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L ’hôpital du Blanc et les sœurs de la congrégation Jeanne Delanoue : une longue histoire par Sœur Michelle MORIN * Si l’hôpital du Blanc est aujourd’hui ce qu’il est - un hôpital de proximité, moderne, bien classé dans le département et la région -, n’est-ce pas le fruit d’une longue évolution au cours de presque trois cents ans ? En effet, depuis 1713, il a fait l’objet d’une attention particulière des notables, des habitants du Blanc, des membres des conseils d’administration qui ont su prendre les bonnes décisions dans les différents tournants, du personnel médical et soignant qui s’y est dévoué, souvent sans tapage, au jour le jour, tout au long de ces trois siècles, des religieuses de la Providence, filles de Jeanne Delanoue, qui l’ont fait vivre au quotidien. Oui, les Blancois ont de quoi être fiers de leur hôpital ! Ne serait-il pas dommage pour tous qu’il disparaisse du paysage ? Étant sœur de Jeanne Delanoue, j’ai cherché à retrouver cette longue histoire de la petite graine semée par S te Jeanne Delanoue elle-même, en terre berrichonne, devenue cet arbre aux multiples branches qu’est aujourd’hui l’hôpital. J’ai nettement conscience de l’imperfection de ce propos très incomplet, centré surtout sur l’œuvre de près de 200 religieuses qui y ont consacré leur vie au fil des jours. Il pourrait être bon d’étudier aussi les différents conseils d’administration, ou le dévouement des chirurgiens, médecins, personnel soignant. Cela n’enrichirait-il pas cette histoire de l’hôpital du Blanc un peu oubliée au fil du temps… Avis aux amateurs ! Cependant, aussi imparfaite qu’elle soit, cette recherche peut, me semble-t-il, aider les Blancois à apprécier davantage leur hôpital en le défendant malgré tout. Sa fermeture ne serait-elle pas un réel appauvrissement de la vie sociale du Blanc ? Les débuts En 1713, les notables et les ha- bitants se rendi- rent compte qu’un effort devait être entrepris en faveur du bien public… Avec Pierre Louis Duthois, ils achetè- rent donc en 1713 et 1716 un corps de logis dans le faubourg Saint-La- zare, au profit d’un hôpital. A cette même date (1713), l’ar- chiprêtre Joseph-Marie Grasset arriva à la cure de Saint-Génitour. Dès 1724, il fit des démarches pour que des Sœurs de la Providence, ordre nouvellement fondé à Saumur, soient envoyées au Blanc. Il n’est pas impos- sible que les prêtres de Récollets vivant en communauté depuis 1619, en Ville haute, soient intervenus auprès du curé du Blanc pour l’orienter dans sa démarche. En effet il y avait aussi à Saumur un couvent desRé- collets au courant de l’œuvre novatrice de Jeanne. Les archives, elles, précisent que « c’est à la demande des ecclésiastiques du Blanc » qu’il fut dé- cidé de mettre deux sœurs en cette ville. Toujours est-il que c’est en 1728 que S te Jeanne De- lanoue en personne accompagna deux de ses filles à l’hô- pital du Blanc, au faubourg Saint-La- zare « pour soigner les malades, les pauvres infirmes, faire des travaux manuels et y donner quelques leçons ». Dès le départ, les sœurs avaient donc pour rôle de soigner, d’enseigner et d’éduquer. A vrai dire, on ne connaît pas le nom des deux premières sœurs ni de celles qui leur ont succédé de 1728 à 1789, les archives ayant souffert de l’outrage des ans. Mais la règle (une nouveauté à l’époque !) signifiait que les sœurs envoyées dans les paroisses « devaient toujours se regarder comme membres de la maison de la Providence, obligées en cette qualité de porter l’habit (gris-bleu) et d’en suivre les règles autant qu’il se pourrait faire. Elles seraient soumises L’hôpital et ses jardins vers 1900 (Au premier plan, l’abattoir, à l’emplacement de l’actuelle école de soins infirmiers...) Revue des Amis du Blanc et de sa région 19 « Au fil du temps... » * Religieuse de la communauté Jeanne Delanoue du Blanc.

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Page 1: Revue 2010 les soeurs à l'hôpital

L’hôpital du Blanc et les sœurs de la congrégation Jeanne Delanoue : une longue histoire

par Sœur Michelle MORIN *

Si l’hôpital du Blanc est aujourd’hui ce qu’il est - un hôpital de proximité, moderne, bien classé dans le département et la région -, n’est-ce pas le fruit d’une longue évolution au cours de presque trois cents ans ?

En effet, depuis 1713, il a fait l’objet d’une attention particulière des notables, des habitants du Blanc, des membres des conseils d’administration qui ont su prendre les bonnes décisions dans les différents tournants, du personnel médical et soignant qui s’y est dévoué, souvent sans tapage, au jour le jour, tout au long de ces trois siècles, des religieuses de la Providence, filles de Jeanne Delanoue, qui l’ont fait vivre au quotidien.

Oui, les Blancois ont de quoi être fiers de leur hôpital ! Ne serait-il pas dommage pour tous qu’il disparaisse du paysage ?

Étant sœur de Jeanne Delanoue, j’ai cherché à retrouver cette longue histoire de la petite graine semée par Ste Jeanne Delanoue elle-même, en terre berrichonne, devenue cet arbre aux multiples branches qu’est aujourd’hui l’hôpital. J’ai nettement conscience de l’imperfection de ce propos très incomplet, centré surtout sur l’œuvre de près de 200 religieuses qui y ont consacré leur vie au fil des jours.

Il pourrait être bon d’étudier aussi les différents conseils d’administration, ou le dévouement des chirurgiens, médecins, personnel soignant. Cela n’enrichirait-il pas cette histoire de l’hôpital du Blanc un peu oubliée au fil du temps… Avis aux amateurs !

Cependant, aussi imparfaite qu’elle soit, cette recherche peut, me semble-t-il, aider les Blancois à apprécier davantage leur hôpital en le défendant malgré tout. Sa fermeture ne serait-elle pas un réel appauvrissement de la vie sociale du Blanc ?

Les débuts

En 1713, les notables et les ha-bitants se rendi-rent compte qu’un effort devait être entrepris en faveur du bien public… Avec Pierre Louis Duthois, ils achetè-rent donc en 1713 et 1716 un corps de logis dans le faubourg Saint-La-zare, au profit d’un hôpital.

A cette même date (1713), l’ar-chiprêtre Joseph-Marie Grasset arriva à la cure de Saint-Génitour. Dès 1724, il fit des démarches pour que des Sœurs de la Providence, ordre nouvellement fondé à Saumur, soient envoyées au Blanc. Il n’est pas impos-sible que les prêtres de Récollets vivant en communauté depuis 1619, en Ville haute, soient intervenus auprès du curé du Blanc pour l’orienter dans sa démarche.

En effet il y avait aussi à Saumur un couvent desRé-collets au courant de l’œuvre novatrice de Jeanne. Les archives, elles, précisent que « c’est à la demande des

ecclésiastiques du Blanc » qu’il fut dé-cidé de mettre deux sœurs en cette ville.

Toujours est-il que c’est en 1728 que Ste Jeanne De-lanoue en personne accompagna deux de ses filles à l’hô-pital du Blanc, au faubourg Saint-La-zare « pour soigner les malades, les pauvres infirmes, faire des travaux manuels et y donner quelques leçons ». Dès le départ, les

sœurs avaient donc pour rôle de soigner, d’enseigner et d’éduquer.

A vrai dire, on ne connaît pas le nom des deux premières sœurs ni de celles qui leur ont succédé de 1728 à 1789, les archives ayant souffert de l’outrage des ans. Mais la règle (une nouveauté à l’époque !) signifiait que les sœurs envoyées dans les paroisses « devaient toujours se regarder comme membres de la maison de la Providence, obligées en cette qualité de porter l’habit (gris-bleu) et d’en suivre les règles autant qu’il se pourrait faire. Elles seraient soumises

L’hôpital et ses jardins vers 1900 (Au premier plan, l’abattoir, à l’emplacement de l’actuelle école de soins infirmiers...)

Revue des Amis du Blanc et de sa région 19 « Au fil du temps... »

* Religieuse de la communauté Jeanne Delanoue du Blanc.

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à la supérieure qui pourrait les rappeler quand elle le jugerait à propos et qui les rappellerait toujours lorsque l’âge et les infirmités les rendraient incapables d’exercer leur emploi » (1).

En 1728, l’hôpital avait six lits. Les sœurs y soignaient les malades et les pauvres infirmes. Les médecins et chirurgiens s’engageaient à donner gratuitement les soins aux pauvres, tandis qu’on leur fournissait drogues et médicaments.

Déjà dès 1741, des bâtiments avaient été agrandis et, à la veille de la Révolution, l’hôpital comptait huit lits. Il y avait un couloir d’entrée sur la rue, à main gauche, deux chambres basses, un petit cabinet formant cuisine et le logement des sœurs.

En 1787, quand la ville du Blanc organisa l’instruc-tion de la jeunesse, cela se fit donc dans le vestibule de l’hôtel-dieu que l’on sépara en deux salles, l’une pour les garçons et l’autre pour les filles, sous la surveillance des sœurs, plus à l’aise pour y donner les leçons.

Ainsi, l’hôpital traversa sans trop de difficultés la plus grande partie du XVIIIe siècle grâce à de nombreuses libéralités.

Cour de l’hôpital vers 1910

La Révolution et la décrépitude

La Révolution devait être funeste à l’hôpital en diminuant ses revenus.

Depuis 1728, deux sœurs avaient toujours été présentes au Blanc. En 1789, c’était :

- Marguerite Gasnault admise dans la Congrégation le 7 mai 1765,- Gabrielle Venon qui venait de prononcer ses vœux le 15 mai 1788.

Du fait des événements, elles n’avaient rien reçu de la municipalité depuis longtemps ; le 7 août 1793, elles réclamèrent leurs gages. C’est ainsi que le 23 nivôse (13 janvier), le conseil général eut l’occasion de s’occuper des religieuses qui, pour rester près de leurs malades, s’étaient probablement sécularisées. On ne les molesta pas autrement qu’en leur imposant le serment

1) J.A. Macé (aumônier), Vie de Jeanne de La Noue, fonda-trice de la Providence de Saumur, Saumur, 1845, p. 271.

d’égalité et de liberté, lequel ne pouvait embarrasser leur conscience. Elles comparurent donc devant la municipalité et là, en vertu de la loi du 9 nivôse, elles furent contraintes, sous peine d’être congédiées, de jurer « d’obéir à la nation et à la loi, de maintenir l’égalité et la liberté, de les défendre même au péril de leur vie ».

Ce serment est enregistré et signé des deux religieu-ses, ainsi que du maire et des officiers municipaux.

Pendant toute la durée de la Révolution, l’hôpital conserva ses sœurs. Marguerite Gasnault mourut le 4 frimaire an X (1802), septuagénaire, Gabrielle Venon resta seule à son poste et fut souvent réduite aux fonctions de concierge. A la réouverture, elle devint économe et mourut le 29 novembre 1823.

De 1789 à 1791, l’hôpital fut occupé par des Hollandais, puis par des prisonniers étrangers. Mais l’établissement devint quasi-inexistant, ses revenus ayant presque totalement disparu (2).

Vers l’an V de la République (1797), l’hôpital périclita encore. Le registre des entrées est même interrompu. En 1816, le maire écrira « que depuis plus de vingt ans, il n’a pu recevoir de malades sauf en cas d’extrême urgence »... ce qui s’explique car avant la Révolution, l’hôpital jouissait de 1600 à 1700 livres de revenus, mais, pendant la tourmente révolutionnaire, les capitaux ayant été convertis en assignats, le revenu se trouva réduit à 200 livres.

Il semble que la population soit restée indifférente à cette situation.

Pourtant dès l’an VIII (1800), on avisa au moyen de rétablir l’institution. 1200 F auraient suffi pour l’entretenir. Une commission proposa de frapper d’une taxe tous les cabaretiers, bouchers et tanneurs la fixant à 1 F par poinçon de vin (11-12-14 fructidor), mais cela n’alla pas plus loin …

Le 22 germinal an IX (1801), la commune cherchait alors un presbytère. Considérant que la maison de l’hos-pice ancien de cette ville était depuis longtemps inoccu-pée, on offrit au curé une partie de l’immeuble en réser-vant quelques chambres pour retirer les effets mobiliers et pouvoir y mettre quelques malades, le cas échéant !

En 1810, le maire Souvigny estimait que l’hôpital ne pourrait se relever que grâce à une dotation du gouver-nement, ou par la création d’un octroi, et comme la ville détestait les octrois, en porte-parole de ses administrés, il conclut qu’un hospice est inutile au Blanc : « L’expérien-ce a démontré que l’hospice n’était ni dans les goûts, ni selon les mœurs des habitants de cette commune, pour lesquels seuls il était fondé, puisqu’il avait sans cesse augmenté ses capitaux en accumulant ses revenus, que presqu’aucuns malades ne voulaient y consommer » (3).

2) Cf. Ferdinand Chertier, Le Blanc sous la Révolution.3) Pierre Voisin, "L’Hôtel-Dieu - ses difficultés et son dévelop-pement", Voix du Centre, série de cinq articles, 1937.

Les sœurs de l’hôpital

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Un nouveau départ (1811-1830)

La première mesure qui devait contribuer au relèvement de l’hôpital fut, sans contredit, le décret du 19 janvier 1811, relatif aux enfants trouvés, abandonnés ou orphelins pauvres. Le décret instituait un hospice d’enfants trouvés par arrondissement et ordonnait l’installation d’un "tour" (4) où l’on pouvait déposer anonymement ces enfants. A partir du 1er janvier 1812, l’hôpital du Blanc devait en outre pouvoir recevoir les enfants naturels.

Comme les revenus ne s’élevaient qu’à 300 F environ, on envisagea de prélever une allocation sur l’octroi. La ville s’opposa d’abord à cet octroi, mais faute de ressources, elle se rendit à la raison. En 1812, c’était chose faite. L’octroi était la deuxième étape vers une "recréation" de l’hôpital.

A cette époque, on caressa au Blanc l’idée d’un hô-pital général d’arrondissement pour les étrangers et les militaires. La commune y voyait des moyens pour ne pas supporter seule les frais d’entretien de l’établissement. Ce projet ne put être mis à exécution (5).

Deux sœurs encapuchonnées (de dos) sur la place du Marché (actuelle place de la Libération), vers 1900

Le roi Louis XVIII eut le dernier mot en signant le 14 décembre 1815 aux Tuileries l’ordonnance rétablissant l’hôpital du Blanc avec :

-1a fondation de 12 lits pour les malades et indigents,- l’installation d’un local des malades,- l’installation d’un local pour les "enfants trouvés", - le prélèvement de 2000 F sur les produits d’octroi.

4) Tour : coffre cylindrique tournant sur son axe, encastré dans le mur situé près de la porte des hôpitaux.5) Cf. Pierre Voisin, op. cit.

La décision royale n’eut pas l’effet d’une baguette magique. Cependant, en 1817, une sœur fut envoyée au Blanc pour « ouvrir un asile pour les petits enfants ». Elle ne resta pas longtemps. A la mort de Gabrielle Venon (1823), personne ne la remplaça. Le maire du Blanc, Collin de Souvigny, envoya lettre sur lettre à la supérieure de la Providence pour lui demander l’envoi d’une sœur ; il n’en voulait qu’une, malgré le règlement qui en imposait deux à la fois. On fut même obligé de confier le service à une laïque « intelligente et humaine ».

Enfin le 25 juillet 1828, deux sœurs étaient annoncées : sr St Louis eut la charge de supérieure. On offrait 100 f par an à chacune et on leur promettait des élèves pour l’enseignement de la lecture et du catéchisme. Comme par le passé ! L’hôpital jouissait alors de 700 f de rentes.

En 1830, un traité définitif s’établit entre l’Ordre de la Providence et la Commission administrative après approbation du ministre de l’Intérieur.

L’établissement redevenait viable, il pouvait prendre son essor !

Sr Marie-Thérèse, depuis 26 ans au Blanc, pendant l’exposition de 2009. Les vitraux et la statue de sainte Anne proviennent de la chapelle de l’hôpital, le tableau des bienfaiteurs se trouvait dans le hall d’entrée

La chapelle

Mère Marie du Calvaire, alors supérieure de l’hospice, désirait une chapelle pour son établissement. Elle saisit une occasion favorable pour en exprimer le vœu à l’administration.

Dès 1831, une délibération administrative considéra indispensable d’établir à l’hospice du Blanc, un oratoire pour le service particulier des résidents. Ce projet fut repris en 1832. « Cette construction était vraiment d’une utilité indispensable, tant pour les besoins de l’hospice que pour l’école des petites filles tenue par les sœurs »...

Mais il fallait financer. Avec l’accord de l’admi-

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Les sœurs de l’hôpital

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nistration et une grande foi en la Providence, Mère Ma-rie du Calvaire fit commencer les travaux avec 6 sous en poche ! Elle les confia à un certain Joseph Morin... Elle quêta et joignant l’obole du pauvre à la plus grosse somme du riche, elle put solder les dépenses de chaque semaine... Ainsi monsieur Appé, curé du Blanc, fit don à l’hospice de la somme de 1200 f pour l’établissement de cet oratoire et s’engagea à faire face aux travaux supplémentaires, à pourvoir aux frais de décora-tion intérieure, à tous les objets nécessaires à la célébration du culte, à charge pour l’adminis-tration de l’ora-toire de faire célébrer au-dit oratoire pendant six ans, tous les deuxièmes same-dis du mois, une messe à l’intention du donateur.

Ainsi, Mère Marie du Calvaire réussit à mener son œuvre à bonne fin…

Le bâtiment achevé, il manquait un tabernacle. La supérieure se souvint en avoir vu un dans un vieux grenier, au-dessus de la sacristie, relégué là depuis l’époque de la Grande Révolution. Elle l’emporta pour le faire réparer et nettoyer par madame Lafargue et sa fille. Quelle ne fut pas leur surprise en l’ouvrant pour y passer le plumeau, de voir voltiger des hosties ! la custode était renversée et les hosties répandues. Appelé, monsieur le curé arriva et constata que les Saintes Espèces n’avaient subi aucune altération. Il les remit dans la custode et les emporta à l’église. Mère Marie du Calvaire n’eut donc pas la joie de voir résider le St-Sacrement dans le petit sanctuaire !

En 1909, on fit quelques réparations : les murs furent repiqués et un "gobetage" en ciment fut décidé.

En 1935, la chapelle ayant besoin d’être restaurée, l’économe, après vote des administrateurs, refit la toiture et les ardoises remplacèrent avantageusement les tuiles. En 1938, le travail fut repris et ce fut le ravalement des murs extérieurs. 1939 vit la réfection intérieure : carrelage en mosaïque, peintures, pose d’un lambris, de vitraux dus au maître verrier Luc Tournier 5, rue des Ursulines à Tours. On ajouta un confessionnal neuf, une statue du Sacré Cœur et un frontispice au-dessus du retable. En 1966, elle fut encore restaurée et repeinte grâce à la bienveillance de l’administration.

La chapelle fut rasée au moment des grands travaux pour le renouvellement de l’hôpital vers 1975. Une sal-le cultuelle la remplaça, l’autel y fut d’abord transféré, mais bientôt on prit conscience que cette salle pouvant être au service des différents cultes, il ne pouvait y avoir des éléments privilégiés pour un culte particulier. On ne monta donc pas les vitraux comme cela avait été

initialement prévu et on donna l’autel au Père Robert pour la paroisse de Tour-non-Saint-Pierre.

Quelques points du règlement in-térieur de l’hô-pital

1895 : le curé de la paroisse sera admis à l’hospice aux heures dési-gnées pour l’exerci-ce du culte et sur la demande librement exprimée d’un ago-nisant. Sa liberté de

conscience doit être respectée. En aucun cas, le curé ne doit être mis en possession des clés de l’établissement.

Art. 21 (non daté) : le service des cultes est or-ganisé à l’hôpital de manière à assurer le respect et la liberté de conscience et à permettre l’accomplissement des devoirs religieux.

A cet effet, les ministres des différents cultes doi-vent avoir accès auprès des malades qui, soit au mo-ment de leur entrée, soit pendant leur séjour, réclament leur assistance par l’intermédiaire de l’administration hospitalière. Celle-ci transmet les demandes des mala-des sans délai aux ministres des différents cultes.

Les prières publiques dans les salles sont formellement interdites (6).

Les différents agrandissements au XIXe siècle

Si l’activité éducative était intense au sein de l’établissement, elle n’était pas seule. L’hospice devint vite insuffisant, il fallut l’agrandir, le surélever...

Ce fut d’abord l’affaire d’une douzaine de mille francs. Le conseil municipal reconnut la nécessité d’une subvention de 8000 F. Un moment, il pensa même à la construction d’un édifice sur un autre terrain, ce qui provoqua une crise au sein de l’assemblée.

En 1832, ce fut la construction de la chapelle sur l’insistance de Mère Marie du Calvaire.

Le 18 février 1838 eut lieu l’adjudication de travaux. 6) Archives de la Maison Mère.

Église de Tournon-Saint-Pierre : l’ancien autel de la chapelle de l’hôpital (photo Francis Calvet)

Les sœurs de l’hôpital

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L’année suivante un traité de gré à gré fut passé avec Gué-rinet et Saintier pour un bâtiment destiné aux aliénés.

L’établissement fut entièrement reconstruit de 1838 à 1840, date où fut faite la réception des travaux (20 février).

Le jardin fut agrandi en 1844. Il y eut aussi la création d’une nouvelle salle d’asile, l’acquisition de l’ancienne auberge de la Promenade aux Maillet. Enfin, en 1875, on acheta la maison Brunet attenante pour 8500 f dans le but de créer un hôpital militaire.

Ce n’est qu’avec l’apparition de la caserne que le projet fut remis à l’étude. En effet, un sixième de la population du Blanc était alors composé de soldats et cela occasionnait des problèmes de santé comme le signale Michel Germain : « Les militaires, pour la plupart célibataires, fréquentaient les cabarets et les maisons de prostitution. Les médecins constatèrent que beaucoup de militaires en traitement à l’hospice, étaient atteints de maladies syphilitiques » (7).

La commission administrative de l’hospice ap-prouve donc le 20 octobre 1874 la construction mili-taire dans l’enclos de l’établissement. Le 13 août 1875, le maire expose au Conseil municipal, l’urgence de construire un local pour accueillir ces malades ainsi que

7) Michel Germain, La garnison blancoise, Éditions Art & T, 2004.

les filles porteuses de cette affection.Le 10 mai 1878, le maire réceptionnait les bâtiments

de l’hôpital militaire. Les dépenses s’élevaient à 63 386, 18 f, conformément au devis du 17 septembre 1875 avec un supplément de 18 828, 18 f soit en tout : 82 214, 36 f.

L’hôpital prenait une nouvelle allure et il ne fut plus possible de distinguer les bâtiments originels.

En 1878, l’hôpital se composait ainsi : A la droite du bâtiment :

- une salle pour les femmes,- une salle pour les hommes (au-dessus),- des servitudes pour les lessives,- à la suite, des « cabanes pour les fous »,

Du côté gauche :- l’hôpital militaire récemment bâti,

Entre les deux se trouvaient :- 1 parloir,- 1 bureau,- le réfectoire des sœurs,- dans la cour : la chapelle.

A l’extrémité du jardin :- 4 classes communales,- l’asile faisait suite avec sa cour et ses 2 salles,- au-dessus de l’une d’elles fut établi l’ouvroir en 1856 (8).

8) Archives de la Maison Mère.

Plan de l’hôpital après la reconstruction de 1830-1840

Revue des Amis du Blanc et de sa région 23 « Au fil du temps... »

Les sœurs de l’hôpital

Page 6: Revue 2010 les soeurs à l'hôpital

L’hospice des enfants et l’enseignement

Avec le traité de 1830, tous les espoirs étaient permis. Un legs de 20 000 f dû à la bienfaisance de M. Legrand de Châteauroux ajouta un réel souffle d’espérance.

Tout au long de ce XIXe siècle, l’hospice des en-fants et l’enseignement semblent avoir occupé une place essentielle dans l’établissement hospitalier du Blanc.

De 1830 à 1882, on relève 42 sœurs enseignantes, 14 aux soins des malades !... et une dizaine de sœurs pour les services généraux.

En 1829, Mère St Jean de la Croix fit d’abord la classe aux enfants pauvres et bientôt les deux religieuses virent avec satisfaction se presser les petites filles à instruire… Il y en eut 80 en 1832, ce qui motiva l’appel d’une troisième sœur en 1833, puis d’une quatrième en 1842.... Le chiffre s’éleva à plus de 200 en 1848 et à 120 élèves pour une seule classe en 1857 !

Les classes se multiplièrent : un asile (= classe maternelle) et 4 classes élémentaires. De plus en 1856, sr Ste Hyacinthe inaugura un "ouvroir" de chemiserie pour hommes dans le but de procurer du travail rétribué aux jeunes filles et adolescentes. Il rendit de grands services à la population ouvrière lors du fonctionnement de la filature. Le directeur Giberton accorda même une subvention de 150 f aux sœurs.

L’enseignement dispensé était en partie gratuit, mais 0,75 f était demandé aux élèves qui pouvaient payer.

En 1864, les 26 et 27 octobre, il y eut à Saint-Génitour la bénédiction de trois autels par les évêques de Bourges, de Limoges et d’Angoulême. A cette occasion, note Constan-tin Gaudon dans l’Histoire du Blanc, « il y eut de grandes festivités et processions, les jeunes filles élevées à l’hôpital se faisaient remarquer par leurs costumes blancs et leurs petites bannières blanches et roses » (9).

C’est en 1882, à la fin de l’année scolaire, que Mère St Macaire (alors supérieure de l’établissement) reçut notification de la laïcisation des classes qui durent être transférées à l’extérieur.

Les soins aux maladesL’enseignement semble prioritaire à cette époque,

mais il y avait aussi le service des malades.En 1815, le rétablissement de l’hôpital du Blanc

stipule une fondation de 12 lits et l’installation d’un local des malades. A cela s’ajoute en 1849, une chambre des fous, dans la cour, et en 1851, deux chambres pour les incurables et un dortoir pour les femmes...

Parmi les premières sœurs soignantes on note : - Sœur Ste Scolastique. Elle fut employée dans le service hospitalier. S’il y avait quelques malades répugnantes ou contagieuses, sr Ste Scolastique était toujours prête même en dehors de son service,

9) Constantin Gaudon, Histoire du Blanc, 1868, p. 128.

- Sœur Ste Geneviève : elle se distingua lors d’une épidémie de choléra.- Sœur Marie St Vincent : son service était très bien tenu avec une propreté impeccable.

On relève ainsi 14 sœurs au service des malades avant 1882.

Les sœurs surent se faire aussi apprécier au service des militaires : - Sœur Ste Dosithée fut envoyée à leur service dès 1873. Elle était pleine d’attentions. Elle mourut le 8 novembre 1885 dans sa 72e année et sa 46e de religion. Sa sépulture eut lieu au Blanc et une foule immense y assista,- Sœur St Sébastien de 1886 à 1887,- Sœur Marie Florentine en 1895,- Sœur Marie Clémentine de 1895 à 1900,- Sœur Ste Luce. Le 17 septembre 1900, elle revenait au Blanc pour y prendre à l’hôpital le service des militaires. Son bon esprit, sa bonté, son dévouement la feront bientôt aimer de toutes ses sœurs et de ses chers malades comme elle les appelait. Le jour de Noël 1901, elle sentit des frissons et fut prise d’une fièvre qui, dès le début, lui enleva toutes ses forces. Les médecins finirent par reconnaître des accès de typhoïde et dirent qu’il y avait peu d’espoir de sauver la bonne sœur. Le 5 janvier 1901, elle expira doucement. Elle était dans sa 34e année et sa 11e de religion. Toute la garnison s’associa au deuil des religieuses et les soldats, par l’intermédiaire de leurs chefs, offrirent des couronnes à l’humble sœur qui les soignait avec la tendresse et le dévouement d’une mère. La garnison tout entière avec ses chefs ; colonel et commandant en tête, assista en tenue à la sépulture. Il était beau et touchant de les voir défiler en faisant respectueusement le salut mi-litaire devant sa tombe. Le major lui-même fit son éloge en ville dans plusieurs maisons. Une feuille locale, se faisant l’écho du public, consacra une de ses colonnes à faire l’éloge du dévouement de la bonne sœur (10).

Sœur Ste Hyacinthe : une personnalité attachante

Elle était originaire de Mazé en Maine-et-Loire. En 1832, âgée de 22 ans, elle est envoyée au Blanc comme supérieure de la Communauté avec la responsabilité de l’Hospice. En ce temps-là, on ne voyageait pas facilement, les diligences étaient rares et la plus grande partie du parcours devait s’effectuer à cheval. Le brave homme qui avait été choisi pour l’accompagner n’était pas fort expérimenté. Il prit un chemin de traverse et s’égara. A 10 h du soir, sr Ste Hyacinthe et son guide erraient à l’aventure dans un bois qu’il fallait absolument traverser. L’orage grondait, la pluie tombait, seuls les éclairs éclairaient le sentier. Le cheval était effrayé et la sœur se mourait de peur sans oser descendre de la monture que le pauvre conducteur tenait par la bride en s’efforçant de l’amadouer pour la faire avancer. 10) Archives de la Maison Mère.

Les sœurs de l’hôpital

« Au fil du temps... » 24 Revue des Amis du Blanc et de sa région

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Enfin la sœur aperçut une petite lumière, ils en prirent la direction. C’était bien l’hôtellerie où ils devaient passer la nuit. Ils arrivèrent épuisés de faim, de fatigue et trempés par la pluie. L’hôtelier les reçut avec bonté ; il conduisit la bonne sœur dans une chambre et alluma le feu et quand elle fut restaurée et couchée, on vint chercher ses vêtements pour les faire sécher.

Le voyage se termina bien, mais la jeune sœur fut accueillie assez froidement par l’administration. Quand on la vit à l’œuvre, on lui fit confiance. « Son port noble, plein de dignité, les traits réguliers de son visage, qui reflétait une vive intelligence, une bonté exquise, attiraient l’attention et suscitaient des réflexions imprudentes. Alors elle s’entoura de précautions, elle ne sortit jamais seule sans être revêtue de sa cape, tenant toujours ses yeux modestement baissés ! » Elle quitta Le Blanc en 1837, fut supérieure générale de 1838 à 1850. Elle y revint de 1854 à 1873, comme supérieure. Elle fonda l’ouvroir en 1856 en confiant la direction à sr St Léon, ouvroir de chemiserie dans le but de procurer du travail rétribué aux jeunes filles adolescentes.

1955 : sr Thomas de Jésus (aux contagieux), sr Angèle de St Dominique (lingerie), mère Marie Edouard, sr Ste Charité (cuisine). Au premier plan, sr Yvonne (à la médecine) et

sr Ste Lucienne (aux soins des opérés)

Un Noël inattendu

En Berry, à cette époque, à l’occasion de Noël, on mettait sur le lit des enfants, un noëlet, sorte de gâteau dont la forme ressemblait plus ou moins à un enfant !

Ce Noël-là, les jeunes filles du Blanc voulurent faire une surprise à Mère Ste Hyacinthe qui aimait beaucoup les enfants et l’idée leur vint d’habiller un noëlet à la sortie de la messe de minuit. Ainsi les sœurs auraient, elles aussi, leur noëlet.

Elles le déposèrent dans le tour et sonnèrent vigoureusement avant de partir en courant. Les sœurs allaient se mettre à table. Surprise, car cela arrivait

rarement, Mère Ste Hyacinthe dit : « C’est un Jésus que le Bon Dieu nous envoie, qu’il soit le bienvenu, l’heure ne pouvait être mieux choisie ! » Et elle s’empressa d’aller au tour. « Mais qu’est-ce que cela ? Ce n’est pas un enfant, c’est un monstre ! » Elle n’osait le toucher… Les sœurs accoururent et regardant de plus près, on reconnut que le monstre était inoffensif. Le lendemain, jeunes filles et sœurs partagèrent dans la joie le fameux noëlet !

Mère St Macaire (1835-1901) : une femme forte

Quand elle fut envoyée au Blanc en 1875, Mère St Macaire resta stupéfaite d’être placée à la tête de cet établissement, alors un des plus considérables de la Congrégation. Elle s’y soumit religieusement. A son arrivée, elle fut accueillie avec bienveillance par l’administration et avec cordialité par ses sœurs.

Elle fit de son mieux et ce mieux fut bien. En vraie fille de Jeanne Delanoue, elle n’aurait pas changé un iota à la règle pratiquant la Sainte Pauvreté et le détachement. Elle avait un grand dévouement et était toujours la première à la peine. La réputation du prochain était à l’abri quand elle était présente à une conversation.

Il y avait sept ans que Mère St Macaire était au Blanc, tout allait pour le mieux, lorsque à la fin de 1882, elle reçut notification de la laïcisation des classes qu’elle aimait tant. C’était le premier coup porté au démembrement de sa maison fondée par Jeanne Delanoue elle-même. Ce fut un moment terrible, il fallait agir…

Elle se met en campagne afin de trouver un asile et des ressources pour la création d’une école libre... Monsieur le baron de Villeneuve prend la tête d’une souscription. Tous les deux cherchent un local conve-nable pour quatre classes… Ils réussissent : l’école pri-maire s’installera chez madame Hérault de la Véronne en attendant la construction des classes rue de Ruffec en 1883. Six mois plus tard, l’ouvroir est aussi prié de quitter l’établissement et peu après l’asile lui-même…

Le cœur de Mère St Macaire saignait, mais des cœurs charitables se dilatèrent. Un nouveau terrain est acheté pour l’Asile (= maternelle) rue Faye et les constructions destinées aux classes s’augmentent pour y recevoir l’ouvroir. Il ne restait plus à Mère St Ma-caire que la direction de son cher petit hôpital. Mais hélas ! elle n’était pas au bout de ses épreuves. Satan se trouva des adeptes parmi les nouveaux membres de la Commission hospitalière ; il en résulta une déplorable scission. On parla même de laisser l’hôpital. Mère St Macaire, qui les gênait dans leurs projets infernaux, se vit en butte aux contradictions de toutes sortes, mais ne perdit pas courage. « Dieu m’a toujours secouru à temps » disait-elle. Elle tint tête à l’ennemi, combattit,

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Les sœurs de l’hôpital

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souffrit en silence et pria pour ses persécuteurs…Les années s’écoulaient, elle demeurait ferme à

son poste, forçant les méchants eux-mêmes à admirer et à louer son courage, sa vertu, sa grandeur d’âme.

Au début de l’année 1900, Mère St Macaire ressentit les premières attaques du mal qui devait la conduire au tombeau. Elle continua d’abord à travailler, mais bientôt une opération fut jugée nécessaire. Dès qu’elle fut remise, elle revint au Blanc et se remit à l’œuvre avec une nouvelle ardeur. Mais hélas le mal n’était pas complètement détruit… elle s’affaiblissait de plus en plus, le mal gagnait …

Le 15 septembre, elle quittait cet hôpital où elle avait tant souffert. Elle avait offert à Dieu le sacrifice de sa vie pour qu’il conservât à sa chère Communauté cet établissement qui remontait à la vénérable Mère Delanoue. Elle mourut le 7 octobre 1901 dans sa 67e année et 45e de religion.

Dès que la nouvelle de sa mort fut connue au Blanc, les pauvres, les riches, les bons, les méchants eux-mêmes trouvaient quelque chose à dire à sa louange. Monsieur le Maire se fit l’écho de la population : « elle fut le bon génie de l’hospice pendant 26 ans ! (11)» …

J’ai tenu à garder le style de l’époque, celui-ci ne montre-t-il pas clairement la mentalité d’alors.

Le développement de l’hôpital

A partir de 1882, l’enseignement étant installé hors les murs de l’hôpital, celui-ci put se développer pour le plus grand bien des habitants du Blanc. Et cela, d’autant plus qu’en 1881, un legs important de Mangin de Beauvais (ferme de Beauvais et moulin de Chavigny) permit d’apporter de grosses améliorations à l’établissement qui fonctionna alors tout à fait normalement sous le supériorat de Mère St Macaire.

Cependant de 1893 à 1902, il y eut de très vives tensions entre la direction de l’hôpital et la communauté de Ste Anne de la Providence de Saumur. Mère St Macaire pensait alors qu’étant donné le courant anti-religieux de l’époque, tous les prétextes étaient bons pour exacerber la tension avec la communauté. Les administrateurs envisagèrent même de renvoyer les sœurs. Mais Mère Marie St Louis, alors supérieure générale sut résister aux différents assauts de la Commission en lui rappelant adroitement mais fermement les engagements pris en 1830 par un traité définitif…

Tout se calma petit à petit et la vie continua à l’hôpital !

Une épidémie de variole !

L’archiprêtre Guidault, curé du Blanc, décrit dans son journal l’épidémie de variole qui toucha la ville du Blanc.

11) Archives de la Maison Mère.

« 6 mars 1908 - La ville est en ce moment sous l’impression de la panique causée par la variole. Cette épidémie sévit surtout dans le quartier de l’hospice. Toute la rue St-Lazare en est contaminée. Elle a pris naissance des familles de Roulants que l’on reçut par pitié à l’hospice, où trois sur six moururent après avoir fait leurs devoirs religieux. Deux religieuses furent atteintes, puis dans la ville, presque le même jour plusieurs cas se produisirent et aujourd’hui on en compte une quarantaine. Deux personnes ont succombé. On les a enterrées sans passer par l’église et 10 h après leur décès.

Les écoles sont licenciées, les catéchismes suspendus. La municipalité a supprimé la foire importante du 8 mars. La population en masse s’est fait vacciner. Beaucoup de malades sont transportés à l’hospice où ils reçoivent les soins des religieuses dont le dévouement n’a de limites que celles de leurs forces.

25 mars - L’épidémie décroît : jusqu’ici on a compté 15 décès sur 42 cas de maladie. Il n’y a qu’un seul homme qui ait succombé. Il a été enterré 2 h après son décès.

Par décision de la commission d’hygiène, on a pendant trois jours procédé à la désinfection de l’église, de tout le mobilier et des murs à deux mètres de hauteur, ainsi que du pavage. Toutes les chaises et tous les bancs mobiles ont été soumis à la vapeur de formol pendant sept heures. Le maître-autel a été lavé par un pulvérisateur.

Vers le 8 mars, pendant trois jours, les reliques de St Génitour furent exposées et chaque soir on fit des prières pour obtenir la protection du St patron de la paroisse… » (12)

La guerre de 1914-1918

Période bien sombre pour la France entière que cette grande guerre ! …

Le Blanc n’était pas sur le front, mais la ville était devenue une base arrière de soins. Des convois de blessés et de malades s’y succédaient. Il fallut s’organiser.

C’est ainsi que trois hôpitaux fonctionnèrent au Blanc : deux ouverts spécialement pour faire face à l’urgence de cette période difficile, le SBM (13) dont le personnel est foncièrement catholique, l’autre dans le collège réquisitionné par la municipalité. C’est là que se dévouera surtout Mlle d’Airoles.

Le troisième est l’hôpital mixte tenu toujours par les sœurs :- Sr Grégoire de Naziance avait la charge de supérieure de 1909 à 1919,- Sr Marie Angélina s’était déjà fait remarquer lors des épi-démies de scarlatine de 1907 et de variole en 1908. Elle

12) Cf. aussi René Desmaisons, "L’épidémie de variole au Blanc en 1908", Au fil du temps..., n° 3, janvier 2002.13) SBM : Secours aux blessés militaires.

Les sœurs de l’hôpital

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était alors chargée des salles militaires. Elle sera d’ailleurs honorée en 1917 de la médaille de bronze pour les services rendus,- Sr Marie-Albine était aussi pour les soins aux militaires (1901-1919),- Sr Marie Corentin (1911-1921), sr Ste Chantal (1914-1915), sr St Louis (1917-1918) et sr Félix de Valois se dévouaient aux soins des malades. Sr Félix de Valois, particulièrement, fit preuve du plus grand dévouement au détriment de sa santé ; elle recevra, elle aussi, la médaille d’honneur des épidémies,- Sr St Ernest fut d’abord garde-malade à domicile puis plus spécialement au service des femmes incurables,- Sr St Géréon s’activait à la lingerie, tandis que sr Francis de Jésus aidait à la cuisine.

« Quand un convoi de blessés est signalé, c’est un grand travail : va-et-vient avec l’hôpital mixte pour le service de stérilisation, lits à faire, préparatifs de toutes sortes… A partir de 8 h du soir on peut attendre le convoi... Oh ! Le lugubre débarquement que celui de ces malades et blessés aux vêtements collés par le sang et la boue, parfois mangés de vermines… Le dernier arrivage avait été terrible par la saleté des malheureux, plus encore que par leurs blessures. Les pieds surtout étaient dans un tel état qu’il fallait couper les souliers et mettre le tout dans un bain pour décoller les chaussettes qui tombaient alors en lambeaux avec la peau…

Nos majors sont chargés du triage. Ils vont à la gare avec les infirmiers et les autos d’ambulance recevoir les blessés qui seront répartis entre les trois hôpitaux : les blessés à la Croix-Rouge et au collège, les malades à l’hôpital mixte qui a des pavillons d’isolement ... »

Ainsi s’exprime mademoiselle d’Airoles relatant ce temps de guerre au Blanc (14). Chaque lieu d’hôpital devait donc faire face aux diverses situations qui se présentaient à chaque nouveau convoi (15).

La modernisation de l’hôpital

En 1937, on construisit un pavillon d’isolement, une 14) Cf. Geneviève Duhamelet, Mlle d’Airoles, Éditions de l’UCSS, 1950.15) Sur la Seconde Guerre mondiale, cf. du même auteur, "Des sœurs dans la tourmente", Au fil du temps..., n° spécial 1, novembre 2009, p. 45 sq.

clinique chirurgicale et la maternité.

Il y avait alors huit religieuses ; mère Marie Madeleine de Jésus y était la supérieure. De 1952 à 1962, les entrées ont doublé, les interventions triplé et les accouchements ont augmenté de 50 %.Tout semblait aller pour le mieux !

De 1965 à 1970, l’effectif du personnel hospitalier est passé de 64 à 95 personnes avec des créations de nou-veaux postes : anesthé-siste, ophtalmologiste, gynécologue et internes.

En 1966 : construc-tion de services généraux : cuisine, lingerie, chaufferie, réfectoire et deux pavillons de dépannage de 34 et 24 lits.

En 1970 : rénovation des bâtiments qui logeaient la chirurgie. Création de nouveaux services (médecine, consultations externes, électrocardiographie, nouvelle maternité).

A la suite de ces transformations le nombre de lits passa de 140 en 1965 à 250.

En 1971, une maison de retraite dépendant de l’hô-pital fut construite à la Cubissole sur un terrain apparte-nant à la commune.

En juin 1982, ouverture de la maison de retraite de la rue Saint-Lazare, dans les locaux de l’hôpital an-cien : 50 pensionnaires plus 10 convalescents.

En 1977, il y avait eu l’ouverture d’une école d’infirmières. Sr Jeanne d’Arc Soamanpionna, première infirmière malgache des sœurs de Jeanne Delanoue, y a fait ses études. Une école d’aides soignantes fut également créée. Sr Solange Fonteneau y participa activement.

En 1981, l’hôpital comptait 226 agents. Il était le premier employeur de la ville. On comptait 50 lits pour le service de médecine avec 2 médecins, 50 lits pour la chirurgie avec 2 chirurgiens, 6 lits pour l’ophtalmologie avec un ophtalmologue, 19 lits pour la maternité avec un gynécologue, 50 lits pour les moyens et longs sé-jours au Pavillon Thomassin, 140 lits de maison de re-traite : 80 à la Cubissole, 60 rue Saint-Lazare. Une unité de radiologie était à la disposition de tous les services.

Cour de l’hôpital dans les années 50 : à droite l’aile donnant sur la rue Saint-Lazare ; au centre, la clinique

(à l’emplacement de l’ancien hôpital militaire) ;à gauche, partie de la chapelle

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Les sœurs de l’hôpital

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Liste des Supérieures de l’hôpital du Blanc

Il est difficile de dater exactement les passages des premières supérieures. Sur plusieurs documents compulsés les dates ne correspondent pas.

Mère St Louis,Mère St Jean de la Croix,Mère Marie du Calvaire,Mère St Clément,Mère St Étienne,1854-1873 : Mère St

Hyacinthe,1873-1875 : Mère St Al-bert,1875-1901 : Mère St Macaire,1901-1909 : Mère M. An-gélina, 1909-1919 : Mère Gré-goire de Naziance,1919-1922 : Mère Ste

Augustine, 1922-1928 : Mère St Ber-nardin,1928-1936 : Mère Marie Madeleine,1936-1943 : Mère Marie Madeleine de Jésus,1943-1949 : Mère Louis Bertrand,1949-1953 : Mère St

Gustave,1953 : Mère Joseph de Jésus,1954 : Mère M. Édouard,1955-1958 : Mère Jeanne de Chantal,1958-1962 : Mère Marie-Madeleine,1962-1966 : Mère St Joseph,1966-1976 : Mère St Jean Chrysostome.

Sr Solange Fonteneau (sœur de sr St Jean Chrysostome) est restée au Blanc de 1968 à 1982 (seule de 1976 à 1982), date à laquelle elle fut atteinte d’une pénible hémiplégie. Après les premiers soins à l’hôpital du Blanc, elle quitta définitivement son cher hôpital

fin mars 1983. Il n’y aura plus de sœurs à l’hôpital du Blanc (16).

Souvenirs ! Souvenirs !...

Plusieurs ex-employées de l’hôpital ayant bien connu les sœurs ont accepté de partager quelques souvenirs… Ne sont-ils pas porteurs de toute une vie dans cet hôpital du Blanc des années 60 à 82 ?

1) « Affectée en 1955 au Pavillon de l’hôpital, ma sœur y a connu plusieurs religieuses. Tout d’abord, sr Thomas de Jésus, puis au fil des années sr Marie-Lucie, sr Marie de la Providence… Sr Solange fut la dernière religieuse de ce service destiné à accueillir les personnes âgées ou invalides.

Côté chirurgie, sr Ste Lucienne, puis sr St Jean (Chrysostome), toutes dévouées à leurs malades et très proches des familles.

En médecine, sr Ste Yvonne, puis sr Marie Ste Irène, service parfois surchargé.

Vers les cuisines ré-gnait sr Ste Charité aidée de son équipe. En plus des tâches régulières, il fallait également assu-rer la cueillette des dif-férents fruits et légumes du jardin et effectuer les conserves particulière-ment appréciées durant l’hiver. En ce temps-là, il y avait un jardinier. Des bâtiments que nous connaissons actuelle-ment ont été construits dans le potager d’alors. Pour la lingerie c’était sr Angèle de St Dominique. On y lavait, repassait tout le linge de l’établis-sement ».

2) « Je travaillais à l’hôpital dans les an-

nées 60. A cette époque, il était géré par les sœurs… Comment pourrais-je oublier cette petite voix de maître de "Bonne Mère Marie-Thérèse". C’est elle qui était le chef ! Qu’elle était charmante ! Toujours souriante !

En chirurgie, je travaillais sous l’œil vigilant de sr St Jean… Le soir elle était très fatiguée… Il faut dire que les sœurs se levaient avant 6 h du matin car elles allaient prier à la petite chapelle dans la cour. Quelle journée ! Jamais couchée avant 23 h et il fallait la réveiller au beau milieu de la nuit quand il y avait besoin (il faut

16) Archives de la Maison Mère.

1966 : sr Ste Bathilde (lingerie), sr St Jean Chrysostome (infirmière), Mère St Joseph (responsable), sr St Didier,

sr Marie de la Providence (infirmière).

Les sœurs de l’hôpital

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Jeanne d’Arc Soamanpionna,

sœur Jeanne d’Arcnée le 15 avril 1950,

élève infirmière 1981-83

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dire qu’elle était infirmière). Puis quelques années plus tard, ce fut une surprise de voir arriver la sœur de sr St Jean, sr Solange !

Je me souviens aussi du petit pavillon au fond de l’hôpital, vers la Creuse. Il était géré par sr Hélène (je crois) ; elle passait avec une telle fluidité que j’avais l’impression de voir passer un ange. Très sérieuse elle ne parlait que lorsque c’était nécessaire, mais elle était très juste et gentille… Que de travail il fallait fournir, mais n’est-ce pas le secret d’une vie bien remplie ? Il y avait aussi un directeur que j’aimais bien : monsieur Viguier, mais on le voyait peu.

Un autre souvenir me fait toujours rire : ce n’était pas la promenade des Anglais, non, mais la promenade des cafards, le long de ce vieux couloir, le soir, lorsqu’il n’y avait plus que les petites veilleuses. Étant moi-mê-me parfois veilleuse de nuit, je n’avais même pas peur, sauf quand cela faisait trop de bruit, le long des plin-thes en bois.

Quand j’y repense, je me dis : « Ah, c’est bien sûr qu’il avait besoin d’être refait cet hôpital des an-nées 60. Je suis contente de ce bel hôpital moderne de maintenant, l’après 2000, même s’il m’arrive de me perdre dans ces longs couloirs !... »

3) « Pendant les vacances de Noël 1953, nous ve-nions avec mes sœurs et mon frère dans la cour de l’hô-pital pour jouer. Au milieu de cette cour, il y avait une chapelle. Nous y allions souvent pour mettre un sou qui faisait chanter le "gloria" à l’ange qui recevait la pièce… Quand nous n’avions plus de pièces, Mère Marie Édouard vidait la "ca-gnotte" de l’an-ge et nous re-commencions !

A cette date, sr Ste Cha-rité travaillait aux cuisines de l’hôpital. Je l’ai connue car ma-man y faisait un remplacement. Dans cette même période sr Ste Lucienne travaillait en chirurgie. Elle me demandait ce que je voulais faire plus tard. Je lui répon-dais que je voulais faire le même travail qu’elle : soigner les malades.

J’ai dû être entendue car à 28 ans, j’ai commencé à travailler à l’hôpital pour y faire toute une carrière... »

4) « Durant cette période j’ai bien connu sr St Jean infirmière en chirurgie au rez-de-chaussée et sr Solan-ge qui nous faisaient les cours d’aide soignantes. Elle passait aussi près des malades pour savoir ce qu’ils voulaient manger. Je dirais que j’ai été très marquée en bien par Bonne Mère Marie Édouard et sr Ste Lu-cienne.

En 1955, j’ai connu sr Gabrielle, sr Marie-Édouard, très calme, très douce, elle essayait d’arrondir les angles – Sr St Didier avec qui il était facile si l’on avait de bons rapports avec elle, sinon il fallait faire attention. Elle voulait que son personnel assiste à la messe le dimanche matin.

Sr St Barthélémy était au pavillon. Elle était douce, calme, ne voulant faire de peine à personne. Sr St Jean était en chirurgie... »

Les sœurs quitteront officiellement l’hôpital du Blanc en 1976. Seule sr Solange Fonteneau restera jusqu’en 1982.

Cependant la petite graine semée en terre du Blanc en 1728 est devenue un grand arbre ! Tout peut continuer, espérons-le, pour longtemps encore… Que deviendrait la ville sans ce fleuron qui, contre vents et marées, a rendu tant de services à la population ?

(Illustrations : Archives de la Maison Mère de Saumur et coll. des Amis du Blanc)

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Entrée de l’hôpital (2008)

Revue des Amis du Blanc et de sa région 33 « Au fil du temps... »

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