rt-03

145

Upload: smileluggage

Post on 03-Oct-2015

37 views

Category:

Documents


2 download

DESCRIPTION

penal mediation

TRANSCRIPT

  • LA MDIATION PNALEEN FRANCE ET

    AUX TATS-UNIS

    Jean-Pierre Bonaf-Schmitt

  • 1998 Jean-Pierre BONAF-SCHMITTSrie publie par le Rseau Europen Droit et Socit la Maison des Sciences de lHomme,

    54, boulevard Raspail, Bureau 106, 75270 Paris Cedex 06Directeurs de la publication : Andr-Jean ARNAUD et Jacques COMMAILLEDiffusion : Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence, 31, rue Falguire,75741 Paris Cedex 15I.S.B.N. 2-7351-0722-1 (M.S.H.) 2-275-01657-0 (L.G.D.J.)I.S.S.N. (en cours)

  • Remerciements

    Le prsent ouvrage est tir dune recherche finance par le ProgrammePluriannuel en Sciences Humaines Rhne-Alpes. Ce travail a pu tre ralisgrce laide apporte par Mark Umbreit de lUniversit du Minnesota pourla partie comparative aux tats-Unis et Nicole Schmutz, Rjane Bonaf-Schmittet Daniel Jullion pour la collecte des donnes en France. Je tenais aussi remercier Herv Hissiger pour le traitement informatique des donnes.

    Mes remerciements vont galement tous les acteurs impliqus dans larecherche, qui nous ont accord des entretiens et apport leur aide et plusparticulirement les mdiateurs du Citizen Council de Minneapolis, dAIVGrenoble et dchirolles.

    J.-P. BONAF-SCHMITT

  • Table des matires

    Introduction ....................................................................................................... 7

    Premire partieLA MDIATION PNALE EN FRANCE

    Chapitre 1. Mdiation et politique pnale ................................................ 131. La mdiation, vers une nouvelle politique pnale ?................................... 132. La mdiation, un autre mode de rgulation sociale ?................................. 163. Les logiques de mdiation ......................................................................... 20

    Chapitre 2. Linstitutionnalisation de la mdiation................................ 291. Des premires expriences linstitutionnalisation de la mdiation.......... 292. Les formes de mdiation pnale ................................................................ 38

    2.1 La mdiation dlgue ....................................................................... 382.2 La mdiation retenue.......................................................................... 51

    Chapitre 3. Le projet de mdiation pnale dAIV Grenoble................... 671. Un peu dhistoire ....................................................................................... 672. La procdure de mdiation ........................................................................ 763. Les parties la mdiation pnale............................................................... 824. La nature des affaires traites en mdiation............................................... 865. Les rsultats des mdiations ...................................................................... 91

    Deuxime partieLE MOUVEMENT DU VICTIM-OFFENDER MEDIATION

    Chapitre 4. Le mouvement Victim-Offender Mediation ................ 1031. Le contexte historique ............................................................................. 1042. Les premiers projets de mdiation pnale................................................ 1073. Lorganisation du mouvement Victim-Offender Mediation .................... 1104. Lvaluation des programmes de mdiation ............................................ 114

    Chapitre 5. Le programme de mdiation du Citizen Council ............ 1211. Lactivit du Citizen Council................................................................... 1212. Les parties la mdiation pnale............................................................. 1283. La nature des affaires traites en mdiation............................................. 1304. Les rsultats des mdiations .................................................................... 133

    Conclusion..................................................................................................... 139

  • 7Introduction

    En France, la mdiation en matire pnale est un phnomne rcent, si lonse rfre aux expriences nord-amricaines, car les premiers projets sont appa-rus au milieu des annes 1980, alors quil est de coutume de dater la premireexprience canadienne en 1974 1. Mais la mdiation ne se limite pas simplementau domaine pnal, cette forme de rsolution des conflits se dveloppe aussi dansle secteur de la famille, la consommation, le travail,... 2. Aux tats-Unis, cemouvement dexprimentation deviendra un vritable phnomne social auxformes multiples que lon dsignera sous le terme dAlternatives DisputesRsolution (ADR) 3. Pour analyser ce phnomne, on dispose maintenant duncertain recul, la cration de la premire exprience de mdiation Columbusdans lOhio aux tats-Unis datant de 1969. Pour comprendre le renouveau de lamdiation on ne peut se limiter analyser le dveloppement des modes non-juridictionnels de rglement des conflits comme une simple rponse desdysfonctionnements de linstitution judiciaire dont les effets les plus visiblessont lencombrement des rles des juridictions, la lenteur, la complexit, leformalisme et le cot des procdures... Au del de cette analyse trsfonctionnaliste, nous pensons que la crise actuelle de la justice ne rsulte pas desimples dysfonctionnements de linstitution judiciaire mais reprsente lune desfacettes de la crise gnralise de lensemble des mcanismes de rgulationsociale : famille, quartier, cole... 4.

    La mdiation ne reprsente pas une simple alternative la justice , cestun phnomne plus profond qui traduit non seulement, une recomposition desrapports entre ltat et la socit civile en matire de gestion des conflits, maisaussi une volution de nos socits vers une plus grande complexit. Pour com-prendre le renouveau de la mdiation dans les annes soixante-dix, des deuxcts de lAtlantique, il nest plus possible dutiliser un mode de pense binaire,comme on le fait souvent quant on dfinit la mdiation comme une alternative

    1. PEACHEY D., The Kitchner experiment in Mediation and Criminal Justice, Martin

    Wright, Burt Galaway, ditors, 1989, Sage Publications, Londres.2. Sur cette question cf. BONAFE-SCHMITT J.-P., La mdiation une justice douce Syros-

    Alternatives, Paris, 1992 ; PERRIN J.-F., WIDMER P. (sous la direction de), La mdiation unmode alternatif de rsolution des conflits, Publications de lInstitut suisse de droit compar,19, Genve, 1992, 384 p. ; SIX J.-F., Le temps des mdiateurs, Seuil, 1990, 280 p ;GUILLAUME-HOFNUNG M., La mdiation. PUF, Que Sais-Je, n 2930, 128 p.

    3. GOLBERG S., GREEN E., SANDER F., Dispute Resolution Little Brown and Company, Boston,1985.

    4. BONAFE-SCHMITT J.-P., Une esquisse dtat des lieux de la mdiation , Le GroupeFamilial, n 125/1989.

  • 8la justice. La situation est plus complexe car la mdiation reprsente une formehybride, un nouvel espace intermdiaire entre les modes judiciaires et non judi-ciaires de gestion des conflits, et plus largement elle participe la recomposi-tion des rapports entre le public et le priv.

    La mdiation est, en elle-mme, un phnomne complexe car aussi bien enFrance quaux tats-Unis, il ny a pas un modle, mais des modles de mdia-tion qui traduisent dune certaine manire les diffrentes logiques qui sont loeuvre dans chaque pays. Parmi toutes les formes de mdiation, cest dans ledomaine pnal, que se cristallisent le mieux ces diffrentes logiques, que ce soitcelles mises en oeuvre par les tats, ou que ce soit celles prnes par les acteursde la socit civile. En ce qui concerne, les logiques tatiques, il existe dessimilitudes dans la recherche par les tats, en France comme aux tats-Unis,dune certaine instrumentalisation de la mdiation pour grer le contentieuxpnal, den faire en quelque sorte un outil de laction publique. En revanche, ilexiste des diffrences notables entre les deux pays en raison de lexistence desystmes de tradition socio-juridique diffrents, dun ct la France, pays mar-qu par une tradition de droit crit, de lautre les tats-Unis, pays de CommonLaw. On ne peut, en effet, apprhender la place et le rle jou par les diffrentesinstances de mdiation sans se rfrer au modle de rgulation sociale dve-lopp par chaque pays. Le systme franais repose sur des instruments de rgu-lation centraliss, fonctionnant sur un modle hirarchique, faisant appel uneconception du droit trs rglementaire, alors que le systme amricain seraitplus dcentralis et contractuel 5. Il existe aussi des diffrences notables entreles modles franais et amricain dintgration sociale, travers ce que lonappelle le modle universaliste ou rpublicain et le modle diffren-tialiste ou communautaire 6.

    Depuis la fin des annes soixante-dix, ces deux modles de rgulationsociale sont en crise et lmergence de la mdiation sinscrit dans les profondesrecompositions qui sont en gestation au sein de nos socits. Nous sommesencore dans une priode de transition, et il est impossible daffirmer que la crisede nos socits doit sinterprter comme le passage une autre tape de la mo-dernit ou bien quelle marque une rupture avec une entre dans le post-moder-nisme. Sans entrer dans ce dbat entre modernistes et post-modernistes nous partageons le point de vue de certains auteurs qui voient dans le dvelop-pement de ce nouveau mouvement de la mdiation dans tous les domaines dela vie sociale, un instrument de transformation politique de nos socits 7.Lanalyse du phnomne de mdiation ne peut tre rduite, ni une simpletechnique de gestion des conflits utilise par les tats pour tendre leur contrlesocial, ni lapparition dun nouvel acteur, le mdiateur, sur le march de la

    5. CROZIER M., Le mal amricain, Fayard, 1980.6. SCHNAPPER D., La France de lintgration. Sociologie de la nation en 1990, NRF-Gallimard,

    Paris,1991, Paris ; TODD E., Le destin des immigrs ; Assimilation et sgrgation dans lesdmocraties occidentales, Seuil, Paris, 1994.

    7. BECKER T., Conflict and paradox in the new American mediation movement status quo andsocial transformation , Journal on Dispute Resolution, Vol. 1986.

  • 9gestion des conflits. La mdiation reprsente aussi un nouveau mouvementsocial, une nouvelle forme daction commune impliquant une recomposition desrapports entre ltat et la socit civile, entre rapports marchands et non mar-chands, entre sphre publique et sphre prive,... 8 La mdiation sinscrit dansces activits et structures intermdiaires de gestion des conflits que lonvoit merger depuis le dbut des annes soixante-dix et qui traduisent une vo-lution vers un plus grand pluralisme des systmes de rgulation sociale en rai-son de la complexit de plus en plus grande de nos socits.

    8. GIRAUD C., Laction commune, LHarmattan, Paris, 1993.

  • Premire Partie

    LA MDIATION PNALE EN FRANCE

  • 13

    Chapitre 1

    Mdiation et politique pnale

    En France, le phnomne de la mdiation pnale constitue une trs bonneillustration en ce qui concerne lanalyse des enjeux et des contraintes rencon-tres dans la mise en uvre des politiques pnales au cours de ces derniresannes. Lorsque lon se rfre aux discours des professionnels de la rgulation,on constate que la mdiation constitue un enjeu non ngligeable, en effet que cesoient les magistrats, les policiers, ou les travailleurs sociaux, tous dclarentlutiliser comme mode de rglement des conflits. En les prenant au mot, onserait tent de penser que nous sommes entrain de vivre une mutation en ma-tire de gestion des conflits, qui nous ferait passer dun modle rpressif unmodle plus consensuel. Nous serions donc entr depuis quelques annes, selonPierre Truche, sur la voie dune autre justice dune justice diffrente, dunejustice non violente mais tout en soulignant que cette forme de justice nestpas une justice admise par tous 1. Ainsi, ct de la justice violente , lamdiation serait-elle simplement porteuse dune nouvelle idologie de la pacifi-cation sociale ou dun nouveau projet de socit ? 2.

    1. La mdiation vers une nouvelle politique pnale ?

    Laissant de ct les discours et analysant la pratique, on sapercevra que lasituation est plus complexe. Dans un article rcent, Mireille Delmas-Martyavance lide de lvolution de nos socits vers un pluralisme juridique et noussommes tent dajouter que nous progressons aussi vers un pluralisme judiciaireet plus largement vers une pluralit de modes de rgulation sociale. Ainsi ctdes modes juridictionnels, coexisteraient les diffrentes formes de mdiation etde conciliation, de mdiation-arbitrage, de jugement-conciliation en raison delinterpntration de diffrents modes de rsolution des conflits. limage de latypologie propose par Michel Van de Kerchove, on verrait coexister des mo-

    1. Intervention de Pierre TRUCHE, Procureur Gnral prs la Cour dAppel de Paris in tats

    Gnraux de la Mdiation , Grenoble 10-11/4/1992, INAVEM, AIV Grenoble, p. 36.2. LE ROY E., La mdiation, mode demploi , Droit et Socit n 29/1995.

  • 14

    des rtributifs , rparateurs , protecteurs et conciliateurs , de rso-lution des conflits 3.

    De la punition la rparation

    Cette hypothse se vrifie surtout en matire pnale o lon assiste, depuis ledbut des annes soixante-dix, une modification graduelle de nos politiquespnales, avec un glissement progressif dun modle ax sur la punition versun modle plus orient vers la rparation 4. Pour dfinir ces volutions, cer-tains auteurs parlent de modle pnal intgration sociale 5 ou de politiquecriminelle participative 6 mais quelles que soient les dnominations, cespolitiques reposent sur lidologie de linsertion sociale, de la prvention et lindividualisation de la solution rpressive et de la participation commu-nautaire luvre judiciaire 7.

    Les diffrentes formules de mdiation pnale semblent participer cettevolution de la politique pnale, vers des modles plus consensuels de ges-tion des conflits, en faisant appel la participation active des auteurs et des vic-times dinfractions dans la recherche de solutions leur conflit, avec laide demdiateurs. Dun autre ct, la mdiation pnale constituerait aussi un outil deredfinition des fonctions sociales de la justice dans la mesure o elle per-mettrait de prendre en main des litiges qui ne sont pas traduits en justice ou pastraits par lappareil judiciaire 8. Le discours sur la mdiation nest pas uni-voque, et il existe tout un courant critique sur la mdiation et plus gnralementsur tous les modes informels de rglement des litiges, qui sont prsentscomme des formes dextension du contrle social, de net widening pourreprendre lexpression anglo-saxonne 9.

    La mdiation pnale une alternative la justice ?

    Contrairement une ide reue, la mdiation ne peut pas tre prsentecomme une alternative la justice, car la situation est plus complexe en raison

    3. VAN DE KERCHOVE M., Mdiation et lgislation in La mdiation un mode alternatif de

    rsolution des conflits , in PERRIN J.-F., WIDMER P. (sous la direction de), La mdiation unmode alternatif de rsolution des conflits , op. cit.

    4. FAGET J., Justice et travail social. Le rhizome pnal, Ers, Toulouse, 1992 ; MESSMER H.,OTTO H. (ditors), Restorative Justice on Trial. Pitfalls and Potentials of Victim-OffenderMediation-International Reserch Perspectives, Kluwer Academic Publishers, Doredrecht,Boston, London.

    5. DELMAS-MARTY M., Modles et mouvements de politique criminelle, Economica, Paris,1983, cit par FAGET J., Justice et travail social. Le rhizome pnal op. cit.

    6. LAZERGES C., La politique criminelle, PUF, Que Sais-je ?, Paris, 1987 cit par FAGET J.Justice et travail social. Le rhizome pnal, op. cit.

    7. ROULAND N., Aux confins du droit, ditions Odile Jacob, Paris, 1991.8. FAGET J., La mdiation pnale, une dialectique de lordre et du dsordre Dviance et

    Socit Vol.17, n 3/1993 p. 231.9. ABEL R., Rglement formel informel des conflits analyse dune alternative , Sociologie du

    Travail, n 1/1981 ; SCHWARTZ I., PREIZER L., Diversion and juvenile justice inMESSMER H., OTTO H. (ditors), Restorative Justice on Trial. Pitfalls and Potentials ofVictim-Offender Mediation-International Reserch Perspectives , op. cit. p. 283.

  • 15

    de linterpntration des modes de rgulation sociale 10. En effet, la grandemajorit des mdiations en matire pnale, sont en fait des mdiations judiciai-res qui sont sous-traites par les parquets des associations daide aux victimesou de contrle judiciaire. De mme, les magistrats, quils soient du parquet oudu sige comme les juges pour enfants, sont de plus en plus nombreux reven-diquer la fonction de mdiateur, comme en tmoigne lexprience des Maisonsde Justice et du Droit ou des Antennes de Justice.

    Quelles sont les raisons de ce renouveau de la mdiation, de la cration deces circuits de drivation 11. Il existe de nombreuses explications de typefonctionnaliste visant prsenter la cration de ces instances extra-judiciairescomme la consquence de laccroissement du contentieux de masse en matirepnale, mais nous ne pensons pas quelles soient pertinentes. Selon nous, cetteanalyse en terme de dysfonctionnement, ne permet pas de voir que la criseactuelle de linstitution judiciaire nest quune des facettes de la crise gnrali-se des mcanismes de rgulation sociale 12. Dans le pass bon nombre de liti-ges taient rguls au sein de la famille, du quartier, de lentreprise ou par desautorits morales comme le maitre dcole, le cur, le maire, mais les phnom-nes dindustrialisation, durbanisation, de mobilit sociale, dimmigration, lesmutations socio-conomiques ont mis mal ces lieux ou structures de socialisa-tion et de rgulation comme en tmoignent les phnomnes de violence dans lesbanlieues 13. Il ne sagit pas pour nous davoir une vision nostalgique du sermondu cur, de la baguette du matre dcole, ou encore de la claque du paterfamilias, mais de nous poser la question de la cration de nouveaux lieux desocialisation et de rgulation. Les vnements de Vaulx en Velin, dix ans aprsceux des Minguettes, sont venus nous rappeler sur fond d meutes urbaines ,non seulement la gravit de la crise de nos modes de rgulation sociale, maisaussi les limites des politiques traditionnelles en matire sociale.

    En resituant le renouveau de la mdiation, dans ce contexte de crise desmcanismes de rgulation sociale, nous sommes donc loin du dbat juridico-centriste prn par ceux qui considrent que la mdiation ne serait pas unesolution alternative rinvente par la socit civile mais vritablement uneforme juridique prvue dans le droit tatique et se rapprochant de linstitutionde la transaction telle quorganise par larticle 2044 du code civil 14. Lamdiation, ce nest pas simplement une technique de gestion des conflits, unealternative la justice, cest un autre mode de rgulation sociale qui est porteurdun autre modle, pour ne pas dire idologie, de rsolution des conflits.

    10. BONAFE-SCHMITT J.-P., La mdiation une justice douce, op. cit.11. SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE, Au nom du peuple franais, Stock, 1974.12. BONAFE-SCHMITT J.-P., La mdiation une justice douce, op. cit.13. DUBET F., LAPEYRONNIE D., Les quartiers dexil , Seuil, Paris, 1992.14. FAGET J., La double vie de la mdiation , Droit et Socit, n 29/1995.

  • 16

    2. La mdiation un autre mode de rgulation sociale

    Cest depuis le dbut des annes 70 que lon peroit le plus les cons-quences de leffondrement des structures intermdiaires entre lEtat et la socitcivile, car la justice est de plus en plus amene intervenir pour rguler desconflits. Or linstitution judiciaire nest plus mme de traiter ce contentieux demasse, il suffit pour sen convaincre de se reporter pour lanne 1995, aux 5191 255 crimes, dlits et contraventions de 5me classe, qui ont t transmisaux parquets et dont 4 161 926 ont t classs sans suite 15.

    Sans entrer dans une discussion statistique, il est incontestable quune frac-tion importante de ces affaires ont t classes sans suite, dune part parce quelauteur ntait pas identifi et que surtout bon nombre dentre elles ne consti-tuaient pas des infractions pnales au sens strict. Leur rsolution relevait plusdun traitement social que dune action judiciaire classique et cest pour cetteraison que lon ne peut pas prsenter linstauration de la mdiation pnale,comme une simple mesure de gestion de flux daffaires. Une telle vision deschoses ne nous permettrait pas dapprhender un autre phnomne, celui delvolution de nos politiques pnales, du modle de la punition vers celui dela rparation . On ne mesure pas encore tous les effets de ce changementqualitatif, en raison des phnomnes de rsistance au sein de linstitution judi-ciaire, mais aussi lextrieur en raison de la toute puissance de la culture du judiciaire , de la punition .

    La mdiation pnale, du modle conflictuel et punitif au modle consensuel et rparateur

    Depuis le dbut des annes soixante-dix, un certain nombre de rformes sontintervenues comme par exemple, le contrle judiciaire, lindemnisation des vic-times, le travail dintrt gnral (TIG), la mdiation, lajournement de peine.Ces rformes marquent une volution des politiques pnales traditionnelles,bases sur le modle de la sanction, avec le prononc de peines privatives delibert et/ou pcuniaires. Derrire ces rformes, on voit se profiler, dune ma-nire encore assez floue un autre modle de justice, une justice restaura-tive 16. Nous sommes encore loin de linstauration dune vritable justicerestaurative, mais les derniers textes sur la mdiation pnale et la rparation endirection des mineurs, sinscrivent dans cette volution vers un modle plusconsensuel de gestion des conflits.

    On ne peut ignorer que jusquici, les politiques pnales avaient surtout mislaccent sur le trouble commis lordre public, sur la sanction de lacte commispar lauteur de linfraction et sur ses possibilits damendement. Il est un faitque la compensation du prjudice subi par la ou les victimes, le trouble commis 15. MINISTRE DE LA JUSTICE. Sous Direction de la Statistique des tudes et de la

    Documentation, Les chiffres-cls de la Justice-octobre 1996, p. 15.16. MESSMER H., OTTO H. (ditors), Restorative Justice on Trial. Pitfalls and Potentials of

    Victim-Offender Mediation-International Reserch Perspectives, op. cit.

  • 17

    la communaut, les ventuelles propositions de rparation du mis en causentaient pas au centre de laction pnale.

    Cest dans le cadre du procs pnal, que lon mesure le mieux les effets dumodle de la justice punitive qui dpossde les parties de leur conflit et ceciau profit exclusif de ltat. Au cours de la procdure, elles sont reprsentes parleurs avocats, les audiences sont vides de toute motion par lutilisation dunrituel judiciaire, dun langage cod, de classifications lgales 17. Dans bonnombre de cas, en raison de la publicit donne aux dcisions, les magistratssattachent plus faire ressortir lexemplarit de la peine qu sen tenir auxintrts particuliers des parties en conflit, afin de dissuader les auteurs poten-tiels de commettre de telles transgressions de lordre public.

    Avec les nouvelles politiques pnales, on assisterait une inversion de ten-dance avec une place plus grande accorde la victime, notamment en matiredindemnisation de son prjudice avec la Commission dindemnisation des vic-times (CIVI). Il en est de mme avec les mis en cause, travers les textes sur lamdiation et la rparation, qui en font des acteurs part entire dans la rgula-tion des conflits. Ces nouveaux textes introduisent une modification importantedans le droulement du processus pnal traditionnel, car ils restituent aux par-ties le pouvoir de ngocier la solution leur conflit dans la mesure o le m-diateur ne dispose daucun pouvoir pour trancher le diffrend ou imposer sadcision aux parties 18.

    Avec ces nouveaux textes, on assiste une forme de privatisation duprocessus pnal car la rparation du prjudice devient laffaire directe des par-ties et non plus celle de ltat. Les discussions entre les deux parties ont lieudirectement, sans lintervention dintermdiaires, ce qui permet une meilleureprise en compte, non seulement de la souffrance endure par la victime maisaussi des propositions de rparation de la part du mis en cause.

    Ce phnomne ne se limite pas simplement aux expriences de mdiationextra-judiciaires mais il touche aussi linstitution judiciaire comme en tmoignele texte sur lajournement de peine aux fins dindemnisation des victimes oltat, dune certaine manire, abandonne son privilge de rparation au profitde celui de la victime 19. Mais cette privatisation de laction pnale ne doitpas faire illusion car elle demeure sous le contrle troit des magistrats notam-ment ceux du Parquet, en vertu de leur pouvoir de classer ou dengagerdventuelles poursuites en fonction des rsultats des mdiations. Malgr cetencadrement judiciaire, il est indniable que lintroduction de la mdiationconstitue un changement notable dans le fonctionnement de la justice pnale 20.

    17. DAVIS G., Making Amends. Mediation and reparation in criminal justice, Routledge, London

    and New York, 1992.18. BONAFE-Schmitt J.-P., La mdiation une justice douce, op. cit.19. BLANDIN-ESTOURNET C., Lajournement indemnisation victimes au Tribunal de Grande

    Instance de St tienne Essai dvaluation de linfluence dune pratique judiciaire nouvelle,mmoire de 3e anne Licence sociologie, Universit Lyon II, 1989.

    20. ZEDER F., La mdiation pnale phnomne marginal ou prometteur ?, mmoire DEA,1990,Universit Paris 1 ; ROJARE S., La participation du public la politique criminelle lexemple

  • 18

    La mdiation pnale un autre mode de rgulation des conflits

    La mdiation pnale, en raison de sa mise en uvre dans la majorit des caspar le Parquet, est souvent rduite une simple modalit de lexercice delaction publique, qui sinscrirait entre les classements sans suite et les poursui-tes. Actuellement, les Parquets sont amens pour de multiples raisons, classersans suite un certain nombre daffaires, ce qui a pour consquence daccrotre lesentiment dinscurit des victimes et celui dimpunit des mis en cause. Cestpour essayer de remdier cet tat de fait, que les Parquets se sont montrs lesplus fervents dfenseurs des expriences de mdiation et de rparation.

    Cette vision instrumentale de la mdiation ne permet nullement dapprhen-der la mdiation, comme un autre modle de rsolution des conflits. Si lonrduit le phnomne de la mdiation, une simple technique de gestion desconflits, on ne peut pas comprendre que son dveloppement marque une tapedans lactuelle recomposition des modes de rgulation sociale. Lhistoire mon-tre que ltat a toujours cherch accrotre son monopole en matire dergulation des conflits en dpossdant les structures intermdiaires de leur rletraditionnel en la matire. Ce constat est surtout vrai en matire pnale, oltat, pour mettre fin aux diffrentes formes de justice prive a monopolis son profit la violence lgitime pour mettre fin aux conflits.

    Or, au cours de ces dernires annes, on assisterait un renversement detendance, car travers les expriences de mdiation, ltat chercherait conc-der une partie de son pouvoir de grer les conflits des structures non-judi-ciaires. Bien que le processus de mdiation se droule le plus souvent sous lecontrle troit des magistrats, cela na pas empch des esprits chagrins de voirdans ces mesures une privatisation de laction pnale Ces critiques oublienttrop vite que le monopole de ltat en matire de rgulation pnale, lchellede lhistoire de nos socits nest quun phnomne rcent et que ltatisationde la justice pnale ne fut jamais complte et quil a toujours exist ct delaction publique, des initiatives prives en matire de gestion des conflits denature pnale 21.

    En favorisant le dveloppement des expriences de mdiation, ltat cher-che favoriser limplication de ce que lon appelle dune manire confuse, lasocit civile ou encore les communauts 22. En matire pnale, ltat sest plusparticulirement tourn vers le mouvement associatif en mobilisant les associa-tions daide aux victimes et de contrle judiciaire, ou dans linfra-pnal en sou-tenant des expriences de mdiation de quartier impulses par des ConseilsCommunaux de Prvention de la Dlinquance (CCPD).

    La politique volontariste de ltat ne doit pas faire illusion et il faut avoir enmmoire que les changements en cours interviennent un moment o le mou-vement associatif connat une profonde crise. Le plus souvent ces associations

    de la participation des associations la variante de mdiation,, Centre de Recherche dePolitique Criminelle (CRPC), Paris, 1989.

    21. ROULAND N., Aux confins du droit, ditions Odile Jacob, Paris, 1991.22. BONAFE-SCHMITT J.-P., La mdiation une justice douce, op. cit.

  • 19

    sont soutenues bout de bras par ltat, au moyen dune politique de subven-tions, tmoignant ainsi de la fragilit de ce mouvement dexprimentation. Enmettant surtout laccent sur les mdiations judiciaires, on peut se poser la ques-tion de savoir si ltat ne se trompe pas de cible, car il sagit moins de grer uncontentieux que dinsuffler du social en reconstituant de nouveaux lieux dergulation, de socialisation dans les quartiers.

    Mais ceci ne doit pas occulter la ralit des changements, en effet, il con-vient de rappeler que dans le systme pnal traditionnel, laccent tait surtoutmis sur le trouble lordre public, sur les infractions une lgislation, sans quesoit vraiment pris en compte, sinon dune manire abstraite, le trouble directcr la communaut. Si nous insistons sur la dimension communautaire, cestsimplement pour montrer que la survenance dune infraction ne lse pas sim-plement des intrts individuels mais a aussi des rpercussions sur lenviron-nement direct en favorisant la diffusion dun sentiment dinscurit. En mettantlaccent sur la communaut, il ne sagit pas de promouvoir une quelconque jus-tice communautaire langlo-saxonne, mais de souligner que celle-ci, dans lecadre de la mdiation, joue un rle direct, non seulement travers linterventiondes mdiateurs, mais aussi en favorisant la rinsertion du mis en cause en sonsein et non son exclusion (par lemprisonnement ou linterdiction de sjour) ousa stigmatisation (le casier judiciaire) comme dans le cas des procdures pna-les traditionnelles.

    partir de l, on constate que la mdiation repose sur un autre paradigmede la gestion des conflits, en offrant non seulement, la possibilit au mis encause de rparer le prjudice commis, mais aussi en favorisant sa rintgrationdans la communaut, par lintermdiaire du processus de mdiation dontlobjectif premier serait la reconstitution du lien social. Dans le cadre des exp-riences de mdiation judiciaire actuelle, nous sommes encore loin de laccep-tation de ce nouveau paradigme de la gestion des conflits, car laccent est sur-tout mis sur lindemnisation de la victime et le rappel la loi.

    En matire de mdiation pnale, la rparation ne se confond pas aveclindemnisation, et elle ne devrait nullement tre perue comme une sanction,mais comme une modalit de rinsertion du mis en cause dans la communaut.En labsence dune telle rupture, la mdiation ne demeurera quune des moda-lits de laction publique et les formes de rparation, ne reprsenteront quunesanction accessoire, dans le cadre des procdures pnales traditionnelles. Cestsurtout dans les discours des acteurs que lon retrouve le plus clairement affir-me lopposition entre les deux logiques, car dun ct, il y a ceux qui mettenten avant les notions de violation de lordre public, de droits, de peine alorsque les mdiateurs parleraient de souffrance, de rinsertion, de rparation, denouvelles relations 23. La procdure judiciaire traditionnelle en se focalisantsur le trouble public, et accessoirement sur les atteintes lintgrit physique ouaux biens ne prend pas en compte la dimension psychologique, sociale, des

    23. FINEMAN M., Dominant discourse, professional language, and legal change in child custody

    decision making , Harvard Law Review, Vol. 101 n 4/1988.

  • 20

    troubles causs aux victimes en particulier et plus gnralement la commu-naut 24.

    Contrairement aux procdures pnales, la mdiation na pas pour objet dedterminer les responsabilits, car cela implique de revenir sur le pass, derechercher des fautes, mais plutt de mettre laccent sur la construction de nou-velles relations. Le processus de mdiation permet de rendre aux parties le pou-voir de grer leur conflit, et en accordant une large place la rencontre desparties, loralit des dbats, elle favorise lexpression directe des sentiments,lchange sur les causes des conflits. Cest seulement travers la rencontredirecte des parties que pourra se construire lchange rparateur, et dune cer-taine manire la reconstitution du lien social. La mdiation sapparente unvritable rituel, fait dinteractions, permettant de resituer le conflit dans soncontexte et danalyser les causes profondes de celui-ci sans tre tenu par lesrgles formelles de la procdure, et de favoriser la mobilisation de solutionsalternatives faisant appel lusage, lquit 25.

    Le processus de mdiation est particulirement adapt pour les litiges oppo-sant les parties qui se trouvent dans des relations continues comme en matirefamiliale ou de voisinage. Dans ce type de conflit, il sagit moins de savoir qui araison ou tort mais de construire de nouvelles relations entre les parties. Or lamdiation, en impliquant les parties dans la recherche dune solution, permet dertablir la communication entre elles et par l-mme dattnuer les tensionsexistantes. Une fois la communication rtablie, le processus de mdiation per-met de favoriser un rapprochement des points de vue et de parvenir au mieux une rconciliation des parties ou tout au moins la reconstitution de nouvellesrelations pour lavenir.

    3. Les logiques de mdiation

    Il ny a pas une logique, mais des logiques de mdiation et il nest pas tou-jours ais de les analyser car la mdiation, comme tout phnomne social, vo-lue, et leur classification en idal-types, pour reprendre la terminologie wbe-rienne, se rvle tre un exercice prilleux. Il serait tentant davancer que lamdiation constitue une alternative la justice mais dans la pratique la situationest plus complexe en raison de linterpntration des modes de rgulationsociale. Ceci est dautant plus vrai quil existe une confusion conceptuelle entrece que nous appelons les instances de mdiation et les activits de mdiation.Cette confusion traduit, dune certaine manire, la fois la crise de notre sys-tme de rgulation sociale et les difficults de lmergence de la mdiation,comme nouveau mode de rglement des conflits.

    24. DAVIS G., Making Amends. Mediation and reparation in criminal justice, op. cit.25. BONAFE-SCHMITT J.-P., La mdiation du droit impos au droit ngoci ? in Droit ngoci,

    droit impos ?, GRARD P., OST F., VAN DE KERCHOVE M., (sous la direction), Publicationdes Facults Universitaires Saint Louis, Bruxelles, 1996, 695 p.

  • 21

    En France, la mdiation pnale, avec le vote de la loi du 4 janvier 1993, sortde la clandestinit et acquiert en quelque sorte une lgitimit juridique quilui faisait dfaut jusquici. Cette reconnaissance ne sest pas faite du jour aulendemain, car il a fallu attendre prs de 10 ans, aprs lapparition des premi-res expriences, pour que le lgislateur reconnaisse la mdiation pnale.

    Les activits de mdiation

    En matire de mdiation pnale, comme dailleurs dans les autres champs dela mdiation, on ne peut pas vraiment parler dune logique tatique, mais deslogiques tatiques, en raison de la multiplicit des expriences soutenues pardes Ministres aussi diffrents que celui de la Justice, de la Ville, de lIntrieur,des Affaires Sociales... Cette confusion est accrue en raison du phnomne demode car la mdiation ne constitue pas encore un mode autonome de rsolutiondes conflits, elle ne reprsente quune technique de gestion des conflits, uneactivit accessoire pour bon nombre de professionnels, ce qui explique unecertaine confusion entre les activits de mdiation et les instances de mdiation.Les policiers, les travailleurs sociaux sans oublier les magistrats dclarent rali-ser des mdiations au cours de leur activit professionnelle. Sil est vrai que cesprofessionnels ont des activits de mdiation, cest dire quils utilisent lestechniques de la mdiation pour la rsolution des conflits, en revanche ce nesont pas des instances de mdiation ou des mdiateurs.

    Les activits de mdiation de la police travers les politiques dlotage, les missions de police-secours, les poli-

    ciers sont amens jouer de facto une mission de mdiation sociale notammentlorsquils interviennent sur des conflits, qualifis le plus souvent, pour repren-dre leurs catgories, de rixes ou encore de diffrends 26. Cest pour cette der-nire catgorie qui oppose le plus souvent les membres dune famille ou desvoisins que les fonctionnaires de Police sont amens jouer un rle de mdia-tion.

    Au cours dune recherche sur les appels au 17-Police-Secours , nousavions pu constater que les quipages de Police-Secours, lors dinterventionssur des diffrends familiaux, procdaient ce que nous avons appel des mdiations-rustiques 27. Au cours de ce type dintervention, les fonctionnai-res de police entendent sparment les parties en conflit et essaient de trouverune solution provisoire au conflit, solution qui se concrtise le plus souvent parlacceptation par le mari de quitter le domicile pour la nuit, ou bien le dpart dela femme qui va passer la nuit chez un parent ou une amie. Ce typedintervention se termine le plus souvent par une simple mention en main-cou-rante avec la formule-type avons invit la femme dposer plainte .

    Lanalyse des mains-courantes tend montrer que ces mdiations-rusti-ques reprsentent une part non ngligeable de lactivit policire qui aboutis-sent des sortes de classement sans suite de nature policire. Sil est incon- 26. Sur cette question cf BONAFE-SCHMITT J.-P., SCHMUTZ N., BONAFE-SCHMITT R. Linscurit

    la crise des mcanismes de rgulation sociale, GLYSI/Universit Lyon II, 1989 p. 209.27. Ibidem.

  • 22

    testable que le policier a une activit de mdiation, en revanche ce nest pas unmdiateur, comme il nest pas non plus un travailleur social . Notre proposnest pas de remettre en question lactivit de prvention de la police, maisdviter une confusion dans les rles qui risquerait de brouiller, non seulementdes identits professionnelles, mais aussi des repres parmi la population.

    Les activits de mdiation des magistratsDans le domaine pnal, le Ministre de la Justice et plus particulirement la

    Direction des Affaires Criminelles travers les Parquets, a jou un rle majeurdans le dveloppement des expriences de mdiation pnale. Confront lagestion dun contentieux de masse, le Ministre de la Justice ne pouvait resterinsensible cette situation et il a favoris lexprimentation de nouvelles formesde gestion des conflits.

    Si les premires expriences de mdiation pnale, linitiative de magistratsde Parquet sont apparues au milieu des annes quatre-vingt, cest surtout la finde celles-ci que lon a vu fleurir un certain nombre dinitiatives en matire degestion de laction pnale. Nous citerons pour mmoire les Maisons de Justiceet du Droit (MJD) et les Antennes de Justice mais aussi toute une srie deprocdures comme lajournement de peine aux fins dindemnisation des victi-mes, les diffrentes formes de classement sous condition de rparation oudindemnisation des victimes, qui sont prsentes, souvent tort, comme desformes de mdiation 28.

    Si les magistrats, notamment ceux du Parquet dans les Maisons de Justice,ont une activit de mdiation, ce ne sont pas en revanche des mdiateurs 29. Ilserait prfrable de parler de classement sous condition dindemnisation desvictimes ou encore de conciliation afin dviter toute confusion avec les mdia-tions ralises dans les instances de mdiation.

    Les mdiations effectues par les membres du Parquet posent un certainnombre de problmes dontologiques, notamment dans les cas o le mme par-quetier qui aura ralis une mdiation avec une personne, sera amen engagerune poursuite avec la mme personne pour une autre affaire. Cette dualit defonction contribue aussi brouiller tous les repres, notamment pour les jeunesdes quartiers o sont implantes les Maisons de justice, car si le parquet joue aumdiateur, qui va faire le rappel la loi ? Cette question aurait d tre rsolueds 1992 avec la publication de la note dorientation de la Chancellerie quisoulignait que le mdiateur ne saurait tre le magistrat du parquet qui dcidedes poursuites ou des non-poursuites, mais un professionnel ou un bnvole,franais ou tranger, rpondant des conditions dontologiques trs stric-

    28. Sur cette question cf. DOURLENS C., VIDAL-NAQUET P., Lautorit comme prestation. La

    justice et la police dans la politique de la Ville. CERPE, 1993 189p ; WYVEKENS A.,Lanalyse de lactivit des Maisons de Justice et du Droit du Tribunal de Grande Instance deLyon. ERPC, Universit de Montpellier I, 1995, 119 p.

    29. MOINARD M., Projet Maison de Justice Participation de linstitution judiciaire auprogramme de dveloppement social des quartiers du Val dOise. Pontoise, doc. rono.1990.

  • 23

    tes 30. Si cette note a amen les MJD de lagglomration lyonnaise recruterdes magistrats honoraires pour effectuer les mdiations pnales, dans dautres,comme celles de la rgion parisienne, les membres du Parquet, ont continu exercer une activit de mdiation. Le vote de la loi de 1993 sur la mdiation p-nale et la publication de son dcret dapplication du 10 avril 1996 na toujourspas mis un terme ces pratiques bien quil soit mentionn dune manire expli-cite que le mdiateur ne doit pas exercer des activits judiciaires titre pro-fessionnel 31. Ce principe a t rappel dans une circulaire du Ministre de laJustice en date du 19 mars 1996 qui souligne que le mdiateur ne doit en aucuncas tre un magistrat et que cest essentiellement au sein de structures asso-ciatives, habilites par la Justice et spcialises dans laide aux victimes, dansle contrle judiciaire, dans la mdiation de quartier, ou dans des mdiationsspcifiques, que cette mesure est mise en uvre 32. Conscient des difficultsde la mise en uvre de cette mesure, le Ministre de la Justice dans sa circulairea prvu une priode de transition dans les sites o la mdiation pnale nestactuellement faite que par des magistrats, il convient de ngocier progressive-ment la mise en uvre dune dlgation de cette mission aux structures ou per-sonnes habilits dans la mesure o elles auront bnfici dune formationadapte .

    la suite de la publication de cette circulaire, la situation semblerait volueravec le recours des dlgus du Procureur de la Rpublique, comme dans lesMJD du Val dOise, qui seraient chargs deffectuer les mdiations pnales. Sila mise en uvre du dcret est encore trop rcente pour que lon puisse en me-surer les consquences en matire de droulement des mdiations au sein desMJD, le dcret prsente au moins le mrite dapporter un dbut de clarificationsur les distinctions entre la mdiation et les diffrentes formes de classementsous condition.

    Les activits de mdiation des ducateursLa mise en uvre dune politique de mdiation en direction des mineurs par

    la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse illustre parfaitement ceque nous disions propos de la pluralit des logiques tatiques, aveclexistence, au sein dun mme Ministre, de deux politiques en matire de m-diation.

    Pour ceux qui connaissent le fonctionnement interne du Ministre de la Jus-tice, ce phnomne nest pas isol, en raison de lexistence dune traditiondindpendance entre les grandes Directions. Chaque Direction veille prser-ver son pouvoir et ses prrogatives et cest pour cette raison quen matire demdiation pour les mineurs la Direction de la Protection Judiciaire de la Jeu-nesse (PJJ) a insist sur la spcificit de celle-ci, notamment sa dimension du- 30. MINISTRE DE LA JUSTICE Direction des Affaires Criminelles et des Grces, note

    dorientation, Un mode dexercice de laction publique les classements sous condition et lamdiation en matire pnale, octobre 1992.

    31. Cf. Art. D.15-4 du dcret du 10 avril1996 (Journal Officiel du 12 avril 1996).32. MINISTRE DE LA JUSTICE Direction des Affaires Criminelles et des Grces, circulaire

    n CRIM-96-5/E5-19/3/1996, Politique Judiciaire de la ville Zone urbaines sensibles accs au droit traitement de la dlinquance .

  • 24

    cative. Ceci explique qu lorigine, la Direction de la PJJ ait parl de mdia-tion-rparation, car lobjectif assign tait avant tout de permettre au jeune derparer le prjudice quil a commis, mais aussi par cet acte de se rparer 33

    En mettant laccent sur une dmarche ducative, il tait naturel que les ma-gistrats sadressent en priorit aux services ducatifs prs des tribunaux pourraliser les mdiations. Dans la pratique, les premires expriences, commedans le cas des magistrats, sapparentaient plus une activit de mdiationvisant la mise en uvre de mesures de rparation. Trs vite, le terme de m-diation qui apparaissait dans les documents prparatoires, a t abandonn auseul profit de la notion de rparation dans le texte final vot par le Parlement.Celui-ci prvoit que le Procureur de la Rpublique, la juridiction charge delinstruction de laffaire ou la juridiction de jugement ont la facult de propo-ser au mineur une mesure ou une activit daide ou de rparation lgard dela victime ou dans lintrt de la collectivit. Toute mesure ou activit daideou de rparation lgard de la victime ne peut tre ordonne quaveclaccord de celle-ci 34.

    Cette volution semble positive car les mesures de rparation seront le plussouvent mises en uvre par les services de Protection Judiciaire de la Jeunesse(PJJ) et on peut considrer, juste titre, que les mesures de rparation sins-crivent dans les missions des services de la PJJ 35. En revanche, on ne pouvaitpas en dire autant de la ralisation de mdiations par les ducateurs, car leurstatut et le sens profond de leur mission ne sont pas compatibles avec la fonc-tion de mdiateur.

    Les instances de mdiation

    En distinguant les activits de mdiation des instances de mdiation, nousvoudrions insister sur la spcificit de la mdiation comme un mode de rgula-tion des conflits. En dfinissant la mdiation comme tant un processus leplus souvent formel, par lequel un tiers impartial tente travers lorganisationdchanges entre les parties de permettre celles-ci de confronter leurs pointsde vue et de rechercher avec son aide une solution au conflit qui les oppose ,nous voudrions souligner que cest la qualit et la nature de lintervention dutiers qui permettent de distinguer lactivit de mdiation de linstance de m-diation.

    Au vu de cette dfinition, la mdiation implique que celle-ci soit ralise parun tiers, impartial, indpendant et comptent dont le rle se limite aider lesparties trouver une solution. Or lactivit principale de bon nombre de profes-sionnels de la rgulation des litiges, quils soient magistrats, policiers, tra- 33. GENAY M., La mdiation-rparation pnale. Association du Prado, Bordeaux, 1991, doc.

    rono. ; MINISTRE DE LA JUSTICE Direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, Lesexpriences de mdiation-rparation en matire pnale lgard des mineurs, 1990,2 volumes.

    34. Art. 12-1 de lordonnance du 2 fvrier 1945 modifi par la loi n 93-2 du 4 janvier 1993.35. BRAHINSKY C., Les mesures de rparation ordonnes par lautorit judiciaire lgard des

    mineurs dlinquants dans le sud-est de la France . Centre du Droit de la Famille, UniversitJean Moulin-Lyon III, 1993, 97 p.

  • 25

    vailleurs sociaux constitue un obstacle ce quils soient mdiateurs. Ces res-trictions ne veulent nullement dire que ces professionnels ne puissent exercerleur fonction principale dans un esprit de mdiation ou quils aient recours auxtechniques de mdiation.

    Les logiques qui sous-tendent laction des structures de mdiation sontdiverses et labsence de recherche en la matire ne facilite pas leur connais-sance. Si la grande majorit des expriences de mdiation ont t mises en place linitiative de magistrats, il existe aussi un certain nombre dexpriences quiont t cres par des Conseils Communaux de Prvention de la Dlinquance.Dans la pratique, la situation est complexe car les logiques daction peuventvarier dun projet un autre ce qui rend difficile toute tentative de catgorisa-tion ou dlaboration dune typologie des projets de mdiation. Ainsi ChristineLazerges sest livr un essai de classification des procdures de mdiation endistinguant la mdiation-conciliatrice, la mdiation-conciliatrice sous contrlejudicaire et la mdiation-conciliatrice socitale sans contrle judiciaire 36. Deson ct, Jacques Faget nous propose une autre typologie avec le modle auto-nome-communautaire, le modle autonome-professionnel, le modle lgal-com-munautaire et enfin le modle lgal-professionnel 37.

    Les mdiations para-judiciaires une logique de sous-traitanceEn France, la confusion conceptuelle entre activit et instance de mdiation

    sexplique essentiellement par ltat actuel de dveloppement de cette nouvelleforme de rsolution des conflits. Dans notre pays, linverse des expriencestrangres de mdiation, ce sont le plus souvent les associations daide aux vic-times, de contrle judiciaire, sous limpulsion du Ministre de la Justice et deleurs organisations respectives lINAVEM (Institut National dAide aux Victimeset de Mdiation) et le CLCJ (Comit de Liaison des Associations de ContrleJudiciaire) qui ont pris en charge les affaires de mdiation transmises par lesParquets.

    Il sagit donc de mdiation dlgue , car les affaires sont sous-traites leplus souvent par les Parquets qui conservent le contrle du processus de mdia-tion, en raison de leur pouvoir de classer sans suite ou dengager dventuellespoursuites en fonction des rsultats des mdiations. Il nest gure surprenantque les premires expriences de mdiation aient eu lieu dans ce typedassociation car elles rpondaient une vision instrumentale de la mdiationperue, soit comme une forme dindemnisation du prjudice subi par les vic-times prises en charge par les associations daide aux victimes, soit comme unmoyen de rinsertion des auteurs dinfraction pour les associations de contrlejudiciaire.

    Au fil des annes, sous limpulsion des partisans de la mdiation au sein desassociations daide aux victimes ou de contrle judiciaire, comme Aide Infor-mations aux Victimes Grenoble ou ACCORD de Strasbourg, la situation semblevoluer dans le sens dune plus grande structuration de la mdiation avec la 36. LAZERGES C., Essai de classification des procdures de mdiation , Archives de Politique

    Criminelle, n 14/1992, p. 17.37. FAGET, La mdiation pnale, une dialectique de lordre et du dsordre , op. cit. p. 225.

  • 26

    cration de services spcifiques au sein des structures locales 38. Cette manci-pation progressive de la mdiation par rapport la simple indemnisation ourinsertion sest faite progressivement linitiative du CLCJ et de lINAVEM parlorganisation de runions de sensibilisation la mdiation, la mise en uvre deformations, la signature de conventions avec les Parquets, llaboration decodes de dontologie 39.

    Les mdiations judiciaires une logique de traitement social la fin des annes quatre-vingt, le Parquet allait, lui aussi, utiliser la voie de

    la mdiation pour traiter les affaires dont il est saisi en crant ses propres servi-ces de mdiation. Nous dsignons ceci sous le terme de mdiation retenue car les Parquets, au lieu de sous-traiter les dossiers des associations, mettenten place leurs propres services de mdiation au sein des Palais de Justicecomme Rennes ou Crteil ou dans des structures dcentralises avec les Mai-sons de Justice ou les Antennes de Justice.

    Ces deux projets prsentent la particularit dintgrer la mdiation dans unerefonte des modes de gestion des affaires par le Parquet. En effet, la mdiationsinsre, comme nous lavons vu, dans un dispositif plus large incluant le clas-sement sous condition, la rparation. Toutefois, ces deux expriences se diff-rencient sur un certain nombre de points, comme la nature et le lieu des prati-ques de mdiation. Dans le cas des Maisons de Justice et du Droit, ce sont lessubstituts ou des magistrats honoraires qui assurent eux-mmes les fonctions demdiation dans des structures dcentralises implantes dans des quartiers endifficult. Dans le cadre de lexprience de Rennes ou de Crteil, les services demdiation ont t crs au sein dassociations prexistantes, comme lAssocia-tion dInsertion Rennes ou le Service Rgional dAction Judiciaire et dInser-tion (SAJIR) Crteil, mais la diffrence des expriences dj prsentes, lespersonnes exerant les fonctions de mdiateur ne sont pas des magistrats, maisdes personnes recrutes titre de mdiateur. Tout en tant directement intgresaux services du Parquet, ces personnes ne prennent pas en charge exclusivementdes affaires de mdiation.

    Dans ce type de projet, la mdiation sintgre directement dans la politiquede laction publique du Parquet local et le nombre daffaires traites par cettevoie est relativement important et reprsente dans le cas de lexprience deCrteil, prs de 10% de lensemble des poursuites 40.

    Les mdiations de quartier para-judiciaires une logique dintgrationLes expriences de mdiation de quartier sinscrivent dans une logique

    diffrente de celles confies des services ou des associations para-judiciaires.Elles ont pour objet de crer de nouveaux lieux de rgulation dans les quartiersen faisant appel la participation des habitants au rglement des conflits. tra-

    38. AIDE AUX VICTIMES ET MDIATION La lettre dinformation de lInstitut National dAide

    aux Victimes et de Mdiation, n 19/1992.39. titre dillustration de cette dmarche cf. Guide pratique de la mdiation pnale, CLCJ,

    1994, 55 p.40. La mdiation pnale. Lexprience de Crteil Archives de Politique Criminelle

    n 14/1992.

  • 27

    vers ces expriences, il ne sagit pas de crer une justice parallle , une justice de deuxime classe mais plutt de mettre en place des lieux desocialisation. Dans cette perspective, la mdiation doit tre analyse comme unmoyen permettant de rtablir la communication entre les parties en conflit et decontribuer ainsi amliorer les relations sociales dans les quartiers.

    Le projet de mdiation du Comit de Conciliation de Valence mis en placeen 1985 est assez reprsentatif de cette mdiation de quartier para-judiciaire caril relve de linitiative de deux magistrats, le Procureur de la Rpublique deValence et la Prsidente du Tribunal dInstance, et repose sur la cration destructures de mdiation de quartier faisant appel ses habitants 41.

    Le projet de Valence se distingue des autres expriences de mdiationpnale par la volont des deux magistrats denraciner lexprience au sein dunquartier avec le ferme espoir que peu peu la saisine directe de linstance demdiation par les habitants du quartier se substituera au renvoi de dossiers parle parquet. En effet ce projet repose sur lide que la Justice est mal adaptepour la rsolution de ces petits conflits du quotidien et que lobjet de ces instan-ces de mdiation nest pas de soulager linstitution judiciaire, mais de favoriserune meilleure vie en commun et de participer la rduction du sentimentdinscurit dans les quartiers dgrads.

    Le projet de Valence reprsente une excellente illustration de cette logiquedintgration sociale, car son objectif est de favoriser le rtablissement de lapaix sociale dans les quartiers en difficult en tentant de rgler par la voie dela mdiation les conflits du quotidien (conflits familiaux, de voisinage, inter-ethniques...) qui contribuent la dsagrgation du tissu social.

    La nature de ce projet de mdiation explique que les magistrats, pour samise en uvre, se soient appuys sur les structures du Conseil Communal dePrvention de la Dlinquance (CCPD) afin de mobiliser lensemble des institu-tions intervenant sur les quartiers retenus pour lexprience. On retrouve uneautre manifestation de cette logique dintgration sociale dans les critres dechoix des mdiateurs qui ont t recruts parmi les habitants.

    Au cours de ces dernires annes, dautres Parquets, comme ceux dvry oude Versailles, en collaboration avec les CCPD des villes relevant de leur circons-cription judiciaire, ont mis en place des structures de mdiation faisant appel des habitants, pour remplir les fonctions de mdiateurs. On peut citer par exem-ple, les villes des Ulis, dAthis-Mons, Longjumeau, vry pour le dpartementde lEssonne, et les Mureaux, Mantes la Jolie, Chanteloup les Vignes, pour lesYvelines.

    41. OBREGO N., APAP G., Pour un rglement social des conflits. Valence, 1985, document non

    publi.

  • 29

    Chapitre 2

    Linstitutionnalisationde la mdiation pnale

    Dix annes aprs lapparition des premires expriences de mdiationpnale, le vote de la loi du 4 janvier 1993 a institutionnalis la mdiation pnaleen Fance. Il sagit dune reconnaissance du bout des lvres , car il est faitmention de la mdiation au dtour du texte relatif laction publique,comme sil sagissait dune simple disposition technique 1. Nous sommes donctrs loin des grands discours des dfenseurs de la mdiation pnale qui esp-raient une plus grande lgitimation de cette nouvelle forme de rglement desconflits.

    Cette entre par la petite porte de la mdiation pnale, illustre assez bienles hsitations de ltat dans sa volont dinstitutionnaliser la mdiation dansnotre pays et les enjeux de pouvoir qui ont oppos les diffrents acteurs de largulation des conflits pendant plus dune dcennie. Pour expliquer cette situa-tion on ne peut faire lconomie de tenter de retracer les grandes tapes de cettevolution vers une institutionnalisation de la mdiation dans notre pays.

    1. Des premires expriences linstitutionnalisation de lamdiation

    Les premires expriences de mdiation pnale datent du dbut des annes1980, et si elles relvent le plus souvent dinitiatives de magistrats du Parquet(Valence, Grenoble), ou de certains responsables du mouvement associatifdaide aux victimes (Strasbourg, Paris), ltat a jou un rle actif dans le dve-loppement de ces expriences. Il ne faut pas oublier que cest dans le droit fildes lois Badinter sur laide aux victimes quont t cres les premires asso-ciations daide aux victimes, et que le Ministre de la justice a jou un rle depremier plan en les subventionnant. Dans le mme sens, on ne peut pas oublierle soutien apport par le Comit National de Prvention de la Dlinquance(CNPD) dans le dveloppement dexpriences de mdiation. Dans le domaine dela mdiation pnale, comme dans bien dautres secteurs de la vie sociale, ltata reprsent un acteur incontournable qui sest attach au fils des mois con-

    1. Article 6 de la loi n 93-2 du 4 janvier 1993 portant rforme de la procdure pnale.

  • 30

    trler ce mouvement dexprimentation par une srie de notes de cadrage, decirculaires, qui ont dune certaine manire balis le terrain dexprimentationjusquau vote de la loi de 1993.

    Les premires expriences de mdiation

    Il est de coutume de dire que la premire exprience de mdiation pnale at celle de Valence, avec la cration de deux instances de conciliation en mai1985 sur deux quartiers de Valence 2. Mais, cest oublier qu la mme priode,dautres associations, surtout daide aux victimes comme SOS Agressions-Conflits Paris, ACCORD Strasbourg, Aide Informations aux Victimes Grenoble, lAssociation dAide aux Victimes dInfractions Besanon,lAssociation dAide aux victimes dactes de Dlinquance de Marseille, ou desassociations de contrle judiciaire comme lAssociation de radaptation Socialeet de Contrle Judiciaire Bordeaux, dvelopprent partir de laide aux vic-times ou du contrle judiciaire des expriences de mdiation 3.

    Ce sont ces associations daide aux victimes, notamment celle de Stras-bourg, qui ont organis les premires runions au niveau national o lonretrouve mls les thmes de laide aux victimes et de la mdiation 4. Un pre-mier colloque sest tenu Strasbourg, les 31 mai et 1 juin 1985 et avait pourtitre Droit des victimes, rparation-conciliation . Ce colloque fut organis parlassociation ACCORD, lOrdre des Avocats de Strasbourg avec la participationdu Ministre de la Justice, du CNPD et le Plan 5 ans qui par leur prsence,tmoignaient de lintrt port, cette manifestation 5.

    lpoque, on ne parlait pas encore de mdiation mais de conciliation. Unejourne entire fut consacre la conciliation, avec la prsentation, le matin, decommunications par des chercheurs, des praticiens sur le thme conciliation etprocdures . Laprs midi fut centr sur les pratiques de conciliation, avec uneintervention et une prsentation d expriences de conciliation celle de Parisavec SOS Agression-Conflit (Jean-Dominique Alzuetta et Jacqueline Mori-neau), de Valence, Comits de Conciliation (Georges Apap et NicoleObrego) et enfin le projet de Strasbourg Bureau dAide aux VictimesdACCORD (Richard Hellbrunn et Laurent Hincker).

    Au cours de ce colloque, les intervenants abordrent la question de la lgi-timit de la mdiation en matire pnale et de son fondement juridique partir

    2. Historiquement, la premire exprience de mdiation est celle de Grenoble puisque la

    convention avec le Parquet fut signe le 25/9/1984 et que les premiers dossiers furenttransmis en dcembre 1984.

    3. Pour des repres historiques cf. BONAFE-SCHMITT J.-P., La mdiation en France , LeBulletin n 6 /1986 ; FAGET J., Justice et travail social. Le rhizome pnal , op. cit. p. 42.

    4. En 1984, il y avait 32 associations ou bureaux daide aux victimes subventionns par leMinistre de la Justice ; AKERMAN W., DULONG R. Laide aux victimes. Premiresinitiatives , Paris, MSH.

    5. La participation de lOrdre des Avocats de Strasbourg sexplique essentiellement parlimplication forte de lun de ses membres, Claude Lienhard, qui tait membre dACCORD etqui sera lors de la cration de lINAVEM, son premier prsident.

  • 31

    dun angle particulier, celui des droits des victimes. Il existait au dpart unevision trs instrumentale de la mdiation, comme en tmoigne la communica-tion de Jean-Dominique Alzueta, Substitut au Parquet de Paris, qui avait pourtitre Les politiques de conciliation en faveur des victimes en droit pnal .Dans son intervention, le substitut, souligna quaucun texte ne confreexpressment un rle au Parquet dans ce domaine. Cest donc par une inter-prtation nouvelle des fonctions de poursuite, qui sont celles du Parquet, quece dernier est conduit sintresser officiellement au sort des victimes 6. Onretrouve dans son intervention, les textes qui vont fonder, dune manire prto-rienne, la mdiation pnale savoir les articles 458, 469-1, 469-3 du Code deProcdure Pnale et surtout son article 40 sur lopportunit des poursuites.

    Si larticle 40 du Code de Procdure Pnale donne un fondement juridique la mdiation pnale, cest sur le dcret de 1978 que se sont appuys les magis-trats de Valence pour donner une lgitimit lintervention des concilia-teurs/mdiateurs dans les deux quartiers de la ville. Le recours au dcret de1978 explique que les instances de mdiation aient t dnommes comit deconciliation et non comit de mdiation . Il sagissait lpoque duneinterprtation trs libre du dcret du 20/3/1978, car lun des mdiateurs tait denationalit trangre, alors que la nationalit franaise constituait un des pr-requis pour tre conciliateur. De plus les conciliations prvues par le dcret de1978 ne devaient porter que sur des affaires civiles et dans le cas delexprience, les conciliateurs furent amens traiter des affaires pnales trans-mises par le Procureur de la Rpublique.

    la mme poque, les associations de contrle judiciaire se sont aussi int-resses la mdiation et le CLCJ qui a pour vocation de regrouper lensemble deces structures, a organis une rencontre sur ce thme en septembre 1985. Aucours de cette journe dtude, furent prsentes les expriences de Strasbourg,Valence, Brive et Bordeaux 7. Ce qui caractrisait les deux dernires exprien-ces, cest la mise en place de la mdiation la demande des mis en cause. Ds1985, lARESCJ de Bordeaux se pronona pour le dveloppement dun projet demdiation afin de rpondre aux demandes faites par les personnes places souscontrle judiciaire qui mettaient le dsir de ddommager les victimes de leurdlit 8. De plus, de nombreuses associations de contrle judiciaire ont cr,spontanment ou la demande du Parquet, des services daide aux victimescrant ainsi de fait, un cadre favorable la mise en place de projets de mdia-tion.

    6. ALZUYETA D., Les politiques de conciliation en faveur des victimes en droit pnal in

    Colloque Droit des victimes, rparation-conciliation , Strasbourg, 31/5-1/6 1985 rsum, doc. rono, 2 p.

    7. Entretien du 16/12/1996 avec FAUCONNET L., dlgu gnral du CLCJ.8. Association de Radaptation Sociale et de Contrle Judiciaire Rapport dactivit 1985,

    Bordeaux.

  • 32

    La cration de lINAVEM

    la suite de ces diffrentes rencontres, une runion sest tenue Paris le 26avril 1986, linitiative du Bureau des Victimes du Ministre de la Justice laquelle furent convis des reprsentants dassociations daide aux victimes etdes membres du CLCJ 9. Lobjectif de cette runion tait de rflchir sur lacration dune structure nationale qui aurait pour tche :

    1) Laction auprs des associations ou services daide aux victimes(information et cration dun bulletin de liaison-action de mdiation et conci-liation-formation) ;

    2) laction auprs du public sur un plan national et international pour faireconnaitre le droit des victimes ;

    3) la promotion de laction de rflexion et de recherche. 10Au cours de cette runion prparatoire la constitution de lINAVEM, il

    apparaissait trs nettement que les actions de mdiation et de conciliation devaient relever de lactivit de ce nouvel institut. La cration de cette structurefdrative illustrait bien le souci lpoque du Ministre de la Justice, destructurer le mouvement daide aux victimes mais aussi de contrler celui nais-sant, de la mdiation.

    Si nous insistons sur cette liaison organique entre laide aux victimes et lamdiation, cest quelle nest pas neutre et traduit une certaine vision instru-mentale de la mdiation. On peut sinterroger sur les raisons qui ont amen lesacteurs de lpoque ajouter le M de mdiation lINAVEM. La structurenationale des associations daide aux victimes aurait pu se dnommer InstitutNational dAide aux Victimes et promouvoir des actions de mdiation sansaucun problme. Sur un plan terminologique, il est noter que le mot mdiationa t prfr celui de conciliation, sinon lINAVEM se serait appel INAVIC(Institut National dAide aux Victimes et de Conciliation). Il aurait t plusjuste sur le plan des principes que le mot conciliation soit choisi et non celui demdiation. Dans la pratique, quelles que soient les comptences des inter-venants, on ne pourra pas empcher un mis en cause de penser que le mdiateurprendra partie pour la victime si la mdiation est organise dans le cadre duneassociation daide aux victimes. Cest pour cette raison que dans de nombreuxpays les activits daide aux victimes et de mdiation, au moins sur le plannational, ont donn lieu la cration dorganisations indpendantes.

    Il faut rappeler qu lpoque existait une autre structure nationale, le CLCJqui sintressait la mdiation et qui a jou au cours de ces dernires annes un

    9. Cette rencontre tait le rsultat dun groupe de travail compos de reprsentants du CLCJ et

    dassociations daide aux victimes de Paris, Strasbourg, Marseille, Montpellier et dunchercheur Werner Akerman. Elle fut organise par la responsable du Bureau daide auxvictimes du Ministre de la Justice, Marie-Pierre de Lige, qui a jou un rle central dans lacration de lINAVEM et a marqu de son empreinte le dveloppement de la mdiation pnaleen France.

    10. Compte-rendu de la runion constitutive de lINAVEM-AIV, Grenoble, doc. dactylo. 12/5/86.

  • 33

    rle central dans le dveloppement de la mdiation pnale 11. Un certain nombredassociations adhrant au CLCJ, comme lARESCJ (Association de RadaptationSociale et de Contrle Judiciaire) Bordeaux, avaient mis en place un servicede mdiation. Cest dans ce contexte favorable la mdiation que le CLCJ aparticip aux Assises nationales des associations daide aux victimes o futcre officiellement lINAVEM. On aurait pu penser que le dveloppement desactivits de mdiation relverait de laction conjointe de ces deux organisations,mais il en fut autrement. Dailleurs la mdiation constituera un des points detension entre ces deux organisations au fil des annes. lpoque, la mdiationntait pas encore un enjeu important et le CLCJ participa la cration officiellede lINAVEM lors des premires Assises nationale des associations daide auxvictimes qui eurent lieu les 6 et 7 juin 1986 Marseille. Au cours de ces assises,on prsenta nouveau les expriences de mdiation de Valence, de Paris et deStrasbourg. Le futur prsident de lINAVEM, souligna que la mdiation-conciliation devait apporter la victime une vritable rparation et permettreune rinsertion lauteur 12. Avec la cration de lINAVEM, la mdiation allaitdune certaine manire tre officialise mais aussi contrle avec laparticipation comme membre de droit dun membre du Bureau dAide auxVictimes du Ministre de la Justice.

    Le dveloppement de la mdiation

    Sous limpulsion de lINAVEM et du CLCJ, les associations daide aux victi-mes et de contrle judiciaire, en liaison avec les Parquets, allaient former levivier le plus actif en matire de projets de mdiation 13. Mais, comme nouslavons dj soulign, les responsables de ces associations et les magistratsavaient une vision trs instrumentale de la mdiation, qui tait ramene unesimple technique de rparation du prjudice subi par les victimes. De leur ct,les associations de contrle judiciaire percevaient la mdiation, avant toutcomme un moyen de rinsertion du mis en cause pour lui faire prendre con-science de la gravit de son acte lgard de la victime et lui permettre de rpa-rer les consquences de son acte. Au del de cette vision instrumentale de lamdiation, se pose aussi le problme de limplication des mdiateurs dans demultiples activits daide aux victimes ou de contrle judiciaire et cette poly-valence peut se rvler contradictoire avec lexigence de neutralit et rendirraliste loccupation dun point central dobjectivit lintersection de deuxaxes allant pour lun, de la victime au dlinquant, et pour lautre, de la pda-gogie sociale la logique judiciaire 14.

    Sur un plan formel, en raison de labsence de texte en matire de mdiation,les Parquets et les associations, pour confrer une certaine lgitimit cette 11. Le CLCJ a publi en 1986 un numro spcial de sa revue Bulletin consacr la mdiation.

    Il sagissait du numro 6 de 1986 qui contenait plusieurs articles sur la mdiation.12. TEISSEIRE, Une structure Nationale pour les victimes , La Marseillaise, du 8/6/1986.13. LEBLOIS-HAPPE J., La mdiation pnale comme mode de rponse la petite dlinquance

    tat des lieux et perspectives . Revue de Sciences Criminelles et de Droit Compar,n 3/1994, p. 525.

    14. FAGET, La mdiation pnale, une dialectique de lordre et du dsordre , op. cit. p. 226.

  • 34

    forme de mdiation dlgue, signrent des conventions. Le plus souvent cesconventions rappellent le fondement de la mdiation sur la base de larticle 40du code de procdure pnale, fixent le droulement et les dlais du processus demdiation, le type de compte-rendu sur les rsultats des mdiations 15.

    Sur un plan organisationnel, cest au cours dune runion tenue Grenoblele 4 juillet 1988 que lINAVEM a cr une commission-mdiation qui futcharge de suivre la ralisation dune tude sur les pratiques de mdiation enFrance la demande du CNPD. Trs vite, la commission fut amene largir sonactivit et lors de la runion du 22 septembre 1989, ses membres firent un cer-tain nombre de propositions, comme la cration dun centre dinformationtechnique ponctuelle destin rpondre aux demandes des mdiateurs(problmes juridiques, dontologiques...), dun centre dintervention ext-rieur (interventions dans des colloques, sminaires...), dun centre de docu-mentation (constituer un fonds de documentation sur la mdiation), et dun centre de formation la technique de mdiation (cration de modules deformation) et enfin dun centre de rflexion, dchanges et de promotion de lamdiation (ralisation dun bulletin de la mdiation...) 16. Au cours de cetterunion, se posa la question du financement de ces diffrentes propositions etdu fonctionnement de la commission-mdiation et un dbut de rponse futtrouv avec le dveloppement dune collaboration avec le CLCJ.

    Au cours de la mme anne, le CLCJ avait engag aussi une rflexion sur lamdiation et avait pris contact avec lassociation AMELY (Association MdiationLyon) pour laider rflchir sur llaboration dun programme de formation la mdiation 17. Cette rflexion a dbut fin 1989 et sest formalise le28/2/1990 par la tenue Lyon dune runion qui a donn lieu ltablissementdun programme de sensibilisation, de formation et daide la cration destructures de mdiation 18. Lobjet de ce programme visait sensibiliser lesassociations, les magistrats, les lus municipaux, les responsables de CCPD, lamdiation comme mode de rsolution des conflits, de les aider la cration destructures de mdiation et dassurer la formation des mdiateurs. Ce programmenational portait sur le financement de 20 confrences de sensibilisation, de 20formations et de 2 aides la cration pour la priode 1990-91, soit un budgettotal de 1 464 000F. Les demandes de financement avaient t faites au Minis-tre de la Justice, la Dlgation Interministrielle la Ville (DIV) et la Fonda-tion Nationale pour le Dveloppement de la Vie Associative (FNDVA) par leCLCJ et seule une partie de ce programme fut finance 19.

    15. Pour une analyse de ces premires conventions se reporter au chapitre 3 sur lanalyse de

    lexprience dAIV Grenoble.16. JULLION D., Rappel historique de la commission-mdiation de lINAVEM in Projet

    dactivit de la commission-mdiation pour lanne 1991, doc. dactylo., 2/1/1991.17. AMELY est une association qui a t cre par des membres de la Boutique de Droit de Lyon

    en 1988 afin de rpondre des demandes daide la cration de structures de mdiation et la formation de mdiateurs.

    18. CLCJ, Projet national de formation la mdiation. Doc. dactylo, 13/2/1990.19. Pour lanne 1991, sur les 450 000 F demands, le CLCJ reut 303 835 F de subventions de la

    part du Ministre de la Justice, de la DIV et du FNDVA pour lorganisation de confrences et

  • 35

    Pour la mise en uvre de ce programme, le CLCJ proposa lINAVEM unecollaboration qui se concrtisa par la cration dune commission paritaire et lasignature dune convention fixant les modalits de ralisation du programmeentre les deux organisations. Une des premires tches de cette commission futdorganiser un stage de formateurs la mdiation afin de pouvoir rpondre lademande de formation de mdiateurs de la part des associations. Ce stage futorganis Paris du 25 au 28 octobre 1990 et 16 personnes ont suivi la forma-tion de formateurs la mdiation 20. la suite de ce stage, les formateurs delINAVEM et du CLCJ ont assur les premiers stages de formation la mdia-tion 21.

    Nous insistons sur la question de la formation en matire de mdiationpnale car celle-ci en raison de ses liens directs avec linstitution judiciaire par-ticipera enclencher chez les mdiateurs un intense processus dacculturationjuridique, travers notamment les figures du mandat et du contrat 22. Eneffet, avec le dveloppement des programmes de formation la mdiation, on aassist un glissement des principes de mdiation vers lexigence de forma-tion (et non plus seulement charismatique) dans le choix des mdiateurs 23.

    Le dveloppement de la mdiation allait amener le Ministre de la Justice publier une note de cadrage qui fut diffuse lors des Assises Lille desassociations daide aux victimes. En prambule, la note soulignait que dans lecadre des programmes mens par la Dlgation Interministrielle la Ville,des structures de mdiation peuvent tre mises en place. Elles ont pour voca-tion rgler les petits litiges de la vie quotidienne (troubles de voisinage telsque les bruits excessifs, les petits vols, dgradations, etc.) qui peuvent revtirdes qualifications pnales 24. En dfinissant ce champ dapplication, leMinistre de la Justice voulait rserver la mdiation la rgulation des petitsconflits de la vie quotidienne, mais qui prsentaient une qualification pnale. Cedernier point est important car la note manait de la Direction des Affaires Cri-minelles (Bureau de la Protection des Victimes et de la Prvention) et la mdia-tion visait surtout rpondre ces affaires qui faisaient le plus souvent lobjetdun classement sans suite de la part des Parquets.

    formations la mdiation. Les programmes daide la cration de structures ne furent pasfinancs.

    20. Il sagissait dun programme de formation de 30 heures abordant les points suivantslhistorique et les diffrentes formes de mdiation, les procdures judiciaires et la mdiation,les acteurs de la mdiation, le rle des mdiateurs, le processus de mdiation, les techniquesde mdiation, les enjeux de la mdiation. Le programme de formation la mdiation a tlabor par J.-P. BONAFE-SCHMITT et D. JULLION, Module dinitiation la mdiation pnaleet de quartier, INAVEM-CLCJ, doc. dactylo, 1990.

    21. De mars 1990 mars 1991 10 confrences de sensibilisation furent organises CLICHY,PARIS, VAULX EN VELIN, STRASBOURG, MARSEILLE, LES ULIS, ST ETIENNE, PRIVAS, DIJON, ST-QUENTIN et 5 sessions de formation furent ralises VILLEFRANCHE, VILLEURBANNE, PARIS,LES ULIS, ST QUENTIN, CANNES, PRIVAS .

    22. FAGET J., La double vie de la mdiation , op. cit.23. Ibidem.24. Ministre de la Justice Bureau de la Protection des Victimes et de la Prvention, Avril 1990.

  • 36

    La note visait aussi instaurer un certain contrle de linstitution judiciaireen soulignant que la mdiation ne peut tre mise en place dans de bonnesconditions que si lautorit judiciaire est associe ds llaboration du projet etpeut participer lvaluation du travail entrepris . Il faut rappeler qu la findes annes quatre-vingt, on assistait un foisonnement de projets de mdiation linitiative dassociations ou de municipalits qui ne fonctionnaient pas tou-jours en lien avec linstitution judiciaire. Cest pour cette raison que la note decadrage a pris en compte cette situation en distinguant les diffrents types demdiation selon le profil des mdiateurs :

    A - la mdiation confie des associations daide aux victimes et de con-trle judiciaire (...)

    B - les mdiations confies des habitants dun quartier.Dans les zones concentrant des populations connaissant de graves difficul-

    ts, le climat social peut tre significativement amlior si les conflits peuventtre rgls dans le cadre de mdiations confies des habitants du quar-tier 25.

    La reconnaissance de ce type de mdiation, traduisait la volont du Minis-tre de la Justice de ne pas simplement sen tenir une simple logique gestion-naire, mais de participer la reconstitution du lien social. On retrouve une autremanifestation de cette volont quand la note prcise que lorsque les mdiateurssont saisis directement par les habitants du quartier ; dans ce cas, lquipe desmdiateurs na pas rendre compte de chaque cas lautorit judiciaire. Enrevanche dans le cas o les affaires ont t transmises par les autorits judiciai-res, la note souligne que linstance de mdiation doit rendre compte, cas parcas, lautorit qui lui a confi la mission. Il est opportun que la procduresoit dfinie dans le cadre dune convention passe entre linstitution judiciaireet le service de mdiation 26.

    La diffusion de cette note a, dune certaine manire officialis, la pratiquedes conventions qui rglait jusquici les rapports entre le Parquet et les servicesde mdiation. Lanalyse des diffrentes conventions tend montrer que certai-nes dentre elles ont fait jurisprudence car elles ont t reprises commemodle par dautres Parquets pour tablir leur propre convention.

    Les enjeux de pouvoir

    Le dveloppement de la mdiation a fait surgir des enjeux importants ausein du monde de la mdiation, entre mdiateurs et les autres acteurs de largulation des conflits magistrats, avocats, policiers, assistantes sociales... Ausein du monde judiciaire, la mdiation pnale a suscit dintenses dbats commelors de la journe du 27 fvrier 1991, organise sur ce thme lcole Natio-nale de la Magistrature Paris. Si de nombreux magistrats se sont dclarfavorables ce nouveau mode de rglement des conflits, en revanche dautresnont pas cach, que derrire lindniable phnomne de mode, bien des

    25. Ibidem.26. Ibidem.

  • 37

    questions de fond ne leur semblaient pas rsolues 27. Il leur apparaissait para-doxal, alors que les juridictions sont surcharges, que lon demande la jus-tice de prendre en charge les ratages dune socit qui ne sait que faire de sapetite et moyenne dlinquance , et ils craignaient aussi que la mdiation en sesubstituant au procs pnal puisse tre perue comme lexpression dune m-fiance, voire dun rejet du systme judiciaire, trop lent et trop brutal 28.

    Au sein du monde de la mdiation, le dveloppement de la mdiation pnalea suscit des enjeux de pouvoir et dintenses discussions, non seulement entreles deux grandes organisations, lINAVEM et le CLCJ, mais aussi au sein des dif-frentes associations daide aux victimes et de contrle judiciaire. Ces enjeuxde pouvoir se sont cristalliss ds la mise en uvre du programme de mdiationlabor par le CLCJ et lINAVEM et financ par la DIV et le Ministre de la Jus-tice. Trs vite des dissensions sont intervenues entre ces deux organismes surles modalits de mise en uvre de ce programme et sur la rpartition des sub-ventions entre eux. Le champ de la mdiation pnale na pas chapp commecelui de la mdiation familiale aux enjeux de pouvoir, aux querelles de person-nes, et aussi aux intrts conomiques car la formation peut apporter des res-sources non ngligeables aux structures. Malgr des tentatives de conciliation,les oppositions entre lINAVEM et le CLCJ, nont pas pu tre surmontes et larupture fut consomme entre les deux organisations, chacune dveloppant sonprogramme de formation la mdiation.

    Au cours de cette mme priode, le dbat sur la mdiation ne sest pas limit lopposition entre les deux organisations, il a eu lieu aussi au sein de chacunedelle. En effet, la remise en cause dune vision trop instrumentale de la mdia-tion a engendr, au sein des structures daide aux victimes et de contrle judi-ciaire, dpres discussions entre les tenants dune autonomisation de lactivitde mdiation et ceux qui ne voient en celle-ci quun prolongement de lactivitprincipale daide aux victimes ou de contrle judiciaire. Cette position a tclairement affirme par lINAVEM qui considre que la mdiation dcoule de laction premire daide aux victimes des services membres de lINAVEM 29.Cette vision trs instrumentale de la mdiation qui tait ramene une simpletechnique dindemnisation pour rparer le prjudice des victimes, a reprsentun des obstacles au dveloppement de la mdiation en France. En raison, decette conception troite de la mdiation, lINAVEM sest refus accepter en sonsein des associations ou groupements dont lobjet exclusif tait de raliser desmdiations, au motif que ceux-ci navaient pas mis en place de service daideaux victimes. Cette position dogmatique, a empch lINAVEM de jouer un rlede fdrateur des diffrentes initiatives en matire de mdiation, comme lontfait ltranger des organisations comme Mediation UK en Grande-Bretagne ouencore lUS victim-offender Mediation aux tats-Unis. Pourtant, une poque

    27. LOGEART A., Un dbat lcole nationale de la Magistrature. Les limites de la mdiation

    pnale , Le Monde 5/3/1991.28. Ibidem.29. Sminaire de rflexion INAVEM , 26 et 27/9/1992, Aide aux victimes et mdiation,

    n 19/1992.

  • 38

    la commission paritaire, cre linitiative du CLCJ et de lINAVEM a jou de faitce rle et certains de ses membres avaient envisag de faire de celle-cilembryon dune organisation permettant de regrouper lensemble des structuresde mdiation pnale et de quartier 30. Mais les rivalits organisationnelles entrele CLCJ et lINAVEM nont pas permis la ralisation de ce projet et ont abouti lasituation actuelle marque par un parpillement des initiatives de mdiationsans aucune coordination entre elles.

    Lorganisation dtats Gnraux de la Mdiation par lINAVEM Grenobleles 10 et 11 avril 1992, o participrent plus de 400 personnes, na pas permisde surmonter ces divisions, et na pas suscit une nouvelle dynamique pour ledveloppement de la mdiation dans notre pays 31. Seule, la reconnaissance dela mdiation, comme activit autonome, pourrait entraner, comme cela sestproduit en matire de mdiation familiale, des ruptures symboliques et se con-crtiser sur le plan structurel par la cration de nouvelles organisations afindviter la confusion des rles entre mdiation, aide aux victimes et contrlejudiciaire.

    2. Les formes de mdiation pnale

    En France, le dveloppement de la mdiation pnale est troitement li auxpolitiques de laction publique, comme en tmoigne le vote de la loi du 4 jan-vier 1993 qui fait du Procureur de la Rpublique, lacteur central en matire demdiation. Dans le cadre de cet ouvrage, il nous tait impossible danalyserlensemble des initiatives de mdiation pnale, aussi nous nous limiterons pr-senter deux formes de mdiation les mdiations dlgues des associationsdaide aux victimes ou de contrle judiciaire et les mdiations retenues ra-lises dans le cadre des Maisons de Justice.

    2.1 La mdiation dlgueComme le terme lindique, les mdiations dlgues sont celles qui sont

    ralises par des structures, comme les associations daide aux victimes ou decontrle judiciaire, sur transmission des dossiers par le Parquet dans le cadre delopportunit des poursuites. Les mdiations dlgues sinscrivent doncdans les politiques de laction publique du Parquet au mme titre que les clas-sements sous condition.

    Aprs une priode exprimentale de plus de 8 annes, lintgration de lamdiation pnale dans les politiques de laction publique a t officialise par lapublication de la circulaire ministrielle du 8 octobre 1992, de la loi du 4 jan-

    30. BONAFE-SCHMITT J.-P., Pour la cration dune commission mdiation INAVEM-CLCJ , Aide

    aux victimes et mdiation Lettre dinformation de lINAVEM, n 17/1991 p. 19.1.31. INAVEM, AIV Grenoble, tats Gnraux de la Mdiation, Grenoble, 10-11/4/1992, 95 p.

  • 39

    vier 1993 et du dcret du 10 avril 1996 32. Il est vrai quen 1992, avec 70 juri-dictions pratiquant la mdiation, on tait sorti de lexprimentation et quunedemande dencadrement de ces pratiques avait t formule, la fois par lesmdiateurs, mais aussi par les magistrats et les avocats. Le texte doctobre1992, avait donc pour ambition dassurer la diffusion dun modle unique demdiation, de consacrer une forme de mdiation se droulant sur mandat judi-ciaire et sous contrle judiciaire 33. Pour les mdiateurs, la demande portaitessentiellement sur la reconnaissance dun statut de mdiateur qui pourrait leurdonner un certain nombre de garanties, comme la prservation de la confiden-tialit des changes, la notion de responsabilit... 34 Du ct des avocats desvoix staient fait entendre pour que les parties la mdiation puissent bnfi-cier des garanties du droit de la dfense, du principe du contradictoire. lappui de ces thses, il a t invoqu larticle 6 de la convention europennedes droits de lhomme garantissant le droit au procs.

    La rglementation de la mdiationUne premire tentative de rglementation de la mdiation pnale avait t

    formule lors de la discussion du projet de loi sur la mdiation de 1990, maissans succs. Lors des dbats parle