review theatrum mundi

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Theatrum Mundi: Studies in honor of Ronald W. Tobin by Claire L. Carlin; Kathleen Wine Review by: Christian Biet Revue d'Histoire littéraire de la France, 107e Année, No. 1 (JANVIER-MARS 2007), pp. 238-242 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23013448 . Accessed: 27/01/2015 13:13 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue d'Histoire littéraire de la France. http://www.jstor.org This content downloaded from 132.248.9.8 on Tue, 27 Jan 2015 13:13:18 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Theatrum Mundi

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  • Theatrum Mundi: Studies in honor of Ronald W. Tobin by Claire L. Carlin; Kathleen WineReview by: Christian BietRevue d'Histoire littraire de la France, 107e Anne, No. 1 (JANVIER-MARS 2007), pp. 238-242Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/23013448 .Accessed: 27/01/2015 13:13

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  • 238 revue D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE

    toujours vives, ^ l'egard du jansenisme. M.-L. Guillaumin, enfin, retrace l'histoire

    du Centre d'etudes Le Nain de Tillemont .

    On l'aura dejil compris, on a affaire k un volume riche et dense, qui approfon dit notre connaissance de l'un des historiens majeurs du xvif siecle ainsi que de la

    manure dont on 6crit alors l'histoire. On observe comment le souci de v6rite,

    revendiqu6 i juste titre par le scrupuleux Tillemont, signifie a la fois volonte eru

    dite de recourir & des originaux fiables, mais aussi volonte religieuse de defendre

    ce qu'il estime etre l'orthodoxie. Tout en elaborant les pratiques d'une objectivit6

    qui est devenue la regie directrice des travaux modernes de philologie et d'his

    toire, Tillemont a l'instar d'un Bossuet auteur de 1 'Histoire des variations des

    Eglises protestantes ne pr6tend pas & I'impartialit6 : k une epoque ou l'histoire

    des premiers sifecles Chretiens demeure un enjeu essentiel dans la controverse entre

    catholiques et protestants, son 6rudition est une Erudition de combat , comme

    le souligne utilement Bruno Neveu. Beatrice Guion. Beatrice Guion.

    Theatrum Mundi: Studies in honor of Ronald W. Tobin. Edited by Claire L. Carldm & Kathleen Wine, Rookwood Press. Charlottes

    ville, 2003. Un vol. de 280 p.

    Voici done des melanges , en anglais et en fran?ais, en l'honneur de Ronald

    Tobin, sous forme de banquet convivial, pour le gout et la reflexion.

    La recherche dix-septiemiste, qu'elle soit americaine, canadienne, italienne,

    anglaise ou franaise, lui devait bien a. Ronald Tobin anime en effet, et depuis fort longtemps, un veritable reseau, honnete, bienveillant et ouvert, qui a permis a

    beaucoup d'entre nous de converser, d'apprendre et de connaitre l'ensemble des chercheurs des deux continents : Tobin, e'est done d'abord, un lien profond, essentiel qui nous reunit. II fallait l'en remercier. Mais Tobin est aussi un cher cheur gourmet, gourmand des ouvrages et des phrases, connaisseur des saveurs

    textuelles, un praticien du gout qui sait trouver les 6pices sans ignorer l'essentiel:

    que l'element de base doit etre frais, de premiere main et non conditionne. Enfin, Tobin a su, dans ses multiples publications, installer cette distance ironique qui donne du plaisir : son Tarte a la creme en temoigne, realisant le tour de force de

    reunir, dans un meme ouvrage, des references de toute premiere main sur Molifere, un jeu avec la sequence la plus canonique du cinema burlesque americain (la tarte

    qu'on jette, qui s'aplatit sur le visage, qui se multiplie sur l'image et dont l'envoi

    hyperbolique contribue a saturer le rire) et un ravissement de 1' interpretation et de la pensee. Pas d'arrogance, de 1'erudition roborative et de la finesse dans Inter

    pretation : une legon pour nous tous. Elle est suivie dans ce volume. Claire L. Carlin et Kathleen Wine ont done eu raison de convoquer & ce ban

    quet vingt-cinq chercheurs qui, avec elles, donnent a lire un ouvrage prdcieux qui figure en tout point l'attitude de Ronald W. Tobin.

    Le hors-d'oeuvre est constitud par une presentation, par les 6ditrices, de Tobin en chercheur-enseignant-mentor et fin observateur du theatre du monde, tel qu'il lui apparait et tel qu'il se donne a lire dans les ceuvres du xvir sifecle fran9ais. Les

    hommages ont du bon pour l'heureux r6cipiendaire puisqu'il est pris sous un feu

    nourri, si je puis dire, d'dloges, et qu'il peut consulter sa bibliographie. Et les edi tions bien faites, ce qui est le cas, ont l'avantage de mettre & la disposition du lec teur une presentation rigoureuse et probiematique des morceaux divers qui le com

    posent. Voila le recipiendaire deja combie et les lecteurs alieches.

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  • COMPTES RENDUS 239

    Le premier service porte sur les theatres de la connaissance, ou de l'apprentis sage (Theaters of learning). D'emblee, Louis Van Delft etend methodologique ment et conceptuellement la definition du theatre, pour indiquer que le lieu moderne de la representation et de la performance est, dans la p6riode dite early modern, bien plus large (et plus profond) que le theatre vu comme genre, puisqu'il

    s'agit d'y mettre le monde tout entier et d'abord Dieu qui le regarde (et que l'homme tente de voir) : les "theatres du monde" de l'age classique sont tout

    entiers places sous le signe de la miseria et de la dignitas. Derechef : mieux vaut

    designer cette conception spirituelle si pregnante de "theatre de l'univers"

    (p. 37). A ceci pres que cet univers post-medieval, entre le xvr sifecle et le

    xviii" si&cle, se fractionne, que Dieu n'est plus ce qu'il etait et que le monde et

    l'homme semblent prendre leur autonomie pour que s'installe leurs theatres . II

    faut ainsi que ces theatres soient dresses, disposes, afin que les hommes les regar dent avec curiosite, savoir, admiration, compassion, crainte, mais aussi avec leurs

    questions propres a interroger le theatre de l'univers prealablement edifie.

    L'int6rSt de cet article est qu'il insiste, une fois de plus, sur le fait que le theatrum

    mundi ne doit pas etre une tournure-valise , un fourre-tout (p. 42), et qu'il doit etre envisage dans sa complexite, au regard de 1'unite primordiale de la cul

    ture d'antan. Face a cette suppos6e unite pass6e que propose Van Delft, notre

    contemporaneite donnerait t voir une coupable desarticulation, un eclatement qui,

    justement, contribue k ce que nous n'ayons plus de prise sur le passe. On notera Ik

    une certaine nostalgie, voire une sorte de haine pour ce que l'auteur appelle l' agitation tumultuaire contemporaine... Un premier plat n'etant encore

    qu'une sorte de hors-d'oeuvre, on dira qu'il faut apres tout un peu d'amertume

    pour que les mets suivants seduisent.

    En tout cas, ce premier article contribue k procurer au mot theatre un large

    spectre. II fait du theatre du monde un concept complexe et (& regrets pour Van

    Delft) montre aussi qu'on peut en produire une metaphore generalisante. Ainsi, au xvir sifecle, le theatre peut etre aussi sur une toile, et, selon Henry

    Phillips, dans les ordonnances scrupuleuses de Poussin qui filent la metaphore theatrale pour mieux mettre en scene, via la posture des saints, la fonction du

    clerge fran^ais. L'image de saint Pierre et de saint Paul, dans le c61ebre tableau de

    la Confirmation, est figurge dans une sc6nographie pieuse il meme de se convertir

    en dispositif politique en tant que se definit, dans la mise en place theatrale op6 r6e par Poussin (et qui se represente lui-meme en mediateur, en prescripteur ou en

    observateur), le role de l'Eglise frangaise, son pouvoir, sa capacite a exercer les

    sacrements, et son autonomie face a la papaute. William Calin, lui, se sert du mot

    theatre pour parler des dialogues contenus dans les Eglogues redigees en Gascon,

    par Pey de Garros (ca. 1525-1583). Calin montre comment la litterature occitane

    (si peu etudiee en France), et plus particulierement un poete protestant, utilise le

    principe du dialogue virgilien pour realiser une poesie dramatique presque pariee,

    comptable des horreurs qu'il voit aux cdtes des paysans-bergers : durant les

    guerres de religion, l'eglogue amoureux ne peut que s'orienter vers une deplora tion terrible du bain de sang massif. Dans le meme esprit d'extension du mot

    theatre, Bernard Beugnot propose, lui, que les Entretiens d'Ariste et d'Eugene enrichissent le concept sous la forme de l'entretien philosophique et litteraire dans

    un salon imaginaire en exterieur (une promenade en bord de mer). Bouhours

    devient, avant Flaubert mais sans l'humour de Bouvard et Pecuchet, le metteur en

    scfene d'un florilfege bigarre, honnete et mondain, le dramaturge qui collectionne

    des signes galants eveillant les esprits, l'auteur enfin qui batit une promenade de

    la pensee a meme de faire implicitement piece aux 6crits port-royalistes

    (p. 68). Patrick Dandrey, dans l'article suivant, dit en quelques pages combien le

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  • 240 REVUE D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE

    ravissement racinien est une affaire de regard. Dandrey prend ainsi, a bras le

    corps, les mots de Neron. Ravi d'une si belle vue , Neron, done, s'embrase : l'economie du regard amoureux dans la tragddie racinienne, depuis l'attraction

    jusqu'a la r6pulsion, de la surprise du premier ravissement jusqu'a l'obsession

    maladive et aux denegations mensongeres, semble en effet structuree sur le

    modele pathologique de la maladie erotique (p. 80). On lira l'article d'Antoine

    Compagnon, k la fin du volume, pour constater que, de nos jours, cette scene est devenue canonique, qu'elle illustre le sadisme a la maniere dont les modernes le

    confoivent, et qu'elle definit, a proprement parler, ce que peut etre le fantasme.

    Mais, Dandrey, qui veut s'en tenir ^ l'univers du xvne sifecle, montre que le theatre du monde devient ici un th6atre interieur signifie par les mots, sans pourtant constater que, refugie dans son appartement, N6ron, seul et tout occupe (obsede

    par) de l'image de Junie dans le plus simple appareil / D'une Beaute qu'on vient d'arracher au sommeil , est suppose exercer, mentalement et physiquement son

    fantasme, jusqu'au matin... est-ce une modernite excessive que de le dire ? La maladie erotique et l'onanisme trouveraient-ils la un theatre ?

    Laissons cela et allons plus avant. Jean-Marie Apostolidfes, saisit, dans son

    texte, le declin de la conception magique de l'univers qui, progressivement, s'est deroule sur plus de deux si&cles. Une etude de L'Illusion comique lui sert tres jus tement de pierre de touche pour exprimer comment, & la charniere de deux visions du monde, l'une fondee sur la magie, 1'autre sur la raison (p. 89), cette

    piece convoque le theatre et l'illusion qu'il contient, comme lieu de passage de la

    magie a la raison, et comme travail collectif de deuil de la magie. Enfin, et l'on voit ici que les premiers plats ont ete aussi divers que copieux, Harriet Stone entend montrer que Moli&re, dans l'entreprise critique de Tartuffe, figure le miroir d'une histoire plus large deja representee par Pierre de Lancre : l'un comme

    1'autre, mais de maniere differente, voire oppos6e, montrent que l'autorite royale sur les mots et les hommes ne parvient jamais a totalement occulter les discours heterodoxes.

    Si l'auteur de ce compte rendu a souhaite etre plus precis sur ce premier ser

    vice, ce n'est pas qu'il le pr6fre aux plats qui suivent, mais e'est que sa diversite

    permet d'entrevoir le projet du livre : la diversite justement, et l'eclatement de

    questions qui, neanmoins, sont toutes posees a la maniere dont le theatre, parfois thatral au sens moderne du terme, parfois metaphorique, parfois theatrum mundi,

    permet de saisir le monde et sa complexite. C'est pourquoi, dans un second temps, ce compte rendu fera une analyse plus rapide des autres services du banquet propose.

    Le deuxieme service, done, est consacre & la comedie et au monde (Comedy and the world). Et la premiere comedie presentee est celle de l'impuissance. Claire Carlin revient sur les congres (auxquels on recourt depuis le milieu du xvi" sifecle jusqu'a 1677) destines a prouver, lors d'une instruction destinee a

    rompre un mariage, que le mari est incapable de consommer l'union charnelle. En s'attachant k la derniere affaire, celle de Langey, qui, scandaleuse, a determine le Parlement ih mettre fin a cette pratique, Carlin montre comment le congres donne a voir une mise en scene de l'impuissance, dument commentee par les publica tions diverses et les plaidoyers largement diffuses. L'abandon de cette theatralisa tion de l'impuissance a ainsi permis que les femmes n'aient plus aucun recours

    pour denoncer leur mariage, mais qu'en retour, le mariage ne soit plus directement lie a la conception, et qu'il apparaisse seulement comme un lien economique et social (voire un lien d'inclination, mais c'est une autre histoire).

    Plus directement, l'ouvrage en vient k la litterature et au th6atre. D'abord avec Donna Kuisenga, qui analyse Les Memoires de la vie de Henriette-Sylvie de

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  • COMPTES RENDUS 241

    Mo lie re, en utilisant le point de vue du theatre. Pour elle, 1'heroine, n'est pas sett lement un personnage realiste, ou parodique du romanesque, mais une sorte d'ac trice-6crivaine qui revendique son autorit6 de protagoniste et de femme, sur le texte et le monde. Le theatre, ou sa metaphore, est done un moyen : pour se dire

    (Delia Gambelli montre combien le theatre de Moliere se recrit et se rfere k lui meme lorsqu'il joue avec ses personnages fdminins), pour s'auto-citer et se

    reecrire, pour se montrer comme tel. Ainsi, six des personnages f6minins de Molifere (dont Gambelli dit que ce sont de freles voix feminines), peuvent etre reunis & la faveur de l'argument du mariage, dans l'image d'un conflit entre l'hon neur et l'identite individuelle, si bien que le theatre, ici, determine un relativisme

    moral, une morale en mouvement resistant k toutes sortes d'oppressions pour aller vers la recherche d'un certain bonheur. Mais la reecriture ne s'arrete pas lii, et Giovanni Dotoli dit combien Dom Juan, piece scandaleuse a l'egard des moeurs et de la religion, joue aussi du scandale burlesque de la disconvenance pour mettre it la torture les codes litteraires et linguistiques. De meme, Kathleen Wine montre

    que La Princesse d'Elide, dans le cadre des Plaisirs de I'lie enchantee, est & com

    prendre au contact de Tartuffe : d'un cote une ecriture qui promeut les plaisirs

    royaux contre l'austfere devotion, de l'autre, une dramaturgie comique qui s'at

    taque k l'hypocrisie devote. Le th6atre de Molidre, done, joue avec lui-meme et se r66crit constamment. De meme, Monsieur de Pourceaugnac, selon Michael

    Koppicsch, est une variation sur le d6sir de paraitre et l'app6tit de pouvoir qu'on voit dans d'autres pieces. C'est aussi la figuration d'un desir incontrole

    (Pourceaugnac valant bien ici Oronte) et d'un app6tit farouche qui mettent en

    cause les structures sociales les plus etablies. John Gaines, lui, voit dans la meme

    comedie un moyen de reecrire la faon dont, dans la realite historique, les provin ciaux sont massivement rejet6s par la soci6t6 parisienne et la cour, ce que Monsieur de Pourceaugnac, 6videmment, consigne. On comprend ainsi que le

    theatre, cette fois comme forme et non plus comme metaphore, s'exprime sur le

    monde, plus particuliferement sur les mceurs et la society, et ici, qu'il se prend a

    representer comment l'on peut decrotter Paris et la cour, quitte a rejeter violem

    ment tous ceux qui y viennent et qui sentent leur province. Reste que le fumier

    plait encore, et meme beaucoup en 1706, comme le montre Norris Lacy en exa minant la reecriture par de Brueys de la Farce de Maistre Pathelin, il condition d'etre adapte aux contraintes modernes, poli et nettoy6 de toute salet6 jargon nesque ou farcesque.

    Reecriture done du theatre par lui-meme, adaptation, actualisation, et parfois resistance critique, y compris dans la forme employee, la sont les principales ides

    qu'on retiendra des liens que la comedie entretient avec le monde qui la regarde. Le troisieme service s'attache & la tragedie (Tragedy : pure and mixed). Jean

    Emelina, & la manure de Titus Andronicus, cuisine le repas en 6voquant l'horreur et la violence dont il dit, sans se tromper, qu'elles sont passees de Taction sece

    nique au recit a la faveur d'une certaine classicisation de la forme tragique. S'il

    semble n6gliger l'ampleur du mouvement du debut du xvir siecle, il analyse n6an

    moins precisement comment l'hyperbolisation sanglante est devenue litote, puis fr6missement et eblouissement & la fin du sifecle, et combien ce sentiment esth6

    tique a resist6 & toutes les tentatives d'occultation. Si bien que le theatre tragique, d'emblee dans cet ouvrage, sort du canon pour mieux s'int6grer k la p6riode

    baroque, telle qu'on la nomme chez les musiciens et dans toute la critique euro

    peenne, en d'autres termes, telle qu'elle s'ecarte de la notion dominante de classi

    cisme. Buford Norman, lorsqu'il parle de la tragedie-ballet et de l'opera, sait ainsi

    resister aux generalisations hatives et placer simultanement, face aux biens6ances

    et a la vraisemblance, des monstres et des figures qui vont outre le cours de la

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  • 242 revue D'HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE

    nature . L'horreur representee en action, puis mise en discours, enfin prise dans le corps meme de la construction dramatique, devient alors passion, autrement dit

    figuration discursive inscrite dans les mots et dans le dispositif dramaturgique. John Campbell, lorsqu'il parle d'Iphigenie, convient ainsi que la fin heureuse ne

    permet pas de penser que tout finit bien parce que les passions ont et6 inscrites au creux du systme. Georges Forestier montre precis6ment la maniere dont la derai son et la fureur, objets de dereglement, donnent lieu & une tentative formelle de

    reglement par la representation des passions sanglantes. Les personnages, ainsi, formulent par le discours que le dramaturge leur prete, les passions dereglees qui sont le propre de la tragedie. Mieux, apr&s avoir cherchd a representer les passions dans leur horreur pour terminer sur une plainte a la fin du xvr sifecle, la tragedie de Corneille et de Racine fait des passions essentielles et terribles le ressort meme du d6roulement de l'intrigue, ces passions soutenant Taction jusqu'au bout, sans

    qu'il soit besoin d'une plainte finale. John Lyons, en analysant la Medee de

    Corneille, voit lui aussi combien les tentations tragi-comiques, voire pastorales, et

    tragiques au sens d'horribles, de sanglantes, mais aussi au sens moderne de tra

    giques, se cotoient, s'opposent, pour que finalement tout se renverse dans l'hdroi

    sation, presente et venir, de la somptueuse et magique meurtriere. A un moment oil les etudes theatrales et dix-septifemistes s'interrogent sur la violence (des pas sions, des actions, des discours), ces articles apparaissent comme essentiels & un

    deploiement futur, a fortiori lorsque, avec Norman, le spectacle est aussi pris en

    compte. Reste que la tragedie se definit encore par sa conscience d'etre du theatre

    (William Cloonan), done par sa constante metatheatralite, et sa fa?on de travailler avec l'espace et le temps (Ralph Albanese), autrement dit qu'elle se donne, avec

    ostentation, comme un art de la representation qui se montre en meme temps qu'il montre et reflechit sur soi et sur le monde. Gilles Declercq, qui redige ici une sorte de panorama des 6tudes rhetoriques sur la tragedie, dirait aussi que ce theatre n'identifie pas seulement le monde et elle-meme, mais qu'elle figure encore l'art de le faire, autrement dit les genres oratoires qui president a son dispositif.

    Enfin, le dessert s'ouvre naturellement sur quelques perspectives (Modern perspectives). Antoine Compagnon examine les positions des modernes sur Racine (Racine tour k tour classique, realiste, moral, amoral, immoral) et note que l'ambiguite racinienne est (fonde ?) le miroir de leur propre ambiguite. Noel Peacock montre que les mises en scne du Tartuffe ont finalement servi d'inter mediate entre les anciennes et les nouvelles conceptions du theatre, et Marie France Hilgar voit dans la maniere dont le theatre moderne enfin, celui de la

    Comedie-Franijaise... s'empare du repertoire le moyen, parfois, d'innover en actualisant les concepts, comme les ressorts psychiques. Comme quoi, le theatre et le monde se rejoignent, quel que soit le th6atre et quel que soit le monde, quitte a ce que des trahisons et des actualisations s'elaborent au gre des modes de pensee (Larry Riggs).

    On aura compris que cet ouvrage, sous forme de banquet, est important. Non seulement parce que les auteurs apportent chacun un point de vue precis, docu mente et rigoureux sur la periode, mais parce qu'ils s'engagent pleinement dans cette entreprise qui consiste a regarder, a lire, la litterature et le xvne sifecle et a les

    interpreter & travers la metaphore heuristique du theatrum mundi. Le theatre du monde comme pretexte a parler du theatre et du monde.

    Pourquoi pas ? Et Ronald Tobin comme pretexte et centre de ce rapport heuris

    tique ? C'est un hommage qu'on ne peut que lui rendre.

    Christian Biet. Christian Biet.

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    Article Contentsp. 238p. 239p. 240p. 241p. 242

    Issue Table of ContentsRevue d'Histoire littraire de la France, 107e Anne, No. 1 (JANVIER-MARS 2007), pp. 1-256Front MatterLA PHILOSOPHIE MORALE AUX CHAMPS: "ETHICA, CONOMICA" ET "POLITICA" DANS "LES PLAISIRS DE LA VIE RUSTIQUE" DE PIBRAC [pp. 3-18] TENIR L'AFFICHE DANS LES THTRES PARISIENS DU XVII e SICLE [pp. 19-33]"LE BOURGEOIS GENTILHOMME", COMDIE DOUBLE , TRIPLE FOND? [pp. 35-44]"CLEVELAND" DE L'ABB PRVOST: UN CAS DE RAISON ROMANESQUE AU TEMPS DES LUMIRES [pp. 45-60]UNE AVANCE DANS LA THORIE DE L'HOMME NATUREL: LE "II e DIALOGUE" DE J.-J. ROUSSEAU [pp. 61-82]ZOLA CRITIQUE LITTRAIRE, ENTRE SAINTE-BEUVE ET TAINE [pp. 83-103]DEVANT LE MIROIR: L'IMAGINATION CALLIGRAMMATIQUE [pp. 105-119]LA PREMIRE RCEPTION CRITIQUE D'"PILOGUE", DE ROGER MARTIN DU GARD [pp. 121-179]IMAGES DE LA POSIE: LES RECUEILS ILLUSTRS DE PIERRE REVERDY [pp. 181-200]NOTES ET DOCUMENTSJEAN AUVRAY: LA DCOUVERTE D'UN IMPRIM POSTHUME DE 1624 RELANCE L'ENQUTE SUR SA VIE ET SON UVRE [pp. 201-213]STENDHAL ET LE SECRET DES NOIX CONFITES [pp. 215-223]

    COMPTES RENDUS ET NOTES DE LECTUREUne nouvelle collection: la Bibliothque de la Dcadence [pp. 225-228]Review: untitled [pp. 229-230]Review: untitled [pp. 230-231]Review: untitled [pp. 231-232]Review: untitled [pp. 232-235]Review: untitled [pp. 235-236]Review: untitled [pp. 236-238]Review: untitled [pp. 238-242]Review: untitled [pp. 243-243]Review: untitled [pp. 243-243]Review: untitled [pp. 244-244]Review: untitled [pp. 244-246]Review: untitled [pp. 246-247]Review: untitled [pp. 247-248]

    UNE LETTRE DE JEAN-FRANOIS LOUETTE [pp. 249-249]IN MEMORIAM: JEAN DEPRUN (1923-2006) [pp. 251-252]RSUMS [pp. 253-256]Back Matter