La méthode :
la littérature économique
une étude du COE sur les compétences des Français, en mobilisant pour cela des donnéesde l’enquête PIAAC
enquête auprès des OPCA
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Le diagnostic : quels besoins en compétences?
Il ressort de ses analyses que trois groupes de compétences devraient être bien plus mobilisées dans une économie numérisée :
des compétences expertes dans les nouvelles technologies;
des compétences techniques nouvelles en lien avec la recomposition à attendre d’environ 50% des emplois ;
et, pour tous les actifs, une augmentation du besoin de compétences dites « transversales », cad des compétences numériques générales, des compétences cognitives et des compétences sociales et situationnelles
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Le diagnostic : le cas des compétences transversales
Le COE a réalisé une étude pour apprécier l’impact de la diffusion des technologiesnumériques au travail sur les compétences effectivement demandées aux travailleurs :
Champ et méthode de l’étude : Enquête PIAAC de l’OCDE : 4 500 personnes en emploi en France On observe l’écart de mobilisation des compétences des personnes selon l’intensité
d’utilisation des technologies numériques
Quelles compétences transversales ? Trois types : cognitives, sociales, situationnelles 8 compétences étudiées : littératie, numératie, capacité à résoudre les problèmes,
travail en équipe, intelligence sociale, autonomie, capacité d’apprendre à apprendre
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Le diagnostic : le cas des compétences transversales
L’étude du COE montre que :
Dans un environnement numérisé, la fréquence de sollicitation des compétences transversales est élevée ;
Cette fréquence est croissante avec l’intensité de numérisation ;
Cela vaut pour tous les niveaux de qualification (y compris les peu et non qualifiés) ;
Cela vaut aussi quel que soit l’âge ;
Cela se vérifie également pour l’ensemble des familles professionnelles ;
Cela vaut pour l’ensemble des compétences transversales, notamment pour les compétences cognitives : l’écart de sollicitation entre un environnement non numérisé et un environnement très numérisé atteint 94 % pour la numératie et 54 % pour la littératie.
Le diagnostic : le cas des compétences transversales
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Le cas français : les compétences expertes et techniques
Le Conseil montre que, pour ces trois groupes de compétences qui seront bien plus mobiliséesdans une économie numérisée, leur niveau de maîtrise en France doit progresser, rapidement etpour un nombre très important d’actifs .
•une pénurie significative et croissante de compétences expertes dans les nouvelles technologies:
•pour environ 50% des actifs actuellement en emploi et dont l’emploi va se transformer, il existeun besoin très important de compétences techniques nouvelles, certaines en lien direct avec lestechnologies, d’autres non :
Les réponses des branches : une hybridation confirmée des métiers
Les données LinkedIn : l’exemple des vendeurs (5% des actifs utilisateurs de LinkedIn etdéclarant posséder des compétences « tech » sont des vendeurs).
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Le cas français : les compétences transversales
•Une part significative de la population active devra rapidement acquérir ou faire progresser sescompétences dites « transversales » (compétences numériques générales, cognitives, sociales etsituationnelles) :
• S’agissant des compétences numériques générales, 8% des actifs sont en difficulté et 27%pourraient progresser pour disposer de meilleurs atouts.
• S’agissant des compétences cognitives, l’étude COE montre que 13% des actifs en emploisont en difficulté et 30% pourraient progresser pour disposer de meilleurs atouts :
Un risque de maîtrise insuffisante qui n’est pas corrélé au niveau de qualification
Un risque en revanche variable selon l’âge : le cas des seniors
• Des compétences sociales et situationnelles seront également un attendu pour la majoritédes emplois.
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Propositions partagées
• Le Conseil propose les grands axes d’une stratégie globale d’évolution descompétences dans le cadre de la révolution technologique
• Une méthode rénovée dans le cadre d’un « Grenelle des compétences »
• Plusieurs axes de changement pour nos systèmes d’éducation, de formationprofessionnelle, d’orientation et de certification
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Le tome 3 : l'impact sur l'organisation du travail et les situations de travail
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Les situations de travail : il n’y a pas de déterminisme technologique
Dimensions Contenu et sens du travail Environnement physique et spatio-temporel
Opportunités
- Intérêt du travail
- Sens du travail
- Plus grande autonomie de décision
- Plus de collaboration et de transmission
d ’ information verticalement et
horizontalement
- Baisse de la pénibilité physique et de la charge
cognitive: soutien physique ou cognitif
- Plus grande flexibilité dans les configurations
spatio-temporelles de travail
- Meilleur équilibre avec vie privée
Risques potentiels - Perte d’autonomie
- Perte de sens
- Déqualification (fragmentation du travail)
- Déstabilisation continuelle des postes de
travail
- Utilisation de données personnelles à des fins
de contrôle
- Déplacement de la pénibilité physique
- Charge mentale ;
- Renforcement des contrôles ;
- Isolement ;
- « Déshumanisation » ;
- « Invasion » du travail dans sphère privée
- Isolement
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Dans la réalité : plus d’intérêt, de complexité, d’intensité
• L’étude quantitative réalisée par le Conseil démontre que, plus les salariés français travaillentdans des univers numériques, plus leur travail devient en moyenne, à la fois, intéressant,complexe et intense
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L’organisation du travail: il n’y a pas, non plus, de déterminisme technologique
Opportunités Risques
Pratiques néo-tayloriennes
Codification des tâches et
segmentationAmélioration des coûts et des délais Rejet des personnes, insuffisance des compétences des salariés
Contrôle et évaluation de la
performanceIdentification des temps improductifs, pilotage intelligent,
amélioration permanente
Climat de défiance, comportements de détournement, risques de difficultés de
recrutement
Externalisation des tâches
standardiséesRéduction des coûts de la recherche ; accès à des
compétences expertes;Perte de contrôle sur la qualité et les délais
Renouveau de la rémunération à la
performanceMaintenir la motivation et l’implication avec des gains de productivité directs attendus
Climat de défiance, risque de difficultés de recrutement
Pratiques post-tayloriennes
Eclatement du temps et du lieu de l’entreprise et ouverture
Externalisation et entreprise étendue Compétitivité ; réactivité ; Dépendance vis-à-vis des partenaires ; perte de contrôle sur les délais et la
qualité
Open innovationRéduction des dépenses en R&D ; veille dans un
contexte incertainPeu d’innovations radicales ; volatilité des startup (partenariats risqués)
IntrapreuneuriatCaptation des innovations internes ; maintien de la
motivationConcurrence au sein des équipes ; dysfonctionnements
Aplatissement et assouplissement
Organisation horizontale Réactivité ; productivité augmentée Déstabilisation des managers et perte d’efficacité
Mode projetCompétitivité ; flexibilité dans la gestion dans la main
d’œuvreMauvaise coordination ; perte de productivité
Méthodes agilesRéduction du risque d’échec ; meilleure satisfaction du
clientDéstructuration des procédures
Participation des salariés
Démarches participativesCapitaliser sur l’expertise de ses salariés,
responsabiliser et maintenir la motivation
Gestion de la frustration en cas de rejet ou de non-retour sur les idées
proposées
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Dans la réalité : plutôt des organisations souples
•Dans la réalité, pour la majorité des entreprises, l’utilisation des technologies va actuellement trèsnettement de pair avec des organisations du travail plus flexibles (étude COE). Ce sont dont, plutôt,les logiques post-tayloriennes que tayloriennes qui l’emportent
Comparaison de la part d’établissements mettant en place certains dispositifs organisationnels « flexibles » selon leur degré de numérisation
Lecture : La proportion des établissements ayant mis en place des équipes autonomes parmi les établissements présentant un degré de numérisation élevé est 2,6 fois supérieure à cette même proportion dans l’ensemble des établissements peu numérisés.