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PME et innovation technologique POUR UNE RELATION PLUS NATURELLE REGARD S SUR LES PME 10

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Regards PME 10 Innovation

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  • PME et innovation technologique

    POUR UNE RELATIONPLUS NATURELLE

    R E G A R D S S U R L E S P M E N10

  • PME et innovation technologique :pour une relation plus naturelle

  • Regards sur les PME est dit par OSEO services27-31, avenue du gnral Leclerc, 94700 Maisons-Alfort.Tl. : 01 41 79 81 59. Courriel : [email protected] 10, mai 2006. ISSN 1761-1741Imprim en France par Graphoprint, Paris. N dimprimeur Dpt lgal 2e trimestre 2006Directeur de la publication: Didier HavetteResponsable de la coordination et de la publication des tudes: Claire GeneveyConception, ralisation et relecture: Contours, Paris.

  • Copyright : OSEO services considre que la diffusion la plus large des informations

    quil dite concourt ses missions. Les demandes dautorisation de citation dextraits

    de Regards sur les PME doivent tre adresses au pralable par courriel :

    [email protected], en indiquant dans lobjet du courriel demande dau-

    torisation de citation . Les citations doivent systmatiquement mentionner la sour-

    ce sous la forme suivante : Source : Regards sur les PME n 10, Observatoire des PME,

    OSEO services .

  • PME et innovationtechnologique

    REGARDS SUR LES PMEN10

    Introduction

    Christian Marbach

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    Introduction

    La richesse dune approche multiple

    Christian MarbachPrsident

    Avec ce numro des Regards sur les PME consacr ces entreprises et linnovation technologique, lObservatoire des PME prsente uneanalyse dune exceptionnelle ampleur sur le dialogue entre les moyennes,petites, trs petites entreprises et linnovation.

    Elle y regroupe en effet avec ambition diffrentes approches : examencritique des concepts, exploitation srieuse denqutes chiffres rudites,monographies exemplaires de secteurs particuliers, liste commente demesures politiques en faveur de ce dialogue.

    Elle y approche la totalit de la population des petites et moyennesentreprises, quels que soient leurs secteurs et leur taille, rappelant aupassage que le mouvement technologique ne concerne pas seulement les entreprises clientes dOSEO anvar ou les vedettes flattes par le venture capital, et que linnovation ne sappuie pas seulement sur la technologie.

    Elle y ouvre des perspectives sur des horizons nettement plus larges quenotre paysage franais, essayant dapprcier des diffrences dattitudeentre les acteurs europens.

    Enfin, tout en sappuyant dabord sur lexprience accumule depuisplus de vingt-cinq ans par les quipes de lANVAR, lObservatoire aaussi cherch bnficier de concours extrieurs sur des populationsque celle-ci connaissait un peu moins (comme les trs petites entreprisesartisanales, ici traites par lInstitut suprieur des mtiers, qui a sucapitaliser avec talent sur sa propre dmarche mene avec continuit).Et, comme dans toutes les livraisons prcdentes de ses publications,lObservatoire a reu le concours de tribunes libres venues dauteurs nombreux, tribunes effectivement libres dans leur ton, leursapprciations, laffichage de critiques et de politique donc dautantplus utiles pour prolonger la rflexion.

  • PME et innovationtechnologique

    REGARDS SUR LES PMEN10

    Introduction

    Christian Marbach

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    Car la rflexion doit et peut se prolonger sur ce sujet des PME et delinnovation : notons dailleurs que si le titre de notre numro parledinnovation technologique, ici traite en priorit, tous les auteurs yrappellent avec insistance que linnovation ne se rduit pas, pour lesPME en particulier, la comprhension, lamlioration ou la cration de technologies.

    Il faut certainement continuer approfondir la thorie, creuserdavantage les concepts de recherche, de dveloppement, de technologie,dinnovation, de progrs dans lentreprise, que les statisticiens essaientparfois denfermer dans des manuels de dfinitions ou des postes comptables pour pouvoir les mesurer, mais dont la plasticit soppose des dlimitations rigides : par nature, technologie et innovation sont autant action que raction, uvres dindividus ou croisement de hasards et dinitiatives. Je peux tmoigner, pour mtre intress ce sujet pendant une quarantaine dannes, quil nest pas traitaujourdhui comme dans les annes 1960, o tout le monde oupresque voyait linnovation comme la mise en uvre des rsultats de la recherche grce un dveloppement entrepris au sein des plusgrandes entreprises ; et les annes 1970, o lon commenait prendreen compte lapport des start-up rebelles qui, dans les garages desroutes 128 ou de leurs clones, taient aussi capables de dcouvertes ;ou dans les annes 1980, o les rles de la demande sociale ou dumarch taient mis en avant pour rquilibrer le pull et le push, et donc linnovation commerciale et de service explore et prne au mmetitre que linnovation technologique ; et dans les annes 1990, o denombreux dispositifs de diffusion et de traduction de la technologievers les PME ont t mis en place, compte tenu du poids de plus enplus prgnant des mouvements technologiques sur lactivit de toutesles PME.

    Il faut donc aussi continuer parcourir le champ multiple et divers de toutes les PME, et, peut-tre avec elles ou leurs corps constitus ,ajouter la description ici entame des secteurs de la mcanique ou du tourisme celles de tous les autres secteurs, coiffeurs ou exploitantsvignerons, mdecins radiologues ou diteurs. On verra ainsi trs vitecombien la qualit des quipes de ces PME et leur manire daborder etcomprendre la technologie est essentielle, et combien les problmes de laformation, initiale et continue, sont au moins aussi fondamentauxque ceux des politiques publiques dinnovation proprement dites : sansoublier tous les thmes voqus plus haut, la formation nest-elle paslenjeu essentiel de cette dcade?

    Mais il ne saurait tre question de ngliger lanalyse et lvaluation despolitiques dcides en faveur de linnovation des PME. La description

  • PME et innovationtechnologique

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    Introduction

    Christian Marbach

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    ici faite de diverses mesures et procdures aidant la diffusion technologique et au dveloppement technologique des entreprises doitcertainement tre prolonge par une analyse plus complte, plus chiffre(en nombre dinterventions et en euros, mais aussi en dollars et en livres, car les comparaisons internationales sont ncessaires en Europeet au-del de lEurope). Se voyant parfois proposer des appuis demultiples niveaux, national mais aussi europen, rgional, local dansdes ples ou des zones spcifiques, se voyant mises en relation avec denombreux guichets, plus ou moins spcialiss, plus ou moins comptentsselon disciplines ou secteurs, plus ou moins munis de lignes budgtaireseffectivement approvisionnes, les PME peuvent certainement trouverdans cette multiplicit de quoi progresser mais cette affirmation debon sens rappelle en soi une ncessaire valuation et une remise enperspective de lensemble de ces outils.

    Le Groupe OSEO a apport lexprience de ses quipes, et surtout cellesdOSEO anvar, la prparation de ces travaux : quil en soit remerci,et quen particulier Laurence Tassone et Herv Le Blanc, comme tousleurs collgues auxquels leurs contributions ont t soumises, trouventici notre gratitude ; et je ne saurais ici oublier lapport prcieux duConseil scientifique de lObservatoire, dont certains membres commeJacques Lesourne ont suivi avec une extrme attention la progressionde nos travaux. Mais tous nos lecteurs le savent : OSEO est dabordengag dans laction en faveur des PME et de leur dveloppement, etson intention est surtout de tirer le plus large parti des tudes ainsiralises pour mieux servir ses clients.

    Dj, lanalyse des besoins spcifiques de financement des PMEconfrontes la technologie a conduit OSEO, fort de lexprience dsormais conjugue dOSEO anvar, OSEO bdpme et OSEO sofaris, mettre au point et proposer de nouveaux outils. Par ailleurs, aveclaide du gouvernement, les budgets disponibles pour des politiquesdintervention ont t revus la hausse : cela permettra daller plusloin, mais cela oblige des valuations dautant plus rigoureuses.Dans la rhabilitation rcente de politiques dinnovation, aussiindispensables et ncessaires que les politiques de recherche, ltat meten place de nouveaux outils, agences, labels, etc. Comme il ne sauraittre question que les PME soient oublies dans les actions envisagespar ces dispositifs en cration, cela conduira OSEO, dans son ensemble, prciser et amplifier ses perspectives daction : cest videmment enplein accord avec les quipes dirigeantes dOSEO que jintgre cetengagement au terme de cette profession de foi en linnovation technologique et dans le rle des PME dans notre conomie.

  • PME et innovationtechnologique

    REGARDS SUR LES PMEN10

    Sommaire

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    SommaireIntroduction

    La richesse dune approche multiple

    Christian Marbach, prsident

    PME et innovation technologique :pour une relation plus naturelle

    LTUDE

    Prambule 15

    I POINTS DE SMANTIQUE AUTOUR DU CONCEPT DINNOVATION 21

    1. Innovation 231.1. volution du concept 23

    1.2. Recherche, dveloppement, innovation : quelle frontire? 25

    1.3. Le concept dinnovation dans lenqute europenne sur linnovation 28

    1.4. Quentend-on par nouveau ? 31

    2. PME innovante 342.1. Innover, acte subordonn la concrtisation dun objet indit 34

    2.2. ou processus continu porteur de valeurs extramarchandes? 36

    2.3. Faire soi-mme ou faire faire ? 40

    2.4. tat de lart sur la mesure des entreprises innovantes 41

    Conclusion 45

    II PANORAMA DES PME INNOVANTES EN FRANCE 47

    1. Qui a innov en France entre 1998 et 2000 ? 521.1. Des entreprises franaises relativement moins attires

    par linnovation? 52

    1.2. Des diffrences sectorielles notables en matire de propension innover 52

    1.3. Des PME naturellement moins innovantes 55

    1.4. La moiti des PME innovantes appartient des groupes 55

    1.5. La propension innover est dautant plus forte que le march principal est grand 57

  • PME et innovationtechnologique

    REGARDS SUR LES PMEN10

    Sommaire

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    2. Que recherchent les PME franaises travers leurs programmes dinnovation ? 592.1. Le produit, voie dinnovation privilgie pour quatre PME

    franaises sur cinq 59

    2.2. Des innovations destines fournir un avantage concurrentiel sur les produits 61

    2.3. Des innovations non technologiques moins rpandues en France 66

    3. Comment les PME franaises organisent-elles leur activit de R&D? 683.1. Des programmes dinnovation majoritairement intra muros 68

    3.2. avec une activit de R&D interne en continu pour la moiti des PME franaises qui ont introduit une nouveaut sur le march 68

    3.3. mais un niveau dimplication moindre et un personnel qualifi moins nombreux 70

    3.4. et peu de collaborations externes en parallle 74

    3.5. Des sources dinformation par consquent prioritairement internes ou en provenance du march 80

    3.6. Au-del de la R&D, des dpenses dinnovation particulires chaque secteur 81

    4. Quelles stratgies de financement et de protection des innovations? 854.1. Des degrs divers dimplication financire dans lactivit

    dinnovation 85

    4.2. Une aide publique globale franaise dans la moyenne de lUE 15 87

    4.3. Un comportement spcifique des PME franaises en matire de proprit intellectuelle 88

    Conclusion 104

    III IMPACTS DES TECHNOLOGIES SUR LES MTIERS ET LES ENTREPRISES 105

    1. Les trs petites entreprises face loffre technologique 107

    1.1. Quels constats sur la relation TPE-innovation? 108

    1.2. Linnovation, une volution malgr la TPE? 111

    2. Changement de mtier dans les secteurs de lagriculture et de lindustrie alimentaire 1172.1. Paysan ou agriculteur : le mme mtier ? 117

    2.2. Linnovation technologique : nouvelles pratiques, diversification et mergence de nouveaux mtiers 120

    3. volution des mtiers dans le domaine de la mcanique 123

    3.1. Un environnement en mutation 125

    3.2. qui impose de repenser le mtier des entreprises de la mcanique 127

  • PME et innovationtechnologique

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    Sommaire

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    4. Innovation dans les services et services innovants, limpact des TIC sur le secteur du tourisme 1364.1. Caractristiques des innovations de services 137

    4.2. La naissance de nouveaux services et de nouveaux mtiers 142

    Conclusion 149

    IV ACCESSION DES PME LA TECHNOLOGIE : DE LA NCESSIT DE MESURES DACCOMPAGNEMENT 151

    1. Linnovation est aussi accessible aux PME peu familiarises avec la nouveaut technologique ! 154

    1.1. Lintermdiation technologique comme vecteur de diffusion technologique 154

    1.2. Le recrutement comme solution au problme de formation des trs petites units conomiques 163

    2. Pour des projets dinnovation technologique plus ambitieux 1652.1. Le transfert de technologie, un moyen privilgi dinnovation 166

    2.2. Internaliser le projet dinnovation en recrutant le chercheur adquat 178

    Conclusion 186

    CONCLUSION GNRALE 188

  • PME et innovationtechnologique

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    Sommaire

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    LA TRIBUNE

    1. La msange, le rouge-gorge et linnovation, Jacques Chaize 193

    2. Pour une politique en faveur de linnovation dans les entreprisesartisanales, Alain Griset 195

    3. Linnovation : un enjeu de tous les jours, Alexis Govciyan 197

    4. Lartisanat, acteur part entire de linnovation, Pierre Perrin 199

    5. Pour une politique dinnovation dentreprise !, Philippe Clerc 201

    6. Les PME innovantes et le capital-risque, Pascal Lagarde et Chahra Louafi 206

    7. Le brevet, un outil stratgique pour les PME, Dominique Deberdt 210

    LES COMPLMENTS

    1. Auteurs, contributeurs, remerciements 215

    2. Mthodologie 219

    3. Sources documentaires 221

    4. Lexique, sigles, adresses utiles 225

    5. Table des illustrations 232

    LOBSERVATOIRE DES PME

    Prsentation 236

    Mthode 237

    La recherche universitaire 238

    Publications : Regards sur les PME, www.oseo.fr 238

    Les membres : le groupe OSEO, la Caisse des Dpts 240

  • PME et innovation technologique

    POUR UNE RELATIONPLUS NATURELLE

  • PME et innovationtechnologique

    REGARDS SUR LES PMEN10

    LTUDE

    Prambule

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    PRAMBULEEnjeu de la politique europenne et par consquent des politiquesnationales, linnovation, et en particulier linnovation technologiquequi saccompagne trs souvent de travaux de R&D, est plus que jamaisau cur des problmatiques de dveloppement conomique, notam-ment dans les pays qui ont des efforts faire dans ce domaine pouratteindre les objectifs de Lisbonne fixs lchance 2010 en matirede R&D :- une intensit de R&D (dpenses de R&D en pourcentage du PIB) de3 % pour lensemble de lUE, - 2/3 des dpenses de R&D finances par le secteur des entreprises.

    La France fait partie des pays qui doivent encore progresser sur cesdeux critres (tableau 1).

    Tableau 1 : Pays europens et objectifs de Lisbonne : quen est-il ?Dpenses Intensit de R&D Financement de la R&D

    de R&D par le secteur des entreprises

    2004 (p) 2003 2004 (p) 2003(M constants) (en %) (en %) (en %)

    UE 25 195042 1,92 1,90 54,3Max. UE 25 Allemagne Sude : 3,98 Sude : 3,74 Finlande : 70

    55100 Finlande : 3,48 Finlande : 3,78Min. UE 15 & 25 Grce Grce : 0,62 Grce : 0,58 Grce : 30,7

    967 Malte : 0,27 Malte : 0,29 Malte : 18,6 (2002)France 35 648 2,18 (6e rang) 2,16 (6e rang) 50,8 (11e rang)USA 251577 2,59 2,6 (p) 63,1JP 119748 3,15 - 74,5

    (p) provisoireSource : Eurostat, communiqu de presse 156/2005, 6 dcembre 2005.

    Toutefois, la tche nest pas aise tant le contexte dinnovation tech-nologique est complexe. Linnovation se met au point chez certains,mais pour un trs grand nombre elle sacquiert auprs dautrui ; ellesimpose naturellement et gnralement sans douleur lorsquelle estincorpore dans les biens et services achets, mais aussi de faon plustranche, parfois violente, lorsquelle constitue un cap incontournablepour lentreprise pour demeurer concurrentielle ; elle dpasse parfoisla question dappropriation technologique en impactant les processusdorganisation, de management, voire la stratgie et les mtiers des entreprises ; les mthodes dinnovation diffrent selon quil sagitdune PME, voire dune trs petite entreprise, ou encore dun grandgroupe ; certaines PME sont dans un contexte stimulant, voirecontraignant, de faire toujours mieux, tandis que dautres ne voientpas lutilit dun tel changement Telle est la diversit des situations

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    LTUDE

    Prambule

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    dinnovation auxquelles sont confrontes nos entreprises, en particulierle monde des PME fortement htrogne, et que les politiques publi-ques doivent prendre en compte pour trouver les solutions de soutien linnovation les plus satisfaisantes.

    Ainsi, de nombreuses actions destines favoriser la mise au point etla diffusion de nouveaux produits, procds ou services sont menes,tant au niveau de ltat et des collectivits territoriales, en particulierles Rgions, que de lUnion europenne, pour fertiliser le terreau delinnovation en France, donner le got de linnovation. Des rseaux dedimension rgionale, nationale, europenne voire internationale sesont progressivement constitus pour sensibiliser linnovation tech-nologique, pour accompagner les projets dinnovation des entrepriseset des laboratoires de recherche. Enfin, de nouveaux outils ont vu lejour dernirement pour renforcer ce mouvement sur des axes bienidentifis comme lAgence de linnovation industrielle (grands projetstechnologiques porteurs du dynamisme de lindustrie franaise dedemain), les ples de comptitivit (partenariats public-priv dans lechamp des technologies structurantes et des activits industriellespour lesquelles la France est spcialise ou bnficie de potentialitsavres) ou encore la naissance dOSEO

    Cest en effet dans cette dynamique de renforcement des actions enfaveur de linnovation que sinscrit la constitution du groupe OSEO, nen janvier 2005 du rapprochement des comptences de lANVAR,lAgence franaise de linnovation, et de la BDPME, la Banque dudveloppement des PME. La mission dOSEO, dans le cas particulier delinnovation, est doffrir aux crateurs dentreprise et dirigeants dePME des services daccompagnement et de financement adapts leurs besoins pour mener bien leur projet dinnovation, quel quesoit le stade de dveloppement de ce projet ou de leur entreprise.

    Dans ce contexte de priorit politique et en droite ligne avec les pr-occupations et lexpertise du groupe OSEO, nous avons souhait par-tager notre exprience sur la relation PME-innovation. Cependant,devant ltendue dun tel sujet, nous avons pris le parti de ne prsenterici que certains aspects de cette relation. Nous traiterons ainsi essen-tiellement de linnovation technologique et, dans cette voie, nousprivilgierons deux axes :a) Le primtre de linnovation et la caractrisation dune entrepriseinnovante ; ces deux lments tant au centre des analyses dimpactdes politiques publiques sur la croissance conomique via linnovation.b) La propension des PME porter des projets dinnovation technolo-gique, ou autrement dit le caractre plus ou moins naturel de la relationde lhomme, et indirectement des PME, avec la nouveaut technolo-

  • PME et innovationtechnologique

    REGARDS SUR LES PMEN10

    LTUDE

    Prambule

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    gique ; facteur stratgique sil en est un, lorsque laction politiquevise accrotre la dynamique dinnovation des entreprises pour favo-riser la croissance conomique nationale. Dans cette optique, deuxquestions fondamentales se posent : quel impact de la nouveauttechnologique sur les mtiers et les PME elles-mmes? Comment lesaccompagner au mieux pour lever les blocages naturels linnovationpar acquisition de technologies prexistantes?

    Par consquent, nous naborderons pas volontairement certainesdimensions de la relation. Par exemple : Dans la dernire partie notamment, nous ne nous proccuperonspas des PME pour lesquelles linnovation est dj intgre dans leurcomportement stratgique. Elles relvent dune problmatiquequelque peu diffrente en matire dapproche des projets innovants,portent la plupart du temps des projets risqus fort contenu tech-nologique et concernent un nombre relativement plus faible de PME,comparativement celles pour qui innover nest pas forcment naturel,quelle que soit lintensit technologique de linnovation mettre aupoint. Il ne sera pas fait rfrence, dans cette mme partie, aux aides prives ou publiques autres que les aides de ltat franais destines cette cible de PME, bien que la coexistence de tous les niveaux dintervention doive aussi tre rflchie en termes de cohrence desservices apports aux PME innovantes pour une efficacit plus grandedes dispositifs. La question du financement des projets dinnovation ne sera pasaborde ici. En effet, bien que capital lorsque la PME a dcid de sen-gager dans un projet dinnovation, cet aspect financier ne fait paspartie des facteurs de premier rang pour motiver lentrepreneur peusensible linnovation, voire frileux sur le sujet, se projeter dans unnouveau contexte technologique, et lui inculquer le rflexe de linno-vation. Sa mconnaissance du sujet et/ou sa crainte du changementet de linconnu sont des freins beaucoup plus forts que les questionsde financement. Par ailleurs, la multiplicit des situations financiresdes PME, la nature mme des projets dinnovation et des dpenses financer, le degr de maturit de lentreprise et du projet, la conjonc-ture conomique influant fortement sur les modalits de finance-ment des programmes dinnovation ports par des PME (aidespubliques nationales, rgionales voire europennes, concours bancaires,garantie, capital-risque, business angel, marchs financiers, autofi-nancement), ce sujet mrite une tude part entire.

    Ainsi, dans la premire partie, nous ferons un dtour dabord par leconcept dinnovation pour en comprendre toutes les dimensions etfacettes, et ainsi clairer sur la diversit des situations dinnovation.

  • PME et innovationtechnologique

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    LTUDE

    Prambule

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    Puis nous nous essaierons dfinir lentreprise innovante pour nonseulement mettre en perspective la problmatique PME dans cecontexte, mais aussi dpasser le cadre de la cration de valeur limite la mise au point dun objet indit. Nous prsenterons en effet uneapproche tendue de limpact dune entreprise implique dans un pro-gramme dinnovation (sur les hommes, la socit, lconomie ouencore sur elle-mme) et les limites des analyses statistiques actuellesqui en dcoulent. Cette rflexion modifie le primtre dvaluation delefficacit des actions publiques en matire dinnovation et aboutitpar consquent regarder autrement les fondements mmes de linter-vention de ltat dans ce domaine.

    Un aperu du profil et du comportement dinnovation de ces PME seradonn en deuxime partie partir des rsultats de la dernire enqutecommunautaire sur linnovation qui couvre la priode 1998-2000.Mme si celle-ci ne concerne que les entreprises de plus de 20 salaris(10 dans les services), elle permet de connatre certaines informa-tions non seulement sur les entreprises qui ont innov en commercia-lisant un nouveau produit ou procd ou en introduisant une nou-veaut au sein de leur entreprise, mais aussi sur celles qui taientimpliques dans un programme dinnovation (sans rsultat aumoment de lenqute), ce qui correspond, la question de taille prs, notre dfinition tendue de lentreprise innovante. Cette tude estcomplte par une approche de PME productrices dinnovationtechnologique partir des entreprises qui ont bnfici dun soutien linnovation dOSEO anvar ces dernires annes. Elle permet davoirune vue galement sur des entreprises innovantes de plus petite taille(infrieure 20 salaris), voire de trs jeunes entreprises.

    Au travers de cas pratiques de lartisanat et des secteurs de lagricul-ture-agroalimentaire, de la mcanique et des services (impact des TICsur les mtiers du tourisme), relevant de catgories de PME trs dif-frentes de par leur taille, leur propension naturelle innover, leurfaon dinnover, le poids de leur environnement, nous traiterons entroisime partie des consquences de lapparition de nouveaux pro-duits, procds ou services la fois sur leur mtier (pratiques, mtho-des dorganisation, de vente, positionnement concurrentiel) et surelles-mmes, quelles soient lorigine de linnovation ou simples consommatrices de nouveaut.

    Enfin, dans la dernire partie, nous centrerons notre rflexion surcertains outils et acteurs qui servent dinterface entre lentreprise etla technologie en accompagnant les entreprises relativement peufamiliarises avec la nouveaut technologique (soit une grande partiedes PME) dans la dtection et la ralisation de leur projet dinnova-

  • PME et innovationtechnologique

    REGARDS SUR LES PMEN10

    LTUDE

    Prambule

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    tion. En effet, une innovation ou une nouvelle connaissance na devaleur pour la socit dans son ensemble que si par effet de vaguessuccessives elle est utilise par un nombre croissant dentreprises ; enparticulier celles qui nont pas naturellement une propension rechercher la nouveaut mais qui pourraient, en innovant leurniveau, faire ainsi un bond en avant. Cette innovation est fonde laplupart du temps sur le principe gnral de diffusion technologique,cest--dire dadaptation de technologies existantes des contextesparticuliers. Toutefois, cette appropriation peut amener les PME porter des projets faiblement risqus en cas dintgration dune tech-nologie stabilise, parfaitement matrise, ou significativement plusrisqus si les dveloppements sur une technologie prexistante doi-vent tre raliss dans des axes encore peu explors. Dans ce derniercas, lincertitude technologique se double souvent dun risque com-mercial de positionnement du nouveau produit, procd ou servicesur le march et dacceptation interne du changement. Linnovationprend un caractre plus complexe et ncessite alors des dispositifsdaccompagnement diffrents.

  • Ltude

    I. Points de smantique autour du concept dinnovation

  • PME et innovationtechnologique

    REGARDS SUR LES PMEN10

    LTUDE

    I. Pointsde smantique

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    On ne peut parler de la relation entre une entreprise, quelle que soitsa taille, et linnovation sans traiter au pralable des questions ducontour donner au concept mme dinnovation et dentreprise inno-vante, ces deux dfinitions ayant une implication forte sur les niveauxmesurs pour dterminer le degr dimplication dun pays et de sescomposantes dans linnovation.

    1. INNOVATIONInnovation, un concept en mutation profonde ces dernires annes :de lintroduction de biens en capital exogne acquis par une entre-prise la possibilit pour cette dernire de mettre au point une nou-veaut par accumulation de connaissances ; de linnovation purementtechnique linnovation globale.

    1.1. volution du concept

    La notion dinnovation apparat ds les origines de lanalyse cono-mique (A. Smith, D. Ricardo et T. R. Malthus), mais demeure imprcise:on parle de croissance conomique ; elle est aussi restrictive quant sa porte : on la nomme progrs technique. Elle est alors incorporedans le facteur capital .De ce fait, lentreprise sera considre pendant trs longtemps commeune bote noire technologique : cest lachat de nouveaux biensdquipement qui lui permet dtre plus rentable. Linflux de la nou-veaut est par consquent gnr lextrieur de lentreprise, dansles laboratoires de recherche publics notamment. On parle dinven-tion. Cette conception conduira la mise en place dune politiqueactive et persistante de soutien la recherche fondamentale commesource unique dinnovation, avec par exemple la cration de grandsorganismes nationaux de recherche.Linnovation, ou progrs technique, est alors conue comme un actelinaire exogne partant des dcouvertes scientifiques produites parles laboratoires de recherche, puis passant par un stade de rechercheapplicative au sein des entreprises (les plus grandes en loccurrence),pour finalement tre mise sur le march, disposition du plus grandnombre.

    Dans les annes 1940, J. A. Schumpeter (1942) donne la notion dinnovation un nouveau visage. Linnovation est perue comme unchangement qualitatif qui induit des modifications au sein mme delentreprise ; cest une destruction cratrice qui rvolutionne inces-samment de lintrieur la structure conomique, en dtruisant conti-nuellement ses lments vieillis et en crant continuellement des lments

  • neufs . Lentreprise prend ainsi une relle dimension en matire din-novation. Mais plus que lentreprise, cest celui qui est sa tte quiest le vritable initiateur du mouvement. Avec sa notion dentrepre-neur innovateur, il conditionne le progrs technique au comportementdu chef dentreprise. Le rle de lentrepreneur consiste rformer ou rvolutionner la routine de production en exploitant une invention ou,plus gnralement, une possibilit technique indite. Lentrepreneura alors pour rle de transformer linvention en un objet ayant unusage marchand. La croissance conomique dpend donc de la vellitdes chefs dentreprise innover en matire de produit, de procd deproduction, de march, de source de matire premire ou dnergie, ouencore de mode dorganisation de la production au sein de lentrepriseou du secteur. Si lorigine de linnovation demeure toujours externe lentreprise apparat une nouvelle modalit dinnovation qui nest ni lamise au point dun nouvel objet, ni la recherche dun nouveau march.Il sagit dinnovation organisationnelle. Lexemple le plus connu est lamise en place du travail la chane grce la dcomposition des tchesen mouvements de base pour accrotre la productivit (taylorisme).

    Ce nest que dans les annes 1960 puis surtout dans les annes 1980quune nouvelle conception de linnovation apparat, dbordant lestrict cadre de linnovation technologique il sagit notamment destravaux de E. T. Penrose (1959) et des tenants du courant volution-niste (G. Dosi, 1998). Par le dveloppement dapprentissages de naturesdiverses (scientifique et technique, organisationnelle) diffrentsendroits de lentreprise (laboratoire de R&D mais aussi atelier de production et de conception, rseau de commercialisation), cettedernire produit des connaissances qui tracent, par cumulativit, destrajectoires technologiques dans lesquelles les entreprises avancentpar innovations incrmentales, qui lui permettent de changer de trajec-toire (innovation majeure) ou de paradigme (innovation de rupture).

    Cela implique alors 1) de revoir le credo politique sur la recherche fon-damentale comme seul pourvoyeur de connaissances pour linnova-tion ; 2) de prendre conscience quinnover nest pas seulement le faitdes grands groupes, mais que la croissance conomique repose aussisur les PME (fin de la politique des champions nationaux comme sourceprincipale de croissance conomique et demplois) ; et 3) didentifierles lieux et modalits dinnovation de faon accrotre la propension innover des entreprises en dfinissant des instruments dactionpublics adapts chaque situation.

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    1.2. Recherche, dveloppement, innovation :quelle frontire ?Selon le Manuel de Frascati (OCDE, 2002), la recherche et le dvelop-pement exprimental (R&D) englobent les travaux de cration entre-pris de faon systmatique en vue daccrotre la somme des connais-sances, y compris la connaissance de lhomme, de la culture et de lasocit, ainsi que lutilisation de cette somme de connaissances pourde nouvelles applications.

    Ainsi, la notion de R&D englobe trois niveaux de recherche: la recherchefondamentale, la recherche applique et le dveloppement expri-mental.

    La recherche fondamentale consiste en des travaux exprimentauxou thoriques entrepris principalement en vue dacqurir de nouvellesconnaissances sur les fondements des phnomnes et des faits observa-bles, sans envisager une application ou une utilisation particulire. Appele galement exploratoire, elle consiste par consquent en laproduction de connaissances gnriques qui ont pour objet de faireavancer la science. Elles sont donc dpourvues de motivation cono-mique. En effet, lhistoire montre que quasiment chaque dcouvertescientifique, qui a finalement rvolutionn les mthodes de lindustrie,a t ralise grce la recherche de connaissances pour son propreintrt, sans objectif premier dun quelconque avantage pratique parti-culier (exemple de la pnicilline ou des quasi-cristaux).

    De par labsence originelle et ncessaire de critre de rentabilit,cette recherche ne peut tre mene que par des organismes publics derecherche, quelques grandes entreprises dont lassise financire leurpermet dabsorber les cots affrents, ou des entreprises de recherchesitues sur des crneaux de niveau mondial porteurs de forte valeurajoute (mme avec une connaissance gnrique) comme cest le casdans les secteurs des biotechnologies ou des micro- et nanotechnolo-gies aujourdhui. Souvent, ces entreprises ont par ailleurs une activitnourricire qui leur permet de porter ce genre de recherche pendant letemps ncessaire, savoir une dizaine dannes, voire mme parfois plus.

    Cest par la recherche applique ou le dveloppement exprimentalque ces inventions sont alors orientes vers des applications cono-miques potentielles. La distinction entre ces deux termes repose surla prexistence ou non de la connaissance ncessaire au rsultat : larecherche applique consiste galement en des travaux originauxentrepris en vue dacqurir des connaissances nouvelles. Cependant,

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    elle est surtout dirige vers un but ou un objectif pratique dtermin ,tandis que le dveloppement exprimental consiste en des travauxsystmatiques fonds sur des connaissances existantes obtenues par larecherche et/ou lexprience pratique, en vue de lancer la fabrication denouveaux matriaux, produits ou dispositifs, dtablir de nouveaux pro-cds, systmes et services ou damliorer considrablement ceux quiexistent dj .Dans les deux cas, les rsultats recherchs ont le plus souvent pourobjectif de rpondre un besoin exprim par le march. Cest parexemple la portabilit des quipements en rponse au nomadismecroissant des personnes actives ; cest aussi la cration de nouveaupain (nouvelle levure, nouvelle recette, nouvelle technique de cuissonou de ptrissage) rpondant un retour des consommateurs aux pro-duits naturels et traditionnels ; cest enfin lutilisation du GPS (globalpositioning system) pour se dplacer, grer en temps rel des flottesde vhicules chez un transporteur ou un loueur, ou reprer une voiture,un animal sur un territoire. Toutefois, ce type dactivit peut tout aussi bien avoir comme objet dedevancer la demande, de crer un besoin et ainsi de donner naissance un nouveau march. Cest le cas par exemple du tlphone mobileintgrant la photo, voire demain la vido ; ou encore de lUMTS, quiest davantage le rsultat dune course effrne des oprateurs mon-diaux de tlcommunication, qui ont ax leur avantage concurrentielsur cette caractristique technique.

    Recherche applique ou dveloppement technologique, quelle quesoit la voie emprunte, cette activit consiste en la phase ultime qui doitmener un objet indit, ce qui la diffrencie fortement de lactivitde recherche exploratoire.

    Toutefois, la R&D ainsi dfinie ne correspond qu une variable proxyde linnovation. Pourquoi? Car sont exclues de cette dfinition certainesactions qui, elles aussi, sont lorigine dinnovations non ngligea-bles. Elles sont de nature diffrente de celle de la mise au point dunobjet technique, se produisent en des lieux de lentreprise autres quele laboratoire de R&D et sont le fait de personnes ne faisant pas partiede lquipe de chercheurs.

    Il en est ainsi, par exemple, de ladaptation du processus productif etdu contrle qualit suite la fabrication dun nouveau produit ou lintroduction dune nouvelle technologie ; de la formation des res-sources humaines lutilisation de nouvelles mthodes et de nouveauxoutils ; de la mise en adquation du produit ou procd avec les carac-tristiques culturelles et rglementaires des pays cibles ; de lacquisi-tion de technologie incorpore (achat de biens dquipement avec

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    contenu technologique nouveau) ou non incorpore (brevets, licences,transferts de savoir-faire) ; ou enfin des tudes de conception.

    Par consquent, mme si la recherche est une source essentielle deconnaissances pour les innovations de procds et de produits, linno-vation au sein dune entreprise peut galement concerner un change-ment de nature non technologique .

    Linnovation peut alors porter sur tout ou partie des lments consti-tutifs de lentreprise et de son environnement : ses mthodes de travail (partage de donnes), dadministration/degouvernance (informatisation de la gestion des stocks, des feuilles depaie) et de vente (vente en ligne), ses marchs (prt cuire, prt consommer), son appareil productif (automatisation des chanes de production,processus de qualit totale), son organisation (le juste--temps, une structure rticulaire durableavec les clients et fournisseurs dpassant le cadre des relations clas-siques dachat-vente), ses mthodes dadministration, ses services (formation au nouveau procd dlivr au client, SAV,tlservices), ses ressources humaines (formation, expertise), et bien entendu, de faon trs classique, ses produits ou ses tech-nologies.

    Avec ces quelques exemples dinnovations dites non technolo-giques , il savre que la plupart dentre elles nont t possibles queparce que les technologies ont volu et ouvert un instant donndes opportunits de productivit et de rentabilit situes ailleurs quedans les performances des biens (produits et procds) et services : lavente en ligne, nouveau mode de commercialisation, la tlformation,nouvelle modalit dapprentissage, la gestion en flux tendus, nouvellemthode de production autant dinnovations non technolo-giques qui nauraient pas vu le jour sans les NTIC (nouvelles tech-nologies de linformation et de la communication).

    De fait, linnovation, longtemps restreinte son aspect technique enlien avec la R&D, mrite une approche globale (innovation technolo-gique, innovation organisationnelle y compris les nouveaux modlesdentreprise , innovation prsentationnelle (voir lexique), en parti-culier si on veut tenir compte de toutes les volutions rcentes qui ontmarqu les entreprises, et spcialement la forte croissance des activitsde services et la concurrence qui rgne dans certains des secteursaffrents.

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    Ainsi, la Commission europenne, ds 1995, dfinit linnovationcomme le renouvellement et llargissement de la gamme de produitset services, et des marchs associs ; la mise en place de nouvellesmthodes de production, dapprovisionnement et de distribution; lintro-duction de changements dans la gestion, lorganisation du travail ainsique dans les conditions de travail et les qualifications des travailleurs .Cest cette conception largie qui prvaut dans la rflexion du Conseileuropen de Lisbonne sur limportance de linnovation pour la com-ptitivit europenne, mme si lobjectif fix de 3 % concerne priori-tairement la R&D.

    1.3. Le concept dinnovation dans lenquteeuropenne sur linnovationLes travaux de rflexion internationale sur le concept dinnovation etsa mesure sont consolids dans le Manuel dOslo. Ce document pro-pose des principes directeurs pour le recueil et linterprtation desdonnes sur linnovation. Il traite des produits (biens et services) etprocds technologiquement nouveaux ou amliors.

    Les enqutes europennes disponibles ce jour sur les PME innovantesauxquelles nous nous rfrerons ultrieurement (notamment dans lapartie II) sont fondes sur les dfinitions et principes rdigs dans ladeuxime dition du Manuel dOslo (OCDE, 1997). Nous procderonspar consquent une analyse critique des notions dinnovation etdentreprise innovante telles quelles sont prsentes dans cettedeuxime version. Toutefois, au moment o nous mettons un pointfinal la rdaction de cet ouvrage sur les PME et linnovation, lOCDEpublie la troisime dition de son Manuel (OCDE, 2005) qui intgrenotamment les considrations dveloppes ci-aprs.

    Ainsi, linnovation technologique de produit consiste en la mise aupoint/commercialisation dun produit plus performant dans le but defournir au consommateur des services objectivement nouveaux ou am-liors ( 24). Cette performance se mesure par des caractristiquestechnologiques ou des utilisations prvues prsentant des diffrencessignificatives par rapport lexistant ( 136).

    Par innovation technologique de procd, on entend la mise aupoint/adoption de mthodes de production ou de distribution nouvellesou notablement amliores ( 24).

    Bien que qualifie de technologique , cette innovation, quelle soitde produit ou de procd, peut avoir des origines non technologiques. Elle peut faire intervenir des changements affectant, sparment ou

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    simultanment, les matriels, les ressources humaines ou les mthodesde travail ( 24). Ainsi, une innovation organisationnelle sera consi-dre comme une innovation de procd si elle amliore suffisammentles performances de lentreprise du point de vue, par exemple, de saproductivit ou de ses rsultats commerciaux. Cest le cas de ladop-tion dun systme de production en flux tendus, de la chane de mon-tage permettant dassembler plusieurs modles dun mme produit.

    Afin de jeter les premires bases didentification de ces innovationsnon technologiques, la troisime enqute communautaire sur linno-vation (CIS 3) intgre une dfinition donnant plus de visibilit sur lesdeux dimensions de linnovation : Linnovation de produit est un bien ou un service qui est soit nouveau,soit sensiblement amlior sur le plan des caractristiques fondamen-tales, des spcificits techniques, du logiciel incorpor ou dautres com-posantes immatrielles, des utilisations prvues ou de la facilit dutili-sation. La notion de composantes immatrielles reprsente ici lapartie non technologique mais demeure difficilement interprtablepar lentrepreneur enqut. Linnovation de procd englobe les technologies de productionnouvelles ou sensiblement amliores, les mthodes de prestations deservices et de livraison de marchandises nouvelles ou sensiblement am-liores. Le rsultat devrait tre significatif sur le plan du niveau de pro-duction, de la qualit des produits (biens/services) ou des cots de pro-duction et de distribution. Dans cette dfinition, linnovation nontechnologique est repre par la notion de service .

    Laspect non technologique de linnovation est abord part danslenqute [voir SESSI (2004) pour le questionnaire]. Il est demandaux rpondants de prciser si, au-del de la production de nouveauxproduits ou procds, ils ont entrepris des changements importantsen matire de stratgie, de management, de gestion, dorganisation,de marketing ou encore de changements plus subjectifs ou esth-tiques. Sont galement identifis les engagements de dpenses par-ticulires lies linnovation autres quen R&D, notamment en matiredachat de machines ou dquipements, dacquisition de connaissancesexternes, de formation, dintroduction de linnovation sur le march,de design ou dadaptation des processus productifs ou commerciaux.

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    Bien quayant permis une avance importante dans la prise en compteet la mesure des modalits dinnovation non technologiques au seindune entreprise, et au-del du caractre systmatique que doit avoirleur valuation, leur apprhension ncessite davantage dexplicita-tion pour tre identifies correctement par les entreprises enquteset couvrir ainsi correctement toute la panoplie des moyens dinnovation disposition des entreprises. Cela est dautant plus important qu ilest de plus en plus difficile de faire la distinction entre linnovation nontechnologique et linnovation technologique []. On a par exemplemontr que les entreprises tirant le meilleur profit des technologies delinformation en termes de productivit et de performances sur le marchsont celles qui ont procd simultanment des changements majeursdans leur organisation, leur gamme de production, leurs relations avecles clients, etc. (D. Guellec, 2003). Cest lune des proccupations dela rvision 2005 du Manuel dOslo.

    Par ailleurs, il faudrait galement se pencher sur la question de lacomptabilisation des innovations non technologiques, mme lors-quelles ne sont pas lies lintroduction dun produit sur le marchou dun procd dans lentreprise et quelles ont un impact significatifsur lentreprise. Ce qui nest le cas ni dans le Manuel dOslo, ni dansle questionnaire construit pour CIS 3 (dans la question 11 concernantles activits dinnovation et dpenses correspondantes de votre entre-prise en 2000 , chaque activit dinnovation autre que la R&D estexprime en lien avec linnovation de produit ou de procd : acqui-sition de machines [] lis aux innovations (produit ou procd) ; acquisition dautres savoirs extrieurs lies aux innovations ; forma-tion du personnel li directement aux innovations

    Quelle que soit la nature de linnovation, laspect nouveaut estune condition ncessaire. Mais elle est loin dtre suffisante. O com-mence la nouveaut? Quels critres utiliser pour dcrter quun bienest innovant? Produire autrement un bien, amliorer les caractris-tiques techniques dun procd de fabrication, proposer un serviceinexistant, diversifier son modle de vente, relooker un produitpour le rendre tendance, acheter un logiciel plus performant, se doterdun quipement informatique, autant de comportements qui impli-quent des changements destins amliorer les performances delentreprise. Mais relvent-ils tous pour autant de linnovation?

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    1.4. Quentend-on par nouveau ?

    Innovation mineure ou majeure, innovation incrmentale, radicale ou encore de rupture, adaptation versus cration ex nihilo, autant dexpressions qui refltent la diversit dans lintensit des change-ments oprs par les entreprises, mesure par rfrence au degr denouveaut des rsultats obtenus et au risque encouru.

    Linnovation est dite radicale lorsquelle est lorigine dune ruptureavec le modle en place. Elle cre ainsi une discontinuit pour len-treprise et son environnement. La mise au point de standard techno-logique ou de modle dorganisation entre dans ce cadre dinnovationmajeure qui modifie les rgles prexistantes. Les projets concernantla mise au point de ce type dinnovation se caractrisent alors par unetrs forte incertitude technologique (la voie nest pas stabilise) dou-ble dun risque commercial et/ou dune appropriation interne levset dun temps dacceptation de la nouveaut par le march plus long(les early adopters, friands de nouveauts, sont peu nombreux). Il enva ainsi du passage au modle dorganisation scientifique du travail(OST), de lapparition du DVD comme alternative aux cassettes vido,de la cuisson par micro-ondes, des modles de vente ou de rserva-tion par Internet, de la microchirurgie

    Linnovation incrmentale, quant elle, concerne les amliorationsapportes rgulirement aux technologies ou produits matriss parlentreprise ainsi qu son organisation afin de lui permettre de sadapter aux volutions permanentes du march ou de les anticiper.Elle est dveloppe en continu par lentreprise ou provient de ladap-tation de technologies externes stabilises et parfaitement connues.Cest le cas de la souris optique ou des priphriques sans fil pourordinateur, des patchs en remplacement des prises orales ou intravei-neuses de mdicaments, des emballages biodgradables, des servicesaux consommateurs tels que la livraison domicile, le paiement che-lonn, le SAV par tlphone Ces innovations sont considrescomme mineures en ce sens quelles ne changent en rien les conditionsdusage et ltat de la technique choisie. Elles sont donc a contrariofaiblement risques du point de vue technologique et commercial.Toutefois, dans certains cas, un risque demeure quant lacceptationinterne de linnovation.

    Dfinir le degr de nouveaut par rapport la seule prexistence ounon dun modle (produit, procd, mthode dorganisation) estmalgr tout insuffisant pour deux raisons principales.Dabord, limpact conomique dune innovation nest pas forcmentproportionnel lintensit du changement quelle provoque dans len-

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    treprise et sur son environnement. Ainsi, une innovation radicale peutavoir des consquences conomiques limites lorsque, par exemple,elle ne rencontre pas un march suffisant ou se heurte des freinsimportants qui entravent sa diffusion. Dans la bataille des standardspour les magntoscopes en Europe, la technologie Pal la emport surla technologie Secam alors que toutes deux pouvaient tre consid-res comme des innovations majeures, car ce qui a fait son succs, cenest pas tant ses caractristiques technologiques que le volume deses utilisateurs (loi du plus grand nombre). Quant au lancement de lanorme UMTS, il a t plus lent que prvu malgr des performancespotentielles bien suprieures (dbit plus lev, transport de donneset dimages en plus de la voix), car son dploiement demandait, au-del de la mise en uvre, dans une priode difficile, dinvestisse-ments lourds et dinfrastructures spcifiques, la cration de services proposer aux utilisateurs (privs comme professionnels). Dans lesecteur aronautique enfin, la technique dassemblage utilise depuislorigine est le rivetage des tles. Mais elle pose des problmes demaintenance que la technologie du collage aurait pu rsoudre depuisdj quelques annes sil ny avait pas eu un frein de la part des uti-lisateurs forms la technique du rivet. Il a donc fallu attendre larrive massive des matriaux composites dans les structures davionspour voir apparatre le collage comme alternative au rivet. loppos, des innovations moins radicales peuvent tre loriginede valeur ajoute substantielle en amliorant les performances duproduit ou du procd, ou en positionnant le produit sur un nouveausegment de march. Dans le premier cas, il sagit par exemple descapacits de stockage et de traitement de linformation sur un disquedur, larrive des matriaux composites dans le sport (raquette detennis, club de golf, perche, ski), lutilisation de PVC pour les huisseries,la production de crayon papier partir de polymre remplaant lebois, les textiles sans repassage destins notamment la confec-tion Dans le second entrent le conditionnement de produits alimentaires en portion individuelle, lutilisation des bouteilles enPET (polythylne trphtalate) pour la fabrication de textile polaire.

    Ensuite, lintensit du changement et ses rpercussions sur le posi-tionnement concurrentiel ne sont pas toujours les mmes selon len-treprise concerne. Le saut de puce dune entreprise peut correspondre un pas de gant pour une autre. Ainsi, ladoption dun progiciel decomptabilit par un cabinet dexperts-comptables modifie en profon-deur ses mthodes de travail et sa relation aux clients alors quil faitpartie intgrante du portefeuille de produits du producteur. Quantaux guichets automatiques de banque (GAB), ils taient au dmarrageun simple dveloppement de produit. Mais ils ont rvolutionn la relation banquier-client et ont modifi les contenus mmes du mtier.

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    De mme, les logiciels de scurit pour le PMU ou les salles de marchont permis ces professionnels dviter des pertes colossales. Enfin,dans les entreprises, les logiciels de GPAO ont permis de mieux cernerles vraies sources de profit et dagir en consquence.Se pose alors la question Nouveau pour qui ? Doit-on se focaliseruniquement sur les premires mondiales ? Linnovation doit-elle trevalue en rfrence au march national ? lentreprise ?

    Positionner la barre trop haut reviendrait concentrer lanalyse surun type dinnovation extrmement limit peu reprsentatif des com-portements dinnovation de la majorit des PME et TPE. Seraientexclues de fait toutes les nouveauts dveloppes lintrieur dunmme secteur dactivit par les suiveurs partir des innovationspionnires ou par des entreprises appartenant dautres secteursdactivit suite un processus de diffusion technologique. Cest parconsquent ce dernier niveau, lentreprise, qui a t choisi pour iden-tifier le caractre innovant dun produit ou procd dans les enquteseuropennes. Ainsi, linnovation doit tre une nouveaut pour len-treprise, mais pas forcment pour le march.

    A contrario, une amlioration ne correspond pas de faon systma-tique une innovation. En effet, toute entreprise, aussi petite soit-elle, innove rgulirement de faon naturelle mais marginale laplupart du temps. Le risque, ici, est davoir un spectre trop large den-treprises dites innovantes qui biaiserait la comprhension des com-portements dinnovation et par consquent la dfinition de politiquespubliques de soutien linnovation efficaces (optimisation du rende-ment conomique, social et socital dune innovation).

    Quel(s) critre(s) supplmentaire(s) utiliser pour discriminer entre lesinnovations incrmentales ?Dans 2e dition du Manuel dOslo, une nouveaut est considrecomme une innovation si elle prsente des diffrences significatives par rapport lexistant (pour la firme). Sont donc exclus les chan-gements apports des produits qui donnent lacheteur un sentimentsubjectif de plus grande satisfaction en raison de ses propres gots etjugements esthtiques, ou qui rpondent au souci de suivre la mode, ouencore qui sont pour beaucoup le fruit de campagnes de marketing (changement de nom ou demballage dun produit existant, de lacoupe ou de la couleur dun vtement, introduction dune fonctionlargement dploye par ailleurs dans une gamme de produits diffrenteou par les concurrents) ( 26). Il en est de mme de lintroductiondun quipement, que ce soit en remplacement ou en supplment dunmatriel dj en place. Cest la primo-utilisation au niveau duneentreprise qui est innovante et non les acquisitions suivantes.

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    Cette notion dusage introduit la dernire caractristique dune inno-vation selon laquelle une nouveaut, quel que soit son degr de rup-ture avec lexistant, nest considre comme une innovation qu partirdu moment o elle est introduite sur le march ou dans le processusde production de lentreprise. Cest le caractre exploitable et exploitde la nouveaut qui en fait une innovation. Nous prendrons, ici, cepostulat tel quel pour en dbattre plus avant dans la partie suivantesur la dfinition dune PME innovante.

    En synthse, quelle porte sur un produit, un procd, un service,un mode dorganisation, de commercialisation, quelle rsultedune cration ex nihilo ou dune amlioration significative delexistant, une innovation consiste en une nouveaut lchelle delentreprise, exploite pour accrotre de faon consquente sesperformances conomiques (introduction sur le march ou dansles processus internes de lentreprise).

    Cette dfinition de linnovation pose, quen est-il maintenant delentreprise porteuse dinnovation(s) ? Serait-elle, par paralllisme,dite innovante ds lors quelle a men des activits dinnovation russies ?

    2. PME INNOVANTEAutant il peut tre concevable de matrialiser linnovation traversun acte concret, lintroduction russie dune nouveaut, autant il estdifficile de concevoir le caractre innovant dune entreprise par rapport ce seul moment dans la mesure o, pour en arriver l, elle sestengage dans un processus dinnovation qui la conduite progressive-ment ce rsultat.

    2.1. Innover, acte subordonn la concrtisation dun objet inditDaprs le Manuel dOslo (2e dition), la firme innovante est unefirme qui a accompli des produits ou des procds technologiquementnouveaux ou sensiblement amliors au cours de la priodeconsidre , une innovation tant accomplie ds lors quelle a tintroduite sur le march ou utilise dans un procd de production ( 130). Cest une firme qui a men des activits dinnovation russiependant cette priode ( 199).

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    Cette conception rduit limpact de linnovation la seule productionde valeur ajoute marchande, mme sil faut bien reconnatre quellecorrespond la mesure directe et reconnue de la contribution de linno-vation la croissance conomique dune zone gographique et lamotivation essentielle pour la prise de risque chez une PME. En effet,cest souvent la pression du client qui pousse la PME innover.Linnovation peut tre soit tire par le march pour rpondre sesexigences particulires de productivit, de qualit, de fonctionnalits,de services (market-driven ou demand pull), soit pousse par unenouvelle technologie (technology push) et prsente comme un plusaux clients existants ou crant de nouveaux besoins, donc de nou-veaux marchs. Sans exigence de la part de leurs clients ou sans exis-tence de clients potentiels, peu de projets ports par les PME verraientle jour. Cela est particulirement vrai pour les PME peu familiarisesavec linnovation ou appartenant des secteurs fortement concur-rentiels o la clientle nest pas captive. Payer uniquement pour voirnest pas possible pour la plupart des PME tant donn leur surfacefinancire comparativement aux dpenses engager pour mener bien un projet dinnovation et lincertitude qui lentoure (la proba-bilit de russite ou mesure du risque encouru ne se prcise quavecle temps, au fur et mesure de la progression des travaux de R&D).

    Par ailleurs, cette dfinition limite galement le nombre de PME ditesinnovantes un instant T. Souvent, les travaux de R&D prennent plu-sieurs annes (le temps ncessaire est bien souvent plus long que nelimaginent les porteurs de projet au dpart), avant mme la produc-tion dun prototype, cest--dire avant de pouvoir montrer quelquechose au client pour lattirer, lassocier ventuellement la phasefinale de mise au point du produit, mettre le produit sur le march etassurer un retour financier dans le temps. Lactivit de rechercheet/ou de dveloppement technologique devient ici un passage obligpour lentreprise, car laccumulation de connaissances, surtout lors-quelles exigent la combinaison de comptences multidisciplinaires,devient une condition sine qua non de russite. Les PME dites hightech (voir le lexique pour la ventilation de lindustrie manufacturireet des services selon lintensit technologique), ou travaillant sur uneinnovation radicale par exemple, sont dans ce schma dinnovation.Pour autant, avec une telle dfinition, elles ne seraient pas consid-res comme innovantes sur la priode ! Cela se gnralise facilement toute PME engage dans un processus innovant, quil soit destin intgrer une technologie prexistante, amliorer un produit ou unservice, ou mettre au point une nouveaut.

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    2.2. ou processus continu porteur de valeurs extramarchandes ?

    Durant toute la phase de dfinition et de mise au point de linnovation,lentreprise cre l aussi de la valeur conomique qui vient sajouter celle produite par son introduction sur un march ou dans un pro-cessus productif : valeur marchande indirecte dans les secteursconnexes par les inputs quelle consomme pour mener bien son pro-gramme (expertise, tude de march, achat de biens intermdiaires,de licences, prestations externes de R&D, protection intellectuelle)et directe par la vente potentielle de prototype ou de prsries

    Au-del, cette entreprise, travers la ralisation dun projet dinno-vation, est aussi lorigine de valeurs non marchandes tangiblesamliorant le bien-tre individuel et collectif : Valeur sociale, par les formations ralises ou les emplois crspour cette activit de R&D (mme sils sont temporaires pour certains),que ce soit au sein de lentreprise, chez son partenaire ou son pres-tataire de services ; cela concerne en particulier les emplois scienti-fiques et techniques qui vont rpondre un besoin particulier decomptences. Bourses CIFRE (Convention industrielle de formation parla recherche) et CORTECHS (Convention de recherche pour les technicienssuprieurs), par exemple, relvent de cette cration de valeur (voir partie IV pour une dfinition et des exemples). Valeur entrepreneuriale, par la mise en place de nouvelles rglespartages par les membres de lentreprise. Lorganisation na pas decerveau mais elle a des systmes cognitifs et des mmoires. [] Leshommes vont et viennent mais les mmoires de lorganisation prser-vent travers le temps certains comportements et certaines mentalits,normes et valeurs (B. Hedberg, 1981). Valeur socitale, dans la mesure o certaines connaissances pro-duites (quelles sappliquent au domaine du management, de lorga-nisation, de la vente, de la production, ou quelles soient scienti-fiques et techniques) contribuent au bien-tre global de la socit encrant des externalits positives (voir lexique). Par exemple, augmen-tation du niveau (ducation et culture) et de la dure de vie des hommes(sant), dveloppement durable, lvation du niveau technologiquepar une diffusion technologique volontaire ou naturelle puisquecertaines connaissances se propagent dans la socit soit par la ventedun bien intgrant des caractristiques suprieures le transfert detechnologie , soit par leur nature de bien public (ces connaissancesne se dtruisent pas dans lusage et leurs proprits techniques sontfacilement appropriables ; elles sont donc reproductibles par autrui un moindre cot). Certaines tudes conomtriques ont montr que

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    les retombes externes de la recherche en faveur dentreprises du mmesecteur, de secteurs avoisinants, voire dentreprises trangres, font quele taux de rendement social de la recherche dpasse dun ordre de gran-deur que lon peut chiffrer approximativement 50 % le taux du rende-ment priv de la recherche (cest--dire celui qui revient lentrepre-neur qui a financ la recherche). Les externalits positives semblentdominer les externalits ngatives. Les firmes qui cherchent maximiserleur propre profit ne prennent pas en compte ces externalits et de cefait neffectuent pas le montant de recherche qui serait optimal dupoint de vue social (P. Mohnen, 2003).

    Mais chaque processus dinnovation est aussi source de valeurs intan-gibles (a fortiori non marchandes), souvent dmatrialises et nonincorpores dans un objet, donc difficilement mesurables. Au cur decette problmatique se situent les processus dapprentissage qui per-mettent de produire en permanence des connaissances aux caract-ristiques et aux finalits varies qui vont alimenter le stock de res-sources dans lequel le personnel de lentreprise peut puiser afin desolutionner un problme mergent ou en structurer un nouveau.

    Daprs la dfinition mme des activits de dveloppement expri-mental du Manuel de Frascati, des connaissances peuvent venir delexprience pratique provenant de la conception, de la production,du marketing, de linteraction entre les hommes, entre les employset les machines ou encore entre le personnel et lenvironnementexterne de lentreprise. Ce sont ces relations qui fondent la croissancede lentreprise. Le modle de liaisons en chane de S. J. Kline etN. Rosenberg (the chain-link model, 1986 ; voir graphique 1) traduitcet aspect systmique et cognitif dune entreprise : pour produire lesconnaissances ncessaires pour solutionner un problme, les individusdoivent pouvoir puiser dans un stock de connaissances ou faireappel lquipe de recherche si le niveau de connaissances se rvleinsuffisant. Cette pioche repose sur la capacit de lentreprise communiquer, cest--dire changer des informations entre les dif-frents membres qui composent son organisation (quelle que soit leurdistance fonctionnelle ou gographique) et son environnement. Cesinteractions entre individus sont le passage oblig pour maintenir desprocessus dapprentissage varis et permanents qui sont la base dela mobilit dactivit de lentreprise (ractivit ou proactivit selon lemode de positionnement concurrentiel choisi).

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    Graphique 1 : Le modle de liaisons en chane

    Source : daprs K. Brockhoff, 1995.

    Ainsi chaque pas effectu en matire dinnovation rend le suivant plusfacile. Laccumulation des connaissances cre, par combinaison etrecombinaison, de la valeur qui se situe au niveau de lentreprise elle-mme. Cette dernire, par des apprentissages individuels et collectifs,renforce ainsi son potentiel didentification des connaissances perti-nentes pour une utilisation future, dabsorption de la connaissanceexterne, de cration, dvaluation et de comprhension des technolo-gies existantes et son potentiel de transfert de connaissance de larecherche vers la phase de dveloppement (K. Brockhoff, 1995).

    Le processus dinnovation ainsi dfini est galement vecteur de plus-value sociale. Il donne de la valeur la ressource humaine. Cest cequon appelle communment le savoir-faire individuel (ou lexprience).Il repose principalement sur lapprentissage par la pratique illustrpar le dicton selon lequel cest en forgeant quon devient forge-ron ! Toutefois cette valeur, indissociable de lindividu, est difficile-ment mesurable car une majorit de ces savoirs accumuls consiste endes connaissances tacites, non formalisables.

    Par ailleurs, les connaissances produites au cours dun projet dinno-vation peuvent avoir une utilit plus ou moins immdiate, selon quellesserviront orienter/rorienter le projet, ou quelles seront activesdans le temps pour dautres projets. Ainsi, la valeur de la connaissancene peut pas toujours tre value ds sa rvlation. De ce fait, mmeun processus dinnovation ayant essuy un chec doit alors tre consi-dr comme un acte positif en matire daccumulation de connais-sances. Ce nest en fait quau moment de lusage dune connaissanceque sa valeur prend toute sa dimension. Cela consiste apprendreaujourdhui pour tre mme dagir demain.

    March potentiel

    Soutien la recherche via les nouveaux quipements et procdures et via des informations sur les produits

    Chane

    centralede

    linnovation

    Inventionet/ou

    conception analytique

    Conception et tests

    Reconceptionet production

    March

    Recherche

    Connaissances

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    Enfin, la connaissance accumule peut galement contribuer accro-tre la capacit de lentreprise savoir comment oprer pour identifierles besoins du march et les technologies matriser, lui permettantainsi dadopter un comportement proactif. En effet, mettre une nou-veaut sur le march nest pas suffisant. Encore faut-il tre capablede grer cette innovation dans le temps, de la faire voluer ou ven-tuellement la remplacer le moment venu. Cela ncessite alors de grerun portefeuille de produits, de services et de technologies et parconsquent de matriser certaines comptences pour activer au bonmoment les bonnes actions. L encore, cette comptence nest mesu-rable quex post comparativement aux expriences prcdentes.

    Concrtement, la capitalisation sur les expriences passes se traduitpar une ractivit plus grande : gain de temps par exemple sur lestches rcurrentes en matire de gestion de projets innovants (fondesur la connaissance des faits), de rduction des erreurs de parcours(reposant sur la connaissance des rgles de fonctionnement et unsavoir-faire), de recherche de partenaires (lie une meilleureconnaissance des acteurs dtenant la bonne comptence ou desrgles de dtection de ces ressources qualifies) [classificationadapte partir de B. A. Lundvall, 1992]. Elle limite ainsi une partiedes risques inhrents un projet dinnovation, seule lincertitudescientifique et technique ne pouvant tre leve a priori.

    Ainsi, point nest besoin de mettre une nouveaut sur le march pourcrer de la valeur. Le processus dinnovation est lui aussi source devaleur non ngligeable tant au niveau de lentreprise que des indivi-dus et de la socit dans son ensemble. Une entreprise, quelle quesoit sa taille, peut alors tre dfinie comme innovante partir dumoment o elle est engage dans un processus dinnovation (inno-vation dfinie telle que prcdemment), que ce dernier aboutisse oupas une nouveaut.

    Le passage de la notion dinnovation celle de processus dinnovationintroduit une dynamique dans les comportements dentreprise quimontre que la nouveaut nest pas une donne exogne mais uneconstruction. Par consquent, ce qui a de la valeur ce nest pas tantle rsultat mais davantage le chemin par lequel lentreprise y est arrive.Au-del de favoriser la production dinnovation ayant un impact mar-chand, lobjectif des politiques publiques en matire dinnovation doitse porter galement sur la sensibilisation linnovation, lapprentis-sage du rflexe innovation, en leur permettant de jouer au moins unefois dans la cour de linnovation pour voir ce quil en est rellementet ventuellement y prendre got.

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    Cela suppose-t-il alors que la PME ait obligatoirement internalis leprocessus dinnovation pour tre dclare innovante puisquune partie,et non des moindres, de la valeur quil cre lest au sein mme de lentreprise?

    2.3. Faire soi-mme ou faire faire ?

    Nous ne traiterons pas ici de lutilit pour une entreprise dintgrerdans son organisation une unit de recherche et/ou de dveloppe-ment, conue non pas comme la source dinnovation mais comme unefonction positionne le long du processus de dveloppement, prte tre utilise en cas de besoin. Les lments prcdents se suffiraient eux-mmes pour connatre la rponse si toutes les entreprisestaient symtriques. Cependant, leurs caractristiques (effectif, capa-cit et indpendance financires, nature du bien ou service vendu) etleur environnement (tendue du march, pression concurrentielle,dure de vie du bien, taux de renouvellement technologique, captivitde la demande, indpendance vis--vis des clients et fournisseurs)font que toutes ne peuvent pas ou nont pas dvelopper une telleactivit au sein mme de leur organisation.

    Toutefois, acqurir une innovation o passer par un prestataire deservice en R&D pour la mettre au point nest pas une condition suffi-sante pour garantir un succs. Cela exige de la part de lentreprise,aussi petite soit-elle et dautant plus quelle est peu familiarise avecles processus dinnovation, un certain effort dappropriation de lanouveaut de faon ladapter au mieux lobjectif fix et la mettreen cohrence avec ses contraintes et son organisation interne (infra-structures, ressources matrielles et humaines, rgles), lobjectif ultimetant de promouvoir un climat propice lintgration de la nouveautau sein de lentreprise.

    Faire sienne une innovation produite lextrieur exige par cons-quent de participer rgulirement et autrement que financirementau droulement des travaux, a minima ceux dadaptation, si ce nestceux de mise au point. Impliquer le personnel, dvelopper un mini-mum de relations de travail en commun avec le fournisseur ou le pres-tataire permettent progressivement de se connatre, de crer un climatde confiance favorable aux changes (surtout lorsquils portent surdes donnes sensibles pour lentreprise), de mieux se comprendre,dengranger certaines connaissances techniques pour lacqureur quifaciliteront ultrieurement lappropriation technique de la nouveaut ;le tout uvrant dans le sens dune adhsion du personnel de lentre-prise la nouveaut.

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    Bien quelle facilite cette appropriation, dtenir une activit formali-se de R&D en interne nest donc pas une obligation pour innover defaon trs ponctuelle. Mais plus lentreprise aura un comportementtendu vers linnovation, plus elle aura tendance internaliser certainesfonctions lies la R&D. Le choix entre faire soi-mme ou faire fairedpend principalement du cocktail familiarisation avec le processusdinnovation, frquence dinnovation, niveau dinnovation, pressionde lenvironnement (concurrence et client essentiellement) et arbi-trage financier.

    Ainsi, une entreprise innovante est une entreprise qui sest enga-ge, un instant donn, dans un processus dinnovation (innova-tion dfinie telle que prcdemment), quil ait abouti ou non, que lechemin emprunt soit externe (diffusion technologique, prestationexterne de R&D) et/ou interne (programme dinnovation ralisintra muros), que cet acte soit unique, ponctuel ou, lautre boutdu continuum, permanent.Pour finaliser notre tour dhorizon du concept dinnovation-innover,il est maintenant ncessaire de sinterroger sur les mthodes dva-luation des PME innovantes, car si dfinir est dj compliqu, mesurernen est pas moins complexe.

    2.4. tat de lart sur la mesure des entreprisesinnovantesIl y a lheure actuelle trois mthodes couramment utilises pourvaluer lintensit dinnovation des entreprises. Deux utilisent desvariables proxy, procdant ainsi une mesure indirecte de linnova-tion soit par lune de ses composantes, la R&D, soit par lune de cestraductions matrielles , le nombre de brevets dposs. La troi-sime, aujourdhui la plus aboutie en la matire, utilise une approchedirecte fonde sur les principes et dfinitions du Manuel dOslo.Nanmoins, par rapport notre problmatique des PME et de linno-vation, aucune nest entirement satisfaisante, comme nous allons lemontrer maintenant.

    2.4.1. La mesure par le dpt de brevets

    Cette premire approche en termes de brevets pourrait tre considrecomme la moins approprie la cible tudie et la dfinition retenuepour une entreprise innovante : La population qui nous intresse est la petite ou moyenne entre-prise, dont la propension breveter est moins leve que celle desentreprises de plus de 250 personnes du fait essentiellement de sesdifficults mettre en place une stratgie complte de proprit

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    intellectuelle. Cette stratgie va au-del du dpt de brevets, puis-quelle repose sur la gestion dun portefeuille de brevets qui englobegalement leur suivi et leur dfense. Elle ncessite par consquentdes comptences et des ressources humaines spcifiques et ddies cette activit pour tre efficace. Les PME qui ne dposent pas un brevetne sont donc pas pour autant non innovantes. Est brevetable une invention technique caractre industriel nouvelleet inventive (daprs la dfinition donne par lINPI selon laquelle pour tre brevetable, une invention doit tre nouvelle [par rapport ltat de lart mondial], ne pas dcouler de manire vidente de ltatde la technique [degr dinventivit] et tre susceptible dapplicationindustrielle ). Toutes les innovations ne peuvent alors pas faire lobjetdun brevet. Tel est le cas, par exemple en Europe, des businessmethods. Elles sont ds lors protges par dautres outils comme lescontrats, les droits dauteur, le secret, les dessins et modles Les brevets comptabiliss un instant T ne sont pas, in fine, tousexploits. Cest le cas, par exemple, dune stratgie de couverturecomplte du champ des possibles par le dposant, de faon pouvoirchoisir le licenci ventuel qui souhaiterait exploiter un axe particulier.Cest galement le cas dun brevet pour lequel linnovation initiale servle par la suite sans potentiel conomique.

    Toutefois, cet indicateur conserve tout son sens dans une perspectivede caractrisation des comportements dinnovation et de comparaisontransnationale.

    Les deux approches suivantes rpondent davantage la dfinition dela PME innovante retenue prcdemment. Elles sont la base de larflexion, notamment europenne, sur lidentification des entreprisesinnovantes travers des enqutes statistiques. Il sagit des mthodologies de recueil et dinterprtation des donnessur la R&D et linnovation technologique dfinies respectivementdans le Manuel de Frascati et le Manuel dOslo.

    2.4.2. Lapproche par la R&D

    Elle se focalise sur lactivit de R&D des entreprises, dfinie selon lamthode propose dans le Manuel de Frascati. La recherche et le dveloppement exprimental (R&D) englobent lestravaux de cration entrepris de faon systmatique en vue daccrotrela somme des connaissances, y compris la connaissance de lhomme, dela culture et de la socit, ainsi que lutilisation de cette somme deconnaissances pour de nouvelles applications.

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    Cette dfinition induit trois remarques par rapport notre approchedes PME innovantes dfinie prcdemment : La notion entrepris de faon systmatique fait rfrence unminimum dorganisation et de moyens de la part de lentreprise. Celasignifie quau moins un chercheur en quivalent temps plein annuelest prsent au sein de lentreprise, mme si cette activit interne deR&D nempche en rien le recours en parallle la sous-traitance detravaux scientifiques ou techniques. Sont par consquent exclues, ici, les entreprises qui innovent ponc-tuellement et/ou qui ont recours des prestataires externes pourraliser la totalit du programme dinnovation.

    Les PME concernes ont un comportement tendu naturellement vers la recherche de nouvelles solutions. Le reprage des entreprisesayant une propension innover selon cette mthode englobe aussi lesentreprises grant des programmes de R&D, mme si ces derniers naboutissent pas forcment une nouveaut pour le march, puisquelobjectif est la production de connaissances. Rien nest spcifiquant la ncessit dune utilit immdiate et marchande desconnaissances produites. Sur ce plan, les PME ainsi identifies cor-respondent notre dfinition de la PME innovante. Cependant, mmesi cette dfinition retient les activits de R&D consacres la mise aupoint de nouvelles applications, le champ couvert englobe des entre-prises portant des activits de recherche fondamentale qui ne relventpas de linnovation (voir supra la dfinition de la R&D selon le Manuelde Frascati dans le chapitre 1.2).

    Cette valuation de linnovation par une variable proxy telle que laR&D ne prend pas en considration les innovations autres que portespar une nouveaut scientifique et technique. Les PME loriginedune innovation non technologique nentrent pas dans le champ decette analyse.

    Cet indicateur est lui aussi tout aussi important dans ltude des com-portements de recherche et dinnovation dune catgorie particulirede PME, celles qui ont intgr cette activit comme un lment stra-tgique de proactivit afin de structurer le march en leur faveur.

    2.4.3. Lenqute communautaire sur linnovation

    Cette dernire approche a pour objectif de mesurer et danalyser lesentreprises qui ont gr, sur une priode donne, au moins une inno-vation technologique de procd ou de produit telle que dfinie dansle Manuel dOslo.

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    Nouveaut ou amlioration technologique considrable sur un bien,un service ou un procd, linnovation doit apporter des diffrencessignificatives par rapport lexistant ( 136), tre introduite sur lemarch ou intgre dans un processus de production ( 130) et trea minima nouvelle pour la firme ( 27).

    Cette dfinition, comparativement la prcdente et notre appr-hension de lentreprise innovante, amne cinq remarques : Elle permet dinclure des facteurs dinnovation autres que purementtechnologiques qui prennent de plus en plus dimportance aujour-dhui dans la course lavantage concurrentiel comme les services, lesnouvelles formes dorganisation telles que la mise en rseau avec lesfournisseurs et les clients, ou encore les mthodes de gestion desconnaissances. Mais leur apprhension statistique est parfaire, car ilsdemeurent aujourdhui identifis dans une rubrique de type autres ( autres formes de changements importants ).

    Mme si lenqute pose la question de la prsence de programmesdinnovation en cours, retards ou abandonns durant la priode ana-lyse, il nen reste pas moins vrai que le caractre innovant de len-treprise est matrialis principalement par lacte dintroduction dunenouveaut ou dune amlioration significative sur le march. Il ny adonc aucune prise en compte des valeurs produites autres que cellesidentifies par le nouvel objet technique. Cela limite alors le nombrede PME considres comme ayant un comportement tendu vers linno-vation, et peut biaiser lidentification de leurs axes de R&D et lappr-hension de leur comportement global en matire dinnovation (finan-cement, organisation, ressources humaines, sous-traitance).

    Puisque cette innovation peut tre mise au point aussi bien parlentreprise que par un tiers et puisquelle doit revtir un caractrenouveau au moins pour lentreprise, cette mthode permet de comp-tabiliser galement les entreprises qui innovent ponctuellement, quinont donc pas forcment de capacit en R&D, mme faiblement for-malise, et qui passent davantage par des procds de diffusion tech-nologique tels que lacquisition de biens dquipement nouveaux ou deprestation scientifique et technique externe pour innover leur niveau.

    Mme si le Manuel intgre, au-del des entreprises qui existaientdj au dbut de la priode tudie, celles qui ont t cres pendantce laps de temps, lenqute fait abstraction des entreprises de moinsde 10 personnes. Ainsi, elle ne permet pas danalyser les trs petitesentreprises, la cration dentreprise sous-tendue par un projet inno-vant, pas plus que les jeunes entreprises innovantes qui, pendant les

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    premires annes de leur vie, conservent souvent un effectif infrieur la dizaine de personnes.

    Enfin, cette mthode ncessite dadapter les dfinitions retenues lapparition des services, de les rendre intelligibles par les entreprises(adaptation du langage utilis), de quantifier davantage les innova-tions (rduire la subjectivit dans les rponses), et de progresser dansla comparabilit internationale (D. Guellec, 2003). Tous ces lmentsont t revus dans la troisime dition du Manuel dOslo (2005).

    Conclusion

    LUnion doit devenir lconomie de la connaissance la plus compti-tive et la plus dynamique du monde, capable dune croissance cono-mique durable accompagne dune amlioration quantitative et quali-tative de lemploi et dune plus grande cohsion sociale (Conseil delUnion europenne, 2000). Pour y arriver, lun des objectifs de lastratgie de Lisbonne pour 2010 est de porter 3 % du PIB les dpensesde R&D de lUnion europenne. Pourquoi avoir pris la R&D commeindicateur lorsquil est avr que lconomie de la connaissance estfonde sur les processus dinnovation dont la R&D nest quune descomposantes, mme si elle en demeure la principale? La rflexion surla mesure de linnovation est encore trop rcente, notamment parrapport celle sur la R&D, pour garantir une matrise suffisante duphnomne et dterminer les bons indicateurs partir desquelsseront dfinies des politiques de promotion de linnovation et ven-tuellement de stimulation de la R&D.

    Toutefois, au-del des questions souleves lheure actuelle dans lescercles de la statistique europenne, voire internationale, dont nousnous sommes fait lcho ici plusieurs reprises, il semble importantde reconsidrer la notion dinnovation, du point de vue non seule-ment de son primtre mais surtout de son processus daboutisse-ment, lorsquil sagit dvaluer son impact sur la croissance cono-mique et lemploi dune zone gographique et, in fine, mettre enuvre des actions publiques correctrices pour dvelopper le nombredentreprises innovantes.

    En effet, par les changements humains, organisationnels, productifs,commerciaux quelle implique, linnovation, mme si elle dtruit dela valeur, est le plus souvent lorigine dune destruction cratrice denouvelles valeurs suprieures qui peuvent apparatre ailleurs danslconomie (dans un secteur connexe, par exemple). Cest l le pointfondamental de rupture notamment sociale provoqu par linnovation

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    et ici que se joue lenjeu principal dune socit qui se veut innovante,enjeu qui repose sur la gestion-adaptation des comptences via lem-ploi et les formations. Car au final, dans la balance destruction-cration,linnovation amne de la croissance et, sur ce principe, doit tresoutenue lorsque linitiative prive est insuffisante.

    Les statistiques ainsi que les politiques publiques, tant dans leursfondements quen matire dvaluation, doivent alors reconsidrer ladfinition dentreprise innovante de faon tenir compte de la valeurglobale produite par une entreprise engage dans un processus inno-vant, en considrant non seulement lacte, savoir linnovation, maisaussi le chemin qui y conduit, depuis le stade de la rflexion autourde lide. Il sagit ici de se confronter aux difficults reconnues mesurer les externalits et impacts connexes, notamment lorsquilssont de nature qualitative.

    Quant aux axes de politiques publiques dfinir en matire dinnova-tion, comme de R&D, ils doivent dans cette logique rpondre au com-portement plus ou moins enclin des PME innover en favorisant : lmergence de nouveauts sur le march (premire mondiale, pre-mire europenne, voire premire franaise) de faon dvelopper unvivier de technologies porteuses de croissance ; et la diffusion de ces technologies, pour accrotre dans le temps lerendement global tir de ces innovations, en permettant dautresPME daccder ces connaissances pour leur tour innover leurniveau. travers ces multiples voies dimplication des PME dans des activitstournes vers linnovation, lobjectif final viser est daccrotre leurpropension innover, cest--dire dinitier et/ou de renforcer un com-portement naturel sintresser linnovation, selon quil est inn ounon. Linnovation doit devenir un rflexe chez les entrepreneurs, quece soit dans les processus de rsolution de problmes ou dans la pers-pective de dveloppement stratgique.

  • II. Panorama des PME innovantes en France

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    II. Panorama des PME innovantes

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    Lobjectif poursuivi ici est de brosser un tableau des comportementsdinnovation des PME franaises selon quatre dimensions : caractris-tiques gnriques des porteurs de projets innovants, objectifs recherchs travers la mise au point de nouveauts, mthodes dorganisationdes dveloppements technologiques et enfin modalits de finance-ment et de protection des innovations.Pour chacun des point abords, au-del de la caractrisation des PMEfranaises dans leur ensemble, nous analyserons lhomognit (ou ht-rognit) des comportements entre les catgories de PME (petites etmoyennes), mais aussi entre les acteurs industriels et les entreprisesde services. Nous procderons sur certains points un comparatifavec leurs homologues europens mais pas de faon systmatique, carla structuration des secteurs dactivit, la place des PME diffrent tropentre certains pays pour ne pas induire des biais dinterprtation.

    Prcisions mthodologiques - Prcautions de lectureLes donnes synthtises dans ce chapitre proviennent principalementdes rsultats de lenqute communautaire sur linnovation, notammentde la dernire, CIS 3, couvrant la priode 1998-2000, et des donnescollectes par Eurostat (Commission europenne [2004 et avril 2005] ;base de donnes en ligne sur Eurostat). Quelques prcisions mthodologiques sont ncessaires pour en faciliterla lecture :1) Cette enqute concerne les entreprises de plus de 20 salaris (10salaris pour les services). Sont donc exclues de lanalyse la plupart des entreprises innovantes encration (moins de un an), quel que soit leur secteur dactivit, et desentreprises industrielles de moins de trois ans (start-up).Seront appeles petites entreprises (PE) les entreprises de 10 49salaris, moyennes entreprises (ME), celles de 50 249 salaris,et grandes entreprises (GE), celles de 250 salaris et plus. Les PMEconcernent donc les entits employant entre 10 (ou 20) et