rien qu'une chanson - ekladata.comekladata.com/ycvvxxup9my6scwndtl75rtmsfm/1-rien-qu... ·...
TRANSCRIPT
Chapitrepremier
Faceaumiroir,jefroncelessourcilsendévisageantcettefilleauxyeuxd’unbleusombre.Ilfutun tempsoùmonregardbrillaitdevitalité.Maismaintenant…ilest terne,presque inerte.Tous leseffortsdéployéscesquinzederniersmoispoursurmontermondeuiletcommencerunenouvelleviesont restés sans effet. J’ai laissé passer les jours et fini par capituler. Passivement, j’ai observé lafatiguetirerpeuàpeulestraitsdemonvisage.
Mais,cesoir,c’estdifférent.J’enaiassezdecescernessombresàpeinerecouvertsdefonddeteint,decettelassitudequipèsetroplourdsurmesépaules.
Lentement,jepenchelatêted’uncôté,del’autre,jeplisselesyeux,commepourvoirlemondesousplusieursangles.Maiscen’estqu’uneillusion:j’aitoujourscetairtristeetfatigué.Pourquoinepasajouterdumascara?Peut-êtrequeplusieurscouchesdetriplevolumenoirm’aiderontàvoirleschosesdifféremment.J’essaie,pourvoir.Non,çanechangerien.
Enreposantbrusquementletube,jesouffled’unairdécidéetm’adressed’unevoixgraveàcetteétrangèreenferméedansunmiroir:
—J’enaiassezdetoutça.La fille en face de moi, avec sa moue boudeuse soulignée au rouge à lèvres et ses cheveux
marronchocolat,ressembleàunmiragedecellequej’étaisavant,etcetteimagequotidiennefinitparmelasser.Jelahais,jehaiscetteenveloppephysiquedemonancien«moi»quiportesadépressionenétendard.Undésespoirquiselitsurcesjouescreusées,surcesouriretristequej’arboretelleunemédailleetquimerépugne.Allezsavoirpourquoi,j’ensuismêmevenueàcompterlesjoursquimeséparentdeladatefatidiquedel’accident,jemarquedescroixsuruncalendrierimaginairepourmerappelerquej’aisurvécuencoreunjourdeplusdanscetenfer.
J’aidécidéd’arrêterdecompter,ilyavingt-huitjoursdecela,pourreprendreunevienormale.Seulement,meseffortssesont limitésàquelques tentativesmisérablesdemechanger les idées.Cesoir,commechaquesemaine,jeretrouvemameilleureamieMiapourundînerenville.Alorsquejesuis là àme préparer, jeme rends compte que j’en ai marre. Il est temps de tourner la page, derecommenceràvivre.
J’ignoreencorecequeçaveutdireexactement,maisunechoseenmoiseréveille,aufinfonddemonâme.Cettechoseplantedepetitesgrainesd’espoirqui,peuàpeu,setransformentenuneenvienouvellequisesentàl’étroitdanscettecoquilleinerte.
Sansréfléchirpluslongtemps,jesaisismontéléphoneetenvoieuntextoàMia.Changementdeplan.Cesoir,rendez-vousauJack’sBar.
LaréactiondeMia,jelavoisd’ici:bouchebéeetsourcilslevés,elledécryptemonmessage,ses
yeuxbleucielécarquillésd’étonnement.Elledoitsedirequej’aiperdula tête.Lorsqu’elleviendramechercher,j’auraidroitàuninterrogatoireenrègledèsqu’elleaurafranchileseuil.Maisjesaisce
quejefaisetmadéterminationl’emportera.Miamedemandepartexto:Tuessûredetoi?
Jerépondsaussitôt.Ramènetesfessesavantquejem’énerve.
EtMiaderenchérir:Alorstuesvraimentderetour,mabelle?Jen’ycroyaisplus!
De retour… Je ne suis pas sûre de pouvoir un jour redevenir celle que j’étais avant. Mais je
comptebienétouffercesbraisestristesquirougeoientaufonddemoietmenacentencoredeprendrefeu,neserait-cequeletempsd’unsoir.
Enlevantencoreunefoislesyeuxverslajeunefemmedanslemiroir,jeperçoisdanssonregardcommeunelueurd’espoir.
Jequittelasalledebainsetrefermevitelaportederrièremoienpriantpourquelafilledumiroirnemesuivepas.Jeveuxêtremoi,l’espacedequelquesheures.Retrouvercellequej’étais,cellequiaimedanser,écouterdelamusique,rire…Bref,croquerlavieàpleinesdents.
AlorsqueMiaetmoientronsdansnotrebonvieuxbarpréféré, jemeprends lespiedsdans le
tapisettrébuche.Lapremièrechosequejeremarque,c’estlascène.Pourl’instant,elleestvide,maisilestencoretôtetonestmercredi.Trèsvite,ungroupelocalprendrapossessiondeslieux.Jecaressevaguementl’espoirdefinirdedîneravant ledébutduconcertpourvitedécamperavantd’entendrelespremiersaccords.
Etpuisjemeravise.Si je suisvenue,c’estdans l’espoirde retrouverprogressivementmonancien rythmedevie,y
faire face plutôt quede fuir sans arrêt.Au fonddemoi, je sens ce désir s’éveiller au souvenir detouteslessoiréespasséesàjouersurcettescène.Jemesuisemployéependantquinzemoisàoubliercettepartiedemoi,demonpassé.Jel’aidéracinéeetl’aijetéeauxencombrantsdèslejourdeleurenterrement, parce que je renonçais à tout ce qui pouvait m’apporter une once de bonheur. Àl’époque, j’avais l’impressionqu’êtreheureuserevenaità les trahir.Jenepouvaispascontinuerdevivrecommesiderienn’était,enpassantdubontemps,enmeconsacrantàmespassions,alorsqu’ilsn’étaientpluslà.
Cequiestfaitestfait,maiscesoirjemedemandesij’aieuraison.Pouravoirlaréponse,jedoisfranchircetteétape. Il le faut.ToutensuivantMia jusqu’à lapetite tablehaute, jemepersuadequec’estjustepourunsoir.Latableàlaquellenousnousinstallonssesituecontreunerambardedubarsurplombantlapistededanseetoffreunevuedirectesurlascène.
C’estnotretable.J’adresse àmonamieun sourire gêné enm’asseyant.Elle s’estmontrée très patiente cesvingt
dernièresminutes,passant tout le trajetdepuischezmoiàme raconter les rebondissementsde sondernier déplacement professionnel à Los Angeles pour Callie’s, le grand magasin branché pourlequel elle travaille. Mais je sais que l’heure tourne et qu’elle ne tardera pas à me réclamer une
explication.Miaetmoisommesamiesdepuisl’écoleprimaire,quandmafamilleaemménagédanslamaison
voisinedelasienne.Alorsquelesdéménageursétaientoccupésàviderlecamion,elleestarrivéeencourantsurnotrepelouseparcequesonfrèreElijahlapoursuivait,unecouleuvreàlamain.Affolée,ellem’atiréeparlebras.Noussommesinséparablesdepuiscejour.
Mais,cesoir, lasituationmegêne.Jesuisassise làenfaced’elle, lesmainsmoites,à lamêmeplacequecellequej’occupais,étudiante,pendantmesheuresderévision,danscemêmebaroùnousvenons chaque semaine depuis que nous avons nos diplômes en poche. J’ai vécu des milliers dechoses auJack’s Bar,mais cet endroit a beaume rappeler d’heureux souvenirs, ces bribes de viepasséesontautantdebombesàretardementmenaçantd’exploserenmoiàtoutinstant.
Jepeuxyarriver,illefaut.Aumoinscesoir.Jemerépètecesmotsinlassablementpourapaisermesangoisses,maisc’estpeineperdue.Jesens
que je suis à deux doigts de me ruer dehors pour ne plus jamais revenir, j’en suis capable. Leproblème,c’estquesijen’affrontepasleJack’s,jen’arriveraijamaisàavancer.
SousleregardinquisiteurdeMia,jebalbutiemacommandeàlajeuneserveuseenjetantautourdemoiunregardcirculaire.Cebarétaitnotrechez-nous,loindecheznous.Àpartlepersonnel,oulesnomsdesgroupesdontlesaffichesornentlesmursprèsdesbillards,rienn’achangé.
L’arrivéedesbièressonneleglas: ilest tempsdeparler.Jepositionneleverrebienenfacedemoisurlatableetprendsuneprofondeinspiration.
—J’enaimarred’êtretoutletempstriste.Sij’aivouluvenircesoir,c’estpourmesouvenir…etpasserunebonnesoirée,çafaittroplongtemps.
LesourirequisedessinesurlevisagedeMiadoitfairelatailleduCanada.Depuisdesmois,ellen’attendqueça:quej’acceptedem’amuser.Jusqu’àcejour,jen’aifaitquetraînerlespiedsetpiquerdes colères furieuses. Après tout, c’est bien elle qui a débarqué dans mon ancien chez-moi unmercredisoiroùjeruminaismesidéesnoires,affubléed’unpantalondeyogaetd’unvieuxtee-shirtusé.Cejour-là,ellem’asecouéeparlesépaulesetm’aobligéeàdîneravecelleunefoisparsemaine.
Unebouledansleventre,jemeraclelagorge.—Je…jemedisquepeut-être…qu’ilesttempsdetournerlapage…derecommenceràvivre.
Enfin,jecrois.Mapropremaladressemehérisselepoil.Miameregarded’unairsongeuretcompatissant,maisjesaisqu’elleessaiededécrypterceque
jeluiracontepuisque,àvoirlatêtequ’ellefait,jen’aipasététrèsclaire.—Maisçafaitplusd’unan,maintenant.Depuis,tuasdéménagéettuasmontétapropreboîte.Ellearaison.Et,ditcommeça,onpourraiteffectivementcroirequej’avance,quejemeremets.
Maisjeneparlaispasdeça.—Non,Mia.Jeparlaisdemaviesurleplan…sentimental.Jedétestecettepointede timiditéavec laquelle jeprononcecesmots,çamedonneenviedeme
cachersouslatableouderentrerchezmoiencourantpourmeplongerdansmestravauxphoto.Leproblème,c’estqu’unetelleréactionreviendraitàfuir,orc’estexactementcequejeveuxcombattre.L’idéederecommenceràfréquenterdeshommesnem’apastraversél’espritdetoutelasoirée,pasmême lorsque jeme préparais en songeant à la coquille vide qu’était ma vie ces derniers temps.Pourtant,jementiraissijetedisaisquejen’yaipaspenséquelquefoiscesderniersmois.
Miaestmameilleureamieetjevoismesparentsrégulièrement,mais,àparteux…,j’aiététrèsseule.
Encomprenantenfindequoijeparle,Miarestebouchebée.
—Tuveuxsortir?Avecdeshommes?Jehochelatêteetmepasselamaindanslescheveux,plusvulnérablequejamais.—Pasforcémenttoutdesuite,mais…çamemanquede…Jenesaispascommentterminermaphrase,niquelsmotschoisirpourluidirecequejeressens.
Ce quimemanque, c’estMarc et Andrew. La vérité est là. Ilsmemanquent à chaque seconde dechaquejour,mais,cesderniersmois,j’aifiniparaccepterleurabsence.Depuis,j’aiprisconsciencequelavieàdeuxmemanqueaussi,cetteproximitéetcetteintimitéquepartagentdeuxpersonnesencouple,lefaitdepassersesjournéesensemble,derirependantledîner,desavoirquel’autreressentpoursoiuneaffectionquivabienau-delàdelasimpleamitié,au-delàdel’amourfamilial.Jeveuxconnaîtreencorecesentiment-là.
Ousavoirquec’estencorepossible.Jen’aipasfinimaphrase,maisMiaadéjàtoutcompris.Commetoujours,ellemecomprendsans
que j’aie besoin de parler.Dansmes yeux rêveurs, elle devine que je caresse vaguement l’idée derencontrerunhomme.
—Contented’apprendrequetuysongessérieusement.Savoixestdouceetcalme,maisjevoisbienquesonvisages’illumine.Sonsouriremerappelle
celuid’Andrewqui,endescendantl’escalierlematindeNoël,éclataitdejoieendécouvranttouslescadeauxentasséssouslesapin.Parlerd’uneéventuellerencontreamoureusesuffitàrendreMiafolledejoie.
Maiselleestaussi trèsdangereusedanscetétat,parceque,misàpart lamode, lesdeuxchosesqu’elle préfère aumonde sont : séduire et jouer les entremetteuses.La drague, c’est son domaine.Touslestypesd’hommesl’intéressent.Là,jem’aperçoisque,eneffleurantcetteidée,jel’aipousséeàparcourirmentalementsoncarnetd’adressesdemecsqu’ellepourraitmeprésenter–cequ’elleal’intentiondefaireincessammentsouspeu.Maisjenepeuxpasluienvouloir,elleesttrèsdouéepourjouerlesentremetteuses.
Alorsquej’observel’excitationprendrepossessiondesonvisage,jemerendscomptequ’onestamies depuis vraiment longtemps. Depuis toujours, nos personnalités sont aussi opposées quecomplémentaires.Miaestdugenreàsaisirchaqueopportunitéque lui tend ledestin, toujoursavecenthousiasme, comme si le monde lui appartenait. Elle fonce tête baissée, alors que moi je mecontente de prendre des risques uniquement si on me lance un défi. Pendant toutes ces annéesd’amitié,elleplanifiaitnosaventuresetjelasuivaisàreculons,maisseulementaprèsqu’ellem’eutlancésaphrasefétiche:«Capoupascap?»Aprèscoup,j’étaistoujoursheureusedel’avoirsuivie.Commecettefoisoù,arméesdepapiertoilette,nousnoussommesamuséesàsaccagerlespelousesde toutes les pom-pomgirls du lycée, ou le jour où elle a échangé l’albumphoto de sa confrériecontreceluidelaconfrériedesonpetitamidel’époque.Ilyaeuaussisonenviesoudainedesauterenparachute,ouencore…monsouvenirpréféré : le jouroùellem’a lancé ledéfid’allerdraguerMarc.
LesyeuxbleucieldeMiascintillentd’excitationalorsqu’elleréfléchitencoreàceluiqu’ellemeréserve.Sonplanmachiavéliqueprendformedanssonregard.
—Tuessérieuse,pasvrai?medemande-t-elle.Jehochelatête.—J’enaivraimentbesoin,cesoir.—Parfait!Ellemetapedanslesmainscommesinousvenionsdeconvenird’unarrangement–cedont je
doute–, et j’ai comme l’impressionqu’ellemedonneraungageunpeudélirant avant la finde la
soirée.Cettepenséemefaitsourire;finalement,jen’aipasaussipeurquejelecroyais.Jeluilanceunregardsuspicieux:qu’est-cequ’ellemijote?Notrecommandearriveetmetirede
mes interrogations. Je me sens un peu nerveuse à l’idée qu’elle manigance quelque chose. Siseulement je pouvais repousser l’échéance… Pour l’instant, je me jette sur mon hamburger pouroubliermonangoisse.
Finalement,l’éclairdemalicedisparaîtpeuàpeudesesyeuxetnousnousremettonsàpapoterdechosesetd’autres.Jememetsàluiparlerdesfamillesquej’aiphotographiéescettesemaine.Pendantuncertaintemps,Miaainsistépourquejefassequelquechosedemesdixdoigtsetdetoutmontempslibre;puisquelaphotoatoujoursétémapassion,j’aifiniparmontermapropreentreprise.Cen’étaitpas difficile : j’ai commencé par prendre mes amis en photo, en particulier ceux de mon ancienquartier, ravis de servir de cobayes, puis ils ont parlé demoi autour d’eux et les affaires se sontdéveloppéesgrâceauboucheàoreille.
Mialèvelesyeuxversmoi:çayest,jesuisdansdebeauxdraps.—Revenonsànosmoutons.Jeveuxquetudraguesquelqu’uncesoir.Stupéfaite,jerecrachemagorgéedebière.Quellehorreur,j’enaimispartoutsurlatable!Rouge
commeunepivoine,jemetsmamaindevantlabouche.Enfacedemoi,Miapouffederire.Jesecouelatêtepourmanifestermonrefus,maisjevoisdanssesyeuxqu’ellenemelaissepasle
choix.Enréponse,jeluijetteunregardnoir;c’estcommesinousnousdisputionssansprononcerun
mot.Pasbesoindeparler:ellemedéfiedelefaire,aucundoutelà-dessus.Mêmesaphrasefétichebrilledans sesyeux sansqu’elle aitbesoinde laprononcer.Ladernière foisqu’ellem’a regardéecommeçaremonteàdeuxans,lorsqu’ellemedéfiaitdemebaignernuedanslelacprèsdelamaisonde campagne de mes parents. C’était en plein jour, dans un lac bondé de jet-skis et de skieursnautiques.
C’est la toute première fois qu’elleme lance un défi depuis l’accident, justement le soir où jedécidede reprendreunevienormale : l’associationdesdeux faitnaîtreenmoiunepetiteétincelled’excitation.
—Horsdequestion!Jesuisvenuepasserunesoiréetranquilleàécouterunpeudemusique.Jenepensepas…
Mavoixs’éraille.Jen’aipasflirtédepuistellementlongtemps,jenesuismêmepassûredemerappelercommentonfait.Etpuis, lorsqueMiaestdanscetétatde jubilation,cen’estmêmepas lapeined’envisagerdediscuter.Ellepromènesonregardsurlesautresclientsdubaretmonestomacsenoue.Bonsang,ellevavraimentmepousseràlefaire!
—Mia…Impossibledenégocier,ellemecoupelaparoleenlevantlamainetfroncelessourcils.—Capoupascap?Etmerde.Ladernière fois que j’ai refuséde relever undéfi, j’avais treize ans.L’idée–même
vague – deme dégonfler ce soirme provoque des douleurs dans chaque fibre demon enveloppecorporelle.Lesyeuxrivéssurmameilleureamie,jelaregardefairevolerseslongscheveuxblondsdansunmouvementthéâtraletarborerungrandsourirecommesiellevenaitderemporterlejackpot.C’est lecas :malgrémacrainted’échouermisérablement, jenepeuxpasrefuseretelle lesait trèsbien.
—Bon,d’accord.Qu’est-cequejedoisfaire?Avant de répondre, elle passe en revue les clients qui nous entourent et mon pouls s’accélère
dangereusementàchaqueseconde.Jen’arrivepasàcroireque j’entredansson jeu.Toutceque je
voulais, c’était passer une bonne soirée dans l’endroit que je préfère aumonde et boire quelquesverres en écoutant un concert pour la première fois depuisquinzemois. Il n’en faut pasbeaucouppourmeconvaincredefairen’importequoi.
—C’estfacile.Jetedéfied’allerflirteraveclapersonnedemonchoix,et,pourpimenterunpeula chose… (Son sourire s’élargit jusqu’aux oreilles, mes sourcils se crispent et la curiosité meronge.)Situconvaincslemecdetepayeruncoupàboire,jet’offreunenouvellepaired’escarpins.
—Tuplaisantes?—Non.Jevaismêmetesimplifierlatâche.Enpenchantsabièreendirectionducomptoir,ellem’indiquel’angleoùdeuxhommesdiscutent.
Un des deux, un grand blond, parle à l’autre en faisant de grands gestes avec les bras. De loin,j’observe qu’ils ont à peu près notre âge, peut-être un peu plus. La beauté du blond est presquescandaleuse,maisjenevoispastrèsbienl’autre:ilesttapidansl’ombreetsacasquettedebase-ballesttellementenfoncéesursatêtequ’elleluicouvrelesyeux.
JemeretourneversMiaenpoussantungrognement.—Ilssontdanslecoinaucomptoir.Typiquementl’endroitoùonseréfugiepourfairepasserle
message:«Fichez-moilapaix»,tulesaistrèsbien.—Ouais,maisilssontdeux,etseull’und’euxdoittepayeràboire.Jesuissûrequ’enminaudant
tuobtiendrasunebière.Alorsremonteunpeutajupehistoiredemontrertesjambesderêveetfaisensortedeméritertesfutursnouveauxescarpins.
Enpoussantunsoupir,jeregardemajupenoiredéjàquelquescentimètresau-dessusdugenouetjelèvelesyeuxversMia.Mesjambesderêve?Longuesettoniques,peut-être.Maissil’unedenousauncorpsdedanseusesansjamaisfairelemoindreeffort,c’estbienMia.C’estellequiadesjambesderêve.
Unepartiedemoiveutprendrelapoudred’escampette,etl’autrepartie–cellequejecommenceàretrouver–atrèsenvied’unenouvellepaired’escarpinssublimesethorsdeprix.
—Bon,d’accord.Jemedirigenerveusementvers le comptoir, les jambesencoton.Moncorpsentier estprisde
tremblementsdepeur,d’énervementetd’excitation,puisunepenséemefoudroie:«Qu’est-cequejeficheici?»Quandj’arriveprèsdubar,legrandblondmedécocheunsourireencoinetsetourneverssonami.Jen’aimêmepasessayédeflirteretdéjàlesentimentd’échecmeglacelesang.
JetantunregardàMiapar-dessusmonépaule,jel’aperçoisquimesouritetmefaitunpetitsignedelamainpourm’encourager.Jeposelesverresvidessurlecomptoiretattirel’attentiondubarman.Lorsque celui-ci se retourne, toutes mes craintes et mes intentions de drague s’envolent en unefractiondeseconde.
Chapitre2
—Pete!Ma voix trahit ma joie de découvrir mon barman préféré, mais aussi mon ancien patron et
propriétaireduJack’s.Soitditenpassant,laraisonpourlaquellesonbars’appelleleJack’setpaslePete’s reste un mystère pour moi. Un grand sourire se dessine sur mon visage, chassant toutel’anxiétéquegénéraitl’idéed’allerdraguerlesdeuxmecsaccoudésaucomptoirjusteàcôtédemoi.Pete n’est pas seulement un ancien patron, c’est un ami que les drames que j’ai traversés m’ontpresquefaitoublier.C’estsibondelerevoir…
Enposantlesyeuxsurmoi,ilsefigedesurpriseetsonaireffarémefaitsouriredeplusbelle.Lentement,ilclignedesyeuxunefois,puisdeux,commes’ilvoyaitunfantôme.
Jehochelatêteenréponseàsesquestionssilencieuses.—Nicky?!Maisçafaitunbail,mapuce!Je n’ai pas le temps de réagir, ses grandes mains me soulèvent déjà presque par-dessus le
comptoir et il m’enveloppe de ses gros bras d’ours pour me serrer si fort que c’en est presquedouloureux.Lebordducomptoirs’enfoncedansmeshancheset jen’aiqu’unsoucientête:est-cequemajupen’estpasremontéetrophaut?
Ilmeserreencoreetmebalancedehautenbas;lorsqu’ilenafiniavecmoi,jem’aperçoisquej’aileslarmesauxyeux.Ilm’atellementmanqué!
D’unvifcoupd’œil,ilregardeautourdenouscommepourvérifierquepersonnenenousprêteattention–ous’assurerqu’aucunclientn’abesoindelui–etilposesamainsurlamiennepourlasaisirfermement.Sonregardmetransperceetm’empêchedetournerlatêteailleurs.
—Commentvas-tu?Dureversdelamain,jechasselalarmesolitairequiroulesurmajoueenluiadressantuntriste
sourire.—Çava…C’estpasfacile.Maisjecroisquejevaismieux.Jemarqueunepauseetdésignelebard’unmouvementdelamain.—C’estbonderevenirici.Ilhochelatêteetprendunairgrave.—Tantmieux.Tuesicicheztoi,Nic.Àl’autreboutducomptoir,unclientl’appelleetPetesedirigeversluisansmequitterdesyeux.—N’oubliejamaisça,tum’entends?ajoute-t-il.—J’endéduisquetuvienssouventici?Enmeretournant,jevoislegrandblondm’adresserunsourireparticulièrementchaleureux.On
nediraitpasqu’ilmefaitdugringue,maisqu’est-cequej’ensais,finalement?Jen’aipaslesouvenirdem’êtredéjàfaitdraguerdansunbar,iln’yajamaiseuqueMarc.
Je sourispoliment, conscientequeMianeperdpasunemiettedenotre échange, et résiste à latentationdemetournerverselle.
—Jetravaillaisicipendantmesétudes.Ilyabienlongtemps…Tout en parlant, j’examine l’inconnude plus près. Il est grand, très grand.Mince, tout en étant
musclé.En revanche, sacoiffure laisseàpenserqu’il est làunpeuparhasard : ses longscheveuxblondsluidonnentl’aird’unsurfeurvenutoutdroitdelacôtecalifornienne,malàl’aisedanscebarmalfaméaucœurduMid-Ouest.
Ilhoche la tête :maréponse luiconvient.Nesachantpas tropquoi luidired’autre, je lui tendsalorsunemainmaladroite.
—Jem’appelleNicky.Ilmeserrelamain.—Jake.EtvoicimonamiZach.Unhaut-le-cœursecoincedansmagorgelorsquemesyeuxseposentsurletypeàlacasquettede
base-ball, apparemment baptisé Zach. Ses yeux sont d’un vert si clair qu’on les croirait presquetransparents. Leur pouvoir hypnotique me paralyse. À la simple vue de cette couleur si limpide,j’oubliepourquoijesuislàenfacedelui.
Zachmesouritàpeineethochelatête.—Enchanté!Iln’apasl’airenchantédutout.J’aimeraisdétachermesyeuxdelui,maisjen’yarrivepas.Leton
desavoix trahitunecertaineméfianceàmonégardet je lesurprendsà jeterdebrefscoupsd’œilautourdeluicommes’ilnevoulaitpasêtrevuentraindemeparler.Jefroncelessourcils;j’oubliaisquecestypessontinstallésàl’angleducomptoiretnetiennentpasàêtredérangés.
Lepetit rireétouffédeJake interromptmespensées.Si jene flirtepasaveccesgars-là toutdesuite,adieulesnouvelleschaussures.C’estbon,j’abandonne.Jenesuispasencoreenétatdedraguerpourarrangermavie.En revanche,peut-êtrequ’unepointed’honnêtetépeutmarcher,au risquedeparaîtrepathétique.
J’esquisse un sourire et repousse mes cheveux derrière mes épaules en regardant Jake. Il atoujoursl’airdes’amuseretsonregardalterneentreZachetmoi.
Allez,jemelance.—Jemedisaisquevouspourriezpeut-êtremedonneruncoupdemain.LevisagedeJakes’illuminealorsqueceluideZachs’assombrit.—Pourfairequoi?medemande-t-il,plusméfiantquejamais.Ilestévidentqu’ilnecomptepasmefaciliterlatâche;jeprendsalorsuneprofondeinspirationet
metourneversJakeleBienheureux.—Monamievientdemelancer ledéfidedraguerquelqu’uncesoir.Si jeparviensàmefaire
payerunebière,ellem’offreunenouvellepairedepompes.Etpuisquelesjeuxdeséduction,c’estpasmatassedethé…
Jesuisparfaitementconscientequececharabiadoitleurparaîtreinsensé.Àchaqueseconde,mesnerfs se crispent de plus belle tandis que leurs visages restent figés. Mais je ne dois pas medécourager.
—SivousfaitessigneàPeteet luicommandezàboirepourmoi, ilnevousferasûrementpaspayer,çanevouscoûterapasuncent.
Jememordslalangueetsourisnerveusement.Àcettesecondeprécise,j’aiunefolleenviedemecognerlatêtecontrelecomptoirpouroubliercombienj’ail’airridicule:çanemarcherajamais.
Unesecondepassedansunsilencepesant,puisJakeéclatederire.Zachs’adosseàsonsiègeetpromènesonregardlelongdemesjambesavantdesefixersurmesescarpinsrouges.Mesgenouxsemettentàtremblersouslachaleurquemeprocureceregardposésurmoi.Jesuiscomplètement
désarçonnée, c’est la première fois que quelqu’unme regarde comme ça depuis presque un an etdemi. J’aimeraismedétournerde luiparcequeJakeestbeaucoupplus rassurant,mais lesyeuxdeZachquittentmespiedspourreveniràmonvisage,etilmedécocheungrandsourire.
Ilestsexy.Jen’arrivepasàcroirequejesoiscapablederemarquerunechosepareille,mais,bonsang, ilestvraimentsexy!Aveccesourire,cetypedoitsefairedraguerà longueurdejournée,etmoijesuislà,àbafouillerdesineptiessurmamédiocritéentantqueséductriceetsurdenouveauxescarpinsquimefontrêver.Génial…
—Tun’aspasl’aird’avoirbesoindenouvelleschaussures.Savoixtraînantemedonnedesfrissonsdansledos.Maisqu’est-cequim’arrive?Jeregardedel’autrecôtédubarparcequ’ilmefautabsolumentdétournerlesyeuxdecethomme.
Soudain,jecomprendsquecetteremarqueétaitplutôtunequestionetqu’ilattenduneréponse.—Jesuisunefille.Lesfillesonttoujoursbesoindenouvelleschaussures.Jakesembleréprimerunfourireenmefixantetjemedemandealorssicetypeesttoujoursaussi
gai.—Sij’aibiencompris,tuflirtesavecnous,ont’offreunverre–quinenouscoûterarien–ettu
gagnes une nouvelle paire de pompes. Mais tu n’attends rien d’autre de nous ? De Zach, enparticulier?
Je penche la tête sur le côté en regardant le vide quelque part entre eux deux. Je suis un peuconfuse.
—Jedevraisattendreautrechose?Le rire de Jake se libère et il assène une vigoureuse tape dans le dos de Zach. Mes joues
rougissent àme brûler ; je passe pour une idiote et je n’ai vraiment pas envie de regarder Zach,pourtantjenepeuxpasm’enempêcher.
Ce dernier sourit et secoue la tête comme s’il n’arrivait pas à croire ce que je viens de dire.D’ailleurs,moinonplus,maisj’ail’impressionqu’ilyaautrechosequim’échappecomplètement.
—Non,pasdutout,merépond-ilenfin.Jet’offreunverresiturépondsàunequestion.Jehausseunsourcil,pendueàseslèvres.—Pourquoi tonamienous a choisis ?dit-il.Etpourquoi te lance-t-elle ledéfi d’allerdraguer
quelqu’un?Sonsouriremeprocuredessensationsquejen’avaispaséprouvéesdepuisdesannées,cequime
troubleencoreplusquecequ’ilvientdedire.—Çafaitdeuxquestions,fais-jeremarquer.Jeglissemesdoigtsdansmescheveuxenespérantqu’ilneremarquepasquemesmainstremblent
légèrement.Ilboitunegorgéedesabièreetjemesurprendsàposerlesyeuxsurletissudesachemisegrise
tendue contre son torse, puis sur sa pomme d’Adam qui bouge lentement. Soudain, un flot desensations totalement incohérentes me parcourt ; je déglutis et cligne des yeux pour redescendrerapidement sur terre. Je dois avoir un sérieux problème, parce que je n’arrive pas à détourner leregarddecethomme.Cesoir, j’étaiscenséepasserunmomentagréable,pasbaver sur lepremiertypesexyquejerencontre.
—C’estvrai.Dansunhaussementd’épaulesnonchalant,ilposeuncoudesurlecomptoiret…meregarde.Bon sang. Je me mordille la lèvre et cherche à attirer le regard de Pete en souhaitant qu’il
remarque mon verre vide : et si c’était lui qui m’en offrait un ? Et zut, au diable ces foutueschaussures, jepeuxm’enacheterunepairemoi-même!LaprésencedeZachprovoquedeschoses
étrangesenmoi,jeferaismieuxdeprendremesdistancesunebonnefoispourtoutes.Maisjen’yarrivepas,parcequejen’aipasencoreremportéledéfilancéparMiaetquemafierté
n’admettrajamaisquejeretourneàmatablesansunverreàlamain.Enespérantquecetteréponseluisuffira,jemurmure:—Miamedéteste,voilàpourquoi.Lentement, je tourne la têteversZachet ilopineduchef,commesi tout s’expliquait.Saufque,
évidemment,çan’expliqueriendutout,maisiln’apasl’airdes’ensoucier.Quoi qu’il en soit, il jette un regard complice à Jake et lui fait un clin d’œil. Tous les deux
attendent quelque chose demoi, je ne sais pas quoi. Cette situation commence àmemettremal àl’aise,jen’ycomprendsplusrien.
—Tonamies’appelleMia?medemandeJake.Jeconfirmed’unhochementdetête.—Pourquoituneluidispasdenousrejoindrepourboireunverre?propose-t-il.Ouf!JesoupiredesoulagementenmeretournantversMiaetluiadresseunsouriretriomphant.Ellem’aperçoitalorsquejeluifaissigned’approcheretjedevinequ’elleestfièredemoi.Sauf
qu’enréalité jen’aipasvraimentflirté ; j’espèrequ’ellem’offriraquandmêmeleschaussures.Detoutemanière,j’avoueêtrefièredeparleràdeuxhommesetjepasseunbonmoment,cequiétaitlebutpremierdecettesoirée.Pourlapremièrefoisdepuisquinzemois,j’aivraimentl’impressionderetrouverl’ancien«moi»,alorsquelafillecoincéedanslemiroirendébutdesoiréedisparaîtpeuàpeu,jelesens.C’estàlafoisgrisanteteffrayant.
—Tiens,vosboissons,melanceZachenpoussantdeuxverresdebièreversmoi.J’ensaisisunetmeretournepourletendreàMia.Lorsqu’ellearriveàdeuxmètresdemoi,ellemesouritavantdeposerleregardsurZachetJake.
Soudain, ses yeux s’agrandissent de surprise et ses pieds butent l’un contre l’autre. Son bras sebalancepourretrouverl’équilibremaiselletrébuchesurmoi,renversantaupassageunpeudebièresurmonchemisier.
—Maisqu’est-cequiteprend?!Je lui lanceunregardnoiralorsqu’elleseretourneversZach. Instantanément, lesouriredece
dernier disparaît pour laisser place à unemâchoire crispée.Quant à Jake, il lance un rapide coupd’œil aux autres clients du bar. Certains tournent la tête pour observer le spectacle, mais ilsreprennenttrèsviteleurconversation,alorsJakesedétend.
—J’ycroispas!s’exclameMiaenposantunemainsursaboucheetl’autresurlecomptoirpournepass’effondrerdestupéfaction.
Ses yeux s’illuminent comme si elle voyait une apparition et elle trépigne comme si ses piedsétaientmontéssurressorts.
—Jerêve,c’estZachWalters!Lamâchoiredujeunehommesedécrispelégèrementpoursemuerenunsourireplus…comment
dire–forcéetarrogant,voireprétentieux.—Tuleconnais?Interloquée,jelesregardetouràtoursanscomprendrecequisepasse.Maréactiondéclencheun
nouveléclatderiredeJake.Qu’est-cequ’ilyadesiamusant?PourquoiZachsemblesoudainirrité?Pourquoimonamie–habituellementdécontractéeetréfléchie–a-t-ellesoudainl’airsiexcitéequ’oncroiraitqu’ellevafairepipidanssaculotte?
Bouchebée,Miasetourneversmoietsecouelatête;manifestement,jeviensdeposerlaquestionlaplusidioteaumonde.
—ZachWalters!merépète-t-elleenarticulantchaquesyllabe,commesimeparlercommeàunbébéallaitm’aideràcomprendre.
Choseétrange,çafonctionne.ZachWalters.LarockstarultimequeMiarêved’attirerdanssonlit.C’estofficiel,jesuiscomplètementstupide.
J’essaie de concentrer mon attention sur Mia ; ma meilleure amie, dont le travail consiste àfréquenterdes top-modelsetdescélébrités toute la journée,esten traindeperdre lespédalesetçam’amusebeaucoup.Jenecroispasl’avoirdéjàvueaussisurexcitée.
Pourtant,jenepeuxpasm’empêcherderemarquerquetoutecetteattentionautourdeZachlemetmalàl’aise.Jeprendsletempsdel’observeretmerendsàl’évidence:Miaaraison,c’estbienlui.Maispuisque,contrairementàelle, jenesuispasdugenreàépier lesblogsenquêtedesdernièresrumeurssurlaviedesstars,jenel’auraissûrementjamaisreconnu,mêmesanssacasquettedebase-ball.
—Enchanté,marmonneZachentendantlamainpar-dessuslecomptoir.Savoixprendcemêmetonfroidqu’avecmoitoutàl’heure:iln’apasl’airenchanté.Saufque
maintenantjecomprendsmieux:ilespéraitsansdouteboireunverreincognitoavecsonami.AprèsunbrefsilencependantlequelJakesouritpolimentàMia,jefaislesprésentations.Zachprendunairsurprisetmeregardeenpenchantlatêtesurlecôté.—Tunesavaispasquij’étais?Pourdebon?Jesecouelatêteàlafoispourluirépondreetpourchassertoutescespenséesétrangesquesavoix
provoqueenmoi.—Jen’enavaispaslamoindreidée.Cetaveumefaitrougir,jedoisbienêtrelaseulenanadesÉtats-Unisànepasreconnaîtreunestar
commeZachWalters.D’aprèsunmagazinedeMia,ilaétéélu«célibataireleplussexydel’année»,et je sais qu’il fait de la très bonne musique. Seulement, je n’en ai pas écouté beaucoup depuisl’accident,etlasiennem’acomplètementéchappé.
—Désolée…Zachéclatederireetsecouelatêteunefoisencore.—Nesoispasdésolée,c’estplutôt…flatteur.—Etpourquoiça?Lesmotssontsortisdemabouchesuruntonplussecque jene l’espérais,cequiprovoqueun
grognementdelapartdeMia.IlhausselesépaulesetJakeseremetàpouffer.Incroyable,cetypeestl’hommeleplusheureuxdu
monde!—Disonsquec’estlapremièrefoisqu’unefillemedemandedeluioffrirunverreuniquement
pourgagnerunepairedepompes.Mias’étrangledanssaprotestation:—Eh,tuleurasdit?!Çanecomptepas,tutriches!Jelaregarded’unairdésoléetmemordslalèvre.Enmêmetemps,unequestionmetaraude.—Pardon,Mia.N’empêche,est-cequetusavaisquec’étaitluiquandtum’asmiseaudéfid’aller
luiparler?Mon amie rougit. Ses joues deviennent si écarlates que je réprime un fou rire. Dans un
haussementd’épaules,elle relèvesonminoishonteuxversZach ; ilestévidentqu’elleaencoredumalàcroirequec’estbienlui.
—Deloinetaveclacasquette,toutça,jen’étaispassûre…JelèvemonpouceverselleavantdemeretournerversZachpourapaiserlestensions.Pourquoi
est-cequej’éprouvecebesoindedétendrel’atmosphère?Jen’enaipaslamoindreidée.—Chezelle,Miaaaccrochéunposterdetoigrandeurnaturesurleplafondau-dessusdesonlit.Jakesemetàriredeplusbelle,alorsqueMiamelanceunregardnoiretmechuchote:—Qu’est-cequeturacontes?C’estunepetiteafficheau-dessusdemacommode!Àcesmots,Zachrougitlégèrement,maisJakesepencheversnous,leregardespiègle.—Alorstul’asvu,sonposter?Jesecouelatête.—Non,jenesuispassouventallongéesursonlitàregarderleplafond.Dans la seconde, jeme rends comptedemonpropre sous-entendu etmes jouesmebrûlent. Je
croiselesdoigtspourqu’ilsnerelèventpasl’allusion.Raté.—Alorstupréfèresêtredessus,plutôtquedessous,c’estça?Jem’étrangleàsesmots.Zachluiassèneunetapederrièrelatête.—Faispaslecon!J’éclatederire.—Je…Non,enfin…Inutiledeterminermaphrase:jebégaieetçanefaitqu’aggraverleschoses.Jenesaisplusoùme
mettreetilssemoquentdemoi,riantàgorgedéployée.D’accord,jeveuxbienreconnaîtrequejenemesuispasautantamuséedepuistrèslongtemps.C’estpresquecommeavant,jesuisheureusedevoirquej’ensuiscapable…etenmêmetemps,çam’attriste:j’ail’impressiondetrahirMarc.
Dansunsoupir,jedétourneleregardverslascène.Legroupequijouecesoircommenceàfairelesbalances.Àcetinstant,jeprendsconsciencequel’étapeestimportanteetj’avouepasserunebonnesoirée,maissuis-jevraimentcapabledefairecommeavantetd’apprécierlesbonsmomentssanslesencouragementsdemesdeuxplusferventsdéfenseurs?Marcmepousseraitàallerdel’avant,jelesens.Maisjenesuispassûred’yarriversanslui,jenesuismêmepassûred’enavoirenvie.C’estunpeucommesij’étaiscoincéedansunjeudeflippergrandeurnature.Commelaboule,jesuistirailléeentre des désirs opposés : revenir àma vie d’avant, tourner la page, retrouver le doux sentimentd’êtreheureuse,oumeraccrocheràtoutesceschosesdupassé,mêmesijesaisquec’estimpossible.
—Nic?LavoixdeMiame fait sursauter alorsqu’ellemedonneunpetit coupde coude. Jeme tourne
brusquementverselle.—Oùétais-tupassée?medemande-t-elle.Je secoue la tête. J’étais dans une autre vie, mais les mots se coincent dans ma gorge et
m’empêchent de le dire à voix haute devant tout le monde. Je regarde Zach et Jake, tous deuxm’observentd’unairétonné.
Enm’efforçantdepenseràautrechose,jeluiréponds:—Nullepart.J’aimanquéquelquechose?—Oui,MianousracontaitsontravailàCallie’s…etjet’aidemandéoùtutravailles.—Jesuisphotographe.LesouriredeZachs’effaceaussitôtpourlaisserplaceàuneméfianceévidente.Unephotographequiseretrouvecommeparhasarddanslemêmebar-restaurantoùiladécidéde
sortir ce soir, et qui se présente à lui spontanément et sans raison particulière. Des photographescommeça,ildoitencroisersouvent.D’ungestevif,jesecouelamainpourchassertoutmalentenduparcequejelesenssursesgardes.
—Jenesuispascegenredephotographe.
Soudain,j’aitrèsenviedemejustifierenprécisantenquoiconsistemontravailpourmettreZachàl’aise,maisjerefused’admettrecequimepousseàlefaire.
—Jesuisspécialiséedanslesportraitsdefamille.—Etpourquoilaphoto,commentt’estvenuecettevocation?Ilparlesuruntontrèsréservé,maisjen’arrivepasàcomprendrepourquoij’aitantenviedele
détendre,delepousseràmefaireconfiance.Jehausselesépaulesd’unemanièrequejeveuxnonchalante,maisenvain,jelesaisbienpuisque
jen’arrivemêmepasàleregarderenface.—J’estimequ’ilestessentieldecapterlesmomentsdecomplicitéquepartagentcesfamilles.Cettegénéraliténerépondpasàsaquestionetjevoisdanssonregardinterrogateurqu’ildevine
l’ampleurdelapartieimmergéedel’iceberg.—Tucachesquelquechose,déclare-t-il,soudainplusjoyeux.Ouf,jesuisrassuréedevoirqu’ilcomprendquejenepasseraipaslanuitàdiffuserdesphotosde
luisurtouslesblogsdefans.Jeluilanceavecunpetitsouriresatisfait:—Quellecuriosité!Alorscommeça,tuesjournalisteàtesheuresperdues?Avantdereprendre,jesiroteunegorgéedebièrepourmelaisserletempsdetrouverlemeilleur
moyendeformulermonexplication.—Lesparentsregardentleurenfantavecunregardtrèsparticulier,etviceversa.Sijeparviensà
capterceregard,onyliraunsentimenttrèsfort,quelquechosecomme:«Moncœurt’appartient,tuesmavieetmonbonheur.»Jesuisprêteàattendredesheuresavecmesclientspourcapterceregard-là.Parfois,onledécèlealorsqu’ilsmarchentsurlesfeuillesmortesunaprès-midid’automne,ousurunpontlorsqu’ilscherchentensembledespoissonsdanslelacquidortsousleurspieds.Parfois, ilapparaîtquandl’enfantestdanslesairs,prèsderetomberdanslesbrasdesonpère,oupendantunegrossecolèreparcequeseschaussuressonttroppetites,outroproses,oujenesaisquoi.Maséancene se termine pas tant que je ne suis pas parvenue à capter cet instant magique pour la familleprésente.Jetiensàcequ’ilsconserventcesouvenirpourtoujours.
—Ditcommeça,c’estuntravailtrèsenrichissant.—Eneffet,çal’est,dis-jeensourianthumblement.Monexplicationlesatisfait,iln’endemandepasplusetjeluiensuisreconnaissante;ilnetient
pasàconnaîtretoutmonpassé,orjen’aivraimentpasenvied’enparler.PeuaprèslamortdeMarcetAndrew,j’aiapprisàmesdépensqueleregarddesgenschangelorsqu’ilscomprennentquejesuisunejeunefemmedevingt-sixansdéjàveuveetmèred’unenfantdéfunt.
—Sinon,qu’est-cequevousfaitesdebeauparici?Jeposemaquestionpourchangeràtoutprixdesujet.Nouveléclatderiregénéral.Jenevoispas
cequ’ilyadesihilarant.Miasecouelatête,semoquantgentimentdemoi.—Tuestordante,Nic,vraiment,déclare-t-elleavantd’agiterlamainverslesgarçons.Ilsontun
concertprévuicidemainsoir.Oh,çaexpliquetout.Aurisquedepasserpourplusbêtequejenelesuisdéjà,jemetournevers
Jake.—J’endéduisquetujouesdanslegroupedeZach?Il incline la tête, puis son corps est pris de secousses tant son fou rire devient incontrôlable.
J’auraisdûm’endouter.Zachmarmonneencorequelquechoseausujetdecettesituationabsolumentdésopilante,puisun
dégradéderougemebrûlelesjoueslorsquejecomprendsquejesuisledindondelafarce.Illèvelamain.—Nesoispasmalàl’aise,c’esttordant,point.Monignorancel’amuse.Formidable…Toutendoutantdemonenviedeconnaîtrelaréponseàcettequestion,jeluidemande:—Etpourquoiça?Ilhochesimplementlatêteavecunpetitsourire,puisdésigneJaked’ungestedumenton.—Oui, Jake est mon bassiste. Et, pour répondre à ta question, je ris parce qu’il y avait trop
longtempsqu’uneravissantejeunefemmen’avaitpascherchéàflirteravecmoisansriensavoirdecequelapressepeopleracontesurmavie.
Je serre les dents très fort pour empêchermamâchoire de tomber au sol. Est-ce que j’ai bienentendu?J’aidûmalcomprendre,oubienildevaitparlerdeMia,parceque,denousdeux,c’estellelacréaturederêve.Elleauncorpsdedanseusesansfairelemoindreeffort,alorsquejesuisminceparcequejecoursdetempsentemps,et…jesuispeut-êtrejolie,àlarigueur.J’aiunairdejeunefilleinnocente, c’estpossible.Mais« ravissante»? JecroisquepersonneàpartMarcn’aemployécetadjectif pour me désigner, ça me fait bizarre de l’entendre dans la bouche de quelqu’un d’autre.Stupéfaite,jetournelesyeuxversMia,maiselleal’airravie.
Bonsang,qu’est-cequejepeuxrépondreàça?Facile : rien du tout.À la place, j’attire l’attention dePete pour lui faire comprendre quemon
verreestvide;j’ailabouchesècheetjen’arriveplusàarticulerunmot,alorsiln’estpasquestiondepenserraisonnablementpourlemoment.
LorsquejeparviensenfinàrassemblerlecouragenécessairepourregarderZach,ilsecontentedehausserlessourcils.
—Cen’estquandmêmepaslapremièrefoisquetuentendscegenredecompliment?Confuse,jesecouelatête,tropgênéepourrépondre,etrougisencore.Jakeregardesamontreetreposesabière.—Jesuisdésolédecasserl’ambiance,maisonvadevoiryaller.Dansunfroncementdesourcils,Zachmeregarde,puisilobserveMia,puisJake,ethochelatête
enreposantsabièreàsontour.Illaissedelamonnaiesurlecomptoiroùilappuieunemaincommepoursedonneruneimpulsionpourselever,maisilmarqueunepauseetseretourne.
—Ondoit se rendreà la salleduTargetCenterpourdesbalancesdedernièreminuteavant leconcertdedemain.Vousvouleznousaccompagner?propose-t-il en se tournantversMia. Jevousprésenteraiauxautresmusiciensetjepourraivousdonnerdesplacespourleconcert.
—Oui!—Jenepeuxpas.Le regarddeZachpassede l’uneà l’autre : l’expressionenchantéedeMiacontraste avecmon
air…effrayé,peut-être?LevisagedeMiasetransformepourmesouriretendrement,etjemesensidiotederesterplantée
làsansriendire.VenirauJack’sBarestunechose,maisallervoirZachWaltersenconcert?C’estbeaucouptropd’uncoup.
Ellesepencheversmoipourmechuchoteràl’oreille:—Tutesouviensdetabonnerésolutiondecesoir?Zachestendroitd’affichercetairdéconcerté.JepesteintérieurementalorsqueMiamesupplie
duregardd’accepterl’invitation.Jesuisincapabledeluirefuserquoiquecesoit.AvecunsouriretimideetunevoixaussifaiblequecelledeMiaàl’instant,jelèvelementonvers
Zach.—Avecplaisir.Merci,c’esttrèsgentil.—Parfait!lance-t-ilavecunepetiteétincelledanslesyeux.AprèsavoirdonnéàJakeunebourradeàl’épaule,ilajoute:—Notrechauffeur,Darren,nousattenddehors,maisvousn’aurezqu’àvousgareràl’entréesud
duTargetCenterdansdixminutesetilviendravouschercher.Ilserapprochedequelquespaspuissefigejustedevantmoi.Mesdoigtssecrispentsurmabière
alors qu’il tend lamain pour toucher délicatementmes cheveux bouclés. Son regard s’adoucit et,soudain,jenepeuxrienfaired’autrequemeperdredanscevertclairquis’assombritlégèrement.Seslèvresseplissentdiscrètementpouresquisserunsourire.Quelquechosemeditquecemêmesourirepousse des milliers de filles à hurler son nom pendant ses concerts. En tout cas, Mia peut leconfirmer:elleensaitplusquemoi.Maisjecomprendscettefolie,parcequejesensmonestomacsenouer dès qu’il pose les yeux surmoi.Qu’est-ce que je raconte, ce n’est pas un nœud !C’est uneboule de nerfs enchevêtrés qui se serre jusqu’à me couper le souffle ! Ce sentiment m’angoissecommejamais,pourtant,jen’aipasl’intentiondeprendremesjambesàmoncou.C’estuneangoisseplutôtgrisantequimedonneenviedem’approcherdecethommepourmeblottircontrelui.
—Àdansdixminutes,alors?demande-t-ild’unevoixàlafoissidouceetrauquequej’aidumalàl’entendreàcausedubrouhahaquinousentoure.
Jesuisparalyséeetn’arriveplusàarticuler,jehochealorslatête.C’estdumoinscequej’espère;jenesuispassûred’esquisserlemoindremouvement.
Ilrelâchemescheveuxetlaisseéchapperunéclatderire–moinsadresséàmoiqu’àlui-même–,puislèvelamainversMiaensouriantgénéreusement.
—Àplus,luilance-t-il.Jeleregardes’éloigner,pétrifiée.—J’ycroispas,murmureMia.C’étaitchaudbouillant!Bouchebée,jeposesurellemonregardstupéfait.Elleéclatederire.—Nemedispasquetun’aspasremarquécommeil tedraguait!Jesaisqueçafait longtemps
pourtoi,maisiltedévoraitlittéralementduregard!Jelèvelesyeuxaucieletsecouelatêtepourmeremettrelesidéesenplaceaprèscequivientde
sepasser.Bras dessus bras dessous, nous nous dirigeons vers la porte pour les rejoindre. Je suis encore
sonnée ; pas seulement parce queZachWalters vient deme draguer – vraiment ?! –,mais surtoutparcequ’unhommevientdeposerlamainsurmoietque,àmagrandesurprise,jenesuisnimalàl’aiseniterrifiée.
Enfait,j’aimêmetrouvéçaagréable.
Chapitre3
Lesbassesprovoquentdesvibrationsausolquenouspercevonsavantmêmequelesportesdelasalles’ouvrentdevantnous.J’essuiemesmainsmoitessurmajupeetserrelespoingsenespérantqueladouleurdemesongless’enfonçantdanslachairdemespaumesm’aideraàfaireabstractiondemagorge nouée. Je ferme très fort les yeux, comme un enfant effrayé, et je prends une profondeinspiration.
Miamesaisitfermementlecoude;jetournealorsverselleunregardquitrahitmaterreur:ellesaitquejen’aipasécoutédemusiquedepuisplusd’unan,depuislaveilledel’accident.Maisj’enaiassez,jesuisfatiguéedecettepeurcontinuelle.Jedoisabsolumentfranchircetteétape!S’ilyaenmoilamoindretracedevolontédechanger,alorsjedoispasserlepasdecetteporte.
—Tupeuxyarriver,mechuchote-t-elleenmeserrantlebrasd’unemainetenpoussantlebattantdel’autre.
D’unmouvementde tête timide, j’acquiesce.J’espèrequ’ellearaison,parcequec’estceque jeveux.
Unefoisdanslasalle,jem’immobilise.LorsqueMarcetmoiallionsàunconcert,j’étaisgriséepartoutel’énergiedégagéeparlepublicnombreuxplongédansl’attenteduspectacle.Maislà,c’estdifférent:iln’yapersonne.
Jem’avancedansl’immensesalledeconcert.Lascèneestàl’extrémitéopposée,mais,mêmeàcettedistance,l’auraquisedégagedecetendroitdésertmefascine.Jeregardelesrangéesdesiègesautourdemoi–descentainesdeplacesvides–et,devantnous,l’activitéfourmillantedestechniciensquidéplacentlelourdmatérieldansdesflight-casesàroulettesetquitirentlescâblesrelianttousleséclairagesàlaconsoleinstalléeàcôtédenous.J’enaidesfrissonsd’excitation.
Le synthé a été mon instrument de prédilection pendant des années, j’ai d’ailleurs étudié lamusiqueàl’universitéduMinnesota.Ilm’estarrivédedonnerdesconcerts,demeproduiredevantunpublic.Maismesplusgrossesscènesselimitaientàdessallesdecinqcentspersonnes,unebroutillecomparéà l’envergureduTargetCenter. J’essaied’imaginercequepeut ressentirunmusiciensurunescèneimmensefaceàunesallevidecommecelle-ci,entouréd’uneéquipedetechnicienscommecellequis’affairedevantmoi.Queressent-ilensedisantque,dansmoinsdevingt-quatreheures,cetteimmense salle sera remplie demilliers de fans en transe qui hurleront sur samusique, celle danslaquelleilamistoutsoncœuretsonâme?Malgrémabonnevolonté,jen’arrivepasàleconcevoir.
Cetendroitéveilleenmoil’exaltationdesouvenirsdeconcerts–ceuxauxquelsj’aiassisté,maisaussiceuxquej’aidonnés–,etjesensbouillonnercettezonecaverneusedemamémoirequichercheàembrumertoutetracedupassé.
Lorsque, enfin, je détourne le regard des centaines de sièges vides, je me rends compte quel’expressiondeMiaestunmiroirdemapropreréaction.
—C’est incroyable,non?mechuchote-t-elled’un toncalmeavantde tourner lesyeuxvers lascène, où quelques hommes, penchés sur toutes sortes d’instruments, sont occupés à accorder des
guitaresouàréglerlacaisseclairedelabatterie.Jesupposequ’ilyalàunmélangedemusiciensetdetechniciens.—Jenesaispascommentteremercier,Nic.—Ouais…Mavoixs’éraille.Jesuistellementimpressionnéequejedoisencoreessuyermesmainsmoites
surmajupe.C’estàlafoisexcitantetangoissant.Jen’arrivepasàcroirequej’aieacceptédevenir.Nousnousapprochonsdelascène,trèspeudiscrètesàcausedestalonsdeMiaquiclaquentsurle
sol,etj’aperçoisZachquiattrapeunautrehommeparl’épaule.Ilneporteplussacasquettedebase-ball.Mêmes’ilestdeprofil,jevoisqu’ilfroncelessourcilsenhochantlatête.Puisillâchel’épauledel’autrepoursepasserlamaindanslescheveuxensoupirant.Unefoissesmainsretournéesdanssespoches,ilarborecettecoiffureparfaitementébourifféeettypiquementmasculine.Entournantledosàl’autre,ilnousaperçoitetsefigesurplace.
Seslèvressesoulèventenunpetitsourireencoin;ilnousfaitsigned’approcher.—Eh!Vousavezpuvenir,finalement?—Onn’auraitmanquéçapourrienaumonde,mercidenousavoirinvitées!jubileMia.Jesensqu’ellepeineàseretenirdepousserdescrisaiguscommetoutebonnefanquiserespecte.Aprèsunmomentd’hésitation,j’esquisseunsouriretimide;encorecettefichueangoissequime
saisitmêmesijememontrecourageuseenm’efforçantdel’affronter.Zachs’adresseàquelques-unsdeshommessurscène,jenecomprendspascequ’il leurdit,puiscesdernierslèventlesyeuxversnousens’approchant.Pourmapart,jen’arrivepasàdécrochermonregarddelui,delafaçondontses muscles se tendent sur ses avant-bras lorsqu’il se passe la main dans les cheveux. Ce que jeredoute,c’estmaréactionlorsquej’entendraidelamusique.MaisjesoupçonneZachd’êtreaussilasourcedemescraintes.
Sansmelaisserletempsdecomprendrelecoursdemesproprespensées,Zachsautedelascène,suivideprèsparJakeetdeuxautresmusiciens.Illesdésignedelamainpourfairelesprésentations.
—Voicimesmusiciens.Mia,Nicky…(Ilmarqueunepausepourmesourire.)JevousprésenteChaseetGarrett,respectivementàlabatterieetlaguitareélectrique.
Chase avance d’un pas : ses épaules plus larges que celles d’un rugbyman lui donnent un airimposant,voireintimidant,etsoncrânerasécoifféd’unbandanaaccentuecetteimpression.Sijelecroisais dans la rue, je changerais sûrement de trottoir.D’ailleurs, lorsqu’ilme tend lamain, j’aipresqueenviedefaireunpasenarrière.Maissongrandsouriremedétendaussitôt.
—Chase,enchanté.Nicky,c’estbiença?medemande-t-ilaveccuriosité.J’acquiesceetluiserrelamain.—Raviedeterencontrer.—J’aibeaucoupentenduparlerdetoi,annonce-t-ilfièrement.—Laferme,marmonneZachd’unetoutepetitevoixenluidonnantuncoupsurl’épaule.Àcôtédemoi,j’entendsMiaglousser.Génial…LathéoriedélirantedeMiaselonlaquellejene
laisseraispasZachindifférentvientdeseconfirmer.Jeresteplantéelàsanssavoirquoidireniquoifairedevanttouscesinconnus,ilsdoiventmeprendrepouruneidiote.
PrèsdeZach,j’entendsChaseétoufferunpetitrireavantdesetournerversMiapourseprésenteràelle.Heureusement,JakenousprésenteàGarrettetjeprofitedecemomentderépitpourreprendreunpeumonsouffle.Garrettnoussalueavecchaleuretsimplicité,ilmeplaîtdéjà.Nousnousserronslamain.PuisZachseraclelagorgeetjetteunœilàlascène.Ilneresteplusqu’unhomme,occupéàfairesonnerquelquesaccordssursonsynthé.
—Etlui,c’estEthan,auxclaviers.LeditEthanluirépondquelquechoseenbougonnantetmelanceunregardnoirquimedonnela
chair de poule. Ses cheveux d’un noir de jais lui retombent dans les yeux.D’ailleurs, s’il y a unechosechezluiquimefaitfroiddansledos,c’estbienceregard;mêmeàcettedistance, ilsembleféroce. Cet air malsain me procure un sentiment désagréable et je m’efforce de ne pas faire lagrimace.
—Ilestunpeu…caractériel,admetZach,sanscachersonairrenfrogné.La tension que je perçois en lui m’avertit du malaise qui oppose les deux hommes.
Instinctivement,jeposelamainsursonavant-bras.Soudain prise d’une bouffée de chaleur, je la retire aussitôt, mais ça n’empêche pas Zach de
sourireendirigeanttoutesonattentionversmoi.—Tuasputelibérer,alors?Je repousse une mèche de cheveux de mon visage et le regarde d’un air interrogateur. Il
s’explique:—Toutàl’heure,tuasditquetunepouvaispasvenir.Jehochelatêteetesquisseunvaguemouvementdelamainenfaisantlamoue,puisdétournele
regardverslascène.—Oui,jesais…Cen’estpasfacile,pourmoi.Maréponselelaisseperplexe;ilouvrelabouchemaislarefermesanssoufflermot.Jen’arrive
pasàcroirequej’aiefrôlécesujetdélicat,mêmes’ilnepeutpascomprendredequoi jeparle.Detoutefaçon,jen’ytienspasforcément.
—Maisçava, je t’assure.Mia se régale, c’estvraimentgentildenousavoir invitées.Tuviensd’exaucersonplusgrandrêve.
—Sincèrement,jesuisravidet’avoirrencontrée,Nicky.Onararementl’occasiondecroiserdenouvellespersonnesaveclesquellesonpeutresternous-mêmes,sansseposerdequestions.
Avecunsourirecharmeur,iltenddélicatementlamainversmonvisageetrepousseunemèchedecheveuxderrièremonoreille en laissant sonpouce frôlerma joue.Sous soncontact,mon souffledevientsaccadéetdesfrissonsdeplaisirmeparcourentl’échine.
Jeresteplantéelà,lesyeuxgrandsouvertsalorsquelessienss’illuminentdecuriosité,puisilmesourit. Je ne sais pas si je dois faire un pas en avant ou en arrière, impossible de me décider ;finalement,ilretiresamaindemajoueetlafourredanssapoche.J’aiunesensationdefroidsurmapeaulàoùsonpouceétaitposé,commes’ilmemanquaitdéjà.Perduedansmespensées,jefroncelessourcils:est-cequec’estunebonnechose?Soudain,unhommeapparaît,vêtudenoirdelatêteauxpieds.
—Eh!Autravail,lesgars!MikeetScottnesontpaslàcesoiretilnousresteunebonnedizainedeguitaresàaccorder.
J’écarquille les yeux.Une dizaine ?Mais de combien de guitares a-t-il besoin, au juste ?Zachacquiescepuissetourneversmoi.
—Nicky,voiciGrey.Ilfaitpartiedenotreéquipetechnique.Je luiserre lamainensouriant,puis il tourne les talons.Apparemment,pource type, le travail
passed’abord.—Besoind’uncoupdemain?proposeMiaenbondissantd’excitation.Sesdoigtssontagitésdeticsàl’idéedeseposersurl’unedesguitaresdeZachWalters.Ilhausseunsourcil.—Uncoupdemainpourquoi?
—Pourl’accordage.—Tusaiscommentonfait?!Jenepeuxpasm’empêcherdepoufferderire.—Miajouedelaguitaredepuisl’âgedeneufans.L’autresourcildeZachrejointlepremiertandisqu’ilnousregardeavecsurprise.—Ahbon?—Ouais,maiscen’estriencomparéàNic!s’emportemonamie.Situl’entendaisjouerdu…—Mia!Malgrétout,jesaisquejel’aiunpeucherché.L’euphorieselitdanssonregard,jesaisqu’ellene
vapastarderàcracherlemorceau.SiellepensevraimentqueZachressentquelquechosepourmoi,ellevoudraluidirequejesuisbonnemusiciennepourtitillerencorelessentimentsdelarockstar.
—Tujouesdu…?medemandeZach.Lacuriositéselitdanssonregard.IlveutquejeterminelaphrasequeMiaacommencée.Maisje
n’ycomptepas,alorsjehausselesépaules.—Jenejoueriendutout,çafaittroplongtemps.Viens,Mia.Jevaist’aideraveclesguitares.(Je
prendsmonamieparlebraspourl’amenerverslascène,mais,auderniermoment,jemetourneversZachetluiadresseunsouriretimide.)Enfin,siçanetedérangepas…
Laréponsenesefaitpasattendre:ils’avanceversmoi,l’airsombre,etmedéshabilleduregardpendantunebonneminute.J’enviensàmedemandersiquelqu’unamontélechauffage,parcequelatempérature de mon corps vient de grimper de dix bons degrés. L’idée qu’il puisse avoir cetteemprisesurmoiestterrifiante.Cequiestencoreplustroublant,c’estquejeneprendspasmesjambesàmoncou.Enfin,pasencore.
—Trèsintéressant,murmure-t-ild’unevoixrauque.Avantdeprononcer lemoindremot, jeprends le tempsdedéglutiretdereprendremoncalme.
Lorsqu’ilposeceregardsurmoi,moncœurs’emballeetjen’arrivepasàcomprendrepourquoi.Cequiestsûr,c’estqueçan’aplusrienàvoiraveclacrainted’écouterdelamusique.
—Quoidonc?Ilplongesonregarddanslemienetfroncelessourcils,commes’ilcherchaitàdécelercequise
cache en moi, ce que je suggère tout en choisissant soigneusement mes mots, il veut dévoiler lemystère de la femme qui se tient devant lui. Et ça fonctionne, son regardme donne l’impressionqu’aucunmystèreenmoinepeutluirésister.
Unpetitsourireencoinapparaîtsursonvisage.—Toi.Ilmelanceunclind’œiltaquinpuisdésigned’ungesteamplelerackinstallésurlecôtédroitde
lascène.Ildoityavoirdessusunebonnetrentainedeguitaresélectriquesetacoustiquesalignéeslesunesderrièrelesautres.Jen’arrivepasàycroire;a-t-ilvraimentbesoind’autantdeguitarespourunseulconcert?
—Faites-vousplaisir.Nous,ondoitfinirlesbalances.Miametireparlamancheendirectiondurack,maisjenesuispasencoreprêteàfairelemoindre
mouvement,Zachnemequittantpasduregard.Jedeviensrougecommeunepivoine.—Fermelabouche,memurmureMiadiscrètement.Jem’empressedelarefermeretluilanceunregardnoir;jenem’étaispasaperçuequej’avaisla
boucheouverte.—Qu’est-cequetumefaisfaire,franchement?—Jetel’avaisdit:tul’intéresses!Ilteveut,c’estsûr.
Savoixenjouéemefaitgrincerdesdents.—Tais-toietvaplutôtaccorderlesguitares.En m’approchant du rack, je découvre une rangée complète de Stratocaster et de Martin
acoustiques.Ellessontsibellesquej’hésiteàlesdécrocherdeleurstand,alorsqueMianesefaitpasprier.Ellejetteunœilauxguitarescommesielleencherchaituneenparticulier,puis,avecunsouriresournois,sedécidepouruneMartinOMaupickguardbleuetnoir.
Devantmamineperplexe,ellemetendl’instrumentenm’expliquant:—Pourl’émissionqueTheMorningShow1leuraconsacréeilyaquelquesmois,Zachjouaitsur
cetteguitare.Jelèvelesyeuxauciel.—Commentpeux-tusavoirunechosepareille?—Grâceàactudesstars.com.J’éclatederire:commentfait-ellepoursesouvenird’undétailaussiinsignifiantsursarockstar
préféréealorsqu’elleoublietoujoursdepayersesticketsdeparking?Nousnousattelonsà l’accordagede toutes cesguitares.Peu importe s’il lesutilisera toutesou
non,l’ambianceestgrisanteetjeprofitedechaqueinstant.Jenousrevois,Miaetmoi,ilyaquelquesannées ; je m’asseyais à côté d’elle pendant qu’elle s’accordait, en attendant de pouvoirl’accompagnerausynthé.C’étaitunescènebanaleàcetteépoque.
Du coin de l’œil, j’observe Zach qui gratte quelques accords avec les autres pour régler lesretoursetlevolumedelafaçade.
Soudain, j’entends lespremièresnotesd’unechansonquim’est familière. Je lève lesyeuxversZach,pétrifiée.Lesyeuxbaisséssursesmains,labouchecontrelemicro,ilsemetàfredonnerlesmotsdececoupletquim’ahantéependantlesquinzederniersmois.«Wherewereyouwhen…»
Unflashdesouvenirmetransperce,jelesvoisjustedevantmoi.«Maman,danseavecnous!»Andrewposesapetitemaincontremonfrontfiévreux.Jerenifleetluisouffled’unevoixfaibleet
éraillée:«Pasaujourd’hui,mamanestmalade,monchéri.»Laguitaredevientbrûlanteets’échappedemesmainstremblantes.J’aidesfourmisjusqu’aubout
desdoigts,çamepiquecommesidescentainesd’épiness’enfonçaientdansmapeau.Ladouleurmeremontejusqu’auxbras,jenepeuxqueserrerlespoingsenessayantdereprendremarespiration.
Cette chansonn’aurapas raisondemoi, je peux la vaincre et l’écouter sansperdremon sang-froid ! Je desserre les poings et me frotte les mains contre les cuisses pour en chasser lesfourmillements.
Envain…Je suis de retour dans le salon de mon ancienne maison, avec ma famille. Marc fait tourner
Andrewsurlui-mêmeaurythmedelachansonquipasseàlaradio.Jeleregarde.Sescheveuxvolentautourdesonvisagesouriantetsesyeuxbrillentd’amouralorsquenousrionsd’Andrewquisuitletempocommeilpeutenremuantlesfesses.Satignasseébouriffées’élèvepuisretombelorsqueMarclelancedanslesairsavantdelerattraperdanssesbras.
«…it’sallforyou…foreverandallofmydays.Yoursoftskin…»Jepousseungrognementlas.—Sijen’étaispassimalade,jet’embrasserais.Marcdéposeavecamourundouxbaisersurmeslèvres.—Mêmefiévreuse,tuesirrésistible.
—Allez,papa,ondanse!Andrewtiresonpèreparlamanche,mettantfinauregardquenouséchangions.Toutescesannées
passées depuis notre mariage n’ont pas altéré ce regard qu’il pose sur moi comme après notrepremierbaiser.Ilmefaitcroirequejesuisleplusbeaucadeauquiluiaitétédonnéaumonde.
Marcsepenchesurmoietm’embrasseencoreunefoisavantdeseretournerversAndrewpourlelancerdanslesairs,sihautquej’aipeurquelatêtedel’enfantnetoucheleplafond.Allongéesurlecanapé,sousmacouverture,jelesobserve.Jetranspiredefièvre.Iln’yariendeplusénervantqued’avoir un rhume en pleinmois de juin. Je tremble de fièvre,mais continue de regarder les deuxhommesdemaviedansersurlanouvellechansonpréféréedeMarc.
Lorsqu’ellesetermine,MarcenvoieAndrewchercherseschaussuresàcramponspourlematchdebase-ball.
Enl’attendant,ilsepencheversmoipourundernierbaiser.—Dors.Jeterapporteraidelaglacetoutàl’heure,çateferadubien.Jet’aime.Il me fait un clin d’œil, parce qu’il connaît mon péchémignon : le sundae au caramel. Il me
connaîtparcœur,etj’adoresespetitesattentions.—Faitesattentionàvousetamusez-vousbien.Jeleurfaissigneaveclepeudeforcequ’ilmereste.Marcdéposeencoreunbaisersurmonfront,etàmontourj’embrassemonfils.—Donnelemeilleurdetoi-même,monpetitbatteur.Éclate-toi!—Jet’aime,maman.Laporteserefermederrièreeux,mais je l’entendsàpeinecar,déjà, jeglissedansunsommeil
comateux.Haletante, je reste assise là à tourner et retourner la scène dans ma tête. La salle de concert
immensedevientétroite,lesmursseresserrentsurmoi.J’étouffe.SansriendireàMia,jemeprécipitedanslecouloirdel’aileprincipalejusqu’àlaportedeservice
parlaquellenoussommesentréestoutàl’heureetmeruedehorspourprendreunegrandeboufféed’air frais. Les mains sur les genoux, j’essaie de ne pas perdre connaissance et jette des regardsfurtifsautourdemoi.L’imagedeMarcetAndrewresteimpriméesurmarétine,jevoisleursourireetleursyeuxbrillantsmêmelorsquejefermelesmienspourrespirercalmement.Cettechose,laplusimportanteaumonde,quej’aioubliédeleurdireavantleurmortmehantechaquejouretencoreàcetinstantprécis.
Je ne réagis pas en sentant unemain se poser surmon épaule,mais j’entends la voix deMiamurmureràmonoreille:
—Toutvabien,Nic.Jesuislà.Ellepassesamainsurmajouepourchasserunelarmeetrépètecesmotsencoreetencore,touten
me redressant pour me serrer contre elle. Je me laisse envelopper par ses bras rassurants etaffectueux,maisaucunsonnesortdemabouche.
L’airmemanqueencoreetj’essaiemalgrétoutdem’expliquer.—Jeneleuraijamaisditquejelesaimais…—Oh,machérie!Jesuistellementdésolée…Saprésenceréconfortantem’apaisepeuàpeu.—Maisilslesavaient,Nic.Ilssavaientquetulesaimaisplusquetoutaumonde.Letempssembles’arrêteretnousrestonsainsienlacéesjusqu’àcequelesforcesmereviennentet
quejesoisenfincapabledemelibérerdesonétreinte.Dansunhochementdetête,jelèvesurelleun
regardfatigué,ledoslégèrementcourbéetlesbrasserrésautourdemapoitrinepourmeréconforter.—J’aihonted’êtresortieentrombecommeça.Derrièrenous,uneporteserefermeetlebruitmefaitsursauter.Zach. Jeme sens profondément humiliéemaintenant qu’il est là, adossé aumur. Impossible de
décryptercequisecachedanssonregard.JemeretourneversMia.—Lestoilettes.J’aibesoind’allerauxtoilettes.Iladûm’entendreparcequ’ilrépond:—Aufondducouloir,deuxièmeporteàgauche.Miame tendmonsacàmain.Sans regarderZach, je le remercied’unhochementde têteetme
précipitedanslecouloir.Àlavuedemonrefletdanslemiroir,jeréprimeunhaut-le-cœur.Quellehorreur!Mescheveux
partentdanstouslessens,monmascaras’estfaitlamalle,laissantdestraînéesnoiressurmesjoues,etmesyeuxsontrougesetgonflés.J’aileteintpâle.Jeneressembleàrien.Moncœurseserre.
Jepeineàessuyerlemascaraenmepassantdel’eaufraîchesurlevisage,avantdemenouerlescheveux en queue-de-cheval avec mes doigts mouillés. Un soupir d’épuisement m’échappe, mesmainssecrispentsurleborddulavabo.Jen’auraispasdûvenir,jelesavais.
Lorsque je retrouveZach etMia dehors, ils se retournent enmême temps. Le spectacle que je
viensd’infligeràZachesttrophumiliantpourquejepuisseleregarderdanslesyeux.Voilàpourquoijepréfèredésormaiséviterlesconcertsettoutcequitoucheàlamusique.Ildoitmieuxcomprendretoutcequej’aisous-entendudanslasoirée,maintenant.
Ilabeauavoirl’airtroublé,ilparled’unevoixcalme.Mesyeuxsontirrésistiblementattirésparlessiens;l’inquiétudequejedécèlealorsdanssonregardmedonneenviededisparaîtresousterre.
—Bon,murmure-t-il.Sivousêtestoujoursintéressées,j’aidesentréesgratuitespourleconcertdedemainetdespassespourlescoulisses.
Miapenchelatêted’uncôté,puishausselesépaulesenmeregardantpourmefairecomprendrequeladécisionm’appartient.C’étaitsonidéedevenirici,orjedétestel’expressiondeculpabilitéquiselitsursonvisage.Jem’enveuxd’avoirpaniqué:jemesuisridiculisée,mais,surtout,j’aigâchélasoiréedontrêvaitmameilleureamie.Accepterd’alleràceconcertseraitleplusbeaucadeauquejepuisseluifaire.Ellepourraitappelerl’unedesesnombreusesamiespourl’accompagneràmaplace,maisjesaisquejedoisyaller.C’estlemeilleurmoyendesurmontermapeurpanique,dereprendrecourage.Jenepeuxpasvivrelerestantdemesjoursdanslaterreur.Jedoisyarriver,pourmonbienmais aussi pour celui de Mia : j’en ai assez de savoir qu’elle reste sur le qui-vive, prête à meremonterlemoraldèsquej’enaibesoin.
Unsouriretimidesedessinesurmeslèvres,etdisparaîtaussitôtlorsquejemeredresseetplongemonregarddansceluideZach.
—Onseralà,comptesurnous.Silafatiguenepesaitpassilourdsurmesépaules,legrandsourirequ’ilnousadresseseraittrès
vite contagieux. Mais je suis épuisée, alors je l’observe se balancer sur ses talons, les mainsenfoncéesdanslespoches.
—Jesuiscontentquevousayezpupasserunpeudetempsavecnous,mêmesiçafinitcommeça.Ungrognementm’échappelorsquejesaisislesous-entendu.—Quellephrasecliché!s’exclameMiaenriant.Ilhausselesépaules,l’airdedirequ’ils’assume.—Jesuismusicien,pascomédien.Venez, jevousraccompagneàvotrevoiture.Lasoiréeaété
longue.Enarrivantchezmoi,j’entredansmonappartementetmedirigedroitverslacuisinesansprendre
lapeined’allumerleslumières.Unefoislacafetièreprogramméepourlelendemain,jemebrosselesdents et enfile levieux tee-shirtdeMarcquime sertdepyjamaavantdemeglisserdansce litbeaucouptropgrandpourmoitouteseule.Blottiesouslacouverture,jepenseàMarc.Nousadorionsécouterdelamusiqueensemble.Depuisdesannées, ilm’emmenaitvoir touslesconcertsdespetitsgroupesquipassaientdanslecoin.Alorsquesesgoûtsleportaientplutôtverslemétal,lesmienssesont rapidement forgés autour des jeunes talents de rock alternatif plus tempéré. Dès qu’une têted’affiche passait parMinneapolis, nous allions la voir et j’en garde de très bons souvenirs.Aprèsl’accident, la musique m’a parfois apporté un mélange de réconfort et d’espoir, mais elle ne meprocurepluscebien-êtredepuislongtemps.Aulieudecela,chaquechansonaccentuemonsentimentde solitude. Je me doutais bien que j’allais devoir affronter de vieux démons ce soir, mais je nem’attendaispasàcequecesoitsidur.
LesouvenirdesgrandsyeuxvertsdeZachrestegravédansmonesprit,ainsiquesesclinsd’œil,
son air inquiet àmon retour des toilettes, ou encore son sourire en apprenant que j’acceptais soninvitationpourleconcertdedemain.Jemesensridicule.Ilyaàpeinequelquesheures,jeconfiaisàMiamonenviederecommenceràfréquenterdeshommesetvoilàquej’ailebéguinpourunregarddebraiseetunsouriretaquin.Jeprendsuneprofondeinspirationetfermelesyeux.Jem’enveuxdem’êtrecomportéecommeuneidiote.
Dans quelques jours, ZachWalters quittera la ville et je ne le reverrai plus jamais. Je ne voismême pas pourquoi je persiste à penser à lui. Le sommeilm’emporte et j’ai les yeux humides enrepensantàtoutcequej’aiperdusanssavoirsijeparviendraiunjouràtournerlapage.
1TheMorningShowestuneémissionderadiopubliquecélèbredansl’ÉtatduMinnesota.(NdT.)
Chapitre4
EndécouvrantlesplacesqueZachnousaoffertes,Miaétaitauborddel’évanouissement;cesontlesmeilleures:justedevantlascène,aupremierrangetunpeusurladroite.LesSamsonBrothersmontent sur scènepour assurer lapremièrepartie. Ilm’estdifficiledenepas sortirde la frénésiedanslaquellenousétionsplongéesjusqu’àprésent.Jeveuxprofiterdelasoirée,melaisseremporterpar lafoliedelafoulequim’entoureetpar lesbassesdelamusique.Etpourtant, jen’arrivepasàdétournermespenséesdeMarc.
Ensemble,nousdansionscommedesfousenmettant la radioàfondpourqu’ellerésonnedanstoutelamaison.Jesourisenmereplongeantdanstouscessouvenirsquiémergentdansmonesprit.C’estcequ’ilvoudraitpourmoi,ilvoudraitquejesoisici.Cetteidéemerévolte,maisc’estpourtantlavérité.Marccroquaitlavieàpleinesdents,ilétaitdetrèsbonnecompagnie.Pourlui,iln’yavaitriendeplustristequedes’apitoyersursonsort.Parfois,n’ytenantplus,jeluidemandais:
«Commentfais-tupourgarderlesouriremêmedanslesmauvaisjours?»Marcmerépondaitalors,pluspaisiblequejamais:«Lavieestcourte,ilfautsavoirresteroptimiste.»Aujourd’hui,jecomprendsenfin.Iltrouveraitsansdoutenormalquesapertem’attriste,maispasauprixdemonbonheur.Pasen
passant une année de tristesse et de désespoir comme celle qui vient de s’écouler. Il seraitprofondémentdéçus’ill’apprenait.
Lorsdenotrepremierconcert,Marcavaitcepetitaircoquinquimefaitchaudaucœurchaquefois que j’y repense. Il aimerait que je continue à vivre comme nous l’avons toujours fait : avecpassion.D’ailleurs,aufonddemoi,c’estcequejeveuxaussi.Jeveuxrecommenceràrire,àdanser,sanslepoidsécrasantdudeuilquim’oppressetellementqu’ilm’empêchederespirer.
En fermant les paupières, j’essaie de me représenter son visage. J’imagine ses mots,minutieusementchoisispourmepousseràprendremoncourageàdeuxmainsetàarrêterdecompterlesjoursdetristessepourmetournerversl’avenir,verscequelaviemeréserve.Soudain,aulieudeses yeuxmarron, je vois des yeux vertsm’adresser un clin d’œil taquin.C’est plus fort quemoi,j’esquisseunpetitsourireencoin.
Lespremièresnotesd’unechansonquim’estinconnuemeramènentsurterre,maisl’énergiedelafouleestsigrisantequ’unsentimentdelibertém’apporteuneboufféed’airfrais:Marcvoudraitmesavoirici,menantlamêmeviequecellequenouspartagions.Lamusiquem’emportetrèsviteetjemelaisseenvahirpar l’euphoriedupublic,mesurprenantàdanserpour lapremièrefoisdepuisquinzemois.Stupéfaite,Miamedécocheunsourirerayonnant.
Lapremièrepartielibèrelascènequisefonddanslalumièretamisée.Monamieenprofitepourexulteràcôtédemoi,tapantdanssesmainsetsautillantsurplace.
—C’estgénial,Nic!Tuimagines,jesuisenpleinrêveéveillé!Etonestaupremierrang!Soudain, le sol commence à trembler sous nos pieds au rythme sourd des coups frappés à la
batterie.L’obscuritéesttotale,maisjesaisqueChaseestlà,derrièresesfûtsaufonddelascène,lebandanasur la tête,et je l’imaginemartelant lebeatsoutenusur lapédaledesagrossecaisse.Unevague assourdissante d’acclamations hystériques s’élève de la foule. Sur la scène, je devine lasilhouettedeZachet le restedugroupe ; chacunprendposition tandisque les lumières s’allumentprogressivement.
Entre la réaction presque sauvage des spectateurs quand la rock star fait son apparition et levacarme ambiant, je suis pétrifiée, incapable dumoindremouvement.Mes pieds sont fixés au solcommedesblocsdebéton.
Zach s’approche du micro, sa guitare dans les mains, et lève les bras, le sourire jusqu’auxoreilles.
—Bonsoir,Minneapolis!Alors,vousêteschauds?lance-t-ildanslemicropourconquérirsonpublic.
Le charme opère : la foule en délire frappe le sol des deux pieds pour répondre à son appel.Accrochéeàmonbras,Miasauteethurleencœuraveclesautres.Quantàmoi,jesuisincapabledefairelemoindremouvement.Jenepeuxdétachermesyeuxdel’hommequisedressesurledevantdelascène.
Il est terriblement séduisant. Son jean délavé et son vieux tee-shirt noir à l’effigie desRollingStonesépousentsiparfaitementlesformesdesoncorpsquejen’aiaucunmalàl’imaginernu…
Dèsqu’ilagitelesdoigts,lescontoursdutatouageaucreuxdesonbrasdroitdansentaurythmedesaccordsgrattéssurlaguitare.Àcettedistance,jepeuxapercevoirlescintillementdelasueurquiperledéjàsursonfront,àpeinemontésurscène.Hiersoir,Zachétaitunhommeaccessible,voiremême puéril par moments. Mais, ce soir, son aura masculine et son charme viril n’échappent àpersonne. Oserais-je admettre que son sex-appeal me coupe le souffle ? Je comprends mieuxpourquoiMiaaplacardésonportraitsurlemuràcôtédesonlitdepuisplusieursannées.Elleabeaumedonnerdescoupsdecoudeenriant,jegardelesyeuxbraquéssurlechanteur.
Zachafficheunpetitsourire,sansdouteamuséparlevacarmedelafoule.Pourtant,sonregardestrivéaumien,plongeantautraversdemonâme.J’yliraispresquel’avertissementd’unséducteuravéré,unesortede:«Fuis-moitantqu’ilenestencoretemps.»Maisjenepeuxpas,l’intensitédeceregardmefigesurplace.
C’estunpeucommes’iln’yavaitplusqueluietmoidanscetteimmensesalle.J’ailagorgesèche.Sesyeuxsetournentbrièvementverslafoulepuisreviennentsurmoi.Est-cequ’ilressentlamêmechosequemoi?L’intensitédansnotreregard, lapuissancedecequ’ilévoque…Ilclignedesyeuxunefois,deuxfois,pourfinalementmerameneràlafouledemilliersdegroupies,toutespenduesàseslèvres.
Lescoupssourdsdelagrossecaisserésonnentdanslasalleaurythmedemesproprespulsations.J’entendsàpeineMiaquimehurledanslesoreillesquelquechosecomme:«Jetel’avaisdit,ce
typeteveut!»J’aidûmaldistinguersesmotsavecl’échotonnantdecetteimmensesalledeconcerts.Armée de courage, je m’agrippe à son bras tandis qu’elle danse et chante sur les paroles quirésonnentdanslesenceintes.Levolumeestécrasant,maislerythmelentetenivrant.C’estunsavantmélangederockalternatifetdefolk,exactementcequej’aime.
Jem’amuseenfin,pourlapremièrefoisdepuisunanettroismois,etçafaitdubien.Jemesenslibre.Àcettepensée,jemelaisseporterparl’ambiancecommelesmilliersdefansautourdemoi.
Aprèsleursecondrappel,lesmusiciensquittentlascèneetMiameprenddanssesbras.—C’étaitgénial!Mercimillefoisd’avoiracceptédevenir!Çat’aplu?Zachteveut,jetel’avais
dit,ilnet’apasquittéedesyeuxdetoutleconcert.Franchement,qu’est-cequetuenpenses?
Sessuppositionsmefontleverlesyeuxauciel,maisellemecommuniquesajoiedébordante.—C’étaitdubonheuràl’étatpur!Jenemesuispasautantamuséedepuisdeslustres!Quelqu’unmetapotel’épaule;jemeretourneetmetrouvenezànezavecunhommeàlacarrure
imposante et au tee-shirt jaune fluo. L’hommeme sourit et je lis : « SÉCURITÉ » écrit en lettrescapitalessursontorsederugbyman.
— C’est Zach qui m’envoie. Il souhaite vous faire accéder aux coulisses. Pour l’instant, il sechangedansleslogesmaisvousleretrouverezdanslagrandesallecommunetoutàl’heure.
Sans plus d’explications, il nous soulève par-dessus les barrières sous un déferlement deprotestationsdejalouxderrièrenousquihurlentàl’injustice.Noussuivonsensuitelevigiledansuncouloir étroit derrière la scène.Miame prend brusquement lamain ; cette fois, je crois que noussommesaussihystériquesl’unequel’autre.
—Alors,çavousaplu?nousdemandeJakeennousrejoignantdanslecouloir.Ilvientdesedoucher.L’idéedeluidemanderoùsontlesautresmetraversebrièvementl’esprit,
maisjemecontentedeluirépondreensouriant.—C’étaitvraimentgénial!Vousnousavezoffertdugrandspectacle.—Venez,jevousemmèneàlasallecommune.—Qu’est-cequec’est,lasallecommune?s’enquiertMia.—C’estunegrandepièceoùonseretrouveaprèslesconcerts.Certainsfansontdesbadgespour
yaccéderetnousrencontrer.Ilyaaussidesjournalistespournousinterviewer.Autantdirequ’aprèslesconcertslafêten’estpasterminée.
—Waouh!Quepourrais-jedired’autre?Àchaqueconcertauquel j’aiassisté–et ils sontnombreux–, je
n’aijamaisoséespéreraccéderauxcoulissespourrencontrerlegroupe.Pincez-moi,jedoisrêver!Miajubileaumoinsautantquemoi.
NoussuivonsJakejusqu’àlasallecommuneetnousfigeonsdesurprisesurleseuil.Unedizainedefilles–ouplutôtdegroupies–àmoitiénuesdansentlangoureusementsurlamusiqued’unechaînehi-fienattendantleursidoles.Derrièreelless’entasseunpetitgroupedejournalistesagrippésàleurscarnets et leurs caméras. Lorsque nous entrons, ils tendent le cou mais retournent vite à leurconversation en s’apercevant que nous sommes totalement insignifiantes à leurs yeux. Les autresinvitéssemblentunpeuinterloquésetvaguementmalàl’aise,toutcommeMiaetmoi,d’ailleurs.Cesontsansdoutedesimplesfansimpatientsderencontrerleurmusicienpréféré.Uneétrangesensationm’envahit;touscesgenssontréunisdanscettepièceenl’honneurdel’hommeavecquij’aipassélasoiréed’hieràpapoter,untypehumbleetnormallorsqu’iln’estpassurscène.
JemetourneversJakepourluidemanderd’unairsurpris:—C’estcommeçatouslessoirs?Quelques femmes remarquent alors sa présence et s’approchent de lui comme de l’objet tant
convoité.Dansunpetitrire,ilsepasselamaindanslescheveux.—Oui,plusoumoins.Mais,parfois,ilyabeaucoupplusdemonde.J’attrapeunebouteilled’eauposéesurlebaretmetourneversMiaquimesouritaveccemême
aircoquinqu’ellearboraithiersoir.Méfiante,jem’enquiers:—Qu’est-cequ’ilya?— Tu le sais très bien ! ZachWalters est dingue de toi, combien de fois vais-je devoir te le
répéter?—Situledis…Jepromènemonregardsurcespersonnestrépignantd’impatienceàl’idéederencontrerZach.Je
medemandesileursmainssontmoitesetsileurcœurbataussifortquelemien.—Bon,écoute.Jesaisquetuasperdulamainpourlesflirtsetlesrendez-vousgalants,etjesais
queçafaitdesannéesquetun’yasmêmepaspensé.Maisjet’assurequ’ilnet’apasquittéedesyeuxdetoutleconcert!
Soudain,lescrisstridentsdesgroupiess’élèventderrièrenous.Jen’aipasbesoindemeretournerpourcomprendrequeZachvientd’entrerdanslapièce.J’auraispréférénepasassisteràlascènedetoutescesfansendélirequisautillentaveclenombrilàl’airets’égosillentpourattirersonattention.Serais-je jalouse?Impossible.Mais jesecouela têtepourchassercette idéeetmeretournevers laporte.
Àmagrandesurprise,Zachalesyeuxposéssurmoi.Iljetteensuiteunbrefcoupd’œilverslesgroupiesquisetrouventsursonchemin,lesremerciantd’êtrevenues,toutens’approchantdemoienlespoussantpolimentsurlecôté.Ilnes’arrêtequepoursignerquelquesautographesetrépondreauxquestions des journalistes.Après dix bonnesminutes, il parvient enfin à se frayer un chemin versnous.Pendantcelapsdetemps,mesyeuxnelequittentpasunseulinstant.
Enarrivantànotrehauteur,illanceunregardnoiràJakequisetientderrièreMia.—Arrêtedejoueraucon,luireproche-t-ild’untonsec.JemeretourneversJakequilèvelesmainscommepours’innocenter.—Premierarrivé,premierservi,luirépondJakeavecunclind’œilavantd’éclaterderire.Lamoueboudeuse,Zachsecouelatête,puisinsisteenesquissantcesourireirrésistibledontilale
secret.—Non,çanefonctionnepascommeça.J’aimeraissavoirdequoiilsparlent.—Alors?Qu’est-cequetuenaspensé?mesondeZach.—Jemesuisrégalée!Sourianttimidement,jeboisunegorgéed’eauenleregardantsegratterlanuquenerveusementet
jeter des regards furtifs autour de lui. Finalement, il se reprend et affiche un sourire fier, presquenarquois.
—Jesavaisqueçateplairait.—Tuesunpeuprétentieux,non?—Prétentieux,non.Confiant,oui.J’éclate de rire. Pas de doute, il est prétentieux, confiant et beaucoup d’autres choses encore.
Après tout, il a bien raison ; tous les regards sont sur lui lorsqu’il est sur scène et son talent demusicienestindéniable.
—C’étaitvraimentgénial.J’aipasséunetrèsbonnesoirée,mercibeaucoup.—Onvas’asseoir?Je luiemboîte lepas jusqu’àuncanapédecuir installéaufondde lapièce.JakeetGarrettsont
assissurunautrecanapéjusteàcôté,alorsque,dansuncoinisolé,MiaetChasesontdéjàplongésdansuneconversationàvoixbasse.
Nousdiscutonsdemachansonpréféréeduconcert,lorsqueAaron–lemanagerdeZach–surgitdenullepart.
Unefoislesprésentationsfaites,Aaronsetourneverssonpoulain.—Lafilled’unreprésentantpolitiquelocalvoudraitunautographe.Assure-toidenepasl’oublier
avantlafindelasoirée.Mesmainssecrispentsurlabouteilled’eauavecunetelleforcequejemanquedelafaireéclater.
Je baisse les yeux et m’aperçois qu’elles sont d’une pâleur inquiétante et tremblent comme des
feuilles.Impossible,ellenepeutpasêtre ici.Pascesoir,alorsquejecommenceenfinàvoir leboutdu
tunnel!Jefermelesyeuxetprendsuneprofondeinspiration.Jedoisgarderlecontrôle;mapetitescène d’hier ne doit pas se reproduire ce soir. Deux petits yeux marron apparaissent sur mespaupièresfermées,maisjem’empressedelesrouvrir.
AaronesttoujoursoccupéàdiscuteravecZach.Heureusement,ilsn’ontpasremarquéquejesuisauborddeslarmes.Jesoupiredesoulagement.C’estridicule…Quellepreuvedefaiblesse!Àmongrand désarroi, je constate que, en dépit de tous les efforts que je déploie pour surmonter cetteépreuve,lepasséseratoujourslàpourmehanter.
—Quiestcettefille?Mavoixcomplètementérailléefinitparsebriser;uneautrebouteilled’eauneseraitpasduluxe.
Ma question surprend le manager qui me regarde d’un air méfiant. Je ne la vois pas, or je lareconnaîtraisquelquesoitlecontexte.Enfin,j’aperçoisdansuncoindelapièceungroupedejeunesadolescentesquigloussentenpointantZachdudoigt.
Jepousseunsoupir.Cen’estpaselle.Enréalité,jemefichedesavoirquielleest,pourvuqu’ilnes’agissepasdeSarah.
—LafilledumairedeSaintPaulesticipourfêtersestreizeans.Jehochelatêteetesquisseunsouriregêné.—Toi non plus, tu n’es pas très attirée par la politique ?me demande Zach, avec une pointe
d’humour.—C’estlemoinsqu’onpuissedire,confirmé-je.Puis jem’excuseetmedirigevers lebarpourréclameruneautrebouteilled’eauetunshotde
tequiladansl’espoird’apaisermesnerfs.L’alcoolmebrûlelagorge,jedéglutisalorsenfaisantlagrimaceetvidelamoitiédelabouteilled’eaupourfairepasserladouleur.JeremarquesoudainlaprésencedeGarrettjusteàcôtédemoi.
—Toutvabien?Il y a quelque chose chez lui quimemet instantanément à l’aise. Ses longs cheveux noirs lui
retombent sur les oreilles et je retiens une envie soudaine de les ébouriffer comme je pourrais lefaireàunpetitgarçon.Lestatouagesquiluicouvrentlecouetlesbrasluidonnentunairderebelle,mais jedevine,àsonsourirechaleureuxetàsesyeuxd’unbleusombre,que j’aiaffaireàun typebien.
Jehoche la têtesansrépondre,encore troublée.Heureusement, leshotde tequilaadéjàdomptémapanique.
—Mafiancéedétestecegenredesituation,toutcemondelametmalàl’aise,meconfie-t-ilenpromenantsonregarddanslapièce.Tusais,c’estdifficilederesterrelaxfaceauxinconnusqu’onestamenésàrencontrertouslesjours.
C’estadorabledesapart,maismonproblèmenevientpasdelà.Enréalité,j’aimeraisbeaucoupoublierlaprésencedetouscesgensetdelaboufféedepaniquequejeviensdesurmonter.Maintenantquejemesensmieux,c’esttrèsembarrassant.
J’attendsdereprendrelecontrôledemavoixpourluidemanderd’untoncalme:—Tuesfiancé?Ilsouritetjenepeuxm’empêcherd’enfaireautantlorsquejeremarquel’étincellequibrilledans
ses yeux. Je connais ce regard :Marc avait lemême dès qu’ilme voyait approcher. Stupéfaite, jedécouvrequejepeuxpenseràlui,dansunendroitaussidécaléquecelui-ci,sansmesentirtriste.Sonsouvenirm’inspireunegrandetendresse,etc’esttout.
—Oui,çafaitdeuxans.Avectoutcequinousarrive,onn’apasencorepufixerdedatepourlemariage,maisc’estunefemmefantastique.Tumefaisunpeupenseràelle.
—Ahbon?Je trouvesonrapprochementunpeudéplacé,étantdonnéquenousavonsàpeineéchangédeux
motshiersoiretquenousnenousconnaissonsabsolumentpas.Aveclaplusgrandesimplicitédumonde,ildésigned’ungestevaguelespersonnesprésentesdans
lasalleethausselesépaules.—Toutçanel’impressionnepas.Àsesyeux,onestjustedesmecsnormaux.—Çatombebien,jesuisdesonavis.Depuiscombiendetempsêtes-vousensemble?JesuistoutouïetandisqueGarrettmeracontecommentChloéetluisesontrencontrésàlafac,
peudetempsavantqueZachlerecrutepourrejoindresongroupe.L’histoireàpeineterminée,Zachs’approchedenous,accompagnédeMia.Jeprendsconscienceàcetinstantqu’ilneresteplusdanslapiècequ’unepoignéedetechniciensetlerestedugroupe.Ilnemanquequ’Ethan.
—Ondevraitrentrer,mefaitremarquerMia.Déjà ? Je suis un peu triste que la soirée se termine,maisme résous à dire au revoir à toute
l’équipe.Àma grande surprise,Chase etZach nous raccompagnent dehors.Devant l’entrée des artistes,
DarrenestadosséàsaMercedesberlinenoire,prêtànousconduire jusqu’ànotrevoiture,garéeàquelquesruesd’ici.
—Jeveuxm’assurerdevotresécurité,nousexpliqueZach,presquetimidement.C’étaitunplaisirdeterencontrer,Nicky.J’aipasséuntrèsbonweek-end.
Lesmotsmemanquent.Jehochelatêteensouriant,commecespetitschiensenplastiquequ’oninstallesurlaplagearrièredesvoitures.
—Jemesuisbeaucoupamusée.Zach fait un pas vers moi et lève doucement la main, l’approchant tout près de ma joue.
Instinctivement, j’incline la tête vers sa paume. Au dernier moment, son regard s’attendrit et sesdoigts se referment enunpoing serré qu’il fourre dans sa poche avant de se retourner pour nousouvrirlaportière.
—Bonretour,faitesattentionsurlaroute.Étrangement, l’envie me prend de sentir sa peau contre la mienne, de sentir ses mains courir
partoutsurmoncorps.J’ailatêtequitourneetmespenséessebrouillent:l’espaced’uninstant,j’aieuenviedelui.Désirerunhommeavecunetelleintensitém’effraieunpeu.Jeferaismieuxdemonterenvoiture.C’estlameilleurechoseàfaire,maisaussilaplussûre:jedoisdireaurevoiràZachetmesouvenirdecesdeuxjourscommedupremierweek-endagréablequej’aipassédepuislapertedemafamille.Niplusnimoins.
Jelanceunderniercoupd’œilverslui,puismonteàl’arrièredelaberlinegrandconfort,suiviedeMia,puisZachrefermelaportière.
Zach
—Qu’est-ceque tunousfais, là?me lanceChase, tandisque lavoituredeDarrendisparaîtaucoindelarue.
Je n’en ai pas lamoindre idée. Je n’ai pas l’habitude de flirter pendant les tournées.C’est uneleçonquej’aifiniparapprendreàmesdépens:ladernièrefois,j’aifaitmonterunefandanslebuset,quelquessemainesplustard,elledébarquaitàunautreconcertenclamanthautetfortêtreenceintedemoi.
Quellesalepériode!J’avaisprismesprécautions,ilétaitdoncidiotdecroireàsesmensonges.Pendant des semaines, mon avocat a tenu bon face à ses demandes de pension alimentaire pourl’enfant.Toutçapourapprendre,quelquesjoursplustard,quecettehistoireétaituncoupmonté.Cefutladouchefroide.Depuis,jemesuiscalméetj’aiapprisàresterprofessionnel.
Mais ilyaquelquechosechezcettefillequim’obsède.Cesontpeut-êtresesyeux ; lorsqu’ellesourit, de petites rides se forment à leur extrémité,mais leur bleu profond ne change jamais. Sonregard est toujours triste, voire éteint, alors que le reste de sa personne ne l’est pas, que ce soitlorsqu’elle parle de sonmétier avec passion, lorsqu’elle rit avec son amie, ou encore quand elletolèrequeJakeflirteavecelle.
Il s’est dépêché de prendre sa douche pour être le premier à accueillir Nicky dans le couloir.J’étaisàdeuxdoigtsdelefrapper.JamaisjenetoucheraisàuncheveudeJake,mêmes’ilprendunmalinplaisiràmetapersurlesnerfs,mais,cesoir,jel’aitrèsmalpris.
Cesontpeut-êtresesjambesderêvequiontceteffetsurmoi.Lesescarpinsrougesqu’elleportaitl’autresoirm’ontlittéralementfaittournerlatête.
Elleestsexysansavoiràsepromeneràmoitiénuecommetoutescesnanasquicherchentàattirernotreattention.Cecharmenaturellarendd’autantplusdésirable.
JedoismereprendreetallerboireunverrepouroublierNicky.Ellememetdanstousmesétatsalorsquejenel’aivuequedeuxfoisdansmavie.
—Tuesvraimentmalade,mongars,mecharrieChaseenmetapantdansledos.Jepousseungrognement.—Dequoituparles?Dans un éclat de rire, il allume une cigarette et souffle de petits ronds de fumée avec cet air
parfaitementassuméd’idiotduvillage.Mesamispeuventsemontrervraimentnazes,parfois.—Turegardaiscettevoitures’éloignercommesituvenaisdeperdretapeluchepréférée.Qu’est-cequ’ilraconte,celui-là?Jen’aimepaslespeluches…Maisj’imaginequ’iln’apastort.
—Lâche-moi.Toinonplus,tun’avaispasenviedelaisserpartirMia.Dansunhaussementd’épaules,ilexpireencoreunpeudefumée.—Peut-êtrebien.MaisjevaislavoiràLosAngelesdèsqu’onaurafinilatournée.—Tuessérieux?—Ouais.Ellen’estpasdugenreàs’engager,moinonplus…Jeluiaidoncproposéunepartiede
jambesenl’airlejouroùellepasseàLosAngelespourleboulot.Ellen’apasditnon.C’estpeut-êtredeçaquej’aibesoinavecNicky:unebonnepartiedejambesenl’airpourlasortir
demon système nerveux.Le problème, c’est que ça ne fonctionnerait pas.Dès que jem’approched’ellepourlatoucher,elleaunmouvementdereculetmelanceunregardstupéfait,commesij’allaislablesser.Queluiest-ilarrivépourqu’elleaitsimalaujourd’hui?
Enquoicelapeut-ilm’intéresser?Jenesaispas.Jeveuxsavoir,c’esttout.JemetourneversChase.—TuasrécupérélenumérodeMia?Ilafficheunsourire fieretacquiescesansfaire lemoindremouvementversson téléphone.Cet
abruti neme donnera pas ce foutu numéro, je vais devoir le récupérer pendant son sommeil. Enpassant,jeluiplongerailamaindansunbold’eaufroide,çaluiferalespiedsàcecrétin.
—Tusais,ellen’estpascommeRachel.Jeluilanceunregardnoircommepourluidemandercequ’ilveutdireparlà,maisj’aitrèsbien
compris:surleplanphysique,Rachelest…commentdire…detrèsbonnecompagnie.Hélas,notrerelation s’est étiolée le jour où elle s’est mise à parler de « passer à l’étape supérieure ». Vivreensemble,lavieàdeux,toutça.Plutôtmourir,mesuis-jedislejouroùelles’estfichucetteidéedanslatête.
Au lit, c’est un bon coup, mais tout ce qui l’intéresse est de voir son nom imprimé sur lacouverturedesmagazines,orcegenredechosemetapesurlesnerfs.
JemepasselamaindanslescheveuxetrépondsfinalementàChase:—Ouais,jesais.C’est vraiment frustrant. Pendant des années, je n’ai croisé que des nanas comme Rachel et
j’avouequeçanemedérangeaitpas.MaisNicky…Bonsang,cettefillenesedoutaitpasdutoutquej’étais célèbre et je sais qu’elleme désirait déjà, avantmême queMia nous rejoigne au comptoir.C’estlapremièrefilledepuisaumoinsdixansquinecherchepasàmeséduire.Elles’estsimplementmiseà rougir et àbafouiller àproposdechaussures,ou jene sais tropquoi. Jen’aipas trèsbienécouté ce qu’elle disait, j’étais trop occupé à imaginer mes doigts courant sur sa peau, dans sescheveuxétaléssurlesdrapsdemonlit.
Jesuisdésespérant.Jedonneuncoupdepoingà l’épauledeChaseenne riantqu’àmoitiéet lebousculepourme
dirigerverslebusavantlui.Jedoislavoirunedernièrefois.Ensuite,j’arrêteraidepenseràelle.Quelmensonge!Nickyoccuperamespenséesencorelongtemps,jenedoispasmeleurrer.J’ai
envied’elleetpasseulementpourunsoir.Jeveuxcomprendrecelangagecodéqu’elleutilisaitpourmeparler, je veux savoir pourquoi elle s’enferme dans sa bulle en affichant cet air triste, je veuxdémolirlemurderrièrelequelellesecachepourseprotégerdecettechosequil’atantblessée.
Et,tantqu’àfaire,jeveuxluiretirerlajupequ’elleportaitcesoir…—Maistuesvraimentgrave,monvieux!s’exclameChaselorsquejemeprendslaportedubus
enpleineface.Jeluifaisundoigtd’honneursansmêmeleregarderetmedirigedroitverslacuisinepourme
serviràboire.
Chapitre5
Nicky
Bzzz…bzzz…bzzz…Dansmonplacardouvert, je lanceuneautrebrasséedevêtementsportéscettesemainequivont
déjàdevoirresservir,avantdemeprécipiteràlarecherchedemontéléphonepournepasmanquerl’appel.Sansdoutemamèrequiappellepourlesnouvelleshebdomadaires.Mais,pourunefois,j’aiquelque chose de vraiment intéressant à lui raconter. Heureusement que ma mère était là pourm’accompagnerdanslesheuressombresquiontsuivilamortdeMarcetAndrew.Elleapassédessemainesentièresàmescôtés,àmenourrirpresquedeforcelesjoursoùlatristessemecoupaitlafaim. Pour m’épargner le côté administratif pénible qu’engendre un décès, elle a pris en mainl’organisationdesobsèquesetlescoupsdefilauxassurances,alorsquejerestaisenferméedansmachambre,dévastéeparlechagrin.Sixsemainesontpasséavantquejetrouvelaforcedelarenvoyeràlamaisonrejoindrepapa.Jesaisqu’ellesefaitencorebeaucoupdesoucipourmoi…J’imaginequec’estsonrôledemère.
Ah,levoilà!Jetendslebraspourdécrocherjusteàtempsetmecognelepiedcontrelecadredulitaumomentderépondre.
—Allô?J’ailesdentsserréesàcausedeladouleurfulgurantequimetranspercelesorteilsetmedonne
enviedehurler.Jenemesuispasratée!—C’esttoi,maman?—Euh…non,répondunevoixd’homme.J’aidéjàentenducettevoix,maisladouleurauxorteilsmêléeàlasurprised’avoirunhommeà
l’autreboutdufilm’empêchedereconnaîtremoncorrespondant.—Nicky?C’estZach.Lapremièrechosequimevientàl’esprit:oùa-t-ileumonnuméro?Laseconde:quandvais-je
cesserdepasserpouruneidiotedevantlui?—Ah,euh…Salut,Zach.—Toutvabien?—Oui.Jemesuiscognée.Quit’adonnémonnuméro?Jem’assiedssurmonlitetmemasselepiedpourchasserladouleurtoutenmedemandants’ila
unebonneraisonpourmeprendrepourunefolle.Àl’autreboutdufil,j’entendsrésonnersonriretimide.
—Zach,est-cequetutemoquesdemoi?
—Unpeu,jel’avoue.C’estMiaquimel’adonné.—Quit’adonnéquoi?Sonrires’affirmeunpeuplus.J’aimebeaucoupl’entendrerire,maisj’enaiassezd’êtrelacible
desesmoqueries.—Tonnuméro.Évidemment.Jeméritedemefrapperlatêtecontreunmur.—Cesoir,onquittelavillepourChicago.Mais…Sa voix s’éraille sur ces derniers mots comme s’il venait d’oublier ce qu’il allait dire. Je ne
prendsconsciencequ’àcetinstantquejeretiensmarespirationenattendantdeconnaîtrelaraisondesonappel.J’ailecœurquis’emballe,jeperdscomplètementmesmoyens.
—Enfait,j’espéraisterevoiravantnotredépart.Maispourquoifaire?—D’ailleurs,jesuisenbas,danslehalldetonimmeuble.J’aidanslamaincequeMiam’adécrit
comme étant ton plat préféré, commandé chez le restaurant thaïlandais en bas de la rue. Jepeuxmonter?
Quoi?!UneenviesoudainemeprenddepoignarderMiadanssonsommeil,ou,pireencore,debrûlerses
escarpinsdehautecouturepréférés.J’auraisdûmedouterqu’elleiraitjusqu’auboutdesonplandèslasecondeoùj’aiémisl’idéedefairedenouvellesrencontres.
Danslecombiné,j’entendsZachseraclerlagorge.—Justeundéjeuner,s’ilteplaît…Le ton de sa voix est si doux que j’en oublie ma soif de vengeance. Ces trois derniers mots
suffisentàmeconvaincre.Jesoupireensignedecapitulation,mais,enmêmetemps,moncœurs’emballeàlaseulepensée
delerevoir.Suruntonquejeveuxplussec,jereprends:—Monte,jesuisaunuméro1012.MaisMiatel’asansdoutedéjàdit.J’appuiesurleboutonpourluiouvrirlaportedusasd’entrée,puisjetteunrapidecoupd’œilà
monsalon.Miaaencorefrappé,jelahais.Enfait,non,jenelahaispasdutout.Toutdemême,jemesens
complètementperdue.Letextoquejeluienvoieestsimpleetefficace:Toi,tuesmorte.
Saréponsenesefaitpasattendre.Nefaisrienquejeneferaispas.
Je secoue la tête : si elle était àma place, le déjeuner qui s’annonce présagerait un tout autre
scénario.Jerougisàl’idéedemeretrouverseuleavecunhomme.Jereposemontéléphone,meprécipitedanslachambreetfourreenvracdansleplacardtousles
vêtementséparpilléssurlelit,puismedirigeverslacuisineetrangelesassiettessalesdanslelave-vaisselleavantdepasseruncoupd’épongesurleplandetravail.Enfin,jecoursdanslasalledebainsetme fige devantmon reflet dans lemiroir : je ne suis pasmaquillée,mes cheveux sont sales et
négligemmentnouésenqueue-de-chevaletjeporteunvieuxtee-shirttrouépar-dessusunleggingdesport.Jeneressembleàrien.
Pasdetempsàperdre, jemepassedel’eausurlevisageetdanslescheveuxpourlesdompter,puismeprécipiteversmonplacardàlarecherched’untee-shirtplusprésentable.Aumomentoùmesbrass’emmêlentpourenfilerundébardeurroseclair,j’entendsqu’onfrappeàlaporte.
Zachestlà,danslecouloir,fidèleausouvenirquej’enaidemercredisoir.Laseuledifférenceest
le tee-shirt bleu ciel sous sa veste qui remplace la chemise qu’il portait ce soir-là. Il est toutsimplementdivin;monrythmecardiaquepassebrusquementàmach2ensigned’approbation.
Pourquoisuis-jesoudainsinerveuse?J’aipassédeuxsoiréesencompagniedecethomme,etàaucunmomentjen’airessentiuntelmalaise.
Le sourire aux lèvres, il me tend deux sacs de contenant les plats du traiteur thaïlandais. Undélicieuxfumetmechatouillelesnarines.
M’effaçantsursonpassage,jel’inviteàentrer.Macuisineestsurladroiteenentrant;unsimplegestesuffitàluiindiqueroùposerlessacs.Je
medemandecommentZachtrouvemonappartement.Cedoitêtrebeaucouppluspetitquechezlui,mêmesijen’aipaslamoindreidéedel’endroitoùilvit.Quellehorreur!Monsalonnedoitpasfairelamoitiédessuitesquelesgrandshôtelsluiréserventpendantsestournées.
Soudain, je prends conscience de l’écart qui sépare nos deuxmodes de vie.Aumoment où jereprendslecoursd’uneviesimpleetordinaire,luiestautopdesacarrièreetsacélébritéluipermetdevivredansun luxeàpeine imaginable.Ayantdumalàdétermineràquelpointcelamegêne, jedécidederangercetteidéedansuncoindemonespritpouryrevenirplustard.
—Jesuisdésolédeteprendreaudépourvu.Iln’apasl’airsidésoléqueça.Aucontraire,ilal’airtrèscontentdelui.Danscecas,ilvautmieuxmentir.—Oui,j’imagine.JemedirigeversleplacardpourensortirdeuxassiettespendantqueZachdéposelanourriture
surlatableinstalléejusteavantl’accèsàlacuisine.Surlagauche,lesalonsembleattirersonregard;ils’approchedelabibliothèqueoùsontexposéesmesphotosdefamillepréférées.
Je rassemble les couverts et les verres d’eau, préoccupée par les questions qu’il finira parmeposer,puislerejoinsprèsdesphotos.Ilnesoufflepasunmot.
Finalement,jem’installeàtablepourdéballerlecontenudessacsetilnetardepasàmerejoindre.—Alorscommeça,ZachWalters,tudébarqueschezmoiàl’improvistepourmeproposermon
repaspréféré?Avouequec’estunpeuangoissantpourunefemmedesesentirtraquéedelasorte.Avantdeterminermaphrase,j’attendsquenousentamionsnotrerepas.—D’aprèsMia,lessitesInternets’endonnentàcœurjoiepourfairecirculerdesrumeurssurta
vieprivée.Est-cequetoutesceshistoiressontvraies?Son expression décontenancée m’indique qu’il ne voit pas de quelles rumeurs je veux parler,
alorsjem’explique:—Est-cequetuesvraimentleséducteurinvétéréqu’ilsdécrivent?Jen’espéraisaucuneréactiondesapartenparticulier,maisunechoseestsûre:jenem’attendais
pasàcequ’ils’étouffeavecsonpadthaï.Affolée,jem’inquiète:—Est-cequeçava?!Lesyeuxrougesetlesjouesbrûlantes,ilboitsonverred’eaud’unetraite,puissecouelatête.Je
nepeuxréprimerunéclatderire.Semoquerdeluin’estpasgentil,j’ensuisconsciente,maisc’est
plusfortquemoi.Quelquesminutess’écoulentavantqu’ilparvienneenfinàapaisersa touxpendantquemonfou
rireretombepeuàpeu.Unefoislecalmerevenu,ilsepenchelégèrementenavantetposelescoudessurlatable.Sonsourireencoincaptetoutemonattention.
—Dèsl’instantoùjesuisdevenucélèbre,denombreuxamisd’enfancem’ont tournéledos.Etc’estvraique,aprèsça,j’aieudumalàfaireconfianceàd’autrespersonnes.Jenemesuisentouréquedegensquinesignifiaientrienpourmoi,ouquemonagentmeforçaitàfréquenter,soi-disantpourentretenirmonimage.C’estpourçaqu’onpourraitcroire…Tusais,jen’aipaseuenvied’unerelation sérieuse depuis très longtemps. Mes rendez-vous avec des femmes n’avaient rien de«galants»:desimplesdînersplatoniquesorganisésparmesagentspourmemontrerencompagniedetelleoutellefille,ouparcequ’UntelouUnetellevoulaitsemontrerenmacompagnie.
Dansunprofondsoupir,ilseredressesursonsiègeetajouted’unevoixgrave,presquevoilée:—Jetel’aidéjàdit,maisj’insiste.C’étaitvraimentgénial,l’autresoir,quandtunesavaispasqui
j’étais. Jepouvaisêtremoi-même, sansmeposerdequestions,mêmeaprèsqueMiam’adénoncé.Ces dernières années, les occasions d’éprouver ce sentiment avec quelqu’un ont été rares, voireinexistantes.Saufavecmesmusiciens,biensûr.
Sa manière de parler de notre rencontre me fait presque passer pour une « bonne copine »...Pourquoi suis-je déçue ? Déstabilisée par cette question, je réponds machinalement entre deuxsavoureusesbouchées:
—Vousavezl’airdevousserrerlescoudesauseindugroupe.Encoretroubléeparsaconfession,jecherchemesmots.Toutefois,jesuissoulagéed’apprendre
quemapremièreimpressionétaitlabonne:lesjournalistesdontMiaalulesarticlessetrompentausujetdeZach.Àl’entendreseconfierainsi,avecautantdesincérité,jesaisqu’ilditvrai.Jesaisquejepeuxavoirconfianceenlui.
La tête penchée au-dessus demon assiette, je lui lance quelques regards furtifs, puis, après unsilencepesant,jereprendsenfinlaparole:
—Tuesoriginaired’où?Pourtouteréponse,ils’étouffeencoreenmangeant.D’ailleurs,jelesoupçonnederéprimerune
enviederire.—Qu’est-cequ’ilyadesidrôle?—Excuse-moi,maisj’aitendanceàoublierquetunesaisriendemoi.Onnemeposepassouvent
cegenredequestion.J’aitoujoursvécuàLosAngeles.Il me sourit en faisant courir samain dans ses cheveux châtain clair. J’en ai assez de le voir
s’amuserdemes lacunesenshow-bizetautrespotinsde stars.Manifestement, sionveutensavoirplussurZachWalters,ilsuffitdetapersonnomdanslabarrederecherchedeGooglepourtrouverdesdizainesdepagessurlatoileinternationale,alimentéespardesfansquiyétalenttouslesdétailslespluscroustillantsdesavieprivée.
—Ettasœur,commentest-elle?Parlerdesasœursemblesoudainl’amuser,sesyeuxsemettentàscintiller.—Sammyavingt-deuxans,elleestcomptablepouruneentrepriseàPalmBeach.Auprintemps,
elleadécrochésondiplômedel’universitédeCalifornie,àLosAngeles.Elleestmaplusgrandefan,mais aussi la plus grande casse-pieds aumonde.Ma célébrité n’a jamais affecté samanière d’êtreavec moi ; elle me tape toujours sur les nerfs, n’hésite pas à critiquer mes compositions et meremonte les bretelles lorsqu’elle tombe sur des clichés sur lesquelles onme voit en train de fairel’idiotensoirée.
Nousentronsdanslesdétailsdesonenfance;sonpèreaquittésafamillealorsqueZachn’avaitquedixans,ilnel’aplusjamaisrevudepuis.Plusj’enapprendssurluietplusjel’apprécie.D’autrespourraient être obnubilés par la star qu’ils voient en lui, mais moi je ne vois qu’un hommedécontracté,avenantetparticulièrementséduisant.Aveclui,jemesens…ensécurité.
Lerepastoucheàsafin,ilesttempsdedébarrasserlatable.—Tuveuxducafé?—Oui,jevaist’aider.—Non, ça va. J’en ai pour uneminute. Installe-toi dans le canapé près de la bibliothèque en
attendant.Mets-toiàl’aise,jerevienstoutdesuite.J’allumelamachineàcaféet remplis le lave-vaisselle.Lorsque lecaféestprêt, j’emportedeux
tassesausalon.Intérieurement,jesourisenvoyantZachdécouvriraveccuriositémadernièresériede photos : la petite fille qui m’a servi de modèle a cinq ans. J’ai rarement eu le plaisir d’enphotographierdesijolies.Seslongscheveuxblondsetbouclésetsesgrandsyeuxbleusannoncentlamagnifiquejeunefemmequ’elleprometdedevenir.Enplusd’avoirunefillejoliecommeuncœur,les parents étaient adorables et partageaient mes valeurs. De toutes les familles que j’aiphotographiées,c’estsansdoutedecelle-ciquej’aileplusdeclichésréussis.
J’annonced’unevoixàpeineassezfortepourattirerl’attentiondeZach:—Lecaféestservi.—Parfait,mercibeaucoup,Nic.Ilprendsatassesurleplateauetjem’installesurlecanapéenfacedelui.—Cesclichéssontincroyables.—Merci.Travailleraveccettefamilleaétéunvraiplaisir.Ils’emparedel’undescadresposéssurl’étagèreetmeletendavecunpetitsourire.Ilvientde
choisirl’unedemespréférées,jen’aipresquepaseubesoindelaretoucher.Aumomentdelaprisedevue,lamèrevenaitdesaisirlamaindesafilleetelless’apprêtaienttouteslesdeuxàs’éloignerdemoipourmarchersurunpontdeboisendirectionducoucherdesoleil.Enarrière-plan,lepèresetient face à elles et leur sourit avec une expression d’admiration mêlée à un amour sincère. Lalumière était parfaite, et c’est à l’instant précis où lamère prend lamain de la petite qu’elles ontéchangé le fameux regard que je cherche à tirer de chacune de mes séances photo : un instantd’affectionpurepartagéparlesmembresd’unefamille.
—Toutyest,murmureZach.Étonnée,jecomprendsqu’ilvoitcequej’aivoulucommuniqueràtraversl’objectif.—Cettephotoaunmagnétismeincroyable,toutestdansleregardquecettepetiteéchangeavecsa
mère.Tuasbeaucoupdetalent.—Demonpointdevue,jedoislaqualitédececlichéàlafamille,maismercibeaucoup.PuisjeresteassiseensilencependantqueZachdécouvreuneàunemesautresœuvres.Enfin,illèvelesyeuxversmesétagèresmuralesethochelatêteendirectiond’uneautresériede
photos.—C’esttafamille?Sansattendremaréponse, ils’approchepour lesvoirdeplusprès.Certainesmemontrentavec
Miaàl’université,d’autresreprésententmesparentsetmoiétantenfant.Mais,surlaplupart,onpeutvoirMarcetAndrew.L’attentesefaitlongueetmesnerfssetendenttandisqu’illesexaminetouteslesunesaprèslesautres.Quellequestionposera-t-ilenpremier?
Lorsqu’ilensélectionnefinalementune,mesjouess’empourprent.C’estunephotodemoiavectout l’attirail du cliché de la collégienne : lunettes et appareil dentaire. Sur celle-ci, je suis
particulièrementlaide,maisj’ytiensbeaucoupcarelleaétépriselejouroùj’aivumagrand-mèrepour la dernière fois avant sa mort. Zach semord la lèvre pour se retenir de rire, mais un petitgrognements’échappedesabouchecommeunhoquet.
—C’esttoi?Saminehorrifiéemefaitsourire.—Épargne-moitesmoqueries.Jecommencevraimentàaimersentirsesyeuxbrillantsseposersurmoicommeàcetinstant.—Tun’asjamaisétéadolescent,peut-être?Avantderépondre,ilreposelaphotopuissetourneversmoi,leregardespiègle.— Je te rappelle que je suis une rock star.Lesmecs cool commemoi ne traversent jamais ce
genredecriseidentitaire.Je lève les yeux au ciel face à cet énorme mensonge. Je préfère malgré tout garder mes
commentaires pour moi. Zach se retourne vers les photos et je sens qu’il ne va pas tarder à mequestionner au sujet d’Andrewet deMarc.L’instant fatidique approcheoù je finirai par devoir luidonneruneexplication,et,dansmatête,j’entendsdéjàlespremièresnotesdelaBOdesDentsdelamer. Avec lui, je me sens bien, mais puis-je lui faire confiance pour autant ? Après tout, est-cesiimportant?
Ildésigneuneautrephotographie.—J’imaginequecesonttesparents?Dansunsourirecrispé,j’essuiemesmainsmoitessurmescuisses.—Oui,ilssontvraimentadorables.Ondiraitqu’ilcaptematension:ilsaisituneautrephotoavantdemerejoindresurlecanapétout
enmelaissantsuffisammentd’espace.Uneintimitésoudaines’installeentrenous.Lasituationmemetpresquemalàl’aise.Onpourraitcroirequ’ilestconscientdetenirdanssesmainslaraisonmêmedel’étatpitoyabledanslequeljemetrouve.Jemefrotteencorelesmainssurlescuissesetclignedesyeuxsansparveniràlesdétournerdececadre.
—Quiest-ce?Ilpose laphotoentrenousdeux sur le canapéet se tourne légèrementversmoipourme faire
face.Nousrestons là,assisensilencependantde longuesminutesque jesuis incapabledecompter ;
toutemonattentionestconcentréesurcesvisagesfamiliersimmortalisésàjamais.Intérieurement,jemèneunvéritablecombatpourdéfinircequejepeuxmepermettrededévoiler,quandetcommentleformuler,paroùcommencer…Avec laplusgrandepatiencedumonde, il attend. Je l’admireet leremercie en silence pour sa capacité à me laisser le temps et l’espace dont j’ai besoin pour medéciderounonàparler.Lechoixm’appartient.
Moninconscientfinitparlaisseréchapperquelquesmotsétouffés:—C’estmonmarietmonfils.—Tuesmariée?!Laconfidencelescotcheaucanapé.Jefaisnondelatêteetobservesaréaction:ilsoupiredesoulagementetsepencheenavant.L’une
desesmainsvientbrièvementgrattersanuqueavantdesereposersursongenou.Soudain,ilsetapedanslesmainscommes’ilvenaitd’avoirunerévélation:
—Tuesdivorcée,c’estça?Ilpeutdifficilements’éloignerdavantagedelavérité.Jeprendsuneprofondeinspirationpourlui
direcequ’ilenest,pourluidirecesmotsquej’aimissixmoisàpouvoirprononcer.Zachn’estpas
prêtàlesentendreparcequ’ilnes’yattendpas,alorsàquoibonarrondirlesangles?—Non,ilssontmorts.Soncorpssefigesousmesyeux.Jesensleslarmesmonteretmemordslalèvrepourleschasser,
sansgrandespoird’yparvenir.Unelarmes’échappeetjem’essuielajoueendétournantleregard.—Quoi?!—Jet’enprie,nem’obligepasàlerépéter.Jenepeuxpas le regarder,c’est impossible.Les larmesmepiquent lesyeux.Àcôtédemoi, je
senslecoussinducanapébougerlégèrementetunemainvientseposersurmonbras.—Jesuissincèrementdésolé,Nicky.Jenesavaispas…Bonsang,quelidiot!Jemedoutaisqu’il
yavaitquelquechose…Lorsquejetournevivementlatêteverslui,ils’interromptpours’éclaircirlavoix.Laconfusionselitsurchacundestraitsdemonvisage.—Commentça?Dequoitutedoutaisaujuste?Zachplongesonregarddanslemienavecunetelleintensitéquejesensdesfourmismonterde
mesorteilsjusqu’auboutdemesdoigts.Commentpuis-jedésirerunhommealorsquejeviensdeluidévoilermondramefamilial?Ilsoupireetm’explique:
— Tu es triste, mais trop fière pour le laisser paraître. Lorsqu’une chose t’amuse, tu as beausourire,tesyeuxnerientjamais.Àcertainsmoments,tusemblesterrifiée,puistuteressaisisaussitôt.C’estàlafoisimpressionnantetémouvantdet’observer.
Ilmarqueunepauseetseslèvresesquissentunsourireencoin.—EtpuisMiam’aprévenuqu’ellemeferaitlapeausijetefaisdumalparcequetuesvulnérable
encemoment.LamenacedeMiam’agacelégèrement;jeneveuxpasqu’elledévoilequoiquecesoitdemon
passé,etelle lesait trèsbien.Toutefois,elleaditvrai :elleestcapabledetoutsur lapersonnequioseratoucheràuncheveudequelqu’unqu’elleaime.Mais,sijerougis,çan’arienàvoiravecMia.
Jesensquemonsangafflueàunevitessefolledemagorgeàmesjoues.Zachvientd’admettrequ’ilaprisletempsde…m’observeravecattention.
—Danstabouche,j’ail’impressiond’êtreunpuzzle.Ilritdoucement.J’aimelevoirrire,mêmeaucœurd’unesituationaussiéprouvantequecelle-ci.—Peut-êtrequetuenesun.Jepenchelatêtesurlecôtéenleremerciantintérieurementd’avoirsihabilementchangédesujet.—Etquesepassera-t-il,unefoislepuzzlerésolu?Unlargesouriredefripouillesedessinesursonvisageamusé.—Jel’encadreraipourl’accrocheraumuretlegarderaipourtoujours.Pour toujours. Je ravalemon hoquet de surprise pourm’empêcher de répondre une bêtise qui
ruineraitlamagiedecetinstant.Commentréagiràunetelledéclaration?Lefaitd’êtreassiseàcôtédecethommemedéstabiliseetmatempératuregrimped’uncoup.
Depuislesoirdenotrerencontre,Zachal’artdemefairepasserdelalégèretéàl’angoisse.Àcetinstantprécis,après les révélationsque jeviensde lui faireet le regard tristeetcompatissantqu’ilposesurmoi,jediraisquel’angoisseestàsoncomble.
Zachbaisselesyeuxsurlaphotoavantdelesreleverversmoi.—Jenedevraispeut-êtrepasdemander,mais…Qu’est-cequis’estpassé?Leregardrivésurlepetitcadre,jerestesilencieuse.Lejouroùcettephotoaétéprise,nousétions
au lacprèsdechezmesparents.MarcetAndrewrevenaientdepêcher,on lesvoitposer fièrementavecleursprises,sur leponton.Andrewestencoreenpyjama.Plusheureuxquejamais, ils tendent
vers l’objectif les fils de pêche au bout desquels pendent un loup et un poisson-lune. Marc est àgenouxàcôtéd’Andrew,ilportesavieillecasquettedepêcheurridiculeetsonshortdebain,poseunbrasautourdesépaulesdesonfilset,del’autre,tientuneextrémitédufildepêche.Ilsemblesifier.
D’un geste lent, je prends la photo desmains deZach et caresse ces visages quimemanquentchaquejour,avecdélicatesse,commesileseulfaitdetenirlecadrerisquaitdelebriserenmorceaux.
—Là,c’estMarc.Etmonfils,Andrew.J’aipriscettephotochezmesparentsauborddulac,deuxsemainesavantl’accident.
—Ilssontmagnifiques.—Oui,c’estvrai.Enfin,ilsétaient.J’aisoudainbesoind’airetdetempspourtrouverlesbonsmots.Jemelèveetmedirigeversla
fenêtre.Quelquesminutes passent alors quemon regard se perd sur les toits à perte de vue.Monappartementoffreunevuemagnifique,c’estd’ailleurslaraisonpourlaquellejel’aiacheté.Onvoitpresque toute la ville, jusqu’au parc où j’aime organisermes séances photo avecmes clients.Dèsl’instantoù j’ai regardépar lafenêtre la toutepremièrefois, jemesuissentieapaisée.C’estdecetapaisement que j’ai besoin à cet instant.Dans l’espoir de retrouver une paix intérieure, je pose lamainsurlavitretiède.
— J’ai rencontré Marc lors de notre année de licence, à l’université. C’est Mia qui nous aprésentés.Ilasuffid’unetassedecaféunsoir,trèstard,pourcréercelienquines’estjamaisdémentipar la suite. Nous étions inséparables. Deux semaines après la remise des diplômes, nous noussommesmariés,puisavonsachetéunepetitemaisondansunejolierésidence.Andrewestnémoinsd’unanplustard.L’étédernier,Andrewétaitinscritàunclubdebase-ball.Lesoirdelafinale,j’étaisenrhumée,clouéeaulitavecdelafièvre,etjen’aipaspulevoirjouer.Aprèslematch,ilssontallésmangeruneglacepourfêterça.Surlecheminduretour,unefourgonnetteafranchilaligneblancheetapercutélavoituredeMarcquiestpartieentonneaux.Ilssontmortssurlecoup.
Jen’entrepasdanslesdétailsdecesphotosterrifiantesquel’onm’amontréesaprèsl’accident.Lesiègeautod’Andrewestpasséàtraverslepare-briseparcequ’iln’étaitpascorrectementinstallé.Jeferme lesyeuxpournepasme laisser submergerpar le souvenirde l’agonie,dececripousséentombantàgenoux,quand j’aivu leurscorpsà lamorgue.Cecri, je l’entendsencoreaujourd’hui ;c’étaituneplaintepresqueanimalequineressemblaitàriendecequiavaitquittémagorgejusque-là.Jeretiensmonsouffleetmemordsleslèvrespourgarderlecontrôledemesémotions.
—Oh,merde…Jetendslebraspourluicouperlaparole,toutengardantlevisagetournéverslafenêtre.—Épargne-moitapitié,Zach.Lorsqu’ilmecaresselajoueduboutdesdoigts,jetressailleaucontactdelatiédeurdesapeau,
maisilneretirepassamain.D’ailleurs,jen’enaipasenvie.Avecunelégèreimpulsiondupouce,iltournedoucementmonvisageverslesien.Chacundesestraitsexprimeunetristessesincère.Jememordslajouepourtenterderetenirmeslarmes,maisaussitouteslesémotionsqueZachfaitnaîtreenmoi.
—Cen’estpasdelapitiéquejeressenspourtoi,Nicky.Jenepeuxmêmepasimaginercequetuasdûendurer.
J’inclinedoucementlatêtecontresapaume,heureusequ’ilnel’aitpasretirée.C’estcommes’ilressentaitmonbesoind’êtretouchée,enlacéeetréconfortée.Maisuncontacttroprapprochémeferaitfuir.Unesecondepasseavantquejereculed’unpas,etdéjàsapeaumemanque.
—Lesoirduconcert, lasemainedernière,c’était lapremière foisque jesortais,endehorsdemesdînersavecMia.Jenevoulaispasfairedescène,maisj’aiétébouleverséeparlamusique,ellea
fait remonter des souvenirs de Marc… Tous les deux, nous adorions assister à des concerts. Lachansonquetuchantais…
Maphraseresteensuspens;j’attendsdevoirs’ilcomprenddequellechansonjeparle.Cellequim’apousséeàmeruerdehorscommeunepossédée.
— Le soir de l’accident, ils dansaient sur cette chanson juste avant de partir pour le matchd’Andrew.
Jevoissonregards’assombrir:maintenant,ilcomprendmieuxmaréactiondecesoir-là.—C’estpourçaquetun’écoutesplusdemusique?J’acquiesced’unairtriste.C’estenpartiepourça,maisjen’endévoileraipaspluspourl’instant.
Il comprend mieux mon comportement et mes hésitations de ces derniers jours. D’autres chosesm’occupent l’esprit, mais je préfère laisser le temps faire son œuvre. Et puis, Zach va partir etl’horlogetourne,alorsjepréfèregarderlerestepourmoi.C’estlapremièrefoisdepuisl’accidentquejemeconfieautantàquelqu’un,jesuissurprisedenepasêtreplusaffectée.
Peut-êtreque,sansquejem’enaperçoive,mesblessurescicatrisentavecletemps.—Lesoiroùjesuisvenuetevoirenconcert,j’aicomprispourlapremièrefoisquec’estceque
Marcauraitvoulu :que jesorte,que jem’amuse.Jen’étaispassortiedanseravecMiadepuis leurmort.
—Quiauraitcruqu’unconcertdeZachWalterspuisseavoirdesvertusthérapeutiques?Saremarquemefaitrire,jesecouelatête.Ilestloindes’endouter,maisilavujuste.—C’estétrange:tun’aspasencorepristesjambesàtoncou.Pourtant,tun’espasvenuicipour
m’écouterm’apitoyersurmonsort.Ilmerépondd’unevoixrauque,àpeinechuchotée:—Pourquoifuirais-je?Tunemefaispaspeur.Sijesuisici,c’estparcequejetenaisàterevoir.—Maispourquoi?Maquestionestridicule.Jenepeuxpasm’empêcherdeprendrecetonhésitantettropmodeste.
Aprèstout,jenesuispasparticulièrementjolie,jen’airiendespécial.Dansunhaussementd’épaules,Zachafficheunsouriresatisfait.—Parcequejevoulaisreconstituerlepuzzle.—Vraiment?Ilhochelatête,puischangedesourire.Celui-ciestdifférentdeceuxqu’ilm’aadressésjusque-là.
Cesourire-làmeparcourtl’échineetmedonnedesfrissons.—Tun’aspasidée,murmure-t-il.Sansmelaisserletempsderéagir,ilmeprendlamainetmeraccompagnejusqu’aucanapéavec
uneassuranceréconfortante,commesidemetenirlamainnouspermettraitàtouslesdeuxdenousrenforcer. Je ne cherche pas à comprendre pourquoi je brûle de sentir cette main sur moi. Cesentiment,bienqu’effrayant,sembleétrangementlogique.
Les heures passent alors que nous parlons de Mia, de son meilleur ami Brian, et même dequelques anecdotes au sujet deMarc etAndrew.L’horloge continuede tourner et, bientôt, il devrapartirpourChicago.
—Àquelleheuredevez-vouspartir,cesoir?Lesmots s’arrachent dema gorge : je ne suis pas prête à dire au revoir à Zach, pas après la
journée que nous venons de partager. J’attends plus de lui, et cette prise de conscience me faitvivementtournerlatête.C’estdelafoliedepenserunechosepareille!
—Notrebuspartdansquelquesheures.NousrouleronsdenuitpourarriveràChicagodans lamatinée.
Pendantlesilencegênéquisuit,j’aienviedeleremercierd’êtrevenu,dem’avoirécoutée,denepasavoirfuietdem’avoirpermisdem’amuserpourlapremièrefoisdepuisplusd’unan.Maisriennesortdemabouche,parceque,enréalité,mapenséepourraitserésumerentroismots:«Neparspas.»
Unebatailleselivreenmoipourcontenirlaphrasestupidequigâcheraitcetinstant.C’estalorsqu’il pose lamain sur sanuqueet segrattedoucement, lesyeux fermés.Oncroirait qu’il tentederéfléchiràunesolutionpourrésoudrelafaminequifrappelespaysdutiers-monde.
—Jenedevraispeut-êtrepasdireça…Ilmefaitpeur:riendepositifnepeutveniraprèsunephrasecommecelle-ci.Etpuis,ilal’air
nerveux.—Aprèstoutcequetum’asdit,jenesaisplustrop…Cet instantdevait arriver, je le savais.L’instantoù lepoidsdemonpassé finirait par faire fuir
Zach. Il cherchesansdouteunmoyendes’enallerdechezmoisansmeblesser.Aumoins, il a ladélicatessedechercherunebonneexcuse.
Mon regard sepose surmesgenoux et jeme résigne à accepter qu’il seprépare à tourner lestalons.Pourquoicetteidéemetorture-t-elle?Jeneveuxpaslesavoir,car,aprèstout,jeneleconnaisquedepuisquelques jours.Pourtant, ilace je-ne-sais-quoiqui rend lesourireplusfacile.Et jen’ysuispasinsensible.
Ils’éclaircitlavoix,maisjenelèvepaslesyeux.—Jevoudraisquetunousaccompagnespourlafindelatournée.
Chapitre6
Quoi?!Jerelèvebrusquementlatêteetécarquillelesyeux.Maisilpoursuitsansmelaisserletempsde
répondre.—Jenesuispasencoreprêtàtedireaurevoir.LesyeuxvertsdeZachmetranspercent.Sesmotssortentavecunesimplicitéétonnante,comme
poussésparunelogiqueimplacable.—Jeveuxquetunousaccompagnespourêtrenotrephotographedetournée.Laconfusionmêléededéceptionmefaitfroncerlessourcils.J’inclinelatêtesurlecôté.—Tuveuxm’embaucher?Zachnepeutréprimerunéclatderire.Salanguesepromènenerveusementsursesdentsetlecoin
droitdesalèvresupérieuretressaille.—Oui…Enfin,non.Mevoilàbienavancée.Ilposesamainsurlamienne.—Disonsque jeveuxapprendreà teconnaître.Je te trouvebelle,et tuasunevolontéenacier
trempé.C’est lapremière foisdepuisdesannéesque j’ai envied’avoirune femmeàmescôtés.Etcettefemmec’esttoi.Maispeut-êtrequejetefaispeurentedévoilantmessentimentscommeça.
Ilaraison.Jesuispétrifiée.Etenmêmetemps,pasdutout.Ilmesouritetinclinelatêteversmoienserrantdoucementmesmainsdanslessiennes.—Jeme suisditque, en tedemandantd’êtrenotrephotographe, je t’aiderais à te sentirplus à
l’aise.TupourraisnousprendreenphotopendantlatournéeetonutiliseraitensuitelesclichéspournotresiteInternet,nospostersetnoscouverturesd’album.J’aimebeaucoupcequetufaisetjesuiscertainquetuferasdutrèsbontravail.
Jemeraclelagorgepourrépondrequelquechose,n’importequoi,cequimepasseparlatête.Cethommeestcomplètement fou. Ilavu troisphotosetcela lui suffitpourpenserque jesuiscapabled’unteltravailsurungroupe?
— Si je comprends bien, tu utilises mon statut de photographe comme couverture pour medemanderdevoyageravecvousetpourapprendreàmeconnaître?
Desonregardsedégageunairdedoutequilaissetrèsviteplaceàl’espoir.Ils’adosseaucanapéetposesonbrassurlehautdudossier.Ilpeutdifficilementparaîtreplusàl’aise.
—Tuasplutôtbienrésumé.Alors,qu’enpenses-tu?Ilyadeuxheuresàpeine,jeluiracontaisleterribleaccidentquiaemportémonmarietmonfils,
etmaintenantilmedemandedel’accompagnerentournée.C’estleretournementdesituationleplusdéroutantquej’aiejamaisvécu.
—Je…Àquoijepense?Jen’ensaisrien.Jenepeuxpasabandonnermesclients,j’aidesrendez-vous,
destravauxenattente.Onnepeutpasjustemettresavieentreparenthèsespendantunmois,ceseraitirresponsable,anormal.
Mais…voyageravecungroupe?C’étaitlerêveabsoludemesvingtans.Jevoisd’iciMarcmehurler:«Vas-y!Vas-y!»Cettepenséemefaitfroiddansledostoutenexcitantmacuriosité.Etpuisjedoisavouerquejen’aipasenvienonplusdeluidireaurevoir.
—Jenesaispas.J’aibesoindetempspouryréfléchir.Ilhoche la têtecommepourm’assurerqu’il comprend la lutte intérieurequ’une telle idéepeut
provoquerdansmasituation,puisilselève.—Jedoisrejoindrelesautres.Notrebusestgarésurleparkingducentre,nouspartonscesoirà
20heures.Jeveuxvraimentquetuviennes,maissitun’enaspasenviejecomprendrai.C’estàlafoisdingueeteffrayant.Toutefois,situdécidesderefusermaproposition,pourrais-tuvenirmedireaurevoir?
J’acquiescecommeuneimbécile,nesachantniquoidireniquoifaired’autre.AlorsqueZachsedirigeverslaporte,jeluiemboîtelepas,encoreétourdie.Sansprévenir,ilseretourneversmoietavanced’unpas.Samainseposedoucementsurmajoue
et il approche son visage du mien. Mes nerfs se tendent aussitôt, puis se détendent lorsque jem’aperçoisqu’il s’arrêteàquelquescentimètresdemoi.Sesyeuxvertss’adoucissentetunsourirediscretapparaîtsurseslèvres.L’idéed’embrasserdenouveauunhommemerendnerveuse,jenesuispassûred’enavoirenvie,maissijedevaisembrasserquelqu’un,Zachseraitlecobayerêvé.
Je cligne des yeux en prenant conscience demes propres pensées.D’oùmeviennent des idéespareilles?
—Cesderniersjours,j’aipassédesmomentsinoubliablesgrâceàtoi.Jesaisquejeteprendsunpeuaudépourvu,maissachequemapropositionestsérieuse.
Sarespirationprendunrythmelégèrementsaccadé ; lamienneaussi,d’ailleurs.Mais,pourmapart,jepensequecelaestdûàsonparfumd’unemasculinitédélicieuse.
—S’ilteplaît,Nicky,disoui.Surcesmots,ilmesourit timidementenposantavecdélicatesseunemainderrièremanuqueet
l’autreautourdemataille.Commeguidéeparunélantoutàfaitnaturel,jemeblottiscontresontorseetmelaisseenvelopperdesesbrasmusclés.Moncorpsseréchauffeaussitôtsouslachaleurdesoncontact.Jepasselesbrasderrièresondospourleserrerfortcontremoi,puisjehumeprofondémentsonodeur.Ilestsibond’êtredanssesbras.
Je n’ai d’ailleurs aucun mouvement de recul lorsqu’il relâche doucement son étreinte pourdéposer un rapidebaiser surmon front.Sansunmot, il tourne les talons et s’enva. Je le regardedisparaîtredanslecouloir,avecuneseulepenséeentête:quevient-ildesepasser?
Jedoisbienavouerqu’uneautremetraversel’esprit:cejeanluifaitdetrèsjoliesfesses.JepousseunsoupirpuérildignedeceuxdeMia.Auseindenotrepetitduo,elleestlarêveuseet
moilapragmatique.Danslasituationprésente,cela impliqueraitquejenedoispasmonterdanscebusdetournée.
—Mia,j’aidesrendez-vousprévuscettesemaine.Jenepeuxpastoutannuleràladernièreminuteparcequel’enviemeprendsoudaindejouerlesgroupies.
Enme lançantun regardencoin,elle lâche lapiledeboîtesàchaussuresqu’elle tientdanssesmains,sedirigeversmacommode,prendmontéléphoneetmelejettesurlesgenoux.
—Danscecas,appelletesclientsetreportetesrendez-vous.Ousecondesolution:recommande-leurunautrephotographe.
C’estundéfiqu’ellemelanceet,commetoujours,ellesaitpertinemmentquejemesensobligéedelerelever.Levantundoigtpourm’empêcherdel’interrompre,ellepoursuit:
— Si tu leur expliques la raison pour laquelle tu leur fais faux bond, je suis sûre qu’ilscomprendront.
Avecunsoupir,ellevients’asseoiràcôtédemoipourredevenirlaMiaquejeconnais.Lamégèreautoritairequim’acassélespiedstoutl’après-mididaigneenfinlaisserplaceàmameilleureamie,cellequisaitmeremonterlemoral.
—Nic,c’estlachancedetavie.Surleplanprofessionnel…etpersonnel.Tulesaistrèsbien.—Jesuiscomplètementperdue.L’idée de quitter mon nouvel appartement, de quitter le Minnesota, pour monter dans ce bus
bourrédelatestostéronedecinqmusiciensentournéemeterrifie.Avanceràl’aveugleestunechosequeMiaferaitaisément,maispasmoi.Etvoilàquemameilleureamiemepoussesurlaroutedelafolie.
Sij’aipeur,c’estaussiparcequemesbrasgardentencorelasensationdel’étreintedeZach,alorsqueplusieursheuressesontécouléesdepuis.Jesensencoresontoucher,sonodeur, jevoisencoresesyeuxvertsmesourirelorsqu’ilétaitsurlepasdelaporte,etcelamepétrifie.
D’accord,j’admetsavoirparléàMiadel’éventualitédesortirdenouveauavecdeshommes,maisjepensaisprendreuncaféavecuncomptable,ouencore,enpoussantleviceunpeuplusloin,boireunverreencompagnied’uncharmantavocat,oubiendînerauxchandellesavecunmaçon,pourquoipas.Loindemoil’idéedetoutplaquerpendantunmoisetdem’embarqueravecungroupederocketunchanteurdont lenomfait lesgros titresde tous lesmagazinesqui l’élisent«célibataire leplussexydel’année».Ceplansentleroussi.CommentfaitMiapournepass’enapercevoir?
—Jesais,machérie.Elleme prend doucement par l’épaule et nous restons silencieuses pendant quelques secondes.
Finalement,ellerelâchesonétreinteetjecroisluiavoirfaitentendreraison.Miacomprend-elleenfinqu’aprèscequej’aivécupartirenvadrouilleseraitdelafoliepureetqu’elleferaitmieuxderangermavalise?Non.Aulieudecela,elledéclaresolennellement:
—Entoutcas,tupars!Aussitôtdit,aussitôtfait:leschaussuresqu’ellealaissétombertoutàl’heuretrouventleurplace
dansunedeuxièmevalise.Aveccesouriresatisfait,ellemedonneenvie,pourlapremièrefoisdepuisque nous sommes amies, de tirer violemment sur sa queue-de-cheval blonde jusqu’à lui fairereprendresesesprits.
Maisjeprendsviteconsciencequ’ellearaison.Participeràlatournéeabeaumesemblerterrifiant,l’idéedenepaslefairel’estencoreplus.Ily
a neufmois, j’ai fait le choix de sourire de nouveau.Ce n’était pas simplement pour le plaisir desourire;ils’agissaitlàd’unedécisionimportante:celledecontinueràvivremalgrélapertedeMarcetAndrewquimemanquaient si fort quemoncœur sevoyait transpercéd’unpieudedouleur.Cejour-là,j’aidécidédevivre.Poureux.Pourhonorertouslesmomentsdejoiequ’ilsm’ontapportés.Enfin,enthéorie,celasemblaitlouable,mais,enpratique,jemerendscomptequej’aiétéminable.SiMarcavaitvudansquelétatj’étaiscesderniersmois,iln’auraitpasétéfierdemoi.
Mialitmadécisionsurmonvisageavantmêmequejenelaformuleàvoixhauteetmesourit.Jevaislefaire.C’estcequeMarcvoudrait.Aprèstout,nousparlonsd’unmoisdevacancesàprendreungroupeenphotoetàdécouvrirdesendroitsoùjen’aiencorejamaismislespieds.
LesyeuxvertsdeZachmehantentlittéralement,maisilvadesoiquecelan’influeenriensurmadécision…
JelaisseMiaexulterdesoncôtéetmedirigeverslasalledebainspouremballermesaffairesdetoilette.
Deuxheuresplustard,nousnousgaronssurleparkingducentre,d’oùZachm’ainforméequelebus partirait. J’ai dumal à croire que j’accepte cette proposition démente, et la vue de l’immensevéhiculeaugmenteconsidérablementmondegrédepanique.
Jenesaispasàquoijem’attendais,maissûrementpasàcela.J’imaginaisunesortedecamping-car, comme celui dans lequel nous partions en vacances, mes parents et moi ; mais plus gros,puisqu’ildoitcontenirplusdemonde.Or,cebus-ciesténorme.Cen’estpasuncamping-car,loindelà.C’estaussi imposantquedeuxsemi-remorquesaccrochésensemble.Lahauteurdecetenginmedonnedesvertiges.Jesuisàlafoisimpressionnéeetauborddelapanique.
Ennousgarantsur leparking, j’aperçoisZachencompagnied’ungrouped’hommesàcôtédubus.Sonexplosiondejoienem’échappepaslorsqu’ilvoit lecoffredenotrevoitures’ouvrirsousl’impulsiond’unboutonactionnéparMia.Jel’observedanslerétroviseurensouriantnerveusementalorsqu’ils’approcheenappelantChasepourluiréclamerunpeud’aide.Puisquejesuisunefille,ildoitpenserque je faissuivredesdizainesdebagages.Àcette idée, j’étouffeunpetit rireet trouveenfinlaforcedestabilisermesjambespourouvrirlaportièreetm’extirperdelavoiture.
—Non,c’estsûr,tunel’intéressespasdutout,ricaneMiaavecironieavantdesortiràsontour.Zacharriveauniveauducoffreaumomentoùjemelèvedemonsiège.Danssonregardfixésur
lemien,jedécèledusoulagement,maisaucunesurprise.Son assurance arrogante me fait pousser un grognement. Ce petit malin s’attendait à me voir
accepterdelesuivredanscetteaventure,cequiestaussiagaçantquecharmant.Àpeinesortiedevoiture,jepréfèremettreleschosesauclair:—Rienn’estgagné,jepeuxencorefairemachinearrière.J’essaiedegardermon sérieux,maisZach comprend laplaisanterie enmevoyantpeinerpour
retenirungrandsourire.Du coin de l’œil, je remarque Chase et Mia qui discutent ensemble tout en déchargeant mes
bagages.JedésignedumentonlesdeuxvalisesenexpliquantàZach:—J’aipréférévoyagerléger,aucasoùlaplacemanqueraitdanslebus.Enposantleregardsurlemonstreàmoteurquimetiendralieudemaisonpourlestroissemaines
àvenir,oncomprendvitequ’ilyapeudesouciàsefairedececôté-là.—Laplacenemanquerapas.Onatousdéménagénosaffairesdansl’après-midipourtelaisser
unmaximumd’intimité.Il était sûr que je viendrais… Je me moque gentiment en faisant allusion à une précédente
conversation:—Pasprétentieuxmaisconfiant,c’estbiença?Il me sourit. Son regard m’envoûte et me donne la chair de poule. Cet homme a une réelle
emprisesurmoi.Enlevoyantsepencherversmoipourmechuchoterquelquechoseàl’oreille,jesensl’airmemanquer.
—Jenesuispasconfiant,maispleind’espoir.Heureusement qu’il neme laisse pas le temps de répondre – que pourrais-je dire après ça ? Il
tournesimplementlestalonsetrécupèrel’unedemesvalisesqueChasevientdesortirducoffreetlajettesursonépaule.
Jeluiemboîtelepasjusqu’aubus,puismetourneversMia.Ondiraituneenfantsurexcitée:ellesautesurplace,lesourirejusqu’auxoreilles.
—JeposeraidescongésdansquinzejourspourvenirtevoiràBoston.Lepetitregardencoinqu’ellelanceàChasenem’échappepas.Jeluisourisd’unaircomplice.
DifficiledesavoirsiMiaapprécieréellementunhomme,sessentimentspeuventchangerdujouraulendemain;aprèslesoirduconcert,jelasoupçonnaisd’apprécierlebatteur,maisj’aichangéd’avisenmedisantqu’iln’étaitpassongenre.Finalement,jedevaismetromper.
Quoiqu’ilensoit,jesuisrassuréed’apprendrequejelareverraidansdeuxsemaines.Jelaprendsdansmesbrasetluifaisleplusgroscâlindel’histoiredenotreamitié,etcen’estpaspeudire.
—J’aitellementpeur…Sonétreinteseresserreencore.—Jesais.Maisprendsunmaximumdephotosetprofitedecemoment.PuisMias’écartelégèrementetplongesonregarddanslemienavantdecontinuer:—C’estcequ’ontesouhaitetous.Enm’écartantàmontour,jechasseunelarmequiroulelelongdemajoue:jesaisexactement
quielleimpliquedansce«on».JedétestelesadieuxetMiameconnaîtsuffisammentbienpourlesavoir.Siellerestepluslongtemps,ilfaudrameramasseràlapetitecuillère.
Enmeretournant,j’aperçoisZachquiattendpatiemmentderrièremoi.Unepetitevoixenmoimeconseilledefuir.Maisjereste.
Lebruitdelaportedel’enginmassifquis’ouvrederrièremoimefaitsursauter.JakeapparaîtetsedirigeversZachpourluiglisserdesbilletsdanslamainpuislefrappeàl’épauleenriant.Lecouppropulse Zach en avant. Lorsqu’ils s’aperçoivent que je les regarde, tous les deuxm’adressent unsourirecrispécommesijelesprenaislamaindanslesac.
Je hausse un sourcil, mais je ne suis pas certaine de vouloir une explication ; ils semblents’amuserd’uneblaguequinemeregardepas.
Jakem’observed’unairvoyouetsouritgénéreusementcommeunpetitgarçonfierdesabêtise.—J’aipariécentdollarsàZachquetuluiposeraisunlapin.Consternée, j’écarquille les yeux. J’aimerais m’offenser de ce pari coûteux, mais ce sont des
garçons, après tout. Parfois, les garçons font des choses stupides, alors je secoue la tête d’un airamuséetdécidedem’abstenirdecommentaire.
Zacha ladélicatessedeprendreunairdésolé,mais il sembleplusdéçud’êtrepris en flagrantdélitqued’avoirrelevélepari.
—Bon…Jetefaisvisiter?propose-t-il.Ilouvrealorslaportedubusenfaisantunlargemouvementdelamainpourm’inviteràentrer.Unpetitcridesurprisem’échappe.Unescalier?Dansunbus?JetourneversZachmonvisageébahi.—Vousvoyagezdansunbusàdeuxétages?Tout ce quim’arrive est totalement sidérant. Pourquoi un bus de tournée suscite-t-il autantma
curiosité?J’ail’impressionquecettemachinen’existequedansmonimagination.Zach me précède et me fait signe d’entrer pour découvrir ce qui s’avère être… un véritable
salon!Lelongdesmurs,quatrecanapéstrônentautourd’unetélévisionplusgrandeencorequecelledemonappartement.Leparquetestrecouvertd’ungrandtapisrectangulaire.Jeremarqued’ailleursquej’aibeauêtredéjàbouchebée,mabouchepeutencores’agrandirdesurprise.
—Onestnombreuxetlarouteestlongue,alorsj’aivouludespiècesassezspacieusespourquechacuns’ysenteàl’aisesanssemarcherdessus.J’aicommandécebussurmesurel’annéedernière.
J’enailesoufflecoupé.—C’estincroyable!
Ilcontinuelavisitejusqu’aufonddupremierniveau,oùlesalondonnesurunecuisineséparée.Auboutdelacuisine,Zachreplieuneporteenaccordéonquiouvresurunepetitepièceconfortable;unesortedeboudoirmoderne.
—J’aipenséquetupourraisdormirici.D’habitude,onl’utilisecommepetitsalonpourceuxquiont besoin de calme, mais tous les autres lits sont des couchettes installées à l’étage. Seule machambreest équipéed’unvrai lit.Cecanapéest convertible et lesdraps sontdans leplacard. Je teproposeraisbienmachambre,maiselleestjusteàcôtédescouchettesdesgarçons,tuserasdoncplusàl’aiseici.
D’unsignedetête,ildésigneuneautreporteàcôtédelacuisine.—Ilyaunesalledebainsjustelà.J’aiditauxautresdeselaverenhaut.Lacuriositédedécouvrirl’odeurdesesoreillersmedonnepresqueenviedeprendresachambre.
Quelle idée!Cen’estpasmongenredepenserunechosepareille.En toutcas,cen’étaitpasmongenre…DepuismarencontreavecZach,j’éprouvedessentimentsetdesenviesétranges,commesijenesavaisplusfaireladifférenceentrelebienetlemal.Surtoutlorsqu’ilesttoutproche,commeàcetinstant;assezpourquejesentesonparfum.Quandjepensequ’ilapristoutescesprécautionspourmoi!Ilavujuste,unefoisdeplus.Jecraignaisdedevoirdormirdansunecouchette;lefaitqu’ilmeproposemonpropreespacemevadroitaucœur.
—Ici,ceseraparfait.Merci.Ilposemesbagagesausoletnousrestonslà,plantésfaceàfaceànousregarderdanslesyeux
commedeuxadolescents timidesaubaldefind’année.Je leressensainsicar toutyest : lesmainsmoites,lesnœudsdansleventre,tout.Zachavancedoucementversmoi;plusils’approcheetplusl’airestétouffant.
—Jetelaisset’installer,murmure-t-il.J’ai la gorge sèche et les pensées trop emmêlées pour trouver mes mots. Aucun de ses
mouvementsnem’échappealorsqu’ilmetourneledospourquitterlapièce.Surlepasdelaporte,ilsetourneversmoietreposesonépaulecontrelechambranle.Ilessaiedesedonnerl’airdécontractéenfourrantsesmainsdanssespoches,maisjevoisbienquesesmusclessonttendus.Serait-ilaussinerveuxquemoi?
—Jesuisvraimentheureuxquetusoislà,Nicky.Mercid’avoiraccepté.Ilmefaitunclind’œiletmelaisselà,leregarddanslevide.Letempss’écoulesansquejefasselemoindremouvement.D’ailleurs,jesuisencoredeboutdans
manouvellepetitechambrelorsquelemoteurdubussemetàronronner.Lesimagesdecesderniersjoursdéfilentdansmatête.Commentai-jepupasserdelavagueidée
derencontrerunhommeàuneinvitationencoulisses,enpassantpardesplacesdeconcertaupremierrang?Mevoilàaveceuxpourlestroissemainesàvenir,dansleurbusdetournée.
Quoiqu’ilarrive,jesaisquemavieneseraplusjamaislamême.Jen’espèrequ’unechose:ensortirindemne.
Chapitre7
—Tusaisjouer?LavoixdeGarrettmefaitsursauteretmesdoigtssecrispentdesurprise.Il n’est pas très tard ; le bus s’est mis en route il y a environ une heure. Pourtant, je suis
mentalement épuisée. Installée sur l’un des canapés du salon, les yeux rivés sur ma liseuseélectronique, cela fait un moment que je relis la première phrase. Le contrecoup des événementséprouvantsdecesderniersjoursmeplongedansunétatdechocémotionnel.
Lelienquim’unitàZachestd’uneintensitéquejen’ai jamaiséprouvéejusqu’alors,pasmêmeavecMarc.J’essaied’identifiercelien,delecomprendre,maisilresteinsaisissable.
Impuissante,jenepeuxqu’observeretressentircetteintensité.PourcequiestdeZach,j’imaginequ’il éprouve lamêmechose : si cen’était pas le cas,pourquoi serais-jedanscebus?L’attirancephysique que m’inspire cet homme est indéniable, mais elle va bien au-delà de ses yeux vertémeraudeetdesescheveuxchâtainssoigneusementébouriffés.Ilyaforcémentautrechosequimepousseverslui,non?
Jem’absorbedanslacontemplationdemesdoigtsquitapotaientl’accoudoirducanapéavantdecroiserleregarddeGarrettenluirendantsonsourire.
—J’aisujouer,oui.C’étaitilyalongtemps.Unan,troismois,deuxsemainesettroisjours,sansvouloircompter.Mesdouzeannéesd’études
auconservatoireetmacapacitéàreproduirespontanémentunmorceauàl’oreilleprouventquemontalentétaitindéniable,maisjenecomptepasraconterçaàGarrett.Ilvientdesurprendremesdoigtsqui jouaient l’un demesmorceaux classiques préférés sur l’accoudoir du canapé. Cetteœuvre deDebussyn’estpaslapluscompliquéequejeconnaisse,maisj’aimesonrythmesoutenuetsontempopresto ;mesdoigts la jouentparréflexedèsquejesuis tendue.Certainsmordillent lecapuchondeleurstylo,moi,jejoueduDebussy.
Sous son regard interrogateur, j’ai l’impression d’être une énigme qu’il tente de décrypter.J’imaginequ’ilveutcomprendrecequejefaisdanssonbusdetournéealorsquejeneconnaisZachquedepuistroisjours.Metiendra-t-ilaucourantlejouroùilcomprendracequesonamimetrouve?
J’appréciebeaucoupGarrett:ilestdécontractéparnature,unpeucommeZachetChase.Lefaitqu’ilsoitfiancémerassure.D’aprèsZach,ChloénousrejoindraàChicagoceweek-end.Bienquejenelaconnaissepas,jesuisheureused’apprendrequ’uneautrefemmenousrejoindracarjem’échineàtrouvermaplaceaumilieudetousceshommes.
—Jecroyaisquetun’aimaispaslamusique.—Non,jet’aiexpliquéquesielleneconnaîtpasnotregroupe,c’estparcequ’ellen’apasécouté
demusiquedepuis longtemps.Si tuveuxrépétercequejedis,essaieaumoinsdetrouver lesmotsjustes.
JetournelatêteetsourisenvoyantZachentrerdanslapièce,saguitarependueàl’épauleparlasangle. Il était en pleine session de composition avec Jake et Chase. Les battements demon cœur
accélèrent légèrement ; l’observer baignant dans son élément est un vrai bonheur. Je ne peuxm’empêcherdepenserqu’ilestl’hommeleplusséduisantquejeconnaisse,c’estpourtantlavérité.
Ilestmêmefranchementcanon.Leplusdifficiledanstoutcequim’arriveestdecomprendrepourquoiilprendlapeinedeparler
demoiàsesmusiciens.Queleurdit-il,exactement?Etpourquoinesuis-jepasrévoltéeàl’idéedeletrouverattirant?Aprèstout,c’estunesortedetrahisonvis-à-visdeMarc.
Moncerveauestenébullition.Voilàbeaucoupd’interrogationspourseulementquelquessecondesderéflexion.
Finalement,jeposelaquestionàZachtandisqu’ilprendunebouteilled’eaudanslefrigoavantdenousrejoindre:
—Queleuras-turacontéd’autre?Ilcomprendqu’uneautrequestionpréoccupantemebrûleleslèvres.Lorsqu’ilhausselesépaules
enmeregardantdroitdanslesyeuxpourmerépondre,jesoupiredesoulagement.—Leresteneregardequetoi,Nic.Jen’aipasàleurdirequoiquecesoit.Safaçond’inclinerlégèrementlatêtesurlecôtém’indiquequ’ilesthonnête.Garrett prend un air déconcerté, mais je l’ignore et retourne à ma lecture, bien que je ne
parvienne toujourspasà lire lapremièrephrase.D’instinct,mesdoigtsmedémangent : ilsveulentrejouerDebussy.
Heureusement,legroupeseréunitautourdemoi,avortantuneéventuellecrised’angoissedemapart,etnousoptonspourunepartiedepoker.ÀvoirlaminedécomposéedeJakeetGarrettlorsqueje remporte leursmises, je crois avoirgagné leur respect éternel.Mais lamainchanceuseet l’œilaffûtédeChasenousmettenttousd’accordenfindepartie.Lasoiréepasseetjefinisparmedirequecevirageinattenduqueprendmavien’estpeut-êtrepassiterrifiant,aprèstout.
C’estfoucommeonpeutchangerensipeudetemps.LeconcertdeMinneapolis resteunsouvenirexaltant,maisceluideChicagodépasse largement
mesespérances. Ilaattirévingt-cinqmillepersonnes,et,cettefois, j’assisteauspectacledepuis lescoulisses grâce à unpassequimepermet demedéplacer librement.Pendant unegrandepartie duconcert,jephotographielesmusiciensetlafouleendélire.Cesoirestunesorted’entraînementpourlesconcertsàvenir,puisquejen’aiencorejamaistravaillédanscesconditions.L’exerciceprometdem’enseignerdenombreuseschosesquej’ignoraisdemonpropretravail.Aprèsquelquesmorceaux,jenotedansuncoindemamémoirequ’ilmefaudraacheterunnouvelobjectifplusappropriéauxprojecteursquiéclairentlascène.
Lamoitiéduconcerts’estécouléelorsquej’abaissemonappareilphotopourprendreletempsdesavourercesinstants.Jesuissurlecôtédelascèned’oùunevueimprenablesurZachmepermetdeprofiteraumaximumdelachansonqu’ilsentament–mapréférée.Lesparolesracontentcommelespetitesfillesdeviennentfemmestoutenayantbesoindelaprotectiondeshommesetdeleuraffection.Ellesracontentaussiquelespèresdoiventapprendreàleursfillesàsemontrerfortes;ellesévoquentlesdéfautsdesgarçonsetlacruautédontilsfontparfoispreuve.Lerythmedecettechansondonneenviede taperdupied,maiscen’estpasseulementpourcelaque je l’adore :c’estaussiparcequeZachchantechaquemotavecsincérité.Ilestlegenred’hommeàchériretàprotégerceuxqu’ilaime.
ÀMinneapolis,c’estenchantantcettechansonqu’ilaplongésonregard jusqu’aufonddemonâme.Cettepenséemefaitsourire,carjustementiltournelatêteversmoietpoursuitsansdétournerleregardverslafouleuneseulefois,commepourmepromettrequ’ilsauraprendresoindemoi.Uneviveboufféedechaleurmecoupelarespiration.
Jem’efforcedegarderuneattitudeprofessionnelleetuncalmeàtouteépreuvejusqu’àlafinduconcert malgré la multitude d’émotions qui m’envahit. Confusion, joie, espoir et crainte mesubmergentàunrythmeeffrénésansquejecomprennepourquoilaprésencedeZachmebouleversetant. PourquoiZach a-t-il le donde souffler ainsi le chaud et le froid surmavie ?Pourquoi ai-jeacceptédel’accompagnerentournée?
—TudoisêtreNicky,c’estbiença?La douce voixme fait sursauter. Bien que nous soyons entourées de bruit, cette voix est aussi
onctueusequ’unboldecrème.Àcôtédemoisetientlaplusséduisantejeunefemmequej’aiejamaisvue.Elleestpetite,seslongscheveuxdejaisentourentsonjolivisageencœur,sesescarpinsrosesetsarobegrisperlemettentenvaleurunesilhouettederêve,unesilhouettepourlaquelledesfemmesseraientprêtesàpayerdessommesastronomiques.Elleesttoutemenue,magnifique…etelleconnaîtmonprénom?
Apparemment, je cache trèsmalma surprise. Elle a la délicatesse de faire abstraction demonregardenvieuxposésursessublimeschaussuresetmetendlamain.
—JesuisChloé,lafiancéedeGarrett.Mesépaulessedétendentaussitôtetjeluiserrelamain.—Enchantée.Garrettm’abeaucoupparlédetoi.Sonsourireéclatanttrahitsajoieàcetteconfidence.N’ya-t-ilrienquinesoitpassublimechez
cettefemme?—Garrettm’aaussibeaucoupparlédetoi…Enfin,ilm’aconfiécequeZachluiaracontéàton
sujet.Cepetitboutdecomméragecroustillantdéclencheuneétincelledanssesyeux.Jedevraispeut-être
m’inquiéterdecequ’apurévélerZachsurmoi.Pourtant,lacuriositél’emporte.Jedemandeenlevantunsourcil:
—Et?—Jenerépéteraipascequinemeregardepas.Tulesaurasbienasseztôt.Chloé referme labouchepourmedécocherungrand sourire. J’adore sonpetit air espiègle, je
sensqu’onvabiens’entendre,elleetmoi.Justeavantlafinduconcert,nousnousdirigeonsensembleverslasallecommunepourdiscuterennousépargnantlevolumeassourdissantdesenceintes.LecôtéenjouéettaquindeChloémefaitpenseràMia.
Garrettn’apasunecarrureimposante,maisChloéestsipetitequ’ilpourraitlabaladeroùilveutcommeunepoupée.Malgrésestalonsdedixcentimètres,ellefaittoujoursunetêtedemoinsquemoialorsquejenemesurequ’unmètresoixante-cinq.
Le concert doit être terminémaintenant, car la pièce commence à se remplir de fansmunis debadges.Ilyabeaucoupd’appareilsphotoautourdemoi,et,mêmesinousavonsquittéleMinnesota,jepréfèreresteràl’écartpourn’apparaîtresuraucuncliché.
Tranquillementpostéedansun coin, je prendsmoi-mêmequelquesphotos, lorsqueZach et sesacolytesentrentdans lapièce.Derrière l’objectif, jeperçoisclairement lamanièredont lesvisagesféminins évoluent de l’appréhension au désir fulgurant dès l’instant où Zach franchit le pas de laporte.Jejubileintérieurement,carjesaisquec’estmoiquiremonteraidanslebusaveceuxcesoir.Soudain,uneautrepenséemeglacelesang.
Ets’ilsemmenaientaveceux l’unedeces femmes?SiZachramenaituneautre femmedans lebus?Ilparaîtévidentquejel’intéressed’unemanièreoud’uneautreetilm’aclairementpréciséquelesgroupiesnel’intéressentpas.Maislesnombrilsexhibéssontnombreuxcesoir.Etsinotreamitiénaissante–ouplutôtcettechosesansnomquinousunit–n’évoluaitpasassezviteàsongoût?Après
tout,ilesttoujourscélibataireetcenesontpaslestentationsquimanquent.J’ai le souffle court à cette pensée : peut-être est-ce la seule chose qu’il attend demoi. Je n’ai
connu aucun autre hommequeMarc.Or, si j’ai bien compris, cela fait plusieurs années queZachmultiplielesconquêtessanslendemain.Sijeparviensàfranchircetteétapeavecquelqu’un,serai-jeàlahauteurfaceàunhommeaussiexpérimentéquelui?
Avecunprofondsoupir, j’abaissemonappareilphotoet tentedecalmer lespulsationsdemoncœurquis’emballe.S’agit-ildesprémicesd’unecrisecardiaque?
Jetourneledosàlafouleetmedirigeverslebar,aufonddelapièce,pourquémanderunverre.Mes pensées s’emmêlent entre probabilités et scénario catastrophe, et il m’est impossible de meconcentrersurdesprisesdevueintéressantes.
MonregardacroiséceluideZachplusieursfoisdepuisqu’ilestentrédanslapièce,mais,pourl’instant,jepréfèrel’éviterafindegarderlecontrôledemespensées,etsurtoutdemespulsions…Àchacundesespasversmoi,jemedétournedansuneautredirectionoudégainemonappareil,faisantminedetravailler.Enmeretournantbrusquement,jebousculequelqu’un.
Ethan.Depuislepremiersoir,ilyaquelquechosechezluiquim’inquiète–celanemeditrienqui vaille. En plus de se montrer glacial envers moi, il me dévisage comme si ma présence ledérangeait.Jenecomprendspascequ’ilmereproche.
Cesoir,commed’habitude,ilmetoiseducoindel’œilavecsonregardcharbonneux.—Tuasprisdebonnesphotos,cesoir?Pourquoimepose-t-il cettequestion? Il s’en fichecommedesapremièrechemise.Puisquece
sont lespremiersmotsqu’ilm’adresseendehorsdesgrognementsfaisanthabituellementofficedesalutations,jedécidedeluirépondre:
—Quelques-unes,peut-être.Maisj’aibesoindeplusdepratiquepourmaîtriserleslumièresetlesmouvements.Entoutcas,vousavezassuré,cesoir.
Lesmotssortentdemabouched’un tonhésitantet tremblotantque jenemeconnaispasetquitrahitl’impressiondésagréablequem’inspirelaprésencedecethomme.
Pendantuninstant,ilrestesilencieux,maissesyeuxfixentlesmiens,puismetoisentdespiedsàlatêteetinversement.Ilmeprocureladésagréablesensationd’êtreplusnuequejenelesuisdéjàdanscetterobebustiernoireet tropcourteàmongoût,avecmesescarpinsàboutouvertencuirvernisrouge.Labouched’Ethansetordenunrictus;danssesyeux,jemesensrépugnante.Àvraidire,j’ail’impressionque la façondont ilme regardeest salissanteetqu’unbonbainne seraitpasdu luxepouryremédieràsonévaluation.Jemedétourne,enquêted’uneexcuse,quelquepartautourdemoi,quimepermettrait deme libérerde sesgriffes sanspasserpourune insolente.Mon regard croisesoudainceluideZach;jelevoissecrisperlorsqu’ildistinguemoninterlocuteur.
Celafaitdeuxfoisquejelevoisréagirdecettemanièreenprésenced’Ethan.Ques’est-ilpasséentreeuxpourprovoquerunetelletension?
—Tuesplusjoliequelesautresnanas.Lavoixd’Ethanmeramèneàmontristesort.—Pardon?Lesautresnanas?Ilesquisseunsouriresatisfait.Sonarrogancecommencesérieusementàm’agacer.—Tucroisvraimentquetueslapremièrefanqu’ildragueetinviteànoussuivreentournée?Médusée,jecontemplelafiertévictorieusequiémanedelui.Quecroit-ilavoirgagné,aujuste?—Oh,tucroyaisêtrelapremière?C’esttellementmignon…D’accord. Maintenant, je suis choquée. J’aimerais le rembarrer, mais, soudain, deux mains
l’attrapentparlecoletl’emportentloindemoi.
Un cri m’échappe tandis que Zach le colle au mur et lui grogne quelque chose à l’oreille, àquelques mètres de moi. Ethan est vraiment incontrôlable, je prends peur pour Zach, lui aussiexaspéré.Étrangement,jeremarquequepersonneautourdenousnesemblelesremarquer,ou,entoutcas, personne ne se soucie de les voir dans cet état. Peut-être que ce genre d’altercation est pluscourantequejenelepensais.
Tous lesdeuxsemarmonnentdesreprochesquejeneperçoispasàcettedistance,mais,àvoirl’expressiondeZachetsesépaulestendues,cenesontpasdesmotsdoux.Jem’approchedequelquespas.
Zachm’aperçoitducoindel’œiletsefigeuninstantavantdereprendreunedernièrefoisEthanparlecol.
—Laisse-latranquille,ordonne-t-il,menaçant,entresesdentsserrées.Ethanreculetranquillementd’unpas,manifestementguèreperturbéparleurdispute,etprendun
airamuséenbalayantsachemisedureversdelamaincommepourchasserunepoussière.IlmelanceunbrefregardetrevientsurZachavecunrictus:
—Jetelaisse,monvieux.Éclate-toibienavectapoupée.Puisils’éloigneavantqueZachoumoin’ayonsletempsdeluirépondre.Une fois Ethan suffisamment loin pour me permettre de reprendre mes esprits, je prends
consciencedecequ’ilvientdemedire.Jenesuisqu’unefilleparmitantd’autres…Quelleidiote!Etnaïve,par-dessuslemarché!Lesfemmess’attroupentautourdeluidepuistoujours.Cedoitêtresamanière de nous draguer : il joue au mec normal, soi-disant heureux d’être lui-même en notreprésence,puisnousattiredanssonlit.
Combiende tempsattendrait-ilque j’acceptedecoucheravec luiavantdeme jeterdubusd’uncoupdepied aux fesses ?Lespensées sebousculent dansma tête, si bienque je tressaille lorsqueZachpauselamainsurmonbras.
—Çava?Ils’inquiètepourmoi.Maisfait-ilsemblant?Oucraint-ilqu’Ethann’aittrahisesintentionsetque
jenem’enailleavantqu’iln’aitmissonplanàexécution?Jenesaisplusquoipenser.Pireencore,jem’enveuxd’avoirmarchésifacilement.Maisjeluien
veux aussi à lui : je me suis confiée au sujet de Marc et Andrew, et il faisait mine de se sentirconcerné.
Mesmotssontàpeineintelligibles.—Non,çanevapastrèsbien.Jedoispartir.Jefaisvolte-faceetmeprécipiteàtraverslafouleavantqu’ilnemeretienne.Jedoissortird’ici
pourréfléchiretm’éclaircirlesidées.Zachatoujoursétésisincèreetgentil…Enfin,c’estcequejecroyais.Jen’arrivepasàimaginerqu’ilfaisaitsemblant.Cettejoiemalsainequej’ailuesurlevisaged’Ethan lorsqu’ilm’a parlé d’autres filles prouvait qu’il prenait unmalin plaisir àme cracher lesraisonsdemaprésenceici.Tandisquejefranchislaportepourm’enfoncerdanslecouloiraupasdecourse,j’entendsZachcriermonnom.
Zach
JecrielenomdeNickyunedernièrefoisetralentisenlavoyants’immobiliserdanslecouloir.Pourquoi ai-jebesoinde lui courir après ?Pourquoim’importe-t-il autantde la savoirheureuse?Ethanapeut-êtreraison,aprèstout.Peut-êtrequec’estencoreunefanquiessaiedem’amadouerpourrécoltersonheuredegloire,oupourgagnerl’accèsàmacartedecrédit.
Nickyestessouffléeetmelanceunregardnoir.Non,Ethanatort.DepuislesoirdesbalancesàMinneapolis,jen’arrivepasàmelasortirdelatête.Enquelquessecondes,ellepeutpasserd’unétatd’affolementcritiqueàune joiedevivreexplosive.Elleest à la foisbelleet sexy sansmêmes’enrendrecompte,cequilarendplusséduisanteencore.
Montravailnel’impressionnepas;ellesemblem’apprécierpourcequejesuisréellement.C’estdumoinscequej’espère.L’idéededésirerquelqu’uncommejeladésiremedonnelachairdepoule.Pourtant, cela fait des années que je me fiche de savoir ce que quelqu’un pense de moi. Alorspourquoielle?
Ausouvenirduregardsombred’Ethan,moncorpsseraiditdecolère.AprèslaterriblepériodequeNickyvientdetraverseràcausedelapertedesonmarietdesonfils,j’ignorepourquoi,maisjerefusequ’elleaitàsubirdèsledébutdelatournéel’atmosphèrepesantequirègneentreEthanetmoi.
JeserrelespoingsenfaisantcraquermesarticulationspourretenirautantquepossiblemonenviederetournerdanslasallecommunepourfrapperEthan.Ceneseraitpaslapremièrefois,et,aprèstout,illemériteamplement.
Laquestionestidiotecarjeconnaislaréponse,maisjelaposemalgrétoutengrinçantdesdents:—Qu’est-cequ’ilt’adit?—Zach,jerefusedecoucheravectoi!Ah.Jenepensaispasàça…Maintenantqu’elleabordelesujet,desimagesprennentformedansmonespritetj’imaginedéjà
toutesleschosesquejerêvedeluifaire.Non!Jememordslajoueetmegrattelenezpourcacherleriremaisaussilechocquesaréponsem’inspire.Elleestdéjàtroublée,jenevoudraispasaggraversonétat.
Etpuis,j’aibesoind’effacertoutescesimagesquidansentdansmatête.Nickyn’estpasencoreprêtepourça,c’estévident.D’habitude,jenesuispasattiréparlesfilles
indéciseset révoltées,maisavecellec’estdifférent.Àcet instant, jevoisbrûlerdanssesyeuxunemyriadedesentiments.Aurais-jedevantmoicellequ’elleétaitavantl’accident?Cellequ’elletentedefairetairepartouslesmoyens?Parceque,sitelestlecas,elleestplussexyquejamais!
—Jenecroispast’avoirdemandéunechosepareille.Meslèvresesquissentunsouriretimide.Enmevoyantapprocherd’elle,Nickysecache levisagedans lesmains. J’aimeraispouvoir la
toucher, lasentir toutprèsdemoi, fairecourirmesdoigtssursapeauet respirer leparfumdesescheveux.Ilssententlaframboise.Aurisquedenuireàmonimagevirile,j’admetsquecetteodeurmerendfou.
J’essaiedegarderunevoixcalmeetposée.—Nic.Qu’est-cequ’ilt’araconté?—Ilm’aditquejeneressemblaispasauxautresnanasquetuinvitaisdanstonbusdetournée.Bonsang!J’auraisdûmettremonpoingdans la figured’Ethanquand j’enavais l’occasion.À
l’heurequ’ilestetavectoutl’alcoolqu’ilaingurgité,ilestsûrementdéjàrondcommeunequeuedepelle ; ce ne serait même pas drôle de le frapper. D’accord, la dernière conquête d’Ethan l’aridiculisé.Etalors?Jen’ypeuxrien,moi!Etcen’estpasmonproblèmenonpluss’iln’arrivepasàresterfidèle!Jeluienveuxd’avoirseméledouteenNicky.Ellen’estpascommetoutescesfillesquisejettentànospieds,jem’ensuisaperçudèslepremiersoiraubar,lorsqu’elleestvenuenousparlerpourlapremièrefois.
—Tun’espascommeelles.Ellesn’étaientpas…Jem’interrompspourprendreuneprofondeinspiration.— Je n’ai jamais invité qui que ce soit à me suivre en tournée. En revanche, il m’est arrivé
d’inviterdesfillesdanslebus…pourunsoir.Jen’arrivepasàcroirequejeviensdel’admettre,c’estpourtantlavérité.Danssesyeux,jelisun
mélangededouteetdegêne.Uneenviefulgurantedefrapperdansunmurmedémangelesdoigts.Depuisledébut,elles’estmontréehonnêteenversmoienmeracontantsatristehistoire,etmaintenantellepensequejenel’aiinvitéequepourcoucheravecelle?
—Cesderniersmois,Ethanetmoiavonseuquelques…désaccords.Pourêtreprécis,onnes’entendplusdepuisqueladernièregroupiequ’ilainvitéedanslebusl’a
laissétomberpoursejeteràmespiedsenmevoyantentrerdanslapièce.Jen’aijamaisvouludecettefille,maisçan’apasempêchéEthand’êtreenrogneaprèsmoi.
—Quoiqu’ilt’aitditcesoir,sachequecen’étaitquepourteblesseretpourmeprovoquer.J’aimeraislaprendredansmesbras,l’embrasser,luifairecomprendrequejesuissincère,mais
ellesemblesiperduequejepréfèrem’abstenir.Lentement,danssesyeux,ledoutelaisseplaceàlaconfiance.Ellepousseunsoupir.
Ellemecroit.Alorsjepoursuis:—Tun’espascommelesautresfemmesquej’aipuconnaître.Mapopularité,monmétier,toutça
net’impressionnepas.Jesaisquetum’appréciespourcequejesuis.Ettuesdouce,passionnéeparcequetufais.Sijet’aiproposédeveniravecmoientournée,c’estparcequejeveuxprendreletempsdeteconnaître.Jen’aipasdemauvaisesintentionsàtonégard,jetelejure.
Encoreunefois,meslèvressecrispentpourréprimerunsourire.Ilyaquelquesminutes,elleaévoquélesexe,etj’avoueavoirsongél’espaced’uninstantàlasensationquemeprocureraientsesjambesenrouléesautourdesmiennes.
—Enfin,disonsquemesintentionssonthonorablesàquatre-vingtspourcent.LepetitsourirequiilluminelevisagedeNickymedonneenviedelaserrerdansmesbras,mais
jemeretienspournepas l’effrayer.Cette fille-làabesoinde tempsetd’attention.Leplusétrange,c’estquejesuisprêtàattendreletempsqu’ilfaudra.
—Lasoiréeaétélongue,murmure-t-elle.Pourl’instant,jeretourneaubus.
Jesuissoulagédevoircettepetiteétincelleréapparaîtredanssonregard.Jen’aipassouventeul’occasiondelavoir,maisjecomptebienlavoirbrillerplussouventdanslesjolisyeuxdeNicky.
—Jet’accompagne.—Non,çavaaller.Rejoinslesautres.Ilsvontsûrementsortircesoir.Je me fiche complètement de ce bar où ils ont l’intention de se rendre tout à l’heure. Ce qui
m’intéresse,c’estresterauprèsdecettefemme.Jehausselesépaulespourluifairecomprendrequeçam’estégal,puisluiprendslamainetl’accompagnedanslecouloiravantqu’ellen’aitletempsdeprotester.
—Jepréfèreresteravectoi.Chase et Jakeme le feront sans doute payer, mais je m’en fiche. Je n’ai pas ressenti ça pour
quelqu’undepuisdesannées.SiNickyresteavecnoustroissemaines,autantprofiterdèsmaintenantdechaqueinstantpasséavecelle.
Bonsang,maisqu’est-cequim’arrive?
Chapitre8
Nicky
Lelendemainmatin,descoupsfrappésàlaportemesortentdusommeil.Oùsuis-je?Quelquessecondes s’écoulent avant que je reconnaisse le bus de tournée. Je me frotte les yeux pour meréveillertandisqu’onfrappedenouveau.
—Uneminute,j’arrive!Jesorsdulit,enfileunpantalondepyjamaetunerobedechambreafindecouvrirmoncaracode
satin.Derrière laporte, jedécouvreavecsurprisequeZachm’attend,déjàhabillé,en jeanetchemise
blancheàmancheslonguesretrousséesau-dessusducoude,dévoilantainsiletatouagedesonavant-brasquireprésenteunserpentenrouléautourd’unecroixceltique.Lavieillecasquettedebase-balltrouée enfoncée à l’envers sur sa tête lui donne l’air d’un type normal et incroyablement sexy.Lematinn’estpas lemomentde la journéeque jepréfère.Habituellement,uneoudeux tassesdecafésontnécessairespourmettrelemoteurenmarche,maislavuedeZachmefaitl’effetd’unedouchefroide.Sonregardcurieuxmefaitrougir.Comparéeàlui,jedoispasserpouruneépave.
—Prépare-toi.Hein?—Aujourd’hui, jet’emmèneenbalade.J’aiprévutoutunprogramme,onn’apasuneminuteà
perdre.Sonsourireestcontagieux,bienquesasoudaineautoritémelaissepenaude.—Quoi?J’aipeut-êtrebesoindematassedecafématinale,finalement.—Quelleheureest-il?—Environ9heures.Maisjeveuxt’emmenerfaireletourdelavilleetj’aiprévud’autreschoses
pourcesoir,onferaitmieuxd’yaller.Jeprendsunemineagacéeetpousseunsoupir.—Laisse-moiaumoinsboiremoncafé.Enlecontournantpourmerendredanslacuisine,jeremarquequepersonnen’estencorelevé.—Oùsontpasséslesautres?Appuyécontrelaportedemachambre,Zachmeregardetournerenronddanslacuisine.—Ilsdormentencore.Ilssesontcouchéstard,ouplutôttôtcematin.Lachaleurducafédansmagorgesuffitàmefaireapprécierleréveil.Jehausseunsourcil.—Tucomptesmedirecequ’onvafaireaujourd’hui?
—Non.Jeris,maisilnesourcillepas.—Allez,justeunindice!Dis-moiaumoinscequejedoisporter.Il se redresse et passedevantmoi pour se rendredans le salon, puis s’affale dans le canapé et
allumelatélévision.Sansmêmemeregarder,ilmelance:—Habille-toicommed’habitude.Oh,etportequelquechosedeviolet.Unsourirediaboliquesedessinesursonvisage.Je ne comprends pas etm’inquiète presque,mais il ne daigne toujours pas lever les yeuxvers
moi.—Duviolet?—Ouais.Duviolet.Dansunsoupir,jeretournedansmachambrepourmepréparer.Une fois installés à l’arrière de l’imposante voiture utilitaire de sport qu’il a louée pour la
journée,jeluireposelaquestionquimetaraude:—Peux-tumedireoùonva?Toutcequejeconstatepourl’instant,c’estqueDarrenseranotrechauffeur.Intérieurement, je me félicite d’avoir emporté dans mes valises mon tee-shirt violet foncé à
manches trois-quarts ; avec mon jean serré et mes bottes cavalières, je suis à la fois classe etdécontractée,commeZach.J’avoueavoirmonopolisélasalledebainsletempsdemecoifferetdememaquiller et j’espèrenepaspasserpourune fille superficielle.En sortantdemachambre, j’aisurprissonregardadmiratif.Ilmetrouvaitjolieetc’esttoutcequiimporte.
—Jepensaist’emmenerfairedushoppingsurMichiganAvenueavantdet’inviteràmangerunmorceauquelquepart.
Jene répondspas,maisquelquechosemeditqu’ilaautrechoseen têtequedushoppingetundéjeuner.Après vingtminutes de route,Darren nous dépose surMichiganAvenue.Admirative, jedécouvreChicagopourlapremièrefois.JesuistrèstouchéequeZachveuillem’emmenerenville.
Pendant une bonne heure, nous découvrons une dizaine de boutiques, mais je n’achète rien.Lorsque nous sortons du derniermagasin,Zachmedemande pourquoi je sors lesmains vides. Jehausselesépaules:jen’ensaisrien.PapoteravecZachenfaisantdulèche-vitrinesdanscesboutiquesdeluxemesuffitpourpasserunexcellentmoment,jen’aipassongéàacheterquoiquecesoit.
—Situn’achètesriendanslaprochaineboutique,c’estmoiquichoisiraiquelquechosepourtoi.Tiens,ici,parexemple.
Jenepeuxréprimerunpetitcridestupéfactionlorsquejevoisqu’ildésignedudoigtunsacLouisVuitton.Jenelelaisseraijamaisdépenserunesommepareillepourmoi.Etpuis,jegagneassezpournepasavoirbesoindesonargent.
—Jerefusequetum’achètesquoiquecesoit.EncoremoinsunsacVuitton!Tuescomplètementfou,Zach.
Ils’enfiche.—Alorschoisisautrechose.Bonsang,ilnelâcherapasl’affaire.Or,ladernièrechosedontj’aieenvieaujourd’hui,c’estde
repartiravecunsachorsdeprixdontjen’aipasbesoinetquejen’aipaspayé.—Montruc,c’estplutôtleschaussures…Sonregardanalyselesdifférentesboutiquesdelarue.Jemereprends:—Maisjerefusequetudéboursesundollarpourmoi.
—Etpourquoipas?J’enaiplein,desdollars!Danssabouche, touta l’airsi facile. Ilnesevantepas, ilditsimplement lavérité. Ildoitavoir
tellementd’argentqu’ilnesaitplusquoienfaire.Jemedirigeversungrandmagasinaucoindelarue.Detoutemanière,j’avaisl’intentiondeme
trouverunepairedebottinesgrisespourl’hiver,autantlesachetermaintenant.—Moiaussi,figure-toi.Jemarmonne cesmotsmoins pour lui que pourmoi-même,mais il les entend etme lance un
regardinterrogateur.Illuisembleétrangequ’unephotographedeportraitsdefamillepuissegagner«pleindedollars»,alorsjem’explique:
—Aprèsl’accident,onm’averséunegrossesommesuiteàunaccord.Sanscompterl’assurance-viedeMarc.
Del’argentsale,àmesyeux.Plusieursmillionsdedollarsm’étaientproposésdansunaccordàl’amiable si j’acceptais de ne pas porter plainte contre le chauffeur du véhicule qui a tuéMarc etAndrew.Jenevoulaispasdecetargent,mêmes’ilspouvaientlargementselepermettre.Autourdemoi, tout lemondemepoussaitàacceptersousprétextequecelapermettraitd’étouffer lescandaleplusrapidementquesijeportaisplainte.Avoircetargentmedérangeprofondément.L’assurance-viede Marc suffit largement à couvrir mes besoins. Si j’ai accepté cet accord, c’était surtout parépuisement ; j’en avais assez d’entendre le nom de ma famille répété et étalé dans la presse àscandales.Lesmédiasneselassaientpasd’afficherlesvisagesdeMarcetAndrewenpremièrepagedu journal pendant des semaines. L’idée de porter plainte ne m’avait pas effleuré l’esprit. Enrevanche,dèsquelesjournalistesonteuventdelasommeconvenueentrelafamilleduchauffeuretmoi, ils ont pris un malin plaisir à divulguer leur scoop. Ils ne donnaient pas d’informationserronées,maisjen’aipaspuaccepterlefaitqu’onmequalifiede«croqueusedediamants».Auboutdedeuxmois,l’histoires’estenfintasséeetilsm’ontlaisséetranquille.
N’ayant aucuneenvied’en révélerplusàZach sur cettepériodedifficile, je luiprendsalors lamainet l’entraînevers legrandmagasin.Aprèsuneheured’essayagedans le rayonchaussures, jetrouveenfinlapairedemesrêvesetnousressortonsavecmesnouvellesbottinessouslebras.
Unefoisderetourdanslarue,jepousseunsoupir:—Jesuisépuisée!Jen’aipasfaitdeshoppingdepuisdesmois,j’aioubliéàquelpointilpeutêtreéreintantd’essayer
desdizainesdepairesdechaussures.—Prêtepourallerdéjeuner?—Absolument!Tuasuneidéeentête?Je l’observe pour tenter de percer à jour ses intentions,mais il ne laisse rien paraître. Il sort
simplementsonportable,écritunbreftexto,puislerangedanssapoche.— Darren ne va pas tarder. Je pensais qu’on pourrait faire simple : hamburger et bière, par
exemple?—Çamesembleparfait.Etçal’est.J’appréciedevoirqueZachn’essaiepasderecouriràsacélébritéetsafortunepour
m’en mettre plein la vue. En oubliant le sac Vuitton, bien sûr. Si nous nous rendions dans unrestaurantcinqétoilesàChicago,jesuispersuadéequ’onluiproposeraitlameilleuretable,peut-êtremêmedansunsalonprivé.
Nousnousgaronsdevantunebrasseriepourlemoinsbanale,doncidéale.Enl’entendantparler
dehamburgeretdebière, j’étais loindepenserpouvoir leprendreaumot.L’aspect«normal»du
lieumesécurise;c’estunebrasseriedecellesoùnousallionsprendreunverreautourd’unepartiedebillardavecMiaetMarc.L’endroitsemblemecorrespondreautantqu’àZach.Sionfaitabstractiondesacélébrité,onaaffaireàuntypeonnepeutplusnormal.D’ailleurs,ilmetunpointd’honneuràmeleprouveretj’apprécie.
Devantnotredemi-pression,jenepeuxretenirunrire.—Qu’ya-t-ildesidrôle?Avantderépondre,jepromèneunregardautourdemoiensouriant.C’estlafindel’après-midi,
il est encore trop tôtpourdîner etnous sommespresque les seuls clientsde labrasserie.CelamerappelleleJack’sBarlesoirdenotrerencontre:l’endroitétaitdésert.Quandjepensequec’étaitilyaseulementquatrejours…
—Riendeparticulier.Jesuissurmonpetitnuage,voilàtout.Ilyaunesemaine,mavieétaittristeau possible et je ne te connaissais pas. Aujourd’hui,me voilà à Chicago ; j’assiste à tes concertsdepuislescoulissesetjevoyagedanstonbusdetournée.Toutçamesembleunpeuétrange.
—Beaucoupdechangementsenpeudetemps,pasvrai?—Oui,c’estclair.Honnêtement,jem’amusecommeunefolle.Jel’admetssansaucunehonte.Latransitionabeauêtreviolente,jesuisfièred’avoiracceptéde
veniretd’assumerlefaitd’êtreavecluisanslaisserEthangâchermonbonheur.Jenepeuxm’empêcherdefroncerlessourcilsenpensantàcedernier ;cequin’échappepasà
Zach,maisjepréfèrenepasenparler.Aulieudecela,jedésignelestablesdebillardalignéesaufonddelasalle.
—Tuveuxfaireunepartie?Zachmeregardeavecdesyeuxronds.—Pourquoi,tusaisjouer?Jeluiadresseunpetitsourireencoin.—Jemedébrouille.Endeuxbouchées,noshamburgersfontdéjàpartiedupasséetnousnousdirigeonsversunetable.Toutenl’observantmettrelesbillesenplacesurletapisvert,jeluiproposedecasser.—Ahnon !Les demoiselles d’abord, déclame-t-il enme faisant signed’approcher de la table
avantdesechoisirunequeueparmicellespenduesaumur.Jemepenchesur la table,stabilisemaqueuepourviseraumieux,et tire.Lablanchefrappeen
pleincœurletriangledebillescolorées,maispasassezfortpourmarquerdespoints.Lenuméro5roulejusqu’aucoin,àl’autreboutdelatable,puissestabilisejusteauborddutrou.
—Àtontour.Zachn’aaucunedifficultéàentrerlabille,puisannoncequ’ilprendlespleines,melaissantainsi
lescerclées.Nouspoursuivonslapartie.Ilesttrèsdouéetsonjeum’impressionne.Aprèsquelquesratés,jeperdsfinalementlapartielorsqu’illogelabillenoiredansuntroualorsqu’ilmerestetroiscercléesenjeu.
—Tum’asditquetutedébrouillais!s’exclame-t-il.Lesyeuxplissés,ilmedéfieclairement.Jemeretiensderireethausselesépaules,faisantminede
nepasêtreaffectéeparmadéfaite.— Je dois être un peu rouillée. On fait la revanche ? Disons trois parties. Je parie cinquante
dollarsquejegagne.—Jenesaispas,Nicky.Aprèst’avoirvueàl’œuvre,jemedisqueceseraitcommearracherun
chocolatdesmainsd’unenfant.Levantlesyeuxauciel,jeremetslesbillesenplaceetlaisseZachcasser.Ilmarqueunecercléeet
unepleine,maisannoncequ’ilprendlespleines.—Alors,ZachWalters?Commentlevis-tu?Illèvelesyeuxversmoi.—Sansvouloirmevanter,jetrouvequejesuisplutôtbonàcejeu-là.Puisils’appuiecontreleborddelatableetmelanceunregardinterrogateurencroisantlesbras:—Maisdequoiparles-tu,exactement?Avant de répondre, j’envoie la bille blanche qui s’en va frapper l’une de ses pleines pour
l’éloignerd’untrou,avantdericochercontremabillede10quis’engouffretoutdroitdansuntrouàl’autreboutdelatable.LorsquejelèvelatêteversZach,jevoisqu’ilestimpressionné.
—Jeparledetavieengénéral:depuisquenoussommesentrésdanscettebrasserie,aumoinsdouzenanast’ontdéjàdéshabilléduregard.Certainesnesesontpasgênéespourteprendreenphotoavecleurportable.Ettuvoislafille,là-bas?
JepointedudoigtuneBarbieblondeàfortepoitrineinstalléequelquestablesplusloinetquinousregardesanssegêner.
—Elle se tripote les cheveux depuis cinq bonnesminutes pour trouver le courage de venir teparler.
Zachseretournepourvoirdequijeparle,puismeregardedenouveauenhaussantlesépaules.—Jenelesvoisplus.Enfin,presqueplus.Sonderniercoupmanquesacibleetmefaitsourire.Ilreculeprèsd’unetablehauteets’yadosse,
lesbrascroisés,enmelançantunregardsuspicieux.—Serais-tujalouse?Jelèvelesyeuxauciel:Moi?Absolumentpas!Ou peut-être un peu ? Bon, d’accord, je suis un peu jalouse. Mais il peut rêver pour que je
l’admette.—Moi?Sûrementpas.—Dommage,jesuissûrquelajalousieterendraittrèsjolie.Jeposeunpoingsurmahancheetluidécocheunsourireeffronté.—ZachWalters,seriez-vousentraindemefairedugringue?Unpasaprèsl’autre,ils’approchelentementdemoijusqu’àpresquemetoucher,puisplongeson
regardsoudainsombredanslemien.—Ilseraittempsquetut’enaperçoives.Le tempspasse,nousnebougeonspas.Aprèsun instantdesilence, ses lèvresaffichentunpetit
sourirem’inspirantcharmeet…désir.Moncorpsseréchauffeinstantanémentàlaseulepenséedesesmainscontremapeau,puisaucreuxdemesreinspourm’attirercontrelui.Cesimagessurgissentdenullepart.
Zach s’éclaircit soudain la voix et recule d’un pas, m’offrant un instant pour reprendre mesespritsetrompantlecharmepournepasmelaisserdanscetétat,tremblantcommeuneadolescente.Mais,déjà,jeletrouvetroploindemoi.
—Au début, c’était génial, répond-il finalement. Ce n’était pas évident à gérer,mais vraimentgénial.Jementiraissijedisaisquelapressenerépandaitquedesmensonges.Toutel’attentionquejesuscitaisdépassaitl’entendement;jenepouvaispassortirdechezmamère,dechezmoi,sansqu’ungroupedephotographesoude fanshystériquessemettentàhurlermonnom.Jesuisunmec,et latentationétaitforte…
Sesconfidenceslefontrougir.L’espaced’uninstant,jemedemandeàquoi–ouàqui–ilpense,maiscettequestiondoitrestersansréponse;jeneveuxpassavoir.
—Celadit,toutecetteeuphorie,çanedurepas.J’aitrèsviteapprisàmemaîtriser.J’aimûri.Plusvitequed’autres,jesuppose.Maintenant,ilsmefichentlapaixetneviennentm’embêterquelorsdeséancesdeshoppingoudesoiréesaurestaurant.Jesavaisàquoim’attendrelorsqu’onm’adécernél’album de platine, et je ne crache pas dans la soupe. C’est un rêve qui se réalise, il ne faut pasl’oublier.Etpuis,ilyadesavantages.
—Lesquels?Quelavantagepréfères-tu?—Lesjetsprivés,nejamaisfairelaqueuenullepartetlesvoituresdesporthorsdeprix,voilàun
véritableluxe.Etlenecplusultra:jepeuxprendresoindemamèreetdemapetitesœur.Ilyaaussiles concerts, évidemment. L’adrénaline que procure la scène est indescriptible. Je ne me lasseraijamaisdecettefoliequis’emparedemoilorsquejesuislà,devantdesmilliersdefansquihurlentlesparolesdemamusique.C’estunrêvedegaminquiseréaliseaujourd’hui,etj’aibienl’intentiond’enprofiter.(Ilmarqueunepause.)Detouslesavantagesdecemétier,tureprésentesceluiquejepréfère:lefaitderencontrerdenouvellespersonnesdansdespetitsbarsperdusaufinfondduMid-Ouest.
Soussonregardappuyé,jeneretiensplusmonsourireenlevoyantapprocherlentementdemoi,jusqu’à ce que nos pieds se frôlent. Je relève le menton pour le regarder dans les yeux, laissantéchapper un soupir tandis que sa main se lève doucement vers mon visage. Avec une douceurcontrôlée,ilchasseunemèchedecheveuxderrièremonoreilleavantd’épouserl’arrondidemajoueaveclapaumedesamain.
—Terencontrerestl’unedesplusbelleschosesquimesoientarrivéescesdernièresannées.Lesmotsmemanquent.Heureusement,lalumièretamiséedissimulelacouleurdemespommettes
soudainsiempourpréesque j’ai le sentimentqu’ellesvont luibrûler lesdoigts.Nous restonsainsipendantdelonguesminutessilencieuses.Va-t-ilm’embrasser?Redoutantcemomentpourlequeljenemesenspasencoreprête,jereculed’unpasetmeretourneverslatabledebillard.C’estmontourdejouer.
J’envoiesanseffortlabillenoiredansuntroulatéraletluidécocheunsourirefier.—Gameover.—Commentas-tufait?Toutenl’écoutantparler,j’aijouétoutesmesbilleslesunesaprèslesautres.Jesirotemabière
sanslequitterdesyeux.—J’aiditquej’étaisrouillée,pasquejenesavaispasjouer.Latroisièmeparties’achèvecommeladeuxième:jegagnehautlamain.—C’estuntraquenard!Tum’asmenéenbateau!J’éclatederire.—Miaavaitunbillardchezsesparents.Petites,onjouaittouslesjours.Ilnefallaitpassefieraux
apparences : ensemble, on était invincibles. Et puis, ça nous a valu quelques boissons gratuitespendantnossoiréesétudiantes.
Jeluitendslamain,paumeverslehaut,etagitelesdoigts.—Alors,tucomptesmepayer?—Horsdequestion!Onfaitlabelleetondoublelamise,sinonrien.Lespoingssurleshanches,jehausselessourcilspourledéfier.—Tuessûr?Jeterappellequenoussommesdansunlieupublic:touslesregardssontbraqués
surtoi.Jelanceunbrefcoupd’œilendirectiondeBarbie,quisembletoujoursobnubiléeparsarockstar
préférée.—C’estparti!déclare-t-ild’unevoixsoudaingrave.
Chapitre9
Ilnousfautpresqueunedemi-heurepournousfrayeruncheminjusqu’àl’airlibre.Jen’avaispasremarquéquelesgenss’entassaientdanslebardepuisnotrearrivée;ensortant,ilnousfautjouerdescoudes dans une foule compacte. Tout lemonde réclame son autographe. Sans se départir de sonsourireirrésistible,Zachdistribuequelquespoignéesdemainàsesfans,signedesserviettes,destee-shirts, des emballages en carton etmême certaines parties du corps de femmes peu farouches.Aumilieudelaconfusion,jem’éloigneuninstant.J’aieumadosedeseinsetdenombrilsexhibéspourlasoirée.JesourissecrètementenconstatantqueZachneseretournepassurtoutescesfemmes:ilsigneetpasseàlasuivante.C’estàlafoispalpitantetangoissant,unpeucommequandiladébarquéchezmoipourmeproposerundéjeunerimprovisé.
Ce jour-là, j’ai compris quenosvies sont à l’opposé l’unede l’autre.Qu’arrivera-t-il après ladernièredatedelatournée?
JesursautelorsqueZachmeprendlamain,enfinlibérédesesadmirateurs.—Toutvabien?Alorsquenousnousmettonsenmarche,jedésigned’ungestevaguelaportequenousvenonsde
franchir.—Oui.Maisc’était…éprouvant.Devantsaminesoudainassombrie,jem’explique:—Dans lebonsensdu terme.Seulement,cedoitêtreusantdesubirçadèsque tumets lepied
dehors.Zach s’abstient de me répondre. Au lieu de quoi, il m’arrête net sur le trottoir et tourne
délicatementmesépaulespourmefaireregarderdansladirectionopposée.—Tasurpriseestparici.Confuse, jeme demande ce queChicago peutm’apporter de plus surprenant qu’un après-midi
shoppingetbillardencompagniedeZachWalters.Toutestdéjàparfait.C’est alorsque je remarque la foulebleuetorangequinousentoure.Voilàpourquoi jedevais
porterduviolet,aujourd’hui:SoldierField–lestadedefootballaméricain–estjustedel’autrecôtédelaroute.
Lesyeuxrondscommedessoucoupes,jemetourneversZach:—C’estuneblague?—Non.—C’estpasvrai!Tuessérieux?Tum’emmènesvoirlematch?Ce soir, les Vikings duMinnesota s’opposent aux Bears de Chicago au Soldier Field. Je n’en
revienspas.Jesautillesurplaceetfrappedansmesmains.—Tuasfaitçapourmoi?!Sansréfléchir,jemejettedanssesbrasetleserreplusfortencorelorsqu’ilmerendmonétreinte.—Tasurpriseteplaît?
—Oui!Jel’adore,c’estexcellent!Nouséclatonsderire.—Danscecas,c’estparti!Unedernièresurpriset’attendàl’intérieur.Jem’écartelégèrementdelui.Quellesurprisepeut-ilencoreyavoir?Ilvientdem’offrirleplus
beaucadeaudumonde.—Allez,viens.Jevaistemontrerquelquechose.Sesbrasquittentmataille,maissamainsaisitaussitôtlamienne.Jelesuisjusqu’autrottoird’en
faceensautillantjoyeusementderrièrelui.Manifestement, je ne suis pas au bout de mes surprises. Nous sommes devant une porte, au
deuxièmeétageduSoldierField.—Tuaslouéunelogeprivée?!Je n’en crois pas mes yeux. Une loge privée ! Je me suis toujours demandé à quoi elles
ressemblaientàl’intérieur.Deuxrangéesdesiègesencuirfontfaceàl’imposantebaievitréedonnantsurleterrain,etdestableshautessontalignéesderrièrelesfauteuils.Mesyeuxsepromènentsurlessix écrans plats installés le long des murs et sur lesquels plusieurs chaînes de sport diffusent lesmatchsendirect.Ilyaégalementuncoincuisineetunimmensebarcontrelemurdufond.Derrièrelecomptoir,unmaîtred’hôtelessuiedesverresàl’aided’untorchon.Jevaisassisteraumatch,dansunelogeprivée,servieparunmaîtred’hôtel!
C’est incroyable ! Je dégaine mon téléphone portable, prends quelques photos et les envoieinstantanémentàMia.Elleseravertedejalousie.
—Tuasfaittoutçapourmoi?Commenttut’yespris?—Cette logeappartientàdesamis.Lorsque tuasacceptédemerejoindreen tournée, je lesai
appelésenlessuppliantàgenouxdemelaisserlaclépourcematch.JenesavaispasquelesVikingsjouaient,cesonteuxquimel’ontappris.Etcommetufaispartiede leursplusferventssupporters,raisondepluspourt’emmenerici.
JedoutequeZachdoivesupplieràgenouxpourobtenirquelquechose.Maispeuimporte,jemerégaledesasurprise.
—Des amis ?Qui sont-ils ? Jeme suis toujours demandé qui regardait lesmatchs depuis lesloges.
—TuconnaislegroupeMystical?Ilsontfaitnotrepremièrepartieplusieursfois,etleurbatteurvientdeChicago.
—Waouh!Encoreétourdie,jeregardeàtraverslesbaiesvitrées:lesgradinsseremplissentpeuàpeuetles
équipess’échauffentsurleterrain.Jesuisémerveilléeparlespectacle,parcettesurprise,parZach.—Surlalistedesdixplusbeauxjoursdemavie,celui-ciarriveentrèsbonneplace!Zachpouffederirederrièremoi.—Cen’estpastoutàfaitterminé,annonce-t-ilenterminantletextoqu’iltapaitsursontéléphone.—Queveux-tudire?—Onvaavoirdelavisite.Àcesmots,laportedelaloges’ouvreengrand.Jakefaitsonentrée,affublédevêtementsjauneet
violet,avecuncasquedevikingenfoncésurlatête.Encoreunefois,jerestesansvoix.Derrièrelui,Garrett,Chloé,ChaseetDarrenentrentàleurtour.
— J’ai pensé qu’il serait plus amusant de regarder le match accompagnés de véritablessupporters.
—Jen’enrevienspasquetuaiesfaittoutçapourmoi.JemetourneversZachetleprendsdansmesbras.—Tutrouvesquec’esttrop?—Pasdutout!S’ilterestedessurprisesenréserve,tuasmonfeuvert!Àlami-temps,monéquipeestdéjà largementdistancée,maisçam’estégal.Regarder lematch
danscesconditionsestamplementsuffisant.ÀentendrelevacarmequefontJakeetGarrett,jedevinequecesdeux-làontuncoupdans lenez.Zachestassisàcôtédemoi, lebrasposé le longdemondossier,etnousassistonsauconcertdelami-temps.Lechocémotionnelestencorepalpableenmoi.Je promènemon regard dans la pièce.Darren etChasem’amusent : ils se disputent au sujet de ladernièrefautecommisejusteavantlami-temps.
Vingtminutesaprèslafauteenquestion,ilsdébattentencoredeladécisiondel’arbitre.Pendantce temps, Zach et Garrett discutent des concerts à venir et d’unmorceau qu’ils préparent pour leprochainalbum.
Jesuiscomblée.Jemesensplusvivantequejamais,commesiunéclairdevitalitémerégénérait.Je retrouve la Nicky de mon passé enfoui, celle qui croquait la vie à pleines dents et adoraitexpérimenter de nouvelles choses. La fureur de vivre m’a tellement manqué… Je n’en prendsconscience quemaintenant, en promenantmon regard sur ce petit groupe de personnes quim’ontapportétantdejoieetdefolieensipeudetemps.
Zachn’yestpaspourrien,c’estàluiquejeledois.Jesoupiredebonheurenlaissantreposermatêtecontresonépaule.
— Tu t’amuses bien ? me demande-t-il dans un souffle en interrompant sa conversation avecGarrett.
—Oui,jesuisheureuse.Vraiment.Cettevéritéabsolueprononcéeàvoixhautemefaitunbienfou.Zachappuiesonfrontcontrema
tempeetmechuchoteàl’oreille:—Moiaussi.Je tourne doucement la tête vers lui. Zach a un léger mouvement de recul ; nous sommes si
prochesl’undel’autrequ’ilsuffiraitd’unsimplemouvementdel’undenouspourquenoslèvresserejoignent.MesmainsdeviennentmoitestandisquemonregardseposesurlabouchedeZach.Seslèvres sont parfaites, désirables, incroyablement douces. Je ne peux m’empêcher de vouloir lestoucher. Je memordille la lèvre supérieure enme demandant quelle sensationme procurerait unbaiserdeZach.Surlabouche,oudanslecou.Àcetinstant,jesuisconscientequejerougis,maiscen’estpasdelagêne:c’estdudésiràl’étatpur.
J’aienviedelui.Jedétourne lesyeuxde sabouchepour les replongerdans son regardqui reflètemespropres
émotions. Je saisquenousnesommespas seulsdans lapièceetque lebruitnousentourepuisqueJakeetChasepoursuiventleurdisputeencriantdeplusenplusfortàcausedel’alcool.Mais,pourlemoment, je n’entends plus rien. Il n’y a queZach etmoi, et cette électricité que j’entends presquebruireentrenous.
—Etmerde!Lecrinousfaitsursautertouslesdeuxsurnossiègesencuir.Jetournebrusquementlatêtevers
Jakequiestassisaucomptoir,penchésursontéléphone.Touslesregardssonttournésversluietunenouvelle tension plane dans l’air, rompant soudain l’instant queZach etmoi partagions il y a uneminuteàpeine.
Aussitôt,Chasebaisselatêteetécrasesonpoingsurlecomptoir.IllanceàZachunregardnoir:
—Ethans’estencorecamé.—Putain!D’autres juronsfusent ; jeregardelesgarçonsserassemblerautourdubar,saufZachquireste
assis. J’aimerais luipasserunemaindans ledos, luiprocurercemêmeréconfortqu’il sait sibienm’apporter.Aulieudecela,Chloéetmoirestonssurlecôtétandisqu’ilsdiscutentdesévénementsàvenir.Finalement,jemedécideàl’interroger.
—Quesepasse-t-il?Zachalecorpsentiertenduparlacolère.—Ethanaencoreprisdeladrogue.J’ouvre la bouche pour répondre, mais la referme aussitôt. Voilà qui explique le malaise qui
règne entre les deux hommes, et le regard à la fois vide et sauvage qu’Ethanme lance dès qu’ilm’aperçoit.
—Jesuisvraimentdésolée.Zachsepencheenavantsursonsiègeetsegrattelanuque.Jesaisqu’ilacegesteinstinctifdès
qu’unechoseletroubleoulemetencolère.—Il est restécleanpendantunmoment,mais je le soupçonnaisd’avoir replongé,peuaprès le
débutde la tournée. Ilestdouépourcachercegenredechoses,mais là…Putain,onrisquegrosàcausedelui!
Il rejointChaseaubar et je lui emboîte lepas.Lorsqu’il est énervé,Chase fait peur àvoir.Lapremièrefoisquejel’airencontré,lesoirdesbalances,jel’aitrouvéintimidant;sesépaulessontsilargesqu’ildépassed’unetêtetouslesautresmembresdugroupe.Etpuis,enpassantdutempsaveclui, j’aiapprisà leconnaître,etdécouverten luiunhommedouxetavenant.Chaseestungéantaugrandcœur.Mais,lorsqu’ilesténervé,commeàcetinstant,ilestpluseffrayantqu’unebêteféroce.S’illevoulait,jesuissûrequ’ilpourraittousnousfairepasseràtraverslesbaiesvitrées.
—Johnaappelé.IlaretrouvéEthandanslesvapes,allongésursabanquette.Ilavaitencoresacamedanslamain.
Johnestlechauffeurdebusattitrédugroupe.J’aiàpeineéchangédeuxmotsavecluietcelam’asuffipourmerendrecomptequ’ils’agitd’unhommehonnête.Ilestleplusâgédespassagers,peut-être même est-il plus vieux que mon père. Plusieurs fois, j’ai eu envie de lui demander s’il nedevenaitpasfou,àforced’êtreentourédetouscesjeunes.
—Qu’est-cequ’onfait?!Avec son air soucieux et son casque à cornes, Jake me donne envie de rire ; ce qui serait
embarrassant étant donné la gravité de la situation. Il ne soutient pas lesVikings et je doute qu’ilapprécielefootballaméricainengénéral,maislorsquejel’aivuentrerdanslaloge,habillédevioletetd’ordelatêteauxpieds,j’aieulecoupdefoudre.Jeparled’amourfraternel,évidemment.Jakeesttoujourslàpourdétendrel’atmosphère.Aveclui,rienn’estjamaisgrave,quellequesoitlasituation.Maislà,ilsemblesianxieuxquejenepeuxm’empêcherdetrouverçaalarmant.
—Cen’estpasévident,luirépondZachens’ébouriffantlescheveux.Onvagarderunœilsurluien croisant les doigts pour qu’il se tienne à carreau pour les quelques semaines qui restent. Enrevanche,aprèslatournée,c’estterminé.Jeneveuxplusentendreparlerdelui.
Passer tout le temps de la tournée avec les mêmes personnes, ça rapproche. J’ai déjà pum’apercevoirqueZach,ChaseetJakesontplusquedesimplesmusiciens,cesontcommedesfrères.MaisZachestaussileuremployeur,ilalepouvoirdedécisionpourcequiestdechoisirlesmembresdesongroupe.Pendantplusieursannées,Ethanaétésoncompagnondescèneetderoute;j’imaginequecedoitêtredifficiled’envisagerunedécisionaussiradicale.
Ensilence,j’observelesgarçonsdiscuterdecequ’ilsvontfaired’Ethanlesprochainessemaines.Finalement,jeretourneregarderlematch,maislecœurn’yestplus.JenesuismêmepasaffectéedevoirlesVikingssefairebattreàplatecouture.
—Jesuisdésolépourcesoir,memurmureZachlorsquenousrejoignonslebus.Après avoir appris la nouvelle au sujet d’Ethan, nous avons tous senti l’atmosphère s’alourdir
danslaloge.—Net’excusepas.Vousaviezbesoind’accuserlecoup.Jenet’enveuxpas,jet’assure.Jeposemamainsursajoue.Malgrél’étatd’Ethanettoutcequecelarisqued’engendrer,lajournéequejeviensdepasseravec
Zach a changé quelque chose enmoi. Je veux retrouver cette sensation de liberté que nous avonspartagéetoutàl’heurependantlematch,cetteproximitéétrangequinousliaitjusteavantlecoupdetéléphone.Mais,aprèscequis’estpassé,lemomentestmalchoisi.
Je passe devant Zach qui m’ouvre la porte du bus et me dirige lentement vers ma chambre.J’aimerais trouver les bonsmots pour le rassurer au sujet d’Ethan et de sa rechute. J’aimerais leréconfortercommeluisaitsibienlefaireavecmoi.
Arrivésdans lacuisine,Zachmeprendlamainetmeforceàmeretournervers lui.Moncœurs’emballeaumomentoùilposedélicatementsesmainssurmesjoues.
—La soirée a été longue, je suis désolé que la secondemi-temps dumatch ait été gâchée. Jevoulaisquecettejournéesoitparfaite.
Laproximitédenosvisagesmecoupelesouffle,faisantrenaîtreunetensionentrenousquimemanquaitdéjà.
—Ellel’était.Masoiréen’apasétégâchée.Sabouches’ouvrecommepourrépondre,maisfinalementsereferme.Jel’observereprendreson
souffle,commes’ilcherchaitlesmotsjustes.— On se connaît à peine, et pourtant, pendant ces quelques jours passés ensemble, tu m’as
impressionnéàchaqueinstant.Cetteannéeaétédure,tuastraversébeaucoupd’épreuves.Sil’amitiéesttoutcequetupeuxm’offrirpourl’instant,jeseraisheureuxdel’accepter.Maisjetiensàtedirequemessentimentspourtoidépassentlacoexistencepacifique.Lemomentestmalchoisipourteledire,maisjetetrouvemagnifique.Tueslafemmelaplusbelle,laplusintelligenteetadorablequej’aieeuleprivilègederencontrer.
Ilmarqueunepause;jenebougepasd’unpouce.Sonregards’assombrit,ajoutantàl’électricitéqui renaît peu à peu entre nous. Bien que ce ne soit pas palpable, je la ressens. Cet hommem’intimide;ilestadmirépardesmilliersdegenssurcetteplanèteetmedéclaresaflamme.
Leplusétrangeestquejen’aipaspeurdesesmots.—Àcet instantprécis, iln’yaqu’unechoseaumondedont j’aienvie : t’embrasser.Maiscette
soirée ne s’est pas terminée comme je l’avais prévu, et je ne suis pas sûr que tu sois prête. Pasencore…
Son pouce glisse dema joue àmes lèvres, tout doucement. Je vois qu’il soupire, comme s’illuttaitpournepasmeprendrelà,toutdesuite,surleparquetdesonbusdetournée.J’ailesjambesencotonàcetteseulepensée.
Il pousse un nouveau soupir,mais cette fois d’un air abattu.Voire résigné. Samain quittemeslèvrespourmeprendreparlataille,puisilpressesimplementsonfrontcontrelemien.
—Bonnenuit,Nicky.Dorsbien.Zachseretourne,s’apprêtantàquitterlapièce.Ilatort:jesuisprêteàrecevoircequ’ilauraàme
donneretjetiensàm’assurerqu’illesait.—Zach?Surpris, ilseretourneversmoietmeregardeavancer lentementvers lui.Pendantcesquelques
pas,jevoislestraitsdesonvisageévoluerdel’appréhensionàquelquechosequiressemblefortàdudésir. Jeneréfléchispasàceque je fais,ninem’arrêtepourmedemandersi jedevraismesentircoupable,ous’ilaraisoncarlemomentestmalchoisietquetoutévoluetropvite.Uneseulepenséem’obsède:jeveuxsentirsapeaucontrelamienne.Dèsquejeposelesyeuxsurlui,jebrûled’êtreprochedelui,d’apprendreàleconnaître.
Lorsque je prendsZach par le bras et l’attire contremoi, la culpabilité et les remords se sontvolatilisés;ilnerestequecedésirirrépressible.
—Jesuisprête.Ilmedévisage,lesyeuxplissés.Je n’ai plus peur, lui fais-je comprendre sans unmot. J’ai envie de toi, de te connaître, de te
toucher.Cesderniersjours,tuasfaitdemoilafemmelaplusheureusedumonde.Avecunpetitsouriresatisfait,ilpenchelatêteversmoi.Ses lèvres enveloppent les miennes d’une douceur délicieuse. D’abord timide, son baiser est
tendreetmesuré.L’espaced’uninstant,l’hésitationm’envahitàl’idéed’embrasserunautrehomme.Sa langue curieuse vient titiller le coin de ma bouche ; j’entrouvre alors les lèvres en signed’approbation.Ungrognementm’échappelorsqu’elleentredoucementà larencontredelamienne.La passion électrise notre baiser, samain se resserre au creux demes reins et l’autre remonte seposerautourdemoncou.
—Tu es délicieuse,murmure-t-il contrema bouche, avant de revenir àmoi, plus affamé quejamais.
Ce feu qui grandissait en moi tout à l’heure me semble maintenant incontrôlable, mes mainsremontentd’elles-mêmesjusqu’àsescheveux,quej’agrippepourlerapprocherencoredemoi.Jenesuispasrassasiée.
Zach me soulève et m’emporte jusqu’au canapé. Tandis qu’il s’assied, je me retrouve àcalifourchonsursesgenoux,mesmainsencoredanssescheveuxdansnotreétreinteardente.
Instinctivement, je me cambre légèrement contre lui, grognant contre sa bouche lorsque jeconstatecombienilaenviedemoi.
—Bonsang,Nicky…Jemarmonneuneréponseincohérente;dansl’immédiat,aucunmotnepourramesauver.Jeme
délectedesonbaiser,desonparfumquienvoûtemessens.C’estlapremièrefoisquej’embrasseunhomme depuis la mort de Marc. Étrangement, ce dernier a été détrôné dans mes pensées par lasensation que me procurent les mains de Zach agrippées à ma taille, sa manière de me tenirfermementcontreluietsesbaisersbrûlants.
Quinzemoisd’hormones refouléesdéferlentenmoipour remonterà la surface, sibienque jesuisprêteàluidemanderdemeporteràsachambrepourassouvirledésirquibouillonnedansmesveines.
Alorsquej’ouvrelabouchepourleformuler,ils’écartelégèrement,mettantfinaubaiserlepluspassionnédemavie.
—Hmm,soupire-t-ilenpressantsonfrontcontrelemien,lesyeuxfermésetlesourireencoin.Nousreprenonstouslesdeuxnotresouffle.L’enviemetaraudedemecambrercontresontorse
pourprovoquersondésirdemeprendrelà, toutdesuite.Enunefractiondeseconde, laréalitémerattrape :peut-êtrenesuis-jepasencoreprête.Unechoseestsûre, jesuisamplementenmesurede
poursuivrecequenousfaisionsilyauneminute.Jemerésouspourtantàchuchoteràsonoreille:—Bonnenuit,Zach.Jemepressecontreluidansundernierbaiser,puismeretirelorsquesesmainss’agrippentàma
taillepourmegardercontrelui.Lepiedposéàterre,jemelibèredoucementdesonétreinteensouriantsanslequitterdesyeux.
Leslèvreslégèrementouvertesetlespaupièresàdemicloses,ilsembleaussiconfusquemoi.Jemeretourneetlelaisseassislà,àmeregarderpartir.Pourunefois,cen’estpasmoiquireste
figéesurplace.J’entredanslasalledebainsetcontemplemonrefletdanslemiroir.Ilachangé;mestraitssont
détenduspourlapremièrefoisdepuistrèslongtemps.L’étincellequej’avaisperduebrilledansmonregard.
Celam’auraprisunan,troismois,deuxsemainesetdelonguesjournéespourenfinretrouvercesyeuxpétillantsdevie.Àcontrecœur, jeme lave levisageetmebrosse lesdents, avec la sensationdésagréablequecesgesteseffacentcequ’ilmerestedugoûtdeZach.
Lascènedéfileenboucledansmonesprit.Jen’ai jamais rienvécud’aussipassionnéet intensede toutemavie, et j’aihâtede renouveler
l’expérience.Recroquevilléesousmesdraps,jeneparvienspasàtrouverlesommeil.Desmilliersdepensées
fourmillent dansma tête après cette journée.Chaque souvenirm’apporte un sourire de plus. Il esttemps de faire la première chose à laquelle pense une fille après le plus beau baiser de sa vie :j’envoieuntextoàmameilleureamie.
Ilm’aembrassée.
Unefoislemessageenvoyé,jegardeletéléphonedansmamainenattendantsaréponse.Trente
secondesplustard,ilvibredéjà.OhmonDieu!Jelesavais!Commentc’était?!Tuvasbien?!
J’entendsd’icileshurlementsdeMiamalgréledemi-continentquinoussépare.Magique.Toutvabien,vraiment.N’arrivepasàdormir.Pourquoitousces!?Peuxpasm’enempêcher.Tropcontentepourtoi.Tumeraconterastoutçadevivevoix.Jet’aime,mapuce.Suisfièredetoi.Appelle-moivite.
Chapitre10
Zach
Jesuisépuisé.Cette tournéeabsorbe toutemonénergie ;entre lesprisesde têteavecEthanet lesconcertsqui
s’enchaînent,j’airarementvécudessemainesaussipénibles.EtpuisilyaNicky.J’aitellementenvied’elle!Jedoisprendresurmoipournepasprécipiterleschosesentrenous,mais,dèsquejefermelesyeux, je repenseàcebaiserquenousavonséchangé ilyaquelques jours.Ses lèvresétaient sidouces,sidélicieuses…
Jemesensfrémiràlaseuleévocationdecettebouchequej’aimeraissentirsepromenerpartoutsurmoncorps.Jedoisà toutprixmeressaisiravantdefaireunebêtise,avantdelafairefuiravecmesdésirstropimpulsifs.Toutefois,vulesregardsqu’ellemelancecesdernierstempsetlessoupirsquiluiéchappentdèsquejem’approchevolontairementtoutprèsd’elle,jesuiscertainqu’elleserabientôtprêteàpasseràlavitessesupérieure.
—Pourquoimeregardez-vouscommeça?Affalés dans le canapé en face demoi, Chase et Garrettme lancent un drôle de regard. Nous
sommes en route vers la Caroline du Nord et il fait nuit noire. Ethan est dans son lit-banquette,terrasséparsafichuecame,etNickydortdanslapiècevoisine.
Mesdeuxacolytessemoquentdemoicarjen’arrivepasàdétachermesyeuxdelaportedesachambre.Elleestàquelquesmètresdemoi,profondémentendormieetàmoitiénuesoussesdraps.Jem’imaginesabeautélorsqu’elledortàpoingsfermés…Etmerde!
—Tunel’astoujourspasbaisée?Sousmonregardnoir,Garrettritdeplusbelle.Ilsefichedemoietjeleméritelargement,mais
cen’estpasuneraison.PersonnenedoitpenseràNicdecettefaçon-là.Elleestàmoi.Quoi?!Qu’est-cequejeviensdepenser?Jenelaconnaisquedepuisdeuxsemaines…Pourtant
j’ai bel et bien l’impression qu’ellem’appartient. Je désire chacune des parties de son corps.Meslèvres esquissent un petit rictus et je m’empresse de boire une gorgée de ma bière pour ne pasmontreràcesidiotsquejesuisfoudecettefemme.
—Çaneteregardepas,luidis-jeenlefusillantduregard.—Elleterendcomplètementdingue,monpote.Chase me regarde avec des yeux ronds comme si l’effet que provoque Nicky sur moi
l’impressionnait.Ilaraisonendisantqu’ellemerenddingue,maisenignorelesvéritablesraisons.Ce n’est pas seulement parce que nous n’avons pas encore couché ensemble, bien que j’avoue enavoirtrèsenvie.Jedeviensfoucarjepenseàelleconstamment,cequimeparaîtinsensé.Ladernière
fois que j’ai ressenti ça pour une fille remonte à longtemps, avant la signature de mon premiercontratavecunemaisondedisques.
Garrettmesouritd’unaircomplice.Apparemment,iladécidédemelâcherlesbaskets.Denoustous, il est le seul à entretenir une relation à peu près normale depuis le début de la tournée.J’aimeraisavoirsonavis,pourqu’ilm’expliquecommentluietChloéparviennentàresterensemblemalgréleurséparationgéographique.NickyrepartiraàMinneapolisdansdeuxsemaines,etypensermetue.
Jeneveuxpasqu’elles’enaille.Dansquelpétrinmesuis-jefourré?!Soudain,laportedesachambres’entrouvre.Nickyapparaîtetrestesurleseuil,sansbouger.La
vuequ’ellenousoffremecoupe lesouffleetmesdoigtssecrispentsurmabière :elleneporte…presque rien. Jeme sens brusquement à l’étroit dansmon jean,mais fronce aussitôt les sourcils :Nickyalesyeuxrougesetlespommettesrosies.
Elleapleuré.Sansmelaisserletempsdeluidemanderpourquoi,ellecroiselesbrasets’avanceprestementdanslesalonpourvenirseblottirsurmesgenoux.
Maisqu’est-cequiluiarrive?JelanceunregardnoiràChaseetGarrettenhochantlatête,leursignifiantqu’ilsdoiventnouslaisser.Ilsnesefontpasprier.D’ailleurs,jeleursuisreconnaissantdes’éclipsersansfaired’histoires.Unefoisseulavecelle,jeluicaresselescheveuxpourluidégagerlevisage.
—Quesepasse-t-il?Ma voix se coince dansma gorge comme si ma langue refusait de bouger. Nicky n’a jamais
semblé aussi fragile qu’à cet instant. Puisqu’elle ne répond pas, je passemes bras autour d’elle etm’adosseaucanapépourlalaisserselovercontremontorse.
Cettesensationestdélicieuseetsonodeurmerendfou;ellemedonnedesidéesincontrôlablesettotalementhorsdepropos.
—Jeneveuxpasêtreseule,murmure-t-elledoucement.Jereposelaquestionenespérantlafaireparler.—Quesepasse-t-il?Lentement, elle relève lementon versmoi et je dois rassembler toutema volonté pour ne pas
l’embrasser.Sesyeuxsontsitristes.—J’aifaituncauchemar.Denouveau,elleseblottitcontremoietjesourisau-dessusdesatête,écoutantsonsoufflelourd
reprendreunrythmeapaisé.Ellen’apasenvied’enparler,jen’insistepas.J’oseàpeineimaginerlegenredecauchemarsquipeuventlahanter.
Enfin,jedécidedemelaisseralleràuneenviequecettefemmem’inspiredepuislepremierjour.Jeglisseunbrassoussondos, l’autresoussesgenouxrepliésetmelèvepourlaporterjusqu’àsachambre.Une fois seulement, elle pose surmoi un regard interrogateur,mais je secoue la tête ensilence.Pourlemoment,iln’estpasquestiondesexe,maisd’unsimplebesoinobsédantdel’enlacertoutelanuit,deluiapporterunsentimentdesécuritéetd’essuyerleslarmesquicoulentsursesjoues.Elleaassezpleurépourcesoir.
Jel’allongesursonlitavantdereculerdequelquespas,pourreprendremesdistancesuninstant.Bienquelemomentsoitmalchoisi, j’aiencoretrèsenvied’elle.Luitournantledos,jeretiremonjeanetmachemiseavantdelarejoindredanslelit,allongésurlecôtédefaçonàluifaireface.
Unvoiledebrumetombesursesyeuxlorsqu’elleposeleregardsurmoi,etj’adoreça.Jeluichuchoteenl’entourantdemesbras:
—Viensparlà.Lorsqu’elle s’approche, ses lèvres frôlent lesmiennes, les touchantàpeine. Jene lui rendspas
sonbaiser ; elle a besoind’une chosebienprécise et j’ignore encoredequoi il s’agit.Nickydoitchoisir son rythmeetmener ladanse.C’est alorsque sa langueglisse surma lèvre inférieure.Audiableceshistoiresdedanse!
Jelaserreplusfortcontremoietfaisglissermesdoigtsdanssescheveux,danssondos,jusqu’aucreuxdesesreins.Mesmainslacouvrentpresqueentièrement.Elleestsipetiteetfragiledansmesbras!
Meslèvresquittentfinalementlessiennespourseposersursajoue,puisdanssoncou.J’aimeraisexplorerchaqueparcelledesoncorps,maispascesoir.
Labouchecontresanuque,jeluichuchoted’unevoixrauque:—Tuesdélicieuse,j’aienviedemordrechaquecentimètredetoi.Mes mots la font frissonner. Je découvre en souriant qu’elle me désire aussi. J’attendrai. Les
chosesévoluerontbienassezvite.Reculantàpeine,jerelèvesonmentonpourlaregarderdanslesyeux.—Pascesoir,Nicky.Laisse-moiteprendredansmesbras.Nousdiscuteronsdemain.—J’aienviedetoi,moiaussi,murmure-t-elleavantdeselaisseremporterparlesommeil.Ellen’estpasconscientedecequ’ellevientdedire,maisungrandsourireilluminemonvisageet
lesbattementsdemoncœurs’engagentdansunecoursefolle.Silescopainsmevoyaient;jesuisridicule!Gêné parmes propres sentiments, jeme gratte la nuque et soupire profondément. Je finis par
fermer les yeux. La sensation de son corps que je serre fermement dansmes brasme comble debonheur.
Nicky
Lelendemainmatin,jemeréveilleensursaut;lesderniersmotsprononcésparMarcdansmonrêverésonnentencoredansmatête.J’enaidesfrissons.
«Onseratoujourslàpourtoi.Riennipersonneneprendrajamaisnotreplaceet tun’arriveraspasàoubliercequis’estpassé.Maissoisheureuse,Nicky.S’il teplaît,soisheureuse.Fais-lepourmoi.Fais-lepourAndrew.»
Jejetteunregardautourdemoi:personne.J’ignorecequis’estpassél’autresoir,mais,depuis,Zachetmoipassonschaquenuitensemble,danssonlitoudanslemien.Jeneluiaijamaisdécritmoncauchemar,lascènehorriblequej’airevécueentièrement:lavoituredeMarcquipartentonneauxjustesousmesyeuxalorsquejenepeuxrienfaired’autrequehurlerdeterreur.Cesoir-là,jemesuisréveilléeenpleurs,nesupportantplusd’êtreseule.Mondésespoirétaitsiaccablantquej’enaioubliéd’avoirhontelorsquejemesuisréfugiéesursesgenouxcommeunchatonabandonné.
Unepetitechosefragile,voilàdequoij’ail’air.Spontanément,ilasuréagircommeilfallait:ilm’aprisedanssesbrasetm’aembrasséetoutela
nuit.Grâceàlui,moncauchemarn’aplusétéqu’unmauvaissouvenir.J’aienviedeluietjesaisqu’ilfaittoutpournepasprécipiterleschoses.Pourtant,jen’arrivepasàexprimerouvertementmondésircarquelquechosem’empêchedefranchircetteétapedécisive.
En revanche, le rêvedecettenuit était toutautre. Iln’avait rienàvoiravec lecauchemarde lasemainedernière,niavecceuxquim’ontépuiséependantdesmoisaprèsl’accident.
Celui-ci étaitdifférent. Il étaitd’unétrange réalisme.Dansce rêve, je suisdans leparcprèsdenotreanciennemaisonetjeregardeMarcetAndrewjouerensembleaubase-ball;unsamediaprès-midi tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Sous un ciel sans nuages, nous profitons des premièresjournéesdeprintempsoùlesoleilréchauffelavégétationquinousentoure.Cen’estpasderevivredes bribes de mon ancienne vie qui me perturbe, mais le fait de ne plus me sentir aussi affectéequ’auparavant par ce genre de rêves. Jeme repassementalement la scène pour revoir les images,réentendre les mots, mais je ne perçois qu’un sentiment de calme paisible. Marc me donne sabénédictionetsesmotsmeréchauffentlecœur.
Était-cedeçaquej’avaisbesoin?L’odeur du café devient trop prégnante pour être ignorée plus longtemps, alors je me lève et
prendsunedouchefroidedansl’espoirdem’éclaircirlesidées.Une fois habillée, je sors me servir une tasse de café et attrape mon ordinateur portable au
passage.Cematin,ilmefautretravaillerunmaximumdephotosavantquelesautresdescendent;dès
leur réveil, jedevraimepréparerpour leconcertdecesoir.En tantquephotographeofficielledugroupe,jefaisbeaucoupdeprogrès.LenouvelobjectiflivrélasemainedernièreàDétroitmepermetdeprendrebeaucoupplusdeplaisirtoutenfaisantunmeilleurtravail.Celafaitdéjàdixjoursquej’airejointlegroupeentournéeetjem’efforced’oublierque,dansdeuxsemaines,noscheminsdevrontseséparer.
LaperspectivededireaurevoiràZachm’estinsupportable.Jeneveuxpaslequitter.Enrepensantànotresoiréed’hier,j’esquisseunsourire:pendantquelesautressortaientenboîte,
noussommesrestésdanslebuspourregarderunfilm.Dupointdevued’uncouplenormal,l’activitépeut sembler banale ; pourtant, alors quenotre relationn’a encore riend’officiel, la soiréed’hiernousdonnaitclairementunavant-goûtdevieàdeux.
Perduedansmespensées, jemedirigevers lesalonpour travaillersurmonordinateur.Demachambre, j’ai entendu de lamusique qui provenait de cette pièce,mais je nem’attendais pas à cespectacle.
Assis sur un des canapés, Zach joue de la guitare. Il a la tête baissée et les paupières closes,manifestementplongédansunétatdeconcentrationintense.
J’ail’habitudedelevoirtravailler,mais,cequimesurprend,c’estl’airsérieuxqu’ilaffiche.Ilporteunpantalondepyjamaencoton.Riend’autre.Jemefigesurlepasdelaportepournepas
qu’il me remarque. L’envie me démange de me glisser dans ma chambre afin de récupérer monappareilphotoetd’immortalisercetinstantdeperfection,maisjeneveuxpasenperdreunemiette.
Jedéglutis.Lamusiquel’envoûteentièrement.Jecroisn’avoirjamaisassistéàunspectacleaussiirrésistible.
Jeregarderoulersoussapeaulesmusclesdesesavant-brasetdesontorseaurythmedumorceauqu’iljoueàlaguitare.Têtebaissée,ilestplongédanscettechansonquejenereconnaispas,etlaisseparfoisunmurmures’échapperdeseslèvres.Zachestleplusbelhommequej’aiejamaisvu.
—Commentmetrouves-tu?Sansleverlatêteniouvrirlesyeux,ilsentmaprésence.Ressent-illamêmechosequemoi?Cette
déchargeélectriquequiattiremonregarddèsqu’ilpasselepasdelaporte?Finalement,ilcessedejouerpourdoucementleverlatêteversmoi.Sonsouriremedonneenvie
demeprécipitersursesgenouxetdel’embrasseràpleinebouche.Lesmotsmemanquent,alorsjemecontentedeledévorerduregard.Ilpinceleslèvrespourretenirunéclatderire.
—Jenet’aipasréveillée,aumoins?pouffe-t-il.—Non,net’inquiètepas.Si seulement je pouvais trouver autre chose à lui dire et oublier ainsi mon désir obsédant de
promener mes doigts sur son torse et d’en mémoriser chaque courbe avant de retourner àMinneapolis.Avant de rentrer chezmoi…Voilà quime fait redescendre brusquement sur terre. Jeposematassedecaféetmonordinateursurlapetitetableetprendsuneprofondeinspiration.
—Jevaispréparerlepetitdéjeuner.Tuveuxuneomelette?UntourencuisinemepermettradeprendremesdistancesavecZachetdemeremettrelesidées
enplace.—Tuveuxcuisinerpourmoi?L’airétonné,Zachselèveets’avanceversmoi.Jeleregardes’approcher, torsenuetplussexy
encore qu’avec une guitare dans les mains. Je reste bouche bée devant ses tablettes de chocolatparfaitementdessinées,cequinemanquepasdelefairesourire.
—C’estvraimentgentil,merci.Zachs’arrêteàquelquescentimètresdemoietposelesmainssurmeshanches.Lecontactdeses
doigtsmefaittressaillir.Puisilpenchedoucementlatêteetdéposeunbaisersurmeslèvres.—Jerevienstoutdesuite,susurre-t-ilàmonoreille.Jevaism’habiller.—Excellenteidée.J’aime levoir seulementvêtud’unpantalondecoton,mais si jeneveuxpasmettre le feuà la
cuisine,ilvautmieuxqu’ils’habille.Mesjouesvirentaurougeécarlate.Zachsemetàrireavantdetournerlestalons,puissalueJake
quidescendl’escalier.Pourmapart,jem’envaiscasserdesœufs.—Génial,Nic!Tunouscuisinesunpetitplat?Maisd’oùluivientcetteénergiedébordantedèslematin?Avantmapremièretassedecafé,Jake
estpresquetropdynamiquepourmoi.Jeluisourismalgrétout,carsaprésencememettoujoursdebonnehumeur.
Puisqu’il est là, j’ouvre le frigo et sors quelquesœufs supplémentaires, le laissant prendre cegestepourunoui.AprèsZachetMia,Jakeestentrédansletop3despersonnesquej’apprécieleplusaumonde. Il a toujours le sourire aux lèvres et lemot pour rire.Depuis la semaine dernière, lesgarçonsontEthanà l’œilet redoutentunnouveauscandaleàcausedesonaddiction.Cettehistoireplombeunpeul’ambiance;toutefois,l’atmosphèrerestedétenduegrâceàl’énergiepositivedeJake.
—C’estsuper,onnem’apascuisinéderepasdepuisdessiècles!Une fois les œufs dans la poêle, j’entreprends d’émincer le jambon et de râper le fromage,
lorsque je sens soudain la présence de Zach derrièremoi. La cuisine est petite pour nous trois etimpliqueuneproximitéquimedonne l’impressionque la températureagrimpédedixdegrés ; leréchauddontjemesersn’yestabsolumentpourrien.
PouragacerZach,Jakeluilancejoyeusement:—Tafemmememitonneunpetitplat,mongars!Tafemme.Unfrissonmeparcourtl’échine.—Mafemme,hein?s’amuseZachens’approchantderrièremoi.Jesursautelorsqu’ilmeprendparlataille,attirantdélicatementmondoscontresontorse,puisil
penchelatêteau-dessusdemonépauleetmechuchoteàl’oreille:—J’aimeentendrecesmots.Sonsouffleestdélicieusementchaud.Ilmemordillel’oreille,sibienquemesyeuxs’enflammentdeplaisir.Laréactionimmédiatede
moncorpsàsoncontactl’amuseénormément.Jenesuispasrassasiéedelui.Zachs’éclipseaussivitequ’ilestarrivéetunfrissonmeparcourtl’échine.Ilmelaisselà,latête
danslesnuages.J’enperdslefildemespensées.—Tesœufsvontcramer,mefaitremarquerJakedansunéclatderire,avantdes’asseoiràtable
prèsdeZach.Encore étourdie, je les rejoins quelques instants plus tard enportant les assiettes sur les avant-
bras;unecompétenceacquiseàl’époqueoùjetravaillaiscommeserveuseauJack’sBar.Je prends place en silence pendant que les garçons discutent du concert à venir. La salle de
Philadelphie leur offre l’une des plus grosses scènes qu’ils aient faites jusqu’alors et le concertaffichecompletpourcesoir.Jelesécouted’uneoreille,maislesouvenirdesparolesdeMarcdansmonrêvenecessedemetourmenter.Sesmotssonnaientsijuste…
—Çava?Zachmepressedoucementlacuisseetmeramèneàl’instantprésent.Mesyeuxseposentsurlui,
puissurJake,quinecomprendpascequim’arrive.—Oui,çava.
Maréponsesonne faux.Dansunsoupir, je les regarde tourà touravantde tourner la têteversChasequivientnousrejoindre.
Lesujetdel’accidentrestedifficileàaborder;jenesuispassûredepouvoirenparlerdevanttoutlemonde.Toutefois,lesgarçonssontdevenusdesamisprochesetjemesensenconfianceaveceux.Peut-êtreque,aucontraire,ilesttempsdeparler,neserait-cequ’enabordantlesujet.
—J’aiencorerêvédeMarc.Lesimagesontdumalàs’effacerdemonesprit.Zachprendunairsoucieuxetjefroncelessourcils.EtsilefaitdeparlerdeMarcl’agaçait?—Excuse-moi…Gênée,jereplongedansmonassiettedontlecontenuarefroidi.Délicatement,Zachtournemon
mentonverslui.—Net’excusejamais,souffle-t-il.J’oublielaprésencedeChaseetJakeàcôtédenous.Toutcequim’importe,cesontlesyeuxde
Zachrivéssurmoi.—Net’excusejamaisparcequ’ilstemanquent,Nic.J’acquiesced’unhochementdetêteetprendsunebouchéedemonpetitdéjeunerfroidpournepas
avoiràluirépondre.—QuiestMarc?demandeprudemmentJake.Chasenelèvepaslenezdesonassiette;ilaétémisaucourantparZachouMia,c’estévident.Je
neleurenveuxpas.Etpuis,cen’estpasunesurprise:Miaetluiontlonguementdiscuté,elleluiasansdouterévéléquelquesdétailsconcernantmonpassé.
—MarcétaitmonmarietAndrewétaitmonfils.Ilsnousonttouslesdeuxquittés.Jakeécarquillelesyeuxd’horreur.Chasesefigeuninstant,puisreprendunebouchéedenourrituresansjamaisleverlesyeuxvers
moi.Saréactionconfirmemesdoutes:ilsaitquelquechose,sicen’estpastoutel’histoire.Zachmeprendparlesépaulesetmeforceàmetournerverslui.—Tuveuxm’enparler?Unesecondesuffitpourme fairecomprendrequ’il estprêtàm’écouter.D’ailleurs, jecroisen
avoirbesoin.Jeveuxqu’ilsachetoutdemoietdemaviepassée.Unrapidecoupd’œilversChaseetJakem’informequecetteconversationlesintéresseégalement.
—Dansmonrêve,noussommesdansleparcprèsdenotremaisonetjeregardeMarcjoueraubase-ballavecAndrew.
Dansl’espoirderetenirmeslarmes,jememordslajoueetboisunegorgéedecafé.—Toutsemblaitsiréel,j’avaisl’impressiond’yêtre.Cen’estpastantlerêvequimetrouble,que
lesmotsdeMarc…Mavoixs’érailleetjelèvelesyeuxversZach.Ilattendpatiemmentque jereprenne,melaissant tout le tempset l’espacedont j’aibesoinpour
déciderdeceque jeveuxpartagerouaucontrairegarderpourmoi,commeilsaitsibien lefaire.Aprèsuneprofondeinspiration,jereprends:
—Marcmeditqu’ilsaitqu’ilsdevrontpartir,etquelejouroùçaarriverajedevraifaireface.Ilmeditquejedoisfaireensorted’êtreheureuse,mêmesic’estdifficile.
—Jesuissûrquec’étaitunmecbien,Nicky.Je hoche la tête. À quoi pense Zach en m’écoutant parler de Marc ou d’Andrew ? Il semble
prendreleschosesplutôtbienetaccepterqu’ilsferonttoujourspartiedemavie,demessouvenirs.Cettedélicatessede sapart fait grandir enmoi l’attachementque j’éprouvepour lui ; ilm’acceptecommejesuis,avecmonpasséetmestourments.Jetournelatêtepourluicachermatristesse.Cette
fois,jenesuispastristeàcausedemonpassé,maisàcausedupeudetempsqu’ilmeresteàpasseravecZach.
—Oui,c’étaitunmecbien.—CommentétaitAndrew?Jakeme fait sourire. Voilà pourquoi j’adore cet homme ; quelle que soit la situation, il saura
prouverquelavieestbelle.Iltrouvetoujourslaphrasequimeferasourire.Etjesouris.Jusqu’auxoreilles.CommentluidécrireAndrew?—Ilétaitl’enfantleplusparfaitaumonde.Mon sourire n’évoque pas lamélancoliemais la paix intérieure.C’est fou l’apaisement que je
peuxressentirmalgrélesujetabordé.Àcroirequeplusj’enparle,plusilm’estfaciledepoursuivrel’histoire.Peut-êtrequelasolutionestlà:sijepartagemessouvenirsaulieudelesgarderenfouis,celapermettradefaireperdurerleurmémoire.
Jakelèvelesyeuxauciel.—Touteslesmèresracontentlesmêmesbanalités.Donne-moiunemeilleureréponse.Ilnefautpasmelediredeuxfois;déjà,jepartageaveceuxtouslessouvenirsqu’ilmerestede
monfils.ChaseetJakerientavecmoi.Garrettapparaîtsurleseuildelacuisineets’installeàtable,sansm’interromprepourautant.Ilestdevenucommeunfrèrepourmoi,aumêmetitrequelesautres.Jakesepencheversluipourchuchoteràsonoreille.
Àplusieursreprises,jechasseleslarmesquicoulentsurmesjoues,deslarmesdetristessemêléeàdubonheur.L’horloge tournealorsque je leur racontemessouvenirs,et,dudébutà la fin,Zachresteprèsdemoi,unbrasautourdemesépaules,l’autremaintenantlamiennesursesgenoux.Sonaffectionpourmoigranditàchaqueinstant,jelesens.Leseulfaitdeletouchermedonnelaforcedepoursuivremonrécit.
—Aucœurd’unhiver,alorsqu’Andrewavaitpresquetroisans,ildevaitfairemoinsdixdegrésdehors.Uneépaissecouchedeneigerecouvraittoutlejardin.Pendantqu’iljouaitauxLegoenhautdans sa chambre, je préparais le déjeuner dans la cuisine. En regardant par la fenêtre, j’ai vu desvêtementsetdesjouetséparpilléspartoutdanslaneige.Jemesuisprécipitéeàl’étage:lafenêtredesa chambre était grande ouverte et la moustiquaire arrachée. Je suis devenue folle. (Des larmesamuséescoulentsurmesjouesàcesouvenir.)Jesuisdevenuehystérique.Commejelegrondais,ilaeupeurets’estmisàpleurer.J’étaisfurieusequ’ilaitcassélamoustiquaire.Jel’aiemmitouflédanssonblousonet forcéàdescendre tout récupérer.Lorsqu’ilest rentré, il avaitentièrement rempli lapoubellequej’avaisinstalléedehorspourqu’ilymettesesaffaires.Lesvêtementsétaienttrempés,lesjouetsglacés…Etpuisjemesuisexcuséeetluiaipréparéunbonchocolatchaudpourleréchauffer.(Avec un petit sourire, je secoue la tête.) Deux ans plus tard, aumoment de vendre lamaison, jeretrouvaisencoredesLegodanslejardin.
Lesminutespassentetjepoursuismonhistoiresansmesoucierdel’heure.Lesmotsmelibèrentd’unpoidsjusque-làécrasant.Jemesenslégèrepourlapremièrefoisdepuisl’accident.Auboutd’unmoment,lesgarçonsproposentderépéterunmorceau;c’estuneexcusepoursortirdetablesansmemettremalàl’aise.Unélanfraternelnousréunitetilss’approchentpourmeserrerdansleursbrasenremerciementdelaconfiancequejeviensdeleurtémoigner.
Enfin seuls. Zach dépose un baiser surmon front. C’est son tour deme réconforter. Ce gesteinnocentfaitdéferlerenmoiunevaguedechaleur.
Ilmevoitrougiretmedemanded’untontaquin:—Qu’est-cequ’ilya?J’aimerais luidireque je ledésire,mais jen’yarrivepas.Pourtant, lemomentest idéal :nous
sommesseuls,l’ambianceapaisées’yprête,maisaprèstouteslesconfidencesquejeviensdefaire,ceseraitétrange.Aulieudecela,jepréfèreluidévoilerunautresecret.
—J’aifaitpartied’ungroupe,ilyalongtemps.LevisagedeZachexprimeclairementlasurpriseetlescepticisme.Ilmefaitsourire.—Dansunefanfare?—Trèsdrôle…Non.Miaetmoiavonsmontéungroupequandonétaitaulycée.Ons’appelait
LesDoigtsdefées.—LesDoigtsdeFées?répète-t-il,dansunéclatderire.—Oui,jesais…C’étaitungroupedefillesetonportaittoujoursduvernisàongles.Arrêtedete
moquer,onavaitquinzeans!Entoutcas,Miaétaittrèsdouée.Ellejouedelaguitaredepuistoujours.Maisonafinipararrêterlegroupefautedebatteuse.Àl’époque,onrépétaitchezmesparents.
—Quelinstrumentjouais-tu?—Pianoetsynthé.—Vraiment?Ettuesdouée?Sessourcilstrahissentsonexcitation.—Jesuislameilleure.Jen’aijamaisrienditd’aussiprétentieux,maisjen’aiplusenviedejouerlestimoréesavecZach.
Dansunhaussementd’épaules,jefaisminedetrouvercelanormal.—Arrête!Tuessérieuse?L’éclatquiluitdanssesyeuxmefaitéclaterderire.Ilcroitquejeplaisante,maisilatort.—Pendanttreizeans,j’aiprisdescoursdepianoetdesolfège,puisj’aipoursuivienétudiantla
musiqueàlafac.Ensuite,jemesuisentraînéeseuleàjoueràl’oreille.Ilmesuffitd’uneécoutepourrejouer n’importe quelmorceau. Enfin, c’était le cas à l’époque.Depuis, j’ai dû perdre un peu lamain.
—Joueavecmoi.Unhochementdetêtehorizontaletcatégoriqueaccompagnemaréponse:—Horsdequestion!—Allez!Onfaitlesbalancesdansuneheure,onpourraitenprofiterpourjouerunmorceau!Monhésitation lui sauteauxyeux. J’aiemballémonclavierdansuncartonaumomentdemon
déménagement ;encoreunaspectmusicaldemonanciennevieque j’ai laisséensuspensdepuis ledécèsdeMarc.
—Àmoinsquetun’aieslatrouille?Ilmefaitpenseràunécolierquidéfiesoncamaradedelécherunpoteaugelé.Zachconnaîttrès
bienmontalond’Achille:jesuisincapablederésisteràunpari.Jeluiaiparlédudéfiquem’alancéMiaetquejen’aipassurefuser,lesoirdenotrerencontreauJack’sBar,et jepaieaujourd’hui lesfraisd’unetelleconfidence.
Jepousseunsoupirforcé.—Jerefusedejoueravecundieudurock.—Undieudurock?Hésitante,jehochelatête.—C’estcommeçaquet’appellenttesfans.Ils’adosseàsonsiègepouryréfléchiruninstant.Cen’esttoutdemêmepaslapremièrefoisqu’il
entendcesurnom!—J’aimebien.Jevaislefaireimprimersurdestee-shirts.Entournantlatête,jepousseunlégergrognement.
—Entoutcas,aujourd’huijenepeuxpas.L’aviondeMiaatterritenfind’après-midi,jedoislarécupéreràl’aéroportetl’amenerdirectementàlasallecesoir.
Jemelèvedetable,maissavoixm’arrêtedansmonélan.—Darreniralachercher.Rienqu’unechanson.S’ilteplaît…Comment peut-il me faire céder simplement en disant : « s’il te plaît » ? Ce n’est pas une
supplication,mais le regard intensequ’ilme lanceenprononçantcesmotsme laissecroirequesij’accepte,ilseral’hommeleplusheureuxdumonde.Sonregardestpleind’espoiretjeneveuxpasledécevoir.
—D’accord.Rienqu’unechanson.Jem’éloigne,lesourirejusqu’auxoreilles.
Chapitre11
Moncœurbatlachamadeetiln’yarienquipuissemecalmer.Pourtant,jenesuisqu’enprésencede Zach, des autres musiciens et de quelques techniciens occupés à vérifier les branchements desamplisetdeslumièrespourleconcertdecesoir.
Ilnemanqueplusqu’Ethan.Avec Zach, nous sommes arrivés en avance aux balances afin de me laisser le temps de
retravailler ensuite quelques photos avant l’arrivée deMia. Je ne partageais pas l’enthousiasmedeZachàl’idéed’unduoimprovisé,maisluiétaitauxanges.
Hélas,leplaisiraétédecourtedurée;Chaseestvenunousannoncerqu’Ethanavaitdisparudelacirculation.Son téléphoneétaitcoupéetpersonnenesavaitoù ilétait.Debonnehumeur jusque-là,Zachs’estaussitôttransforméenbouledenerfs.
Maintenant, l’ambiance sur scène est si pesante que j’ai du mal à respirer. Le retard d’Ethanénervetoutlemonde;c’estlapremièrefoisqu’ilneprendmêmepaslapeined’avertirquiquecesoit.
Le concert commence dans quelques heures à peine et il pourrait se trouver n’importe où àPhiladelphie. Peut-être qu’il s’est shooté on ne sait où, qu’il est tombé dans les pommes dans uneruelle.Oupeut-êtrequ’ilasimplementdécidédemontersurscènequandbonluisemblera.Leplustroublantpourlesautresmembresdugroupeestdenepassavoirs’ilspeuventcomptersurlui.
Iln’yaqu’unechoseàlaquellej’aipensépourapportermapartderéconfort:jeleuraiproposéde jouer lespartiesd’Ethan le tempsdesbalances.Mais,maintenantqu’il fautpasserà l’acte,moncœurs’affole.Àchaqueseconde,jepriepourqu’Ethanfranchisselepasdelaporteetmesortedelà.
Zachs’approchedemoi.—Tuessûrequeçanetedérangepas?—Disonsquec’estmoiquivousl’aiproposé.Çanem’empêchepasd’êtreterrifiée.Depuisl’âgedecinqans,j’aidonnédenombreuxrécitalsdepianosansjamaisavoirletrac.Ce
soir,c’estdifférent:jejoueavecdesprofessionnelsdansuneimmensesalledeconcertoùilyauraaffluence dans quelques heures à peine. Et si Ethan ne venait pas du tout ? J’espère qu’ils nes’attendentpasàmevoirremplirtoutessespartiespourunconcertentier!
Bonsang,qu’est-cequejefaisici?Soudain, Zach s’agrippe à ma taille pour me coller tout contre lui. S’il pense calmer mon
angoisse, c’est raté. Et puis, je respire son parfum avec délice. Il est d’une virilité troublante. Saproximitémetrouble,maisd’unetoutautremanière.Ilposesapaumesurmanuqueetmeforceàleregarderdanslesyeux.
—Tupensespouvoirgérer?Non,jenegèreriendutout.J’aienviedevomir,maisjepréfèregardercedétailpourmoi.De
toutefaçon,ilneparlaitpasderessentimaisdetalentd’improvisation,alorsj’acquiesce.—Tu les connais toutes par cœur,maintenant. Si tu es aussi douée que tu le dis, alors tu t’en
sortirastrèsbien.Saconfiancemeflatte,maisilnem’atoujourspasentenduejouer.Mêmesijefaisaislamaligne
cematin,ilnemeresteplusunemiettedeconfiance.Jenerépondsrien.Lorsqu’ilestaussiprochedemoietqu’ilmeserredanssesbras,jen’arrive
plusàrespirer,àpenser,nimêmeàmerappelermonprénom;alorslesmorceauxentenduscesdixderniersjours,cen’estmêmepaslapeined’ysonger.
Angoissée, jememordille la lèvre inférieure.Le regarddeZachs’assombritaussitôt.Cegesteinstinctifetsensuelprovoquesondésir,j’ensuisparfaitementconsciente.Bienquecenesoitpasmonbut dans l’immédiat, je sens mon corps réagir malgré moi à son regard de braise. Soudain, ils’approche pour poser un baiser sur mes lèvres, avant de s’arrêter net pour réprimer ce gesteimpulsif.D’instinct, jem’agrippeà sachemisepour l’attirerplusprèsdemoi. Je saisquenousnesommespaslàpourçaetj’ailevaguesouvenirquenousnesommespasseuls,maisdèsl’instantoùleslèvresdeZachtouchentlesmiennes,plusrienn’existeautourdenous.
Il s’écarte aussi vite qu’il est venu et me laisse là, encore étourdie et haletante. Je souris enm’apercevantqu’ilestdanslemêmeétatquemoi;j’aimesavoirquejeluifaisceteffet.
—Net’occupepasdelamusique.Jouecequeturessens.Aprèsundernierbaisersurmonfront,ilfaitsigneauxtechniciensderrièreleurtabledemixage,
puissepositionneàl’avantdelascène.Jakeenfilelasangledesaguitareets’approchedemoipourbrancherl’instrumentàl’ampli.—C’étaitlascènelapluschaudequej’aiejamaisvue.—Laferme,Jake.Intérieurement,unevoixmeditquecetélandetendressedevanttoutlemondedevraitmemettre
mal à l’aise,mais je souris sans aucune gêne.Et puis, çam’a permis d’évacuer la tension quimeparalysait. Zach savait pertinemment ce qu’il faisait ; en cet instant de désir passionné, toutemonangoisses’estvolatilisée.
Chasedonnelerythmeenmartelantlagrossecaisse,puisfaitclaquersesbaguettespourlancerlepremiermorceau.Surquelquesmesures,jelesécoutejouer,commemel’ademandéZach.Unefoislepremiercouplet terminé, j’aientêtetouslesaccordset lesplaquesurleclaviercommeleferaitEthan.Nousarrivonsàlafindecettepremièrechanson,et,déjà,jemelaisseemporterparl’énergiedugroupe.Mevoilàdansmonélément.Ilaurafallucemorceaupourmerappelerquelamusiquememanquaitprofondément.
Alorsquenouslaissonsdurerladernièrenote,jeretiensmonsouffleetdécocheungrandsourireàZach.Ilmelerendavecplaisir.J’ysuisarrivée.Cen’étaitpasparfait,niaussibienquel’auraitjouéEthan,maisjel’aifait.
—C’étaitgénial,Nicky!L’exclamationdeChasemefaitsouriredeplusbelle.—Tuespeut-êtremêmemeilleurequ’Ethan.JelèvelesyeuxaucielàlaremarquedeJakeetsecouelatête.—Tuplaisantes?J’aientenduEthanjouer,ilestexcellent.Jen’airienfaitd’assezextraordinaireetneméritepasun
telcompliment.Nousenchaînonstroisautreschansons.Letempssesuspendetlamusiquemetransporte,j’aila
sensationderevivre.Ladernièrefoisquejemesuissentiesilégèreremonteàmesannéesd’études.Cet instant est plusmagique que tout ce que j’ai pu vivre jusqu’alors : je suis sur scène avec ungroupepro,devantunemerdesiègesvidesquiseremplirontbientôt.
—C’estquoicebordel?Qu’est-cequ’ellefoutlà,elle?!Lavoixd’Ethan,figésurlecôtédelascène,nousfaittoussursauter.Iltangued’avantenarrière,
manifestementsousl’emprisedejenesaisquelproduit,etsesyeuxvitreuxlancentdeséclairs.Lespoingsserrés,ilmontesurscèneetsedirigedroitversmoienclaquantdestalons.Jereculeaussitôtpourm’éloignerduclavier.
—Ellevoulaitnousaider,Ethan!Onnesavaitpasoùtuétaispassé.LacolèrequisedégagedelavoixdeZachmefaittressaillir.Unefoisprèsdemoi,ilentourema
tailled’unbrasprotecteur,lesyeuxtoujoursrivéssurEthan.Cedernierbafouilledessonsincohérents,puissetourneversZach.—OK,jesuisenretard,etalors?Il titubeendirectionduclavieret s’y rattrape justeà tempspournepas tomber. Il tientàpeine
debout,jemedemandes’ilestcapabledejouer.—Etjeneveuxplusvoirtagonzesses’approcherdemonclavier!LamaindeZachquittematailleetilavanceversEthand’unpasmenaçant.Toutcequejeveux,
c’estdécamperavantquelasituationnedégénère.Ethanmefusilleduregardetçanemedonnepasenviederesterdanslesparages.
—ArrêtedeparlerdeNickycommeça.Jetejurequec’estladernièrefois!Etsitunousrefaisuncouptorducommeaujourd’hui,jeteviredematournée.C’estclair?
Zach se retourneversmoiet,dansun soupir, se frotte lanuqueen fulminant. Je le trouveplusirrésistiblequejamaislorsqu’ilsegrattelatêteetquesesmusclesroulentsoussapeau.Maiscen’estpaslemomentdeluifairepartdemonébullitionhormonale.Uneseulechoseimporte:jedoisquitterla scène et retourner àmon travail. Ilme reste de nombreuses photos à éditer, ce quim’aidera àoublierleregardnoirquemelanceEthan.
—Mercidenousavoirdépannés,Nic.Ausynthé,tueslameilleure.LecomplimentdeZachmefaitleverlesyeuxauciel.L’expression«l’amourestaveugle»estde
mise:jenesuispasplusdouéequelamoyenne,mêmesijemedébrouilleplutôtbien.Jeluisouristimidement.
—C’étaitsympa,entoutcas.Entrel’adrénalined’avoirjouéaveceuxetl’arrivéed’Ethan,jesuisàboutdeforces.D’ailleurs,
cetypen’apascessédemefoudroyerduregard.Enledésignantd’ungestedumenton,jeproposeauxgarçons:
—Vousvoulezquejeluirapporteunpeudecaféavantdevousyremettre?—Trèsbonneidée,lecafé.Maiscen’estpasàtoidet’encharger,quelqu’und’autrevalefaire,
merépondZachensepenchantpourm’embrasser.Saboucheest salée, il adéjàprisuncoupdechaud sous les lumières,pendant lesbalances. Je
passelalanguesurmalèvresupérieureenluifaisantunclind’œil,puism’éclipsehorsdelascène.Parmi lescentainesdephotos, j’aiquelquesperles.Parexemple, ilyacellesoùZachetChase
travaillentleursnouveauxmorceaux,assisfaceàfaceetlatêtepenchéeenavant.Leurpassionpourlamusique et l’intensité de leur investissement se dégagent de leursmines concentrées.Mia est sansdoutedéjàenroutedanslavoituredeDarren,maisjelesluienvoiemalgrétoutenpiècesjointesd’une-mail.Ellevalesadorer.Quelquechosemeditquecesclichéstrouverontleurplaceprèsdesonlittrèsbientôt.Cettepenséemefaitsourire.
Lorsquelaportes’ouvrebrusquement,uncridejoiem’échappeetjemeprécipiteverselle.—Mia!
Ellem’atellementmanqué!Cen’estqu’unefoisdanssesbrasquej’enprendsconscience.—Salut,toi!mecrie-t-elledanslesoreilles,sifortquemestympansvontexploser.C’estsibon
deterevoir!Avecsaminijupenoireetsesbottesauxgenoux,elleestencoreplusradieusequeladernièrefois
quejel’aivue.Elleporteunjolihautbleucieléchancréquilaissesesépaulesnues.Nousnousasseyonsetjeluidonnelesdernièresinformationsausujetd’Ethan.Ellenesemblepas
très surprise. Manifestement, elle a parlé avec Chase plus souvent que je ne le crois depuisMinneapolis.
C’estassezsurprenantdesapart.Sacarrièreesttoujourspasséeavanttout,tandisquelesgarçonsfrappaient à sa porte les uns après les autres. Elle fréquente les hommes comme elle achète denouvellespairesdechaussures.Jerangeunequestiondansuncoindemonespritpour la luiposerplustard:ques’est-ilpassédepuisleurpremièrerencontre?Ellem’enparlerait,sic’étaitsérieux.Etpuis,ilsneseconnaissentquedepuisdixjours.
Perdue dans mes pensées, j’entends à peine Mia mentionner son site people préféré :actudesstars.com.Ellemelanceunregardinquiet.
—Quoi?J’aiperdulefildenotreconversation.—J’aidit:ilyadesphotosdetoietZachensembleàBoston.Quoi?—Desphotosdemoi?!Lesmotspeinentàsortirdemabouche.Monestomacsenoue,sibienquejejetteunrapidecoup
d’œilautourdemoiàlarecherched’unepoubelle,aucasoù.DesphotosdemoisurInternet?Non,çanepeutpasrecommencer…
—Ouais…Tunesavaispas?Savoixs’adoucitlorsqu’elleperçoitlapaniquequim’envahit.—Jecroyaisquetuétaisaucourant.Ilyaquelquesclichéstrèsréussis.Tuasl’airheureuse,sur
cesphotos.—Commentveux-tuquejesoisaucourant?Jenevaisjamaissurcessitesdébiles!Est-cequ’ils
mentionnentmonnom?Biensûrquenon,cesfichuspaparazzisnesaventriendemoi.Miamesaisit lesmainspourles
tenirfermement;jen’avaispasremarquéquejetremblaisàcepoint-là.Lesyeuxfermés,jeprendsune profonde inspiration, puis secoue la tête, incapable de prononcer un mot. C’est alors que jedécided’ouvrirmonordinateurportableàlarecherchedecesiteInternet.Uncrim’échappe.
—Toutvabien,Nicky.Mia nem’appelle jamais autrement queNic. Jamais. Si elle le faitmaintenant, c’est sans doute
parcequ’elleprendconsciencequejesuisàdeuxdoigtsdeperdrelespédales.Commentpeut-ellemedirequetoutvabien?Ilsuffitd’unfan,d’untechnicien,d’unchauffeurde
bus,n’importequi;unepersonnequiconnaîtmonnometsefichedesavoirquemavieprivéedoitresteranonyme.Ensuite,unsimpleclicsuffirapourrévélermatragédiefamilialeauxyeuxdugrandpublic.Encoreunefois.
Jerefusederevivreça.Aprèsl’accident,j’aisouffertpendantdesmoisduharcèlementdesradios,du journal etdesmagazinesqui s’arrachaient l’histoirecroustillantedeMarc,d’Andrewetde leuraccidentmortel.C’étaitlescandaleannuelduMinnesota.Lafilledugouverneurprovoqueunaccidentmortelenécrivantuntextoauvolantdesavoiture,lamèrementauxmédiaspourendosserlesfaitsetcouvrirsafille;mêmelesinfosnationaless’ensontdonnéàcœurjoie.Lesjournalistesonttrèsvite
entenduparlerdel’accordàl’amiableetc’étaitrepartipouruntour.Jenedemandaispourtantqu’unechose : qu’onme laisse en paix avecmon chagrin. Je venais de perdrema famille, personne n’arespectémondeuil.Toutrisquederecommencer.
Sur les photos, on nous voit, Zach et moi, dans les coulisses d’un concert donné la semainedernière,puisdansunclubprivéoù ilsm’ont forcéeà les accompagner.Nousne faisions riendeparticulier;j’étaisàlatableVIPetn’aipasvouludanser,maisçanem’apasempêchéedepasserunetrèsbonnesoirée.JebuvaisquelquesmartinispendantqueChaseetGarrettignoraientroyalementlesavancesdefillesentreprenantes.Desoncôté,Jakeneseprivaitpas,aucontraire.
Envoyant toutes cesphotos, j’ai la têtequi tourne, commecoincéedansun entonnoir. J’ai desvertiges, une envie de vomir me prend à la gorge et je me mets à transpirer. C’était pourtantprévisible ! Ces mots tournent et retournent dans ma tête. Et d’autres mots se joignent à eux : jen’auraisjamaisdûmonterdanscebus.
Pendant cette fameuse soirée, Zach ne m’a pas quittée d’une semelle. Sur une photo, nousdiscutons en coulisses : on voit qu’il a son bras autour demes épaules et qu’il me sourit. Jemesouviens, il essayait deme convaincre de sortir avec eux ce soir-là. Sur une autre, nous quittonsjustement leclub.Ilmeprendpar la taille, je leregardeensouriantalorsquenousnousdirigeonsverslavoiture.Jen’aipourtantvuaucunphotographe!Surcelle-ci,j’ail’airtotalementamoureusedelui.Etc’estlecas.J’aicettemêmeexpressionchaquefoisqu’ilplongesonregarddanslemien;lerestedumondes’effacedèsqu’ilestprèsdemoi.
J’ailesnerfsenpelote,et,commesiçanesuffisaitpas,l’articlepubliésouslaphotoenrajouteunpeuplus.
« La romance en pointillés de Zach et Rachel semble, encore une fois, mise entreparenthèses.LedieudurockapassélasoiréeàBostondanslesbrasd’unefaninconnue.D’aprèsnossources,ilsseseraientrencontrésencoulisses.Quoiqu’ilensoit,latroisièmetournéedeZachs’annoncedéjàcommelaplusréussiedesajeunecarrière.»
Aumoins,satournéeremporteunfrancsuccès.Jen’arrivepasàlecroire.Onm’apriseenphotoàmoninsu.Pireencore:j’aiétéassezstupide
pour accepter de l’accompagner en tournée sans m’arrêter une seconde pour réfléchir auxconséquences.Jen’yaimêmepaspensé!Lerisquedemefairephotographiersijesortaisavecluienpublicétaitpourtantévident!Jemeprendslatêteentrelesmains.Jen’arrivepasàcroirequejen’aierienfaitpourempêcherça.
Etpuis,quiestcetteRachel?—QuiestRachel?L’espaced’uninstant,Miameregardecommesij’étaisladernièredesdemeurées.—C’est une chanteuse, une pop star. Son premier album est sorti l’année dernière. Zach a eu
une… liaison avec elle pendant un an.Mais je ne crois pas qu’il l’ait revue depuis le début de latournée.Detoutefaçon,d’aprèslesrumeurs,cen’étaitpassérieuxentreeux.
Samanière de prononcer « liaison »me donne des frissons. Ils se voyaient uniquement pourcoucherensemble,maisMianeveutpasmeledireaussiclairement.Intérieurement,jebouillonnedepenserqueZachaitconnud’autres femmes.Pourquoicelamefait-ilceteffet?J’yréfléchiraiplustard.
—Pourquoinem’enas-tupasparléplustôt?!Mia!Ilsuffitd’unepersonnepourdévoilermonidentitéàlapresse!Cetenfervarecommencer!
Quandjepensequej’aicruànotrehistoire.Zachetmoisommesàl’opposél’undel’autre,jenepourrai jamais fairepartiede savie.Le risqueest tropgrand ; jene supporteraisplusdevoir lesportraits de Marc et Andrew brandis en porte-étendard d’une campagne contre les dangers dutéléphoneauvolant.L’implicationpolitiquedelafamilledelaconductricen’apasarrangéleschoses.Mon intuition tentaitdeme retenirdemonterdanscebus, jen’avaisaucune idéede l’ampleurdesconséquences.
Laporte s’ouvre surZach, le visagedéconfit.Avec sesbottes noires demilitaire, son tee-shirtdélicieusementmoulant,sonjeandélavéetsachaînependueàlaceinture,ilportel’attirailcompletdela rockstar.Maismesyeuxsedétournentdéjàdesoncorpsd’athlète.Unepersonneplus fortequemoisauraitpeut-êtrefairesemblantd’allerbienetluicacheraitsonmal-être,enparticulieràquelquesminutesdudébutduconcert,maispasmoi.J’ignorequelleheureilest,maisMiadevaitarriveruneheureavantquelesgarçonsmontentsurscène.Lapremièrepartiedevraitdoncdéjàavoircommencé.
—Quelquechosenevapas?Zach se précipite versmoi,mais je secoue la tête. Lesmots se coincent dansma gorge ; que
pourrais-je lui dire ? Puis-je lui en parler ? Devrais-je faire mes bagages ? Est-ce si important,puisque,detoutemanière,ilestprévuquejepartedansdixjours?
—Nicky,dis-moicequinevapas.Iltournemonsiègepourmeforceràleregarderenfaceets’accroupitdevantmoi.LavoixdeMian’estqu’unéchoquisemblevenirdetrèsloin.Zachmeprendalorslamain,mais
mesyeuxrestentrivéssurmespieds.Jen’arrivepasàleregarder.—Jemeficheéperdumentdecettefille.—Cen’estpasça…Jemurmureàpeine,magorgemebrûletellement.Leslarmescoulentsurmesjouesdèsl’instant
oùjelèvelementonverslui.—Alorsdis-moicequinevapas.Qu’est-cequitemetdanscetétat?—C’estl’accident…Mesyeuxmouillésseposentsurlessiensetjeprendsuneprofondeinspiration.—Au volant de la voiture qui a heurtéMarc et Andrew, il y avait la fille du gouverneur du
Minnesota.Elleavaittoutjusteseizeans.Pourlaprotéger,samèreamentiendisantquec’étaitellequiconduisait.
Jemarqueunepauseenfermantlesyeux.—Quandlapresseadécouvertlemensonge,lescandaleafaitlaunedesinfosnationalespendant
desmois.Zachsecouelatête.—Quelrapportya-t-ilaveclesphotos?Avecnous?Nous.Jepousseunsoupir.C’estlapremièrefoisquel’undenousutilisecemotcommesinous
étions unvrai couple.Mon cœur se serre de douleur ; je l’entends le prononcermaintenant, alorsqu’ilesttroptard.Jedoispartir,illefaut.Iln’yaaucunavenirpourZachetmoi;passijen’arrivepasàsurmontercetteépreuve.
—Zach, les journalistesont fait lepieddegruedevantmaportependantdesmois.Lorsque lafamilledugouverneuretmoiavonsfinipartrouverunaccordàl’amiablepouréviterleprocès–jen’auraisjamaisportéplainte,detoutefaçon–,onm’atraitéedetouslesnoms.Certainsjournalistesprétendaientquejemefaisaisdufricsurlamortdemafamille.C’étaitatroce…
Surl’écrandemonordinateurestaffichéelaphotodemoidévorantZachduregard.Leslarmesmepiquent lesyeux.L’amourquiémanedecette imagenementpas.Moncœurs’emballepour lui
depuis le premier jour, dès l’instant où j’ai eu assez confiance en lui pour lui racontermonpassétragique,autourd’unetassedecafé,dansmonsalonàMinneapolis.
Amoureuse.Jetombeamoureusedecethommeassisenfacedemoi,cethommequin’apasdeplacepourmoidanssavietrépidante.
—Onnem’apaslaisséefairemondeuilenpaix.Àchacundemesmouvements,ilsmetraquaientetrelayaienttoutdanslapresse.Jeneveuxplusdecettevie-là.
Miaseraclelagorgederrièremoi;monpetitdiscoursneluiéchappepas.Ellenedevraitpasêtresurprise.Aprèstout,j’aitoujourstenuàprotégermavieprivée,allantjusqu’àutiliserunpseudonymepourmesphotographies.
—Qu’est-cequetuessaiesdemedire?Zachselève,ilmefautleverlementonpourleregarderdanslesyeux.Ilalesbrascroisésetl’air
inquiet.Jen’arriveraipasàluitenirtête.JedonneraistoutpourrevenirenarrièreetnepasmettrelespiedsauJack’sBar,nepas lerencontrer,nepasconfieràMiamonenviedevivremavie.Ilauraitsuffid’unesemainedeplus,d’unseuljour,pourqueriendetoutçanemetombedessus.
Jen’auraispasàdireadieuàl’hommedontjesuisentraindetomberamoureuse.—Jeveuxrentrerchezmoi.Miamecoupelaparole.—Nefaispasça,Nic.Tun’enaspasenvie.Maisjefaislasourdeoreille.—Siquelqu’undévoilemonnomauxjournalistes,ilsuffitd’uneautrepersonnepourmetrouver
surInternetetlescandaleéclateraunenouvellefois.Jerefusederevivrecetteépreuve!Plusaffoléquejamais,Zachmeprendlesmainsetmeforceàmelever.—Laisse-moit’aider.Nemequittepas.Pascommeça.Jechassemeslarmesdureversdelamain.—JeneprendraipaslerisquedevoirMarcetAndrewenpremièrepagedesmagazinespeople.
Jerefusequ’ilsdeviennent l’exempleànepassuivredans lessallesd’auto-écoles,avec leslogan :«Écrireuntextoouconduire,ilfautchoisir.»C’estcequiarriverasijeresteavectoi.Tacélébritélespousseraàfouinerdansmonpassé.Jenesuispasassezforte.
Leslarmescoulentsurmesjouessansquejepuisselesretenir.Zachm’attrapefermementparlesépaulesetmelanceunregardemplidedétresse.Maisiln’yaplusrienquejepuissefairepourlui.
—Jeneconnaispersonnequiataforce.— Justement, peut-être que je n’ai plus envie d’être forte. Je veux vivre une vie normale.
Pardonne-moi.Àcesmots,jeposelamainsursajoue.Jesuissincèrementdésoléepourluietm’enveuxdele
quitter.Seulement,àmesyeux,c’estlameilleurechoseàfaire.Laportes’ouvreaumomentoùils’apprêteàrépondre,etJakeentredanslapièce.Jetournela
têteaussitôtpourqu’ilnemevoiepaspleurer.Detoutemanière,l’ambiancepesantequirègneiciluifaitcomprendrequ’ilyaunproblème.D’unevoixdouceetinquiète,ilmurmure:
—Zach,c’estbientôtànous.Cederniersecouelatêtesansdétournersonregardsombredemoi.—Laisse-moiencoreuneminute.—Zach!insisteJake.Zachtournebrusquementlatêteverslui.—Cinqminutes,putain!Non,maisc’estpasvrai!Lebassistes’éclipsesanssoufflermot.
Je comprends sa colère. Il est blessé, énervé, et c’est entièrement ma faute. Je m’en veuxprofondément,maisc’estcommeça.
—Jedoisyaller.Pouraccompagnerlemotetlegeste,jem’écarted’unpas,maisZachmeretientparlebras.—Nefaispasça,Nicky.Ontrouveraunmoyen,jetelejure.Latristessequejelisdanssesyeuxmefendlecœur.J’aidumalàcroirequejelui infligeune
chosepareille.J’aimeraispouvoirrester.J’aimeraispouvoirmeblottirdanssesbrasetoubliertoutecettehistoire,maisc’estimpossible.Jenevoispasd’autresolution,alorsjesecouelatête.
—Montesurscène,Zach.Ilsontbesoindetoi.Je libèremon bras de son emprise et file hors de la pièce au pas de course, embarquantmon
ordinateurportableaupassage.Ilabeaucriermonnom,Miapeutmecouriraprèsdanslecouloir,jenem’arrêtepasdemarcherdroitdevantmoi.
Cen’estqu’unefoissurlepasdelaportemenantàl’extérieurdubâtimentqueMiaparvientàmerattraper.
—Nefaispasça,Nic!Situlequittes,tuleregretteras.Tulesaistrèsbien.Touts’estpassétrèsvite,j’ensuisconsciente,maisréfléchisunpeuavantdeprendreunedécision.Tuesfolledelui,et,àvoirlamanièredontilteregarde,c’estréciproque.
—Jen’y arrivepas,Mia.Tum’asvue traverser ces épreuves. Jenepeuxpas revivre ça, tu lesais!
Ilfautàtoutprixqu’ellemecomprenne.Miaatoujoursétédemoncôté,pourquoiceladevrait-ilchangermaintenant?
Lavoilàquicroiselesbrasenfaisantlamoue.—Tusaiscequejecrois?Jecroisquel’idéedetomberamoureusetefichelatrouilleetquetu
brandiscettephotocommeuneexcusepourtedéfiler.Ellevamerendrefolle,jetapedupiedenmeprenantlatêtedanslesmains.—Non, c’est faux ! Tu étais avecmoi pendant ce cauchemar éveillé. Tu sais très bien ce qui
arriveras’ilsdécouvrentmonidentité!Bonsang,mêmelapressenationalem’aharcelée!Jerefusederevivreça,Mia!
Uneseuleidéem’obsèdealorsquejetented’essuyermeslarmes:jedoisàtoutprixm’enaller.—J’aivucommetuétaisheureuseavecZach.Turiais,tuétaiscellequej’aitoujoursconnue,et
çafaitdubien!Unanetdemiapassé,Nic!Jesaisqueledeuild’unmaripeutprendredesannées,maiscen’estpascommesituteprécipitaisdanslesbrasd’unautre.Etpuis,Zachestquelqu’undebien.
—Oui,jesais.C’estuntypebienet…Je m’interromps. Un peu plus et j’admettais tout haut les sentiments dont j’ai clairement pris
consciencetoutàl’heure.SijemeconfieàMia,ellenemelaisserajamaisfranchircetteporte.—Jenevoispascommentçapeutmarcherentrenous.Dansdixjours, jerentrechezmoiquoi
qu’ilarrive.Quelavenirya-t-ilpouruncoupleséparépar tantdekilomètresetmenantdesviessidifférentes?
—Iln’yaquevouspour ledécider.Ceque tuas traversé t’aapprisaumoinsunechose : rienn’estgagnéd’avance,quecesoitavecquelqu’unvivantsouslemêmetoitounon.
Lemoinsqu’onpuissedire,c’estqu’ellenemâchepassesmots.Ellequiapourtantl’habitudedeprendredespincettesavecmoi…
—Jenecherchepasàtefairemal,tuesmameilleureamieetjet’aimeplusquetoutaumonde.Maisjeneveuxpasnonplustevoirtournerledosàunbonheuraussiévident,uniquementparceque
tuaspeurd’unechosequin’estmêmepasarrivée.—Vavoirleconcert,Mia.Jerentreaubus.J’aibesoinderéfléchir…etdefairemesvalises.Ellemeprendlevisageentresesmains.—Prendsletempsderéfléchir,maisnetouchepasàtesaffaires.Pasavantd’avoirparléàZach.J’acquiesce d’un hochement de tête dans le seul but deme débarrasser d’elle pour être un peu
seule.Jeveuxrentrerchezmoi.
Chapitre12
Àpeineentréedanslebus,jemejettesurmonlitetversetoutesleslarmesdemoncorps.JequitteZachalorsquejesuisentraindetomberamoureusedelui.Leridiculedelasituationmesauteauxyeux,maisjenevoispasdemeilleuresolution.C’estlechoixleplussûr.Detoutefaçon,jel’auraisperdutôtoutard.
Je dois m’en aller.Mais ces quelquesmotsme brisent le cœur. Je neme croyais pas capabled’aimerunautrehomme.Bienquel’idéedefréquenterquelqu’unm’aiteffleurél’esprit,iln’ajamaisétéquestiond’amour.Uncompagnon,unami,unproche,pourquoipas.Maisunamant?Jamais.Jen’aiaiméqu’uneseulefois.Lejouroùj’airencontréMarc,jesuisaussitôttombéesouslecharmedecethommeexceptionnel.MaisvoilàqueZachentredansmavieet s’emparedemoncœur,unpeuplusàchaqueseconde.Jel’aimed’unamourcomplètementdifférentdeceluiquim’unissaitàMarc.Maiscesentimentestbienlàetilgranditenmoidepuislesoirdenotrerencontre.Sijen’avaispasaiméMarc, jen’auraispascrupossiblededéveloppercegenrede lienaussivite,etavecune telleintensité.C’estpourtantcequim’arrive.
Etjetourneledosàcetamour.Je m’interroge une seconde. Mia peut-elle avoir raison ? Suis-je en train de fuir par crainte
d’entamer une nouvelle histoire ? Non. Je secoue la tête et me dirige vers la salle de bains pourrangermesaffairesdetoilette.C’estimpossible.J’aieutortdenepasréfléchirauxconséquencesquepourraitengendrerunerelationamoureuseavecZachavantd’accepterdelerejoindredanscebus.Sij’avaisprisletempsdepeserlepouretlecontre,sansécouterMia,jeneseraisjamaisvenue.Etriendetoutçaneseraitarrivé.
Laportes’ouvrebrusquement.Lebruitmefaitsursauter.Zachentredansmachambre,essouffléetruisselantdesueur.Sescheveuxsontébouriffésetsesyeuxlancentdeséclairs.
—Jenetelaisseraipaspartir,Nicky!Jesaisquetuaspeur,mais,quellesquesoienttescraintes,laisse-moit’aider.
Jen’aipasletempsdeprotester;ils’avancedéjàd’unpasassuréetmeprenddanssesbras.Jehumesonparfumavecdélice:unmélangedesueuretdesavon.
—Tunepeuxrienfairepourm’aider,Zach.Monpasséettacélébriténesontpascompatibles.Sansmerelâcherpourautant,ilfaitunpasenarrière.—Tufaispourtantpartiedemavie.Toietmoi,onestliés.Tulesaisaussibienquemoi.Lereste,
ons’enfout.Toi etmoi. Ces mots résonnent dans ma tête et provoquent une cascade d’émotions. Pourquoi
avons-nousattendusilongtempsavantdedéclarernossentiments?Est-cequeçachangeraquoiquecesoit,maintenantquelemalestfait?
—Tunecomprendspas…—Danscecas,explique-moi!Dis-moicequit’effraietant!Qu’est-cequitefaitassezpeurpour
teforceràétouffercequeturessenspourmoi?Jesaisquejenetelaissepasindifférente.
Encoreunefois,ilm’attireàluietplaqueseslèvressurlesmiennes.Ellessontchaudes,fébriles.Ilyaplusdepassiondanscebaiserquedanstousceuxquenousavonspuéchanger.Maconsciencesebat contre mes pulsions, mais mon corps semble l’emporter. Je sens qu’il me supplie dem’abandonner à lui et nepeux lui résister.Sonétreintepuissantem’arracheungémissement.Zachreculebrusquementetmetfinànotrebaiser,melaissantlà,haletante.
—Lorsquetuescontremoi,quetusensmoncœurbattreàtoutrompreetmesbrasautourdetoi,osemedirequetunemedésirespas,quetun’espasamoureusedemoi!Parcequemoi,Nicky,jel’admets.Jesuisdinguedetoi!
Mevoilàclouéeausol.Sesmotsfontéchoà laprisedeconsciencequim’afrappée, ilyauneheureàpeine,concernantmespropressentimentspourlui.Celanedoitpasmefaireoublierquecen’est pas mon amour pour lui qui me gêne, mais l’idée de devoir constamment craindre lesprojecteurs.
—Jenepourraipasvivresousleregarddesgensetêtrepriseenphotodèsquejemetslenezdehors. Et puis, ça ne peut pas fonctionner. Un continent nous sépare et tu es toujours à droite àgauche,jeneteverraijamais.Tuappellesçaunerelationépanouie?
Jesaisquejesuisinjuste.Enacceptantdemonterdanslebus,jesavaispertinemmentquiilétaitetquellevieilmenait.Maisj’étaisàmillelieuesdemedouterqueleschosesévolueraientsiviteentrenous;j’étaisloindemecroirecapabledetomberaussiéperdumentamoureusedecethomme.Zachatoutpour lui, jen’ai rienà lui reprocher. Il saitvoir leboncôtédeschoseset faireabstractiondumauvais,maismoijen’yarrivepas.
—Chaquematin,jecraindraidefairelauned’unmagazinepeople,oudevoirmonnométalésurd’innombrablesforumsoùdesmilliersdefemmesexprimeraientleurhaineetleurdésirdemevoirdisparaîtredelasurfacedelaterre.
—Reste.S’ilteplaît.Onréfléchiraàtoutçaplustard.Il m’adresse un regard implorant. Hélas, je ne peux pas faire machine arrière. Mes genoux
tremblentquandilrépète:«S’ilteplaît.»Jesuisàdeuxdoigtsdecéder.Depuisquejeleconnais,cesmotsonteuraisondemoiplusd’unefois.Siseulementjepouvaiscéderàcetteaspirationaubonheurqu’ilmeréclame.Cen’estpassi facile,encoremoinsdanscescirconstances. Iln’yaaucuneautreissuepossible.
Je fourre dans mon sac mes dernières affaires de toilette, tire la fermeture Éclair et pose lebagage sur le lit, à côté de l’autre valise déjà bouclée. En jetant un coup d’œil par la fenêtre,j’aperçoisletaxiquej’aiappeléunpeuplustôt.
D’unpaslent,jereviensversZachet,rassemblanttoutmoncourage,jemelèvesurlapointedespiedsetluidéposeunbaisersurlajoue.Sesmainscherchentmataille,maisjemedérobeavantdelessentirseposersurmoi.
—Adieu,Zach.Jeprendsmesaffairesetmetourneverslaporte.—Sijetelaissepartir,c’estuniquementparcequetuenasbesoin.Jem’arrêtedansmonélanetmeretourneverslui.Lesbrasballants,ilsembledésemparé.— Tu as besoin de réfléchir et de te remettre du choc de ces photos stupides pour te rendre
comptequeçan’estriendeplusqueça:desphotosstupides!Ilyaquelquechoseentrenous,etjerefused’ymettrefin!
Je n’ai rien à lui répondre ; alors, sans unmot, je franchis le pas de la porte et disparais. Lechauffeurchargemesbagagesdanslecoffre.Enouvrantlaportière,jem’autoriseundernierregardvers le bus. Zach est là, sur le seuil, droit comme un piquet. Je monte dans le taxi et referme la
portièresansmêmeluiadresserunsigned’adieu.Leslarmescoulentdéjàsurmesjouesetjeplongemonvisagedansmesmains,pleurantsanscessejusqu’àl’aéroport.
Letaxisegaresurleparking.Jeneluiaijamaisditquejel’aimais.Maintenantquejesuisloindubus,jeprendsconsciencedecetteerreurcommisepourlaseconde
fois;celuiquej’aimenesaitpeut-êtrepascequejeressenspourlui,alorsqu’ilestentraindesortirdemavie.
Àpeineai-jeletempsd’arriverdanslehalldedépartquej’aidéjàdeuxmessagesvocauxetdixtextosdeMia,maisjedécidedelesignorer.Ellemereprochesansdoutedel’abandonnerauconcertalorsqu’elleestvenuepourmevoirceweek-end,maisquelquechosemeditqueChases’occuperatrèsbiend’elle.MadécisiondequitterZachdoitluidéplaire.Jesupprimetouscesmessagessansleslirenilesécouter,etéteinsmonportableavantdesécherleslarmesquiseremettentàcouler.
Dans l’avion,matêtesepose lourdementsur ledossierdemonsiège.Aprèsunan, troismois,troissemainesetunjour,j’essaiederecommenceràvivre.Maisjenesuispassûred’êtreprête.
—Tuterendscomptequetuesvraimentstupide,j’espère!Pourlaénièmefoisdepuisledébutdecerepasfatiguant,jelèvelesyeuxauciel,exaspéréepar
Mia.Jesuisrentréedepuistroisjoursetelleestrevenuehierdesonweek-endàPhiladelphie.—Ilt’aime,Nic.Je reposeviolemmentmonverresur la tableet jetteun rapidecoupd’œilautourdenouspour
m’assurerquenotredébatn’attirepaslesregardsindiscrets.Nousnoussommesretrouvéesdanslebar à tapas au coin de ma rue, et je ne demande qu’à savourer mes burritos et mon assiette decalamarsenpaix.Cerepasseraitcertainementsucculentsanscetteénormeboulecoincéeentraversdemagorgedepuislaminuteoùj’aiquittélebusdetournée.
—Cen’estpasleproblème,Mia.Onenadéjàparlé.Ellepousseunsoupir.— Je sais, je sais.Mais il a passé leweek-end à faire la tête. Il amêmemenacé d’annuler les
derniersconcertspourvenirtevoir.Feignant l’indifférence, je sirote tranquillement ma boisson. Le problème, c’est que je suis
tétanisée.Cequ’ellemeditm’affecteprofondément,d’autantqueMiasemetenmode«réparationdeNicky»,encoreunefois.
—CommentvaChase?Essayons de parler d’autre chose que Zach et moi. Depuis mon retour, ce sujet épineux a été
suffisammentabordéàmongoût.Plusieursfoisparjour,jereçoisdestextosdesapart.Laplupartdutemps,ilmeditqu’ilpenseàmoi,oumesouhaiteunebonnejournée.Jelesaitoussuppriméssansyrépondre,mêmesi,chaquefois,mesdoigtsplanentau-dessusdestouchescommepourluirépondrequejel’aimeaussi.
Maisjenepeuxpas.Miam’observesansriendire.Jeréprimeunsoupirdesoulagementenvoyantqu’elleacceptede
changerdeconversationsansbroncher.—Chasevatrèsbien.Lepetitrictusqu’ellepeineàretenirm’enditlong.—Jelesavais,tuenpincespourlui!Jesuisfolled’excitation:Miaaeubeaucoupd’hommesdanssavie,maisjamaisriendesérieux.
Cepetitsourireesttotalementinéditchezmonamie.
—Non,jen’enpincepaspourlui.Enfin,peut-être…Jenesaispas.Àlavoirrougircommeça,jeluidécocheungrandsourire.—Iln’estpascommelesautres.Onapasséuntrèsbonweek-endensemble.Ilm’amêmeinvitéeà
l’accompagneràunrallyeautomobile,dansquelquessemaines.Aumoins,ceconcertauraeudesrépercussionspositives:Miaenpincepourunhomme.Jen’y
croyaisplus.—Ilest…Elleneterminepassaphrasepourréfléchiràcequ’elleveutdire.—C’estbizarre,jesais,maisilmefaitpenseràElijah.Ilsontbeaucoupdepointscommuns,àun
détailprès:Chaseestvraimentcanon.J’éclatederire.Ellearaison,ilauncôtéprotecteurquilerendcarrémentirrésistible.D’ailleurs,
je comprends le rapport avec Elijah. Bien que cela puisse paraître étrange puisqu’il s’agit de sonfrère,ilalemêmehumournoiretuneintelligenceaussiaffûtée.Miaetsonfrèresesonttoujourstrèsbienentendus.C’estpeut-êtredeçaqu’elleabesoin:unhommefortcapabledes’occuperd’elletoutenrestantàsaplace,sanspourautantselaisserintimiderparelle.
—Maisjen’enaipasfiniavecZachettoi.Jepousseungémissement.—Arrête de faire ta gamine et écoute-moi.OK, tu es terrifiée à l’idée de fréquenter un autre
hommequeMarc,mêmes’ils’agitdeZach.Ellemarque une pause pourme laisser le temps de réagir,mais je reste silencieuse.Avant de
poursuivre,ellesoupire.—Je saisque tu crainsde retrouver ta famille enpremièrepagedesmagazines.Tout ça, je le
conçois.Mais prends le temps d’y réfléchir, trouve unmoyen de recoller lesmorceaux et appelleZach.Iln’attendquetoi.Dèsquetuserasprête,ilseralàpourtoi.J’ensuiscertaine.
Leregardsévèrequ’ellemelancemefaitpenseràunemèreexaspéréededevoirrépéterpourlacentièmefoisàsonenfantderangersachambre.
Pourelle,c’estfaciledemediretoutça,maisj’ignorecommentrecollerlesmorceaux,j’ignoremêmes’ilyadesmorceauxàrecoller.Enreprenantunebouchéedeburritos,jecomptementalementlesminutesquimerestentavantdepouvoir rentrerchezmoi,meglissersous lacouetteetespérerqueleschosessesoientpasséesdifféremment.Siseulementjetrouvaisunmoyen…
LatournéedeZachs’estachevéesurunconcertenGeorgie,ilyaquelquesjours.Commentsuis-
jeaucourant?Combledel’ironie,jesuisconnectéeàlongueurdejournéesuractudesstars.com,àl’affûtdelamoindreinformationconcernantZachWalters.Sonnomn’estapparuqu’uneseulefois,ausujetduconcertqu’ilsontdonnéilyadeuxjours;d’aprèsl’article,Ethans’estévanouisurscène.Heureusement,c’estarrivépendantlederniermorceau,doncleconcertn’apasétéannulé.Laphotopriseaumomentdesfaitsesttrèsintense:onyvoitlesgarçonsattroupésautourd’Ethan,allongéausol.Leursvisagesinquietsexprimentunmélangedecolèreetd’affolement.
Envoyantcetteimage,moncœurs’estserréàl’idéequeZachtraversaitcetteépreuvesansquejepuisseleconsoler.Malgrémondésirdelesoutenir,jen’aipasréussiàtrouverlecouragenécessairepour lui répondre lorsqu’il m’a raconté le concert par texto, ce soir-là. Il a dû me l’envoyerimmédiatementaprès l’incidentet jemesensmaldesavoirqu’ilavait lesnerfsenpelote.MêmesiEthanleméritelargement,jesaisqu’ildétestel’idéededevoirrenvoyerl’undesesmusiciens.
Impossibledemedétendre avec tout ce stress. Jeme retrouve àneparler qu’àMia–qui est àl’origine dema colère – et àmes parents – qui ne semblent pas très affectés non plus ni par ces
histoiresdepaparazzis,niparlerisquedevoirmavieprivéeétaléeaugrandjour.Ets’ilsavaientraison,tousautantqu’ilssont?Peut-êtrequejeréfléchistrop.Jenesaispas.Après
tout,cen’estpasleurtêtequ’ilsrisquentdevoiraffichéeenpremièrepagedanslapresseàscandale.Mamèreamêmeeul’airravied’apprendrequedesjournalistesm’ontpriseenphoto.
Lapremièrefoisquejel’aiappeléepourluiparlerdemaparticipationàlatournée,sonsangn’afaitqu’untour:safilleuniques’embarquaitdansunbusbondéderockstarsvirilesàsouhait–unvrai cauchemar pour une mère. En s’imaginant ce que j’allais peut-être découvrir, elle s’est sansdoute inventé les pires scénarios possibles. Mais, plus tard, Mia a eu l’immense gentillesse dedéfendreZachenmontrantàmamèrecettephotooùnoussortonsdubarbrasdessusbrasdessous,danslesruesdeBoston.
J’aihurléenapprenantcequ’ellepensaitdececliché;d’aprèselle,jeregardeZachdelamêmemanièrequejeregardaisMarc,maisplusintensémentencore.Etellearaison.
Jesuisépuiséedecourir,épuiséed’avoirpeur,d’être triste.Ilya troissemaines, jevoulaismeréveilleretretrouvermesyeuxbrillantsdejoiedevivre.J’étaissiprèsdubut.
Aufonddemoi,ilyacommeunremousdeconsciencequimedictecettenouvelleenvie,quecesoitavecousansZachWalters.Ilnepeutpasm’apportercebonheurauquelj’aspire.C’estimpossibledecomptersurlui,çanepeutpasêtresonrôle.
Pour mon bien-être, je dois y arriver. Il le faut. Tout d’abord, il est nécessaire que je medébarrassedecettecolèreamèrequim’arongéedel’intérieurpendanttoutcetemps.
Jem’emparedutéléphoneetcomposelenumérotantredoutéavantdeperdremonsang-froid.—Bonjour,jesouhaiteparleràNathalieLinscum.Deuxheuresplustard,j’entredansunpetitcaféavecunedemi-heured’avancesurmonrendez-
vous avec Nathalie. Appeler l’une des personnes impliquées dans lamort dema famille pour luiproposerunrendez-vousn’apasétéuneminceaffaire.C’estsansdoutelecoupdefilleplusdifficilequej’aiejamaispassé.Monobjectifdujour:luifairecomprendrequejeleurpardonne,àelleetsafilleSarah.
Jecommandeuncafélatteaucarameletrepèredeuxsiègesencuiraufonddelapièce, justeàcôtédelacheminée;voilàquidevraitnousapportercequ’ilfautd’intimité.Enlavoyantfranchirleseuildelasalle,jemefige.C’estbienelle,exactementlamêmequesurlesphotosdiffuséesàtouslesflash-info lesmoisquiontsuivi l’accident.Uneenviedem’enfuirà toutevitessemechatouille lesorteils. Rien de ce que cette femme dira n’arrangera les choses. C’est peut-être sa fille qui aphysiquementprovoquélamortdemafamilleenutilisantsonportableauvolant,maiscettefemmeamentipourlacouvrir.Jecomprendsd’instinctlebesoinqu’aunemèredeprotégersonenfant,quitteà payer le prix fort. Toutefois, sa décision de mentir en disant qu’elle était au volant m’a valuquelques mois de souffrance supplémentaires dont je me serais bien passée, et je ne l’oublieraijamais.Malgrémonenviedeluihurleràpleinspoumonsqu’ellemedoitdesexcusespubliques, jesaisquelameilleurechoseàfaireestd’enresteràcequejesuisvenueluidire.
Dèsl’instantoùellemevoit,mesyeuxseremplissentdelarmeset j’ai lesmainsmoites.Jemesenspâlirunpeuplusàchaqueseconde.Jenesuisplussûrederien.Ai-jebienfaitdel’appeler?
Pourquoi ne pas me contenter de leur pardonner intérieurement, pour être en paix avec moi-même?
Rien ne m’empêche de m’en aller tout de suite, je n’aurai ainsi plus jamais à la revoir. Jedonnerais toutpourm’échapper.D’ailleurs, cette femmese fichepeut-êtredeceque j’aià luidirecommedesapremièrechemise.Cettepenséemeglacelesang.Qu’arrivera-t-ilsimonpardonnelui
faitnichaudnifroid?Alorsqu’ellecommandeuneboissonavantdesedirigerversmoi,jesuisàdeuxdoigtsdeprendremesjambesàmoncouetdem’enfermerdansmonappartementpourneplusjamaisenressortir.Jepourraisdevenirermite.Touscesmoispassésàvivreseulem’onthabituéeàlasolitude,jepourraistrèsbienneplussortirdechezmoi.GrâceàInternet,toutarrivedirectementàmaporte,sijelesouhaite.Miapourratoujoursvenirmangeràlamaison.Cetteidéemetenteunpeuplus à chaque pas que Nathalie fait dans ma direction. Une seule chose me garde clouée sur machaise:Zach.
Jepenseàlui,à l’amourdésespéréquejeluiporteetdont jen’aiprisconsciencequelorsqu’ilétait trop tard.Leseulmoyenqu’ilmerestepournous laisserunechance,oupourêtrecapabledereprendreunevienormale–avecousanslui–,c’estdefairelebonchoix.
Lechoixdedireàcettefemmecequej’aisurlecœur.Je prends une profonde inspiration, parfaitement consciente du silence pesant qui s’est installé
depuissonentréedanslecafé.Jemedemandesilesautresclientsressententlatensionquiémanedenous. J’ai l’impressionqu’unfardeauaccablantcompressemapoitrine. Jecompte jusqu’àdix, toutdoucement, en inspirant profondément. Je peux y arriver. Je peux la regarder dans les yeux etmelibérerdecepoids.
Ellenem’aencoreriendit.Dois-jeprendrelaparolelapremière?Sansdoute,oui.Aprèstout,c’estmoiquil’aiappelée.
Dix.J’expireprofondément.Jepeuxlefaire.D’ungestelent,jereposemaboissonsurlatableetlèvelesyeuxverselle.—Mercid’êtrevenuesivite.Elleporteunsimpleleggingnoirsousunpullrosepâleetdesbottesquiluiarriventauxgenoux.
Pourunefemmed’unequarantained’années–simamémoireestbonne–,jetrouvequ’ellerestedansl’airdutempsavecélégance.Lecontrasteentreleroseetsescheveuxchâtainclairluidonneunairdouxetfragile,maislesourireforcéqu’ellem’adressen’égaiepaslatristessedesonregard.
—J’aiattendutrèslongtempsdepouvoirenfinvousparler.Iln’yariendeplusimportantpourmoiquedeveniricipourrépondreàvotreappel.
Sesmotssontdesvaguesdedouceurondoyantàmesoreilles.—Oui,ehbien…Nathalie prend place à ma table, son regard inquiet toujours posé sur moi, comme si elle
s’attendaitàtoutmomentàmevoirexploserdecolère.—Jevouspardonne.Cesmotss’échappentdemabouchesibrusquementquejedétourneaussitôtleregard.Jereprends
unegorgéedemaboissonpour apaisermesnerfs.Sans succès. Jene suispas loindem’écrouler.Autourdemoi,plusrienn’existequecegrondementquirésonnedansmatête.Cebruitsourds’avèreêtremoncœurquejesensbattrelachamadejusquedansmestempes.
—Jeneméritepasvotrepardon,Nicky.Sarahnonplus.Monvisageseretournevivementverselle.Jem’attendaisàtoutsaufàça.Enlevantlesyeux,je
merendscomptequelessienss’emplissentdelarmes.—Ce jour-là, Sarah a détruit des familles entières,Nicky. La vôtre plus que toute autre, c’est
évident.Tantdeviesontétéravagéesparl’actestupidedeSarahetparmesmensonges.Votrefamille,celledevotremari,devosamis,descamaradesdevotre fils,de lamienne…Et la listeestencorelongue.Chaquejourdepuisceterribleaccident,j’aipriéDieupourqu’ilmepardonneetneretiennepascespéchéscontremoi,maisjen’aijamaisoséespérervotrepardon.
Avantdepoursuivre,elleessuieleslarmesquiruissellentsursesjoues.
—Sarahs’enestsortieavecunbandageautourdufront,maispasvotrefamille.Iln’yarienaumondequenouspuissionsfairepourvoustémoignerl’ampleurdenotrehonte.
Jechassemeslarmes,sanglotantensilencesansmesoucierduregarddesgensautourdenous.Jesavaisqu’il serait difficile de la rencontrer et de lui parler. Je savaisque cela ferait remonter à lasurfacedevieuxdémonsquinemequitterontjamais.
Mais ce à quoi je ne m’attendais pas, c’est cette sensation d’avoir le cœur broyé par tant desouvenirsdouloureux.Quefaire,maintenantquetoutaétédit?Jeluiaipardonnéetelleareconnuses torts.Perduesdansnospensées,nous restonsassisesun instant,plongéesdansun silencebriséuniquementparnosreniflements.Auboutd’unmoment,jeretrouvelaforcedeparler.
—J’enaiassezd’êtretristeetdenepasarriveràfairemondeuil.Vousneméritezpeut-êtrepasmon pardon,Nathalie,mais je vous l’accorde volontiers.ÀSarah également, dites-lui bien demapart. Malgré ma colère et ma peine, je sais au fond de moi que c’était un accident. Une erreurd’inattentioncommiseparuneenfant.Cepardonme libérerad’unénormepoidset j’espèrequeceseralecaspourvousaussi.
Quelquepart, je saisqu’elle etSarahontbesoinde l’entendre. Je reconnaisdans son regard letourmentquimetorturechaquejour.Jesuispeut-êtrecellequipleuresafamille,maiselleestlamèredelapersonnequiacauséleurperte.Jepensaisqueleshaïrmesoulageraitplusquedemehaïrmoi-même.Maisfinalementc’estfaux,jem’enrendscompteenlaregardant.Qu’importel’ampleurdemacolère–etmafureurn’avaitpasdelimite–,jerefusedeportermahainecontreelles.
—CommentvaSarah?Pourquoiposercettequestion?Je l’ignore,mais je le fais.L’enfantn’aquedix-septans,après
tout.Elleestencoretropjeunepourcomprendrelagravitédesesactes.Nathaliesecouedoucementlatête.—Mieux depuis peu. Elle voit un psychologue. Je ne pense pas que l’amener ici aujourd’hui
auraitétéunebonneidée.J’acquiesceavecunhochementdetête.—Puis-jedemandercommentvousallez?—Jevais…mieux.C’estvrai,jevaismieux.Leseulfaitd’êtreicileprouve.Toutefois,jenesuisplussûrederien
depuisquelquetemps.—Ilyaautrechosedontjevoudraisvousparler.Jeluilanceunregardinterrogateur.Cequ’ellevamedirerisqued’êtretrèsdifficileàentendre,je
lesensauplusprofonddemoi.—CelafaitquelquessemainesqueSarahveutparlerdel’épreuvequ’elleaenduréepourmieux
s’ensortir.Un gémissement s’échappe de ma gorge. A-t-elle l’intention de raconter d’autres choses à la
presse?Lafureurs’emparedéjàdemoi,maisNathaliepoursuit,faisantabstractiondutremblementdemesmains.
— Elle souhaite intervenir dans les écoles du quartier au sujet des dangers que représentel’utilisationdutéléphoneauvolant.
Incroyable !Sarahcompteparlerdemafamille,cequime terrifieplusque tout,etpourtant, jetrouvel’initiativeadmirable.Leproblèmeétantquecelamèneraexactementlàoùj’aipeurd’aller.Jecraignaisquecelan’arriveunjour:mafamilleincarneralesrisquesdecegenredecomportementimprudent.
D’unautrecôté,silefaitderacontercettehistoirepeutépargnerunteldrameàd’autresfamilles,
n’est-ce pas une bonne chose ? Je ne crois pas avoir déjà observé la situation sous cet angle.L’histoiredemafamillepeutsauverdesvies.
Maisl’idéemérite-t-elleuneffortaussidouloureuxdemapart?Oui.Imaginerunemère,unpèreouunenfanttraverserlamêmeépreuveestpirequederevivre
cettetragédie.—Parrespectpourvotrefamille,ellevouslaissedansl’anonymat.Nathalietendlamainsurlatablecommepourlaposersurlamienne,maisseraviseaudernier
momentetlareposesursesgenoux.— Sarah ne veut pas vous causer plus de peine, mais souhaite épargner à d’autres sa propre
douleur.Les larmes se remettent à couler surmes joues et je les chasse d’un geste vif. Je connaisma
réponseavantmêmedeladonner,maislesmotsontdumalàsortir.—Jevouslaissecarteblanche.Lesilencetombecommeunechapedeplomb.Jen’arrivepasàcroirequej’accepte,maisc’estle
bonchoix.—Vousêtes incroyable,Nicky.Après toutcequenousvousavonsfaitendurer, jen’enreviens
pasquevousnouspardonniez.Moiaussi,jesuissidérée.Maispeut-êtreque,aprèscela,jen’auraiplusàmemontrerforte.Jepourraienfinvivreunevienormale,sanspeurdulendemain.Lesyeuxclos,jeretiensmeslarmesetm’étonnedecequejesuissurlepointdeluidire.—Pasd’anonymat,qu’elleutiliselesvraisnoms.J’aidesphotos,sibesoin.J’ouvre les yeux pour lui lancer un regard hésitant,mais elle hoche la tête après un instant de
réflexion.—Jeluidirai.Enmelevant,jesensquej’aibesoindem’enallerd’ici.Jeviensd’acceptercequimeterrifiele
plusaumonde.Bienquecesoitlebonchoix,j’aibesoind’êtreunpeuseule.Jeviensd’accorderàlafamillequim’atraînéedevantlesmédiasl’autorisationderecommencer.—Jedoispartir,mercid’êtrevenue.Nathaliemetendlamainetjelaserreaveclenteur.— Je suis tellement désolée. Jem’en veux profondément queSarah vous ait volé les êtres qui
vousétaientlespluschers.Sansrépondre,jequittelecafé.
Chapitre13
Àpeinearrivéechezmoi,jem’écroulesurlelitetsombredansunprofondsommeil.Surleplanémotionnel,l’entrevueavecNathaliem’aépuisée.
Àmonréveil,jemesensdéjàpluslégère.C’estfoucomme,soudain,jeparviensàmeremettredemonapprobation–ouentoutcasdemonconsentement–auxdesseinsdeSarah.
Ai-je perdu la tête en acceptant cela sans avoir conscience des conséquences qu’une telleentreprisepeutengendrer?
J’aimeraisappelerMiapourluienparler.J’aimeraisappelerZach,passermesmainsderrièresanuqueetlelaissermeréconfortercommeilsaitsibienlefaire.J’aimeraisprendreMarcetAndrewdansmesbraseteffacerlesseizemoisquiviennentdes’écouler.
Mais rien de tout cela n’est possible. Zach est je-ne-sais-où, sans doute de retour chez lui àLosAngeles.Miameforceraitàl’appeleret,mêmesijedonneraistoutpourêtredanssesbras,jenesuispassûred’êtrecapabledepartagersavie.J’aienfinréussiàparleràNathalie,maisjedoutequecelachangequoiquecesoitentreZachetmoi.
MarcetAndrewmemanquentplusquejamais.Celafait troplongtempsquejenesuispasalléeleurparler.Jenemesuispasrecueilliesurleurstombesdepuismonretourdetournée;jenesavaispasquoileurdire,cequiestidiot,enréalité.Enfin,jem’extirpedemonlitetparsdanslasalledebainsmecoifferetarrangermonmaquillagequiacoulésurtoutmonvisage.
Devantmon refletdans lemiroir, je fronce les sourcils. J’ai le teint cireuxet lesyeuxvitreux.Monmascara laissedes traînéesnoiressurmes jouesetmescheveuxsesontemmêléspendantmasieste improvisée. Je les brosse d’un geste vif,me démaquille et repasse un peu de blush surmespommettes. C’est idiot. À quoi bon me maquiller, j’aurai une mine plus décomposée encore enrevenantducimetière.
Dans la cuisine, la sonnerie attribuée àMia retentit et je vais répondre. Jemarmonne d’un tongrave:
—Salut.Ilyadesjourscommeça.—Qu’est-cequinevapas?Évidemment,rienneluiéchappe.—Rien…J’allaissortir,tuasquelquechoseàmedire?Jeneluidispasoùj’ail’intentiondemerendre.Aprèsl’enterrement,j’aipassétantdetempsaucimetièrequemesparentsetMiaontcommencéà
comptermesallersetretours,sachantque,sijenepleuraispaschezmoi,jepleuraislà-bas.Lesmoisontpasséetj’aicommencéàallermieux,alorsjenem’ysuisplusrenduequ’unefoisparsemaine.Mais,aujourd’hui,c’estdifférent.JeneveuxpasenparleràMia.
Enreprenantlaparole,ellearticulesesmotsavecunmaximumdeprécautions.—Tuasoubliéquelquechosedanslebus.Chasemel’aenvoyé.
Je fouilleaussitôtdansmamémoireà la recherched’unobjetque j’auraischerchédepuismonretour.Riennememanque,cenedoitpasêtreimportant.
—Çanepeutpasattendre?—Non,c’esturgent.Onseretrouveenbasdecheztoidanscinqminutes,OK?Elleraccrochesansmelaisserletempsderépondre.Je tue le temps en enfilant au ralenti mes bottes, mon écharpe et mon anorak. Le mois de
novembre est bien entamé et le froid automnal est glacial, à croire qu’il pourrait neiger à toutmoment.Maisjemefichebiendelatempérature:j’aibesoindelesvoir,unpointc’esttout.
En sortant dans le hall, un crim’échappe en voyantMia.Derrière elle, je l’aperçois, grand etséduisantcommeàsonhabitudeavecsacasquettedebase-ballenfiléeàl’envers,savesteencuiretsonjeantroué.
Zach.LorsqueMias’approchedemoi, jemerendscomptequejesuis tétanisée.Toutefois,mesyeuxnesetournentpasverselle, ilssonttropoccupésàdévorerceuxdeZach.Ilal’airépuisé.Sabarbedetroisjoursm’empêchedediscernersestraits,maisjevoisbienqu’ilestàboutdeforces.Jeme demande si cette fatigue est plutôt due à la fin de la tournée, au drame avec Ethan ou àmonabsencependanttoutcetemps.
Visiblementinquiète,Miamarchedroitversmoi.—Tuasmauvaisemine,çanevapas?m’interroge-t-elle.Non, ça ne va pas du tout. Je passe une journée éprouvante et les émotions de ce matin ont
mobilisé toute mon énergie. Les dernières personnes que j’avais envie de voir aujourd’hui sontdevantmoi,etj’ignorecequ’ellesmeveulent.
Etsileurprésenceétaitexactementcedontj’avaisbesoin,aucontraire?Lefaitdelesvoirpeutpeut-êtrem’aideràallermieux.
JenesuisplussûrederienausujetdeZachetdelamanièredontjepeuxl’intégreràmondramequotidien.Jesecouelatêtepourreprendremesesprits.
—Cematin,j’aivuNathalieLinscum.LesyeuxtoujoursrivéssurZach,jeparleàMiaensachantqu’ilesttroploinpourm’entendre.En
revanche,ilsursauteenlavoyantpousseruncrietmeprendrelebras.Elleletiredoucement,maisjenepeuxdétournermonregarddecethommesitristeetsoudainbeaucouptroploindemoi.
On dirait qu’il a envie de s’approcher et deme réconforter sans savoir comment s’y prendre.Peut-êtrequ’illitlamêmechosesurmonvisage,carc’estexactementcequejeressensàcetinstantprécis.
Je suis assaillie de doutes et d’incertitudes,mais sa présencem’apaise, bien qu’il soit hors deportéepourl’instant.
—Quoi?!Maispourquoi?Mesyeuxparviennentenfinàs’arracherdeleurcontemplation.Miaestsurlecôtéetnousregarde
touràtour,Zachetmoi.—Bonsang,sij’avaissu…Jeposemamainsurlasiennequitienttoujoursmonautrebras.—Toutvabien,Mia.Levolumedemavoixn’excèdepasceluiduchuchotement,maiselleestassuréepourlapremière
foisdepuisunesemaine.JesaisquelaprésencedeZachyestpourbeaucoup,toutcommesonregardquimedévoreaveclamêmepassionquependantlatournée.Ilestlàetilattend,commed’habitude,aveccettepatiencequilecaractérise.
Jel’aimetellement…
Monamourpourluim’enveloppepeuàpeud’unedouceurapaisante,presquevisibleauxyeuxdeZach.Encoreunefois,jedétourneleregarddeluipourleposersurMia.
—Jevaisbien,onenparleraplustard.Pourl’instant…Jemeretourneversluietluidécocheunsouriretimidemaissincère.Ilpousseunprofondsoupir
desoulagementetlestraitsdesonvisages’adoucissent,tandisquesesépaulesserelâchentlentement.Ilfaitunpasversmoi,puisunautre,doucement,prudemment,etmonsourires’agranditunpeuplusàchacundesesmouvements.
—…j’aimeraisluiprésenterquelqu’un.Miamelanceunregardinterrogateurmaisgardelesilence.—J’yvais,murmure-t-elledansunsouffle.Nousneprêtonspasattentionàellelorsqu’elles’éloigneennousfaisantunpetitsignedelamain.
Enfinseuls.—Salut.JedoisêtreaussiridiculequeladernièrefoisqueZachm’afaitlasurprisedevenirmevoir.Ce
souvenirmefaitsourire.—Tucomptesenfaireunehabitude?Devantsonairdubitatif,jem’explique.—Cen’estpaslapremièrefoisquetuappellesMiaavantdedébarquerchezmoi.Avecunpetitrire,iltendunemaincommepourtoucherlamienneetseravisebrusquement,mais
jelaretiens.J’aibesoindetouchersapeauetdesentirsachaleursiapaisante.J’attrapesamainetlaserre de toutesmes forces. Ses yeux se posent sur nos doigts emmêlés avant de revenir surmonvisage.
—Çadépend.Ettoi,est-cequetucomptesfairedelafuiteunehabitude?Sa voix grave me frappe au visage comme une vague à marée haute et me donne envie de
m’effondrerdanssesbras.Jemerendscompteàcetinstantqu’ellem’aprofondémentmanqué.Lavitesseà laquellenos sentiments évoluentpeut sembler surprenante,mais je suisbel etbien
amoureusedecethomme.Jesecouelatête.Ilestceluiqu’ilmefaut.Ilestceluiquejeveuxdepuislejourdemondépartde
Philadelphie,etjepeineàcroirequ’ilestlà,devantmoi.—Jenetelaisseraiplusjamaismequitter.Lesmotss’échappentdesabouched’untonrauque.Lessentimentsquejeperçoissursonvisage
mesecouentintérieurement.Jelesvoistous:ladouleurdem’avoirregardéepartir,sonamourpourmoi,lapatiencedontilsaurafairepreuveenattendantquejesoisprête.
Toutescesémotionsbalaientsestraitstirésenquelquesinstants.Jen’aiqu’uneenvie:luidirequeje suis désolée d’être partie, que ça n’arrivera plus,même dans lesmoments les plus angoissants.J’aimeraisluiavouerquejeressenslamêmechosequelui.Maisilmeresteencoreunechoseàfaire,et,pourça,jeveuxl’avoiràmescôtés.
—Maisjen’enaipasl’intention.Etc’estlapurevérité.—J’étaissurlepointdepartir.Tum’accompagnes?D’unmouvementdélicat, ilm’attire contre lui etglisse sesbras autourdema taille.Aprèsune
secondedesilence,ilposelesyeuxsurmoietmesourit.—J’iraioùtuvoudras.Maisonadeschosesàsedire.Je hoche la tête. Effectivement, nous aurons une petite conversation tous les deux, mais, pour
l’instant,ilyaplusimportant.
—Oui,maisjeveuxd’abordteprésenterquelqu’un.Le regard circonspect qu’il me lance montre clairement qu’il se demande qui peut être plus
important que de discuter tous les deux de notre relation. Il garde le silence et je lui en suisreconnaissante.Comment lui expliquer où je l’emmène ? Je préfère luimontrer directement. Sansposerdequestion,ilseretourneetnousmarchonsensemblejusqu’àmongarage.
Lesvingtminutesde trajetpassentdansunsilencereligieux.Ilyapourtant tellementdechoses
quej’aimeraisluidireetdontj’aibesoindemelibérer.L’histoireconcernantNathalieetSarah,ouencore cette peur dont je compte me délester, mais aucun mot ne sort de ma bouche. Nous enparleronsaprèsnotrevisite.
Enfranchissantl’immensegrilledemétal,jesensqu’ilsecrispeàcôtédemoi.Jemedemandecequ’ilpenseàcetinstant.Sonexpressionénigmatiquerestedifficileàdécrypterlorsquenoussortonsdelavoiture,toujourssilencieux.Cédantàuneimpulsion,jeluiprendslamainetenroulemesdoigtsautourdessiens.Iln’opposeaucunerésistance,maisneditpasunmot.
Unefoisàdestination,jem’arrêtenet.Nousarrivonsàl’ombred’unvieilérable–c’estd’ailleurslaraisonpourlaquellej’aichoisicettedernièredemeurepourlesmiens.Sousl’arbreimposantrègneun calme apaisant propice au recueillement.Au cœurde l’été, leur petite parcelle reste à l’abri dusoleilbrûlant.Aujourd’hui,l’arbreaperdusesfeuilles,maisellessonttoutesétaléessurlestombesenunecouverture flamboyantequi illumine l’endroit.Voilà le souvenirque jeveuxgarderd’eux :vivantsàjamais.
JeserredoucementlamaindeZachettournelatêteversluienlevantl’autremainpourdésignerlapierretombale.
—JeteprésenteMarcetAndrew.Mesmotsn’ontpasletempsdesortirdemabouchequedéjàleslarmescoulentetgèlentsurmes
joues.Jefermelesyeuxtrèsfort,presquetropfort;qu’ya-t-ild’autreàdire?Jesuislà,auxcôtésdel’hommequej’aime,maisdontj’ignorecommentpartagerlavie.Jelui
présentel’hommequej’aiaimémaisauquelj’ignorecommentdireaurevoir.Zachnemequittepasdesyeux.Jelessensposéssurmoialorsquelesmienssontencorefermés.
J’aipeurdelesouvriretdelirelamoindreémotionsursonvisage.Letempss’arrêteetnousrestonsainsi;moiluttantensilencepournepaspleurer,etluimeserranttendrementlamain.
J’aibesoinqu’ilentendelesmotsquej’aiàluidiremaisquejen’aipassuformulerjusque-là.—Ilyaquelquessemaines, jesuisalléeàunconcertavecMia.Et j’airencontréquelqu’un.Tu
l’adorerais,Marc.Jevoisd’ici tesyeuxbrillantset tonsourires’agrandir,creusant tesdeuxpetitesfossettesàl’annoncedelanouvelle.TuseraisfouenapprenantquejeviensdepasserdeuxsemainesentournéeavecZachWaltersetsongroupe.J’aimêmejouédusynthéaveceux.Tuauraisadorévoirça.
Enréprimantunsanglot,jepoursuisalorsqueZachmetientfermementlamain.—Je l’aime,Marc. Je l’aimeplusque tout, et, enmême temps, je t’aime encore.Chaque jour,
Andrewettoimemanquezterriblement.Jenesaispascommentengagerunehistoireaveclui:j’aitroppeurd’avoiràfaireunecroixsurnotrefilsettoienluidisantoui.Commentfaire?Jesaisquetusouhaites mon bonheur, que tu veux me voir continuer de vivre, sourire, éclater de rire, dansercommeonl’atoujoursfait.Maisj’ignorecommentl’aimersansteperdre.
J’avanced’unpaset tombeàgenouxsur lapierre froide.Levisagedans lesmains, j’éclateensanglots.
Jeviensd’exprimercequimeterrifieréellement.
Jen’aipaspeurdespaparazzis,desphotos,desgroupiesoudes rumeurs.En findecompte, jeprends conscience à cet instant que ce qui m’effraie, c’est de les oublier. J’ai peur d’oublier lacapacité d’Andrew à faire fondre le cœur des adultes en un sourire, j’ai peur de laisser le tempseffacerlesouvenirdesapetitemainquiépousaitparfaitementlamiennepourtraverserlaroute,desoncorpsfrêleetchaudblotticontremoilesoir,desespremiersmotsoudesonjouetpréféré.Jeneveuxrienoublier.Jeveuxgarderenmémoirechaquesecondepasséeaveceux.
Àgenouxsurleurtombe,jepleuretoutesleslarmesdemoncorpsjusqu’àgrelotterdefroid.J’ailementonglacé, lesdentsqui claquent etmes larmes figées formentunecouchedeglace surmesjoues.
Zachsemetàgenouxprèsdemoi,entouremesépaulesdesonbrasetm’attirecontrelui.Cen’estquepelotonnéecontresontorsechaudquejeremarqueàquelpointj’aifroid.Mespleursredoublentalorsquenousrestonsainsi,nousserrantl’unl’autredansunetendreétreinte.Toutdoucement,ilsebalance d’avant en arrière pourme bercer et me laisser pleurer autant qu’il faudra, jusqu’à fairedisparaîtremescraintesausujetdespersonnesquicomptentleplusaumondepourmoi.
Ilprendlaparoled’unevoixéraillée.—Jeneveuxpasquetulesoublies,Nicky.Ilsferonttoujourspartiedetoi.Jenetedemandepas
deleslaisserpartir,jeveuxsimplementquetumefassesunepetiteplace,àmoiaussi.Sesmots parviennent doucement jusqu’àmoi et je lève lementon vers lui. Il a les larmes aux
yeux.—Tumeparlerasd’euxchaquejour,et,situoublies,jeteleréclamerai.Jeveuxlesconnaîtreet
savoircommenttuétaisaveceux.Jeveuxtoutsavoirdetoi:tesjoiesettespeines,cellesduprésentcommecellesdupassé.
Jesecouelatête.—Jenesaispassijesuiscapabledetedonnertoutmoncœur,Zach.Ilsyoccupentencoreune
telleplace…Endéposantunbaiserpresquerudesurmonfront,ilrépondd’unevoixrauque:—Situmedonneslamoitiédel’amourquejeteporte,ceseraamplementsuffisant.Nousrestonslàjusqu’aucoucherdusoleil,tousdeuxplongésdansunsilenceponctuéseulement
par nos larmes.Après un longmoment, ilme force àme lever etme prend dans ses bras.À cetinstant, je comprendsque je veux tout : vouer un amour éternel àMarc etAndrew, tout en aimantprofondémentZach.
Cedoitêtrepossible,illefaut.Quelqueslarmesdévalentencorelelongdemesjoues.Miaavaitraison.Lesautresobstaclesentre
Zach etmoi n’ont aucune importance. Où vivre et comment passer du temps ensemblemalgré ladistance,cesontdesdétails.Toutcequiimporte,c’estl’amourquinousunit.
Chapitre14
Surlecheminduretour,nousnousarrêtonsàmonrestaurantthaïpréférépourunplatàemporter.Celamerappelledessouvenirs…Ai-jevraimentrencontréZachilyasixsemainesseulement?J’ail’impressiondeleconnaîtredepuistoujours.Tantdechosesontchangéensipeudetemps.
—Bonsang,c’estsibondeterevoir,Nicky!À peine entrons-nous dansmon salon qu’ilme soulève pourme prendre dans ses bras.Après
l’après-midiéprouvantquenousvenonsdepasser,ilestbondesavourercemomentdelégèreté.—C’estbondeterevoiraussi,Zach.Jeleserreplusfortcontremoietleregardedroitdanslesyeux.—Jet’aime.C’estlapremièrefoisquejeluifaisunetelledéclaration,etelleestsincère.Pour touteréponse, ilsepencheversmoietdéposeun tendrebaisersurmes lèvres.J’aimerais
immortaliserl’instantetlechériràjamais.Nousnepoussonspasleschosesplusloin;notrebaiserenrestelà,maisilestpleindepromessesetdepardon.
—Moiaussi,jet’aime,mechuchote-t-ilàl’oreilleens’écartantlégèrement.Nousnousmettonsà tableetZachmeraconte lafindesa tournée.Beaucoupdesujetsrestentà
aborder,mais,pourl’instant,nouspréféronsprofiterdecefragmentdeviequotidiennepourparlerdetoutetderien.Savieestloind’êtrebanale,maisc’esttoutdemêmeagréabledefairecommesiellel’était,neserait-cequeletempsd’unrepas.
Lorsquej’abordelesujetd’Ethan,sesyeuxlancentdeséclairsetilsecouelatêtefrénétiquement.—Jenevoulais pasque les choses se terminent commeça,mais il a vraiment tout fait foirer.
C’estarrivétrèsvite.Ilapassédeuxnuitssurplaceaucentrededésintoxication,etquandilestsortijel’aivirédugroupe.
Zachsembleculpabiliserd’avoirrenvoyéEthan.Çaadûêtredifficile,maisjepensequ’ilabienfait.
—Jeluiaiditques’ilvoulaitrevenirdanslegroupe,ildevaitd’abordallerencurededésintox.Ilm’aditd’allermefairevoir…avecsesmotsàlui.
—Jesuisdésolée.Ilhausselesépaulescommepourdirequecen’estpasgrave,maisjesaisqueçal’est.Malgréla
tensionquirégnaitentrelesdeuxhommes,Zachs’estinquiétépourEthancommeill’auraitfaitpourn’importequelautremembredesongroupe.
—Maintenant, j’imagine qu’il va falloir trouver un nouveau pianiste pour les enregistrementsstudio.
Ilmelanceunregardencoin,puisretourneàsonassiette.Unefoislerepasterminéetlacuisinerangée,nousnousrendonsausalonavecunverredevinetnousblottissonsl’uncontrel’autredanslecanapé.
—Cematin,j’aivuNathalieLinscum,avanttonarrivée.
Était-cevraimentaujourd’hui?Ilyaeutantdechangementsdepuiscetteentrevue.Enlevoyantfroncerlessourcils,jemerendscomptequ’ilignoredequijeparle.
—C’est lafemmedugouverneur.Jevoulais lavoirpour luidireque je luipardonneetque jen’enveuxplusàsafilleSarah.
Jesirotemonvinaussilentementquepossiblepourgardermoncalme.—Etc’estlavérité?medemande-t-ilavecdegrandsyeuxétonnés.Dansunhaussementd’épaules,jem’essuielefrontdureversdelamainetrespireprofondément.—Oui.C’estdur,maisjeneveuxplusressentirdepeur,d’amertumeoudecolère.Ilnemereste
quecettesolution:leurpardonner.Ilm’attire vers lui et pose lementon sur le haut dema tête.Après un instant de silence, jeme
décideàluiendireunpeuplus.—Sarahveutintervenirauprèsdeslycéensducoinpourracontersonhistoire.Elleaimeraitfaire
prendreconscienceauxjeunesdesonâgequecertainsactesontdesconséquencesgraves.—C’esttrèscourageuxdesapart.Le ton apaisant de sa voix me réconforte. Et dire que j’ai envisagé de faire ma vie sans cet
homme…—Commentas-tuaccueillilanouvelle?—D’abord,j’aiétéfurieuse.Etpuis,quelquechoseachangéenmoi.Finalement,sisondiscours
permet d’épargner l’épreuve que nos deux familles ont traversée à ne serait-ce qu’une personne,alors ça en vaut la peine. Je suppose que je le prends bien. Je dois parvenir àme défaire demescraintes.Ellesnedoiventpasdictermavie.
LamaindeZachglissederrièremanuquepourattirermatêtesursonépaule.—Lasemaineprochaine,ceseraThanksgiving.Jetrouvelechangementdeconversationunpeubrutal.—EtlesamedisuivantilyauralacérémoniedesMusicAwards,dontlesfanssontlejury.J’enaientenduparler.ChaseademandéàMiadel’accompagneràcettesoiréelorsqu’elleétaità
Philadelphie et elle a déjà acheté sa robe. Je sais que Zach est nominé pour le prix de l’Artistemasculindel’année–qu’ilaremportéilyaquelquesannées–etpourceluidel’Albumdel’année.
—Tuveuxbienm’accompagner?Savoixtremblelégèrement.Jesaisqu’ilcraintdem’exposerauxjournalistes.—MamèreetSammyviennentàlamaisonleweek-endprochainpourThanksgiving.J’aimerais
quetuviennes,etquetum’accompagnesàlacérémonie.Maréponsenesefaitpasattendre.Sijeveuxvivreunehistoireavecluietfranchirunnouveau
cap dansma vie, il vame falloir passer outremes peurs. Pour ça, quoi demieux que de se jeterdirectementdans lagueuleduloup?Cetélandecouragemesurprendet jepriementalementpourqu’ilnedisparaissepastropvite.
Quelquechosemeditquej’enauraibesoin.—Jeserailà.Sonpetit sourire en coin tellement sexy est de retour ; lemêmeque le jour où j’ai acceptéde
monterdanslebus,commes’ilsavaitquejediraisoui.Aprèstout,jenepeuxrienluirefuseretillesaittrèsbien.
—Tuessûre?Jehochelatête.—J’iraioùtuvoudras,Zach.Est-cequej’auraipeur?Oui,c’estfortprobable.Jemepencheversluipourluidonnerunbrefbaiser.
—Quandveux-tupartir?Ilhausselesépaules.—Quandtuvoudras.Dutacautac,jerépondsensouriant:—Demain?JepourraiachetermarobeàLosAngelesetappelermesparentsquandjevoudrai.J’aienviede
voiroùilvit,etleplustôtseralemieuxpouréviterderéfléchirauxrisquesencourusetàtoutesceschosesquim’empêchentd’avancer.
Nefaisantniunenideux,Zachsortsontéléphonedesapocheetcomposeunnuméro.Ilsourit.Jenepeuxpasm’empêcherdel’imiter.
—Qu’est-cequetufais?Ilmelanceunclind’œiltaquin.—Jeréservelesbilletsd’avionavantquetunechangesd’avis.Alorsqu’ils’occupedelaréservation,jem’envaisnettoyernosverresàpied.C’estalorsqueje
prendsconsciencedel’heuretardive.Ilestpresqueminuitetlajournéeaétélongue,jesuisépuisée.J’aibesoind’allermecoucher,mais jen’aipasenviedemeséparerdeZach. Jeveuxqu’ilvienneavecmoi.
Enmerejoignantdanslacuisine,iltapedanssesmainsd’unairtriomphant.—Levolestprévupourdemainaprès-midi.Tuessûrequeçanet’ennuiepas?J’en suis absolument certaine. Jeme retournevers l’évier et sensqu’il s’approchedemoi.Ses
mainsglissentautourdematailleetm’attirentcontrelui.Jemelaissefaire,latêtetombantsursonépaule.
—Net’inquiètepas,aucontraire.Ilsepencheàmonoreilleetfrottesonnezcontrematempe.—Tantmieux.J’aihâtedetefairevisitermamaisonetdeteprésenteràmamèreetàSammy.Je
veuxtoutpartageravectoi.Nousrestonsainsi, le tempsdefinir lavaisselle.Jesens lesbattementsdesoncœur toutcontre
moi.Jen’aipasenviedemeretrouverseulecesoir,encoremoinslorsqu’ilestsiprèsdemoi.Jemeretournedoucementversluietluisusurreàl’oreille:—Tum’emmènesaulit?Je souris en le voyant déglutir avec peine. En le prenant par la main, je l’emmène dans ma
chambreetluidonneunebrosseàdents,puisnousallonsàlasalledebainschacunnotretour.Une fois prête, je reviens dans la chambre. Mon pyjama n’est pas très sexy : un short et un
débardeurvioletpastel,àlafoissimpleetconfortable.Toutefois,l’étincellededésirquibrilledanslesyeuxdeZachnem’échappepas.Intérieurement,jejubiled’observerlaréactionquejeprovoquechez lui. Lui non plus ne me laisse pas de marbre. Ses bras posés par-dessus la couverturem’indiquentqu’ilneportepasdetee-shirt.Jedevineaussique,souslesdraps,ilestencaleçon.Lesimagessebousculentdansmatêteetlachaleurdelapiècedevientétouffante.Dansquelquessecondesjemerapprocheraidececorpsparfaitementsculptéetcetteidéemefaitrougirdelatêteauxpieds.
Pourtant, j’aisouvenirdel’avoirdéjàvutorsenu.D’ailleurs,nousavonsdéjàdormiensemble,même si nous gardions nos vêtements. Cette fois, c’est différent : il est dans mon lit, dans machambre,chezmoiàMinneapolis.Contrairementauxnuitspasséesentournée,leschosesdeviennentétrangementconcrètes.
Lejouroùjel’aidécouverttorsenujouantdelaguitare,jesuisrestéefigéesurplacecommeuneidioteenledévorantduregard.Jeparviensàmefaireviolenceetàmedéplacerjusqu’aulitpourne
pasretomberdanscettebéatituderidicule.Heureusement,l’uniquesourcedelumièreprovientdemapetitelampedechevet;jepeuxdoncprofiterdelapénombrepourluicachermesjouesrosiesparledésir.Aufonddemoi,j’aienviedepartagerbienplusqu’unesimplenuitdesommeilaveclui.
Zachestcouchésurlecôtéetm’observealorsquejemeglissesouslesdrapspourm’allongersur le dos. Je suis en ébullition, telle une adolescente angoissée le soir de son bal de promo.Intimidée,jemeretourneverslui.
—Viensparlà,mesouffle-t-ild’unevoixsourde.Jemedemandes’ildoitfairepreuved’autantderetenuequemoipournepascéderàdespulsions
autrementmoinsinnocentes.Avecdélicatesse, ilm’attireà luipourmelaisserposermatêtecontresontorse.Danscetteétreinteoùnoscorpss’épousentparfaitement,jesenssesmusclescontremoietj’aidumalàavalermasalive.
Zachs’amuseavecuneboucledemescheveuxengloussant.Jelèvelementonpourcherchersonregard.
—Qu’est-cequit’amuse?—Jesuisdanstonlit,Nicky.Confuse,jeluilanceunregardinterrogateur.— Je n’arrive pas à y croire, explique-t-il. Dans l’avion, j’avais tellement peur que tu ne me
repousses. Au lieu de ça, tu m’as dit que tu m’aimais et rien au monde ne peut me rendre plusheureux.
Ilsepencheversmoietdéposeundouxbaisersurmonfront.—Ilesttempsdedormir,monamour.—Jet’aime.Jereposematêteaucreuxdesontorse,medélectantdelesentirsesouleverpuisredescendreau
rythmedesarespiration.Àpeinequelquessecondesplustard,jesuispresquedanslesbrasdeMorphéelorsquejel’entends
mechuchotercesmots:—Jet’aimeaussi.Auréveil,jesuisseuledanslelit.Jemefrottelesyeuxpouréluciderunmystère:cettenuitétait-
elleunrêve?Laréponsemesauteauxyeuxenremarquantl’empreintesurl’oreilleretlefroissementdesdrapsàcôtédemoi,làoùZachadormi.Ilétaitbienlà.L’idéedevivreunehistoireavecZachmecombledejoieàtelpointquej’aienviedemeleveretdefaireladansedelavictoireaumilieudemachambre,oud’appelerMiapourluihurlermonbonheurjusqu’àluibriserlestympans.
Il est temps deme lever pour retrouver l’hommequimemanquedéjà.C’estmapriorité de lajournée.
Alorsquejesorsunerobedechambreduplacardpourm’envelopperdedans,l’odeurexquiseducafémechatouillelesnarines.
Parfait,medis-jeensouriant.Ilapréparélecafé.Je ne suis pas au bout demes surprises en arrivant sur le seuil de la cuisine.Quelque chose a
changéen lui. Il estdedos, les coudesposés sur le comptoir etporte lamême tenuequ’hier, sansoublierlacasquettedebase-ballàl’envers.Iln’amêmepasemportédebagageaveclui.Cetteidéemefaitsourire;sonbesoinirrésistibledemevoirl’apoussédanslepremieravion.Ill’afaitpourmoi.Pourmeretrouver.Quelbonheur!
Derrière lui, j’emprisonne sa taille dans mes bras et hume son odeur, celle du savon et dusommeil;ceparfumquiluiressembleetquej’adore.
Enpressantmajoueaucreuxdesondos,jeluimurmure:—Bonjour.—Bonjour.Tuasbiendormi?Ilseretourneet,avecunsourireradieux,merendmonétreinte.—Hmm,oui.Commeunbébé.Ce câlinme plaît encore plus que le précédent.Cette fois, je pressema joue contre son torse,
exactementcommehiersoiraumomentdem’endormir.—Mapremièrevraienuitdepuisdeslustres.—Moiaussi.Sonsourirenes’amenuisepaslorsqu’iljoueavecunemèchedemescheveux.—Jet’aipréparéducafé.—Tuesgénial.Jemedirigevers lacafetièreetmesersune tassedecafénoir. Ilm’est impossiblede leboire
autrement,jen’aimepaslesucrer.Cecarburantbrûlantestleseulmoyendemeréveiller.Cematin,ilrègneuneatmosphèrepaisible, uncalmeque jen’avaispas ressentidepuis longtemps,mêmeavecZach.Jeveuxlerespireràpleinspoumonsetlesavourerautantquepossible.
C’estincroyablecommeletempsnousfaitchanger.Entoutcas,moijechange.Lajournéed’hieraétébeaucouppluséprouvantequejenelepensais,
maisc’étaitunmalnécessaire.EnpardonnantauxLinscumetenconfiantmescraintesàcœurouvertà Marc et Andrew, j’ai retrouvé un sentiment d’apaisement que je n’avais plus éprouvé depuisl’accident.Onpourraitcroirequecettepaixintérieurearriveunpeutard,mais,envoyantZachmesouriantaucomptoirdemacuisine,jemedisqueletimingestparfait.
—Tudoisfairetesvalises,mefait-ilremarquer.Savoixdouceetsuavemetiredemespenséesdepetitdéjeuneret…d’amour.—Jedoisprévoirdesaffairespourcombiendetemps?Soudain,jem’aperçoisqu’ilaréservédesbilletsd’avionsansmeconsulterconcernantlesdates.
Ilm’ainvitéepourThanksgiving,etlacérémonieauralieusamedi.Celaveut-ildirequejeneseraiavecluiquepourquelquesjours?Iln’yarienquipresseàMinneapolis,puisquejen’aiprogramméaucuneséancephotodepuismonretour.
—Pourtoujours?medemande-t-ild’untonàlafoisenjouéetpleind’espoir.Soudain,l’airmemanque.EmménageràLosAngeles?!Ildoitplaisanter!C’estsansdouteune
blague…—Pourquelledateas-turéservémonbilletretour?Ilnerépondpas.—Zach?Je repose la question, il a forcément réservé un billet retour. Avec un haussement d’épaules
nonchalant,ilm’adresseunsourirefier.—Jen’aiprisquel’aller.Que suis-je censée répondre à cela ? Je n’arrive pas à croire qu’il puisse estimer que mon
emménagement chez lui est lameilleure solution.C’estbeaucoup trop tôt.Undemi-continentnousséparaitencoreilyavingt-quatreheures.Jenesaispasquoiluirépondre.
—Danscecas,jeprendscequimevientsouslamainetonverraunefoislà-bas,d’accord?Ilfaitlagrimace.—D’accord.
Chapitre15
NousempruntonslesruesdeSantaMonicaendirectiondesamaison.Jenetienspasenplace;l’excitationetlanervositémefontressembleràunegamineimpatiente.Lesvaguess’abattentaupieddesfalaises,encontrebas,alorsquenousroulonslelongdelacôte.J’assisteauplusbeauspectaclequem’aitoffertlanature;heureusement,j’aipenséàmonmaillotdebain.Mêmesilatempératuredel’eaun’est pas loinde zéro, commec’est probablement le cas, je profiterai des quelques jours icipourenfilermondeuxpiècesetpiquerunetête,histoirededirequejel’aifaitaumoinsunefoisdansmavie.Aprèstout,jedécouvrel’océanPacifiquepourlapremièrefoisetlatiédeurdel’airmarinmefaitpousserdesailes.
Finalement, nous arrivons au pied d’une imposante grille de fer forgé. Darren appuie sur leboutond’unepetitetélécommandeetlesbattantss’ouvrentlentementdevantnous.JemeretourneversZach ; il aunemainposée sur lamienne, sur sesgenoux.De touteévidence, il estpluscalmequejamaisalorsquejesuisunevéritablebouledenerfs.
Bouchebée,jesuistétaniséeparlasurpriselorsquenousnousgaronssurlepetitchemin.—C’esttamaison?«Maison»n’estpasletermeapproprié.«Musée»conviendraitmieux,ou«manoir»,ouencore
«hôtelparticulier».Lesmotsmemanquentpourdécrirelebâtimentimmenseàl’architecturetypiqueduSud-Ouestaméricainquisedressedevantmoi.Cen’estpasunemaison,voilàlaseulechosedontjesoiscertaine.Cemotesttropsimpleettropbanalpourdécrireunedemeured’unetelleampleur.Ilyaun,deux,trois…sixgaragessurlagauche.Six!Toutelabâtisseestincurvéeencroissantdelune,jenesavaismêmepasqu’unetellechoseétaitpossible.Unpetitchemindebriquefascinantdebeautécourtaumilieudujardinpourmener,j’imagine,àlaported’entrée.Jen’envoispasl’extrémitétantlaverdureondoyantemasquemavue.Lesplantesetlesfleursauxcouleurschatoyantesformentl’undesplusbeauxjardinsquej’aiejamaisvus.
—Ehoui.Uneréponsesimpleetefficacedemonhôte.Jesuisépoustouflée,sidéréemême,desavoirqueje
connais lepropriétairedecetendroit.Zachestune rockstaretamassesansdouteplusdemillionsqu’on ne peut imaginer, soit,mais tout demême. C’est presque trop. Samaisonme fait lamêmeimpressionquelejouroùj’aidécouvertsonbus.Etcen’étaitqu’unbusdetournée!Bouleversée,jeprendsalorsconsciencedeladistancequiséparenosdeuxmodesdevie.
—Jel’aiachetéepourlegroupeetmoi.Chaquechambreasapropresuiteetsespiècesàvivre.Enpérioded’enregistrementàLosAngeles,GarrettetChasepassenttoutleurtempsici.
Chaquechambre?Jemedemandecombienilyena.Decepointdevue,jesaisdéjàqu’ilyenaplusquedansn’importequelleautremaisondanslaquellej’aipuentrer.Mesyeuxs’écarquillentdesurprise.D’ailleurs,jesuisétonnéedevoirqu’ilss’agrandissenttoujoursplus.
Zachmeprendlamainensouriant.—Cen’estqu’unemaison,Nicky.Respire.
Pour suivre son conseil, je prends une profonde inspirationmais éclate de rire en émettant unraclement de gorge fortuit et très peu sensuel. Zach se moque de moi et, par la même occasion,dissipel’angoissequejesentaismonterenmoi.
Cen’estqu’unemaison.Fairecetteremarquedansuntelcontextemedonneenviederireàm’endécrocherlamâchoire.—Allez,viens.Onposelesbagages,jetefaisvisiteretensuitejet’inviteàdîner.C’estmontour
deteprésenterquelqu’un.Enprononçantcesderniersmots,ilmelanceunregardmalicieux.—Quiest-ce?J’aimeraissavoir.Jesaisqu’ilagrandidansunquartiernonloind’icietquesamèreetsasœur
n’arriventquedansquelquesjours.Dequis’agit-il?Pourtouteréponse,ilhausseunsourciletmetendlamainpourm’aideràsortirdelavoiture.—Tuverras.Jeluiemboîtelepasendirectiondel’entréedelamaison.Effectivement,j’aivujuste:l’entréeest
cachéederrière lesarbustesetautresplantesgrimpantes,sousunpatio isolé.Lecheminpavéquiymènedonnel’impressiondetraverserunepetiteforêtavantd’arriverjusqu’àlaporte.
J’entredanslamaisonetmefigeaussitôttantl’endroitm’émerveille.Lesmeublesn’attirentpasmonattention;ducoindel’œil,jedevinelesombresdecanapés,detablesetdetableauxaccrochésauxmurs,maismesyeuxsontcaptivésparlepanorama.
Lemurdufondestentièrementconstituéd’imposantesbaiesvitrées.Elless’étendentsurtoutelalargeur de la pièce et du sol au plafond. Sur le côté du patio, la piscine à débordement donne lasensationd’unegerbed’eautombéeduhautd’unefalaiseprêteàsejeterdirectementdansl’océan.Jeprête peu attention au reste car je suis émerveillée par la vue splendide qu’offrent les grandesfenêtres.C’estcommesij’étaisattiréeparcepanorama;j’avancemachinalementpourl’apprécierdeplusprès.Cettejournéeestmagnifique,sansunseulnuage,cequimepermetdeprofiterpleinementde la vue. Il n’y a pas demots pour décrire ce paysage.En contrebas, l’océan d’un bleu idylliques’étaleàl’horizonjusqu’àsefondreaveclalimiteducielazuré.Seulesquelquesvaguesauxcrêtesblanchesviennentéchouersurlesberges.
Alors que le spectacle me plonge dans un état de béatitude, je sens la présence de Zach quis’approchederrièremoi.
—C’esttoutsimplement…waouh!Jen’arrivemêmepasàformerunephrasecomplète.—Jesais,merépond-ilenpassantunbrasautourdemataillepourm’attirerfermementcontre
lui.Lavueplongeanteestlapremièrechosequim’afaitachetercettemaison.Jemesensbien,ici.D’unevoixteintéed’émerveillement,jemurmure:—Jetecomprends.—Dépêchons-nousdevisiterlerestedelamaison.Jen’aipasenviedebouger,cequifaitrireZachcarildoitmetirerparlebras.—Tuaurastoutletempsd’enprofiterdemain,après-demain,aprèsaprès-demain…Parvenantenfinàm’arracheràmacontemplationdel’océan,jeluilanceunregardencoin.Jeme
demandecombiende« après» il comptait ajouter à«demain» avantque savoixne s’éteigne endecrescendo.Jecessed’yréfléchir,carlesderniersmotsquejesuisprêteàentendrepourlemomentsont:«pourtoujours».Aveclesvertigesquemeprocureladécouvertedecettedemeure,jeseraiscapablededireoui.JesecouefrénétiquementlatêtepourchassercettepenséedéliranteetmelaisseguiderparZachendirectiondecequ’ilappellel’«aileest»desamaison.Ilvitdansunedemeure
constituéed’ailes!Lorsde lavisitedespartiesnuit, j’apprendsqu’ilpossèdehuitchambres.Huit !Jeveux levoir
pourlecroire.Aprèsuntourdanslacuisineetunretourparlesalon,ilm’emmènedel’autrecôtédelamaison,
cequ’ilappellel’«aileouest»,oùsontsituéestouteslespiècesatypiques.Chacuned’ellesm’arracheuncri de surprise.Dans lapremière,Zacha installé sapropre salledeprojection : ony trouve lemêmeécrangéantquedansune salledecinémaclassique, ainsiqu’une rangéededouze siègesencuir,séparéspardesaccoudoirsmunisdeporte-gobelets intégrés.Plus loin, jedécouvresonhomestudio.
Ici,ilsaimentcomposer,répéteretenregistrerleursnouveauxmorceaux,m’expliqueZach.Laplupartdutemps,cetravailesteffectuéauxstudiosdeleurlabel,aucœurdeLosAngeles,mais
lorsquetousseretrouventchezZach,ilsapprécientdetravaillersurunoudeuxmorceauxavecleurproprematériel. Je repense à la photo que je préfère de leur tournée, celle oùZach etChase, têtepenchée,sontplongésdanslacompositiond’unmorceau,etjelesimaginetravaillantici,danscettepièce.Jemedemandequelsmorceauxontvulejourici.
Sans me laisser le temps de lui poser la question, Zach m’entraîne jusqu’à sa dernière salled’activité.Aumilieudelapiècetrôneunbillardimmense,commeceuxquel’ontrouvedanslesbars.Lemurdufondrappelleceluidusalon:desbaiesvitréessurtoutelalongueurdelapièceoffrentunevue imprenable sur l’océan. Sur le côté, un canapé en cuir noir arrondi donne sur la plus grandetélévisionquej’aiejamaisvue.Lesjoueursdefootsurcetécrandoiventapparaîtreentailleréelle.
—Voicimapiècepréféréedelamaison,annonce-t-ilenm’attirantjusqu’aubillard.Dans un ricanement, je me souviens qu’il ne m’a toujours pas payé le prix de notre pari
concernantlapartieoùjel’aibattuàplatecouture,àChicago.Maisjedécidedenepasenparler.Entoutcas,paspourl’instant.
—Çanem’étonnepas.Cettepièceluiressemble,avecdesmeublessimplesetsombrescomparéaurestedelamaison.On
s’ysentbienetilyrègneuneatmosphèretrèsmasculine.Lessoiréesqu’ilpasseiciavecChase,JakeetGarrettdoiventtransformerlelieuenvéritablegarçonnièreoù,pendantlespartiesdebillard,lesblagues demauvais goût et la bière doivent couler à flots. Je souris enm’imaginant la scène.Cesgars-làmemanquentplusquejenel’auraisimaginé.
JenesuispasauboutdemessurpriseslorsqueZachmefaitdécouvrirsongarage.Ouplutôtl’un
de sesgarages.Lesheuresontpassé et nous sommes sur lepointdepartir dîner. Jedécouvreunedécapotablenoire trois portesdont le toit est abaissé.Elleme fait penser à unede cesvoituresdufuturqu’onvoitparfoisdanslesfilms,ouencoreàunvéhiculequeBatmangarderaitcachédanssagrottesecrète.
—Waouh,c’esttavoiture?Lafiertésedevinedanssonsourire.—Ehoui.Je l’aiachetée justeavantdepartiren tournée.C’estuneMercedesRoadster.Elleen
jette,hein?—Elleestsuperbe.Jenesuispasunegrandeamatriced’automobiles,maiscelle-ciesttropimpressionnantepourne
passusciterl’admiration.Jem’installesurlesiègepassageretmoncorpss’enfoncedanslecuirgrisargentéincroyablementconfortable.
Unedemi-heureplustard,nousnousgaronsprèsdecequiressembleàunvieuxbarmiteuxdes
quartierspopulaires.Le longduvieuxmur, toutes lesbriquessontentamées,etcertainesmanquenttoutsimplementà l’appel.Derrière les fenêtres,des lettresde l’enseigne lumineuseontdisparu.Lemot«BIENVENUE»n’estpluséclairéalorsque«C-EZB-IAN»clignoteirrégulièrement.Maisoùm’emmène-t-il?Ensortantdelavoiture,Zachappuiesurunepetitetélécommandepourlafermeràdistanceetjenesuispasrassurée.
—Hum…Tuessûrqu’elleestensécurité,ici?Etnousaussi?Jebalaie le lieudu regard, d’un côté à l’autre de la rue, angoisséepar l’obscurité lugubre.Ce
n’estpasunquartierréputépourêtredangereux,maisiln’yapasunchat,nisurlaroute,nisurletrottoir.
Zachsemoquegentimentdemoi.—Ellenerisquerienetnousnonplus.Briancuisinelesmeilleurshamburgers.Enplus,lebillard
estgratuit, j’aidoncpensésaisir l’occasionpourrécupérerl’argentquej’aiperduànotredernièrepartie.
—Puisquetunem’asjamaispayécequetumedevais,çanedevraitpasêtretropcompliqué.Jelebousculeàl’épauleaffectueusementavantdelancerunautreregardderrièremoidanslarue.—Etpuis,cettefois,iln’yapasdepublicpourtetroubler.— Très drôle. C’est parti, la Reine des Billes. Je meurs de faim, et je voudrais te présenter
quelqu’un.Jeluiadresseunregardinterrogateur,maisildéposesimplementunbaisersurmonfrontavant
demeguiderverslesportesdubar.«ChezBrian»,s’ils’agitbiendunomquetententd’indiquerleslettresuséesdel’enseigne,estun
baraussimiteuxdedansquedehors.D’aprèscequejevois,iln’yapasplusd’unedizainedetablesenFormicanoir.Ellesoccupentunelargepartiedelapièce,accompagnéesdeleurstabouretshautsdontlescoussinsrougessontpresquetousrongésparlesmites.Aufonddelapiècetrônentdeuxtablesdebillard.Iln’yapersonneaucomptoir,sicen’estlebarmancostaudquisursauteàpeineavons-nousfranchileseuil.
—ZachWalters!hurle-t-ilaumomentoùlaporteserefermederrièrenous.Quoideneuf,mongrand?
Legaillard foncedroit surnous et enserremonhommede ses énormesbrasdansuneétreintedigned’unoursdesmontagnes.
—Salut,Brian.Unefoislibérédelabête,Zachfaitlesprésentations.—JeteprésenteNicky.—Raviedevousrencontrer,dis-jepoliment.—La fameuseNicky ?C’est à toi que je dois les jérémiades demon vieux pote au téléphone
depuisunesemaine?D’ungestebrusque,illebousculecommepourletaquiner.Maisquiestcetype?—C’estelle,confirmeZach.Brianreculed’unpasetm’examineouvertementdelatêteauxpieds.—Jecomprendsmieuxpourquoiilm’afaittantd’histoires,lance-t-ilenadressantunclind’œilà
Zachtoutenmeprenantparlesépaulespourmeguiderverslecomptoir.Monamileregardefaireavecamusement.Seréjouit-ildevoirunautrehommem’emmenerloin
deluioudeconstatermonexpressiondésemparée?—Zachneramènepasdesnanasicitouslesjours.Jeleconnaisbien,ildoitdrôlementteniràtoi.
Viensmangerunmorceau,jevaisteracontertoutcequejesaisdecettecrapule.
Alorsqu’ilnoussertàboire,jemepenchediscrètementversZachetluichuchoteàl’oreille:—D’oùconnais-tucetype?Ilsemetàricaner.—C’estBrian,l’amidontjet’aiparlé.—C’estlui,Brian?!QuandZachmeracontaitlesaventurespartagéesavecsonamid’enfance,jenem’imaginaispas
cegenredepersonnage.—Maisilesttellementcostaudet…effrayant.—Oui,ilpeutsemontrerintimidant,maisilneferaitpasdemalàunemouche.Jevoulaisàtout
prixteleprésenter.—Waouh.Jenel’imaginaisvraimentpascommeça.JesirotelabièrequeBrianvientdemeglissersurlecomptoir.—Pourquoiest-cesicalme,ici?—Jeluiaidemandédefermerlebaraupublic,cesoir.Ilm’explique cela comme s’il était normal de faire fermer un lieu comme ça, en claquant des
doigts.—Quoi?!Maispourquoi?Ilhausselesépaulesavecnonchalance.—J’avaisenvied’êtreseulavectoi,etjesavaisqueBrianleferaitavecplaisir.Enplus,jevoulais
quetulerencontres.Tum’asprésentéàtoustesproches,jeveuxenfaireautant.Àcetinstant,j’aimeraismetransformerenpetitesourispourmecacherdansuntrou.—C’estincroyable;iltesuffitd’uncoupdetéléphonepourobtenircequetuveuxdesautres.—Brianest commeun frèrepourmoi,onest toujours là l’unpour l’autre.Dis-toiqueça fait
partiedesavantagesquemeprocurelestatutdedieudurock,oujenesaisplusquelnomtoietMiamedonnez,ajoute-t-ilenmelançantunclind’œilcharmeur.
Ilmedonneenviedeleserrerdansmesbraspourneplusjamaislelaisserrepartir.Impossibledelui résister alorsquenous sommesassis là surnos tabouretshauts, tapisdans l’obscuritéd’unbarqu’ilafaitfermerrienquepourmoi.
—Mercimillefois,tusaiscommentmefaireplaisir.—J’espèrequecette crapulene te remplit pas la têtedemièvreries, nous interromptBrian,de
l’autrecôtéducomptoir.Avec un plaisir non contenu, je les écoute se remémorer de vieux souvenirs en se tapant
amicalementdansledos.J’enapprendsplussurlelycéendécaléetmaldanssesbasketsqu’aétéZachpendantsonadolescence.Enrougissant,ildémenttouteslesanecdotesrévéléesparlebarman,maisilestévidentquecedernierditvrai, l’embarrasdeZachletrahitet jenepeuxm’empêcherd’enrire.Entreautrespotins,Brian raconte lepremier flirtde sonami.La fille l’amenépar leboutdunezpendanttouteslesannéeslycéesansluiprêteraucuneattention,mais,aprèslasortiedupremiersingledeZach,ellel’appelaitàtouteheurepourlesupplierdel’inviteràdîner.Jesourisenapprenantqu’iladéclinél’offre.
Plusj’ensaissursavie,plusjetombeamoureusedelui.Jemesensplusquejamaisattiréeparlui.C’estpeut-êtredûàtouscessouvenirsd’enfancequepartageavecluiunamiquileconnaîtvraiment.IlmefaitdécouvrirlevraiZach.L’hommequisecachederrièrelarockstar.EnprésencedeBrian,ilnecherchepasàjouerunrôleettombelemasque.Jem’ensuisaperçuedèsl’instantoùnoussommesentrésdanslebar.Aumomentdepasserlaportede«ChezBrian»,ils’estmontrésousunnouveaujour. Habituellement, les lieux publics ne lui font pas peur et il affiche une nonchalance à toute
épreuve.Ici,c’estdifférent:ilrestelui-mêmeetserendvulnérableenm’offrantunaperçudecequeseraitlavieavecluiauquotidien.
Etjedisoui.Jeprendraitoutcequ’ilaàmedonner.Jeleprendrai,lui.Pourlapremièrefois,jemesensàmaplace.Brianpartchercherquelquechosedans l’arrière-salleet j’enprofitepourmeglisseraubasde
montabouretetmefaufilerentrelesjambesdeZach,assisàcôtédemoi.Deboutfaceàlui,jelèvedoucementmesmains jusqu’à sanuqueet l’attire àmoi,m’arrêtant juste aumomentoù ses lèvressontàuncentimètredesmiennes.Unpetit rictusm’échappe lorsque jem’aperçoisquesonsouffles’accélère.Jeluimurmure:
—Merci.Puis,désireusedefairedisparaîtrelepeud’espacequinoussépare,jem’approchejusqu’àsentir
sonsoufflechaudsurmapeau.—Pourquoi?Lesmots sortent de sa gorge avec peine. Il est excité et j’en suis la cause. C’est un sentiment
puissantquedeconstaterl’effetquejeluifais.—Pourhier.Pouraujourd’hui.Toutestparfait.Sanslelaisserprononcerunmotdeplus,jel’attiretoutcontremoietdévoreseslèvresavecune
passion que je neme connaissais pas. Je veuxqu’il sache la force demes sentiments et de ce quej’attendsdenousdeux.Ildoitsavoirquejel’aimeplusquetoutetàquelpointj’admirel’hommequisecachederrièrelemusicien.
Ilmetfinànotrebaiseretreculelégèrementlatêtepourmeregarderdroitdanslesyeux.—Cen’estpasfini,dit-ildansunsouffleavantdereprendrepossessiondemabouche.Ilmesoulèveparleshanchespourm’asseoirsursesgenoux,àcalifourchonsurlui.J’oublieque
noussommesdansun lieupublic ;Brianpeut revenirà toutmomentetmevoirme jeter surZachavec voracité, mais ça m’est égal. J’ai besoin de le sentir près de moi. Alors que nos lèvress’épousentparfaitement,ungémissementm’échappe.
EmbrasserZachestunpeucommeexplorerunmondenouveau,orjen’aipasenviedemettreunterme à cette aventure. Les minutes passent, j’ignore combien exactement, lorsqu’il pousse ungrognementrauque;jedécidealorsdemereculer.
—Zach?Affamé,iltentedeserapprocherdemaboucheengémissant,maisj’appuiedoucementmamain
contresajouepourl’arrêterdanssonélanetleregardedroitdanslesyeux.—Retournonscheztoi.Interloqué,ilaunmouvementdereculetscrutechaquetraitdemonvisage.—Tuessûre?Onn’estpasobligésde…Jel’interromps.—J’enmeursd’envie.Ilsepencheversmoi,m’embrassesurlajoueetposeuneliassedebilletssurlecomptoir.—Inutiledemelediredeuxfois,c’estparti.Enm’attrapantparlamain,ilm’entraînedehorsetseprécipitejusqu’àlavoitureaupasdecourse
alorsquejelesuisengloussantcommeuneadolescente.Une fois installés dans l’habitacle, le silence tombe comme une chape de plomb. Nous ne
prononçons pas un mot de tout le trajet jusqu’à la maison, mais je remarque les mains de Zachcrispéessurlevolant.
Nous arrivons sur le petit chemin.Unemain au bas demon dos, ilme guide jusqu’à la porte
d’entréeetm’embrassedeplusbelleaumomentdelarefermer.—Machambre,çateva?medemande-t-ild’untonlascif.Jehoche la têteensigned’approbation.Lamain toujoursaucreuxdemes reins, ilmeconduit
jusqu’au bout du couloir. Chacun de nos pas vers sa chambre fait grandir l’appréhension quimerongeintérieurement.C’estunmélangesubtildedésiretd’angoisse.
Devantsaporte,ilmeprendparlebraspourmeforceràluifaireface.Latensionestapparentesurmonvisage.
—Zach,je…Ilavanced’unpas,meprendlesmainsetlesposeautourdesataillesansleslâcher.—Tuaschangéd’avis?Danssesyeux,jenelisnijugementnifrustration,maisuneinquiétudeévidentepourmoi.Jesais
quejepeuxluidemanderd’arrêter,ilneleprendraitpasmal.Sapatiencem’esttellementprécieuse.Ilestadorableettientàtoutprixàsuivremonrythmepournepasmemettremalàl’aise.Cethommeestincroyableetilestamoureuxdemoi.
—Non,cen’estpasça.Jeretireunemaindesonempriseetmefrottelefrontpourreprendremonsouffle.—C’estjusteque…jen’aiconnuqueMarcetpersonned’autredepuis.Prends ton courage à deux mains et dis-lui la vérité, me dis-je intérieurement en respirant
profondément.—J’aipeurdetedécevoir.Jedeviensrougecommeunepivoineetmeretournevivementpourqu’ilnevoiepasmagêne.Je
n’aiconnuqu’unhomme.Derrièremoi, j’entendsunpetit rire joyeux.Enposant lamainsurmonmenton, il tournemon
visageversluipourplongersonregardsombredanslemien.Unregardempreintdedésir.—Lapressionestsurmesépaules,passurlestiennes.Sachequetunemedécevrasjamais,quoi
quetufasses.Dèsquetuvoudrasarrêter,tun’aurasqu’àledire.Enattendant,laisse-moitemontreràquelpointjet’aime.S’ilteplaît.
Lesmots« s’il teplaît» sontprononcésd’unevoixà la foisdouceet rauque, sibienquemescraintessevoientbalayéesparlebaiserqu’ildéposesurmeslèvres.Jepasselesbrasautourdesoncouetmelaisseenvelopperparlessiens.
Noscorpspressésl’uncontrel’autre,jemarcheàreculonsjusqu’aulitetnem’arrêtequelorsquejesenslematelascontremescuisses.Zachmecouvredebaisers,penchantlatêtepourpasserdemajoueàmoncou,jusqu’àcettezonesidouceprèsdemaclavicule.J’enailachairdepoule.
Prised’uneboufféedechaleur,jelelaissesouleverlégèrementmontee-shirtpourfrôlerduboutdesdoigtslebasdemondos.
Enivrée, je libère sachemiseemprisonnéedans sonpantalonet la soulèveenprenant toutmontemps pour admirer à loisir ses abdos parfaitement formés et en laissant mesmains caresser sesmusclesaupassage.Lorsquejenepeuxpasremontersachemiseplushaut,sabouchequittemapeaujusteassezlongtempspourmelaisserlaretirercomplètement.
Moncœurs’emballe.Deboutdevantmoi,lesbraslelongducorps,ilmelaisseexplorersontorsecommes’ildevinait
monbesoindeledécouvriretdem’habitueràletoucherpourprendremesrepères.Ilnemefautpaslongtemps.Mesmainscourentdesesépaulesàsesbrasensuivantlescontoursdesesmuscles.Sonsouffle
s’accélèreetmedonneconfianceenmoi,carilréagitclairementàmontoucher.
Jemepenchecontresontorsepourl’embrassertoutenmurmurant:—Tuesparfait.—Ettoi,tueslaperfectionquimecorrespond,merépond-ildansunsouffleavantdereprendre
possessiondemabouche.Sesmainsviriles reviennent seposer surma taille,puis il soulèvemon tee-shirt avec lamême
langueurdontj’aifaitpreuveunpeuplustôt.Déjà,lesbattementsdemoncœurréclamentplusdeproximité.—Zach,situcontinuesàmetorturer,tuvasdevoirmeporter;j’ailesjambesencoton.—Avecplaisir.Lesmainssurmeshanches,ilmesoulèvedansungestegracieuxetm’allongesurlelitavantde
merejoindre.Noscorpssontalignéssurlematelasimposant;Zachestau-dessusdemoi,lesavant-brasreposantdechaquecôtédemonvisagepourm’épargnerlepoidsdesoncorpsetsesyeuxsontplongésdanslesmiens.
—Tuessûredetoi,Nic?s’inquiète-t-ilenappuyantdélicatementsonfrontcontrelemien.Jehochelatête.—S’ilteplaît,montre-moi…Lesmotssecoincentdansmagorgetantmondésirpourluiestintense.Trèsvite,nosvêtements
tombentausoletplusaucunebarrièrenenoussépare.Letempss’arrêtealorsquenosmainsetnosbouchesexplorentchaqueparcelledenoscorpsrespectifs.
Un éclair d’hésitationme fait frissonner lorsque sa langue curieuse descend peu à peu jusqu’àmonintimité.Cefrissonbrefmaissaisissantneluiéchappepas.
—Tuesnerveuse?murmure-t-ildansunrâlerauqueetlascif.J’aimeraisfairefidemesdoutesetlancerun«non»catégorique,maisjel’aimebeaucouptrop
pournepasluidirelavérité.Jeluifaisuneconfianceaveugle,jetiensdoncàresterhonnêtemalgrél’humiliationquem’imposentlesmotsquejepeineàprononcer.
—Absolumentterrifiée.Ces quelques syllabes laborieusement articulées ne peuvent parvenir qu’à l’oreille du plus
attentionné des amants. Pour cette raison et par respect pour lui, je lui lance un regard assuré etconfiant.Danssesyeux,jelisl’amourqu’ilmevoueetquimefaitfondredepuislepremierjour.Sijeluidisaisd’arrêtermaintenant,ils’exécuteraitsansdiscuteretattendraitquejesoisprête.
Il ne veut quemon bonheur, et celame suffit pour lui donner volontiers un peu plus demoi-même.Sonregardm’enditassezpourquejeluifasseconfiance.
—Tuveuxquej’arrête?Jesecouelatête.—Non,continue.Ilentrealorsenmoiavecunedélicatessequim’arracheungémissementdeplaisiralorsquemon
corps se cambre pour l’accueillir. Zach penche le visage sur le mien et me couvre de baisers.Impatienteethaletante,jeleregardeensouriant.Noustrouvonsnotrerythmeetnousabandonnonsàcemouvemententêtantdontjeveuxmesouveniràjamais.
Sesmainssefaufilentsousmeshanchesetmesoulèventlégèrement,justeassezpourplongerplusencoredansmaféminité.Lesyeuxfermés,jelaisseéchapperuncrideplaisirsoussesmouvementsréguliers.Chaquemuscledesontorseetdesesbrassetendsousl’effort.
—Zach…Ilgrognemonnomàsontouretsemetàaccélérerjusqu’àprovoquerenmoilespremierssignes
de l’orgasme. Je l’emprisonne demes jambes alors que sesmains savent exactement ce dont j’ai
besoin.Melaissantguiderparsesgestesassurés,jesensunfeud’artificeimplosersousmapeauetcriesonnomaumomentoùlajouissancenousenveloppeensembledetoutesapuissance.
Ilselaisseretombersurmoietmecouvredecaresses,nousaidantainsiàredescendrepeuàpeudenotrenuage.Lesoufflecourt,ilseretireets’installeplusconfortablementàcôtédemoi,lesmainsautourdemataille,pourmepermettredereposermatêtecontresonépaule.
—C’étaitplusincroyableencorequecequej’imaginais,avoue-t-ilenjouantavecmescheveux.—Tuavaisimaginélascène?Jesouristimidement.Évidemment,suis-jebête:c’estunhomme,ilpenseforcémentausexe.— Dès le premier soir, quand tu portais tes escarpins rouges. Je me demandais déjà quelle
sensationm’apporteraienttesjambesenrouléesautourdemataille.Ilparledecefameuxsoiroùplusrienn’allaitdansmavie.J’étaisunevéritablebouledenerfset
parvenais à peine à tenir une conversation normale avec lui. C’était avant d’apprendre qui il étaitvraiment.Etcesoir-làilpensaitdéjààmoidansunlit?
J’étouffeunpetitrireetm’approchedeluipourl’embrasser,frôlantlangoureusementseslèvresaveclesmiennes.
—Jet’aime,Zach.
Chapitre16
Aupetitmatin, jeme réveille dans les bras deZach. Ses jambes recouvrent lesmiennes etmetiennentfermementcontrelui,d’oùlachaleurdesoncorpsquim’alégèrementfaittranspirerdanslanuit.Aussidoucementquepossible,jemelibèredesonétreintepourcontemplersonvisageendormi.Ilouvrealorslesyeux.
—Bonjour,machérie.Cenouveausurnommerégalededouceur.—Bonjour,dieudurock.Jemeblottiscontrelui,insatiabledepuisquenousavonsfaitl’amour.Desimagesd’hiersoirme
reviennentparbribes ;Zachparcourant toutmoncorpsdecaressesdélicieuses,m’embrassantavecfougue,etsamanièredemeposséderavectendresse.
J’étaisloind’imaginerpouvoirconnaîtreunjourunepassionsiintense.Touteslessensationsmereviennentet,àcesouvenir,moncœurbatlachamadeetmatempératuregrimpeinstantanémentdequelquesdegrés.
Meslèvresaffaméesluidévorentlevisageetilfinitparreculerenpoussantungrognement.—Situcontinuescommeça,onvaêtreenretardpourThanksgiving,murmure-t-ilenmeprenant
levisagedanssesmains.Jesoupireàquelquescentimètresdesabouche.—Tuasraison.Enm’efforçantdecalmerenmoilefeuquibrûlededésirpourlui,jemerésigneàmelibérerde
sesbraspourcommenceràroulersurlecôté.Àpeineai-jetournélatêtequeZachm’attrapeparlepoignetetm’attireau-dessusdelui.
—Toutcomptefait,onpeutsepermettred’êtreenretard.C’estnousquicuisinons.J’écarquillelesyeux.—Nous?—Bon,d’accord.Toi.Maissionsemetenretard,jetedonneraiuncoupdemain.Dans ses jeunes années, samère et Sammy ont essayé de l’initier à quelques recettes,mais en
vain:latentativesesoldaittoujoursparunincendiedanslacuisine.D’ailleurs,jen’arrivetoujourspasàcomprendrecommentilestparvenuàmettrelefeuàdespancakes.
Àchevalau-dessusde lui, jemepenchepourembrassersoncou,puissa joue,etcetendroit sidouxderrièresonoreilleoùlasensibilitéestàsonmaximum.Jemurmured’unevoixsensuelle:
—Jeferaivite,promis.Mesmotslefontfrissonner,jemedélectedel’entendregrogner:—Jesais…Laisse-moitemontrercommejet’aime.—Arrêtedet’agiter!Ellesvontt’adorer,net’inquiètepas.Jenem’agitepas.Enrevanche,j’admetsfairelescentpasentapotantl’airdeDebussysurtousles
supportsquimepassentsouslamain.Aujourd’hui,c’estThanksgivingetj’aipeurdetoutgâcheretdemetrouverhorriblementembarrassée.J’aipeurdenepasplaireàSammy,ouquesamèrenemetrouvepasàlahauteur.Ellesvontarriverd’uneminuteàl’autre,toutdoitêtreabsolumentparfait.
D’unregarddistrait,jevérifieladispositiondescouvertssurlatabledelasalleàmangeretmetourneversZach, interloquée.Mettre la tableest laseulechosequ’ilaeuledroitdefaireet j’ai lasensationqu’ilauraitpufairemieux.
—Tut’estrompé,ilyatroisassiettesentrop.Ils’éclipseencuisinesansrépondre.—Zach?—C’estunesurprisequetudécouvrirastoutàl’heure.Je hais les surprises.Correction : je haïssais les surprises,maisZach s’en sort si biendans ce
domainequ’il commence àme faire aimer ça.Maispas aujourd’hui.Les surprisesne sont pas lesbienvenuesquandjefaisensortequetoutsoitparfait.
—Zach!Mavoixmefaithorreur,jepleurnichecommeuneenfant.Ilprenddélicatementmonvisagedanssesmainsetcaressemesjouesavecsespouces.—Toutvabiensepasser.Ceseraparfait,elles t’adoreront.Arrêtede t’inquiéter, je saisque tu
adoreslessurprises.Ilaraison.J’adoreça.Perduedanssonregard,jesursautelorsquelasonnetteretentit.Jem’écarte
aussitôtdeZachettiresurmajupealorsquelui,enhommetranquille,déposeunrapidebaisersurmajoueavantdesedirigerverslaporte.
—Tuesmagnifique,arrêtedet’agiter,merépète-t-ilenposantlamainsurlapoignée.Jeprofitedecetinstantderépitpourprendreuneprofondeinspiration.L’instantestbrefcardéjà,
àpeinelaporteouverte,unejeunefillemenueàlacoiffurecourteetébourifféesejettedanslesbrasdeZach.
—Zachie,c’estpastroptôt!s’exclame-t-elleenleserrantdetoutessesforcestandisqu’illafaittournerdanslesairs.
Jelesregardesesouriremutuellement,radieux.Engardantunemainposéedansledosdecettesublimejeunefemme,Zachs’approchedemoietmetendsonautremain.
—Sammy,jeteprésenteNicky.Nicky,voicimapetitesœurSammy.Avecplusd’ardeurencorequepourétreindresonfrère,ellesejettedansmesbraspourmeserrer
avec une force que je ne lui soupçonnais pas en voyant son petit corps frêle. Elle finit par merelâcher,sanscesserpourautantdesautillersurplaceentapantdanssesmains.
—J’aitellemententenduparlerdetoi!s’exclame-t-elle,toujoursenbondissant.Zacharboresonsourirecharmeuretregardesasœurseprécipiterdehors.—Jet’avaisprévenue:c’estunepileélectrique.Sammytraverselevestibuleaupasdecourse.Oùva-t-ellecommeça?— Attention à ce que tu dis, Zachie, lance-t-elle depuis le seuil. Tu sais très bien qu’on était
impatientesderencontrercellequiafinalementsucapturertoncœur!Mesyeuxs’écarquillentdesurprise.— Ne me dis pas que tu ne t’en étais pas rendu compte ! s’étonne-t-elle. Mon frère est fou
amoureuxdetoi.MAMAN!Dépêche-toi!Lorsque Zachm’a décrit sa sœur comme une jeune femmemontée sur ressorts, il n’avait pas
tort;elledéborded’énergie.Zachs’approchedemoietmeprendparlataille.
—Tusaisqu’ellearaison,pasvrai?Sonsoufflechauddansmoncoumefaitfrissonner.Pournepas retomberdansunenouvelle crised’angoisse, jeme tournevers lui et lui lanceun
regardinterrogateur.—Zachie?Ilpousseungrognement.—Ellemesurnommecommeçadepuistoujours.Etilesthorsdequestionquetut’ymettesaussi.
Maisrevenons-enàcequ’elleadit:tuescellequiaenfinsucapturermoncœur.IlmetapoteleboutdunezaumomentoùSammyréapparaîtdansl’entrée,suiviedesamère,une
femmesublime.Sescheveuxchâtains–tirésenqueue-de-chevalderrièresanuque–etsesyeuxvertsombremerappellentceuxdesonfils.Elleestassezpetiteetfaitpreuved’uneénergiesemblableàcelledesafille,maisavecuneélégancegracieusequim’attireétrangement.
—Bonjour,Zach!Ilestsibondeterevoir.Sammytrépignedepuiscematin.Elle s’approche pour enlacer son fils et ce dernier lui rend son étreinte. Puis, s’écartant
légèrementd’elle,Zachtendunemainversmoi.—Maman,jeteprésenteNicky.Nicky,voicimamère,MelodyWalters.Samères’approchedemoiaussitôtetmeprenddanssesbrasaveclamêmechaleurquepourson
fils.—Jesuissincèrementraviedevousrencontrer,Nicky.Celafaitdessemainesquenousentendons
parlerdevous.J’aiétéenchantéed’apprendrequevousvousjoigniezànousaujourd’hui.—Leplaisirestpartagé,madameWalters.—Jevousenprie,appelez-moiMelody.Monappréhensiondoitêtreflagrante,carellesepencheversmoipourmechuchoteràl’oreille:—Nevousinquiétezpas,iln’apastarid’élogessurvous,c’étaittrèstouchant.Jelesregardetouràtour,persuadéequemonvisageestsiempourpréqu’ilrappellelarobede
Sammy.Melody et Zach se dirigent vers la cuisine et je leur emboîte le pas afin de leur demander de
s’asseoirenattendantque jefinissedepréparer le repas.Sammyestdéjàoccupéeàdéboucherunebouteilledecabernetpourl’apéritif.Alorsquejem’attelleàlapréparationd’unesalade,ellemetendunverredevin.Cettejeunefemmeestincroyable.Leportraitquem’enafaitZachesttrèsfidèle;enplus d’être constamment enmouvement, elle fait effectivement preuve d’une naïveté touchante dèsqu’elleabordedessujetstelsquelesétudes,letravailoulesamis,sibienqu’elledonneenviederireavecelle.Entre songoût évidentpour lamodeet son sensde l’humour,Sammyme fait beaucouppenseràMia.Jenem’étonnepasdel’apprécieraussispontanément.
Elleaunefaçonadorabledesautillerdanslacuisineenproposantsonaide.—Jevais tedirequelquechose,annonceSammyenépluchantdes légumespour lasalade.Dès
qu’ilm’adécritvotrerencontre,j’aisuquetuétaisfaitepourlui.Zachm’adresseungrandsourirependantquesasœurmedécocheunclind’œil.Surprise,jerépondsensirotantmaboisson:—Maisjenesavaispasquiilétait.—C’estexactementcequejeveuxdire,articule-t-elleavecunregardinsistantpourbienmefaire
comprendreoùelleveutenvenir.Oùqu’ilaille,onreconnaîtZachparcequec’estunestar.Tun’aspasidéedunombredepersonnesquionttentédeprofiterdesagénérosité.
Elleaffichesoudainunecolèrepresqueféroce,mais,enuninstant,revientviteàlajoiedevivrecandidedetoutàl’heure.
— J’ai beaucoup apprécié ta manière d’apprendre à le connaître, lui personnellement, sansprendreactedetoutcequ’ilyaautour.Ilsaittrèsbienchanter,çafaitpartiedesesnombreuxtalents,maisçanedéfinitpascequ’ilestpourautant.Etpuis…
Ellepoursuit sans reprendresa respiration.Sonflotdeparolesest si impressionnantque jemetiensprêteàluifaireunmassagecardiaque.Cettefillevafinirparseretrouverenhyperventilation.
—…jeneconnaissaispersonnequilebatteaubillard.Toi,tupeux,jetrouveçagénial.Tuveuxbienmefaireunedémonstrationaprèslerepasetluimettreuneracléeàsonjeupréféré?
Ensouriant,ellemefaitunnouveauclind’œilavantdequitterlacuisine,emportantlasaladeàlatabledelasalleàmanger.Unefoisseuls,Zachsepencheversmoienquêted’unchastebaiser.
—Ellet’adore,jetel’avaisdit.—Impossibled’enplaceruneavecelle,pasvrai?Nouséclatonsderire.—Tuasraison.Maiscommentluienvouloir?Elleesttellementmignonne…Ledîner est prêt et nousnous installons à table. Je jette un regard suspicieux aux trois chaises
vides,maisSammyetMelodygardentlesilence.Jemedemandesiellessaventquelquechoseausujetdelasurprise.
ZachcommenceàdécouperladindepourlaservirpendantqueMelodyremerciesafamille,sesprochesettouteslesmerveillesqueluiapportelavie.EncettesoiréedeThanksgiving,jerepenseauxjoursmerveilleuxquiviennentde s’écouler.Pendant ledîner, je tombe sous le charmede lapetitefamilleWalters.Ilm’aparlédeleurfranchiseparfoisunpeuabrupte,etjemerendscomptequ’iln’apasexagéré.Sammyentreprendderaconterlesdébutsdesonfrèredanslachansonetmetunpointd’honneuràdécriresesfaussesnotesauchantcommeàlaguitare.Jen’encroispasunmot.Lavoixde Zach est si envoûtante aujourd’hui que je peine à croire que ce talent n’est pas inné. Il souritpendanttoutledîner.Pourmoi,çaenditlong:ilesticichezlui,avecceuxqu’ilaime,etiln’yarienaumondequiluifasseplusplaisir.D’ailleurs,jesuistouchéequ’ilm’inviteàrencontrersafamille.
Toutefois,unsujetépineuxfinitparêtreabordé:Melodymedemandequellessontleshabitudesdema famillepourNoëletThanksgiving. Jechasseune larmedema joueavantde lever lesyeuxversMelody.Latristesseselitsursonvisage,etjevoisqu’elleregretted’avoirabordélesujet.
—Jesuis terriblementdésolée,Nicky. Jen’auraispasdûvousdemanderça.Zachnousaparléde…
Savoixsebrise.—Cen’estrien,jevousassure.Monbutpremierétantdegarderl’humeurjoyeuse,jerépondsavechonnêteté.—Lespériodesdefêtesétaienttoujourstrèsbruyantes.Andrewétaittellementexcitéàl’idéede
voirmesparentsqu’ilsautaitpartout,surexcité.Ilcouraitd’unepièceàl’autre,tombaitànospieds,interrompaitlespartiesdefootàlatélé,renversaitlesplatsàlacuisine…C’étaitunpeuchaotique.J’imagine qu’avec des enfants comme Zach et Sammy, mon histoire doit vous rappeler quelquechose.
Melodysemetàrireàcetteévocation.—Nem’enparlezpas ! Jen’oublierai jamais leNoëloù tous lesdeuxontdécidéde traverser
toutes les pièces de la maison en jouant avec leur batterie, leur guitare et leur micro pour fairecommelesfanfares.Jenem’entendaispluspenserdanscevacarmeassourdissant.
Unefoisleplatterminé,Sammyselèvesoudaindetableet,sansunmot,s’envafairelavaisselleaidéedesamère.Ellesdisparaissenttouteslesdeuxdanslacuisine,refusantnotreaidepourpréparerledessert.
—Mercidem’avoirinvitée,Zach.Tafamilleestgéniale,jelesadore.Ilappuietendrementsonfrontcontrelemien.—Jetenaisàtoutprixàleurprésenterlafemmeavecquijecomptepartagermavie.Savie?C’estlapremièrefoisquel’undenousabordelesujetdenotrehistoireàlongterme.J’ai
lesmainsmoites.—Tavie?Je me répète mentalement ses mots avec un petit sourire. En me penchant vers lui, je me
rapprochedeseslèvresvirilesetmoncœurs’emballe.—Tuenvisagesdefairetavieavecmoi?Ma bouche se dérobe volontairement à la sienne, et il s’incline à peine, laissant nos lèvres se
frôler.—Oui,parfaitement,murmure-t-il.Unebelleetlonguevieavectoi.Jecomprendsàsonexpressionqu’ilattenduneréponsedemapart,maiscen’estpasnécessaire.
Avantmêmedeposerlepieddanscettemaison,jesavaisquejem’engageaisdanslagrandeaventureaveclui.C’estpourquoilesmotssontvainsdansdetellescirconstances;jeréduisl’espacequinoussépareetl’embrassepassionnément.
J’en oublie que l’on peut facilement nous voir depuis la cuisine, où Sammy et Melody sontoccupéesàpréparer legâteau.D’ailleurs, j’entends leursgloussements,puis le reproche sévèredeMelodyquiordonneàsafilledefairemoinsdebruit.Zachmetfinàcontrecœurànotrebaiser,puiss’adresseàsapetitesœursansmequitterdesyeux.
—Sammy,çanetedérangepasdenouslaisserseuls,uneminute?Enjetantunregardfurtifverslacuisine,j’aperçoisMelodyquis’éclipsedansuneautrepièce,sa
fillesursestalons.Hélas,lefaitdemesentirobservéearompulamagiedecetinstantetjenepeuxm’empêcherdememoquerde la jeune femme.Puis j’embrasseZach, car c’est aussiplus fortquemoi.Lorsqu’ils’approche,jesuissubmergéed’uneboufféed’hormonescommeuneadolescente.Etpuis,maintenantquenousavonsdécouvertnoscorpsrespectifs,jenepeuxplusdécollermesmainsdesapeautiède.
—Tuasparléd’unesurpriseaprèslerepas.Dequois’agit-il?Enregardantsamontre,ilsouritpluspourlui-mêmequepourmoi.—Tasurprisenedevraitplustarder,maintenant.À peine quelques minutes plus tard, la sonnette de la porte d’entrée retentit et je me retourne
vivementversZach.Fierdelui,ilsouritenhochantlatêteverssamère.Effectivement,ellesembleêtreaucourant,etsapetitesœuraussi.
Soudain,troisvoixsifamilièresrésonnentdanslehalld’entréeetmefontsursauter.Inutiledemeretourner,jesaisparfaitementdequiils’agit.
Lesoufflecourt,jelanceàZach:—Tuasfaitçapourmoi?!—JoyeuxThanksgiving!Mia,mamèreetmonpèrefontleurentréedanslasalleàmangeretmeprennentdansleursbras,
meserrantsifortquej’enaimalauxcôtes.Jesuisfolledejoie.—Hey!Jehurlecommeunelycéenneetleurrendsleurscâlinsavantdem’écarterlégèrementpourfaire
les présentations. Une fois le calme revenu, je me tourne encore une fois vers cet hommeextraordinaire.
—C’esttoiquiastoutmanigancé?
Sespommettesrosissentàvued’œil.—Enquelquesorte…,balbutie-t-ilenhaussantlesépaules.—Nel’écoutepas,Nic,l’interromptMia.Ilsouffred’unexcèsdemodestie.Chasem’ainvitéeà
l’accompagner à la cérémonie desMusicAwards. Je devais prendre l’avion samedi,mais lorsqueZachasuquejevenais,ilachangémesbillets.
D’ungestevif,jem’emparedelamaindeZachenécoutantMiapoursuivresesexplications.— Ensuite, il a appelé tes parents pour savoir s’ils accepteraient de se joindre à vous pour
Thanksgiving.Comment a-t-il récupéré leur numéro de téléphone ? Par Mia ? En regardant dans mon
répertoire?Peuimporte,jesuisstupéfaitedecetteattention.—Nousavonsaussitôtaccepté,claironnemamère.Enrevanche,nousnepouvonsresterquepour
lajournée.Nousrentreronsparlevoldenuitcesoir.MonregardvademesparentsàZach,jesuisaucombledelastupéfaction.Celafaisaitdesannées
quemamèrenem’avaitpasadresséunsourirecommecelui-ci.Monpèresetientfièrementderrièreelle, unemainposée sur sonépaule. Jeme retourneversZach,visiblement satisfait d’avoir sumesurprendreencoreunefois.
Unéland’affectionmepousseversluietjemejetteàsoncou.—Jen’arrivepasàycroire.Les larmesmemontentauxyeux ;cethommevientàpeined’entrerdansmavie,etmoncœur
chavire.—Ceweek-end,tuvasteretrouverdanslafosseauxlions.C’estunaspectsupplémentairedema
viemouvementéequetuvasdécouvrir:lesphotographesquis’empresserontdeparlerdenousdanslesmédias.Avantdetefairetraverserunetelleépreuve,jetenaisàcequetuvoiestesparentspourquetugardesentêtecequiimporteréellementdanslavie.Quoiqu’ilarriveceweek-end,souviens-toidecesgensquinoussontprochesetquinousaiment.Lereste,ons’enfiche.
En parlant du « reste », il fait un geste bref dans le vide comme pour désigner ce monded’artificesquinedoitpasnousatteindre.
Miaseraclelagorgeassezbruyammentpourinterromprecetteconversation.—Levolétaitinterminable,jemeursdefaim!JesaisislamaindeZachetl’emmèneavecmoiverslatable,oùtoutlemondes’estdéjàinstallé.NosdeuxfamillesréuniesautourdecerepasdeThanksgivingseplongentjoyeusementdansun
brouhahadeconversationscroisées,autourd’ungâteauetdesrestesdedindequeMelodyamisdecôtépourl’arrivéedemesparents.
Jesavourecetinstantdebonheurenpromenantmonregardsurnosprochesquiapprennentàseconnaître et s’apprécient déjà. Ils partagent des anecdotes d’enfance et rient des histoires les pluscroustillantes. Après le dessert, nous nous rendons dans le patio autour d’un verre de vin et j’ail’impressiond’êtrefemmelaplusheureuseaumonde.ToutçagrâceàZach.
Mamèredemandeoùest la salledebains, je l’emmènealorsdans lamaison.Enchemin, je laprendspar lebras.Elleest très inquiètedenatureet s’estmontréepeu loquace,aujourd’hui. Jemedemandecequ’ellepensedelasituation.Est-ellepréoccupéeparmarelationavecZach?Trouve-t-ellemon installation avec lui unpeuprématurée ?Est-elle déboussolée par le fait que je vive unehistoired’amouravecunerockstar?
Jelaconnais:quelquechoselatracasse.Ilesthorsdequestiondelalaisserrepartiravantdelarassurer.
Enarrivantdanslacuisine,jelaforceàs’arrêteretluidemande:
—Tutesensbien?—Ilal’airdeterendreheureuse.—C’est vrai. Il semontre très patient. Il ne veut pasme brusquer etme laisse avancer àmon
rythme.—Tul’aimes.Cen’estpasunequestionquemamèremepose,maisuneaffirmation teintéed’affectionetde
consentementsanslamoindreappréhension.Jesuisheureusequ’elleaitenfinrencontréZach.Jesuisfilleunique,maismesparentsontadoptéMarcetl’onttraitécommeleurproprefilsdèsl’instantoùils l’ont vu. J’avais peur quemes parents ne s’inquiètent deme voir tourner la page trop vite. Jecraignaisqu’ilsn’aimentpasZach,ouquesacarrière,sonmodedevieouautrechosenelesrebutent.
—Penses-tuquec’esttroptôt,maman?J’aibesoinqu’onmerassureenmedisantqu’ilestnormaldevouloirêtreheureuse.Cesserai-je
bientôtdecherchercetteconsolation?—Ettoi,penses-tuquec’esttroptôt?Saréponseenmiroirdemaproprequestionmesurprend.Ensilence,jemetourneversZach,Mia
etmonpèrequirientd’uneblaguequevientdeleurraconterSammy,pendantqu’ellesedisputeavecson grand frère.Elle saute partout commeune puce en faisant de grands gestes pour appuyer sonpropos,etZachsecouelatêteenniantcequ’elleraconteauxautres.Illèvesoudainlatêteversmoietme décoche un petit sourire. Je lui rends la pareille, bercée par un flot de souvenirs que nouspartageonsdéjàmalgrélepeudetempspasséensemble.Unepartiedefoot,dessoiréesautourd’unbillard,desdiscussionssansfindanslebusjusqu’aucœurdelanuitpendantquelesautressortaientenboîte,desconcertspassésàlecontemplersurscène,desgestesréconfortantslorsquejeluiparlaisde Marc et Andrew. Je me souviens de ce que j’ai ressenti en le voyant dans l’entrée de monimmeuble.Ilavaitl’airterrifiéàl’idéequejepuisselerejeterunenouvellefois.Jerepenseégalementàlaforcedontj’aifaitpreuvegrâceàluiaucimetière.
Nousallonsparfaitementbienensemble.Notrehistoireadébutébrutalementetàunepériodedemavieoùjedoutaisderefairemavieavecquelqu’un.Pourtant,c’estarrivéaubonmoment.
Jemetourneversmamèreetsouris.—Non,cen’estpastroptôt.Lesyeuxhumides,ellemeprendlesmains.—Hélas,àcausedel’accident,tuasétéforcéed’affronterunevéritédifficileconcernantlavie:
rienn’estgagnéd’avance.Tonpèreetmoit’aimonstrèsfort,noustesoutiendronsquelquesoittonchoix.SiZachterendheureuse,nousl’aimeronscommeunmembredenotrefamille.Tun’asplusqu’àprofiter,maintenant.
—Merci,maman.Jel’embrassesurlajoueetluiprendslamainpourrejoindrelesautres.—TupassesunbonThanksgiving?medemandeZachlorsquejem’assiedsprèsdelui.Sansattendrederéponse,ilattrapemamainetm’attiresursesgenoux.Jegloussedesurpriseet
memetsàrougirenbalayantduregardnosprochesquinousobserventensouriant.Monpèremefaitunclind’œil,puisretourneàsaconversationavecSammyquiluiparledesontravaildecomptable.Jepeineàimaginercettejeuneadultefraîchementdiplôméeenmatheuseàlunettes,maisellesembleseplairedanscettebranche.
JeposelesyeuxsurZachpourrépondreàsaquestion.—Oui,c’estleThanksgivingidéal.Mercimillefois.J’aivraimentbeaucoupdechancedet’avoir.—C’estmoilepetitchanceuxdel’histoire,Nic.Jen’aijamaisconnulevéritableamouravantde
Chapitre17
—C’estunearnaque!LescrisdeChaserivalisentavec lescapricesquemefaisaitAndrewquandilétaitencorebébé.
JakeetChasesontarrivésdanslasoiréepourpasserleweek-endicipendantletempsdelacérémoniedesMusicAwards.
Commeànotrehabitude,Miaetmoiavonslaissélesgarçonsgagnerlapremièrepartiedebillard.Lepariétantqueleperdantdutournoidevrapréparerlepetitdéjeunerdemainmatin.Lesgarçonsontaussitôtaffichéunesatisfactionévidentedegourmandise,supposantqu’ilsgagneraienthautlamain.Ilsontpassétoutecettepremièrepartieàconcocterlemenudeleursrêves.Leurconfiancegonflaitàchaquenouvellevictoire.Mais,dèsladeuxièmemanche,noussommesrevenuesànosbonnesvieilleshabitudesetlesavonsbattussanseffort.Encassant,j’aientrédeuxbilles,puisMiaaprislerelais:chaquebilleaatteintsonobjectifavantmêmequelesgarçonsn’aienteuletempsdejouer.
Cette fille aundon innépour lebillard.Chaseclamehaut et fort quenotrevictoire est dueauhasard,pendantqueZachpouffederireenassistantàlascène.Ilagardénotrepetitsecretetjel’aimerienquepourça.
Lors de la troisième manche, je prends mon temps. Quitte à manquer quelques coupsvolontairement–autantfairedurerleplaisir.Miamefusilleduregard.Elleestfurieusecarjenebatspaslesgarçonsàplatecouturealorsquej’ensuiscapable,mais j’aimem’yprendreainsi.Dèsquenousmarquonsunpoint,ilsontl’airsidérés;c’estunvéritablebonheur.
—Désolé,mongars.Zachs’approchedeChaseen lui tapotant ledos,unefoisquecederniera terminédepiquersa
crise.—J’auraispeut-êtredût’avertir,non?Bouchebée,Chaseluilanceunregardnoir.—Quoi?!Tusavaisqu’ellesjouaientcommedespros?Zachluisourit.—Ouais,Nicm’abattudeuxfoisquandonétaitàChicago.Jemepermetsd’intervenir:—D’ailleurs,tunem’astoujourspaspayée!—C’estpascool,mec!seplaintChaseensedirigeantverslebar,l’airdésemparé.Miaetmoiéclatonsderireetplanifions lemenudenotrepetitdéjeuner idéal.Zachs’approche
dansmondosetmeserredanssesbras.—C’estencoreplusexcitantdeteregarderlesbattrequelafoisoùtuasgagnécontremoi.Surcesmots,ilmesoulèvedusolpourmeportersursonépaulecommeunsacdepommesde
terre.—Zach,fais-moiredescendre!Malgrémescrisetmespetitscoupsdepoingsdanssondos,ilnelâchepasprise.
—Horsdequestion,j’aitropfaimpourtelaisserpartir.Enroute.—Lefrigoestrempli!—Jeneparlepasdecegenredenourriture.Effectivement,savoixlaissedevinersonappétitdévorant.Jebalaielescheveuxquimecouvrent
lesyeuxalorsqueMia,surprise,recrachesaboissonavantd’éclaterderire.Je lui lanceunregardnoir,maislefaitdevoirZachsecomportercommeunhommedescavernesl’amusebeaucoupetjenepeuxpasluienvouloir.Jeluilanceunappeldésespéré.
—Mia!Sauve-moi!—Amusez-vousbien,touslesdeux,nouslance-t-elled’unevoixmielleuseenagitantlesdoigts
ensigned’adieu.—Àdemain!claironne-t-ilenm’emportantjusqu’àlaporte.Unefoisdanslecouloir,ilmeredresselégèrementsansmereposeràterre.Aulieudemettreles
piedsausol,j’enroulemesjambesautourdesatailleetlelaissemeporterjusqu’àlachambre.Jemepencheàsonoreillepourluichuchoterd’unevoixsuave:—Moiaussi,j’aifaimdetoi.Enarrivantdevantlelit, ilmefaitenfinredescendreenm’allongeantdirectementsurledrapet
prendsoindenepasm’écraserdesonpoids.—Bonsang,Nicky,tuestellementbelle!Sa bouche vient sauvagement épouser la mienne, embrasant aussitôt mon désir. Mes lèvres
s’entrouvrentpourl’accueilliretnousparcouronsnoscorpsduboutdesdoigts.Ungémissementdeplaisirm’échappelorsqu’ilmordillemalèvreinférieuretoutenpressantsamaincontremapoitrine.
—Tropdetissunoussépare,dit-il,dansunsouffle,contremabouche.Enunclind’œil,noussommesnusetderetoursurlelit.Sanscesserdefairecourirsesmainssur
moi,ilmefaitroulersurlecôtéetjemeretrouveàcalifourchonau-dessusdelui.Sesdoigtscurieuxs’attardentsurmapoitrine,faisantdurcirmestétons.
Il soulève doucement la tête, lesmordillant lascivement, tandis que jeme cambre légèrement,laissantéchapperungémissementdeplaisir.
—Zach.C’estleseulmotquejesuiscapabledeprononcerpourlemoment.Sescaressesmetransportent
versunailleursdélectableet j’aienviedeluicommejamais.Jemepencheversluiet l’embrasseàpleinebouche,faisantondulermeshanchespourrépondreàsondésirquisemanifestedéjàsousmoidefaçonévidente.
Jeluimurmureàl’oreille:—Jeteveux.Ilmesaisitaussitôtparlatailleetm’allongesurledos.—Unpeudepatience,commande-t-ild’unevoixrauque.Ses lèvres quittentma bouche pour explorer d’autres parcelles demon corps, provoquant des
frissonspartoutoù il s’attarde. Ildescenddeplusenplusbas, jusqu’aucreuxdemescuisses,qu’ilsépared’ungestelentmaismaîtrisé.
Sesyeuxcharmeurss’attardentsurmonvisageavantdesevoilerd’unepassionpresqueanimalelorsqu’ilentreprenddemecaresserduboutdelalangue.Jemanquedemelaisseremportertroptôtpar leplaisir tant ilsaitmaniercequ’il fautdepressionetdedouceurpourfriser laperfection.Jem’efforcetoutefoisdemecontenirafindeprofiterpleinementdel’expérience.
—Jet’aime,Nicky,susurre-t-il.Uneondulationbrûlantem’envahit.Sa langue laissealorsplaceàundoigt,puisdeux, toujours
dotésdecetteardeurassuréequim’emmèneauxportesdel’extase.—Oh,Zach…Mesmainss’agrippentinstinctivementauxdraps.Ilramènesabouchesurlamienne,faisanttaire
mesgémissements,toutenmaintenantmonplaisiràsonparoxysme.Lachaleurdeseslèvresaraisondesdernièresbarrièresquimeséparentde l’orgasme.Je ferme lesyeuxetmoncorpsondulesouslui;jemelaisseemporterparuntourbillondeplaisircharnel.Ils’écartealorsdemoietplongesonregarddanslemien.
Àboutdesouffle,jemurmure:—C’étaitincroyable…—Tun’asencorerienvu.À ces mots, il m’embrasse de plus belle. Étrangement, le goût de ses lèvres déclenche une
nouvellevaguededésiraucreuxdemonventre.— Je veux te faire l’amour et te caresser comme jamais tu ne l’as été jusqu’à présent. Pas un
centimètrecarrédetapeauneseraépargnéparmesbaisers.Jenepeuxrépondrequeparunsoupir.Cettefois,ilpénètretoutàfaitenmoietjemecambreen
gémissant.Seshanchesselancentdansunecoursefolle, tandisqu’unfeuserallumedansmonbas-ventreetnousnouslaissonstransporterensembleparunorgasmefoudroyant.
Après un instant passé à reprendre notre souffle, ilm’allonge doucement sur le côté pour quenoussoyonsfaceàface.Jechasseunemècherebelledesonvisage,puislaissemamains’attardersursajoue.
—Jet’aimetellement,Zach.Avantdeterencontrer,jenepensaispasêtrecapabledemesentirsivivante.
Ils’approchedemoietdéposeuntendrebaisersurmonfront.—Jet’aimeraitoujours,Nicky.—Tuessensationnelle!—Tun’imaginespasàquelpointj’angoisse,Mia.Arméed’unferàfriser,ellemarqueunepauseetj’enprofitepourluiprendrelamainetlaserrer
nerveusement.Dans la salle de bains deZach, le lavabo déborde demaquillage, de soins capillaires et autres
bijoux.Commed’habitude,Miaestd’unebeautésanségaledanssonéléganterobeàtraîneémeraudedotéede finesbretellesquimetenvaleur sa silhouetteparfaite.Ses longscheveuxblonds relâchésdans son dos sont idéalement assortis au vert sombre de sa robe. Ellem’a choisi une tenue aussisomptueusequelasienne.LacouleursaphirrappellesubtilementmesyeuxbleusetlestyledelaroberappellecelledeMia,àcelaprèsquelamienneestunbustieretnecomportepasdetraîne.Jen’aipasenviedeprendrelerisquedetrébucheretdemeretrouverlesquatrefersenl’airdevantdesdizainesde caméras filmant ma chute en direct, tandis queMia saura gérer sa traîne avec la grâce d’unegazelle.
—Zacht’a-t-ilexpliquécommentsedérouleralasoirée?—Oui, ilm’atoutdit : letapisrouge,laprésencedesonagentAaronFeltetdeP.R.Repdans
notrelimousine.Unefoisarrivés,Zachdescendradevoiturelepremier,puisnousluiemboîteronslepas.Ensuite,ilyauraletapisrouge:ilaccorderaquelquesinterviewsauxjournalistesetsigneradesautographes.
— Tu penses pouvoir gérer ton stress ? marmonne-t-elle, des épingles dans la bouche, enterminantdefixerdesbouclespourparfairemacoiffure.
—Jeferaidemonmieux,en toutcas.Ceque jeredoute,c’estdemesentirsoudain trèsmaletd’êtrepriseenphotojusteàcemoment-là.AÏE!
—J’arrêteraidetepiqueraveclesépinglesquandtucesserasdegigoter.Etpuis,net’enfaispas.Tout se passera bien. Nous serons tous dans l’autre limousine, juste derrière la tienne, et je terejoindraidèsquepossible.
Ellefixeunedernièremèchesurmatêteetmeretournedevantlemiroir.—Etvoilà!Quelquesbouclesmeretombentsurlesépaules,maislerestedemescheveuxestremontéenun
magnifiquechignon.—Bon,ilesttempsdedescendre.Zachdoitêtreimpatientdetedécouvrir.Jeprendsuneprofondeinspirationetlasuisverslaporte.Àpeineai-jeletempsd’arriverenhaut
desmarchesqueMiaestdéjàdanslesbrasdeChase.Il pose sur elle un regard admiratif et lui chuchote desmots doux à l’oreille, l’air totalement
envoûtépar la jeune femme.Envoyant cet hommeà la stature imposante se faire toutpetit devantMia,j’aipresqueenviederire.Enmêmetemps,jeletrouvetrèstouchant.Onpourraitcroirequeleurrelationévoluebeaucoupplusvitequeprévu.
Mesyeuxquittent cettevisionattendrissantepour seposer surGarrett etChloé.Puis j’aperçoisJake et Sammy buvant une coupe de champagne. Zachm’a expliqué que, alors que sa petite sœurs’apprêtait à repartir, Jake a fait remarquerqu’il n’avait pasde cavalièrepour la cérémonie.C’estdonctoutnaturellementqueSammyseretrouveàsonbraspourlasoirée.
JetrouveadorabledelapartdeJaked’inviterlajeunefemmeàl’accompagner.Soudain,jesensleregarddeZachsurmoi.
—Waouh!s’exclame-t-ilderrièremoi.Ils’approcheenmetendantlesbrasetjem’empressedelerejoindre.Ilmeprendlamaintouten
admirantmatenue,debasenhaut,aucundétailneluiéchappe,puissonregardseriveaumien.—Tuestoutsimplement…radieuse!Jeluirendssonsourire.Cen’estpascequ’ilditquimeréchauffelecœur,maissamanièredele
dire. Ses sentiments pourmoi transparaissent à travers l’admiration et l’amour que je lis sur sonvisage.Quantàsavoix,elletrahitsondésir.Jecontempleàmontourcethommeséduisantquisetientdevantmoi.Sabeautévirileprovoqueenmoiuneboufféedechaleurquimefaitrougir.
Jetentedeluirépondre,maismonsoufflesaccadéluiindiquelespenséesqu’ilm’inspire.—Tut’esmissurtontrenteetun,çatevatrèsbien.Jenecroispast’avoirdéjàvusansjeanni
casquettedebase-ball.D’ungestevif,ilm’attirecontreluietj’oublieinstantanémentlespenséesquimetrottaientdansla
têteilyauninstant.—Tuesnerveuse?Jehochelatête.—Toutirabien,promis.Maisjet’avouequej’angoisseunpeu.—J’aihâtedeleurfairedécouvrirlafemmequej’aime.Lesyeuxrivéssurlui,jemesensàlafoisanxieuseetimpatiente.J’aidumalàcroirequejesuis
surlepointd’assisteràunecérémonieaussiprestigieuse,etendirect.Enmêmetemps,j’aihâtequelasoiréesetermine;dèsquelescamérassetournerontversmoi,jesaisquej’aurailesnerfsenpelote.
JemetourneversChloéetlaprendsdansmesbras,heureusedelarevoir,puislaprésenteàMia.Zachtapebruyammentdanssesmainspourcapterl’attention.—Allez,toutlemonde,c’estparti!Leslimousinesnousattendent.
Ilposeunemainassuréeaubasdemondosetmeconduitjusqu’àlavoiture.Letrajetneprendquevingtminutes,pourtantilmesembledureruneéternité.AaronetTinanous
attendaientàl’arrière.Ilsserévèlentadorables.Tina–toutdenoirvêtue–tendàZachlemêmetyped’oreillettequecellequ’elleporte,afindeleguiderpendantlamontéedesmarchesetluiindiqueràquels journalistes de télévision il peut s’adresser. Elle se montre cordiale tout en restantprofessionnelle.
Les médias ne me font plus aussi peur qu’avant, puisqu’il s’agit d’un événement majeur ; jepourrai profiter de la confusion pour rester discrète autant que possible. Mais j’ai peu d’espoir,sachantquejeseraiaubrasdeZachWalters.
Unemainposéesurmongenou,ilfaitpreuved’uncalmeàtouteépreuvepourmerassurer.Ilmesembleconfiant.Enlevoyantsurscène,ilparaîtévidentqu’ilestnépourlacélébrité.Ilfaitpreuved’uneassuranceetd’un sang-froidque jenepeuxque lui envier.Chez lui, ce traitdecaractèrenepassepaspourdel’arrogance.Ilrestelui-mêmequoiqu’ilarrive.
—C’estunpeucommesituallaisaubureau,non?J’accompagne mon clin d’œil d’un léger coup de coude affectueux. Il baisse les yeux et me
regardeavecunamournoncontenuquimefaitfondreaussitôt.—Onpeutdireçacommeça.—Tun’asaucuneappréhension?Zachhausselesépaules.— Pas vraiment. Je réponds présent à l’invitation,mais je suis sûr de ne pas gagner l’Award.
L’essentielestdepasserunebonnesoirée,c’esttout.J’admire son humilité. Il est le meilleur dans son domaine et est adulé par tous, mais reste
persuadéqu’ilneméritepasleprixetquelesautresmusicienssontplusdouésquelui.Samodestielerendencoreplusattachant.
—Tugagneras.Maisas-tupréparéundiscours,aucasoù?—Qu’est-cequitefaitcroirequejevaisgagner?—Tueslemeilleur.Jedéposeunbrefbaisersursajoue.Lavoitureralentitetj’aperçoisparlavitredeZachdescentainesdeflashséblouissants.Malgré
lesportièresfermées,onperçoitdéjàlevacarmedesfansquihurlentlenomdeleurstarfavorite.Onsecroiraitaubeaumilieudubouquetfinald’unimmensefeud’artifice.Soudainaffolée,jedéglutisavecpeineetimaginelevolumesonoreauquelnousseronsconfrontésd’unesecondeàl’autre.
Zach remarquema tensionsoudaineetpousseaffectueusementmonoreilleavec leboutdesonnezenmechuchotant:
—Net’inquiètepas,jesuislà.Je n’ai pas le temps de répondre : les agents de sécurité ouvrent la portière etZach quitte son
siège.Une fois dehors, il sepencheversmoi etme tend lamain.Lesyeux écarquillés, je regardeTina, puis Zach. Je n’ai plus envie de sortir. Le teint pâle et le cœur affolé, j’ai l’impressiond’imploser.Etsijen’yarrivaispas?
Au diablema phobie des journalistes, la scène quim’attend dehorsme terrifiera quel que soitmondegrédecourage.
Zachsepencheencoreunpeuetmedécocheungrandsourire.Jeluiprendslamainetlelaissem’attirerhorsdelavoiture.
Chapitre18
Letapisrougegrouilledeflashsaveuglantsetdejournalistessurexcités.Zachaccordequelquesmotsàdiverseschaînesdetélévisionpeopledontj’aiàpeineentenduparler.Mesmainss’agrippentdésespérémentàlui,sibienquej’essaiederelâcherlégèrementmaprisedepeurdelaisserunbleusursonavant-bras.Unefoislapremièrevagued’interviewspassée,marespirationreprendunrythmeàpeuprèsnormal.Personneneprendlapeinedemedemanderquijesuis;ilsdoiventmeprendrepouruneconquêtepassagèreparmitantd’autres.Heureusement,d’ailleurs.Misàpartunbrefregarddetempsàautre,nousn’échangeonspasunmottantl’effervescenceambiantenousattiremalgrénousauboutdutapisrouge.J’afficheunsourirecrispéetterriblementaffoléenespérantfairepassermapaniquepourdel’aisance,voiredel’allégresse.Mesyeuxsepromènentautourdemoidansl’espoird’apercevoirMia,Chaseoul’undesmusiciensdeZach,maisenvain.LeseulvisagereconnaissablederrièremoiestceluideTina,et la limousinedeMiadevaitarriveraumoinsdixminutesaprès lanôtre.
—Quiestcetteravissantejeunefemmequivousaccompagnecesoir,Zach?Laquestionmeramènebrutalementsurterre.Unvoiledepaniqueapparaîtbrièvementsurmon
visagemais jem’efforcedegardermoncalmeet regardedroitdevantmoi.Unecamérase trouvejustedevantZach…etmoi.Lapetitelumièrerougeclignoteetunesuperberousseausourirealtérépar le botox tend devant Zach un micro portant l’inscription « BBC ». Je me tourne vers lui enessayant de garder l’air naturel. Serein, il me rendmon sourire et pose unemain sur lamienne,toujoursaccrochéeàsonbras.
—Marie,voiciNicky,unejeunefemmeexceptionnelle.En prononçant ces mots, il me lance son regard de charmeur habituellement ravageur. La
journalistealesyeuxquibrillentetsonsourires’élargitjusqu’auxoreilles.Ellevientderécolteruneinformationcapitale.Toutàcoup,j’aienviedemecacherderrièreZachpourmedéroberauregarddecettefemmedontl’instinctdeprédateurvientdereniflerlescoopdelasemaine.
—Unequestionnousbrûleleslèvresàtous.Lecélibataireleplussexydel’annéeaurait-ilenfintrouvéchaussureàsonpied?
Savoixprenduntonmielleuxquimerendaussitôtcettefemmedétestable.Sansperdresamaîtriseetsaconfianceaucœurdelafoule,Zachlaisseéchapperunpetitéclatde
rireamusé.—Jenesaispascequeferalecélibataireleplussexydel’année,mais,pourmapart,moncœur
n’estplusàprendre.Il décoche à la caméra un sourire éclatant – le genre de sourire qui provoque des réactions
déliranteschez lesgroupiesdumondeentierqui retirent leur tee-shirtpendantsesconcerts.Jesuisstupéfaite lorsqu’il dépose un bref baiser sur mon front, effleurant ma peau de ses lèvresdélicieusementdouces.Jeneparvienspasàlequitterdesyeux,toutenétantparfaitementconscientequelerougequimemonteauxjouesn’échapperapasauxcamérasbraquéessurnous.
—Passezunetrèsbonnesoirée,Marie.Dansundernierhochementdetête,Zachgardelesourireetm’entraîneaveclui.—Cen’étaitpasuneépreuvesiterrible,si?medemande-t-ilaprèsavoirfaitquelquespasloinde
l’agitation.Jeluirépondsd’untonsec:—Jetediraiçalorsquemespoumonsseremettrontàfonctionner.Enrelevantlatête,jedécouvreavecsoulagementl’entréedel’amphithéâtre:j’aisurvécuàmon
premiertapisrouge.—J’aibesoindeboireunverre.—Tantmieux.Tuvasenfinpouvoirlibérermonbras.Tumebroieslesosdepuistoutàl’heure.Jeretiremamainet luidonneunepetite tapesur l’épaulepourplaisanter.Lecélibataire leplus
sexydel’annéeesttoutàmoi,etiln’apasconsciencedececôtésisexyquisedégagedelui.Ceseulaspectchezluimerendfollededésir.
ZachfaitsonentréeavecmoiparlagrandeporteaumomentoùTinasurgitprèsdemoi.—Vousétiezgéniale,Nicky!s’exclame-t-elle.Encoreenproieàlanervosité, jebafouilleuntimidemerciet leuremboîtelepasjusqu’aubar.
Seules deux choses importent àmes yeux à cet instant précis : je n’ai pas trébuché devant tout lemondeetjepeuxboireunverredevinpourmedétendre.
Aprèsunepremièregorgée,mesépaulesserelâchentenfinetmarespirationreprendunrythmenormal grâce à la saveur du chardonnay quime réchauffe déjà le gosier. Derrière nous, l’entréeregorgedemusiciensaccompagnésdeleursépousesoudeleursdernièresconquêtes.Mêmesionmepayait, jeseraisincapabled’enreconnaîtreunegrandepartie,maiscertainsvisagesmesonttoutdemême familiers, tels que les groupes Mystical, Coldstone et quelques autres. Je m’imprègne del’instantavecdélectationensongeantàMarc:s’ilétaitlàaujourd’hui,ilseraitauseptièmeciel.
Cettefois,jerepenseàluiavecjoieenimaginantsongrandsourire.Iln’yaenmoinitristesseniculpabilité,seulementunsentimentdeliberté.
Jesuislibredevivreetd’aimerànouveau.Ensouriant,jereprendsunegorgéedevin.Zachsepencheversmoipourdéposeruntendrebaisersurmeslèvres,sanssesoucierdetousces
gens prestigieux, curieux, ou des journalistes qui nous entourent. Jeme retourne avec une faussenonchalanceverslaporteenespérantvoirentrerMiaetlesautres,maisn’aperçoisquedesicônesdelamusiqueoudu cinéma.Tant d’argent, debeauté et de célébrités dansunmêmeendroit, c’en estpresqueterrifiant.Lesstarssesuivent,apparaissantdansdesrobeshautecoutureetportant lesplusgrosbijouxquej’aie jamaisvus.Sansparlerdesinjectionsdebotoxetautrespoitrinesrefaites.Cen’estqu’enportantunregardcritiquesurlescélébritésquejeparviensàgarderunsemblantdesang-froid ; je me fais toutes sortes de réflexions sur les choix de robes malheureux et autresmanifestationsdemauvaisgoût.
Perduedansmespensées,jen’aperçoispasMiaqui,surgiedenullepart,meprenddanssesbras.Elleparvientpresqueàm’arracheraubrasdeZachpourtantfermementaccrochéàmataille.
—Bonsang,Nic!Qu’est-cequetuleurasfaitcommeeffet!Jemeblottistoutcontreluienécoutantmonamie.— Je te jure, tous les journalistes ont demandé aux garçons qui tu étais et depuis combien de
tempsvousétiezensemble!Delafolie!—Tutesensbien?medemandeZachendéposantunbaisersurmonfront.—Trèsbien.
Pasdutout.Enfin,pasvraiment,maisilm’aidebeaucoup.—J’aicommel’impressionquetananan’estpaspasséeinaperçue!lanceChaseavecungrand
sourire.Toutecetteeffervescencesembleluiplaire.J’aienviedeluidonnerunegifle,maisjemecontente
delefusillerduregard.—Vraiment?s’étonneZach.Avecunhaussementd’épaules,jesirotemonvinenfaisantminedenepasêtreatteintepartoute
l’excitationquemaprésenceengendre.—Cen’estpasétonnant,reprendZach.Regardecommeelleestbelle.Maissaura-t-onfaireface?Je sais ce qu’il veut savoir exactement. Nous voilà au cœur même de ce qui a causé notre
séparationcesdernièressemaines.Samanièredemeserrerlataillelégèrementplusfortquetoutàl’heure laisse à penser que c’est plus une envie deme retenir de prendremes jambes àmon couqu’unesimplepreuved’amour.
Jeneluienveuxpas.—Jesavaisàquoim’attendre,Zach.Touslesdeux,nousnousensortironstrèsbien.Enluilançantunregarddébordantd’affection,jeprendsconsciencequejelepensesincèrement.
L’idéedecroiser touscespaparazzisetd’êtrepriseenphotomerendaitplusnerveuseque jamais,maismavisiteaucimetière,lasemainedernière,aguéricertainesdemesblessures.Cejour-là,j’aicomprisquecequimefaisaitréellementpeur,c’étaitdelesoublier.Àpartirdecetinstant,j’aipumelibérerd’unpoidsénorme.Cesoir,jesuismoinsterrifiéequejenelecraignais.
DèsquejeregardeZach,jeressensl’amourquejeluiporte.Jeveuxêtreaveclui.Cettepenséenedoitpasmequitter,nilesouvenirdecequ’ilm’aditlejourdeThanksgiving.Notrehistoireesttoutcequiimporte,etc’estencoreplusvraiàcetinstant.
Au cœur de la soirée, Zach quitte son siège à côté de moi pour se rendre en coulisses et se
prépareràannoncerlesnominéspourleprixdel’Artistemasculindel’année.Ensachantquejeleverraibientôtmontersurscène,unfrissondenervositémeparcourtl’échine.Zachadéjàremportéceprixet jesaisquec’estunhonneurpour luidel’annoncercetteannée.Celaprouvelerespectqu’ilgagne de la part de l’industrie de lamusique. Son statut d’artiste se confirme ce soir.Gonflée defierté,jeserrelamaindeMia.Elleestassiseàmadroiteetarboreunimmensesourire.
Jeluipiailledansl’oreille:—Est-cequetuasconsciencedecequinousarrive?Nous gloussons comme des lycéennes, quand la musique annonçant la fin de la coupure
publicitairenousinterromptetZachfaitsonentréesurscène.Ilestplusséduisantquejamais.Aumomentd’ouvrirl’enveloppe,ilmechercheduregardetme
décocheunclind’œiljusteavantd’annoncerlelauréat,cequinemanquepasdemefairerougir.Tout le tempsoù il restesurscène,sonpetit souriresexyne lequittepasuneseconde.Comme
lorsdesesconcerts,ilémanedeluiuneassurancequidécuplesonsex-appeal.Cethommeestnépourseproduiredevantunpublic,quelqu’ilsoit.Ilannoncelenomdel’artisterécompensé,legroupeFunTimes, puis le public applaudit chaleureusement les lauréats. Toujours souriant, Zach félicite lesjeunesmusiciens–qu’ilappréciesincèrement,jelesais–,puislesaccompagneencoulisses.
À peine a-t-il quitté la scène qu’une main agrippe mon épaule par-derrière et me serredouloureusement.Mon sang se glace. Je regarde discrètementMia dont l’expression choquée mepousseàposerlesyeuxsurlesonglesmanucuréscrispéssurmonépaule.
—Profite d’être sonnouveau jouet tant qu’il en est encore temps, ça ne durera pas.Zach finit
toujoursparmerevenir.Quoi ?!Mia neme quitte pas des yeux. Perplexe, je lui jette un regard interrogateur : a-t-elle
entendu lamême chose quemoi ? Elle acquiesce. La femme relâchema peau endolorie et jemeretournelentementpourdécouvrirlevisageappartenantàcettevoixdiabolique.Jesuisstupéfaite.
JustederrièremoiestassiseRachelMcAllister.Malgrésabeautésulfureuse,jedevineàsesyeuxetsonrictusmoqueursqu’ellemevoueunehaineprofonde.Sapostureetsamanièredemeregarderparlentpourelle,c’estévident.Monsangnefaitqu’untouretjerestefigéedevantcevisagefamilier.Jemesouviensd’avoirvusaphotoimpriméesouscelledeZachetmoiquittantlebardeBoston;lemagazineressassaitleurromanceencoreunefoismiseentreparenthèses.
Jemeretournepourregarderdroitdevantmoietmecramponneauxaccoudoirs.LorsqueZachs’approche pour rejoindre sa place à côté de moi, je n’ai toujours pas changé de position et lesarticulations de mes doigts sont devenues blanches tant mes mains sont crispées sur le cuir dufauteuil.
—Quelquechosenevapas?Il est inquiet. Habituellement, je m’empresse de le rassurer, mais pas cette fois : je suis trop
chambouléepourparler.Inutiledeluicacherlavaguedecolèreetd’humiliationquimesubmerge.Ilsepencheprèsdemonoreille.—Ques’est-ilpassé?Lesmains encore tremblantes, je sorsun stylodemapochettede soirée et gribouillequelques
motssurleprogrammedelacérémonie.C’estRachel.
Ilétouffeunjuronetgriffonneàsontour.Qu’a-t-elledit?
Jesecouelatête.Un air de musique résonne dans la pièce, annonçant une nouvelle page de publicité. Zach en
profitepourm’embrassersurlajoue.—Iln’yaquetoi.Jet’aime.Enpassantunbrassurledossierdemonsiège,ilmeserrecontrelui.Jemetournelégèrement
pourmeloveraucreuxdesonépaule.Conscientedupublicquinousentoureetducontextetrèspeuappropriéàcetyped’effusion,jeglissemalgrétoutunemainderrièresanuquepourl’approcherdemoi et l’embrasser, et il ne fait rien pour m’en empêcher. Le baiser est bref mais suffisant pourobtenirl’effetescompté:jelisdanssesyeuxundésirquin’estadresséqu’àmoiseule.Notresoufflesefaitcourtetjesaisquecesimplegesteluienditlong.Jel’aimeaussi.
Ellealesyeuxrevolver,ellealeregardquitue…Lesparolesdecettechansonn’ontjamaisétéaussiàproposetmanuquemepiquetantjeperçois
lacolèredeRachelderrièremoi.Maisjem’enfiche.Qu’elleailleplantersesserresdevautourailleurs.Lemomenttantattenduarriveenfin,malgréladéfaiteanticipéedeZach:ilremporteleprixde
l’albumdel’année;jesuisauxanges.Ilmontesurscèneet,sansmequitterdesyeux,citemonnomparmi ceux des personnes qu’il remercie. Mon anonymat s’envole, mais qu’importe ; plus rien
n’existed’autrequemonbonheur,j’enoublielafemmequifulminejustederrièremoi.—Qu’est-cequ’ellet’adit?Nous sommesde retourdans la limousinepournous rendreàune soiréeVIP,et cettequestion
brûlaitleslèvresdeZachdepuistroplongtemps.—Àpeudechosesprès,ellem’adit:«Profited’êtresonnouveaujouettantqu’ilenestencore
temps,çanedurerapas.Zachfinittoujoursparmerevenir.»Leregarddroitsurlui,jeveuxqu’ilcomprennequecesmotsm’ontprofondémenttroublée.Ilmecaresse lementonet laissesonpouceeffleurerma joue. Il saitque j’aimebeaucoupcette
sensation.Unvoiled’affectionapparaîtsursonvisageavantdelaisserplaceàautrechose.Ilestfurieux.Lamâchoirecrispéeetlessourcilsfroncés,ilpeineàrespirernormalement.— Rachel et moi avons connu une relation tumultueuse pendant deux ans. Pour moi, c’était
purement physique. Elle a raison de dire que je suis revenu vers elle chaque fois, mais c’estuniquement parce que les autres filles étaient telles que je te les ai décrites. Ce n’était que deschanteusesoudesactricesàlamodeaveclesquellesjedevaism’afficherenpublic.AvecRachel,cen’étaitpassérieux,nousnesommesjamaissortisensemble.
Àcesmots, ilprendunaircoupable,commes’ilavaithontedem’avouerqu’ilafréquentéunefemmeuniquementpourlesexe.
—Jenel’aipasrevuedepuisledébutdelatournée,tulesaisbien.Jelelaisses’expliquerafinquenouspuissionsenfinpasseràautrechose.Cequ’ilsontvécune
m’intéressepas.Ellen’estpasunemenacepourmoi.JeparviensenfinàenvisagerunfuturpourZachetmoi,maiscelaneveutpasdirequejeveuxtoutsavoirdesesprécédentesaventures.
—JemefichedeRachel,tusais.Ilpousseunsoupirdesoulagementetafficheuneexpressionplusdétendue;jeretrouveenfinle
Zachdécontractéquej’aimetant.Soudain,ilmelanceunregardhésitant.—Onrisquedelaretrouveràlasoirée,toutàl’heure.Maisriennenousobligeàyaller.Jene
veuxpasqu’elletecausedeproblèmes.Jelèvelesyeuxauciel.—Jesuisassezgrandepourgérercettesituation.Etpuis,siellevientmeprovoquer,Miasaurala
recevoir.L’entréedel’hôteldesSeptSaisons–oùlasoiréedoitsedérouler–scintilleautantqueletapis
rougetantlesjournalistessepressentpourphotographierlesprestigieuxinvités.Aumilieudescrisde fans hystériques, Zachme prend fermement par la taille et me guide jusqu’à l’entrée sansmequitterdesyeux.Sonattentionmefait frissonnerdeplaisir, sibienque jen’arrivepasàdécrochermonregarddusien.
Enpénétrantdans l’immensesalledebal, lasurprisemefigesurplace,et jesaisisvivement lamain deMia. Je n’ai jamais vu d’endroit aussi spectaculaire.Des chandeliers de cristal ornent lesmursetdesfleursexotiquesparentdemillecouleurschacunedestableshautesdepartetd’autredelapièce. Sur notre droite, un comptoir occupe toute la longueur du mur, décoré d’une gigantesquefontainedechocolatencristal.Miam!Aufonddelasalle,ungroupejoueunemusiquedouce.
—Franchement,Zach,tuvisunvéritablerêve!Iléclatederireetmeserreunpeupluslataille.—Etcen’estrienàcôtédesGrammyAwards!claironne-t-il.Devantmonairaffolé,ilsereprend:—Tut’yhabitueras,jetelepromets.
J’endoutefortement,maisluisourismalgrétout.Toutecettedémonstrationdeglamourmemetmalàl’aise.Unepetitevoixenmoim’avertitque
c’est un conte de fées et que la fée marraine peut apparaître à tout instant et secouer sa baguettemagiquepourmerenvoyeràmontristequotidiendephotographedeclassemoyenne.
Maisuneautrepetitevoixmeditdem’accrocheràcethommequim’aréapprisàaimer,etdenejamaislelaisserrepartir.
—Viensparlà,Cendrillon!melancejoyeusementMia.Profitonsducontedeféesavantdenoustransformerencitrouilles.
Ellem’attrape lamainetm’attirebrusquementendirectiondubar.Je jetteunregardenarrièrepourm’assurerqueZachacceptedemelaisserm’éloigner.Ilapprouved’unhochementdetête.Detoutemanière,Mianeluilaissepasvraimentlechoix.
—Bon,alors!Miame lanceun regardgrave lorsquenousattendonsnosboissonsaucomptoir.Ouplutôtnos
verresà shot.AprèsmabrèveentrevueavecRachel et toute l’agitationde la soirée, j’aibesoindedécompresser.
—Qu’est-cequ’ellet’adit,cettesorcière?—Jen’aivraimentpasenvied’enparlercesoir.Pourrésumer:elleveutrécupérerZach.—Qu’a-t-ilréponduàça?Mesyeuxdériventdesonvisagecurieuxverslegroupeaufonddelasalle.Jehausselesépaules
sansrépondre.—Ne jouepasàçaavecmoi. J’ai trèsbiencomprisdequoivousparliezenvenant ici.Alors,
qu’est-cequ’iladit?Miametendunverreàshotcommepourappuyersondiscours.Faceàsoninsistance,jecraque:—Bon,d’accord.Ils’esténervéetm’aavouéqu’ilss’étaientfréquentésseulementpourlesexe.D’ungestenerveux,jem’essuielefrontetlèvemonverrevideendirectiondubarmanpourlui
réclamerunesecondetournée.—Jem’enremettrai.Sonregarddevipèrem’aénervée,c’esttout.Nousvidonsnosverresd’untrait.Jefaislagrimaceenlaissantleparfumalcoolisémebrûlerla
gorge.De la tequila.Undélice. Jeme sens soudain beaucoupplus courageuse.Oupeut-être est-cel’ivressequimerongedéjà,comptetenudupeudenourriturequimeremplitl’estomac.Quoiqu’ilensoit,jemesensdéjàmieux.Lecalmerevientenmoi,etc’esttoutcequicompte.
Finalement, nous quittons le bar pour suivre les serveurs munis de plateaux de petits-fours etfixons bêtement les célébrités qui nous entourent. La plupart d’entre elles ignorent les invitésinsignifiantsdontnousfaisonspartie,maiscertainesnouspointentdudoigt.J’aperçoisenfinZach,àcôtédeChaseetJake,touslestroisoccupésàdiscuteravecungroupedejeunesfemmes.
Mia etmoinousdirigeonsvers euxpour les rejoindre, lorsque soudain levisagede l’unedesfillesmesemblefamilier.
RachelMcAllister.Zachest raidecommeunpiquet.Lesdeuxpiedsbienancrésausol, ilcroise lesbraset lui fait
clairementcomprendrequ’ilsouhaitequ’elles’enaille.Enm’approchantunpeuplus, j’aperçois lamaindeRachelseleververslebrasdeZach.Illuilanceunregardnoir,luimarmonnequelquechoseetesquivesoncontact. Jesouris intérieurement. Jene l’ai jamaisvu réagiraussibrutalement, sicen’est avecEthan. SoitRachel ne s’aperçoit pas de cette animosité, soit elle la voitmais s’en ficheroyalement.Jepencheraispourlasecondesolution.
Miamefrôlelecoudepourmefairecomprendrequ’elleaussiaaperçucepetitmanège.Enme
tournantversmonamie,jelisunecolèrefurieusesursonvisage.Miasetientprêteàmedéfendrebecetongles.Jenepeuxmeretenirderirebêtement.
Cettesituationesttotalementabsurde.Avantd’arriver à leurhauteur, jem’arrêtenet etbalaie la salledu regardà la recherched’une
choseàfairequinouspermettraitd’éviterRacheletd’attendrequ’elles’enailled’elle-même.Maislorsquemes yeux se reposent sur Zach, les siensme dévorent et l’envie dem’éloignerme quitteaussitôt.Rachelounon,jeveuxresteràsescôtés.
Chapitre19
—Bonsoir,Rachel,luidis-jed’unetoutepetitevoixenarrivantàleurtable.LesbrascroisésdeZachsedétendentlorsqu’ilmevoitarriveretils’empressedeposerunemain
aucreuxdemondosenm’embrassantsurlefront.LesyeuxdeRacheltrahissentsonsourireforcé.—Zachetmoinousremémorionslebonvieuxtemps.J’espèrequecelanevousdérangepas.Ce vouvoiement soudain accentue son sarcasme acerbe. Je m’attends presque à la voir me
montrerlescrocsengrognant,commeleloupessayantd’intimidersaproie.Maisçanefonctionnepas avecmoi. Entre l’alcool et le discours deMia tout à l’heure, jeme sens pleine de courage etcapabledeluitenirtêtesanslacraindre.
—Non,allez-y,jevousenprie.Surcesmots,jel’encouraged’ungestedelamainàpoursuivresaconversation,puisajoutesur
untonquejeveuxdétaché:—JevoussouhaitedepartagerdetrèsbonssouvenirsavecZach,puisquec’esttoutcequ’ilvous
resteradeluiàl’avenir.Intérieurement, j’ai la sensation qu’un nid de guêpes me transperce l’estomac d’un millier de
piqûres. Est-ce vraiment dû à l’irritation que m’inspire cette femme, ou est-ce le résultat d’unequantitétropimportantedetequilabrute?Sansdouteunpeudesdeux.
Del’autrecôtédelatable,ChaseetMiameregardentavecdesyeuxrondstandisquelamaindeZachposéesurmataillemepincelégèrementlapeau.J’ignoresic’estlàsamanièredemediredefaireprofilbas,maisjem’enfiche.
LevisagedeRachelpâlitetsamâchoiresecrispesousl’effetdelacolère,maissonsimulacredesourirerestebienenplace.SonregardseposesurZach.
—C’estcequenousverrons.—Non,Rachel,lacorrigeZachd’untonsec.C’esttoutvu.Enprenantuneprofondeinspiration,jeposeuncoudesurlatablehauteetmepencheverselle,
puisluisusurred’unevoixsensuelle:—Tusais,Rachel.Peum’importequetumefassespasserpourlenouveaujouetdeZach.Figure-
toique,dansl’intimité,jepeuxmemontrertrèsdivertissante.J’esquisseunrictusetaperçoisducoindel’œilChasequis’étouffedanssonverre.Jen’enreste
paslà.—Peut-êtrequesituavaisétéamusante,ilauraitjouéavectoiunpeuplussouvent.Jem’écartedelatableetrejoinslesbrasdeZach.Rachelrestesansvoixetsesyeuxlancentdeséclairs.Elleattrapesoudainlesmainsdesesamies–
quirestaientàsescôtéssansprononcerunmot–ets’éloigneverslebarsousmonregardamusé.Mia et Chase éclatent de rire. En me retournant vers Zach, j’aperçois son visage fermé et je
regrette aussitôtmonpetitmanège. Impossible de savoir ce qu’il pense,mais il est soit rongé parl’humiliation,soitfurieuxcontremoi.Aucundesdeuxn’estunebonnechose.
—Jesuisdésolée,Zach.Jenevoulaispas…J’interrompsnetmesexcuses lorsque soncélèbre sourirecharmeurapparaîtpeuàpeu sur son
visage.Jepousseunsoupirdesoulagement.—Tunem’enveuxpas?Ilétouffeunpetitrireetsecouelatête.—Non,pasdutout.Seulement,jenet’aijamaisvuefairepreuved’unetellearroganceetjedois
avouerquejetrouveçairrésistible.Unesuccessiondebruyantsraclementsdegorgenousfaitsoudainredescendresurterre.Miaet
lesgarçonsnousregardentensouriant,visiblementfiersdesavoirsibieninterromprenosmomentsd’intimité.
Monamielèvesonverre.—Jesuisfièredetoi,Nic!Noustrinquonsàsesmotsetsirotonsnotrechampagne.LaprésencedeRachelestviteoubliée.Le
restedelasoiréeestponctuéd’éclatsderire,etlabonnehumeuraurendez-vous.Nousdansons,etlesmains de Zach ne quittent pas mes hanches. On me présente à quelques célébrités et j’apparaisfièrementauxcôtésdeceluique l’onfélicitepouravoirgagné ledisqued’or.Aupetitmatin,nousrentronsàlamaison,oùjepeuxenfinluimontrer,enprivé,àquelpointjesuisfièredelui.
Jemeréveilleaubruitdecoupsfrappésàlaporte,decrisstridentsquimefontgrincerdesdents
etdegrognementsdemâleàcôtédemoi.Zachpousseungémissementagacéetm’attireprèsdeluienmarmonnant:
—Peut-êtrequesionl’ignoreellefiniraparselasser.Sonsoufflechaudcontremanuquemefaitfrissonner.Jemurmurecontresontorse:—Qui?Oh,c’estMia?—Nicole!Ouvrecetteportetoutdesuite!Tuesenpremièrepage!hurleMia,danslecouloir.—Jenesuispassûrequ’onpuisses’endébarrasseraussifacilement,monchéri.Jel’embrassetendrementetroulesurlecôtépourquitterlelit.Avantd’ouvrirlaporte,j’enfile
rapidementuntee-shirtquej’attrapeaupassage.—Situveuxvraimentmeréveilleràl’aube,tupourraisaumoinspréparerlecafé.—Ilyaplusimportantqu’unetassedecafé.Mia plaque un journal contre ma poitrine en sautillant d’impatience. En regardant l’article,
j’aperçoisenpremièrepageduLosAngelesTimesunephotodeZachetmoisurletapisrouge.Elledisaitvrai.
—Waouh!Moncerveaun’estpasencoreassezéveillépourassimilercegenredesurprise.Derrièremoi,Zachme fait un câlin en posant sonmenton râpeux surmon épaule.Cela devait
arriverunjour,c’estévident.Enacceptantd’accompagnerZachsur le tapisrouge, jem’attendaisàdécouvrirunephotodemoiquelquepartaucoind’unepagedemagazinepeopleouautre.Mais lacouvertured’unjournald’informationnational,j’étaisbienloindel’imaginer.Zachrestesilencieux,maissamanièredem’entourerdesesbrasprotecteursmelaissepenserquesoninstincttentedemeretenirdetomberàlarenverse.
Faceàmoi,Miasouritjusqu’auxoreilles.—C’estuneénormenouvelle,Nic!Tuterendscompte?!Ellesemetàdansersurplacecommeuneadolescente,justepourmemontrerqu’ilestpossiblede
prendre la chose avec légèreté, mais mon cerveau n’a pas encore retrouvé cent pour cent de sacapacitédefonctionnement.
—J’aibesoind’unebonnetassedecafé.Le journal encore dans lesmains, je retourne près du lit sans quitter des yeux la photo. Je les
oublietouslesdeuxjusqu’aumomentoùZachvientmerejoindre.—Tiens,boisça.Ilposeunetassedecaféchaudsurlatabledechevetets’assiedderrièremoienpassantlesbras
autourdemataille.—Commentsituerais-tutapaniquesuruneéchelledeunàdix?Avantderépondre,jeboisunegorgéedecafépuisreposelatasse.—Jediraissept.Commentconnaissent-ilsmonnomdefamille?Lesgrostitresindiquent:«Pendanttoutelasoirée,ZachWaltersn’apasquittélesbeauxyeuxdecettejeunefemmequ’ilqualified’exceptionnelle.D’aprèsnossources,NickyParsonsauraitrencontrénotrerockstarlorsdesadernièretournée.ZachWaltersserait-ilsurlepointdequitterlalistedescélibataireslesplussexydel’année?»
—C’estmieuxquecequejepensais.Jem’attendaisàunonzeouundouze.Ausondesavoix,jedevinequ’ilarboresonsourirecharmeurqui,habituellement,mefaitfondre
àtouslescoups.Ilposedélicatementundoigtsousmonmentonpourmefairetournerlatêteverslui.—Tusavaisqueçadevaitarriver.Oùestleproblème?—Disonsque jenem’attendaispasà intéresser lapressenationale.Ces journaux-lànesont-ils
pascensésseconsacrerauxcatastrophesnaturellesouauxkrachsboursiers?LesenfantsvictimesdelafamineauSoudanetlesattaquesterroristesenÉgyptesontcertainementplusintéressantsquenotrehistoire.
—Sous-entends-tuquemaviepersonnellepasseaprèslafaimdanslemonde?—J’espèrequeoui!Jel’embrassebrièvementsurlaboucheavantdereveniràmalecturedel’article.—Est-cequetuasvuque,d’aprèseux,tuesamoureuxdemoietquetunem’aspasquittéedes
yeuxdetoutelasoirée?—Maisjesuisfoudetoi,toutlemondeapuleconstateretjenem’encachepas.Enrevanche,je
suisdésoléquetonnomapparaisse.Detouteévidence,laphotoaétéprisependantqueZachmeprésentaitàlajournalistedelaBBC.
Je lui lance un regard attendri. Il dépose un baiser sur mes lèvres, les yeux ouverts et la boucheesquissantunsourirediscret.
Sij’avaissouhaitéfaireappelàunphotographeprofessionnelpourimmortalisernotrehistoire,je lui aurais demandé de nous prendre à cet instant précis.Dansmes yeux, il comprend que je leconsidère comme mon héros, et, dans les siens, il est évident qu’il me chérit comme son plusprécieuxtrésor.
Toutestparfait…malgrélecaractèredéjàpublicdenotredébutderelation.—J’aiencoredumalàmesurerlesconséquencesdecettesituation.Mesmotsrésonnenttimidementdansmatassedecaféavantquej’enreprenneunegorgée.Puisje
reposelejournaletm’assiedsenfacedelui.—J’aipresqueenviedegarderl’article,ensouvenir.Bon,qu’est-cequinousattend,maintenant?
Jepensaisprendrel’aviondemainavecMia.Unefoisquelesmédiasdécouvrirontoùj’habite,quesepassera-t-il?Qu’est-cequejedoisdireounepasdire?
—Tufaiscequetuveux.Situneveuxriendévoiler,ignore-les.Situveuxannonceraumondeentierquemoncœurt’appartient,fais-le.
—Tuvasatrocementmemanquer,tut’enrendscompte?Ilm’attiredélicatementcontreluietmeserredanssesbras.—Cesquelques jourspassésavec toiaprèsdeuxsemainesdeséparationnem’ontpasrassasié.
Est-cequetudoisforcémentt’enaller?Lesgarsetmoiprévoyonsdepasserplusieurssemainesicipourcommenceràtravaillersurlenouvelalbum.Resteavecmoi,jeteferaivisiterLosAngeles.
Ledoutem’envahitetjesecouelatête.Riennemepousseàrentrertôt,mêmesij’aipassétrèspeudetempschezmoiaucoursdesdernièressemaines.Etpuis, jen’aiprogramméaucunrendez-vousphotoalorsqueNoëlapprocheàgrandspas.Siunefamillesouhaiteplacersaphotoaupieddusapin,jedevraisdéjàplanifierdesséances,orcen’estpaslecas.Zachnem’aréservéqu’unallersimple,jen’aiaucunretourdeplanifié.Maiscelasignifie-t-ilquejepeuxrester?Ilmefaudrabienrentrerchezmoi,n’est-cepas?
—Resteàmescôtés,machérie…S’ilteplaît.Devantceregardimplorant,jen’aiaucunargumentvalable.—Dèsquetumesupplies,jeperdstousmesmoyens.Jemepenchevers luipour l’embrasser tendrement,puispassionnément,sibienqu’ilmeprend
parlesépaulesetm’allongesurlelit.Cetteviepourraitmeconvenir,finalement.Zachetmoivenonsdepasserplusieursjoursàdîner,à
fairedushoppingetàpartagerensembled’excellentessoiréesaucœurdeLosAngelesdanslesclubset lesboîtesdenuitoùZachaseshabitudes.Nousavonsparfoiscroisédespaparazzisquiontprisquelques clichés,mais sans débordements.Malgré la soirée desMusicAwards après laquellemonnom a été dévoilé, je n’ai reçu aucun appel intempestif ni aucun harcèlement d’aucune sorte. Jecommence à me dire que Zach et Mia avaient raison, finalement. Il n’y avait pas de raison des’inquiéterautant.Maintenantquej’aipasséplusdetempsavecZachetquejem’habitueàl’idéequeSarahparleradenotrehistoire,jepeuxmedébarrasserdemesvieuxdémons.
Aujourd’hui, Zach et ses musiciens s’apprêtent à enregistrer les premiers morceaux de leurnouvel album. Je pars ainsi les rejoindre, accompagnée de Chloé qui devra bientôt s’en aller, augrand dam de Garrett. Au studio, nous nous installons dans un petit salon de détente décoré à lamanière des années 1970. Certains éléments sont passés de mode, et je comprends pourquoi.Commentest-ilpossibledesesentiràl’aisedansunfauteuilenplastiqueenformed’œuf?
ZachetJakesontoccupésàaccorderleursguitares,assissuruncanapé.Chloéestsurlesgenouxde Garrett, et ils se dorlotent comme deux adolescents. J’aime beaucoup les regarder, pas parvoyeurismemaisparcequeleuramourestpuretsincère;ilssefichentcomplètementduregarddesautres.Assis calmement dans un coin,Chase tapote ses genoux en suivant un rythmequ’il se jouementalement,quandlaportes’ouvrebrusquement.
—Ilfautembaucherunnouveauclaviéristepourlespartiesdesynthé.Aaron,leurmanager,entreprécipitammentdanslapièceetdanslevifdusujetsansintroduction.
Ilprendsesresponsabilitésbeaucoupplusàcœurquel’autresoirdanslalimousine,oùilapparaissaitplutôt en figure paternelle. Ce n’est plus du tout le cas. Sa présence requiert une attention que lesgarçonsluiaccordentvolontiers.
SansattendrederéponsedelapartdeZach,ilreprend:—LesColdstoneseséparentetScott,leurclaviériste,estdisposibesoin.—Non,pasScott,refuseZachsuruntoncatégorique.
Sesdoigtssecrispentsurlemanchedesaguitare.—C’estlemeilleur,tulesaisbien.ZachinterromptAaronenlevantlamain.—Cetypes’envoieen l’airavecdesprostituéesà longueurdesoiréeetc’estunancientoxico.
Pasdeçacheznous.Àcesmots,ilregardesesmusicienslesunsaprèslesautres,puissonregardseposesurmoi.Il
mesourit.Avecsonsourireencoinetsonairinsolent,jevoisbienqu’ilauneidéederrièrelatête.Ilattend
quelquechosedemoi.Simesyeuxavaientvraimentlepouvoirdelancerdeséclairs,jeluienverraisquelquescoupsdejuspourluiremettrelesidéesauclair.
—Horsdequestion.Maréponseévoquelegrognementd’unchiendegarde.ZachseretourneversAaron.—Laisse-nousdeuxminutes.—J’aidéjàappeléScott.Jeneveuxpasnousgrillerdecartes,ilseralàdansunedemi-heure.—Ehbien,annule,insisteZachenluilançantunregardnoir.J’aidéjàunepersonneentêtepour
lesynthé.Sa voix est ferme et décidée. Je ne l’avais encore jamais vu adopter cette attitude de chef des
troupes.Çalerendparticulièrementséduisant.J’aipresqueenviedel’entraînerdansunrecoinisolépourquelquesminutes.Maiscettepensées’envolelorsquejemerappellecequ’ilattenddemoi.
—Jenejoueraipas.—Si,tujoueras!insisteGarrett,surexcitéàcetteidée.—Non!Mon regard reste rivé sur celui deZach et le sienne cillepasnonplus. Ilme fait penser àun
prédateurenchassepoursondîner.Jevoisd’icilesrouagess’activerdanssoncerveauenquêted’unargumentimparablepourmefairechangerd’avis.Iljetteunregardencoinverssescompagnonsenquêtedesoutien.Ilsm’onttousentenduejouer,maisdoiventserendrecomptequ’ilyaforcémentunemeilleuresolution.
Pourmoi, c’est un passe-temps agréable,mais ça n’a rien de professionnel. Pendant un temps,j’avaisleprojetd’enseignerlamusique,maisçam’apassé,mêmesij’avoueavoiradoréjoueraveceuxcefameuxsoiroùj’aifaitlesbalances,pendantlatournée.
—C’esttoileboss,Zach.Techniquement,onestsoustesordres.Situprendscettedécision,ontesuit,déclareChase.
En prononçant ces mots, il me scrute du coin de l’œil, comme s’il cherchait à comprendrepourquoicetteidéem’agaceautant.J’essaietoujoursdelefoudroyerduregard,envain.
—Trèsbien,danscecasc’estdécidé.Nic,onyva?Zach se lèvecalmement, commesinousvenionsdedéciderd’un restaurantpour ledîner.Non
maisquelcon…—Non!Je croise les bras etm’enfoncedansmonénorme fauteuil démodé en formed’œuf.Ladispute
l’amusebeaucoupet ilne lâcherapas l’affaire.Si je lepouvais, je sauteraisdans lepremieraviondirectionMinneapolis,justepourleprovoquer.
—Allez,rienqu’unechanson…Pourmoi.Tun’espasobligéedefairetoutl’album,maisjoueavecnousenattendantquejetrouveunclaviériste,demande-t-ild’untonimplorant.
Ilsaitcommentmeparlerpourfaireensortequejenepuisserienluirefuser.Bonsang.
—Menteur!Tumemènesenbateau…Jerefusedefairepartied’ungroupederock.Çan’arriverapas.Cequ’ilsemetdansla têteest
complètementridicule.Toutefois,mavolontés’étioleenvoyantZachs’agenouillerdevantmoipourmesupplierd’accepter.
—Unechanson.Joueavecmoi,machérie.S’ilteplaît.Samanière deme demander quelque choseme fait toujours fondre à la première seconde et,
d’habitude,medonneenviedeluifaireplaisir,pourlevoirsouriredenouveau.Mais,àcetinstant,sonsouriremetapesurlesnerfs.Jesuisassaillied’émotionscontradictoires:enjouantaveceux,jem’étais amusée comme une folle, mais, en même temps, j’ai peur de m’aventurer sur un terraininconnu.D’uncôtéjeluienveuxdememettredevantlefaitaccomplisouslesyeuxdesautressansquejepuisserienyfaire,etd’unautrejepensequel’expériencevautledétour.Jesaiségalementque,malgrémesréticences,jesuisincapabledeluidirenon.Avecunsoupir,jelèvelepouceensignedeconsentement.
—D’accord,unmorceau.Justepours’amuser.Maisjenerejoindraipastongroupe.—Tusaisquetuesbellequandtuboudes?Furieuse,jepousseungrognementetm’éloigneenrejetantmescheveuxenarrière.—Jetedétestepourmeforceràlefaire.—Menteuse.Tum’aimesettulesaistrèsbien.Voilàquesonsourirecharmeurestderetouraccompagnédesonregarddebraise.Ceserabien
plusqu’unechanson,j’ensuisconsciente.Maisjenepeuxpasluirésister.Ilnousfautquelquesminutespourbrancher tous les instrumentsdans lasalled’enregistrement.
Unefoisinstalléedanslapetitecabinepourlaprisedeson,entouréedeZachetdesautres,jemesenschezmoi.L’espaceconfinéetlasensationdestouchessousmesdoigtsmeprocurentunsentimentdesécurité.Toutefois,jerefused’admettrequ’ilagagnélapartie.Parcequecen’estpaslecas.
—Bon,jesuisprête.Jepousseunnouveausoupirpourfairecomprendrequel’idéenem’enchantepas.—Justeunechanson,tuterappelles?—Nemeprendspaspouruneidiote.Jesaiscequetuattendsdemoi,etçan’arriverapas.—Maisoui,machérie,mecharrie-t-ilavecunclind’œil.Nousallonsjouerunmorceauqueje
viensd’écrire.Monestomaccommenceàsenouerdouloureusement.—Zach,jenepeuxpas…—Biensûrquesi.Ils’approcheetposeunemainsurmajoue.—Jet’aidéjàvueimproviser.Jecommenceraiàjouer,ettumerejoindrasdèsquel’inspirationte
viendra.—Jen’arrivepasàcroirequejetelaissememanipulercommeça.Il commence alors à gratter les premières notes du morceau et je tombe instantanément
amoureusedecettenouvellecréation.Lesyeuxclos,jelaisselerythmepénétrerlapiècepeuàpeuenrepérantlesaccordsetlessilences,toutenattendantlemomentpropicepourintervenir.Lorsqu’ilsemetàfredonnerlesparoles,jemefigesurplace.Enouvrantlesyeux,jedécouvrequeZach,attendri,nem’apasquittéeduregard.Ilchantepourmoi.
Réveille-toi,ouvrelesyeux.Grâceàtoi,jesuisunautrehomme.
Lamert’envietonregardbleu.Grâceàtoi,jesuisunautrehomme.Jet’aime,jesuisfouamoureux.Jepassedel’enferauxcieux.Grâceàtoi,jesuisunautrehomme.Cettechansonm’estdédiée.Elleparledemoi.Sesyeuxmetranspercentl’âme.Jesenssonamour
meconsumer.Jerefermelesyeuxetmelaissebercerparsesparolesquirésonnentenmoi.D’eux-mêmes, mes doigts se mettent à jouer en harmonie avec les accords de sa guitare, comme s’ilssavaientquellenotechoisiràquelmomentpendantquemonâmeselaisseenvelopperdecetamourpourluirépondreavecautantdepassion.C’estunejoutemusicale.Sesmotsmesupplientdevoirsonamour,etmesnotesluirépondent,luidisentquejel’aime,quejevois.Perduedanslamusiqueetdanscetourbillonpassionnel,jenem’aperçoispasqu’ils’estarrêté.
LeregarddeZachestrivésurmoilorsquejeredescendsenfinsurterre.Sonsouffleestcourtetsaccadé,commelorsquenousvenonsde…Enfinbref.Hésitante,jeregardelesautresmusiciens.LeurexpressionestsimilaireàcelledeZach,àceciprèsquej’ylismoinsdedésircharnel.
Jemesensnue.Exposéeauxyeuxdetous.
Chapitre20
—Mercipourcettechanson.JetentedereprendreunerespirationnormaleetlanceunregardàChaseensortantdelapièce.Ilrestebloquédanssacontemplationdusynthé,l’airabasourdi.—Touslesdeux,vousétiez…Waouh,ça,c’estdelamusique!Jelèvelesyeuxauciel.—Tum’asdéjàentenduejouer.—Vousfaisiezpresquefondrelavitre,enchéritGarrett.J’avaislasensationd’êtrevoyeuretde
vousobserverentraindefairel’amouravecdesinstruments.Zachmedevanceenluifrappantl’arrièreducrâne.—Garrett !Beurk ! s’exclameChloé en éclatant de rire,manifestement très peugênée par les
proposdesoncompagnon.Pleined’espoir,jelasupplie:—Chloé,franchement,ramène-lesàlaraison.— Il faut que tu fasses l’album, me répond-elle. Garrett m’avait parlé de ce fameux soir à
Philadelphieetdetontalentausynthé,maislàc’étaitvraiment…Elles’interromptencherchantsesmots,puissecouelatête.—Jenesauraispasledécrire.Jeluilanceunregardnoir.Ellenem’aidepasdutout.Derrièremoi,Zachglissesesbrasautourdematailleetm’attirecontresontorse.Ilmechuchote
àl’oreillesidoucementquejesuislaseuleàl’entendre.—C’étaitl’instantleplustorridedemavie.Jetelejure.Tudoisjouerplus.—Non,nonetnon!Redescendssurterre,Zach.Jesuisunefille.Vousêtesquatremecsdansun
groupederock.Jesuisunemère,enfin…bref.Jenejoueplussurscène.Ma crise de colère n’a aucun effet, je change alors de tactique en prenant une profonde
inspiration.—PersonnenevientauconcertdeZachWalterspourlevoirjoueravecsapetiteamie.—Danscecas,onneditàpersonnequetuessurl’album.—Tunevaspast’ymettre,Jake!Avecungémissement,jemeretourneversZach.—Etpendantquetuserasentournée,commentfera-t-on?—Tuviendrasavecnous.Ilm’offrecetteréponsecommes’ils’agissaitd’uneévidence.—J’aidéjàunboulotquej’adore.Jen’enaipasenvie.Jeposelespoingssurmeshanchesetprendsunairsévère,maisjepeineàmeconvaincremoi-
même.Cet instant quenousvenonsdepartager était intense, presque autant qu’àPhiladelphie danscetteimmensesalledeconcertoùildoitêtregrisantdejouerdevanttantdemonde.J’aitoujoursaimé
jouerdelamusique.Pourtant,quelquechosemebloqueaujourd’huietjenecomprendspasquoi.ÀgauchedeZach,Jakemelance:—Franchement,onnepeutpaspasseràcôtéd’uneoccasionpareille.Ilsepasseuntrucavectoi.DeboutàdroitedeZach,Chasefaitblocavec lesautres.MêmeGarrettetChloéserapprochent
d’eux.D’ailleurs,lajeunefemmeajoutesongraindesel.—Situaccompagneslesgarçonssurscène,ilyauraenfindeshommesdansnotrepublic–des
fansquiviendrontserincerl’œil…—Chloé!Tumedéçois.Mevoilàfaceàuneliguederockstarsobsédées,etChloés’ymetaussi.JedoisréussiràconvaincreZachquec’estunemauvaiseidée.—C’estcequetuveux?Desmilliersd’hommesquiviennentmereluquer?—Est-cequelesoirturentrerasàlamaisonàmonbras?Évidemment,idiot!luifais-jecomprendred’unregard.—Danscecas,reprend-il,qu’ilsserincentl’œil.J’enseraitrèsfier.Agacée,jetapedupied.—Tum’énerves.Jenerejoindraipastongroupe.C’esttavie,paslamienne.Lacolèredéformesoudainsonvisage.—Non,c’estnotrevie!Quetujouesavecmoioupas.Mavoixs’adoucitlorsquejecomprendsquemesmotsl’ontblessé.—Cen’estpascequejevoulaisdire.Pourquoimepousses-tuàfaireunechosecontremongré?
Explique-moi,parceque,vraiment,jetrouvecetteidéeridicule.—Pourquoi?Parcequetuesdouée.Etaussiparcequecen’estpastotalementdésintéressé: je
viensdepasserdeuxsemainesincroyablesetjerefused’êtreséparédetoiunefoisdeplus.Une porte claque derrière nous et me fait sursauter. Les autres ont compris que nous avions
besoind’êtreunpeuseuls.Exaspérée,jem’affaledanslefauteuilenformed’œuf.—Zach,tunepeuxpasmefairejouerdanstongroupesimplementparcequetuasenviederester
àmescôtés.—Jesais.Seulement,jeneveuxplusquetupartes.—Jen’enaipasl’intention.Adosséeàmonsiège,jel’observefairelescentpasdevantmoiensefrottantlanuque.Iln’estpas
encolère.Ilapeur.—Tumecachesquelquechose.—Nic,grâceàtoi,jerenais.Ilsemetàgenouxdevantmoiettentedemefairecomprendrecequil’inquiète,maisjenevois
pasdequoiilparle.—C’est-à-dire?—Jenepensaispaspouvoirtomberamoureuxunjour.Endixans,pasuneseulefemmenem’a
désiré pour ce que je suis vraiment, sans se focaliser sur la rock star. Elles cherchaient toutes àprofiterdemacélébrité.Maispastoi.
—Si!Jevoulaisquetumepaiesunebière.Ils’approchebrusquementetm’embrasse,nonsansunecertainefébrilité,melaissanthaletanteet
brûlanted’enrecevoirplus.Beaucoupplus.—Tais-toietécoute,Nicky.Cesdernièresannées,onnemedésiraitqu’àtraversmoncompteen
banque. J’aiperdu l’espoirde trouverun jour la femmedemavie, celle avec laquelle jepourraispartager leshabitudeset lesdétails insignifiantsduquotidien.Et,un jour, je t’ai rencontréeet tuas
toutchamboulé.Nonseulementmapopulariténetefaisaitnichaudnifroid,maisenplus tusais temontrer à la fois courageuse et séduisante sans même t’en rendre compte, ce qui fait de toi unefemmeencoreplus irrésistible.Tumepoussesàmesurpasser.Tumefais rire, tuas la têtesur lesépaules,etturéunistouteslesqualitésquej’aitoujoursrêvédetrouverchezunefemme.Grâceàtoi,jeconnaisl’amour.Tum’astantappris,neserait-cequ’àtraverstonexpérienceavecMarcetAndrew.
Il reprend sa respiration et me donne envie d’en faire autant. Son discours me troubleprofondément.
—Jerefusedeteperdre.Tudoisresteravecmoi.Emménagechezmoi,s’ilteplaît,Nic.ResteàLosAngeles.Que tuparticipesounonà l’album,peu importe.Sache en tout casque tu asundonincroyablequ’ilseraitdommagedenepasexploiter.Entoutcas,reste.
—Zach…Que dire après cela ? Il veut que j’emménage chez lui, à LosAngeles,mais c’est de la folie.
Depuis notre arrivée au studio, il se comporte étrangement, c’est à croire qu’il est victimed’hallucinations.C’estbeaucoup trop tôt.Enadmettantquemonpassénesoitpassi lourdàporter,vivreensemble resteune idée folleétantdonnénotre relationnaissante.Nousnenousconnaissonsquedepuistroismoisetavonspassépresquetoutcetempsauxextrêmesopposésd’uncontinent.
—Jenetrouvepasçaprématuré.Commentfait-il?Àcroirequ’illitdanslespensées.—Tonvisageesttrèsexpressif,mabelle.Ilestclairqueturedoutesdeprécipiterleschosesentre
nous.Maistun’aspasàavoirpeur.Ons’aime,c’esttoutcequiimporte.Mêmesitum’aimesdeuxfois moins que moi, cela reste amplement suffisant à mes yeux. Essaie de résister à la vagued’angoissequidéferleentoi.Cetteannée,tuasapprisàtesdépensquerienn’estgagnédanslavie.Mais,tantqu’ilnousrestedutemps,jeveuxlepasseravectoi.Promets-moiquetuyréfléchiras.
Jehochelatête,conscientequ’ilnemelaissepasd’autrechoix.—J’yréfléchirai.—Génial.Maintenant,autravail.Lamusiquenousappelle.Ilselèved’uncoup,commesitouslesproblèmesdumondeétaientenfinréglés.—Non.—Justepours’amuser,c’estpromis.Jeneteforceàrien,mais,puisquetueslàautantjouerun
peuensemble,entreamis.—Bon,d’accord.Entreamis,pourquoipas.C’estcequej’aifaitpendantdesannées.Dans la salle d’enregistrement, nous perdons la notion du temps, plongés dans de nouveaux
morceaux et quelques anciens que je finis par connaître par cœur.Lorsque nous arrêtons, j’ai descrampesauxdoigts.Jeviensdepasserunaprès-midiincroyable,maisjerefusedel’admettredevanttoutlemonde.SiMiaavaitsu,ilyaquelquesmois,quejeseraisaujourd’huidansunstudioaveclastardurockdontleportraittrônesursatabledechevet…Àplusieursreprises,jepouffederiredansmoncoinàcettepensée.Heureusement,personnenemeremarque.Enfindesession,nousrejoignonsAaron,installédansl’undescanapés.
—Ehbien,jevoisquenousavonsunenouvelleclaviériste.Je lui décoche un sourire forcé. Il est le seul à avoir échappé à notre petit scandale de tout à
l’heure.Quellechance!—Non,ons’amuse,c’esttout.—Ah!Tuadmetsdoncavoirprisduplaisir,claironneZachenentrantàson tourdans lepetit
salon.Elleassure,non?demande-t-ilàAaron.
—Absolument.Ilyadel’électricitédansl’airquandvousjouezensemble,lesfansvontadorer.—Tuvois?Jetel’avaisdit!Là,c’enesttrop.—Laferme,Garrett!Garrettlèvelesmainspoursedéfendre.—Jediscequejepense,c’esttout!— Écoutez, je ne ferai pas partie du groupe. Vous devez connaître un tas de musiciens bien
meilleursquemoi.—Peut-être,maisaucunn’apporteraitcettechaleurquevousdégagez,rétorqueAaron.Prendsle
tempsd’yréfléchir,Nicky.C’estlachancedetavie.Laconversationmefatigue,jehochealorslatêtepourymettrefin.JepensaisqueAaronseraitle
plussensédetous,maisiln’enestrien.Jesuistropbiendanslelitpouravoirenvied’ensortir.Ilestchaudetdouillet,etpuisl’homme
allongéàmescôtésilluminemaviedepuislepremierjourdenotrerencontre,àunmomentoùjenem’yattendaispas.Ildortprofondément,plusséduisantquejamais.
Bonsang,ilesttellementsexy!Etilm’aime.Jen’enrevienstoujourspas.Jechasseunemècheblondedesonvisageangélique.
Cet homme m’a demandé d’emménager chez lui et j’ai envie de dire oui. Mais je ne peux pasm’empêcherd’avoirpeur.Nousn’enavonsplusreparlédepuislestudio.Lesoir,noussommesallésaurestaurant,avantdefinirlasoiréeauDrays.
D’abordmalàl’aisedanscetteboîtedenuit,j’aiparfaitementtrouvémesmarquesdèslorsqueZach a passé son bras autour de mes épaules. La soirée avait cette même teinte qu’ont prise cesdernières semaines :desdînersgastronomiques,despaparazzis,desboîtesdenuit.Toute laviedestarsedérouleàmespieds.
Zach n’est pas un grand amateur de cet aspect de la célébrité, mais il veut me montrer lesavantagesquecelapeutprocurer.Hiersoir,j’aieuunaperçudecequeseraitmaviesijerejoignaislegroupe.
Bonsang,jepourraisjouerdansungroupederock!SiMarcétaitencorelà,ilmereprocheraitsûrement de ne pas saisir cette chance. Mais c’est plus fort que moi, je ne suis pas sûre de m’yretrouver.Enmême temps, j’ai besoin de rester auprès deZach.Ceque je ressens pour lui est unsentiment intense qui peut durer une éternité. Je refuse de le quitter. Maintenant qu’il m’a faitdécouvrircemonde,jenepeuxplusm’enpasser.Maisai-jelecouragedeparticiperouvertementàsonprojetmusical?
Ilesttempsdeseretrouverentrefilles.EnprenantsoindenepasréveillerZach,jemeglissehorsdulit,enfileunerobedechambreet
emportemontéléphoneàlacuisinepour,tantqu’àfaire,mepréparermoncafé.Unetasseàlamain,jem’installesurun transatde la terrasse,devant lavuemagnifiquede lapiscineàdébordementsejetantdansl’océan.Miadécrocheàladeuxièmesonnerie.
—Salut,mastarlette!Alorscommeça,tut’esbienamuséehiersoir,auDrays?Amusée,jelèvelesyeuxauciel.—Ilfautvraimentquetupassesmoinsdetempsàbaversurmonpetitamienconsultantlapresse
peoplesurInternet.—Peut-être,maisjebavesurtoutsurChase.Monsourires’agrandit.Miaabeauprétendrene rienvivredesérieuxavec lui, j’aibienvu les
regardsqu’ilséchangeaientlasemainedernière.Ilstombentamoureux,etcen’estqu’unequestiondetempsavantqueMiacèdeàunecrised’indépendanceetderemiseenquestion.
—Ilfautqu’onparle,c’estsérieux.Jenesaispasparoùcommenceretsirotemoncaféensongeant toutsimplementàénoncer les
faits.—Lesgarsveulentmemettrederrièreunsynthépourleurnouvelalbum.—Sansblague?!D’ungestevif,j’écartelecombinédemonoreillepourm’épargnersescrishystériques.—Jen’ensuisqu’àmapremièretassedecafé,tupeuxbaisserunpeulevolume?—Horsdequestion!Tuterendscomptedecequetuviensdem’annoncer?!Qu’est-cequetuas
répondu?Je la vois d’ici, sautillant dans son bureau pour une danse de la joie, comme chaque fois que
tombeunebonnenouvelle.—J’airefusé.Plusieursfois.Maispersonnenem’écoute.MêmeAaronveutm’embaucher.—Oùestleproblème,danscecas?—Franchement,Mia.Tunedevinespas?—Quand tu as commencé à jouer, tu portais encore des couches, or ton talent n’a jamais été
exploité.Tonpetitami–unerockstarquen’importequellefemmerêved’avoirdanssonlit–estfouamoureuxdetoietveutqueturejoignessongroupe.Jerépète:oùestleproblème?
Sonflotdeparolesnetaritpasalorsquejen’aipasencoredigérécequ’ellevientdedire.—Onn’aqu’unevie.Cesdernièresannéesontétédifficiles.Jeteconseilledesaisircettechance
et de t’amuser comme une folle tant qu’il en est encore temps. Et puis c’est un rêve d’ado qui seréalise!
—Cen’estpastout.Enréalité,cequisuitestlavéritablesourcedemonangoisse.—Zachveutquej’emménagechezlui.Pourdebon.—Waouh!Ettutedisque…?—Quec’estbeaucoup trop tôt.Quec’estde la folie. Jene rêvequed’unechose : luidireoui.
Mais,enmêmetemps,c’estvraimentflippant.J’aienviedesauterdanssapiscineàdébordementetdemettrefinàtousmesdoutesenm’écrasantaupieddelafalaise.Jeveuxvivreaveclui,maisest-ceunebonneidéedemelaisseremporterdanscettespiraleinfernale?
—Jeconstatequetuyasbeaucoupréfléchi.Miavoitclairenmoi.Lesilenceauboutdu filme faitdouter : aurait-elle raccroché?Non, je
l’entendssoupirer.—Moiaussi,j’aiquelquechoseàt’annoncer.D’uncoup,savoixperdtoutesagaietéetellepoursuitd’untongrave.Cen’estpassongenreetje
comprendsqu’ilyaanguillesousroche.—Quoi?—Onm’aproposéunepromotion,auboulot.Enfait,onmelaproposedepuisunmoment,mais
j’aitoujoursrefusé.Aujourd’hui,jemedisquejepourraisaccepter.—Maisc’estgénial!Àcetteannonce,jeseraiscapabledememettreàdanser,moiaussi.Toutefois,jesensqu’ellene
m’apastoutditetquelasuiteseramoinsagréableàentendre.—Pourquoimedis-tuçacommesic’étaitunemauvaisenouvelle?—Leposteconsisteàdirigerledépartementinternationaldelaboîte.
Aussitôt, je comprends ce que cela signifie.Mia ne restera pas au fin fondduMid-Ouest pourdiriger le département international d’une entreprise : elle devra déménager àNewYork. Sans ensavoir davantage, je prends conscience qu’elle a décliné cette promotion pour me soutenir cesderniersmois.
Jemesensterriblementcoupable.J’aiempêchémameilleureamiedeprogresserdanssacarrière.—Tudoisaccepter,Mia.Jem’efforcedeparlersuruntonsecetdéterminé,mais,enréalité,oncroiraitentendreunagneau
blessé.Zachetmoisommessurlepointdepasseràl’étapesuivante,monamied’enfanceamanquédepasseràcôtéd’uneoccasionenoràcausedemoi,etellepartirabientôtà l’autreboutdupays.Celafaitbeaucoupd’informationsàassimilerpouruneheureaussimatinale.
—J’yréfléchis,Nic.MaissiturestesàMinneapolis,jen’auraipaslecœurdetelaisserseule.—Mia,tuasdéjàsuffisammentmistavieentreparenthèsespourmoi.— Toi aussi, Nic. Il est temps que tu sortes la tête de l’eau. Que comptes-tu faire concernant
l’album?— Je n’en sais rien. À mes yeux, c’est à la fois excitant et stupide. Et si je me plantais
complètement,auxclaviers?—Impossible,tuesbeaucouptropdouée.—Qu’est-cequejevaisfaire?Derrièremoi, j’entends laportede labaievitréecoulisser lentement.Zachse tient sur le seuil,
avec son pantalon de pyjama porté très bas sur les hanches, son débardeur blanc, ses cheveuxébouriffés,sespiedsnusetsa tassedecafé.Ilmefait littéralementcraquer.Soncorpsparfaitementmusclémériteraitdesetrouverdansunmusée.L’espaced’uninstant,jesavouresansaucunegênelavuedélicieusequ’ilm’offre.Avecunsourire,jepointeletéléphonedudoigtenmimant«Mia».Ilhochelatêteets’assiedsurletransatàcôtédemoi.
—Nic,est-cequetul’aimes?medemande-t-elleàl’autreboutdufil.—Ouais…JeparleàMia,maisZachmonopolisetoutemonattention.Cethommequim’aimeetmedemande
devivreàsescôtés.—Tuveuxvivreaveclui?—Oui.Lesyeux toujours rivéssur lui, jenepeuxm’empêcherd’esquisserunsourire.D’aprèssonair
suspicieux,ilsedemandedequoinousparlons.—Ettuveuxparticiperàl’album.Jefroncelessourcils.—Là,tunemeposespasunequestion.—Non,eneffet.C’estuneaffirmationenbonneetdueforme.Jeteconnaisetjesaisque,mêmesi
ça te fait peur, tu as envie d’y participer. Une fois que tu auras affronté tes craintes, tu assurerascommeunechefettuneregretteraspasd’avoiraccepté.
—Jene…Oui,tuasraison.Ilfautbienl’admettre,jenepeuxrienluicacher;nousnousconnaissonsdepuisnosdouzeans.
Cestreizeannéesd’amitiélaissenttrèspeudeplaceauxsurprisesentrenous.Peut-être que je ne l’ai pas appelée en quête d’un soutien contre l’idée saugrenue deme faire
entrerdanslegroupe,maispourluiannoncermesintentionsetréclamersonfeuvert.Lesyeuxtoujoursposéssurmoi,Zachboittranquillementsoncafé.Demoncôté,jeledéshabille
duregard.Ils’enrendcompteetesquisseundemi-sourire,l’aird’enêtreflatté.
—Tuasenvied’emménagerchezlui,mais–làencore–tuaspeur.Miapoursuitsoncheminverslaclairvoyanceàl’autreboutdufil,tandisqueZachpenchelatête
surlecôté,ignoranttoujoursdequoinousparlons.—Oui,jesuppose.Jeparled’unevoixsibassequejedoutequ’ellem’aitentendue.Ilfautavouerquej’aidevantmoi
unesourcededistractionnonnégligeable.—Ilestdevanttoi,pasvrai?—Commenttulesais?—Parcequetonsoufflesefaitcourtetquejedoutequetuéprouvesundésirsoudainpourmoiau
téléphone.—Pfff…Qu’est-cequetuesbête…—Jelesais,etc’estpourçaquetum’aimes.—Quandcomptes-tupartir?Zachplisselesyeux.Miasoupire.—Jenesaispasencore,ilmefautd’abordaccepterleposte.J’attendraipeut-êtrele1erjanvier.Zachreposesatasseets’inclineenavant,lescoudesposéssurlesgenoux.Peuàpeu,ilrassemble
les pièces du puzzle et devine le sujet de notre conversation en n’entendant quemes paroles. Sansdoute anticipe-t-il déjà une autre de mes crises d’angoisse. Il est possible que je prenne bien lanouvelleet ilestbien loindes’endouter.Moiaussi,d’ailleurs.Cetalbumquis’annonceenmêmetemps quemon déménagement déclenche de nombreuses craintes enmoi,mais j’aimeZach.Cettefois,jeseraiforte.Monamourpourluim’aideraàsurmontermespeurs.
LesilencetombecommeunechapedeplombentreMiaetmoi,etmesyeuxquittentlevisagedel’hommeassisenfacedemoipourseposersur l’océanquisedérouleàmespieds.Denombreuxchangementss’annoncentdansmavie,ilmefautfaireface.Unelarmeroulesurmajoue.
— Je dois te laisser, Mia. Nous en parlerons ce week-end quand je rentrerai à Minneapolis,d’accord?
—Tupensesvraimentrentrer,cettefois?—Oui…Jedoispréparermesvalises,toutça.Bye.Jeraccrochesansattendrederéponseetmelèvebrusquement.—Jevaismeserviruneautretassedecafé.Attends-moiici.Aprèscettepetiteconversation,j’aibesoind’êtreseule.
Chapitre21
Pourresterauprèsdemoi,Mian’apasquittéleMinnesota.Maintenant,lavoilàquipartpourNewYork.Zachinsistepourmefaireparticiperàsonalbum.Ilmedemandeégalementdevenirvivrechezlui,àLosAngeles,pendantl’enregistrement.Aufonddemoi,j’aienvied’accepter.
JeveuxvivrechezZach.Toutesceschoses,jeveuxlesfaire.Bonsang!C’estplusfortquemoi,madansedelajoies’exprimepeuàpeucontremongré,mesmainsse
lèventdanslesairs,jerejettelatêteenarrièreetmemetsàdanserdanslacuisine.—Trèsétrange!Merde!Priseenflagrantdélit.Jerépondssansmeretournerverslavoixfamilière.—Onn’espionnepaslesgenscommeça,Chase.C’estmalpoli.Iléclatederire.—Danscecas,netedandinepascommeunpouletaumilieud’unecuisine.Lementonhaut,jemeressersunetassedecafé.—Jenemedandinepascommeunpoulet.J’aiunsensdurythmeincomparable.—Surunclavier,peut-être.Notrepetitping-pongverbalm’amusebeaucoup,maisj’aid’autreschosesentêteconcernantune
certaine star du rock. Par-dessus l’épaule de Chase, j’aperçois Zach, toujours figé dans la mêmepositionoùjel’ailaissé.
Surlepasdelaporte,jemeretourneversChase.—Est-cequetusavaisqueMiaallaitaccepterunepromotion?Àvoirsonairperplexe,iln’estpasaucourant.—ElledéménageàNewYorkenjanvier.Plusieursémotionsdéfilentsursonvisage:lechoc,lajoie,latendresse.Jepoursuis:—J’imagineque,ducoup, lorsque tune seraspas ici en traind’enregistrer, tun’habiteraspas
loind’elle,pasvrai?Jen’y avais pas songé avant,maisChasepossède effectivement un appartement à l’est deNew
York,oùilvitendehorsdespériodesdetournéeoudestudio.JesupposequeMiaestaucourant.Le temps d’assimiler l’information, il hoche la tête. Décidément, la matinée est riche en
bouleversements.Pourtant,jenem’arrêtepasensibonchemin.—Tusais,Miaestfolledetoi.Jenel’ai jamaisvueaussifascinéeparquelqu’un.Jusque-là,sa
carrièrepassaitavantsaviepersonnelle,maispeut-êtrequesivousvousrapprochez,touslesdeux…Àvoirsaminestupéfaite, jen’aipasbesoindeterminermaphrase: ilatrèsbiencompris.Ses
émotionsdéfilentencoresursonvisage,sibienque jesuis tentéede luidired’enchoisirune,unebonnefoispourtoutes.
—Enrevanche,situt’avisesdeluibriserlecœur,j’auraitapeau.Jetourneles talonsetrejoinsZachsur la terrasse, laissantChasesurcesbellesparoles.Il reste
encore une personne qui n’a pas eu son lot d’émotions fortes, cematin. Cette fois, je connais saréponseàl’avance.
Àpeine ai-je posé le pied dehors qu’ilme scrute avec insistance. Je le laisse patienter un peu,prenantplacesuruntransatetsirotantmondeuxièmecafé.
Jeprendsenfinlaparole,l’airtrèssérieux.—J’aiunequestionàteposer.—Laquelle?—Quesepassera-t-ilaprèsl’enregistrementdel’album?Des émotions contradictoires se lisent dans son regard : l’espoir, la confusion, l’excitation…
Finalement,ilsembleopterpourunoptimismeprudent.—Queveux-tudirepar«aprèsl’enregistrement»?Jehausselesépaules.—Oùhabiterons-nous?Cheztoiouchezmoi?Ah ! Revoilà le choc et l’espoir. J’aurais préféré lire le désir dans ses yeux, mais je m’en
accommoderai.Etpuis,celaviendrabienasseztôt.—Est-cequetudiscequejecroisentendre?Parcequelesoleilestàpeinelevéetjemedemande
pourquoitunetemetspasàpaniquerausujetdeMiaquipartvivreàl’autreboutdupays.Aulieudeça,tumeparlesd’emménagerensemble.
J’avouemedélecterdesapremièredémonstrationd’angoisse.—Répète-moi tout, poursuit-il.Mais plus lentement, s’il te plaît.Qu’est-ce que tu viens deme
demander?—Jevoudrais savoir cequi sepasseraaprèsmonemménagement ici, àLosAngeles, et après
l’enregistrementdenotrealbum.Quefera-t-on?Ilglissedesontransatpoursemettreàgenouxdevantmoidelamêmemanièrequ’hieraustudio,
lorsqu’ilmedéclaraitsonamouretmesuppliaitd’emménagerici.Cettevueestloindemedéplaire.Sonsourires’agranditpourmonplusgrandbonheur.Jeviensd’accepterl’album,LosAngeles,la
perspectived’uneviecommune,toutcedontZachrêvait.Danssesyeuxapparaîtunepetiteétincelle– d’euphorie, mais aussi d’excitation – au moment où il comprend enfin la portée de notreconversation.Unevaguedesensualitédéferlesursonvisage,accentuéeparsamanièred’entrouvrirlégèrementlabouchecommeaprèsunbaiserlangoureux.J’enaidesfrissons.
—Toutcequ’onvoudra,répond-ilenfind’unevoixrauque.Alorsilmesautedessustelletigresursaproie,faisantpresquebasculerletransat,etmecouvre
debaisersbrûlantsdedésir.D’unemain,jel’attrapeparlanuqueetleplaquetoutcontremoi,luirendantsonbaiseravecla
mêmeintensité,voirelamêmeférocitéd’animalaffamé.Ungémissementm’échappe.Soudain,unraclementdegorgederrièrenousbriseinstantanémentlamagiedel’instantetnous
séparebrutalement.Zach pousse un grognement mécontent en s’écartant de moi. Les yeux toujours posés sur les
miensetlesoufflecourt,ilmarmonneàsonami:—Chase.Tudébarquesàuntrèsmauvaismoment.Chaseseracleencoreunefoislagorge.—Oui,mais…Nic,tuesvraimentsûredecequetum’asdit?JedétachefinalementmonregarddeZachpoursourireàChase.—Sûreetcertaine.Ses joues rosissent.Qui aurait cru qu’un batteur populaire et taillé dans un roc puisse un jour
avoirlespommettesrouges?—Pardonpourl’intrusion,jevouslaissetranquille,murmure-t-iltoutbasenseretirantdansla
maison.JereportemonattentionsurZach.—Oùenétions-nous?—Tupeuxm’expliquercequisepasse?Il se redresse légèrement sur le siège etmepousse à en faire autant.Déjà, la sensation de son
corpschaudsurlemienmemanqueatrocement.—Miadéménage.D’ungesteinstinctif, jemegrattelefrontcommechaquefoisquejemesensangoissée;chose
queZachsaitpertinemmentpuisqu’illitenmoicommedansunlivreouvert.—Oui,ça,jel’avaiscompris.D’ailleurs,commenttuleprends?J’apprécie son inquiétude àmon sujet, mais cette fois c’est inutile. Toutefois, jem’octroie un
instantderéflexionavantdeluirépondre.—Jeleprendsplutôtbien.Cematin,jel’aiappeléepourluiparlerdenous,del’album,etc.Au
milieudelaconversation,ellem’aannoncédebutenblancqu’onluiproposaitunnouveauposteàlatêtedeleurdépartementinternational.Ellearefuséplusieursfoiscettepromotionetjesaisquec’estàcausedemoi:ellecraignaitdemelaisserseule.Pourceposte,ellepartvivreàNewYorkaprèslesfêtesdefind’année.
Zachrestesilencieuxuninstant,visiblementsurprisdemevoirsicalmemalgrélescirconstances.D’ungestelent,ilinclinelatêteenavantetsefrottelanuqueensoupirant.
—Est-cequec’estpourçaque…Il n’a pas besoin d’achever sa phrase, je suis également capable de le comprendre d’un seul
regard.Jeluipressealorslegenoupourl’interrompre.—Tais-toi.Surpris,illèvelatêteetj’enprofitepourluilancerunregardsévèreetassuré.—Non,cen’estpascequim’apousséeàaccepterdeprojetermonavenir ici.Ellea jetécette
bombeaprèsquenousavonsdiscutédetoietmoi.LedépartdeMian’estpasliéànotrehistoireetjerefuse de te laisser croire que j’accepte de vivre avec toi uniquement parce que j’ai peur de meretrouverlà-bastouteseule.
—Tuenessûre?Jedétestevoircetteincertitudedanssesyeux.—Oui, je suis sûre demoi. Je t’aime,Zach.Cette histoire d’albumme fait sérieusement peur,
maisdetoutemanièrevousprendrezconsciencetôtoutarddemonniveaumédiocreetembaucherezunnouveauclaviériste,cen’estpaslesujet.Mêmesicen’estpaslecas,jecontinueraidejouercarj’aimeça.Lamusiqueatoujoursétéunepassionetl’aventurerisqued’êtreamusante.J’emménageicicarjet’aimeetjeveuxvivreàtescôtésaussilongtempsquepossible.
—Pourtoujours,danscecas,corrige-t-ildansunsouffleavantdereprendrepossessiondemabouche.
Soudain, il rompt notre baiser, me laissant haletante et surprise. Il me prend alors la main etm’obligeàmelever.
—Oùallons-nous?—Nousallonsfêterça.Surcesmots,ilm’attiredanslamaisonetm’emmènejusqu’àsachambre.
Zach
—Allez,réveille-toi.Jeglissemesmainsautourde la tailledeNicky.J’aimebeaucoupsentirsoncorpsparfaitement
moulédansmesbras.Depuisnosébatsfêtantlepartagedenotrepetitchez-nous,ellelézardesouslesdrapsavecparesse.Jesuisl’hommelepluschanceuxaumondeetj’assumemoncôtéfleurbleue:jel’aime.
Danssesyeux,lamélancolied’unsouvenirdeMarclaisserapidementplaceàuneenviebrûlanted’effleurermapeauduboutdesdoigts.Jesourisdevoirquesondésirpeutêtreattisésifacilement.
—Quoi?demande-t-elled’unevoixsuaveetencoreétourdieparlesommeil.Toutestdouceurenelle,sibienqu’ellemedonneenviedeglissermesdoigtsdanssescheveuxet
dereprendrepossessiondesoncorpsderêve.Mais,avanttoutechose,unequestionmetaraude.—Oùétais-tupassée?Tusemblaisplongéedanstespensées.—Jerêvassais.Elle roule sur le côté et se blottit dansmesbras. S’apercevant demondésir encore intact, elle
rougitlégèrement.—Dequoirêvais-tu?—Detoi.Del’amourquejeteporte.—C’estunjolirêve.Mesmotssortentenmurmuretandisquejemeglissejusteau-dessusd’elle,maboucheàquelques
centimètresàpeinedelasienne.Justeunefois,jenerésistepasàlatentationdeplongerenelleavecdouceur.Unsoupirs’échappedeslèvresdeNickyetjelacouvredebaisers.
—Hmm,leplusbeaudesrêves,souffle-t-ellecontremoi.—Développe,jeveuxensavoirplus.J’aisincèrementenviedesavoircequilafaittantrougir.Soussescaressesdansmondos,jeme
sensprisdefrissons.AvantNicky,jen’avaisjamaisrecherchéàcepointlecontactdesmainsd’unefemme. J’embrasse encore une fois cette bouche délicieuse,mêlant l’arôme du café et du sexe, etrassembletoutelavolontédumondepournepasmeglisserenelleencoreunefois.
—Jen’aipasenviedeparler.Sesmotssoulèventunenouvellevaguededésirenmoi.Jen’aipasnonplusenviedeparler,pour
être honnête. Pourtant, j’aimerais bien savoir pourquoi elle rougit comme ça. J’ai l’habitude de lavoirlézarderaulitpendantdesheureslorsqu’ellepenseàMarcetAndrew,parfoisavectristesseetparfois avec apaisement.Mais, aujourd’hui, il y a autre chose dans son regard.Une chose qu’elle
hésiteàmedire.Jeluilanced’untontaquin:—Quandjetevoisrougircommeça,jemedisquec’étaitunsacrérêve!Elles’esclaffeenlevantlesyeuxauciel.—Cen’étaitpaslegenrederêveauqueltupenses.Enréalité,jemedisaisqu’ilyasixmois,ma
vie n’avait plus aucun sens. Je n’avais queMia et plus aucun espoir de reprendre le cours d’uneexistencenormale.Unbeaujour,tuasdébarquédansmavie,jusquechezmoi…Quandj’yrepense,tum’aspresqueharcelée!
Jeris.Aufond,ellen’apastort:jel’auraissuivieàl’autreboutdelaville.Dèslepremiersoir,sanscomprendrepourquoi,j’aiétéattiréparelle.
—Àcetteépoque,jen’auraisjamaispensépouvoirvivreunbonheurtelqueceluiquejeconnaisaujourd’hui.Doncvoilà,jeréfléchissaisaupassé…etàl’avenir.
Elleprononcecesderniersmotssansmequitterdesyeux.L’avenir?Ellen’enavaitencorejamaisparlé.Personnellement,jesuisprêtàvouermavieentière
à cette femme. Nous nous rejoignons sur ce point, je le sais. Pourtant, nous n’avions pas encoreabordélesujetetc’estellequienparlelapremière.Montorsesebombeensignedevictoire.Jeveuxensavoirplus.
—Etquevois-tu,danscetavenir?—Toi.—Et?Enattendantsaréponse,jedéposeunbaisersursajoue.Celafaisaitdesannéesquejen’avaisrien
entendud’aussitouchant.Quoiqu’ellediseparlasuite,ceseralacerisesurlegâteau.Dansunsoupird’hésitation,elleseprépareàpoursuivre.—Desétéspassésauborddulac,deshiversàSantaMonica…Sonflotdeparolesralentitnettementlorsqu’elleajoute:—…unmariage?—Unmariage?!Plutôtdeuxfoisqu’une!Jusque-là,doutantqu’ellesoitdéjàprête,jen’aipasvoululabrusquer,
c’est pourquoi nous n’avions jamais parlé de fiançailles.Maintenant que lemot est prononcé, j’aienviedecouriràl’égliselaplusprocheetdesignertouslespapiers.Siellelesouhaite,jesuisprêtàl’épouserdanslaminute.J’observeenriantsonairhésitantqu’elles’empressedefairedisparaîtreenaffichant une expression pleine d’assurance. Soudain, je l’aperçois, timide mais bien présente :l’étincelled’excitationdanssonregard.Cettefemmemerendfouetsesyeuxd’unbleuaussiprofondquel’océannefontrienpourempêchermonamourdegrandirchaquejour.Silescopainsdugroupem’entendaient, ils se ficheraientdemoi,maispeu importe. Ilsnepeuventpascomprendre.ExceptéGarrett,quidévoreChloéduregardcommeaupremierjour.
—Toutàl’heure,tum’asdit«pourtoujours»etçam’afaitréfléchir.Elle marque une pause, mais je veux en savoir plus. Je suis prêt à lui donner tout ce qu’elle
voudra.—Commentsera-t-il,cemariage?Lesourireaux lèvres,elle repose la têtecontremon torse.Unecrampemebloque la jambe, je
roulealorssurlecôtésansl’interrompre.— Modeste. J’ai déjà eu droit à l’église avec les centaines d’invités. Cette fois, les proches
suffiront:nosparents,tasœur,Miaetlegroupe.L’idée me tente. Je l’imagine déjà, sur la plage juste derrière ma maison, dans sa belle robe
blanche.Bonsang,jedeviensunevéritablenana.Jeluilanceunregardlourddesensetm’allongede
nouveausurelle.J’aienvied’elle.Maisjesaisqu’ellen’apasterminé.—Dequoid’autrerêvais-tu?—Derien…Sespommettesseteintentderose:jeneconnaispasd’aussipiètrementeuse.—Tunesaispasmentir,dis-moitout…En attendant, je penche la tête dans son cou et mordille sa peau douce. Je sais que cela la
chatouille.Ellefrissonnesousmoi,puisécartelesjambesjusteassezpourmelaissermeglisserdanssonintimité.Jenemefaispasprier;cetendroitestceluiquejepréfèreaumonde.
—Unpetitgarçon,murmure-t-elle.Si je n’avais pas eu l’oreille tout contre sa bouche, je n’aurais sans doute pas entendu. Alors
qu’ellepoursuit,j’éprouveunegrandejoie.—Ilauraittescheveuxblondsettesbeauxyeuxverts.Dans un soupir, je roule sur le côté pour m’allonger sur le dos. Elle ne plaisante pas. Je ne
m’attendaispasàcequ’ellesesentedéjàprêteàavoirunautreenfant.Lesouvenird’Andrewluifaitencore trèsmal ; il est difficile pour elle de savoir qu’il y a des choses que son fils ne connaîtrajamais.Toutefois,elleestdenouveauprêteàdonnerlavie.Jamaisjen’aireçudeplusbellepreuved’amour.
—Unpetitgarçon?Toietmoi,mariésavecunenfant?Je repose la question seulement pour m’assurer avoir bien entendu. Un rêve devient réalité.
D’ailleurs,jesuisprêtàleconcevoirdèsmaintenant,cetenfant.Ouaumoinsàm’entraînerunpeu.—Jenevoulaispastefairepeur.Tum’asdemandéàquoijepensais…Hésitante,elleneparvientpasàdevinercequej’enpenseetsupposesansdoutequ’ellevientde
mefairepeur.Loindelà.—C’estjustequejenem’yattendaispas.Elles’agitenerveusementàcôtédemoi.Jenedoispastarderàluifairecomprendrequ’ellen’a
pasàs’inquiéter.Enmerapprochantd’elle,jeposeunemainsursajoueet,del’autre,m’amuseavecunemèchedesescheveux.Cettefemmen’estquedouceuretperfection.
—C’estencoremieuxquecedontjerêvais.Soulagée,ellemesouritets’enquit:—Etdequoirêvais-tu?—Devacancessuruneîletropicalepourtevoirenbikinitoutelajournée.Detoisousmesdraps
danslebusdetournée.Demeréveillerlematinavectoi…—Sijerésume:desexe.Turêvesdesexe.Jenepeuxréprimerungrandsourire.—Jesuisunmec.Puisjereprendsd’unevoixplussérieuse:—Est-cequetuenasvraimentenvie?—Jenesaispas…Oui,unjour?Malgrésontoninterrogateur,jevoisdanssesyeuxqu’elleytientsincèrement.Elleveutunpetit
garçonetjesuisprêtàleluidonneretàlarendreheureusepourlerestedesavie.—D’accord,unjour.Je prononce ces mots en la regardant fixement pour lui faire comprendre que je le pense
vraiment.Maintenant,cedontj’aienvie,c’estdeluifairel’amourpendantdesheures.Les mots sont inutiles pour lui faire comprendre mon désir pour elle, et, de toute évidence,
l’attiranceestréciproque.J’aidoncunepropositionàluisoumettre.
Chapitre22
Nicky
Cesoir,noussortonsdînerauRue21.Lerestaurants’estforgéuneréputationencomptantparmiseshabituésdenombreusescélébrités;
il faut dire que les clients qui s’y rendent cherchent avant tout à se faire remarquer.Non sans unepointed’anxiété,jedécouvrelelieuetsadécorationluxueuse.Dehors,nousavonsétéaccueillisparles cris des paparazzis réclamant àZach des détails croustillants surmoi ou sur l’évolution de sarelationavecRachel.Quenedonnerais-jepaspourpasserunesoiréesansentendrelenomdecettepimbêcheécervelée!Jen’enlaisserienparaître,mais,intérieurement,jefulmineencoreenrepensantàsonpetitmanègedelasemainedernièreetàsesdoigtscrochusposéssurmonépaule.Jefrissonneàcetteseulepensée.
—Quelquechosenevapas?s’inquièteZach,alorsquenousattendonsnoscommandes.Autourdenous,jereconnaisquelquesvisagesquej’aidûcroiserdansdesfilms.Certainsd’entre
euxnous lancentdesregardsencoinenmarmonnantà l’oreillede leurvoisin.J’imaginequ’ilsnecomprennent pas ce queZach fait avecmoi, pauvre inconnuedu show-business. Il n’existe aucuneréponsevalable,c’estpourquoijedécidedeneplusm’ensoucieretdemesatisfairedenotreamourpartagé.SicesinconnusémettentleurspropreshypothèsesquantauxraisonspourlesquellesZachestattiréparmoi,jeseraiscurieused’entendreleurversion.
—Si,toutvabien.Jesuisunpeuanxieuse,voilàtout.—Qu’est-cequeturedoutes?D’avalerdetravers?semoquegentimentZach.Sonregardd’unvertcristallinneparvientpasàapaisermonangoisseetjememetsàtripoterma
serviettenerveusement.—Lesgensnousobservent.Ilsdoiventsedemandercequetufichesavecmoi.— Tu veux dire avec une femme à la fois belle et intelligente ? Oui, je comprends qu’ils
s’étonnentdemevoirensibonnecompagnie.—Trèsdrôle…Tuas trèsbiencompris.Pourquoim’as-tuamenéeici?Cen’estpasdutout le
genred’endroitoùnousavonsl’habitudedesortir.Iln’yamêmepasdehamburgeraumenu.Çaneteressemblepas.
—Ici,ilsfontlesmeilleuresviandesdelaville.Jenelecroispasuneseconde,alorsilreprendplussérieusement:—Etpuis jemedoutaisqu’ilyauraitdesphotographes.Loindemoil’idéedete jeterdansles
tabloïds la tête la première. Seulement, jeme disais qu’en rassasiant les paparazzismaintenant, ilsfiniraientparselasseretn’auraientplusenviedenousharceler.Tôtoutard,unacteurseretrouvera
enprisonpourconduiteenétatd’ivresse,ouunechanteusetromperasonmari,etlesphotographesnes’intéresserontplusànous.
Il a sans doute raison.Toutefois, j’avoue que je préférerais aller boire une bière autour d’unepartiedebillardplutôtquede rester là,assiseàune tablehabilléed’unenappeblanche,devantdesverresencristal.Jemesenscommeunebêtedefoirequ’onmontredudoigt. Ilvapourtantfalloirm’yhabituersijeveuxsurvivreàLosAngeles.
J’essaiedechangerdesujet.—Quevais-jefairedemonappartement?Ilréfléchituninstant.—Cequetuvoudras.—Tuneseraispasvexésijelegardais?—Non,pasvraiment.Ceseraitunpied-à-terrepournosséjoursdanstafamille.Tous lesdeux,ensemble,envisitedans leMinnesota.Bonsang,celame fait chaudaucœurde
voirnotrehistoireprendreunetournureconcrète.Jeconstatequ’unvraichangements’estopéréenmoi:jen’aipluspeur.
Revenons-enànotreproblème.Zacharaisonpourcequiestdel’avantaged’avoirunlieuànousàMinneapolis.Pourtant,jeprendsconsciencequejenem’ysuisjamaissentiechezmoi.Jel’aiachetéàpeinequelquesmoisavantdelerencontrer.
—Finalement,jevaislevendre.Zachmeregardeavecdesyeuxronds.—Jenemesentaispassibien,danscetappartement.Jen’yaimêmepasvécuunan.Etpuis,mes
parents ont une chambre d’amis et il y a aussi la possibilité de dormir à l’hôtel. Le garder nousimposeraitplusdetracasqued’intérêt.
Je ne me lasserai jamais de voir Zach esquisser ce sourire comblé. Après tout, en acceptantd’abandonner mon chez-moi pour emménager définitivement avec lui, je lui prouve monattachement;chosequiimportesansdouteàsesyeux.
—Jet’aimetellement…—Moiaussi,Zach.Jet’aime.Àvraidire,jesuisprised’unefolleenviedemejetersurluipourleluiprouver,maisjedoute
que les autres clients du restaurant apprécient ce débordement d’affection. Je me contente de ledévorerduregard.
—Quec’esttouchant,onsecroiraitdanslesFeuxdel’amour!Lavoixfémininecrisseàmesoreillescommedesonglessuruntableaunoir.Detouteévidence,
une soirée sans RachelMcAllister, c’est beaucoup trop demander. Elle contournema chaise pourapprocherdenotretable,maisjerefusedequitterZachdesyeux.Cedernierluijetteunregardnoiravantdereveniràmoi.Ledésarroietlaculpabilitéselisentsursonvisage.
—C’estunetableréservéepourdeuxpersonnes,luireproche-t-ilengrinçantdesdents.—Oui,jevoisça.D’ailleurs,jemedemandequitetiendracompagnielorsquetonnouveaujouet
rentrerachezpapaetmamandansjenesaisquelcoinpaumédesÉtats-Unis.Sa façondebrasser l’air en agitant lepoignetmemethorsdemoi. Je reste là sans réagir,me
demandants’ilvautmieuxfaireéclaterunscandaletoutdesuiteoulaisserZachsechargerd’elletoutseul. Je ne veux pas embarrasser Zach, mais Rachel ne doit pas non plus penser qu’elle peut merabaissersanscraindreuneriposte.
Faceàmoi,Zachmesourit.Cettefois,ilnesembleplusculpabiliser.Aucontraire,illuidécocheunsourirerailleur.Ettoutàfaitirrésistible.
—Tusais,Rachel…Ilposelesyeuxsurelle.—Nicky etmoi avons l’intention d’emménager ensemble.Elle vient vivre chezmoi.Dansma
maison.Ilyadoncpeudechancespourquetumevoiesavecuneautrepersonnequ’ellelorsd’untête-à-têteenamoureux.
Ilnefautpasrire,non,ilnefautpas.J’esquisseunsimplesourire.Rachelestrougederageetjetrouve ce spectacle particulièrement amusant. En la voyant serrer les poings, j’espère simplementqu’ellenecomptepasmefrapperauvisage.Elleal’aird’enavoirtrèsenvie.
—C’estuneplaisanterie?Tuvasvivreavecça?Sesmotsrespirentledédain.Jejetteunbrefcoupd’œilauxclientsquinousentourent:sont-ils
d’accordavecelle?Non,jedoisimmédiatementoubliercetteidée.Horsdequestiondeluioffrirmescomplexessurunplateaud’argent.
PourZach,c’enesttrop.Ladernièrefoisquejel’aivuaussiéchaufféremonteausoiroùEthanm’ainsultéeàChicago.Horsdelui,ilselèvebrusquementenfrappantdupoingsurlatable,faisantvibrerlesverresdecristal.Autourdenous,lesvisagessetournentpournerienmanquerdelascène.
Génial!C’estexactementcequejeredoutais.—Rachel,jeneveuxplusjamaist’entendreparlercommeçadeNicky.Jamais!Nousavonsété
amis pendant deux ans, et si tu ne veux pas que cette amitié s’achèvemaintenant, je te suggère det’excuseretdet’enaller.Maintenant!
LetondeZachsefaitmenaçant.J’aperçoisnotreserveurquiseprécipiteversnouspourapaiserlacrise.
Dansunsouffle,jetented’attirerl’attentiondeZach.—Zach,s’ilteplaît.Assieds-toi.Rachelmelanceunregardnoiravantdequitterlerestaurantenclaquantlaporte,sansprésenter
sesexcusescommel’ademandéZach.Cequin’estpasunesurprise,enréalité.L’amitiédontilparlaitpeutbien finircesoir.Àvraidire,c’estunpeuceque j’espère. Jemepasseraivolontiersd’autresaltercationsdecegenreàl’avenir.Uneaigreurviolenteémanedecettefemmejalouseetimpulsive,cequineprésageriendebonpourmoi.
—Puis-jevousaider?s’enquitleserveurennousregardanttouràtour,visiblementnerveux.Ce genre de scène ne doit pas arriver souvent auRue21 et le personnel est pris au dépourvu.
Toujours debout, Zach ne répond pas et se remet difficilement de son accès de colère. Le regardfurieuxposésurlaportequeRachelvientdeclaquer,ilpeineàreprendresarespiration.
Jemetournealorsversleserveur:—Nousallonspartir.Zach,peux-tupayerlanotepourquenouspuissionsallerboireunebière
quelquepart?Jeluisourisdansl’espoirdelecalmer.Lesoufflecourt, ilsortsonportefeuilleetplaqueplusieurscentainesdedollarssur la table.La
sommeestsurprenante;jemedemandesinotrerepasétaitsicherousiZachal’esprittroptroublépourserendrecomptedecequ’ilfait.Quoiqu’ilensoit,àvoirsonexpressioncrispée,cen’estpaslemomentdefairelamoindreremarque.
— Excusez-nous pour le dérangement, maugrée-t-il avant de s’emparer de ma main et de sedirigerverslaporte.
Avantdel’ouvrir,ilsepencheàmonoreilleetchuchoteprestement:—Unefoisdehors,gardelatêtebaisséeetnedispasunmot.Lesgensquiserontlàaurontsans
doutevuRachelpartircommeunefurieetilsvoudrontenconnaîtrelaraison.Lestémoinsdenotre
petitescèneenontassezvu,évitonsd’enrajouter.D’ungesteplusprotecteurquevéritablementaffectueux,ilenrouleunbrasautourdemesépaules
etposel’autremainsurlapoignée.Dehors,untorrentdeflashsnouséblouitplusencorequelesoirdutapisrouge.—Zach!Avez-vousparléàRachel?Est-cebeletbienterminéentrevous?Qu’enest-ildevotre
nouvellepetiteamie?Sous les cris d’une foule de paparazzis, nous marchons d’un pas vif jusqu’à la voiture. Les
photographes nous suivent et se contorsionnent pour tenter de prendre un cliché de nos visagesbaissés.JegardeentêtelesinstructionsdeZachetluttepournepasleverlesyeux,neserait-cequeparcuriosité.
Enfin,ilm’ouvrelaportièredesaRoadster,puisfaitletourets’installesurlesiègeconducteur.Les flashsn’en finissentpasdenousaveugler à travers lesvitres. Jegarde lesyeux rivés surmesgenoux, refusant de leur offrir le profil qu’ils rêvent de capturer, celui d’une femme furieuse etterrifiée.Zachrestesilencieuxetdémarretoutenprenantsoinden’écraserpersonne.S’ilroulaitsurlepiedd’unpaparazzi,jeseraislapremièreàl’applaudir.
Noussommesenroutedepuisquelquesminuteslorsquejemedécideàleregarder.Ilal’airtenduetsesdoigtssontcrispéssurlevolant.
Jemedécalelégèrementversluietposeunemainsursacuisse,espérantainsiapaisersatension.Uneminuteinterminables’écouleavantqu’ilposeenfinunemainsurlamienneensoupirant.
—Jesuisvraimentdésolé,regrette-t-ild’unevoixétouffée.—Cen’estrien…—Si,Nicky.Jetedoisdesexcuses,insiste-t-il.PuisquejechercheàtoutprixàretrouverleZachenjouéquejeconnais,jegardelesilence.—Bonsang,maugrée-t-il.Jenesavaispasqu’elleétaitaussi…—Pénible?Ilpouffederire.—Oui.Jepensaisàunmotplusfamilier,maisc’estàpeuprèsça.Pendanttouscesmoispassés
ensemble,ellenem’avaitjamaislaissévoircetaspectdesapersonnalité.Je peine à ne rien laisser paraître, mais mon estomac se noue à l’idée de partager avec cette
femmemonenviedeséduireZach,etaucunedesdeuxn’al’intentiondelâcherl’affaire.—Elleveutterécupérer.Etpuissajalousielaronge.Jesuiscertainequ’elleestcapabledetout.—Jen’arrivepasàcroirequ’ellet’aitinsultéecommeça.—Écoute,Zach.J’enaiassezdeparlerdeRachel.Onoublieetonpasseàautrechose?Iltournelatêteversmoi,visiblementsurprisparmaréaction.—Commentfais-tupourprendreleschosesavecautantdelégèreté?— Crois-moi, intérieurement, je fulmine. Mais je ne la laisserai pas gâcher notre soirée en
amoureux.Enrevanche,jepeuxtedemanderquelquechose?—Biensûr.—NevapaslavoirpendantquejeseraiàMinneapolispourpréparermesvalises.J’aiconfiance
entoi,maispasenelle.Elletenteracertainementdeterécupérerpendantmonabsence.—Crois-moi,jen’aipasl’intentionderevoirRachel.—Tantmieux.Maintenant,jeteproposed’oubliertoutçaetderentreràlamaison.Samainseresserresurmesdoigts.—Est-cequ’onprendraunpetitdessert?Ilmesouritenhaussantlessourcils.Detouteévidence,ilneparlepasdenourriture.
Lesyeuxplissés,jeluilanceunregardaguicheurenmemordillantlalèvreinférieure.—Quelleidéedélicieuse!Ilenrestebouchebée.—Waouh,tuesvraimentsexyquandtut’ymets…—Ramène-moiàlamaison.—J’aimeentendrecesmots.Sondésirlaisseplaceàunejoiesereine.Etjepartagesonsentiment.
Chapitre23
—Tuvastellementmemanquer,soupireZachenpressantsonfrontcontrelemien.Danslehalldesdépartsdel’aéroportdeLosAngeles,jem’apprêteàlequitterpourpasserune
semainedansleMinnesotaafindefairemesvalisesetdeprofiterdemesparentsetdeMiaavantderepartirà l’autreboutdupays. Jesavourenosdernièresminutesensemble,malgré les regardsdespassantsquipèsentsurnous.Jefiniraibienparm’habitueràtouscestéléphonesquimeprennentenphotodèsquejem’approchedeZach,mais,toutdemême,jemettraidutemps.
Après la soirée désastreuse auRue21, Zach a vu juste : des photos de nous prises à la voléeinondent la presse people sur Internet. Les commentaires ne sont pas tendres : on me traite decroqueusedediamants,decul-terreuseduMid-Ouest,ouencoredeprostituéeopportuniste.Jetrouvepathétiquequ’onm’appelle la«croqueusedediamants» : jesuisparfaitementcapabledesubvenirseuleàmesbesoins.Enrevanche,lesautressurnomsmeblessentprofondément.J’envienspresqueàvouloirfairemescoursessurInternetpourneplusavoiràsupporter lesphotosdeZachetmoiencouverturedesmagazinesexhibésentêtedegondole.
—Toiaussi,tuvasmemanquer.Leslarmesmemontentauxyeux,maisjem’efforcedelesretenir.—Cen’estqu’unepetitesemaine,letempsderassemblermesaffaires.Tuserastellementoccupé
parl’albumquetuneremarquerasmêmepasmonabsence.—Chaquesoirpassésanst’avoiràmescôtésseralapiredessouffrances.Je frissonneen repensantà tout cequenousavons faitdans son lit…et sur la tabledebillard,
d’ailleurs.Nousavonspassédesibonsmoments…Mesbrasserrentsatailleunpeuplusfort.—Jet’aime,tusais.Pourtouteréponse,ilsepencheversmoietdéposeunbaisersurmeslèvres.Cebaiseraurades
répercussions,étantdonnélenombredetéléphonesquis’agitentautourdenous.Maisjem’enfiche.Leplusimportantestdesavourercesdernièresminutespartagéesaveclui,toutcontrelui,avantcetteséparationtemporaire.
—Moiaussi,jet’aime,Nicky.Plusquetunepeuxl’imaginer.Savoix est plusdélicieuseque jamais.L’annoncedemonvol rompt lamagiede l’instant et je
m’apprêteàmeséparerdeluipourmonteràbord.Jel’embrasseunedernièrefois,puism’éloigneenluifaisantunpetitsignedelamain,lesyeux
humidesmais le sourire aux lèvres.Au diablemon appartement ! Si ça ne tenait qu’àmoi, jemeficheraisdemesaffairesetmejetteraisdanslesbrasdeZachpournejamais lequitter.Après tout,misàpartdesvêtementsetdeuxoutroissouvenirs,cen’estpasimportant!
Bon.Soyonsraisonnables,cen’estqu’unetoutepetitesemaine,aprèstout.Jeseraideretouravantd’avoireuletempsdem’ennuyer.Dansunsoupir,jeluisourisunedernièrefoisavantderejoindrelafiledepassagersprêtsàembarquer.
J’arrivetardlesoirdansmonappartement.Avecdesgesteslas,jejettemeschaussurescontrela
porteetposevaliseetsacàmainausol.SiseulementjepouvaisrepartirillicodanslepremieravionpourLosAngeles,medis-jepourlaénièmefois.Cesalon,cettechambre…Touticimerappelleunelonguepériodededoutesetdechagrin.DepuisqueZachestentrédansmavie,jen’aiqu’uneenvie:oublierlafillenoyéedansledeuilquej’étais.
Zachfaitdésormaispartiedemoi.Notreamourmefaitunbienfou,lorsquej’observelasituationavecdurecul.Ilmesuffitdepenseràluipourretrouverlesourire.
Jedécidedeluienvoyeruntexto.Bienarrivée.Tumemanquesdéjà.Jet’aime.
Saréponsenesefaitpasattendre.J’étouffeunpetitrireenl’imaginantscotchéàsontéléphoneà
attendredemesnouvelles.Cen’estprobablementpaslecas,maisjesouristoutdemême.Tumemanquaisalorsquetonavionn’avaitpasencoredécollé.Reviensviteàlamaison.
Àlamaison.AvecZach.Monsourires’agrandit.Maisunsentimentderidiculem’envahitlorsquejeprendsconscienceque
jesourisbéatementtouteseuleaumilieudemonsalon.Jejetteunregardcirculaireautourdemoi.Ilesttardetjen’aipasenviedecommenceràfairemesvalisescesoir.
Je préfère appeler ma mère. Elle accepte de me rejoindre dès le lendemain pour m’aider àrassemblerlesaffairesdontj’auraibesoinàLosAngeles.Mesnombreuxmeublesnemeserontplusutiles,jelescéderaiàuneœuvrecaritative.
Demainmatin,ilmefaudraappelerl’agenceafindesavoirsij’aidéjàdesacheteurspotentiels.Ceseraitétonnant;lemarchédel’immobilierestauplusbasetnoussommesaucœurdel’hiver,cequinejouepasenmafaveur.L’agencequim’aideàvendrel’appartementestcelle-làmêmequimel’afait acheter. Je ne serais pas surprise d’apprendre que le lieu restera vide plusieursmois avant detrouverpreneur,maispeuimporte,jepeuxmelepermettrefinancièrement.
L’agentimmobilier–enquij’aiconfiancepuisquenouscollaboronspourlasecondefois–m’aassuréquedébut janvierseraitunepériodepluspropiceà lavente.Etpuis,pendant les fêtesdefind’année,lesassociationscaritativesneserontpasdisponiblespourvenirrécupérermesmeubles.Mamères’estdoncproposéepours’enoccuperdèslarentrée.Voilàunechosederéglée.
Monsalonestencombrédecartonsetdepapierbariolérougeetvert.Jem’accordeuninstantde
répit avant d’emballer les derniers cadeaux. J’ai fêtéNoël avecMia etmes parents.Demain, nouspartonstouteslesdeuxcélébrerlesfêtesavecZachetChaseenCalifornie.Sammyetsamèreserontlàetj’aihâtedelesrevoir.Ensuite,Miapartiras’installeràNewYork.
Je laissemesparents etmonpasséderrièremoi,dans leMinnesota.Évidemment, je reviendraivoirmafamilledetempsentemps.Toutefois,lesymboleestfort:jetourneenfinlapage.Mevoilàdansmonsalonpourladernièrefois,seulefaceàuntourbillond’émotionscontradictoires.
L’excitationsemêleàl’appréhension.JereprendsunegorgéedevinetécouteunCDdechantsdeNoël.Mes vieux chagrins resteront dans ce salon ; je compte les heures qui me séparent de mon
atterrissageàLosAngelesetdesbrasréconfortantsdeZach.Dèsquejeretrouveraisonsourire,tousmessouciss’envoleront.
L’espritléger,j’emballelepaquetquiluiestdestiné.Cen’estriend’extraordinaire,maisj’aimis
dessemainesàréfléchiraucadeauparfait.Lacommandeestarrivéedumagasindemusiquecematindans ma boîte aux lettres. Il s’agit du vinyle deGood times, bad times, une chanson des RollingStones.Cen’estpasundisquerarissimeethorsdeprix,bienquej’aieeudumalàletrouver.MaisZachpenseàsongrand-pèredèsqu’ilentendcemorceau,etj’aimebeaucouplesparolesausujetdel’amour et de la confiance. Chez lui, Zach a un tourne-disque et je sais qu’il préfère les éditionsoriginalesenvinyleplutôtquelesCDoulestéléchargements.
MontéléphonesemetàsonneretlespremièresnotesduderniertubedeZachcouvrentpresqueMerryChristmasquirésonnedansmonsalon.
Lesourireauxlèvres,jebaisselevolumedemachaînehi-fietm’empressededécrocher.—Bonjour,monamour.Jepensaisjustementàtoi.Cen’estpas luiquipousseunsoupirà l’autreboutdufil.Monsangseglace.Jereprendsmon
souffleettentedemasquerlestremblementsdemavoix.—Allô?—Nicky?C’est une voix de femme. Une voix que je ne reconnais pas. Comme je ne réponds pas, elle
reprend:—Bonjour,c’estRachelMcAllister.Mon estomac se noue aussitôt. Heureusement, je suis assise ; sinon, mes jambes se seraient
dérobées sous moi. Pourquoi m’appelle-t-elle ? Quelle que soit la raison, les nouvelles sontforcémentmauvaisespourmoi.Jerépondsd’untonsec:
—Oui?—C’estausujetdeZach.Oh,monDieu.Quesepasse-t-il?Lesmurssemblentsoudainseresserrerautourdemoi.—Quefais-tuavecsontéléphone?—Jesuisdésoléedetedéranger…—Jen’endoutepas.Quefais-tuavecletéléphonedeZach?—Ilaeuunaccidentdevoiture.Touts’effondreautourdemoi.Unaccident.Zachaeuunaccidentdevoiture.Non,çanepeutpas
recommencer!Monsoufflesefaitcourt.MesyeuxsevoilentpourrevoirlesimagesdelavoituredeMarclesoirdesamort.Elleétaitretournéeetl’impactl’avaitmisedansunpiteuxétat.C’étaituntasdeferraille.Lesiègeautod’Andrewavaittraversélepare-brise.
Jedoismereprendre.Ils’agitdeZach,pasdeMarc.L’histoirenepeutpasserépéterainsi.C’estimpossible.Malgrémoi,unequestionm’obsèdeetellerefused’yrépondre.
—Rachel!Quefais-tuavecsontéléphone?—Jesuisnavrée,Nicky.Ilétaitavecmoi.Ilestgravementblessé,tudoisvenirauplusvite.ZachétaitavecRachel?!Ellement;ilm’avaitpromisdenepluslarevoir.Ledoutes’emparede
moi.Rachelm’avait prévenue qu’il lui reviendrait. Ilm’avait promis de garder ses distances avecelle,iln’amanifestementpastenuparole.Maintenant,ilaeuunaccident.
PasZach.Cesmotsserépètentdansmatête.Paslui,jevousensupplie.Jeprendsuneprofondeinspiration.—Jevois.Qu’est-cequejevoisaujuste?Qu’ilétaitavecelle?Qu’ilvabien?Non,çan’aaucunsens.—Oùest-il?—Àl’OlympiaMedicalCenterdeLosAngeles,répond-elled’untonsolennel.Jesuisdésolée.Jeraccrochepournepasm’évanouiravantd’appelerMiaàlarescousse.
Mesdoigtstremblentencomposantsonnuméro.Ellerépondaussitôt.Lorsquej’entendssavoix,j’ailagorgeserréeetjepeineàrespirer.
—Mia…Impossible d’en dire plus. Ma voix est rauque et à peine perceptible. Avant de pouvoir lui
demanderdel’aide,j’entendsunsondeclés.—J’arrive,jesuislàdansdixminutes.Qu’est-cequisepasse?—Zach.Rachelaappelé.Unaccidentdevoiture.Jedoispartirtoutdesuite.Jesuissurprisequ’ellemecomprennemalgrémesbafouillages.Ellepousseunjuron.—C’estgrave?—Jenesaispas.Ellem’asimplementditqu’ilétaitàl’hôpitaldansunsaleétat.Mia,ilétaitavec
Rachel.Sans en entendre davantage, elle comprend mes craintes et ma douleur et je lui en suis
profondémentreconnaissante.—Onvaserenseigner.Cen’estpascequetuimagines,ilyaforcémentuneexplication.—Tun’asaucuneidéedecequej’imagine!Sij’avaisassezdeforces,jem’envoudraisderépondresèchementàmameilleureamie,maisje
n’ypeuxrien.Jel’entendssoupirer.Savoixreprendcalmementetparvientpresqueàm’apaiser.—Si, je l’imagine trèsbien. Ilne ferait rienavecelle.OnparledeZach, l’hommequi est fou
amoureuxde toi.Prépare tesaffaires, jeviens techercheretonpartà l’aéroport. J’appelle toutdesuitepourréserverlesbillets.
—AppelleChase.—D’accord.Restecheztoi,j’arrive.Àpeinedixminutesplus tard,Miaouvrebrusquement laporteet seprécipitepourmeprendre
danssesbras.Lesacquejesuisparvenueàremplirm’échappedesmainsetjem’effondreàgenoux,laissantmeslarmescouler.Jepleurecarj’aipeurpourZach,maisaussiparcequejeretournedanscetenferdontjecroyaisêtresortie.Jepleurecarjeperdsl’hommequej’aime,etauprofitdeRachel,quiplusest !L’imagineravecellem’obsède, telle l’annonced’unecatastrophequidéfileaubasdel’écrandetélévision.Miameserredanssesbrassansdireunmot,attendantquejepleuretoutesleslarmesdemoncorpsavantdereprendrepied.Aprèsun longmoment, je finisparm’écarterd’elledoucement,toujoursassiseparterre,etluidemanded’unepetitevoix:
—Est-cequetuasappeléChase?Tuasdesnouvelles?Miahochelatêteavecuntimidesourire.—Zachestgravementblessé,maislesmédecinsgardentespoir.Ilaunejambecassée,quelques
côtes fêlées et un traumatisme crânien.Lemédecin l’a plongédans un coma artificiel en attendantqu’ildésenfle,puisilsleréveillerontpetitàpetit.
Aprèslemot«coma»,jen’entendspluscequ’ellemedit.D’ailleurs,jeneréagispas.—Chaset’aparlédeRachel?LesoupirdeMiaestdemauvaisaugure.—Iln’ensavaitpasplus,sicen’estqu’elleétaitàsonchevetdanslachambred’hôpital.Elleest
partie lorsque Jake et Chase sont arrivés. Garrett et Chloé sont en chemin, eux aussi. Nouséclaircironscettehistoireplustard,ilyaforcémentuneexplication.Enattendant,filonsprendrecetavion.
Jehausselesépaules,toujoursincapabledelaregarderdanslesyeux.J’aimeraiscroireMia,maisjenepeuxm’empêcherdepenserqueZachm’atrahie.Pourquoim’aurait-ilmentis’iln’avaitrienà
cacher?Nousavonsdiscutéautéléphoneàpeinequelquesheuresplustôtetiln’ajamaismentionnésavisitechezRachel.Était-ce lapremièrefois?Jouaient-ils tous lesdeuxunrôle, lesoirdudînerdésastreuxauRue21?Jerefusedelecroire.Sacolèreenverselleétaitsincère.Pourl’instant,jenesuissûrequed’unechose:jedoislevoirleplustôtpossible.
Maislui,aura-t-ilenviedemevoir?Miareprendlaparoled’unevoixdouceetapaisante.—Chaseafaitappelàdespilotesqu’ilconnaissait.Unavionaffréténousattend.Jen’aipaspu
réserverdevolpublicàcetteheure-ci.J’acquiescesansconvictionetlalaissemehissersurmespieds.Nousquittonsmonappartementet
jefermelaporteàdoubletour.Ilnemevientpasàl’espritquelescadeauxpourZach,samèreetsasœursonttoujoursparterredanslesalon.
Lestroisheuresdevolmesemblentdureruneéternité.J’aipresquepeurdenejamaisentendrela
voixdupiloteannoncerladescenteversl’aéroportdeLosAngeles.Miaetmoin’avonspasprononcéunmotde tout le voyage. Jeme suis contentéede regarderdehors, perduedansmespensées et lamainserréeparcelledeMia.
Pendantcestroisheures,jesuispasséepartoutessortesd’émotions,meremémorantlesinstantsdebonheurpartagésavecZachdepuisnotrerencontre.Jerepenseaupremiersoiraubar,quandj’aienvisagé de sortir demon deuil, à sa véhémence pourme retenir lorsque j’ai quitté la tournée àPhiladelphie, à la chaleur dont il m’a enveloppée quand je lui ai présenté Marc et Andrew aucimetière.J’ailaisséunhommeentrerdansmavie.
Jerepenseàcesentimentdeplénitudequ’unsimpleregardousouriredesapartmeprocurait,àsafaçondem’apaiserenuninstantrienqu’enposantlamainaucreuxdemesreins.Grâceàcegestesimple,jemesentaisensécurité,protégéeetaimée.Est-celafind’unrêve?
Jenem’aperçoisdeslarmesquicoulentsurmesjouesquelorsqueMialesessuiedureversdelamain.Elleneditrienetsecontentedemeregarderscruterlesnuagesnoirsquenoussurplombons.C’estexactementcequejeressens:lespleen.
Cen’estpasdéjàfini.Commentai-jeputomberamoureusesic’estpourtoutvoirdisparaîtredanslemensongeoudansl’horreurd’unaccidentdevoiture?Monfrontreposecontrelavitrefroideduhublot tandisqu’unsanglots’échappedemagorge.Unaccidentdevoiture.Jefermelesyeuxpourtenter en vain de faire disparaître toutes les images traumatisantes de tôle froissée et de drapsrecouvrantlesamoursdemavie.
Lecœurserréparunefrayeurdouloureuse,jemerépètequeZachvabien.Ilesthorsdequestiondeperdreencoreunefoisceluiquej’aime.
Peut-êtreest-ildéjà troptard.Mêmes’ils’ensort,notrecouplesurvivra-t-il?J’aiconfianceenlui,ennous,etpourtantjenepeuxqueconstaterlavitesseàlaquellenotrehistoireaévolué.Aprèstoutcequej’aivécu,laviem’aprouvéquelanotion«pourtoujours»pouvaitmalgrétouttrouverunefin.
LavoixsourdedeMiamesortdemespenséesalorsque l’avion terminesacoursesur lapisted’atterrissage.
—Jakearrivepournousrécupéreràl’aéroport.Chaseapréféréresteràl’hôpital,aucasoù.Le regard perdu par le hublot, j’acquiesce d’un hochement de tête. Les lumières éblouissantes
défilentauborddelapiste.Jen’aiaucuneidéedel’heurequ’ilest.LorsqueRachelaappelé,ildevaitêtre19heures.Sionajoutelestroisheuresdevoletledécalagehoraire…Jesuistropfatiguéepourfairelecalcul.
Malgrétout, jelaissemonespriterrerversdesspéculationsmathématiquespournepasavoiràregarderMia.Sijetournelatêteverselle,jefondsenlarmes;orjenesuispasencoreprêteàlaissersortirletorrentdedésespoirquimecompresselapoitrine.
—Ilnetetromperaitjamais,murmureladoucevoixdeMia.Elleveutmerassurer,maisj’aimeraisparlerd’autrechose.Alorsjel’ignoreetlaissemonsilence
faireofficederéponse.Pourlapremièrefoisdepuisquejeleconnais,Jakenesouritpasennousaccueillantdanslehall
desarrivées.Ilmeserrecontreluicommepourmerassurer.Jemelaissefaire,sanstrouverlaforcedeluirendresonétreinte.
Jel’entendschuchoterdansmescheveuxd’unairsolennel:—Ilvas’ensortir,Nic.Jetelejure.Jehochelatêteetm’écartejusteassezpourleverlementonverslui.—Ilyadunouveau?— Pour ce qui est de sa jambe gauche, le péroné est cassé mais ce n’est rien de grave. Les
médecinsl’opèrentdemain.Ilaaussiquelquescôtesfêlées,maisellesseremettronttoutesseules.OnluiafaitpasserunscanneretunIRMilyaquelquesheures.Soncerveaualégèrementenflé…
Savoixchevrote jusqu’àfinalements’éteindre.Jeprendsconscienceàcet instantque jenesuispaslaseuleàm’inquiéterpourZach.Ilestmonpetitami,maisJakeetlesautressontsesamis,sesfrères.Jakeestaussiterrifiéquemoi.
Je lui serre lamain pour lui donner le courage de poursuivre.D’unmouvement de tête vif, ilchassesesidéesnoiresetprenduneprofondeinspirationavantdepoursuivre:
—IlétaitchezRachel.Elleluiatenduunpiègepourl’attirerlà-basetavaitappelédespaparazzispourleprendreenphotoalorsqu’ilsortaitdechezelle.
Jepousseungémissementd’horreur. Jen’arrivepas à le croirequ’elle ait fait ça.Cette fille abeauêtreuneteigne,jen’imaginaispasqu’elleessaieraitdelepiégerainsi.
—Ouais,jesais,elleesttarée.Elleespéraitquetutomberaissurlesphotosetquetulequitterais.Jakeestvisiblementmalàl’aisededevoirm’apprendrelepetitmanègestupidedeRachel.Jene
luienveuxpas.Lespoingsserréslelongducorps,jesenslaragemonterenmoiàl’idéequecettefemmepuisse
alleraussiloin.—Etensuite?Lafureurm’empêchedeprononcerunephrasecomplète,mais jedoisà toutprixsavoircequi
s’estpassé.— Il s’est rendu compte de la supercherie aumoment où les journalistes se garaient devant la
maison.Zachs’estprécipitédanssavoitureetlesautresl’ontprisenchasse.Àcaused’unviragetropserré,ilafoncédansunebarrièreetlavoitureestpartieentonneaux.
D’un geste vif, je lève la main pour le faire taire. Je n’ai pas envie d’en entendre davantage.Rachelestlacausedel’accident.Étrangement,jesuisloind’êtresoulagéeenapprenantqueZachnemetrompaitpas.Aucontraire,mahainecontreRachelnecessedecroîtreetmeprivedetoutemonénergie.Miameprendparl’épauleetmefaitmonterenvoituresansquejem’enaperçoive.Surlechemindel’hôpital,jeneprononcepasunmot.J’ignoresiMiaetJakeenfontautant,monespritesttropoccupéàchercherlemeilleurmoyendefaireregretteràRacheld’êtrevenueaumonde.
Chapitre24
Une fois arrivés à l’hôpital, Jake nous conduit jusqu’à la salle d’attente du deuxième étage.Aussitôt, jem’écroule dans les bras deMelody et fonds en larmes.Toutes les émotions contenuespendantdesheures se libèrent enfindans lesbrasde lamèredeZachquime réconfortent commeceuxdemapropremère.Ensilence,ellemeberceunmoment,attendantlesdernièreslarmes.
—Ilvas’ensortir.Sesmotsapaisentmonchagrincommepersonnen’yestparvenu jusque-là.Laforcequiémane
d’elle m’inspire car j’en manque terriblement. L’histoire se répète dans les mêmes circonstancestragiques.
—Jenepeuxpasleperdre,luiaussi.Pascommeça.Meslarmescontinuentdecoulersurl’épauledeMelodyalorsqu’ellemeguidedoucementvers
unsiègesansrelâchersonétreinte.—Jesais,susurre-t-elle.Maisilvas’ensortir,Nicky.Jem’assiedsetessuiemeslarmes.Surlesièged’àcôté,Jakeestpenchéenavant,latêtedansles
mains.Enface,GarrettestassisdanslamêmepositionetChloéluicaressedoucementlanuque.Jesuisheureusedelavoirmaisneparvienspasàluisourire.Ellesemblelecomprendreethochelatêted’ungesteamical. Je lève levisageversSammyet lanceune tentativepathétiquede luisourire.Lajeunefemmesembletotalementperdue;soncaractèrehabituellementexplosifadisparuderrièreunbrouillard épais d’affolement et d’inquiétude. Jeme lève pour la rejoindre et la prendre dansmesbras.Zachest son frère, l’êtrequi lui est lepluscheraumonde.Nousavons tousnotremanièreànousdenousfairedusoucipourlui.Iln’yapasquemoietjedoisfairepreuvedecourage.
JesouffleàSammyd’untoncalme:—Toutirabien.NousnousinstallonstouteslesdeuxàcôtédeMelody.Miaestassisejusteenfacedenous,àcôté
deChasequi luimurmurequelque chose à l’oreille. Il repose la tête contre sa tempemaisMianeparvientpasàdétournersonregardinquietdemoi.
Lesdernièresheuresontétéparticulièrementéprouvantes.Des imagesde l’accidentdeMarcetAndrewsurgissentsoudaindevantmesyeux.Ellesnemequittentplusdepuisl’appeldeRacheletjen’arrivedécidémentpasàm’endébarrasser.Unsanglotmesaisità lagorgeet jeme jettedans lesbrasdeMia.
—Jenepeuxpasrevivreça!Marc…—Zachn’estpasMarc,rectifie-t-elleavecdouceuretassurance.Gardeçaentête,machérie.Zach
s’ensortira,lui.EntreJakeetMia,jemesenschoyée.Lesilencetombepeuàpeudanslasalled’attenteauxmurs
blancsetfroids.Leshôpitauxpourraientfairel’effortd’installerdessiègesplusconfortablesqueceschaisesenplastiquepourlesprochesplongésdansuneattentesansfin.D’ailleurs,ceschaisesmefontpenser au fauteuil en forme d’œuf, dans le salon du studio. Je sombre dans une nouvelle crise de
larmesen repensantauxévénementsdecette fameuse journéeoùZachm’ademandéd’emménagerchezlui.
Dans l’attentedequelquenouvelle, le tempssesuspendau-dessusdenos têtes.Uncoupd’œilàl’horlogem’informequ’ilest22heures,c’est-à-direminuitpourmoiavec ledécalagehoraire.Lafatiguedevraitsefairesentir,maisjen’aipassommeil.Jevérifiedenouveaul’heureaprèscequimesemble être une éternité, mais seulement cinqminutes viennent de passer. Pourvu que le médecinapportebientôtdesnouvellesdeZach.Jerefusedepartiravantdelevoir.D’ailleurs,jenequitteraipascettesalled’attentesordidesanslui.J’aimeraisavoirdesesnouvelles,quellesqu’ellessoient.
Laportes’ouvreenfinsurunhommevêtud’unelongueblouseblanchequis’approched’unpassolennel. Melody redresse les épaules, prête à l’entendre. Le médecin lance un bref regard àl’assembléeavantdereveniràelle,puisàSammy,assiseàcôtédesamère.Lajeunefillemeprendvivementlamainetlaserredetoutessesforces.Miaestassiseparterredevantmoi,lesbrasautourde ma taille, tandis que Jake a une main posée sur mon épaule. Ce geste lui apporte autant deréconfortqu’àmoi,j’ensuisbienconsciente.
—MadameWalters,annoncelemédecinsuruntonneutrevoirelas.Nousavonsreçulesrésultatsdesexamensdevotrefils.
Lesyeuxrivéssurl’hommeàlastatureimposante,jemeprépareauxnouvelles.—Nous n’avons trouvé aucune trace d’un dommage physique irréversible. Toutefois, il reste
quelquescontusionsquidevraients’estomperdanslesjoursàvenir.Nousdiminueronslesdosesdutraitementpetitàpetit.
—Quandseréveillera-t-il?s’inquièteMelody.—Unefoisqueleseffetsdel’anesthésiantauronttotalementdisparu,celadépendradeluietde
sonrétablissement.Celapeutprendrededeuxàquinzejours.J’étouffe un cri de surprise. Zach dans le coma pendant deux semaines ? Je demande dans un
souffle:—Puis-jelevoir?Lemédecintourneversmoisonvisagesurpris,puissecouelatête.—Jesuisnavré.Seulelafamilleyestautorisée.—Ellefaitpartiedelafamille!s’insurgeSammy.J’arbore malgré moi un sourire fier lorsqu’elle serre ma main un peu plus fort. Elles m’ont
intégrée au seindu clan familial.Lemédecin sembleperplexe,mais il capitule finalementdansunhochementdetête,sansêtresûrdelacroire.
—Trèsbien,mademoiselle.Allez-y.Maisensuitepluspersonnenedérangeralepatient.Chambre209.
—Merci,docteurHassen.Melodyinvitelemédecinàprendrecongéavecunsourirepolimaisvisiblementtriste.Lorsquela
portesereferme,unsoupirdesoulagementgénéralrésonnedanslapièce.Latensionquipesaitsurchacuns’apaiseenfinetnouséchangeonsdesregardsrassurés.
Melodyreprendd’unevoixfaiblemaisconfiante:—Zachs’ensortiratrèsbien.Jevousl’aidit:monfilsesttropentêtépourselaisserabattre.Indemne,benvoyons!Heureusement,monéducationmepermetdegardercetteréflexionpourmoi.Soudain,jeprends
conscience qu’elle n’a pas encore vu son fils, et pourtant j’ai demandé à le voir. Quelle preuved’égoïsmedemapart!Toutefois,toutlemondesemblecomprendrepourquoiilestsiimportantpourmoid’allervoirZach.
—Celanevousdérangepas?Ellehochesimplementlatête.—Allez-y.Miam’aideàmereleverdemachaise.—Jet’accompagnejusqu’àlaporte,déclare-t-ellesuruntonsansappel.Detoutemanière,sij’avaiseulaforcedecontester,jenel’auraispasfait.J’aitropbesoind’elle.J’étais très loindem’imaginer la scènequim’attenddans lachambredeZach.Devant laporte
close, jerespiredepetitesboufféesd’air,m’efforçantdegarderlecontrôledemonangoisse,maisunefoissurleseuil,jenepeuxreteniruncrid’effroi.
La jambegauchedeZachestposéepar-dessus ledrap, recouvertedebandages jusqu’augenou.Unegrandepartiede sonvisageest couvertde sparadrap, et lepeudepeauà l’air librepassepartoutes les couleurs, du rose au pourpre en passant par le noir.Mes jambes flageolent et je prendsappui sur l’épauledeMiapournepasm’effondrer. J’observe sa chambreaseptisée, les tubesdanslesquelslesgouttestombentencontretempssurlerythmedesbipsdesmachines,créantunesortedemélodiemacabre.
J’approcheunechaiseduchevetdeZach.Miaestpeut-êtreencorelà,ous’est-elleéclipsée,jen’yfais plus attention. Il n’y a que Zach qui m’importe, l’homme que j’aime, celui qui m’a faitredécouvrir l’amour, cet être allongé là, inerte. Son sourire de charmeur n’est plus là pour meréconforter,ilnerestequelestraitsdétendusd’unhommeendormi.
Quenedonnerais-jepaspourlerejoindredanssonrêveetquitterlecauchemarqu’estredevenuemaviedepuisquelquesheures.Jelaissereposermatêtesursamaindroite.Lesmotsnemeviennentpas.Est-ilimportantdeparlerdansdetellescirconstances?Ilnem’entendraitsansdoutepas.Jesuisdevantunmur,sanssavoirquoidireniquoifaire.Lapeurmeparalyse.
Etpuis,leslarmesaffluent.Ellesglissentensilencelelongdemajoueetsursamain,quejenesais comment saisir sans lui faire plus de mal. Les médecins ont beau me promettre sonrétablissement, jene lecroiraique lorsque je leverraidemesyeux.Pour l’instant, ilssont ferméstandis que j’inspire l’odeur de la main de Zach et la couvre de baisers. Au fond, caché derrièrel’odeurdesproduitsaseptisés,jeperçoisceparfumquim’atoujoursattiréeàlui.Lesminutespassentetj’ailesyeuxrougeslorsquelamaindeMiaquiseposesurmonépaulemefaittournerlatêteverselle.
—Lescinqminutessontpassées,Nic.Ilfautpartir.Jenepeuxpaslequitter.Sijem’envais,jenelereverraipeut-êtrejamais.Etsiquelquechosede
terriblesurvenaitenmonabsence?—Jenepeuxpas…UneinfirmièreentreetmurmurequelquechoseausujetdutempsdevisiteécouléetMiam’aideà
me relever.Mesyeuxnequittent pas lamaindeZach, la seule partie de son corpsqui ne soit pasrecouverted’hématomes.Elle est parfaitementdessinée,malgréquelques callosités causéespar lescordesdeguitare.Ilyaseulementunesemaine,cettemainétaitencorepleinedevie,pleinedeforce,et se promenait surmon corps. J’aimerais tant la sentir encore surmoi. Seules lesmains deZachsauraienteffacerlechagrinquimeconsume.
—Nousreviendronsdemainmatin,Nic.Jenerépondspas.Partirestladernièrechosedontj’aiebesoin.J’aienviedehurleràl’injustice
devoirunêtresiparfaitetadorablequeZachallongésurunlitd’hôpital.D’ailleurs,quefait-ilici?Ques’est-ilpasséetpourquoiétait-ilchezRachel?Sonnomrésonnedansmatêteetmefaitsoudain
redescendresurterre.Jeprendsalorsconsciencequejesuislà,devantuneinfirmièreimpatiente.JereposelesyeuxsurZachetlibèreenfinsamainavantdemelaisseremporterparMiadanslecouloir.J’aibesoindeluidansmavie,maisunequestionresteensuspens:veut-ildemoi?
Danslasalled’attente,seulsChase,MelodyetSammysontrestés.Desbrasm’enserrenttandisqueje m’écroule sur une chaise. Ma tête retombe lentement sur le dossier et j’entends des parolesenvisageant de rentrer à la maison pour la nuit et de revenir demain matin. Les mots semblentprovenirdel’autreboutd’untunneldanslequeljem’enfonceirrémédiablement.
—Jenepartiraipas,dis-jedansunmurmure.Enouvrantlesyeux,j’examinelesvisagesinquietspenchésau-dessusdemoi.—Allez-y.Jereste.Jenelequitteraipas.Ilssemblentcomprendrequ’iln’yapasàdiscuter.Avecunhochementdetête,ilss’éloignentet
quittentlapièce.Mias’enva,elleaussi.Jel’aimetrèsfort,carellecomprendparfaitementquej’aiebesoind’êtreseulepourmeremettredesrécentsévénements.
Avantdepartir,elledéposeunbaisersurmonfront.—Jeterapporteraiunecouvertureetdesvêtements.Àdemainmatin,àlapremièreheure.Jemefichedesvêtementsetdelacouverture,maisj’acquiescesansdiscuter.Toutelanuitdurant,
jemetourneetmeretournesur lachaise jusqu’àfinalementmelaisseremporterdansunsommeilagité.
Lasemainesuivante,jerefusedequitterlechevetdeZach.Noëlarrivepuisrepart,celanemefait
nichaudnifroid.C’estàpeinesij’aisongéauxcadeauxoubliéssurletapisdemonsalonlasemainedernière,avant l’appeldeRachel.Jen’aiqu’unepenséeen tête : levoirouvrir lesyeux.Miaet lesWalters passent leurs nuits chez Zach. Parfois, quelqu’un entre dans la chambre d’hôpital pourm’apporteràmangeroudequoimechanger.Maisj’ail’espritailleurs.Jen’irainullepartavantleréveildeZach.
—Bonjour,mapuce,melancedoucementMiadepuisleseuil.Sadoucevoixlaissepenserqu’elleapeurderéveillerquelqu’un.Ellenedevraitpas,jen’aipas
dormidepuisdesjours.QuantàZach,jenesuispassûrequ’ilentendequoiquecesoit.Tandisqu’elleentreàpasdeloup,jemeretourneverslui,dontlevisagetuméfiéguéritpeuàpeu.Levioletfoncéalaisséplaceàunjauneclair,lesbandagesautourdesatêteontétéretirésetleségratignurescauséesparlebrisdeglaceontdéjàcicatrisé.Sil’onoubliesajambebandée,oncroiraitpresquequ’ils’estsimplementbagarré.
Il n’est plus sous traitement ni sous respiration artificielle depuis hier. Nous attendons avecimpatiencequesoncerveauseremettesuffisammentpourluipermettredeseréveillerdelui-même.Chaque jour, le Dr Hassen passe nous voir sans nouvelles à annoncer. Le scanner et l’IRM nedémontrent aucun dommage cérébral, mais nous n’en serons sûrs qu’à son réveil. D’après lesmédecins,ilpourraitmettrejusqu’àdeuxsemainespourreprendreconscienceetilsnesemblentpasinquietsdelevoirencoreendormi.
Contrairementàeux,jen’enpeuxplusd’attendre.Unesemainedeplusmeseraitunetorture.Ets’ilneseréveillaitpasaprèslesquinzejoursannoncés?Queferions-nous?Jen’aipasoséposercesquestionsquimehantentpourtantjouretnuit.
—Jet’aiapportélepetitdéjeuner,m’informeMiad’unetoutepetitevoix.Desœufsetdubacon,c’estbonpourlaligne.
Dansungrognement,jerétorque:—Jenesuispasd’humeuràrire,Mia.
Rienne justifiemontoncassant,maisrendons-nousà l’évidence : jen’aipasdormidepuisdesjours,monderniervrairepasremonteàunebonnesemaineetl’hommequej’aimeestplongédanslecoma.Alorsnon,jen’aimepaslematin.
Enrevanche,Mian’yestpourrien.Cen’estpassurellequejedoism’acharner,maissurRachel;or,j’aientendudirequ’elleétaitpartieàLasVegaspouruntournage.Pourelle,lavieestrose.Elleprovoque un accident grave, puis quitte l’État, l’esprit léger, nous laissant ramasser lesmorceauxderrièreelle.Aujourd’hui,mahaineàsonégardestplusgrandeencorequelasemainedernière.
JemeretourneversMiapourm’excuser.—Cen’estrien,Nic.Lafaimsefaitsentirdansmonestomaclorsquejesaisislesacplastiquequ’ellemetend.Aprèsquelquesminutesdesilence,monpetitdéjeunertoucheàsafinetMiasetientnerveusement
aupieddulit.—J’aiappelémonfuturpatrondeNewYork,aujourd’hui.Jeprotested’untonsec:—Jet’interdisderefuserleposteàcausedemoi.Sonsilenceconfirmemescraintes.—Rappelle-lesetdis-leurquetuaschangéd’avis.Tudoisacceptercetravail!—Jeneveuxpastequitter.Savoixfluettepeineàcouvrirlebrouhahadel’hôpital.Jemelèveetlasaisisparlesépaules.—Tudoisà toutprixaccepter,Mia.Net’inquiètepaspourmoi.MelodyetSammyrestent làet
mesparentsarriventleweek-endprochain.Neremetspastacarrièreentreparenthèsespourmoi.JelanceunbrefregardversZach.—Etpuis,quandilseréveillera,toutredeviendracommeavant.J’aimeraistantpouvoirlecroire.Lesépaulesdroitesetlementonhaut,jeregardeMiaavecinsistance.—Fais-lepourmoi,s’ilteplaît.Épargne-moilaresponsabilitédet’avoirfaitmanquerlejobde
tesrêves.Jeteprometsquetoutvabien.Avec un hochement de tête, elle sort dans le couloir pour rappeler son patron. J’espère qu’il
comprendralasituation.Nouspassonsensuitelerestedelamatinéeàdiscuterdelaviequil’attendàNewYork.Pourlapremièrefoisdepuisuneéternité,MiaparvientàmefairesourireenmentionnantlenomdeChaseàdenombreusesreprises.Celapeutparaîtrelogique,puisqu’ilvitlà-bas,maiselleenparleavecunetellesérénitéquejemesensheureusequ’elleaitrencontréquelqu’un.Etpuiselleaenfindécrochélepostepourlequelelletravailledurdepuissixans.
Notreconversationestponctuéeparmeslarmes;sesrêvesseréalisent,maisquandenira-t-ildemême pour les miens ? Je m’efforce de mettre mes doutes de côté pour profiter pleinement dubonheurdemameilleureamie.Quelquesheuresplustard,ellevaannoncerlanouvelleàChase.
Jepasselerestedelajournéeetlanuitsuivantedansmachaiseinconfortable,auchevetdeZach.La vie continue pourMia. Elle s’en va alors que moi, je suis coincée dans une impasse. Vais-jeenregistrerunalbum?Silaréponseestnon,commentvais-jegagnermavie?Oùvais-jehabiters’ilarrivequelquechoseàZach?
J’ailasensationquematêtevaexploseràcausedecetourmentincessant.Lechagrinsuccèdeàladouleur, quimène au chagrin, c’est un cercle sans finqui draine toutemonénergie.Zachdoitmerevenir,ilnepeutenêtreautrement.Jedoisàtoutprixsavoirsij’aitoujoursuneplacedanssoncœuretdanssavie.Pourtoujours,exactementcommenousl’avionsprévu.
C’étaitilyasilongtemps,mesemble-t-il.MatêteseposelourdementsurlamaindeZachetje
Chapitre25
Aupieddu lit deZach,Chase etmoi discutons de l’aménagement deMia àNewYork lorsquequelqu’unfrappedoucementàlaportedelachambre.Ils’agitsansdoutedeMelody,deSammyoud’unautrevisiteur.Ceàquoijenem’attendspasenmeretournant,c’estdedécouvrirRachelsurleseuildelapièce.
Commentose-t-elleapparaître toutapprêtéeetbronzéecommesi elle revenaitdevacancesauxCaraïbes?!Commentpeut-elleapparaîtresiépanouieaprèsavoirprovoquéunteldrame?Chasemeserrelebrastrèsfort,maisjeneluienveuxpas.Ilmeretientdelafrapper.Jen’aijamaisfaitpreuvedeviolencedetoutemavie,maisj’avouequ’enlavoyantmespoingsseserrentetjevoisrouge.
—Commentva-t-il?s’enquiertRachel.Unéclairdeculpabilitéluitdanssonregard.Cettemanipulatricefaitpreuvederemords,j’espère
qu’elleensouffriratoutesavie.Aprèstout,c’estsafautesiZachestici.—Tul’asplongédanslecoma,Rachel.Commentveux-tuqu’ilaille?Mesmotssortentcommeduvenin,jeneprendspaslapeinededissimulermahaine.—Oui,jelesais.Rachel parle d’un ton à peine audible, comme poussée par un sentiment de honte, àmon sens
justifié.—Jesuissincèrementdésolée.Toutestmafaute,jecroyais…Elles’interromptpourregarderChase.—Puis-jeparleràNickyseuleàseule?JeserrebrièvementlamaindeChasepourluisignifierquetoutvabien.Enréponse,sonregard
semblemedire:«S’ilteplaît,nelatuepas.»Jesourisethochelatête.Avantdequitterlapièce,ilmurmurequelquechoseàl’oreilledeRachel.Étantdonnélaminedécomposéedelajeunefemme,jesupposequecen’étaitpasunsalutamical.
En voyant Rachel s’approcher de moi pour s’asseoir dans la causeuse, j’ai unmouvement derecul.Lesmainsnerveusementramenéessursesgenoux,ellecherchesesmotssousmonregardnoir.
Elleprendfinalementlaparoled’unevoixdouce.—J’aiaiméZachpendantdesannées.Cen’estpasunesurprisepourmoi.—Et je savaisquecen’étaitpas réciproque.Pourtant, j’aipatiemmentattendudans l’espoirde
voir changer ses sentiments à mon égard. À chacune de ses conquêtes, j’espérais qu’il prendraitconsciencequemonamourvalaitplusquecesflirtssanslendemain.Maislesoirdelacérémonie,j’aitoutdesuitevuqu’ilteportaitunamoursincère.Touteslesfoisoùnousavonsétéensemble,Zachetmoi, j’ai rêvé qu’il me regarde et m’étreigne comme il l’a fait avec toi ce soir-là. Je l’avaisdéfinitivementperdu,maisjen’étaispasprêteàrenoncer.
Rachelmarqueunepausepourenfouirsonvisagedanssesmains,leslarmesruisselantlelongdesesjoues.Siellenes’étaitpascomportéecommeunegarce,jepourraislaprendreenpitié.
—Jen’aijamaisvouluça.J’aiétéidiotedel’attirerchezmoi.Lorsqu’ilacomprislasupercherie,ilétaitsifurieuxqu’ilaclaquélaporteenoubliantsontéléphoneportable.
Leslarmescoulentdeplusbelletandisqu’elleseforceàrevivrelascène.—Àquelquescentainesdemètres,j’aientendul’accidentetaitoutdesuitesuquec’étaitluiou
l’undesphotographes.Jemesuisrenduesurleslieuxaussivitequepossiblemaisunpaparazziavaitdéjàappeléuneambulance.Cen’étaitpascequetucroyais,Nicky.
Deboutlesbrascroisés,j’écouteensilencesanslaregarderniluirépondre.—Ilinsistaitsursonamourpourtoi,jetiensàcequetulesaches.Riennes’estpasséentrenous.
Il est venu sous la contrainte ; je l’ai appelé en feignant la panique, prétextant qu’un cambrioleurs’était introduitdansmamaison. Je savaisqu’ilm’aiderait si j’étais endanger.L’idéede leperdrem’était insupportableet,aprèscequis’estpasséauRue21, jedevais tentermachanceunedernièrefoispourenavoirlecœurnet.Jesuisdésolée.Jeferaisn’importequoipourarrangerleschoses.
Sesaveuxmefontunebellejambe.Laseulechosequimeréchauffelecœurestd’apprendrequeZachm’estrestéfidèle.Plusjamaisjenedouteraidesessentiments.
—Tuenasassezfait,Rachel.Jeprononcecesmotsfroidement.Peuimportequemesparolessoientblessantes,elleméritede
souffriràsontour,pourcomprendrelagravitédesesactes.—SiZachestdanscelitd’hôpital,c’estàcauseduharcèlementstupidequetuasfaitsubiràcet
hommequinet’aimepas.Rachelsaitqu’elledoits’abstenirdetoutcommentaire.Ellehochesimplementlatêteetmurmure:—Jesais.Jeteprometsdeneplusjamaism’interposerentrevous.Leslèvrespincées,jeserrelespoingsenlaregardantselevereteffleurerdoucementlamainsi
parfaitedeZach.Ellesepencheau-dessusdulitpourchuchoterdesexcusesàsonoreille,puisquittelapièce,emportantavecelleuneépaissebourrasquedetensionpresquepalpable.
Je reprendsplaceauprèsdeZachet laissemes larmescouler sur samain. Jemesensà la foissoulagée qu’il ne veuille pas d’elle et furieuse d’avoir pu douter de son honnêteté et des parolesréconfortantes de Chase etMia ces derniers jours. Si je pleure à chaudes larmes, c’est égalementparce que je suis terrifiée à l’idée qu’il ne se réveille pas comme l’ont annoncé les médecins.Qu’adviendra-t-ildemoisijeperdsunesecondefoisunêtrequej’aimedésespérément?
Samainabougé.C’est la première chose qui me vient à l’esprit lorsqu’une légère pression sous ma joue me
réveilleensursaut.J’aipeut-êtrerêvé;aprèstout,c’étaitàpeineperceptible.Samainbougedenouveau,cettefoisplusnettement.L’espoirenfledansmapoitrinetandisque
monregardscruteenallersetretoursincessantslesyeuxpuislamaindeZach.Huitjours.J’aiattendupendanthuitjourslemoindresignederéveil.Sespaupièresclignentune
premièrefois,s’ouvrentàpeine,puisserefermentaussitôt,provoquantenmoiuneexplosiondejoie.Jemeprécipitesurleboutonrougepourappelerl’infirmière.Zachseréveille!
Jeprendsensuitesamain,impatientedelevoirbougerdenouveau.Àmagrandesurprise,jesenssesdoigtsserefermersurlesmiens.Mesyeuxhumidesnepeuventsedétournerdessienspournepasmanqueruneseulesecondedesonréveil.
L’infirmière entre dans la chambre quelquesminutes plus tard et je tourne la tête vers elle, lesourireauxlèvres.
—Sesdoigtsontbougéetsesyeuxsesontouvertsuneoudeuxfois.Jecroisqu’ilseréveille!Sans un mot, elle me rend mon sourire puis s’approche de Zach pour prendre son pouls et
vérifierlaréactiondesespupillesàlapetitelampetorche.—JevaisprévenirleDrHassen,déclare-t-ellefinalement.Sivousditesvrai,ilmettrapeut-être
encorequelquesheures,voireunjouroudeux,àseréveillertotalement.L’infirmières’approchedemoietposeunemainréconfortantesurmonépaule.— Ne baissez pas les bras. C’est très encourageant. Il ne devrait plus tarder à reprendre
connaissance.Avecunsourireserein,ellequittelachambre.Melody et Sammy me rejoignent aussitôt après avoir entendu la nouvelle et passent quelques
heuresàfairelescentpasautourdemoi.Jeneseraiplusseuleavecluietpartagerail’espaceconfinéautourdulitdeZach.Cen’estpasgrave,carseulsonréveilm’importe,désormais.
LorsqueleDrHassenfaitenfinsonentrée, l’étatdefatigueestgénéralmaisnoussommestropexcitéesetimpatientespourpartirnousreposer.TandisquelemédecinprendlatempératuredeZach,je pousse un cri de surprise en sentant lamain de ce dernier serrer doucement lamienne. LeDrHassenmesouritethochelatête.
Zachbougeunenouvellefoisetpousseungrognement,cequifaitsursauterSammyetMelody,qui se lèvent aussitôt de la causeuse pour s’approcher du lit.Nous retenons notre souffle tous lesquatre dans l’attente d’un nouveau mouvement. Après ce qui nous semble une éternité, ungémissements’échappedelabouchedeZach.Ilprononceunmotàpeineaudible:«Nicky».
Leslarmesauxyeux,unfrissonmeparcourtl’échineetjesensmoncœurbattrelachamade.Lamain réconfortantedeSammysurmonépauleneparvient pas àmecalmer.Tous les regards sontposéssurlespaupièresdeZachqui,dansuntressaillement,s’ouvrentenfinàlalumière.Ilobservefaiblementautourdelui,d’unairabsentquejeneluiconnaispas.
J’essaiederetirermamaindelasiennepourlaisserlaplaceàsamèreousasœur,maissesdoigtsmeserrentsoudainfermementcommepourm’empêcherdepartir.
—Hochezunefoislatêtesivousm’entendez.Zachhochelatête,permettantainsiaumédecindecontinuer.—Vousêtesàl’hôpitalsuiteàunaccidentdevoituresurvenulasemainedernière.Zachopine,tournantlatêteverssamèreetSammy.Lorsquesesyeuxseposentenfinsurmoi,je
trembled’émotionetleslarmesmemontentauxyeux.Toutirabien,désormais.—Shh,susurre-t-il.J’étouffeunpetitrireenprenantconsciencedelasituation:Zachseréveilleàpeineducomaetil
s’évertuedéjààmeconsoler.Jesèchemeslarmesetreprendssamain.—Jesuissiheureuse…Sanslequitterdesyeux,j’écoutelemédecinquipoursuitsondiagnostic.—Vousavezunejambecasséeainsiquequelquescôtesfêlées.Suiteàvotretraumatismecrânien,
nousvousavonsplongédanslecoma.Depuisquelquesjours,nousattendionsvotreréveil.Lemédecins’approchedeZachpourposerunemainbienveillantesursonbras.—Vosprochessesontfaitbeaucoupdesoucipourvous.—Oùsuis-je?Savoixestéraillée,commes’ilavaitdesbrisdeverredanslagorge.Chaquemotdoitêtreune
torture.Entoutcas,c’enestunedelevoirdanscetétat.Ilabesoind’eau.Sammypensesansdoutelamêmechose,carellequittelapiècediscrètement.
—Vousêtesàl’OlympiaMedicalCenterdeLosAngeles,répondleDrHassenavantdesetournerversnous.Jevaisdevoirluiposerquelquesquestionsetfairedesanalyses.Sicelanevousdérangepas,jevaisvousdemanderd’attendredanslecouloir.
Ilpeutrêver,jen’irainullepart.Zach comprend mon sentiment car il m’étreint la main de plus belle. D’ailleurs, ses doigts
m’enserrentsifermementquej’aipresqueenviedeluidemanderdemelâcher.Évidemment,jen’enfaisrien,j’aiattendubeaucouptroplongtemps.Ilpeutmeserreraussifortqu’illevoudra.
—Nicky,reste.LeDrHassennecherchepasànégocier;ilsaitquec’estpeineperdue.—Trèsbien,ellepeutrester.Mais,dèsquepossible,jevousferaipasserunnouveauscanner.Illèvelesyeuxversmoietajouteensouriant:—Ilestévidentqu’ellenepourrapasvousyaccompagner.Zachacquiescepuisreprendd’unevoixrauque:—Pouvez-vousnouslaisserunmoment?J’aimeraisluidiredecesserdeparler,maisSammyentreàcetinstantavecungrandverred’eau.—Tiens,boisçaparpetitesgorgées.En dévorant son frère du regard, elle l’aide à boire, puis se précipite dans ses bras pour
embrassersajouesurlaquelleilresteseulementquelquestracesjaunes.—Jesuistellementcontentedeteretrouver!Onaeusipeur!sanglote-t-elle.Pourlapremièrefoisdepuissonréveil,Zachlibèremamainpourenlacersapetitesœur,ravalant
lui-mêmedeslarmesdejoie.Sammyseredresseensilenceetsècheseslarmes.Jevoisbienqu’ellesesentsoudainbeaucoupmieux.
Jereculedequelquespaspourlaisserlapetitefamilleseretrouver,sanspourautantquittersonchampdevision.Ellesrayonnenttouteslesdeuxdejoieetjemecontented’observer,mêmesij’aidumalàréprimerl’enviedelespousserdehorspourmeblottircontrelui.
Quelquesminutesplus tard, leDrHassenestdéjàde retour.MelodyetSammyquittentalors lapièceendéposantchacuneunbaisersurmajoue.
—Jevousavaisditqu’ils’ensortirait,melanceMelody,radieuse,enrefermantlaporte.JeluisourisetretourneprendreplacesurmachaiseauchevetdeZach.Soulagée, je retrouve toute ma sérénité tandis que Zach répond aux questions sans signe de
problèmecérébral.Ilsaitrenseignerlemédecinsurl’annéeencours,lemois,sadated’anniversaire,son nom complet et diverses anecdotes survenues ces derniers mois. Tout semble se passer àmerveilleet,àchacunedesesréponses,jemedétendsunpeuplus.
Entrechaquequestion,Zachmeregardelonguement,effaçantledoutedemonespritconcernantsessentimentsvis-à-visdeRachel.Simescraintess’avéraientjustifiées,ilnemeserreraitpaslamainavectantdepassiondansleregard.
Maintenant,j’ensuiscertaine.Mes lèvrespincéesaudébutduquestionnairesesontpeuàpeudétenduesenun timidesourire.
L’amourquimelieàcethommeesttoutcequicompteàmesyeux.Toutefois, jenepeuxm’empêcherdeserrersamainpresque tropfort lorsque leDrHassen lui
demandecedontilsesouvientdujourdel’accident.Leregardsoudaintriste,Zachcherchesesmotsavantdemurmurer,sansmequitterdesyeux:
—Jesuisdésolé.—Cen’estrien,Zach.Du revers de la main, je chasse doucement une larme qui coule sur sa joue dans l’espoir de
chasseraussisadouleur.Ilsecoueénergiquementlatêteetjetteunbrefregardaumédecinavantdereveniràmoi.
—Rachelm’amenti.Ellem’aappelé,paniquée,enmedisantqu’uncambrioleurs’étaitintroduitchezelle.
Sesdoigtsserefermentsurlesmiens.—Samaisonestàquelquesruesdelanôtre.Lanôtre?Àcesmots,deslarmesdejoiemepiquentlesyeux.Jen’étaispasvraimentinquièteau
sujetdeRachel,maisj’avaisbesoindel’entendreparlerdemoicommesinousvivionsdéjàsouslemêmetoit.
Zachreprendsonsouffleavantdepoursuivre:—Rachelnevoulaitpasêtreseuleenattendant l’arrivéede lapolice.Jemesuisprécipitéchez
elle.Toutlerez-de-chausséeétaitsensdessusdessous,desbrisdeverrejonchaientlesol,j’aieutrèspeurpourelle,alorsjel’ailaisséemeprendredanssesbras.
Lesderniersmotssortentcommeduveninetsonvisagesedéformed’horreur.Jehoche la têtepourl’encourageràcontinuer.
—Ellem’aembrassé.Mamâchoiresecrispeà laseulepenséequecettefemmeaplanifiéceridiculestratagèmepour
gagner le droit d’accès aux lèvres deZach. J’entends l’histoire pour la seconde fois ; unnœud seformedansmonestomac.
—Jesuissincèrementdésolé,machérie.—Net’inquiètepas,çan’aplusd’importance.— En voyant tous les photographes surgir dans le jardin, j’ai compris le traquenard et ai
violemmentrepousséRachelpourmeprécipiteràmavoiture.Jevoulaism’enallerdelàett’appelerpourtoutteraconter,maisjenetrouvaispasmontéléphone,et…
Ils’interromptetlèvelesyeuxverslemédecin.—Aprèsça,jenemesouviensderien.LeDrHassenhochelatête.Aprèsuninstantdesilence,lemédecinquittefinalementlachambreen
promettantderevenirpouremmenerlepatientauscanner.J’ignores’ilaterminésoninterrogatoireous’ilcomprendnotrebesoindenousretrouverseuls.
—Tu as laissé ton portable chezRachel.Elle l’a utilisé pourm’appeler etmeprévenir que tuavaiseuunaccident.
Zachécarquillelesyeuxdesurprise.—Qu’est-cequ’ellet’adit?—Quetuétaischezelle.CepremierappeldeRachelm’avaitplongéedansuneinquiétudeprofondequeZachlitsansdoute
surmonvisage,puisqu’ils’empressedetendrelamainversmoi,maisjemedérobeàsoncontact.—Elleasimplementditquecen’étaitpascequejecroyais,sansplus.Jenesavaisriend’autre.
J’aieusipeur…Jen’endispasdavantage,carcequimefaisaitréellementpeurn’aplusd’importance,désormais.—Hier,Rachelestvenuem’expliquertoutcequis’estpassé.Jeladétestetoujoursautant,maistu
n’asrienàtereprocher.—Tuestoutpourmoi,Nicky.Seslèvresesquissentenfinlesourirequimemanquaittant.Folledejoie,jemejettedanssesbras.
Jeconnaissaissessentimentspourmoi,maiscesmotsnefontqu’accroîtremonamourpourlui.Jeveuxresteràsescôtés.Pourtoujours.Loindem’effrayer,cetteperspectivem’enchante.
—Épouse-moi.Àcesmots,jemelibèrevivementdesonétreinte.Ai-jebienentendu?Ouai-jeimaginécequeje
rêvaisde l’entendremedire, alorsque jen’enprendsconsciencequemaintenant ?Cen’estpas lecontexteidéal,avecsesbandagestoutautourdelatêteetsoncathéterplantédanslebras.
Pourtant,sonsourireesttoujourslà,pluséclatantquejamais.—Jepensaistefairemademandeautrement,maisjerefusedepasseruneminutedeplussanstoi.
Jet’aimeetjeveuxvivreàtescôtéspourlerestedemavie.Situm’épouses,Nic,tuferasdemoileplusheureuxdeshommes.
Jeluiadresseunpetitsourireencoin.—Tul’avaisprévu?—Oui,j’avaisimaginéunedemandetrèsromantiquedanslesrèglesdel’art,àmillelieuesd’une
chambred’hôpital.Maismademandetienttoujours.Àmagrandesurprise,jenesuispasangoisséelemoinsdumonde.Toutaévoluétrèsviteentre
nousetjen’aipasplusenviequeluiderepousserl’éventualitéd’uneviecommune.Néanmoins,noussommesàl’hôpitaletZachsortàpeinedehuitjoursdecoma.Est-ilbienconscientdecequ’ildit?
Jedésignedumentonlatélécommandedelapompeposéeàcôtédelui.—Tuessousmorphine,tusais…—Avecousansdrogue,jetedemandedem’épouser.Jegardelesilence.Sonvisageprendunairsérieux.—Tunem’astoujourspasrépondu.Jemepenchedélicatementsurluienprenantsoinden’exerceraucunepressionsursescôtes.—Oui,Zach.Jeveuxmemarieravectoi.Jet’aime.Lecouvrantdebaisers,jem’allongeauprèsdelui,blottiedanssesbras,etnousnousembrassons
avec passion pendant ce qui nous semble être des heures. Finalement, je m’écarte doucement etdévoreduregardsonvisagedontlestraitssedétendentaufuretàmesurequ’ils’assoupitsousl’effetdesperfusions.Ilestàmoipourtoujours,jen’aiplusaucundoutelà-dessus.
Zachadébarquédansmavieaumomentoùj’avaisbesoindemesentirrevivre.Iladémoli lesmursépaisdontj’avaisentourémoncœurpourlesremplacerparsonamourprotecteur.Jenepensaispaspouvoiraimerdenouveau,maismaintenant je le sais : la secondechances’annonceplusbelleencore.
Épilogue
Nickynemevoitpas,jesuiscachéparlecoindumur.Cen’estpasplusmal,j’aimelaregarderencachette.Ellem’éblouitdepuislesoirdenotrerencontredanscebarmiteux,ilyadeuxans.
Derrièrelascène,encoulisses,elleobservelestechniciensquirangentlematérieldelapremièrepartiepournouslibérerlascène.Ellemefaitsourireenmordantnerveusementl’intérieurdesajouetoutentripotantlapointedeseslongscheveuxbruns.Elleestd’unebeautéàcouperlesouffle.J’aiencoredumalàcroirequ’ellesoitmienne.
L’angoisse monte en elle et je sais que je ferais mieux d’aller la prendre dans mes bras etl’encouragerplutôtquedelaregardertrépignersurplace.Lesourireauxlèvres,jelavoisleverlamaindevantellepouradmirerl’alliancequej’aiglisséeàsondoigtlemoisdernier.
Repense-t-ellecommemoiàcejourparfaitoùnousavonsscellénotreuniondevantnotrefamilleettousnosproches,surlaplageencontrebasdemamaison?Pourmapart,c’estàcelaquejepenselorsquejeregardemonalliance.
Jepenseàseslongscheveuxbrunsflottantdanslabrise,àl’océanbleuazurquis’étalaitàpertede vue sous un soleil éclatant. Le ciel était sans nuages et j’ai encore les larmes aux yeux en larevoyantmepromettreamouretfidélitépourlavie.Dèsquejepenseàelle,moncœurseserre.J’aiconsciencequeçanefaitpastrèsviril,maisc’estplusfortquemoi.
—Allez,monvieux!Arrêtedebaverdevanttafemmeetmontesurscène.Chasem’assèneunevigoureuseclaquedansledos,mefaisantsuffisammentbougerpourattirer
leregarddeNicky.Ma gorge se noue en la voyant me sourire timidement. Elle est à deux doigts de perdre ses
moyensetjemeursd’enviedelaprendredansmesbras.J’aimeraisqu’ellemeprennedanslessiensetqu’ellemechuchote:«Pourtoujours»encoreet
encore.Nous savons l’un comme l’autre que ce n’est pas une promesse que l’on peut tenir,mais nous
avons décidé d’espérer que l’avenir ensemble durera pour toujours, tout en faisant notre possiblepourrendrechaquejourmeilleur.Profiterdel’instantprésent,voilàunechosequejepeuxpromettrejusqu’àmondernier souffle.Nickya trop souffert, jenepeuxque lui jurerdeprendre soind’elleaussilongtempsquepossible.
J’ébouriffemescheveuxd’ungesterapide–exactementcommeelleaime–etm’approched’elled’unpasdécidé. Je faisminedenepasvoir samain sediriger spontanémentvers sonventre.Elleignoreque je suis aucourant. J’aivu le test avantdequitter lebus, cematin.Etpuis je lis en ellecomme dans un livre ouvert.Mais je le garde pourmoi ; je sais qu’elle a besoin de temps pouraccepterl’idéed’avoirunenfant.
Notreenfant.Entoutcas,moi,jesuisprêt.Depuiscejouroùellem’aavouéimaginerunpetitgarçonavecmes
cheveuxetmesyeux,jenerêveplusquedecela,aprèsl’enviedeluipasserlabagueaudoigt.
—Tuvasbien,machérie?Je l’étreins tendrement et respire son doux parfum de vanille et de framboise. Cette odeur
m’enivre tant et si bien qu’elleme donne envie d’emporterma femme dans le bus pour lui fairel’amourjusqu’aupetitjour.Maisnousavonsunconcertàdonner.Jem’écartedoucementpourposersurelleunregardinquiet.
—Oùsesituetapaniquesuruneéchelledeunàdix?J’aimerais lui faire liredansmesyeux tout l’amouret l’admirationque je luiporte.Nombreux
sont les concertsque j’aipudonner,mais celui-ci est leplus importantde tous : cette fois, je suisaccompagnédemafemmeetdemonfuturbébé.Bonsang,jesuisletypelepluschanceuxaumonde!
Laboucleserefermelaoùelleacommencéet jesourisausouvenirdecettemagnifique jeunefemmequidansaitsurmamusiqueaupremierrang.Toutenchantant,jelaregardaispasserducalmeà la joie, ressentant chaque émotion en fonction du morceau et de l’énergie de la salle. Le seulinconvénientdecesoirestquejenelaverraipasm’encourageraupremierrang.Aulieudecela,elleseraderrièremoi,desortequejenepourraipasvoirsesyeuxbrilleraurythmedelamusique.
Maiselleestàmescôtésetjecomptebienprofiterdelachaleurdesaprésenceaussilongtempsquejevivrai.
—Jediraisdouze,merépond-elle,d’untonnerveuxmaistoutdemêmeaguicheur.Sesyeuxpassentvivementdelascèneaupublic,puisàmoi.Ellebrûledeprendresesjambesà
soncouetsecachersousunecouverturedanslebusdetournée.Maisjenelalaisseraipasfaire,elleaparcourutropdecheminpourabandonnermaintenant.
Jeprendsfermementsesmainsdoucesdanslesmiennesetdéposeunbaisersursonalliance.—Tuesdouée.Laisselamusiquet’enivrerettoutsepasserapourlemieux.Leslumièress’éteignent,plongeantlascènedanslenoir,etChaseouvrelamarche.J’accompagne
Nickyjusqu’ausynthé,prenantsoindel’aideràgarderl’équilibre.Jen’aipasenviedelalaisser,etencoremoins à cet instant.Mais elle va y arriver. Nicky est la femme la plus courageuse que jeconnaisseetjesuispersuadéquedèslespremièresnoteselleseratotalementdanssonélément.
Jedéposesursonfrontunlongbaiser,puismedirigeverslemicro,souslapoursuiteaveuglanteau-devant de la scène.D’unhochement de tête, je lance le signal àChase qui semet àmarteler lagrossecaisse.
JejetteundernierregardàNicky.Sesmainstremblentau-dessusdestouchesetjeparviensmêmeàvoiràcettedistancesapoitrinesesouleveraurythmedesarespirationsaccadée.Avecunclind’œil,jeluienvoieunbaiser,espérantluifairecomprendrequejecroisenelle,ennous,ennotreamour.
Jejoueunpremieraccordsurmaguitareetsourisàlafoulequi,déjà,hurledejoie.Enchœuravectousmesmusiciens,jehurledanslemicro:
—Bonsoir,Minneapolis!
REMERCIEMENTS
Ceromanestlefruitd’untravailaccomplidansl’affectionetn’aurait jamaisvulejoursansl’aideprécieusedeprocheschersàmoncœur.Avanttoutechose,jetiensàremerciermonmari:tonsoutieninconditionnel,tesencouragementsettesséancesdebrainstormingontlargementcontribuéàl’élaborationdecelivre.Jesuistrèsfièrequecepremierromant’aitplu!Jeledédieégalementànosquatreenfants,quisesontaccommodésdeleursvêtementssales,desnuggetsdepouletetdespizzassurgeléesàtouslesrepasparcequemamanétaittroppriseparsontravail.Touslesquatre,vousêtesetresterezmaplusgrandejoieetlesamoursdemavie.ÀJessica,monexceptionnellebelle-sœur,quiaprisletempsdelireceroman.Tesconseilsd’aprèslectureettoncoupdepouceaumomentdel’éditionm’ontétéprécieux.Mercidufondducœurpourtonaide.ÀLeeetCarolyn,lespremierslecteursdemespremierschapitres.Vosconseilsenthousiastesdèslesbalbutiementsduromanm’ontapportélecouragenécessairepourenpoursuivrel’écriture:unprojetaccompligrâceàvotresoutien.ÀMinda,dontlalisteinterminabled’idéesbrillantespourrenforcerl’histoiredeZachetNickym’aénormémentservi.Gardetonstyloauchaudpourd’autreslistesàvenir,parcequetesidéesdécapent!J’aibeaucoupdechancedeteconnaître.Àma relectrice,Natalie : j’aimerais pouvoir te prendre dansmes bras et te remercier du fond ducœur, ma reconnaissance est infinie ! Grâce à tes corrections et tes suggestions sur Rien qu’unechanson, tum’asencouragéeàcroirequemonromanpouvaitplaireàd’autresqu’àmesproches!J’aihâtedetesoumettreunnouveautexte.Un grand merci aux blogueurs listés ci-dessous, parce que, dans l’écriture de ce roman, vosencouragementsm’ontétéd’uneaide indescriptible :TotallyBooked,Natasha’saBookJunkie, ShhMom’sReading,ThreeChicksandTheirBooks,StickGirlsBookReviews,DevouredWordsBlog,TheBoyfriendBookmark,MySecretRomanceReviews,etj’enoubliesansdouteunebonnedizaine:mercid’avoirdonnéuncoupdepouceàunnouvelauteuretd’avoirparticipéaulancementdeceroman,auxrésumésetauxcritiques.Vousavezétégéniaux!Mercienfinàmes lecteurs,un immensemercipourvotre soutien. J’espèreque,commemoi,voustomberezsouslecharmedeZachetNicky!
Stacey Lynn vit aux États-Unis dans la région du Mid-Ouest. Elle coule des jours heureux encompagnie de son mari et de ses quatre enfants. Stacey passe ses soirées enveloppée dans unecouvertureetplongéedansunbonlivre,ouarméedesonordinateurportablepourlaisserlibrecoursàtoutesleshistoiresquiluitrottentdanslatête.
MiladyestunlabeldeséditionsBragelonne
Titreoriginal:JustOneSongCopyright©2013byStaceyLynn
Tousdroitsréservés.
©Bragelonne2014,pourlaprésentetraduction
Photographiesdecouverture:©Shutterstock
L’œuvreprésentesurlefichierquevousvenezd’acquérirestprotégéeparledroitd’auteur.Toutecopieouutilisationautrequepersonnelleconstitueraunecontrefaçonetserasusceptibled’entraîner
despoursuitescivilesetpénales.
ISBN:978-2-8205-1739-5
Bragelonne–Milady60-62,rued’Hauteville–75010Paris
E-mail:[email protected]
SiteInternet:www.milady.fr
BRAGELONNE–MILADY,C’ESTAUSSILECLUB :
Pour recevoir lemagazineNeverland annonçant les parutions de Bragelonne&Milady etparticiperàdesconcoursetdesrencontresexclusivesaveclesauteursetlesillustrateurs,riendeplusfacile!Faites-nous parvenir votre nom et vos coordonnées complètes (adresse postaleindispensable),ainsiquevotredatedenaissance,àl’adressesuivante:
Bragelonne60-62,rued’Hauteville
75010Paris
VenezaussivisiternossitesInternet:
www.bragelonne.frwww.milady.fr
graphics.milady.frVous y trouverez toutes les nouveautés, les couvertures, les biographies des auteurs et desillustrateurs,etmêmedestextesinédits,desinterviews,unforum,desblogsetbiend’autressurprises!