revue de presse des annales de chirurgie

5
doi:10.1016/j.anchir.2005.01.011 Annales de chirurgie 130 (2005) 201–205 http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/ Revue de presse des Annales Tumor progression while on chemotherapy. A contraindication to liver resection for multiple colorectal metastases? Adam R, Pascal G, Castaing D, Azoulay D, Delvart V, Paule B, Levi F, Bismuth H. Ann Surg 2004;240:1052–1064. Introduction et but de l’étude : Le but de l’étude était d’évaluer l’influence de la réponse à la chimiothérapie préo- pératoire, et en particulier la progression tumorale, sur le ré- sultat de la résection (RH) des métastases hépatiques de cancers colorectaux (MHCCR) multiples. La résection des MHCCR est le seul traitement qui offre habituellement une chance de survie à long terme, bien que dans le cas des MHCCR multiples ses résultats soient déce- vants. En raison de son efficacité en progression, la chimio- thérapie (CH) est proposée de plus en plus chez de tels patients pour permettre ou pour faciliter la résection. Cepen- dant on manque d’information sur l’efficacité réelle d’une telle stratégie, et sur l’influence de la réponse à la CH sur l’évolution après résection. Matériel et méthodes : Revue rétrospective des dossiers de 131 patients consécutifs ayant subi une RH pour des MHCCR multiples ( 4) après chimiothérapie systémique, entre 1993 et 2000. Ils représentent 30 % des RH pour MHCCR pratiquées dans la même période au centre hépato- biliaire de Paul-Brousse. La CH comprenait le FU-Fol et l’Oxaliplatine ou l’Irino- tecan ou les deux, en 9,8 cycles en moyenne (médiane 9). Les patients étaient répartis dans trois groupes en fonction de la réponse à cette CH préopératoire. Résultats : Cinquante-huit patients (44 %) ont subi une RH après réponse objective (groupe 1), 39 (30 %) après stabilisation tumorale (groupe 2), 34 (26 %) après progres- sion tumorale (groupe 3). Au moment du diagnostic, la taille moyenne des tumeurs et leur nombre étaient similai- res dans les groupes. Aucune différence n’était observée concernant l’age, le sexe, les caractéristiques de la tumeur primitive, le type de RH, et les suites post-op. Le type de la CH de première ligne différait selon les groupes, avec une proportion plus importante de schémas comprenant Oxali- platine et/ou Irinotecan dans le groupe 1 (p < 0,01). Un plus grand nombre de lignes de CH a été utilisé dans le groupe 2 (p = 0,002). La survie globale était de 86, 41, et 28 % à un, trois, et cinq ans respectivement. La survie à cinq ans était bien plus faible dans le groupe 3 comparé aux groupes 1 et 2 (8 % contre 37 et 30 % respectivement, p < 0,0001). La survie sans récidive était de 3 % contre 21 et 20 % (p = 0,002). En analyse multivariée, la progression sous CH (p < 0,0001), un CA 19,9 élevé en préopératoire (p < 0,0001), le nombre de métastases réséquées (p < 0,001) et le nombre de lignes de CH étaient associés de façon indépendante à la baisse de la survie. Conclusions des auteurs : La résection hépatique est à même de permettre une survie à long terme aux patients porteurs de métastases multiples de cancer colorectal, à la condition que la maladie métastatique soit contrôlée par la chimiothérapie préalablement à la chirurgie. La progression tumorale avant chirurgie est associée à un mauvais résultat, même si la résection est potentiellement curative. Le contrôle tumoral avant chirurgie est crucial pour offrir une chance de rémission prolongée chez les patients porteurs de métastases multiples. Commentaires de la Rédaction : Ce travail original constitue probablement le premier consacré au sujet de la réponse des MH multiples à la chimiothérapie préopéra- toire. Il compense son caractère rétrospectif par l’effectif important de la série, par la sélection des métastases mul- tiples (en principe les plus graves des résécables), par une période d’étude correspondant à la chimiothérapie « moderne », et par la qualité de l’exploitation des don- nées. Le recrutement de ce centre expert ne permet pas bien sûr de comparer les mauvais résultats obtenus dans ce groupe 3 avec celui des patients qui n’ont pas été confiés aux chirurgiens par les oncologues. Le message principal est relativement logique, mais il demandait à être étayé, ce qui est fait ici : il ne faut pas entreprendre une chirurgie de résection pour des MHCCR multiples qui progressent sous chimiothérapie. Dans l’attente des résultats d’un essai actuellement en cours sur l’intérêt de la chimiopréopéra- toire des MHCCR résécables (multiples ou non), l’option chimiothérapique dans le cas le plus sévère ici étudié est considérée comme justifiée par les auteurs. La possibilité d’une caractérisation précoce de la sensibilité d’une tumeur donnée à une CH, qu’elle repose sur une analyse de la tumeur elle-même ou sur une méthode morphologique (FDG) pourrait donner encore plus de pertinence à la démarche proposée ici.

Post on 26-Jun-2016

214 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

Page 1: Revue de presse des Annales de chirurgie

doi:10.1016/j.anchir.2005.01.011

Annales de chirurgie 130 (2005) 201–205

http://france.elsevier.com/direct/ANNCHI/

Revue de presse des Annales

Tumor progression while on chemotherapy. A contraindication to liver resection for multiple colorectal metastases?

Adam R, Pascal G, Castaing D, Azoulay D, Delvart V,Paule B, Levi F, Bismuth H.Ann Surg 2004;240:1052–1064.

Introduction et but de l’étude : Le but de l’étude étaitd’évaluer l’influence de la réponse à la chimiothérapie préo-pératoire, et en particulier la progression tumorale, sur le ré-sultat de la résection (RH) des métastases hépatiques decancers colorectaux (MHCCR) multiples.

La résection des MHCCR est le seul traitement qui offrehabituellement une chance de survie à long terme, bien quedans le cas des MHCCR multiples ses résultats soient déce-vants. En raison de son efficacité en progression, la chimio-thérapie (CH) est proposée de plus en plus chez de telspatients pour permettre ou pour faciliter la résection. Cepen-dant on manque d’information sur l’efficacité réelle d’unetelle stratégie, et sur l’influence de la réponse à la CH surl’évolution après résection.

Matériel et méthodes : Revue rétrospective des dossiersde 131 patients consécutifs ayant subi une RH pour desMHCCR multiples (² 4) après chimiothérapie systémique,entre 1993 et 2000. Ils représentent 30 % des RH pourMHCCR pratiquées dans la même période au centre hépato-biliaire de Paul-Brousse.

La CH comprenait le FU-Fol et l’Oxaliplatine ou l’Irino-tecan ou les deux, en 9,8 cycles en moyenne (médiane 9).Les patients étaient répartis dans trois groupes en fonction dela réponse à cette CH préopératoire.

Résultats : Cinquante-huit patients (44 %) ont subi uneRH après réponse objective (groupe 1), 39 (30 %) aprèsstabilisation tumorale (groupe 2), 34 (26 %) après progres-sion tumorale (groupe 3). Au moment du diagnostic, lataille moyenne des tumeurs et leur nombre étaient similai-res dans les groupes. Aucune différence n’était observéeconcernant l’age, le sexe, les caractéristiques de la tumeurprimitive, le type de RH, et les suites post-op. Le type de laCH de première ligne différait selon les groupes, avec uneproportion plus importante de schémas comprenant Oxali-platine et/ou Irinotecan dans le groupe 1 (p < 0,01). Un plusgrand nombre de lignes de CH a été utilisé dans le groupe2 (p = 0,002). La survie globale était de 86, 41, et 28 % àun, trois, et cinq ans respectivement. La survie à cinq ans

était bien plus faible dans le groupe 3 comparé aux groupes1 et 2 (8 % contre 37 et 30 % respectivement, p < 0,0001).La survie sans récidive était de 3 % contre 21 et 20 %(p = 0,002). En analyse multivariée, la progression sousCH (p < 0,0001), un CA 19,9 élevé en préopératoire(p < 0,0001), le nombre de métastases réséquées(p < 0,001) et le nombre de lignes de CH étaient associésde façon indépendante à la baisse de la survie.

Conclusions des auteurs : La résection hépatique est àmême de permettre une survie à long terme aux patientsporteurs de métastases multiples de cancer colorectal, à lacondition que la maladie métastatique soit contrôlée par lachimiothérapie préalablement à la chirurgie. La progressiontumorale avant chirurgie est associée à un mauvais résultat,même si la résection est potentiellement curative. Le contrôletumoral avant chirurgie est crucial pour offrir une chance derémission prolongée chez les patients porteurs de métastasesmultiples.

Commentaires de la Rédaction : Ce travail originalconstitue probablement le premier consacré au sujet de laréponse des MH multiples à la chimiothérapie préopéra-toire. Il compense son caractère rétrospectif par l’effectifimportant de la série, par la sélection des métastases mul-tiples (en principe les plus graves des résécables), par unepériode d’étude correspondant à la chimiothérapie« moderne », et par la qualité de l’exploitation des don-nées. Le recrutement de ce centre expert ne permet pasbien sûr de comparer les mauvais résultats obtenus dans cegroupe 3 avec celui des patients qui n’ont pas été confiésaux chirurgiens par les oncologues. Le message principalest relativement logique, mais il demandait à être étayé, cequi est fait ici : il ne faut pas entreprendre une chirurgie derésection pour des MHCCR multiples qui progressent souschimiothérapie. Dans l’attente des résultats d’un essaiactuellement en cours sur l’intérêt de la chimiopréopéra-toire des MHCCR résécables (multiples ou non), l’optionchimiothérapique dans le cas le plus sévère ici étudié estconsidérée comme justifiée par les auteurs. La possibilitéd’une caractérisation précoce de la sensibilité d’unetumeur donnée à une CH, qu’elle repose sur une analysede la tumeur elle-même ou sur une méthode morphologique(FDG) pourrait donner encore plus de pertinence à ladémarche proposée ici.

Page 2: Revue de presse des Annales de chirurgie

202 Revue de presse des Annales / Annales de chirurgie 130 (2005) 201–205

Laparoscopic gastric banding: A prospective, randomized study comparing the Lapband and the SAGB : Early results

Suter M, Giusti V, Worreth M, Heraief E, Calmes JM.Ann Surg 2005;241:55–62.

Introduction et but de l’étude : Durant les dix dernièresannées, le cerclage gastrique est devenu une des interven-tions bariatriques les plus courantes, du moins en Europe eten Australie. La perte de poids peut être importante maisn’est suffisante chez un nombre significatif de patients, etpeut être suivie de complications à long terme. Les auteursont émis l’hypothèse que le type d’anneau peut être impor-tant, pour cela, l’étude a évalué les résultats de deux typesd’anneaux (le Lapband de Bioenterics et le SAGB d’Obtech)en termes de perte de poids, amélioration des comorbidités,complications, et amélioration de la qualité de vie despatients obèses.

Méthodes : Cent quatre-vingts patients obèses étaientinclus dans cette étude randomisées. Toutes les interven-tions ont été réalisées par le même chirurgien. Le critère dejugement principal était la perte de poids et les critèressecondaires étaient la correction des comorbidités, les com-plications à court et long terme, le degré de restrictionalimentaire, et l’amélioration de la qualité de vie.

Résultats : La perte de poids initiale était plus rapidedans le groupe Lapband, mais la perte de poids finale étaitidentique dans les deux groupes. Il y avait une tendancevers plus de complications précoces et plus d’infectiond’anneau avec le SAGB, mais cette étude avait une puis-sance statistique faible concernant cet aspect. L’améliora-tion des comorbidités, les restrictions alimentaires, lescomplications à long terme, et l’amélioration de la qualitéde vie étaient similaires. Seuls 55–60 % des patients ont euune perte d’excès de poids d’au moins 50 % dans les deuxgroupes. Il n’y avait pas de différence pour les complica-tions à long terme.

Conclusion des auteurs : Le cerclage gastrique peutêtre réalisé avec les deux types d’anneaux avec des résul-tats à court et moyen terme satisfaisants en termes de pertede poids et de morbidité. Seuls 50–60 % des patients pré-sentent une perte de poids suffisante et près de 10 % (aumoins) des patients développent des complications sévèresà long terme.

Commentaires de la Rédaction : Cet essai randomisétend à montrer l’équivalence des deux anneaux les plusutilisés en chirurgie bariatrique restrictive. Partant del’hypothèse que si il y a différence entre les deux anneaux,elle le serait pour la morbidité, car on ne voit pas pourquoiles anneaux provoqueraient une perte de poids différente. Ilaurait donc été plus judicieux de considérer comme critèrede jugement principal la morbidité et calculer le nombre depatients nécessaire à partir de là. Donc, étude intéressantemais qui nous laisse sur notre faim quand elle suggère plus

de morbidité à court terme avec le SAGB sans réussir à ledémontrer du fait d’une faiblesse méthodologique.

Laparoscopic versus open subtotal gastrectomy for distal gastric cancer : five-year results of a randomized prospective trial.

Huscher C, Mingoli A, Sgarzini G, Sansonetti A, Di PaolaM, Recher A, et al.Ann Surg 2005;241:232–237.

Introduction et but de l’étude : La place de la chirurgiecœlioscopique dans le traitement du cancer gastrique n’apas été bien définie et des doutes persistent quand aurespect des critères oncologiques atteints en chirurgieouverte. Le but de cette étude était de comparer la faisabi-lité technique et les résultats à court terme et à cinq ans dela gastrectomie subtotale cœlioassistée et de la même inter-vention réalisée par laparotomie pour cancer gastrique.

Méthodes : Cette étude était un essai randomisé ayantinclus 59 patients. Vingt-neuf (49,1 %) ont subi une gas-trectomie subtotale par laparotomie et 30 (50,9 %) ont subila même intervention par laparoscopie. Les critères démo-graphiques, le score ASA, la classification pTNM, le typehistologique de la tumeur, le nombre de ganglionsréséqués, les complications postopératoires, et le taux desurvie globale à cinq ans et la survie sans récidive étaientanalysés dans les deux groupes.

Résultats : Les données préopératoires et les caractéris-tiques de la tumeur étaient similaires dans les deux grou-pes. Le nombre moyen de ganglions réséqués était de 33,4° 17,4 pour la laparotomie et 30,0 ° 14,9 pour la cœliosco-pie (p = NS). La mortalité opératoire était de 6,7 % dans legroupe laparotomie et 3,3 % dans le groupe cœlioscopie(p = NS). Le taux de morbidité était 27,6 % après laparoto-mie et 26,7 % après cœlioscopie (p = NS). Les taux de sur-vie à cinq ans et celui de la survie sans récidive étaientrespectivement de 55,7 et 54,8 % dans le groupe laparoto-mie et 58,9 et 57,3 % dans le groupe cœlioscopie (p = NS).

Conclusions des auteurs : La gastrectomie subtotalepar cœlioscopie est une intervention faisable et sûre avecdes résultats à court et à long terme identiques à ceux de lamême intervention réalisée par laparotomie. Les avantagessupplémentaires de la cœlioscopie étaient la réduction despertes sanguines, le délai plus court de reprise de l’alimen-tation, et sortie de l’hôpital.

Commentaires de la Rédaction : Tout ce que prouve cetessai est que la gastrectomie subtotale par cœlioscopie estfaisable sans augmentation de la mortalité et la morbiditépostopératoires. La similitude des résultats dans cet essai nesignifie l’équivalence car l’effectif de l’étude est faible. Maisle seul message concernant la faisabilité est déjà suffisant.

Page 3: Revue de presse des Annales de chirurgie

Revue de presse des Annales / Annales de chirurgie 130 (2005) 201–205 203

The impact of obesity on technical feasability and postoperative outcomes of laparoscopic left colectomy.

Leroy J, Ananian P, Rubino F, Claudon B, Mutter D,Marescaux J.Ann Surg 2005;241:69–76.

But de l'étude : L'obésité est généralement associée à unrisque opératoire augmenté. Les données concernant lessuites après colectomies laparoscopiques chez l'obèse et lenon obèse sont limitées et les résultats sont controversés. Lebut de ce travail a été de comparer les problèmes techniqueset les suites opératoires après colectomie gauche laparosco-pique chez le sujet obèse et non obèse.

Méthodes : L'ensemble des patients ayant une colectomiegauche laparoscopique quelqu'en soit l'indication entre jan-vier 2001 et janvier 2003 a été analysé. Les patients avec unBMI < 30 kg/m2 ont été considérés comme non obèses. Lesdonnées collectées incluaient l'âge, le sexe, le BMI, le scoreASA, le diagnostic, les aspects techniques de l'intervention,la durée opératoire, la conversion, l'examen anatomopatho-logique, la durée d'hospitalisation, et les complications pos-topératoires durant les 30 premiers jours.

Résultats : Un total de 123 patients ont eu une colectomiegauche laparoscopique à froid durant les deux années d'étude.Douze patients ont été exclus de l'analyse du fait de donnéesmanquantes pour le calcul du BMI. Parmi les 111 patientsanalysés, 23 (20,7 %) étaient obèses et 88 patients (79,3 %)étaient non obèses. Les caractéristiques cliniques préopéra-toires des patients étaient similaires entre obèses et non obè-ses excepté pour la valeur du BMI (p < 0,001). Il n'y avaitpas de différence significative entre les deux groupes con-cernant les caractéristiques peropératoires, la durée de l'in-tervention, les marges de résection, le nombre de ganglionsprélevés, de même que pour la morbidité postopératoire glo-bale. Il n'y avait pas de conversion en laparotomie chez lesobèses, alors que cinq interventions chez les non obèsesétaient converties en laparotomie (p = NS). Les patients obè-ses avaient une durée d'hospitalisation plus courte que lesnon obèses (7 ± 2,5 vs 9,5 ± 7 jours ; p = 0,018).

Conclusions des auteurs : Par rapport aux séries anté-rieurement rapportées de colectomies laparoscopiques, lesrésultats montrent que l'obésité n'influence pas négativementle déroulement technique de l'intervention ni les suitesopératoires après colectomie gauche. Cette étude suggère lafiabilité de la laparoscopie pour la chirurgie colorectale chezl'obèse.

Commentaires de la Rédaction : L'obésité a toujours eumauvaise réputation en chirurgie digestive, et tout particu-lièrement en chirurgie colorectale, et ce du fait principale-ment des difficultés techniques rencontrées lors del'intervention. La laparoscopie a dans ce cas l'énorme avan-tage de « gommer » probablement la gêne rencontrée parl'épaisseur de la paroi abdominale. Néanmoins, l'épaisseurdes mésos, les problèmes de repérage (uretère, nerfs, etc.)persistent au moins en partie lors de la laparoscopie. C'estla raison pour laquelle plusieurs études ont montrés que le

taux de conversion, et parfois la morbidité sont augmentéschez le sujet obèse. L'étude présentée ici suggère le contraire.Bien sûr l'effectif relativement faible de sujets obèses (23cas) ne permet pas de tirer des conclusions définitives. Ellepermet néanmoins de confirmer l'impression cliniquequ'aujourd'hui, entre des mains expérimentées, l'obésitén'est pas en soi (bien au contraire) une contre-indication àl'abord laparoscopique, en chirurgie colorectale.

Pelvic drainage and other risk factors for leakage after elective anterior resection in rectal cancer patients: a prospective study in 978 patients.

Yeh CY, Changchien CR, Wang JY, Chen JS, Chen HH,Chiang JM, Tang R.Ann Surg 2005; 241:9–13.

But de l'étude : La fistule anastomotique après résectionantérieure du rectum pour cancer entraîne une morbidité et unemortalité postopératoire significative L'influence du drainagepelvien dans la prévention des fistules anastomotiques est con-troversée. Le but de cette étude a été d'évaluer si le drainagepelvien prophylactique et d'autres facteurs pouvaient être asso-ciées avec un risque de fistule anastomotique après résectionantérieure du rectum élective pour cancer.

Méthodes : Nous avons étudiés 978 patients consécutifsayant eu une résection antérieure pour cancer du rectumentre février 1995 et décembre 1998 dans une seule institu-tion. L'utilisation et le choix du type de drainage étaient lais-sés au choix du chirurgien. Les données étaient collectées demanière prospective durant l'hospitalisation. Vingt-cinqvariables concernant la tumeur, le patient, et le traitementont été analysés pour le risque de fistule anastomotiqueclinique. Une analyse par régression logistique binaire a étéréalisée pour rechercher des facteurs de risque indépendants.

Résultats : Le taux de fistule anastomotique clinique étaitde 2,8 %. Les facteurs de risque indépendants de fistuleanastomotique étaient :

l'utilisation d'un système de drainage-aspiration (OR9,13 ; IC95 % : 1,16–71,76) ;la transfusion sanguine ;la mauvaise préparation colique (OR 2,58 ; IC95 % :1,10–5,88) ;un niveau d'anastomose à 5 cm ou moins de la margeanale (OR 2,38 ; IC95 % : 1,03–5,46).

Conclusions des auteurs : L'utilisation en routine d'undrainage pelvien n'est pas justifié et doit être découragée.Dans le cas où un drainage pelvien est nécessaire (difficultésopératoires, prévention d'un hématome pelvien), un drainagepelvien autre qu'un système d'irrigation-drainage doit êtreutilisée.

Commentaires de la Rédaction : Voilà (encore) unpapier dont la lecture un peu trop rapide risquera d'en tirerdes messages probablement faux. Ainsi, la conclusion des

Page 4: Revue de presse des Annales de chirurgie

204 Revue de presse des Annales / Annales de chirurgie 130 (2005) 201–205

auteurs semble sans appel : tout d'abord il ne faut pas drai-ner le pelvis, et deuxièmement il faut faire une préparationcolique préopératoire ! L'analyse plus précise de l'étudemontre qu'en fait, le risque de fistule n'est augmentée signi-ficativement qu'en cas de drainage associée à une irrigation(et non pas par un drainage passif). Malheureusement, lesauteurs n'ont pas évalués le simple drainage actif (par re-dons par exemple) sans irrigation. De même pour la prépa-ration colique, ce n'est pas l'absence de préparation quiaugmente le risque de fistule, mais plutôt la constatation pe-ropératoire d'un côlon mal préparé, ce qui n'est pas du toutla même chose ! Au total, et ce malgré une casuistiqueimpressionnante (près de 1000 rectums opérés en moins de5 ans !), on reste sur sa faim et on attend toujours deuxétudes randomisées en chirurgie du rectum, l'une sur la pré-paration colique et l'autre sur le drainage pelvien actif (sansirrigation).

Mortality in sporadic primary hyperparathyroidism: Nationwide cohort study of multiple parathyroid gland disease.

Nilsson I.L, Wadsten C, Brandt L, Rastad J, Ekbom A.Surgery 2004;136:981–7

Introduction : Le risque de décès dû à une hyperparathy-roïdie primaire (HPTp) est controversé et n'a été vraimentétudié que dans le cadre d'une pathologie due à un adénomeunique. Cette étude étudie la mortalité de la HPTp en rapportavec une pathologie parathyroïdienne multiglandulaire.

Méthode : Nous avons utilisé le registre des décès de lapopulation suédoise pour comparer la mortalité de 3485patients suédois, opérés d'une hyperparathyroïdie entre 1964et 1999, à ceux de la population générale suédoise (standar-disée pour l'âge, le sexe et la période). La cohorte de patientsinclut 36 596 personnes par an.

Résultats : L'augmentation du risque de décès durant lapremière année postopératoire (mortalité standardisée 1.4 ;95 % CI, 1.37–1.52) a été trouvée à la fois dans les deuxsexes et à tous les intervalles d'âge en dessous de 80 ans.L'augmentation du risque persistait plus de 15 ans aprèsl'intervention et était en relation avec une maladie cardiovas-culaire, une complication du diabète, une maladie urogénitaleou une pathologie maligne. L'augmentation du risque dedécès lié à une pathologie cardiovasculaire s'était normali-sée entre 1990 et 1999.

Conclusions des auteurs : HPTp causée par une pathologieparathyroïdienne multiple est associée à un excès de mortalitéqui est similaire entre la HPTp et un adénome parathyroïdienunique. Ces notions renforcent l'idée que les modes modernesde traitement chirurgical de HPTp normalisent le risque dedécès de complications cardiovasculaires et que l'hyperpara-thyroïdie est une cause possible de décès prématuré.

Commentaires de la Rédaction : L'augmentation de lamortalité chez des patients porteurs d'une hyperparathyroï-

die primaire est une notion classique, connue depuis notam-ment les études suédoises des années 1980. Ce risque asurtout été évalué en cas d'adénome parathyroïdien uniquemais moins bien en cas d'hyperparathyroïdie multiglandu-laire. Cette étude confirme que le risque d'augmentation dela mortalité par pathologie cardiovasculaire, par complica-tion du diabète, par atteinte urogénitale ou par une atteintemaligne, est aussi élevé en cas d'hyperparathyroïdie primai-re monoglandulaire que multiglandulaire. Cette étude estdonc un argument de plus en faveur du traitement chirurgi-cal de toute hyperparathyroïdie diagnostiquée, qu'elle soituni- ou multiglandulaire.

Nasojejunal tube placement after total gastrectomy: a multicenter prospective randomized trial.

Doglietto GB, Papa V, Tortorelli AP, Bossola M, Covino M,Pacelli F. Italian Total Gastrectomy Study Group.Arch Surg. 2004;139:1309–1313.

Introduction et buts du travail : Une fistule de l’anasto-mose œsojéjunale sur anse en Y après gastrectomie totale(GT) est une complication rare pouvant conduire à une mor-bidité importante ou au décès. En conséquence, une sondenasojéjunale (SNJ) est fréquemment laissée en fin d’inter-vention. Cependant, à la connaissance des auteurs, aucuneétude n’a comparé la présence à l’absence de SNJ après GT.Le but de cet essai randomisé a été d’évaluer l’intérêt de ladécompression jéjunale par SNJ après GT et anastomoseœsojéjunale sur anse en Y pour cancer de l’estomac.

Patients et méthodes : Deux cent trente-sept patientsayant eu une GT pour cancer de l’estomac ont été randomi-sés pour la mise en en place d’une SNJ (groupe SNJ) ou non(groupe sans SNJ). Les complications postopératoires, lamortalité et les suites de la GT ont été étudiées. Le critèreprincipal était la survenue d’une fistule sur l’anastomoseœsojéjunale.

Résultats : Les taux de fistule anastomotique étaientsimilaires dans les deux groupes (6,9 vs 5,8 % pour lesgroupes SNJ et sans SNJ, respectivement ; p = 0,71), ainsique les taux de complications postopératoires majeures(25,9 vs 21,5 %, respectivement ; p = 0,42) et la mortalitépostopératoire globale (0,9 vs 0,8 %, respectivement ;p = 0,50). Il n’y avait pas de différence entre les deuxgroupes concernant le délai moyen (± déviation standard) dereprise du transit gazeux (4,6 ± 1,3 vs 4,5 ± 1,7 jours,respectivement) ou de reprise de l’alimentation liquide (7,8± 2,6 vs 7,7 ± 1,6 jours), la durée d’hospitalisation postopé-ratoire (13,5 ± 7,3 vs 13,9 ± 10,9 jours), la douleur postopé-ratoire, et la distension abdominale postopératoire.

Conclusions des auteurs : Au cours d’une GT avec anas-tomose œsojéjunale sur anse en Y pour cancer gastrique, lamise en place systématique d’une SNJ est inutile.

Page 5: Revue de presse des Annales de chirurgie

Revue de presse des Annales / Annales de chirurgie 130 (2005) 201–205 205

Commentaires de la Rédaction : Une étude simple, per-tinente, et dont les résultats sont peu contestables !

Diagnostic laparoscopy prior to planned hepatic resection for colorectal metastases.

Grobmyer SR, Fong Y, D'Angelica M, Dematteo RP, Blu-mgart LH, Jarnagin WR.Arch Surg. 2004;139:1326–1330.

But du travail : Définir, avant résection de métastase hé-patique de cancer colorectal (MHCCR), un score de risquepouvant sélectionner les patients bénéficiant d’une laparos-copie diagnostique, et pouvant ainsi limiter le risque de lapa-rotomie exploratrice et permettre aux patients ayant desMHCCR non résécables de rester moins longtemps hospita-lisés et de débuter plus rapidement une chimiothérapie sys-témique.

Patients et méthodes : Les données collectées prospecti-vement de 276 patients qui ont eu une laparoscopie avantune hépatectomie partielle programmée (n = 264) ou avantla mise en place d’une pompe pour chimiothérapie intra-ar-térielle (n = 12) pour MHCCR ont été analysées rétrospecti-vement. La rentabilité de la laparoscopie pour les patientsayant des MHCCR potentiellement résécable a été analyséepar le biais d’un score de risque assignant un point à chacundes éléments négatifs liés à la maladie suivants :

tumeur primitive N+ ;intervalle libre inférieur à 12 mois ;MHCCR multiples ;tumeur > 5 cm ;antigène carcinoembryonnaire sérique > 200 ng/ml.

Le score clinique représentait la somme obtenue pourchaque patient. La durée d’hospitalisation et le délai du dé-but de la chimiothérapie étaient comparés chez les patientsayant des MHCCR non résécables lors de la laparoscopie oulors de la laparotomie.

Résultats : La laparoscopie a évité la réalisation d’unelaparotomie exploratrice (sans résection des MHCCR) chez10 % des patients opérés en vue d’une hépatectomie curative(26 sur 264) et chez 33 % des patients opérés pour mise enplace d’une pompe (4/12). Le score de risque était étroite-ment corrélé à la probabilité de découverte de localisationstumorales non visibles en imagerie et non résécables : 0 ou1, 4 % ; 2 ou 3, 21 % ; et 4 ou 5, 38 %. De même, le pour-centage de patients évitant une laparotomie exploratrice aug-mentait parallèlement au score : 0 ou 1, 0 % ; 2 ou 3, 11 % ;et 4 ou 5, 24 %. L’absence de laparotomie exploratrice étaitassociée à une durée d’hospitalisation plus courte (p < 0,01)et un début plus précoce de la chimiothérapie (p = 0,045).

Conclusions des auteurs : Une laparoscopie diagnosti-que ne doit pas être systématiquement faite chez tous les pa-tients avant résection hépatique pour MHCCR. Lalaparoscopie a un très mauvais rendement chez les patientsayant un score de risque inférieur ou égal à un. Le rendementde la laparoscopie augmente parallèlement au score derisque. Éviter une laparotomie exploratrice avec la laparos-copie diminue la durée d’hospitalisation et permet un débutplus précoce de la chimiothérapie

Commentaires de la Rédaction : L’idée de cette étude estséduisante : parmi les contre-indications à une hépatecto-mie curative pour MHCCR, certaines seraient détectablespar la laparoscopie et il faut donc déterminer le sous-groupede patients tirant le plus de bénéfice de cette dernière. Onapprend que la laparoscopie a découvert le plus souvent deslocalisations extrahépatiques (on suppose qu’elles sontpéritonéales) mais peut méconnaître des adénopathiesmétastatiques du pédicule hépatique. Le score proposé estsimple et donc utilisable. En revanche, l’article ne permetpas d’apprécier la qualité du bilan d’imagerie (pouvant« favoriser », si elle est mauvaise, les performances de lalaparoscopie), ni d’évaluer les limites techniques de la lapa-roscopie chez les patients préalablement opérés de latumeur primitive, ni d’évaluer l’apport de l’écholaparosco-pie qui n’a pas été systématique.