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Robert Bellefeuille et Isabelle Cauchy Le Nez THÉÂTRE Extrait de la publication

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Page 1: Robert Bellefeuille et Isabelle Cauchy Le nez Le Nez...ROBERT BELLEFEUILLE, un des fondateurs du Théâtre de la Vieille 17 qu’il dirigera de 1981 à 2006, est coordonnateur du programme

Le nez, une pièce pour enfants inspirée d’une nouvelle de l’écrivain russe NicolasGogol, connaît un immense succès dès sa production par le Théâtre de la Vieille 17d’Ottawa en 1983. L’année suivante, la pièce remporte le prestigieux prix Floyd S.Chalmers de la meilleure pièce canadienne pour enfants. Elle fera l’objet de cinqproductions entre 1983 et 1989, puis, en 1994, le Théâtre du Frêne à Paris lui re-donne vie dans un spectacle qui tourne en France et au Canada devant plus de20 000 spectateurs.

La nouvelle du même nom de Nicolas Gogol, publiée en 1836, constituait, àl’époque, une époustouflante satire sociale. En l’adaptant pour la scène, RobertBellefeuille et Isabelle Cauchy ont créé une comédie masquée pour enfants qui meten scène des nez dans une brioche, des nez chantant en chœur, des nez en fugue etdes nez qui flairent une histoire louche.

Pièce drôle, intelligente et surréaliste, applaudie unanimement par les écoliers et la critique, Le nez rappelle la commedia dell’arte et les dessins animés. Comme lementionne Françoise Lepage dans la préface : «L’humour fuse à toutes les pagessous forme de jeux de mots, de quiproquos, de patronymes et de toponymes évo-cateurs (les sœurs Narine, Nazaire Sinus, Narinezona), mais aussi sous forme de jeuxde scène, comme la confrontation entre le barbier Yvan et sa femme Simone, qui sepoursuivent sur la scène en se lançant le nez comme un ballon de football [...]. »

La réédition en BCF est bonifiée d’une préface et d’une biobibliographie des auteurs.

ROBERT BELLEFEUILLE, un des fondateurs du Théâtre de la Vieille 17 qu’il dirigera de 1981 à 2006, estcoordonnateur du programme de mise en scène à l’École nationale de théâtre du Canada.

Auteure et metteure en scène, ISABELLE CAUCHY a signé plus d’une douzaine de textes destinés au théâtrejeune public. Aujourd’hui elle est codirectrice du Petit Théâtre de Sherbrooke, au Québec.

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DU MÊME AUTEUR

ROBERT BELLEFEUILLE

avec Louis-Dominique Lavigne, Mentire, théâtre, Sudbury,Éditions Prise de parole, 2000.

La machine à beauté, d’après un roman de Raymond Plante,théâtre, Sudbury, Éditions Prise de parole, 1995.

avec le Théâtre de la Vieille 17, Les murs de nos villages, créationcollective, Sudbury, Éditions Prise de parole, 1993.

avec Jean Marc Dalpé et Robert Marinier, Les Rogers, théâtre,Sudbury, Éditions Prise de parole, 1985.

ISABELLE CAUCHY

traduction de Comment Petit George Radbourn a sauvé le baseball,de David Shannon, album pour enfants, Montréal, ÉditionsLes 400 coups, 2001.

Barbe-bleue, pièce pour enfants, Montréal, Dramaturges éditeurs,1998.

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LE NEZADAPTÉ DE LA NOUVELLE DU MÊME NOM DE NICOLAS GOGOL

Théâtre

Bibliothèque canadienne-françaiseÉditions Prise de parole

Sudbury 2007

Robert Bellefeuille et Isabelle Cauchy

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives CanadaBellefeuille, Robert, 1957- Le nez / Robert Bellefeuille et Isabelle Cauchy; préface deFrançoise Lepage. — 2e éd.

(Bibliothèque canadienne-française)Pièce de théâtre.Publ. à l’origine: 1992.Pour les jeunes.

ISBN-13: 978-2-89423-192-0

I. Cauchy, Isabelle, 1956- II. Titre. III. Collection.

PPS8553.E4577N49 2006 jC842’.54 C2006-904605-0

En distribution au Québec: Diffusion Prologue • 1650, boul. Lionel-Bertrand • Boisbriand (QC) J7H 1N7 • 450-434-0306

Ancrées dans le Nouvel-Ontario, les Éditions Prise de pa role appuient les auteurs et les créateurs d’expression et de culture françaises au Canada, en privilégiant des œuvres de facture contem poraine.

La Bibliothèque canadienne-française est une collection dont l’objectif est de rendre disponibles des œuvres importantes de la littérature canadienne-française à un coût modique.

La maison d’édition remercie le Conseil des Arts de l’Ontario, le Conseil des Arts du Canada, le Patrimoine canadien (Programme d’appui aux langues officielles et Pro gramme d’aide au développement de l’industrie de l’édition) et la Ville du Grand Sudbury de leur appui financier.

Œuvre en couverture et conception de la page de couverture: Olivier Lasser

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.Imprimé au Canada.Copyright © Ottawa 2007Éditions Prise de parole C.P. 550, Sudbury (Ontario) Canada P3E 4R2 http: //pdp.recf.ca ISBN 978-2-89423-192-0 ISBN 978-2-89423-350-4 (Numérique)

Prise deparole

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PRÉFACE

Texte original, inventif, toujours à la frontière entre l’humouret la causticité d’un regard auquel rien n’échappe, texte funam-bule qui, sous son apparente absurdité, brosse, sans complai-sance, le portrait d’une société sclérosée, fortement hiérarchiséeet intolérante face aux marginalités, tel est Le nez de Gogol.

Son auteur, Nicolas Vassilievitch Gogol, est né enUkraine le 20 mars 1809. Lorsqu’il publie Le nez, en octobre1836, dans Le Contemporain, journal de Saint-Pétersbourgdirigé par le grand poète russe Alexandre Pouchkine (1799-1837), il est déjà l’auteur connu et apprécié des Soirées du hameau,recueil de nouvelles inspirées du folklore ukrainien. OutreLe nez, d’autres nouvelles, Le portrait, La perspective Nevski,Le journal d’un fou et Le manteau, publiées séparément dans lesannées 1830, seront regroupées en 1843 dans le tome III desŒuvres complètes. On les connaît aujourd’hui sous le titre deNouvelles de Pétersbourg, la brillante capitale de l’empire russefondée en 1703 par Pierre le Grand et qui sert de cadre àl’action.

Nicolas Gogol n’est pas seulement un auteur appréciéde son public, il est aussi un novateur. Jusqu’alors, la sociétérusse considérait la littérature comme un passe-temps, un

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divertissement de salon que pratiquaient des poètes le plussouvent amateurs. La prose n’était connue que sous forme detraductions de romans étrangers. Vers le milieu des années 1830,la scène littéraire s’ouvre à de nouveaux genres et, lorsqu’il publieLe nez, Gogol est considéré comme une étoile montante.

À l’innovation dans la forme littéraire, Gogol ajoutel’originalité du propos. Les surréalistes n’auraient certes pas dé-savoué cette nouvelle, affublée d’un titre quelque peu rocam-bolesque, et dont le contenu avait été jugé trop « sale et trivial »par le journal L’observateur moscovite pour pouvoir être publiéen ses pages. Car que penser de cette histoire du nez d’unassesseur de collège qui quitte le visage de son propriétaire et seretrouve dans la brioche d’un barbier plus ou moins recom-mandable ? Non content de se terrer en un endroit pour lemoins inattendu, le fugueur arrogant et mondain joue lesconseillers d’État en habit chamarré de galons et de décorations,courtise les jolies femmes et refuse de reprendre sa place, jusqu’àce qu’il soit rattrapé par un sergent de ville et rendu à sonpropriétaire.

La poursuite du nez dans les rues et les officines deSaint-Pétersbourg permet à l’auteur de se livrer à une épous-touflante satire sociale. Dans ce régime politique autocratiquequ’est le régime tsariste, tout le monde surveille tout le monde.Le barbier en fait la pénible expérience lorsque, cherchant à sedébarrasser du nez trouvé dans sa brioche, il en est constam-ment empêché par quelque sergent de ville ou commissaireréprobateur. Si l’argent constitue un critère important de res-pectabilité, le grade, l’uniforme, les médailles, les galons, lesbelles toilettes féminines qui témoignent de la réussite sociale dumari, toutes ces apparences, souvent trompeuses comme lemontre l’histoire du nez habillé en conseiller d’État, caractérisentla société pétersbourgeoise. Le moindre fonctionnaire y fait la

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pluie et le beau temps, opposant son veto aux requêtes descitoyens qui ne lui agréent pas. Les sentiments sont rarementévoqués dans la nouvelle de Gogol, si ce n’est l’embarras quecause à l’assesseur Kovaliov la perte de son nez.

Bien sûr, depuis les travaux de Sigmund Freud, lesymbolisme sexuel du nez n’échappe plus à personne. Dès ledébut de la nouvelle, le barbier trouve le nez enfoncé au beaumilieu d’un petit pain tout chaud que sa femme vient juste desortir du four. Puis il apparaît clairement qu’en perdant son nez,Kovaliov se trouve aussi privé de sa virilité. Chaque rappeldes préjudices que lui cause cette perte accompagne l’évocationde femmes. Comment, sans nez, pourrait-il se montrer chez« madame Tchekhtareva, l’épouse du conseiller d’État », et chezmadame «Palaguéïa Grigoriévna Podtotchina, l’épouse d’unofficier supérieur » ? Et n’est-ce pas, d’ailleurs, cette dernière qui,pour se venger de ce qu’il a refusé d’épouser sa fille, aurait étél’instigatrice de la disparition du nez de Kovaliov ?

La nouvelle de Gogol distille un humour parfois subtil,comme en témoignent les nombreuses remarques satiriques,mais la farce et le burlesque ne sont jamais très loin. Caricaturés,les personnages exposent au grand jour d’énormes défauts ettravers, comme le domestique de Kovaliov qui passe son tempsà cracher au plafond, ou l’employé des petites annonces quirefuse de publier l’avis de Kovaliov, sous prétexte que le journaldiffuse déjà assez «d’absurdités et de fausses rumeurs ». Toutecette scène relève d’ailleurs de la plus pure bouffonnerie, ainsique le montrent le quiproquo entre le fonctionnaire et Kovaliov,le premier comprenant que l’assesseur recherche un moujik dunom de MonNez, ou encore l’annonce pour retrouver uncaniche noir qui se révèle être le trésorier d’une administrationpublique. Plus loin, la visite du médecin qui vient recoller le nezde Kovaliov aurait plu à Molière. Cet homme « fort bien de sa

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personne » pratique une hygiène buccale draconienne, « se gar-garisant près de trois quarts d’heure » par jour et « se polissantles dents avec cinq brosses différentes » ! Après plusieurs échecspour replacer le nez de son client, l’élégant Diafoirus conclutque cet appendice est inutile et ne lui conférera pas une meil-leure santé. Il lui conseille de se laver plus souvent le visage àl’eau froide, de placer son nez dans l’alcool et de le vendre pouren obtenir «une somme coquette » ! À défaut d’être un habilemédecin, il a pour le moins le sens des affaires !

Dans cette nouvelle d’une trentaine de pages, Gogoloffre, on le voit, un étonnant mélange de satire sociale assezpessimiste et désabusée, profondément ancrée dans le cadre trèsparticulier du XIXe siècle pétersbourgeois, d’allusions voiléessur un sujet tabou, grave et désespérant, et d’humour parfoisbouffon autour de personnages caricaturés, artificiels et déshuma-nisés. Rien, à première vue, de très prometteur pour un projetde théâtre pour la jeunesse. C’est pourtant sous cette formeque Le nez de Gogol a connu une autre vie qu’ont su lui in-suffler deux adaptateurs de talent, Robert Bellefeuille et IsabelleCauchy.

En 1983, Robert Bellefeuille est directeur artistique du Théâtrede la Vieille 17, troupe francophone de l’Ontario alors installéeà Rockland. Il cherche à inscrire au programme de la troupe unepièce de théâtre pour la jeunesse qui mette l’accent sur l’ima-ginaire, l’humour, le ludisme ; en un mot, il recherche uneœuvre folle quoique susceptible de promouvoir la réflexion desspectateurs. Il tombe par hasard sur les nouvelles de Gogol etrencontre Isabelle Cauchy qui souhaite, elle aussi, travailler àun spectacle pour enfants. Robert Bellefeuille lui propose delire Gogol. Alors jaillit l’étincelle qui enflamme l’imaginairedes deux créateurs. Il ne reste plus qu’à faire agréer l’idée par

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la troupe, qui l’adopte avec enthousiasme. C’est le début del’aventure du Nez.

Si le théâtre pour la jeunesse de ces vingt dernièresannées compte un certain nombre d’adaptation de contes, deromans ou d’albums pour la scène, ce phénomène reste mar-ginal1, quoique son processus fasse souvent l’objet de réflexion.S’il n’est pas question de mettre en scène l’intégralité du récit,« le chemin vers la scène doit se faire avec les moyens du théâtre »,constate Jeremy Turner, metteur en scène et auteur anglaisayant participé au congrès de l’Association internationale duthéâtre pour l’enfance et le jeunesse (ASSITEJ) en septembre20052. Dans le cas qui nous intéresse, la transformation de lanouvelle de Gogol en pièce de théâtre devait amener un élagageimportant au niveau du discours, la nouvelle pouvant sepermettre d’être plus diserte que la comédie, le genre narratifvoulant que le cadre de l’action soit décrit et que les épisodessoient liés les uns aux autres par des relations de causes à effetsdûment expliquées ou évoquées. La comédie, pour sa part,présente visuellement le cadre de l’action, éliminant ainsi lesdescriptions, tandis que le dialogue se charge de transmettre unelogique implicite. L’adaptateur doit chercher les aspects quil’intéressent le plus et concevoir une nouvelle structure. Pourcette raison, on préfère souvent parler de « recréation» plutôtque d’adaptation.

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1 Hélène Beauchamp, «L’adaptation des genres littéraires pour la scène duthéâtre jeunesse », dans Françoise Lepage (dir.), La littérature pour la jeu-nesse, 1970-2000, Montréal, Fides, 2003, p. 119 (Archives des lettrescanadiennes, XI).2 «Adapter la littérature au théâtre », Cahiers de théâtre Jeu, 118 (2006),p. 93.

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L’adaptation théâtrale de Robert Bellefeuille et IsabelleCauchy reste, toutes proportions gardées, relativement fidèle àl’original. Elle suit le déroulement de l’action tel que l’a conçuGogol, et on y retrouve deux des aspects qui distinguaient lanouvelle russe, à savoir la satire sociale et l’humour, mais lapondération et le traitement de chacun de ces éléments diffèrentde l’original ou, autrement dit, de l’hypotexte.

Dans l’adaptation (ou hypertexte) de Bellefeuille etCauchy, la satire sociale se révèle caricaturale en sa forme etassez traditionnelle en son objet. La police constitue le corps demétier le plus malmené. Elle est toujours aussi répressive quedans l’hypotexte, mais les représentants de la loi se distinguentpar leur maladresse et leur bêtise. Incapables de s’adapter à dessituations nouvelles, ils posent aux témoins des questions in-congrues et cherchent des solutions toutes faites dans leurspapiers plutôt que de recourir à ce qu’ils peuvent avoir d’intel-ligence. Les médecins — il n’en faut pas moins de trois pourremettre en place le nez du professeur Nicolas —, apparaissentplus comme des bricoleurs que comme des hommes de science.Quant à la bureaucratie, elle se révèle, elle aussi, assez scléroséede prime abord. Représentée par un personnage féminin prémo-nitoirement prénommé Renée (« re-nez », « renaît »), elle appor-tera par la suite au professeur Nicolas, double de l’assesseurKovaliov, l’amour qui lui permettra de garder confiance en lui,puis de renaître à la vie, une fois son nez remis en place.

Si l’aspect satirique apparaît comme peu développédans l’hypertexte, c’est que les adaptateurs ont choisi de donnerà leur œuvre une tonalité plus positive. Gommant l’atmosphèreabsurde et désenchantée qui se dégage de la nouvelle de Gogol,ils misent sur la couleur et la lumière de l’amour et de l’hu-mour bouffon. L’amour imprègne toutes les étapes du spec-tacle. L’épouse du barbier, très rude et mal embouchée dans

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l’hypotexte, se métamorphose, dans la pièce, en une épouse dé-vouée et heureuse de son sort, qui chante les louanges de son«beau petit mari/gentil et sans reproche », tout en lui préparantde bonnes brioches pour son déjeuner. Car l’amour n’est pasdonné une fois pour toutes : telle est l’idée de base qui se dégagede la pièce. L’amour se cultive, s’entretient par de petites gen-tillesses accordées à l’être aimé. C’est d’ailleurs la raison qu’in-voque le nez, auprès du professeur Nicolas, pour justifier safugue. L’enseignant ne se conduit-il pas comme un goujat àl’égard de son appendice nasal ? Ne lui inflige-t-il pas de respirerles épaisses fumées toxiques de son cigare ? Ne lui refuse-t-il pasdes soins minimaux pour le protéger du soleil en été et du froiden hiver ? Jamais il n’aurait l’idée de le moucher dans de jolismouchoirs de couleur ! Tant d’indélicatesse a ruiné une relationtrop rapidement tenue pour acquise. Bouleversé par ailleurspar l’amour inconditionnel — avec ou sans nez — que lui voueRenée, le professeur Nicolas négligera d’écouter Yvan, lebarbier, venu se disculper de tout blâme en cette affaire afin dene pas perdre un bon client. Si bien qu’Yvan et sa femme n’ontplus qu’à se retirer chez eux et à… aller se coucher.

L’humour fuse à toutes les pages sous forme de jeux demots, de quiproquos, de patronymes et de toponymes évo-cateurs (les sœurs Narine, Nazaire Sinus, Narinezona), maisaussi sous forme de jeux de scène comme la confrontation entrele barbier Yvan et sa femme Simone qui se poursuivent surla scène en se lançant le nez comme un ballon de footballou une «patate chaude », dont chacun aimerait bien se dé-barrasser. Et puis il y a cette prolifération de nez : décor de tissu,personnages-nez et cette scène comique où Renée, employée despetites annonces, n’arrive pas à aller jusqu’au bout de ses phraseset à prononcer le mot «nez », comme s’il s’agissait d’uneobscénité.

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L’adaptation de Bellefeuille et Cauchy se caractérisedonc par un allègement de la portée satirique, par l’introductiond’une dimension sentimentale, totalement absente de la nou-velle de Gogol, et par le remplacement du pessimisme absurdepar un optimisme bouffon, inspiré de la commedia dell’arte.Pour ce faire, les adaptateurs accentuent l’aspect caricatural despersonnages et donnent à la pièce la forme de la comédiemasquée, qui se définit par «des réparties bondissantes, des jeuxde mots délirants, une mise en scène qui roule à train d’enfer,des masques expressifs, qui exploitent aussi bien la carte del’hyperréalisme que du surréalisme le plus fou3». On notera quele nez fugueur, qui devient conseiller d’État chez Gogol,fonction prestigieuse qui permet le port d’un uniforme et lafréquentation de la haute société, se transforme, dans l’adap-tation, en chanteuse de cabaret connue sous le nom de NanetteNarine, une des deux sœurs Narine ! Ce changement se révèletrès représentatif du nouvel esprit de l’hypertexte, l’austérité duhaut-fonctionnaire étant remplacée par l’humour, la gaieté et ledynamisme d’une artiste de cabaret.

La transmutation d’une nouvelle russe pour adultes en une co-médie masquée pour enfants occidentaux a eu pour effet d’in-suffler une nouvelle vie à l’original, de lui permettre de connaître«un autre public, un autre mode d’existence, d’autres lieux etoccasions de diffusion4». Et ses publics ont été nombreux !

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3 Cahier pédagogique, Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF), Université d’Ottawa, fonds Théâtre de la Vieille 17,C142-1/2/19, p. 14.4 Hélène Beauchamp, op.cit., p. 120.

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Créée à l’école Sainte-Trinité de Rockland, le 5 octobre1983, l’adaptation théâtrale a connu un succès immédiat, qu’estvenu couronner, l’année suivante, le prix Floyd S. Chalmers, dé-cerné à la meilleure pièce canadienne pour jeune public5. Entre1983 et 1989, la pièce a fait l’objet de cinq productions diffé-rentes en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick. Puis,ce fut le silence jusqu’en 1994, date à laquelle Guy Freixe, alorsdirecteur artistique du Théâtre du Frêne à Conflans-Sainte-Honorine, en banlieue de Paris, découvre l’adaptation. Pour cethéâtre qui explore, dans ses productions, les multiples possi-bilités scéniques du masque, cette trouvaille constitue uneaubaine.

La nouvelle production du Nez est le fruit d’une colla-boration entre Guy Freixe et Robert Bellefeuille. Elle accentuel’aspect onirique de la pièce et adjoint aux acteurs des marion-nettes de différentes tailles. La première a lieu à Conflans, le26 septembre 1994. Elle amorce une nouvelle carrière pourcette comédie masquée qui, dès novembre 1994, revient auCanada après une tournée d’un mois en France. Elle est alorsjouée à Ottawa, à Québec et à Belœil, avant de prendre l’afficheà la Maison-Théâtre, à Montréal, du 30 novembre au 22 dé-cembre 1994. En tout, plus de vingt mille jeunes spectateursont pu voir cette production. En 1995, la pièce a représenté leCanada au Festival international de théâtre jeunes publics, àMontréal.

Depuis la toute première production, la réception serévèle unanimement positive. On loue la fantaisie, la création,l’imagination, la richesse en rebondissements. On souligne

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5 L’historique des représentations théâtrales, de même que les remarquesrelatives à la réception de la pièce, sont tirés du fonds du Théâtre de laVieille 17 conservé au CRCCF, C142.

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également le fait que, si la pièce s’adresse essentiellement auxenfants du second cycle du primaire, les plus jeunes sont sen-sibles, eux aussi, aux gags visuels et à « tout l’aspect spectacle dela pièce6».

L’introduction de cette adaptation dans la collection«Bibliothèque canadienne-française » souligne son accession aurang de classique de notre littérature. Elle offrira des heures deplaisir et de créativité à celles et ceux qui entreprendront de lamonter car, les masques aidant, il suffit de quatre comédienspour jouer les vingt-huit personnages.

Visionnaire, Nicolas Gogol a toujours pensé que sonœuvre vivrait bien après lui. Outre les nombreuses traductionsqui en ont été faites, la nouvelle a également inspiré à DimitriChostakovitch un opéra en trois actes, dont il a écrit le texteet la musique, et qui a été représenté pour la première fois le18 juin 1930, au théâtre Maly, à Léningrad (Saint-Pétersbourg).La pièce de Robert Bellefeuille et Isabelle Cauchy a été traduiteen anglais par Robert Bellefeuille lui-même et Robert Marinier,sous le titre The nose, en 1985. Par la magie des adaptations etdes traductions, un petit texte russe de trente pages a fait le tourdu monde. Gogol a prononcé une parole prémonitoire le jouroù, jeune encore, il s’est exclamé : « Je sais qu’après moi, monnom sera plus heureux que moi-même7. »

Françoise Lepage

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6 France Simard, «Le Nez du Théâtre de la Vieille 17 : une pièce bien flairée…»,Le Droit, 3 octobre 1983, p. 17.7 Gogol, Nicolas, Les âmes mortes, préf. de Vladimir Pozner, Paris, Gallimard,1973, p. 19.

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Le nez, une pièce pour enfants inspirée d’une nouvelle de l’écrivain russe Nicolas Gogol, a été créée le 5 octobre 1983

à l’école Sainte-Trinité de Rockland, dans une production du Théâtre de la Vieille 17.

PREMIÈRE DISTRIBUTION ONTARIENNE

Robert Bellefeuille, Michel Marc Bouchard, Isabelle Cauchy, Chantal Lavallée

LES CRÉATEURS

Texte Robert Bellefeuille et Isabelle Cauchy

Mise en scène Robert Bellefeuille, assisté de Jacques Lessard

Scénographie Luce PelletierMusique Daniel Cauchy

et Louise BeaudoinÉclairage Serge Péladeau

PERSONNAGES PAR ORDRE D’ENTRÉE EN SCÈNE

Simone, Yvan le barbier, la femme qui crie, le facteur, le policier, Professeur Nicolas, Madame Marie, une petite fille,

Madeleine, une femme et son bébé-nez, une femme et son chien-nez, un homme-nez, une femme,

Renée, un camionneur, un jeune garçon, Madame Bégonias, le maître de cérémonie, Nanette Narine, sœur Narine 1,

sœur Narine 2, Nana le Nez, médecin 1, médecin 2, médecin 3, Nazaire Sinus.

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Page 19: Robert Bellefeuille et Isabelle Cauchy Le nez Le Nez...ROBERT BELLEFEUILLE, un des fondateurs du Théâtre de la Vieille 17 qu’il dirigera de 1981 à 2006, est coordonnateur du programme

Scène 1Dans la cuisine chez le barbier Yvan, le matin. Simoneentre en chantant tout en préparant le déjeuner d’Yvan.

SIMONE

J’ai un beau petit marigentil et sans reprochequi aime les briochesun beau petit mari !

Il est encore au litje lui fais de petites gâteriespuis je le réveilleraipour qu’il aille travailler !

Yvan ! Yvan le déjeuner est servi ! (Criant.) C’est prêt, Yvan !Viens avant que ça refroidisse ! Je t’ai préparé de belles petitesbrioches, comme tu les aimes !

Yvan entre, s’assoit sans dire un mot, grommelle, renifle,tousse.

Mon Dieu que tu as l’air fatigué, tu travailles trop mon Yvan !Je sais pas combien tu peux recevoir de clients dans une journée,mais il y a des jours où je me demande si toute la ville va chezle barbier. Tiens, ta brioche.

YVAN LE BARBIER

Prend la brioche, la sent.Hum...

SIMONE

Ça m’étonne qu’il n’y ait pas de file devant ton salon. Oh, çame fait penser qu’il faut que j’aille chez le boucher aujourd’hui.

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Je suis certaine qu’il va y avoir beaucoup de monde et que je vaisencore être obligée d’attendre, comme si je n’avais rien d’autreà faire dans ma journée.

Yvan ouvre sa brioche, se prépare à prendre une bouchée,hésite, regarde sa brioche, chipote du bout du doigt, re-garde de plus près. Simone s’interrompt, le regarde du coinde l’œil, lui dit :

SIMONE

Qu’est-ce qu’il y a ? Ce n’est pas bon ?

YVAN LE BARBIER

(Grommelant.) Oui, oui, c’est bon, c’est très bon !

SIMONE

Mon Dieu, mon p’tit mari, si en plus tu n’as plus d’appétit, jevais m’inquiéter pour de bon !

YVAN LE BARBIER

Mais non, ma Simone, c’est délicieux. C’est délicieux, regarde.Il prend une bouchée.

Ah, c’est bon !

Simone reprend son histoire où elle l’avait laissée.

SIMONE

...En tous les cas, qu’est-ce que tu dirais d’un petit rôti de bœufpour souper demain soir ? Il me semble que ça te ferait du bien.Tu n’as pas l’air fort fort ces temps-ci, peut-être que je devraiste faire une petite ponce ce soir avant que tu te couches.

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Achevé d’imprimeren février deux mille sept sur les presses

de Marquis Imprimeur, Cap-Saint-Ignace (Québec).

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Le nez, une pièce pour enfants inspirée d’une nouvelle de l’écrivain russe Nicolas Gogol, connaît un immense succès dès sa production par le Théâtre de la Vieille 17 d’Ottawa en 1983. L’année suivante, la pièce remporte le prestigieux prix Floyd S. Chalmers de la meilleure pièce canadienne pour enfants. Elle fera l’objet de cinq productions entre 1983 et 1989, puis, en 1994, le Théâtre du Frêne à Paris lui re donne vie dans un spectacle qui tourne en France et au Canada devant plus de 20 000 spectateurs.

La nouvelle du même nom de Nicolas Gogol, publiée en 1836, constituait, à l’époque, une époustouflante satire sociale. En l’adaptant pour la scène, Robert Bellefeuille et Isabelle Cauchy ont créé une comédie masquée pour enfants qui met en scène des nez dans une brioche, des nez chantant en chœur, des nez en fugue et des nez qui flairent une histoire louche.

Pièce drôle, intelligente et surréaliste, applaudie unanimement par les écoliers et la critique, Le nez rappelle la commedia dell’arte et les dessins animés. Comme le mentionne Françoise Lepage dans la préface: «L’humour fuse à toutes les pages sous forme de jeux de mots, de quiproquos, de patronymes et de toponymes évo­cateurs (les sœurs Narine, Nazaire Sinus, Narinezona), mais aussi sous forme de jeux de scène, comme la confrontation entre le barbier Yvan et sa femme Simone, qui se poursuivent sur la scène en se lançant le nez comme un ballon de football [...].»

La réédition en BCF est bonifiée d’une préface et d’une biobibliographie des auteurs.

ROBERT BELLEFEUILLE, un des fondateurs du Théâtre de la Vieille 17 qu’il dirigera de 1981 à 2006, est coordonnateur du programme de mise en scène à l’École nationale de théâtre du Canada.

Auteure et metteure en scène, ISABELLE CAUCHY a signé plus d’une douzaine de textes destinés au théâtre jeune public. Aujourd’hui elle est codirectrice du Petit Théâtre de Sherbrooke, au Québec.

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