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SPECIAL TRIBUNAL FOR LEBANON TRIBUNAL SPÉCIAL POUR LE LIBAN RECUEIL DE JURISPRUDENCE DU TSL 2011 Principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban TSL

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Page 1: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2011 · 2018-12-03 · 6. Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du juge de la mise en état du 12

Special Tribunal for lebanonTribunal SpÉcial pour le liban

RECuEiL dE juRiSpRudEnCE

du TSL2011

principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban

TSL

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Recueil de juRispRudence du Tsl 2011

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Recueil de juRispRudence du Tsl

2011

Principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban

Tribunal spécial pour le LibanLeidschendam

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Tribunal spécial pour le LibanLeidschendamPays-Bas

©2013 Tribunal spécial pour le Liban

Les documents figurant dans cet ouvrage ne constituent pas les archives officielles du Tribunal spécial pour le Liban et sont uniquement destinés à l’information du public.

ISBN 978-94-90651-06-0

Imprimé aux Pays-Bas

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Table des maTières

Préface 7

1. Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressées aux juges de la Chambre d’appel conformément à l’article 68, paragraphe G) du règlement de procédure et de preuve, affaire n° : STL‑11‑01/I, 21 janvier 2011 (« Questions préjudicielles JME »)

9

2. Décision préjudicielle sur le droit applicable: terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, affaire n° : STL‑11‑01/I, 16 février 2011 (« Droit applicable »)

27

3. Décision portant sur la remise des pièces du dossier pénal de M. El Sayed, affaire n° : CH/PTJ/2011/08, 12 mai 2011 (« Décision El Sayed JME »)

223

4. Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, affaire n° : STL‑11‑01/I, 28 juin 2011 (« Confirmation de l’acte d’accusation »)

243

5. Acte d’accusation, affaire n° : STL‑11‑01/I/PTJ, document déposé le 10 juin 2011, version publique expurgée, publiée le 16 août 2011 (non indexé)

293

6. Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du juge de la mise en état du 12 mai 2011, affaire n° : CH/AC/2011/01, 19 juillet 2011 (« Décision El Sayed CA »)

345

7. Décision relative à l’emploi des langues en l’affaire Ayyash et autres, affaire n° : STL‑11‑01/I/PTJ, 16 septembre 2011 (« Décision sur l’emploi des langues »)

403

8. Ordonnance faisant droit en partie et rejetant en partie l’appel interjeté par le Procureur de la décision du Juge de la mise en état du 2 septembre 2011 ordonnant la communication de pièces, affaire n° : CH/AC/2011/02, 7 octobre 2011 (« Décision sur la communication des pièces CA »)

433

9. Ordonnance de saisine de la Chambre de première instance conformément à l’article 105 bis, paragraphe A) du règlement de procédure et de preuve aux fins de statuer sur l’engagement d’une procédure par défaut, affaire n° : STL‑11‑01/I, 17 octobre 2011 (« Ordonnance en application de l’article 105bis »)

459

Index 473

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pRÉFAce

Ce recueil de jurisprudence inaugure une collection que le Tribunal spécial pour le Liban prévoit de publier tout au long de son existence, qui contiendra une sélection des décisions les plus importantes rendues chaque année par ses juges. Cette initiative s’inscrit dans la stratégie de communication du Tribunal. Le but recherché est de rendre la jurisprudence du Tribunal plus accessible au Liban comme ailleurs.

Ce volume présente huit décisions particulièrement importantes rendues par le Tribunal en 2011, ainsi que l’acte d’accusation en l’affaire Ayyash et autres, qui a été confirmé cette même année. Toutes également accessibles sur le site Internet du Tribunal (www.stl‑tsl.org). Il propose aussi un index analytique visant à faciliter les recherches des étudiants et universitaires.

Le Tribunal spécial pour le Liban étant le premier tribunal international compétent pour connaître des affaires de terrorisme, la portée de sa jurisprudence s’étend bien au‑delà du prétoire. J’espère que cette publication sera utile aux étudiants, professeurs, universitaires, érudits, juges, avocats et autres acteurs de la communauté juridique, tout comme au grand public – au Liban comme ailleurs – désireux de s’informer, d’étudier et de commenter la jurisprudence du Tribunal.

David BaragwanathPrésident

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nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

devant : juge de la mise en état

Titre : Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressées aux juges de la chambre d’appel conformément à l’article 68, paragraphe G) du règlement de procédure et de preuve

Titre réduit : Questions préjudicielles jMe

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le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : sTl-11-01/iDevant : M. le juge daniel Fransen Le Greffier : M. Herman von HebelDate : 21 janvier 2011Original : FrançaisType de document : public[Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres]

ORdOnnAnce RelATiVe AuX QuesTiOns pRÉjudicielles AdRessÉes AuX juGes de lA cHAMBRe d’Appel

cOnFORMÉMenT À l’ARTicle 68, pARAGRApHe G) du RÈGleMenT de pROcÉduRe eT de pReuVe

Bureau du procureur : M. Daniel Bellemare, MSM, QC

Bureau de la défense : M. François Roux

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Questions préjudicielles JME

1. Par la présente, en vertu de l’article 68, paragraphe G) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal spécial pour le Liban (respectivement le « Règlement » et le « Tribunal »), le Juge de la mise en état du Tribunal (le « Juge de la mise en état ») a l’honneur de soumettre respectueusement à la Chambre d’appel du Tribunal (la « Chambre d’appel ») des questions préjudicielles relatives à l’interprétation du Statut. Celles‑ci visent à clarifier le droit applicable aux fins d’examiner l’acte d’accusation soumis par le Procureur du Tribunal (le « Procureur ») le 17 janvier 2011 et rendre, en pleine connaissance de cause, une décision relative à sa confirmation.

Observations préliminaires

2. À la lecture des chefs d’accusation contenus dans l’acte d’accusation, le Juge de la mise en état considère que, dans l’intérêt de la justice, plusieurs questions d’interprétation portant sur le droit applicable devraient être tranchées in limine litis par la Chambre d’appel. Ces questions concernent les incriminations, les modes de responsabilité et les concours de qualifications visés dans l’acte d’accusation. En effet, comme il sera examiné en détail ci‑dessous, les dispositions du Statut relatives à ces questions sont susceptibles d’interprétations diverses. Si tout ou partie de l’acte d’accusation devait être confirmé sans que ces dispositions ne soient clarifiées à ce stade de la procédure, le procès pourrait s’engager sur des bases juridiques erronées qui ne seraient corrigées qu’au terme des débats, lors du prononcé de l’arrêt d’appel. Outre qu’elle serait coûteuse en temps et en moyens, cette manière de procéder ne favoriserait pas la lisibilité et la transparence des procédures, ni ne serait dans l’intérêt des accusés. En effet, préciser dès à présent le droit applicable devrait permettre à ces derniers de mieux cerner l’étendue des chefs d’accusation dressés à leur encontre et d’assurer leur défense en conséquence. De même, infirmer tout ou partie de l’acte d’accusation sans que les dispositions susvisées du Statut n’aient été clarifiées ab initio pourrait compromettre la suite de la procédure de manière injustifiée.

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Questions préjudicielles JME

1. les incriminations

3. Parmi les incriminations visées dans l’acte d’accusation figurent les actes de terrorisme, le complot dont le but est de commettre un acte terroriste (le « complot »), l’homicide intentionnel avec préméditation et la tentative d’assassinat. Par souci de clarté, le Juge de la mise en état examinera les questions suscitées par la définition de chacun de ces crimes séparément.

4. Il convient de noter que les charges mentionnées dans l’acte d’accusation sont fondées à la fois sur les articles 1 et 3 du Statut, les articles 188, 200, 212, 213, 270, 314, 547, 549 (1) et (7) du Code pénal libanais et les articles 6 et 7 de la Loi libanaise du 11 janvier 1958.

A. Les actes de terrorisme

5. S’il ne définit pas précisément la notion d’actes terroristes, l’article 2 du Statut renvoie à l’article 314 du Code pénal libanais relatif à la poursuite et à la répression de ces actes. Le Juge de la mise en état s’interroge sur la nécessité pour le Tribunal de prendre en compte le droit international, conventionnel et coutumier, pour appréhender cette notion. S’il devait en être tenu compte, il s’interroge également sur la façon de résoudre les contradictions qui pourraient exister entre la définition consacrée par le Code pénal libanais et celles issues du droit international.

6. La première question soulevée par la définition de la notion d’actes terroristes pourrait donc être libellée de la façon suivante : compte tenu du fait que l’article 2 du Statut renvoie exclusivement aux dispositions pertinentes du Code pénal libanais pour définir la notion de terrorisme, le Tribunal doit‑il également tenir compte le droit international applicable en la matière ? En particulier, doit‑il s’appuyer sur la définition générale du terrorisme figurant à l’article 1, paragraphe 2, de la Convention arabe pour la lutte contre le terrorisme1, voire sur celles mentionnées dans d’autres

1 L’article 1, paragraphe 2 de la Convention arabe pour la lutte contre le terrorisme (entrée en vigueur le 22 avril 1998 et ratifiée par le Liban le 31 mars 1999) définit le terrorisme de la manière suivante: « [t]out acte de violence ou menace de violence, quels qu’en soient les causes et les buts, commis pour mettre en œuvre un projet criminel individuel ou collectif et visant à semer la terreur parmi les gens ou à les effrayer en leur portant atteinte ou en mettant en péril leur vie, leur liberté ou leur sécurité ou à porter atteinte à l’environnement, à l’un des services publics, aux biens publics ou privés, ou à les occuper ou à s’en emparer, ou encore à mettre en danger l’une des ressources nationales ».

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Questions préjudicielles JME

conventions internationales ou, le cas échéant, celle qui pourrait être tirée du droit international coutumier ?

7. Afin d’étayer ces questions, le Juge de la mise en état soumet à la Chambre d’appel les considérations suivantes :

a. Le texte de l’article 2 du Statut. Comme évoqué ci‑dessus, l’article 2 du Statut ne définit pas les actes terroristes mais renvoie à cet égard aux dispositions pénales libanaises en vigueur. Ainsi, l’article 314 du Code pénal libanais définit cette notion de la façon suivante : « [s]ont compris dans l’expression actes de terrorisme tous les faits dont le but est de créer un état d’alarme2, qui auront été commis par des moyens susceptibles de produire un danger commun, tels qu’engins explosifs, matières inflammables, produits toxiques ou corrosifs, agents infectieux ou microbiens ». L’article 2 du Statut semble dès lors se référer uniquement au droit interne libanais à l’exclusion du droit international, conventionnel et coutumier.

b. La nature internationale du Tribunal. S’il est certes influencé par le droit libanais, le Tribunal a une nature internationale qui résulte principalement de son mode de création, de sa composition et de ses règles de fonctionnement. Il est dès lors légitime de s’interroger sur la nécessité pour le Tribunal de se référer au droit international, conventionnel et coutumier, pour préciser – voire compléter – les dispositions de droit matériel qu’il doit appliquer. Il convient de noter à cet égard que les autres tribunaux pénaux internationaux ad hoc n’ont pas hésité à dépasser le cadre strict de leur Statut et à se référer aux conventions internationales et aux principes coutumiers en vigueur pour préciser les infractions qui y figurent3.

2 Il convient de noter que le terme correspondant à « état d’alarme » dans la version arabe du Code pénal libanais est «رعذ ةلاح» et que dans la traduction officielle du Tribunal, ce terme est traduit de l’arabe vers l’anglais par « state of terror ».

3 Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (TPIY), affaire n° 94‑1‑AR72, Le Procureur c. Tadić, IT‑94‑1‑AR72, Arrêt du 2 octobre 1995, paras. 94‑95.

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Questions préjudicielles JME

c. L’évolution de la notion de terrorisme. Comme il a été mentionné ci‑dessus, l’article 2 du Statut renvoie au Code pénal libanais adopté le 1er mars 1943. Depuis cette date, de nombreuses conventions sont entrées en vigueur à l’échelon international (universel et régional) pour incriminer des infractions terroristes spécifiques – dont certaines ont été ratifiées par le Liban4 – ou pour lutter contre le crime de terrorisme de façon générale comme l’envisage la Convention arabe précitée. Dans le prolongement de ces conventions, l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité et la Commission des droits de l’homme des Nations Unies ont également adopté plusieurs résolutions en la matière5. Par ailleurs, confrontés à la recrudescence d’actes terroristes au cours des quatre dernières décennies, afin de répondre aux particularités de cette criminalité, de nombreux États se sont dotés d’un arsenal législatif spécifique lui‑même influencé par la jurisprudence de leurs cours et tribunaux6. L’ensemble de ces textes

4 Les conventions sectorielles qui ont été ratifiées par le Liban comprennent : la Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs (date de ratification : 11 juin 1974) ; la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (date de ratification : 23 décembre 1977) ; la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de la navigation maritime (date d’accession : 16 décembre 1994) ; le Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale (date de ratification : 27 mai 1996) ; la Convention internationale contre la prise d’otages (date d’accession : 4 décembre 1997) ; et la Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (date d’accession : 3 juin 1997). Ces conventions incriminent certains actes précis ou prévoient un régime juridique spécifique applicable à ceux‑ci sans nécessairement se référer au concept de « terrorisme ».

5 Cf. les résolutions du Conseil de sécurité 1269 (1999), préambule para. 1 ; 1373 (2001), para. 4; 1377 (2001), para. 6 ; 1456 (2002), préambule para. 3 et 6 ; 1540 (2004), préambule para. 8 et 1566 (2004). Le paragraphe 3 de cette dernière résolution est particulièrement instructif car – sans donner à proprement parlé une définition du terrorisme – il rappelle que « les actes criminels, notamment ceux dirigés contre des civils dans l’intention de causer la mort ou des blessures graves ou la prise d’otages dans le but de semer la terreur parmi la population, un groupe de personnes ou chez des particuliers, d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire, qui sont visés et érigés en infractions dans les conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme, ne sauraient en aucune circonstance être justifiés par des motifs de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou similaire » (italiques ajoutés). Cf. égal. les résolutions de l’Assemblée générale 3034 (XXVII) (1972), para. 1 ; 31/102 (1976), para. 1 ; 32/147 (1977), para. 1 ; 34/145 (1979), para. 1 ; 36/109 (1981), para. 1 ; 48/122 (1993), préambule para. 7 ; 49/185 (1994), préambule para. 9 ; 50/186 (1995), préambule para. 12 ; 52/133 (1998), préambule para. 11 ; 54/164 (2000), préambule para. 13 ; 56/160 (2002), préambule para. 18 ; 58/136 (2003), préambule para. 8 ; 58/174 (2004), préambule para. 12 ; 59/153 (2004), préambule para. 10 ; et 59/194 (2004), préambule para. 3 et paras. 2, 4 et 14. Cf. les résolutions de la Commission des droits de l’homme 2001/37, préambule para. 16 et para. 2 ; et 2004/44, préambule para. 7.

6 Cf. l’article 83.01(1) du Code Criminel du Canada qui définit l’activité terroriste de la façon suivante : « un acte

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Questions préjudicielles JME

– conventions, résolutions, lois et jurisprudence – pourrait apporter des indications quant à l’évolution, sur le plan international, de la notion de terrorisme et de ses éléments constitutifs. Dans ce contexte, la question se pose de savoir si le Tribunal, vu sa nature spécifique, doit interpréter l’article 314 du Code pénal libanais et la jurisprudence libanaise y afférente en tenant compte de cette évolution dans la mesure où : premièrement, celle‑ci serait effectivement consacrée par une ou plusieurs conventions internationales ratifiées par le Liban ou refléterait un principe coutumier résultant d’une pratique des États acceptée comme étant de droit ; et deuxièmement, cette ou ces conventions ou ce principe coutumier seraient applicables dans l’ordre pénal interne libanais.

d. Le principe de la légalité pénale. Si elle devait être complétée à la lumière du droit international, la notion de terrorisme devrait être appliquée dans le respect du principe fondamental de la légalité pénale7. À cet égard, il importe de rappeler que l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Liban le 3 novembre 1972 et entré

– action ou omission, commise au Canada ou à l’étranger […] commis à la fois : (A) au nom – exclusivement ou non – d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique ; (B) en vue – exclusivement ou non – d’intimider tout ou partie de la population quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s’en abstenir, que la personne, la population, le gouvernement ou l’organisation soit ou non au Canada […] ». La Cour suprême du Canada a également reconnu que la définition du terrorisme figurant à l’article 2 (1) (b) de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme « traduit bien ce que l’on entend essentiellement par « terrorisme » à l’échelle internationale». (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1, para. 98). Or cette convention, entrée en vigueur le 10 avril 2002, définit le terrorisme de la façon suivante : « [t]out autre acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ». Cf. également la législation du Royaume‑Uni en la matière (UK Terrorism Act 2000, Section 1) libellée de la façon suivante : «Terrorism means the use or threat of action where […] (b) the use or threat is designed to influence the government or to intimidate the public or a section of the public, and (c) the use or threat is made for the purpose of advancing a political, religious or ideological cause ».

7 Le principe nullum criminel sine lege est consacré par la plupart des systèmes juridiques nationaux – y compris par le droit libanais (cf. article 1 du Code pénal libanais) – ainsi que par de nombreux instruments de protection des droits de l’homme, en particulier par l’article 11, paragraphe 2 de la Déclaration des droits de l’homme de 1948, l’article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950, l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, l’article 9 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme de 1969 et l’article 7, paragraphe 2) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981.

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Questions préjudicielles JME

en vigueur le 23 mars 1976, permet de condamner un individu pour une action ou omission qui aurait été incriminée au moment de sa commission, non seulement par le droit national concerné, mais également par le droit international en vigueur8.

e. La clarification des éléments constitutifs du terrorisme. L’article 314 du Code pénal libanais et la jurisprudence y afférente mettent l’accent sur les moyens permettant de réaliser l’infraction de terrorisme (engins explosifs, matières inflammables, produits toxiques ou corrosifs, agents infectieux ou microbiens)9. En revanche, ils demeurent plus succincts sur l’intention spéciale10 requise de la part de l’auteur de l’infraction, hormis une référence au « but de créer un état d’alarme11 ». Or les conventions internationales, résolutions, lois et jurisprudence susvisées font généralement du dol spécial le trait distinctif du crime de terrorisme par rapport aux infractions de droit commun en le définissant par référence à deux facteurs principaux : l’intention de coercition exercée à l’égard d’un État ou d’une organisation internationale et l’intimidation du public ou d’une partie de celui‑ci. Dès lors, le Tribunal doit‑il s’appuyer sur le droit international pour préciser les éléments constitutifs de cette infraction et, en particulier, l’intention afin notamment d’assurer une meilleure sécurité juridique et de renforcer les droits des accusés ?

f. L’harmonisation des articles 2 et 3 du Statut. Pour définir les modes de responsabilité relevant de la compétence du Tribunal, l’article 3 du Statut s’appuie directement sur le droit international en étant libellé de façon

8 L’article 15, paragraphe 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est libellé comme suit: « Rien dans le présent article ne s’oppose au jugement ou à la condamnation de tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels, d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations ».

9 Cour de justice du Liban, Affaire Nizar Al-Halabi, 17 janvier 1997 et Affaire Michel Al-Murr, citées dans Nidal Nabil Jurdi, « The Subject Matter Jurisdiction of the Special Tribunal for Lebanon », Journal of International Criminal Justice 5 (2007), 1125‑1138, p.1134, n. 49‑50.

10 L’élément intentionnel de l’infraction terroriste est souvent déduit des moyens utilisés pour la commettre (cf. Cour de justice du Liban, Affaire Michel Al-Murr).

11 Cf. note 2.

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Questions préjudicielles JME

similaire aux articles 25 et 28 du Statut de la Cour pénale internationale (la « CPI »). Dans un souci d’harmonisation des dispositions du Statut relatives aux crimes et aux modes de responsabilité, cette référence au droit international pourrait justifier que le juge se fonde sur celui‑ci pour préciser les incriminations.

8. S’il était répondu par l’affirmative aux questions visées au paragraphe 6, il conviendrait d’examiner comment, et selon quels principes, concilier la définition de la notion de terrorisme envisagée à l’article 2 du Statut (qui met avant tout l’accent sur l’élément matériel du crime) avec celle tirée du droit international (qui accorde une prépondérance à son aspect intentionnel). À l’issue de cet examen, il conviendrait de déterminer les éléments constitutifs, matériel et intentionnel, de cette notion à appliquer par le Tribunal. À cet égard, le Juge de la mise en état souligne que l’article 2 du Statut doit, certes, être interprété à la lumière des principes coutumiers consacrés par les articles 31 à 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités entrée en vigueur le 27 janvier 1980, des déclarations faites par les représentants des États membres du Conseil de sécurité à l’époque de l’adoption de la Résolution 1757 (2007) du Conseil ou d’autres résolutions ayant trait à la même question ainsi que de la pratique ultérieure de l’Organisation des Nations Unies et des États à l’égard desquels les résolutions en question ont une incidence12. Toutefois, s’agissant d’une infraction pénale, le principe selon lequel toute interprétation des textes du Statut ne peut s’opérer au détriment des droits des accusés doit être pleinement respecté.

9. S’il était répondu par la négative aux questions visées au paragraphe 6, il serait opportun de déterminer précisément les éléments constitutifs, matériel et intentionnel, des actes de terrorisme à prendre en considération par le Tribunal à la lumière du droit libanais et de la jurisprudence y afférente.

10. Par ailleurs, outre les questions d’ordre général relatives à la définition de la notion de terrorisme, au vu des préventions retenues dans l’acte d’accusation, le Juge de la mise en état soumet respectueusement à la Chambre d’appel la question

12 Cour internationale de justice, Avis relatif à la conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, 22 juillet 2010, para. 94.

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suivante. Si l’auteur d’actes de terrorisme visant à créer un état d’alarme13 réalisé par l’utilisation de moyens explosifs avait l’intention de les commettre en tuant une personne déterminée, comment qualifier sa responsabilité pénale en cas de décès ou de blessures causés à des personnes susceptibles d’être considérées comme n’ayant pas été visées personnellement ou directement par de tels actes?

B. Le complot

11. Comme pour la notion d’actes terroristes, l’article 2 du Statut renvoie au Code pénal libanais s’agissant du complot. L’article 270 de ce code le définit dans les termes suivants : « [e]st qualifiée de complot toute entente réalisée entre deux ou plusieurs personnes en vue de commettre un crime par des moyens déterminés ». À cet égard, l’application de l’article 315 de ce code incriminant spécifiquement « le complot dont le but est de commettre un ou plusieurs actes de terrorisme » a été suspendue par l’article 1 de la Loi du 11 janvier 1958. L’article 7 de cette même loi énonce, sans autre précision, que « [s]ubit les travaux forcés à perpétuité quiconque entreprend un complot dans le but de commettre l’un des crimes mentionnés dans les articles précédents », dont les actes de terrorisme.

12. À la lumière de considérations similaires à celles évoquées au paragraphe 7 de la présente ordonnance, le Juge de la mise en état s’interroge sur la question de savoir si le Tribunal doit s’appuyer, non seulement sur le droit libanais, mais également sur le droit international, conventionnel et coutumier, pour interpréter les éléments constitutifs de la notion de complot. À ce titre, le Juge de la mise en état note qu’en droit international, le complot est reconnu comme un crime distinct

13 Cf. note 2.

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s’agissant du génocide14 et, en droit interne, tantôt comme un crime distinct15, tantôt comme un mode de responsabilité16.

13. S’il était répondu par l’affirmative à la question visée au paragraphe précédent, il conviendrait d’examiner si des contradictions existent entre la définition de complot consacrée par le droit libanais (évoquée à l’article 7 de la Loi du 11 janvier 1958 et étayée par la jurisprudence applicable en la matière) et celle résultant du droit international et, le cas échéant, comment les résoudre conformément aux normes internationales applicables en la matière, dans l’intérêt de la sécurité juridique et du respect des droits des accusés.

14. S’il était répondu par la négative à cette question, il serait opportun de déterminer précisément les éléments constitutifs de cette notion à prendre en considération par le Tribunal au regard du droit libanais et de la jurisprudence y afférente.

15. Par ailleurs, dans la mesure où la notion de complot et celle d’entreprise criminelle commune –visée au paragraphe b) de l’article 3 du Statut et constituant un mode de responsabilité en droit international – partagent de prime abord des points communs, il serait opportun d’en préciser les traits distinctifs respectifs.

c. l’homicide intentionnel avec préméditation et la tentative d’assassinat

16. L’homicide fait partie des « crimes et délits contre la vie et l’intégrité physique des personnes » visés à l’article 2 du Statut. Il est incriminé à l’article 547 du Code pénal libanais en ces termes : « [q]uiconque aura intentionnellement donné la mort à

14 Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), affaire n° ICTR‑96‑13‑T, Le Procureur c. Musema, Jugement du 27 janvier 2000, paras. 185‑191 ; TPIR, affaire n° ICTR‑99‑52‑T, Le Procureur c. Nahimana, Jugement du 3 décembre 2003, para. 1043.

15 Cf. à propos du complot comme un crime distinct : G. Werle, Principles of International Criminal Law, T.M.C. Asser Press, La Haye, 2005, p.166, para. 489 ; G. Fletcher, Rethinking Criminal Law, Oxford University Press, Berlin, 2000, pp. 646 et suiv.; Article 465 du Code criminel du Canada ; Section 120‑A, Indian Penal Code (1860) ; Affaire R. c. Lam, [2005] ABQB 849.

16 Cf. G. Boas, J. L. Bischoff and N. L. Reid, International Criminal Law Practitioner Library: Forms of Responsibility in International Criminal Law, Vol. I, p. 283, n.13 se référant à A. M. Danner et J. S. Martinez, « Guilty Associations: Joint Criminal Enterprise, Command Responsibility, and the Development of International Criminal Law », California Law Review 93 (2005), 75‑169, p.119.

.

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autrui sera puni de travaux forcés de quinze à vingt ans ». La préméditation est visée à l’article 549 du Code pénal libanais et l’élément intentionnel précisé notamment aux articles 188 et 189 de ce même code. L’article 188 prévoit que « [l]’intention consiste dans la volonté de commettre une infraction telle qu’elle est définie par la loi » et l’article 189 que « [l]’infraction est réputée intentionnelle encore bien que l’effet délictueux de l’action ou de l’omission ait dépassé l’intention de l’auteur si celui‑ci en avait prévu l’éventualité et accepté le risque ». La tentative de crime est, quant à elle, incriminée par l’article 200 du Code pénal libanais. Il mentionne que : « [t]oute tentative de crime, manifestée par des actes tendant directement à le commettre, si elle n’a été suspendue que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, sera considérée comme le crime même ».

17. À la lumière de considérations similaires à celles évoquées au paragraphe 7 de la présente ordonnance, le Juge de la mise en état s’interroge sur la question de savoir si le Tribunal doit s’appuyer, non seulement sur le droit libanais, mais également sur le droit international, conventionnel et coutumier, pour interpréter les éléments constitutifs des notions d’homicide intentionnel avec préméditation et de tentative d’assassinat.

18. S’il était répondu par l’affirmative à la question visée au paragraphe précédent, il devrait être examiné si des contradictions existent entre les définitions des notions d’homicide intentionnel avec préméditation et de tentative d’assassinat consacrées par le droit libanais et celles qui résulteraient du droit international et, le cas échéant, comment les résoudre conformément aux normes internationales applicables en la matière, dans l’intérêt de la sécurité juridique et du respect des droits des accusés.

19. S’il était répondu par la négative à cette question, il serait opportun de déterminer précisément les éléments constitutifs de ces notions à prendre en considération par le Tribunal à la lumière du droit libanais et de la jurisprudence y afférente.

20. Par ailleurs, il conviendrait que la Chambre d’appel indique si un individu peut être poursuivi pour homicide intentionnel avec préméditation pour des faits

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commis à l’encontre de personnes qui n’étaient pas spécifiquement ciblées par l’acte criminel présumé.

2. les modes de responsabilité

21. De façon générale, le Juge de la mise en état note que le Statut ne se prononce pas sur la question de savoir si les dispositions relatives aux modes de responsabilité doivent être interprétées à la lumière du droit pénal libanais ou du droit international. En effet, s’agissant de la participation criminelle, l’article 2, paragraphe a) du Statut renvoie au Code pénal libanais. En revanche, l’article 3 de ce même Statut intitulé « Responsabilité pénale individuelle » s’inspire résolument du droit international comme en témoigne notamment le paragraphe 2 relatif à la responsabilité du supérieur hiérarchique qui est calqué sur les articles 25 et 28 du Statut de la CPI. Or le Statut ne donne aucune information sur la manière de résoudre les contradictions éventuelles que pourrait générer cette situation.

22. Dans ce contexte, le Juge de la mise en état invite respectueusement la Chambre d’appel à répondre aux questions suivantes. Pour l’application des modes de responsabilité pénale devant le Tribunal, convient‑il de se référer au droit libanais, au droit international ou à la fois au droit libanais et au droit international ? Dans ce dernier cas, comment, et sur la base de quels principes, les contradictions éventuelles entre ces droits, s’agissant en particulier de la commission et de la coaction, doivent‑elles être résolues ?

3. Leconcoursdequalifications

23. Le Statut est muet sur la question du concours de qualifications. Se pose dès lors la question de savoir si le concours de qualifications doit être régulé par le droit pénal libanais, par le droit international ou à la fois par le droit pénal libanais et le droit international. Dans ce dernier cas, comment, et sur base de quels principes, concilier ces deux droits en cas de contradiction entre eux ?

24. Il convient de noter à cet égard que les tribunaux pénaux internationaux ont, en règle générale, autorisé les concours de qualifications dans les actes d’accusation dans la mesure où les charges retenues à l’encontre des accusés ne seront déclarées

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établies qu’à l’issue des procès, le cas échéant17. En revanche, la CPI, comme certaines juridictions internes, a rejeté, dans certaines circonstances, de tels concours, ceux‑ci pouvant être préjudiciables aux droits des accusés18 et conduire à l’allongement et l’alourdissement des procédures19. Par ailleurs, selon la CPI la responsabilité de qualifier juridiquement les faits reprochés aux accusés incombe aux juges20.

25. À la lumière des réponses données à ces questions, il conviendrait de déterminer si – et à quelles conditions – le Procureur peut qualifier un même fait de différentes manières, à savoir, par exemple, à la fois de complot terroriste, d’actes de terrorisme et d’homicide intentionnel avec préméditation ou de tentative d’assassinat. Dans l’affirmative, peut‑il retenir ces qualifications de manière cumulative ou doit‑il le faire de façon alternative ? Le cas échéant, à quelles conditions ?

pAR ces MOTiFs,

en ApplicATiOn de l’article 68 paragraphe G) du Règlement,

le juGe de lA Mise en ÉTAT a l’honneur de soumettre respectueusement à la Chambre d’appel les questions préjudicielles suivantes :

À propos de la notion d’actes de terrorisme :

i) Compte tenu du fait que l’article 2 du Statut renvoie exclusivement aux dispositions pertinentes du Code pénal libanais pour définir la notion d’actes de terrorisme, le Tribunal doit‑il prendre également en compte le droit international applicable en la matière ?

ii) S’il était répondu par l’affirmative à la question visée au paragraphe i), comment, et selon quels principes, concilier la définition de la notion d’actes de terrorisme envisagée à l’article 2 du Statut avec le droit international ? Dans

17 TPIY, affaire n° IT‑95‑16‑A, Le Procureur c. Kupreškić, Arrêt du 23 octobre 2001, para. 385 se référant à l’affaire n° IT‑96‑21‑A, Le Procureur c. Delalić et al. [Čelebiči], Arrêt du 20 février 2001, para. 400.

18 CPI, affaire n° ICC‑01/05‑01/08‑14 ENG, Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, « Decision on the Prosecutor’s Application for a Warrant of Arrest Against Jean‑Pierre Bemba Gombo » du 8 juin 2008, para. 25.

19 Ibid.

20 Ibid.

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ce cas, quels sont les éléments constitutifs, intentionnel et matériel, de cette incrimination ?

iii) S’il était répondu par la négative à la question visée au paragraphe i), quels sont les éléments constitutifs, matériel et intentionnel, des actes de terrorisme à prendre en considération par le Tribunal, à la lumière du droit libanais et de la jurisprudence y afférente ?

iv) Si l’auteur d’actes de terrorisme visant à créer un état d’alarme21 réalisé par l’utilisation de moyens explosifs avait l’intention de les commettre en tuant une personne déterminée, comment qualifier sa responsabilité pénale en cas de décès ou de blessures causés à des personnes susceptibles d’être considérées comme n’ayant pas été visées personnellement ou directement par de tels actes ?

À propos de la notion de complot :

v) Pour interpréter les éléments constitutifs de la notion de complot, le Tribunal doit‑il prendre en compte, non seulement le droit libanais, mais également le droit international, conventionnel ou coutumier ?

vi) S’il était répondu par l’affirmative à la question visée au paragraphe v), existent‑ils des contradictions entre la définition de la notion de complot consacrée par le droit libanais et celle résultant du droit international et, le cas échéant, comment les résoudre ?

vii) S’il était répondu par la négative à la question visée au paragraphe v), quels sont les éléments constitutifs du complot à prendre en considération par le Tribunal, au regard du droit libanais et de la jurisprudence y afférente ?

viii) Comme les notions de complot et d’entreprise criminelle commune sont, de prime abord, susceptibles de présenter des éléments communs, quels sont leurs traits distinctifs respectifs ?

À propos de l’homicide intentionnel avec préméditation et de la tentative d’assassinat :

ix) Pour interpréter les éléments constitutifs des notions d’homicide intentionnel avec préméditation et de tentative d’assassinat, le Tribunal doit‑il prendre en

21 Cf. note 2.

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compte, non seulement le droit libanais, mais également le droit international, conventionnel ou coutumier ?

x) S’il était répondu par l’affirmative à la question visée au paragraphe ix), existe‑il des contradictions entre les définitions des notions d’homicide intentionnel avec préméditation et de tentative d’assassinat consacrées par le droit libanais et celles qui résulteraient du droit international et, le cas échéant, comment les résoudre ?

xi) S’il était répondu par la négative à la question visée au paragraphe ix), quels sont les éléments constitutifs de ces notions en droit libanais à la lumière de la jurisprudence y afférente ?

xii) Un individu peut‑il être poursuivi devant le Tribunal pour homicide intentionnel avec préméditation pour des faits qu’il aurait perpétrés à l’encontre de victimes susceptibles d’être considérées comme n’étant pas visées personnellement ou directement par l’acte criminel présumé ?

À propos des modes de responsabilité :

xiii) Pour l’application des modes de responsabilité pénale devant le Tribunal, convient‑il de se référer au droit libanais, au droit international ou à la fois au droit libanais et au droit international ? Dans ce dernier cas, comment, et sur base de quels principes, résoudre les contradictions éventuelles entre ces droits, s’agissant en particulier de la commission et de la coaction ?

Àproposdesconcoursdequalifications:

xiv) Le concours de qualifications applicable devant le Tribunal doit‑il être régulé par le droit pénal libanais, par le droit international ou à la fois par le droit pénal libanais et le droit international ? Dans ce dernier cas, comment, et sur base de quels principes, concilier ces deux droits en cas de contradiction entre eux ?

xv) Un même fait peut‑il être qualifié de différentes manières, à savoir, par exemple, à la fois de complot terroriste, d’actes de terrorisme et d’homicide intentionnel avec préméditation ou de tentative d’assassinat. Dans l’affirmative, ces qualifications peuvent‑elles être retenues cumulativement ou doivent‑elles être alternatives ? À quelles conditions ?

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Questions préjudicielles JME

Fait en anglais, en arabe et en français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 21 janvier 2011.

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

devant : chambre d’appel

Titre : décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications

Titre réduit : droit applicable

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deVAnT lA cHAMBRe d’Appel

Affaire n° : sTl-11-01/iDevant : M. le juge Antonio cassese,

président et juge rapporteur M. le juge Ralph Riachy M. le juge sir david Baragwanath M.lejugeAfifChamsedinne M. le juge Kjell erik BjörnbergGreffier : M. Herman von HebelDate : le 16 février 2011Langue de l’original : AnglaisType de document : public[Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres]

dÉcisiOn pRÉjudicielle suR le dROiT ApplicABle : TeRRORisMe, cOMplOT, HOMicide, cOMMissiOn,

cOncOuRs de QuAliFicATiOns

conseil :Bureau du procureur : M. Daniel Bellemare, MSM, c.r M. Daryl A. Mundis M. Iain Morley, c.r M. Ekkehard Withopf M. Kwai Hong Ip M. Jean‑Philippe Duchesneau Mme Marie‑Sophie Poulin

Bureau de la défense : M. François Roux Mme Alia Aoun

pour le Bureau de la défense : M. Raymond Chedid M. Guénaël Mettraux

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Droit applicable

sOMMAiRe1

i. les questions de droit soumises par le juge de la mise en état

Conformément à l’article 68 G) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal spécial pour le Liban, le Juge de la mise en état a soumis à la Chambre d’appel quinze questions de droit qui doivent être tranchées avant qu’il ne soit en mesure de décider s’il doit confirmer l’acte d’accusation dont il est saisi. Ces questions peuvent être regroupées sous cinq rubriques :

1. Le Tribunal doit-il appliquer, aux fins de la définition du terrorisme, le droit international ; si tel est le cas, de quelle façon la définition du terrorisme, selon le droit interne libanais, peut-elle être conciliée, si elle s’en écarte, avec le droit international ; et, dans un cas comme dans l’autre, quels sont les éléments matériels et moraux du crime de terrorisme dont le Tribunal doit faire application ?

2. Le Tribunal doit-il procéder à l’interprétation des éléments constitutifs des crimes d’homicide intentionnel et de tentative d’homicide au regard, tout à la fois, du droit interne libanais et du droit international ; si tel est le cas, y a-t-il des divergences entre les définitions, en droit international et en droit libanais, d’homicide intentionnel et de tentative d’homicide et comment peut-on remédier à ces disparités ; et quels sont les éléments de l’homicide intentionnel et de la tentative d’homicide que doit appliquer le Tribunal ?

3. Le Tribunal doit-il interpréter les éléments constitutifs du complot au regard, tout à la fois, du droit interne libanais et du droit international ; si tel est le cas, y a-t-il des divergences entre les définitions, en droit international et en droit libanais, de complot et comment peut-on remédier à ces disparités ; quels sont les éléments constitutifs du complot que le Tribunal doit appliquer ; et, dans la mesure où la notion de complot coïncide avec celle d’entreprise criminelle commune (mode de responsabilité), comment peut-on distinguer ces deux notions ?

4. En ce qui concerne les modes de responsabilité encourus, s’agissant de crimes relevant de la compétence du Tribunal (la commission et la coaction en particulier), le Tribunal doit-il appliquer le droit interne libanais ou le

1 Le présent sommaire ne fait pas partie de la décision de la Chambre d’appel. Il a été établi pour la commodité du lecteur, qui peut juger utile de disposer d’une présentation des grandes lignes de la décision. Seul le texte de la décision constitue, en lui‑même, le document faisant foi.

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Droit applicable

droit international, ou le droit libanais et le droit international ; de quelle manière et sur quel fondement, peut-on résoudre les divergences qui peuvent exister, en droit libanais et en droit international, entre les notions juridiques qui sont à la base de tels modes de responsabilité ; et un individu accusé devant le Tribunal peut-il être condamné, au titre d’une négligence délibérée ou d’une intention présumée (dolus eventualis), pour terrorisme (étant donné que le crime de terrorisme exige l’intention spécifique (dolus specialis), de répandre la terreur parmi la population) ou pour homicide intentionnel (lorsque l’accusé, de par son acte de terrorisme, ne visait pas des personnes déterminées) ?

5. Le Tribunal doit-il appliquer le droit libanais ou le droit international pour régler la question du cumul de qualifications et du concours d’infractions ; de quelle manière, peut-on remédier aux divergences qui peuvent exister, sur ce point, entre le droit libanais et le droit international et sur quel fondement ; et les diverses infractions pénales doivent-elles faire l’objet d’un cumul de qualifications ou de qualifications alternatives, et dans quelles conditions ?

ii. la décision de la chambre d’appel

A. interprétation du statut du Tsl

Dans son interprétation du Statut, le Tribunal doit s’appliquer à dégager le sens véritable du texte afin de donner, autant que faire se peut, l’effet le plus complet et équitable à l’intention des rédacteurs ; en particulier, le Tribunal doit assurer la cohérence de dispositions juridiques apparemment divergentes. Le Tribunal s’acquittera de cette tâche en s’appuyant sur le principe général d’interprétation consacré par l’article 31, paragraphe 1, de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités (et sur la règle coutumière de droit international qui y correspond), aux termes duquel un traité doit être interprété « de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ». S’agissant spécifiquement du Statut du Tribunal, ce principe requiert une interprétation qui soit le plus à même de permettre au Tribunal d’atteindre son objectif, à savoir administrer la justice de manière équitable et efficiente. Cependant, si ce critère s’avère inefficace, il faut choisir l’interprétation la plus favorable aux

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Droit applicable

droits du suspect ou de l’accusé, en retenant, comme norme d’interprétation, le principe général de droit pénal favor rei (au bénéfice l’accusé).

Contrairement aux autres tribunaux pénaux internationaux qui n’appliquent que le droit international (ou, dans un nombre limité de cas, à la fois le droit international et le droit interne) aux crimes relevant de leur compétence, les juges, conformément au Statut du Tribunal, sont appelés à appliquer principalement le droit libanais aux faits relevant de la compétence du Tribunal. Il s’ensuit que le Tribunal est tenu d’appliquer le droit interne dans l’exercice de sa compétence principale, et non pas, comme il est d’usage pour la plupart des tribunaux internationaux, uniquement à l’occasion de l’exercice de sa compétence incidente. Dans le droit fil de la jurisprudence internationale, le Tribunal appliquera, de manière générale, le droit libanais, tel qu’interprété et mis en œuvre par les juridictions libanaises, à moins qu’une telle interprétation ou application apparaisse mal fondée, puisse donner lieu à une injustice manifeste, ou ne soit pas conforme apparemment aux règles et principes internationaux qui s’imposent au Liban. De même, lorsque les juridictions libanaises adoptent des points de vue divergents sur les dispositions législatives pertinentes, le Tribunal peut en donner l’interprétation qu’il considère la plus appropriée et conforme aux normes juridiques internationales.

B. notion de terrorisme que doit appliquer le Tribunal

Le Tribunal doit appliquer la définition que donne le droit libanais du crime de terrorisme, interprétée conformément au droit international conventionnel et coutumier qui s’impose au Liban.

En droit libanais, les éléments matériels du crime de terrorisme sont les suivants : i) un acte, que celui-ci constitue ou non une infraction visée par d’autres dispositions du Code pénal ; et ii) l’utilisation de « moyens susceptibles de produire un danger commun ». Cités à titre d’exemples, ces moyens comprennent : les engins explosifs, les matières inflammables, les produits toxiques ou corrosifs, ou les agents infectieux ou microbiens. Il ressort de la jurisprudence libanaise que ne font pas partie de ces moyens les instruments non énumérés, tels que les fusils, les mitrailleuses, les

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Droit applicable

revolvers, les lettres piégées à la bombe ou les couteaux. L’élément moral du crime de terrorisme consiste en l’intention spécifique de susciter la terreur.

L’article 2 du Statut oblige le Tribunal à appliquer le droit libanais, mais le Tribunal peut néanmoins prendre en considération le droit international aux fins d’interpréter le droit libanais. Il peut tenir compte, à cet égard, de deux ensembles de règles : la Convention arabe pour la lutte contre le terrorisme, ratifiée par le Liban, et le droit international coutumier relatif au terrorisme en temps de paix.

La Convention arabe impose aux États parties l’obligation de coopérer en matière de prévention et de répression du terrorisme et définit, à cette fin, le terrorisme, tout en laissant aux parties contractantes la liberté d’assurer simultanément la répression du terrorisme sur la base de leur propre législation nationale.

De la comparaison du droit libanais et de la Convention, il ressort que les deux notions de terrorisme reposent sur deux éléments en commun : i) l’une et l’autre englobent des actes ; et ii) elles exigent qu’il y ait intention de répandre la terreur ou la peur. Cependant, la définition adoptée dans la Convention est plus large que celle donnée par le droit libanais, car elle ne requiert pas que l’acte incriminé soit perpétré par le biais de moyens, d’instruments ou de dispositifs spécifiques. La notion de terrorisme, que retient la Convention arabe, est, sur d’autres aspects, plus restrictive : elle impose que l’acte incriminé soit violent, et elle écarte les actes commis dans le cadre d’une guerre de libération nationale (pour autant qu’une guerre de ce type ne soit pas menée contre un pays arabe).

Si l’on se fonde sur les traités, les résolutions de l’Organisation des Nations Unies et la pratique législative et judiciaire des États, il existe des preuves convaincantes qu’une règle coutumière de droit international relative au terrorisme en temps de paix s’est progressivement formée, nécessitant que soient réunis les éléments suivants : i) l’intention (dolus) de commettre le crime en question, et ii) l’intention spécifique (dolus specialis) de disséminer la crainte ou de contraindre les pouvoirs publics à agir dans un sens ou un autre ; iii) la perpétration d’un acte criminel, et iv) le fait que l’acte de terrorisme est caractérisé par un élément d’extranéité. Les quelques États, fort peu nombreux, qui continuent de défendre une autre définition du terrorisme, peuvent être considérés, tout au plus, comme des objecteurs persistants. Si l’on compare la définition que donne du crime de terrorisme le Code pénal libanais et celle qui est retenue par le droit international coutumier, on constate que, dans le second cas, on est en présence d’une notion plus large, en ce qui concerne les moyens utilisés pour commettre l’acte de terrorisme, dont le droit international

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ne dresse pas une liste limitative, et plus étroite, en ce sens que i) elle ne vise que les actes de terrorisme commis en temps de paix, ii) elle exige tout à la fois l’existence d’un acte criminel sous-jacent ainsi que l’intention de commettre ledit acte et iii) elle contient un élément d’extranéité.

Tout en respectant pleinement la jurisprudence des tribunaux qui, au Liban, ont eu à statuer sur des cas de terrorisme, le Tribunal ne peut que tenir compte de la gravité singulière des crimes en cause, de l’élément d’extranéité qui les entoure, et du fait que le Conseil de sécurité a considéré qu’il s’agissait d’actes de terrorisme particulièrement graves qui justifiaient la création d’un tribunal international. Il s’ensuit que, aux fins de statuer sur ces faits, le Tribunal est fondé à retenir, à un égard tout au moins, une interprétation de la définition du terrorisme que donne le Code pénal libanais plus large que celle qui ressort de la jurisprudence libanaise. Si les juridictions libanaises ont considéré que, pour être caractérisé, un acte de terrorisme doit avoir été perpétré à l’aide de l’un des moyens énumérés dans le Code pénal, le Code lui-même donne à penser que cette liste de moyens est indicative, et non exhaustive, et pourrait dès lors inclure également des moyens tels que des armes de poing, des mitrailleuses, et ainsi de suite, compte tenu des circonstances particulières à chaque cas d’espèce. La seule exigence qui ne change pas est que les moyens utilisés pour commettre l’acte de terrorisme doivent également être susceptibles de créer un danger commun, soit en exposant les simples passants et spectateurs à un péril, soit en suscitant d’autres actes de violence en guise de représailles ou l’instabilité politique. Cette interprétation du droit libanais tient davantage compte des formes contemporaines de terrorisme et assure une articulation plus étroite entre le droit libanais et les éléments pertinents du droit international qui s’impose au Liban.

Cette interprétation est susceptible d’élargir l’un des éléments matériels du crime, tel qu’appliqué par les tribunaux libanais à l’occasion de décisions antérieures, sans pour autant enfreindre le principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen sine lege), étant donné i) que cette interprétation correspond bien à l’infraction, telle que définie explicitement par le droit libanais ; ii) qu’elle a été portée à la connaissance de l’accusé, compte tenu surtout de la publication au Journal officiel de la Convention arabe et d’autres traités internationaux que le Liban a ratifiés, dont aucun ne restreint ni les moyens ni les instruments avec

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lesquels un acte de terrorisme peut être perpétré ; iii) et que, par conséquent, elle ne pouvait raisonnablement échapper aux prévisions de l’accusé.

En résumé, et à la lumière des principes susmentionnés, la notion de terrorisme que doit appliquer le Tribunal comprend les éléments suivants : i) la commission volontaire d’un acte ; ii) l’utilisation de moyens susceptibles de produire un danger commun ; et iii) l’intention de l’auteur de l’acte de répandre la terreur. Étant donné que les éléments qui entrent en ligne de compte pour définir la notion de terrorisme n’exigent pas qu’un crime ait été commis, l’auteur d’un acte de terrorisme qui entraînerait le décès de plusieurs personnes encourrait une responsabilité pour terrorisme, les pertes de vies humaines constituant une circonstance aggravante ; de surcroît, l’auteur de l’acte pourrait, également, et de manière indépendante, être tenu responsable du crime commis, dès lors que l’élément intentionnel requis de commettre le crime en question était à la base de son acte.

c. Autres crimes relevant de la compétence du Tsl

Le Tribunal doit appliquer le droit interne libanais en matière d’homicide intentionnel, de tentative d’homicide et de complot. Les crimes en question étant avant tout des crimes de droit interne, sans équivalent en droit international pénal (le complot, en droit international, étant uniquement un mode de responsabilité en cas de génocide), la Chambre d’appel n’appréciera pas ces crimes à la lumière du droit international pénal.

En droit libanais, les éléments constitutifs d’un homicide intentionnel sont les suivants : i) un acte, ou une omission coupable, visant à porter atteinte à la vie d’autrui ; ii) qui entraîne la mort d’une personne ; iii) qui établit l’existence d’un lien occasionnel entre l’acte perpétré et la mort qui en est la conséquence ; iv) qui montre que l’auteur de l’acte sait ce qu’il fait (y compris que l’acte est dirigé contre une personne vivante et qu’il est exécuté par des moyens susceptibles de provoquer la mort) ; et v) qui repose sur un élément intentionnel, que l’intention soit directement liée à l’acte ou bien qu’il s’agisse d’un dol éventuel. La préméditation est une circonstance aggravante ; elle ne constitue pas un élément du crime, et elle peut s’appliquer à un homicide intentionnel commis sur le fondement d’un dol éventuel.

En droit libanais, les éléments constitutifs de la tentative d’homicide sont les suivants : i) un acte préparatoire visant à commettre un crime (assorti d’un commencement d’exécution du crime) ; ii) l’intention subjective requise de commettre le crime ;

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et iii) le défaut de renonciation volontaire à commettre l’infraction en cause avant qu’elle ne soit perpétrée.

En droit libanais, les éléments constitutifs du complot sont les suivants : i) la présence de deux ou plusieurs individus ; ii) qui concluent une entente ou y adhèrent ; iii) dans le but de commettre des crimes contre la sûreté de l’État (la commission d’un acte de terrorisme, si l’on s’en tient à la mission du Tribunal spécial, doit constituer le but du complot) ; iv) les moyens devant être utilisés pour commettre le crime faisant l’objet d’une entente (ce qui signifie que le complot en vue de commettre un acte de terrorisme doit correspondre à l’élément portant sur les « moyens » qui est visé à l’article 314) ; et v) l’existence d’une intention criminelle.

d. Modes de responsabilité pénale

En vertu de l’article 2 du Statut, le Tribunal est tenu d’appliquer le droit libanais dans les affaires de « participation criminelle » (en tant que mode de responsabilité) et de « complot », d’« associations illicites » et de « non-révélation de crimes et délits » (en tant que crimes proprement dits). L’article 3 énonce plusieurs modes de responsabilité pénale consacrés dans le droit international pénal : la commission, la complicité, l’organisation ou l’ordre donné à d’autres personnes de commettre un crime, la contribution à la commission d’un crime par un groupe de personnes ou par un groupe organisé, la responsabilité du supérieur hiérarchique ou la responsabilité pénale pour l’exécution de l’ordre d’un supérieur.

Tant le droit libanais que le droit international pénal (tel qu’énoncé à l’article 3 du Statut), sont susceptibles de s’appliquer aux modes de responsabilité. Le Juge de la mise en état et la Chambre de première instance doivent i) évaluer au cas par cas s’il existe véritablement un conflit entre l’application du droit libanais et celle du droit international pénal; ii) s’il n’y a pas de contradiction entre ces deux ensembles de règles, le droit libanais doit s’appliquer ; et iii) en cas d’opposition, c’est le corps de règles qui conduit à la solution la plus favorable à l’accusé qui doit être retenu.

1. commission et coaction

Selon le droit international pénal et le droit libanais, l’auteur de l’infraction doit exécuter physiquement l’acte prohibé et il doit être animé par l’élément intentionnel requis. Lorsqu’un crime est commis par plusieurs individus, tous ceux qui commettent le même acte et sont mus par le même élément intentionnel (mens rea) en sont les coauteurs. Dans la mesure où le droit libanais adopte une définition plus large de la

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coaction, ce concept s’entend ici comme une « participation à un groupe ayant un but commun ».

2. complicité (aide et encouragement)

Dans une large mesure, la notion de complicité en droit libanais coïncide avec la notion de complicité en droit international, à l’exception de deux éléments importants. Premièrement, le droit libanais énumère expressément les moyens objectifs par lesquels un complice peut apporter son concours, tandis que le droit international n’exige qu’une « assistance substantielle », sans limiter d’aucune manière la forme qu’elle peut prendre. Deuxièmement, en droit libanais, la responsabilité pour complicité nécessite que les accusés aient connaissance tout à la fois du crime qui doit être commis, afin de s’entendre avec l’auteur du crime pour commettre ce dernier, et partagent en commun l’intention d’accomplir le crime en question ; à l’inverse, en droit international, n’est exigée que l’intention de commettre la violation générale de la norme légale qu’entreprend l’auteur principal de l’infraction. De manière générale, il convient d’appliquer le concept libanais de complicité en ce qu’il assure une meilleure protection des droits de l’accusé, y compris le principe de la légalité des délits et des peines (nullum crimen sine lege).

3. participation à un groupe ayant un but commun

La question principale qui se pose ici est de savoir si, et dans quelle mesure, les divers modes de responsabilité prévus par le droit libanais (coaction, complicité, instigation) se recoupent ou peuvent être associés à la notion d’entreprise criminelle commune (ECC) prévue dans le droit international coutumier (il convient de se référer à l’ECC I et III, à savoir à la notion « de base » et à la notion « élargie » d’une telle entreprise).

Les deux ensembles de règles concordent sur l’exigence de l’élément subjectif : tous deux s’appuient sur l’intention ou la négligence délibérée (dolus eventualis). Ainsi le droit libanais et le droit international pénal se recoupent-ils, en sanctionnant l’exécution d’une entente criminelle en vertu de laquelle tous les participants partagent la même intention criminelle, même si chacun d’entre eux peut jouer un rôle différent dans l’exécution du crime.

Les deux corps de règles se recoupent également en punissant les participants à une entreprise criminelle qui, s’ils ne se sont pas entendus sur la commission d’un crime « accessoire », étaient tout de même censés savoir, et de fait savaient, qu’un tel

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crime, en toute logique, pouvait être commis, et ont pris délibérément le risque qu’il le soit (à savoir l’ECC III). Cette notion toutefois ne peut s’appliquer aux crimes « accessoires » requérant l’existence d’une intention spécifique ou dol spécial (comme dans le cas du terrorisme). Partant, une infraction accessoire ne peut être qu’une infraction qui requiert uniquement l’intention de la commettre (dol simple, dol éventuel), telle qu’un homicide intentionnel.

Le Juge de la mise en état et la Chambre de première instance devront évaluer au cas par cas s’il existe véritablement une incompatibilité entre l’application du droit libanais et celle qui s’appuie sur les notions de droit international pénal d’entreprises criminelles communes. S’il n’y a pas de contradiction entre ces ensembles de règles, le droit libanais doit s’appliquer. En cas d’opposition, c’est le corps de règles qui conduit à la solution la plus favorable à l’accusé qui doit être retenu. Dans la mesure, notamment, où le droit libanais permet qu’un individu soit condamné en raison d’un acte de terrorisme commis par une autre personne, même si la participation de l’individu en question à cet acte terroriste se réduisait à un dol éventuel, le concept de droit international pénal d’ECC doit s’appliquer à cette circonstance particulière, dans la mesure où il assurerait qu’un individu ne puisse être condamné, pour des actes de terrorisme, au titre de l’ECC III.

E. Concoursdequalificationsetcumuldequalifications

Le droit libanais et le droit international pénal définissent ces notions de manière largement identique. L’un et l’autre prévoient le cas de concours de qualifications et font place également au cumul de qualifications, et rien ne doit conduire – à titre de conjecture, à tout le moins, avant la soumission de quelque fait particulier que ce soit – à envisager une incompatibilité entre ces deux ensembles de règles et, a fortiori, la nécessité de les concilier.

Tant en droit libanais qu’en droit international pénal, on ne trouve aucune règle claire de portée générale qui indique s’il vaut mieux retenir un système qui repose sur des chefs d’accusation qui se cumulent ou donner la préférence aux chefs d’accusation qui existent de manière alternative. Le Juge de la mise en état, toutefois, lorsqu’il se prononcera sur la confirmation de l’acte d’accusation, devra veiller avec soin à n’autoriser la pluralité de poursuites que lorsque des éléments séparés des infractions alléguées établissent que l’on est en présence d’infractions réellement distinctes les unes des autres. En particulier, lorsqu’une infraction en comprend une autre, le Juge doit toujours choisir la première et rejeter la seconde. De même, lorsque des infractions sont visées par une disposition générale et par une disposition spéciale,

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le Juge doit toujours choisir de donner effet aux dispositions spéciales. De plus, les modes de responsabilité qui se rapportent à la même infraction devraient toujours être déterminés sur la base de chefs d’accusation existant de manière alternative.

Le Juge de la mise en état doit également viser l’objectif de fournir à la Défense, autant que faire se peut, le maximum de précisions. C’est pourquoi il est souhaitable d’éviter les chefs d’accusation supplémentaires, à moins que les infractions en cause ne visent à assurer la sauvegarde de valeurs nettement différentes. Cette manière générale de procéder devrait permettre de garantir l’efficacité des procédures, tout en évitant de faire peser sur la Défense des fardeaux inutiles, en contribuant ainsi à donner au Tribunal la possibilité de remplir la mission générale qui lui est impartie, à savoir rendre la justice de manière équitable et efficiente.

En ce qui concerne les questions qu’a soulevées le Juge de la mise en état, la Chambre d’appel souhaite formuler les observations suivantes : en droit libanais, les crimes de complot terroriste, de terrorisme et d’homicide intentionnel peuvent faire l’objet d’un cumul de qualifications, même s’ils reposent sur les mêmes actes sous-jacents, parce qu’ils ne peuvent donner naissance à des qualifications juridiques qui s’opposent, et parce que la protection de valeurs profondément différentes explique qu’il soit procédé à l’incrimination de tels faits. Par voie de conséquence, dans la plupart des cas, il serait plus indiqué que ces crimes relèvent de chefs d’accusation qui se cumulent, et non pas de chefs d’accusation qui existent de manière alternative.

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Table des matières

INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

I. Le fondement et l’objet du pouvoir conféré à l’article 68 G) et son exercice en la présente espèce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

II. La compétence conférée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

III. Principes généraux relatifs à l’interprétation du Code pénal libanais et du Statut du TSL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

A. Principes d’interprétation des dispositions du Statut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

B. Principes relatifs à l’interprétation du droit libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

SECTION I : LES CRIMES RELEVANT DE LA COMPÉTENCE DU TRIBUNAL . . . . . . . . . . . . . 67

I. Le terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

A. La notion de terrorisme au regard du Code pénal libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

B. La notion de terrorisme dans les règles internationales qui s’imposent au Liban . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

1. Droit conventionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

a) La Convention arabe sur la suppression du terrorisme . . . . . . . . . . . . . 78b) Mise en œuvre de traités selon le droit libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

2. Droit coutumier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92

a) Droit international coutumier relatif au terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92b) Applicabilité du droit international coutumier dans l’ordre

juridique libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1253. Le recours au droit international pour l’interprétation du droit

libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

a) La question des moyens ou instruments utilisés pour commettre un acte de terrorisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131

b) Le principe de la légalité et la non‑rétroactivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133

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Droit applicable

C. La notion de terrorisme applicable devant le Tribunal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

II. Crimes et délits contre la vie et l’intégrité physique des personnes . . . . . . . . 143

A. Homicide intentionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

1. Élément matériel (actus reus) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

a) Comportement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146b) Résultat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147c) Lien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148

2. Élément intentionnel (mens rea) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

3. Préméditation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

B. Tentative d’homicide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 156

C. Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161

III. Complot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162

SECTION II: MODES DE RESPONSABILITÉ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168

I. Uniformiser les articles 2 et 3 du Statut du Tribunal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168

II. Modes de responsabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

A. Perpétration et coaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

1. Droit libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

2. Droit international pénal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174

3. Comparaison entre le droit libanais et le droit international pénal . . 175

B. Complicité (aide et assistance) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175

1. Droit libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175

2. Droit international pénal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179

3. Comparaison entre le droit libanais et le droit international pénal . . 181

C. Autres modes de participation à un acte criminel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

1. Droit libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

2. Droit international pénal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184

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Droit applicable

a) Entreprise criminelle commune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184b) Article 3 1 b) du Statut du TSL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192c) Perpétration indirecte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193

3. Comparaison entre le droit libanais et le droit international pénal . . 196

III. Récapitulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198

SECTION III : CONCOURS D’INFRACTIONS ET CUMUL DE QUALIFICATIONS . . . . . . . . . 198

I. Le droit libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202

A. Concours d’infractions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202

B. Cumul de qualifications. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205

II. Le droit international pénal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207

A. Concours d’infractions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207

B. Cumul de qualifications. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209

III. Comparaison entre le droit libanais et le droit international pénal . . . . . . . . . . 214

DISPOSITIF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217

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inTROducTiOn

1. Le Juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal ») est actuellement saisi d’un acte d’accusation déposé par le Procureur du Tribunal le 17 janvier 2011. Le 21 janvier 2011, le Juge de la mise en état a soumis à la Chambre d’appel, conformément à l’article 68 G) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »), 15 questions de droit soulevées par ledit acte d’accusation2. Il a demandé à la Chambre d’appel de trancher ces questions dès le début (ab initio), afin de veiller à ce que l’acte d’accusation déposé et d’autres actes qui pourraient être déposés ultérieurement soient confirmés – le cas échéant – sur la base de motifs solides et bien fondés3. En réponse à l’Ordonnance portant calendrier rendue par le Président le même jour4, le Bureau du Procureur (le « Procureur ») et le chef du Bureau de la Défense (le « Bureau de la Défense ») ont déposé des observations écrites sur ces questions le 31 janvier 20115 et le 4 février 20116, et ont présenté des arguments oraux lors d’une audience publique tenue le 7 février 2011.

2. Le 7 février 2011, la Chambre d’appel a en outre annoncé son intention d’autoriser les organisations intergouvernementales, les gouvernements nationaux, les organisations non gouvernementales et les institutions universitaires à déposer, avant le 11 février, des mémoires d’amicus curiae sur des points spécifiques touchant

2 Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressées aux juges de la Chambre d’appel conformément à l’article 68, paragraphe G) du Règlement de procédure et de preuve, STL‑11‑01/I, 21 janvier 2011 (l’« Ordonnance du Juge de la mise en état conformément à l’article 68 G) »). L’article 68 G) dispose que : « Le Juge de la mise en état peut soumettre à la Chambre d’appel toute question préjudicielle sur l’interprétation de l’Accord, du Statut et du Règlement concernant le droit applicable qu’il juge nécessaire afin d’examiner l’acte d’accusation et de rendre une décision sur celui‑ci ».

3 Ordonnance du Juge de la mise en état conformément à l’article 68 G), par. 2.

4 « Ordonnance portant calendrier », STL‑11‑01/I, 21 janvier 2011.

5 « Observations Procureur déposées conformément à l’Ordonnance rendue le 21 janvier 2011 par le Président en réponse aux questions soulevées par le Juge de la mise en état (article 176 bis du Règlement) », STL‑11‑01/I, 31 janvier 2011 (« Observations du Procureur ») ; « Observations du Bureau de la Défense déposées conformément à l’article 176 bis B) », STL‑11‑01/I, 31 janvier 2011 (« Observations du Bureau de la Défense »).

6 « Résumé des arguments du Procureur en réponse aux ‘Observations du Bureau de la Défense déposées conformément à l’article 176 bis B)’ et Rectificatif au Mémoire du Procureur STL‑11‑01/I/AC‑R176bis du 21 [sic] janvier 2011 », STL‑11‑01/I, 4 février 2011; « Résumé des arguments du Bureau de la Défense », STL‑11‑01/I, 4 février 2011.

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aux 15 questions7. Les parties n’ont formulé aucune objection de principe, se bornant à annoncer qu’elles se réservaient la possibilité de répondre aux mémoires qui seraient présentés8. Le 11 février, le Centre de recherches sur les crimes de guerre du Washington College of Law de l’Université américaine (États‑Unis d’Amérique) a déposé un mémoire sur « La pratique du cumul de qualifications au sein des juridictions pénales internationales » (le « Mémoire du Centre de recherches sur les crimes de guerre »). Le même jour, l’Institut de droit pénal et de justice pénale de l’Université Georg‑August Göttingen (Allemagne) a déposé un « Mémoire d’amicus curiae sur la question du crime de terrorisme applicable dans les procédures menées devant le Tribunal spécial pour le Liban, en mettant spécialement l’accent sur la notion d’intention spécifique et/ou de motif spécifique « spécifique » en tant qu’éléments subjectifs additionnels » (« Mémoire de l’Institut de droit pénal et de justice pénale »). Le 14 février 2011, le Greffe a reçu un autre mémoire d’amicus curiae sur « La notion d’actes de terrorisme », soumis par le Professeur Ben Saul du Centre de droit international de Sydney de l’Université de Sydney. Ledit mémoire ayant été soumis après la date limite, la Chambre d’appel n’a pu le prendre en considération.

3. Il convient, à titre liminaire, de déterminer si la Chambre d’appel doit exercer sa compétence pour répondre aux questions posées. Le Bureau du Procureur et les conseils du Bureau de la Défense s’accordent sur la démarche proposée, mais l’accusé/les accusés potentiel(s) (si l’acte d’accusation que la Chambre d’appel n’a pas vu est confirmé) n’a pas/n’ont pas été entendu(s).

4. Pour les raisons exposées plus loin, la Chambre d’appel a décidé de répondre à ces 15 questions de droit, et elle s’y emploie dans le cadre de la présente décision.

5. Ces questions peuvent être regroupées sous trois rubriques générales : le droit pénal matériel en matière de terrorisme, d’homicide et de complot ; les modes de responsabilité pénale ; et le concours d’infractions. Dans la section I de la présente décision, la Chambre d’appel abordera les questions i) à xii), qui concernent les

7 Audience du 7 février 2011, C.R. 6. Dans la présente décision, toutes les références aux pages de comptes rendus renvoient à la version anglaise non révisée.

8 Audience du 7 février 2011, C.R. 159.

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éléments constitutifs du crime de terrorisme, d’homicide intentionnel, de tentative d’homicide et de complot dont le Tribunal doit faire application. Dans la section II, elle répondra à la question xiii), qui porte sur les modes de responsabilité que doit appliquer le Tribunal, en particulier la commission, la coaction, la complicité (aide et encouragement), l’entreprise criminelle commune, ainsi que la responsabilité fondée sur le dol éventuel ou dolus eventualis (notion à peu près équivalente à l’intention présumée, parfois également définie comme une négligence délibérée). Enfin, dans la section III, la Chambre d’appel traitera des questions xiv) et xv), qui touchent à la manière dont le Tribunal doit qualifier les faits pouvant relever de chefs d’accusation différents, que ceux‑ci se cumulent ou existent de manière alternative.

6. Premièrement, toutefois, avant d’aller plus loin, il importe d’examiner attentivement trois points essentiels pour le reste de la présente opinion : i) le fondement et l’objet du pouvoir conféré à l’article 68 G) et son exercice en la présente espèce ; ii) l’étendue de la compétence du Tribunal et son exercice en la présente espèce ; et iii) les principes généraux d’interprétation que la Chambre d’appel appliquera en vue de répondre aux questions du Juge de la mise en état.

i. le fondement et l’objet du pouvoir conféré à l’article 68 G) et son exercice en la présente espèce

7. Les juges du Tribunal ont adopté les articles 68 G) et 176bis A)9 aux fins de permettre à la Chambre d’appel de préciser à l’avance le droit applicable par le Juge de la mise en état et la Chambre de première instance, et d’accélérer ainsi le processus judiciaire de la manière qu’appuyaient le Procureur et le Chef du Bureau de la Défense. En rédigeant les articles en question, les juges se sont inspirés des articles 21 et 28 du Statut du Tribunal, qui disposent que ce dernier doit éviter tout retard non justifié dans sa procédure et adopter un règlement de procédure et de preuve permettant de « garantir un procès rapide et équitable10 ».

9 « La Chambre d’appel rend une décision préjudicielle sur toute question soulevée par le Juge de la mise en état en vertu de l’article 68 G) sans préjudice des droits de l’accusé ».

10 L’article 21 (« Pouvoirs des Chambres ») dispose en partie : « Le Tribunal limite strictement le procès, l’appel et la révision à un examen rapide des questions soulevées par les charges, des moyens en appel ou des moyens de révision. Il prend des mesures strictes pour éviter toute action qui entraînerait un retard non justifié.[…] »L’article 28 (« Règlement de procédure et de preuve ») indique en outre que :

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8. Aussi la Chambre d’appel n’a‑t‑elle pas pour rôle, à ce stade, d’appliquer le droit à tel ou tel faisceau de faits. Plus exactement, elle est invitée à dire le droit applicable à toute affaire portée devant le Tribunal au regard des questions spécifiques qu’elle soulève, sans empiéter sur le droit des futurs défendeurs de demander le réexamen de ces questions au vu des faits particuliers de chaque espèce. Il importe de souligner que ni la Chambre d’appel ni le Bureau de la Défense n’ont vu l’acte d’accusation (actuellement sous scellés), et encore moins les éléments de preuve soumis par le Procureur au Juge de la mise en état à l’appui de la confirmation dudit acte. En d’autres termes, la Chambre d’appel est invitée à formuler des conclusions juridiques dans l’abstrait (in abstracto) sans se référer aux faits. Cette procédure, parfois suivie par certains pays dans le cadre de procès civils, est plus rarement observée dans le contexte de procédures au pénal.

9. La pratique habituelle, qui consiste à ne pas statuer, même sur l’interprétation d’une loi, en l’absence d’un contexte factuel spécifique, se justifie à d’importants égards. En droit, l’expérience montre qu’il est souvent nécessaire de modifier des observations générales en fonction de faits particuliers, qui peuvent apparaître sous un jour plus contrasté et appeler une réponse plus nuancée. Mais, lorsqu’il a été décidé d’adopter l’article 176bis C), il a fallu choisir entre deux solutions : i) accepter le risque que le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance retienne une interprétation du droit que la Chambre d’appel ne confirmerait pas en définitive, retardant ainsi inutilement le règlement des affaires et portant préjudice de ce fait aux parties et au peuple libanais ; ou ii) autoriser la Chambre d’appel à statuer sur le droit applicable dans l’abstrait, en vue d’accélérer la procédure dans l’intérêt, tout à la fois, des défendeurs potentiels et de la bonne administration de la justice.

10. En l’espèce, la Chambre d’appel est consciente de l’avantage qu’elle aurait, en tant que formation d’appel, à se fonder sur une décision motivée de la juridiction

1. Les juges du Tribunal adopteront […] un Règlement de procédure et de preuve, qui régira la mise en état des affaires, les procès en première instance et les recours, la recevabilité des preuves, la participation des victimes, la protection des victimes et des témoins et d’autres questions appropriées, et qu’ils pourront modifier si nécessaire.2. À cet égard, les juges se guideront, selon ce qui conviendra, sur le Code de procédure pénal libanais et d’autres textes de référence consacrant les normes internationales de procédure pénale les plus élevées, afin de garantir un procès rapide et équitable.

(non souligné dans l’original.)

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inférieure au vu d’arguments reposant sur des faits concrets, dont elle ne dispose pas. Elle est néanmoins convaincue que trois considérations l’emportent sur cet avantage. Premièrement, comme la Chambre l’a relevé, la nécessité d’une procédure rapide. Deuxièmement, en réponse aux questions du Juge de la mise en état, les conseils ont déposé des observations écrites pertinentes et ont exposé des arguments oraux d’une manière raisonnablement détaillée. Enfin, troisièmement, aucun préjudice ne sera causé, dans le futur, à quelque accusé que ce soit. Si un accusé devait contester l’une quelconque de nos conclusions, au vu d’éléments de preuve spécifiques, le fait qu’il n’ait pas été entendu à ce stade constituera un élément déterminant dans la décision de réexaminer éventuellement l’une quelconque des questions tranchées dans la présente décision, conformément à l’article 176bis C)11.

11. La Chambre d’appel est chargée de statuer sur les questions soulevées par le Juge de la mise en état au regard des arguments des conseils. Elle partage l’avis de Hersch Lauterpacht, éminent juriste de renommée internationale, qui a écrit en 1933 : « [traduction] La fonction du juge consistant à définir, dans chaque affaire, quid est juris [quel est le droit?] est avant tout pratique. Le juge ne doit ni ne peut se résigner à l’ignorabimus [nous ne savons pas et ne saurons jamais] qui marque la quête éternelle du philosophe et de l’observateur dans le domaine des sciences naturelles12 ». Il incombe à la Chambre d’appel de s’acquitter de cette tâche en énonçant le droit applicable de la manière la plus claire et la plus cohérente qu’il soit.

ii. la compétence conférée

12. Conformément au Statut du Tribunal, les crimes visés par l’acte d’accusation doivent constituer des infractions particulièrement graves prévues au regard du droit pénal libanais. La présente décision a notamment pour but de déterminer avec précision ce qu’impose le droit libanais et les modifications que le Statut peut, le cas échéant, apporter à l’application de ce droit. La Chambre d’appel sera donc amenée

11 « L’accusé a le droit de demander le réexamen de la décision préjudicielle, visée au paragraphe A, conformément à l’article 140 sans devoir en être autorisé par le Juge Président. La demande en réexamen est présentée à la Chambre d’appel au plus tard trente jours après la communication par le Procureur à la Défense de toutes les pièces et déclarations visées à l’article 110(A)(i) ».

12 H. Lauterpacht, The Function of Law in the International Community (Oxford: Clarendon Press, 1933), p. 64.

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à s’interroger notamment sur le point de savoir si le droit pénal libanais doit être interprété à la lumière de l’évolution du droit international.

13. Il serait erroné de croire que la compétence du Tribunal est étroitement comparable à celle d’autres tribunaux pénaux internationaux. Le Tribunal s’en distingue par plusieurs innovations, et notamment par l’étendue des infractions dont il peut connaître. La compétence matérielle d’autres cours et tribunaux pénaux internationaux n’est définie dans leurs statuts que par rapport à une ou plusieurs catégories de crimes : il appartient au procureur de chaque cour ou tribunal de sélectionner les affaires dont les faits lui semblent relever d’une ou plusieurs de ces catégories et d’identifier les individus soupçonnés d’avoir commis un acte criminel qui en relève. À l’opposé, en vertu du Statut, la compétence de ce Tribunal porte sur un ensemble d’allégations spécifiques : l’assassinat, survenu à Beyrouth le14 février 2005, de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et de 22 autres personnes, ainsi que d’autres attentats connexes (si le Tribunal affirme que le lien de connexité satisfait aux critères énoncés à l’article premier13). Le Statut fait ensuite obligation au Tribunal de déterminer si ces allégations peuvent être qualifiées, en droit libanais, i) d’« actes de terrorisme », ii) de « crimes et délits contre la vie et l’intégrité physique des personnes », iii) de délit « d’associations illicites », iv) de crime de complot, ou de v) crime de « non‑révélation de crimes et délits14 ». Ainsi, en matière de compétence, le Statut du Tribunal adopte‑t‑il une démarche inverse à celle des statuts d’autres juridictions pénales internationales : au lieu de commencer par énumérer les catégories de comportements criminels passibles de poursuites et punis (les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocides et ainsi de suite), il expose d’abord les faits allégués qui doivent faire l’objet d’une enquête, puis enjoint au Tribunal de poursuivre les individus responsables au titre d’un ou de plusieurs chefs d’incrimination, visés par le Statut. Le Procureur du Tribunal ne peut donc, seul, « choisir » les faits sur lesquels il convient d’engager des poursuites ou opter pour d’autres faits. Après avoir identifié, au terme d’une enquête indépendante,

13 « S’il estime que d’autres attentats terroristes survenus au Liban entre le 1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005 ou à toute autre date ultérieure décidée par les parties avec l’assentiment du Conseil de sécurité ont, conformément aux principes de justice pénale, un lien de connexité avec l’attentat du 14 février 2005 et sont de nature et de gravité similaires, le Tribunal aura également compétence à l’égard des personnes qui en sont responsables ».

14 Article 2 a) du Statut du TSL.

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les personnes qu’il présume être responsables de tel ou tel attentat, il est chargé de soumettre aux juges du Tribunal un acte d’accusation à leur encontre conformément au Statut, énonçant les charges qu’il juge établies. Le champ d’intervention du Tribunal, à ce stade, se limite à qualifier juridiquement les faits en question.

14. Si l’assassinat de Rafic Hariri et d’autres personnes est défini, dans le Préambule du Statut, comme un « crime terroriste », et si les autres attentats perpétrés au Liban entre le 1er octobre 2004 et le 12 décembre 2005 sont définis, à l’article premier, du moins dans sa version française, comme des « attentats terroristes », le Tribunal ne peut cependant tenir pour établi ce qui constitue un élément essentiel de toute accusation de terrorisme. Il incombe aux juges du Tribunal, et à eux seuls, de déterminer si les allégations portant sur une infraction visée par le Statut sont étayées par des éléments de preuve. Le Tribunal n’est pas tenu par les définitions ou classifications que retient le Statut, qui expriment les expectatives politiques des rédacteurs du Statut. Procéder au constat des faits pertinents et déterminer leur signification juridique ne peuvent résulter que du processus judiciaire du Tribunal.

15. Le mandat du Tribunal, qui consiste uniquement à appliquer le droit pénal matériel d’un pays particulier15, est également inédit. Excepté dans les cas où d’autres dispositions du Statut du Tribunal l’emportent, le droit pénal matériel que doit appliquer le Tribunal est le droit pénal interne libanais16. Il convient, tout d’abord, de définir les termes de ce droit libanais, puis de déterminer si l’on peut conclure que ses dispositions ont été méconnues et, dans ce cas, dans quelle mesure et avec quels effets. En ce qui concerne les complices d’infractions ou les individus responsables d’actes connexes, le Statut renferme des dispositions spécifiques fondées non sur

15 Tandis que d’autres tribunaux internationalisés, tels que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone et les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens, sont chargés, entre autres, de poursuivre des crimes définis par le droit national, ce Tribunal est le premier à être tenu d’appliquer principalement le droit national, du moins s’agissant du droit pénal matériel.

16 L’article 2 du Statut, intitulé « Droit pénal applicable », dispose que :« Sont applicables à la poursuite et à la répression des infractions visées à l’article 1, sous réserve des dispositions du présent Statut :

(a) Les dispositions du Code pénal libanais relatives à la poursuite et à la répression des actes de terrorisme, des crimes et délits contre la vie et l’intégrité physique des personnes, des associations illicites et de la non‑révélation de crimes et délits, y compris les règles relatives à l’élément matériel de l’infraction, à la participation criminelle et à la qualification de complot ; et (b) Les articles 6 et 7 de la loi libanaise du 11 janvier 1958 renforçant les peines relatives à la sédition, à la guerre civile et à la lutte confessionnelle ».

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le droit interne libanais mais sur les principes du droit international pénal17. Le Tribunal, de par son caractère international, a pleinement compétence pour appliquer toute disposition de son Statut ayant trait au droit international pénal. À cet égard, il y a lieu de noter que le Secrétaire général a souligné le caractère international du Tribunal :

« [L]es textes constitutifs du tribunal spécial manifestent, tant par leur fond que par leur forme, son caractère international. Le fondement juridique de la création du Tribunal spécial est un accord international entre l’Organisation et un État membre ; sa composition est mixte, avec une forte composante internationale ; ses normes juridiques, et notamment le principe de la garantie d’une procédure régulière, sont celles qui sont appliquées dans toutes les juridictions pénales internationales ou créées par l’ONU ; son règlement de procédure et de preuve sera inspiré en partie par des textes de référence répondant aux normes les plus élevées en matière de procédure pénale internationale ; et son succès peut dépendre dans une grande mesure de la collaboration d’États tiers18 ».

17 L’article 3 du Statut, intitulé « Responsabilité pénale individuelle », dispose que :1. Est individuellement responsable de crimes relevant de la compétence du Tribunal spécial :a) Quiconque a commis le crime visé à l’ article 2 du présent Statut, y a participé en tant que complice, l’a organisé ou a ordonné à d’autres personnes de le commettre ; oub) Quiconque a intentionnellement, de toute autre manière, contribué à la commission du crime visé à l’article 2 du présent Statut par un groupe de personnes agissant de concert, soit pour faciliter l’activité criminelle générale du groupe ou en servir les buts, soit en pleine connaissance de l’intention du groupe de commettre le crime visé.2. En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés, le supérieur hiérarchique est pénalement responsable de tout crime visé à l’article 3 du présent Statut commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, faute d’avoir exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dès lors :a) Qu’il savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément méconnu des informations qui l’indiquaient clairement ;b) Que ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ; et c) Qu’il n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites.3. Le fait que la personne a agi en exécution d’un ordre d’un supérieur ne l’exonère pas de sa responsabilité pénale mais peut être considéré comme un motif de diminution de la peine dès lors que le Tribunal spécial estime que la justice le commande ».

Voir paragraphe 206 ci‑dessous sur l’incorporation de certaines normes du droit international pénal dans l’article 3.

18 Rapport du Secrétaire général sur la création d’un Tribunal spécial pour le Liban, S/2006/893 (2006), au par. 7. Le Secrétaire général a également fait observer que « [c]ependant, si le tribunal spécial présente à tous ces égards des caractéristiques internationales, sa compétence ratione materiae et le droit applicable conservent leur caractère national ». Id.Par exemple, le Procureur et le Bureau de la Défense ont tous deux présenté des observations fondées, en partie, sur le droit international, et cette Chambre s’est appuyée, en partie, sur ce même droit, pour l’examen des questions de compétence et de qualité pour agir. Voir TSL, En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed,

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16. Ce Tribunal est donc tenu d’appliquer le droit pénal matériel d’un pays déterminé tout en étant, de par son origine, sa composition et son règlement19, un tribunal international ; il doit, par ailleurs, se conformer aux « normes les plus élevées en matière de justice pénale20 », et son Statut renferme certains aspects du droit international pénal. Cette tension, parfaitement illustrée par le contraste entre les articles 2 et 3 du Statut, est à l’origine de plusieurs questions du Juge de la mise en état : quels sont les cas dans lesquels, s’il y a lieu, le droit international, sur la base du caractère international et du mandat du Tribunal, doit guider l’application du droit pénal libanais par ce dernier ?

iii. principes généraux relatifs à l’interprétation du code pénal libanais et du statut du Tsl

A. Principes d’interprétation des dispositions du Statut

17. Selon le Procureur, le Tribunal doit appliquer principalement le droit libanais à l’égard des crimes visés à l’article 2 du Statut21. Lorsque le Tribunal décèle une contradiction ou lacune dans ce droit, il doit alors s’appuyer, selon le Procureur, sur les règles et principes généraux du droit pénal libanais et de la jurisprudence libanaise. Le Tribunal ne peut invoquer le droit international conventionnel et coutumier aux fins d’interpréter le droit national que lorsque la jurisprudence libanaise est incertaine ou partagée, ou bien fondée sur une interprétation manifestement incorrecte du droit libanais22. Le Tribunal ne peut s’y référer, de l’avis du Procureur, que si le droit libanais comporte des lacunes relatives aux éléments des crimes et en se conformant aux strictes conditions cumulatives exposées ci‑dessous :

l’analyse du Statut, des dispositions pertinentes du CPL [Code pénal libanais], des principes généraux du droit libanais et de la jurisprudence montre que

« Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice », CH/AC/2010/02, 10 novembre 2010.

19 Voir l’Ordonnance du Juge de la mise en état conformément à l’article 68 G), par. 7 b).

20 S/RES/1757 (2007), préambule, au par. 2.

21 Audience du 7 février 2011, C.R. 11.

22 Observations du Procureur, par. 5 à 12.

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les textes organiques du Tribunal ne tranchent pas de manière concluante une question particulière liée à la définition de l’une de ces infractions ; et b) l’application de principes internationaux, y compris ceux relevant du droit international coutumier, permettrait d’élucider la question ; et c) les principes internationaux pertinents, y compris ceux relevant du droit international coutumier, ne contredisent pas l’esprit, l’objet et le but du Statut23.

Le Procureur s’empresse toutefois d’ajouter que « [c]oncernant les actes de terrorisme [...] aucune lacune ne semble identifiable dans le droit libanais applicable24 ».

18. Selon le Bureau de la Défense, le Tribunal doit appliquer les principes d’interprétation suivants: « une [s]tricte interprétation du droit pénal, y compris l’interdiction d’interpréter un texte clair, l’interdiction d’étendre le texte au‑delà de l’intention du législateur, et l’interdiction d’interpréter un texte par analogie25 ». En outre, lorsqu’il s’agit d’interpréter la résolution pertinente du Conseil de sécurité, le Bureau de la Défense soutient que le Tribunal doit se conformer au principe d’interprétation selon lequel « les limites de la souveraineté ne peuvent être prises à la légère » et au principe d’interprétation « in dubio mitius » (en cas de doute, on doit adopter l’interprétation la plus favorable à un État souverain), « qui exige le respect de la souveraineté d’un État lorsqu’on interprète un texte contraignant à l’égard de celui-ci26 ». Plus généralement, le Bureau de la Défense fait valoir que le Tribunal devrait se fonder exclusivement sur le droit libanais tant à l’égard des crimes qui relèvent de sa compétence qu’en ce qui concerne les modes de responsabilité prévus à l’article 3 du Statut : « [L]e Tribunal n’est pas autorisé à introduire dans la démarche interprétative des méthodes ou des outils d’interprétation non reconnus comme étant valables pour l’interprétation du droit pénal libanais dans l’ordre juridique libanais27. ». De l’avis du Bureau de la Défense, les modes de responsabilité visés à l’article 3 du Statut, apparemment fondés sur le droit international, ne doivent être appliqués que lorsqu’ils coïncident avec le droit libanais : « [d]e la lecture combinée

23 Observations du Procureur, par. 13.

24 Observations du Procureur, par. 15.

25 Observations du Bureau de la Défense, par. 30. Voir aussi l’audience du 7 février 2011, C.R. 48.

26 Observations du Bureau de la Défense, par. 40 et 41.

27 Observations du Bureau de la Défense, par. 59.

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de ces dispositions [des articles 2 et 3 du Statut], il ressort clairement que le droit pénal libanais est l’ensemble des règles qu’il convient, en fin de compte, d’utiliser s’agissant de déterminer l’applicabilité et les définitions des crimes et des modes de responsabilité devant ce Tribunal28 ». Sur ce point, le Bureau de la Défense conclut que « [à] l’aune de ces critères, aucun des « modes de responsabilité » prévus aux articles 3 2) et 3 1) b) du Statut n’est applicable aux procédures engagées devant ce Tribunal29 ». En résumé, selon le Bureau de la Défense, le seul corps de règles applicable par le Tribunal est le droit libanais : comme l’a déclaré le Bureau de la Défense à plusieurs reprises dans ses observations orales30, le droit international ne peut être invoqué que s’il étend les droits des suspects ou des accusés. Dans les autres cas, selon lui, le droit international ne saurait être appliqué par le Tribunal à l’effet de trancher les questions juridiques actuellement examinées par la Chambre d’appel.

19. L’application d’une règle de droit nécessite toujours d’avoir recours à l’interprétation. Celle‑ci commence toujours par un examen des termes de la loi, qui doivent être lus dans le contexte juridique et factuel de cette loi. La célèbre maxime selon laquelle in claris non fit interpretatio (lorsqu’un texte est clair, nul n’est besoin de l’interpréter) est en réalité fallacieuse, comme l’ont très justement fait observer d’éminents théoriciens31. Elle méconnaît le fait que certains termes et, en particulier un groupe de mots, peuvent avoir des significations multiples, et que ces significations peuvent dépendre du contexte. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’interpréter non pas une disposition isolée mais un ensemble de règles de droit contenues dans une loi nationale ou dans un texte de droit international. Il ne s’agit pas d’interpréter le texte afin de déterminer, d’emblée, s’il présente des lacunes et, si tel est le cas, de l’interpréter une seconde fois pour résoudre le problème

28 Observations du Bureau de la Défense, par. 155.

29 Observations du Bureau de la Défense, par. 165.

30 Audience du 7 février 2011, C.R. 42 et 43 et 49 et 50.

31 R. Dworkin fait observer, à juste titre, que la « mention ‘manque de clarté’ est le résultat et non la motivation d’[…] [une] méthode d’interprétation de textes législatifs ». Law’s Empire (Oxford: Hart Publishing, 1998), p. 352 ; voir aussi id. p. 350 à 354. P.M. Dupuy note que : « l’appréciation de la clarté de l’acte constitue elle‑même le résultat d’une interprétation par le juge». Droit International Public, 9ème éd. (Paris: Dalloz, 2008), p. 448.

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créé par cette lacune32. Le tribunal doit, en réalité, se livrer à un simple exercice d’interprétation, en tenant compte du contexte pertinent.

20. Le contexte interne – celui de la loi – est manifestement important :

« [traduction] [L]es mots tirent leur couleur de ceux qui les entourent. [...] Les phrases ne sont pas de simples groupes de mots devant être sortis de la phrase, définis séparément par référence au dictionnaire ou à des exemples tranchés, puis replacés dans la phrase en ayant le sens que vous leur avez attribué lorsqu’ils étaient séparés33 ».

Il en est de même pour le contexte externe. Il a été soutenu que :

« [traduction] Les juges [...] emploient parfois le terme « contexte » dans un sens étroit. À d’autres moments, ils lui donnent un sens très large qui englobe quasiment tous les critères d’interprétation. Le sens le plus large est celui qui convient le mieux34 ».

La Chambre d’appel partage ce point de vue, mais serait encline à supprimer le terme « quasiment ». Le contexte doit inclure toutes les méthodes d’interprétation légitimes, parmi lesquelles, au premier plan, les obligations internationales contractées par le Liban auxquelles, à défaut de dispositions très claires, tous les textes législatifs sont censés se conformer.

21. Il faut également tenir compte de la situation de l’époque, point sur lequel la Chambre d’appel reviendra au paragraphe 135. Le principe d’interprétation selon lequel une loi est censée « continuer de parler » repose sur le fait que la société se transforme avec le temps et que l’interprétation d’une loi peut évoluer pour rester en phase avec le cours des choses35.

32 Comparer l’approche étroite du droit anglais (P. Sales et J. Clement, “International Law in Domestic Courts: The Developing Framework”, 124 Law Quarterly Review (2008) 388, p. 402) et celle de la Nouvelle‑Zélande (Ye c. Minister of Immigration, [2010] 1 NZLR 104 p. [24 et 25]).

33 U.K., Chancery Division, Bourne (Inspector of Taxes) c. Norwich Crematorium Ltd [1967] 1 WLR 691 p. 696, [1967] 2 All ER 576 p. 578, Stamp J. Voir aussi J. F. Burrows et R. I. Carter, Statute Law in New Zealand, 4ème éd. (Wellington: LexisNexis, 2009), p. 232.

34 F. Bennion, Bennion on Statutory Interpretation, 5ème éd. (London: LexisNexis, 2008), p. 589.

35 Voir U.K., House of Lords, R. c. Ireland [1998] AC 147, 158 (Lord Steyn), appliqué au R.U., Supreme Court, Yemschaw c. London Borough of Hounslow [2011] UKSC 3, 26 renvoyant au principe « [traduction] selon

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22. Quels sont les législateurs dont il convient d’harmoniser et de mettre en œuvre l’intention présumée ? En l’espèce, il y en a trois. L’un est le Parlement libanais, pour le droit pénal matériel visé à l’article 2 du Statut du Tribunal. L’Organisation des Nations Unies et le Gouvernement libanais ont élaboré la seconde loi : celle du Statut qui, comme l’indique notamment l’article 3 ainsi que le contexte général du Tribunal, renferme certaines normes de droit international pénal36. Les juges du Tribunal, conformément aux pouvoirs que leur confère l’article 29 du Statut, ainsi que les auteurs du Code de procédure pénale libanais, auquel il est fait référence à l’article 3 A) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, ont forgé la troisième : le Règlement de procédure et de preuve.

23. Les législateurs, à l’échelon national et international, peuvent tendre à protéger des intérêts et des enjeux contradictoires, ou qui ne sont pas nécessairement partagés par tous, et à les ériger en normes juridiquement contraignantes. En conséquence, il n’est pas rare que des lois et traités internationaux (ainsi que d’autres instruments internationaux ayant force obligatoire) renferment l’énoncé d’intérêts et d’enjeux qui varient ou s’éloignent les uns des autres, sans les fondre dans le même ensemble pour constituer un corps de règles logiquement bien structuré et cohérent. Certains enjeux ou exigences peuvent être reflétés dans telle ou telle disposition, tandis que d’autres, qui ne sont pas nécessairement conciliables, peuvent être articulées dans d’autres dispositions. Il peut même arriver que ces enjeux ou exigences soient contenus dans la même disposition. Lorsque des dispositions sont incompatibles, la disposition qui prédomine doit être identifiée. Dans ce cas‑là et dans d’autres que H.L.A. Hart a qualifiés de « zones d’ombre37 », il revient à l’interprète, autant que faire se peut, de rendre cohérents et homogènes, tout en leur accordant tout le poids voulu, les divers éléments d’un ensemble de dispositions divergentes ou hétérogènes. Les juges ne peuvent avoir recours à un non liquet (c’est‑à‑dire déclarer qu’ils ne sont pas en

lequel les lois sont généralement réputées […] ‘continuer de parler’ […] »).

36 Voir paragraphe 206 ci‑dessous concernant l’incorporation de normes de droit international pénal dans l’article 3.

37 H.L.A. Hart, Essay in Jurisprudence and Philosophy (Oxford: Clarendon Press, 1983), p. 64 et 65, 71 et 72 (faisant référence aux affaires qui débordent le cadre des principes juridiques essentiels clairement définis).

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mesure de statuer car le point en litige « n’est pas clair », faute de règle applicable en l’espèce)38.

24. Cette opération doit à l’évidence résulter d’un processus d’interprétation, sans que les juges s’arrogent le rôle du législateur, en transgressant les limites de ce qui est inhérent à un processus d’interprétation, c’est‑à‑dire en évitant que la volonté de l’interprète puisse l’emporter sur celle de l’organe normatif.

25. Le point de départ, comme l’indique l’article 2 du Statut, est le droit pénal libanais, corps de règles qui doit également être présumé, compte tenu du principe de légalité, aux termes duquel tout acte réputé criminel doit être apprécié à la lumière du droit en vigueur au moment où il a été commis39.

26. À des fins d’interprétation, la Chambre d’appel considère qu’il y a lieu d’appliquer, au Statut du Tribunal, le droit international sur l’interprétation des dispositions des traités, à moins que les lois libanaises qu’a retenues l’article 2 n’en disposent expressément autrement. Il en va ainsi, que le Statut soit réputé être un élément d’un accord international entre le Liban et l’Organisation des Nations Unies ou que l’on estime au contraire qu’il fait partie d’une résolution contraignante adoptée par le Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, point que la Chambre d’appel n’a pas à trancher à ce stade. En effet, dans ce dernier cas, les règles coutumières en matière d’interprétation s’appliqueraient immanquablement, conformément à la pratique constante d’autres tribunaux pénaux internationaux, que ne contestent ni les États ni les autres sujets de droit international40. Il est vrai

38 Voir par exemple l’article 4 du Code de procédure civile libanais : « [traduction] Un juge est coupable de déni de justice s’il […] s’abstient de statuer en prétextant l’obscurité ou une lacune de la loi […]. Si la loi est obscure, le juge l’interprète d’une manière conforme à son objet et à d’autres textes. À défaut de de texte, le juge applique les principes généraux du droit, la coutume, ainsi que les principes de justice ».

39 Voir par. 131‑142 ci‑dessous pour un examen plus approfondi de ce principe.

40 TPIR, Nsengiyumva, Opinion individuelle présentée conjointement par Madame le Juge McDonald et Monsieur le Juge Vohrah, 3 juin 1999 (« Accord Nsengiyumva »), par. 14 : “[traduction] Pour interpréter le Statut et le Règlement qui met en oeuvre le Statut, les Chambres de première instance du [TPIR] et du [TPIY], ainsi que la Chambre d’appel, ont constamment recouru à la Convention de Vienne …, pour l’interprétation du Statut ». Voir aussi TPIR, Kanyabashi, Opinion individuelle présentée conjointement par les Juges Wang et Nieto‑Navia, 3 juin 1999 (« Accord Kanyabashi »), par. 11 ; TPIY, Erdemović, Opinion individuelle présentée conjointement par Madame le Juge McDonald et Monsieur le Juge Vohrah, 7 octobre 1997, par. 3 ; TPIY, Tadić, Décision relative à la requête du Procureur aux fins de l’octroi de mesures de protection des victimes et témoins, 19 août 1995, par. 18.

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que les règles d’interprétation qui ont pris corps dans la coutume internationale et qui ont été codifiées dans la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités ou élaborées à cette occasion se rapportaient exclusivement aux traités entre États puisque, à l’époque, de nouvelles formes d’instruments internationaux juridiquement contraignants (tels que les accords entre États et rebelles, ou les résolutions contraignantes du Conseil de sécurité des Nations Unies qui régissent certaines questions sur le plan normatif) n’avaient pas encore acquis de base solide au sein de la communauté internationale. Ces règles d’interprétation doivent être néanmoins réputées applicables à tout instrument internationalement contraignant, quelle que soit sa source normative, car elles expriment, au plan international, des principes généraux d’interprétation judiciaire guidant toute tentative sérieuse d’interpréter et de mettre en œuvre des normes juridiques de manière constante41.

27. En tout état de cause, la Chambre d’appel prendra également en considération les observations pertinentes formulées par la Cour internationale de Justice dans l’avis consultatif sur le Kosovo, où elle a souligné que, si les règles de la Convention de Vienne pouvaient servir à l’interprétation d’actes du Conseil de sécurité, il convenait de ne pas perdre de vue les caractéristiques spécifiques desdits actes :

« Il est vrai que les règles relatives à l’interprétation des traités consacrées par les articles 31 et 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités peuvent fournir certaines indications mais, compte tenu des différences qui existent entre les instruments conventionnels et les résolutions du Conseil de sécurité, d’autres éléments doivent aussi être pris en considération aux fins de l’interprétation de ces dernières. Les résolutions du Conseil de sécurité sont adoptées par un organe collégial unique et élaborées dans le cadre d’un processus très différent de celui qui permet la conclusion d’un traité. Elles sont adoptées à l’issue d’un vote, comme il est prévu à l’article 27 de la Charte, et

41 Voir Accord Nsengiyumva, par. 14 : « La Convention de Vienne codifiant des normes logiques et pratiques compatibles avec le droit national, elle s’applique, en vertu du droit international coutumier, aux instruments internationaux qui ne sont pas des traités » ; Accord Kanyabashi, par. 11 : « Les règles de la Convention de Vienne, et de l’article 31 en particulier, reflètent des règles d’interprétation coutumières issues de principes consacrés dans des systèmes de droit interne ‘qui expriment le sens commun et l’usage grammatical usuel’ » (citant R. Jennings et A. Watts (dir. pub.), Oppenheim’s International Law, vol. 1, 9ème éd. (London: Longman, 1996), p. 1270) ; voir aussi TPIY, Delalić, Arrêt, 20 février 2001, par. 67 (faisant observer que la Convention de Vienne « reflèt[ait] des règles coutumières » d’interprétation et citant l’Affaire du différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne c./Tchad), Arrêt, C.I.J. Recueil (1994), p. 21, par. 41, concernant le statut coutumier de l’article 31 de la Convention de Vienne).

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leur texte final exprime la position du Conseil de sécurité en tant qu’organe. De plus, les résolutions du Conseil de sécurité peuvent être contraignantes à l’égard de tous les États Membres […], que ceux‑ci aient ou non participé à leur formulation. Pour interpréter les résolutions du Conseil de sécurité, la Cour peut être amenée à examiner certaines déclarations faites par les représentants d’États membres du Conseil de sécurité à l’époque de leur adoption ou d’autres résolutions de ce dernier ayant trait à la même question, ainsi qu’à se pencher sur la pratique ultérieure des organes pertinents de l’Organisation des Nations Unies et des États à l’égard desquels les résolutions en question ont une incidence42 ».

Par voie de conséquence, dans la mesure où les dispositions du Statut du Tribunal sont entrées en vigueur sur la base de la résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité, la Chambre d’appel tiendra compte également des déclarations faites par des membres du Conseil de sécurité à l’occasion de l’adoption des dispositions pertinentes, du Rapport du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies sur la création du Tribunal du 15 novembre 2006 (S/2006/893), de l’objet et du but desdites résolutions (conformément à l’avis de la CIJ dans l’affaire du Kosovo) 43, ainsi que de la pratique du Conseil de sécurité.

28. Sous réserve de la condition énoncée dans l’avis consultatif sur le Kosovo, les contradictions apparentes dans un texte doivent, en droit international, être réglées par référence au principe général d’interprétation consacré par l’article 31, paragraphe 1, de la Convention de Vienne (et à la règle coutumière correspondante du droit international) : les règles doivent être interprétées « de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ». La dernière partie de cette disposition fait place au principe d’interprétation téléologique, qui souligne la nécessité d’interpréter les dispositions d’un traité de manière à les rendre effectives et opératoires, et à leur permettre d’atteindre le but pour lequel elles ont été sanctionnées par un accord.

42 ICJ, Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, avis consultatif, 22 juillet 2010, par. 94, disponible sur http://www.icj‑cij.org/docket/files/141/15987.pdf.

43 Voir id. au par. 96, où la Cour a relevé trois caractéristiques particulières de la Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité « pertinentes aux fins de déterminer l’objet et le but de cette résolution ».

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29. Relevons que, dans le présent contexte, contrairement aux arguments du Bureau de la Défense44, le principe de l’interprétation téléologique, fondé sur la recherche du but et de l’objet d’une règle afin d’en tirer le maximum d’effets possibles, l’a emporté sur le principe in dubio mitius (en cas de doute, l’interprétation la plus favorable doit être privilégiée), principe qui – lorsqu’il s’applique à l’interprétation de traités et d’autres règles internationales applicables aux États – exige le respect de la souveraineté de l’État. Le principe in dubio mitius est le reflet de la communauté internationale d’antan, composée seulement d’États souverains, dans laquelle les individus ne jouaient aucun rôle et où il n’existait pas encore d’organisations intergouvernementales telles que l’Organisation des Nations Unies chargée de protéger des valeurs universelles telles que la paix, les droits de l’homme, l’autodétermination des peuples et la justice. Ce n’est en effet pas un hasard si, bien que ce critère d’interprétation, fréquemment retenu par la Cour permanente de Justice internationale au plus fort de son succès, n’est plus invoqué par les tribunaux internationaux modernes, ou ne l’est que fort rarement.. De nos jours, les intérêts de la communauté internationale tendent à prévaloir sur ceux des États souverains individuels ; les valeurs universelles trônent en bonne place, reléguant au second plan la réciprocité et le bilatéralisme dans les relations internationales ; et la doctrine des droits de l’homme a acquis une suprématie dans l’ensemble de la communauté internationale.

30. L’interprétation téléologique repose, entre autres, sur le principe de l’effet utile, également exprimé par l’adage ut res magis valeat quam pereat (pour qu’une règle soit utile au lieu d’être inutile) : comme l’a indiqué la Commission du droit international de l’Organisation des Nations Unies, ce principe exige que : « [l]orsqu’un traité est susceptible de deux interprétations dont l’une permet et l’autre ne permet pas qu’il produise les effets voulus, aussi bien la bonne foi que la nécessité de réaliser le but et l’objet du traité exigent que la première des deux interprétations soit adoptée45 ». Il faut partir du principe que le législateur entendait atteindre un objectif lorsqu’il a établi telles ou telles normes ; partant, lorsque l’interprétation littérale

44 Observations du Bureau de la Défense, par. 40 et 41. Voir aussi audience du 7 février 2011, C.R. 45.

45 Rapport de la Commission du droit international à l’Assemblée générale, A/6309/Rev.1, réimprimé dans [1966] 2 Y.B. Int’l L. Comm’n 169, p. 219.

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d’un texte rend contradictoires entre elles certaines dispositions, il faut s’efforcer d’harmoniser les diverses dispositions au vu de l’objectif du législateur.

31. L’article 33, paragraphe 4, de la Convention de Vienne illustre cette notion en abordant la question du conflit de langues, c’est‑à‑dire « lorsqu’un traité a été authentifié en deux ou plusieurs langues ... [et] lorsque la comparaison des textes authentiques fait apparaître une différence de sens » qui ne peut être résolue par d’autres méthodes d’interprétation. Dans ce cas, ledit article indique qu’« on adoptera le sens qui, compte tenu de l’objet et du but du traité, concilie le mieux ces textes ». Cette disposition qui, dans une large mesure, codifie le droit existant46, précise le principe général de l’effet utile s’agissant de conflits entre des textes rédigés en plusieurs langues. Ainsi, lorsqu’une disposition d’un traité est inopérante en raison de contradictions entre les textes qui font foi, le tribunal retiendra le contenu commun à l’ensemble de ces textes (exprimant la volonté commune des parties), à condition qu’il soit conforme à l’objet et au but du traité47.

46 Dans l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, la Cour permanente de Justice internationale a déclaré : « [E]n présence de deux textes investis d’une autorité égale, mais dont l’un paraît avoir une portée plus étendue que l’autre, [la Cour] a le devoir d’adopter l’interprétation restreinte qui peut se concilier avec les deux textes et qui, dans cette mesure, correspond sans doute à la commune intention des Parties ». Concessions Mavrommatis en Palestine, 1924 CPJI Série A, n° 2, p. 19.

47 Dans la pratique, cette méthode d’interprétation s’applique également aux lois nationales des États. Au Royaume‑Uni par exemple (et dans d’autres pays de common law), faute d’expression contraire non équivoque de la volonté des législateurs, les juges interprètent les lois conformément aux présomptions établies de la loi. Voir R. Cross, J. Bell et G. Engle, Cross: Statutory Interpretation, 3ème éd. (Oxford: Oxford University Press, 1995), p. 165 et 166 :

«[traduction] Les lois sont parfois considérablement détaillées, mais il faut tenir compte du fait qu’elles ne sont pas promulguées dans le vide. Il reste, inévitablement, encore beaucoup à dire. Les législateurs et les rédacteurs partent du principe que les tribunaux continueront à se conformer aux règles bien établies […] Les principes définis de longue date du droit constitutionnel et administratifs sont également considérés comme acquis par le Parlement, et les tribunaux présument que le Parlement les a considérés comme tels […] Ces présomptions s’appliquent même lorsqu’il n’existe pas d’ambigüité linguistique dans le libellé de la loi en cours d’interprétation, et peuvent être qualifiées de ‘présomptions d’application générale’[…] Ces présomptions d’application générale ne complètent pas seulement le texte mais fonctionnent à un niveau plus élevé en exprimant des principes fondamentaux régissant à la fois les libertés civiles et les relations entre le Parlement, l’exécutif et les tribunaux. Elles fonctionnent ici en tant que principes constitutionnels qui ne sont pas aisément supplantés par un texte réglementaire […]’ »

Voir aussi U.K., House of Lords, R. c. Secretary of State for the Home Department, ex parte Pierson [1998] AC 539 p. 573 à 575 ; U.K., House of Lords, R. c. Secretary of State for the Home Department, ex parte Simms [2000] 2 AC 115 p. 130 ; U.K., House of Lords, R. (Daly) c. Secretary of State for the Home Department [2001] 2 AC 532 p. 534.

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32. En ce qui concerne le Statut du Tribunal, les principes de l’interprétation téléologique évoqués plus haut doivent être interprétés d’une manière permettant au Tribunal de remplir, le mieux possible, son objectif de rendre la justice de manière juste et efficace48. Si, toutefois, une telle approche n’était pas concluante, il conviendrait d’opter pour l’interprétation qui est la plus favorable aux droits du suspect ou de l’accusé, conformément au principe général de droit pénal favor rei (qui signifie « favorable à l’accusé »). Ce principe, corollaire du principe fondamental d’un procès équitable et, en particulier, de la présomption d’innocence, a été confirmé par les tribunaux pénaux internationaux49 et est codifié dans l’article 22 2) du Statut de

48 Voir en particulier S/RES/1757 (2007), préambule : « Conscient que le peuple libanais exige que toutes les personnes responsables de l’attentat terroriste à l’explosif qui a tué l’ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, et d’autres personnes, soient identifiées et traduites en justice » ; S/RES/1664 (2006), au par. 1, priant le Secrétaire général de « négocier avec le Gouvernement libanais un accord visant la création d’un tribunal international fondé sur les normes internationales de justice pénale les plus élevées » ; l’article 21 1) du Statut du TSL dispose que : « Le Tribunal […] prend des mesures strictes pour éviter toute action qui entraînerait un retard non justifié » ; l’article 28 2) du Statut du TSL, qui enjoint aux juges, pour l’adoption du Règlement de procédure et de preuve de « se guid[er] […] [sur] […] d’autres textes de référence consacrant les normes internationales de procédure pénale les plus élevées, afin de garantir un procès rapide et équitable » ; Rapport du Secrétaire général sur la création d’un Tribunal spécial pour le Liban, S/2006/893 (2006), au par. 17, notant l’équilibre préservé « entre, d’une part, l’équité, l’objectivité et l’impartialité des procès et, d’autre part, leur efficacité et leur rapport coût‑efficacité ». La Chambre d’appel relève en outre, suivant l’avis sur le Kosovo de la CIJ cité plus haut, diverses déclarations émanant non seulement de membres du Conseil de sécurité des Nations Unies qui ont voté en faveur de la résolution 1757 (voir, par exemple, le Pérou : « Le Pérou a décidé d’appuyer cette résolution parce qu’il est fermement engagé dans la lutte contre le terrorisme et parce qu’il estime qu’il s’agit de la seule solution pour sortir de l’impasse législative dans laquelle se trouve la création du tribunal spécial pour le Liban, et parce qu’il est nécessaire de faire prévaloir la justice, indispensable à la promotion de la paix et de la sécurité » ; et la Slovaquie : « l’impunité ne saurait être permise et tolérée. Les auteurs de tout crime doivent être traduits en justice. L’état de droit doit être respecté partout et par tous. La création du tribunal s’impose afin de mener une enquête approfondie sur des cas de violence motivée par des raisons politiques – en réalité du terrorisme – et afin de traduire en justice ceux qui ont perpétré ces ignobles crimes »), mais aussi de Membres qui se sont abstenus (voir Qatar : « quant à la nécessité d’instaurer la justice et de combattre l’impunité, conformément à l’objectif énoncé dans la Charte des Nations Unies de créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international » ; Afrique du Sud: « L’Afrique du Sud […] espère que [le TSL] travaillera en toute impartialité et conformément au droit libanais et aux normes internationales les plus élevées en matière de justice pénale » ; Chine : « [Le Tribunal devrait] permettre d’établir le plus rapidement possible la vérité, de tenir les auteurs du crime pour responsables de leurs actes et de faire en sorte que justice soit faite pour les victimes » ; Russie : « Nous partageons sans réserve l’objectif premier des auteurs du projet de résolution qui consiste à empêcher l’impunité et la violence politique au Liban »). Pour le compte rendu des débats, voir S/PV.5685 (30 mai 2007).

49 Voir TPIR, Akayesu, Jugement, 2 septembre 1998, par. 500 et 501 ; TPIY, Krstić, Jugement, 2 août 2001, par. 502 ; TPIY, Galić, Arrêt, 30 novembre 2006, par. 76 à 78 ; TPIY, Limaj et al., Arrêt, 27 septembre 2007, par. 21 et 22 ; CPI, Situation en République démocratique du Congo, Décision relative à la demande d’autorisation du bureau du conseil public pour la défense (BCPD) d’interjeter appel de la décision sur le droit de participation du 3 juillet 2008, 4 septembre 2008, par. 23; CPI, Bemba, Décision rendue en application des alinéas a) et b) de

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la Cour pénale internationale (« [e]n cas d’ambiguïté, elle [la définition d’un crime] est interprétée en faveur de l’individu qui fait l’objet d’une enquête, de poursuites ou d’une condamnation »). Ce même principe, lorsqu’il est appréhendé sous l’angle d’une démarche judiciaire et est présenté sous la forme de la norme qu’exprime l’adage in dubio pro reo (le doute doit profiter à l’accusé) ou de la norme in dubio mitius (lorsqu’il s’applique à la déclaration de culpabilité et à la détermination de la peine des accusés : en cas de doute, on doit appliquer la peine la plus légère), guide généralement le juge de première instance lorsqu’il apprécie les éléments de preuve et détermine la culpabilité de l’accusé ou la peine à lui infliger50. Comme on le verra, dans le domaine du droit pénal, il faut également tenir compte d’un aspect particulier du principe de la légalité (nullum crimen sine lege), à savoir l’interdiction d’appliquer rétroactivement le droit pénal51. Ces principes, que ce soit le favor rei ou le nullum crimen sine lege, sont des principes généraux de droit applicables dans les contextes juridiques nationaux et internationaux. La Chambre d’appel est donc autorisée à y recourir à titre de norme d’interprétation, lorsqu’une disposition du Statut ou du Code pénal libanais n’est pas claire et lorsque d’autres règles d’interprétation n’ont pas donné de résultats satisfaisants.

B. Principes relatifs à l’interprétation du droit libanais

33. Si l’on applique ces principes au Statut du Tribunal, il est incontestable qu’en vertu de l’article 2 de son Statut, le Tribunal est tenu d’appliquer le droit libanais en tant que droit matériel applicable aux crimes relevant de sa compétence52. À cet égard, notre Tribunal diffère de la plupart des tribunaux internationaux. Ces tribunaux appliquent le droit international dans l’exercice de leur compétence primaire (c’est‑à‑dire leur compétence à l’égard de différends interétatiques ou de crimes qu’ils sont appelés à juger), mais peuvent avoir besoin d’invoquer incidemment

l’article 61‑7 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de Jean‑Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009, par. 31.

50 Tribunal militaire IV, United States of America c. Friedrich Flick et consorts (L’«Affaire Flick»), Affaire n° 5, 19 avril 1947 – 22 décembre 1947, Trials of War Criminals before the Nuremberg Military Tribunal under Control Council Law No. 10, vol. VI, p. 1189.

51 Voir ci‑dessous, Section I I) B) 3) b).

52 Voir Observations du Procureur, par. 3 ; Observations du Bureau de la Défense, par. 33 ; Audience du 7 février 2011, C.R. 11 à 31 (Procureur) et 44 (Bureau de la Défense).

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(incidenter tantum)53 le droit national, afin de déterminer si la condition préalable à l’applicabilité d’une règle internationale a été respectée (par exemple, en vue d’établir si un individu possède la nationalité de l’État qui s’est engagé à le protéger juridiquement)54. Par contraste, conformément à son Statut, la Chambre d’appel est tenue d’appliquer avant tout le droit national aux faits relevant de sa compétence. En d’autres termes, elle est chargée d’appliquer le droit national – en particulier, celui du Liban – principaliter (à savoir dans l’exercice de sa compétence primaire à l’égard d’allégations spécifiques).

34. La nécessité d’appliquer le droit libanais, lorsque le Tribunal statue sur des crimes relevant de sa compétence, soulève la question de l’interprétation de ce droit.

35. Conformément à la jurisprudence de tribunaux internationaux, à l’instar de la Cour permanente de justice internationale (qui, certes, avait connaissance de différends interétatiques et non d’affaires pénales)55, et selon ce qu’ont préconisé le

53 Voir TSL, En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, « Décision en appel concernant l’ordonnance du juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, CH/AC/2010/02, 10 novembre 2010, par. 45 et 46 (évoquant la distinction entre compétence principale et incidente).

54 Comme l’a déclaré la Cour permanente de Justice international dans l’Échange des populations grecques et turques, « la qualité de ressortissant d’un État ne peut se fonder que sur la loi de cet État et […] partant, toute convention qui se réfère à ladite qualité renvoie tacitement à la loi nationale ». 1925 CPJI série B, n° 10, p. 19 ; voir aussi id. p. 22. Il existe également de nombreux précédents où les tribunaux internationaux ont appliqué des lois nationales à cet effet. Voir par exemple l’Affaire Nottebohm (deuxième phase), Arrêt, C.I.J. Recueil (1955) 4, p. 20 et 21 ; Affaire Esteves (Spanish‑Venezuelan Comm’n), Recueil des sentences arbitrales, vol. X, 739 (1903), p. 740; Tellech (United States) c. Austria and Hungary, Recueil des sentences arbitrales, vol. VI, 248 (1928), p. 249; Parker (United States) c. United Mexican States, Recueil des sentences arbitrales,vol. IV, 35 (1926), p. 38; Mackenzie (United States) c. Germany, Recueil des sentences arbitrales, vol. VII, 288 (1925), p. 289 ; Flegenheimer Claim, 25 I.L.R. 92 (Commission de conciliation Italie‑États‑Unis 1958).

55 En 1895, un tribunal de Grande‑Bretagne‑République d’Afrique du Sud dans l’Affaire des protégés britanniques au Transvaal a déclaré qu’une loi nationale « [traduction] devait être interprétée exclusivement selon son sens ordinaire par les tribunaux du pays », signifiant ainsi qu’un tribunal international avait l’obligation de se conformer à une telle interprétation. La Fontaine (éd.), Pasicrisie international: Histoire documentaire des arbitrages internationaux 1794-1900 (Berne 1902), p. 460. Le même principe avait déjà été exposé dans Dominguez (United States) c. Spain (1879), réimprimé dans J.B. Moore, History and Digest of the International Arbitrations to Which the United States Has Been a Party, vol. III (Washington: GPO, 1898), p. 2596 et 2597.Ce principe a été énoncé de manière plus détaillée par la Cour permanente de Justice internationale en 1929 dans l’affaire des Emprunts serbes. La Cour a déclaré que « La Cour, amenée en cette occurrence à se prononcer sur le sens et la portée d’une loi nationale, fait observer ce qui suit : Il ne serait pas conforme à la tâche pour laquelle elle a été établie, et il ne correspondrait pas non plus aux principes gouvernant sa composition, qu’elle dût se livrer elle‑même à une interprétation personnelle d’un droit national, sans tenir compte de la jurisprudence, en courant ainsi le risque de se mettre en contradiction avec l’interprétation que la plus haute juridiction nationale aurait sanctionnée et qui, dans ses résultats, lui paraîtrait raisonnable […] ». 1929 CPJI Série A, n° 20, p. 46

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Procureur et le Bureau de la Défense56, le Tribunal, de manière générale, appliquera le droit libanais tel qu’interprété et appliqué par les tribunaux libanais57. Ce faisant, la Chambre d’appel disposera de l’atout particulier que représentent, d’un côté, l’assistance de membres du barreau libanais et, de l’autre, l’expérience de deux de ses membres, et parmi eux de son Vice‑Président.

36. Il ne suffit pas, pour appliquer le droit libanais, d’examiner attentivement certaines décisions prises par le passé. Il faut prendre un peu de recul et identifier les principes actuellement consacrés dans la jurisprudence libanaise.

37. La Chambre d’appel a rejeté l’argument du Procureur selon lequel nul n’a le droit d’aller audelà du texte d’une loi, à moins qu’il ne présente une lacune. Elle réaffirme que le constat d’une lacune présuppose une interprétation à cet effet ; de fait, l’interprétation ne commence qu’après que toutes les considérations légitimes ont été envisagées. La question est de les identifier.

38. L’une de ces considérations porte sur les mots, pris dans leur contexte et non isolément. Si le contexte d’un verdict ultime est à la fois juridique et factuel, la Chambre d’appel doit, à ce stade, s’en tenir à l’interprétation du premier. Il faut rechercher l’interprétation qui correspond le mieux au message que les mots véhiculent.

39. En tant que tribunal international, la Chambre d’appel peut s’écarter de l’application et de l’interprétation du droit national que font les juridictions internes dans certaines conditions : il en est ainsi lorsque cette interprétation ou application

et 47 (non souligné dans l’original). La CPJI est revenue sur la même question dans les Emprunts brésiliens, 1929 CPJI Série A, n° 21, p. 124.

56 Voir Observations du Procureur, par. 7 et 8 ; Observations du Bureau de la Défense, par. 58.

57 Lorsqu’ils apprécient le droit national, les tribunaux internationaux doivent « [traduction] examiner les termes mêmes de la loi, dans leur propre contexte, en y ajoutant, s’il y a lieu, des sources supplémentaires, pouvant inclure la preuve de l’application constante de ces lois, les déclarations des tribunaux nationaux relatives à la signification de ces lois, les avis d’experts juridiques ainsi que les écrits d’éminents universitaires » OMC, Rapport du Groupe spécial, États-Unis – Mesures affectant les importations de volailles en provenance de Chine, Affaire n° WT/DS392/R (29 septembre 2010), au par. 7.104. Cela permet de garantir, dans une certaine mesure, l’application et l’interprétation du droit national par les autorités judiciaires. Voir, en général, CIRDI, Siag et Vecchi c. Égypte, Affaire n° ARB/05/15, 1er juin 2009, au par. 463; Etezadi c. Iran, 30 Iran‑U.S. C.T.R. 22 (23 mars 1994), p. 42.

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paraît déraisonnable58, ou peut entraîner une injustice manifeste59, ou n’est pas conforme aux principes et règles internationaux qui s’imposent au Liban60. Telle est la conclusion que d’autres tribunaux internationaux ont effectivement tirée.

58 Voir en particulier les Emprunts serbes, 1929 CPJI Série A, n° 20, p. 46 et 47. Le Procureur cite la décision récente de la Cour internationale de Justice dans l’affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), Arrêt, 30 novembre 2010, par. 70, disponible sur http://www.icj‑cij.org/docket/files/103/16244.pdf. Voir Observations du Procureur, par. 7, note de bas de page 4. Cette citation n’est toutefois pas pertinente. Dans cette affaire, la Cour, après avoir réexposé les déclarations bien connues de la Cour permanente de Justice internationale sur l’application du droit national, a poursuivi en affirmant qu’elle pouvait néanmoins s’écarter de l’interprétation nationale d’une loi lorsqu’un État qui comparaissait devant elle se fondait sur une interprétation manifestement incorrecte de son droit interne. En d’autres mots, la Cour n’a pas examiné la licéité de l’entorse faite à l’interprétation nationale du droit interne proposée par les tribunaux nationaux, mais celle de l’entorse à une interprétation incorrecte suggérée par un État qui comparaissait devant la Cour.

59 Voir Solomon (United States) c. Panama, Recueil des sentences arbitrales, vol. VI, 370 (1933), p. 371‑373; Putnam (United States) c. United Mexican States, Recueil des sentences arbitrales, vol. IV, 151 (1927), p. 153 : « [traduction] Seule une injustice manifeste et notoire, visible, pourrait‑on dire, d’un simple coup d’oeil, pourrait légitimement amener un tribunal international comme le nôtre à infirmer une décision nationale présentée devant lui et à en examiner minutieusement les moyens de fait et de droit ».Dans Sewell (United States) c. United Mexican States, la Commission générale de réclamations États‑Unis‑Mexique a conclu que le Mexique avait commis un déni de justice au motif que la peine infligée aux meurtres de ressortissants américains n’était pas, en droit mexicain, proportionnée au crime. Recueil des sentences arbitrales, vol. IV, 626 (1930), p. 630‑632. Dans Davies et al. (United States) c. United Mexican States, cette même Commission a déclaré qu’il y avait déni de justice dès lors que « en cas de défaillance ou d’omission punissable par la loi, les autorités d’un pays refusent de se conformer à leurs propres dispositions légales telles qu’interprétées par les tribunaux ». Recueil des sentences arbitrales, vol. IV, 650 (1930), p. 652. Lord Asquith of Bishopstone – Arbitre, dans Petroleum Development Ltd. c. Sheikh of Abu Dhabi, 18 I.L.R. 144 (1951), a affirmé que les tribunaux internationaux devaient ne pas tenir compte du contenu ou des effets de lois nationales lorsque celles‑ci rendent une justice discrétionnaire ou arbitraire. Id. p. 149.

60 Voir, par exemple, TPIY, Krnojelac, Jugement, 15 mars 2002, par. 114 (déclarant que, si le droit national est invoqué à titre de justification, les dispositions pertinentes ne doivent pas violer le droit international et, en particulier, le droit national proprement dit ne doit pas être arbitraire et l’exécution d’une loi dans un cas donné ne doit pas intervenir arbitrairement) ; TPIR, Ntagerura et consorts, Jugement, 25 février 2004, par. 702 (affirmant que, lorsqu’une loi nationale est invoquée aux fins de justifier un emprisonnement, le droit national ne doit pas violer le droit international). Plus généralement, voir TPIY, Kupreškić, Jugement, 14 janvier 2000, par. 539 et 542, selon lequel les tribunaux pénaux internationaux doivent toujours apprécier avec soin les décisions d’autres tribunaux avant d’invoquer des précédents persuasifs quant au droit existant. En outre, ils doivent examiner de manière plus approfondie les décisions nationales que les jugements internationaux. Dans d’autres domaines, la Commission de conciliation Italie‑États‑Unis a déclaré en 1958 dans la Flegenheimer Claim que les tribunaux internationaux devaient ne pas tenir compte du contenu ou des effets de lois nationales lorsqu’elles sanctionnent une fraude, de graves erreurs ou vont à l’encontre des principes généraux du droit international public ou de traités en vigueur. 25 I.L.R. 92 (Commission de conciliation Italie‑États‑Unis 1958), p. 112. De même, le Tribunal du CIRDI dans Liberian Eastern Timber Corporation (LETCO) c. Republic of Liberia, Affaire n° ARB/83/2, Sentence, 31 mars 1986, réimprimé dans 26 I.L.M. 647 (1987), p. 658, a déclaré que « [l]e droit de l’État contractant est réputé primordial sur son territoire mais est néanmoins soumis au contrôle du droit international ». Dans une certaine mesure du moins, le Bureau de la Défense reconnaît que le droit national ne doit pas être interprété d’une manière qui viole le droit international. Voir Observations du Bureau de la Défense, par. 70 i).

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40. Dans ce contexte, la Chambre d’appel rejette, pour trois raisons, les arguments du Bureau de la Défense selon lesquels le Tribunal ne peut appliquer que le droit libanais en négligeant le caractère international de ce Tribunal. Premièrement, comme indiqué plus haut, le droit international qui s’impose au Liban fait partie du contexte juridique dans lequel la législation libanaise est interprétée. Deuxièmement, la Chambre d’appel convient avec le Procureur que l’application du droit national par un tribunal international est soumise à certaines limitations imposées par le droit international61. L’immunité en matière de poursuites dont bénéficient les diplomates, en droit international public, est un exemple typique de droit matériel. Cette règle s’impose à tous les États et, s’agissant d’un tribunal international, l’emporte sur toute disposition contradictoire du droit interne. Troisièmement, lorsque les tribunaux libanais ont des points de vue différents ou conflictuels sur la législation pertinente, le Tribunal peut l’interpréter de la manière qu’il estime la plus indiquée et la plus conforme aux normes juridiques internationales62.

41. Dans l’analyse exposée ci‑après, la Chambre d’appel ne juge pas utile de s’écarter du droit libanais pour les raisons précitées. Elle doit néanmoins interpréter les dispositions du Code pénal libanais comme le feraient les tribunaux libanais et, pour ces besoins, prendre en considération le droit international qui s’impose au Liban. Cette démarche est conforme au principe général d’interprétation commun à la plupart des États du monde, selon lequel on doit interpréter la législation nationale d’un État d’une façon permettant de l’aligner, autant que faire se peut, sur les normes juridiques internationales qui lui sont opposables63.

61 Voir les sources citées dans la note de bas de page 4 des Observations du Procureur.

62 Voir Emprunts brésiliens, 1929 CPJI Série A, n° 21, p. 124 : « Sans doute, la Cour appréciera librement la jurisprudence nationale. Si celle‑ci est incertaine ou partagée, il appartiendra à la Cour de choisir l’interprétation qu’elle croit être la plus conforme à la loi ».

63 Cette règle s’appuie sur le fait que, selon les termes de Lord Denning, « le Parlement n’entend pas agir en violation du droit international, notamment de certaines obligations conventionnelles ». U.K., Court of Appeal, Salomon c. Commissioners of Customs and Excise, [1967] 2 Q.B. 139, p. 143, réimprimé dans 41 I.L.R. 1 p. 7. Voir aussi U.K., Court of Appeal, Post Office c. Estuary Radio Ltd., [1968] 2 Q.B. 752 p. 756 (Lord Diplock), réimprimé dans 43 I.L.R. 114, p. 121 ; U.K., House of Lords, Garland c. British Rail Engineering Ltd, [1983] 2 A.C. 751, p. 771 (Lord Diplock). Selon J.L. Brierly, The Law of Nations, 6ème éd. (H. Waldock, dir. pub.) (Oxford: Clarendon Press, 1963), p. 89, « il existe […] une présomption selon laquelle ni le Parlement ni le Congrès n’entendent violer le droit international, et une loi ne doit pas être interprétée comme violant ce droit s’il est possible d’en conclure autrement ».Ou bien, comme Oppenheim l’a déclaré, « [traduction][l]e droit international reposant sur l’entente commune

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secTiOn i :

les cRiMes ReleVAnT de lA cOMpÉTence du TRiBunAl

i. le terrorisme

42. La Chambre d’appel abordera, en premier lieu, la principale raison d’être de ce Tribunal : le crime de terrorisme. Le Juge de la mise en état a soumis les questions suivantes :

i) Compte tenu du fait que l’article 2 du Statut renvoie exclusivement aux dispositions pertinentes du Code pénal libanais pour définir la notion d’actes de terrorisme, le Tribunal doit‑il prendre également en compte le droit international applicable en la matière ?

ii) S’il était répondu par l’affirmative à la question visée au paragraphe i), comment, et selon quels principes, concilier la définition de la notion d’actes de terrorisme envisagée à l’article 2 du Statut avec le droit international ? Dans ce cas, quels sont les éléments constitutifs, intentionnel et matériel, de cette incrimination ?

iii) S’il était répondu par la négative à la question visée au paragraphe i), quels sont les éléments constitutifs, matériel et intentionnel, des actes de terrorisme à prendre en considération par le Tribunal, à la lumière du droit libanais et de la jurisprudence y afférente ?

iv) Si l’auteur d’actes de terrorisme visant à créer un état d’alarme réalisé par l’utilisation de moyens explosifs avait l’intention de les commettre en tuant une personne déterminée, comment qualifier sa responsabilité pénale en cas de décès ou de blessures causés à des personnes susceptibles d’être considérées comme n’ayant pas été visées personnellement ou directement par de tels actes ?

de plusieurs États, il est peu probable qu’un État promulgue intentionnellement une règle en contradiction avec le droit international. Une règle du droit national qui semble manifestement contredire le droit international doit donc, si possible, être toujours interprétée de manière à éviter un tel conflit ». R. Jennings et A. Watts (dir. pub.), Oppenheims’ International Law, vol. I, 9ème éd. (Oxford: Oxford University Press, 2008), p. 81 et 82.

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43. Il est préférable de traiter les trois premières questions en parallèle. L’article 2 du Statut du Tribunal est explicite : lors de la poursuite d’infractions alléguées relevant de la compétence du Tribunal conformément à l’article premier, le Tribunal doit appliquer les dispositions relatives aux actes de terrorisme (et à d’autres crimes) prévues par le Code pénal libanais, ainsi que par les articles 6 et 7 de la loi libanaise du 11 janvier 1958 « renforçant les peines relatives à la sédition, à la guerre civile et à la lutte confessionnelle64 ». Les dispositions de l’article 2 ne se réfèrent pas de manière générale au droit libanais dans son ensemble, ce qui permettrait à la Chambre d’appel de les interpréter sur la base du principe qu’elles se réfèrent à toutes les autres règles du droit libanais portant sur le terrorisme, y compris celles ayant une source internationale, en dehors même des limites étroites du Code pénal. Bien que l’article 2 énonce que l’ensemble de règles ainsi visées doit être appliqué « sous réserve des dispositions du présent Statut », ledit instrument ne contient aucune autre disposition définissant le terrorisme ou ayant une incidence directe sur la notion de terrorisme ; aussi doit‑on considérer que cette clause restrictive fait avant tout référence aux modes de responsabilité prévus à l’article 3 (« Responsabilité pénale individuelle »), et, plus généralement, à l’esprit et à la finalité du Statut (rendre la justice de manière juste et efficace65). On ne peut donc manquer de tirer la conclusion que les dispositions de l’article 2 imposent l’application des dispositions spécifiques du droit libanais66. Il semblerait que les rédacteurs du Statut aient décidé que le Tribunal, lorsqu’il est appelé à se prononcer sur des crimes relevant de sa compétence, ne saurait appliquer, en tant que telle, aucune règle de fond de nature internationale

64 Une version en anglais du Code pénal libanais est disponible sur le site Internet du Tribunal. Bien que le Code pénal original applicable au Liban ait été rédigé en français (le 1er mars 1943, avant l’indépendance du Liban, le 22 novembre 1943), la version en arabe est, bien entendu, celle qui fait autorité.

65 Voir ci‑dessus note 48 (sur la finalité du Statut).

66 Dans l’article 2 du Statut n’est mentionné que l’élément matériel du crime, l’élément moral ou intentionnel étant omis. Il ne s’agit toutefois que d’une erreur concrète à laquelle le Juge devrait remédier en accord avec les principes régissant l’interprétation, tels que l’obligation d’assurer une cohérence entre les dispositions d’une loi. Il ressort par conséquent clairement de la formulation de l’article 2 du Statut, de même que du rapport du Secrétaire général (voir Rapport du Secrétaire-Général sur la création d’un Tribunal spécial pour le Liban, S/2006/893 (2006), par. 22) que la volonté initiale des rédacteurs du Statut était d’appliquer le droit matériel libanais. Ainsi, tandis qu’il est stipulé clairement dans l’article 2 que le Tribunal doit s’appuyer sur les éléments matériels tels que prévus au droit libanais, il est, de façon implicite, également fait référence aux éléments subjectifs ; toute autre interprétation conduirait à un manque de cohérence dans le processus d’interprétation.

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portant sur le terrorisme, qu’elle soit conventionnelle ou coutumière. Le Bureau du Procureur et le Bureau de la Défense sont en complet accord avec cette conclusion67.

44. Le libellé clair de l’article 2, que n’affectent en rien d’autres éléments tirés de son contexte, conduit par conséquent la Chambre d’appel à conclure que, pour définir le crime de terrorisme, le Tribunal doit appliquer les dispositions du Code pénal libanais, et non pas celles des traités internationaux ratifiés par le Liban ou le droit international coutumier.

45. La Chambre d’appel relève toutefois, que le droit international, qu’il soit conventionnel ou coutumier, peut fournir des indications au Tribunal lorsqu’il procède à l’interprétation du Code pénal libanais. Il ne s’agit pas de détacher le droit qu’applique le Tribunal des dispositions du droit libanais auxquelles se réfère l’article 2. Ce qui compte, au contraire, c’est que lesdites dispositions du droit libanais, en tant qu’éléments du droit interne, peuvent être interprétées à la lumière et sur la base des règles internationales pertinentes. Par conséquent, en appliquant le droit relatif au terrorisme, le Tribunal peut « tenir compte du droit international applicable en la matière », mais uniquement à titre d’aide aux fins de l’interprétation des dispositions pertinentes du Code pénal libanais.

46. Afin de répondre plus en détail aux questions i) à iii), la Chambre d’appel étudiera en premier lieu les éléments constitutifs du crime de terrorisme selon le Code pénal libanais. Elle examinera ensuite le crime de terrorisme au regard du droit conventionnel qui lie le Liban et du droit international coutumier, et constatera l’existence de certaines divergences entre les diverses définitions du terrorisme, qu’elles relèvent du droit interne ou du droit international. Après avoir apprécié comment le droit international conventionnel et le droit international coutumier s’intègrent au droit libanais, la Chambre d’appel conclura que les définitions du terrorisme posées dans le cadre de ces deux ensembles normatifs produisent des effets juridiques en droit libanais, quand bien même elles ne sont pas spécifiquement incorporées dans le Code pénal libanais. Les tribunaux libanais, comme on le verra, ont notamment recours au droit international qui s’impose au Liban, pour les besoins de l’interprétation du droit libanais. Dans son interprétation du Code pénal libanais,

67 Observations du Procureur, par. 2 et 3 ; Observations du Bureau de la Défense, par. 75.

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à la lumière du droit international qui lie le Liban, la Chambre d’appel conclura que l’un des éléments du crime de terrorisme selon le droit interne – à savoir, l’élément matériel constitué par les moyens utilisés pour perpétrer l’acte terroriste – doit être interprété par le Tribunal spécial pour le Liban à la lumière des avancées juridiques au cours des soixante-huit années qui se sont écoulées depuis l’adoption du Code pénal libanais. Il ressort de cette interprétation que, devant ce Tribunal, les moyens utilisés pour perpétrer un acte de terrorisme peuvent comprendre ceux qu’ont reconnus jusqu’à présent les juridictions libanaises. Cette conclusion n’enfreint aucunement le principe de la légalité, et plus précisément le caractère non rétroactif des interdits criminels, car elle correspond à la définition légale du terrorisme en droit libanais, et elle est conforme aux règles de droit international dont peut avoir connaissance l’accusé au moment de la commission de l’infraction alléguée ; partant, il s’agit d’une application raisonnablement prévisible du droit existant. Quant à tous les autres éléments du crime, le Tribunal appliquera le droit libanais, tel qu’il interprété et appliqué par les juridictions libanaises.

A. La notion de terrorisme au regard du Code pénal libanais

47. L’article 314 du Code pénal libanais prévoit que :

« Sont compris dans l’expression actes de terrorisme tous faits dont le but est de créer un état d’alarme, qui auront été commis par des moyens susceptibles de produire un danger commun, tels qu’engins explosifs, matières inflammables, produits toxiques ou corrosifs, agents infectieux ou microbiens68 ».

48. En outre, la loi du 11 janvier 1958 dispose ce qui suit :

« [traduction] Article 6 : Tout acte terroriste sera puni par les travaux forcés à perpétuité. La peine de mort sera encourue si l’acte a eu pour effet la mort d’une ou de plusieurs personnes, la destruction, en tout ou en partie, d’un bâtiment

68 L’article 315 du Code pénal libanais, qui incrimine le complot dont le but est de commettre des actes de terrorisme, a été remplacé par la loi du 11 janvier 1958, qui apporte un complément à la définition du complot en tant que crime, et de surcroît alourdit les sanctions applicables aux crimes terroristes. L’article 316 incrimine les associations (et leurs fondateurs et adhérents) formées dans le dessein de changer, par la perpétration d’actes terroristes comme énoncé à l’article 314, la structure économique ou sociale de l’État, ou les institutions fondamentales de la société. Le financement du terrorisme, d’actes de terrorisme ou d’organisations terroristes a été récemment incriminé par l’article 316 bis ajouté au Code pénal par la loi n° 553 du 20 novembre 2003.

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dans lequel se trouvaient une ou plusieurs personnes, la destruction, en tout ou en partie, d’un édifice public, d’un établissement industriel, d’un navire ou de toutes autres constructions ou la détérioration des voies de transmission, de communication ou de transport »

« [traduction] Article 7 : Quiconque fomente un complot dans la perspective de la commission d’une ou de certaines des infractions envisagées dans les articles précédents est passible de la peine de mort. »

49. Il ressort clairement de ces dispositions, toutes les parties en conviennent, que les éléments constitutifs du crime de terrorisme au regard du droit libanais sont les suivants : i) un acte, qu’il constitue ou non une infraction visée par d’autres dispositions du Code pénal, dont ii) l’intention est « de créer un état d’alarme » ; et iii) l’utilisation de moyens « susceptibles de produire un danger commun69 ».

50. Les moyens en question sont énumérés à titre indicatif dans une liste précédée de « tels que » : engins explosifs, matières inflammables, produits toxiques ou corrosifs, agents infectieux ou microbiens. Par ces exemples concrets (bien que la liste n’en soit pas exhaustive), le Parlement libanais a, semble‑t‑il, retenu une acception au sens matériel du terme « moyens », comme le démontre par ailleurs l’emploi du mot « wassila » en arabe.

51. Certains tribunaux libanais ont avancé une interprétation au sens strict de l’article 314. Selon la décision du 17 septembre 1964 qu’a rendue la Cour de cassation militaire dans l’Affaire n° 125/1964, ce n’est pas le comportement, mais les moyens, instruments ou dispositifs utilisés qui doivent être susceptibles de produire un danger commun. Si les moyens employés sont à même de produire un danger commun, l’acte peut alors être défini comme étant un acte de terrorisme. Aussi, par exemple, dans l’affaire Rachid Karamé70, la Cour de justice a‑t‑elle retenu que l’utilisation

69 Voir Observations du Procureur, par. 27 ; Observations du Bureau de la Défense, par. 77 ; audience du 7 février 2011, Comptes rendus 14 à 17 et 58 et 59 (opposition du Bureau de la Défense à l’application du droit international dans le cas en question).

70 Cour de justice, Affaire Rachid Karamé, décision n° 2/1999, 25 juin 1999, disponible sur le site Internet du TSL. (Bien que la traduction en anglais du Code pénal libanais sur le site Internet du TSL fasse référence à la Cour de justice en tant que « Judicial Council [Conseil judiciaire] », dans un souci de cohérence avec les versions française (« Cour de justice ») et arabe (« Al-majless al-adli ») du Code, la Chambre d’appel fera référence à la « Cour de justice » tout au long de ce document.)

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d’engins explosifs dans un hélicoptère en vol représentait un danger commun, et de ce fait devait être considérée comme constituant un acte terroriste.

52. Les tribunaux libanais ont, en outre, manifestement retenu que la définition de moyens (terroristes) est limitée aux moyens qui, en soi, sont susceptibles de produire un danger commun, à savoir un danger pour la population en général. Il s’ensuit apparemment que la définition n’inclut aucun moyen qui ne soit énoncé dans l’article 314 (« moyens tels que… »), excepté dans le cas où ce moyen est similaire à l’un de ceux énumérés qui, en soi, ont l’effet de produire un danger commun. Parmi les moyens ou instruments qui, selon cette approche, ne sont pas prévus par l’article 314 figurent le fusil, le pistolet mitrailleur semi‑automatique ou automatique, le revolver, le couteau, voire la lettre piégée à la bombe. Cette interprétation a été retenue par la Cour de justice dans l’affaire de l’Homicide du Cheikh Nizar Al-Halabi71, dans laquelle un acte qui serait considéré comme terroriste au regard de la plupart des droits internes et des traités internationaux a été, en lieu de cela, qualifié de simple meurtre. Dans l’affaire en question, le Cheikh Nizar Al‑Halabi a été tué (le 31 août 1995) en plein jour, dans une rue très fréquentée, alors qu’il quittait son domicile pour se rendre à ses bureaux de Beyrouth, par des hommes masqués faisant usage de fusils d’assaut kalachnikov. Il a été assassiné du fait de sa position à la tête du mouvement Ahbach, qui, selon ses meurtriers, eux‑mêmes appartenant à un courant islamique différent (wahhabite), s’écartait des préceptes de l’Islam et dénaturaient le sens des versets du Coran72. Le meurtre en question, toutefois, ne correspondait pas, selon la Cour, à un acte de terrorisme, étant donné que les moyens ou instruments utilisés n’appartenaient pas à la catégorie des moyens qu’exige l’article 314. La Cour s’est exprimée comme suit :

« [traduction] L’article 314 du Code pénal définit un acte de terrorisme comme tout acte dont le but est de créer un état d’alarme et qui aura été perpétré à l’aide de moyens tels qu’engins explosifs, matières inflammables, produits toxiques ou corrosifs, agents infectieux ou microbiens, susceptibles de produire un danger commun. S’il est vrai que les actes des défendeurs Hamid,

71 Cour de justice, Homicide du Cheikh Nizar Al-Halabi, décision n° 1/1997, 17 janvier 1997, disponible sur le site Internet du TSL.

72 Id. p. 26 et 27 de la traduction en anglais disponible sur le site internet du TSL.

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Aboud, Al‑Kasm, Nabah et Abd al‑Mo’ti afférents à l’homicide du Cheikh Nizar al‑Halabi étaient susceptibles de créer un état de panique, compte tenu, d’une part, de l’importance du statut religieux et social détenu par le Cheikh et, d’autre part, du fait que l’infraction a eu lieu en plein jour dans une rue bondée de riverains, de commerçants et de passants, l’infraction n’a été commise à l’aide d’aucun des moyens énumérés dans l’article 314. [Par conséquent] lesdits défendeurs doivent être acquittés pour l’infraction visée à l’article 6 de la loi du 11 janvier 1958 [à savoir l’acte terroriste] dans la mesure où les éléments constitutifs de l’infraction n’ont pas été réalisés73 ».

53. Dans l’affaire de l’Homicide de l’ingénieur Dany Chamoun et autres74, cette même cour a également retenu que, de par les moyens utilisés, le meurtre de M. Chamoun, de son épouse et de ses deux fils ne constituait pas un acte terroriste, mais « simplement » un meurtre :

« [traduction] S’il est peut‑être vrai que le crime poursuivi a été commis dans l’intention et avec pour résultat de semer la panique, aucun des moyens mentionnés dans l’article [314 du Code pénal] n’a été utilisé pour sa perpétration, et le choix, ni des moyens utilisés (armes de poing et pistolets‑mitrailleurs), ni du lieu où ils ont été utilisés, un appartement privé et fermé, ni des personnes ciblées ne visait à provoquer un état d’alarme75 ».

En conséquence, selon les juridictions libanaises, les moyens susceptibles de produire un « danger commun » comprennent uniquement les moyens pouvant frapper des victimes innocentes, non spécifiquement visées mais atteintes par le seul fait du hasard, en raison de leur présence sur les lieux où les moyens terroristes sont utilisés.

54. De ces interprétations de l’article 314, il doit s’ensuivre, entre autres, que – au regard du droit libanais tel qu’appliqué par les tribunaux libanais – les attentats visant un chef d’État, un Premier ministre ou des personnes jouissant d’une protection internationale, y compris des ambassadeurs et des diplomates en fonctions dans un État ou accrédités auprès de celui‑ci, ainsi que leurs conjoints et les membres de

73 Id. p. 55 et 56 de la traduction en anglais disponible sur le site internet du TSL.

74 Cour de justice, Homicide de l’ingénieur Dany Chamoun et autres, décision n° 5/1995, 24 juin 1995, disponible sur le site internet du TSL.

75 Id. p. 70 de la traduction en anglais disponible sur le site internet du TSL (non souligné dans l’original).

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leur famille, ne seraient pas considérés comme étant des « actes terroristes » si ces attentats étaient perpétrés à l’aide de moyens (fusils ou armes de poing, par exemple) qui, en soi, ne sont pas susceptibles de représenter un danger pour la population en général, ou, plus précisément, pour des tiers, victimes de l’acte de terrorisme sans qu’il ait été prévu qu’ils soient impliqués, de quelque manière que ce soit, dans les opérations précédant son exécution (passants, simples témoins, etc.).

55. On peut faire valoir que cette interprétation restrictive des « moyens » mentionnés dans l’article 314 constitue un moyen terme, sur une base plus compacte, par rapport à la définition, autrement plus large, du terrorisme en droit libanais. Il suffit de se référer à l’affaire Fathieh, dans laquelle la Cour de cassation libanaise, par un arrêt en date du 16 novembre 1953, a retenu qu’un jeune homme qui, en harcelant et effrayant le père de la femme qu’il souhaitait épouser, dans le but de le contraindre à consentir au mariage, avait perpétré un « acte terroriste » (selon la Cour, « [traduction] le fait de lancer, en deux occasions, des explosifs sur la maison de X […] est un acte terroriste visé et sanctionné par les articles 314 et 315 du Code pénal, quand bien même le mobile de l’acte est d’influencer le père de Fathieh afin qu’il accepte Y comme son gendre, ou pour toute autre raison, et ce du fait que l’article 314 dispose que […]76 »). Dans ce cas précis, l’« acte terroriste » était à l’évidence motivé par un intérêt personnel, à savoir épouser la jeune femme que convoitait le « terroriste ».

56. De même, selon l’application de l’article 314 par les tribunaux libanais, un acte terroriste est passible de sanction même s’il n’atteint pas son objectif matériel initial (par exemple, un individu pose une bombe sous la voiture d’un dirigeant politique, mais l’engin explose prématurément, avant même que quiconque ne prenne place dans le véhicule ou ne s’en approche). La législation libanaise se fonde sur la notion selon laquelle le comportement terroriste est à tel point répréhensible qu’il doit être sanctionné, qu’il se traduise ou non par des actes, et quelles que soient

76 Cour de cassation, décision n° 334, 16 novembre 1953, dans S. Alia (éd.), Mawsouat al-ijtihadat al-jaza’iya li kararat wa ahkam mahkamat al tamyiz fi ishrin aman mounzou iadat insha’iha 1950-1970 [Recueil des arrêts et décisions au pénal de la Cour de cassation rendus au cours des vingt années qui ont suivi sa recréation 1950‑1970], 2e éd., (Beyrouth : Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’, 1993), p. 114. Depuis la publication de l’affaire Fathieh, l’article 315 du Code pénal libanais a été remplacé par l’article 7 de la loi du 11 janvier 1958.

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les conséquences visées par ledit comportement criminel – il s’agit, en d’autres termes, d’un crime de mise en danger (par opposition à un « crime de lésion »)77. L’acte en question n’est pas répréhensible du fait et pour autant qu’il occasionne des dommages réels, mais parce qu’il met en péril la valeur protégée. Les actes terroristes sont donc sanctionnés par le droit libanais en raison de leur incidence sur la société, et ce même lorsque leurs caractéristiques et leur nature sont celles d’un crime imparfait.

57. Quant aux éléments subjectifs du crime (mens rea), le Procureur et le Bureau de la Défense conviennent, et la Chambre d’appel également, que, puisque le Code pénal libanais n’exige pas (contrairement à d’autres législations nationales ou à d’autres traités internationaux78) que l’acte en question constitue une infraction visée par d’autres dispositions légales, l’élément subjectif de l’infraction en cause n’est pas un élément requis pour l’acte de terrorisme. Ce qui est exigé, c’est un acte délibéré (le lancer d’une bombe, la dissémination de substances toxiques, etc.), commis dans l’intention de provoquer un état d’alarme. Par conséquent, si l’acte terroriste cause la mort d’une ou de plusieurs personnes, le droit libanais n’exige pas la présence de l’élément subjectif de meurtre pour que l’acte soit qualifié d’acte terroriste, dans la mesure où l’acte qui a entraîné la mort était intentionnel. L’auteur de l’acte peut, toutefois, être responsable à la fois de terrorisme et de meurtre – deux crimes distincts – s’il est avéré qu’il avait pour intention à la fois de répandre la terreur et de provoquer la mort de la victime. Le principal élément subjectif requis au regard de l’article 314 en ce qui concerne le crime de terrorisme est l’intention spécifique de répandre la terreur ou la panique au sein de la population79.

77 Selon E.S. Binavince (« Crimes of Danger », 15 Wayne L. Rev. (1969) 683, p. 683), « [traduction] Les écrits relatifs au droit pénal européen font une distinction entre les “infractions de mise en danger” (Gefahrdungsdelikte) et les “infractions de lésion” (Verletzungsdelikte). La différence consiste en la nature des conséquences non voulues de ces crimes […] » Selon J. Hurtado Pozo, Droit Pénal – Partie générale, (Genève : Shulthess 2008), p. 161 : « [s]ur la base des effets de l’acte incriminé, les infractions peuvent être classées en deux groupes distincts : les infractions de lésion (Verletzungsdelikte) et les infractions de mise en danger (Gefährdungsdelikte). Si les premières supposent un dommage causé à l’objet de l’infraction […] les secondes, comme leur dénomination l’indique, impliquent que l’auteur crée un risque pour l’objet de l’infraction ou, du moins, contribue à le mettre en danger ».

78 Voir ci‑dessous par. 93‑96 et notes de bas de page correspondantes (sur la législation nationale relative au terrorisme).

79 Voir Observations du Procureur, par. 28 ; Observations du Bureau de la Défense, par. 81; audience du 7 février

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58. La Chambre d’appel fera part, au paragraphe 147, de son interprétation des éléments du crime de terrorisme, tel que défini en droit libanais, notamment des « moyens susceptibles de produire un danger commun » .

59. Entre‑temps, toutefois, ce débat conduit la Chambre d’appel à fournir une réponse préliminaire à la question iv) : « Si l’auteur d’actes de terrorisme visant à créer un état d’alarme réalisé par l’utilisation de moyens explosifs avait l’intention de les commettre en tuant une personne déterminée, comment qualifier sa responsabilité pénale en cas de morts ou de blessures causés à des personnes susceptibles d’être considérées comme n’ayant pas été visées personnellement ou directement par de tels actes ? » En tenant compte du fait que le résultat visé par le crime de terrorisme est de répandre la terreur, et pas nécessairement de provoquer la mort ou des blessures, les morts entraînées par des actes terroristes deviennent des circonstances aggravantes, conformément à l’article 6 de la loi du 11 janvier 195880. Partant, le résultat accessoire n’a aucune influence sur la qualification juridique de l’acte en tant qu’« acte de terrorisme ». L’auteur devrait être tenu pour responsable de terrorisme, étant donné qu’il aurait eu l’intention spécifique requise de susciter un état d’alarme, et les morts causées en sus constitueraient un facteur aggravant lors du prononcé de sa peine81. (Le fait d’infliger des blessures ne constitue pas cependant, aux termes de l’article 6 de la loi du 11 janvier 1958, un facteur aggravant pour les actes de terrorisme). L’auteur devrait également être tenu pour responsable d’homicide intentionnel (dont les éléments spécifiques sont traités plus loin82) au titre de l’intention directe, s’il avait l’intention de tuer la victime, et/ou au titre du dol éventuel, s’il avait prévu l’éventualité d’autres morts, et en avait accepté le risque. De même, concernant les blessures consécutives à l’acte de terrorisme, l’accusé peut également être tenu pour responsable de tentative d’homicide, soit au titre de

2011, Compte rendu 14. Cette intention spécifique peut être qualifiée d’intention spécifique « générale ». Voir Mémoire de l’Institut de droit pénal et de justice pénale, par. 2.

80 L’article 6 de la loi du 11 janvier 1958 ne crée pas une nouvelle infraction, mais alourdit simplement la peine d’une personne jugée coupable d’un acte terroriste, lorsque celui‑ci provoque la mort d’êtres humains et la destruction de biens.

81 Cour de justice, Tentative d’assassinat du ministre Michel Murr, décision n° 2/97, 9 mai 1997, disponible sur le site Internet du TSL. La Cour de justice a fait référence de façon explicite à la règle évoquée à l’article 6.

82 Voir par. 153‑166.

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l’intention directe soit en raison du dol éventuel. La question de l’application du dol éventuel en droit libanais, notamment en matière d’homicide intentionnel et de tentative d’homicide, sera examinée de façon beaucoup plus approfondie plus loin83.

60. Quant à la preuve de l’intention spécifique requise de répandre la terreur, la Cour de justice a considéré, en 1997, dans l’affaire de la Tentative d’assassinat du ministre Michel Murr, que l’existence de l’intention spécifique pouvait être déduite du fait que la tentative de meurtre avait été réalisée par le biais d’engins explosifs ayant causé un état d’alarme84. Par ailleurs, l’intention spécifique de répandre la terreur n’est pas suffisante, en elle‑même, à conférer un caractère terroriste à une infraction, si les moyens utilisés ne sont pas ceux qu’exige l’article 314. Aussi, dans l’affaire susmentionnée de l’Homicide du Cheikh Nizar Al-Halabi, la Cour de justice a‑t‑elle retenu que, malgré le fait que les coupables avaient eu l’intention de créer un état de panique et de terreur, leurs crimes ne pouvaient constituer un acte de terrorisme, puisque les moyens utilisés ne répondaient pas aux exigences imposées à l’article 314. Ainsi que le Procureur l’a rappelé dans ses observations, les juridictions libanaises ont établi l’existence de l’intention spécifique de répandre la terreur en s’appuyant sur les facteurs suivants : « le statut social ou religieux de la personne principalement visée ; une attaque commise en plein jour dans une rue pleine de monde ; la mort collatérale de passants ; l’utilisation d’explosifs ; et la destruction de bâtiments résidentiels ou commerciaux85 ». D’une manière générale, cette appréciation devra être faite au cas par cas86.

83 Voir par. 165, 169 et 231 à 234

84 La Cour a fait valoir que « [traduction] la tentative d’assassinat du ministre Michel Murr du 20 mars 1991 et la seconde opération à la voiture piégée du 29 mars 1991, qui ont été perpétrées à l’aide d’explosifs, ont semé la panique au sein de la population, tué et blessé un certain nombre de personnes, et détruit des bâtiments résidentiels et commerciaux, constituent des actes terroristes au sens de l’article 314, et encourent la sentence prescrite à l’article 6 de la loi du 11 janvier 1958 » (par. 53 de la traduction en anglais, disponible sur le site Internet du TSL). Mais voir Arrêt n° 85/98 du 16 avril 1998, cité par le Procureur (par. 29, note de bas de page 28), statuant que l’usage d’explosifs ne démontrait pas, en soi, une intention de produire un état d’alarme.

85 Observations du Procureur, par. 30 (les notes de bas de page ont été omises).

86 La Chambre d’appel n’adopte donc pas la proposition restrictive du Procureur d’assimiler à l’état d’alarme l’intention que l’acte « ait un impact fort sur la population ou un groupe de personnes », ne la considérant pas comme nécessaire. Observations du Procureur, par. 29 ; audience du 7 février 2011, Compte rendu 15.

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B. La notion de terrorisme dans les règles internationales qui s’imposent au Liban

61. La Chambre d’appel en vient à examiner la définition de terrorisme en droit international conventionnel et coutumier qui s’imposent au Liban. Elle a relevé que le Procureur et le Bureau de la Défense avancent, l’un et l’autre, que le droit international, qu’il soit de nature conventionnelle ou qu’il s’agisse d’un droit coutumier (à supposer qu’il existe, ce que tous deux récusent), n’est pas déterminant pour l’interprétation ou l’application du droit libanais en matière de terrorisme. Selon le Procureur, le droit international peut en principe être invoqué lorsque la législation interne comporte des lacunes ; or, en l’espèce, il n’en existe aucune87. Le Bureau de la Défense adopte un point de vue plus radical. Le droit international, selon lui, ne doit pas être pris en considération, le droit libanais étant suffisamment clair et plus à même de protéger efficacement les droits des défendeurs potentiels88. Il fait valoir, néanmoins, que les règles de droit international peuvent être prises en compte, à titre exceptionnel, lorsqu’elles confèrent des droits plus étendus aux défendeurs89.

62. La Chambre d’appel conclut, quant à elle, que le Tribunal ne peut appliquer directement ces sources de droit international en raison des prescriptions clairement énoncées par l’article 2 du Statut du Tribunal, mais qu’il peut s’y référer pour les besoins de l’interprétation et de l’application du droit libanais.

1. droit conventionnel

a) La Convention arabe sur la suppression du terrorisme

63. Le seul traité international ratifié par le Liban contenant une définition générale du terrorisme est la Convention arabe sur la suppression du terrorisme du 22 avril 1998 (la « Convention arabe90 »). Celle‑ci prévoit une coopération entre

87 Observations du Procureur, par. 4 et 5.

88 Observations du Bureau de la Défense, par. 58, 70, 88 et 89.

89 Observations du Bureau de la Défense, par. 68 et 74.

90 La Ligue des États arabes, Convention arabe sur la suppression du terrorisme (la « Convention arabe »), 22 avril 1998 (entrée en vigueur le 7 mai 1999) (disponible en anglais sur https://www.unodc.org/tldb/pdf/conv_arab_terrorism.en.pdf). Dix‑huit « États arabes » ont déjà ratifié la Convention arabe : Palestine, Bahreïn, Émirats arabes unis, Égypte, Arabie Saoudite, Algérie, Jordanie, Tunisie, Soudan, Libye, Yémen, Oman, Liban,

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les pays arabes dans la lutte contre le terrorisme. Il s’agit d’un traité multilatéral d’entraide judiciaire entre les parties contractantes, dont certaines caractéristiques spécifiques doivent être mises en exergue.

64. La Convention arabe se distingue d’autres conventions en matière de coopération judiciaire, telles que la Convention de 1948 sur le génocide ou la Convention de 1984 contre la torture, qui font obligation aux parties contractantes d’adopter, dans leurs ordres juridiques internes, la définition du crime arrêtée par la convention. À l’opposé, la Convention arabe définit le terrorisme pour les besoins de la coopération judiciaire, mais prend soin de souligner qu’elle n’entend pas se substituer au droit interne des parties contractantes en matière de terrorisme91. Elle appelle plutôt les États à coopérer dans la lutte contre les formes de terrorisme définies dans la Convention, laissant à chaque partie contractante la liberté de poursuivre simultanément ses efforts pour la répression du terrorisme, en utilisant les ressources de sa propre législation nationale. L’examen de ses dispositions pertinentes montre comment elle fonctionne.

65. À l’article premier, paragraphe 2, la Convention arabe définit les actes terroristes comme suit :

« Tout acte ou menace de violence, quels que soient ses motifs ou objectifs, qui se produit aux fins de la réalisation d’un projet criminel individuel ou

Syrie, Maroc, Djibouti, Qatar, Irak. (Source : Secrétariat de la Ligue arabe).

91 L’article premier, paragraphe 3, définit ainsi le « crime terroriste » : « Le crime terroriste est tout crime ou toute tentative de crime qui est perpétré à des fins terroristes dans un des États contractants, ou contre ses ressortissants, ses biens ou ses intérêts, et qui est sanctionné par sa législation intérieure. Les crimes énoncés dans les conventions ci‑après, excepté dans les cas où ces conventions n’ont pas été ratifiées par les États contractants ou lorsque ces crimes ont été exclus de leur législation, sont également réputés constituer des crimes terroristes » L’article 3 II, paragraphe 1, dispose que les États contractants « 1. […] arrêtent les auteurs de crimes terroristes et les poursuivent conformément à la loi nationale ou les extradent selon les dispositions de la présente Convention ou de tout traité bilatéral signé entre l’État requérant et l’État requis ». L’article 4 indique que « [l]es pays contractants coopèrent pour empêcher et lutter contre les crimes terroristes, conformément aux lois et mesures intérieures de chaque État, à travers ce qui suit ». L’article 14 dispose que, « [l]orsqu’un des États contractants a compétence pour poursuivre une personne soupçonnée d’avoir commis un crime terroriste, il peut demander à l’État dans lequel le suspect se trouve d’engager des poursuites contre lui pour ce crime, sous réserve de l’accord de l’État intéressé et pourvu que le crime soit passible d’une peine privative de liberté dans l’État qui engage les poursuites pendant au moins un an ou plus. Dans ce cas, l’État requérant fournit à l’État requis tous les documents et preuves de l’enquête liés au crime. b) L’enquête ou les poursuites sont menées sur la base de la ou des charges établies par l’État requérant à l’encontre du suspect, conformément aux dispositions et procédures du droit de l’État qui engage les poursuites ». (Non souligné dans l’original)

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collectif et vise à terroriser les gens, à leur faire craindre qu’il leur arrive du mal ou à mettre en danger leur vie, leur liberté ou leur sécurité, ou à causer des dommages à l’environnement ou à des installations ou biens publics ou privés ou à les occuper ou les confisquer ou à chercher à mettre en danger des ressources nationales ».

66. L’article premier, paragraphe 3, ajoute que les États parties doivent également considérer comme terroriste tout acte énuméré dans une liste de conventions internationales92, pour autant que les États en question les aient ratifiées. En outre, l’article 2 a) exclut de la catégorie des actes terroristes certains actes perpétrés dans le cadre de luttes de libération nationale, à moins que ces luttes armées ne visent à compromettre l’intégrité territoriale d’un pays arabe. Aux termes de cet article :

« [n]e sont pas constitutifs d’infraction pénale les actes de lutte par divers moyens, y compris la lutte armée, contre l’occupation étrangère et l’agression et pour la libération et l’autodétermination conformément au droit international, pour autant que ces actes ne portent pas atteinte à l’unité territoriale de l’un quelconque des pays arabes ».

67. De plus, l’article 2 b) prévoit que certaines infractions doivent être considérées comme des actes terroristes et non comme des actes politiques (dans le but manifeste d’autoriser l’extradition de terroristes présumés, étant donné que les conventions en matière de coopération judiciaire interdisent généralement l’extradition de personnes accusées de crimes politiques) :

« 1. Les attentats visant les rois, les chefs d’État et autres dirigeants d’États parties ainsi que leurs conjoints, et les membres de leurs familles ;

1. Les attentats visant les princes héritiers, vice‑présidents, chefs de gouvernement et

92 La Convention de Tokyo relative aux infractions et à certains autres actes survenus à bord des aéronefs, 14 septembre 1963, 704 U.N.T.S. 219 ; la Convention de La Haye pour la répression de la capture illicite d’aéronef, 16 décembre 1970, 860 U.N.T.S. 106 ; la Convention de Montréal pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, 23 septembre 1971, 974 U.N.T.S. 178, et le Protocole à celle‑ci du 10 mai 1984 ; la Convention de New York sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, 14 décembre 1973, 1035 U.N.T.S. 168 ; la Convention internationale contre la prise d’otages, 17 décembre 1979, 1316 U.N.T.S. 206 ; les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, en matière de piraterie en haute mer.

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ministres de l’un quelconque des États parties ;2. Les attentats visant des personnes jouissant d’une immunité diplomatique, notamment

les ambassadeurs et les diplomates en fonctions des États parties ou les ambassadeurs et les diplomates accrédités auprès d’eux ;

3. Le meurtre avec préméditation ou le vol accompagné de violences contre des personnes, des autorités ou des moyens de transport ou de communication ;

4. Les actes de sabotage ou de détérioration de biens publics ou de biens affectés à des services publics, même s’ils sont la propriété d’un autre État partie ;

5. La fabrication, le trafic ou la détention d’armes, de munitions ou d’explosifs ou d’autres matières devant servir à la commission d’actes terroristes ».

68. Il ressort clairement de ces dispositions que les deux notions de terrorisme, l’une contenue dans le Code pénal libanais, l’autre inscrite dans la Convention arabe, présentent certaines caractéristiques communes, notamment l’exigence de l’intention spécifique de répandre la terreur ou la peur (même si la Convention évoque d’autres objectifs possibles, à savoir « causer des dommages à l’environnement ou à des installations ou biens publics ou privés ou […] les occuper ou les confisquer ou […] chercher à mettre en danger des ressources nationales »).

69. À certains égards, la définition retenue par la Convention va au‑delà de celle que propose le droit libanais. Selon la Convention arabe, l’acte doit viser à semer la panique ou la peur (ou à causer des dommages à l’environnement, à des biens ou à des ressources naturelles), sans préciser les moyens d’y parvenir, contrairement à l’article 314. Il s’ensuit notamment qu’en vertu de la Convention arabe, tout attentat visant un chef d’État, un Premier ministre ou des personnes jouissant d’une protection internationale (y compris les ambassadeurs et diplomates en fonctions de ces États ou les ambassadeurs et diplomates accrédités auprès d’eux, ainsi que leurs conjoints et les membres de leurs familles), peut être qualifié de « terroriste », quel que soit le moyen employé pour commettre l’attentat, à condition que l’intention corresponde à ce qu’exige la Convention.

70. À d’autres égards, la notion de terrorisme, dans la Convention arabe, est plus étroite : l’acte terroriste doit être réellement (et non potentiellement seulement) violent de nature93. En outre, elle exclut les actes perpétrés dans le cadre d’une

93 Ce critère de violence pourrait découler du fait que la Convention arabe s’inscrit dans une longue lignée de

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guerre de libération nationale (pour autant qu’elle ne soit pas menée contre un pays arabe). Les dispositions de l’article 314 du Code pénal libanais n’établissent pas de distinction entre les temps de paix et les périodes de guerre ou de conflit armé. Au vu de ces articles, quiconque commet un acte de terrorisme, tel que défini par l’article 314, peut être déclaré coupable et puni, quel que soit son statut (civil ou militaire), et, s’agissant d’un conflit armé, indépendamment du fait qu’il soit engagé dans une guerre de libération nationale ou dans un autre conflit armé impliquant ce qu’il est convenu d’appeler des « combattants de la liberté94 ».

b) Mise en œuvre de traités selon le droit libanais

71. Le droit international fait obligation aux États d’adopter les textes législatifs nécessaires à l’application des traités internationaux, lorsqu’ils deviennent partie à ces instruments (dans les cas où ces textes législatifs conditionnent la mise en œuvre, dans l’ordre interne, des règles de droit international)95. Le fait de souscrire, sans intention de se lier, à des traités internationaux est contraire au principe de la bonne foi, principe fondamental du droit régissant les relations internationales qu’a consacré la Convention de Vienne sur le droit des traités96 et que les tribunaux internationaux ont fréquemment affirmé97. Lorsque la Constitution de l’État, la jurisprudence

traités régionaux et universels anti‑terroristes. Plus récemment, les États et les conventions se sont écartés de ce critère et ont incorporé, dans le crime de terrorisme, les attentats visant les infrastructures sociales (en particulier les attentats technologiques) susceptibles de créer un désordre et une insécurité généralisés.

94 La seule référence aux normes du droit humanitaire potentiellement applicables au terrorisme et à d’autres crimes relevant de la compétence du Tribunal est contenue à l’article 197 du Code pénal libanais, libellé comme suit : « Sont réputées politiques les infractions complexes ou connexes à des infractions politiques, à moins qu’il ne s’agisse des crimes les plus graves au point de vue de la morale et du droit commun, tels que les meurtres, les blessures graves, les attentats aux propriétés par incendie, explosion, inondation, les vols graves, notamment ceux commis à main armée et avec violence, ainsi que les tentatives de ces crimes. En cas de guerre civile ou d’insurrection, lesdites infractions complexes ou connexes ne sont réputées politiques que lorsqu’elles ne sont point défendues par les usages de la guerre et ne constituent pas des actes de barbarie ou de vandalisme » (Non souligné dans l’original).

95 En vertu de cette obligation, dans une note verbale adressée au Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Liban a déclaré qu’il « [était] résolu à appliquer les conventions et les protocoles auxquels il a adhéré ou auxquels son adhésion est en cours, sachant que la coopération internationale peut contribuer à assurer la bonne application de ces conventions ». Rapport au Comité contre le terrorisme (Liban), 13 décembre 2001, S/2001/1201, p. 7.

96 Voir l’article 26, qui dispose notamment que « [t]out traité […] doit être exécuté [par les États] de bonne foi ».

97 Voir par exemple Essais nucléaires (Australie c. France), Arrêt, C.I.J. Recueil (1974) 253, p. 268, par. 46 : « L’un des principes de base qui président à la création et à l’exécution d’obligations juridiques, quelle qu’en

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constante d’un État ou encore d’autres sources pertinentes exigent expressément que les dispositions du traité, pour qu’il reçoive application au niveau national, soient mises en œuvre par le biais d’une loi nationale autre que la loi autorisant la ratification du traité ou l’accession à celui‑ci, l’État est alors internationalement tenu d’adopter cette loi. Au Liban notamment, comme dans certains États, la simple publication du traité au Journal officiel rend les dispositions du traité applicables dans l’ordre juridique libanais. Si d’autres pays arabes ont énoncé ce principe dans leurs constitutions98, ce principe au Liban, quoique non explicite, a été reconnu par les autorités gouvernementales libanaises dans leur rapport initial qu’elles ont adressé au Comité des droits de l’homme des Nations Unies :

« Les traités régulièrement ratifiés par le Liban sont juridiquement obligatoires dans l’ordre interne par le simple […] dépôt des instruments de ratification ou d’adhésion (pour les traités multilatéraux). Aucune procédure supplémentaire de réception dans le droit interne n’est exigée. Les dispositions suffisamment concrètes et précises de ces traités recevront donc une application immédiate. Quant aux dispositions qui nécessitent des mesures législatives ou réglementaires, elles engagent l’État libanais qui doit alors prendre ces mesures99 ».

soit la source, est celui de la bonne foi ».

98 Tel est, par exemple, le cas de Bahreïn. Dans son rapport initial au Comité contre la torture des Nations Unies, ce pays a déclaré que « [l]a Convention contre la torture a acquis force de loi puisque, conformément à l’article 37 de la Constitution, un instrument acquiert force de loi une fois conclu, ratifié et publié au Journal officiel. Tout non‑respect de cet instrument constitue une violation de la loi et entraîne une responsabilité pénale s’il y a eu délit pénal ». Il entraîne aussi responsabilité juridique pour tout dommage causé » CAT/C/47/Add 4., 27 octobre 2004, par. 50 ; voir aussi id., par. 54.

99 HRI/CORE/1/Add.27 (« Document de base constituant la première partie des rapports des États parties : Liban »), 12 octobre 1993 (non souligné dans l’original). Voir aussi le Rapport au Comité contre le terrorisme (Liban), 31 mars 2003, S/2003/451, p. 10, dans lequel le Liban explique que :

« Dès l’instant où le Liban adhère à des accords internationaux et à leurs protocoles additionnels, avec l’approbation du Parlement, les dispositions continues dans ces instruments deviennent partie intégrante des lois libanaises, sans qu’il soit nécessaire de modifier ces loirs. Si les obligations qui lui incombent en vertu de ces instruments internationaux sont en contradiction avec le droit interne, ce sont lesdits instruments qui priment la législation nationale ».

Voir aussi G.J. Assaf, “The Application of International Human Rights Instruments by the Judiciary in Lebanon”, dans E. Cotran et al. (dir. pub.), The Role of the Judiciary in the Protection of Human Rights (London : Kluwer, 1995), p. 85 et 86 (notes de bas de page omises) :

« [L]a publication d’un traité international, quel que le soit le moyen de publication, suffit pour qu’il soit incorporé dans l’ensemble de lois nationales et rendu exécutoire dans l’ordre juridique interne, pour autant que la loi de ratification soit publiée au Journal officiel. Lorsque les normes du traité sont ainsi incorporées, les tribunaux peuvent les appliquer aux fins de promouvoir efficacement la réalisation des droits des individus conformément à l’art. 2, paragraphe 2, du Code de procédure civile. [...] Les

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72. La jurisprudence libanaise confirme cette conception du droit. Ainsi, par exemple, le Juge unique de Beyrouth, relevant de la Section civile, a conclu, dans sa décision n° 818 du 2 juin 1950, que :

« [L]a publication d’une loi a pour but de diffuser cette loi et de la porter à la connaissance du public. Ce but a été rempli par la publication de la loi sur la ratification de la Convention [la Convention franco‑libanaise du 24 janvier 1948 sur des questions monétaires] dans le numéro du 29 septembre 1948 du Journal Officiel, et il est devenu inutile de publier le texte intégral de la Convention dans le numéro en question, puisque la Convention a déjà été publiée au Journal Officiel afférent aux débats parlementaires ; la Convention est entrée en vigueur après ratification conformément à la loi, après publication; ses dispositions l’emportent sur celles de la loi nationale qui peuvent être incompatibles avec elles, en vertu du principe selon lequel le droit externe s’affranchit du droit interne100 ».

73. La Cour d’appel de Beyrouth, Section civile, a affirmé, dans sa décision n° 684 du 10 juillet 1952, que :

« Considérant qu’un accord international n’est rien d’autre qu’une loi applicable, immédiatement et directement, à des individus sur le territoire des États contractants, et ce nonobstant l’existence d’une autre loi nationale qui la contredit expressément, ce Tribunal est d’avis que les tribunaux ordinaires, chargés de protéger les droits et libertés des individus, ont le devoir d’interpréter le texte de la convention internationale lorsqu’ils examinent une affaire portant sur ces droits et lorsque le différend concerne l’étendue de ceux‑ci ; par contraste, il ne leur appartient pas d’émettre un jugement sur les relations internationales découlant de la convention susmentionnée [la Convention franco‑libanaise du 24 janvier 1948 sur des questions monétaires] et d’interpréter le texte de cette Convention lorsqu’une telle interprétation porte sur la souveraineté de l’État et les actes de l’exécutif101 ».

tribunaux civils libanais ont adopté des règles selon lesquelles les dispositions de traités internationaux priment sur les dispositions de la législation interne ayant le même objet, y compris lorsque lesdites dispositions ne se contredisent pas ».

100 Juge unique de Beyrouth, Section civile, décision no 818, 2 juin 1950 dans Al‑nashra al‑kada’iya [Revue Judiciaire], 1950, p. 650 à 654.

101 Cour d’appel de Beyrouth, Section civile, décision n° 684, 10 juillet 1952, dans Al‑nashra al‑kada’iya [Revue Judiciaire] 1955, p. 537 à 539.

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74. La Chambre d’appel ne partage donc pas l’avis du Bureau de la Défense, lorsqu’il affirme que, selon le droit libanais, et de manière générale, un traité ne doit pas seulement être ratifié mais doit aussi, pour prendre effet, être mis en œuvre par le biais de textes législatifs relevant de l’ordre interne102. En réalité, lorsqu’un traité international a été dûment ratifié par le chef d’État après autorisation ou approbation du Parlement, les dispositions du traité qui sont directement applicables (c’est‑à‑dire susceptibles d’être appliquées sans avoir besoin d’être complétées par la législation interne) s’imposent automatiquement à tous les individus et représentants de l’État. La Cour permanente de Justice internationale a déclaré, dans le célèbre avis consultatif sur la Compétence des tribunaux de Dantzig de 1928103, qu’un traité, une fois ratifié, pouvait créer directement des droits et obligations à l’égard d’individus et d’agents de l’État, sans qu’il soit besoin de recourir à des textes législatifs d’application, si telle était l’intention manifeste des parties contractantes et si le texte du traité exprimait cette intention. La jurisprudence récente, notamment dans les pays de tradition romano‑germanique, confirme ce point de vue104. C’est notamment le cas de pays comme le Liban qui accordent plus de poids aux traités dûment ratifiés qu’au droit interne105, signifiant ainsi leur intention de conférer plus d’importance, en cas

102 Voir les Observations du Bureau de la Défense, par. 65.

103 La Cour a déclaré que : « [S]elon un principe de droit international bien établi, le Beamtenabkommen, accord international, ne peut, comme tel, créer directement des droits et des obligations pour des particuliers. Mais on ne saurait contester que l’objet même d’un accord international, dans l’intention des Parties contractantes, puisse être l’adoption, par les Parties, de règles déterminées, créant des droits et obligations pour des individus, et susceptibles d’être appliquées par les tribunaux nationaux ». La Cour a poursuivi en affirmant que « [l]e texte et la teneur générale du Beamtenabkommen montrent que les dispositions de cet acte sont directement applicables entre les fonctionnaires et l’Administration ». Compétence des tribunaux de Danzig, 1928 CPJI Série B, n° 15, p. 17 et 18.

104 Voir, par exemple, la décision du Conseil d’État français dans l’affaire de Mme Elser, dans laquelle le Conseil a déclaré que l’article 15 de la Convention de 1984 contre la torture (exigeant que les États contractants s’assurent que les aveux faits sous la torture ne puissent être produits au tribunal) était directement applicable dans l’ordre juridique français. Texte dans Revue générale de droit international public, 2002, p. 462 et 463.

105 Voir article 2 du nouveau Code de procédure civile libanais de 1983, qui dispose que : « [traduction] En cas de conflit entre les dispositions de traités internationaux et celles des lois ordinaires, les premières priment sur les dernières. Les tribunaux ne doivent pas déclarer la nullité d’un acte législatif pour non‑conformité des lois ordinaires à la Constitution ou à des traités internationaux ». Cette disposition, bien que contenue dans le Code de procédure civile, s’applique en tant que principe général de droit à toute la législation libanaise.Les tribunaux libanais ont maintenu ce même point de vue dans un certain nombre d’affaires. La Cour de cassation, dans une décision du 9 décembre 1973, a déclaré que : « [traduction] […] selon la doctrine du droit international général, si les dispositions d’une convention internationale sont incompatibles avec les dispositions d’un loi interne, les dispositions de la Convention sont

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de conflit, aux traités qu’à la législation adoptée par le Parlement. À cet égard, le Liban a déclaré, dans une note verbale adressée au Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité que « les Protocoles et les Conventions internationaux auxquels le Liban a accédé ont force de loi dans le pays et ont la préséance sur les dispositions du droit national ». Ainsi, « l’Assemblée nationale a autorisé le Gouvernement à ratifier la Convention arabe sur la suppression du terrorisme, dont les dispositions ont la préséance sur l’application des dispositions du droit national106 ».

75. Il est intéressant de noter que, dans l’affaire Rachid, le Juge pénal unique à Beyrouth, dans une décision du 10 septembre 2009, a appliqué les dispositions de la Convention de 1984 contre la torture à l’affaire d’un réfugié irakien qui était entré au Liban illégalement. La Cour a conclu que la Convention contre la torture faisait partie intégrante de l’ordre juridique libanais depuis l’adoption de la loi du 24 mai 2000 autorisant la ratification de la Convention. Alors que le Procureur prétendait que l’entrée de cet Irakien était contraire à l’article 32 de la loi du 10 juillet 1962 réglementant l’entrée et le séjour des étrangers au Liban ainsi que leur sortie107, la Cour a fait observer que cet article prévoyait trois sanctions distinctes, parmi lesquelles l’expulsion de l’étranger. Toutefois, selon la Cour, l’expulsion ne pouvait être imposée car, même si aucun texte législatif explicite n’avait été adopté pour modifier la loi de 1962, il était contraire à la Convention de 1984 d’expulser un individu vers un pays où il risquait d’être torturé. De ce fait, la Cour a infligé

les seules qui s’appliquent, indépendamment de l’entrée en vigueur de la loi interne (avant ou après la ratification de la Convention), car la Convention est un accord passé entre deux États sur lequel la législation nationale des États n’a aucune incidence, que cette législation soit adoptée avant ou après la Convention, excepté lorsqu’un texte de droit interne prévoit expressément la « nullité » de la Convention ». Cour de cassation, 1ère Chambre civile, décision no 59, 9 décembre 1973, dans Al‑Adel [Journal du Barreau de Beyrouth], 1974, p. 277 à 279. De même, la Cour d’appel de Beyrouth a affirmé que « eu égard à la hiérarchie des normes, les conventions internationales l’emportent sur les lois nationales, en cas de conflit ». Cour d’appel de Beyrouth, 1ère Chambre civile, décision no 121, 26 avril 1988, Al‑nashra al‑kada’iya [Revue Judiciaire], 1988, p. 692 à 695. Voir aussi le Conseil d’État dans Kettaneh c. State, décision no 315, 28 mai 1973, dans RJAL, 1973 (confirmant la supériorité des traités par rapport au droit libanais).

106 Rapport au Comité contre le terrorisme (Liban), 13 décembre 2001, S/2001/1201, p. 7. Voir aussi Rapport au Comité contre le terrorisme (Liban), 26 octobre 2004, S/2004/877, p. 13, dans lequel le Liban informe le Président du Comité contre le terrorisme du Conseil de sécurité que le Liban se considère comme « lié » par la Convention arabe.

107 Cette loi a été modifiée par la loi n°173 du 14 février 2000.

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les deux autres sanctions108. Bien que la position adoptée par le Juge unique à Beyrouth soit incompatible avec une décision de la Cour d’appel du Mont‑Liban109, ces deux affaires décrivent des situations dans lesquelles la législation nationale est directement contraire à un traité. Tel n’est pas le cas ici, puisque la Convention arabe traite de la question séparée de la coopération des États et ne va pas directement à l’encontre de l’article 314. L’idée générale qui sous‑tend l’affaire Rachid, selon laquelle le droit libanais doit être interprété à la lumière de traités internationaux contraignants, demeure pertinente pour la réponse aux questions dont la Chambre d’appel est saisie.

76. La seule exception admise à l’incorporation automatique dans le droit libanais de traités dûment ratifiés après approbation du Parlement est constituée par les cas où une disposition d’un traité « n’est pas directement applicable », au sens où le Parlement doit désigner spécifiquement un organe national chargé de faire appliquer certaines de ses dispositions ou bien adopter des mesures législatives qui assurent la mise en œuvre des clauses du traité. De manière générale, les normes internationales incriminant des actes ne sont pas directement applicables, leur application exigeant que la législation nationale définisse le crime et la peine y afférente. À cet égard, la Chambre d’appel partage le point de vue du Bureau de la Défense110. Le principe de la légalité (nullum crimen sine lege), en vertu duquel des individus ne peuvent être punis qu’à condition que l’acte commis ait été préalablement incriminé par la loi, a été si largement proclamé dans les traités internationaux relatifs aux droits

108 Juge pénal unique à Beyrouth, Le Procureur c. Louay Majid Rachid, décision du 10 septembre 2009, non publiée, original conservé au Tribunal.

109 Cour d’appel civile, Mont‑Liban, Liban, 13ème Chambre, décision no 398, 18 mai 2010 (non publiée, conservée par le Tribunal). La Cour a déclaré que les tribunaux judiciaires ne pouvaient se référer aux conventions susceptibles d’être appliquées d’office au Liban, tels que le Pacte de 1966, la jurisprudence internationale, les principes généraux du droit international jurisprudence et du droit international coutumier, lorsque ces instruments contredisent la législation interne. Le tribunal a d’abord comparé la Constitution française, qui privilégie les traités par rapport aux lois nationales, à la Constitution libanaise, qui ne contient pas de disposition analogue. De là, le Tribunal a conclu que les conventions et traités auxquels le Liban avait adhérés avaient, dans l’ordre interne, le même rang que ses lois d’adhésion, et ne primaient donc pas sur le droit législatif. Selon la Cour, l’article 2 du Code de procédure civile a été implicitement abrogé par l’article 18 de la loi sur la création du Conseil constitutionnel, qui interdit aux tribunaux civils de dire si une loi est constitutionnelle ou conforme à un traité international ; par conséquent, les tribunaux civils ne peuvent étendre leur compétence en interprétant les lois nationales par analogie et de manière à les rendre conformes à la Constitution ou à un traité international.

110 Voir les Observations du Bureau de la Défense, par. 65.

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de l’homme en ce qui concerne son application dans l’ordre juridique interne111 et si fréquemment confirmé par les tribunaux pénaux internationaux dans le cadre de poursuites internationales en matière de crimes112, qu’il peut être considéré, à bon droit, comme ayant acquis le statut de norme impérative (jus cogens), devant être respectée tant dans l’ordre juridique interne qu’au niveau international. Il s’ensuit que, si un traité prévoit de sanctionner un acte qui, précédemment, n’était pas considéré comme un crime, la disposition pertinente du traité doit être réputée non directement applicable, car – en l’absence d’une loi interne incriminant l’acte en question et fixant la peine appropriée – l’application de cette disposition priverait la personne accusée de crimes visés par le traité de toutes les garanties de précision et de prévisibilité113. Ainsi, en droit libanais, si le Parlement n’incrimine pas tel ou tel acte et ne précise pas la peine prévue dans un traité international ratifié, les juges ne peuvent appliquer les dispositions énoncées dans l’instrument international, à raison du principe nullum crimen sine lege, tel que consacré par l’article premier du Code pénal libanais114, quand bien même le Liban transgresserait ainsi un traité international, engageant de ce fait la responsabilité internationale de l’État.

111 Voir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966, 999 U.N.T.S. 171, art. 15 ; Conseil de l’Europe, Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, 213 U.N.T.S. 222, art. 7 ; Organisation des États américains, Convention américaine relative aux droits de l’homme, 22 novembre 1969, 1144 U.N.T.S. 123, art. 9 ; Organisation de l’unité africaine, Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (« Charte de Banjul »), 27 juin 1981, réimprimé dans 21 I.L.M. 58 (1982), art. 7 2) ; Ligue des États arabes, Charte arabe des droits de l’homme, 22 mai 2004, art. 6.

112 Le principe nullum crimen a été exposé dans les Statuts des tribunaux pénaux internationaux (Rapport du Secrétaire général établi conformément au paragraphe 2 de la Résolution 808, S/25704 (1993) du Conseil de sécurité, par. 34 ; Article 22 du Statut de la CPI ; Rapport du Secrétaire général sur l’établissement d’un Tribunal spécial pour la Sierra Leone, S/2000/915, 4 octobre 2000, par. 12), et dans la jurisprudence pertinente (TPIY, Tadić, Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, par. 139, 141, 143 ; TPIY, Jelisić, Jugement, 14 décembre 1999, par. 61 ; TPIY, Delalić et consorts, Arrêt, 20 février 2001, par. 170 ; TPIY, Erdemović, Arrêt, Opinion séparée et dissidente du Juge Cassese, 7 octobre 1997, par. 11 ; TPIY, Krstić, Jugement, 2 août 2001, par. 580 ; TPIY, Vasiljević Jugement, 29 novembre 2002 (« Vasiljević J. »), par. 193, 196, 201 ; TPIY, Hadzihasanović et consorts, Décision relative à l’exception d’incompétence (Responsabilité du supérieur hiérarchique), 16 juillet 2003, par. 32‑36 ; TPIY, Galić, Jugement, 5 décembre 2003, par. 90, 93, 98, 132 ; TPIR, Akayesu, Jugement, 2 septembre 2008, par. 605).

113 Voir, par exemple, Australie, Cour fédérale, Buzzacott c. Hill, [1999] FCA 1192 (S23 de 1999) ; Sénégal, Cour de cassation, Hissène Habré, 20 mars 2001, accessible en ligne sur http://www.icrc.org/ihl‑nat.nsf, et réimprimé partiellement dans 125 I.L.R. 569.

114 L’article 1 dispose que : « Nulle infraction ne peut être sanctionnée par une peine, ou par une mesure de sûreté ou d’éducation, si elle n’était pas prévue par la loi au moment où elle fut commise. Ne seront pas retenus à la charge de l’inculpé les faits constitutifs d’une infraction, les actes de participation principale ou accessoire, qu’il

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77. Le Bureau de la Défense fait référence, à juste titre, à l’affaire Minor house servant, jugée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 9 novembre 1999115. Dans celle‑ci, la Cour a déclaré qu’un père qui avait autorisé sa fille (âgée de moins de dix ans) à travailler comme domestique ne pouvait pas être sanctionné, au motif que le Liban, qui avait ratifié la Convention le 14 mai 1991, ne s’était pas doté d’une loi incriminant l’acte en question aux fins d’appliquer la Convention des Nations Unies de 1989 relative aux droits de l’enfant. Elle a déclaré qu’une loi spécifique devait être promulguée à l’effet d’incriminer cet acte et de fixer la peine appropriée – faute de quoi un tribunal ne pouvait prononcer de condamnation sur la seule base d’une loi autorisant la ratification.

78. Contrairement à la Convention arabe, toutefois, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant ne contenait pas de disposition définissant le crime : elle imposait simplement aux États contractants d’adopter une loi sur la question, afin d’ériger en infraction pénale l’emploi d’un enfant en dessous d’un certain âge (à préciser par chaque État contractant en ce qui le concerne) et d’établir la peine attachée à ce crime116. Les autorités libanaises n’ayant pas adopté une telle loi, les tribunaux nationaux n’ont pu prononcer de déclarations de culpabilité à cet égard. La Convention arabe, en revanche, contient quant à elle une définition claire et précise destinée à compléter la législation nationale libanaise et à prévaloir dans les affaires de coopération judiciaire avec d’autres États arabes ayant ratifié la Convention. Elle ne définit pas de nouveau crime au Liban mais étend, d’une manière prévisible, la définition d’un crime existant, même si une telle démarche

aura accomplis avant que cette infraction ait été prévue par la loi ».

115 Voir Observations du Bureau de la Défense, par. 65 et note de bas de page 70. Cour de cassation, 6ème Chambre, décision n° 142, 9 novembre 1999, Sader fil‑tamyiz [Sader Cassation], 2001.

116 . L’article 32 de cette Convention dispose que :« 1. Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social. 2. Les États parties prennent des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives pour assurer l’application du présent article. À cette fin, et compte tenu des dispositions pertinentes des autres instruments internationaux, les États parties, en particulier : a) Fixent un âge minimum ou des âges minimums d’admission à l’emploi ; b) Prévoient une réglementation appropriée des horaires de travail et des conditions d’emploi ; c) Prévoient des peines ou autres sanctions appropriées pour assurer l’application effective du présent article ».

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s’inscrit uniquement dans le cadre de la coopération judiciaire avec d’autres pays arabes.

79. La question qui se pose, par conséquent, est la suivante : cette distinction revêt‑elle une importance particulière, le fait qu’un traité (la Convention arabe) définisse différemment un acte (de terrorisme) déjà incriminé au Liban ? En d’autres termes, la définition du terrorisme énoncée dans la Convention arabe peut‑elle être utilisée par le Tribunal lorsqu’il apprécie la notion de terrorisme aux fins de la procédure menée devant lui, étant donné que la Convention arabe ne prétend pas définir un nouveau crime en droit libanais, mais seulement étendre la définition déjà existante dans l’article 314 ?

80. La Chambre d’appel observe tout d’abord que la Convention proprement dite indique clairement qu’elle n’entend pas substituer sa propre définition du terrorisme à la définition que retient la loi nationale de chaque partie contractante. La Convention crée simplement un système de répression qui s’applique parallèlement à celui de la législation nationale : en matière de coopération judiciaire entre pays arabes, la prévention et la répression du terrorisme seront opérées selon les modalités de la Convention et s’appuient sur la définition de « terrorisme » et de « crimes terroristes » exposée ou mentionnée dans la Convention. Chaque État contractant conserve la liberté de poursuivre et de punir le terrorisme au sein de son propre ordre juridique selon sa propre définition du terrorisme. Ainsi, par exemple, si les tribunaux libanais n’ont pas considéré, généralement, que l’assassinat d’un dignitaire étranger à l’aide d’un poignard constituait un acte de « terrorisme », quand bien même ledit acte visait à répandre la terreur, le Liban s’est engagé à considérer cet acte comme un acte terroriste pour les besoins de la coopération judiciaire avec d’autres parties à la Convention arabe. En ce sens, la Chambre d’appel convient avec le Bureau de la Défense que la définition du terrorisme consacrée dans la Convention arabe vise à permettre l’engagement de poursuites, et non à modifier les codes pénaux nationaux117.

81. La Chambre d’appel conclut donc que le Tribunal ne peut appliquer directement la Convention, en tant que source indépendante du droit. Le Statut indique clairement

117 Voir Observations du Bureau de la Défense, par. 114, 118 et 119.

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que le Tribunal doit appliquer la définition du terrorisme contenue dans le Code pénal libanais, et la définition figurant dans la Convention arabe ne remplace pas automatiquement celle que consacre l’article 314. Le respect dû la volonté du Parlement libanais, qui n’a jamais décidé de modifier la définition figurant dans le Code pénal libanais, comme les termes mêmes du Statut, auxquels il ne saurait être dérogé, commandent qu’il en aille ainsi. En outre, et au surplus118, comme l’a fait observer le Bureau de la Défense119, la référence initiale à la Convention arabe ayant été supprimée au cours du processus de rédaction du Statut120, on peut affirmer, par ailleurs, que les travaux préparatoires confirment cette interprétation littérale.

82. Toutefois, même si elle ne l’emporte pas sur les dispositions contradictoires du Code pénal libanais, la définition que retient la Convention arabe fait incontestablement partie de l’ordre juridique interne libanais. Bien que le Bureau de la Défense demande instamment à la Chambre d’appel de ne pas recourir à cette Convention comme méthode d’interprétation121, la Chambre estime que la définition y contenue peut néanmoins servir à identifier une interprétation convaincante du Code pénal libanais qui s’inscrive dans le cadre global de son interprétation. Comme le reconnaît le Bureau de la Défense, les tribunaux libanais ont recours aux traités ratifiés pour interpréter le droit libanais122. En outre, la Chambre d’appel n’est pas disposée à reconnaître que la définition de la Convention arabe manque de clarté123, ou qu’une distinction absolue doit être établie entre le domaine de la coopération judiciaire et celui des interdictions pénales124 : si la Convention arabe ne modifie pas directement le Code pénal libanais, le Liban a accepté de permettre à d’autres pays de poursuivre les individus à l’intérieur de ses frontières pour des crimes relevant de la

118 En vertu de l’article 32 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, le recours aux travaux préparatoires constitue uniquement un moyen d’interprétation « complémentaire » ou auxiliaire, applicable en cas de doute sur le sens d’une disposition.

119 Observations du Bureau de la Défense, par. 116.

120 N. N. Jurdi, “The Subject‑Matter Jurisdiction of the Special Tribunal for Lebanon”, 5 J. Int’l Crim. Justice (2007) 1125, p. 1128.

121 Observations du Bureau de la Défense, par. 121.

122 Observations du Bureau de la Défense, par. 66 et 67.

123 Observations du Bureau de la Défense, par. 120.

124 Observations du Bureau de la Défense, par. 114.

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définition donnée par la Convention arabe. De plus, comme indiqué plus haut, selon un principe de droit international bien établi, une loi nationale doit être interprétée, autant que possible, de manière à rendre ses dispositions conformes aux obligations internationales de lÉtat concerné125.

2. droit coutumier

a) Droit international coutumier relatif au terrorisme

83. Le Bureau de la Défense et le Procureur affirment résolument qu’il n’existe actuellement aucune définition établie du terrorisme en droit international coutumier126. Cependant, même si de nombreux représentants de la doctrine et autres experts juridiques soutiennent qu’aucune définition du terrorisme largement acceptée ne s’est dégagée au sein de la société internationale, en raison d’importantes divergences d’opinions sur certaines questions127, un examen minutieux démontre qu’en fait une telle définition a peu à peu fait son apparition.

84. La contribution de l’Institute for Criminal Law and Justice, préparée par le professeur Ambos, a procédé à une recension très utile des instruments universels et régionaux.

125 Voir les sources citées dans la note de bas de page 63, plus haut ; voir aussi État français c. Établissements Monmousseau, 15 I.L.R. 596 (Cour d’appel d’Orléans, 1948), p. 597 ; Yugoslav Refugee (Germany) Case, 23 I.L.R. 386 (F.R.G. Fed. Admin. Sup. Ct. 1956), p. 387 et 388 ; Interpretation of Customs Valuation Statute (Austria) Case, 40 I.L.R. 1 (Aust. Admin. Ct. 1962), p. 2 et 3. Pour certaines affaires britanniques plus anciennes dans lesquelles un point de vue identique a été adopté, voir C.K. Allen, Law in the Making, 6ème éd. (Oxford : Clarendon Press, 1958), p. 445 et 446.

126 Observations du Bureau de la Défense, par. 90 ; Observations du Procureur, par. 17 ; audience du 7 février 2011, T. 11 à 13 et 55.

127 Voir par exemple Y. Dinstein, “Terrorism as an International Crime”, 19 Israel Y.B. on Human Rights (1989), p. 55 ; A. Schmid, “Terrorism: The Definitional Problem”, 36 Case W. Res. J. Int’l L. 375 (2004) ; B. Saul, Defining Terrorism in International Law (Oxford : Oxford University Press, 2008), p. 270 ; R. Barnidge, “Terrorism: Arriving at an Understanding of a Term”, dans Terrorisme et droit international (Leiden : Nijhoff 2008), 157 à 193 ; M. Williamson, Terrorism, War and International Law: The Legality of the Use of Force Against Afghanistan in 2001 (Surrey : Ashgate Publishing 2009), p. 49. Voir en outre : ÉtatsUnis, Cour d’appel fédérale, United States v. Yousef, 337 F.3d 56, 106 à 108 (2d Cir. 2003) ; Inde, Cour suprême, Singh c. État de Bihar (2004) 3 SCR 692 ; France, Cour de cassation, Affaire Gaddafi, [cass. crim.], 13 mars 2001, réimprimé en anglais dans 125 I.L.R. 490. Voir également le rapport de l’Institute for Criminal Law and Justice), par 7. Compte tenu des motifs, des avis faisant autorité, des instruments nationaux et internationaux exposés dans cette décision, la Chambre d’appel ne peut adhérer à ce point de vue.

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85. Comme on le verra, un certain nombre de traités, de résolutions des Nations Unies, et de pratiques législatives et judiciaires étatiques manifestent la formation d’une opinio juris générale au sein de la communauté internationale, suivie par une pratique conforme à cette opinio, dont il résulte qu’une règle coutumière de droit international relative au crime international de terrorisme, au moins en temps de paix, s’est effectivement dégagée. Conformément à cette règle coutumière, trois éléments clés sont nécessaires : i) la perpétration d’un acte criminel (tel qu’un meurtre, un enlèvement, une prise d’otages, un incendie criminel, etc.), ou la menace d’un tel acte ; ii) l’intention de répandre la peur parmi la population (qui fait naître généralement un danger public) ou de contraindre directement ou indirectement une autorité nationale ou internationale à accomplir un certain acte ou à s’abstenir de l’accomplir ; iii) la présence, au sein de cet acte, d’un élément d’extranéité128.

86. À titre préliminaire, il est incontestable qu’il existe une opinion communément partagée selon laquelle il est nécessaire de « lutte[r] contre le terrorisme sous toutes ses formes et quels qu’en soient les motivations, les auteurs et les victimes, sur la base du droit international129 ». En outre, le fait qu’il existe un crime de terrorisme, selon le droit international coutumier, a déjà été reconnu par certains tribunaux nationaux, notamment la Cour suprême du Canada dans l’affaire Suresh c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)130 ; la Cour de cassation italienne, dans

128 De façon convergente même si l’Accusation affirme qu’il n’existe pas de droit international coutumier relatif au terrorisme, elle reconnaît que les deux premiers éléments sont les composants d’une éventuelle norme coutumière. Voir les Observations du Procureur, par. 25.

129 Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Iran), 27 décembre 2001, S/2001/1332, par. 2 [non souligné dans l’original]. Des commentaires similaires d’autres États sont courants ; voir par exemple les déclarations mentionnées aux notes de base de page 156 et suiv.

130 La Cour a conclu : « Nous ne croyons […] pas que le sens du terme « terrorisme » est à ce point incertain qu’il ne permet pas de fixer des paramètres convenables pour le prononcé d’une décision juridique. Négociée récemment, la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, Rés. AG 54/109, 9 décembre 1999, aborde le problème de la définition sous deux angles. Premièrement, à l’al. 1a) de l’art. 2, elle a recours à une définition fonctionnelle et définit le « terrorisme » comme « [u]n acte qui constitue une infraction au regard et selon la définition de l’un des traités énumérés en annexe ». […] Deuxièmement, la Convention complète cette énumération fondée sur des infractions par une définition stipulative du terrorisme à l’al. 1b) de l’art. 2 : « Tout […] acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ». […] Cette définition traduit bien ce que l’on entend essentiellement par « terrorisme ».

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l’affaire Bouyahia Maher Ben Abdelaziz et consorts, a déclaré qu’« une règle de droit international coutumier a été consacrée dans plusieurs résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies, ainsi que dans la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif131 » ; et le Premier juge chargé de la protection des droits constitutionnels des individus (amparo) en matière pénale dans le district fédéral de Mexico, qui a fait observer que, « selon les nombreuses conventions qui ont été mentionnées, les crimes de génocide, torture et terrorisme sont par nature des actes illicites au niveau international et imposent aux États membres de la communauté internationale l’obligation d’empêcher de tels crimes et d’en poursuivre et sanctionner les auteurs132 ». Le Juge Antonio Boggiano a également mentionné le droit coutumier relatif au terrorisme dans son opinion conforme à l’arrêt rendu, le 24 août 2004, par la Cour suprême argentine (Corte Suprema de Justicia de la Nación), dans le cadre de l’affaire Enrique Lautaro

Suresh c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, 2002 CSC 1, par. 96 et 98. Il convient de noter qu’à cette époque, le Canada n’avait pas encore ratifié la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. La Convention a été ratifiée par le Canada le 19 février 2002, alors que la décision dans l’affaire Suresh a été rendue le 11 janvier 2002. De même, dans l’affaire Zrig c. Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178, 229 D.L.R. (4e) 235, il a été observé que, à la lumière des conventions internationales, des résolutions de l’ONU et de la jurisprudence internationale, un consensus international concernant à tout le moins certaines formes de terrorisme aurait vu le jour dès 1997. Ibid. par. 178 à 180, Décary JA (avis conforme).

131 Cass. pénal, sez. I, 17 janvier 2007, n° 1072, par. 2.1 « [traduction] Conformément au droit italien, l’objectif du terrorisme consiste à créer un état de terreur au sein de la population au moyen d’un comportement criminel systématique contre le public ou contre certains individus en raison de la fonction qu’ils représentent ». Voir par exemple la Cour suprême de cassation, sez. I, 5 novembre 1987, n° 11382 ; voir également l’article 270 bis du Code pénal italien (modifié le 15 décembre 2001) (établissant des peines pour la participation à des associations terroristes).

132 Mexique, Cour suprême, affaire Cavallo, n°. 140/2002, 10 juin 2003 (p. 392 de la version dont dispose le TSL) (traduction non officielle du TSL) [non souligné dans l’original]. La Cour suprême mexicaine a longuement cité la juridiction inférieure pour confirmer la conclusion mais en invoquant des motifs différents.

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Arancibia Clavel133, ainsi que l’a fait également une cour fédérale des États‑Unis dans l’affaire Almog c. Arab Bank134.

87. Quelle que soit l’importance de ces décisions judiciaires qui illustrent l’opinion juridique des tribunaux de différents États, il est nécessaire d’examiner d’autres éléments pour établir au‑delà de tout doute l’existence d’une règle coutumière de droit international. Il convient notamment d’examiner le comportement des États, prenant la forme d’accords relatifs à des traités internationaux dont la portée va au‑delà de l’objet qu’ils visent à atteindre, de résolutions adoptées par d’importantes instances intergouvernementales comme l’Organisation des Nations Unies, et se traduisant également par la mise en œuvre par les États de lois nationales spécifiques et de décisions rendues par les tribunaux nationaux. La Chambre d’appel procédera à cet examen dans les paragraphes suivants.

133 Argentine, Cour suprême, affaire Enrique Lautaro Arancibia Clavel, n°. 259 (2004), 24 août 2004 (Boggiano, J., opinion conforme à l’arrêt). Après avoir qualifié le terrorisme de « crime de droit des gens », le Juge Boggiano a écrit:

« [traduction] Le terrorisme implique la commission d’actes cruels sur des personnes innocentes et sans défense, qui entraîne inutilement de la souffrance et des dangers dans les vies de la population civile. Il s’agit d’un système de renversement de l’ordre et de la sécurité publics qui, même si la commission de certains actes isolés peut être attachée à un État particulier, a récemment ignoré les frontières territoriales de l’État concerné, constituant ainsi une menace grave contre la paix et la sécurité internationales. C’est pourquoi la poursuite des auteurs d’actes terroristes n’est pas uniquement dans l’intérêt de l’État directement touché, mais vise, en fin de compte, toutes les nations civilisées, qui sont par conséquent tenues de coopérer à la lutte globale contre le terrorisme, en adoptant des traités internationaux et en coordonnant leurs lois nationales pour permettre que ladite lutte soit plus efficace. [...] D’un autre côté, le droit international coutumier et le droit conventionnel rappellent que la coopération internationale est nécessaire pour la répression du terrorisme, ainsi que de tout attaque systématique contre une population civile sans défense. » (p. 51 et 52, par. 21 et 22 de la version sont dispose le TSL).

134 Même si la Cour a évité le terme « terrorisme », elle a soutenu qu’« à la lumière de la condamnation internationale des attentats suicides organisés et systématiques et d’autres actes meurtriers visant à intimider une population civile, la présente Cour estime qu’un tel comportement porte atteinte à une norme de droit international établie ». Almog v. Arab Bank, 471 F. Supp. 2d 257, 284 (E.D.N.Y. 2007) [non souligné dans l’original]. Voir également l’affaire ÉtatsUnis c. Yunis, 924 F.2d 1086 (D.C. Cir. 1991), dans laquelle la Cour d’appel du circuit du District of Columbia a fait observer :

« [traduction] La compétence n’est pas exclue par les normes du droit international coutumier. […] Conformément au principe universel, les États peuvent poursuivre « certaines infractions reconnues par la communauté des nations comme étant d’intérêt universel, telles que la contrefaçon, le commerce d’esclaves, les attaques ou les détournements d’avions, le génocide, les crimes de guerre et sans doute certains actes terroristes », même en l’absence de tout lien entre l’état et l’infraction ».

Ibid. p 1091 [non souligné dans l’original] (citant le nouvel énoncé (troisième) de la loi intitulée Foreign Relations Law of the United States, par. 404, 423 (1987)).

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88. Elle examinera dans un premier temps les instruments internationaux et multilatéraux qui prévoient une définition du crime de terrorisme international. De nombreux traités régionaux ont qualifié le terrorisme d’actes criminels visant à semer la terreur parmi la population ou à contraindre une autorité à accomplir certains actes135. Selon le même raisonnement, les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies ont, depuis 1994, souligné que les « actes criminels qui, à des fins politiques, sont conçus ou calculés pour provoquer la terreur dans le public, un groupe de personnes ou chez des particuliers sont injustifiables en toutes circonstances136 ». De même, le Conseil de sécurité, se prononçant à l’unanimité

135 conseil de l’union européenne, Décision‑cadre 2002/475/JHA relative à la lutte contre le terrorisme, art. 1 à 4, Journal officiel n° L 164 (2002) 3, 4 et 5 ; Organisation de l’unité africaine, Convention sur la Prévention et la Lutte contre le Terrorisme, 14 juillet 1999, 2219 RTNU 179, art. 1 et 3 ; Organisation de la conférence islamique, Convention de l’Organisation de la Conférence islamique pour combattre le terrorisme international (« la Convention de la Conférence islamique »), 1er juillet 1999, Res. 59/26‑P, Annexe, art. 1 (disponible à http://www.oic‑oci.org/french/conventions/terrorism.htm) ; communauté des États indépendants, Traité sur la coopération à la lutte contre le terrorisme entre États membres de al Communauté des États indépendants, 4 juin 1999, art. 1 (disponible en anglais à http://treaties.un.org/doc/db/Terrorism/csi‑english.pdf) ; ligue des États arabes, Convention arabe sur la répression du terrorisme (« la Convention arabe »), 22 avril 1998, art. 2 et 3 (disponible en anglais à https://www.unodc.org/tldb/pdf/conv_arab_terrorism.en.pdf) ; communauté Économique et Monétaire de l’Afrique centrale, Convention relative à la lute contre le terrorisme en Afrique Centrale (« la Convention CEMAC »), 5 février 2005, Règlement No 08/05‑OEAC‑057‑CM‑13, art. 1(2) (disponible à https://www.unodc.org/tldb/pdf/cemac_regl_lutte_terr_2005.doc) ; conseil de coopération des États arabes du Golfe, Convention du Conseil de coopération des États arabes du Golfe sur la lutte contre le terrorisme (« la Convention du CCEAG »), 4 mai 2004, art. 1 (disponible à https://www.unodc.org/tldb/pdf/conv_gcc_fr.doc) ; Organisation de coopération de shanghai, Convention de Shanghai sur la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme (« la Convention de Shanghai »), 15 juin 2001, art. 1 (disponible en anglais à http://www.sectsco.org/EN/show.asp?id=68). Voir également conseil de l’europe, Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (« la Convention du Conseil de l’Europe »), 15 mai 2005, art. 1 (disponible à http://conventions.coe.int/Treaty/fr/treaties/html/196.htm), dont le préambule fait observer que « les actes de terrorisme, par leur nature ou leur contexte, visent à intimider gravement une population, ou à contraindre indûment un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou à gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale ».La Convention de l’Association sud‑asiatique de coopération régionale sur la répression du terrorisme comprend une définition du terrorisme légèrement différente, en ce sens qu’elle se limite à certains actes criminels violents « lorsqu’ils sont utilisés comme moyen de commettre des violences systématiques entraînant la mort ou des blessures physiques graves d’individus ou de graves préjudices matériels » (traduction non officielle). AscR, Convention régionale sur la répression du terrorisme, 4 novembre 1987, art. I (disponible en anglais à http://treaties.un.org/doc/db/Terrorism/Conv18‑english.pdf). Cependant, le protocole additionnel à cette Convention (entré en vigueur le 12 janvier 2006) suit davantage la définition utilisée dans d’autres conventions et exige une intention spécifique d’intimider une population ou de contraindre une autorité à accomplir certains actes. AscR, Protocole additionnel à la Convention régionale de l’ASCR sur la répression du terrorisme, 6 janvier 2006, art. 3 (disponible en anglais à https://www.unodc.org/tldb/pdf/SAARC_ADDITIONAL_PROTOCOL_2004.pdf).

136 A/RES/49/60 Annexe (1994), par. 3 [non souligné dans l’original] ; voir également A/RES/64/118 (2009), par. 4 ; A/RES/63/129 (2008), par. 4 ; A/RES/62/71 (2007), par. 4 ; A/RES/61/40 (2006), par. 4 ; A/RES/60/43

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en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, a « rappel[é] » dans sa résolution 1566, adoptée en 2004, que :

« les actes criminels, notamment ceux dirigés contre des civils dans l’intention de causer la mort ou des blessures graves ou la prise d’otages dans le but de semer la terreur parmi la population, un groupe de personnes ou chez des particuliers, d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire, qui sont visés et érigés en infractions dans les conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme, ne sauraient en aucune circonstance être justifiés […]137. ».

Une définition semblable a été largement approuvée par le Comité spécial chargé de rédiger une Convention générale sur le terrorisme138. Pour le moment, la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, adoptée en 1999 (« la Convention pour la répression du financement »), fournit la définition du terrorisme la plus claire de l’ONU, laquelle comprend les éléments suivants : i) un acte criminel ii) visant à intimider une population ou à contraindre une autorité à accomplir un

(2005), par. 2 ; A/RES/59/46 (2004), par. 2 ; A/RES/58/81 (2003), par. 2 ; A/RES/57/27 (2002), par. 2 ; A/RES/56/88 (2001), par. 2 ; A/RES/55/158 (2000), par. 2 ; A/RES/54/110 (1999), par. 2 ; A/RES/53/108 (1998), par. 2 ; A/RES/52/165 (1997), par. 2 ; A/RES/51/210 (1996), par. 2 ; A/RES/50/53 (1995), par. 2.

137 S/RES/1566 (2004), par. 3 [non souligné dans l’original]. Le fait que le Conseil de sécurité utilise le verbe « rappeler » suggère que cette définition existe déjà ailleurs en droit international. Cependant, le Conseil de sécurité a limité cette référence particulière aux actes déjà punis conformément aux conventions internationales énumérées ci‑dessous (voir notes de bas de page 141 à 143).

138 En 2002, le coordonnateur de la Convention générale sur le terrorisme a proposé la définition suivante du terrorisme (qui a été jugée « acceptable » par les délégués qui se sont prononcés sur la question l’année suivante, à savoir 2003 ; voir le Rapport du Comité spécial créé par la résolution 51/210 de l’Assemblée générale, A/58/37 (2003), p. 9) :

« 1. Commet une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui, par tout moyen, cause illicitement et intentionnellement :a) La mort de quiconque ou des blessures graves à quiconque ; ou b) D’importants dommages à un bien public ou privé, notamment un lieu public, une installation d’État ou publique, un système de transport public, une infrastructure ou l’environnement ; ou c) Des dommages aux biens, lieux, installations ou systèmes mentionnés à l’alinéa b) du paragraphe 1 du présent article, qui entraînent ou risquent d’entraîner des pertes économiques considérables, lorsque le comportement incriminé, par sa nature ou son contexte, a pour but d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou à ne pas faire quelque chose.2. Commet également une infraction quiconque menace sérieusement et de manière établie de commettre une infraction visée au paragraphe 1 du présent article ».

Voir le Rapport du Comité spécial créé par la résolution 51/210 de l’Assemblée générale, A/57/37 (2002), p. 7 [non souligné dans l’original].

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acte ou à s’abstenir de le faire, et se limite aux crimes impliquant iii) un élément d’extranéité139.

89. La Convention pour la répression du financement et la plupart des conventions régionales et multilatérales relatives au terrorisme inscrivent dans leur définition du terrorisme les infractions spécifiques érigées en crime, telles qu’elles figurent dans la longue liste de conventions sur le terrorisme140. Parmi les infractions terroristes érigées en crime figurent la prise d’otages141, le détournement d’avions142,

139 Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (« la Convention pour la répression du financement »), 9 décembre 1999, 2178 RTNU. 197, art. 2(1)(b) et 3. Voir également l’affaire Bouyahia Maher Ben Abdelaziz et consorts, dans laquelle la Cour suprême de cassation italienne a fait observer :

En raison des désaccords de longue date parmi les États membres des Nations Unies concernant les actes terroristes perpétrés pendant les guerres de libération et les luttes armées pour l’auto‑détermination, il n’existe pas de convention générale sur le terrorisme. Cela étant dit, il convient de noter que les termes de la Convention de 1999 [pour la répression du financement du terrorisme] sont tellement larges qu’ils peuvent être considérés comme fournissant une définition générale pouvant s’appliquer à la fois en temps de paix et en temps de guerre.

Cass. pénal., sez. I, 17 janvier 2007, n. 1072, par. 2.1 (traduction non officielle du TSL).

140 Voir, par exemple, la Convention pour la répression du financement, art. 2(1)(a) ; Organisation de coopération économique de la mer noire, Protocole additionnel sur la lutte contre le terrorisme à l’Accord entre les gouvernements des États participant à la coopération économique de la mer Noire relatif à la coopération en matière de lutte contre le crime, en particulier dans ses formes organisées (« la Convention sur le terrorisme de l’OCEMN »), 3 décembre 2004, art. 1 (disponible en anglais à http://www.bsec‑organization.org/documents/LegalDocuments/agreementmous/agr3/Pages/agr3.aspx) ; La Convention du Conseil de l’Europe, art. 1; la Convention CEMAC, art. 2 ; la Convention du CCEAG, art. 1 ; la Convention de Shanghai, art. 1 ; Organisation des États Américains, Convention interaméricaine contre le terrorisme, 3 juin 2002, art. 2 (disponible à http://www.cicte.oas.org/Rev/en/Documents/Conventions/AG%20RES%201840%202002%20francais.pdf); la Convention de la Conférence islamique, art. 1(4) ; la Convention arabe, art. 3 ; voir également l’Association des nations de l’Asie du sudest, Convention sur la lutte contre le terrorisme, 30 janvier 2007, art. II (disponible en anglais à http://www.aseansec.org/19250.htm) (pas encore en vigueur).

141 Convention internationale contre la prise d’otages, 17 décembre 1979, 1316 RTNU 206.

142 Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (« la Convention de Montréal »), 23 septembre 1971, 974 RTNU 184 ; Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs (« la Convention de La Haye »), 16 décembre 1970, 860 RTNU 111 ; Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs (« la Convention de Tokyo »), 14 septembre 1963, 704 RTNU 221. Le 10 septembre 2010, l’Organisation de l’aviation civile internationale a adopté deux nouvelles conventions relatives au détournement d’avions : la Convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale, qui remplacera la Convention de Montréal, et le Protocole complémentaire à la Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, qui portera amendement de la Convention de La Haye. La Convention et le Protocole de 2010 sont actuellement ouverts à la signature et ne sont pas encore entrés en vigueur. Les nouveaux traités, ainsi que les documents supplémentaires relatifs à la Conférence de Beijing, au cours de laquelle ils ont été adoptés (disponible à http://www.icao.int/DCAS2010/), prévoient de nouvelles infractions, une compétence élargie et des outils plus efficaces en matière d’extradition et d’assistance mutuelle.

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Droit applicable

et les infractions contre les représentants diplomatiques143. En raison des intérêts politiques en jeu à l’époque de leur rédaction, les premières conventions portent uniquement sur un comportement particulier qui est universellement condamné sans qu’une intention particulière soit nécessaire (par exemple, semer la terreur ou contraindre)144. L’élément intentionnel a cependant été précisé dans les conventions les plus récentes145. En outre, toutes ces conventions exigent également, en ce qui concerne le crime, – à travers la définition de l’élément objectif (actus reus) d’un crime ou une disposition supplémentaire – un élément d’extranéité146. En effet, les trois conventions internationales les plus récentes contiennent le même article 3, aux termes duquel :

« La présente Convention ne s’applique pas lorsque l’infraction est commise à l’intérieur d’un seul État, que l’auteur présumé et les victimes de l’infraction sont des nationaux de cet État, que l’auteur présumé de l’infraction se trouve sur le territoire de cet État, et qu’aucun autre État n’a de raison [en vertu de dispositions ultérieures de la présente Convention] d’établir sa compétence […]147 ».

143 Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques (« la Convention de New York »), 14 décembre 1973, 1035 RTNU. 172. Parmi les autres conventions en la matière figurent la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (« la Convention sur le terrorisme nucléaire »), 14 septembre 2005, 2445 RTNU 89 ; la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif (« la Convention sur les attentats terroristes à l’explosif »), 12 janvier 1998, 2149 RTNU 256 ; la Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (« la Convention sur la navigation maritime »), 10 mars 1988, 1678 RTNU 235 ; le Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées sur le plateau continental, 10 mars 1988, 1678 RTNU 310 ; et le Protocole pour la répression d’actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale, 24 février 1988, 1489 RTNU 478.

144 Cependant, voir la Convention internationale contre la prise d’otages, selon laquelle il y a infraction de prise d’otages dès lors qu’un individu s’empare d’une personne ou la détient « afin de contraindre une tierce partie, à savoir un État, une organisation internationale intergouvernementale, une personne physique ou morale ou un groupe de personnes, à accomplir un acte quelconque ou à s’en abstenir en tant que condition explicite ou implicite de la libération de l’otage ». Convention internationale contre la prise d’otages, art. 11 [non souligné dans l’original].

145 Convention sur le terrorisme nucléaire, art. 2 ; Convention pour la répression du financement, art. 2 b).

146 Voir par exemple la Convention de Tokyo, art. 1 2) ; la Convention de Montréal, art. 4 ; la Convention de New York, art. 1 et 2 ; la Convention internationale contre la prise d’otages, art. 13 ; la Convention sur la navigation maritime, art. 4 ; la Convention sur les attentats terroristes à l’explosif, art. 3.

147 La Convention sur les attentats terroristes à l’explosif, art. 3 ; voir également la Convention sur le terrorisme nucléaire, art. 3 ; la Convention pour la répression du financement, art 3.

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Droit applicable

Il convient de souligner que le critère tenant à la présence d’un élément transfrontalier ne vise pas la définition du terrorisme mais la nature internationale, et non pas interne, de ce dernier. Les deux éléments i) d’acte criminel et ii) d’intention d’intimider une population ou de contraindre une autorité à accomplir un acte ou à s’abstenir de l’accomplir s’appliquent à la fois au terrorisme national et international.

90. Concernant cet élément d’extranéité, il s’agira généralement d’un lien entre des auteurs, des victimes ou des moyens utilisés se trouvant dans au moins deux pays, mais il peut également s’agir des conséquences qu’un acte terroriste commis dans un pays peut avoir au sein d’un autre pays, à savoir lorsque l’on peut prévoir qu’une attaque terroriste programmée et exécutée dans un pays menacera la paix et la sécurité internationales, au moins dans les pays voisins148. La nécessité d’un élément d’extranéité permet d’exclure de la définition du terrorisme international les crimes qui, par leur planification, leur exécution et les conséquences directes qu’elles emportent, sont purement internes149. Cependant, ces crimes internes peuvent être de la même gravité en termes de pertes humaines et de destruction sociale. Laisser de côté l’élément d’extranéité, dans le cas d’un crime interne de terrorisme, tel que défini dans les codes pénaux de la plupart des pays, ne modifie en rien l’ensemble des traits communs qui caractérisent le concept de terrorisme en droit international pénal et en droit pénal national. L’absence d’extranéité permet aux États de mettre en œuvre des pouvoirs d’enquête renforcés, des mécanismes de dissuasion, des sanctions et une condamnation publique allant de pair avec les actes dits « terroristes » en cas de crimes graves sans liens internationaux ou sans conséquences s’étendant à d’autres pays.

91. Cependant, l’élément d’extranéité mis à part, les législations nationales définissent généralement le terrorisme en termes semblables, voire identiques, à ceux employés dans les instruments internationaux examinés plus haut. Des législations nationales uniformes constituent une autre source de droit importante qui témoigne

148 Voir, par exemple, la Cour d’appel du Royaume‑Uni, Al-Sirri c. Secretary of State for the Home Department, [2009] EWCA Civ 364, par. 51, qui a qualifié d’élément transnational « l’utilisation d’une zone de sécurité dans un État pour déstabiliser le gouvernement d’un autre État en ayant recours à la violence ».

149 Par exemple, l’attentat à Oklahoma City en 1995, plusieurs attentats perpétrés par l’ETA en Espagne, et les Brigades rouges (Brigate Rosse) en Italie dans les années 1980.

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Droit applicable

de l’émergence d’une règle coutumière. Le TPIY, pour arrêter la définition du viol applicable, a conclu ce qui suit : « il faut rechercher des principes du droit pénal communs aux grands systèmes juridiques. On peut, avec toute la prudence nécessaire, dégager ces principes du droit interne »150. La procédure à suivre est exposée dans les jugements rendus par le TPIY dans le cadre des affaires Furundžija et Kunarac : on ne peut se limiter à un seul système juridique national comme, par exemple, celui d’un pays relevant de la common law ou de tradition civiliste151, et faire abstraction de l’autre, même si l’élaboration d’une norme commune n’implique pas une étude approfondie de tous les systèmes juridiques du monde152. Il est important d’éviter « une introduction ou une transposition mécanique » du droit interne dans les procédures pénales internationales153. Tel que l’a fait observer à juste titre Dionisio Anzilotti, théoricien éminent du droit international, « les règles qui garantissent un certain comportement de la part d’un État envers les autres États et qui ne sont pas fondées sur les intérêts particuliers dudit État (en règle générale, un État ne fait vis‑à‑vis des autres États que ce qui est strictement nécessaire, à moins qu’il n’en retire un avantage) » constituent « un indice précieux sur l’existence d’une règle coutumière ». Cependant, la simple existence de lois cohérentes ne prouve pas l’existence d’une règle coutumière, « dans la mesure où elle peut découler d’un point de vue identique librement exprimé par les États, mais qui peut changer à tout moment »154. Ainsi,

150 TPIY, Furundžija, Jugement, 10 décembre 1998 (« Jugement Furundžija »), par. 177.

151 TPIY, Jugement Furundžija, par. 178 ; TPIY, Kunarac et consorts, Jugement, 22 février 2001, par. 439.

152 Voir TPIY, Erdemović, arrêt, opinion individuelle des Juges McDonald et Vohrah, 7 octobre 1997, par. 57 (« [I]l est généralement admis que l’élaboration d’un principe général de droit reconnu par les nations civilisées ne requiert pas l’examen exhaustif de tous les systèmes juridiques de la planète. Ce serait pratiquement impossible et la Cour internationale de justice, à l’instar des autres tribunaux internationaux qui ont eu recours à l’article 38, paragraphe 1 c), du Statut de la C.I.J., n’a jamais adopté une telle pratique ») ; ibid., opinion individuelle du Juge Stephen, par. 25 (« [I]l n’est pas nécessaire qu’un principe particulier soit universellement accepté par chaque nation appliquant les grands systèmes juridiques pour qu’une lacune soit comblée »).

153 Jugement Furundžija, par. 178 ; Voir également TPIY, Erdemović, Arrêt, opinion individuelle et dissidente du Juge Cassese, 7 octobre 1997, par. 2 à 6.

154 D. Anzilotti, Corso di diritto internazionale, Vol. I, 4è éd. (Padoue : CEDAM 1955), p. 100 ; pour la traduction française officielle, voir D. Anzilotti, Cours de Droit International, Vol. I, 3è éd. (trad. G. Gidel) (Paris: Recueil Sirey, 1929), p. 108. Comme l’a énoncé un autre grand maître du droit international : « Le droit international coutumier se concrétise souvent sous forme de normes du droit interne. Le droit de la haute mer, celui de la mer territoriale et en particulier celui des ports maritimes a ses origines dans des règles de droit interne ». P. Guggenheim, Traité de droit international public, tome I, Genève, Librairie de l’Université, Georg & Cie S. A., 1953, p. 51.

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par exemple, le fait que tous les États du monde sanctionnent le meurtre dans leur législation ne signifie pas que le meurtre soit devenu un crime international. Pour être érigée en crime international, une infraction nationale doit être considérée par la communauté internationale comme une atteinte à des valeurs universelles (telles que la paix ou les droits de l’homme) ou aux valeurs jugées fondamentales au sein de cette communauté ; il est en outre nécessaire que les États et les organisations intergouvernementales, à travers leurs actes et leurs décisions, condamnent l’attitude en question, en faisant valoir que la communauté internationale estime que cette infraction équivaut à un crime international.

92. Au cas particulier, il y a plus qu’une simple similitude entre législations. Le Conseil de sécurité, agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, a ordonné aux États membres d’adopter des lois interdisant le terrorisme et les crimes s’y rapportant (tels que le financement du terrorisme ou l’incitation au terrorisme), de ratifier les dernières conventions de lutte contre le terrorisme et de faire régulièrement rapport au Comité contre le terrorisme, institué par le Conseil, sur les mesures prises pour rendre les lois internes conformes aux normes internationales en la matière155. Au cours des dix dernières années, de nombreux États ont rendu compte au Comité contre le terrorisme non seulement des résultats positifs dont ils pouvaient faire état à cet égard mais également que, selon eux, le terrorisme constitue un crime international et/ou qu’ils alignent de plus en plus leur législation sur les normes internationales156. Le fait que le point de vue adopté dans les lois en question soit

155 Voir S/RES/1373 (2001), dans laquelle le Conseil de sécurité a demandé aux États de « collaborer d’urgence pour prévenir et réprimer les actes de terrorisme, notamment par une coopération accrue et l’application intégrale des conventions internationales relatives au terrorisme » et a décidé que les États doivent « [p]rendre les mesures voulues pour empêcher que des actes de terrorisme ne soient commis » et « [v]eiller à ce que toutes personnes qui participent au financement, à l’organisation, à la préparation ou la perpétration d’actes de terrorisme ou qui y apportent un appui soient traduites en justice, à ce que, outre les mesures qui pourraient être prises contre ces personnes, ces actes de terrorisme soient érigés en infractions graves dans la législation et la réglementation nationales et à ce que la peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes ». Voir également S/RES/1624 (2005), par. 5.

156 L’Égypte a indiqué qu’elle considérait le terrorisme, tel que défini dans les accords internationaux en vigueur en Égypte, comme un crime semblable aux crimes de guerre et au génocide, à savoir un crime international. Voir le Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Égypte), 23 mai 2006, S/2006/351, p. 5. La jordanie a explicitement déclaré que sa définition du terrorisme avait été amendée en 2001 afin de se conformer à la Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité. Voir le Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Jordanie), 24 mars 2006 S/2006/212, p. 11. La Tunisie a mentionné ses efforts en vue de « s’intégrer au régime mondial qui vise à lutter contre [le terrorisme] et à appuyer les efforts que déploie la communauté internationale

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uniforme et ne dépende pas d’intérêts nationaux de caractère temporaire démontre l’existence d’un point de vue largement commun sur le terrorisme.

93. Parmi les éléments communs des législations nationales définissant le terrorisme figure, l’utilisation d’actes criminels visant à terroriser ou à intimider des populations, à contraindre des autorités gouvernementales à accomplir certains actes, ou à perturber ou déstabiliser les structures sociales ou politiques. À titre d’exemple, au sein des pays qui ont ratifié la Convention arabe pour la répression du terrorisme, certaines lois érigent en crimes i) les infractions qui ii) menacent l’ordre social et iii) répandent la peur parmi la population, causent des préjudices à celle‑ci ou portent atteinte aux biens et infrastructures d’une façon qui cause du tort à la société.

dans ce domaine ». Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Tunisie), 4 février 2005, S/2005/194, p. 3. L’iran a annoncé que « le Gouvernement iranien accorde une grande importance à l’application des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, en particulier la résolution 1373 (2001) ». Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Iran), 27 décembre 2001, S/2001/1332, p. 3. Le Brésil a toujours cherché « à mettre systématiquement sa législation en harmonie avec les résolutions de l’Assemblée générale du Conseil de sécurité des Nations Unies sur [le terrorisme] » et a pris « les mesures nécessaires pour que le Brésil soit partie à tous les traités internationaux relatifs au terrorisme ». Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Brésil), 26 décembre 2001, S/2001/1285, p. 4. l’Afrique du sud a explicitement cherché à adapter sa législation nationale aux conventions et obligations internationales applicables à la communauté des nations lorsqu’elle a adopté une nouvelle loi relative au terrorisme en 2004. Aux termes du préambule de cette loi (Protection of Constitutional Democracy Against Terrorist and Related Activities Act 33 of 2004) : « Même si nos lois nationales ne répondent pas à tous les critères internationaux relatifs à la prévention et à la répression des activités terroristes […] nous sommes conscients de l’importance de promulguer des lois nationales de mise en œuvre des dispositions des instruments internationaux relatifs au terrorisme […] ». De même, lorsqu’elle a adopté la loi sur la répression du terrorisme en 2002 (Terrorism Suppression Act of 2002), la nouvelle Zélande a cherché à adapter sa loi sur le terrorisme aux normes internationales, en particulier aux conventions des Nations Unies et à la Résolution 1373. Voir R. Young, “Defining Terrorism: The Evolution of Terrorism as a Legal Concept in International Law and Its Influence on Definitions in Domestic Legislation”, 29 Boston College Int’l & Comp. L. Rev. (2006) 23, p. 83‑85.

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Droit applicable

Parmi ces pays figurent la Jordanie157, l’Irak158, les Émirats arabes unis159,

157 jordanie : le terrorisme, érigé en crime à l’article 148 du Code pénal, est défini à l’article 147(1) comme suit :[L]’utilisation de la violence ou de la menace de violence, indépendamment de ses motifs et objectifs, pour exécuter un acte individuel ou collectif visant à perturber l’ordre public ou à menacer la sécurité publique en prenant le risque de propager la panique ou la terreur au sein de la population, de mettre leurs vies et leur sécurité en danger, ou de provoquer des dommages à l’environnement, à des équipements ou des biens publics, à des propriétés privées, à des équipements internationaux ou à des missions diplomatiques, ou en vue d’occuper ou de s’emparer de telles installations, menaçant les ressources nationales ou empêchant l’application des dispositions de la Constitution et des lois.

En outre, la Loi Anti‑terrorisme n°55 de 2006, Gazette officielle n°4790, p. 4264, 1er novembre 2006, qualifie le terrorisme de crime et le définit comme suit :

[T]out acte intentionnel, commis par tous moyens qui cause la mort ou des blessures physiques à une personne ou qui détériore des biens publics ou privés, des moyens de transports, des infrastructures, des équipements internationaux ou des missions diplomatiques et visant à perturber l’ordre public, à menacer la sécurité publique, à interrompre l’application des dispositions de la Constitution et des lois, qui porte atteinte à la politique de l’État ou du gouvernement ou qui les contraint à accomplir un acte ou à s’abstenir de l’accomplir, ou qui compromet la sécurité nationale en utilisant la menace, l’intimidation ou la violence.

Ibid., art. 2 et 3. (Traductions anglaises disponibles sur le site de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, base de données des législations anti‑terrorisme, https://www.unodc.org/tldb/laws_legislative_database.html (« Base de données de l’UNODC »)).

158 irak : l’article premier de la Loi n° 13 de 2005 sur la lutte contre le terrorisme définit le terrorisme comme étant « tout acte criminel commis par un individu, un groupement, un groupe d’individus ou des entités ou groupements officiels ou officieux et causant des dégâts à des biens publics ou privés en vue de porter atteinte à la sécurité, à la stabilité ou à l’unité nationale, de semer la crainte, la peur ou la terreur parmi la population ou de créer le chaos à des fins terroristes ». L’article 2 qualifie d’actes terroristes :

1) Tout acte de violence ou toute menace s’inscrivant dans le cadre d’un projet terroriste mis au point par une personne ou un groupe, quelle que soit sa motivation, et visant à terroriser des personnes, à menacer leur vie, leurs libertés ou leur sécurité ou à porter atteinte à leurs capitaux ou à leurs biens ; 2) Tout acte de violence ou toute menace visant à endommager ou détruire des installations, des bâtiments ou des biens publics ou privés, des équipements collectifs ou des lieux publics destinés à accueillir des rassemblements ou des réunions de population, ou visant à s’approprier des fonds publics ou à les détourner des fins auxquelles elles avaient été affectées, et ce, dans le but de porter atteinte à la sécurité et à la stabilité ; 3) Tout acte consistant à organiser, administrer ou diriger un groupe armé planifiant ou exécutant des opérations terroristes, ainsi que toute participation à de tels actes ; 4) Tout acte de violence ou toute menace visant à créer des dissensions confessionnelles ou à provoquer une guerre civile ou des meurtres interconfessionnels, notamment la fourniture d’armes à la population, l’incitation à porter des armes ou la mise à disposition de fonds aux fins d’armement ; 5) Toute agression au moyen d’armes ou d’agents biologiques ou de matières apparentées, de matières radioactives ou de toxines ; 6) L’enlèvement ou la détention de personnes ou tout autre acte privatif de liberté ayant pour objet d’obtenir une rançon, dicté par des considérations politiques, confessionnelles, nationales, religieuses ou raciales et susceptibles de porter atteinte à la sécurité et à l’unité nationales et d’encourager le terrorisme.

Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Irak), 19 avril 2006, S/2006/280, p. 5.

159 les Émirats arabes unis : le Décret‑loi fédéral n° 1 de 2004 sur la lutte contre les infractions terroristes définit le terrorisme comme suit (article 2) :

[T]out acte ou toute omission commis par l’auteur de l’infraction, individuellement ou collectivement, dans un but criminel et avec l’intention de semer la terreur parmi la population, qui porte atteinte à l’ordre public ou menace la sécurité de la société, blesse des personnes ou met en danger leurs vies, leurs libertés, leur sécurité afin de menacer des rois, des chefs d’États et de gouvernements, des ministres et les membres de leurs familles, ou tout représentant d’un État, d’une organisation internationale ou intergouvernementale et les membres de sa famille faisant partie de son foyer et bénéficiant conformément au droit international d’une protection, ou qui détériore l’environnement,

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Droit applicable

l’Égypte160 et la Tunisie161. Les États membres de l’Union européenne ont introduit dans leur législation la définition figurant dans la décision‑cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme, laquelle précise que certains actes criminels sont considérés comme des infractions terroristes dès lors qu’ils « peuvent porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale » et « lorsque l’auteur les commet dans le but de : i) gravement intimider une population, ou ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou une organisation internationale ». Comme l’indique le rapport de l’Institute for Criminal Law and Justice, la Suède162, la

ou tout bien public ou privé par une occupation ou un capture, ou qui menace les ressources naturelles.(Traduction anglaise disponible dans la Base de données de l’UNODC)

160 Égypte : l’article 86 du Code pénal définit le terrorisme comme suit : [T]out usage de la force, de la violence, de la menace ou de la terreur, auquel un criminel a recours dans le cadre de l’exécution d’un crime individuel ou collectif, en vue de perturber l’ordre public ou de menacer la sécurité d’une société, en prenant le risque de blesser des personnes, de les terroriser, de mettre en danger leur vie, leur liberté ou leur sécurité, de détériore l’environnement, le système de communication, les transports, des biens et des fonds, des bâtiments, des biens publics ou privés en les occupant ou en s’en emparant, empêchant ainsi le travail des autorités publiques, un lieu de culte ou des institutions éducatives, interrompant l’application de la constitution, des lois ou statuts.

(Traduction anglaise disponible dans la Base de données de l’UNODC). La loi égyptienne ne porterait pas uniquement sur l’incrimination des actes de terrorisme commis en Égypte ou visant directement des Égyptiens, mais concernerait également les actes de terrorisme commis partout ailleurs, indépendamment de la nationalité des victimes.

161 Tunisie : aux termes de l’article 4 de la Loi 2003‑75 contre le terrorisme et le blanchiment d’argent, 10 décembre 2003 :

Est qualifiée de terroriste, toute infraction quels qu’en soient les mobiles, en relation avec une entreprise individuelle ou collective susceptible de terroriser une personne ou un groupe de personnes, de semer la terreur parmi la population, dans le dessein d’influencer la politique de l’État et de le contraindre à faire ce qu’il n’est pas tenu de faire ou à s’abstenir de faire ce qu’il est tenu de faire, de troubler l’ordre public, la paix ou la sécurité internationale, de porter atteinte aux personnes ou aux biens, de causer un dommage aux édifices abritant des missions diplomatiques, consulaires ou des organisations internationales, de causer un préjudice grave à l’environnement, de nature à mettre en danger la vie des habitants ou leur santé, ou de porter préjudice aux ressources vitales, aux infrastructures, aux moyens de transport et de communication, aux systèmes informatiques ou aux services publics.”

Concernant les engagements de la Tunisie visant à actualiser sa législation relative au terrorisme conformément aux obligations internationales, voir le Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Tunisie), 26 décembre 2001, S/2001/1316, p. 11.

162 suède : loi (2003:148) sur le crime de terrorisme.

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Droit applicable

Belgique163, l’Allemagne164, l’Autriche165 et les Pays-Bas166, entre autres, ont intégré cette définition, quasiment in extenso, dans leur législation ; le Code pénal français qualifie plus succinctement d’infractions terroristes certains actes criminels visant à troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur167. Dans le même ordre d’idées, en 1993, la Finlande a érigé en crimes une série d’actes criminels lorsque l’auteur les commet « avec une intention terroriste et d’une manière susceptible de porter gravement atteinte à un État ou à une organisation internationale168 ».

94. La définition adoptée par le Royaume‑Uni comprend l’élément subjectif de l’intention de contraindre une autorité gouvernementale à accomplir un acte ou d’intimider une population, mais elle exige également un objectif politique, religieux, racial ou idéologique169. En Australie170, en Nouvelle Zélande171, au Canada172 et

163 Belgique : voir l’article 137, par. 1 du Code pénal.

164 Allemagne : Strafgesetzbuch [StGB] [Code pénal] 4 juillet 2009, Bundesgesetzblatt [Gazette des lois fédérales] I 3322, amendé, s. 129(a), par. 2.

165 Autriche : voir section 278c du Code pénal.

166 pays-Bas : loi sur les crimes de terrorisme, 24 juin 2004, Bulletin des lois et décrets [Stb.] 2004, 290, art. 1(D), codifié dans Wetboek van Strafrecht [Sr] [Code pénal], art. 83 et 83a.

167 France : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, les infractions suivantes : 1) les atteintes volontaires à la vie [etc.]. » Code pénal art. 421‑1.

168 Finlande : section 34a du Code pénal.

169 Royaume-uni : aux termes de la section 1 du Terrorism Act 2000, modifié par le Terrorism Act 2006 et par le Counter-Terrorism Act 2008 :

1) Dans la présente loi, « terrorisme » signifie l’utilisation ou la menace d’un acte, lorsque a) l’acte relève de la soussection 2), b) l’utilisation ou la menace vise à influencer le gouvernement ou une organisation internationale gouvernementale ou à intimider le population ou une partie de la population, et c) l’utilisation ou la menace a pour objectif de promouvoir une cause politique, religieuse, raciale ou idéologique.2) L’acte relève de la présente soussection si a) il implique des violences graves contre une personne, b) il porte gravement atteinte à des biens, c) il met en danger la vie d’une personne autre que celle qui commet l’acte, d) il engendre un risque important pour la santé ou la sécurité de la population ou d’une partie de la population, ou e) il vise à gravement entraver ou à interrompre un système électronique.3) L’utilisation ou la menace d’actes relevant de la soussection 2) qui implique l’emploi d’armes à feu ou d’explosifs sont constitutifs d’actes de terrorisme, que les critères de la sous‑section 1)b) soient ou non satisfaits. (Traduction non officielle).

170 Australie : Criminal Code Act 1995 (Cth), s. 100.1.

171 nouvelle Zélande : Terrorism Suppression Act 2002, 2002 S.N.Z. No. 34, s. 5.

172 canada : Code pénal, R.S.C., ch. C‑46, s. 83.01.

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au Pakistan173, les législations nationales adoptent une définition en grande partie analogue. De même, l’Afrique du Sud identifie des catégories spécifiques de crimes graves et les qualifie d’« activités terroristes » lorsqu’ils visent à menacer la sécurité du pays, à semer la terreur, ou à contraindre les autorités ou le public à accomplir certains actes, et lorsqu’ils sont commis, au moins en partie, pour un motif politique, religieux, idéologique ou philosophique174.

95. Les pays d’Amérique latine tels que la Colombie175, le Pérou176, le Chili177 et le Panama178 requièrent comme condition l’intention de semer la peur et l’utilisation de moyens susceptibles de provoquer des dégâts ou un danger public. Le Mexique exige l’utilisation de moyens violents disséminant la peur et une intention de menacer la sécurité nationale ou d’exercer des pressions sur les autorités gouvernementales179. L’Argentine ajoute à ces éléments la condition que l’acte criminel soit fondé sur une idéologie ethnique, religieuse ou politique ; et que son exécution intervienne à l’aide d’armes militaires, d’explosifs ou d’autres moyens menaçant la vie humaine180. En Équateur, il est nécessaire que l’acte vise à créer un état d’alarme au sein de la

173 Au Pakistan, l’introduction d’un objectif politique ou idéologique ne semble pas être un élément distinct, mais plutôt une variante de l’intention de contraindre une autorité à accomplir un acte ou de terroriser la population. Voir, pakistan, loi anti‑terrorisme de 1997, s. 6, telle que modifiée par l’ordonnance n° XXXIX de 2001, par la Loi II de 2005 et par l’Ordonnance n° XXI de 2009 ; voir également la Commission de la sécurité publique nationale, Guide anti-terroriste (Islamabad : Bureau de police nationale 2008), qui explique les derniers développements relatifs aux lois pakistanaises sur le terrorisme (disponible en anglais à https://www.unodc.org/tldb/pdf/Pakistan_Anti‑terrorism_Manual_2008.pdf).

174 Afrique du sud : Protection of Constitutional Democracy Against Terrorist and Related Activities Act 33 of 2004 s. 1(xxv).

175 colombie : article 343 du Code pénal.

176 pérou : décret‑loi n° 25475, art. 2. Voir également l’affaire Polay Campo, Sala Penal Nacional, Jugement du 21 mars 2006 (cité dans le rapport de l’Institut pour le droit pénal et la justice, note de bas de page 65), selon lequel l’intention spécifique de perturber l’ordre constitutionnel et politique au sens général est un aspect du crime en question.

177 chili : loi n° 18314, art. 1 et 2. Il est également nécessaire au Chili que l’acte de terrorisme réponde à l’intention de contraindre le gouvernement à accomplir certains actes.

178 panama : article 287 du Code pénal.

179 Mexique : Código Penal Federal [C.P.F.], amendé, Diario Oficial de la Federación [D.O.], 20 août 2009, art. 139.

180 Argentine : Código Penal, art. 213ter.

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population et qu’il soit fondé sur des motifs patriotiques, sociaux, économiques, politiques, religieux, révolutionnaires, raciaux ou locaux181.

96. Les points communs à ces définitions qui ont trait i) aux actes criminels, ii) au fait de semer la peur, et iii) au fait de contraindre illégalement le gouvernement à accomplir certains actes se retrouvent également dans les lois de pays aussi variés que les États‑Unis182, la Fédération de Russie183,

181 Équateur : articles 158, 159 et 160.1 du Code pénal.

182 États-unis : 18 U.S.C. § 2331 définit le terrorisme international comme suit :[A]ctivités qui [...] impliquent des actes violents ou des actes dangereux pour la vie humaine qui constituent une violation des lois pénales des États‑Unis ou de tout État, ou qui constituerait une violation s’ils relevaient de la compétence des États‑Unis ou de tout État ; [et] ont à première vue pour objectif i) d’intimider ou de contraindre la population civile ; ii) d’influencer la politique d’un gouvernement par l’intimidation ou la contrainte ; ou iii) d’empiéter sur le comportement d’un gouvernement en ayant recours à la destruction de masse, à des meurtres ou à des enlèvements ; et [qui] ont essentiellement lieu en dehors de la compétence territoriale des ÉtatsUnis, ou qui dépassent les frontières nationales en termes de moyens utilisés, de personnes visées par l’intimidation ou la contrainte et de local dans lequel les auteurs opèrent ou se réfugient.

(La définition du terrorisme national est la même, sauf qu’elle s’applique aux crimes qui « ont essentiellement lieu dans le cadre de la compétence territoriale des États‑Unis »). Le titre 22 du Code des États‑Unis fournit une autre définition, dans le cadre des rapports annuels sur le terrorisme élaborés par le Département d’État : « le terme “terrorisme” renvoie à la violence préméditée et fondée sur des motifs politiques, commises à l’encontre de cibles non combattantes par des groupes locaux ou des agents clandestins ».22 U.S.C. § 2656f(d)(2).

183 Fédération de Russie : aux termes de l’article 3 de la loi fédérale n° 35‑FZ du 6 mars 2006 sur la lutte contre le terrorisme :

1) le terrorisme renvoie à l’idéologie de la violence et à la pratique consistant à influencer l’adoption d’une décision par les autorités publiques, les organes de gouvernement local ou les organisations internationales, tout en terrorisant la population et/ou à toute autre forme d’actions violentes illégales ;2) l’activité terroriste renvoie aux activités consistant à : a) organiser, planifier, préparer, financer et exécuter un acte de terrorisme ; b) encourager un acte de terrorisme ; c) créer une unité armée illégale, une association criminelle (organisation criminelle) ou un groupe organisé pour exécuter un acte de terrorisme, ainsi que le fait de participer à une telle structure ; d) recruter, armer, entraîner et utiliser des terroristes ; e) fournir des informations ou aider à planifier, préparer et exécuter un acte de terrorisme, f) répandre des idées terroristes, distribuer des informations encourageant les activités terroristes, justifier la nécessité d’exercer de telles activités ;3) l’acte terroriste renvoie au fait de provoquer une explosion, un incendie, ou d’autres actions visant à terroriser la population en prenant le risque de causer des morts, d’importants dommages matériels, une catastrophe écologique, et d’entraîner toute autre conséquence particulièrement grave, en vue d’influencer illégalement l’adoption d’une décision par les autorités publiques, les organes de gouvernement local ou les organisations internationales, ainsi qu’au fait de menacer de commettre lesdites actions aux mêmes fins […].

Voir également l’article 205 du Code pénal (version 2004) : « Le terrorisme consiste à commettre une explosion, un incendie ou toute autre action menaçant la vie de personnes, entraînant des dommages matériels ou d’autres conséquences sociales dangereuses, si ces actions ont été commises en vue de porter atteinte à la sécurité publique, de terroriser la population ou d’exercer une influence sur les décisions prises par les organes gouvernementaux, et à menacer de commettre lesdites actions aux mêmes fins […] ». (Traduction anglaise disponible dans la Base de données de l’UNODC).

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l’Inde184, les Philippines185, l’Ouzbékistan186 et les Seychelles187. Il convient également de mentionner l’interdiction du terrorisme aux termes de la charia, telle que reprise notamment dans la législation de l’Arabie Saoudite188.

97. Il n’est en effet pas surprenant que ces législations, en dépit de légères

184 inde : conformément à la section 4 de la loi intitulée Unlawful Activities (Prevention) Amendment Act 2008, No. 35 :

Quiconque, […] ayant l’intention de menacer ou risquant de menacer l’unité, l’intégrité, la sécurité et la souveraineté de l’Inde ou de semer la terreur ou de risquer de la semer parmi la population en Inde ou dans tout pays étranger a) en utilisant […] tout autre moyen de quelque nature que ce soit pour provoquer ou risquer de provoquer i) la mort d’une ou de plusieurs personnes ou des blessures ; ou ii) la perte, des dommages ou la destruction de biens, ou iii) l’interruption de tout approvisionnement ou service essentiel pour la vie de la communauté en Inde ou dans tout pays étranger ; ou iv) des dommages ou la destruction de tout bien en Inde ou dans un pays étranger utilisé ou destiné à être utilisé pour la défense de l’Inde ou pour tout autre objectif du Gouvernement indien, de tout gouvernement d’état ou de leurs agences ; ou b) intimide en utilisant la force criminelle ou étale sa force criminelle ou entend le faire ou provoque la mort de tout fonctionnaire public ou entend le faire ; ou c) détient ou enlève toute personne et menace de la tuer ou de la blesser, entreprend tout autre acte visant à contraindre le Gouvernement indien, tout gouvernement d’état ou le gouvernement d’un pays étranger ou encore toute autre personne à accomplir un acte ou à s’abstenir de l’accomplir, commet un acte de terrorisme.

185 philippines : « Quiconque commet un acte condamnable conformément aux dispositions suivantes du Code pénal révisé […] permettant ainsi de semer la peur et la panique parmi la population, afin de contraindre le gouvernement à céder à une demande illégale est reconnu coupable du crime de terrorisme […] ». Human Security Act of 2007, Rep. Act No. 9372, s. 3.

186 Ouzbékistan : l’article 155 du Code pénal, amendé par la Loi de Ruz. No. 254‑II, 29 août 2001, définit le terrorisme comme suit :

[V]iolence, emploi de la force ou tout autre acte qui constitue une menace pour un individu ou un bien, ou la menace d’entreprendre de tels actes afin de contraindre un organe étatique, une organisation internationale ou ses représentants, une entité individuelle ou juridique, à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir certaines activités en vue de compliquer les relations internationales, de porter atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale, à la sécurité d’un état, de provoquer une guerre, un conflit armé, de déstabiliser la situation sociopolitique, d’intimider la population, ainsi que toute activité exécutée afin de soutenir ou de financer les opérations d’une organisation terroriste, la préparation et la commission d’actes terroristes, de fournir directement ou indirectement des ressources et d’autres services à des organisations terroristes, ou à des personnes contribuant ou participant à des activités terroristes […]. (Traduction anglaise dans la Base de données de l’UNODC).

187 seychelles : Prevention of Terrorism Act 2004, 25 juin 2004, s. 2. Dans l’affaire Republic v. Dahir (26 juillet 2010), la Cour suprême des Seychelles a succinctement résumé cette définition: « Le terrorisme implique généralement une violence systématique en vue d’influencer les gouvernements ou les organisations internationales à des fins politiques ». Ibid., par. 37 [non souligné dans l’original].

188 Arabie saoudite : voir le Rapport présenté au Comité contre le terrorisme (Arabie Saoudite), 26 décembre 2001, S/2001/1294, p. 4. Conformément à un document d’Interpol, « le Conseil des grands chefs religieux a publié une déclaration sur le terrorisme proclamant que “les effusions de sang, les atteintes à l’honneur, le vol de biens privés et publics, le bombardement d’habitations et de véhicules et la destruction d’infrastructures sont, pour tous les musulmans, légalement interdits du fait qu’ils violent le caractère sacré de ce qui est innocent, détruisent la propriété, la sécurité et la stabilité et ôtent la vie à des êtres humains paisibles, chez eux ou sur leur lieu de travail”. Selon la charia, les crimes terroristes entrent dans la catégorie des crimes d’hirabah, qui sont les plus sévèrement punis en vertu des textes du Coran ». (disponible à www.interpol.int/public/bioterrorism/nationallaws/SaudiArabia).

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variantes, qui sont la conséquence des impératifs de chaque État, reposent toutes sur un concept fondamental : le terrorisme est une action criminelle qui vise à semer la terreur ou à contraindre les autorités gouvernementales à accomplir certains actes et représente une menace pour la stabilité de la société ou de l’État. Cette notion est si profondément ancrée dans la législation de nombreux pays très différents qu’il semble justifié d’affirmer que ces pays partagent la même vision fondamentale du terrorisme et ne sont absolument pas disposés à s’en écarter.

98. La Chambre d’appel a relevé que la législation d’un certain nombre d’États de common law et d’États de tradition civiliste, ainsi que certaines conventions des Nations Unies relatives au terrorisme et le projet de Convention générale, contiennent la condition du motif politique, religieux, racial ou idéologique. Cependant, les États, dans une très grande majorité, n’ont pas encore fait leur cet élément, et cet état de choses se trouve conforté par les instruments internationaux et multilatéraux auxquels ont adhéré ces États189.

99. Enfin, il convient également de tenir compte des décisions des tribunaux nationaux pour établir l’existence d’une règle coutumière. Il est important de noter que la Cour permanente de Justice internationale, dans la célèbre affaire du Lotus, dans laquelle elle a maintenu un point de vue volontariste sur la coutume, a attaché beaucoup d’importance aux décisions de tribunaux nationaux, même si elle a conclu que, dans le cadre de l’affaire dont elle était saisie, les décisions nationales ne reflétaient pas une homogénéité de vues190. Selon la doctrine qui fait autorité, et qui repose sur une conception strictement positiviste de la coutume, il est possible de se fonder sur les « décisions nationales qui appliquent constamment certains principes visant à garantir les critères internationaux, et qui par conséquent reposent sur l’introduction de règles internationales dans les systèmes juridiques nationaux aux fins d’assurer l’exécution des obligations internationales191 ».

189 Pour davantage d’arguments, voir par. 105.

190 Affaire du « Lotus » (Turquie c. France), 1927 CPJI Série A, N°. 10, p. 28 et 29.

191 D. Anzilotti, Corso di diritto internazionale, Vol. I, 4è éd. (Padoue : CEDAM 1955), p. 100 ; pour la traduction française officielle, voir D. Anzilotti, Cours de Droit international, Vol. I, 3è éd. (trans. G. Gidel) (Paris: Recueil Sirey, 1929), p. 107 et 108.

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100. Au cours des dernières années, les tribunaux sont parvenus à des conclusions concordantes sur les éléments constitutifs du crime de terrorisme en droit international. Ils ont soit mentionné expressément une règle internationale coutumière sur ce point192, tel que cela a été relevé plus haut, soit avancé ou soutenu une définition générale du terrorisme qui est largement acceptée193. Les décisions de justice qui dénoncent au contraire l’inexistence d’une définition du terrorisme généralement acceptée se sont faites de plus en plus rares, et leur nombre diminue d’année en année194. De plus,

192 Voir les affaires examinées au par. 86, ci‑dessus. Dans l’affaire Abdelaziz en particulier, la Cour de cassation italienne a soutenu que :

« [traduction] En raison des désaccords qui se sont prolongés durant des décennies parmi les États membres des Nations Unies sur les actes terroristes perpétrés pendant les guerres et conflits armés pour l’auto‑détermination, il n’existe pas de convention mondiale sur le terrorisme. Cela dit, il faut noter que l’énoncé de la Convention de 1999, qui a été transposée en Italie par la loi n° 7 du 27 janvier 2003, est si large qu’il peut être considéré comme une définition générale, susceptible d’être appliquée en temps de paix comme en temps de guerre. Cette définition comporte tous les comportements destinés à tuer ou blesser grièvement un civil ou, en temps de guerre, « toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, » dans le but de répandre la terreur dans la population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque. Pour qu’un comportement soit qualifié « d’acte terroriste », il doit être caractérisé non seulement par l’élément objectif et l’élément subjectif, ainsi que par l’identité des victimes (civils ou personnes non engagées dans des opérations militaires), mais il est généralement entendu qu’il doit inclure également un but politique, religieux ou idéologique. Il en est ainsi en vertu de la règle de droit international coutumier consacrée par diverses résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que par la Convention de 1997 pour la répression des attentats terroristes à l’explosif ».

Cass. Crim., sez. I, 17 janvier 2007, n. 1072, au par. 2.1 (Traduction non officielle du TSL) (deuxième italique ajouté).

193 Par exemple, dans l’affaire E.H.L (arrêt du 15 février 2006), la Cour de cassation belge a précisé que les actes terroristes impliquent « « [traduction] la mise en danger intentionnelle de vies humaines par violences, destructions ou enlèvements, dans le but d’intimider gravement une population ou de contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte» (non publié, archivé au TSL, p. 4).Au Royaume-uni, Cour d’appel, Al-Sirri c. le Secrétaire d’État du Ministère de l’Intérieur, [2009] Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles (EWCA), Civ 364, le Juge d’appel Sedley a défini le terrorisme international en donnant de celui‑ci une définition fondée sur les résolutions des Nations Unies, comme étant « [traduction] l’utilisation à des fins politiques de la peur induite par la violence » ; à savoir, l’utilisation (i) d’actes violents (ii) pour répandre la terreur (iii) à des fins politiques. Il a également noté que le terrorisme International (iv) « doit avoir un caractère ou un aspect international ». Id., par. 31 et 32.

194 Il peut être également fait mention de l’ancienne affaire de Tel Oren c. la Jamahiriya arabe libyenne, où une Cour d’appel fédérale américaine a nié en 1984 l’existence d’une règle coutumière. Le Juge Bork dans son opinion conforme à l’arrêt, a fait savoir que :

« [traduction] La principale prétention des appelants, que les intimés ont violé les principes du droit international coutumier contre le terrorisme, concerne un domaine du droit international dans lequel il n’y a pas ou il y a peu de consensus et dans lequel les désaccords portent sur des questions politiquement sensibles qui constituent autant de problèmes particulièrement saillants dans les relations extérieures au Moyen‑Orient. Certains aspects du terrorisme ont fait l’objet de plusieurs conventions internationales […]. Mais aucun consensus ne s’est dessiné sur la meilleure définition du « terrorisme » en général ».

Tel-Oren c. Jamahiriya arabe libyenne, 726 F.2d 774, 806‑807 (D.C. Cir. 1984) (Bork, J., opinion conforme à

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les tribunaux se sont appliqués à retenir constamment une définition commune du terrorisme. Ils ont ainsi satisfait au critère proposé par la Cour internationale de Justice dans l’affaire Nicaragua, et sont même allés au‑delà, la haute juridiction ayant jugé que les divergences n’empêchaient pas la formation d’une règle de droit coutumier195, mais que la pratique en revanche « d[evait], en général, être fidèle à ces règles196 ». La Chambre d’appel convient que l’exigence supplémentaire d’un objectif politique, religieux, racial ou idéologique, figurant dans la législation de certains États et dans les instruments adoptés sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, constitue un défaut de cohérence dont le principe affirmé dans l’affaire du Nicaragua tient déjà compte. En effet, la jurisprudence des tribunaux nationaux qui ont eu à statuer sur le terrorisme représente quelque chose de plus qu’une simple tendance à adopter systématiquement le même point de vue sur le terrorisme. En d’autres termes, l’on n’est pas simplement confronté à une concordance de points de vue, à une pratique judiciaire constamment affirmée par les tribunaux au travers de jugements identiques ou similaires rendus à l’occasion de différends juridiques du même ordre (l’auctoritas rerum perpetuo similiter judictarum, pour citer la maxime bien connue du Digeste de Justinien197). Il est à remarquer que les décisions qui ont soutenu une définition commune du terrorisme, chaque fois qu’elles concernaient un étranger, n’ont jamais fait l’objet d’une contestation ou d’une objection de la part de l’État dont l’accusé était ressortissant. Ces décisions judiciaires n’étaient pas le fruit « de considérations de convenance ou de simple opportunisme politique198 » ou de la simple volonté de répondre à des exigences nationales passagères. Examinées à la lumière des législations nationales et des positions affirmées par les États dans les enceintes internationales, elles traduisent, en somme, le fait que les tribunaux ont entendu, en se prononçant, appliquer au niveau national un principe qui est

l’arrêt). Voir aussi les affaires citées dans la note de bas de page 127, ci‑dessus.

195 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et à l’encontre de celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), Arrêt, C.I.J. Recueil (1986) 14, p. 98, par. 186 : « La Cour ne pense pas que, pour qu’une règle soit coutumièrement établie, la pratique correspondante doive être rigoureusement conforme à cette règle ».

196 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et à l’encontre de celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique), Arrêt, C.I.J. Recueil (1986) 14, p. 98, par. 186.

197 Digeste, 1.3.38.

198 Droit d’asile (Colombie/Pérou), Arrêt, C.I.J. Recueil (1950) 266, p. 286.

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communément accepté au niveau international. En d’autres termes, ces décisions reflètent une opinion juridique (opinio juris) quant aux éléments fondamentaux du crime de terrorisme. Elles visent à préserver les impératifs nationaux et internationaux, et reposent en conséquence sur le principe qu’il existe une obligation internationale de poursuivre et de sanctionner le terrorisme en tant que crime fondé sur des données juridiques généralement acceptées.

101. La Chambre d’appel ajoutera, au surplus, un autre argument pour étayer la conclusion de la Chambre d’appel, qui repose sur la convergence des jugements nationaux. Même si l’on considère que ces jugements nationaux ne renvoient pas, même implicitement, à une règle coutumière internationale, pas plus qu’ils ne relèvent explicitement qu’ils renvoient à une obligation internationale de l’État, ou n’expriment un sentiment d’obligation juridique internationale, la conclusion de la Chambre d’appel n’en reste pas moins valable. Elle s’appuie sur les critères juridiques qu’a avancés, au terme d’un examen attentif de la jurisprudence internationale, un éminent juriste international, Max Sørensen. Selon cet auteur, il faut partir du principe selon lequel l’existence d’une opinio juris doit être présumée chaque fois que l’on constate une pratique uniforme ; il s’ensuivrait que, si l’on cherche à nier, dans les cas considérés, l’existence d’une règle coutumière, on doit indiquer les raisons d’opportunité ou les considérations fondées sur la courtoisie ou la convenance politique qui justifient le refus d’admettre une règle coutumière199.

102. On est donc fondé à conclure qu’une règle coutumière s’est développée dans la communauté internationale en matière de terrorisme, dont la Chambre d’appel a décrit les éléments constitutifs au paragraphe 85. En invoquant la notion de coutume internationale, telle qu’exposée par la Cour internationale de Justice en l’affaire du Plateau continental200, on peut dire qu’il existe une pratique constante

199 M. Sørensen, « Principes de droit international public », dans Recueil des Cours de l’Académie de La Haye, 19760‑III, p. 51 : « [traduction] Cela [la lecture de la jurisprudence internationale] nous permet peut‑être de prendre comme point de départ une présomption pour l’existence de l’opinio juris dans tous les cas où une pratique constante a été constatée, de sorte qu’il faut démontrer les motifs d’opportunité, de courtoisie, etc. pour nier l’existence d’une coutume ».

200 Affaires du Plateau Continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne c. Danemark ; République Fédérale d’Allemagne c. Pays-Bas), Arrêt, C.I.J. Recueil (1969) 4, p. 43 et 44, par. 76 et 77 : « les actes considérés doivent représenter une pratique constante, mais en outre ils doivent témoigner, par leur nature ou la manière dont ils sont accomplis, de la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l’existence d’une

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concernant la répression des actes de terrorisme, tels que communément définis, à tout le moins quand ces actes sont commis en temps de paix ; en outre, cette pratique fournit la preuve que les États ont la conviction que la répression du terrorisme répond à une nécessité sociale (opinio necessitatis), et est en conséquence rendue obligatoire par l’existence d’une règle qui l’exige (opinio juris). En vertu du principe susmentionné de l’affaire du Nicaragua, une telle règle doit être énoncée en termes de droits et d’obligations de caractère international. Au cas particulier, la règle coutumière peut être invoquée i) pour imposer à tout État (ainsi qu’à d’autres sujets internationaux, à l’instar de rebelles et d’autres entités non étatiques participant aux relations internationales) l’obligation de ne pas s’engager, par l’entremise de leurs responsables et agents, dans des actes de terrorisme, tels que définis par la règle ; ii) pour imposer à tout État (et à d’autres sujets et entités de droit international dotés des structures et de l’appareil judiciaire nécessaires) l’obligation de prévenir et de réprimer le terrorisme, et en particulier de poursuivre et de juger sur son territoire, ou sur le territoire qu’il contrôle, les personnes qui seraient impliquées dans des actes de terrorisme, tels que définis par la règle ; iii) pour conférer à tout État (et à d’autres sujets de droit international dotés des structures et de l’appareil judiciaire nécessaires) le droit de poursuivre et réprimer le crime de terrorisme, tel que défini par la règle, perpétré sur son territoire, (ou sur un territoire placé sous son contrôle) par des ressortissants nationaux ou par des étrangers, ainsi que l’obligation pour tout autre État de ne pas s’opposer et de ne pas faire objection à toute poursuite ou répression de cet ordre à l’encontre de ses propres ressortissants (sauf s’il s’agit d’agents publics de haut niveau jouissant d’immunités personnelles aux termes du droit international). Il semblerait que cette règle coutumière n’impose pas encore l’obligation de coopérer avec d’autres États dans le cadre de cette répression. On peut croire toutefois qu’une règle ayant cette teneur soit en cours de gestation au sein de la communauté internationale201.

règle de droit ».

201 Considérons par exemple les obligations opposables créées par la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies 1373 et par l’adoption presque universelle de traités tels que la Convention pour la répression du financement du terrorisme (qui a actuellement 173 États Parties), qui imposent aux États de prendre des mesures préventives et de coopérer avec d’autres États pour les besoins d’enquêtes et de demandes d’extradition.

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103. La Chambre d’appel reconnaît que l’existence d’une règle coutumière déclarant illégal le terrorisme ne signifie pas automatiquement que le terrorisme soit une infraction criminelle aux termes du droit international. Selon les paramètres juridiques suggérés par la Chambre d’appel du TPIY dans la décision interlocutoire Tadić relative aux crimes de guerre, il faut, pour qu’il y ait responsabilité pénale personnelle au niveau international, que la violation de la règle internationale entraîne la responsabilité pénale personnelle de celui qui transgresse ladite règle202. Les critères à retenir pour se prononcer à cet égard, ont été suggérés à nouveau par le TPIY dans cette décision d’importance majeure : l’intention d’ériger en crime l’interdiction de commettre tel ou tel acte doit être établie par des déclarations émanant d’agents officiels de l’État et d’organisations internationales, ainsi que par la sanction des violations commises par les tribunaux nationaux. L’examen de ces éléments de la pratique permettra de déterminer si les États entendent ou non incriminer les violations de la règle internationale203.

104. Dans le cas du terrorisme, il est relativement facile de démontrer que la pratique exigée et l’opinio juris seu necessitatis sont réunies, à savoir l’opinion juridique selon laquelle il est nécessaire et de fait obligatoire de juger et de punir les auteurs d’actes de terrorisme. Effectivement le processus de formation de l’incrimination internationale du terrorisme est semblable à celui des crimes de guerre. Cette dernière catégorie d’infractions criminelles a pris naissance à l’origine au niveau national : les États ont commencé à poursuivre et à sanctionner les membres de l’armée ennemie (puis progressivement leurs propres soldats également) lorsqu’ils avaient commis des actes qualifiés soit d’infractions criminelles perpétrées en temps de guerre (le meurtre de civils innocents, la destruction délibérée de biens privés, les mauvais traitements de caractère grave infligés à des prisonniers de guerre, etc.), soit de violations des lois et coutumes de la guerre. Progressivement, cette pratique nationale a bénéficié d’une reconnaissance internationale, d’abord lors du Traité de Versailles (1919) puis à l’occasion des procès qui ont suivi, devant la Cour suprême allemande à Leipzig (1921), ensuite à travers de l’Accord de Londres de 1945 et les procès de

202 TPIY, Tadić, Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, par. 94.

203 Id., par. 128 à 137.

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Nuremberg. Ainsi, l’incrimination par les États des violations du droit humanitaire international a conduit à l’incrimination internationale de ces infractions et à la formation de règles de droit international coutumier autorisant, voire imposant leur répression. De même, l’incrimination du terrorisme a commencé au niveau national, de nombreux pays du monde légiférant à l’encontre d’actes terroristes et traduisant les responsables allégués de ces actes devant leurs tribunaux. Cette tendance a été encore renforcée au niveau international par l’adoption par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies de résolutions condamnant énergiquement le terrorisme, et à l’occasion de la conclusion de nombreux traités internationaux interdisant les diverses formes de terrorisme et invitant les parties contractantes à coopérer en vue de leur répression. En conséquence, les États qui n’avaient pas encore incriminé le terrorisme au niveau national ont introduit, de plus en plus, dans leur droit pénal et dans leur jurisprudence pénale, la norme répressive émergente, en agissant souvent avec le sentiment qu’ils étaient tenus par une obligation internationale. En qualifiant le terrorisme de « menace contre la paix et la sécurité internationales », la « législation » adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies conforte une telle conclusion. Il est remarquable que le Conseil de sécurité se soit généralement abstenu de conférer à d’autres infractions criminelles nationales et transnationales (telles que le blanchiment d’argent, le trafic de drogues, l’exploitation internationale de la prostitution) ce caractère de « menaces contre la paix et la sécurité ». La disparité de traitement entre ces diverses catégories d’infractions criminelles et l’attention portée à la gravité que représente le terrorisme confirment que ce dernier est un crime international reconnu comme tel par le droit international, et notamment par le droit international coutumier, et qu’il met également en jeu la responsabilité pénale personnelle des individus.

105. En conséquence, la règle coutumière en question a une double dimension : elle s’adresse à des sujets de droit international, y compris les rebelles et les autres entités non étatiques (chaque fois que ceux‑ci réunissent les conditions permettant de jouir de la personnalité juridique internationale), en leur imposant des obligations ou en leur conférant des droits ou en leur imposant des obligations à remplir dans l’arène internationale ; elle s’adresse, dans le même temps, à des individus en leur imposant la stricte obligation de s’abstenir de verser dans le terrorisme, obligation qui a pour

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corollaire le droit de tout État (ou d’un sujet de droit international disposant de cette capacité) de faire exécuter cette obligation au niveau national.

106. La Chambre d’appel fera deux autres observations en ce qui concerne l’évolution en cours et à venir de cette norme coutumière. En premier lieu, s’agissant de l’élément intentionnel, elle remarque que l’intention du terroriste de contraindre une autorité ou de terroriser une population a souvent pour cause ou pour motif une visée politique ou idéologique sous‑jacente, ce qui différencie donc le terrorisme des actes criminels visant de même à répandre l’effroi dans la population civile, au nom simplement d’un objectif privé (tel qu’un enrichissement personnel, une vengeance, etc.). Ce volet politique ou idéologique de l’élément intentionnel, en matière de terrorisme, a été relevé, de plus en plus souvent, par l’Assemblée générale des Nations Unies dans ses nombreuses résolutions concernant le terrorisme204, dans le cadre de la motivation de décisions judiciaires et de rapports de commissions205, et dans les législations nationales206. Comme le résume le Rapport du Groupe de Réflexion des Nations Unies sur le Terrorisme en 2002 :

204 Voir les résolutions citées dans la note de bas de page 136. ci‑dessus.

205 En l’affaire Bouyahia Maher Ben Abdelaziz et autres, la Cour de cassation italienne a conclu :« [traduction] Pour qu’un comportement soit qualifié « d’acte terroriste », il doit être caractérisé non seulement par l’élément objectif et l’élément subjectif, ainsi que par l’identité des victimes (civils ou personnes non engagées dans des opérations militaires), mais il est généralement entendu qu’il doit inclure également un but politique, religieux ou idéologique. Il en est ainsi en vertu de la règle de droit international coutumier consacrée par diverses résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité des Nations Unies ainsi que par la Convention de 1997 pour la répression des attentats terroristes à l’explosif ».

Cass. crim., sez. I, 17 janvier 2007, n. 1072, au par. 2.1 (traduction non officielle du TSL) (premier souligné ajouté). De même, la Cour d’assises de Gènes dans la célèbre affaire Achille Lauro a déduit la nature terroriste d’un attentat de ce que celui‑ci impliquait des moyens indiscriminés, violents, affectant l’État en tant que garant de la sécurité des personnes et des biens au sein de sa juridiction : « même si aucune demande expresse n’avait été faite à l’État italien, l’État était objectivement impliqué à cause, (entre autres), des inévitables conséquences politiques intérieures » de l’acte terroriste considéré. Abul Abbas et al., Cour d’assises d’appel, n°22/87, 23 mai 1987 (aux p. 46 et 47 du jugement dactylographié archivé au TSL) (traduction non officielle du TSL).Dans son rapport de 2002 sur le terrorisme et les droits de l’homme, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a noté qu’aucune définition juridique internationale générale et complète du terrorisme n’avait été codifiée à ce jour par une convention universelle (tel que noté par le Bureau de la Défense dans sa soumission dans la note de bas de page n° 123), mais elle identifie cependant plusieurs « caractéristiques » du terrorisme international à partir d’un consensus international en voie d’être atteint, dont notamment celles représentées par les « motivations incitant les auteurs du terrorisme, lesquelles tendent à être de nature idéologique ou politique ». Rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, Rapport sur le terrorisme et les droits de l’homme, OEA/Ser.L/V/II.116, doc. 5 rév. 1 corr, par. 15 à 17 (2002).

206 Voir, par exemple, le droit du Royaume‑Uni ainsi que les législations australienne, néozélandaise, pakistanaise, canadienne, sud‑africaine et équatorienne, cités plus haut.

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« [S]ans chercher à définir globalement le terrorisme, il serait utile de cerner quelques grandes caractéristiques de ce phénomène. Dans la plupart des cas, le terrorisme est un acte essentiellement politique. Il vise à infliger des blessures spectaculaires et mortelles à des civils et à créer un climat de peur, généralement à des fins politiques ou idéologiques (idéologie laïque ou religieuse). Le terrorisme est une forme de criminalité mais il est plus complexe que la criminalité ordinaire207 ».

Rendre explicite l’exigence que représente l’objectif poursuivi offre un avantage supplémentaire : cette condition précise le champ des actes qui peuvent être incriminés en tant que crimes de terrorisme international, et cet élément renforce le principe de la légalité en évitant d’appliquer celui‑ci d’une façon par trop large. Toutefois, cet aspect du crime de terrorisme n’a pas encore été formulé et accepté assez largement et systématiquement à ce jour pour accéder au rang du droit coutumier. Il reste donc à voir s’il s’imposera ultérieurement en tant qu’élément constitutif supplémentaire du crime de terrorisme international.

107. En deuxième lieu, la Chambre d’appel est d’avis que si la règle coutumière s’appliquant au crime international de terrorisme, à l’issue de son processus de formation, ne s’étend à ce jour qu’aux actes terroristes commis en temps de paix, une norme plus large, qui rendrait illégaux les actes terroristes au cours d’un conflit armé, pourrait également voir le jour. Comme l’ont estimé le TPIY et le TSSL, les actes de terrorisme peuvent constituer des crimes de guerre208, mais les États ne sont pas parvenus à s’accorder sur le point de savoir s’il convenait de retenir, au cours d’un conflit armé, une notion distincte en ce qui concerne le crime de terrorisme. En effet, tant au sein du comité de rédaction de la Convention générale sur le terrorisme qu’à l’occasion des réserves à la Convention pour la répression du financement du terrorisme des Nations Unies209, certains membres de la Conférence islamique ont

207 A/57/273 (2002), Annexe, au par. 13 (italique ajouté).

208 Le crime « d’actes ou de menaces de violence dont le but premier est de répandre la terreur », Voir par exemple TPIY, Galić, Jugement en première instance, 5 décembre 2003, par 91 à 138 ; TPIY, Galić, Jugement en appel, 30 novembre 2006, par 81 à 104 ; Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Brima et al., Jugement en première instance, 20 juin 2007, par. 660 à 671.

209 L’Égypte, la Jordanie et la Syrie ont émis des réserves à l’article 2(1)(b) de la Convention. Au sujet des définitions du terrorisme contenues dans les législations pénales desdits pays, Voir ci‑dessus, notes 157 et 160. S’il est vrai qu’elles laissent encore planer certaines incertitudes résiduelles sur le terrorisme en temps de conflit armé, il

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marqué leur net désaccord vis‑à‑vis de la position qui assimile à des actes terroristes les actes de « combattants de la liberté » en temps de conflit armé (y compris en cas d’occupation agressive et de conflit armé interne) qui sont dirigés contre des civils innocents. Ils ont insisté sur la double nécessité de préserver le droit des peuples à l’autodétermination et de sanctionner également le « terrorisme d’État »210.

108. Il est nécessaire cependant de mettre l’accent sur trois éléments. En premier lieu, le très grand nombre d’États qui ont non seulement ratifié la Convention pour la répression du financement du terrorisme (actuellement au nombre de 173), mais aussi d’États qui se sont également abstenus de formuler des réserves à la définition que donne la Convention du terrorisme (actuellement au nombre de 170), laquelle mentionne les conflits armés sans jamais faire référence à l’exception que représentent les « combattants de la liberté211 ». En deuxième lieu, le caractère exceptionnel du contenu de cette Convention, à savoir le fait que, à la différence d’autres conventions sur le terrorisme, elle traite d’actes qui ne sont pas criminels en tant que tels, et qui, de surcroît, précèdent les actes terroristes violents ou constituent des signes avant‑coureurs de ces derniers ; il est, par conséquent, important d’incriminer un comportement de cet ordre comme élément du terrorisme en temps de conflit armé, étant donné que le financement des attentats visant des civils ne prenant pas une part active aux hostilités n’est pas en soi interdit aux termes du droit de la guerre.

ne fait aucun doute que les législations égyptienne et jordanienne sont en accord avec la norme émergente de droit international étudiée ici. La définition de l’article 304 du Code pénal syrien est au contraire très voisine de celle de l’article 314 du Code pénal libanais, à cette seule différence notoire près : la première ajoute les « armes de guerre » parmi les moyens qui peuvent être utilisés pour commettre un acte terroriste. Voir Rapport au Comité contre le terrorisme (République Arabe syrienne), 2 août 2006, S/2006/612, p. 4 ; M. Yacoub, La notion juridique de terrorisme – une étude analytique et comparative [en arabe] (Beyrouth : Publications juridiques Zein, 2011), p. 227 et 228.

210 Voir par exemple la synthèse des débats qui ont porté sur une convention générale dans le Rapport du Comité Ad Hoc mis en place par la résolution de l’Assemblée générale 51/210, A/65/37 (2010), p. 5 à 8 ; Rapport du Comité Ad Hoc mis en place par la résolution de l’A.G 51/210, A/64/37 (2009), p . 5 et 6.

211 L’article 2(1) b de la Convention dispose que « 1. Commet une infraction au sens de la présente Convention toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds dans l’intention de les voir utilisés ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou partie, en vue de commettre : […] (b) tout […] acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque. » (non souligné dans l’original).

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En d’autres termes, plus que tout autre traité sur ce sujet, la Convention marque un tournant dans la lutte contre le terrorisme, car, de par sa portée, elle couvre des actes qui, sans elle, seraient restés impunis (soit en vertu du droit pénal soit de par le droit humanitaire international). Étant donné l’ampleur du champ d’activités qu’elle couvre, la Convention est un test décisif pour connaître l’attitude des États en matière d’incrimination du terrorisme. En troisième lieu, les 170 États qui, en ratifiant ou en accédant à la Convention, se sont engagés à en observer les termes sans formuler de réserve vis‑à‑vis de la disposition relative aux conflits armés sont largement représentatifs de la communauté internationale : parmi eux figurent en effet non seulement les cinq membres permanents du Conseil de sécurité mais également de grands pays comme le Brésil, l’Inde, le Pakistan212, l’Indonésie, l’Arabie Saoudite, la Turquie et le Nigéria. De plus, ce qui ne laisse pas d’étonner, onze pays arabes qui sont parties à la Convention arabe sur le terrorisme (convention qui, comme cela a été dit plus haut, n’inclut pas les « combattants de la liberté » dans la catégorie des terroristes) ont ratifié la Convention pour la répression du financement du terrorisme sans faire aucune réserve, en acceptant par là de faire entrer dans la catégorie du « terrorisme » le financement de personnes ou de groupes attentant à la vie de civils innocents en période de conflit armé, de même que, par voie de conséquence, l’exécution de tels actes violents213. Ces trois facteurs permettent d’avancer qu’une écrasante majorité d’États estime aujourd’hui que les actes de terrorisme peuvent être réprimés même en temps de conflit armé, dans la mesure où ces actes visent des civils qui ne prennent aucune part active aux hostilités ; ces actes, de plus, pourront aussi être classés dans la catégorie des crimes de guerre (alors que les mêmes actes,

212 Alors que le Pakistan est l’un des quelques rares pays souvent mentionnés comme étant opposés à la définition du terrorisme de la Convention Générale et a inscrit une déclaration relative aux « combattants de la liberté» au moment où il a accédé à la Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif en 2002, il doit être noté que ce pays a (i) ratifié la Convention pour la répression du financement du terrorisme en 2009 en adhérant à la définition du terrorisme de celle‑ci, et (ii) s’est engagé « à combattre le terrorisme sous toutes ses formes et manifestations » et à mettre pleinement en œuvre la résolution du Conseil de sécurité 1373. Rapport au Comité contre le terrorisme (Pakistan), 27 décembre 2001, S/2001/1310, p. 3.

213 Ces pays sont : l’Algérie, Bahreïn, la Libye, la Mauritanie, le Maroc, Qatar, l’Arabie Saoudite, le Soudan, la Tunisie, les Émirats Arabes Unis, le Yémen. Il est à noter que, en rédigeant la Convention générale sur le terrorisme, le Comité ad hoc s’est servi de l’approche suivie par la Convention pour la répression des attentats terroristes à l’explosif et par la Convention pour la répression des actes de terrorisme nucléaire comme moyen de résoudre toute préoccupation qui demeurerait au sujet du champ d’application de la Convention générale. Voir Rapport du Comité ad hoc mis en place par la résolution de l’Assemblée générale 51/210, A/62/37 (2007), p. 7 et 8.

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s’ils sont dirigés à l’encontre de combattants ou de civils participant aux hostilités, ne sauraient être définis comme des actes terroristes ou comme des crimes de guerre, sauf si les conditions requises pour les crimes de guerre sont remplies). Il est à noter que la législation214 ainsi que la jurisprudence215 du Canada se sont expressément alignées sur la Convention au regard de l’applicabilité du crime de terrorisme international en temps de conflit. Pour saisir le rôle que peuvent jouer, dans l’élaboration d’une règle coutumière sur ce point, tant la Convention pour la répression du financement du terrorisme (Convention qui dépasse implicitement la question du financement du terrorisme et qui est en fait à la charnière d’une nouvelle notion du terrorisme en temps de conflit armé) que l’attitude des parties contractantes à la Convention, il faut se souvenir des importantes remarques faites par le Juge Sørensen dans l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne c. Danemark) au sujet de la possibilité de voir les dispositions d’un traité se transformer en droit coutumier. Il note que :

« Il est généralement reconnu que les règles énoncées dans un traité ou dans une convention peuvent obliger un État non contractant en tant que règles coutumières de droit international ou que règles généralement acceptées par

214 Voir Code pénal, R.S.C., ch. C‑46, s. 83.01(B)(II).

215 Dans R. c. Khawaja, 2010 ONCA 862, l’appelant a avancé que l’exception du conflit armé s’appliquait pour faire exclure ses actes du cadre de « l’activité terroriste » telle que définie aux termes du Code pénal canadien. Il a soumis que l’exception s’appliquait au procès parce que la Couronne avait reconnu sur la motion pour verdicts imposés que la guerre d’Afghanistan était une forme de « conflit armé » et que la lutte des insurgés combattant dans ce pays constituait une « activité terroriste ». L’appelant a avancé qu’il incombait à la Couronne, après avoir reconnu ce qui précède, d’établir que l’exception était inapplicable compte tenu de la preuve produite établissant que les actes incriminés n’étaient pas conformes au droit international régissant le conflit en Afghanistan. La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté cet argument. Elle a stipulé que : « [traduction] L’exception se préoccupe du conflit armé dans le contexte des règles de la guerre établies par le droit international. Elle est conçue pour exclure les activités sanctionnées par le droit international du champ de l’activité terroriste telle que définie dans le Code pénal. Nous nous accordons avec l’observation de Sproat J. dans R. c. N.Y., 2008 CanLII 24543 (ON S.C.), au par. 12, à dire que : « [l’]exception du conflit armé prolonge le principe bien connu selon lequel … les combattants dans un conflit armé, qui agissent conformément au droit international, ne commette aucune infraction ». Les parties acceptent que, où il est démontré qu’elle s’applique, l’exception opère d’une façon très proche de celle d’une défense traditionnelle ». Id. aux par.159 et 160. La Cour a poursuivi ainsi : « la seule preuve exigée pour déclencher l’exception est la suivante : 1) les actes ou omissions d’un accusé ont été commis « pendant » un conflit armé ; et 2) ces actes ou omissions, au moment et à l’endroit de leur commission, étaient en accord avec le droit international applicable au conflit armé considéré. » Id. au par. 165. Elle conclut que « Il n’y avait purement et simplement aucune preuve dans cette affaire démontrant que l’appelant avait agi conformément au droit international, ou que les hostilités menées par les insurgés en Afghanistan aient été entreprises en conformité avec le droit international ». Id. au par. 166.

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ailleurs comme normes internationales juridiquement obligatoires. C’est dans ce contexte particulier qu’il convient d’examiner l’historique de la rédaction ou de l’adoption de la Convention, les attitudes que les États ont adoptées par la suite et les rapports qui existent entre les dispositions de la Convention et les règles de droit international applicables à des domaines différents mais connexes216 ».

109. En conséquence, il est possible de conclure à bon droit qu’une règle coutumière, qui couvre également le terrorisme en période de conflit armé est en gestation (in statu nascendi) (ou plutôt, il peut être énoncé que l’actuelle règle coutumière sur le terrorisme est progressivement modifiée). On peut envisager, de manière plausible, que la pratique des États (en entendant par ce terme les déclarations, les législations nationales, les décisions judiciaires, etc.), et en particulier des actes de la même valeur et de la même importance, comme l’a précédemment signalé la résolution 1566 (2004) du Conseil de sécurité217, viendront progressivement consolider le point de vue adopté par autant d’États à travers l’article 2(1)(b) de la Convention pour la répression du financement du terrorisme. S’il en est ainsi, et si la pratique des États étend par ailleurs cette vision des choses à d’autres formes de terrorisme, on sera alors en droit de conclure que le champ d’application de la règle coutumière actuellement en vigueur s’est élargi et englobe également le terrorisme en temps de conflit armé.

110. Pour le moment, la Chambre d’appel peut au moins préciser ce qui suit au sujet d’une règle coutumière définissant le crime de terrorisme en temps de paix selon le droit international. Elle a montré que les conventions internationales, les traités régionaux, les résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations Unies218, ainsi que les législations et les jurisprudences nationales,

216 Affaires du Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne c. Danemark; (République fédérale d’Allemagne c. Pays Bas), Arrêt, C.I.J. Recueil (1969) 4, p. 242 (Sørensen, J., opinion dissidente).

217 Voir, ci‑dessus, par. 87.

218 S’agissant des pouvoirs de création de normes dévolus à l’Organisation des Nations Unies, voir la déclaration du Gouvernent indonésien selon laquelle « [l]’universalité de sa composition lui confère, sur la base de la Charte, la légitimité voulue pour faire échec au terrorisme international d’une manière qui englobe tous les États et tous les peuples, unis et solidaires face à ce fléau commun […]. De plus, c’est vers l’Organisation des Nations Unies que les États membres doivent se tourner s’ils veulent que les instruments utilisés pour combattre le terrorisme international aient un caractère multidimensionnel ». De plus, « l’importance des

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s’articulaient de plus en plus autour d’une définition commune du crime de terrorisme en droit international. Cette définition est le résultat d’un processus normatif, au cours duquel le Conseil de sécurité a déclaré, par le biais d’une résolution adoptée en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, que « le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations constitue l’une des plus graves menaces contre la paix et la sécurité internationales219 ». Les très rares États qui insistent encore pour qu’une exception soit retenue à l’égard des « combattants de la liberté » et qui font en conséquence objection à la définition internationale du terrorisme en voie de solidification pourront tout au plus être considérés, au regard de ladite définition, comme des objecteurs persistants et ils iront, le cas échéant, à l’encontre de l’appel lancé par le Conseil de sécurité, en ce qui concerne les actes de terrorisme, qui « demande à tous les visant États de prévenir ces actes et, à défaut, de faire en sorte qu’ils soient réprimés par des sanctions à la mesure de leur gravité 220 ».

111. En résumé, l’élément subjectif du crime examiné est double, i) l’intention ou dolus du crime sous‑jacent et ii) l’intention spéciale (dolus specialis) de répandre la peur ou de contraindre une autorité. L’élément objectif est la commission d’un acte qui est incriminé par d’autres normes (assassiner, causer des lésions corporelles graves, prendre des otages, etc.). Le crime de terrorisme en droit international exige bien sûr et de plus que (ii) l’acte terroriste soit empreint d’un élément d’extranéité.

activités des différents organes et comités de l’Organisation des Nations Unies, y compris de l’Assemblée générale, par le biais notamment de la Sixième Commission (questions juridiques), et du Conseil de sécurité, dans la codification et dans la création d’un cadre juridique pour lutter contre le terrorisme international, est indubitable. » Rapport au Comité de lutte contre le terrorisme (Indonésie), 21 décembre 2001, S/2001/1245, p. 1 et 10 (non souligné dans l’original). À nouveau, des déclarations analogues sont systématiquement faites par de nombreux gouvernements en prenant en considération les obligations qui leur incombent et qui trouvent leur origine dans les instruments du droit international (Voir, parmi d’autres, le Rapport au Comité contre le terrorisme (Brésil), 26 décembre 2001, S/2001/1245, p. 4).

219 Voir S/RES/1566 (2004).

220 Voir S/RES/1566 (2004). « de tels actes » font référence au fait que « des actes criminels, notamment ceux dirigés contre des civils dans l’intention de causer la mort ou des blessures graves ou la prise d’otages dans le but de semer la terreur parmi la population, un groupe de personnes ou chez les particuliers, d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire, qui sont visés et érigés en infractions dans les conventions et protocoles internationaux relatifs au terrorisme, ne sauraient en aucune circonstance être justifiés par des motifs de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou similaire ». Ibid.

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112. Il faut ajouter, en ce qui concerne la notion de peur, de terreur ou de panique, qu’il n’est pas nécessaire que ceux qui en sont les victimes représentent toute la population. À cet égard, la Chambre d’appel se range à l’interprétation large de la notion de victimes de la peur, que la Cour suprême fédérale allemande (Bundesgerichsthof) a avancée, tout en appliquant le Code pénal allemand dans l’affaire H.A., S. E. et B., également connue sous le nom d’affaire Freikorps (Jugement 3 TSR 263/05 di 10 janvier 2006). Les accusés avaient formé une association aux fins de perpétrer des incendies criminels à l’encontre d’entreprises dirigées par des étrangers dans leur région, dans le but de contraindre ces étrangers à partir. En se tenant à ce qu’avait conclu le tribunal de première instance, à savoir que l’association était une « association terroriste », la Cour a soutenu, entre autres221, que l’exigence de menées terroristes visant à intimider la population (et susceptibles de le faire) est également satisfaite lorsque une partie seulement de la population totale est visée et intimidée, par exemple, une minorité ethnique ou religieuse222. La Chambre d’appel soutient que la même interprétation large est fondée en droit international pénal, à la lumière de l’objet et du but de la règle internationale pertinente.

113. Une comparaison entre le crime de terrorisme, tel que défini aux termes du Code pénal libanais, et ce qu’envisage de retenir le droit international coutumier montre que la notion, retenue dans ce second cas, est beaucoup plus large au plan des moyens utilisés pour perpétrer l’acte terroriste, lesquels ne sont pas limités aux

221 La Cour a également précisé que les membres d’une association terroriste poursuivaient souvent leurs objectifs moyennant un grand nombre de petits attentats (Nadelstichtaktik). Selon la Cour, la notion de terrorisme n’exige pas un attentat isolé capable à lui seul et par lui‑même de terroriser une population ou de contraindre un gouvernement (par. 6 et 7).

222 Id., au par. 8, la Cour dit ce qui suit: « [traduction] en évaluant si des actes pyromanes visaient à ‘intimider fortement la population’, la Cour supérieure régionale a estimé justement qu’il suffisait que les actes visent à l’intimidation de la population étrangère et, en conséquence, d’une partie de l’ensemble de la population. Il est vrai que l’article 129(a)(2) du Code pénal utilise le terme « population », qui peut s’entendre comme renvoyant à l’ensemble de la population, comme par opposition à des ‘parties de la population’ dans l’article 130 du Code pénal. Ces considérations, guidées par le principe d’emploi constant de la terminologie, ont cependant peu de poids car, à cet égard, le nouveau texte de 129(a)(2) du Code pénal a repris simplement l’énoncé de la Décision Cadre du [Conseil de l’Europe] [du 13 juin 2002]. De plus et, cela est le point décisif, une interprétation aussi étroite ne serait pas à la mesure du but poursuivi par la disposition. [...] De plus, considérant que les menées terroristes sont souvent dirigées à l’encontre de parties de la population définies par l’ethnie, la religion, la nation ou la race, une interprétation littérale laisserait de côté une grande partie des actes criminels terroristes caractérisés. Il est donc nécessaire que la disposition soit interprétée conformément à son but et il est de ce fait suffisant que les actes d’association tendent à intimider fortement une partie notoire au moins de la population ». (traduction non officielle du TSL.)

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termes du droit international coutumier, alors qu’elle s’avère plus étroite en ce que i) elle ne traite que des actes terroristes en temps de paix, ii) elle exige un acte criminel sous‑jacent ainsi qu’une intention de commettre un tel acte223, et iii) elle comporte un élément d’extranéité.

b) Applicabilité du droit international coutumier dans l’ordre juridique libanais

114. Dans les paragraphes suivants, la Chambre d’appel conclut que i) le droit international coutumier peut être et est normalement appliqué par les tribunaux libanais ; ii) toutefois, cet ensemble de règles de droit international ne saurait être appliqué dans les affaires pénales en l’absence d’une législation nationale qui transforme les règles du droit international en dispositions pénales libanaises ; iii) néanmoins, le Tribunal garde la possibilité de tenir compte du droit coutumier en interprétant le droit pénal libanais.

115. À la différence de nombreux ordres juridiques internes, qui prévoient la mise en œuvre du droit international coutumier, le droit libanais ne mentionne pas expressément et spécifiquement l’application des règles coutumières ou des principes de droit international – bien que l’on puisse déduire du sens général de l’article 4 du Code de procédure civile libanais224 qu’il mentionne ladite application.

116. Certes, les tribunaux libanais ont parfois ignoré le droit coutumier. L’acte d’accusation émis le 21 août 2008 par le juge d’instruction de la Cour de Justice dans l’affaire Kadhafi illustre par exemple cet état de choses : le Juge a délivré un mandat d’arrêt à l’encontre du dirigeant libyen Kadhafi pour l’enlèvement et la détention allégués d’un imam shiite libanais. Or il n’a pas mentionné et bien moins encore pris en compte la règle coutumière de droit international accordant l’immunité personnelle

223 De plus, selon la définition usuelle du terrorisme, l’intention spéciale exigée peut être de contraindre une autorité au lieu de terroriser une population (comme l’exige le droit libanais), mais, étant donné qu’un individu terroriste contraint généralement en répandant la terreur, ces deux aspects de l’intention spéciale exigée pour le crime de terrorisme, se confondent largement dans la pratique. Le fondement supplémentaire de l’intention spéciale en droit international (par exemple, l’intention de contraindre une autorité) ne constitue donc pas une distinction essentielle.

224 L’article 4 énonce, en partie : « Si la loi est obscure, le Juge l’interprétera d’une façon qui concorde avec son but et avec d’autres textes. En l’absence d’une loi, le juge appliquera les principes généraux du droit, les coutumes et les principes de la justice ».

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aux chefs d’État en exercice225, une règle qui a été invoquée en égard audit dirigeant libyen, considéré comme un chef d’État (« chef d’État en exercice ») par la Cour de cassation française226. Cette décision est toutefois contredite par d’autres qui ont appliqué directement, comme il convient, le droit international coutumier en matière d’immunité227.

117. En dépit de cette attitude négative, de la part de certaines autorités libanaises envers le droit international coutumier, la plupart des tribunaux libanais mentionnent bien les règles coutumières internationales. À cet égard, il convient de citer l’affaire Rachid, dans laquelle le Juge unique de Beyrouth, dans une décision du 10 septembre 2009, renvoie bien au droit international coutumier. L’Accusation a fait valoir que l’entrée, par la Syrie, d’un ressortissant irakien au Liban et l’octroi du statut de réfugié à celui-ci étaient contraires à l’article 32 de la loi libanaise sur l’entrée et la résidence au Liban et la sortie de ce pays. Le Tribunal de Beyrouth a soutenu que le droit d’asile, dont peuvent bénéficier les personnes dont la vie est en danger et qui courent le risque d’être soumises à la torture, est prévu dans divers traités internationaux et découle d’un principe général de droit et du droit international coutumier, en vertu duquel tout individu a droit à la vie et à ce que celle‑ci ne soit pas mise en péril. Du point de vue de ce Juge, ce principe peut même enserrer dans certaines limites l’application du droit pénal au Liban (« [traduction] le Tribunal de céans ne voit pas d’objection à ce que le principe général fasse obstacle à l’application du droit pénal dans quelques rares cas, tel que mentionné dans le mémoire du défendeur ») ; comme cela a été exposé plus haut, le Juge a appliqué la Convention contre la torture en refusant d’imposer la sanction libanaise d’une mesure d’exclusion. Le Juge a également indiqué que tant le droit des traités que le droit international coutumier

225 Voir toutefois P. W. Nasr, Droit pénal général (Liban : Imprimerie Saint‑Paul, 1997), p. 89, professeur de droit pénal libanais, selon lequel le droit international coutumier ne reconnaît pas l’immunité des chefs d’État.

226 Voir Cour de cassation, 13 mars 2001, 107 Revue générale de droit international public (2001), 474, réimprimé en anglais dans 125 I.L.R. 490. En fait, Kadhafi est le « leader de la Grande Révolution du 1er septembre de la Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste » ; il est en règle générale considéré et traité par les pays étrangers comme le Chef de l’État car il exerce ces fonctions de facto.

227 Voir le Jugement du 29 mars 2001 par le juge unique du Metn, dans lequel le Juge a appliqué la loi internationale d’immunité souveraine pour débouter d’une poursuite à l’encontre des États‑Unis : Juge unique du Metn, décision n° 0, 29 mars 2001, dans Al-moustashar- majmou’at al-moussannafat lil Kadi Afif Chamseddine [Recueil du Juge Afif Chamseddine].

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imposent aux réfugiés l’obligation d’observer le droit applicable dans l’État qui leur a donné asile ; il a poursuivi en remarquant que l’entrée illégale sur un territoire au titre du droit d’asile ne se justifie qu’à l’égard du premier pays d’asile228. La Cour de cassation libanaise (Chambre civile) a permis à des juridictions inférieures de renvoyer au droit international coutumier dans des affaires commerciales, au moins depuis 1968, indiquant que « ces coutumes constituent un droit non écrit que le Juge est supposé connaître de la même façon qu’il connaît les autres lois »229. Le Conseil d’État a également renvoyé au droit international coutumier dans deux arrêts relatifs à des enfants déplacés230.

118. Une telle démarche est la bonne. Le droit international coutumier doit forcément jouer un rôle au sein de l’ordre juridique libanais. Tous les États et les autres sujets de droit international ont l’obligation, en droit international, d’observer les règles internationales : à l’époque moderne, l’ancienne règle pacta sunt servanda (les traités doivent être respectés) s’applique parallèlement à la règle consuetudo est servanda (la règle coutumière doit être respectée), principe qui s’est limité, dans le passé, à reformuler le précédent principe cité, étant donné que les règles coutumières étaient tenues pour être des pacta tacita, à savoir des engagements tacites entre plusieurs États. En conséquence, il ne saurait être permis à un État d’ignorer les règles généralement acceptées du droit international coutumier231. La coutume internationale englobe non seulement des règles consacrant des valeurs universelles telles que la paix, les droits de l’homme, l’autodétermination et la justice, mais également des règles reposant sur la réciprocité et mettant en place

228 Le Tribunal a estimé que « les traités que le Défendeur a lui‑même mentionnés, de même que les principes internationaux coutumiers et généraux, insistent tous sur le devoir du réfugié d’obéir aux lois internes de l’État où il a cherché refuge ; en outre, les traités les plus récents, et les principes et coutumes qu’il invoque lui‑même font la distinction entre le premier pays d’asile et les autres États ; à cet égard, ce qui est permis à un réfugié dans un premier pays d’asile ne l’est pas toujours dans un autre État ».

229 Cour de cassation, Chambre civile, décision n° 39, 4 avril 1968. dans Al-moustashar- majmou’at al-moussannafat lil Kadi Afif Chamseddine [Recueil du Juge Afif Chamseddine].

230 Voir M.‑D. Méouchy Torbey, L’internationalisation du droit pénal (Beyrouth : Delta, 2007), p. 155.

231 « [L)e droit international exige que les États remplissent leurs obligations et, s’ils ne le font pas, qu’ils en soient tenus pour responsables ». R. Jennings et A. Watts (éds), Oppenheim’s International Law, Vol. I, 9ème éd. (Oxford : Oxford University Press, 2008), sec. 21 ; Voir aussi I. Brownlie, Principles of Public International Law, 7ème éd.. (Oxford : Oxford University Press, 2008), p. 35 : « [I]l y a un devoir général de mettre le droit interne en conformité avec les obligations qu’impose le droit international ».

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des relations bilatérales (par exemple, des règles sur le traitement des étrangers, sur la protection diplomatique ou la non‑ingérence dans les affaires intérieures, sur les droits et obligations des États dans les eaux territoriales, et sur la conduite loyale de la guerre), des règles au regard desquelles la nécessité de respecter rigoureusement les intérêts d’autres États – et de la communauté internationale dans son ensemble – représente une ardente obligation.

119. Étant donné que le droit libanais ne prévoit pas expressément la mise en œuvre de règles coutumières et que, de plus, il ne précise pas le rang conféré à ces règles dans l’ordre juridique libanais, il appartient aux tribunaux d’établir comment ces règles deviennent applicables au Liban et quelle sera leur place au sein de la hiérarchie des normes du droit libanais.

120. Au vu de la jurisprudence libanaise susmentionnée, on peut considérer que les règles internationales coutumières directement applicables non seulement lient le Liban dans ses relations avec d’autres États, mais produisent également des effets, en droit interne libanais, à l’égard des agents publics de l’État et des individus. De la même façon, leur champ d’application et leur contenu évoluent ou bien elles cessent de s’appliquer dès que la règle correspondante applicable au sein de la communauté internationale est modifiée ou réduite à néant. En d’autres termes, l’incorporation de règles internationales coutumières dans le droit libanais est automatique, et tout changement qui intervient en droit international déploie automatiquement ses effets dans l’ordre juridique libanais.

121. Au sein de l’ordre juridique libanais, les règles de droit émanant d’un ordre juridique extérieur ne sauraient logiquement acquérir un rang plus élevé que celui des lois adoptées par le Parlement libanais, à savoir accéder au rang de normes constitutionnelles, car la Constitution seule pourrait conférer à des règles internationales coutumières une place aussi privilégiée, l’emportant sur la volonté du législateur232.

232 Ceci s’est produit, par exemple, pour la Déclaration universelle des droits de l’homme dans la mesure où celle‑ci reflète le droit coutumier, telle qu’elle est expressément incorporée au paragraphe b) du Préambule de la Constitution. À partir de la jurisprudence du Conseil constitutionnel libanais, il apparaît que le Préambule est considéré comme faisant partie intégrante de la Constitution et qu’il jouit de ce fait du même statut juridique que les autres dispositions constitutionnelles (Voir la note de bas de page suivante). Il s’ensuit que le Préambule

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122. Toutefois, l’obligation incombant à l’État libanais tout entier de se conformer au droit international rend nécessaire de conférer aux règles internationales coutumières, hormis celles qui ont été élaborées à partir des textes mentionnés dans le Préambule de la Constitution libanaise233 et qui jouissent d’un rang constitutionnel, un statut qui soit, à tout le moins, le même que celui dont bénéficie la législation adoptée par le Parlement libanais. Ce n’est que de cette façon, en effet, que l’on peut assurer le respect par le Liban de la coutume internationale. En conséquence, il est justifié de déduire que les règles internationales coutumières, au Liban, ont le rang dévolu aux lois ordinaires et qu’elles peuvent, en conséquence, modifier implicitement les dispositions législatives contraires, adoptées précédemment par le Parlement libanais, mais qu’elles peuvent à leur tour être modifiées ou abrogées par une législation libanaise ultérieure explicite, au nom des principes lex posterior derogat priori [une loi ultérieure peut déroger à la loi antérieure], lex specialis derogat generali [une loi spéciale l’emporte sur une loi générale], et lex posterior generalis non derogat priori speciali [une loi postérieure générale ne peut déroger à une loi spéciale antérieure]. Il est à remarquer que cette démarche correspond également à la pratique d’autres pays de tradition romaine‑germanique tels que la France, même si aucune disposition constitutionnelle n’impose le respect du droit

et tous les textes qu’il mentionne – en ce compris la Déclaration universelle des droits de l’homme — ont un statut constitutionnel. Tous ces principes deviennent en conséquence des principes constitutionnels sur la base de la Constitution libanaise elle‑même, prenant le pas sur les lois ordinaires conflictuelles. Voir, par exemple la sentence du Conseil constitutionnel du 12 septembre 1997, déclarant inconstitutionnelle une loi contraire au pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (Décision n°1/97), citée dans M.‑D. Méouchy Torbey, L’internationalisation du droit pénal (Beyrouth : Delta, 2007), page 145, ainsi que, Conseil constitutionnel, décision no 2/2001, 10 mai 2001, dans Al-majless al-doustouri [2001-2005] [Revue du Conseil constitutionnel [2001‑2005]], p. 155, et Conseil constitutionnel, décision n° 4/2001, 29 septembre 2001, dans id., p. 165 à 167.

233 Le Préambule de la Constitution libanaise prévoit que : « Le Liban est arabe dans son identité et son appartenance. Il est membre fondateur et actif de la Ligue des États Arabes et engagé par ses pactes ; de même qu’il est membre fondateur et actif de l’organisation des Nations‑Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration universelle des droits de l’Homme. L’État concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception ». Le Conseil constitutionnel libanais a soutenu « [qu’i]l est établi que les conventions internationales qui sont expressément mentionnées dans le Préambule de la Constitution font partie intégrante de cette dernière conjointement audit Préambule, et jouissent d’une autorité constitutionnelle ». Conseil constitutionnel, décision n° 2/2001, 10 mai 2001, publiée dans Al-majless al-doustouri [2001-2005] [revue du Conseil constitutionnel [2001‑2005]], p. 150.

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international coutumier ni a fortiori n’élève des règles coutumières au rang de normes constitutionnelles ou quasi-constitutionnelles234.

123. Toutefois, malgré l’existence d’une définition, selon le droit international coutumier, du crime de terrorisme en temps de paix, et de son opposabilité au Liban, celle‑ci ne peut être appliquée directement par le Tribunal de céans aux crimes de terrorisme perpétrés au Liban et qui relèvent de la compétence du Tribunal. Comme cela a été dit précédemment, le texte de l’article 2 du Statut du Tribunal précise clairement que le droit libanais codifié, et non pas le droit international coutumier, est celui qui doit être appliqué aux infractions autonomes, qui seront poursuivies par le Tribunal.

3. le recours au droit international pour l’interprétation du droit libanais

124. Cependant, la conclusion qui précède ne signifie pas qu’en procédant à l’interprétation des dispositions pertinentes du droit libanais visées dans le Statut, le Tribunal écartera complètement le droit international. Il est indéniable que la législation nationale traite des actes de terrorisme perpétrés au Liban, que ceux‑ci comportent ou non un élément d’extranéité – c’est‑à‑dire qu’il s’agisse ou non d’actes de terrorisme interne ou international. Mais les crimes allégués relevant de la compétence du Tribunal ont été spécifiquement considérés par le Conseil de sécurité des Nations Unies comme une « menace à la paix et à la sécurité internationales », justifiant la création d’un tribunal international chargé d’en poursuivre et juger les auteurs. Cet état de choses démontre manifestement qu’aux yeux du Conseil de sécurité, ces attentats terroristes constituent des actes de terrorisme d’une gravité particulière ayant des répercussions internationales. Aussi, face à ces actes criminels et considérant la réaction du Conseil de sécurité à ces actes, le Tribunal, tout en respectant pleinement les décisions rendues par les cours et tribunaux libanais dans les affaires de terrorisme, ne peut que tenir compte de la singulière gravité et de la dimension transnationale des crimes en cause qui – rien d’étonnant à cela – ont

234 Dans la célèbre affaire Aquarone, le Conseil d’État français a soutenu que « ni cet article [55 de la Constitution, relative aux traités] ni aucune disposition de valeur constitutionnelle ne prescrit ni n’implique que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale sur la loi en cas de conflit entre ces deux normes. » Conseil d’État, Aquarone, 6 juin 1997, Revue générale de droit international public, 1997 p. 838.

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été portés devant une juridiction internationale. Dès lors, le Tribunal considère que c’est à bon droit qu’il interprète et applique le droit libanais relatif au terrorisme à la lumière des normes juridiques internationales en matière de terrorisme, puisque ces normes portent spécifiquement sur le terrorisme transnational et s’imposent également au Liban. Sur ce point, la question que la Chambre d’appel traitera en particulier est celle des moyens utilisés pour commettre un acte de terrorisme.

a) La question des moyens ou instruments utilisés pour commettre un acte de terrorisme

125. La Chambre d’appel a vu plus haut que les juridictions libanaises ont interprété l’expression « moyens susceptibles de créer un danger commun » de l’article 314 du Code pénal libanais comme se référant aux moyens ou instruments qui y sont énumérés et produisent des effets visibles et considérables (tels que les bombes), excluant ainsi les moyens (tels que les armes de poing et les fusils) non énumérés au même article et dont les effets externes sont de faible ampleur, même s’ils peuvent mettre la vie de nombreuses personnes en danger, en plus de celle de la victime ciblée, ou provoquer autrement une panique générale. Cependant, une telle interprétation du texte de l’article 314 du Code pénal n’est pas la seule possible, ni la plus convaincante. La Chambre d’appel estime qu’une interprétation plus appropriée de l’expression employée à l’article 314 fondée sur l’appréciation des faits pertinents s’avère nécessaire, notamment dans les circonstances telles que celles des affaires alHalabi et Chamoun, du moins lorsque le Tribunal applique les dispositions de l’article 314.

126. Ce qu’exige l’article 314, c’est que les moyens utilisés pour commettre un acte de terrorisme soient de nature à créer un danger commun, c’est‑à‑dire qu’en plus de blesser les personnes visées, ces moyens soient susceptibles d’exposer d’autres personnes à des conséquences néfastes. Il peut en être ainsi lorsqu’un terroriste tire sur une personne sur la voie publique, mettant ainsi en danger beaucoup d’autres personnes du simple fait de leur présence au même lieu.

127. Par ailleurs, il peut également y avoir un « danger commun » lorsqu’un dirigeant politique ou militaire de grande envergure est tué ou blessé, même si ces

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faits ont eu lieu dans une maison ou tout autre lieu clos, sans que d’autres personnes y soient présentes. En pareils cas, le danger pourrait se matérialiser par l’assassinat d’autres dirigeants appartenant à la même faction ou groupe ou par les réactions violentes de la part des autres factions. Indépendamment de l’arme utilisée, ces conséquences peuvent sans nul doute créer, comme le requiert l’article 314 du Code pénal libanais, un danger commun ou public.

128. De surcroît, il est difficile de ne pas voir le lien étroit entre le but du crime (« créer un état d’alarme ») et le résultat de l’acte de terrorisme (créer un « danger commun »). Manifestement, les deux notions sont étroitement liées : souvent, on peut affirmer soit qu’un terroriste vise à semer la panique et à répandre la terreur parce qu’il utilise des moyens qui mettent en danger une large frange de la population235 ; soit qu›un acte de terrorisme peut créer un danger commun du fait de la terreur que cet acte répand, par exemple par le meurtre d›une éminente figure politique, lequel sèmera l›effroi parmi une frange de la population qui réagira de façon prévisible par des manifestations violentes, des émeutes ou des représailles contre les factions rivales — tous événements qui, surtout dans un contexte d›instabilité politique, sont de nature à créer un danger public. En particulier, dans les sociétés contemporaines — où les médias sont prompts à diffuser l’information sur le moindre acte de violence contre les personnalités politiques partout dans le monde, suscitant ainsi des passions et des tensions — l’expression « susceptibles de créer un danger commun » doit être interprétée différemment de la façon dont elle l’était pendant les années 1940.

129. Outre qu’elle semble plus appropriée à appréhender les formes contemporaines de terrorisme que l’approche restrictive adoptée par certaines juridictions libanaises, cette interprétation de l’élément « moyens » se justifie également par la nécessité d’interpréter la législation nationale de sorte, autant que faire se peut, à la rendre compatible avec les instruments pertinents et obligatoires du droit international. Ni la Convention arabe ni le droit international coutumier en matière de terrorisme, comme cela a été relevé plus haut, ne prévoient de restriction fondée sur les moyens employés pour commettre un attentat terroriste. Interpréter l’article 314 de cette

235 Telle est la déduction qui avait été faite dans l’affaire Michel Murr, comme exposé ci‑dessus au paragraphe 60 et à la note de bas de page 84.

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manière assurera une plus grande cohérence entre cette disposition et les instruments internationaux susmentionnés qui, bien que n’étant pas encore explicitement transposés dans la législation nationale, s’imposent au Liban sur le plan international.

130. Cependant, cette interprétation pourrait élargir l’un des éléments matériels du crime, tel qu’il a été antérieurement appliqué dans les affaires portées devant les juridictions libanaises. La Chambre d’appel examinera donc la question de savoir si le principe de la légalité (nullum crimen sine lege) autorise une telle interprétation.

b) Le principe de la légalité et la non-rétroactivité

131. La Chambre d’appel examinera donc le principe de la légalité (nullum crimen sine lege), tel que consacré par l’article 8 de la Constitution du Liban et l’article premier du Code pénal libanais, ainsi que l’objet et la portée de l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (« PIDCP »), qui a été ratifié par le Liban et qui, en raison de son incorporation dans le préambule de la Constitution, a rang et valeur de norme constitutionnelle dans l’ordonnancement juridique libanais. Ces dispositions énoncent que:

constitution du liban

« Préambule: Le Liban est arabe dans son identité et son appartenance. Il est membre fondateur et actif de la Ligue des États Arabes et engagé par ses pactes ; de même qu’il est membre fondateur et actif de l’Organisation des Nations Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. L’État concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception.

Article 8 : [Liberté individuelle, nullum crimen nulla poena sine lege] : La liberté individuelle est garantie et protégée. Nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les dispositions de la loi. Aucune infraction ou aucune peine ne peuvent être établies que par la loi ».

code pénal libanais

« Chapitre I (De l›application de la loi pénale dans le temps), I (De la légalité des délits)

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Droit applicable

Article premier : Nulle infraction ne peut être sanctionnée par une peine, ou par une mesure de sûreté ou d›éducation, si elle n›était pas prévue par la loi au moment où elle fut commise.

Ne seront pas retenus à la charge de l’inculpé les faits constitutifs d’une infraction, les actes de participation principale ou accessoire, qu’il aura accomplis avant que cette infraction ait été prévue par la loi ».

pacte international relatif aux droits civils et politiques

« Article 15 1. : Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier.

2. Rien dans le présent article ne s’oppose au jugement ou à la condamnation de tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels, d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations ».

132. Selon le principe de la légalité, tout individu doit savoir à l’avance si tel ou tel acte qu’il accomplit est conforme ou contraire à la loi pénale. En sus de l’article 8 de la Constitution du Liban, le préambule de cet instrument intègre le principe de la légalité, tel qu’énoncé par le PIDCP, et, aux termes de l’article 15 du Pacte, il n’y a pas violation du principe de la légalité lorsque les actions constituaient un acte délictueux « d’après le droit national ou international au moment où il a été commis236 ».

133. Cependant, cette disposition ne signifie pas nécessairement que les autorités d’un État partie au PIDCP peuvent juger et condamner une personne pour un crime prévu par le droit international, mais non encore transposé dans l’ordre juridique interne : en matière pénale, le droit international ne peut se substituer à la législation nationale. En d’autres termes, les autorités nationales ne peuvent se fonder uniquement sur l’incrimination d’un acte par le droit international pour réprimer ledit acte.

236 PIDCP, article 15 (non souligné dans l’original).

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Droit applicable

Néanmoins, l’article 15 du PIDCP permet tout au moins qu’une nouvelle législation nationale (ou, lorsque cela est admissible, un précédent faisant autorité) définissant un crime déjà prévu par le droit international puisse être appliquée aux infractions commises avant son entrée en vigueur en droit interne, sans que cela ne constitue une violation du principe de la légalité. Il suit de là que toute personne est censée et tenue de savoir qu’un certain comportement est incriminé par le droit international : tout au moins à partir du moment où le même comportement est également incriminé dans l’ordre juridique interne, une personne peut être sanctionnée devant les juridictions nationales même pour les actes commis avant l’adoption de la loi nationale237.

134. La portée de l’article 15 telle que décrite ici a été confirmée par le Comité des droits de l’homme de l’ONU238 et diverses juridictions nationales239. Plus

237 Bien entendu, si les éléments et l’étendue du crime prévu par la loi nationale sont plus vastes que ceux initialement prévus par le droit international, les actes commis avant la promulgation de la loi nationale ne peuvent être poursuivis en vertu de cette loi nationale que si lesdits actes tombent sous le coup de l’incrimination restreinte édictée par le droit international.

238 Par exemple, dans l’affaire Baumgarten, en instruisant une plainte concernant une application prétendument rétroactive de la loi allemande, le Comité des droits de l’homme a affirmé qu’il « se bornera à examiner la question de savoir si les actes de l’auteur, au moment où ils ont été commis, constituaient des infractions pénales suffisamment bien définies d’après le droit pénal de la RDA ou le droit international » (non souligné dans l’original). CDH, Baumgarten c. Allemagne, Communication n° 960/2000, UN Doc. CCPR/C/78/D/960/2000 (2003), par. 9.3. En examinant un grief semblable soulevé dans l’affaire Nicholas c. Australie, le CDH ne s’est pas écarté de cette position : « s’il n’est pas possible de prouver comme il convient l’existence de l’élément constitutif nécessaire de l’infraction, selon les dispositions des textes nationaux (ou internationaux), il s’ensuit que la condamnation d’un individu pour l’acte ou l’omission en question représente une violation du principe résumé par l’adage nullum crimen sine lege » (non souligné dans l’original) CDH, Nicholas C. Australie, Communication n° 1080/2002, UN Doc. CCPR/C/80/D/1080/2002 (2004), par. 7.5.

239 Dans l’affaire de l’extradition de Demjanjuk, la décision relative à une requête présentée par Israël aux fins de l’extradition d’une personne qui aurait été un garde au camp de concentration de Treblinka pendant la Deuxième Guerre mondiale fut attaquée devant le Tribunal de district du Dakota du Nord. L’appelant avait fait valoir, entre autres, que la loi pénale en vertu de laquelle il était poursuivi est intervenue ex post facto, puisque Israël n’a commencé à exister qu’à partir de 1948. La Cour avait affirmé que : « [traduction] la loi israélienne ne déclare pas illicites les actes qui ont été licites dans le passé ; elle crée plutôt un nouveau cadre permettant de juger les personnes pour des actes reconnus auparavant comme criminels. […] L’accusé répond d’infractions qui étaient criminelles au moment de leur commission. À ce moment‑là, le meurtre de civils sans défense en temps de guerre était illicite au regard du droit international [citant les Conventions de La Haye de 1899 et 1907 et des sources provenant de la Deuxième Guerre mondiale]. De surcroît, il est absurde de prétendre qu’assurer le fonctionnement des chambres à gaz et torturer et tuer des prisonniers non armés n’étaient pas illicites d’après les lois et coutumes de toute nation civilisée en 1942 et 1943. […] Cette loi n’est pas rétroactive, parce qu’elle est une loi de compétence ne créant pas d’un nouveau crime. Dès lors, Israël n’a violé aucun principe, qui existerait en droit international, interdisant l’application ex post facto des lois pénales » États‑Unis, Cour d’appel fédérale, Affaire de l’extradition de Demjanjuk, 612 F. Supp. 544, 567 (D.N.D. 1985).L’autre cas est celui de Polyukhovich c. Commonwealth qui avait été porté devant la Haute Cour de l’Australie.

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Droit applicable

récemment, la Cour de justice de la Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest l’a réaffirmé dans l’affaire Habré c. République du Sénégal240. De même, dans l’affaire Ojdanić, en tranchant la question de la « prévisibilité » d’une infraction pénale, la Chambre d’appel du TPIY a considéré que les règles du droit coutumier peuvent fournir « suffisamment d’indications » sur les normes dont la violation pourrait engager la responsabilité pénale241. Cette facette du principe de la légalité ne devrait pas surprendre : l’on considère que les crimes internationaux constituent des infractions tellement odieuses et contraires aux valeurs universelles qu’ils sont condamnées, par l’entremise des règles du droit coutumier, par l’ensemble de la

Dans cette affaire, la Cour devait trancher la question de savoir si le War Crimes Act 1945 (Commonwealth) [Loi de 1945 sur les crimes de guerre] pouvait servir de fondement à la poursuite d’un individu pour des actes qui ont été perpétrés en Ukraine entre 1942 et 1943. Pour la Cour, la question était celle de savoir si « [traduction] l’infraction créée par l’article 9 de la Loi [sur les crimes de guerre] correspond à la définition que donne le droit international aux crimes internationaux existant à l’époque des faits. Si elle y correspond, la Loi confère la compétence pour juger les criminels de guerre présumés pour les crimes considérés comme tels au regard du droit (international) applicable au moment de leur commission ; leur apparente rétroactivité au plan interne ne saurait constituer un obstacle à l’exercice de la compétence universelle reconnue par le droit international et cela est suffisant pour déclencher la mise en œuvre des pouvoirs en matière de relations extérieures pour prêter le concours à la Loi conférant cette compétence ». Finalement, la Cour avait conclu, à la majorité, que l’application rétroactive de la Loi de 1945 sur les crimes de guerre (Commonwealth) ne violait pas la Constitution de l’Australie. Haute Cour de l’Australie, Polyukhovich c. Commonwealth, (1991) 172 CLR 501, p. 576.

240 Cour de justice de la CEDEAO, Habré c. Sénégal, n° ECW/CCJ/JUD/06/10, 18 novembre 2010. Hissène Habré a fait valoir que le vote par le Sénégal, où il réside, d’une loi incriminant les actes de torture commis à l’étranger et les poursuites dont il a par la suite fait l’objet à raison de ces crimes qui auraient été commis des années auparavant (1984‑1990), était contraire au principe nullum crimen. Invoquant l’article 15 du PIDCP, le Sénégal a affirmé que « la compétence rétroactive de ses juridictions pour les faits de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre n’institue pas une nouvelle incrimination avec effet rétroactif dans la mesure où ces faits sont tenus pour criminels par les règles du droit international à la date de leur commission ». (par. 47). La Cour a été du même avis que l’État poursuivant. Après avoir cité l’article 15, la Cour a relevé que :

« [traduction] Du premier paragraphe de ce texte [Article 15], la Cour note que si les faits à la base de l’intention de juger le requérant ne constituaient pas des actes délictueux d’après le droit national sénégalais (d’où le Sénégal viole le principe de non rétroactivité consacré dans le texte), ils sont au regard du droit international, tenus comme tels. Or, c’est pour éviter l’impunité des actes considérés, d’après le droit international comme délictueux que le paragraphe 2 de l’article 15 du Pacte prévoit la possibilité de juger ou de condamner « tout individu en raison d’actes ou omissions qui, au moment où ils ont été commis, étaient tenus pour criminels, d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations ». La Cour partage donc, les nobles objectifs contenus dans le mandat de l’Union Africaine et qui traduit l’adhésion de cette Haute Organisation aux principes de l’impunité de violations graves des droits humains et de la protection des droits des victimes.

(par. 58 ; souligné dans l’original). Cependant, la Cour a considéré plus loin que cette application rétroactive de la loi sénégalaise n’était permise que si elle était le fait d’un tribunal international – conclusion qui ne semble pas logique et juridiquement fondée.

241 TPIY, Milutinović et autres, Arrêt relatif à l’exception préjudicielle d’incompétence soulevée par Dragoljub Ojdanić – Entreprise criminelle commune, 21 mai 2003 (« Arrêt Milutinović relatif à l’ECC »), par. 41.

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communauté. Les justiciables sont donc censés – et doivent – savoir que, à partir du moment où les autorités nationales ont pris toutes les mesures législatives (ou judiciaires) nécessaires pour réprimer ces crimes au sein de l’ordre juridique interne, ils pourraient être traduits en justice, quand bien même leurs actes auraient été commis avant l’entrée en vigueur de la loi nationale (ou le prononcé de décisions judiciaires)242. Il en va de même pour les crimes réprimés au niveau international par les traités bilatéraux ou multilatéraux.

135. De surcroît, le principe de la légalité n’empêche pas « un tribunal d’élaborer progressivement le droit applicable243 ». Une telle « élaboration progressive » est nécessaire parce que, comme l’a expliqué Jeremy Bentham, « [traduction] le législateur, ne pouvant se prononcer sur des cas particuliers, donne des indications aux juges sous la forme de règles à portée générale et leur laisse une certaine latitude afin qu’ils puissent adapter leurs décisions aux faits particuliers dont ils sont saisis244 ». Aussi, la Chambre d’appel du TPIY a‑t‑elle considéré que le principe de légalité n’interdit pas à un tribunal d’interpréter et de préciser les éléments constitutifs d’un crime particulier245. Par ailleurs, l’application de ces éléments à de nouvelles situations dans certains cas assure une meilleure cohérence de la pratique nationale avec les obligations internationales d’un pays. Parfois, les juridictions nationales et internationales sont même parvenues à la conclusion que des actes précédemment considérés comme licites peuvent être interprétés comme étant inclus dans une

242 Du moins dans les pays de common law (dont le Liban ne fait pas partie), les cours et tribunaux peuvent également, dans leur interprétation des crimes existants, inclure des éléments ou aspects du crime tels que définis d’après le droit international coutumier — autrement dit, ils peuvent interpréter les lois nationales à l’aune de nouvelles considérations afin de mettre le droit national en conformité avec le droit international.

243 TPIY, Jugement Vasiljević, 29 novembre 2002 (« jugement Vasiljević »), par. 196. Voir également CEDH, Kokkinakis c. Grèce, Arrêt du 25 mai 1993, Série A, n° 260‑A, par. 36 et 40; CEDH, E.K. c. Turquie, 7 février 2002, Requête n° 28496/95, par. 52 ; CEDH, S.W. c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, Série A, n° 35‑B, par. 35 et 36. Hors du domaine du droit pénal, les cours et tribunaux sont souvent amenés à réinterpréter les lois nationales ou traités à la lumière d’importantes mutations sociales. Voir également Royaume‑Uni, Exchequer Division, Attorney-General c. Edison Telephone Co. of London (1880) 6 QBD 244 (dans laquelle il avait été considéré que les mesures ayant conduit à l’adoption du Telegraph Act (1869) s’appliquent également au téléphone, qui n’était pas encore inventé ou moment où ce texte de loi était voté) ; Belgique c. Pays-Bas (The Iron Rhine “IJzeren Rijn” Railway), R.I.A.A., Vol. XXVII, 35 (2005), aux pages 66 et 67 (notant l’évolution d’un principe général concernant l’importance des considérations liées à l’environnement dans le contexte du développement économique).

244 J. Bentham, Traité de législation civile et pénale (Etienne Dumont éd., 1914), p. 62.

245 TPIY, Aleksovski, Arrêt, 24 mars 2000, par. 127; TPIY, Delalić et autres, Arrêt, 20 février 2001, par. 173.

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infraction existante, par exemple si ces actes sont en rapport avec un « domaine où la loi a[vai]t fait l’objet d’une évolution progressive et il y a[vait] fort à penser que les tribunaux donneraient une interprétation encore plus large des tempéraments à apporter à la loi246 » — en d›autres termes, dans la mesure où les circonstances rendaient cette incrimination prévisible. On pourrait mieux exprimer ce principe en affirmant que l’application de la loi peut faire l’objet de nouveaux développements au fur et à mesure de l’évolution des conditions sociales, pour autant qu’un tel changement était prévisible.

136. Ce qui importe, c’est qu’au moment où il commettait les actes, l’accusé ait été en mesure de comprendre que son comportement revêtait un caractère criminel, même « sans faire référence à une disposition particulière247 ». De même, « [b]ien que le caractère immoral ou atroce d’un acte ne soit pas un élément suffisant pour garantir son incrimination en droit international coutumier », on peut néanmoins s’y fonder pour « réfuter l’argument d’un accusé faisant valoir qu’il ignorait le caractère criminel de ses actes248 ».

137. Cependant, il y a d’importants tempéraments à ce principe général selon lequel le droit énonce toujours la norme à respecter. Comme l’a relevé avec justesse le TPIY,

« [v]u le principe de légalité (nullum crimen sine lege), il serait tout à fait inacceptable de la part d’une Chambre de première instance de déclarer une personne coupable de la transgression d’une interdiction qui, eu égard au caractère spécifique du droit international coutumier et au fait que les règles de droit pénal ne se clarifient que petit à petit, est insuffisamment précise pour permettre de déterminer le comportement de l’accusé et de distinguer l’illicite

246 CEDH, Affaire C.R. c. Royaume-Uni, 22 novembre 1995, Série A, No. 335‑C, par. 38 (en référence aux arguments du Gouvernement du Royaume‑Uni et de la Commission), il avait été conclu qu’une condamnation pour tentative de viol pourrait être légitimement prononcée à l’encontre d’un époux, même si, d’après le droit anglais de l’époque, « [traduction] […] l’époux ne peut être coupable d’un viol commis lui‑même sur sa femme légitime, car de par leur consentement et leur contrat de mariage, l’épouse s’est livrée à son époux, et elle ne peut se rétracter » (par. 11). Se référer également au par. 42 concernant la portée de l’évolution de la conception précédemment admise pour apprécier le fait de savoir s’il y a eu poursuites, condamnation ou peine abusives.

247 TPIY, Hadžihasanović et autres, Décision relative à l’exception d’incompétence (Responsabilité du supérieur hiérarchique), 16 juillet 2003, par. 34

248 TPIY, Arrêt Milutinović relatif à l’ECC, par. 42 (non souligné dans l’original).

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du licite, ou était insuffisamment reconnaissable en tant que telle à l’époque. Une déclaration de culpabilité ne saurait en effet reposer sur une règle dont l’accusé n’aurait raisonnablement pu avoir connaissance au moment des faits, et cette règle doit préciser de manière suffisamment explicite quels actes ou omissions sont susceptibles d’engager sa responsabilité249 ».

138. Ayant présents à l’esprit ces principes, la Chambre d’appel conclut que tout citoyen libanais ou toute personne vivant au Liban pouvait prévoir que tout acte visant à répandre la terreur serait sanctionné, sans considération de la nature des instruments utilisés à cette fin, dès lors que ceux‑ci étaient susceptibles de créer un danger commun.

139. Cette position repose sur le fait que ni la Convention arabe, ni le droit international coutumier, ces sources de droit étant toutes deux applicables au sein de l’ordre juridique interne libanais et s’imposant au Liban, n’énumèrent de façon restrictive les moyens employés pour commettre un acte de terrorisme250. De surcroît, le Parlement libanais a graduellement autorisé ou approuvé la ratification de bon nombre de traités internationaux relatifs à la répression du terrorisme ou l’adhésion à ceux‑ci, traités qui, eux aussi, ne prévoient pas de restrictions quant aux moyens utilisés pour perpétrer un acte de terrorisme. Les instruments en question sont les suivants : la Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs du 14 septembre 1963 (ratifiée le 11 juin 1974) ; la Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs du 16 décembre 1970 (adhésion à ladite Convention le 10 août 1973) ; la Convention de Montréal de 1971 pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (ratifiée le 23 décembre 1977) ; la Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques du 14 décembre 1973 (adhésion à ladite Convention le 3 juin 1997), dont l’article 2 ne prévoit aucune restriction relative aux moyens utilisés pour diriger une attaque contre une personne jouissant d’une protection ; la Convention internationale contre la prise d’otages du 17 décembre 1979 (adhésion à ladite Convention le 4 décembre 1997), qui incrimine la prise d’otages sans prévoir de

249 Jugement Vasiljević, par. 193.

250 Voir supra, Section I(I)(B)(1)(b) et Section I(I)(B)(2)(b).

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restrictions quant aux manières dont les personnes peuvent être prises en otages ; le Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale du 24 février 1988, complémentaire à la Convention de Montréal (ratifié le 27 mai 1996) ; la Convention de Rome de 1988 pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (adhésion à ladite Convention le 16 décembre 1994) ; le Protocole à la convention susmentionnée pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates‑formes fixes situées sur le plateau continental (accession à ladite Convention le 11 novembre 1997) et la Convention internationale de 2005 pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (ratifiée le 13 novembre 2006).

140. Tous ces traités internationaux ont été intégrés dans l’ordre juridique interne libanais par voie d’autorisation ou approbation donnée au Parlement pour leur ratification ou l’adhésion à ceux‑ci, c’est‑à‑dire par un texte législatif ayant force de loi (ordinaire). Selon le système libanais de mise en œuvre des traités internationaux, décrit ci‑dessus (voir paragraphes 71 à 75), les dispositions de ces traités produisent automatiquement leurs effets dans l’ordre juridique interne libanais (à l’exception des cas exigeant l’adoption d’une autre loi d’application). Il s’ensuit que tout citoyen libanais ou toute personne vivant au Liban était censé – et devait – être informé des interdictions édictées par ces traités internationaux.

141. À vrai dire, le large éventail d’actes que ces traités interdisent a toujours visé ou concerné le comportement spécifique envisagé dans chacun des traités : infractions à bord d’aéronefs, attaques dirigées contre l’aviation civile, attaques dirigées contre les personnes jouissant d’une protection internationale, prise d’otages et attaques à bord de vaisseaux en haute mer ou dirigées contre ceux‑ci. En autorisant ou en approuvant la ratification de ces traités ou l’accession à ceux‑ci par l’entremise d’instruments législatifs, le Parlement libanais a, cependant, élargi la gamme des actes susceptibles de tomber sous le coup de l’interdiction du terrorisme, de sorte que toutes les personnes vivant au Liban dans les années 1990 devaient savoir qu’un bien plus grand nombre d’actes que ceux envisagés en 1943 pourraient être visés par la prohibition du terrorisme. On peut conclure sans risque d’erreur que toute personne relevant de la compétence pénale du Liban, qui savait que le fait de tirer (ou de menacer de tirer) sur des passagers à bord d’un aéronef dans le but de le

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détourner constituait un acte prohibé de terrorisme, devait également savoir que le même acte perpétré avec la même intention de répandre la terreur dans d’autres circonstances (par exemple, dans une rue très fréquentée) serait également considéré comme un acte de terrorisme.

142. Enfin, le Liban n’est pas un pays ayant adopté une doctrine bien définie de la règle du précédent (stare decisis). Dès lors, on ne devrait pas s’attendre en général à ce que les individus se prévalent explicitement des interprétations antérieures de l’article 314 par les juridictions libanaises. Des situations différentes pourraient dans l’avenir amener les juridictions libanaises à adopter des conclusions différentes quant à la portée de l’article 314. Le Tribunal devra en tenir compte lorsqu’il procédera à l’interprétation du Code pénal libanais.

143. En s’appuyant sur les considérations exposées ci‑dessus, la Chambre d’appel conclut que l’interprétation susmentionnée de l’article 314 par le Tribunal peut être retenue, puisqu’elle remplit les conditions requises : i) elle est compatible avec la définition de l’infraction en droit libanais ; ii) elle était accessible aux accusés, surtout compte tenu de la publication dans le Journal officiel, de la Convention arabe et d’autres traités internationaux ratifiés par le Liban ; iii) elle correspondait, par conséquent, à ce à quoi les accusés pouvaient raisonnablement s’attendre251.

144. Il s’ensuit que l’approche adoptée ici – donner une interprétation de l’élément « moyens » qui corresponde au temps présent – n’équivaut pas à l’ajout d’un nouveau crime au Code pénal libanais ou d’un nouvel élément à un crime existant. La Chambre d’appel permet tout simplement une interprétation raisonnable du crime existant, qui tient compte des grandes évolutions juridiques au sein de la communauté internationale (ainsi qu’au Liban). Si cette interprétation ne s’impose pas en soi aux juridictions autres que le Tribunal spécial pour le Liban, elle peut bien entendu être invoquée comme une interprétation du droit applicable dans d’autres affaires de terrorisme.

251 Hormis les arrêts et jugements du TPIY cités ci‑dessus, voir également à cet égard : CEDH, S.W. c. Royaume-Uni, 27 octobre 1995, Série A, n° 335‑B ; CEDH, Cantoni c. France, 15 novembre 1996, Requête n° 17862/91. Sur la nécessité de la prévisibilité d’une infraction pénale, voir TPIY, Tadić, Décision relative à l’exception préjudicielle d’incompétence soulevée par la Défense, 10 août 1995, par. 72 et 73.

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c. la notion de terrorisme applicable devant le Tribunal

145. En bref, la Chambre d’appel considérera que le Tribunal doit appliquer le crime de terrorisme tel qu’il est défini en droit libanais. Il existe deux différences majeures entre le crime de terrorisme au regard du droit international coutumier et selon le Code pénal libanais. Premièrement, en droit international, et non en droit libanais, l’acte sous‑jacent doit être un crime, ce qui signifie, en plus de l’intention spécifique requise pour le crime de terrorisme, que l’auteur doit être animé de l’élément subjectif requis. Par contre, en droit libanais, les résultats de l’acte de terrorisme, tels que la mort de personnes, la destruction de biens et autres conséquences visées à l’article 6 de la loi du 11 janvier 1958 en constituent les circonstances aggravantes (et non pas un élément matériel de ce crime) ; dès lors, dans les affaires portées devant le Tribunal, le Procureur devra seulement établir la preuve que l’acte sous‑jacent était volontaire, en plus de l’intention spécifique de « créer un état d’alarme ». Deuxièmement, en droit libanais et non en droit international, les moyens utilisés pour commettre l’acte de terrorisme doivent être de nature à exposer le public à un danger. Le type de moyen susceptible de créer un danger commun a, dans le passé, fait l’objet d’une interprétation plutôt étroite par certaines juridictions libanaises. La Chambre d’appel a expliqué pourquoi, considérant les instruments de droit international qui s’imposent au Liban et les faits particuliers des affaires soumises au Tribunal, celui‑ci donnera, au contraire, une interprétation moins restrictive à la phrase « moyens susceptibles de créer un danger commun ».

146. À la lumière de ce qui précède, les réponses aux questions en rapport avec le terrorisme que le Juge de la mise en état a posées sont les suivantes :

147. Questions i), ii) et iii) : le Statut ne vise clairement que les dispositions du Code pénal libanais, et non le droit libanais ou le droit international en général. en conséquence, lorsqu’il applique la notion d’actes de terrorisme, le Tribunal doit se référer à l’article 314 du code pénal libanais. Cependant, une exégèse plus judicieuse du droit libanais amène à la conclusion qu’on ne saurait écarter de l’interprétation de l’article 314, et d’autres dispositions pertinentes du Code pénal libanais, les instruments de droit international qui s’imposent au Liban.

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Droit applicable

l’article 314 du code pénal libanais sera interprété en tenant compte du droit international252, qui intègrera ainsi les éléments suivants :

a. la commission volontaire d’un acte;

b. l’utilisation de moyens susceptibles de créer un danger commun253 ; et

c. l’intention de l’auteur de créer un état de terreur.

148. Question iv) : en considérant que les éléments de la notion de terrorisme applicable devant le Tribunal n’exigent pas l’existence d’un crime sous‑jacent, par exemple l’homicide intentionnel, l’auteur d’un acte de terrorisme ayant provoqué des décès serait accusé de terrorisme (en supposant que tous les autres éléments énumérés ci‑dessus sont réunis), et ces décès en constitueront, comme le prévoit l’article 6 de la loi du 11 janvier 1958, les circonstances aggravantes. De surcroît, l’auteur de l’acte pourra également, et indépendamment, répondre du crime sous‑jacent, par exemple d’homicide ou de tentative d’homicide. Sa responsabilité pour le crime sous‑jacent doit être examinée à la lumière des éléments du crime en question, en particulier afin de vérifier que l’auteur était animé de l’intention requise, qu’elle soit directe ou indirecte. Bref, la responsabilité de l’accusé pour le crime de terrorisme et pour tout autre crime sous‑jacent, tel que l’homicide intentionnel ou la tentative d’homicide, doit être déterminée séparément. La section qui suit traitera des éléments de ces deux crimes tels qu’ils seront appliqués devant le Tribunal.

ii. crimes et délits contre la vie et l’intégrité physique des personnes

A. Homicide intentionnel

149. Le Juge de la mise en état a posé les questions suivantes :

252 À propos de la définition du terrorisme d’après le droit international coutumier, voir paragraphe 84 ; sur la définition du terrorisme d’après la Convention arabe, voir paragraphes 64 à 67.

253 En particulier, la Chambre d’appel note que le fait de savoir si certains moyens sont susceptibles de créer un danger commun au sens de l’article 314 doit toujours être apprécié au cas par cas, en ayant présents à l’esprit la liste non exhaustive de l’article 314 ainsi que le contexte et les circonstances ayant entouré l’acte. Ce faisant, on sera plus à même d’interpréter l’article 314 en cohérence avec les obligations internationales qui lient le Liban.

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Droit applicable

ix) Pour interpréter les éléments constitutifs des notions d’homicide intentionnel avec préméditation et de tentative d’assassinat, le Tribunal doit‑il prendre en compte, non seulement le droit libanais, mais également le droit international, conventionnel ou coutumier?

x) S’il était répondu par l’affirmative à la question visée au paragraphe ix), existe‑t‑il des contradictions entre les définitions des notions d’homicide intentionnel avec préméditation et de tentative d’assassinat consacrées par le droit libanais et celles qui résulteraient du droit international et, le cas échéant, comment les résoudre ?

xi) S’il était répondu par la négative à la question visée au paragraphe ix), quels sont les éléments constitutifs de ces notions en droit libanais à la lumière de la jurisprudence y afférente ?

xii) Un individu peut‑il être poursuivi devant le Tribunal pour homicide intentionnel avec préméditation pour des faits qu’il aurait perpétrés à l’encontre de victimes susceptibles d’être considérées comme n’étant pas visées personnellement ou directement ciblées par l’acte criminel présumé ?

150. Comme cela a été expliqué plus haut (voir les paragraphes 33 et 43), et ainsi que le Bureau du Procureur et le Bureau de la Défense le prient instamment de le faire254, le Tribunal est tenu par l’article 2 de son Statut d’appliquer le Code pénal libanais au crime d’homicide intentionnel. De plus, à la différence de notre analyse antérieure sur le terrorisme, les éléments constitutifs de l’homicide intentionnel ne seront examinés que sous l’angle du droit libanais, étant donné que le droit international pénal ne se fonde pas sur une définition autonome du meurtre en tant que tel et en tant qu’infraction sous‑jacente des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou d’un génocide. L’analyse de la Chambre sera axée sur la définition de l’homicide intentionnel que retient le Code pénal libanais afin de traiter la question xi), démarche qui la conduit à répondre par l’affirmative à la question xii).

151. Au Liban, la sanction du meurtre relève avant tout des articles 547 à 549 du Code pénal libanais. Les éléments constitutifs de l’homicide intentionnel sont

254 Voir Observations du Procureur, par. 53 ; Observations du Bureau de la Défense, par. 142.

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Droit applicable

déterminés à l’article 547, les articles 548 et 549 visant seulement les circonstances aggravantes du crime mentionné à l’article 547.

« Article 547 – Quiconque aura intentionnellement donné la mort à autrui sera puni des travaux forcés de quinze à vingt ans ».

« Article 548 – Tel que modifié par l’article 3 de la Loi du 24/5/1949, par le DL n°110 du 30/6/1977 et par le DL n°112 du 16/9/1983.

Sera puni des travaux forcés à perpétuité l’homicide intentionnel commis :

1. Pour un motif vil ;2. Pour s’assurer le profit d’un délit ; 3. Cet alinéa a été abrogé par le DL n° 110 du 30/6/1977 et il a été remplacé par le texte qui suit par l’article 32 du DL n° 112 du 16/9/1983.

Avec mutilation du cadavre par le criminel après l’homicide ;

4. Sur la personne d’un mineur de moins de quinze ans ;5. Contre deux ou plusieurs personnes. »

« Article 549 - Tel que modifié et complété par les articles 3 et 4 de la Loi du 24/5/1949; l’article 4 de la Loi du 24/5/1949 a été rectifié par l’article 1er, de la Loi du 9/1/1951; la Loi de 1949 a modifié l’alinéa 2 et ajouté l’alinéa 4.

Sera puni de mort l’homicide intentionnel commis :

1. Avec préméditation ;2. Pour préparer, faciliter ou exécuter un crime ou un délit, ou pour favoriser la fuite ou assurer l’impunité des instigateurs, auteurs ou complices de ce crime ;3. Sur la personne d’un ascendant ou d’un descendant du coupable ;4. Avec la circonstance que le coupable a usé de sévices ou agi avec cruauté envers les personnes ;

L’alinéa suivant a été ajouté par le DL n° 110 du 30/6/1977.

5. Sur la personne d’un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ;

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Les alinéas suivants ont été ajoutés par l’article 33 du DL n° 112 du 16/9/ 1983.

6. Sur une personne en raison de son appartenance confessionnelle ou par vengeance à cause d’un crime commis par un autre individu appartenant à sa communauté, par ses proches ou par les membres de son parti ;

7. En utilisant des matières explosives ;

8. Pour dissimuler un crime ou un délit ou pour dissimuler ses traces ».

152. La Chambre d’appel portera en premier lieu son attention sur les éléments objectifs et subjectifs du crime, avant d’examiner le facteur aggravant que constitue la préméditation.

1. Élément matériel (actus reus)

153. Entrent dans la composition de l’élément matériel de l’homicide intentionnel en droit libanais les éléments suivants : i) le comportement ; ii) le résultat ; iii) le lien entre le comportement et le résultat.

a) Comportement

154. Le comportement est défini comme un acte ou une omission coupable255 tendant à attenter à la vie d’un autre être humain. Il y a une distinction entre le comportement visant à commettre le crime (qui consiste en une série de gestes) et les moyens utilisés pour commettre celui‑ci (en d’autres termes l’instrument utilisé pour perpétrer le crime).

155. Ce moyen peut être physique, tel que les mains de l’auteur, un pistolet ou un couteau. Ces moyens physiques par nature peuvent être mortels ou non mortels, être ou non un appendice du corps de l’auteur, et peuvent entraîner directement la mort ou n’en être qu’indirectement la cause. À l’inverse, ces moyens peuvent ne pas être physiques, comme le fait, par exemple, de causer une frayeur suffisant à entraîner la

255 Voir l’article 204 du Code pénal libanais, qui se lit ainsi : « Le rapport de causalité entre l’action ou l’omission et l’effet délictueux n’est pas exclu par le concours d’autres causes préexistantes, simultanées ou postérieures, même si celles‑ci étaient inconnues de l’auteur ou indépendantes de son fait.Il en est autrement si la cause postérieure en concours est indépendante et suffisante en soi pour produire l’effet délictueux. L’agent n’encourt dans ce cas que la peine de son propre fait. » (italique ajouté).

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mort, à l’instar de l’annonce de mauvaises nouvelles à quelqu’un qui a une maladie de cœur et qui meurt en en prenant connaissance. En revanche, si un moyen de cet ordre n’entraîne pas la mort de la personne, le crime en lui‑même n’existe pas (le recours à la sorcellerie, par exemple, pour commettre un meurtre ne peut être considéré comme un moyen de donner la mort). De fait, les tribunaux libanais font toujours référence au type d’instrument utilisé pour accomplir le comportement criminel256.

b) Résultat

156. Le résultat du crime est le décès de la victime. Ce décès doit être le résultat direct des menées criminelles, même s’il ne se produit pas immédiatement. Si le décès ne se produit pas pour des raisons indépendantes de la volonté de l’auteur (telle qu’une intervention médicale), l’auteur sera poursuivi pour tentative d’homicide257. L’absence de preuve afférente à l’existence physique du cadavre de la victime ou de son corps après son décès ne contredit pas l’existence du résultat criminel. En conséquence, il suffit de se fonder sur des faits tels que la suite des événements, et notamment de l’heure à laquelle la victime a été vue pour la dernière fois, de la personne auprès de qui elle se trouvait (l’accusé), et ainsi de suite258.

157. Enfin, si le meurtre est commis par plusieurs individus, ceux‑ci seront tous considérés comme des coauteurs, dès lors qu’ils partageaient la même intention, sans distinction entre ceux qui ont administré le coup fatal et ceux qui ne l’ont pas fait (par exemple, une victime battue à mort par trois ou quatre individus)259. Les actes de chacun sont réputés avoir provoqué le décès de la victime. Toutefois, si

256 Voir notamment : Cour de cassation, 6ème Chambre, décision n°47/99, 9 mars 1999, dans Cassandre 3‑1999, p. 265. Cour de cassation, 6ème Chambre, décision n°37/99, dans Cassandre 2‑1999, p. 220.

257 La tentative d’homicide est examinée ci‑après, voir par. 176 à 183.

258 Selon la Cour de cassation, « la mort est un aspect d’ordre factuel, qui peut être prouvé par tout moyen possible » : Cour de cassation, 6ème Chambre, décision n° 38, 23 mars 1999, dans Sader fil-tamyiz [Sader en cassation], 1999, p. 304.

259 Ce raisonnement a été avancé, par exemple, dans une affaire de rixe entre des membres de deux familles, à l’occasion de laquelle deux individus d’une famille ont tiré sur la victime sans que l’on dispose de preuve tangible quant à celui qui a administré le coup fatal. L’intention a été déduite de la rixe, et les deux auteurs ont été condamnés pour meurtre : Cour de cassation, 1ère Chambre, décision n°75, 25 octobre 2004, dans Sader fil-tamyiz [Sader en cassation], 2004, p. 76.

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aucune intention de coaction n’est établie, les auteurs seront tenus pour responsables de crimes différents. On doit faire la distinction entre les auteurs (perpetrators) du crime qui ont participé à tous les éléments matériels du crime, – tel est le cas lorsque les menées de chacun de ces individus sont par elles‑mêmes susceptibles de parfaire le crime (par exemple, quand deux personnes tirent sur une seule victime) –, et les coauteurs (co-perpetrators) qui coopèrent directement pour réaliser les éléments matériels du crime (tel est le cas lorsqu’une personne tient la victime, par exemple, afin de permettre à une autre personne de la tuer). Ces deux scénarios font l’objet des dispositions de l’article 212 du Code pénal libanais.

c) Lien

158. Le dernier élément de l’élément matériel du meurtre en droit libanais est le lien entre les menées criminelles et le résultat. Si le résultat est dû à plusieurs activités ou raisons différentes260, comme dans le cas d’un décès survenant non seulement après la commission de l’acte criminel mais également après une erreur commise par un médecin en traitant la blessure de la victime, deux théories ont été proposées : celle de l’équivalence des causes, et celle de la cause adéquate ou suffisante. Les dispositions de l’article 204 du Code pénal libanais relatives à ces deux théories sont ambigües. Cet article érige la théorie de l’équivalence des causes au niveau de règle de portée générale mais ajoute à celle‑ci une importante exception sous la forme de la théorie de la cause adéquate ou suffisante.

159. En effet, et comme le relève le Bureau de la Défense261, quand la cause supplémentaire ayant entraîné la mort est indépendante et suffit par elle‑même à atteindre ce résultat et lorsqu’elle est ultérieure au comportement de l’accusé, les tribunaux ne peuvent pas tenir l’accusé pour responsable du résultat. Par exemple, la victime d’une tentative de meurtre décède du fait d’un accident de voiture au cours

260 S’agissant de la théorie de la causalité, voir G. Fletcher, Basic Concepts of Criminal Law (Oxford : Oxford University Press, 1998) ; Samir Alia, Shareh kanoun al-oukoubat, al-kism al-3am [Explication du Code pénal, section Généralités], (Beyrouth : Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1998. Voir aussi Moustapha El‑Awji, Al-kanoun al-jinai al-am, al-jizi’ al-awal, al-nazariya al-ama lil jarima [Droit pénal général, première partie, la théorie générale du Crime], (Beyrouth : Nawfal publishing), 1988.

261 Observations du Bureau de la Défense, par. 146.

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de son transport à l’hôpital : l’accident est postérieur à la tentative de meurtre et suffit en lui‑même à causer le décès.

160. Toutefois, l’article 568 du Code pénal libanais dispose que, si l’auteur n’avait aucune connaissance des motifs et des faits qui ont entraîné, conjointement à ses menées criminelles, le décès ou la blessure de la victime, cette situation équivaut à une circonstance atténuante militant en faveur d’une peine réduite. En d’autres termes, l’auteur est considéré comme responsable du décès de la victime, mais sa peine est réduite. Ce raisonnement est plus conforme à la théorie de l’équivalence des causes. Cependant, on peut déduire d’une lecture exhaustive du Code et de la jurisprudence conjointement que le droit libanais applique essentiellement la théorie de la cause adéquate ou suffisante. En d’autres termes, l’auteur est tenu responsable de ses menées criminelles, allant de pair avec son intention criminelle, même s’il ignorait les autres raisons qui, conjointement à ses menées criminelles, ont entraîné le décès de la victime. Cette analyse renvoie également aux origines du Code pénal libanais. En effet, le texte libanais à cet égard est tiré au départ du Code pénal italien de 1930, qui retient lui‑même la théorie de la cause adéquate ou suffisante262.

2. Élément intentionnel (mens rea)

161. Les éléments subjectifs comportent (i) la connaissance et (ii) l’intention.

162. Afin de condamner un individu pour homicide intentionnel, le Code pénal libanais exige en premier lieu que l’auteur ait connaissance des circonstances de l’infraction. En d’autres termes, l’auteur doit savoir que, par son acte, il vise une personne vivante. Il doit savoir également que l’instrument qu’il utilise est susceptible de causer la mort de la victime.

163. La connaissance est cependant insuffisante à elle seule. L’homicide intentionnel exige de plus l’intention : l’auteur cherche non seulement à se conduire d’une certaine façon mais également à parvenir au résultat criminel : la mort de la victime. Par exemple, une personne qui s’évanouit brusquement ou qui, sous la vive

262 Moustapha El‑Awji, Al-kanoun al-jinai al-am, al-jizi’ al-awal, al-nazariya al-ama lil jarima [droit pénal général, première partie, la théorie générale du crime], (Beyrouth : Nawfal publishing), 1988, page 501.Samir Alia, Shareh kanoun al-oukoubat, al-kism al-3am [Explication du Code pénal, section Généralités], (Beyrouth : Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1998, p. 214 et 215.

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poussée d’une autre personne, vient à tomber sur un enfant et cause ainsi le décès de ce dernier, n’avait pas l’intention de se comporter de cette façon.

164. En conséquence, l’auteur doit être mû par une intention, telle que définie par les articles 188263 ou 189264 du Code pénal libanais, s’agissant du décès de la victime, en tant que conséquence de son comportement. Au regard de l’article 188 du Code pénal libanais, il ne suffit pas que l’auteur ait prévu le résultat de ses actes ou de son comportement ou qu’il sache que son comportement est interdit par la loi ; il doit avoir celui‑ci pour but comme résultat direct de son comportement265. Les tribunaux libanais ont soutenu que, étant donné que l’intention de l’auteur est en règle générale dissimulée dans son esprit, elle peut être déduite de critères extérieurs, tels que les circonstances du crime, les moyens utilisés par l’auteur, la partie du corps de la victime qui a été touchée ou que l’auteur visait, et ainsi de suite266. Dans une affaire où l’homicide a été commis pendant une rixe, à l’occasion de laquelle l’auteur s’est saisi d’une pierre et a asséné plusieurs coups sur la tête de la victime, causant ainsi son décès, la Cour de cassation a soutenu que l’acte était en lui‑même un indice solide de l‘intention de l’auteur267.

263 L’article 188 du Code libanais dispose : « l’intention consiste dans la volonté de commettre une infraction telle que définie par le droit ».

264 L’article 189 du Code libanais, dans la traduction anglaise, dispose : « An offence shall be deemed to be intentional, even if the criminal consequence of the act or omission exceeds the intent of the perpetrator, if he had foreseen its occurence and thus [sic] accepted the risk », et en français « L’infraction est réputée intentionnelle encore bien que l’effet délictueux de l’action ou de l’omission ait dépassé l’intention de l’auteur si celui‑ci en avait prévu l’éventualité et accepté le risque. Le mot thus dans la traduction anglaise n’est pas approprié, dans la mesure où il suggère que le risque a été accepté à cause de la prévisibilité, tandis que la version originale en français et la version officielle en arabe formulent l’acceptation du risque sous la forme d’une condition indépendante.

265 Voir Cour d’appel du Nord‑Liban, décision n°1, 12 janvier 1952, dans Al-Mouhami [L’avocat], 1952, p. 82.

266 Voir id., et Cour de cassation, 6ème Chambre, décision n°127, 30 juin 1998, dans Sader fil-tamyiz [Sader en cassation], 1998, page 563 où la Cour a soutenu que « [traduction] le fait que de nombreuses balles ont touché la victime, sur des parties vulnérables de son corps, permet de présumer l’existence de l’intention de commettre un meurtre ». Voir également Cour de cassation, 7ème Chambre, décision n°8, 22 janvier 2004, dans Sader fil-tamyiz [Sader en cassation], 2004, p. 906 ; Cour de cassation, 7ème Chambre, décision n° 24, 26 février 2004, dans Sader fil-tamyiz [Sader en cassation], 2004, p.919 ; Cour de cassation, 6ème Chambre, décision n° 275, 19 octobre 2004, dans Sader fil-tamyiz [Sader en cassation], 2004, p. 797.

267 Cour de cassation, 3ème Chambre, décision n° 458, 27 novembre 2002, dans Cassandre 11‑2002, p. 1242.

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165. Selon l’article 189, tant la connaissance que l’intention peuvent être décelées, l’élément intentionnel existe même si le dol (criminal intent) est indirect, et qu’il s’agit en conséquence d’un dol éventuel (dolus eventualis).268 L’élément intentionnel existe toujours même si l’identité de la victime n’est pas déterminée à l’avance (cas où un individu souhaite tuer n’importe qui et non pas une personne en particulier), et malgré une erreur sur la personne ou une erreur sur le lien (cas où un individu jette une victime d’un pont afin qu’elle se noie : il reste tenu pour responsable du crime d’homicide intentionnel, même si la victime meurt parce qu’elle a heurté les pierres en contrebas du pont et non parce qu’elle s’est noyée). La Chambre reviendra plus loin sur le dol éventuel, aux fins d’un examen plus approfondi269.

166. Le mobile qu’a l’auteur pour commettre le crime n’a pas d’incidence sur l’élément intentionnel. Le mobile joue un rôle sur la seule peine, qu’il l’aggrave ou qu’il l’atténue270. En outre, l’intention criminelle doit être contemporaine des menées criminelles, et non pas nécessairement du résultat criminel, à l’instar de l’individu qui, après avoir tiré sur sa victime, pris de remord, essaye de faire soigner celle‑ci. Dans ce cas, même si l’individu se repent de son acte initial, il sera néanmoins tenu pour responsable de ses menées criminelles.

3. préméditation

167. Le Juge de la mise en état s’interroge spécifiquement sur l’homicide intentionnel avec préméditation. Les deux parties s’accordent à dire que, aux termes du droit libanais, la préméditation n’est pas un élément constitutif du crime, mais une circonstance aggravante en rapport avec le prononcé de la peine271. À cet égard, la question du Juge de la mise en état peut induire en erreur dans la mesure où elle

268 Id., et Cour de cassation, 3ème Chambre, décision n° 318, 10 juillet 2002, dans Cassandre 7‑2002, p. 874. Comme cela a été noté plus haut, la notion de dol éventuel est prévue aux termes du droit libanais à l’article 189 du Code pénal. Un auteur peut être tenu pour responsable d’un meurtre qu’il n’avait pas l’intention de commettre s’il avait toutefois prévu le résultat de son acte et avait accepté le risque que celui‑ci se produise.

269 Voir par. 0, 0, 0‑0, et 230‑233.

270 Voir les articles 192 à 195 du Code libanais, et Cour de cassation, 6ème Chambre, décision n° 88, 1er juin 1999, dans Cassandre 6‑1999, p. 775.

271 L’article 549 du Code libanais dispose que les auteurs d’homicides prémédités doivent être condamnés à la peine de mort.

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suggère qu’un homicide prémédité est un crime séparé. Cet élément rend sans objet la question telle que rédigée ; toutefois, à des fins d’équité, il est nécessaire de faire une présentation générale du droit libanais sur la préméditation de telle sorte qu’un accusé soit pleinement informé des chefs d’accusation portés à son encontre, si ces chefs d’accusation comportent la préméditation.

168. Le critère exigé pour prouver la préméditation est l’existence d’un projet initial en vue de commettre le crime, ourdi et échafaudé par l’auteur272. Comme l’ont affirmé les tribunaux libanais, un meurtre prémédité est un crime bien conçu et organisé, préparé avec lucidité et calme, et où l’intention de l’auteur se révèle à travers la détermination ferme et durable de commettre le crime273. La préméditation se fonde sur deux éléments : i) la maîtrise de soi et la lucidité d’esprit lors de la préparation et de l’exécution du crime274, établissant que l’auteur n’affiche aucune émotion, et qu’il n’agit pas sous l’empire de la fureur ou la colère275, et qu’il est considéré en conséquence comme un criminel dangereux méritant que l’on retienne l’élément des circonstances aggravantes ; ii) l’espace de temps qui s’écoule jusqu’à la commission du crime, qui doit permettre à l’auteur de réfléchir, de prévoir et de retrouver son calme276. Ce second élément n’est pas prédéterminé toutefois. Il doit en revanche être évalué par le Juge en fonction des circonstances de chaque affaire277.

169. À la lumière de la douzième question du Juge de la mise en état, il est nécessaire d’examiner plus en profondeur la notion de dol éventuel visée à l’article 189 du Code

272 Cour pénale du Mont Liban, jugement du 15 février 1975, dans Al-Adel [Journal du Barreau de Beyrouth], 1986, vol. 2, p. 218.

273 Cour d’appel du Nord Liban, décision n°1, 12 janvier 1952, dans Al-Mouhami [l’Avocat], 1952, p. 82 ; Cour de cassation 7ème Chambre, décision n°74, 31 mars 1999, dans Cassandre 3‑1999, p. 364. La Cour a soutenu que la planification de la commission du crime doit être accomplie avec un soin extrême et la mise à exécution doit suivre le plan avec autant de soin. Cour de cassation, 6ème Chambre, décision n°47, 9 mars 1999, dans Cassandre 3‑1999, p. 365 : « [traduction] Le meurtre a été le résultat d’un esprit rationnel, a été exécuté de sang‑froid et pour des raisons égoïstes et a été préalablement planifié et imaginé ».

274 Cour de cassation, 3ème Chambre, décision n°154, 15 avril 1998, dans Cassandre 4‑1998, p. 425.

275 Cour de cassation, 3ème Chambre, décision n°11, 22 février 1994, dans Al-nashra al-kada’iya [Revue Judiciaire] 1994, vol. 3, p. 263

276 Cour pénale du Mont Liban, Jugement du 28 février 1991, dans Al-Adel [Journal du Barreau de Beyrouth], 1992, vol. 1‑4, p. 432.

277 Cour de cassation, 6ème Chambre, décision n°37, 23 février 1999, dans Cassandre 2‑1999, p. 217.

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pénal libanais. Selon cet article, un crime doit être considéré comme intentionnel même si le résultat dépasse l’intention qu’avait l’auteur au départ, dès lors que ledit résultat était prévisible par l’auteur et que ce dernier a accepté le risque induit par ses menées criminelles. En conséquence, en droit libanais, le dol éventuel comporte deux éléments : la prévisibilité du résultat criminel et l’acceptation par l’auteur du risque allant de pair, le cas échéant, avec les actes qu’il accomplit. En effet, c’est la volonté indéfectible de l’auteur de poursuivre ses menées malgré le risque de résultat criminel éventuel, qui témoigne de son désir de perpétrer le crime et qui rend le crime lui‑même intentionnel278. Les tribunaux libanais ont souvent condamné des individus sur la base du dol éventuel, lorsque, en commettant le crime initial à l’encontre de la victime visée, l’auteur a provoqué le décès d’autres victimes. Comme le fait remarquer le Procureur279, cette conclusion a été avancée dans l’affaire Karamé, où les auteurs ont été déclarés coupables du meurtre des passagers de l’hélicoptère dans lequel ceux‑ci se trouvaient avec la victime visée quand l’explosion a eu lieu en vol, sur la base du dol éventuel280.

170. La question xii) du Juge de la mise en état mentionne le cas d’un crime commis avec préméditation, qui a entraîné la mort de personnes autres que la victime visée (à savoir un homicide intentionnel fondé sur le dol éventuel). Le point important dans cette affaire est le suivant : il existe un seul acte sous‑jacent. En supposant que l’auteur avait prémédité cet acte, sa préméditation constitue une circonstance aggravante au regard de l’ensemble des conséquences. Il en va ainsi, comme l’ont soutenu les tribunaux libanais, parce que, et c’est ce qui importe, lorsque l’on évalue le degré de culpabilité d’un accusé pour un homicide prémédité, la gravité de l’intention criminelle compte davantage que le résultat lui‑même. Par exemple, lorsque l’auteur a commis un acte avec l’intention préméditée et directe de tuer une personne en particulier, mais a tué d’autres personnes à la place de celle‑ci (en tant que résultat

278 Samir Alia, Shareh kanoun al-oukoubat, al-kism al-3am [Explication du Code, section Généralités], (Beyrouth : Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1998, p. 247.

279 Obsevations du Procureur, par. 64.

280 La Cour a soutenu que l’auteur avait persisté à commettre le crime bien qu’il ait su parfaitement que celui‑ci entraînerait le décès de l’équipage et des passagers de l’hélicoptère qui n’étaient pas les victimes visées de l’assassinat et, à cet égard, il doit être tenu pour responsable de ces meurtres sur la base du dol éventuel/de l’intention indirecte (dolus eventualis). Voir p. 161 de la traduction anglaise.

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prévisible de son comportement), le crime reste un homicide avec préméditation, même si les menées criminelles ont entraîné le décès de personnes qui n’étaient pas la victime visée. En conséquence, on ne saurait donner deux qualifications juridiques à un seul acte intentionnel en se fondant simplement sur le résultat de celui‑ci281. Ce raisonnement découle du fait que la préméditation, telle que prévue à l’article 549 du Code pénal libanais, n’est pas un élément du crime mais une circonstance aggravante de la peine. En conséquence, elle n’entre pas dans l’évaluation du crime mais devient pertinente à une étape ultérieure, à savoir celle de la détermination de la peine.

171. Il serait donc erroné de suggérer, comme risque de le faire la question du Juge de la mise en état, que la préméditation s’applique au dol éventuel282. Le crime perpétré par l’auteur est au contraire un homicide, commis avec dol éventuel, et la peine doit être aggravée du fait de l’existence d’un crime bien préparé et planifié. La Cour de Justice a soutenu cette thèse à l’occasion d’une affaire de vol à main armée dans une bijouterie, dont le résultat a été le meurtre des propriétaires. La Cour a fait valoir que : «Attendu que les accusés avaient prévu la possibilité d’une certaine résistance de la part des victimes pendant le cambriolage, ils s’étaient tous deux munis d’une arme à feu militaire et, malgré la possibilité d’une issue fatale, ils avaient projeté de se servir de cette arme à feu. En conséquence, tous les éléments de la préméditation sont réunis parce que, conformément à l’article 189 du Code pénal libanais, le Parlement libanais a fait du dol éventuel l’équivalent d’une intention directe au niveau du résultat283 ».

172. Donc, si l’infraction première était préméditée – si l’accusé a ourdi le meurtre d’une personne en particulier – et si cette préméditation a entraîné des décès supplémentaires qui étaient raisonnablement prévisibles, dès lors, aux termes de l’article 549 du Code pénal libanais, la préméditation de l’infraction première constitue une circonstance aggravante tant à l’égard de l’homicide visé que des

281 Cour pénale de Beyrouth, 8th Chambre, décision n° 1469, 5 mars 1998, dans Al-nashra al-kada’iya [Revue Judiciaire], 1998, vol. 3, p. 304.

282 Ainsi, la préméditation ne modifie pas les éléments constitutifs du crime, parce qu’appliquer la préméditation à l’élément subjectif de l’infraction conduit à faire, au niveau de la qualification de l’infraction, une distinction entre une contravention (summary offence), un délit (misdemeanor) et un crime.

283 Cour de Justice, décision n°1, 12 avril 1994, dans Al-nashra al-kada’iya [Revue Judiciaire], 1995, vol.1, p. 3.

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homicides additionnels. L’accusé devra donc être puni par une peine plus sévère, dès lors que les homicides dont il est reconnu coupable au titre d’un dol éventuel résultent d’une infraction première qui était préméditée.

173. Ce résultat est donc logique et juste. En effet, si l’accusé a soigneusement planifié un homicide intentionnel en sachant que celui‑ci pouvait causer le décès de personnes supplémentaires, il devra être tenu de répondre des décès supplémentaires qui en ont été la conséquence, avec plus de rigueur que si l’infraction première avait été d’une nature plus spontanée : il a eu en effet l’occasion de réfléchir aux conséquences dommageables probables de son plan d’action et il a néanmoins envisagé froidement de prendre le risque d’attenter à la vie d’autres personnes, par‑delà celle de la victime qu’il visait284.

174. De plus, en vertu de l’article 216 du Code pénal libanais285, des circonstances réelles portant aggravation de la peine sont applicables aux auteurs autant qu’aux coauteurs et complices. Les circonstances « réelles » s’entendent de celles liées à l’élément matériel constitutif du crime ; par exemple, le fait d’entrer par effraction est une circonstance matérielle qui aggrave le crime de vol. Les circonstances « personnelles » qui sont des circonstances telles que la préméditation, et qui sont liées à l’élément subjectif constitutif du crime, sont également applicables à tous les participants au crime, mais seulement lorsque ces circonstances ont facilité la commission du crime ; sinon, les circonstances « personnelles » ne sont applicables qu’aux individus qu’elles concernent. En conséquence, la préméditation de la part de l’auteur n’est applicable aux complices que si elle a facilité la commission du crime supplémentaire ou si les complices ont partagé le projet de l’auteur et la même maîtrise de soi286.

284 Cour de Justice, affaire Rachid Karamé, décision n° 2/1999, 25 juin 1999, accessible sur le site internet du TSL.

285 L’article 216 dispose que : « Les circonstances réelles entraînant aggravation, atténuation ou exemption de peine ont effet à l’égard de chacun des co‑auteurs de l’infraction et de leurs complices. Il en est de même des circonstances aggravantes personnelles ou mixtes qui ont servi à faciliter l’infraction. Toute autre circonstance n’a d’effet qu’à l’égard de la personne qu’elle concerne ».

286 Ali Abed El‑Kader Kahwaji, Kanoun al-oukoubat, al-kism al-khass, jara’im al-itida’ala al-masslaha al-aama, wa ala al-insan wal-mal [Droit pénal, Section spéciale, Crimes contre l’intérêt général, les êtres humains et les biens], (Beyrouth, Al‑Halabi publishers, 2002), page 269‑270, où l’auteur critique un jugement libanais qui soutient que la préméditation était une circonstance matérielle aggravante. Dans le même sens, Samir Alia. Shareh kanoun al-oukoubat, al-kism al-3am [Explication du Code, section Généralités], (Beyrouth : Al‑

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175. En résumé, l’homicide intentionnel fondé sur une intention directe entraînant le décès de la victime visée relève des articles 547 et 188 du Code pénal libanais. L’homicide intentionnel reposant sur un dol éventuel ayant entraîné le décès de victimes qui n’étaient pas visées relève des articles 547 et 189 du Code. La préméditation est applicable à titre de circonstance aggravante aux deux formes de crime (avec intention directe ou avec dol éventuel) et à tous les auteurs et complices que réunit l’élément de préméditation. Si la préméditation n’est pas un élément qui lie les complices, elle n’intervient pas à titre de circonstance aggravante pour déterminer leur culpabilité, sauf si elle a facilité le crime. Le dernier aspect des questions soulevées par le Juge de la mise en état en ce qui concerne l’homicide porte sur la question de savoir comment qualifier l’acte délictueux quand celui‑ci se traduit par des dommages corporels et alors que son auteur a agi dans l’intention de donner la mort. Cette question conduit la Chambre d’appel à étudier le traitement de la tentative aux termes du droit libanais.

B. Tentative d’homicide

176. Aux termes du droit libanais, la tentative de commettre certains crimes spécifiques est prévue dans quatre articles du Code pénal libanais :

« Article 200 : Tel que modifié par l’article 21 de la Loi du 5/2/1948.

Toute tentative de crime, manifestée par des actes tendant directement à le commettre, si elle n’a été suspendue que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, sera considérée comme le crime même.

Toutefois les peines portées par la loi pourront être abaissées ainsi qu’il suit :

À la peine de mort pourront être substitués les travaux forcés à perpétuité ou pour sept à vingt ans ;

Aux travaux forcés à perpétuité, les travaux forcés à temps pour cinq ans au moins et à la détention perpétuelle, la détention à temps pour cinq ans au moins ;

Toute autre peine pourra être réduite de moitié jusqu’aux deux tiers.

mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1998.

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Si l’auteur de la tentative suspend volontairement son action, il ne sera puni que pour les actes accomplis qui, par eux‑mêmes, constituent une infraction ».

« Article 201 : – Tel que modifié par l’article 22 de la Loi du 5/2/1948.

Lorsque tous les actes tendant à la perpétration du crime auront été accomplis, mais auront manqué leur effet par suite de circonstances indépendantes de la volonté de leur auteur, les peines pourront être abaissées ainsi qu’il suit :

À la peine de mort pourront être substitués les travaux forcés à perpétuité, ou les travaux forcés à temps pour dix ans à vingt ans ;

Aux travaux forcés à perpétuité, les travaux forcés à temps pour sept ans à vingt ans ;

À la détention perpétuelle, la détention à temps pour sept ans à vingt ans. Toute autre peine pourra être réduite jusqu›à la moitié.

Les peines portées au présent article pourront être réduites jusqu’aux deux tiers, si l’agent a empêché volontairement le résultat de son action ».

« Article 202 – Tel que modifié par l’alinéa 18 de l’article 51 du DL n° 112 du 16/9/1983.

La tentative de délit et le délit manqué ne sont punissables que dans les cas déterminés par une disposition spéciale de la loi.

La peine prévue pour le délit consommé pourra être réduite jusqu’à concurrence de la moitié ou du tiers suivant que le délit a été tenté ou manqué. »

« Article 203 – La tentative est punissable alors même que le but recherché ne pouvait être atteint à raison d’une circonstance de fait ignorée de l’auteur. Celui‑ci ne sera pas cependant puni s’il a agi par défaut d’intelligence.

Ne sera pas non plus puni celui qui aura commis un fait dans la supposition erronée qu’il constitue une infraction. »

177. Conformément à l’article 200 du Code pénal libanais, trois éléments constituent une tentative aux termes du droit libanais : i) un élément matériel défini comme étant le commencement de l’exécution du crime, qui consiste en une

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action préliminaire tendant à commettre le crime287 ; ii) un élément subjectif défini comme étant l’intention de commettre le crime, à savoir l’intention exigée au titre de l’infraction consommée ; et iii) l’absence de renonciation volontaire à commettre l’infraction avant l’exécution de celle‑ci.

178. Le droit libanais exige un acte concret préliminaire qui marque le commencement de l’exécution du crime et qui doit conduire, selon le cours normal des événements, à réaliser le but criminel288. Cet acte physique révèle aussi que l’intention de l’auteur est orientée vers la commission du crime. En conséquence, un simple acte préparatoire est insuffisant pour établir l’existence d’une tentative289. Ainsi, le droit libanais exige que l’action préliminaire révèle à la fois l’élément matériel (actus reus) et l’élément intentionnel (mens rea) pour que la tentative tombe sous le coup d’une infraction pénale290. Comme le note le Procureur, dans l’affaire Al-Halabi, le Tribunal a découvert « la planification d’une attaque, la préparation d’armes, la surveillance de la personne visée, et la répartition des tâches entre les auteurs » en tant qu’actes tendant directement à la commission du crime, ainsi que l’exige l’article 200291.

287 Cour de cassation, 7ème Chambre, décision n°81, 25 mars 1997, dans Al-nashra al-kada’iya [Revue Judiciaire], 1997, vol. 2, p. 882 : « [traduction] Toute tentative de crime manifestée par des actes tendant directement à le commettre».

288 Voir Observations du Bureau de la Défense, par. 150.

289 Les tribunaux libanais ont souvent débattu de la distinction entre le commencement de la mise à exécution d’un crime et un acte préparatoire. Voir la Chambre d’accusation (Indictment Court) dans Nord Liban, décision n°175, 27 novembre 1995, Al-Adel [Journal du Barreau de Beyrouth], 1995, vol. 1, page 429, où la Chambre a soutenu que : « [traduction] faire la distinction entre un acte préparatoire et le début de la mise à exécution est une question relative qui revient à évaluer la nature et les circonstances entourant le crime que l’auteur a l’intention de commettre […]. Les tribunaux libanais considèrent que les actes tendant à la commission du crime sont ceux directement liés au résultat désiré du crime […]. Le simple acte préparatoire ne peut être puni à cause de l’absence d’un élément objectif du crime ». Comparer Nouvelle‑ Zélande, Cour d’appel, R. contre Harpur, [2010] NZCA 319 (23 juillet 2010), où la Cour a tenu le défendeur pour responsable d’une tentative puisque son comportement démontrait une intention manifeste de consommer l’infraction ; il a réalisé un certain nombre d’actes qui, pris ensemble, démontraient qu’il « [traduction] avait dépassé le stade de la simple préparation » ; et que son comportement « était lié de près à l’infraction visée ».

290 Samir Alia, Shareh kanoun al-oukoubat, al-kism al-3am [Explication du Code, section Généralités], (Beyrouth : Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1998, p. 224‑225.

291 Observations du Procureur, par. 61

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179. En outre, le commencement de l’exécution du crime doit avoir été interrompu ou doit avoir échoué en raison de circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur ou échappant à son contrôle292. L’abandon est en revanche considéré comme étant volontaire lorsque l’auteur lui‑même en décide ainsi. Aussi, les différentes raisons motivant le renoncement volontaire, telles que la pitié ou le remords, ne sont‑elles pas pertinentes ; d’une façon comme d’une autre, la tentative de commettre le crime cesse d’exister. Le renoncement peut aussi être partiel – tel est le cas du voleur qui, après être entré par effraction dans une maison, entend du bruit et qui, sous l’effet de la peur, abandonne son projet. D’aucuns ont prétendu qu’il s’agissait d’un renoncement volontaire. D’autres ont soutenu le contraire. La solution qui peut être apportée à une situation controversée de cet ordre est de laisser au juge le soin de décider au cas par cas. Quoi qu’il en soit, si la renonciation intervient après la commission du crime, ce n’est pas une renonciation valable mais un repentir actif (repentance) qui n’a pas d’incidence sur les conséquences juridiques de l’acte criminel et qui n’efface pas la nature criminelle de l’acte.

180. Il faut mentionner de plus un type particulier de tentative : l’infraction interrompue. L’article 201 du Code pénal libanais dispose que ces infractions ont lieu quand tous les actes tendant à la commission du crime ont été consommés mais n’ont produit aucun effet en raison de circonstances échappant au contrôle de l’auteur293. À cet égard, la distinction entre tentative de commettre un certain crime et infraction interrompue est pertinente au regard de la peine à imposer : l’article 202 du Code pénal libanais dispose que la sanction encourue pour une infraction consommée peut être commuée en une peine d’une durée réduite de moitié au maximum dans le cas d’une tentative, mais d’un tiers seulement dans le cas d’infractions interrompues.

181. Enfin, la situation dans laquelle un auteur commet un homicide intentionnel à l’encontre d’une victime visée et blesse, ce faisant, d’autres victimes est matière à controverse. Selon un premier point de vue, on peut considérer que l’auteur est responsable des dommages corporels commis avec dol éventuel, en prenant pour

292 Cour de cassation, 7ème Chambre, décision n° 102, 19 mars 2002, dans Cassandre 3‑2002, p. 321.

293 Cour pénale de Beyrouth, décision n° 135, 10 octobre 1996, Al-nashra al-kada’iya [Revue Judiciaire], 1996, vol. 1, p. 214.

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postulat que l’auteur, n’ayant pas planifié de menées criminelles à l’encontre des autres victimes, ne devait être tenu pour responsable que du seul résultat réel de son crime. Toutefois, cette optique sépare artificiellement le crime de l’intention de l’auteur. L’esprit de l’auteur est tourné vers la commission de l’homicide. En conséquence, il semblerait plus logique de le tenir responsable d’une tentative de meurtre, et non de dommages corporels, mais ceci dépendra des circonstances particulières de l’affaire.

182. En fonction de tout ce qui précède, une tentative de commettre un homicide intentionnel prend place, en vertu des articles 547 et 200 du Code pénal libanais, lorsque l’auteur a directement l’intention de commettre un homicide et commence à mettre à exécution les éléments du crime mais n’atteint pas le résultat visé en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Si l’auteur entend commettre un homicide intentionnel, au titre d’un dol éventuel, à l’encontre de victimes indéterminées et si tous les éléments du crime sont mis à exécution mais n’atteignent pas le résultat escompté à la suite de circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur, en entraînant des dommages corporels au lieu de la mort, il y a infraction interrompue, conformément aux articles 547 et 201 du Code pénal libanais. Enfin, si le crime visé était prémédité, la tentative de consommer le crime ou l’infraction interrompue, dans le même but, justifie une peine aggravée aux termes de l’article 549 et en vertu de l’article 200 qui dispose que la tentative sera considérée constituer le crime lui‑même si la réalisation de ce dernier n’a été empêchée que par des circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur.

183. En répondant à la question iv) ci‑dessus du Juge de la mise en état, concernant le décès et les dommages corporels subis par les victimes d’un acte terroriste294, la Chambre d’appel a affirmé que l’auteur pouvait être tenu séparément responsable du crime sous‑jacent, et elle a convenu de se pencher sur cette question après avoir débattu des caractères spécifiques de ces crimes. En revenant sur cette question, la Chambre peut ajouter à présent que, s’agissant des victimes décédées qui n’étaient pas visées, l’auteur est responsable d’un homicide intentionnel sur la base d’un dol éventuel s’il avait prévu l’éventualité de décès supplémentaires et en avait accepté

294 Voir ci‑dessus, par. 59.

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le risque. S’agissant des victimes qui n’étaient pas visées et qui ont été blessées, l’auteur est responsable d’un homicide intentionnel inachevé, car, même s’il n’a pas atteint le résultat escompté pour des raisons indépendantes de sa volonté, il a mis à exécution tous les éléments du crime d’homicide intentionnel sur la base d’un dol éventuel.

C. Résumé

184. Pour réitérer d’une façon plus concise l’énoncé des réponses de la Chambre d’appel aux questions du Juge de la mise en état, le Tribunal doit appliquer le droit libanais sur l’homicide intentionnel (question ix)). La question x) de ce fait est sans objet.

185. Les éléments du crime d’homicide intentionnel libanais (question xi)) sont :

a. Un acte ou une omission coupable visant à porter atteinte à la vie d’une autre personne ;

b. Le décès d’une personne qui en est le résultat ;

c. Un lien de causalité entre l’acte et le décès qui en est la conséquence ;

d. La connaissance des circonstances de l’infraction (et notamment le fait de savoir que l’acte vise une personne vivante et est réalisé par des moyens susceptibles de causer la mort) ; et

e. L’intention, qu’elle soit directe ou qu’il s’agisse d’un dol éventuel.

186. La préméditation est une circonstance aggravante, et non pas un élément du crime d’homicide intentionnel. Elle correspond à un plan bien conçu et bien arrêté, préparé avec un esprit lucide et calme, et démontrant un engagement ferme et durable de commettre le crime.

187. Les éléments de la tentative d’homicide en droit libanais sont les suivants:

a. Un acte préliminaire visant à commettre le crime (le commencement

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d’exécution du crime) ;

b. L’intention subjective requise pour commettre le crime ; et

c. L’absence de désistement volontaire avant de commettre l’infraction.

188. Pour répondre à la question xii), la préméditation peut être, dans le cas examiné au paragraphe 171 ci‑dessus, une circonstance aggravante lorsqu’il s’agit d’un homicide intentionnel commis avec dol éventuel.

iii. complot

189. S’agissant du complot, le Juge de la mise en état a posé les questions suivantes :

« v) Pour interpréter les éléments constitutifs de la notion de complot, le Tribunal doit‑il prendre en compte, non seulement le droit libanais, mais également le droit international, conventionnel ou coutumier ?

vi) S’il était répondu par l’affirmative à la question visée au paragraphe v), existe‑t‑il des contradictions entre la définition de la notion de complot consacrée par le droit libanais et celle résultant du droit international et, le cas échéant, comment les résoudre ?

vii) S’il était répondu par la négative à la question visée au paragraphe v), quels sont les éléments constitutifs du complot à prendre en considération par le Tribunal au regard du droit libanais et de la jurisprudence y afférente ?

viii) Comme les notions de complot et d’entreprise criminelle commune sont, de prime abord, susceptibles de présenter des éléments communs, quels sont leurs traits distinctifs respectifs ? »

190. Aux termes du droit libanais, le complot est visé dans deux articles :

« Article 270 du code pénal libanais : Est qualifiée complot toute entente réalisée entre deux ou plusieurs personnes en vue de commettre un crime par des moyens déterminés. »

« Article 7 de la loi du 11 janvier 1958 : Quiconque fomente un complot dans la perspective de la commission d’une ou de certaines des infractions envisagées dans les articles précédents est passible de la peine de mort. »

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191. La Chambre d’appel répondra en premier lieu à la question viii), cette démarche devant préciser les autres éléments faisant débat : le droit pénal libanais traite le complot comme une infraction autonome (assez particulière) et non comme un mode de responsabilité. Par ailleurs, la doctrine de l’entreprise criminelle commune concerne les modes de responsabilité pénale de participation à un groupe poursuivant un dessein commun295. Bien que, comme le Procureur et le Bureau de la Défense le font remarquer, le complot et l’entreprise criminelle commune se fondent tous deux sur l’existence d’une entente ou d’un dessein commun, il s’agit de concepts entièrement distincts296.

192. En abordant la question v), la Chambre d’appel convient avec le Bureau du Procureur297 et le Bureau de la Défense298 que le Tribunal doit appliquer le droit libanais, conformément à l’article 2 du Statut. De même que pour l’homicide intentionnel, et dans le droit fil, de même, des positions du Bureau du Procureur et du Bureau de la Défense299, la Chambre d’appel ne juge pas nécessaire d’interpréter le droit libanais du complot à la lumière du droit international coutumier ou conventionnel, car le droit international pénal ne comporte aucun crime équivalent300. La question vi) est sans objet et la Chambre d’appel portera toute son attention sur la question vii), à savoir identifier les éléments constitutifs, selon le droit libanais, de l’infraction de complot.

193. En droit libanais, le complot est considéré comme une forme « d’entente criminelle », à savoir une entente entre deux ou plusieurs personnes en vue de commettre un crime. Alors que les articles 335 à 339 du Code pénal libanais interdisent d’autres formes, plus ouvertes à d’autres participants, d’ententes

295 Voir ci‑dessous, par. 236‑261.

296 Observations du Procureur, par. 45 ; Mémoire du Bureau de la Défense, par. 136 et 139.

297 Observations du Procureur, par. 37.

298 Observations du Bureau de la Défense, par. 126.

299 Observations du Bureau du Procureur, par. 38 ; Observations du Bureau de la Défense, par. 129.

300 Comme le note le Bureau de la Défense (par. 129 et 130), le seul crime autonome de complot, qui a été élaboré en droit international pénal, est le complot en vue de commettre un génocide qui est matériellement distinct du crime désigné par le mot « complot » aux termes du Code pénal libanais, à savoir le complot en vue de commettre un crime menaçant la sûreté de l’État.

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criminelles, à l’instar d’« associations de malfaiteurs » et de « sociétés secrètes », le crime de complot doit comporter un projet criminel qui menace la sûreté et l’ordre public de l’État301. L’emplacement, au sein du Code pénal libanais, des articles relatifs au complot est révélateur de l’intention du Parlement libanais de restreindre l’infraction de complot aux seuls crimes qui menacent la sûreté de l’État. L’article 270 se trouve au Livre II, chapitre I du Code pénal, intitulé : « Infractions contre la sûreté de l’État », alors que l’article 7 de la loi du 11 janvier 1958 se trouve au chapitre II du Titre I : « infractions contre la sûreté intérieure de l’État » (étant donné qu’il remplace l’article 315 du Code pénal).

194. À partir des dispositions mentionnées ci‑dessus, il est possible d’identifier cinq éléments constitutifs du crime de complot302 : i) deux ou plusieurs individus ; ii) concluant une entente ou y adhérant ; iii) visant à commettre des crimes contre la sûreté de l’État ; iv) en déterminant à l’avance les moyens à utiliser pour commettre le crime ; et enfin v) une intention criminelle303.

195. i) Deux ou plusieurs individus : le complot est une entente bilatérale ou multilatérale. Il n’est pas nécessaire cependant de connaître l’identité de tous les participants. Il en résulte qu’une seule personne peut être jugée pour complot quand il est établi qu’elle s’est entendue avec d’autres pour commettre le crime considéré, même si l’identité des « autres » personnes demeure inconnue304.

196. ii) Une entente : tenue comme étant la rencontre de volontés, l’entente est consommée lorsque les conspirateurs parviennent à un accord complet et lorsque cet accord est définitif. Il revient au Bureau du Procureur de prouver ces éléments et de montrer que les volontés des conspirateurs se sont fédérées et unies en vue de

301 Voir par. 198.

302 Cour de Justice, Affaire Ballamand Monastry, décision n° 124/1994, 26 octobre 1994, cité dans Elias Abou Eid, Al-qararat al-kubra fi al-ijtihad al-loubnani wal-moukaran [les décisions d’ordre majeur dans la jurisprudence libanaise et comparative], vol. 22, p. 98. On doit toutefois faire ressortir que la jurisprudence libanaise sur le complot est très clairsemée. Dans le cas susmentionné, bien que la Cour n’ait pas incriminé l’accusé de complot, elle a cependant identifié tous les éléments constitutifs de ce crime.

303 Mohammed El‑Fadel, Jara’im amen al dawla, [Crimes contre la sûreté de l’État], 2ème éd., (Damas : Publications de l’Université de Damas,1963), p. 83.

304 Mohammed El‑Fadel, Jara’im amen al dawla, [Crimes contre la sûreté de l’État], 2ème éd., (Damas : Publications de l’Université de Damas,1963), p. 89.

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commettre le crime. De plus, aucune forme particulière d’entente n’est exigée. La simple conjonction ou union de volontés suffit. Même s’il est improbable qu’une entente aux fins d’un complot puisse intervenir sans cet élément, le secret n’est pas une condition nécessaire de l’opération. L’entente peut être conditionnelle, dépendant de la survenance d’une circonstance particulière prévisible ou d’un événement susceptible de se produire. En d’autres termes, les conspirateurs peuvent convenir de commettre le crime en fonction de telle circonstance ou de tel événement. S’agissant des conspirateurs qui adhèrent au complot à un stade ultérieur, ils doivent aussi satisfaire à l’exigence que représente la rencontre de volontés. Enfin, aucun délai n’est expressément requis en ce qui concerne la validité de l’entente. Celle‑ci reste valable, même si elle couvre une longue période ou même si elle n’a pas de terme précis ou prévisible.

197. iii) L’entente a pour but de commettre un crime contre la sûreté de l’État : comme cela a été mentionné plus haut, l’entente est orientée vers la commission d’un type particulier de crime. Le terme « crime » est utilisé ici stricto sensu, à savoir pour indiquer une infraction grave. En conséquence, un complot ne saurait être possible pour des infractions de gravité moyenne, à moins que la loi n’en dispose autrement. De plus, un type particulier de crimes est visé, par opposition à tous les autres crimes, à savoir les crimes contre la sûreté de l’État. La nécessité d’un but spécifique est justifiée par le fait qu’un complot est qualifié pénalement en fonction de la catégorie dont relève le but que les conspirateurs visent à atteindre. En conséquence, si une entente entre deux ou plusieurs individus n’est pas dirigée vers la commission d’un crime contre la sûreté de l’État, mais a pour but de commettre un crime différent, elle ne peut pas être considérée comme un « complot ». Elle pourra toutefois être qualifiée d’« association de malfaiteurs » aux termes de l’article 335 du Code pénal libanais. Dans un complot visant à commettre un acte de terrorisme, le but poursuivi par les conspirateurs doit en conséquence être la commission d’un acte de terrorisme. L’article 7 de la loi du 11 janvier 1958 sanctionne expressément le complot tendant à commettre un acte de terrorisme.

198. Les crimes contre la sûreté de l’État sont énumérés aux articles 273 à 320 du Code pénal libanais. Outre le terrorisme, ils incluent : la trahison, l’espionnage, les relations illégales avec l’ennemi, les violations du droit international, les atteintes

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au prestige de l’État et au sentiment national, les infractions commises par des fournisseurs (en temps de guerre), les infractions contre la Constitution, l’usurpation d’un pouvoir politique ou d’un commandement militaire, la sédition, le terrorisme, les crimes portant atteinte à l’unité nationale, ou les crimes perturbant l’harmonie entre les composantes de la communauté nationale, l’atteinte au crédit de l’État ou à sa situation financière. La compétence du Tribunal de céans s’étend au seul complot visant à commettre des actes de terrorisme305.

199. iv) Les moyens utilisés pour commettre le crime : l’entente doit aussi envisager les moyens et instruments que les conspirateurs veulent utiliser pour commettre l’infraction. L’entente serait incomplète et le complot ferait long feu si les conspirateurs ne s’accordaient pas sur les moyens à employer pour atteindre leur but306. Toutefois, une détermination précise des moyens n’est pas exigée. Si les conspirateurs conviennent d’utiliser un moyen défini comme étant propre à un acte terroriste, il suffit de dire qu’ils se sont entendus sur les moyens à employer pour mettre en œuvre l’entente. À cet égard, le complot aux fins de commettre un acte terroriste doit comporter un accord sur les moyens qui satisfasse aux exigences de l’article 314, en d’autres termes, un accord sur les moyens susceptibles de créer un danger commun.

200. v) L’intention criminelle : le complot est une infraction intentionnelle. L’intention doit concerner l’objet du complot : les auteurs savent que le complot a pour but de réaliser des menées criminelles contre la sûreté de l’État. De plus, la seule existence de l’entente remplit la condition de l’intention criminelle307. L’intention criminelle n’est pas avérée si un co‑conspirateur croyait que le complot, qui s’est ensuite avéré illicite, était au contraire légitime. Comme pour toutes les infractions intentionnelles, le mobile n’est pas pris en compte, si ce n’est pour atténuer ou aggraver la peine. S’agissant de la tentative, celle‑ci n’existe pas en

305 Voir l’article 2 du Statut du TSL.

306 Mohammed El‑Fadel, Jara’im amen al dawla, [Crimes contre la sûreté de l’État], 2ème éd., (Damas : publications de l’Université de Damas,1963), p. 94.

307 Samir Alia, Al-wajiz fi chareh al-jara’im al-wakiaa aala amen al-dawla – Dirassa moukarana [Explication des Crimes commis contre la sûreté de l’État – Étude comparative], 1ère éd. (Beyrouth : Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1999, p. 88.

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matière de complot. Avant la rencontre des volontés, il n’y a pas de crime ; une fois que les volontés se conjuguent, le crime de complot a déjà été mis à exécution. Comme le remarque le Procureur, « aux termes de l’article 270 du [Code pénal libanais], l’entente « est en soi un crime. Les personnes participant au complot sont punissables, même si leur accord en vue de commettre des infractions contre la sûreté de l’État ne s’est pas matérialisé par des actes308 ». Il ne saurait donc y avoir de « tentative de complot ». Tout comportement précédant la rencontre des volontés n’est pas autre chose qu’un acte préparatoire309.

201. De plus, sans aborder plus avant la question des modes de responsabilité qui sera examinée ci‑après, il convient de prêter une attention particulière à la complicité aux fins de commettre un complot. La complicité a sa place dans un complot, étant donné qu’un complice peut en fait apporter son appui à l’exécution du crime sans adhérer pour autant à l’entente elle‑même, comme le montre le cas d’un individu qui offre son domicile comme lieu de rencontre pour les conspirateurs, ou qui agit comme intermédiaire pour réunir les conspirateurs. Le complice doit avoir recours aux moyens que prévoit l’article 219 du Code pénal libanais310, sans devenir partie à l’entente et sans contribuer à établir les plans ou à décider des moyens. Il doit toutefois être conscient de sa participation à un complot311.

202. Pour résumer nos réponses aux questions du Juge de la mise en état : Le Tribunal doit appliquer le droit libanais du complot (question v)). La question vi) ne se pose plus de ce fait. Les éléments d’un complot aux termes du droit libanais (question vii)) sont les suivants :

308 Obsevations du Procureur, par. 51 (citant le jugement n° 3/1994, 26 octobre 1994) (note de bas de page omise).

309 Mohammed El‑Fadel, Jara’im amen al dawla, [Crimes contre la sûreté de l’État], 2ème éd., (Damas : Publications de l’Université de Damas,1963), p. 97.

310 L’article 219 fera l’objet d’un examen plus approfondi plus loin, aux par. 218‑223.

311 Mohammed El‑Fadel, Jara’im amen al dawla, [Crimes contre la sûreté de l’État], 2ème éd., (Damas : Publications de l’Université de Damas,1963), page 98‑99, Samir Alia, Al-wajiz fi chareh al-jara’im al-wakiaa aala amen al-dawla – Dirassa moukarana [Explication des Crimes commis contre la sûreté de l’État – Étude comparative], 1ère édn. (Beyrouth : Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1999, p. 80‑81.

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a. deux ou plusieurs individus ;

b. qui concluent ou se joignent à une entente ;

c. en ayant pour but de commettre des infractions contre la sûreté de l’État (aux fins du Tribunal de céans, le but du complot doit être un acte terroriste) ;

d. avec un accord sur les moyens à employer pour commettre le crime (qui, pour que le complot commette l’infraction de terrorisme, doivent satisfaire à l’élément de « moyens » de l’article 314) ;

e. l’existence d’un dol.

203. Enfin, s’agissant de la question viii), la notion de complot (d’après le droit libanais) est distincte de celle d’entreprise criminelle commune : la première est une infraction autonome, la seconde est un mode de responsabilité pénale.

secTiOn ii: MOdes de RespOnsABiliTÉ

i. uniformiser les articles 2 et 3 du statut du Tribunal

204. Un examen attentif des articles 2 et 3 du Statut du Tribunal montre qu’à certains égards, ces deux dispositions peuvent se recouper, dans la mesure où elles traitent toutes deux de la question des modes de responsabilité (même si l’article 2 envisage également les crimes relevant de la compétence du Tribunal). Cette ambigüité est à l’origine de la treizième question du Juge de la mise en état :

xiii) Pour l’application des modes de responsabilité pénale devant le Tribunal, convient‑il de se référer au droit libanais, au droit international ou à la fois au droit libanais et au droit international ? Dans ce dernier cas, comment, et sur la base de quels principes, résoudre les contradictions éventuelles entre ces droits, s’agissant en particulier de la commission et de la coaction ?

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Pour répondre à cette question, la Chambre d’appel procédera également à un examen minutieux des questions iv) et xii), qui portent sur la qualification des délits en cas de dol éventuel.

205. Selon l’article 2, le Tribunal applique les dispositions du Code pénal libanais relatives à la « participation criminelle » (à titre de mode de responsabilité) et à la « qualification de complot », aux « associations illicites » et à la « non‑révélation de crimes et délits » (à titre de crimes en tant que tels).

206. L’article 3 énonce les principes de droit international pénal relatifs aux différents modes de responsabilité pénale, notamment du fait d’avoir commis un crime, d’y avoir participé en tant que complice, d’avoir organisé un crime ou d’avoir ordonné à d’autres de le commettre, et d’avoir contribué à la commission de crimes par un groupe de personnes agissant de concert. Le libellé de l’article 3 résulte explicitement des statuts de la CPI, du TPIY, du Tribunal militaire international de Nuremberg, et des conventions les plus récentes contre le terrorisme ; il reflète la place qu’occupe le droit international coutumier dans la jurisprudence des tribunaux ad hoc312. Cet article introduit implicitement dans le Statut du Tribunal le corps de règles de droit international qui fixe et fait application des principes de responsabilité pénale individuelle. Cependant, conformément aux termes employés par le Secrétaire général dans son rapport au Conseil de sécurité sur la création du Tribunal, l’article 3 1 a) est également « conforme » au Code pénal libanais313, à savoir probablement aux dispositions relatives à la participation criminelle mentionnées à l’article 2.

207. Les questions couvertes par l’article 2 étant régies par le droit libanais, alors que les concepts figurant à l’article 3 sont régis par le droit international pénal, la

312 Comparer l’article 3 1 b) du Statut du TSL à l’article 25 3 d) du Statut de Rome de la CPI, l’article 2 3) de la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, et l’article 24) de la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire ; l’article 3 2) du Statut du TSL à l’article 28 b) du Statut de Rome de la CPI ; et l’article 3 3) du Statut du TSL à l’article 7 4) du Statut du TPIY et à l’article 8 de la Charte du Tribunal militaire international. Voir également l’article 7 3) du Statut du TPIY ; l’article 33 du Statut de la CPI ; Rapport du Secrétaire général sur la création d’un tribunal spécial pour le Liban, S/2006/893 (2006), par. 26. Voir également les affaires mentionnées ci‑dessous aux notes de bas de page 355 à 362.

313 S/2006/893 (2006), par. 26.

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question dont a été saisie la Chambre d’appel est de savoir comment uniformiser les deux corps de règles de droit en cas de contradictions ou de divergences dans l’énoncé du droit à appliquer.

208. Selon le Procureur, bien que le Statut ne prévoie aucune règle formelle relative à la hiérarchie applicable aux modes de responsabilité pénale établies aux articles 2 et 3 de cet instrument, les termes « sous réserve des dispositions du présent Statut » figurant à l’article 2 pourraient être interprétés comme signifiant que les formes de responsabilité prévues à l’article 3 prévalent contre toute disposition contradictoire du droit libanais applicable conformément à l’article 2, signe d’une priorité donnée aux formes de responsabilité prévues à l’article 3 et non à celles prévues par le droit libanais314 ». Cependant, d’après le Procureur, la meilleure interprétation consiste à affirmer que le Statut « permet l’application des formes de responsabilité pénale découlant aussi bien du droit libanais que du droit international pénal315 », et que par conséquent, « il n’existe pas de véritable contradiction entre les articles 2 et 3 » du Statut316. Le Procureur soutient ensuite qu’« aucune question relative à des formes contradictoires de responsabilité pénale n’est soulevée dès lors que le Procureur précise le sens et les éléments de toute forme de responsabilité pénale qu’il [sic] invoque dans un acte d’accusation317 ». Soulignant le côté pratique de l’application des deux dispositions concernées, le Procureur fait observer qu’« en tout état de cause, toute inégalité potentielle ou difficulté juridique découlant de charges fondées sur les dispositions des articles 2 et 3 peut être résolue avant le procès et n’entraînerait en aucun cas de préjudice ou d’injustice pour l’accusé318 ». D’après le Procureur, « conformément aux objectifs de manifestation de la vérité et de garantie du respect des plus hautes normes internationale de justice, la forme [de responsabilité pénale] correspondant le plus précisément aux agissements d’un accusé s’appliquent319 ».

314 Observations du Procureur, par. 71.

315 Observations du Procureur, par. 85.

316 Observations du Procureur, par. 107.

317 Observations du Procureur, par. 89.

318 Observations du Procureur, par. 107.

319 Observations du Procureur, par. 107.

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209. Le Bureau de la Défense adopte un point de vue radicalement différent. Il estime que le droit pénal libanais est « le droit qui prime » pour le Tribunal eu égard à la définition des crimes et aux modes de responsabilité, dans la mesure où il est impossible de dissocier un « segment » du droit de l’autre : les deux domaines du droit pénal étant soumis au principe de la légalité et garantis par ce même principe, l’application exclusive du droit pénal libanais aux crimes relevant de la compétence du Tribunal implique que les modes de responsabilité soient aussi exclusivement régis par le droit pénal libanais :

« À supposer que le Statut du Tribunal prévoit un mode particulier de responsabilité, lequel n’existerait pas en droit pénal libanais (le corpus qui prévaut en droit pénal) à l’époque des faits, le Tribunal n’aurait pas le pouvoir de l’appliquer. Le même raisonnement prévaudrait si un tribunal international appliquait une forme de responsabilité n’existant pas dans l’ordre juridique de rang le plus élevé (c’est‑à‑dire le droit pénal libanais pour le TSL et le droit international coutumier pour le TPIY). Dans l’affaire Stakic, par exemple, la Chambre d’appel du TPIY a estimé que la Chambre de première instance avait commis une erreur en se fondant sur un concept de responsabilité (« la coaction ») qui n’était pas reconnu dans l’ordre juridique qui prédominait (à savoir le droit international coutumier). Lorsqu’un mode de responsabilité ne figure pas dans le Statut ou bien est visé par celui‑ci, mais n’existait pas en droit pénal libanais au moment des faits, le Tribunal doit refuser de l’appliquer, s’il ne veut pas outrepasser la compétence qui lui est conférée (laquelle résulte d’une combinaison du texte du Statut et d’un renvoi au droit pénal libanais) et violer le principe de légalité320 ».

Selon le Bureau de la Défense, une telle approche aurait pour conséquence que, si l’Accusation entend inculper un individu sur le fondement de l’article 3 1 b), « le Juge de la mise en état serait donc tenu de refuser afin de ne pas déborder le cadre de sa compétence et de sauvegarder le principe de légalité321 ». Le Bureau de la Défense tire une autre conclusion de son approche générale relative aux modes de responsabilité dans le Statut : « aucun des modes de responsabilité prévus aux

320 Observations du Bureau de la Défense, par. 153.

321 Observations du Bureau de la Défense, par. 163.

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articles3 2) et 3 1 b) du Statut n’est applicable aux procédures engagées devant ce Tribunal322 ».

210. En fin de compte, la Chambre d’appel n’adhère ni au point de vue du Procureur, ni à celui du Bureau de la Défense. Plusieurs principes orientent son analyse et devraient également orienter le Juge de la mise en état et la Chambre de première instance dans l’examen des cas particuliers dont ils sont saisis. Le Tribunal doit résoudre les contradictions entre les articles 2 et 3 à la lumière des principes généraux d’interprétation énoncés précédemment. Premièrement, comme indiqué précédemment concernant la définition du terrorisme, les rédacteurs du Statut ont privilégié le droit libanais par rapport au droit international pénal en termes d’infractions autonomes, comme il est prévu à l’article 2. Cependant, et telle est la deuxième remarque de la Chambre d’appel, l’article 2 prévoit également que le droit libanais, notamment la règle relative à la « participation criminelle », devrait s’appliquer « sous réserve des dispositions du présent Statut », et il est évident que les rédacteurs du Statut entendaient introduire, à travers l’article 3, certains modes de responsabilité reconnues en droit international pénal. La Chambre d’appel ne peut en aucun cas partir du principe que l’article 3 a été inséré dans le Statut par méprise et que l’on devrait considérer qu’il n’en fait pas partie. Troisièmement, le principe nullum crimen (en particulier le principe de non‑rétroactivité qui en découle) s’applique non seulement aux crimes en tant que tels, mais également aux modes de responsabilité pénale.

211. En application de ces trois principes, la Chambre d’appel conclut que, de manière générale, il convient i) de déterminer au cas par cas si, au regard de leur application, il y a véritablement conflit entre le droit libanais et le droit international pénal figurant à l’article 3 ; ii) à défaut d’opposition entre ces deux corps de règles, d’appliquer le droit libanais ; et iii) en cas de divergence, de mettre en œuvre les prescriptions conduisant au résultat qui s’avère le plus favorable aux droits de l’accusé.

212. La Chambre d’appel ne procèdera pas à une étude complète des modes de responsabilité pénale qui peuvent donner lieu à des accusations et à des poursuites

322 Observations du Bureau de la Défense, par. 165.

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devant le Tribunal. Elle examinera par contre deux modes de responsabilité spécifiques : i) la perpétration et la coaction, conformément au droit libanais et au droit international (y compris l’entreprise criminelle commune à titre de forme de perpétration et de coaction conformément au droit international), telle que mentionnée explicitement dans la question xiii) du Juge de la mise en état ; et ii) la complicité (ou l’aide et l’assistance), qui montre comment un conflit entre le droit libanais et le droit international pénal peut aboutir à l’application, dans ce cas précis, du droit libanais323.

ii. Modes de responsabilité

A. Perpétration et coaction

1. droit libanais

213. Aux termes de l’article 212 du Code pénal libanais, « [l]’auteur d’une infraction est celui qui en a réalisé les éléments constitutifs ou qui a coopéré directement à leur exécution ». Ainsi, l’auteur doit avoir exécuté les éléments objectifs et subjectifs du crime. Toute personne ayant contribué à l’exécution de ces éléments est un coauteur. Aux termes de l’article 213 du Codé pénal libanais, « [c]hacun des co‑auteurs d’une infraction est passible de la peine qui y est attachée par la loi ».

214. Dans le cadre de ce que la Chambre d’appel qualifiera de coaction « de base », un coauteur est une personne qui exécute la même action que l’auteur. Par exemple, d’après la Cour de cassation du Liban, le deuxième accusé qui, partageant le même élément subjectif (mens rea), avait fait feu sur la victime qui avait survécu aux balles après avoir essuyé le tir du premier accusé, doit être considéré comme un coauteur324.

215. Le droit libanais reconnaît qu’en certains cas, le coauteur peut commettre certains éléments objectifs du crime, mais pas tous, voire même intervenir en tant que support ou instigateur du crime sans le commettre lui‑même. Par exemple,

323 Par exemple, la Chambre d’appel n’examine pas l’« incitation à commettre un crime », mode important de responsabilité pénale selon le droit libanais.

324 Cour de Cassation, décision n° 170, 24 mai 2000, dans Cassandre 2002. Voir également Samir Alia, Shareh kanoun al-oukoubat, al-kism al-3am [Explication du Code pénal, section générale], (Beyrouth : Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1998, p. 301.

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un coauteur peut participer à un crime qui implique de multiples actions (ainsi un document peut être falsifié par deux personnes, l’une altérant le contenu du document et l’autre la signature). Conformément à la deuxième forme de perpétration mentionnée à l’article 212 du Code pénal libanais, à savoir une contribution directe à la commission du crime, l’agent qui joue un rôle principal et direct dans la commission du crime peut également être un coauteur, même si son rôle ne répond pas à tous les éléments objectifs du crime (par exemple, dans l’hypothèse d’un vol, une personne démolit la porte d’une maison alors qu’une autre s’empare de l’argent qui se trouve à l’intérieur)325. Dans l’affaire de la Tentative d’assassinat du Ministre Michel Murr, la Cour de justice a fait observer que deux accusés qui ont aidé à planifier une attaque à la voiture piégée – ils ont conçu le plan, supervisé sa mise en œuvre, organisé la surveillance de la personne visée et préparé l’exécution du crime – « [traduction] ont participé à l’exécution d’éléments des crimes d’homicide volontaire et de tentative d’homicide » et étaient donc coupables en tant que coauteurs de ces crimes, conformément à l’article 213 du Code pénal libanais326. En outre, conformément à l’article 213, un tel coauteur reçoit une peine plus lourde s’il « a organisé la coopération à l’infraction ou dirigé l’activité des personnes qui y ont participé ». Cependant, ces nouveaux concepts de coaction feront l’objet d’un examen approfondi sous le titre « Participation à un groupe visant un objectif commun ».

2. droit international pénal

216. Les principaux concepts du droit international pénal en la matière ne sont pas différents du concept fondamental décrit précédemment. Conformément au droit international pénal, est qualifié d’auteur toute personne qui accomplit physiquement l’action illégale, et dont les actes sont empreints de l’élément subjectif qui est de mise. Lorsqu’un crime est commis par plusieurs personnes, toutes les personnes exécutant le même acte (comme par exemple dans l’hypothèse d’une unité militaire tirant sur

325 Ibid. p. 301 et 302 et note de bas de page n° 73, à laquelle l’auteur mentionne les affaires libanaises pertinentes.

326 Voir l’affaire Murr, p. 54 de la traduction anglaise, disponible sur le site internet du TSL.

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des civils) sont qualifiées de coauteurs, à savoir de personnes ayant véritablement participé à la commission du crime et partageant le même élément subjectif327.

3. comparaison entre le droit libanais et le droit international pénal

217. L’examen précédent montre que les deux ensembles de règles se superposent en ce qui concerne la perpétration et le concept clé de coaction (lorsque tous les acteurs participent aux éléments objectifs et subjectifs du crime). On peut ainsi tenir compte de la jurisprudence internationale et libanaise pour appliquer la notion de coaction de base. Même si le droit libanais comprend des concepts supplémentaires de coaction, ces concepts s’apparentent davantage à la notion d’entreprise criminelle commune en droit international pénal et seront examinés sous le titre « Participation à un groupe visant un objectif commun ».

B. Complicité (aide et assistance)

1. droit libanais

218. L’article 219 du Code pénal libanais (tel que modifié par l’article 11 du Décret‑Législatif n°112 du 16 septembre 1983) se lit ainsi :

« Seront considérés comme complices d’un crime ou d’un délit :

1. Ceux qui auront donné des instructions pour le commettre, même si ces instructions n’ont pas servi à l’action ;

2. Ceux qui auront raffermi la résolution de l’auteur par quelque moyen que ce soit ;3. Ceux qui, dans un intérêt matériel ou moral, auront accepté la proposition de l’auteur

de commettre l’infraction ;4. Ceux qui auront aidé ou assisté l’auteur dans les faits qui ont préparé ou facilité

l’infraction ; 5. Ceux qui, s’étant convenus avec l’auteur ou un autre complice préalablement à la

perpétration de l’infraction, auront contribué à en faire disparaître les traces, à recéler ou écouler les choses qui en seront provenues, ou à soustraire aux recherches de la

327 Commission militaire des États‑Unis, affaire du contreamiral Nisuke Masuda et de quatre autres membres de la Marine impériale japonaise (« l’Affaire Jaluit Atoll »), affaire n° 6, 7 décembre1945‑13 décembre 1945, Commission des crimes de guerre des Nations Unies – rapports juridiques relatifs aux criminels de guerre, Vol. I, p. 71.

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justice un ou plusieurs de ceux qui y auront participé ;6. Ceux qui, connaissant la conduite criminelle des malfaiteurs exerçant des brigandages

ou des violences contre la sûreté de l’État, la sécurité publique, les personnes ou les propriétés, leur auront fourni nourriture ou logement, lieu de retraite ou de réunion. »

219. Les éléments objectifs de la complicité sont : i) une entente (instantanée ou de longue durée)328, ii) une assistance sous une forme précisée à l’article 219329, et iii) un acte de l’auteur équivalant à un crime. S’agissant du deuxième élément, la jurisprudence libanaise a insisté sur le fait que seules les actions énumérées dans les six paragraphes de l’article 219 peuvent être qualifiées de complicité330. Cependant, il est clairement indiqué que, dans le cadre de ces six formes de complicité, l’assistance peut être fournie i) avant le crime, comme l’indiquent les exemples mentionnés aux paragraphes 1, 2 et 3, ii) pendant la commission du crime, comme l’indique l’exemple figurant au paragraphe 4, ou iii) après le crime, conformément aux paragraphes 5 et 6.

220. Les éléments subjectifs sont : i) la connaissance de l’intention de l’auteur de commettre un crime ; et ii) l’intention d’aider l’auteur à le commettre331. Ainsi, le fait d’indiquer à l’auteur l’endroit où se trouve le domicile de la victime et de s’enquérir de son emploi du temps pour contribuer à la commission du crime peut être qualifié de complicité332. En revanche, la simple connaissance du fait qu’un crime va être commis ou qu’il est en cours de préparation, sans pour autant prêter son assistance

328 Cour de cassation, 3è Chambre, décision n° 457, 17 novembre 2002, dans Al-Adel [Journal du Barreau de Beyrouth] 2003, 261; 3è Chambre, décision n° 30, 29 janvier 2003, dans Cassandre, 1‑2003, 87 ; 3è Chambre, décision n° 171, 2 juillet 2003, dans Cassandre, 7‑2003, 120.

329 Cour d’appel de Beyrouth, Chambre pénale, décision n° 277, 18/12/2007, Al-Adel [Journal du Barreau de Beyrouth], 2008, vol. 2, 886.

330 Voir Cour de cassation, 5è Chambre, décision n°112, 25 mars 1974, dans S. Alia (éd). majmouat ijtihadat mahkamat al-tamyiz [Recueil Samir Alia des décisions de la Cour de cassation], 188 ; Cour de cassation, 7è Chambre, décision n°8, 11 janvier 2000, Sader fil-tamyiz [Sader en cassation], 2000, 849. Voir également Samir Alia, Shareh kanoun al-oukoubat, al-kism al-3am [Explication du Code pénal, Section générale], (Beirut: Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1998, 319.

331 Voir Cour de cassation, 7è Chambre, décision n° 8, 11 janvier 2000, dans Cassandre 1‑2000, 94 ; Cour de cassation, 3è Chambre, décision n° 457, 27 novembre 2002, dans Al-Adel [Journal du Barreau de Beyrouth], 2003, vol. 2‑3, 261 ; Cour pénale de Beyrouth, décision n°29, 18 décembre 2007, dans Al-Adel [Journal du Barreau de Beyrouth], 2008, 886. Cour de cassation 3è Chambre, décision n° 171, 2 juillet 2008, dans Cassandre 7‑2008, 120

332 Cour de cassation, 5è Chambre, décision n° 41, 22 juillet 1972, dans S. Alia (éd). majmouat ijtihadat mahkamat al-tamyiz [Recueil Samir Alia des décisions de la Cour de cassation], vol. 3, 172.

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ou, au contraire, prêter son assistance sans savoir qu’elle servira à commettre un crime, ne sont pas constitutifs de complicité333.

221. Si le crime effectivement commis est moins grave que celui pour lequel un complice a prêté son assistance (il a par exemple fourni une arme pour tuer la victime, alors que l’auteur, au moment de commettre le crime, a décidé d’utiliser l’arme pour blesser la victime et non pour la tuer), le complice est tenu responsable du crime effectivement commis, même s’il est moins grave que le crime auquel il avait l’intention de contribuer. Si le crime commis est plus grave que celui pour lequel il a prêté son assistance (il avait par exemple l’intention de contribuer à l’exécution d’un vol, mais l’auteur a tué une personne), le complice est uniquement tenu responsable du crime le moins grave, sauf si le procureur démontre qu’il avait envisagé la possibilité d’un crime plus grave et avait volontairement accepté le risque qu’un tel crime soit commis (dol éventuel)334. Un troisième scénario peut également être envisagé, dans l’hypothèse où des circonstances aggravantes modifient la nature de l’infraction envisagée. Dans un tel cas, les dispositions de l’article 216 du Code pénal libanais, telles qu’expliquées précédemment au paragraphe 174, s’appliquent.

222. Aux termes de l’article 220, « [l]e complice sans le concours duquel l’infraction n’aurait pas été commise sera puni comme s’il en avait été lui‑même l’auteur ». Lorsque le complice joue un rôle mineur par rapport à celui de l’auteur principal, une peine moins lourde lui sera imposée. En revanche, s’il joue un rôle essentiel en ce sens que, conformément à l’article 220, l’infraction ne peut être commise sans sa participation, il est coupable au même titre que l’auteur principal et la peine sera équivalente à celle de l’auteur335.

223. La jurisprudence libanaise a précisé i) qu’une omission peut être constitutive de complicité, et que, dans ce cas, le complice est sanctionné s’il avait l’obligation d’empêcher la commission du crime et n’a pas respecté cette obligation (ce principe

333 Cour de cassation, Chambre pénale, décision n° 112, 25 mars 1974, dans S. Alia (éd). majmouat ijtihadat mahkamat al-tamyiz [Recueil Samir Alia des décisions de la Cour de cassation], vol. 4, 188 ; Cour de cassation, Chambre pénale, décision n° 135, 28 juin 1995, dans Cassandre 6‑1995, 97.

334 Samir Alia, Shareh kanoun al-oukoubat, al-kism al-3am [Explication du Code pénal, section générale], (Beirut: Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1998, 330‑331.

335 Cour de cassation, 7è Chambre, décision n° 123, 21 juin 2004, dans Cassandre 6‑2004, 1028.

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s’applique par exemple aux officiers de police), ou lorsque le comportement passif du complice contribue à renforcer la résolution de l’auteur de commettre un crime336 ; ii) que la complicité est sanctionnée même si l’auteur principal du crime ne peut faire l’objet d’une sanction (si l’auteur est par exemple mineur ou atteint d’aliénation mentale) ; iii) que, lorsque l’auteur est responsable d’une tentative de crime, la complicité fait l’objet d’une sanction si l’auteur a commencé à exécuter le crime ; iv) que la complicité est sanctionnée même si le crime a été commis à l’étranger et relève de la compétence d’une juridiction étrangère ; v) qu’en revanche, si le crime est commis au Liban, mais que le complice a agi à l’étranger, la complicité fera malgré tout l’objet d’une sanction au Liban.

224. L’attentat à la bombe contre l’église Notre‑Dame de la Délivrance à Zouk Mikayel (décision du 13 juillet 1996, n°4/1996) fournit un exemple de complicité dans le cadre d’un acte terroriste. La Cour de Justice a conclu qu’un accusé était complice de terrorisme lorsque ses actes

« [s]e limitent à aider et assister les auteurs dans la préparation d’un attentat à la bombe en assistant à des réunions ayant pour objectif de préparer l’opération, en aidant à assembler un des engins explosifs, et en fournissant des instructions pour l’exécution de l’attentat, notamment sous la forme d’un croquis de l’intérieur et de l’extérieur de l’église, qui a permis aux auteurs de déterminer la meilleure façon de pénétrer dans l’église et le moment et l’endroit où ils devraient disposer les engins explosifs. Il a agi en ayant parfaitement conscience de l’intention des auteurs337 ».

336 Voir Chambre d’accusation du Mont‑Liban, décision n° 304/1993, 21 octobre 1995, dans R. Riachi (éd.), Majmouat ijtihadat al-hay’a al-itihamiy - tatbikat amaliya lil kaida al-kanouniya [Recueil des décisions de la Chambre d’accusation ‑ application des concepts juridiques], 3è éd. (Beyrouth : publications Sader, 2010), 217. Ce serait le cas d’un mari qui accompagne sa femme pour cambrioler une banque et qui l’attend à l’extérieur dans la voiture, ou d’un homme qui accompagne sa maîtresse à la clinique où elle a un rendez‑vous pour un avortement (dans les pays où l’avortement est illégal), auquel cas il a fourni au médecin, qui effectue l’avortement, le soutien ou l’encouragement moral nécessaire pour procéder audit avortement. Voir également Samir Alia, Shareh kanoun al-oukoubat, al-kism al-3am [Explication du Code pénal, section générale], (Beyrouth: Al‑mou’assassa al‑jami’iya lil dirassat wal nasher wal tawzi’), 1998, 320‑321, et note de bas de page 130, dans laquelle l’auteur cite les affaires libanaises pertinentes.

337 Traduction anglaise, p. 101.

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2. droit international pénal

225. Se faire le complice d’un crime international implique une participation au crime à travers l’aide apportée à l’auteur principal lorsqu’il commet l’infraction criminelle, tout en sachant que l’acte de l’auteur principal est criminel, même si le complice ne partage pas exactement l’intention criminelle de l’auteur principal.

226. L’élément objectif de la responsabilité pour complicité est l’assistance pratique du complice, les encouragements ou le soutien moral qu’il prodigue à l’auteur principal. De plus, cette assistance ou ce soutien doit avoir un impact substantiel sur la commission du crime. Elle peut prendre la forme d’une action positive ou d’une omission, et peut intervenir avant, pendant ou après la commission du crime338. En outre, l’assistance peut être matérielle (ou concrète) ou morale et psychologique339.

227. L’élément subjectif de la complicité tient au fait que le complice sait que « ses actes aident l’auteur à commettre le crime340 ». Ainsi, cet élément subjectif doit répondre à deux critères : i) être conscient que l’auteur principal utilisera l’assistance qui lui est fournie pour commettre un acte criminel, et ii) avoir l’intention d’aider ou d’encourager l’auteur principal à commettre un crime. Il n’est pas nécessaire que le complice connaisse le crime précis qui sera commis par l’auteur341. En effet, pour aider et assister, il n’est pas nécessaire que le complice prenne part à un plan concerté ou agisse de concert commun avec l’auteur principal, ou son intention criminelle, tel qu’énoncé par la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Tadić : « il peut arriver

338 Voir notamment TPIY, Aleksovski, Jugement, 25 juin 1999 (« Jugement Aleksovski »), par. 62 ; TPIY, Blaškić, Jugement, 29 juillet 2004 (« Jugement Blaškić »), par. 48.

339 Voir TPIY, Furundžija, Jugement, 10 décembre 1998 (« Jugement Furundžija »), par. 231.

340 Voir Jugement Furundžija, par. 245 ; TPIY, Kunarac et consorts, Jugement, 22 février 2001, par. 392 ; Jugement Vasiljević, par. 71 ; TPIY, Delalić, Jugement, 20 février 2001, par. 352 ; TPIY, Tadić, Arrêt, 15 juillet 1999 (« Arrêt Tadić »), par. 229 ; Jugement Blaškić, par. 46 ; TPIY, Krnojelac, Jugement, 17 septembre 2003, par. 52 ; Voir également TPIR, Ntakirutimana, Jugement, 21 février 2003, par. 787 ; TPIR, Kajelijeli, Jugement, 1er décembre 2003, par. 766 ; TPIR, Kamuhanda, Jugement, 22 janvier 2004, par. 597. Dans le Statut de la CPI, l’aide et l’assistance sont envisagées à l’article 253c, aux termes duquel une personne est responsable si « [e]n vue de faciliter la commission d’un tel crime, [à savoir un crime relevant de la compétence de la Cour], elle apporte son aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ».

341 Jugement Furundžija, par. 246 ; Jugement Blaškić, par. 50.

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que l’auteur principal ne sache rien de la contribution apportée par son complice342 ». En revanche, la personne qui aide ou assiste doit connaître l’intention criminelle de l’auteur ou, au moins, savoir que l’auteur s’apprête vraisemblablement à commettre un crime343. En d’autres termes, il peut suffire que le complice poursuive ce que certains systèmes juridiques qualifient de « négligence délibérée » (dol éventuel) en ce qui concerne l’acte particulier de l’auteur principal344, s’il existe également une intention d’encourager ou de faciliter l’acte criminel de l’auteur principal. Ce schéma est conforme aux principes fondamentaux du droit pénal : si un individu fournit une arme à feu à un voyou renommé en sachant qu’elle sera utilisée (ou probablement utilisée) pour commettre un crime, il est passible de complicité, quel que soit le crime et indépendamment du fait il était ou non pleinement au courant du crime précis que ce voyou entendait commettre345.

342 Arrêt Tadić, par. 229.

343 Dans Furundžija, une Chambre de première instance du TPIY a soutenu que : « il n’est pas nécessaire que le complice connaisse le crime précis qui est projeté et qui est effectivement commis. S’il sait qu’un des crimes sera vraisemblablement commis et que l’un d’eux l’a été effectivement, il a eu l’intention de le faciliter et il est coupable de complicité ». Jugement Furundžija, par. 246. Une autre Chambre de première instance du TPIY a soutenu cette proposition dans l’affaire Blaskić (Jugement, 3 mars 2000, par. 287), et la Chambre d’appel l’a également confirmée dans l’Arrêt Blaškić, par. 50. Cependant, lorsqu’une intention particulière est nécessaire pour constituer le crime principal, tel que dans le cadre du génocide ou de la persécution, l’accusé doit avoir su que la ou les personne(s) qu’il aide ou assiste avai(en)t cette intention spécifique – à savoir, l’intention génocidaire ou discriminatoire. TPIY, Popović et consorts, Trial Jugement, 10 juin 2010, par. 1017.

344 Selon les termes d’une Chambre de première instance du TSSL : « [traduction] l’élément moral nécessaire pour aider et assister est constitué lorsque l’accusé sait que ses actes contribueront à la commission du crime par l’auteur ou qu’il sait que ses actes allaient vraisemblablement contribuer à la commission du crime par l’auteur », Brima et consorts, Jugement, 20 juin 2007, par. 776. Tel qu’affirmé par le CPI dans un contexte différent, « [L]a notion de recklessness exige uniquement que l’auteur soit conscient de l’existence du risque que les éléments objectifs du crime puisse se produire consécutivement à ses actions ou ses omissions mais n’exige pas l’acceptation de ce résultat [qui est en revanche nécessaire pour le dolus eventualis]. Dans la mesure où recklessness n’exige pas que le suspect admette le résultat que ses actes ou omissions provoquent les éléments objectifs du crime, elle n’est pas couverte par la notion d’intention ». CPI, Lubanga, Décision sur la confirmation des charges, 29 janvier 2007, note de bas de page n° 438.

345 Pour illustrer ce principe général de droit appliqué devant les tribunaux nationaux, voir l’affaire Van Anraat devant la Cour d’appel de La Haye (Jugement du 9 mai 2007). L’accusé avait fourni à l’Irak, entre 1980 et 1988, la matière première chimique TDG (Thiodiglycol) nécessaire pour la fabrication du gaz moutarde que le gouvernement irakien avait alors utilisé contre les Kurdes en 1987‑88. La Cour a appliqué le droit néerlandais, conformément auquel l’assistance fournie par le complice ne doit pas nécessairement être indispensable ou apporter une « contribution directe » à l’infraction principale ; il est simplement nécessaire que « [traduction] l’assistance offerte par le complice encourage l’infraction ou facilite sa commission » (par. 12.4). La Cour a premièrement établi que l’accusé savait que la quantité de TDG qu’il avait fourni pouvait uniquement être utilisée pour produire du gaz moutarde (par. 11.10), puis a conclu que l’accusé connaissait les risques élevés de l’utilisation du gaz moutarde dans une guerre, en particulier compte tenu du « [traduction] caractère sans

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3. comparaison entre le droit libanais et le droit international pénal

228. Il ressort de ce qui précède que la notion libanaise de complicité et la notion internationale d’aide et d’assistance se superposent dans une large mesure, mises à part deux exceptions importantes. Premièrement, le droit libanais limite l’élément objectif à la seule liste des modes d’appui qu’énumère l’article 219 : la responsabilité du complice n’est établie que si l’aide est apportée par un des moyens énumérés. Deuxièmement, il est généralement nécessaire, en droit libanais, que le complice connaisse le crime devant être commis, se lie à son auteur dans le cadre d’une entente, instantanée ou de longue durée, afin de commettre le crime, et partage l’intention de commettre ce crime en particulier. Ainsi, le concept de complicité énoncé dans le Code pénal libanais doit s’appliquer dans la mesure où il est plus respectueux des droits de l’accusé.

C. Autres modes de participation à un acte criminel

1. droit libanais

229. La Chambre d’appel examinera maintenant la manière selon laquelle le droit libanais et le droit international pénal régissent les autres modes de participation à un acte criminel, à savoir les formes de participation à des crimes collectifs (crimes commis par une pluralité de personnes) autres que la coaction et la complicité.

230. La Chambre d’appel a observé plus haut (paragraphe 215) que le droit libanais prévoit non seulement des crimes commis par deux ou trois personnes réalisant le même acte (coauteurs), mais également la coaction de crimes collectifs dans le cadre desquels chaque membre d’un groupe joue un rôle différent dans la commission du crime. Tous les membres du groupe sont alors tenus responsables du même crime s’ils avaient préalablement convenu de le commettre (intention commune).

231. Le droit libanais prévoit également la situation dans laquelle un des coauteurs commet un acte qui n’avait pas fait l’objet d’une entente préalable ou qui n’avait pas été envisagé par les autres coauteurs. Il s’appuie, dans ces hypothèses, sur la notion de dol éventuel : les coauteurs sont responsables de l’infraction qui n’a pas

scrupules du régime irakien de l’époque » (par. 11.16).

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fait l’objet d’un accord préalable s’ils avaient envisagé la possibilité que ce crime supplémentaire soit commis et s’ils avaient délibérément pris le risque qu’il en aille ainsi. En revanche, s’ils n’avaient pas conscience d’une telle possibilité, ils ne sont responsables que du crime convenu, et l’auteur du crime supplémentaire endosse seul la responsabilité de ce crime (en sus de la responsabilité qu’il encourt également pour le crime ayant fait l’objet d’une entente préalable).

232. Comme indiqué précédemment dans les sections relatives au terrorisme et autres infractions, le dol éventuel, tel que prévu à l’article 189 du Code pénal libanais, est considéré comme équivalant au dol direct. Cette conclusion a été avancée par la Cour de cassation dans sa décision du 22 février 1995346, dans laquelle la Cour a affirmé que « [traduction] la prévisibilité de l’issue criminelle et son acceptation par l’auteur constituent le dol éventuel dont la valeur juridique peut être assimilée à l’intention criminelle (dol direct) ».

233. La jurisprudence libanaise a confirmé la pertinence du dol éventuel, comme l’illustre une affaire de cambriolage. L’intention commune des cambrioleurs était simplement de voler des biens dans une maison qu’ils pensaient inoccupée, les propriétaires étant absents. Cependant, tous les délinquants qui se sont introduits dans la maison portaient des armes à feu chargées. En fait, certains des propriétaires se trouvaient chez eux et se sont vigoureusement opposé au vol. Un des deux délinquants qui étaient entrés dans la maison a fait feu sur un des propriétaires et l’a tué. La question s’est alors posée de savoir si les trois voleurs, qui étaient restés à l’extérieur de la maison en tant que guetteurs, étaient également responsables du meurtre. Dans une décision rendue le 8 février 1994, la Chambre d’accusation du Mont‑Liban a soutenu que les coauteurs, qui étaient restés à l’extérieur, étaient également responsables du meurtre, car ils devaient s’attendre à ce que les autres coauteurs, munis d’armes, en feraient usage, si nécessaire347. L’affaire Aailan c. Al-Saka, portée devant la 6è Chambre criminelle de la Cour de cassation, fournit un

346 Cour de cassation, Chambre crim., décision n° 52, 22 février 1995, Cassandre 2‑1995, at 92.

347 Chambre d’accusation du Mont‑Liban, décision n°37/94, 8 février 1994, non publiée, original et traduction classes au TSL.

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autre exemple du rôle du dol éventuel348. Un individu avait donné une arme à une autre personne pour cambrioler une bijouterie. Cette autre personne, au cours du vol à main armé, a tué deux individus. La Cour a soutenu que le premier individu était coupable en tant qu’« instigateur » du crime de vol. Il a également été condamné en tant que « complice » du crime de vol à main armée et du crime de meurtre. Selon la Cour, « le complice » « avait prévu la possibilité de meurtre et en avait accepté le résultat ou le risque ».

234. Le terrorisme fournit un autre cas de dol éventuel. Dans l’affaire Karamé, la Cour de Justice a conclu que l’accusé était à l’origine de l’assassinat de Rachid Karamé, un ancien premier ministre et adversaire politique. La Cour a conclu que, dans l’organisation de l’assassinat de Rachid Karamé, en faisant exploser en vol l’hélicoptère à bord duquel ce dernier avait pris place, rien ne permettait d’établir que l’accusé avait « [traduction] également incité [l’auteur] à tuer les personnes qui accompagnaient Rachid Karamé à bord de l’hélicoptère, qu’il s’agisse des passagers ou du pilote ». Il n’y avait en outre aucune preuve du fait « [traduction] que le plan de l’assassinat qui avait été exécuté avait été conçu par [l’accusé], ou que [l’accusé] avait choisi les moyens de sa mise en œuvre349 ». La Cour a conclu que « [traduction] [l’accusé] ne peut en aucun cas être considéré comme l’instigateur du meurtre des passagers et du pilote de l’hélicoptère350 ». La Cour a ensuite souligné que l’accusé avait prévu le crime, en avait anticipé les conséquences et accepté les risques ; cependant, au terme d’un raisonnement complexe351, la Cour a conclu que l’accusé était coupable en tant que « complice », conformément aux paragraphes 2 et 3 de l’article 219 du Code pénal libanais, pour les blessures infligées aux personnes accompagnant Rachid Karamé, en ce sens qu’il avait « [traduction] renforcé la résolution de l’auteur » et avait accepté, « [traduction] pour des raisons de gain matériel ou moral, la proposition de l’auteur qui l’invitait à commettre l’infraction352 ».

348 Cour de cassation, 6è Chambre, Aalian c. Al-Saka, décision n° 48, 16 mai 2000 Sader fil-tamyiz [Sader en cassation], 2000, 541.

349 Affaire Rachid Karamé, traduction anglaise, p. 161.

350 Ibid.

351 Ibid.

352 Ibid., p. 163.

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235. Comme indiqué précédemment, d’autres dispositions du Code pénal libanais, portant sur des crimes commis par un groupe de personnes, considèrent les différentes formes de participation à des actes criminels collectifs non pas comme un mode de responsabilité pénale, mais en tant que crimes à part entière. Ce principe s’applique non seulement au « complot », mais également aux« associations illicites », aux « bandes armées » et à l’« assistance fournie pour échapper à la justice353 ».

2. droit international pénal

a) Entreprise criminelle commune

236. La Chambre d’appel examinera maintenant la notion d’entreprise criminelle commune (ECC), qui est un mode de responsabilité pénale en droit international coutumier. Ce point concerne la question xiii) de l’ordonnance du Juge de la mise en état, dans la mesure où ECC est une forme de coaction. La Chambre d’appel se bornera à délimiter les contours de la notion, et ne se prononcera pas sur la question de savoir si la notion est applicable à certaines affaires particulières devant le présent Tribunal, car il s’agit d’une matière sur laquelle le Juge de la mise en état puis, le moment venu, la Chambre de première instance devront se prononcer conformément au critère énoncé au paragraphe 211.

237. En droit international pénal, il existe trois formes d’ECC. La première catégorie d’EEC, qui est aussi la plus répandue, (également appelée « ECC I » ou ECC dans sa forme « fondamentale ») couvre la responsabilité pour des actes ayant fait l’objet d’une entente et exécutés354 conformément à un plan ou à un projet commun, dans le cadre duquel tous les participants partagent l’intention de commettre un crime concerté, même si le crime n’est matériellement commis que par certains d’entre eux355. Dans de telles circonstances, tous les participants sont

353 Voir le Code pénal libanais, articles 335 à 339 et 398 à 400.

354 Il convient de souligner qu’il s’agit d’une action conformément à un plan ou dessein commun qui sert à distinguer la responsabilité pour entreprise criminelle commune de la notion de complot fondée sur le droit commun. Voir TPIY, Milutinović et consorts, Arrêt relatif à l’exception préjudicielle d’incompétence soulevée par Dragoljub Ojdanić – Entreprise criminelle commune, 21 mai 2003, par. 23 ; TPIY, Krajišnik, Arrêt – opinion séparée du Juge Shahabuddeen, 17 mars 2009, par. 22.

355 La responsabilité pénale individuelle fondée sur un plan ou dessein commun remonte à la jurisprudence de l’époque de la Seconde guerre mondiale. Voir Tribunal militaire des États‑Unis – Nuremberg, Trial of Carl

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finalement responsables du crime qui a fait l’objet d’une entente, dès lors que leur contribution à l’exécution du plan ou dessein criminel commun est substantielle356. Lorsque différents acteurs sont coupables au regard de ce mode de responsabilité, ils peuvent être considérés comme les « rouages d’une machine », l’objectif global qu’ils poursuivent étant de commettre des infractions pénales, soit personnellement soit par l’intermédiaire d’autres individus357. La communauté internationale doit assurer sa défense vis‑à‑vis d’une criminalité collective de ce type, en sanctionnant les personnes participant à l’entreprise criminelle. Les différents degrés de culpabilité seront pris en considération lors de la détermination de la peine358.

Krauch and Twenty-Two Others, (“le Jugement I.G. Farben”), affaire n° 57, 14 août 1947 – 29 juillet 1948, Commission des crimes de guerre des Nations Unies – rapports juridiques des jugements de criminels de guerre, vol. X, p. 39 et 40 ; Tribunal national suprême de Pologne, Jugement du Dr. Joseph Buhler, affaire n° 85, 17 juin 1948 – 10 juillet 1948, Commission des crimes de guerre des Nations Unies – rapports juridiques des jugements de criminels de guerre, vol. XIV, p. 45 ; Tribunal militaire III, United States of America v. Alfried Felix Alwyn Krupp von Bohlen und Halbach et al. (« l’affaire Krupp »), affaire n° 10, 8 décembre 1947 – 31 juillet 1948, jugements de criminels de guerre devant les tribunaux militaires de Nuremberg, conformément à la loi du Conseil de contrôle n° 10, Vol. IX, p. 391 à 393 ; Tribunal militaire III ‑ United States of America v. Josef Altstötter et al. (« l’affaire Justice »), affaire n° 3, 5 mars 1947 – 4 décembre 1947, jugements de criminels de guerre devant les tribunaux militaires de Nuremberg, conformément à la loi du Conseil de contrôle n° 10, Vol.III, p. 1195 à 1199. Voir également TPIY, Tadić, Arrêt, 15 juillet 1999 (« Arrêt Tadić »), par. 185 à 229, qui mentionne la jurisprudence et les instruments nationaux et internationaux. ECC III à titre de mode de responsabilité en particulier trouve un fondement dans les affaires de la Seconde guerre mondiale. Tribunal militaire I, United States of America v. Ulrich Greifelt et al. (« Affaire RuSHA »), affaire n° 8, 20 octobre 1947 – 10 mars 1948, jugements de criminels de guerre devant les tribunaux militaires de Nuremberg, conformément à la loi du Conseil de contrôle n° 10, Vol. V, p. 117 à 120 ; Examen de la procédure du tribunal militaire général dans l’affaire US v. Martin Gottfried Weiss and thirty-nine others, p. 141 de la transcription (classée au TSL). La responsabilité pénale individuelle pour d’autres crimes prévisibles dans le cadre d’une criminalité de groupe a également été envisagée dans différentes affaires d’ECC II, telles que : United States v. Hans Ulrich and Otto Merkle, affaire n° 000‑50‑2‑17, Deputy Judge Advocate’s Office, 7708 Group de crimes de guerre – Commandement européen, Examen et recommandations, 12 juin 1947, examen des jugements de crimes de guerre de l’armée des ÉtatsUnis en Europe 1945‑1948, Publication Microfilm des archives nationales des ÉtatsUnis n° M1217, partie 4, p. 8 (classée au TSL) ; Jugement Tashiro Toranosuke et consorts, 14 octobre 1946, affaire n° WO235/905, Tribunal militaire de Hong Kong pour le Jugement des criminels de guerre n° 5 (disponible à http://hkwctc.lib.hku.hk/exhibits/show/hkwctc/home, classé au TSL), (trois accusés acquittés sur preuve du meurtre de prisonniers de guerre comme conséquence prévisible de leur action concertée consistant à les maltraiter).

356 TPIY, Krajišnik, Arrêt, 17 mars 2009 (« Arrêt Krajišnik »), par 675 ; TPIY, Brđanin, Arrêt, 3 avril 2007 (« Arrêt Brđanin »), par 430.

357 Les principaux auteurs du crime doivent être des membres de l’ECC. Voir Arrêt Brđanin, par. 410 à 414; Arrêt Krajišnik, pars 225 et 226.

358 Voir TPIY Arrêt Brđanin, par. 432. Nous ne cautionnons pas l’opinion selon laquelle il existe une différence de degré de culpabilité sous ECC III aux fins de détermination de la peine, tel que suggéré, notamment, dans TPIY, Babić, Arrêt relatif à la sentence, 18 juillet 2005, par. 26 à 28.

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238. La deuxième catégorie d’ECC – qui constitue essentiellement une variante de la première – correspond à la responsabilité encourue à l’occasion de la mise en œuvre, dans un cadre organisé, tel qu’un camp d’internement ou de concentration, d’un projet criminel (également appelée « ECC II » ou ECC dans sa forme « systémique359»).

239. Le troisième mode de responsabilité apparaît dans le cadre de l’ECC I ou ECC II, lorsque les participants à une entreprise criminelle s’accordent et agissent conformément à l’objectif principal d’un plan ou d’un dessein criminel commun (par exemple, l’expulsion forcée de civils d’un territoire occupé), et lorsque, en raison de l’entente et de son exécution, des crimes imprévus sont commis par un ou plusieurs participants (des civils sont par exemple tués ou blessés lors du processus d’expulsion). Il convient d’observer que, dans cette catégorie d’ECC, les participants autres que les auteurs du crime imprévu ne partagent pas l’intention de commettre également ces crimes accessoires au crime principal concerté. Ce mode de responsabilité (appelée « ECC III » ou forme d’ECC étendue)360 ne survient que si un participant qui n’avait pas l’intention directe de commettre l’infraction « secondaire », pouvait néanmoins prévoir et a prévu361 la possibilité qu’elle soit commise et a volontairement pris le risque que cela se produise362.

240. Un exemple patent de ce mode de responsabilité, tiré du droit pénal national, est celui d’une bande de voyous qui conviennent de cambrioler une banque sans

359 Cependant, observer TPIY, Kvočka, Arrêt, 28 février 2005 (« Arrêt Kvočka »), par. 182 : « la référence aux camps de concentration est affaire de circonstances et ne limite aucunement l’application de ce concept aux camps de détention qui s’y apparentent ».

360 La Chambre d’appel relève la récente décision de la Chambre préliminaire des Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (CETC) selon laquelle les autorités sur lesquelles s’est fondée la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Tadić ne « [traduction] constituent pas un fondement suffisamment solide pour conclure que l’ECC III faisait partie du droit international coutumier à l’époque pertinente pour l’affaire 002 » (CETC, Ieng et consorts, Decision on the Appeals Against the Co-Investigative Judges Order on Joint Criminal Enterprise (JCE), 20 mai 2010, par. 83). Ce point permet d’affirmer que la compétence ratione temporis actuelle du Tribunal implique nécessairement l’examen de la jurisprudence et des développements juridiques dont ne disposaient pas les CETC, à partir du début des années 1990.

361 Ce qui est prévisible dépendra des circonstances de l’affaire. Voir par exemple TPIY, Milutinović et consorts, Jugement, 26 février 2009, Vol. III, par. 472, 1135 ; TPIY, Popović et consorts, Jugement – Opinion dissidente et séparée du Juge Kwon, 10 juin 2010, vol. I, par. 21 à 27.

362 TPIY, Brđanin et Talić, Décision relative à la forme du nouvel acte d’accusation modifié et à la requête de l’accusation aux fins de modification dudit acte, 26 juin 2001 (« Décision Brđanin et Talić »), par. 30.

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commettre de meurtre et d’utiliser à cette fin, des armes factices. Cependant, un des membres du groupe (l’auteur principal) se munit secrètement d’armes véritables pour pénétrer dans la banque, avec l’intention de tuer, si nécessaire. On peut supposer qu’un autre participant au plan criminel commun (l’auteur secondaire) se rende compte furtivement que le membre du groupe est en possession d’une arme réelle. Si l’auteur principal tue ensuite un caissier au cours du cambriolage, l’auteur secondaire peut être tenu responsable du cambriolage et du meurtre, au même titre que l’assassin et à la différence des autres voleurs, dont la responsabilité ne serait engagée que pour vol à main armée. Compte tenu de l’information dont disposait l’auteur secondaire (le fait que l’auteur principal détenait de véritables armes et non des armes factices), il pouvait prévoir et avait prévu que ces armes seraient utilisées pour tuer, en cas de problème survenant durant le cambriolage. Même s’il ne partageait pas l’élément psychologique de l’assassin, cette éventualité était prévisible et le risque qu’elle se produise a été volontairement accepté. Il aurait pu dire simplement aux autres cambrioleurs qu’il y avait un sérieux risque de meurtre, ou il aurait pu se saisir des armes réelles de l’auteur principal, voire même se retirer du projet de cambriolage ou abandonner totalement le groupe.

241. Par conséquent, pour établir la responsabilité pénale dans le cadre de la troisième catégorie d’ECC, il est nécessaire que le crime non concerté se situe globalement dans le droit fil de l’infraction pénale ayant fait l’objet d’une entente. Il est en outre essentiel que l’auteur secondaire ait eu la faculté de prévoir la commission du crime qui n’avait pas fait l’objet d’une entente avec l’auteur principal. Ainsi, l’arrêt rendu dans le cadre de l’affaire Tadić a identifié deux critères, un critère objectif et un autre subjectif363. L’élément objectif est le comportement de l’auteur principal qui n’a pas fait l’objet d’une entente avec les autres participants à l’entreprise criminelle commune. Il convient de séparer cet élément de l’état d’esprit subjectif dont l’Accusation est tenue de rapporter la preuve, à savoir que l’auteur secondaire i) savait que le second crime était prévisible en tant que conséquence éventuelle364 de

363 Voir TPIY, Arrêt Tadi, par. 204, 220 et les critères objectif et subjectif énoncés dans TPIY, Décision Brđanin et Talić, par. 28 à 30. Voir également TPIY, Vasiljević, Arrêt, 25 février 2004, par. 99 à 101 ; TPIY, Arrêt Kvočk, par. 83.

364 « Dans de nombreuses juridictions internes de common law, quand l’infraction reprochée dépasse le cadre convenu de l’entreprise criminelle commune, l’Accusation doit établir que le participant qui n’a pas commis

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l’exécution de l’ECC, et, toutefois, ii) a volontairement pris le risque que ce second crime soit commis et a continué de prendre part à l’entreprise en toute connaissance de ce qui était en jeu.

242. À titre d’exemple, si une unité paramilitaire occupe un village dans le but de détenir toutes les femmes et de les réduire en esclavage, un viol commis par un des membres de cette unité peut, en fonction des circonstances précises de ce qui advient, être une conséquence prévisible de cet asservissement, dans la mesure où traiter des être humains comme des objets peut facilement entraîner des viols. Cependant, il conviendrait également que l’auteur secondaire ait précisément prévu cette éventualité de viols (circonstance qui devra être établie ou à tout le moins déduite des faits de l’espèce), ou ait été en mesure, comme toute « personne agissant avec un degré raisonnable de prudence », de prévoir le cas de viols.

243. La Chambre d’appel rappellera à nouveau que ce mode de responsabilité pénale incidente, fondée sur la capacité de prévoir et sur les risques encourus, constitue un type de responsabilité qui dépend d’un projet criminel commun, à savoir une entente ou un plan élaboré par plusieurs individus visant à entreprendre des actes illicites tels que décrits précédemment. Le « crime supplémentaire » est le fruit d’un acte criminel ayant fait l’objet d’une entente ou d’un plan préalable, au regard desquels la responsabilité de chaque participant au plan commun est déjà engagée. Le « crime supplémentaire » devient donc possible en raison du plan commun préalable visant à commettre le crime convenu et non celui qui est commis « accidentellement » ou « en sus ».

244. Cette troisième catégorie d’ECC a été contestée, par crainte qu’elle ne porte atteinte au principe de culpabilité (nullum crimen sine culpa). Certains ont affirmé que, dans le cadre de cette catégorie d’ECC, la culpabilité de l’« auteur secondaire » (qui a adhéré au plan ou à l’entente de nature criminelle, a agi conformément à ce plan et avait prévu l’infraction supplémentaire qui devait intervenir en dehors de l’accord) est assimilée, à tort, à celle de l’« auteur principal » (qui commet le crime

lui‑même le crime a néanmoins pris part à l’entreprise en sachant que ce crime était un incident possible dans l’exécution de l’entreprise. Cette idée est extrêmement similaire à la notion, dans les systèmes de droit civilistes, de dol éventuel ». TPIY, Décision Brđanin et Talić, par. 29. Voir également TPIY, Stakić, Arrêt, 22 mars 2006 (« Arrêt Stakić »), par. 100 et 101 ; TPIY Arrêt Brđanin, par. 431.

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convenu et le crime supplémentaire, non convenu). Ainsi, selon certains, un individu (« l’auteur secondaire ») peut être déclaré coupable de meurtre, alors qu’il n’avait pas l’intention de tuer, cette intention étant poursuivie par l’« auteur principal », qui a commis le meurtre.

245. À cet égard, la Chambre d’appel fait observer ce qui suit. i) S’agissant du degré de culpabilité, même s’il n’avait pas l’intention (dolus) de commettre le crime non concerté, l’« auteur secondaire » était un membre volontaire de l’entreprise visant à commettre un crime faisant l’objet d’une entente, et le crime supplémentaire a été possible grâce, tout à la fois, à sa participation à l’entreprise criminelle (qui doit comporter une contribution importante à la réalisation du plan criminel de l’entreprise365) et au fait qu’il ne s’est pas éloigné de la perpétration du crime supplémentaire ou bien ne l’a pas empêché, une fois qu’il était en mesure de le prévoir. ii) En ce qui concerne la nécessité d’adapter ou de moduler la peine, il est vrai que la culpabilité et le caractère condamnable des agissements de l’« auteur secondaire » ne sont pas aussi importants que pour l’ « auteur principal » ; cette différence doit cependant être prise en compte lors du prononcé de la peine. iii) S’agissant de la véritable « raison d’être » de l’ECC III, ce mode de responsabilité est fondé sur des considérations de politique publique, à savoir sur le besoin de protéger la société contre des personnes qui s’associent en bandes pour participer à des entreprises criminelles et qui, même si elles ne partagent pas l’intention criminelle des participants qui entendent commettre des crimes plus graves en dehors du cadre de l’entreprise criminelle, savent que de tels crimes objectivement prévisibles peuvent être commis et ne prennent aucune mesure pour s’y opposer ou pour les empêcher, poursuivant au contraire la mise en œuvre des autres objectifs criminels de l’entreprise366.

246. En outre, comme l’a confirmé la Chambre d’appel du TPIY, les moyens criminels utilisés pour atteindre l’objectif commun de l’ECC peuvent changer avec le temps. Les participants à une entreprise commune peuvent initialement convenir de commettre uniquement un petit nombre de crimes « fondamentaux », mais les

365 Arrêt Brđanin, par. 427, 430 ; Arrêt Krajišnik, par. 675.

366 Ces considérations politiques ont été clairement énoncées par la Cour suprême des États‑Unis dans l’affaire Tison v. Arizona 481 U.S. 137 (1987), et par la Chambre des Lords au Royaume‑Uni dans l’affaire Regina v. Powell and another, Regina v. English [1999] 1 AC 1, concernant les crimes commis au niveau national.

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crimes qui étaient prévisibles au début d’une ECC peuvent devenir des objectifs criminels acceptés par un nombre croissant de participants à l’ECC. En d’autres termes, l’ECC ne se confine pas dans un seul rôle ni ne limite ses activités aux objectifs criminels envisagés au moment de sa création. L’entreprise peut étendre son champ d’action pour couvrir d’autres infractions criminelles n’ayant pas fait l’objet d’une entente au départ, dès lors que, sur la foi des éléments de preuve, on peut établir que les membres de l’ECC avaient accepté, explicitement ou de manière improvisée, cet élargissement éventuel de leur domaine d’intervention (ce qui peut découler d’éléments de preuve circonstanciels)367. Ainsi, les auteurs présumés de crimes peuvent engager leur responsabilité pénale individuelle dans le cadre d’une ECC III, mais, en fonction des circonstances et des éléments de preuve produits, leur responsabilité peut être le résultat d’une condamnation au titre d’une ECC I. Une des principales différences entre ECC I et ECC III, bien que théoriquement importante, n’est pas forcément essentielle lorsqu’il s’agit des éléments de preuves effectivement présentés et des conclusions qui en découlent : souvent, lorsqu’un participant à une ECC prévoit un crime supplémentaire auquel il n’avait pas initialement adhéré et qu’il accepte malgré tout d’apporter un concours substantiel à l’ECC, la seule conclusion raisonnable est qu’il a accepté ce crime supplémentaire, engageant donc sa responsabilité dans le cadre d’une ECC I.

247. En tout état de cause, les critères rigoureux d’une condamnation dans le cadre d’une ECC III permettent de comprendre pourquoi, au TPIY (le Tribunal ayant utilisé ce mode de responsabilité dès sa première affaire), seuls quelques individus ont été jugés responsables au titre de ce mode de responsabilité368.

248. Une dernière remarque s’impose. L’ECC III repose, comme indiqué précédemment, sur la prévisibilité des crimes et sur l’acceptation de ces crimes prévisibles par l’« auteur secondaire ». Cet état de choses explique pourquoi d’autres tribunaux, lorsqu’ils l’ont examinée, ont souvent fait référence à la notion de dol éventuel. Cependant, cette notion ne concorde par nécessairement avec les

367 Voir, par exemple, Arrêt Krajišnik, par. 163.

368 Contrairement aux idées généralement formulées, seules quatre condamnations pour ECC III ont été confirmées en appel (ou prononcées en appel) à la suite de procédures devant le TPIY : Arrêt Tadić, par. 230 à 234 ; Krstić, Arrêt, 19 avril 2004, par. 147 à 151 ; Arrêt Stakić, par. 91 à 98 ; Arrêt Martić, par. 187, 195, 205, 206 et 210.

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crimes répondant à une intention spécifique, tels que les actes terroristes369. En droit international, lorsqu’une intention spécifique est nécessaire pour établir un crime (dolus specialis), les éléments constitutifs ne sont réunis, et l’accusé ne peut ainsi être déclaré coupable, que s’il est démontré au‑delà de tout doute raisonnable, qu’il entendait spécifiquement atteindre l’objectif en question, c’est‑à‑dire qu’il était animé de cette intention spécifique. Une difficulté a surgi du fait que, pour condamner un individu au titre d’une ECC III, l’accusé ne doit pas partager l’intention de l’auteur principal, ce qui entraîne une anomalie juridique : si la responsabilité pour ECC III devait s’appliquer, une personne pourrait être condamnée à titre de coauteur pour un crime répondant à une intention spécifique sans être mue par cette intention spécifique requise.

249. Ainsi, s’il est vrai que la jurisprudence du TPIY permet de condamner, dans le cadre d’une ECC III, des actes de génocide et des faits de persécution au titre de crimes contre l’humanité, même si une intention spécifique est nécessaire pour établir ces crimes370, et contrairement à ce qu’affirme le Procureur371, la meilleure approche, en droit international pénal, consiste à éviter la condamnation, sur la base de l’ECC III, de crimes qui, à l’instar du terrorisme, nécessitent une intention spécifique. En d’autres termes, il n’est pas suffisant, pour conclure à sa culpabilité, qu’un individu accusé de participation à une ECC (visant, par exemple, à commettre un vol ou meurtre) ait prévu l’éventualité que les crimes visés par l’objectif commun puissent, le cas échéant, donner lieu à la commission d’un acte terroriste par un autre participant à l’entreprise criminelle. L’individu en question doit avoir l’intention spécifique requise de commettre un acte terroriste ; il doit avoir l’intention précise de provoquer un état de terreur ou d’exercer des pressions sur une autorité nationale ou internationale. Dans de telles circonstances, l’« auteur secondaire » ne doit pas être condamné pour terrorisme, mais tout au plus pour complicité, en ce sens qu’il a prévu la possibilité qu’un autre participant à l’entreprise criminelle puisse commettre

369 Voir ci‑dessus par. 58, 68, 110 et 147

370 Voir TPIY, Brđanin, Décision relative à l’appel interlocutoire, 19 mars 2004, par. 5 à 10 ; TPIY, Arrêt Stakić, par. 38 ; TPIY, Milošević, Décision relative à la demande d’acquittement, 16 juin 2004, par. 291 ; TPIY, Popović et consorts, Jugement, 10 juin 2010, Vol. I, par. 1195, 1332, 1427, 1733 à 1735.

371 Audience du 7 février 2011, Compte rendu, 68 à 69.

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un acte terroriste, en a accepté le risque et n’a pas cessé de prendre part à l’entreprise commune ni n’a empêché la commission de l’acte terroriste. Le comportement de cette personne doit donc être évalué comme une forme d’assistance à l’acte terroriste et non comme un mode de perpétration – sous réserve, bien entendu, que toutes les conditions nécessaires soient réunies. La différence de qualification entre les deux modes de responsabilité doit être claire. Dans le cadre de l’ECC III, l’« auteur secondaire » est un auteur, même si aider et assister entraînent de toute évidence un mode de responsabilité moindre : une personne peut engager sa responsabilité même en cas d’intention non directe, parce que le système ne chercher pas à lui imputer l’entière responsabilité, mais à caractériser une forme de participation moins grave.

b) Article 3 1 b) du Statut du TSL

250. L’article 3 1 b) du Statut prévoit qu’une personne est individuellement responsable de crimes relevant de la compétence du Tribunal si cette personne a « contribué à la commission du crime […] par un groupe de personnes agissant de concert, soit pour faciliter l’activité criminelle générale du groupe ou en servir les buts, soit en pleine connaissance de l’intention du groupe de commettre le crime visé ».

251. Les termes « agissant de concert » renvoient à la doctrine de l’objectif commun, autre nom de l’ECC. Cette disposition est suffisamment large pour englober les trois formes d’ECC (même si l’ECC II ne sera généralement pas applicable aux allégations de fait avancées au titre de l’article premier). La Chambre d’appel prendra toutefois le temps d’examiner comment les critères de l’article 3 1 b) relatifs à l’intention peuvent être conciliés avec l’ECC, et en particulier l’ECC III372.

252. Cette disposition peut être interprétée comme exigeant que l’intention mentionnée vise à assurer la mise en œuvre du plan criminel commun, qui peut également couvrir des actes commis par un des participants en dehors du cadre du plan criminel, dans la mesure où le participant accusé ait su qu’il pouvait commettre de tels

372 Voir également l’audience du 7 février 2011, Compte rendu,. 72 à 73 (les observations du Procureur selon lesquelles l’ECC pourrait être couverte par l’article 31b) du Statut dont le champ d’application est plus large). Argument contraire, voir l’audience du 7 février 2011, Compte rendu, 91 à 96 (les objections de la Défense à l’applicabilité de l’ECC III).

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actes et ait prévu de le faire. L’article 31b) fait état, en particulier, d’une contribution intentionnelle à l’objectif criminel et affirme que cette contribution peut avoir lieu « en pleine connaissance de l’intention du groupe de commettre le crime visé ». La notion de « connaissance » pourrait couvrir celle de « prévision » et d’« acceptation volontaire du risque » d’un acte criminel exécuté par un ou plusieurs membres du groupe. En outre, le membre de phrase « faciliter l’activité criminelle générale du groupe ou en servir les buts » renvoie davantage aux activités criminelles du groupe qu’au crime en particulier. Ainsi, l’accusé peut avoir l’intention de contribuer à la réalisation des objectifs criminels que poursuit le groupe « en général », sans avoir l’intention d’exécuter le crime spécifiquement visé. Cette interprétation permet également d’éviter le double emploi avec la forme d’élément subjectif prévue à l’article 31b), la « connaissance de l’intention du groupe de commettre le crime visé » ; à défaut, la connaissance de l’intention de commettre le crime spécifique serait comprise dans les termes « pour faciliter » le crime spécifique. Bien entendu, le crime spécifique doit avoir été prévisible à la lumière de « l’activité générale du groupe [… et de ses] buts ».

c) Perpétration indirecte

253. En sus de l’ECC, la CPI a adopté, dans ses premières décisions, la notion de « perpétration indirecte » pour désigner les formes ou catégories de criminalité collective, en particulier la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques qui échappent à la perpétration physique ou matérielle de crimes internationaux. La Chambre d’appel estime cependant que la perpétration indirecte, telle qu’appliquée par la CPI, n’est pas un mode de responsabilité conformément au droit international coutumier, et n’est pas reconnue par l’article 31 du Statut. Par conséquent, elle ne devrait pas s’appliquer devant le Tribunal.

254. L’article 253a du Statut de la CPI prévoit explicitement la perpétration indirecte : « [U]ne personne est pénalement responsable […] pour un crime relevant de la compétence de la Cour si […] [e]lle commet un tel crime [...] par l’intermédiaire d’une autre personne, que cette autre personne soit ou non pénalement responsable ». Certains ont déduit de cette disposition373 que la notion de « perpétration indirecte »

373 Voir A. Eser, “Individual Criminal Responsibility”, dans A. Cassese, P. Gaeta et J. Jones (éd) The Rome Statute

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comprenait deux catégories différentes. La première catégorie comprend la notion traditionnelle de perpétration indirecte présente dans la plupart des pays de tradition romano‑germanique, ainsi que la doctrine relativement semblable – dite de « l’agent innocent » – que reconnaissent les systèmes juridiques de common law. Conformément à cette notion, pour commettre un crime, une personne doit utiliser un intermédiaire qui n’est pas pénalement responsable et ne peut donc être en aucun sens tenu responsable du crime (soit parce qu’il est mineur, atteint de troubles mentaux, ou qu’il a agi sous la contrainte). Ce mode de responsabilité est également reconnu en droit libanais374.

255. La deuxième catégorie de perpétration indirecte couvre les cas dans lesquels l’intermédiaire est utilisé par la « personne qui reste en retrait » pour commettre le crime, mais qui est également responsable pénalement pour ses actes à titre indépendant. Dans ce cas, l’auteur indirect est dénommé « l’auteur derrière l’auteur ». Cette deuxième catégorie de perpétration indirecte, développée dans des études juridiques allemandes375, a été utilisée par la Chambre préliminaire de la CPI dans l’affaire Lubanga. La Chambre a soutenu que l’article 253a) du Statut de la CPI s’appliquait à la commission d’un crime par l’intermédiaire d’un autre individu qui est lui‑même pleinement responsable pénalement376. Dans sa demande de mandat d’arrêt, le Procureur avançait initialement des charges à l’encontre de Lubanga en tant que coauteur. Cependant, la Chambre préliminaire a conclu que la perpétration indirecte pouvait être une théorie valide de responsabilité pénale :

of the International Criminal Court: A Commentary vol. 1 (Oxford : Oxford University Press, 2002), 793 ; G. Werle, “Individual Criminal Responsibility in Article 25 ICC Statute”, 5(4) J. Int’l Crim. Justice (2007) 953, 963 ; F. Jessberger et J. Geneuss, “On the Application of a Theory of Indirect Perpetration in Al Bashir: German Doctrine at The Hague?”, 6(5) J. Int’l Crim. Justice (2008) 583, 855 et suiv.

374 Conformément au droit libanais, il existe une différence entre l’auteur « matériel » et l’auteur « intellectuel » d’un crime. Le premier exécute physiquement l’acte illégal. Le deuxième incite une personne atteinte de troubles mentaux à exécuter un crime (il donne par exemple une bombe à un handicapé mental pour l’utiliser à l’encontre d’autres personnes), ou utilise une personne qui ignore l’intention criminelle de l’auteur pour qu’elle commette physiquement le crime (un auteur demande par exemple à une autre personne de faire prendre un médicament à une personne souffrante, et la personne obéit et agit sans savoir que le médicament est en fait un poison).

375 La doctrine a été développée par l’éminent pénaliste allemand Claus Roxin. Voir C. Kress, « Claus Roxins Lehre von der Organisationsherrschaft und das Völkerstrafrecht » 153 Goltdammer’s Archiv für Strafrecht (2006), 307 et suiv.

376 CPI, Lubanga, Décision sur la confirmation des charges, 29 janvier 2007, par. 318.

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« De l’avis de la Chambre, il y a des motifs raisonnables de croire que, compte tenu des relations hiérarchiques présumées entre M. Thomas Lubanga Dyilo et les autres membres [du groupe rebelle], la notion de perpétration indirecte […] pourrait également s’appliquer au rôle que M. Thomas Lubanga Dyilo aurait joué dans la perpétration des crimes377 ». Dans une décision rendue dans l’affaire Katanga et Chui, la Chambre préliminaire I a réaffirmé et étendu les conclusions énoncées dans l’affaire Lubanga : elle a fondé la responsabilité pénale des suspects sur le fait d’avoir « conjointement commis les crimes reprochés par l’intermédiaire d’une autre personne378 ». La Chambre a pris note du raisonnement de la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Stakić, dans laquelle cette dernière juridiction a considéré que le concept de coaction indirecte ne faisait pas partie du droit international coutumier, mais a conclu que les arguments avancés dans l’affaire Stakić n’étaient pas pertinents pour la CPI dans la mesure où la perpétration indirecte est expressément prévue dans le Statut de la CPI379. Cependant, à ce jour, aucun jugement définitif n’a été rendu par la CPI pour confirmer cette interprétation de la disposition concernée.

256. La doctrine de la perpétration indirecte pose problème dans la mesure où elle n’est pas reconnue en droit international coutumier, comme l’a justement fait observer la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire Stakić380, et n’est pas envisagée dans le Statut du Tribunal spécial pour le Liban. S’il est vrai que l’article 253a du Statut de la CPI prévoit qu’un coauteur peut être puni « si [il] commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne ou par l’intermédiaire d’une autre personne », les rédacteurs de l’article 31a) du Statut du TSL font simplement mention de « quiconque a commis le crime visé à l’article 2 du présent Statut », formulation semblable à celle de l’article 7 du Statut du TPIY (et à celle de l’article 6 du Statut du TPIR), articles qui ont été interprétés comme renvoyant à la notion d’ECC, qui a incontestablement un solide fondement coutumier.

377 CPI, Lubanga, Décision relative à la décision de la Chambre préliminaire I du 10 février 2006 et à l’inclusion de documents dans le dossier de l’affaire concernant M. Thomas Lubanga Dyilo, 24 février 2006, par. 96.

378 CPI, Katanga et Chui, Décision sur la confirmation des charges, 30 septembre 2008 (« la Décision sur la confirmation des charges Katanga »), par. 489.

379 Décision sur la confirmation des charges Katanga, par. 506 à 508.

380 TPIY, Stakić, Arrêt, 22 mars 2006, par. 62.

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Cette différence entre le libellé du Statut de la CPI et les termes utilisés par le Statut du Tribunal, à laquelle s’ajoute le fait que la perpétration indirecte, comme indiqué précédemment, n’a pas encore atteint le statut de règle de droit international coutumier, conduit la Chambre d’appel à conclure que le TSL ne peut avoir recours à la notion de perpétration indirecte.

3. comparaison entre le droit libanais et le droit international pénal

257. L’incrimination de la participation collective à des crimes, telle qu’envisagée en droit libanais, se superpose, dans une large mesure, à celle qui est prévue en droit international coutumier, ainsi qu’à l’article 3 1) du Statut du Tribunal. Cependant, elle est, à certains égards, plus stricte qu’en droit international pénal.

258. Conformément au droit libanais, lorsqu’un crime est commis par une pluralité de personnes, la notion de coaction ou, en fonction des circonstances de l’espèce, celle de complicité ou d’instigation peut s’appliquer. En revanche, le droit international pénal criminalise uniquement le crime spécifique commis (sauf en cas de génocide, dans le cadre duquel le complot et l’instigation sont également criminalisés). Cependant, le droit international pénal envisage une forme de participation, l’entreprise criminelle commune, qui, en tant que telle, est inconnue en droit libanais.

259. Les deux ensembles de règles, toutefois, se rejoignent largement au niveau de leur application. Selon le droit libanais, un individu qui appartient à un groupe créé pour prendre part à des actions terroristes et qui contribue à exécuter le crime terroriste en tuant une ou plusieurs personnes, peut être accusé de participation à un « complot » et de commission d’« acte terroriste » ou de « meurtre », si tous les critères requis sont réunis. En droit international pénal, ce mode de participation à un crime terroriste, notamment aux meurtres qui en découlent, peut être qualifié d’ECC381. Ainsi, le droit libanais et le droit international pénal se superposent en termes de répression de l’exécution d’un accord criminel, dans le cadre duquel tous les participants partagent la même intention criminelle, même si chacun d’entre eux

381 Il s’agit généralement d’ECC I, pour les raisons mentionnées précédemment et excluant l’ECC III pour les crimes répondant à une intention spécifique comme le terrorisme.

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peut jouer un rôle différent dans l’exécution du crime (ce qui correspond en droit international pénal à l’ECC I).

260. Les deux ensembles de règles se chevauchent également, s’agissant de la répression des participants à une entreprise criminelle, car ces derniers, même s’ils n’avaient pas convenu de la commission d’un crime, étaient censés connaître la possibilité d’un tel crime et ont volontairement pris le risque qu’il soit commis (ECC III). La motivation de la décision en l’affaire Aalian382 en apporte la démonstration, et la Chambre d’appel considère que le raisonnement suivi reflète sur ce point l’état du droit libanais, tel qu’il s’applique.

261. En un mot, s’il est vrai que la qualification juridique du mode de responsabilité appliqué en droit libanais et en droit international pénal peut varier, dans la pratique, l’effet est le même : les deux ensembles de règles punissent les participants à un groupe criminel pour des crimes qui étaient prévisibles, et la gravité du comportement de chaque participant sera évaluée et différenciée au stade de la détermination de la peine, opération qui, conformément à l’article 24 du Statut, relève du pouvoir discrétionnaire du Tribunal, quelles que soient les règles de droit appliquées. S’il n’y a pas de conflit entre les deux ensembles de règles, le Tribunal appliquera le droit libanais relatif à la coaction (en tenant notamment compte du dol éventuel), à la complicité et, le cas échéant, à l’instigation.

262. Cependant, en cas de conflit entre les deux ensembles de règles, le Juge de la mise en état et, le moment venu, la Chambre de première instance devront déterminer la source de droit permettant de protéger au mieux les droits de l’accusé. Un tel cas de figure s’est déjà présenté à l’occasion de l’analyse théorique à laquelle s’est livrée la Chambre d’appel : dans le cadre de l’ECC III, telle qu’appliquée par le Tribunal, l’infraction supplémentaire prévisible (mais non concertée) peut ne pas constituer un acte terroriste (ou toute autre infraction pénale requérant une intention spécifique), mais simplement une autre infraction impliquant une intention générale, à l’instar de l’homicide. À l’inverse, en droit libanais, un individu peut être condamné pour un

382 Cour de cassation, 6e Chambre, Aalian c. Al-Saka, décision n° 48, 16 mai 2000 Sader fil-tamyiz [Sader en cassation], 2000, p. 541. Voir également Cour de justice, décision n°1, 12 avril 1994, Al-nashra al-kada’iya [Revue Judiciaire], 1995, vol. 1, p. 3.

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acte terroriste dans le cadre duquel il n’y a que dol éventuel (c’est‑à‑dire que l’acte terroriste était prévisible, mais la personne accusée n’avait pas l’intention spécifique de semer la terreur). Si de telles situations étaient portées devant le Juge de la mise en état, en fonction des circonstances, le mode de responsabilité prévu par le droit international pénal – l’ECC III – peut être appliqué dans la mesure où il est plus respectueux des droits de l’accusé.

iii. Récapitulation

263. La réponse à la question xiii) est que le droit libanais ou bien le droit international pénal (conformément à l’article 3 du Statut) pourrait s’appliquer. Le Juge de la mise en état et la Chambre de première instance doivent i) considérer, au cas par cas, s’il existe un conflit réel entre l’application du droit libanais et celle du droit international pénal consacré dans l’article 3 ; ii) s’il n’existe pas de conflit, appliquer le droit libanais ; et iii) s’il y a conflit, appliquer le droit dont l’application serait la plus favorable aux droits de l’accusé.

264. Quant à la coaction, si l’accusé a directement participé à la commission du crime, il n’y a pas de conflit, et il faut appliquer le droit libanais. Dans les cas plus complexes de coaction, le Juge de la mise en état et la Chambre de première instance devront déterminer, considérant les faits de chaque espèce, lequel du droit libanais ou du droit international pénal assure mieux la protection des droits de l’accusé ; en particulier, un individu ne saurait être accusé comme coauteur d’un acte de terrorisme si celui‑ci n’était pas animé de l’intention spécifique de commettre un acte de terrorisme. Enfin, les dispositions de la loi pénale libanaise relatives à la complicité doivent s’appliquer, puisqu’elles sont plus favorables aux droits de l’accusé.

secTiOn iii :

cOncOuRs d’inFRAcTiOns eT cuMul de QuAliFicATiOns

265. Le Juge de la mise en état a soulevé deux questions relatives au concours d’infractions et au cumul de qualifications :

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xiv) Le concours de qualifications et le concours d’infractions doivent‑ils être régulés par le droit pénal libanais, par le droit international ou à la fois par le droit pénal libanais et le droit international ? Dans ce dernier cas, comment, et sur la base de quels principes, concilier ces deux droits en cas de contradiction entre eux ?

xv) Un même fait peut‑il être qualifié de différentes manières, à savoir, par exemple, à la fois de complot terroriste, d’acte de terrorisme et d’homicide intentionnel avec préméditation ou de tentative d’assassinat ?. Dans l’affirmative, ces qualifications peuvent‑elles être retenues cumulativement ou doivent‑elles être alternatives ? À quelles conditions ?

266. Si le Juge de la mise en état a, avec justesse, exprimé comme questions de droit une interrogation sur les combinaisons de qualifications admissibles, une solution commode à ces questions exige un bref rappel du contexte dans lequel elles s’inscrivent. Des responsabilités antagonistes pèsent sur les parties :

• Le devoir du Procureur consiste à veiller à ce que les faits allégués dès le stade préliminaire de l’affaire tiennent compte :

1) des éventuelles options concrètes quant aux charges que les éléments de preuve peuvent établir à l’issue du procès, en fonction de l’appréciation des faits par la Chambre de première instance ;

2) des catégories essentielles de crimes pour lesquels des peines devront être prononcées en fin de compte et la condamnation y afférente ;

• Les obligations de la Défense consistent à veiller à ne pas être submergée soit par un nombre et une catégorie injustifiés de charges, soit par la minutie excessive des éléments de preuve qu’exige la réfutation de ces chefs d’accusation ;

• Les devoirs des personnes se déclarant victimes autorisées à exposer leurs vues et préoccupations (articles 86 et 87 du Règlement) consistent à veiller à ce que justice soit rendue dans le sens de leurs intérêts.

Dans la discussion spécifique qui suit, l’obligation incombant aux juges d’opérer un arbitrage avisé et judicieux entre les aspirations concurrentes des parties ainsi que les exigences d’un procès équitable et rapide est déterminante.

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267. Pour le Bureau du Procureur, « [le] droit libanais et le droit international autorisent le cumul de qualifications383 ». De l’avis du Procureur, le Tribunal ne devrait pas adopter le critère avancé par la Chambre préliminaire II de la CPI dans l’affaire Bemba, qui a considéré que « le cumul de qualifications auquel a recours le Procureur porte atteinte aux droits de la Défense, puisqu’il fait peser sur celle‑ci un fardeau excessif ». Le Procureur fait valoir que cette décision de la Chambre préliminaire de la CPI « n’équivaut pas à une jurisprudence établie ni à une pratique du droit international384 ». Quant à la question de savoir si le même fait est susceptible de qualifications pénales différentes (par exemple, de complot en vue de commettre un acte de terrorisme, d’acte de terrorisme, d’homicide intentionnel, ainsi de suite), le Procureur avance qu’une telle possibilité est admise en droit libanais et en droit international pénal 385.

268. Le Bureau de la Défense soutient qu’il n’existe ni de règle, ni de pratique générale régissant le cumul de qualifications tant en droit libanais qu’en droit international. La solution appropriée à ces questions doit donc être trouvée dans la pratique des tribunaux internationaux. Selon le Bureau de la Défense, il ressort de l’examen minutieux de cette pratique que i) « [la pratique des tribunaux ad hoc révèle] une sensibilisation croissante à l’effet potentiel préjudiciable de ‘‘l’allongement’’ démesuré de l’acte d’accusation, lequel se compose de plusieurs chefs cumulatifs. Cette approche est considérée comme ayant un impact négatif sur toute une série de droits fondamentaux de l’accusé (en particulier le droit de l’intéressé de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, de son droit à être notifié suffisamment à l’avance des chefs d’accusation pesant contre lui, de son droit à l’égalité des armes, de son droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable et de son droit à un procès équitable). Cette approche peut également interférer avec la tâche, les responsabilités et la capacité du Tribunal à garantir une procédure équitable et rapide comme il est tenu de le faire386 » ; ii) d’autres juridictions

383 Observations du Bureau du Procureur, par. 109 ; voir également id., par. 119.

384 Observations du Bureau du Procureur, par. 117. Voir également Mémoire du Bureau de recherche sur les crimes de guerre, par. 3, 10 à 15 et 17 à 18.

385 Observations du Bureau du Procureur, par. 21 à 132.

386 Observations du Bureau de la Défense, par. 169.

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internationales telles que la CPI et les CETC ont adopté une approche restrictive en matière de cumul de qualifications387; iii) « la pratique actuelle prône une approche plus restrictive excluant le cumul de qualifications si chaque infraction (ou mode de responsabilité) alléguée n’englobe pas un élément définitionnel ou matériel n’étant pas inclus dans l’autre388 » ; iv) plus généralement, « [l]a pratique internationale reconnaît et applique l’interdiction de la pratique des inculpations ‘‘excessives”389 ». Le Bureau de la Défense conclut en affirmant que pour trancher ces questions, le Tribunal doit se fonder primordialement sur des considérations liées au respect des droits de l’homme : « quel que soit le régime adopté par le Tribunal dans ce domaine, ledit régime doit protéger et garantir l’exercice effectif, notamment, des droits suivants de l’accusé : droit de disposer d’un délai et de facilités matérielles suffisants pour préparer sa défense, droit d’être notifié suffisamment à l’avance des chefs d’accusation pesant contre lui, droit à l’égalité des armes, droit à faire entendre sa cause dans un délai raisonnable et droit à un procès équitable390 ». De surcroît, le Bureau de la Défense estime que la préférence doit être accordée aux « qualifications alternatives » plutôt qu’au « cumul de qualifications391 ».

269. Quant à la question de savoir si le même fait est juridiquement susceptible de recevoir plusieurs qualifications pénales, le Bureau de la Défense est d’avis que cela est effectivement admissible, sous réserve cependant qu’il soit tenu compte d’un ensemble de garde‑fous visant à protéger les droits de l’accusé et à éviter en particulier que des charges « abusives » ne pèsent sur celui‑ci392.

270. Concernant la question xiv), la Chambre d’appel considère que le droit libanais et le droit international pénal règlent ces questions selon les mêmes principes. Elle examinera ci‑après les approches adoptées par les juridictions libanaises et les

387 Observations du Bureau de la Défense, par. 172 et 173.

388 Observations du Bureau de la Défense, par. 174.

389 Observations du Bureau de la Défense, par. 177(iii).

390 Observations du Bureau de la Défense, par. 176.

391 Observations du Bureau de la Défense, par. 177(v).

392 Observations du Bureau de la Défense, par. 182(xv) ; voir également id., par. 178 à 181.

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juridictions pénales internationales et conclura qu’il n’est point besoin de concilier les contradictions existant entre celles‑ci.

271. Pour ce qui est de la question xv), le droit libanais et le droit international pénal autorisent le cumul de qualifications lorsqu’un même acte peut être constitutif de plusieurs crimes. Cependant, pour qu’un accusé soit condamné pour deux crimes résultant d’un seul acte ou d’une seule omission, l’un des crimes doit comporter un élément qui fait défaut chez l’autre. À titre d’exemple, les crimes de complot, de terrorisme et d’homicide intentionnel en droit libanais – tels qu’ils sont décrits cidessus – visent chacun à atteindre un résultat distinct (répandre la terreur ou tuer). En d’autres termes, une personne pourrait être condamnée pour tous les trois crimes à raison du même acte criminel. La Chambre d’appel procédera ci‑après à une analyse détaillée de ce principe connu dans certains pays de common law sous le nom de critère de Blockburger et appelé dans les pays de droit civil « règle de spécialité », avant de conclure que ce principe doit être appliqué chaque fois que cela est possible au stade de l’imputation des faits, le cumul de qualifications (qualifications multiples) n’étant autorisé – et in fine le cumul de peines, du moins si tous les éléments constitutifs de chacun des crimes sont prouvés – qu’au cas où chacun des crimes exige que soit établie la preuve d’éléments constitutifs distincts. Les crimes ne répondant pas à ce critère peuvent faire l’objet de qualifications alternatives. Il faut veiller avec soin à ce que tout accusé soit informé clairement et dans le détail des faits qui lui sont reprochés, à la lecture à la fois de l’acte d’accusation et de la décision motivée du Juge de la mise en état, comme l’exige l’article 68 I) du Règlement. Cette approche comporte l’avantage i) d’accélérer la rapidité de la procédure et ii) d’éviter à la Défense un fardeau inutile pour la préparation et la défense de sa cause.

i. le droit libanais

A. Concours d’infractions

272. Tous les systèmes pénaux prévoient des situations dans lesquelles une même personne commet plusieurs infractions à la fois (par exemple, un viol suivi du meurtre de la même victime), ou des cas d’infractions portant simultanément atteinte à plus d’une victime (par exemple, lancer une bombe sur une maison dans laquelle

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se trouve une famille), ou des cas d’infractions commises par la même personne et tombant sous le coup de plusieurs incriminations (par exemple, l’incendie criminel et le meurtre lorsque les deux crimes résultent du même feu).

273. À l’instar de la plupart des systèmes de droit civil, le droit libanais opère une distinction entre le concours réel ou matériel d’infractions et le concours idéal d’infractions ou concours de qualifications. La première catégorie concerne les cas où une personne, en posant un ensemble d’actes distincts, commet plusieurs infractions au préjudice d’une ou plusieurs victimes. Dans ce cas de figure, l’auteur répond de la violation de différentes dispositions de la loi pénale. Conformément à l’article 205 du Code pénal libanais :

[E]n cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, une peine sera prononcée pour chaque infraction et la peine la plus forte sera seule subie.

Le cumul des peines prononcées pourra cependant être ordonné sans que la durée totale des peines temporaires dépasse de la moitié le maximum de la peine applicable à l’infraction la plus grave.

S’il n’a pas été statué sur la confusion ou le cumul des peines prononcées au cours d’une ou de plusieurs poursuites, le juge sera saisi pour être ordonné ce qu’il appartiendra.

274. Aucun problème spécifique ne surgit en ce qui concerne la poursuite de l’auteur de l’infraction et sa condamnation par une juridiction : celui‑ci sera accusé de divers crimes ; et s’il est reconnu coupable, une peine sera prononcée pour chacun de ces crimes et il exécutera la peine la plus forte.

275. Par contre, l’auteur d’une infraction peut violer la même disposition pénale au préjudice de diverses personnes : par exemple, il tue les membres d’une famille entière. Dans ce cas, une seule règle est violée, celle qui prohibe le meurtre illicite, mais l’infraction est commise à l’encontre de plusieurs victimes. En somme, le concours réel d’infractions ne pose pas de problème majeur d’imputation : dans le premier cas, différents crimes seront reprochés à l’accusé, et, dans le second cas, différents crimes de meurtre autant qu’il existe de victimes lui seront imputés. Les

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juges seront dès lors appelés à apprécier les éléments de preuve et à se prononcer sur chacune des charges que l’Accusation a pu prouver.

276. Le concours idéal d’infractions quant à lui porte sur les situations dans lesquelles une personne, par un acte ou un fait unique, viole simultanément plus d’une disposition pénale. L’article 181 du Code pénal libanais dispose que :

[L]orsqu’un fait comporte plusieurs qualifications, celles‑ci sont toutes relevées, sauf au juge à appliquer la peine la plus grave.

Néanmoins, lorsqu’un fait qui tombe sous l’application d’une disposition générale de la loi pénale est incriminé par un texte spécial, ce dernier texte lui sera appliqué.

277. Il convient ici, une fois de plus, d’opérer une distinction entre diverses catégories de transgression. Premièrement, il peut advenir que le même acte contrevienne sous certains aspects, à une règle, et sous d’autres aspects, enfreigne une autre règle, les deux règles protégeant des intérêts distincts. En pareils cas, le même comportement criminel viole simultanément deux règles différentes, et est constitutif de deux crimes différents. Il est clair que, face à ces cas, le Procureur doit poursuivre l’auteur pour deux crimes différents. Pareillement, si le Procureur est convaincu que l’accusé est coupable de la violation des deux règles, le Tribunal doit prononcer à son encontre des peines à raison des deux infractions. Cette opération ne peut intervenir, cependant, que sous réserve du « principe de spécialité ». Si les deux règles enfreintes sont des dispositions générales de la loi (« texte général »), le droit libanais prévoit que l’auteur de l’infraction doit être condamné pour les deux crimes et subir la peine la plus forte. Si par contre l’une des règles est une disposition spéciale (« texte spécial »), celle‑ci doit être appliquée, et les juges doivent prononcer la peine qui y est rattachée et non celle afférente à la disposition plus générale. Cette règle de spécialité fera, dans les lignes qui suivent, l’objet d’amples développements sous l’angle du droit international.

278. Lorsque l’on est présence d’un acte ou fait unique qui transgresse simultanément deux ou plusieurs dispositions pénales au préjudice de la même victime et peut dès lors, en théorie, correspondre à deux infractions, mais que l’une est mineure (c’est-à-dire englobée) par rapport à l’autre, le « principe de consommation » s’applique :

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l’infraction la plus grave l’emporte sur l’autre et l’« absorbe » (ou la subsume), dirait‑on. Dès lors, par exemple, si une personne est tuée par balle, seule l’accusation d’homicide, et non de blessures, sera portée à l’encontre de l’auteur. Par conséquent, l’accusation (et éventuellement une condamnation) ne peut intervenir qu’à raison de l’infraction la plus grave, qui englobe celle la moins grave.

279. À cet égard, la Chambre d’appel relève que d’après la jurisprudence française contemporaine, suivie par les cours et tribunaux libanais, un acte unique susceptible de plusieurs qualifications peut être considéré comme un concours matériel, plutôt qu’un concours idéal lorsque les infractions en cause ne sont pas incompatibles (homicide et blessures dans l’exemple proposé ci‑dessus) et lorsque les dispositions pénales concernées visent à prohiber les violations de catégories d’intérêts nettement distinctes. Il s’agirait par exemple du cas d’un individu qui lance une grenade sur une habitation. Cette personne sera accusée de tentative d’homicide et de tentative de destruction d’une habitation au moyen d’un engin explosif393. Si l’élément subjectif n’est pas rigoureusement identique dans les qualifications potentielles de cet acte, les juges peuvent décider de les retenir toutes, ce qui les amènera à examiner le cas comme étant un concours matériel d’infractions394. En conséquence, puisque la prohibition de l’homicide, de l’acte de terrorisme et du complot en droit libanais vise à protéger des intérêts nettement distincts, et étant donné que ces infractions ne sont pas incompatibles, les juges pourraient considérer qu’elles constituent un concours matériel d’infractions.

B. Cumuldequalifications

280. Comme exposé ci‑dessus, il est permis, en droit libanais, qu’un seul acte fasse l’objet d’un cumul de qualifications, lorsque deux ou plusieurs infractions résultent de cet acte. Aussi, le Procureur peut‑il, par exemple, accuser une personne d’avoir à la fois commis un acte de terrorisme et un homicide. Cependant, ce cumul ne s’applique pas aux modes de responsabilité. La responsabilité d’une personne ne peut être engagée à raison d’un même crime en vertu de deux modes différents

393 Voir G. Stefani, G. Levasseur, B. Bouloc, Droit pénal général, 16e éd., (Dalloz), 490, citant un arrêt de la Cour française de cassation, 3 mars 1960, Bulletin, n°138. Voir également l’affaire Rachid Karamé.

394 G. Stefani, G. Levasseur, B. Bouloc, Droit pénal général, 16e éd., (Paris, Dalloz), p. 490.

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de responsabilité : on ne peut être à la fois complice et auteur du meurtre de la même victime. On est soit l’un, soit l’autre. Dès lors, s’agissant des modes de responsabilité, dans le cas d’une infraction unique, il y a lieu d’invoquer soit un mode de responsabilité, soit l’autre. Cependant, cela n’empêche pas d’alléguer cumulativement des modes de responsabilité pour différentes infractions, quand bien même ils découlent du même acte sous‑jacent395.

281. Par ailleurs, dans le système juridique libanais, le juge d’instruction et les magistrats du siège ont le pouvoir de requalifier les comportements criminels initialement qualifiés par les magistrats du Parquet. En d’autres termes, les juges ne sont pas liés par la qualification que donne le ministère public à un crime396. L’article 370 du Code de procédure civile renferme les dispositions relatives aux compétences des différents juges, aux termes desquelles un juge n’est pas lié par la qualification que les parties donnent aux faits. Un juge a le pouvoir de donner à ces faits la qualification juridique exacte397. La règle générale contenue à l’article 370 est précisée dans deux dispositions du Code libanais de procédure pénale : l’article 176 s’agissant du juge unique398 et l’article 233 pour ce qui concerne la Cour criminelle399.

395 Cour de cassation, 6e chambre, Aalian c. Al-Saka, arrêt n° 48, 16 mai 2000 Sader fil-tamyiz [Sader dans l’arrêt de cassation], 2000, par. 541.

396 Le principe jura novit curia (il appartient au juge de dire le droit, tandis qu’il revient au ministère public d’établir les faits qui étayent ses allégations) s’applique en tout état de cause.

397 Ce principe est également applicable aux questions relatives à la procédure pénale, en vertu de l’article 6 du Code de procédure civile aux termes duquel les dispositions dudit Code peuvent être appliquées en cas d’absence de dispositions similaires dans d’autres codes de procédure.

398 L’article 176(2) du Code de procédure pénale libanais dispose : « [l] e juge unique n’est pas tenu par la qualification juridique donnée à l’infraction alléguée ».

399 L’article 233(2) du Code de procédure pénale libanais dispose que « elle [la Cour criminelle] a le pouvoir de modifier la qualification juridique des faits visés par l’acte d’accusation ».

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ii. le droit international pénal

A. Concours d’infractions

282. En droit international pénal, les situations de concours réel d’infractions400 et de concours idéal d’infractions401 sont traitées de la même manière qu’en droit libanais.

283. Néanmoins, dans le contexte du droit international pénal, le concours idéal d’infractions pose des difficultés particulières. Il en est ainsi parce de nombreux « crimes principaux » en droit international pénal peuvent – en fonction de leurs éléments constitutifs – relever simultanément de plusieurs catégories de crimes. À titre d’exemple, s’il est perpétré dans le cadre d’un conflit armé et d’une attaque généralisée ou systématique contre la population civile, le viol d’une femme non combattante par un soldat peut être qualifié à la fois de crime de guerre et de crime contre l’humanité. Sur la base de quels principes ou critères peut‑on déterminer de laquelle des deux catégories relève un acte spécifique de viol ? La réponse à cette interrogation revêt une importance non seulement aux yeux des juges, mais également pour les procureurs, lorsque ces derniers décident des chefs d’accusation qu’il faut retenir à l’encontre d’un auteur présumé de crimes internationaux.

284. Des critères permettant d’apporter des réponses à ces dernières questions peuvent être tirés des principes de droit pénal communs aussi bien aux grands systèmes juridiques du monde qu’à la jurisprudence internationale. Le critère que la Chambre d’appel considère opportun est celui, connu dans les systèmes de common

400 Comme l’a affirmé une chambre de première instance du TPIY dans l’affaire Kupreškić et autres, il y a « concours réel » d’infractions lorsque l’on est en présence d’« un ensemble d’actes séparés, chacun violant une disposition différente ». Kupreškić et autres, Jugement, 14 janvier 2000 (« jugement Kupreškić »), par. 678c. Comme l’a décrit le juge Dolenc du TPIR, « il y a “concours réel d’infractions” lorsque l’accusé commet deux ou plusieurs infractions, soit en violant plusieurs fois le même fait incriminé, soit en violant, par des actes distincts, plusieurs faits incriminés ». TPIR, Semanza, Jugement et sentence – Opinion séparée et dissidente du juge Pavel Dolenc, 15 mai 2003, par. 4.

401 Dans l’affaire Kupreškić et autres, la Chambre de première instance du TPIY a donné comme exemple « [le] bombardement, au moyen d’armes prohibées (comme les armes chimiques) et dans le cadre d’un conflit armé international, de civils visés à cause de leur religion, dans le but de détruire, en tout ou en partie, le groupe auquel ils appartiennent ». Dans ce cas « cet acte comporte en même temps un élément propre à l’article 4 du Statut (génocide), dans la mesure où il vise à détruire un groupe religieux, et un élément propre à l’article 3 (crimes de guerre) à savoir l’emploi d’armes illégales ». Jugement Kupreškić, par. 679a.

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law sous la dénomination de Blockburger (du nom d’une retentissante décision de la Cour suprême des États‑Unis rendue en 1932 en l’affaire Blockburger et confirmée par la même Cour en 1996 en l’affaire Rutledge). Ce critère exige que soit effectuée la comparaison des éléments constitutifs respectifs des crimes, tels qu’ils ressortent des textes d’incrimination ou d’autres dispositions légales, afin de déterminer si chacun des crimes comprend un élément distinct des éléments requis pour que les autres crimes soient constitués. Ce critère se rapproche substantiellement du « principe de la spécialité réciproque » consacré dans les pays de droit civil, à savoir qu’une personne ne peut être condamnée pour deux crimes résultant d’un seul acte que si l’un des crimes exige, pour être caractérisé, un élément faisant défaut chez l’autre.

285. Lorsqu’une telle confrontation est effectuée, deux possibilités s’ouvrent. Premièrement, il peut arriver que chacun des deux crimes comporte des éléments réciproquement distincts. En pareil cas, il existe une spécialité réciproque entre les deux infractions402. Si l’acte reproché à l’accusé comporte tous les éléments des deux crimes, on peut dès lors conclure que le comportement constitue deux infractions différentes403. Deuxièmement, il peut se produire qu’un seul des deux crimes recouvrant le même comportement exige un élément différent que ne requiert pas l’autre crime. En pareilles situations, on ne peut affirmer qu’il existe une spécialité réciproque. Aussi est‑il indifférent que les actes perpétrés par l’accusé répondent à tous les éléments constitutifs des deux crimes – l’accusé ne peut être reconnu coupable que d’un seul crime, à savoir celui qui comporte l’élément additionnel404.

402 Comme l’a relevé fort à propos la Chambre d’appel du TPIY dans l’arrêt rendu en l’affaire Delalić et autres, « [en] partant de l’idée que l’équité envers l’accusé et le fait que seuls des crimes distincts peuvent justifier un cumul de déclarations de culpabilité, […] un tel cumul n’est possible, à raison d’un même fait et sur la base de différentes dispositions du Statut, que si chacune des dispositions comporte un élément nettement distinct qui fait défaut dans l’autre. Un élément est nettement distinct s’il exige la preuve d’un fait que n’exigent pas les autres ». Arrêt Delalić et autres, 20 février 2001 (« Arrêt Delalić »), par. 412. Voir également TPIY, Jugement Kupreškić, par. 685 ; TPIY, Arrêt Jelisić, 5 juillet 2001, par. 82.

403 Par exemple, la disposition relative au viol perpétré sur des civils exige, pour qu’il soit considéré comme un crime contre l’humanité, un élément objectif (l’acte doit avoir été commis dans le cadre d’une activité criminelle généralisée ou systématique) que la disposition relative au viol en tant que crime de guerre n’exige pas. Cette dernière disposition, à son tour, exige un élément objectif (que le viol soit en rapport avec un conflit armé international ou interne) que n’exige pas l’autre disposition (du moins en droit international coutumier). Dès lors, si le viol a été commis au cours d’un conflit armé interne dans le cadre d’une activité criminelle systématique, l’infraction peut être considérée à la fois comme un crime de guerre et un crime contre l’humanité.

404 Comme il a été affirmé dans le jugement Kupreškić et autres, « le principe de spécialité se justifie par le fait que,

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En d’autres termes, le crime le plus spécifique (le crime comportant l’élément différent/additionnel) l’emporte sur un crime général (le crime chez lequel l’élément différent/additionnel fait défaut). L’arrêt Delalić et autres405 fournit une illustration de ce principe.

B. Cumuldequalifications

286. À la lumière de ce qui précède, la jurisprudence pénale internationale offre aux procureurs deux options en cas de concours d’infractions : le cumul de qualifications et les qualifications alternatives. La première solution consiste à retenir à l’encontre de l’accusé toutes les qualifications fondées sur la même matrice de faits, tandis que la seconde solution consiste à porter à l’encontre de l’accusé plusieurs charges formulées « alternativement », de sorte qu’au cas où le principal chef d’accusation ne prospèrerait pas, les procureurs pourraient ainsi invoquer les chefs d’accusation secondaires (alternatifs).

287. Les premières années d’existence des tribunaux pénaux internationaux ont été marquées par le défaut d’uniformité du droit en matière de cumul de qualifications : cette pratique était admise et pouvait être contestée, de nombreuses chambres

si une action tombe sur le coup à la fois d’une disposition générale et d’une disposition spéciale, cette dernière prévaudra parce que plus appropriée, plus spécifiquement axée sur elle. En particulier, en cas de discordance entre les deux textes, il serait logique de supposer que l’organe chargé de fixer les normes a voulu donner la préséance à la disposition qui concerne plus directement l’action et en traite le plus en détail ». TPIY, jugement Kupreškić, par. 684. S’il a parfois été diversement interprété dans la pratique (voir TPIY, Kordić et Čerkez, Arrêt, 17 décembre 2004, par. 1039 à 1044), ce principe a été systématiquement suivi par les tribunaux pénaux internationaux.

405 Le Procureur avait accusé, à raison des mêmes faits, certains défendeurs à la fois de meurtre en tant que violation des lois et coutumes de guerre (prévu par l’article 3 du Statut du TPIY) et d’homicide intentionnel en tant qu’infraction grave aux Conventions de Genève (prévu par l’article 2 du même Statut). La Chambre d’appel avait considéré que puisque seule la disposition relative aux infractions graves comportait un élément faisant défaut dans la disposition relative aux crimes de guerre, la déclaration de culpabilité ne pouvait être prononcée que pour l’infraction grave. TPIY, Arrêt Delalić, 20 février 2001, par. 422 et 423. (« La définition de l’homicide intentionnel sanctionné par l’article 2 comporte un élément nettement distinct qui est absent de la définition du meurtre réprimé par l’article 3: l’exigence que la victime soit une personne protégée. Cette exigence nécessite la preuve d’un fait que les éléments constitutifs du meurtre ne requièrent pas, parce que la définition d’une personne protégée englobe et déborde celle d’une personne qui ne participe pas directement aux hostilités. Cependant, la définition du meurtre sanctionné par l’article 3 ne comporte pas d’élément exigeant la preuve d’un fait que les éléments constitutifs de l’homicide intentionnel visé par l’article 2. […] L’homicide intentionnel sanctionné par l’article 2 comportant un élément constitutif supplémentaire et s’appliquant plus spécifiquement en l’espèce, la déclaration de culpabilité prononcée en application de l’article 2 doit donc être confirmée et celle prononcée en vertu de l’article 3 annulée ».)

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adoptant à cet égard des approches apparemment divergentes406 et ne parvenant pas à en donner une analyse exhaustive. La première décision détaillée se rapportant à la pratique en matière de présentation de charges a été celle rendue par une chambre de première instance du TPIY en l’affaire Kupreškić407. Après avoir passé en revue la jurisprudence nationale et internationale, la Chambre de première instance a conclu que :

« Cette question doit être résolue en tenant compte de deux exigences fondamentales, quoique apparemment contradictoires. La première a trait au plein respect des droits de l’accusé. La seconde consiste à garantir au Procureur, dans les limites fixées par le Statut, tous les pouvoirs lui permettant d’accomplir sa mission efficacement et dans l’intérêt de la justice408 ».

288. L’un des droits essentiels de l’accusé auxquels la Chambre fait référence est le principe fondamental non bis in idem (interdiction de toute nouvelle poursuite contre la même personne pour les mêmes faits) et sa compatibilité avec le cumul de qualifications. Un accusé peut faire valoir qu’il lui est imputé les mêmes faits et qu’il pourrait être doublement condamné pour ceux‑ci. Le principe non bis in idem ne joue pas au stade de l’imputation des faits, mais plutôt au moment de la détermination

406 Par exemple, au paragraphe 17 de la Décision sur l’exception préjudicielle de la défense relative à la forme de l’acte d’accusation rendue en l’affaire Tadić, (TPIY, 14 novembre 1995), la Chambre de première instance avait considéré que « en tout état de cause, puisqu’il s’agit d’une question [le cumul d’accusations] qui n’est pertinente que dans la mesure où elle touche à la peine, son examen relève davantage de cette question, si elle vient à se poser » ; au paragraphe 468 du jugement Akayesu (TPIR, 2 septembre 1998), la Chambre de première instance avait conclu qu’il est acceptable de convaincre l’accusé de deux infractions à raison des mêmes faits dans les circonstances ci‑après : (1) les infractions comportent des éléments constitutifs différents, (2) les dispositions créant les infractions protègent des intérêts distincts et (3) il est nécessaire d’obtenir une condamnation pour les deux infractions pour rendre pleinement compte du comportement de l’Accusé ; aux pages 5 à 7 de la Décision relative à l’exception préjudicielle de la défense fondée sur un vice de forme des chefs 7 et 8 de l’acte d’accusation modifié rendue en l’affaire Krstić, (TPIY, 28 janvier 2000), la Chambre de première instance ne s’est montrée favorable au cumul de qualifications que dans les cas « typiques » d’un cumul de charges indu ; dans l’affaire Niyitegeka, la Chambre de première instance du TPIR avait affirmé, dans laDécision relative à la requête de la Défense concernant les questions soulevées par les décisions de la Chambre de première instance et à l’exception préjudicielle fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation et l’incompétence du Tribunal, 20 novembre 2000, par. 43, que les exceptions au cumul de qualifications ne pouvaient être soulevées qu’à la phase du procès, et non à une phase antérieure de la procédure ; au paragraphe 12 de la Décision relative à l’opposition de Vinko Martinović à l’acte d’accusation rendue en l’affaire Naletilić et Martinović (TPIY, 15 février 2000), la Chambre de première instance avait estimé que le report de la décision sur le cumul de qualifications après la présentation des éléments de preuve ne nuirait pas à l’accusé.

407 TPIY, Jugement Kupreškić, par. 668 à 699 ; 720 à 727.

408 TPIY, Jugement Kupreškić, par. 724.

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de la culpabilité. Afin d’écarter toute injustice, la Chambre de première instance a énoncé le principe ci‑après :

« [s]i [...] une Chambre de première instance conclut qu’un accusé a, par une action ou omission unique, commis deux infractions régies par deux dispositions différentes du Statut et que ces infractions se caractérisent chacune par un ou plusieurs éléments qui lui sont spécifiques, la Chambre doit déclarer l’accusé coupable sous deux chefs distincts. [...] Par contre, si la Chambre de première instance conclut que, [...] par une action ou omission unique, l’accusé n’a pas commis deux infractions régies par deux dispositions distinctes du Statut mais une seule, la Chambre devra alors se prononcer sur la peine appropriée à ladite infraction409 ».

En d’autres termes, c’est l’existence d’un élément additionnel et spécifique distinguant un chef d’accusation de l’autre à raison des mêmes actes sous‑jacents qui écarte toute violation de la règle non bis in idem. Cette conception a été admise comme reflétant l’exacte application du droit, comme il est noté plus haut.

289. La Chambre de première instance, dans la même affaire Kupreškić, a fourni par la suite des indications concernant les cas où il convient de cumuler les charges ou de formuler des qualifications alternatives. Pour l’essentiel, la Chambre a été d’avis que le Procureur peut procéder à un cumul de charges chaque fois que les faits reprochés violent simultanément deux dispositions du Statut ou plus et lorsque i) l’infraction exige la preuve d’un élément que n’exige pas l’autre ; ii) chaque infraction protège des intérêts essentiellement distincts410. Par contre, il faudra préférer la formulation de qualifications alternatives chaque fois qu’un crime semble enfreindre plus d’une disposition du Statut, mais la déclaration multiple de culpabilité ne serait pas possible en raison du principe de spécialité411. Par ailleurs, la Chambre a estimé que l’Accusation devrait autant que possible s’abstenir de cumuler un nombre excessif

409 TPIY, Jugement Kupreškić, par. 718 et 719. Voir également TPIY, Krnojelac, Décision relative à l’exception préjudicielle de la défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 24 février 1999 (« Décision relative à l’acte d’accusation Krnojelac »), par. 10.

410 TPIY, Jugement Kupreškić, par. 727(a).

411 TPIY, Jugement Kupreškić, par. 727(b).

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de charges pour les mêmes faits, lorsque ces faits ne violent pas simultanément plusieurs dispositions du Statut412.

290. Cependant, dans un paragraphe non équivoque de l’arrêt Delalić, ces positions ont été magistralement battues en brèche par la Chambre d’appel, tant elles restreignent la possibilité pour l’Accusation de cumuler les accusations. La Chambre a fondé sa conclusion sur le fait que i) avant la présentation de l’ensemble des moyens de preuve, le Procureur ne peut évaluer et déterminer laquelle des accusations sera prouvée et ii) une fois les éléments de preuve présentés, la Chambre est mieux à même, si ceux‑ci sont suffisants, d’apprécier quelles qualifications seront retenues413. Par la suite, le cumul de qualifications a été accepté devant le TPIR414, le TSSL415 et plus récemment, devant les CETC416.

291. Il convient de souligner le contraste entre cette jurisprudence et ce qui semble être une pratique en gestation à la CPI. Dans sa décision relative à la confirmation des charges en l’affaire Bemba, la Chambre préliminaire a considéré que :

« Le cumul de qualifications auquel a recours le Procureur porte atteinte aux droits de la Défense, puisqu’il fait peser sur celle‑ci un fardeau excessif. La Chambre considère que, dans l’intérêt d’un déroulement équitable et rapide de la procédure, seuls des crimes distincts peuvent justifier un cumul de qualifications et, en fin de compte, être confirmés en tant que charges. Un tel cumul n’est possible, à raison d’un même fait, que si chacune des dispositions du Statut enfreinte en l’espèce comporte au moins un élément matériel distinct qui fait défaut à l’autre. […] [l]a Chambre rappelle en outre que le cadre juridique de la CPI est différent de celui des tribunaux ad hoc, puisque la norme du Règlement de la Cour donne à la Chambre de première instance le pouvoir de requalifier un crime pour lui donner la qualification juridique la plus

412 TPIY, Jugement Kupreškić, par. 727(c).

413 TPIY, Arrêt Delalić, par. 400; id., Opinion séparée et dissidente du juge Hunt et du juge Bennouna, par. 12. Voir également TPIY, Brđanin et Talić, Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée par Momir Talić pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 20 février 2001, par. 29 à 43.

414 TPIR, Arrêt Musema, 16 novembre 2001, par. 369.

415 TSSL, Arrêt Brima et autres, 22 février 2008, par. 212, n. 327.

416 CETC, Décision de la Chambre préliminaire relative à l’Appel contre l’Ordonnance de renvoi de Kaing Guek Eav alias « Duch », 5 décembre 2008, par. 87.

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pertinente. Partant, devant la CPI, le Procureur n’a pas besoin d’avoir recours au cumul de qualifications et de présenter toutes qualifications possibles pour s’assurer que la Chambre retienne au moins l’une d’entre elles417 ».

292. La requête aux fins d’autorisation d’interjeter appel de cette décision avait été rejetée418. Il convient de relever ici qu’il n’existe dans aucun des tribunaux ad hoc un règlement comparable à celui auquel la Chambre préliminaire de la CPI faisait allusion419. Actuellement, il semble que, dans le cadre d’une affaire devant la CPI, le cumul de qualifications a été désapprouvé, tandis que cette pratique a été accueillie plus favorablement devant les tribunaux ad hoc420.

293. Quant aux qualifications alternatives, le raisonnement de la Chambre d’appel du TPIY qui a prévalu dans l’arrêt Delalić, bien que très bref et néanmoins sans équivoque, n’empêche en rien aux procureurs de formuler des qualifications alternatives. En fait, cette pratique a reçu une approbation explicite421. De surcroît, rien n’empêche les procureurs d’alléguer des modes de responsabilité alternatifs422.

417 CPI, Bemba, Décision rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de Jean‑Pierre Bemba Gombo, 15 juin 2009 (« Décision relative aux charges portées à l’encontre de Bemba »), par. 202 et 203.

418 CPI, Bemba, [traduction] Décision relative à la requête du Procureur aux fins d’autorisation d’interjeter appel contre la « Décision rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 61 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de Jean‑Pierre Bemba Gombo », 18 septembre 2009 (« Décision relative à l’autorisation d’interjeter appel contre la décision relative aux charges portées à l’encontre de Bemba »).

419 Néanmoins, des déclarations de culpabilité ont été prononcées pour la première fois au stade de l’appel, mais uniquement dans les cas où les charges concernées ont été présentées dans l’acte d’accusation. À titre d’exemple le plus récent de cette pratique, voir TPIY, Arrêt Mrškić et Šljivančanin, 5 mai 2009, par. 61 à 63, 76 à 103; mais voir Opinion partiellement dissidente du juge Pocar, par. 2 à 13.

420 Voir, à titre général, le Mémoire du Bureau de recherche sur les crimes de guerre.

421 TPIY, Jugement Naletilić et Martinović, 31 mars 2003, par. 510; TPIY, Arrêt Naletilić et Martinović, 3 mai 2006, par. 102. Voir également TPIY, Kvočka et autres, Décision relative aux exceptions préjudicielles de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, 12 avril 1999, par. 25; TPIR, Mpambara, [traduction] Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense portant sur l’acte d’accusation modifié, 30 mai 2005, par. 4. Voir également le raisonnement présenté dans le Mémoire du Bureau de recherche sur les crimes de guerre, en particulier aux paragraphes 19 à 22.

422 TPIY, Stanišić, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense portant sur la forme de l’acte d’accusation, 19 juillet 2005, par. 6.

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iii. comparaison entre le droit libanais et le droit international pénal

294. Dans une large mesure, le droit libanais et le droit international pénal régissent de manière semblable le cumul de qualifications et le concours d’infractions. Par conséquent, comme on pourrait l’entrevoir de ce qui précède, la réponse à la question xiv) est claire : il n’y a aucune raison – qui serait du moins pressentie avant la présentation d’un quelconque fait particulier – d’envisager, encore moins de concilier, d’éventuelles contradictions entre les deux régimes juridiques.

295. S’agissant de la question xv), comme l’a résumé fort à propos le Bureau de la Défense423, il n’existe, ni en droit libanais ni en droit international pénal, de règle générale claire selon laquelle la préférence doit être accordée au cumul de qualifications ou aux qualifications alternatives. Chacune des deux modalités de qualification comporte des avantages et des inconvénients. D’une part, le cumul de qualifications permet que le comportement de l’accusé soit réprimé dans toute son étendue, et en ce sens, que justice soit dûment rendue aux victimes. Comme l’a relevé le TPIY dans l’arrêt Delalić, aux stades préliminaires d’une affaire, le Procureur pourrait ne pas être en mesure de présenter les faits avec le degré de netteté et de précision qui favoriserait un déroulement rapide de la procédure424. En revanche, d’autre part, comme l’a observé avec justesse un spécialiste, « [traduction] le cumul de qualifications a certainement entraîné des allongements [...] considérables de procès425 ». En effet, la durée des procédures était l’une des principales considérations qui avait motivé la décision rendue par la Chambre préliminaire de la CPI dans l’affaire Bemba426, sans doute consciente des fréquentes critiques sur la durée des procès devant les tribunaux internationaux. Éclaircir et délimiter les charges dès le départ « pourrait contribuer à concentrer et à rendre plus efficaces des procédures qui ont jusqu’à présent duré des mois, voire des années. En outre, savoir quel chef

423 Observations du Bureau de la Défense, par. 167 et 175.

424 TPIY, Arrêt Delalić, par. 400. Voir également le raisonnement (plus convaincant) des juges Hunt et Bennouna dans leur Opinion séparée et dissidente, dans laquelle ils s’accordent avec la majorité sur ce point (par. 12).

425 W. Schabas, The UN International Criminal Tribunals: The Former Yugoslavia, Rwanda and Sierra Leone (Cambridge: Cambridge University Press, 2006), n° 368.

426 CPI, Bemba, Autorisation d’interjeter appel de la décision, par. 60.

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d’accusation sera finalement retenu s’agissant d’une même ‘‘infraction” dans le cadre de la détermination de la peine pourrait aider l’accusé à préparer son dossier427 ».

296. Aussi n’est‑il pas surprenant, à la lumière des considérations stratégiques ci‑dessus, que l’Accusation ait insisté sur l’admissibilité du cumul des charges et sur la difficulté à laquelle elle est confrontée, au début du procès, à savoir déterminer lequel des chefs d’accusation sera prouvé de manière à emporter la conviction de la Chambre de première instance428. Il n’est également pas surprenant que le Bureau de la Défense affirme que les tribunaux pénaux internationaux désapprouvent de plus en plus le cumul des charges429 ; le Bureau de la Défense a également souligné les difficultés que le cumul excessif des charges fait peser sur les accusés430.

297. Pour fournir des indications au Juge de la mise en état, la Chambre d’appel tire les conclusions ci‑après, qui sont fondées sur la finalité essentielle du Statut, celle de garantir des procès équitables et efficaces dans le respect des normes les plus élevées de justice.

298. Premièrement, en procédant à la confirmation de l’acte d’accusation, le Juge de la mise en état doit faire preuve de circonspection particulière et n’admettre le cumul de qualifications que si les charges alléguées comportent des éléments constitutifs distincts, qui en font des infractions véritablement distinctes. En particulier, lorsqu’une infraction englobe l’autre, le Juge de la mise en état doit toujours choisir la première et ne pas admettre que la seconde soit invoquée. De même, si l’infraction est prévue à la fois par une disposition générale et une disposition spéciale, le Juge de la mise en état doit toujours accorder la préférence à la disposition spéciale. Par ailleurs, les modes de responsabilité à raison de la même infraction doivent toujours être imputés alternativement.

427 TPIY, Krstić, Décision relative à l’exception préjudicielle de la défense fondée sur un vice de forme des chefs 7 et 8 de l’acte d’accusation modifié, 28 janvier 2000, par. 5.

428 Observations du Bureau du Procureur, par. 133 à 135.

429 Observations du Bureau de la Défense, par. 172 à 174 et 177.

430 Observations du Bureau de la Défense, par 179 à 181.

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216

Droit applicable

299. Deuxièmement, le Juge de la mise en état doit être guidé par l’objectif d’offrir la plus grande clarté à la défense. Par exemple, aux termes de l’article 68 I) du Règlement, le Juge de la mise en état est tenu de motiver sa décision portant confirmation ou rejet d’une ou de plusieurs charges. En cas de confirmation partielle ou intégrale de l’acte d’accusation par le Juge de la mise en état, le Bureau de la Défense a laissé entendre qu’il pourra fonder sa compréhension des charges alléguées sur cette décision motivée et obtenir des clarifications sur des ambigüités qui subsisteraient dans l’acte d’accusation431. Le Juge de la mise en état peut également demander au Procureur de réexaminer la formulation de qualifications formellement distinctes qui, néanmoins, ne concourent pas concrètement à la manifestation de la vérité et au triomphe de la justice dans le cadre du procès pénal. En d’autres termes, la formulation de charges additionnelles doit être découragée, à moins que les dispositions prévoyant les infractions ne visent la protection d’intérêts nettement distincts. Cette approche globale devrait permettre des procédures plus efficientes, tout en évitant d’imposer un fardeau inutile à la défense, ce qui favorisera la réalisation de l’objectif général du Tribunal, à savoir rendre justice de manière équitable et efficace.

300. Troisièmement, la Chambre d’appel insiste sur les pouvoirs d’appréciation conférés au juge.

301. Enfin, la Chambre d’appel aborde l’hypothèse spécifique sur laquelle porte la question (xv). Toutefois, c’est avec hésitation qu’elle le fait, se gardant de traiter des situations spécifiques avant la présentation des faits, qui pourrait lui fournir un meilleur éclairage et des précisions pour son analyse. Qu’à cela ne tienne, en se fondant strictement sur le droit, la Chambre d’appel peut faire observer que : en droit libanais, les crimes de complot en vue de commettre un acte de terrorisme, d’acte de terrorisme et d’homicide intentionnel sont susceptibles d’un cumul de qualifications, fussent‑ils à raison du même acte sous‑jacent, puisque leurs qualifications juridiques ne sont pas incompatibles, et parce que l’incrimination de chacun de ces actes vise la protection d’intérêts nettement distincts (respectivement la prévention d’infractions extrêmement dangereuses mais inchoatives, de la terreur parmi la population et de la

431 Audience du 7 février 2011, Compte rendu, ligne 139.

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217

Droit applicable

mort). Dès lors, dans la plupart des cas, il serait plus approprié de cumuler ces chefs d’accusation plutôt que de les formuler alternativement.

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs;

lA cHAMBRe d’Appel, à l’unanimité ;

en ApplicATiOn de l’article 21, paragraphe 1, du Statut et des articles 68, paragraphe G), et 176 bis du Règlement ;

pRenAnT nOTe des questions préjudicielles qu’a soumises le Juge de la mise en état dans son ordonnance en date du 21 janvier 2011 ;

pRenAnT nOTe des observations écrites respectives du Procureur et du Bureau de la Défense en date du 31 janvier 2011, des arguments qu’ils ont présentés à l’audience publique du 7 février 2011 ainsi que des autres pièces déposées en la présente affaire ;

dÉcide;

Sur la notion d’actes de terrorisme :

1) Le Tribunal doit appliquer le droit interne libanais qui porte sur le terrorisme, et non pas les règles pertinentes du droit international conventionnel et coutumier (voir le paragraphe 43 ci‑dessus) ;

2) Étant donné que le Tribunal doit appliquer le droit libanais qui porte sur le terrorisme, rien n’impose de s’assurer que l’interprétation de l’article 2 du Statut correspond au droit international (voir le paragraphe 44 ci‑dessus) ;

3) L’article 314 du Code pénal libanais et l’article 6 de la loi de 1958, interprétés à la lumière des règles de droit international qui s’imposent au Liban, pour autant que leur interprétation n’aille pas à l’encontre du principe de la légalité,

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218

Droit applicable

exigent, en ce qui concerne le crime de terrorisme, les éléments constitutifs suivants (voir les paragraphes 47 à 60 et 124 à 130 ci‑dessus) :

a. l’accomplissement volontaire d’un acte ou la menace vraisemblable de commettre un acte ;

b. par des moyens susceptibles de produire un danger commun 432 ; et

c. avec l’intention spécifique de créer un état d’alarme ;

4) L’auteur d’un acte de terrorisme, lorsqu’il se sert, par exemple, de matières explosives visant à tuer un individu déterminé mais tue ou blesse, au cours de cette opération, des personnes qui n’étaient pas directement prises pour cibles, peut être tenu responsable, dans ce cas, d’un acte de terrorisme et d’un homicide intentionnel (ou d’une tentative d’homicide), dès lors qu’il a prévu l’éventualité que surviennent davantage de pertes de vie humaine et de blessures et qu’il a néanmoins pris volontairement le risque qu’il en aille ainsi (dolus eventualis, à savoir négligence délibérée ou intention présumée) (voir les paragraphes 59 et 183 ci‑dessus) ;

Sur la notion de complot :

5) Le Tribunal doit appliquer le droit interne libanais en matière de complot, et non pas les règles du droit international conventionnel et coutumier (voir le paragraphe 192 ci‑dessus) ;

6) Étant donné que le Tribunal doit appliquer le droit libanais en matière de complot, rien n’impose de s’assurer que l’interprétation de l’article 2 du Statut correspond au droit international (voir le paragraphe 192 ci‑dessus) ;

432 La Chambre d’appel relève notamment que les moyens susceptibles de créer un danger commun au sens de l’article 314 doivent toujours faire l’objet d’un examen au cas par cas, compte tenu du fait que ledit article en dresse une liste qui n’est pas exhaustive et qu’il y a lieu de prêter attention au contexte et aux circonstances dans lesquelles le comportement incriminé se situe. On peut ainsi être assuré d’interpréter l’article 314 d’une manière conforme aux obligations internationales qui pèsent sur le Liban.

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Droit applicable

7) L’article 270 du Code pénal libanais et l’article 7 de la loi du 11 janvier 1958 prévoient que le crime de complot est constitué par les éléments suivants (voir les paragraphes 193 à 201 ci‑dessus) :

a. la présence de deux ou plusieurs individus ;

b. qui concluent une entente répondant aux caractéristiques décrites au paragraphe 196 ou y adhèrent ;

c. dans le but de commettre des crimes contre la sûreté de l’État (la commission d’un acte de terrorisme, si l’on s’en tient à la mission du Tribunal spécial, doit constituer le but du complot) ;

d. les moyens devant être utilisés pour commettre le crime faisant l’objet d’une entente (ce qui signifie que le complot en vue de commettre un acte de terrorisme doit correspondre à l’élément portant sur les « moyens » qui est visé à l’article 314); et

e. avec une intention criminelle liée à l’objet du complot ;

8) Le complot et l’entreprise criminelle commune se différencient en ce sens que le droit pénal libanais assimile le complot à une infraction autonome et non pas à un mode de responsabilité, alors que la doctrine de l’entreprise criminelle commune a trait à des modes de responsabilité pénale résultant de la participation à l’activité d’un groupe animé par une intention criminelle commune (voir le paragraphe 191 ci‑dessus) ;

Sur l’homicide intentionnel et la tentative d’homicide :

9) Le Tribunal doit appliquer le droit interne libanais en matière d’homicide et de tentative d’homicide, et non pas les règles du droit international conventionnel et coutumier (voir le paragraphe 150 ci‑dessus) ;

10) Étant donné que le Tribunal doit appliquer le droit libanais en matière d’homicide et de tentative d’homicide, rien n’impose de s’assurer que l’interprétation de l’article 2 du Statut correspond au droit international (voir les paragraphes 150 ci‑dessus) ;

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Droit applicable

11) Aux termes des articles 547 à 549 du Code pénal libanais, le crime d’homicide intentionnel est constitué par les éléments suivants (voir les paragraphes 151 à 166 ci‑dessus) :

a. un acte, ou une omission coupable, visant à porter atteinte à la vie d’autrui ;

b. qui entraîne le décès d’une personne ;

c. qui établit l’existence d’un lien causal entre l’acte perpétré et le décès qui en est la conséquence ;

d. qui montre que l’auteur de l’acte connaît les tenants et aboutissants de l’infraction commise (y compris que l’acte est dirigé contre une personne vivante et qu’il est exécuté par des moyens susceptibles de provoquer la mort) ; et

e. l’intention de provoquer la mort, qu’elle soit directement liée à l’acte ou bien qu’il s’agisse d’un dolus eventualis ;

Aux termes des articles 200 à 203 du Code pénal libanais, le crime de tentative d’homicide est constitué par les éléments suivants (voir les paragraphes 176 à 181 ci‑dessus) :

f. un acte préliminaire visant à commettre le crime (assorti d’un commencement d’exécution du crime) ;

g. l’intention subjective requise de commettre le crime ; et

h. le défaut de renonciation volontaire à commettre l’infraction en cause avant qu’elle ne soit perpétrée ;

12) Un individu peut être poursuivi par le Tribunal pour homicide intentionnel en raison d’un acte touchant des personnes qui n’étaient pas directement visées, dès lors qu’il a prévu l’éventualité de provoquer leur mort et a néanmoins pris le risque qu’il en aille ainsi (dolus eventualis) (voir les paragraphes ci‑dessus 169 à175) ;

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Droit applicable

sur les modes de responsabilité :

13) Il appartient au Tribunal de comparer les mérites respectifs du droit international pénal et du droit interne libanais lorsqu’il procède à l’application de tel ou tel mode de responsabilité. S’il n’existe aucun point de désaccord entre les deux ordres juridiques, il convient d’appliquer le droit libanais. Toutefois, en cas de divergence, et en tenant compte des circonstances de l’affaire, il y a lieu d’appliquer le régime juridique le plus favorable à l’accusé (voir les paragraphes 210 à 211 ci‑dessus) ;

Sur le cumul de qualifications et le concours d’infractions :

14) Tant le droit international que le droit interne libanais soumettent à un régime largement identique les cas de cumul de qualifications et de concours d’infractions dont peut être saisi le Tribunal. Il convient d’appliquer le droit libanais, et il y a lieu de veiller à ce que les accusés disposent des informations les plus étendues en ce qui concerne les charges portées à leur encontre (voir les paragraphes 270 à 301 ci‑dessus) ;

15) Le cumul de qualifications ne doit être admis que lorsque, en raison des éléments distincts qui les constituent, de véritables différences séparent les infractions incriminées et que lorsque les règles s’appliquant à chaque type d’infraction correspondent à des valeurs profondément diverses. Le Tribunal doit retenir de préférence les chefs d’accusation alternatifs lorsqu’un comportement ne saurait donner lieu à plusieurs condamnations. Les modes de responsabilité qui ont trait à la même infraction doivent toujours faire l’objet de chefs d’accusation alternatifs (voir les paragraphes 277 à 301 ci‑dessus) ;

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Droit applicable

Fait en anglais, en arabe et en français, la version anglaise faisant foi.

Le 16 février 2011,

Leidschendam (Pays‑Bas)

Juge Antonio Cassese Président

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nom de l’affaire : En l’affaire El Sayed

devant : juge de la mise en état

Titre : décision portant sur la remise des pièces du dossier pénal de M. el sayed

Titre réduit : décision el sayed jMe

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le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : cH/pTj/2011/08Le Juge de la mise en état : M. le juge daniel Fransen Le Greffier : M. Herman von HebelDate : 12 mai 2011Original : FrançaisType de document : public[Nom de l’affaire : En l’affaire El Sayed]

dÉcisiOn pORTAnT suR lA ReMise des piÈces du dOssieR pÉnAl de M. el sAYed

conseil : M. Akram Azoury

Bureau du procureur : M. Daniel Bellemare, MSM, c.r.

Bureau de la défense : M. François Roux

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Décision El Sayed JME

i. le rappel de la procédure :

1. Le 17 mars 2010, M. Jamil El Sayed (le « Requérant » ou « M. El Sayed »), représenté par son conseil, l’avocat Akram Azoury, a déposé une requête auprès du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal ») ayant pour objet la « demande de remise des éléments de preuve relatifs aux crimes de dénonciations calomnieuses et de détention arbitraire » (la « Requête »)1.

2. Le 17 septembre 2010, le Juge de la mise en état du Tribunal (le « Juge de la mise en état ») a rendu une ordonnance déclarant la compétence du Tribunal pour statuer sur la requête du 17 mars 2010 et reconnaissant le droit du Requérant à avoir, en principe, accès aux pièces du dossier pénal qui le concerne ainsi que sa qualité à agir devant le Tribunal pour exercer ce droit tout en soulignant que celui‑ci n’était pas absolu et que des restrictions et des limitations pouvaient s’appliquer (l’« Ordonnance du 17 septembre 2010 »)2. Par conséquent, le Juge de la mise en état a également invité le Procureur du Tribunal (le « Procureur ») et le Requérant à faire valoir leurs observations et arguments sur l’application éventuelle de restrictions et des limitations à l’exercice de ce droit à ce stade de l’enquête3.

3. Le 28 septembre 2010, le Procureur a interjeté appel de l’Ordonnance du 17 septembre 2010.

4. Le 10 novembre 2010, la Chambre d’appel du Tribunal a rejeté l’appel du Procureur4. Elle a également confirmé la compétence du Tribunal pour statuer sur la requête du 17 mars 2010 ainsi que sur la qualité du Requérant à demander les pièces qui figureraient dans le dossier pénal le concernant. Elle ne s’est cependant pas prononcée sur la question du droit du Requérant à obtenir ces pièces5.

1 Version Publique Censurée du Mémo numéro 112. La Requête : Demande de remise des éléments de preuves relatifs aux crimes de dénonciations calomnieuses et de détention arbitraire, CH/PTJ/2010/01, 17 mars 2010.

2 Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui‑ci pour ester en justice devant le Tribunal, CH/PTJ/2010/005, 17 septembre 2010, paras. 36, 42 et 53.

3 Ibid., para. 57.

4 Décision en appel concernant l’ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, CH/AC/2010/02, 10 novembre 2010, paras. 57 et 65.

5 La Chambre d’appel a noté à cet égard qu’il appartient au Juge de la mise en état de « statuer sur le fond de la

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Décision El Sayed JME

5. Le 7 janvier 2011, le Juge de la mise en état a rendu une ordonnance fixant une audience publique le 14 janvier 2011 et invitant le Requérant et le Procureur à répondre à plusieurs questions concernant notamment l’application de limitations et de restrictions à la divulgation des pièces du dossier à ce stade de la procédure6. Le Juge de la mise en état a également sollicité du Requérant et du Procureur leurs observations au sujet d’une audience qu’il tiendrait ex parte et à huis clos au cours de laquelle le Procureur serait amené à donner les raisons justifiant que telle ou telle pièce ne soit pas divulguée.

6. Le 14 janvier 2011, le Requérant et le Procureur ont présenté leurs arguments respectifs lors d’une audience publique au cours de laquelle le Chef du Bureau de la Défense a également été entendu.

7. À la suite de cette audience, le Juge de la mise en état a ordonné au Procureur de lui soumettre une requête écrite, confidentielle et ex parte avant le 11 mars 2011 :

i) contenant, y compris sur support informatique, les pièces inventoriées liées à la détention du Requérant dans le cadre de l’affaire Hariri dont il est en possession ;

ii) indiquant, les raisons précises justifiant, pour chaque pièce ou catégorie de pièces de même nature, qu’elles ne soient pas communiquées au Requérant à ce stade de la procédure ou le soient sous une forme expurgée ; et

iii) précisant, pour tous les documents auxquels ces restrictions ne s’appliqueraient pas selon lui, s’il estime qu’ils peuvent être remis en copie au Requérant ou uniquement consultés par celui-ci ou son conseil7.

8. Le 10 mars 2011, le Procureur a déposé une requête relative à la protection des pièces en sa possession concernant la détention de M. El Sayed (la « Requête du

Requête, à savoir l’existence et l’étendue du droit du Requérant d’avoir accès aux documents de son dossier pénal en la possession du Procureur. Il incombe au Juge de la mise en état d’examiner cette question en premier lieu » (Ibid., para. 66).

6 Ordonnance relative à la demande de M. El Sayed d’autorisation de déposer une duplique à la réplique du Procureur et de fixation d’audience, CH/PTJ/2011/01, 7 janvier 2011, pp. 5‑6.

7 Ordonnance enjoignant au Procureur de déposer une requête motivée relative à la protection des pièces en sa possession concernant la détention de M. El Sayed, CH/PTJ/2011/03, 7 février 2011, pp. 6 à 7 (« Ordonnance du 7 février 2011 »).

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228

Décision El Sayed JME

Procureur »)8. Cependant, en raison d’une imprécision de traduction en anglais d’une partie du dispositif de l’Ordonnance du 7 février 2011, le Procureur n’a pas remis les pièces liées à la détention du Requérant, mais seulement leur inventaire présenté sous forme de tableau9.

9. Le 14 mars 2011, un rectificatif de la traduction anglaise de l’Ordonnance du 7 février 2011 a été déposé clarifiant que le Procureur était tenu de déposer les pièces qu’il possédait accompagnées d’un inventaire.

10. Le 17 mars 2011, le Procureur a déposé 459 pièces ainsi qu’une requête aux fins de fixer un nouveau délai pour le dépôt de propositions d’expurgation concernant 186 de ces pièces10. Le même jour, le Procureur a déposé en annexe les résumés en anglais de 125 documents existant en arabe et d’un document en arabe de 991 pages11.

11. À la suite de la Requête du Procureur portant sur les délais additionnels de dépôt, le Juge de la mise en état a enjoint au Procureur de déposer le 1er avril 2011 au plus tard, les pièces du dossier pénal du Requérant qu’il possédait et dont il estimait qu’elles ne pouvaient lui être soumises qu’en version expurgée12.

12. Le 1er avril 2011, le Procureur a déposé des propositions d’expurgation de documents ainsi qu’un tableau contenant l’inventaire de ces pièces13.

8 Requête motivée du Procureur relative à la non communication des pièces en sa possession concernant la détention de M. El Sayed, CH/PTJ/2011/03, 10 mars 2011, para. 37.

9 La traduction officielle fournie par la Section des langues déposée le 10 février 2011 faisait mention de l’expression « an inventory of the materials » alors que la version originale en français spécifiait que le Procureur devait déposer « les pièces inventoriées ». Une version corrigée de l’ordonnance en anglais a été déposée le 14 mars 2011 par la Section des langues au Greffe et a été notifiée aux parties le 16 mars 2011.

10 Pièces en la possession du Procureur liées à la détention de M. El Sayed et Requête aux fins de fixation au 1er avril 2011 du délai de dépôt des pièces contenant les expurgations proposées, CH/PTJ/2011/03, 17 mars 2011, para. 8 (« Soumissions du Procureur du 17 mars 2011 »).

11 Ibid., para. 12 et Annexes B et C.

12 Ordonnance portant fixation d’un calendrier aux fins de dépôt par le Procureur de pièces expurgées, CH/PTJ/2011/06, 21 mars 2011.

13 Présentation par le Procureur de documents ne pouvant être communiqués au Requérant que sous forme expurgée ou résumée, CH/PTJ/2011/06, 1er avril 2011 (« Soumissions du Procureur du 1er avril 2011 »).

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Décision El Sayed JME

13. Le 12 avril 2011, le Juge de la mise en état a estimé qu’une audience ex parte et à huis clos devait se tenir afin d’éclaircir et de préciser certains éléments présentés par le Procureur dans ses requêtes des 10 et 17 mars ainsi que du 1er avril 201114.

14. Cette audience ex parte et à huis clos s’est tenue au Tribunal le 19 avril 2011.

15. Le 21 avril 2011, le Procureur a apporté des clarifications concernant certaines des pièces inventoriées débattues lors de l’audience du 19 avril 2011.

16. Le 26 avril 2011, le conseil du Requérant a déposé un addendum à son inventaire non exhaustif du 3 décembre 2010 afin d’y ajouter deux documents dont il aurait pris connaissance aux alentours du 17 janvier 201115.

17. Le 28 avril 2011, le Procureur a déposé des pièces additionnelles qu’il avait identifiées peu avant l’audience du 19 avril 2011 et a clarifié sa position concernant d’autres pièces contenues dans le tableau du 1er avril 201116.

18. Le 5 mai 2011, le Procureur a déposé une nouvelle série de pièces additionnelles ainsi qu’un tableau récapitulatif de l’ensemble des pièces analysées17. Le même jour, il a soutenu que l’addendum déposé par le Requérant le 26 avril 2011 devait être rejeté par le Juge de la mise en état pour manque de pertinence et violation de l’article 8 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement ») portant sur les délais prévus pour le dépôt des réponses aux requêtes.

19. Le 10 mai 2011, le conseil du Requérant a déposé une réplique à la réponse du Procureur concernant l’addendum à l’inventaire.18

14 Ordonnance portant fixation d’une audience ex parte et à huis clos dans le cadre de la demande de remise des éléments de preuve relatifs aux crimes de dénonciations calomnieuses et de détention arbitraire déposée le 17 mars 2010 par M. El Sayed, CH/PTJ/2011/07, 12 avril 2011.

15 Addendum à l’inventaire non exhaustif des éléments et pièces que le Général Jamil El Sayed réclame au Procureur, CH/PTJ/2010/01, 26 avril 2011.

16 Prosecutor’s Submissions Concerning Additional Documents for Disclosure or Inspection by the Applicant, CH/PTJ/2011/07, 28 avril 2011.

17 Prosecution’s further submissions concerning additional documents for disclosure or inspection by the Applicant, CH/PTJ/2011/07, 5 mai 2011.

18 Réplique à « Prosecution’s response to the applicant’s 26 avril [sic] 2011, motion », 10 mai 2011.

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Décision El Sayed JME

ii. la demande du Requérant :

20. Aux termes de la Requête initiale19, le Requérant a sollicité l’obtention des documents suivants :

une copie certifiée conforme des procès‑verbaux des plaintes du Requérant transmises au Tribunal par les autorités libanaises le 1er mars 2009 ;

une copie certifiée conforme des procès‑verbaux des dépositions de témoins qui l’auraient impliqué directement ou indirectement dans l’assassinat de Rafic Hariri ;

les rapports remis au Procureur libanais concernant l’évaluation des dépositions susvisées et notamment le rapport de M. Brammertz remis le 8 décembre 2006 ;

l’avis de M. Bellemare concernant la détention du Requérant et les autres détenus qui aurait été communiqué au Procureur de la République Libanaise ; et

tout autre élément de preuve « nécessaire à la poursuite des infractions » que le Président possèderait.

21. À la suite de l’Ordonnance du 16 novembre 2010 portant calendrier, le Requérant a précisé dans un inventaire déposé le 3 décembre 2010 les éléments qu’il réclamait du Procureur, en spécifiant notamment qu’il souhaitait obtenir les procès‑verbaux de ses dépositions devant la Commission d’enquête internationale indépendante (la « Commission d’enquête ») et les rapports d’évaluation des témoins entendus par la Commission d’enquête20.

iii. les arguments du procureur :

22. Le 10 mars 2011, le Procureur a identifié 885 pièces dont 459 étaient selon lui pertinentes à la demande formulée par le Requérant et dont 426 ne l’étaient pas21. Le Procureur a précisé au cours de l’audience du 19 avril 2011 que ces 885 pièces

19 Requête, 17 mars 2010, pp.7 et 8.

20 Inventaire non exhaustif des éléments et pièces que le Général El Sayed réclame du Procureur, CH/PTJ/2010/01, 3 décembre 2010.

21 Requête du Procureur, paras. 11 et 34.

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avaient été identifiées sur la base des pages 7 et 8 de la requête du 17 mars 2010 et de la liste non exhaustive du 3 décembre 2010 du Requérant. Le Procureur a procédé à une recherche électronique dans sa base de données constituée de documents provenant de la Commission d’enquête, des autorités libanaises et de ses propres enquêtes. La recherche a visé tous les documents qui pourraient faire référence au Requérant et aux témoins évoqués par celui‑ci. Parmi les pièces qu’il a estimé être pertinentes, le Procureur a précisé que 273 documents pouvaient être communiqués au Requérant, 67 documents pouvaient être inspectés par le conseil du Requérant et 119 documents ne pouvaient lui être communiqués22. Le Procureur a en outre précisé que l’inspection pourrait avoir lieu au siège du Tribunal ou au bureau du Tribunal à Beyrouth23.

23. Le 1er avril 2011, à la suite d’un examen plus approfondi des pièces visées, le Procureur a considéré que 64 documents estimés pertinents le 10 mars 2011 ne l’étaient en réalité pas, car ils ne visaient de façon ni directe ni indirecte M. El Sayed, ni ne permettaient d’évaluer la crédibilité des témoins ayant impliqué le Requérant dans l’assassinat de M. Hariri24.

24. Concernant la plupart des documents en arabe, le Procureur a indiqué qu’à ce stade, seul un résumé en a été préparé et qu’il ne sera en mesure de se prononcer sur la possibilité de les communiquer au Requérant ou de les faire inspecter par son conseil qu’après en avoir obtenu une traduction complète, si le Juge en décide ainsi25.

iV. l’exposé des motifs :

25. A titre préliminaire, le Juge de la mise en état estime qu’aucune raison ne justifie le dépôt tardif de l’Addendum déposé par le Requérant le 26 avril 2011 qui est, dès lors, forclos. En outre, il rappelle que, conformément à l’article 8 du Règlement, toute réplique à une réponse ne peut être déposée que sur autorisation du Juge de la mise en état. Dès lors, la réplique déposée le 10 mai 2011 par le Requérant

22 Ibid., para. 37.

23 Ibid., para. 36.

24 Soumissions du Procureur du 1er avril 2011, para. 4.

25 Requête du Procureur, para. 16.

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n’est pas admissible. Le Juge de la mise en état tient toutefois à rappeler que si elles font partie du dossier pénal du Requérant détenu par le Procureur, les pièces visées dans l’Addendum ont dû être analysées afin de déterminer si elles peuvent ou non être communiquées au Requérant et à son conseil.

26. Le Juge de la mise en état rappelle que la compétence du Tribunal et la qualité du Requérant à agir pour exercer son droit d’accès aux pièces qui ont justifié sa détention ont été reconnues dans l’Ordonnance du 17 septembre 201026. Celle‑ci indique plus particulièrement que le Requérant « doit bénéficier des droits fondamentaux de la défense similaires à ceux conférés à une personne mise en accusation, comme celui d’avoir accès à son dossier pénal»27.

27. Ce droit n’étant cependant pas absolu, le Juge de la mise en état a évoqué dans cette même Ordonnance qu’il ressort des législations et de la jurisprudence, tant nationale qu’internationale, que certaines restrictions à la communication des pièces du dossier pénal peut s’imposer notamment pour éviter de compromettre une enquête en cours ou à venir, porter atteinte à des intérêts fondamentaux, tel que l’intégrité physique de personnes concernées par ces pièces, ou affecter la sécurité nationale ou internationale. Le Juge de la mise en état a également noté dans cette Ordonnance que, dans certaines conditions, le droit d’accès au dossier peut être limité à l’avocat du Requérant28.

28. En l’espèce, il convient d’abord de rappeler que le Procureur, en tant que responsable de la direction des enquêtes et de l’exercice des poursuites29, est le seul à disposer d’une connaissance approfondie du dossier relatif à M. El Sayed, lui permettant d’évaluer, en pleine connaissance de cause, parmi toutes les pièces qu’il possède, celles qui relèvent de la procédure à l’encontre du Requérant et qui doivent lui être remises. Pour sa part, le Juge de la mise en état a pour rôle de veiller à ce que le Procureur exerce ce travail d’évaluation avec la plus grande rigueur, dans l’esprit

26 Ordonnance du 17 septembre 2010 ; Décision en appel concernant l’Ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, CH/AC/2010/02, 10 novembre 2010.

27 Ibid., para. 52.

28 Ibid., para. 53.

29 Article 11 du Statut.

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des textes du Statut et du Règlement, qui font de ce dernier, non pas uniquement une partie à la procédure, mais également un organe de Justice, garant de l’intérêt public qu’il représente30. À cet égard, le Juge de la mise en état constate que, au vu des différentes soumissions qu’il a déposées et des explications qu’il a données, le Procureur s’est effectivement acquitté loyalement de cette tâche dans le respect des principes énoncés.

29. Tenant compte de ces exigences, le Procureur a classé les pièces analysées en sept catégories : (1) les correspondances entre la Commission d’enquête et les autorités libanaises, (2) les memoranda internes, (3) les notes des enquêteurs, (4) les dépositions de témoins et procès‑verbaux d’entretiens avec les témoins et les suspects, (5) les documents provenant du Requérant ou de son conseil, (6) les procès‑verbaux des dépositions de celui‑ci, et (7) les autres documents. Parmi les raisons invoquées pour refuser de remettre, en tout ou en partie, certaines pièces au Requérant, le Procureur mentionne la protection de l’enquête en cours, la sécurité des témoins et les intérêts de sécurité nationale et internationale. Il a par ailleurs ajouté que certaines pièces étaient internes à son Bureau et donc protégées par l’article 111 du Règlement alors que d’autres n’étaient pas pertinentes par rapport à la demande de M. El Sayed.

30. Sur la base des critères évoqués dans l’Ordonnance du 17 septembre 2010 et rappelés aux paragraphes 25 à 28 ci‑dessus, le Juge de la mise en état a examiné les pièces qui lui ont été remises par le Procureur, selon les catégories établies par celui‑ci, pour déterminer, au stade actuel de l’enquête, si les raisons invoquées justifiaient la non‑communication de certaines d’entre elles ou les mesures en restreignant leur accès.

31. Le Juge de la mise en état note que le Procureur considère que, pour des raisons, notamment de sécurité, certaines pièces ne peuvent être communiquées ni même consultées dans leur intégralité par le Requérant et son conseil. Selon le Procureur, ces pièces ne peuvent être inspectées que par le conseil du Requérant, après avoir été expurgées de certaines informations car des obligations déontologiques imposent au conseil de ne divulguer aucune information confidentielle, sous peine de sanction.

30 Article 55 du Règlement.

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En revanche, le Juge de la mise en état considère que cette double protection ne se justifie pas. En effet, dès lors que les propositions d’expurgation ont notamment pour objet la protection des témoins ou des tierces personnes, une fois expurgée, une pièce doit en principe être communiquée au Requérant et à son conseil. Par contre, lorsque le Procureur indique qu’une pièce ne peut pas être communiquée mais seulement consultée, elle doit pouvoir l’être dans son intégralité que ce soit par le Requérant et son conseil, ou par le seul conseil.

32. Par ailleurs, le Juge de la mise en état souligne que les pièces qui seront communiquées par le Procureur au Requérant et à son conseil et les pièces soumises à inspection, ne peuvent être utilisées que pour des motifs légitimes et à condition de respecter la présomption d’innocence, les droits de la défense et la vie privée des tierces personnes.

i) Les catégories 1 et 2 : les correspondances entre la Commission d’enquête et les autorités libanaises et les notes internes

33. De l’avis du Procureur, les correspondances entre la Commission et les autorités libanaises ainsi que les memoranda internes émanant de la Commission sont protégés par l’article 111 du Règlement et ne peuvent être divulgués sous peine de mettre en péril l’enquête en cours31. Le Juge de la mise en état estime que c’est à bon droit que le Procureur soutient que par leur nature même, ces documents sont confidentiels. En outre, ils ne relèvent pas à proprement parler du dossier pénal du Requérant. En conséquence, ils ne sauraient être soumis à une obligation de divulgation.

34. Cependant, le Juge de la mise en état note que le Procureur a suggéré que certaines pièces émanant de la Commission d’enquête visées dans le tableau du 5 mai 2011 pouvaient être communiquées au Requérant et à son conseil. Il s’agit des pièces 59, 61, 65 (après expurgation) et 66.

35. Dans la mesure où le Procureur est disposé à communiquer ces documents qui semblent être des pièces judiciaires, le Juge de la mise en état estime que rien ne s’oppose à ce qu’elles soient remises au Requérant et à son conseil.

31 Requête du Procureur, paras. 25 à 29.

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ii) La catégorie 3 : les notes des enquêteurs

36. D’après le Procureur, les notes préparées par les enquêteurs ne peuvent en principe pas être communiquées car certaines sont protégées par l’article 111 du Règlement alors que d’autres pourraient mettre en péril l’enquête en cours32. Le Juge de la mise en état considère que ces notes sont par définition confidentielles et ne font pas partie du dossier pénal du Requérant. Elles ne sauraient donc être soumises à une obligation de divulgation.

37. Néanmoins, le Juge de la mise en état note que le Procureur considère que les pièces 151 et 173 émanant de la Commission d’enquête figurant dans le tableau du 5 mai 2011 pourraient être communiquées au Requérant et à son conseil, et que les pièces 145 et 159 émanant de la Commission d’enquête figurant dans le même tableau pourraient être inspectées par son conseil après avoir été expurgées.

38. Dans la mesure où le Procureur est disposé à donner accès aux pièces susvisées, et étant entendu qu’après avoir été expurgées, les pièces doivent en principe être communiquées, rien ne s’oppose à ce que les pièces 145 et 159 soient remises au Requérant et à son conseil.

iii) La catégorie 4 : les dépositions de témoins et procès‑verbaux d’entretiens avec les témoins et les suspects

39. Selon la position de principe du Procureur, la communication au Requérant des dépositions de témoins et des procès‑verbaux d’entretiens avec les témoins et les suspects pourrait mettre en péril la sécurité de ces témoins ou de tiers. Cependant, le Procureur suggère que certaines déclarations de témoins connus de M. El Sayed peuvent être inspectées par son conseil33.

40. En l’état actuel du dossier, le Juge de la mise en état considère que, tel que suggéré par le Procureur, les dépositions des témoins ou suspects identifiées par les numéros 18 et 23 dans le tableau du 5 mai 2011 peuvent être communiquées au Requérant et à son conseil. Concernant les pièces 37 et 48, le Juge de la mise en

32 Requête du Procureur, paras. 30 et 36.

33 Requête du Procureur, para. 31.

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état note que le Procureur estimait le 1er avril 2011 que ces pièces pouvaient être communiquées ou inspectées alors qu’il a affirmé le 28 avril 2011 que ces pièces n’étaient plus pertinentes et qu’elles ne pouvaient donc pas être communiquées ou inspectées pour cette raison. Dans la mesure où le Juge de la mise en état considère que ces pièces sont susceptibles d’être pertinentes, il convient au Procureur d’examiner si d’autres raisons que l’absence de pertinence sont susceptibles de faire obstacle à leur communication.

41. Le Juge de la mise en état rappelle que la question de l’application du critère de la pertinence a été débattue au cours de l’audience du 19 avril 2011. Afin de garantir le respect du droit du Requérant à avoir accès à son dossier pénal reconnu dans l’Ordonnance du 17 septembre 2010, le Juge de la mise en état estime, sur la base des exemples qui ont été évoqués lors de cette audience, que, selon ce critère, le Requérant devrait, en principe, avoir accès à toutes les déclarations de témoins qui ont été produites dans le cadre de l’instruction de son dossier et qui ont fondé sa détention. Par conséquent, parmi les dépositions de témoins en la possession du Procureur, les documents pertinents à la demande de M. El Sayed ne peuvent se limiter aux déclarations de témoins ou suspects qui sembleraient l’impliquer directement dans l’affaire Hariri. Il en résulte donc que, de prime abord, les dépositions de tous les témoins ou suspects qui ont été collectées dans le cadre de l’instruction du dossier de M. El Sayed sont susceptibles d’être pertinentes et, dès lors, de lui être communiquées, sous réserve des exceptions et conditions rappelées au paragraphe 27 ci‑dessus.

42. Quant aux propositions d’expurgation d’informations contenues dans les dépositions de témoins visées dans les tableaux déposés par le Procureur, le Juge de la mise en état rappelle que, comme toutes autres limitations à l’accès au dossier, elles doivent être motivées, notamment par la nécessité de protection de l’enquête en cours, la sécurité des témoins et les intérêts de sécurité nationale et internationale. Par conséquent, le Juge de la mise en état invite le Procureur à clairement indiquer dans ses propositions d’expurgation les raisons qui les motivent, exception faite de celle de la pertinence alléguée.

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43. Le Juge de la mise en état constate que le Procureur propose la communication de la pièce 38 dans son intégralité ; l’inspection des pièces 20, 40 et 53 dans leur intégralité ; l’inspection des pièces suivantes après expurgation : 1, 7, 10, 11, 16, 17, 19, 29, 36, 39, 41, 42, 49, 50, 52, 55 ; et l’inspection des pièces suivantes après traduction et éventuellement expurgation : 4, 5 , 6, 8, 9, 12, 13, 21, 22, 24, 26, 27, 28, 30, 31, 34, 35, 43, 44, 45, 56 et 57. Conformément au principe suivant lequel les pièces expurgées doivent pouvoir faire l’objet d’une communication au Requérant et à son conseil, le Juge de la mise en état considère que toutes les pièces visées ci‑dessus doivent être communiquées au Requérant et à son conseil après expurgation à l’exception des pièces 20, 40 et 53 qui peuvent être consultées dans leur intégralité par le conseil du Requérant.

44. En outre, le Juge de la mise en état invite le Procureur à réexaminer la liste des déclarations des témoins concernant le Requérant parmi les 885 pièces qu’il avait initialement identifiées le 10 mars 2011, ou d’autres pièces et documents qu’il aurait découverts depuis lors, ainsi que les propositions d’expurgation y afférentes à la lumière notamment des critères de protection de l’enquête en cours, de sécurité des témoins et d’intérêts de sécurité nationale et internationale énoncés dans l’Ordonnance du 17 septembre 2010.

45. Enfin, le Juge de la mise en état invite également le Procureur à examiner à l’avenir si, certains documents qui ne peuvent être communiqués aujourd’hui, pourraient l’être à une date ultérieure, une fois que les raisons justifiant leur non divulgation ont disparues. Il en est de même concernant les documents qu’il serait amené à découvrir ultérieurement.

iv) Les catégories 5 et 6 : les dépositions du Requérant et documents provenant du Requérant ou de son conseil

46. Le Procureur indique que les documents émanant du Requérant ou de son conseil ainsi que ses propres déclarations doivent lui être communiqués34, à l’exception de quelques pièces qui ne peuvent être qu’inspectées par son conseil après expurgation car elles concernent également d’autres personnes.

34 Requête du Procureur, paras. 32, 33 et 35.

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47. Le Juge de la mise en état estime que toutes les dépositions du Requérant et les pièces que lui ou son conseil auraient déposées doivent lui être communiquées. Par conséquent, les pièces suivantes, contenues dans le tableau du 5 mai 2011, doivent être communiquées au Requérant et à son conseil : 174 à 177 incluses, 179 à 182 incluses, 184 à 205 incluses et 207.

48. Concernant les pièces 178 et 183 contenues dans cette catégorie dont le Procureur estime qu’elles doivent faire l’objet d’expurgation avant communication, le Juge de la mise en état note qu’au cours de l’audience du 19 avril 2011 et dans ses soumissions du 21 avril 2011, le Procureur a clarifié que ces pièces contenaient, non seulement des déclarations du Requérant, mais également celles d’autres personnes ou des informations qui n’étaient pas pertinentes et qui devaient donc être expurgées.

49. Concernant la pièce 206 de cette catégorie qui n’existe qu’en arabe, le Juge de la mise en état note que le Procureur envisage qu’elle ne puisse être qu’inspectée par le conseil du Requérant car elle contiendrait des informations qui ne concernent pas M. El Sayed et qui devraient par conséquent être expurgées. À cet égard, le Juge de la mise en état note que le Procureur ne peut apporter à cette pièce des expurgations tant qu’elle n’a pas été traduite et estime qu’après traduction et expurgation, le cas échéant, la pièce devrait être communiquée au Requérant et à son conseil.

50. Le Juge de la mise en état considère également que tous les documents provenant du Requérant ou de son conseil – à savoir les pièces 208 à 263 incluses et 265 à 436 incluses – doivent faire l’objet d’une communication.

51. Il note par ailleurs que, selon les explications fournies par le Procureur le 19 avril 2011, la pièce 264 constitue une note d’enquêteur et non un document produit par le Requérant ou son conseil comme indiqué initialement. Par conséquent, cette pièce tombe dans la catégorie 3 (les notes des enquêteurs) et ne doit pas être communiquée.

v) Les autres documents

52. Aux catégories susvisées figurant dans ses soumissions du 10 mars 2011, le Procureur a ajouté dans son tableau du 1er avril 2011 une nouvelle catégorie intitulée « autres documents » qu’il convient désormais d’examiner.

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53. Concernant la pièce 43735, le Juge de la mise en état a pris en considération les explications du Procureur fournies le 19 avril 2011 suivant lesquelles cette pièce a été placée dans la catégorie des pièces émanant du Requérant par erreur. D’après le résumé de cette pièce qui n’existe qu’en arabe, le Juge de la mise en état estime de prime abord qu’elle est pertinente et qu’elle doit par conséquent faire l’objet d’une traduction avant que le Procureur puisse se prononcer sur sa divulgation, le cas échéant, après expurgation.

54. Selon les indications fournies par le Procureur, les pièces 438 à 442 incluses, 454 et 457 à 459 incluses peuvent être communiquées au Requérant et à son conseil. En revanche, les pièces 451 et 456 ne peuvent être qu’inspectées par le conseil du Requérant après traduction. Quant aux pièces 443 et 444, après traduction, et aux pièces 447, 449 et 450, elles ne peuvent également être qu’inspectées, mais seulement après expurgation de certaines informations. De l’avis du Juge de la mise en état, les pièces 438 à 442 incluses, 454 et 457 à 459 incluses peuvent être communiquées au Requérant et à son conseil alors que les pièces 451 et 456 doivent être traduites préalablement à toute décision concernant leur accès par le Requérant ou son conseil. Enfin, rien ne justifie que les pièces suivantes ne soient pas communiquées au Requérant après expurgation des informations sensibles : 443 et 444 après traduction, 447, 449 et 450.

55. D’après les soumissions du Procureur du 28 avril et du 5 mai 2011, les pièces additionnelles suivantes peuvent être inspectées par le conseil du Requérant après expurgation : 460, 461, 462, 463, 464, 465, 467, 468, 471 et 472. Il estime par ailleurs que la pièce 469 peut être divulguée au Requérant et à son conseil.

56. Conformément aux principes établis au paragraphe 31, le Juge de la mise en état considère que, outre la pièce 469 qui peut être directement communiquée, les pièces 460, 461, 462, 463, 464, 465, 467, 468, 471 et 472 doivent être communiquées au Requérant après expurgation des informations sensibles.

35 Annexe C des Soumissions du Procureur du 17 mars 2011.

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V. Observationsfinales:

57. Le Juge de la mise en état tient à faire les trois observations finales suivantes.

58. Premièrement, il note que le Procureur a consulté l’Organisation des Nations Unies à propos de la communication ou de l’inspection des pièces susvisées et que celle‑ci ne s’y oppose pas.

59. Deuxièmement, il rappelle que M. El Sayed avait sollicité des copies certifiées conforme à l’original des pièces inventoriées. Il estime que cette demande est justifiée.

60. Troisièmement, le Juge de la mise en état considère qu’aucune raison ne justifie de rendre confidentiellement la présente décision à l’exception de l’annexe contenant la liste des pièces à communiquer au Requérant, à inspecter par son conseil ou à traduire, ainsi que la liste des pièces pour lesquelles le Procureur propose des expurgations, établie sur la base de la numérotation des pièces contenue dans le tableau déposé le 5 mai 2011 par le Procureur (« l’Annexe confidentielle»).

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs,

le juGe de lA Mise en ÉTAT,

RejeTTe l’Addendum à l’inventaire du 17 avril 2011 et la réplique du 10 mai 2011 déposés par le Requérant;

ORdOnne au Procureur de communiquer au Requérant le 20 mai 2011 au plus tard, par l’intermédiaire du Greffe, une copie certifiée conforme des pièces suivantes détaillées dans l’Annexe confidentielle: 18, 23, 38, 59, 61, 66, 151, 173 à 177 incluses, 179 à 182 incluses, 184 à 205 incluses, 207, 208 à 263 incluses, 265 à 436 incluses, 438 à 442 incluses, 454, 457 à 459 incluses, 469 ;

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ORdOnne au Procureur d’organiser pour le 27 mai 2011 au plus tard, l’inspection par le Conseil du Requérant des pièces suivantes détaillées dans l’Annexe confidentielle: 20, 40 et 53 ;

ORdOnne au Procureur de soumettre au Juge de la mise en état le 27 mai 2011 au plus tard les pièces suivantes détaillées dans l’Annexe confidentielle: 1, 7, 10, 11, 16, 17, 19, 29, 36, 39, 41, 42, 49, 50, 52, 55, 65, 145, 159, 178, 183, 447, 449, 450, 460 à 465 incluses, 467, 468, 471, 472 contenant les propositions d’expurgations fondées sur les critères de la protection de l’enquête, des témoins ou des tierces personnes, ou de la sécurité nationale ou internationale, en vue de leur communication au Requérant et à son conseil ;

ORdOnne la traduction par les services du Greffe des pièces suivantes détaillées dans l’Annexe confidentielle: 4, 5, 6, 8, 9, 12, 13, 21, 22, 24, 26 à 28 incluses, 30, 31, 34, 35, 43 à 45 incluses, 56, 57, 206, 437, 443, 444, 451 et 456 et ordonne au Procureur, dans les 15 jours de leur traduction, à les communiquer en l’état au Requérant et à son conseil, ou le cas échéant, à saisir le Juge de la mise en état de toute proposition motivée d’inspection dans leur intégralité ou d’expurgation en vue de communication au Requérant et à son conseil;

ORdOnne au Procureur de réexaminer, à la lumière des critères de protection des intérêts de l’enquête, des témoins et tierces personnes et de sécurité nationale et internationale, les déclarations des témoins parmi les 885 pièces qu’il avait initialement identifiées, ou d’autres pièces qu’il aurait identifiées depuis lors, y compris les documents manuscrits en arabe qui sont en sa possession et de soumettre le 3 juin 2011 au plus tard un tableau révisé de ces pièces contenant les propositions d’expurgation y afférentes, le cas échéant ;

ORdOnne au Procureur d’examiner, sur base des principes et des critères indiqués dans l’Ordonnance du 17 septembre 2010 et dans la présente décision, toute pièce du dossier pénal concernant le Requérant qu’il viendrait à connaître ultérieurement et à communiquer celles qu’il estime pouvoir l’être en l’état et, le cas échéant, à soumettre au Juge de la mise en état toutes les pièces dont il entend limiter l’accès accompagnées des motifs et des propositions de limitations ;

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Décision El Sayed JME

ORdOnne au Procureur de rédiger un rapport à l’attention du Juge de la mise en état relatif à l’accomplissement de ses obligations pour le 13 juin 2011 au plus tard ;

RAppelle au Requérant et à son conseil que les pièces communiquées ou soumises à inspection ne peuvent être utilisées que pour des motifs légitimes, à condition de respecter la présomption d’innocence, les droits de la défense et la vie privée des tiers.

Fait en anglais, en arabe et en français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 12 mai 2011.

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

devant : juge de la mise en état

Titre : décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. salim jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan sabra

Titreréduit: Confirmationdel’acted’accusation

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deVAnT le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : sTl-11-01/iLe Juge de la mise en état : M. le juge daniel Fransen Le Greffier : M. Herman von HebelDate : 28 juin 2011Original : FrançaisType de document : Version publique expurgée[Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres]

dÉcisiOn RelATiVe À l’eXAMen de l’AcTe d’AccusATiOn du 10 juin 2011 ÉTABli À l’encOnTRe de

M. sAliM jAMil AYYAsH, M. MusTAFA AMine BAdReddine, M. Hussein HAssAn Oneissi & M. AssAd HAssAn sABRA

Bureau du procureur: M. Daniel A. Bellemare, MSM, c.r.

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Confirmation de l’acte d’accusation

sommaire

I. Préambule . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248

II. La compétence du Juge de la mise en état . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248

III. Le rappel de la procédure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249

IV. Les chefs d’accusation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251

V. Les critères d’examen de l’acte d’accusation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 252

1. Le sens ordinaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255

2. Le contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255

3. L’objet et le but . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 256

4. En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257

VI. Le droit applicable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258

VII. L’évaluation de la compétence du Tribunal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 262

VIII. L’évaluation des chefs d’accusation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263

1. Observations préliminaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263

2. Les éléments factuels pertinents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264

a) L’attentat et sa revendication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265b) L’analyse des données téléphoniques et l’identification des

suspects . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265c) L’identité des suspects . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267d) Les rôles des suspects . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267

3. L’examen des chefs d’accusation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271

a) Le chef d’accusation n° 2: acte de terrorisme, en tant que coauteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 271

b) Le chef d’accusation n° 3: homicide intentionnel (de M. Hariri), en tant que coauteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274

c) Le chef d’accusation n° 4: homicide intentionnel (de 21 personnes autres que M. Hariri), en tant que coauteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 276

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Confirmation de l’acte d’accusation

d) Le chef d’accusation n° 5: tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes), en tant que coauteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277

e) Le chef d’accusation n° 6 : acte de terrorisme, en tant que complices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 278

f) Le chef d’accusation n° 7: homicide intentionnel (de M. Hariri), en tant que complices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 280

g) Le chef d’accusation n° 8: homicide intentionnel (de 21 personnes autres que M. Hariri), en tant que complices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281

h) Le chef d’accusation n° 9: tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes), en tant que complices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282

i) Le chef d’accusation n° 1: complot en vue de commettre un acte de terrorisme, en tant que coauteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283

4. Les concours de qualifications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284

5. Les exigences de motivation et de précision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 286

IX. Les exigences de confidentialité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287

Dispositif ...........................................................................................................289

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Confirmation de l’acte d’accusation

i. préambule

1. Par la présente décision, le Juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban (respectivement le « Juge de la mise en état » et le « Tribunal ») se prononcera sur les mérites de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 (l’ « Acte d’accusation »), relatif à l’affaire concernant l’attentat contre M. Rafic Hariri1 (l’ « affaire Hariri »), établi par le Procureur du Tribunal (le « Procureur ») à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash (« M. Ayyash »), M. Mustafa Amine Badreddine (« M. Badreddine »), M. Hussein Hassan Oneissi (« M. Oneissi ») and M. Assad Hassan Sabra (« M. Sabra »). Il statuera également sur la requête du Procureur de ne pas divulguer l’Acte d’accusation au public.

2. Après avoir rappelé les dispositions qui fondent sa compétence (II), les principales étapes de la procédure (III) et les chefs d’accusation retenus par le Procureur (IV), le Juge de la mise en état définira les critères d’examen de l’Acte d’accusation (V) et précisera les éléments de droit applicable en l’espèce (VI). Il déterminera ensuite si les crimes visés dans l’Acte d’accusation relèvent de la compétence du Tribunal (VII) et si, à la lumière des pièces et des informations fournies par le Procureur, il y a lieu de confirmer chaque chef d’accusation à l’égard des suspects concernés. À cette occasion, le Juge de la mise en état se prononcera sur la question de savoir si l’Acte d’accusation répond aux exigences de précision et de motivation requises par le droit en vigueur et si les concours de qualifications qui y figurent sont conformes à ce droit (VIII). Enfin, le Juge de la mise en état statuera sur la demande de non‑divulgation de l’Acte d’accusation (IX).

ii. la compétence du juge de la mise en état

3. Conformément aux articles 18 du Statut du Tribunal (le « Statut ») et 68 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement »), le Juge de la mise en état doit examiner l’acte d’accusation qui lui est transmis par le Procureur en vue, le cas échéant, de le confirmer. En outre, conformément à l’article 74 du Règlement, à la demande du Procureur, il peut ordonner, dans l’intérêt de la justice

1 Le terme « attentat » provient de l’article 1 du Statut. Il n’emporte aucune qualification juridique dans le cadre de la présente décision.

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Confirmation de l’acte d’accusation

et dans des circonstances exceptionnelles, la non‑divulgation au public d’un acte d’accusation.

4. En conséquence, le Juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les demandes du Procureur.

iii. le rappel de la procédure

5. Par requête du 17 janvier 2011, conformément à l’article 68 du Règlement, le Procureur a transmis au Juge de la mise en état, pour confirmation, un acte d’accusation relatif à l’affaire Hariri2 accompagné de pièces justificatives. Cet acte était établi à l’encontre de M. Ayyash. Par ordonnance du 19 janvier 2011 (l’« Ordonnance du 19 janvier 2011 »), le Juge de la mise en état a rappelé que, conformément à l’article 96, paragraphe B) du Règlement, cet acte d’accusation et ces pièces devaient demeurer confidentiels aussi longtemps que nécessaire3.

6. Par requête du 11 mars 2011, conformément à l’article 71, paragraphe A), alinéa i) du Règlement, le Procureur a soumis, pour confirmation, une première version amendée de cet acte d’accusation visant deux nouveaux suspects: M. Oneissi et M. Sabra4.

7. Par requête du 6 mai 2011, le Procureur a déposé une deuxième version amendée de l’acte d’accusation inculpant, non seulement les trois suspects susvisés, mais également M. Badreddine. Outre la confirmation de cet acte d’accusation, le Procureur a sollicité la prolongation des effets de l’Ordonnance du 19 janvier 2011

2 Affaire n° STL‑11‑01/I, « Submission of an Indictment for Confirmation (Rule 68); (1) Motion for an Arrest Warrant and Order for Transfer (Rule 79); (2) Urgent Motion for Non‑Disclosure of the Indictment (Rule 74); and (3) Urgent Motion for an Order for Interim Non‑Disclosure of the Identities of Witnesses Pending the Implementation of Appropriate Witness Protection Measures (Rules 77 and 115) (confidential and ex parte) », 17 janvier 2011.

3 Affaire n° STL‑11‑01/I, Ordonnance relative aux requêtes urgentes du Procureur aux fins de la non‑divulgation, 19 janvier 2011.

4 Affaire n° STL‑11‑01/I, « Submission of an Amended Indictment for Confirmation (Rule 68 and 71) and Motion for Arrest Warrants and Orders for Transfer (Rule 79) (confidential and ex parte) », 11 mars 2011.

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et l’émission de mandats d’arrêt, d’ordonnances de transfèrement et de détention (la « Requête »)5.

8. Par courriers des 19 et 20 mai 2011, conformément à l’article 68, paragraphe I) du Règlement, lu à la lumière du paragraphe F) de cette même disposition, le Juge de la mise en état a sollicité du Procureur certaines données téléphoniques sur lesquelles se fondent les pièces remises à l’appui de la deuxième version amendée de l’acte d’accusation. Le 20 mai 2011, en réponse à cette demande, le Procureur lui a transmis ces données6.

9. Par ordonnance du 9 juin 2011, le Juge de la mise en état a demandé au Procureur de modifier la deuxième version amendée de l’acte d’accusation afin de scinder les sixième et septième chefs d’accusation contenant respectivement deux incriminations, en chefs d’accusation distincts7. Le 10 juin 2011, en réponse à cette ordonnance, le Procureur a soumis une nouvelle version de l’acte d’accusation, remplaçant les précédentes, qui reflète les changements demandés par le Juge de la mise en état et y apporte également quelques modifications mineures8. Dans la présente décision, il est fait exclusivement référence à cette troisième version amendée, désignée sous les termes d’« Acte d’accusation ».

10. Conformément à l’article 68, paragraphe B) du Règlement, le Procureur a accompagné chaque acte d’accusation de pièces justificatives. En outre, dans la Requête du 6 mai 2011, il a indiqué vouloir retirer toutes les pièces transmises au Greffe du Tribunal à l’appui des versions précédentes de l’Acte d’accusation et déposer, à nouveau, l’ensemble des pièces lors de la soumission de la deuxième

5 Affaire n° STL‑11‑01/I, Requête groupée du Procureur; (1) Présentation d’un acte d’accusation en vue de sa confirmation (article 68), (2) Requête aux fins de prolongation de l’ordonnance du Juge de le mise en état datée du 19 janvier 2011 et rendue conformément à l’article 96 B), et (3) Requêtes en cas de confirmation de l’acte d’accusation conformément aux articles 74, 77 et 79 (confidentiel et ex parte), 6 mai 2011.

6 Affaire n° STL‑11‑01/I, « Submission of Additional Indictment Supporting Material as Requested by the Pre‑Trial Judge under Rule 68(I)(i) (confidential and ex parte) », 20 mai 2011.

7 Affaire n° STL‑11‑01/I, Ordonnance aux fins de clarification de l’acte d’accusation (confidentiel et ex parte), 9 juin 2011.

8 Affaire n° STL‑11‑01/I, « Submission of Amended Indictment for Confirmation under Rule 71 and in Response to the Order of the Pre‑Trial Judge Dated 9 June 2011 (confidential and ex parte) », 10 juin 2011.

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Confirmation de l’acte d’accusation

version amendée de l’acte d’accusation9. Seules ces pièces font désormais partie du dossier.

11. Lors de la soumission de l’Acte d’accusation le 10 juin 2011, le Procureur a joint des pièces justificatives supplémentaires. Par ordonnance du 14 juin 2011, le Juge de la mise en état a rejeté ces pièces au motif que leur dépôt n’avait pas été autorisé conformément à l’article 68, paragraphe I) du Règlement10. Il a invité le Procureur, s’il le souhaitait, à les soumettre selon la procédure autorisée. Jusqu’à présent, celui‑ci n’a pas jugé nécessaire de le faire.

12. En vertu des pouvoirs découlant des dispositions susvisées et, plus spécifiquement, de l’article 68, paragraphes E) et F) du Règlement, les 7 mars, 7 avril, 28 avril, 7 juin et 15 juin 2011, le Juge de la mise en état a tenu des réunions avec des représentants du Bureau du Procureur pour formuler des observations et obtenir des clarifications ainsi que des informations au sujet des différentes versions de l’acte d’accusation et des pièces justificatives soumises à l’appui de celles‑ci.

iV. les chefs d’accusation

13. Conformément aux articles 2, 3 et 11 du Statut ainsi qu’aux dispositions pertinentes du Code pénal libanais11 et de la loi libanaise du 11 janvier 1958 « renforçant les peines relatives à la sédition, à la guerre civile et à la lutte confessionnelle » (la « Loi du 11 janvier 1958 »)12, le Procureur a accusé:

i) M. Ayyash, M. Badreddine, M. Oneissi et M. Sabra, individuellement et collectivement, en tant que coauteurs, de complot en vue de commettre un acte de terrorisme (chef d’accusation n° 1);

ii) M. Ayyash et M. Badreddine, individuellement et collectivement, en tant que coauteurs, d’un acte de terrorisme au moyen d’un engin explosif (chef d’accusation n° 2);

9 Requête, paras. 9‑10.

10 Affaire n° STL‑11‑01/I, Ordonnance aux fins de rejet des pièces supplémentaires déposées par le Procureur le 10 juin 2011 (confidentiel et ex parte), 14 juin 2011.

11 Arts. 188, 189, 200, 212, 213, 219 4) et 5), 270, 314, 547 et 549 1) et 7) du Code pénal libanais.

12 Arts. 1, 6 et 7 de la Loi libanaise du 11 janvier 1958.

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Confirmation de l’acte d’accusation

iii) M. Ayyash et M. Badreddine, individuellement et collectivement, en tant que coauteurs, d’homicide intentionnel avec préméditation, au moyen de matières explosives, de Rafic Hariri (chef d’accusation n° 3);

iv) M. Ayyash et M. Badreddine, individuellement et collectivement, en tant que coauteurs, d’homicide intentionnel avec préméditation, au moyen de matières explosives, de 21 personnes listées à l’annexe A de l’Acte d’accusation (chef d’accusation n° 4);

v) M. Ayyash et M. Badreddine, individuellement et collectivement, en tant que coauteurs, de tentative d’homicide intentionnel avec préméditation, au moyen de matières explosives, de 231 personnes listées à l’annexe B de l’Acte d’accusation (chef d’accusation n° 5);

vi) M. Oneissi et M. Sabra, individuellement et collectivement, en tant que complices, de commission d’un acte de terrorisme, au moyen d’un engin explosif, contre Rafic Hariri (chef d’accusation n° 6);

vii) M. Oneissi et M. Sabra, individuellement et collectivement, en tant que complices, d’homicide intentionnel avec préméditation, au moyen de matières explosives, de Rafic Hariri (chef d’accusation n° 7);

viii) M. Oneissi et M. Sabra, individuellement et collectivement, en tant que complices, d’homicide intentionnel avec préméditation, au moyen de matières explosives, de 21 personnes listées à l’annexe A de l’Acte d’accusation (chef d’accusation n° 8); et

ix) M. Oneissi et M. Sabra, individuellement et collectivement, en tant que complices, de tentative d’homicide intentionnel avec préméditation, au moyen de matières explosives, de 231 personnes listées à l’annexe B de l’Acte d’accusation (chef d’accusation n° 9).

V. les critères d’examen de l’acte d’accusation

14. Dans le cadre de l’examen d’un acte d’accusation, le Juge de la mise en état doit d’abord vérifier si les incriminations qui y sont visées relèvent de la compétence du Tribunal13. Il doit ensuite déterminer si, sur la base des pièces fournies à l’appui

13 Cf. notamment TPIY, Le Procureur c. Kordić et consorts, affaire n° IT‑95‑14‑I, Décision de confirmation de l’acte d’accusation, 10 novembre 1995, p. 4 (Décision Kordić).

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Confirmation de l’acte d’accusation

de l’acte d’accusation, il y a lieu d’engager de prime abord des poursuites contre les suspects14.

15. À cet égard, le Statut et le Règlement fixent, de manière générale, le critère que le Juge de la mise en état doit prendre en compte pour procéder à cet examen et décider de confirmer ou non les chefs d’inculpation qui figurent dans l’Acte d’accusation. L’article 18, paragraphe 1) du Statut est libellé de la façon suivante:

S’il estime que le Procureur a établi qu’au vu des présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites, [le Juge de la mise en état] confirme l’acte d’accusation. À défaut, il le rejette. (Italiques ajoutés)

16. L’article 68, paragraphe F) du Règlement mentionne que:

Le Juge de la mise en état examine chacun des chefs d’accusation et toute pièce justificative fournie par le Procureur pour déterminer s’il y a toujours lieu d’engager des poursuites contre le suspect de prime abord. (Italiques ajoutés)

17. L’article 68, paragraphe B) du Règlement précise que, pour établir l’acte d’accusation, les obligations du Procureur sont les suivantes:

Si l’enquête permet au Procureur d’établir qu’il existe des éléments de preuve suffisants démontrant qu’un suspect a commis un crime susceptible de relever de la compétence du Tribunal, il transmet au Juge de la mise en état pour confirmation un acte d’accusation auquel il joint tous les éléments justificatifs.

18. Le Statut et le Règlement emploient donc, respectivement, les expressions « au vu des présomptions » et « de prime abord » pour désigner le critère à retenir par le Juge de la mise en état lors de l’examen d’un acte d’accusation. Ils ne donnent toutefois pas de précision sur le sens à attribuer à ces termes. Dans ce contexte, ce sens doit être déterminé à la lumière des principes généraux d’interprétation des textes du Statut et du Règlement.

19. À ce titre, pour interpréter les dispositions du Statut, il convient de tenir compte, outre des principes coutumiers consacrés par les articles 31 à 33 de la

14 Art. 68 F) du Règlement.

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Convention de Vienne sur le droit des traités (la « Convention de Vienne »)15, des déclarations faites par les représentants des États membres du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (respectivement « Conseil de sécurité » et « ONU ») à l’époque de l’adoption de la Résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité16. Il importe également de prendre en compte d’autres résolutions ayant trait à la même question ainsi que la pratique ultérieure de l’ONU et des États à l’égard desquels les résolutions en question ont une incidence17.

20. S’agissant de l’interprétation des dispositions du Règlement, l’article 3 prévoit que:

A) Le Règlement est interprété conformément à l’esprit du Statut et, par ordre de priorité, i) aux principes d’interprétation établis en droit international coutumier, tels que codifiés aux articles 31, 32 et 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), ii) aux normes internationales en matière de droits de l’homme, iii) aux principes généraux de droit international pénal et de procédure et, le cas échéant, iv) au Code de procédure pénale libanais.

B) Toute ambiguïté qui n’aura pas été levée selon les modalités prévues au paragraphe A) est résolue en suivant l’interprétation considérée comme la plus favorable au suspect ou à l’accusé au vu des circonstances de l’espèce.

21. Il en résulte que la signification des expressions « au vu des présomptions » et « de prime abord » susvisées doit être déterminée au regard des principes figurant dans la Convention de Vienne et, plus précisément, en tenant compte du sens ordinaire de ces termes interprété à la lumière des dispositions du Statut et du Règlement dans lesquelles elles s’inscrivent, de leur objet et de leur but18. La jurisprudence d’autres juridictions pénales internationales est à cet égard particulièrement instructive dans

15 Convention de Vienne sur le droit des traités faite à Vienne le 23 mai 1969 et entrée en vigueur le 27 janvier 1980 (Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 1155, p. 331).

16 Résolution 1757 (2007) du Conseil de sécurité à laquelle sont annexés l’Accord entre l’ONU et la République libanaise sur la création d’un Tribunal spécial pour le Liban et le Statut, 30 mai 2007.

17 Cour internationale de justice (la « CIJ »), Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo, Avis consultatif, 22 juillet 2010, para. 94.

18 Art. 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

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la mesure où ces juridictions ont également été instituées par des résolutions du Conseil de sécurité.

1. le sens ordinaire

22. La version française des dispositions du Statut et du Règlement se réfère indifféremment aux termes « au vu des présomptions » et « de prime abord » pour désigner le critère d’examen d’un acte d’accusation. La version anglaise, utilise quant à elle l’expression latine « prima facie ». Selon les dictionnaires juridiques usuels, ces expressions recouvrent une seule et même signification, à savoir « à première vue »19.

2. le contexte

23. L’article 18 du Statut est libellé dans les mêmes termes que ceux de l’article 18 du Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (« TPIR ») et de l’article 19 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (« TPIY ») dont les procédures, notamment préalables au procès, ont inspiré celle en vigueur au Tribunal20. Dans ce contexte, l’interprétation donnée par le TPIR et le TPIY des textes des Statuts gouvernant leur compétence et leur fonctionnement constitue un élément de référence pour déterminer les sens précis des termes « au vu des présomptions » ou « de prime abord » et délimiter les critères d’examen de l’acte d’accusation à appliquer, à ce stade de la procédure, par le Juge de la mise en état. Ainsi, selon la jurisprudence dominante du TPIY, après avoir vérifié si les actes reprochés au suspect constituent des crimes relevant de la compétence du Tribunal, le juge doit déterminer si les éléments de preuves présentés par le Procureur à l’appui

19 Cf. « prima facie » dans B. Garner (ed.), Black’s Law Dictionary, 9ème ed., St. Paul, United States, 2009, p. 1310: « at first sight » ou « on first appearance but subject to further evidence or information ». Cf. égal. « prima facie » dans L. Beaudoin (ed.), Les mots du droit, 2ème ed., Cowansville, Canada, 2004, p. 166 : « de prime abord » ou « à première vue ».

20 Ni la procédure de confirmation suivie par la Cour pénale internationale (la « CPI ») (cf. arts. 53, 58 et 61 du Statut et 121‑130 du Règlement de procédure et de preuve de cette juridiction) ni celle suivie par les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (cf. arts. 16 et 23 de la loi du 10 août 2001 portant création de ces Chambres) n’est similaire à celle du Tribunal. En effet, la première repose sur un échange contradictoire entre le Procureur et les avocats de la défense qui n’existe pas dans le cadre de la procédure du Tribunal. Quant à la seconde, elle est fondée sur le système de procédure cambodgien, lui‑même fondamentalement différent de celui en vigueur au Tribunal.

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des chefs d’accusation sont suffisants pour engager des poursuites à l’encontre de ce suspect. À cet égard, le TPIY précise que:

[i]l suffit que l’on puisse clairement suspecter l’accusé d’avoir commis le crime qui lui est reproché sur la base d’un aperçu global des moyens de preuve recueillis par le Procureur et qui couvrent tous les éléments constitutifs de l’infraction, y compris les implications juridiques qu’il entend tirer de cette situation. Par conséquent, les éléments de preuve n’ont pas à être tout à fait convaincants ou concluants; ils doivent être appropriés ou satisfaisants pour justifier la conviction que le suspect a commis le crime21.

24. Dans le même ordre d’idées, le TPIR souligne que:

[…] le juge désigné doit être convaincu qu’au vu des faits matériels invoqués dans l’acte d’accusation il existe des présomptions suffisantes pour engager des poursuites et que des preuves propres à étayer ces faits matériels sont également disponibles22.

3. l’objet et le but

25. Il convient de rappeler brièvement les fondements de la procédure de confirmation de l’acte d’accusation. Elle vise d’abord à garantir qu’une personne ne soit ni poursuivie ni jugée sans qu’un juge impartial et indépendant ait pu préalablement s’assurer que l’acte d’accusation la concernant repose sur des éléments de preuve crédibles et suffisants pour engager une procédure pénale à son encontre. Comme l’a noté le TPIY:

[…] le juge remplit en quelque sorte une fonction proche de celle d’un juge d’instruction ou d’un jury décidant de la mise en accusation visant à s’assurer que l’accusation n’intentera pas des poursuites abusives ou dénotant un parti pris23.

21 TPIY, Le Procureur c. Rajić, affaire n° IT‑95‑12‑I, Décision de confirmation de l’acte d’accusation, 29 août 1995, p. 7.

22 TPIR, Le Procureur c. Bikindi, affaire n° ICTR‑2001‑72‑I, Décision de confirmation de l’acte d’accusation, 5 juillet 2001, p. 2.

23 TPIY, Décision Kordić, p. 4.

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26. Dans cette perspective, les pouvoirs du Juge de la mise en état sont limités. Il ne saurait en aucun cas se substituer aux juges du fond à qui seuls incombe la responsabilité de déterminer si, à l’issue d’un débat contradictoire, les preuves sont établies à l’encontre de l’accusé et s’il est coupable, au‑delà de tout doute raisonnable, des crimes qui lui sont reprochés24. À ce stade initial de la procédure, le Juge de la mise en état a pour unique mission d’examiner l’acte d’accusation au regard des éléments rassemblés et soumis par le Procureur pour déterminer si, de prime abord, des poursuites peuvent être engagées à l’encontre d’un suspect.

27. La procédure de confirmation d’un acte d’accusation est également destinée à protéger au mieux le droit fondamental de tout accusé, garanti à l’article 16, paragraphe 4), alinéa a) du Statut, d’« [ê]tre informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui » 25. Ce droit repose sur l’idée qu’une personne doit, au moment de sa mise en accusation, posséder tous les éléments nécessaires lui permettant de comprendre les allégations portées à son encontre aux fins d’organiser sa défense et, le cas échéant, contester la légalité de sa détention. Dans cette optique, en examinant l’Acte d’accusation dans le cadre de la procédure de confirmation, le Juge de la mise en état doit s’assurer que cet acte répond effectivement à ces exigences de spécificité et de motivation précise.

4. en conclusion

28. Il résulte de ce qui précède que, conformément au sens ordinaire des termes des articles 18 du Statut et 68 du Règlement, au contexte dans lequel s’inscrivent ces dispositions, à l’objet et au but de celles‑ci, le Juge de la mise en état doit, aux fins d’examiner l’Acte d’accusation, déterminer si:

24 Art. 16 3) c) du Statut et art. 148 A) du Règlement.

25 Cette disposition est calquée sur l’art. 14 3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et sur l’art. 5 2) de la Convention européenne des droits de l’homme (la « CEDH »). Comme le précise la Cour européenne des droits de l’homme à propos de cette disposition, toute personne doit être informée « dans un langage simple accessible pour elle, les raisons juridiques et factuelles de sa privation de liberté, afin qu’elle puisse en discuter la légalité devant un tribunal en vertu du paragraphe 4 [de l’art. 5]» (CEDH, Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni, Arrêt, 30 août 1990, Série A n° 182, para. 40).

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i) les crimes qui sont visés dans l’Acte d’accusation relèvent de la compétence du Tribunal, telle que définie aux articles 1 à 3 du Statut;

ii) au vu d’un examen des pièces jointes à l’Acte d’accusation, celui‑ci repose de prime abord sur des éléments suffisants et crédibles pour engager des poursuites à l’encontre des suspects; et

iii) l’Acte d’accusation est suffisamment précis et motivé pour permettre à chaque suspect de comprendre les allégations portées contre lui.

Vi. le droit applicable

29. À la lecture des chefs d’accusation contenus dans l’acte d’accusation du 17 janvier 2011, le Juge de la mise en état avait considéré que, dans l’intérêt de la justice, plusieurs questions d’interprétation portant sur le droit applicable devaient être tranchées in limine litis par la Chambre d’appel du Tribunal (la « Chambre d’appel »), conformément à l’article 68, paragraphe G) du Règlement26. Ces questions concernaient les incriminations, les modes de responsabilité et le concours de qualifications. En effet, les dispositions du Statut relatives à ces éléments étaient susceptibles d’interprétations diverses. Si tout ou partie de l’Acte d’accusation avait été confirmé sans que ces dispositions n’aient été clarifiées à ce stade de la procédure, le procès aurait pu s’engager sur des bases juridiques erronées qui n’auraient été corrigées qu’au terme des débats, lors du prononcé de l’arrêt de la Chambre d’appel. Outre qu’elle aurait été coûteuse en temps et en moyens, cette manière de procéder n’aurait pas favorisé la lisibilité et la transparence des procédures, ni n’aurait été dans l’intérêt des suspects. En effet préciser le droit applicable préalablement à l’engagement des poursuites doit permettre aux suspects de mieux cerner l’étendue des chefs d’accusation dressés à leur encontre et d’assurer leur défense en conséquence27.

26 Affaire n° STL‑11‑01/I/AC/R176bis, Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressées aux Juges de la Chambre d’appel conformément à l’article 68, paragraphe G) du Règlement de procédure et de preuve, 21 janvier 2011, para. 1.

27 Ibid., para. 2.

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30. Dans ce contexte, le 21 janvier 2011, le Juge de la mise en état a adressé à la Chambre d’appel des questions préjudicielles portant sur les crimes et les modes de responsabilité visés dans l’acte d’accusation du 17 janvier 2011 en vue de rendre, en pleine connaissance de cause, une décision relative à sa confirmation. Il n’a pas jugé nécessaire de poser davantage de questions lorsque les versions amendées de l’Acte d’accusation ont été déposées.

31. Le 16 février 2011, à la lumière des observations écrites et orales soumises par le Procureur et par les membres du Bureau de la Défense, par décision préjudicielle, la Chambre d’appel a répondu aux questions susvisées (la « Décision préjudicielle »)28. Pour les besoins de la présente décision, il convient de rappeler que la Chambre d’appel a conclu:

i) À propos de l’acte de terrorisme:

L’article 314 du Code pénal libanais et l’article 6 de la loi de 1958, interprétés à la lumière des règles de droit international qui s’imposent au Liban, pour autant que leur interprétation n’aille pas à l’encontre du principe de la légalité, exigent, en ce qui concerne le crime de terrorisme, les éléments constitutifs suivants […]:

a. l’accomplissement volontaire d’un acte ou la menace vraisemblable de commettre un acte;

b. par des moyens susceptibles de produire un danger commun 29; et

c. avec l’intention spécifique de créer un état d’alarme.

L’auteur d’un acte de terrorisme, lorsqu’il se sert, par exemple, de matières explosives visant à tuer un individu déterminé mais tue ou blesse, au cours de cette opération, des personnes qui n’étaient pas directement prises pour

28 Le Juge de la mise en état rappelle que la Chambre d’appel a formulé « des conclusions juridiques dans l’abstrait (in abstracto) sans se référer aux faits » et sans en avoir eu connaissance (affaire n° STL‑11‑01/I/AC/R176bis, Décision préjudicielle sur le droit applicable: terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, 16 février 2011, para. 8).

29 La Chambre d’appel « relève notamment que les moyens susceptibles de créer un danger commun au sens de l’article 314 doivent toujours faire l’objet d’un examen au cas par cas, compte tenu du fait que ledit article en dresse une liste qui n’est pas exhaustive et qu’il y a lieu de prêter attention au contexte et aux circonstances dans lesquelles le comportement incriminé se situe. On peut ainsi être assuré d’interpréter l’article 314 d’une manière conforme aux obligations internationales qui pèsent sur le Liban » (Ibid. Dispositif, para. 3).

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cibles, peut être tenu responsable, dans ce cas, d’un acte de terrorisme et d’un homicide intentionnel (ou d’une tentative d’homicide), dès lors qu’il a prévu l’éventualité que surviennent davantage de pertes de vie humaine et de blessures et qu’il a néanmoins pris volontairement le risque qu’il en aille ainsi (dolus eventualis, à savoir négligence délibérée ou intention présumée) […]30.

ii) À propos du complot:

L’article 270 du Code pénal libanais et l’article 7 de la loi du 11 janvier 1958 prévoient que le crime de complot est constitué par les éléments suivants […]:

a. la présence de deux ou plusieurs individus;

b. qui concluent une entente répondant aux caractéristiques décrites au paragraphe 196 [de la Décision préjudicielle] ou y adhèrent;

c. dans le but de commettre des crimes contre la sûreté de l’État (la commission d’un acte de terrorisme, si l’on s’en tient à la mission du Tribunal spécial, doit constituer le but du complot);

d. les moyens devant être utilisés pour commettre le crime faisant l’objet d’une entente (ce qui signifie que le complot en vue de commettre un acte de terrorisme doit correspondre à l’élément portant sur les « moyens » qui est visé à l’article 314 [du Code pénal libanais]); et

e. avec une intention criminelle liée à l’objet du complot31.

iii) À propos de l’homicide intentionnel:

Aux termes des articles 547 à 549 du Code pénal libanais, le crime d’homicide intentionnel est constitué par les éléments suivants […]:

a. un acte, ou une omission coupable, visant à porter atteinte à la vie d’autrui;

b. qui entraîne le décès d’une personne;

c. qui établit l’existence d’un lien causal entre l’acte perpétré et le décès qui en est la conséquence;

d. qui montre que l’auteur de l’acte connaît les tenants et aboutissants de

30 Ibid., paras. 3‑4.

31 Ibid., para. 8.

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l’infraction commise (y compris que l’acte est dirigé contre une personne vivante et qu’il est exécuté par des moyens susceptibles de provoquer la mort); et

e. l’intention de provoquer la mort, qu’elle soit directement liée à l’acte ou bien qu’il s’agisse d’un dolus eventualis32.

iv) À propos de la tentative d’homicide:

Aux termes des articles 200 à 203 du Code pénal libanais, le crime de tentative d’homicide est constitué par les éléments suivants […]:

a. un acte préliminaire visant à commettre le crime (assorti d’un commencement d’exécution du crime);

b. l’intention subjective requise de commettre le crime; et

c. le défaut de renonciation volontaire à commettre l’infraction en cause avant qu’elle ne soit perpétrée33.

v) À propos des modes de responsabilité:

Il appartient au Tribunal de comparer les mérites respectifs du droit international pénal et du droit interne libanais lorsqu’il procède à l’application de tel ou tel mode de responsabilité. S’il n’existe aucun point de désaccord entre les deux ordres juridiques, il convient d’appliquer le droit libanais. Toutefois, en cas de divergence, et en tenant compte des circonstances de l’affaire, il y a lieu d’appliquer le régime juridique le plus favorable à l’accusé […]34.

vi) À propos du concours de qualifications:

Le cumul de qualifications ne doit être admis que lorsque, en raison des éléments distincts qui les constituent, de véritables différences séparent les infractions incriminées et que lorsque les règles s’appliquant à chaque type d’infraction correspondent à des valeurs profondément diverses. Le Tribunal doit retenir de préférence les chefs d’accusation alternatifs lorsqu’un comportement ne saurait donner lieu à plusieurs condamnations. Les modes de responsabilité qui ont

32 Ibid., para. 11.

33 Idem.

34 Ibid., para. 13.

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trait à la même infraction doivent toujours faire l’objet de chefs d’accusation alternatifs […]35.

vii) À propos des circonstances aggravantes:

En tenant compte du fait que le résultat visé par le crime de terrorisme est de répandre la terreur, et pas nécessairement de provoquer la mort ou des blessures, les morts entraînées par des actes terroristes deviennent des circonstances aggravantes, conformément à l’article 6 de la loi du Il janvier 195836.

[…] [e]n droit libanais, les résultats de l’acte de terrorisme, tels que la mort de personnes, la destruction de biens et autres conséquences visées à l’article 6 de la loi du 11 janvier 1958 en constituent les circonstances aggravantes (et non pas un élément matériel de ce crime) […]37.

Ce raisonnement découle du fait que la préméditation, telle que prévue à l’article 549 du Code pénal libanais, n’est pas un élément du crime mais une circonstance aggravante de la peine. En conséquence, elle n’entre pas dans l’évaluation du crime mais devient pertinente à une étape ultérieure, à savoir celle de la détermination de la peine38.

En résumé, l’homicide intentionnel fondé sur une intention directe entraînant le décès de la victime visée relève des articles 547 et 188 du Code pénal libanais. L’homicide intentionnel reposant sur un dol éventuel ayant entraîné le décès de victimes qui n’étaient pas visées relève des articles 547 et 189 du Code. La préméditation est applicable à titre de circonstance aggravante aux deux formes de crime (avec intention directe ou avec dol éventuel) et à tous les auteurs et complices que réunit l’élément de préméditation39.

Vii. l’évaluation de la compétence du Tribunal

32. L’Acte d’accusation est relatif à des faits liés à l’attentat perpétré à l’encontre de Rafic Hariri le 14 février 2005 qui, conformément à l’article 1 du Statut, relève

35 Ibid., para. 15.

36 Décision préjudicielle, para. 59.

37 Ibid., para. 145.

38 Ibid., para. 170.

39 Ibid., para. 175.

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de la compétence du Tribunal. En outre, comme il a été rappelé à la section IV ci‑dessus, cet Acte retient à l’encontre des suspects les incriminations de complot en vue de commettre un acte de terrorisme, en tant que coauteurs (chef d’accusation n° 1), d’acte de terrorisme, en tant que coauteurs (chef d’accusation n° 2), d’homicide intentionnel, en tant que coauteurs (chefs d’accusation n° 3 et n° 4), de tentative d’homicide intentionnel, en tant que coauteurs (chef d’accusation n° 5), d’acte de terrorisme, en tant que complices (chef d’accusation n° 6), d’homicide intentionnel, en tant que complices (chefs d’accusation n° 7 et n° 8) et de tentative d’homicide intentionnel, en tant que complices (chef d’accusation n° 9). Ces crimes sont tous visés à l’article 2, au paragraphe a) du Statut et à l’article 3, paragraphe 3), alinéa 1 du Statut, aux articles 188, 189, 200, 212, 213, 219, paragraphes 4) et 5), 270, 314, 547, 549, paragraphes 1) et 7) du Code pénal libanais et aux articles 1, 6 et 7 de la Loi du 11 janvier 1958.

33. En conséquence, le Juge de la mise en état considère que les faits visés dans l’Acte d’accusation ainsi que les incriminations et les modes de responsabilité retenus à l’encontre des suspects relèvent effectivement de la compétence du Tribunal.

Viii. l’évaluation des chefs d’accusation

1. Observations préliminaires

34. Les pièces justificatives fournies à l’appui de l’Acte d’accusation comptent plus de 20.000 pages. Elles sont composées d’un rapport relatif aux communications téléphoniques passées par les personnes impliquées dans l’attentat perpétré contre Rafic Hariri (le « Rapport relatif aux communications » ou le « Rapport »), de listes de ces communications, de procès‑verbaux d’auditions de témoins, de rapports de police scientifique, d’enregistrements vidéo, de photographies, de certificats de décès ainsi que d’autres documents. Parmi ces pièces justificatives, le Rapport est essentiel en ce qu’il met en perspective l’ensemble des éléments rassemblés par le Procureur. Il est lui‑même fondé sur de nombreux documents et, en particulier, sur des listes de communications téléphoniques et des déclarations de témoins.

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35. À cet égard, le Juge de la mise en état prend acte du fait que, lors des réunions des 7 mars et 7 avril 2011 tenues en vertu de l’article 68, paragraphes E) et F) du Règlement, en réponse à la question qui lui était posée à ce sujet, le Procureur a déclaré que le Rapport relatif aux communications constituait un rapport d’expert. Le Juge de la mise en état en a tenu compte lors de l’évaluation de prime abord des pièces justificatives soumises à l’appui de l’Acte d’accusation. Il n’estime néanmoins pas nécessaire, à ce stade de la procédure, d’examiner si ce Rapport remplit les conditions requises par la jurisprudence internationale pour être qualifié de rapport d’expert. Le Juge de la mise en état note cependant que ce Rapport est établi par un employé du Bureau du Procureur et que, selon les termes de ce Rapport, il contient des informations qui dépassent le cadre de l’analyse et de l’interprétation des données téléphoniques relevant de la compétence de cette personne40.

2. les éléments factuels pertinents

36. Dans cette section, le Juge de la mise en état relèvera, parmi les éléments factuels exposés dans le dossier du Procureur, ceux qu’il a estimés les plus pertinents, pour se prononcer sur les chefs d’accusation. Ces éléments portent sur le déroulement de l’attentat et sa revendication, l’analyse des données téléphoniques et l’identification des suspects, leur identité ainsi que leurs rôles.

37. À titre préliminaire, le Juge de la mise en état note que, comme le Procureur l’a lui‑même souligné, le dossier s’appuie, en grande partie, sur des éléments de preuve circonstanciels « qui opèrent logiquement par inférence et déduction »41. Seule une vue globale de ces éléments permet de comprendre l’attentat du 14 février 2005, les évènements qui l’ont précédé et qui lui ont succédé ainsi que l’implication présumée des suspects dans ceux‑ci. Au vu des vérifications qu’il a effectuées, le Juge de la mise en état estime que ces éléments sont suffisamment crédibles et pertinents pour un examen de prime abord de l’Acte d’accusation. Pour pouvoir entraîner une condamnation, ils devront néanmoins être, le cas échéant, déclarés établis au‑delà de tout doute raisonnable par la Chambre de première instance42.

40 Rapport relatif aux communications, para. 4.

41 Acte d’accusation, para. 3.

42 Art. 16 3) C) du Statut.

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38. Enfin, le Juge de la mise en état souligne que la responsabilité présumée des suspects, en tant que coauteurs ou complices, a été examinée en tenant exclusivement compte des critères établis par la Chambre d’appel. Aussi n’a‑t‑il pas estimé devoir se prononcer sur leur « niveau hiérarchique » tel qu’il est décrit par le Procureur au paragraphe 5 de l’Acte d’accusation.

a) L’attentat et sa revendication

39. Le 14 février 2005 à 12h55, M. Hariri, ancien Premier ministre du Liban, est décédé à la suite de la détonation d’une importante quantité d’explosifs – équivalent approximativement à 2.500 kg de TNT – qui avait été dissimulée dans une camionnette de marque « Mitsubishi Canter », dans le centre de Beyrouth, au Liban. Cet attentat‑suicide a également causé la mort de 21 autres personnes et a infligé des blessures à au moins 231 personnes tout en provoquant la destruction partielle de plusieurs édifices. Peu après l’attentat, une vidéocassette accompagnée d’une lettre de revendication a été reçue à Beyrouth par l’agence de presse Al Jazeera. Cette vidéocassette, diffusée dans la journée à la télévision par cette agence de presse, montre une personne inconnue du public, le dénommé M. Abu Adass, revendiquant l’attentat au nom d’un groupe fondamentaliste présumé fictif dénommé « Victoire et Jihad en Grande Syrie » et annonçant de nombreuses actions de même nature à venir. L’enquête démontrera cependant que l’auteur de l’attentat‑suicide n’est pas M. Abu Adass, sans pour autant qu’il ait été identifié.

b) L’analyse des données téléphoniques et l’identification des suspects

40. Le relevé et l’analyse des données téléphoniques du 14 février 2005 auraient permis au Procureur de découvrir six téléphones mobiles qui auraient été en communication à des moments et à des lieux‑clés en rapport avec l’attentat. Ces six téléphones, dont les utilisateurs seraient enregistrés sous des noms d’emprunt, auraient été utilisés exclusivement pour communiquer entre eux durant toute la période de leur activation. Par souci de compréhension, le Procureur a dénommé le réseau secret formé par ces téléphones de « Réseau Rouge ».

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41. Par la suite, en utilisant la technique du « positionnement mutuel de téléphones»43, le Procureur aurait identifié d’autres téléphones mobiles qui auraient également été utilisés par les utilisateurs de téléphones du « Réseau Rouge ». Ces téléphones auraient également été enregistrés sous des noms d’emprunt et certains auraient été connectés exclusivement, ou en grande partie, entre eux, permettant leur usage clandestin. Le Procureur aurait ainsi identifié quatre autres groupes de téléphones qu’il a dénommés « Vert », « Bleu », « Jaune » et « Violet ».

42. Afin de connaître l’identité des utilisateurs des téléphones de l’ensemble de ces groupes de téléphones, en poursuivant l’exploitation de la technique du « positionnement mutuel de téléphones », le Procureur aurait identifié les téléphones personnels de certains de ces utilisateurs. Ces téléphones auraient été utilisés pour les affaires quotidiennes, pour appeler des personnes dont l’identité peut plus aisément être décelée car elles n’agissent pas clandestinement. Le Procureur a dénommé ces téléphones mobiles personnels « TMP ».

43. L’identité des utilisateurs de ces « TMP » a été recherchée sur la base des contacts les plus fréquemment appelés, de contenus de SMS, de l’activation, de la désactivation et de l’utilisation des téléphones portables à proximité de lieux présumés habituellement fréquentés par ces personnes et de preuves documentaires, testimoniales ou autres. Une fois qu’un téléphone personnel a été attribué à un individu, les autres téléphones appartenant à un ou plusieurs groupe(s) en situation de « positionnement mutuel » avec ce téléphone ont pu être attribués à cette même personne.

44. Aux termes de ses investigations, le Procureur a considéré, au vu de l’ensemble de ces éléments et de ce raisonnement que:

i) M. Ayyash était l’utilisateur des téléphones mobiles personnels « TMP 165 », « TMP 091 », « TMP 170 », « TMP 935 » et par voie de conséquence des téléphones « Rouge 741 », « Vert 300 », « Bleu 233 », « Jaune 294 »;

43 La technique du « positionnement mutuel de téléphones », en anglais « co-location », consiste à déduire du fait que, lorsque des téléphones mobiles sont utilisés dans les mêmes zones géographiques, identifiées par les antennes relais des communications, à la même date et dans le même laps de temps que d’autres téléphones et qu’ils ne communiquent pas entre eux, un seul et même individu est l’utilisateur de ces téléphones.

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Confirmation de l’acte d’accusation

ii) M. Badreddine était l’utilisateur des téléphones mobiles personnels « TMP 663 », « TMP 354 », « TMP 944 », « TMP 195 », « TMP 683 », « TMP 486 », « TMP 593 » (dont certains ont été utilisés de façon consécutive) et par voie de conséquence, du téléphone « Vert 023 »;

iii) M. Oneissi était l’utilisateur du téléphone « Violet 095 »; et

iv) M. Sabra était l’utilisateur du téléphone « Violet 018 ».

c) L’identité des suspects

45. Sur la base de ses investigations, le Procureur a identifié quatre suspects:

i) M. Ayyash, citoyen libanais né le 10 novembre 1963 à Harouf, Nabatiyeh (Liban). Il aurait deux résidences, l’une à Hadath, au sud de Beyrouth, et l’autre à Harouf, Nabatiyeh, au sud du Liban.

ii) M. Badreddine (alias « Mustafa Youssef Badreddine », « Sami Issa » et « Elias Fouad Saab »), citoyen libanais né le 6 avril 1961 à Al‑Ghobeiry (Beyrouth). Son adresse précise est inconnue. Il aurait notamment deux résidences, l’une à Al‑Ghobeiry au sud de Beyrouth et l’autre à Haret Hreik à Beyrouth. Sous la fausse identité d’Elias Fouad Saab, il aurait été condamné au Koweït pour une série d’attentats terroristes perpétrés notamment contre les ambassades de France et des Etats‑Unis le 12 décembre 1983.

iii) M. Ayyash et M. Badreddine auraient des liens de parenté par mariage ainsi qu’avec le dénommé Imad Mughniyah.

iv) M. Oneissi (alias « Hussein Hassan Issa »), citoyen libanais né le 11 février 1974 à Beyrouth. Il aurait résidé à Hadath, au sud de Beyrouth. En 2004, l’intéressé ainsi que d’autres membres de sa famille ont changé leur patronyme de « Issa » en Oneissi.

v) M. Sabra, citoyen libanais né le 15 octobre 1976 à Beyrouth. Il aurait résidé à Hadath, au sud de Beyrouth.

d) Les rôles des suspects

46. Le Procureur a déterminé le rôle des suspects dans les faits visés aux paragraphes précédents essentiellement sur base de l’analyse des communications

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Confirmation de l’acte d’accusation

téléphoniques ainsi que de l’utilisation et de la localisation des téléphones issus des différents groupes de téléphones44.

47. Selon le Procureur, les utilisateurs du Réseau « Rouge » seraient, de prime abord impliqués dans l’exécution de l’attentat sur la base notamment des éléments suivants:

i) les téléphones « Rouges » auraient tous été activés, de façon coordonnée, pour la première fois le 4 janvier 2005 entre 14h15 et 14h43 à Tripoli. Ils auraient ensuite été réapprovisionnés en crédit de communications dans cette même ville le 2 février 2005 pendant une période de temps très brève, moins de 45 minutes. Ces téléphones n’auraient cependant jamais été utilisés dans cette ville;

ii) les téléphones « Rouges » n’auraient plus jamais été utilisés après le dernier appel du 14 février 2005 à 12h53, deux minutes avant l’attentat;

iii) les téléphones « Rouges » auraient servi exclusivement à passer et recevoir des communications téléphoniques entre eux et n’ont eu aucun contact avec des téléphones extérieurs à ce réseau ni n’ont envoyé le moindre SMS45;

iv) les téléphones « Rouges » auraient été utilisés à proximité des lieux où se trouvait M. Hariri et au cours de ses déplacements dans les jours précédents l’attentat (notamment les 14, 20, 28 et 31 janvier 2005 et les 3, 8, 9, 10, 11 et 12 février 2005) et le jour même de l’attentat; et

v) le 14 février 2005, les 33 derniers appels entre téléphones « Rouges » passés entre 11h00 et 12h53 auraient été effectués pour la plupart aux alentours des lieux où se serait trouvé M. Hariri. En particulier, quelques minutes avant l’attentat, l’utilisateur d’un téléphone Rouge situé à proximité du lieu où se seraient trouvés M. Hariri et son convoi aurait appelé un autre utilisateur de téléphone « Rouge » localisé près du lieu de l’attentat, à l’heure précise du départ du convoi de M. Hariri. Dans les minutes qui auraient suivi, le conducteur de la camionnette de marque « Mitsubishi Canter » contenant les explosifs aurait placé ce véhicule à l’endroit où la détonation a eu lieu lors du passage du convoi.

44 Cf. supra paras. 36‑38.

45 Service de messages succincts.

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Confirmation de l’acte d’accusation

48. Selon le Procureur, les utilisateurs du réseau des téléphones « Verts» seraient, de prime abord, impliqués dans la coordination de l’attentat sur la base notamment des éléments suivants:

i) les trois téléphones « Verts » auraient communiqué exclusivement entre eux et ne se seraient jamais envoyés de SMS entre le 13 octobre 2004 et le 14 février 2005;

ii) M. Badreddine serait le seul à avoir été en communication avec les deux autres utilisateurs des téléphones « Verts », dont M. Ayyash;

iii) M. Badreddine aurait été en contact avec M. Ayyash à 59 reprises entre le 1er janvier et le 14 février 2005, notamment lorsque les utilisateurs des téléphones du « réseau Rouge » et/ou des téléphones « Bleus » dont M. Ayyash, auraient suivi les déplacements de M. Hariri (notamment les 20, 28, 31 janvier, 3, 7, 8, 9, 11, 12 et 14 février 2005). M. Badreddine aurait lui‑même été occasionnellement présent aux alentours de lieux‑clés liés à la surveillance de M. Hariri (notamment les 18 et 31 janvier et le 3 février 2005);

iv) M. Ayyash et M. Badreddine auraient été en contact, via leurs téléphones « Verts », le 11 janvier 2005 alors que M. Ayyash était à Tripoli, à proximité de la salle d’exposition où se serait trouvée la camionnette « Mitsubishi Canter » utilisée durant l’attentat. M. Ayyash aurait également été en contact avec M. Badreddine le jour de l’achat de la camionnette, le 25 janvier 2005; et

v) le dernier appel entre les téléphones « Verts » de M. Ayyash et de M. Badreddine aurait eu lieu à 11h58 le 14 février 2005, au moment où M. Hariri aurait quitté le Parlement, moins d’une heure avant l’attentat.

49. Selon le Procureur, les utilisateurs des téléphones « Bleus » dont M. Ayyash, seraient, de prime abord, impliqués dans la surveillance de M. Hariri et la préparation de l’attentat sur la base notamment des éléments suivants:

i) le téléphone « Bleu 610 », dont l’utilisateur est inconnu, aurait été actif à Tripoli le 4 janvier 2005 au moment où les téléphones « Rouges » y auraient été activés;

ii) les mouvements des téléphones « Bleus » et des téléphones « Rouges » coïncideraient avec les déplacements de M. Hariri où avec des lieux qu’il aurait fréquenté (notamment les 11 novembre 2004, 1er, 7, 14, 28 et 31

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Confirmation de l’acte d’accusation

janvier 2005 et les 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11 et 12 février 2005), ce qui les rendrait compatibles avec des activités de surveillance de l’intéressé; et

iii) le 25 janvier 2005, jour de l’achat de la camionnette « Mitsubishi Canter », alors qu’il se serait trouvé à Tripoli à proximité de la salle où la camionnette aurait été exposée à la vente, l’utilisateur inconnu du téléphone « Bleu 610 », aurait contacté M. Ayyash sur son téléphone « Bleu 233 ». Ce dernier, qui se serait trouvé à Beyrouth, aurait peu de temps après contacté M. Badreddine en utilisant leurs téléphones « Verts » respectifs.

50. Selon le Procureur, les utilisateurs de téléphones « Violets » dont M. Oneissi et M. Sabra seraient, de prime abord, impliqués dans la fausse revendication de l’attentat sur la base notamment des éléments suivants:

i) les téléphones « Violets » attribués à M. Oneissi et M. Sabra auraient été actifs pendant 10 jours en décembre 2004 et janvier 2005 aux alentours de la mosquée universitaire arabe de Beyrouth qu’aurait fréquenté M. Abu Adass et de son domicile. M. Oneissi, sous l’alias « Mohammed », aurait approché M. Abu Adass et aurait par la suite entretenu des contacts avec lui avant que celui‑ci ne disparaisse le 16 janvier 2005. Ce dernier aurait ensuite revendiqué l’attentat dans un enregistrement vidéo diffusé à la télévision par Al Jazeera après l’attentat;

ii) M. Oneissi et M. Sabra par l’intermédiaire de leur téléphones « Violets » auraient été en fréquents contacts entre eux et avec un troisième utilisateur inconnu d’un téléphone « Violet » (« Violet 231 »), qui aurait été lui–même en contact avec M. Ayyash sur ses téléphones mobiles personnels;

iii) le 14 février 2005 avant, entre et après les quatre appels que M. Oneissi ou M. Sabra auraient passés à Al Jazeera et à Reuters à partir de la même carte téléphonique, utilisée dans plusieurs cabines téléphoniques à Beyrouth, M. Sabra, en utilisant le téléphone « Violet 018 » aurait été en contact à sept reprises avec l’utilisateur du téléphone « Violet 231 »;

iv) le 14 février 2005, M. Sabra aurait été localisé à proximité des quatre cabines téléphoniques à partir desquelles les quatre appels ont été passés;

v) le 14 février 2005, M. Oneissi se serait trouvé à proximité de l’arbre où la vidéocassette contenant la revendication de responsabilité aurait été placée; et

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Confirmation de l’acte d’accusation

vi) le 15 février 2005, le téléphone « Violet 231 » aurait cessé d’être utilisé et le 16 février 2005, le téléphone « Violet 095 » attribué à M. Oneissi et le téléphone « Violet 018 » attribué à M. Sabra auraient également cessé définitivement d’être utilisés.

3. l’examen des chefs d’accusation

51. Par souci de logique, le Juge de la mise en état commencera par examiner le chef d’accusation n° 2 portant sur l’ « acte de terrorisme » avant de se prononcer sur les chefs n° 3, n° 4, n° 5, n° 6, n° 7, n° 8 et n° 9. Il terminera par l’examen du chef d’accusation n° 1 portant sur le « complot en vue de commettre un acte de terrorisme ». En effet, à la différence des autres chefs, ce dernier concerne tous les suspects et nécessite, pour être examiné, une vue d’ensemble de tous les éléments repris dans les autres chefs d’accusation, et en particulier celui relatif à l’« acte de terrorisme ».

52. Le Juge de la mise en état rappellera chaque chef d’inculpation tel qu’énoncé dans l’Acte d’accusation. En distinguant les éléments constitutifs des crimes de ceux de la responsabilité, il examinera ensuite si les qualifications juridiques qu’il contient sont conformes aux définitions des infractions données par la Chambre d’appel. Le Juge de la mise en état déterminera enfin s’il y a lieu d’engager des poursuites contre les suspects concernés sur la base de chaque chef d’accusation, à la lumière des éléments fournis à l’appui de celui‑ci par le Procureur.

a) Le chef d’accusation n° 2: acte de terrorisme, en tant que coauteurs

53. Le Juge de la mise en état observe que le chef d’accusation n° 2 contient les éléments constitutifs de l’infraction d’acte de terrorisme tels qu’ils sont définis par la Chambre d’appel, à savoir: l’accomplissement volontaire d’un acte par des moyens susceptibles de produire un danger commun, avec l’intention spécifique de créer un état d’alarme46. Il note également que ce chef d’accusation est conforme à la Décision préjudicielle47 en qualifiant de circonstances aggravantes « la mort de Rafic Hariri et de 21 autres personnes » et « la destruction partielle de l’hôtel St‑Georges

46 Décision préjudicielle, Dispositif, para. 3.

47 Décision préjudicielle, para. 148.

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Confirmation de l’acte d’accusation

et des édifices avoisinants »48. Certes, selon la Chambre d’appel, ces circonstances ne constituent pas, à proprement parler, des éléments de l’infraction de terrorisme, mais des facteurs aggravants à prendre en compte lors de la détermination de la peine49. Toutefois, le Juge de la mise en état estime qu’il est opportun d’invoquer ces circonstances dans l’Acte d’accusation de façon à ce que les suspects soient pleinement informés de la nature et de l’étendue des charges qui pèsent à leur encontre50. Il examinera donc si ces circonstances sont fondées de prime abord. En revanche, le Juge de la mise en état estime que la tentative « de causer la mort de 231 autres personnes » visée au paragraphe h) de ce chef d’accusation ne devrait pas rentrer dans les éléments constitutifs de l’acte de terrorisme, mais dans ceux de la tentative d’homicide intentionnel. Elle est d’ailleurs reprise à ce titre au chef d’accusation n° 551.

54. S’agissant de la responsabilité des suspects dans l’acte de terrorisme, le Juge de la mise en état note que, selon le chef d’accusation n° 2, ils sont « coauteurs animés d’une intention commune »52. Selon la Chambre d’appel, les coauteurs doivent contribuer à la réalisation des éléments objectifs et subjectifs constitutifs de l’infraction de terrorisme visés au paragraphe précédent53.

55. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, 2), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que54:

48 Acte d’accusation, para. 70 g).

49 Décision préjudicielle, paras. 59 et 145.

50 Cf. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (la « CEDH ») confirme cette interprétation. En effet, selon celle‑ci, « […] pour préparer sa défense, l’accusé a le droit d’être informé non seulement des faits matériels sur lesquels se fonde l’accusation, mais aussi de la qualification juridique précise donnée à ces faits. L’application d’une circonstance aggravante ayant conduit à lui infliger une peine plus lourde, M. de Salvador Torres aurait dû être formellement informé de la possibilité de se voir appliquer cette circonstance » (CEDH, De Salvador Torres c. Espagne, Arrêt, 24 octobre 1996, Recueil 1996‑V, para. 28).

51 Acte d’accusation, paras. 75‑76.

52 Ibid., para. 70 c).

53 Décision préjudicielle, paras. 213‑217.

54 Ces présomptions devront, le cas échéant, être confirmées et les preuves déclarées établies par la Chambre de première instance.

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Confirmation de l’acte d’accusation

i) le 14 février 2005, à 12h55, un engin explosif de forte puissance dissimulé dans une camionnette « Mitsubishi Canter », a explosé sur la voie publique, rue Minet el Hos’n à Beyrouth (Liban) au passage du convoi de M. Hariri, ancien premier ministre et personnalité politique influente du Liban;

ii) l’attentat a causé la mort de M. Hariri et de 21 autres personnes, tout en endommageant plusieurs immeubles aux alentours55;

iii) par son ampleur, cet acte a créé un état d’alarme, aggravé par une revendication publique et une menace de commettre à l’avenir de nombreux autres faits de même nature. Cette revendication était également destinée à créer une fausse piste en vue de soustraire les auteurs de l’attentat à la justice56;

iv) M. Ayyash et M. Badreddine ont participé, en tant que coauteurs, à l’attentat car ils étaient, à des moments‑clés en rapport avec ce dernier, en contact l’un avec l’autre ainsi qu’avec d’autres personnes, tant à proximité du lieu de cet acte qu’à des endroits où se trouvait M. Hariri avant celui‑ci57;

v) M. Ayyash et M. Badreddine étaient impliqués dans les opérations de repérage et de surveillance de M. Hariri notamment par le biais de leurs téléphones mobiles secrets; le dernier appel entre eux ayant eu lieu moins d’une heure avant l’attentat58;

vi) M. Ayyash et M. Badreddine étaient également en contact entre eux lors du repérage et de l’achat à Tripoli de la camionnette « Mitsubishi Canter » utilisée pour dissimuler l’engin explosif et réaliser l’attentat59; et

vii) M. Ayyash était en contact indirect avec M. Oneissi et M. Sabra qui ont participé dans le mois précédent l’attentat au recrutement de M. Abu Adass qui a revendiqué la responsabilité de ce acte dans un enregistrement vidéo diffusé peu après celui‑ci60.

55 Cf. supra, para. 39.

56 Idem.

57 Cf. supra, paras 48 iii) et v).

58 Idem.

59 Cf. supra, paras. 48 iv) et 49 iii).

60 Cf. supra, para. 50 ii).

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56. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Ayyash et M. Badreddine en tant que coauteurs d’un acte de terrorisme. Par conséquent, le chef d’accusation n° 2 doit être confirmé à l’encontre de M. Ayyash et de M. Badreddine sous réserve du paragraphe 70, alinéa h) de l’Acte d’accusation qui vise la tentative « de causer la mort de 231 autres personnes ».

b) Le chef d’accusation n° 3: homicide intentionnel (de M. Hariri), en tant que coauteurs

57. Le Juge de la mise en état observe que le chef d’accusation n° 3 n’énumère pas les éléments constitutifs de l’homicide intentionnel tels qu’ils ont été définis par la Chambre d’appel, alors que le Procureur l’a fait, à juste titre, pour les crimes visés dans d’autres chefs d’accusation. Le Juge de la mise en état considère toutefois que l’exposé concis des faits de l’Acte d’accusation contient les éléments sur la base desquels le Procureur a fondé la qualification juridique d’homicide intentionnel, à savoir l’attentat le 14 février 2005 qui a causé le décès de M. Hariri, commis dans l’intention et avec des moyens susceptibles de provoquer la mort61. Le Juge de la mise en état estime que tant cet exposé des faits que leur qualification juridique ainsi que la référence aux dispositions pertinentes du Statut et du droit libanais figurant dans le chef d’accusation n° 3 garantissent que les accusés sont informés à suffisance des charges qui pèsent à leur encontre.

58. Le Juge de la mise en état souligne également que le paragraphe 72, alinéa e) du chef d’accusation n° 3 est conforme à la Décision préjudicielle62 et, en particulier, aux paragraphes 1 et 7 de l’article 549 du Code pénal libanais, lorsqu’il qualifie de circonstances aggravantes « la préméditation » et « la détonation à 12h55, rue Minet el Hos’n, à Beyrouth (Liban), d’environ 2 500 kilogrammes de matières explosives d’équivalent TNT ». Certes, selon la Chambre d’appel, ces circonstances ne constituent pas, à proprement parler, des éléments de l’infraction d’homicide intentionnel, mais des facteurs aggravants à prendre en compte lors de

61 Acte d’accusation, paras. 7 et suivants.

62 Décision préjudicielle, paras. 167‑175. Bien que la Chambre d’appel ne vise que la préméditation, l’article 549, paragraphe 7 du Code pénal libanais, tel que modifié par l’article 33 du décret‑législatif n° 112 du 16 septembre 1983, qualifie également l’utilisation de matières explosives de circonstance aggravante.

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Confirmation de l’acte d’accusation

la détermination de la peine63. Toutefois, le Juge de la mise en état estime qu’il est opportun d’invoquer ces circonstances dans l’Acte d’accusation de façon à ce que les accusés soient pleinement informés de la nature et de l’étendue des charges qui pèsent à leur encontre64. Il examinera donc si ces circonstances sont fondées de prime abord.

59. S’agissant de la responsabilité des suspects dans la commission de l’homicide intentionnel, le Juge de la mise en état note que, selon le chef d’accusation n° 3, ils sont « coauteurs animés d’une intention commune »65. Selon la Chambre d’appel, les coauteurs doivent contribuer à la réalisation des éléments objectifs et subjectifs constitutifs de l’infraction d’homicide intentionnel66.

60. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, 2), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que67:

i) l’attentat, dont la cible directe était M. Hariri, a causé la mort de ce dernier68;

ii) M. Ayyash et M. Badreddine ont, de prime abord, participé individuellement à la réalisation de cet acte, notamment en raison du fait qu’ils ont été impliqués dans les opérations de surveillance de M. Hariri le jour des faits et les jours qui précédèrent et dans l’achat de la camionnette « Mitsubishi Canter » ayant servi à dissimuler l’engin explosif et à réaliser l’attentat69; et

iii) M. Ayyash et M. Badreddine, avec d’autres, ont planifié et exécuté l’attentat d’une façon telle qu’ils devaient nécessairement être animés de l’intention de causer la mort de M. Hariri, comme le démontre notamment l’importante quantité d’explosifs utilisée.

63 Ibid., paras. 167‑175.

64 Cf. supra para. 53.

65 Acte d’accusation, para. 72 c).

66 Décision préjudicielle, paras. 213‑217.

67 Cf. supra, note 54.

68 Cf. supra, para. 39.

69 Cf. supra, paras. 48 iii)‑v).

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Confirmation de l’acte d’accusation

61. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Ayyash et M. Badreddine en tant que coauteurs d’homicide intentionnel perpétré contre M. Hariri. Par conséquent, le chef d’accusation n° 3 doit être confirmé à l’encontre de M. Ayyash et de M. Badreddine.

c) Le chef d’accusation n° 4: homicide intentionnel (de 21 personnes autres que M. Hariri), en tant que coauteurs

62. Le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’examen du chef d’accusation n° 3 à propos des éléments constitutifs de l’homicide intentionnel, des circonstances aggravantes et de la responsabilité des suspects s’appliquent mutatis mutandis à l’analyse du chef d’accusation n° 470. Il rappelle en outre que, conformément à la Décision préjudicielle de la Chambre d’appel, un individu « peut être poursuivi par le Tribunal pour homicide intentionnel en raison d’un acte touchant des personnes qui n’étaient pas directement visées, dès lors qu’il a prévu l’éventualité de provoquer leur mort et a néanmoins pris le risque qu’il en aille ainsi (dolus eventualis) »71. Enfin, le Juge de la mise en état prend acte du fait que, selon la Décision préjudicielle:

[…] si l’infraction première était préméditée – si l’accusé a ourdi le meurtre d’une personne en particulier – et si cette préméditation a entraîné des décès supplémentaires qui étaient raisonnablement prévisibles, dès lors, aux termes de l’article 549 du Code pénal libanais, la préméditation de l’infraction première constitue une circonstance aggravante tant à l’égard de l’homicide visé que des homicides additionnels. L’accusé devra donc être puni par une peine plus sévère, dès lors que les homicides dont il est reconnu coupable au titre d’un dol éventuel résultent d’une infraction première qui était préméditée72.

63. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, 2), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que73:

70 Cf. supra, paras 57‑59.

71 Décision préjudicielle, Dispositif, para. 12.

72 Ibid., para. 172.

73 Cf. supra, note 54.

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Confirmation de l’acte d’accusation

i) outre le décès de M. Hariri, l’attentat du 14 février 2005 a causé la mort de 21 personnes se trouvant à proximité de l’explosion74. Vu notamment la quantité importante d’explosif utilisée, les circonstances et le mode opératoire de cet attentat, les auteurs ont agi dans l’intention de provoquer ces décès ou ont, à tout le moins, prévu et accepté cette éventualité; et

ii) pour les mêmes motifs que ceux visés au chef d’accusation n° 3, M. Ayyash et M. Badreddine sont individuellement impliqués dans cet acte75;

64. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Ayyash et M. Badreddine en tant que coauteurs d’homicide intentionnel perpétré contre les 21 personnes listées à l’annexe A de l’Acte d’accusation. Par conséquent, le chef d’accusation n° 4 doit être confirmé à l’encontre de M. Ayyash et de M. Badreddine.

d) Le chef d’accusation n° 5: tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes), en tant que coauteurs

65. Le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’examen du chef d’accusation n° 3 à propos des éléments constitutifs de l’homicide intentionnel, des circonstances aggravantes et des modes de responsabilité s’appliquent mutatis mutandis à l’analyse du chef d’accusation n° 576.

66. Le Juge de la mise en état prend acte du fait que, selon la Décision préjudicielle:

[s’] agissant des victimes qui n’étaient pas visées et qui ont été blessées, l’auteur est responsable d’un homicide intentionnel inachevé, car, même s’il n’a pas atteint le résultat escompté pour des raisons indépendantes de sa volonté, il a mis à exécution tous les éléments du crime d’homicide intentionnel sur la base d’un dol éventuel77.

74 Cf. supra, para. 39.

75 Cf. supra, para. 60 ii) et iii).

76 Cf. supra, paras. 57‑59.

77 Décision préjudicielle, para. 183.

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Confirmation de l’acte d’accusation

67. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, 2), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que78:

i) l’attentat du 14 février 2005 a causé des blessures à 231 personnes79;

ii) vu notamment la quantité importante d’explosif utilisée, les circonstances et le mode opératoire de cet attentat, les auteurs ont prévu ou accepté le risque que cet attentat tue des personnes dans le voisinage de l’explosion ; la circonstance qu’il n’y ait pas eu de décès parmi ces personnes n’étant pas de leur fait80; et

iii) pour les mêmes motifs que ceux visés précédemment au chef d’accusation n° 3, M. Ayyash et M. Badreddine sont individuellement impliqués dans ces faits81.

68. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Ayyash et M. Badreddine en tant que coauteurs de tentative d’homicide intentionnel commise contre les 231 personnes listées à l’annexe B de l’Acte d’accusation. Par conséquent, le chef d’accusation n° 5 doit être confirmé à l’encontre de M. Ayyash et de M. Badreddine.

e) Le chef d’accusation n° 6: acte de terrorisme, en tant que complices

69. Le Juge de la mise en état observe que le chef d’accusation n° 6 énonce les éléments constitutifs de l’infraction d’acte de terrorisme tels qu’ils sont définis par la Chambre d’appel.

70. S’agissant de la responsabilité des suspects dans l’acte de terrorisme, le Juge de la mise en état note que, selon l’Acte d’accusation, ils « assum[e]nt la responsabilité pénale individuelle […] en tant que complice[s] »82. Selon la Chambre d’appel83, les

78 Cf. supra, note 54.

79 Cf. supra, para. 39.

80 Ibid.

81 Cf. supra, para. 60 ii) et iii).

82 Acte d’accusation, para. 78 f).

83 Décision préjudicielle, paras. 218‑228.

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Confirmation de l’acte d’accusation

complices doivent avoir agi par un des moyens prescrits à l’article 219 du Code pénal libanais84 et être animés de la connaissance de l’intention des auteurs principaux de commettre le crime et de l’intention d’aider ces auteurs à le perpétrer.

71. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, 2), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que85:

i) M. Oneissi et M. Sabra étaient en contact indirect avec M. Ayyash et ont participé dans le mois précédent l’attentat au recrutement de M. Abu Adass qui a revendiqué la responsabilité de ce acte dans un enregistrement vidéo diffusé peu après celui‑ci86;

ii) M. Oneissi et M. Sabra ont participé à la transmission de la vidéocassette à l’agence de presse Al Jazeera notamment en téléphonant à cette dernière et en surveillant la remise de cette vidéocassette87;

iii) M. Oneissi et M. Sabra sont donc impliqués dans la revendication de l’attentat du 14 février 2005, dont le but partagé était de créer une fausse piste afin de soustraire les auteurs à la justice et d’aggraver l’état d’alarme88;

iv) en préparant la revendication de l’attentat visé au chef d’accusation n° 2 avant son exécution, M. Oneissi et M. Sabra connaissaient l’intention de M. Ayyash et de M. Badreddine de commettre cet acte et ils avaient personnellement la volonté d’y contribuer par ces actes préparatoires; et

v) ce faisant, M. Oneissi et M. Sabra ont prêté leur concours à la préparation et à la réalisation de l’acte terroriste visé au chef d’accusation n° 289.

84 Tel que modifié par l’article 11 du décret‑législatif n° 112 du 16 septembre 1983.

85 Cf. supra, note 54.

86 Cf. supra, paras. 50 i) et ii).

87 Cf. supra, paras. 50 iii)‑v).

88 Cf. supra, paras. 39 et 55 iii).

89 Cf. supra, paras. 55‑56.

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Confirmation de l’acte d’accusation

72. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Oneissi et M. Sabra en tant que complices d’acte de terrorisme. Par conséquent, le chef d’accusation n° 6 doit être confirmé à l’encontre de M. Oneissi et de M. Sabra.

f) Le chef d’accusation n° 7: homicide intentionnel (de M. Hariri), en tant que complices

73. Le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 3 à propos des éléments constitutifs de l’homicide intentionnel s’appliquent également à l’examen du chef d’accusation n° 7.

74. S’agissant de la responsabilité des suspects dans l’homicide intentionnel, le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 6 s’appliquent également à l’examen du chef d’accusation n° 7.90

75. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, 2), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que91:

i) pour les mêmes motifs que ceux mentionnés à propos du chef d’accusation n° 692, M. Oneissi et M. Sabra ont prêté leur concours à la préparation et à la réalisation de l’homicide intentionnel de Rafic Hariri visé au chef d’accusation n° 3; et

ii) M. Oneissi et M. Sabra connaissaient l’intention de M. Ayyash et de M. Badreddine de commettre l’homicide intentionnel de M. Hariri et ils avaient personnellement la volonté d’y contribuer par ces actes préparatoires.

76. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Oneissi et M. Sabra en tant que complices d’homicide intentionnel perpétré contre M. Hariri. Par conséquent, le chef d’accusation n° 7 doit être confirmé à l’encontre de M. Oneissi et de M. Sabra.

90 Cf. supra, para. 70.

91 Cf. supra, note 54.

92 Cf. supra, para. 71.

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Confirmation de l’acte d’accusation

g) Le chef d’accusation n° 8: homicide intentionnel (de 21 personnes autres que M. Hariri), en tant que complices

77. Le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 3 à propos des éléments constitutifs de l’homicide intentionnel s’appliquent mutatis mutandis à l’examen du chef d’accusation n° 893.

78. S’agissant de la responsabilité des suspects dans l’homicide intentionnel, le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 6 s’appliquent également à l’examen du chef d’accusation n° 894.

79. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, 2), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes95 que:

i) pour les mêmes motifs que ceux mentionnés à propos du chef d’accusation n° 6, M. Oneissi et M. Sabra auraient prêté leur concours à la préparation et à la réalisation de l’homicide intentionnel des 21 personnes autres que M. Hariri visé au chef d’accusation n° 496; et

ii) M. Oneissi et M. Sabra connaissaient l’intention de M. Ayyash et de M. Badreddine de commettre l’homicide intentionnel des 21 autres personnes et ils avaient personnellement la volonté d’y contribuer par ces actes préparatoires.

80. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Oneissi et M. Sabra en tant que complices d’homicide intentionnel perpétré contre les 21 personnes listées à l’annexe A à l’Acte d’accusation. Par conséquent, le chef d’accusation n° 8 doit être confirmé à l’encontre de M. Oneissi et de M. Sabra.

93 Cf. supra, para. 57.

94 Cf. supra, para. 70.

95 Cf. supra, note 54.

96 Cf. supra, paras. 55‑56.

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Confirmation de l’acte d’accusation

h) Le chef d’accusation n° 9: tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes), en tant que complices

81. Le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 3 à propos des éléments constitutifs de l’homicide intentionnel s’appliquent mutatis mutandis à l’examen du chef d’accusation n° 9.

82. S’agissant de la responsabilité des suspects dans la tentative d’homicide intentionnel, le Juge de la mise en état note que les observations formulées dans le cadre de l’analyse du chef d’accusation n° 6 s’appliquent également à l’examen du chef d’accusation n° 997.

83. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section VIII, 2), le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que98:

i) pour les mêmes motifs que ceux mentionnés à propos du chef d’accusation n° 6, M. Oneissi et M. Sabra ont prêté leur concours à la préparation et à la réalisation de la tentative d’homicide intentionnel de 231 personnes visée au chef d’accusation n° 599; et

ii) M. Oneissi et M. Sabra connaissaient l’intention de M. Ayyash et de M. Badreddine de tenter de commettre l’homicide intentionnel des 231 autres personnes et ils avaient personnellement la volonté d’y contribuer par ces actes préparatoires.

84. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Oneissi et M. Sabra en tant que complices de tentative d’homicide intentionnel perpétrée contre les 231 personnes listées à l’annexe B à l’Acte d’accusation. Par conséquent, le chef d’accusation n° 9 doit être confirmé à l’encontre de M. Oneissi et de M. Sabra.

97 Cf. supra, para. 70.

98 Cf. supra, note 54.

99 Cf. supra, paras. 55‑56.

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Confirmation de l’acte d’accusation

i) Le chef d’accusation n° 1: complot en vue de commettre un acte de terrorisme, en tant que coauteurs

85. Le Juge de la mise en état observe que le chef d’accusation n° 1100 contient les éléments constitutifs de l’infraction de complot tels qu’ils sont définis par la Chambre d’appel, à savoir: la présence de deux ou plusieurs individus; la conclusion d’une entente ou l’existence d’une adhésion à celle-ci dans le but de commettre un crime contre la sûreté de l’État selon les moyens exigés par la loi pour commettre ce crime; et l’intention criminelle liée à l’objet du complot101. Il note toutefois que l’entente porte, non seulement sur la commission d’un acte contre la sûreté de l’état, mais également sur deux objectifs qui font partie intégrante de cet acte, à savoir: « imputer faussement la responsabilité de [l’]acte [de terrorisme] à des tiers appartenant à un groupe fondamentaliste fictif afin de soustraire à la justice, et aggraver l’état d’alarme en faisant naître au sein de la population un sentiment d’insécurité ainsi que la crainte d’autres attentats publics aveugles »102.

86. S’agissant de la responsabilité des suspects dans le complot, le Juge de la mise en état note que, selon le chef d’accusation n° 1, ils sont « coauteurs animés d’une intention commune »103. Selon la Chambre d’appel, les coauteurs doivent contribuer à la réalisation des éléments objectifs et subjectifs constitutifs de l’infraction de complot en vue de commettre un acte de terrorisme104.

87. Au vu d’un examen des pièces accompagnant l’Acte d’accusation, et notamment des éléments factuels pertinents visés dans la section précédente, le Juge de la mise en état considère qu’il existe des présomptions suffisantes que105:

i) comme il ressort de l’analyse des chefs d’accusation n° 2 à n° 9 ci‑dessus, M. Ayyash, M. Badreddine, M. Oneissi et M. Sabra ainsi que d’autres personnes

100 Acte d’accusation, para. 68 d) et e).

101 Décision préjudicielle, Dispositif, para. 7.

102 Acte d’accusation, para. 68 i).

103 Ibid., para. 68 c).

104 Décision préjudicielle, paras. 213 ‑217.

105 Cf. supra, note 54.

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Confirmation de l’acte d’accusation

non identifiées, étaient en contact, directement ou indirectement, pendant une période significative précédant l’attentat du 14 février 2005, notamment à des moments‑clés en rapport avec cet acte, sa préparation et sa revendication;

ii) par son ampleur, par la personne qu’il visait et par l’état d’alarme qui en a résulté, cet acte terroriste a porté atteinte à la sureté de l’État libanais; et

iii) les actes des quatre suspects et les contacts qu’ils ont entretenus directement ou indirectement entre eux, suggèrent qu’ils ont agi dans le cadre d’une entente préalable en vue de commettre l’acte de terrorisme du 14 février 2005.

88. Dès lors, au vu de ces présomptions, il y a lieu d’engager des poursuites contre M. Ayyash, M. Badreddine, M. Oneissi et M. Sabra en tant que coauteurs d’un complot destiné à commettre un acte de terrorisme. Par conséquent, le chef d’accusation n° 1 doit être confirmé à l’encontre de M. Ayyash, de M. Badreddine, de M. Oneissi et de M. Sabra.

4. Lesconcoursdequalifications106

89. Le Juge de la mise en état rappelle que M. Ayyash et M. Badreddine sont suspectés, en tant que coauteurs, d’autres infractions: complot en vue de commettre un acte de terrorisme, acte de terrorisme, homicide intentionnel de M. Hariri, homicide intentionnel de 21 personnes autres que M. Hariri et tentative d’homicide intentionnel de 231 personnes. À l’exception du complot, toutes ces infractions reposent sur les mêmes faits, à savoir: « l’explosion, le 14 février 2005, à 12h55, rue Minet el Hos’n, voie publique de Beyrouth (Liban), d’environ 2 500 kilogrammes d’équivalent TNT »107. Elles entrent donc en concours de qualifications. Le complot se fonde, quant à lui, sur une action distincte, à savoir: « une entente […] en vue de commettre un acte de terrorisme »108.

106 À propos des concours de qualifications, la Chambre d’appel note que « […] en procédant à la confirmation de l’acte d’accusation, le Juge de la mise en état doit faire preuve de circonspection particulière et n’admettre le cumul de qualifications que si les charges alléguées comportent des éléments constitutifs distincts, qui en font des infractions véritablement distinctes » (Italiques ajoutés) (Décision préjudicielle, para. 298).

107 Acte d’accusation, paras. 70 f), 72 e) ii), 74 h) et 76 g).

108 Ibid., para. 68 d).

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Confirmation de l’acte d’accusation

90. Le Juge de la mise en état note que M. Oneissi et M. Sabra sont suspectés, en tant que coauteurs, de complot en vue de commettre un acte de terrorisme. Ils sont aussi suspectés, en tant que complices, d’autres infractions: acte de terrorisme, homicide intentionnel contre M. Hariri, homicide intentionnel de 21 personnes autres que M. Hariri et tentative d’homicide intentionnel de 231 personnes. À l’exception du complot, toutes ces infractions reposent sur les mêmes faits, à savoir: « les actes préparatoires aux crimes […] » et « [ceux] visant à soustraire les coauteurs et eux‑mêmes à la justice […] »109. Elles entrent donc en concours de qualifications.

91. À cet égard, le Juge de la mise en état rappelle que, selon la Chambre d’appel,

[…] les crimes de complot, d’acte de terrorisme et d’homicide intentionnel sont susceptibles d’un cumul de qualifications, fussent‑ils à raison d’un même fait, puisque leurs qualifications juridiques ne sont pas incompatibles, et parce que l’incrimination de chacun de ces actes vise la protection d’intérêts nettement distincts (respectivement la prévention d’infraction extrêmement dangereuses mais inchoatives, de la terreur parmi la population et de la mort). Dès lors, dans la plupart des cas, il serait approprié de cumuler ces chefs d’accusation plutôt que de les formuler alternativement110.

92. Le Juge de la mise en état considère que cette jurisprudence s’applique également à l’infraction de tentative d’homicide intentionnel qui, bien qu’elle ne soit pas spécifiquement reprise dans le paragraphe précité de la Décision préjudicielle, vise aussi à protéger un intérêt « nettement distinct » des autres crimes susvisés, à savoir « l’intégrité personnelle des victimes concernées »111. En conséquence, il est en théorie permis de cumuler cette infraction avec les autres crimes susvisés.

93. Il découle de ce qui précède que rien ne s’oppose à ce que le Procureur cumule, dans l’Acte d’accusation, les crimes de complot en vue de commettre un acte de terrorisme, de commission d’un acte de terrorisme, d’homicide intentionnel et de tentative d’homicide intentionnel même si, à l’exception du complot, ces crimes trouvent tous leur origine dans les mêmes faits. Le Juge de la mise en état note par

109 Ibid., paras. 78 f) et 80 f).

110 Décision préjudicielle, para. 301.

111 Il convient de noter que les victimes de ce crime sont différentes de celles des autres crimes.

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ailleurs, que l’homicide intentionnel de M. Hariri et celui de 21 personnes autres que M. Hariri constituent, selon la terminologie utilisée par la Chambre d’appel, un concours réel d’infractions112. Ils peuvent également être cumulés dans la mesure où les victimes présumées sont différentes.

94. Par ailleurs, les modes de responsabilité ne posent pas de difficulté en matière de concours de qualifications113. En effet, chaque chef d’accusation ne mentionne qu’un seul mode de responsabilité, la coaction ou la complicité.

95. Le Juge de la mise en état conclut que, de prime abord, les crimes et les modes de responsabilités figurant dans l’Acte d’accusation ont été qualifiés conformément au droit en vigueur.

5. les exigences de motivation et de précision

96. Le Juge de la mise en état considère que l’Acte d’accusation répond aux exigences de motivation et de précision requises par la jurisprudence internationale, le Statut et le Règlement. En effet, l’Acte d’accusation décrit avec suffisamment de détails et de précisions les crimes qui sont reprochés aux suspects et les responsabilités qui leur incombent114. Sans pour autant donner des indications sur le (ou les) mobile(s) de l’attentat, il fournit des renseignements spécifiques sur sa chronologie115, son déroulement116, le complot qui en est à l’origine117, l’identité des suspects118, la manière avec laquelle ils ont été identifiés notamment au travers de

112 Selon la Chambre d’appel, « […] l’auteur d’une infraction peut violer la même disposition pénale au préjudice de diverses personnes par exemple, il tue les membres d’une famille entière. Dans ce cas, une seule règle est violée, celle qui prohibe le meurtre illicite, mais l’infraction est commise à l’encontre de plusieurs victimes. En somme, le concours réel d’infractions ne pose pas de problème majeur d’imputation: dans le premier cas, différents crimes seront reprochés à l’accusé, et, dans le second cas, différents crimes de meurtre autant qu’il existe de victimes lui seront imputés. Les juges seront dès lors appelés à apprécier les éléments de preuve et à se prononcer sur chacune des charges que l’Accusation a pu prouver » (Ibid., para. 275).

113 Ibid., para. 298.

114 Acte d’accusation, paras. 66‑84.

115 Ibid., paras. 33‑47.

116 Ibid., paras. 48‑57.

117 Ibid., paras. 58‑62.

118 Ibid., paras. 4 a)‑d).

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l’analyse de données téléphoniques119, leur rôle présumé dans les faits120 et l’identité des victimes121.

97. Sur cette base, le Juge de la mise en état estime que, de prime abord, sous réserve d’une décision rendue sur les exceptions préjudicielles122, l’Acte d’accusation est suffisamment clair et précis pour permettre aux suspects de comprendre les allégations portées à leur encontre et, en conséquence, leur permettre notamment de préparer leur défense et, le cas échéant, de contester la légalité de leur détention.

IX. Lesexigencesdeconfidentialité

98. Dans la Requête, le Procureur sollicite la non‑divulgation au public de l’Acte d’accusation et des pièces justificatives qui l’appuient jusqu’à ce qu’une ordonnance ultérieure soit rendue à sa demande123. Il requiert également l’expurgation de l’Acte d’accusation en vue de le signifier individuellement à chaque accusé en ne mentionnant que les charges retenues contre lui124 .

99. Dans le cadre de la présente décision, le Juge de la mise en état ne traitera que de la première question. La seconde question sera examinée dans le cadre des mandats d’arrêt portant ordre de transfèrement et de détention.

100. Le Procureur invoque plusieurs raisons à l’appui de sa demande de non‑divulgation qui sont principalement liées à la nécessité de tout mettre en œuvre pour faciliter l’arrestation des accusés, assurer le bon déroulement des enquêtes en cours et garantir la protection des témoins125.

101. Le Juge de la mise en état considère que, conformément à l’article 74 du Règlement, il est justifié de maintenir l’Acte d’accusation et les pièces qui

119 Ibid., paras. 17‑32.

120 Ibid., paras. 58‑65.

121 Cf. notamment annexes A et B.

122 Art. 90 du Règlement.

123 Requête, para. 42.

124 Ibid., para. 43.

125 Ibid., paras. 44‑48.

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l’accompagnent confidentiels essentiellement en raison des circonstances exceptionnelles suivantes. Cette mesure devrait préserver l’intégrité du processus judiciaire et notamment l’effectivité de la recherche et, le cas échéant, l’interpellation des accusés. Elle devrait également contribuer à garantir la protection des témoins concernés en ne révélant pas leur identité et à assurer le bon déroulement des enquêtes en cours en ne dévoilant pas les techniques utilisées et les informations rassemblées.

102. Pour les mêmes raisons, le Juge de la mise en état estime proprio motu que la présente décision doit être maintenue confidentielle.

103. Les pièces justificatives soumises à l’appui de l’Acte d’accusation, seront quant à elles communiquées aux accusés conformément aux dispositions pertinentes du Règlement.

104. L’Acte d’accusation et la présente décision ne pourront être divulgués qu’après la signification effective de l’Acte d’accusation aux accusés ou jusqu’à nouvel ordre, rendu à la demande du Procureur ou proprio motu. L’Acte d’accusation pourra cependant être communiqué aux autorités compétentes de la République libanaise et à celle d’autres États à qui le Procureur transmettrait l’Acte d’accusation en vertu de l’article 74 du Règlement.

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dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs,

En application de l’article 18, paragraphe I) du Statut, et des articles 68 et 74, paragraphe A) du Règlement,

le juGe de lA Mise en ÉTAT,

cOnFiRMe:

1. à l’encontre de M. Ayyash, en tant que coauteur, les chefs d’accusation visés dans l’Acte d’accusation de:

i) complot en vue de commettre un acte de terrorisme (chef d’accusation n° 1);

ii) acte de terrorisme (chef d’accusation n° 2, sous réserve du paragraphe 70, alinéa h) de l’Acte d’accusation);

iii) homicide intentionnel (de M. Hariri) (chef d’accusation n° 3);

iv) homicide intentionnel (de 21 personnes listées à l’annexe A de l’Acte d’accusation) (chef d’accusation n° 4); et

v) tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes listées à l’annexe B de l’Acte d’accusation) (chef d’accusation n° 5);

2. à l’encontre de M. Badreddine, en tant que coauteur, les chefs d’accusation visés dans l’Acte d’accusation de:

i) complot en vue de commettre un acte de terrorisme (chef d’accusation n° 1);

ii) acte de terrorisme (chef d’accusation n° 2, sous réserve du paragraphe 70, alinéa h) de l’Acte d’accusation);

iii) homicide intentionnel (de M. Hariri) (chef d’accusation n° 3);

iv) homicide intentionnel (de 21 personnes listées à l’annexe A de l’Acte d’accusation) (chef d’accusation n° 4); et

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290

Confirmation de l’acte d’accusation

v) tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes listées à l’annexe B de l’Acte d’accusation) (chef d’accusation n° 5);

3. à l’encontre de M. Oneissi les chefs d’accusation visés dans l’Acte d’accusation de:

i) en tant que coauteur, complot en vue de commettre un acte de terrorisme (chef d’accusation n° 1);

ii) en tant que complice:

a. acte de terrorisme (chef d’accusation n° 6);

b. homicide intentionnel (de M. Hariri) (chef d’accusation n° 7);

c. homicide intentionnel (de 21 personnes listées à l’annexe A de l’Acte d’accusation) (chef d’accusation n° 8), et

d. tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes listées à l’annexe B de l’Acte d’accusation) (chef d’accusation n° 9);

4. à l’encontre de M. sabra les chefs d’accusation visés dans l’Acte d’accusation de:

i) en tant que coauteur, complot en vue de commettre un acte de terrorisme (chef d’accusation n° 1);

ii) en tant que complice:

a. acte de terrorisme (chef d’accusation n° 6);

b. homicide intentionnel (de M. Hariri) (chef d’accusation n° 7);

c. homicide intentionnel (de 21 personnes listées à l’annexe A de l’Acte d’accusation) (chef d’accusation n° 8); et

d. tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes listées à l’annexe B de l’Acte d’accusation) (chef d’accusation n° 9); et

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291

Confirmation de l’acte d’accusation

dÉclARe que les pièces justificatives soumises à l’appui de l’Acte d’accusation soient communiquées aux accusés conformément aux dispositions pertinentes du Règlement; et

ORdOnne que l’Acte d’accusation et la présente décision soient maintenus confidentiels, jusqu’à la signification effective de l’Acte d’accusation aux accusés ou jusqu’à nouvel ordre, excepté l’Acte d’accusation qui pourra être divulgué aux autorités compétentes de la République libanaise et à celles d’autres États à qui le Procureur le transmettrait en vertu de l’article 74 du Règlement.

Fait en anglais, en arabe et en français, la version française faisant foi.

Leidschendam, le 28 juin 2011.

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

devant : juge de la mise en état

Titre : Acte d’accusation

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295

deVAnT le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n°: sTl-11-01/i/pTjDéposé par : juge de la mise en étatDéposant : le procureurDate du document : le 10 juin 2011Langue de l’original : AnglaisType de document : Version publique expurgée

LE PROCUREURc.

MUSTAFA AMINE BADREDDINE,SALIM JAMIL AYYASH,

HUSSEIN HASSAN ONEISSI &ASSAD HASSAN SABRA

AcTe d’AccusATiOn

Déposé par :le procureur D.A. Bellemare, MSM, c.r

Distribution :LeGreffier M. Herman von Hebel

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 2 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

I. Préambule 

1. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article premier et l’article 11 du

Statut du Tribunal spécial pour le Liban, le Procureur du Tribunal, en application des

articles 2 et 3 du Statut et, à ce titre, des dispositions du Code pénal libanais1 et de la

loi libanaise du 11 janvier 1958 « renforçant les peines relatives à la sédition, à la

guerre civile et à la lutte confessionnelle2 », accuse :

a. MUSTAFA AMINE BADREDDINE, SALIM JAMIL AYYASH, HUSSEIN

HASSAN ONEISSI, et ASSAD HASSAN SABRA, individuellement et

collectivement, de :

Chef d’accusation 1 - Complot en vue de commettre un acte de terrorisme,

et

b. MUSTAFA AMINE BADREDDINE et SALIM JAMIL AYYASH,

individuellement et collectivement, de:

Chef d’accusation 2 - Commission d’un acte de terrorisme au moyen d’un

engin explosif ;

Chef d’accusation 3 - Homicide intentionnel (de Rafic HARIRI) avec

préméditation au moyen de matières explosives ;

Chef d’accusation 4 - Homicide intentionnel (de 21 personnes, en sus de

l’homicide intentionnel de Rafic HARIRI) avec préméditation au

moyen de matières explosives ;

Chef d’accusation 5 - Tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes,

en sus de l’homicide intentionnel de Rafic HARIRI) avec

préméditation au moyen de matières explosives ; et 1 Tel que traduit de l’arabe vers l’anglais par la Section des services linguistiques du Tribunal spécial pour le Liban. 2 Tel que traduit en janvier 2011 de l’arabe vers l’anglais par la Section des services linguistiques du Tribunal spécial pour le Liban.

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090607 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

PUBLIC REDACTED VERSION

R091782 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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297

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 3 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

c. HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA, individuellement

et collectivement, de:

Chef d’accusation 6 - Complicité de commission d’un acte de terrorisme

au moyen d’un engin explosif ;

Chef d’accusation 7 - Complicité d’homicide intentionnel (de Rafic

HARIRI) avec préméditation au moyen de matières explosives ;

Chef d’accusation 8 - Complicité d’homicide intentionnel (de 21 personnes,

en sus de l’homicide intentionnel de Rafic HARIRI) avec préméditation

au moyen de matières explosives ; et

Chef d’accusation 9 - Complicité de tentative d’homicide intentionnel (de

231 personnes, en sus de l’homicide intentionnel de Rafic HARIRI) avec

préméditation au moyen de matières explosives.

2. L’Acte d’accusation expose les allégations du Procureur concernant l’attentat du

14 février 2005 qui a causé la mort de Rafic HARIRI et de 21 autres personnes et

infligé des blessures à 231 autres personnes. Comme il est de règle dans toutes les

affaires pénales, les Accusés sont présumés innocents jusqu’à ce que leur culpabilité

soit prouvée devant un tribunal.

3. Les charges portées à l’encontre des Accusés reposent en grande partie sur des

preuves circonstancielles, qui opèrent logiquement par inférence et déduction et sont

souvent plus fiables que les preuves directes susceptibles d’être altérées par la perte

de souvenirs de première main ou par la déformation de déclarations de témoins

oculaires. Il est un principe général de droit reconnu selon lequel les preuves

circonstancielles ont un poids et une valeur probante équivalents à ceux des preuves

directes et peuvent être plus solides que les preuves directes.

 

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090608 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

PUBLIC REDACTED VERSION

R091783 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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298

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 4 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

II. Les Accusés 

4. Conformément à l’article 68 D) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal

spécial pour le Liban, les noms et les renseignements personnels des Accusés visés

dans le présent Acte d’accusation sont tels qu’exposés ci-après :

a. MUSTAFA AMINE BADREDDINE3 (BADREDDINE) (alias « Mustafa

Youssef BADREDDINE », « Sami ISSA » et « Elias Fouad SAAB ») est né le

6 avril 1961 à Al-Ghobeiry, Beyrouth (Liban). Il est le fils de Amine

BADREDDINE (père) et de Fatima JEZEINI (mère). Son adresse précise est

inconnue, bien que son nom ait été associé à la maison appartenant à Khalil Al-

Raii, sise rue Abdallah Al-Hajj, à Al-Ghobeiry, au sud de Beyrouth, ainsi qu’à

l’immeuble Al-Jinan, sis rue Al-Odaimi, Haret Hreik, à Beyrouth. Il est citoyen

libanais, et est inscrit sur le registre de l’état civil du Liban sous le numéro

341/Al-Ghobeiry. Sous la fausse identité de « Elias Fouad SAAB »,

BADREDDINE avait été condamné au Koweït pour une série d’attentats

terroristes qui y avaient été perpétrés le 12 décembre 1983. Des auteurs d’attentat-

suicide avaient notamment dirigé des camionnettes bourrées d’explosifs contre les

ambassades de France et des États-Unis. Il avait été condamné à mort, mais s’était

évadé de prison lors de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990.

b. SALIM JAMIL AYYASH4 (AYYASH) est né le 10 novembre 1963 à Harouf

(Liban). Il est le fils de Jamil Dakhil AYYASH (père) et de Mahasen Issa

SALAMEH (mère). Il a résidé notamment rue Al Jamous, bâtiment Tabajah sis à

Hadeth, au sud de Beyrouth, et dans l’enceinte de la propriété de la famille

AYYASH à Harouf, Nabatiyeh, au sud du Liban. Il est citoyen libanais ; il est

inscrit sur le registre de l’état civil du Liban sous le numéro 197/Harouf ; il est

titulaire d’un passeport hadj portant le numéro 059386, et son numéro de sécurité

sociale est 63/690790.

3 En arabe, مصطفى أمين بدر الدين 4 En arabe, سليم جميل عياش

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090609 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

PUBLIC REDACTED VERSION

R091784 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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299

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 5 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

c. HUSSEIN HASSAN ONEISSI5 (ONEISSI) (alias « Hussein Hassan ISSA »)

est né le 11 février 1974 à Beyrouth (Liban). Il est le fils de Hassan ONEISSI

(alias « Hassan ISSA ») (père) et de Fatima DARWISH (mère). Il a résidé rue Al-

Jamous, bâtiment Ahmad Abbas, sis près du Lycée des Arts, à Hadeth, au sud de

Beyrouth. Il est citoyen libanais ; il est inscrit sur le registre de l’état civil du

Liban sous le numéro 7/Shahour.

d. ASSAD HASSAN SABRA6 (SABRA) est né le 15 octobre 1976 à Beyrouth

(Liban). Il est le fils de Hassan Tahan SABRA (père) et de Leila SALEH (mère).

Il a résidé dans l’appartement 2, situé au 4e étage du bâtiment 28, sis à Hadeth 3,

au sud de Beyrouth, de la rue 58, rue également dénommée rue Ste Thérèse. Il est

citoyen libanais ; il est inscrit sur le registre de l’état civil du Liban sous le

numéro 1339/Zqaq Al-Blat.

5. Les quatre Accusés ont, avec d’autres personnes, participé à un complot en vue de

commettre un acte de terrorisme visant l’assassinat de Rafic HARIRI, et leur rôles

respectifs peuvent être résumés ainsi : BADREDDINE dirigeait l’opération

de manière générale ; AYYASH assurait la coordination de l’équipe d’exécution de

l’assassinat, responsable de la réalisation matérielle de l’attentat ; ONEISSI et

SABRA avaient pour tâche d’organiser la fausse revendication de responsabilité, dont

le but était de désigner faussement les personnes qui devaient être la cible de

l’enquête et de soustraire ainsi les auteurs du complot à la justice. En tant que

participants au complot, les quatre Accusés ont joué des rôles importants dans

l’attentat du 14 février 2005 et, à ce titre, tous les quatre portent la responsabilité

pénale des résultats de l’attentat.

 

5 En arabe, حسين حسن عنيسي , le nom à la naissance « ISSA» ayant été changé en « ONEISSI » par décision judiciaire le 12 janvier 2004. 6 En arabe, أسد حسن صبرا

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090610 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

PUBLIC REDACTED VERSION

R091785 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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300

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 6 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

III. Exposé concis des faits 

6. En application de l’article 68 D) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal

spécial pour le Liban, le Procureur affirme que les faits décrits ci-après ont été établis

dans le cadre de l’enquête en cours.

A. APERÇU GÉNÉRAL 

7. Le 14 février 2005, à 12 h 55, rue Minet el Hos’n à Beyrouth, Rafic HARIRI, ancien

Premier ministre du Liban, a été assassiné à la suite d’un acte de terrorisme ayant

consisté en la détonation, par l’auteur d’un attentat-suicide, d’une importante quantité

de matières hautement explosives dissimulées dans une camionnette Mitsubishi

Canter. En sus de l’homicide de HARIRI, l’explosion a causé la mort de 21 autres

personnes (dont la liste figure en Annexe A) et infligé des blessures à 231 personnes

(dont la liste figure en Annexe B).

8. Peu après l’explosion, la chaîne d’informations Al-Jazeera à Beyrouth a reçu une

cassette vidéo, ainsi qu’une lettre dans laquelle un homme, nommé Ahmad ABU

ADASS (ABU ADASS), s’attribuait faussement la responsabilité de l’attentat-suicide

perpétré au nom d’un groupe fondamentaliste fictif dénommé « Victoire et Jihad en

Grande Syrie ». Cette vidéo a par la suite été diffusée à la télévision.

B. RAFIC HARIRI 

9. Rafic Baha'eddine AL-HARIRI (HARIRI) est né le 1er novembre 1944 dans la ville

de Sidon (Liban). Il a été, du 31 octobre 1992 au 4 décembre 1998, et du 26 octobre

2000 jusqu'à sa démission, le 26 octobre 2004, Premier ministre du Liban dans cinq

gouvernements.

10. Entre le 20 octobre 2004 et la date de son assassinat, HARIRI a été membre du

Parlement, et une figure politique de premier plan au Liban. Dès sa démission de la

fonction de Premier ministre en 2004, il a commencé à se préparer en vue des

élections législatives qui devaient se tenir en juin 2005.

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090611 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091786 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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301

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 7 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

11. Le 14 février 2005, au matin, HARIRI a quitté sa résidence du Palais de Quraitem, à

l’ouest de Beyrouth, pour assister à une séance du Parlement, situé Place de l’Étoile, à

Beyrouth.

12. Peu avant 11 h 00, HARIRI est arrivé au Parlement, où il a rencontré de nombreux

députés, y compris sa sœur, la députée Bahia HARIRI, ainsi que le député Marwan

HAMADEH.

13. Peu avant 12 h 00, HARIRI a quitté le Parlement pour se rendre au Café Place de

l’Étoile, situé à proximité, où il est resté environ 45 minutes.

14. À 12 h 45 environ, HARIRI a quitté le Café et a demandé à son détachement de

sécurité de mettre en place le dispositif du convoi pour revenir à sa résidence en vue

d’un rendez-vous pour le déjeuner.

15. À 12 h 49 environ, HARIRI est entré dans son véhicule blindé, accompagné du

député Bassel FULEIHAN, et le convoi s’est ébranlé en direction de la Place de

l’Étoile. Son détachement de sécurité avait prévu de retourner au Palais Quraitem en

empruntant la route qui longe la côte.

16. Précédant le convoi de deux minutes environ, la camionnette Mitsubishi Canter se

dirigeait lentement vers sa destination finale sur la rue Minet el Hos’n. Au moment où

le convoi passait, l’auteur de l’attentat-suicide a fait détoner les matières explosives.

C. L’ANALYSE DES COMMUNICATIONS  

17. Les éléments de preuve rassemblés tout au long de l’enquête, y compris les

déclarations de témoins, les preuves documentaires ainsi que les relevés des

communications téléphoniques (RCT) des téléphones mobiles au Liban ont conduit à

l’identification de certaines des personnes responsables de l’attentat perpétré contre

HARIRI.

18. Les relevés des communications téléphoniques contiennent des informations telles

que les numéros de téléphone des appels entrants et sortants, la date et l’heure d’un

appel, sa durée, le type d’appel (vocal ou message textuel), ainsi que l’emplacement

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090612 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091787 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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302

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 8 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

approximatif des téléphones mobiles par rapport aux tours de téléphonie cellulaire

ayant acheminé l’appel.

1. RÉSEAUX DE TÉLÉPHONES MOBILES 

19. L’analyse des relevés des communications téléphoniques a indiqué la présence d’un

certain nombre de réseaux de téléphones mobiles interconnectés qui ont joué un rôle

dans l’assassinat de HARIRI. Chaque réseau était constitué d’un groupe de

téléphones, généralement enregistrés sous des noms d’emprunt, qui communiquaient

très fréquemment entre eux.

20. Deux types de réseaux ont été identifiés, pouvant être décrits comme :

a. des « réseaux sec rets », uniquement réservés aux appels passés entre leurs

membres ; ou comme

b. des « réseaux ouverts », par l’entremise desquels les membres appelaient parfois

des personnes extérieures au groupe.

21. L’enquête a révélé l’existence de cinq réseaux secrets et ouverts présentés selon le

code couleur ci-après :

a. le réseau rouge : réseau secret constitué de téléphones (dont étaient

particulièrement actifs) utilisés par l’équipe d’exécution de l’assassinat. Ce réseau

a été opérationnel dès le 4 janvier 2005, jusqu’à ce qu’il cesse toute activité deux

minutes avant l’attentat du 14 février 2005. Les numéros des téléphones du réseau

rouge, ainsi que leurs noms de code, sont :

Réseau rouge Numéro

Nom de code

b. le réseau vert : groupe de téléphones qui ont formé un réseau secret à partir

du 13 octobre 2004 jusqu’à ce qu’il cesse toute activité le 14 février 2005, environ

une heure avant l’attentat. Deux téléphones parmi les du réseau vert ont été

utilisés pour contrôler et coordonner l’attentat. Les téléphones du réseau

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090613 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

PUBLIC REDACTED VERSION

R091788 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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303

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 9 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

vert ont à un moment donné fait partie d’un groupe de téléphones. Les

numéros des téléphones du réseau vert, ainsi que leurs noms de code, sont :

Réseau vert Numéro

Nom de code

c. Les téléphones bleus : réseau ouvert, constitué de téléphones, et opérationnel

entre septembre 2004 et septembre 2005. Les téléphones bleus ont été utilisés par

l’équipe d’exécution de l’assassinat notamment pour accomplir les actes

préparatoires à l’attentat et assurer la surveillance de HARIRI.

d. Les téléphones jaunes : réseau ouvert, constitué de téléphones activés entre

1999 et 2003, et opérationnel jusqu’au 7 janvier 2005. Les téléphones jaunes ont

été, avec le temps, remplacés, pour la plupart, par des téléphones bleus.

e. Les téléphones violets : réseau ouvert, constitué de téléphones d’usage

courant activés avant 2003, et opérationnel jusqu’au 15 ou 16 février 2005. Les

téléphones violets ont été utilisés pour assurer la coordination de la fausse

revendication de responsabilité.

22. Certains utilisateurs de téléphones de réseau possédaient et utilisaient plusieurs

téléphones sur les différents réseaux.

a. L’analyse des relevés des communications téléphoniques montre de nombreux cas

où un téléphone du réseau rouge était utilisé dans le même lieu, à la même date,

et dans le même laps de temps que les autres téléphones, y compris un téléphone

du réseau vert et des téléphones du réseau bleu. Il est raisonnable de déduire, en

pareils cas, qu’une personne est en train d’utiliser plusieurs téléphones à la fois

lorsque, sur une période significative, les schémas d’utilisation de chacun des

téléphones ne varient jamais de façon inexplicable, lorsque les tours de téléphonie

cellulaire enregistrent la présence concomitante de ces téléphones dans des zones

géographiques étendues, et lorsque ces téléphones ne communiquent pas entre

eux. Cette situation s’appelle le « POSITIONNEMENT MUTUEL ».

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

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Acte d’accusation

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b. À titre d’exemple, téléphones bleus se positionnaient mutuellement avec

téléphones du réseau rouge de la manière suivante :

Téléphones bleus

Téléphones bleus Noms de code Mutuellement positionnés avec le Réseau rouge

23. De surcroît, l’analyse des relevés des communications téléphoniques fait apparaître un

positionnement mutuel entre des téléphones du réseau et des téléphones mobiles

personnels (TMP).

a. Un TMP est un téléphone utilisé pour les affaires quotidiennes, notamment les

communications avec l’entourage familial, les amis et les relations d’affaires

normales. D’une manière générale, un TMP est donc utilisé pour appeler des

personnes qui n’agissent pas clandestinement et dont on peut plus aisément

déceler l’identité.

b. En déterminant quelles sont les personnes qui ont été en contact avec un TMP

puis en menant une enquête à leur sujet, il est possible d’identifier l’utilisateur du

téléphone en question.

c. Le fait d’identifier l’utilisateur d’un téléphone s’appelle l’« ATTRIBUTION ».

24. Une fois qu’il est démontré que des téléphones de réseau, enregistrés sous des noms

d’emprunt, se positionnent mutuellement avec des TMP, et après l’attribution d’un

TMP, une personne peut être identifiée comme étant l’utilisateur d’un téléphone de

réseau grâce au positionnement mutuel.

2. L’ASSASSINAT A ÉTÉ EXÉCUTÉ PAR LES MEMBRES DU RÉSEAU ROUGE  

25. Les utilisateurs du réseau rouge, dont d’entre eux étaient en possession d’un

téléphone bleu en positionnement mutuel, constituaient l’équipe qui a exécuté

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 11 de 54 Le 10 juin 2011

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l’assassinat de HARIRI. L’équipe d’exécution qui a procédé à l’assassinat, composée

de membres, était dirigée par AYYASH, et les autres membres de cette

équipe n’ont pas encore été identifiés. L’équipe d’exécution de l’assassinat effectuait

la surveillance et a matériellement perpétré l’attentat. Cette allégation peut

raisonnablement être déduite des faits suivants:

a. Le réseau rouge avait un caractère secret et fonctionnait de façon organisée et

disciplinée au motif que :

i. les utilisateurs du réseau rouge s’appelaient exclusivement les uns les autres ;

ii. les téléphones du réseau rouge ont été activés ensemble, le 4 janvier 2005

dans la zone de Tripoli, dans un laps de temps de 30 minutes, ce qui montre que

l’activation de ces téléphones a été coordonnée ;

iii. tous les téléphones du réseau rouge ont été enregistrés sous des noms

d’emprunt ; et

iv. les comptes de tous les téléphones du réseau rouge ont été rechargés ensemble

le 2 février 2005 dans la région de Tripoli, dans un laps de temps de 45 minutes,

ce qui montre que la recharge des comptes était coordonnée.

b. Le positionnement et le mouvement concomitant des téléphones du réseau rouge

et des téléphones bleus indiquent que HARIRI a fait l’objet d’une surveillance

pendant au moins 15 jours avant le 14 février 2005. Entre le 11 novembre 2004 et

le 14 février 2005, le mouvement concomitant des téléphones du réseau rouge et

des téléphones bleus positionnés mutuellement, comme le prouvent l’heure et le

lieu des appels, coïncidaient souvent avec :

i. les mouvements de HARIRI ; et

ii. les lieux se rapportant à HARIRI, tels que sa résidence du Palais de Quraitem à

Beyrouth ou sa villa à Faqra.

c. Les téléphones bleus positionnés mutuellement montrent le lien existant avec

l’achat d’une camionnette Mitsubishi Canter, effectué à Tripoli le 25 janvier 2005.

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 12 de 54 Le 10 juin 2011

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d. On peut raisonnablement conclure que l’activité des téléphones du réseau rouge,

le 14 février 2005, atteste de l’exécution de l’attentat commis contre HARIRI, au

motif que :

i. des téléphones du réseau rouge étaient actifs à Beyrouth ;

ii. les mouvements des téléphones du réseau rouge correspondent aux

mouvements de HARIRI, depuis les abords de sa résidence du Palais de

Quraitem dans la matinée, puis plus tard en direction du Parlement, puis aux

alentours de l’hôtel St-Georges où l’attentat a été perpétré ;

iii. les 33 derniers appels émanant des téléphones du réseau rouge entre 11 h 00 et

12 h 53 ont été effectués pour la plupart dans le voisinage du Parlement et de

l’hôtel St-Georges ;

iv. à 12 h 50, l’utilisateur d’un téléphone du réseau rouge posté dans le voisinage

du Parlement a appelé l’utilisateur d’un téléphone du réseau rouge posté à

proximité de l’hôtel St-Georges au moment précis où HARIRI quittait la zone

du Parlement dans le convoi où se trouvait le véhicule qu’il occupait, moment

qui a coïncidé avec le déplacement de la camionnette Mitsubishi Canter vers

son lieu de stationnement final en vue de la détonation.

e. Tous les téléphones du réseau rouge ont cessé d’être utilisés deux minutes avant

l’attentat, moment où la camionnette Mitsubishi Canter a atteint son lieu de

stationnement final. Ces téléphones n’ont plus jamais été utilisés.

f. Des développements figurant aux paragraphes 25 a) à e) ci-dessus, il est

raisonnable de conclure que l’utilisation des téléphones du réseau rouge ne

correspond pas à des communications innocentes ou de pure coïncidence. Elle

révèle, au contraire, une utilisation coordonnée de ces téléphones en vue de

commettre l’assassinat. En outre, il est raisonnable de conclure que le

déplacement de la camionnette Mitsubishi Canter dans les deux minutes ayant

précédé l’arrivée du convoi ne saurait constituer une circonstance fortuite et

résulte assurément d’une coordination, comme en témoigne l’utilisation des

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Acte d’accusation

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téléphones du réseau rouge, entre des personnes qui suivaient le déplacement du

convoi et le conducteur de la camionnette.

3. IDENTIFICATION DES ACCUSÉS 

26. L’analyse des communications, notamment du positionnement mutuel, les

déclarations de témoins ainsi que les preuves documentaires ont établi que Mustafa

Amine BADREDDINE, Salim Jamil AYYASH, Hussein Hassan ONEISSI et

Assad Hassan SABRA, parmi d’autres personnes non encore identifiées, ont joué des

rôles différents dans l’homicide de HARIRI et d’autres personnes au moyen d’un acte

de terrorisme.

27. Les Accusés ont utilisé divers téléphones avant, pendant et après l’attentat.

28. AYYASH a utilisé, à l’époque considérée, au moins huit téléphones, y compris un

téléphone dans chacun des réseaux suivants : le réseau rouge, le réseau vert, les

téléphones bleus et les téléphones jaunes, ainsi que quatre TMP.

a. son numéro de téléphone du réseau rouge était le ;

b. son numéro de téléphone du réseau vert était le ;

c. son numéro de téléphone bleu était le ;

d. son numéro de téléphone jaune était le ; et

e. les numéros de ses quatre TMP étaient les suivants :

i. ;

ii. ;

iii. ; et

iv.

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 14 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

29. BADREDDINE a utilisé, à l’époque considérée, au moins huit téléphones, à savoir

un téléphone du réseau vert et sept TMP.

a. Son numéro de téléphone du réseau vert était le ; et

b. les numéros de ses TMP étaient les suivants :

i.

ii.

iii.

iv.

v.

vi. et

vii.

c. L’analyse a initialement attribué certains TMP mentionnés au paragraphe 29 b) à

un homme répondant au nom de « Sami ISSA ». Une analyse approfondie des

communications et une enquête menée sur « Sami ISSA » ont révélé qu’il

s’agissait d’une fausse identité utilisée par BADREDDINE. On peut

raisonnablement conclure que les antécédents de BADREDDINE en tant que

personne rompue à l’exécution d’actes de terrorisme corroborent l’allégation selon

laquelle « Sami ISSA » est son nom d’emprunt.

30. ONEISSI a utilisé au moins un téléphone, à savoir un téléphone violet, dont le

numéro est le

31. SABRA a utilisé au moins un téléphone, à savoir un téléphone violet, dont le numéro

est le

32. L’analyse de l’historique de leurs communications téléphoniques a permis de mettre

en lumière les rôles respectifs de chacun des Accusés dans l’attentat :

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 15 de 54 Le 10 juin 2011

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a. BADREDDINE, en utilisant Vert communiquait de manière secrète avec

AYYASH sur Vert et, par le biais de ces appels, contrôlait la préparation et

l’exécution de l’attentat par AYYASH et les autres membres de l’équipe

d’exécution de l’assassinat.

b. AYYASH, en utilisant à la fois Rouge et Bleu , assurait la coordination

de l’équipe d’exécution de l’assassinat par le truchement de leurs téléphones du

réseau rouge et des téléphones bleus.

c. ONEISSI, en utilisant Violet et SABRA, en utilisant Violet , communiquaient avec une personne non identifiée qui utilisait le

Violet afin de rendre compte de l’état d’avancement de la fausse revendication de responsabilité. Pendant ce temps, AYYASH, en utilisant le TMP était également en communication avec Violet Il est raisonnable de conclure que AYYASH assurait le suivi des préparatifs en vue de la fausse revendication de responsabilité.

d. La section ci-après, qui expose la chronologie de l’attentat, décrit plus précisément le rôle joué par chacun des Accusés. Une représentation graphique des liens existant entre eux figure ci-dessous :

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Acte d’accusation

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Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mustafa Amine BADREDDINE

Hussein Hassan ONEISSI

Assad Hassan SABRA

L’équipe de la fausse revendication de responsabilité (R seau viol t)

L’équipe d’exécution de l’assassinat (Réseau rouge avec téléphones bleus positionnés mutuellement)

Contact entre

Le chef des opérations (Réseau vert)

Contact entre

Salim Jamil AYYASH

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 17 de 54 Le 10 juin 2011

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D. CHRONOLOGIE DE L’ATTENTAT 

1. Les actes préparatoires 

33. L’enquête a mis au jour des éléments de preuve établissant que AYYASH et d’autres

membres de l’équipe d’exécution de l’assassinat ont observé Rafic HARIRI pendant

un certain nombre de jours précédant l’attentat. En comparant les mouvements de

Rafic HARIRI et le mouvement concomitant des téléphones bleus et des téléphones

du réseau rouge, il est raisonnable de conclure que ces périodes d’observation

constituaient des actes préparatoires à l’assassinat. En résumé, ces mouvements

parallèles de HARIRI et des téléphones bleus ainsi que des téléphones du réseau

rouge ne sauraient s’expliquer par une simple coïncidence.

34. Pendant au moins 20 jours, entre le 11 novembre 2004 et le 14 février 2005,

AYYASH et d’autres membres de l’équipe d’exécution de l’assassinat, en

communiquant au moyen de leurs téléphones bleus et des téléphones du réseau

rouge, ont accompli des actes préparatoires à l’attentat, y compris en procédant à

l’observation et à la surveillance de HARIRI, en vue de connaître les itinéraires et les

mouvements de son convoi ainsi que la position du véhicule de HARIRI au sein de

celui-ci. Il y a eu surveillance au moins pendant 15 jours, et en particulier les

11 novembre 2004, 1er, 7, 14, 20, 28 et 31 janvier 2005, et les 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11 et

12 février 2005. Sur la base de cette surveillance, AYYASH et les membres de

l’équipe ont fixé le jour, le lieu et la méthode les plus indiqués pour l’attentat qu’ils

ont ensuite perpétré le 14 février 2005.

35. Dans le cadre de l’accomplissement des actes préparatoires à l’assassinat, entre

le 22 décembre 2004 et le 17 janvier 2005, ONEISSI et SABRA étaient chargés de

repérer un inconnu susceptible d’être instrumentalisé aux fins de revendiquer

faussement, dans un enregistrement vidéo, la responsabilité de l’attentat commis

contre HARIRI. Après que ONEISSI se fût présenté sous la fausse identité de

« Mohammed », ils ont choisi ABU ADASS, un ressortissant palestinien âgé de

22 ans, qu’ils ont trouvé à la Mosquée universitaire arabe de Beyrouth (également

désigné sous le nom de Mosquée Al-Houry).

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Acte d’accusation

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a. L’activité de ONEISSI et SABRA est mise en évidence, entre autres, par le fait

que leurs téléphones violets, notamment Violet et Violet , ont été

enregistrés par la tour de téléphonie cellulaire couvrant la mosquée pendant

11 jours, soit les 22, 29, 30 et 31 décembre 2004 et les 1er, 3, 4, 5, 6, 7 et

17 janvier 2005. Plus tard, après l’attentat, ONEISSI et SABRA livreront la

cassette vidéo, accompagnée d’une lettre en arabe, pour diffusion.

b. ONEISSI et SABRA ont eu de fréquents contacts avec la personne non identifiée

qui utilisait Violet Plus précisément, SABRA a été 213 fois en contact avec

Violet entre le 7 janvier 2003 et le 14 février 2005, et ONEISSI a été 195 fois

en contact avec Violet entre le 25 juin 2003 et le 26 janvier 2005. Cet

historique des communications téléphoniques révèle à la fois la

compartimentation des rôles et le fait que Violet servait d’intermédiaire entre

AYYASH, ONEISSI et SABRA.

c. Entre le 4 décembre 2003 et le 6 février 2005, la personne non identifiée qui

utilisait le téléphone Violet a été 32 fois en contact avec AYYASH sur ses

TMP TMP et TMP , et en particulier sept fois avec son TMP

entre le 23 janvier 2005 et le 6 février 2005.

36. Entre le 1er janvier 2005 et le 14 février 2005, souvent lorsque les membres de

l’équipe d’exécution déployaient leur activité, BADREDDINE, sur Vert a été

59 fois en contact avec AYYASH sur Vert

37. Le 4 janvier 2005, les téléphones du réseau rouge ont été activés dans la région

de Tripoli dans un laps de temps de 30 minutes environ. téléphone bleu et

téléphones jaunes se trouvaient à proximité au moment de l’activation.

38. Le 11 janvier 2005, AYYASH s’est rendu dans le quartier de El-Beddaoui à Tripoli

où se trouvaient des salles d’exposition de véhicules, y compris celle dans laquelle la

camionnette Mitsubishi Canter devait être achetée le 25 janvier 2005. À partir du

même quartier, AYYASH, sur Vert , a communiqué deux fois avec

BADREDDINE sur Vert

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Acte d’accusation

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Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

39. Le 16 janvier 2005, aux environs de 7 h 00, ABU ADASS a quitté son domicile en

vue de rencontrer ONEISSI, qui se faisait appeler « Mohammed ». ABU ADASS est

porté disparu depuis cette date.

40.

41. Le 20 janvier 2005, il était prévu que HARIRI se rende le matin à la Grande Mosquée

de Beyrouth ; au lieu de cela, il s’est rendu à la Mosquée de l’Imam Ali pour la prière

de l’Eid. Tous les téléphones actifs du réseau rouge ont fonctionné pendant moins

d’une heure aux alentours du Palais de Quraitem et de la Grande Mosquée.

AYYASH, sur Rouge , a participé aux opérations d’observation ce jour-là.

42. Le 25 janvier 2005, téléphones bleus pertinents étaient actifs, y compris Bleu

appartenant à AYYASH, qui a effectué 16 appels. Plus précisément :

a. entre 14 h 41 et 14 h 59, AYYASH, sur Bleu à Beyrouth, a été trois fois en

contact avec un membre de l’équipe d’exécution de l’assassinat sur Bleu qui

se trouvait dans la région de Tripoli.

b. À 15 h 10, sur Vert AYYASH, a appelé BADREDDINE sur Vert

pendant 81 secondes.

c. Entre 15 h 30 et 16 h 00, le membre de l’équipe d’exécution de l’assassinat

utilisant Bleu avec une autre personne non identifiée, tous les deux se

présentant sous de faux noms, ont, dans une salle d’exposition de véhicules située

dans le quartier de El-Beddaoui à Tripoli, acheté, pour une somme de 11 250

dollars versée en espèces, une camionnette Mitsubishi Canter portant le bloc

moteur numéro 4D33-J01926. Plus tard, l’équipe d’exécution de l’assassinat a

utilisé ce véhicule pour transporter les matières explosives ayant servi à l’attentat.

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 20 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

d. À 15 h 37, le membre de l’équipe d’exécution de l’assassinat utilisant Bleu a,

au cours des négociations d’achat, appelé AYYASH sur Bleu pendant

81 secondes.

e. Il est raisonnable de conclure de ces appels que BADREDDINE a autorisé l’achat

de la camionnette Mitsubishi Canter par l’entremise de AYYASH, et que

AYYASH a par la suite assuré la coordination de cet achat.

43. Le 28 janvier 2005, HARIRI est demeuré au Palais de Quraitem pendant toute la

journée. L’équipe d’exécution de l’assassinat, à l’aide des téléphones du réseau

rouge, y compris AYYASH sur Rouge a été active pendant plus de six heures

aux alentours du Palais de Quraitem et de la résidence de HARIRI à Faqra.

44. Le 31 janvier 2005, HARIRI se trouvait au Palais de Quraitem avant de se rendre au

Conseil suprême chiite, et est retourné plus tard au Palais. L’équipe d’exécution de

l’assassinat, munie de téléphones du réseau rouge, a été active pendant moins de trois

heures, intervalle de temps couvrant la période avant, pendant et après les

déplacements de HARIRI. Les membres de l’équipe étaient postés autour du Palais de

Quraitem et du Conseil suprême chiite lorsque HARIRI était présent. Dans les deux

zones et dans le même laps de temps, AYYASH a utilisé Rouge Bleu et

Vert . En particulier, entre 10 h 49 et 12 h 07, il a été 11 fois en communication

sur Vert avec BADREDDINE qui était sur Vert

45. Le 2 février 2005, le compte de chacun des téléphones du réseau rouge a été

rechargé à Tripoli dans un laps de temps de 45 minutes. Dans le même voisinage, dix

minutes après la recharge des comptes, un membre de l’équipe d’exécution de

l’assassinat a appelé, sur Bleu un autre membre de l’équipe sur Bleu . Plus

tard, au cours de son voyage retour à Beyrouth, le même membre de l’équipe

d’exécution de l’assassinat a été, sur Bleu trois fois en communication avec

AYYASH à Beyrouth, sur Bleu

46. Le 3 février 2005, HARIRI a tenu une réunion près de sa résidence avant de se rendre

au St-Georges Yacht Club pour le déjeuner, et est rentré plus tard au Palais de

Quraitem. téléphones du réseau rouge ont été actifs pendant au moins quatre

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Acte d’accusation

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Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

heures, et certains téléphones bleus positionnés mutuellement pendant plus

longtemps. téléphones du réseau rouge étaient actifs autour du Palais de

Quraitem, et téléphones du réseau rouge (ainsi que téléphones bleus),

autour du St-Georges Yacht Club au moment même où HARIRI y déjeunait. Plus

précisément :

a. AYYASH, sur Rouge , se trouvait dans les environs du St-Georges Yacht

Club et était en contact régulier avec d’autres membres de l’équipe d’exécution de

l’assassinat.

b. Entre 13 h 56 et 15 h 44, AYYASH a été quatre fois en contact sur Vert avec

BADREDDINE sur Vert

c. Aux environs de 15 h 44, AYYASH et BADREDDINE se trouvaient dans le

même secteur, tout près de HARIRI et du lieu qui serait, le 14 février 2005, le

théâtre de l’attentat.

47. Le 8 février 2005, les mouvements de HARIRI et ceux des membres de l’équipe

d’exécution de l’assassinat sont similaires à leurs mouvements respectifs du

14 février 2005, soit le jour de l’attentat. HARIRI se trouvait au Palais de Quraitem le

matin, avant de se rendre au Parlement et de retourner ensuite au Palais aux environs

de 13 h 45. téléphones du réseau rouge ainsi que les téléphones bleus

positionnés mutuellement étaient principalement actifs autour du Palais de Quraitem,

du Parlement et des voies habituellement empruntées par HARIRI pour relier ces

deux lieux. Plus précisément :

a. AYYASH était actif sur Rouge Bleu Vert et sur ses TMP et

TMP , aux endroits pertinents, en particulier autour du Parlement et dans la

zone où devait se dérouler l’attentat du14 février 2005.

b. À 13 h 40 et 15 h 05, AYYASH sur Vert a été deux fois en communication

avec BADREDDINE sur Vert .

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

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Acte d’accusation

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2. L’attentat 

48. Le 14 février 2005, l’équipe d’exécution de l’assassinat constituée de AYYASH et de

autres personnes a pris position à des endroits qui permettaient à ses membres de

suivre et d’observer le convoi de HARIRI quittant sa résidence du Palais de Quraitem

à Beyrouth pour se rendre au Parlement et retourner ensuite à sa résidence, sise dans

la zone de l’hôtel St-Georges. Les membres de l’équipe sont restés fréquemment en

contact entre eux sur leurs téléphones du réseau rouge et leurs téléphones bleus

positionnés mutuellement. Plus précisément, 33 appels ont été passés depuis ou vers

le réseau rouge entre 11 h 00 et 12 h 53. Parmi les appels importants figurent les

appels ci-après :

a. À 11 h 58, AYYASH, posté près de la zone où se situe l’hôtel St-Georges, est

entré en contact, pendant 14 secondes, sur Vert avec BADREDDINE sur

Vert Les téléphones du réseau vert n’ont plus jamais été utilisés. Il est

raisonnable de conclure de ce dernier appel effectué dans le réseau vert que

BADREDDINE a donné l’autorisation finale pour commettre l’attentat.

b. À 12 h 50 et 34 secondes, tandis que Rafic HARIRI quittait le Parlement pour

rentrer chez lui en voiture, Rouge qui se trouvait près du Parlement, a appelé

pendant cinq secondes Rouge qui était positionné près de l’hôtel St-Georges

et de la camionnette Mitsubishi Canter. Immédiatement après, à 12 h 50 et 55

secondes, Rouge a alors appelé AYYASH pendant dix secondes sur Rouge

qui était posté entre le Parlement et l’hôtel St-Georges. À ce moment

environ, quittant un endroit situé à proximité de AYYASH, la camionnette a

commencé à se déplacer vers l’hôtel St-Georges. Il est raisonnable de conclure de

ces appels que le membre de l’équipe d’exécution de l’assassinat utilisant Rouge

a informé AYYASH et un autre membre sur Rouge du départ de

HARIRI du Parlement afin que la camionnette se positionne en vue de l’attentat.

c. À 12 h 53 a eu lieu le tout dernier appel au sein du réseau rouge, à partir de

Rouge dans la zone du Parlement à destination de Rouge posté à

proximité. À cette heure-là, tous les membres de l’équipe d’exécution de

l’assassinat avaient été informés des derniers mouvements de HARIRI.

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Acte d’accusation

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49. Le 14 février 2005, aux environs de 12 h 52, des images de télévision en circuit fermé

montrent la lente progression de la camionnette Mitsubishi Canter en direction de

l’hôtel St-Georges.

50. Le 14 février 2005, aux environs de 12 h 55, un homme, auteur de l’attentat-suicide, a

fait détoner une importante quantité de matières hautement explosives dissimulées

dans l’espace de chargement de la camionnette Mitsubishi Canter, dont le bloc moteur

porte le numéro 4D33-J01926, causant la mort de HARIRI au moment où les six

véhicules de son convoi empruntaient la rue Minet el Hos’n et passaient devant l’hôtel

St-Georges.

51. L’explosion, énorme et terrifiante, s’est produite dans une rue très fréquentée. Les

analyses criminalistiques ont établi que la quantité de matières explosives était

d’environ 2 500 kilogrammes d’équivalent TNT. En sus de HARIRI, huit membres de

son convoi et 13 personnes parmi le public ont été tués. En excluant l’auteur de

l’attentat-suicide, l’explosion a causé la mort de 22 personnes au total. Considérant

l’ampleur de l’explosion, l’attentat constituait une tentative d’homicide à l’encontre

de 231 autres personnes qui ont été blessées, et a également provoqué la destruction

partielle de l’hôtel St-Georges et des édifices avoisinants.

52. Des fragments de l’auteur de l’attentat-suicide ont été retrouvés sur les lieux, et les

analyses médicolégales ont établi à la fois que les restes étaient a) ceux d’un homme,

et b) non pas ceux de ABU ADASS. L’identité de l’auteur de l’attentat-suicide

demeure inconnue.

3. La remise de la cassette vidéo 

53. Soixante-quinze minutes environ après l’attentat, ONEISSI et SABRA ont effectué

au total quatre appels à destination des bureaux de Reuters et de la chaîne

d’information Al-Jazeera à Beyrouth. Les quatre appels ont été effectués à partir de

quatre cabines téléphoniques différentes en utilisant la même carte téléphonique

prépayée 6162569 :

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Acte d’accusation

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Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

a. Aux environs de 14 h 11, ONEISSI ou SABRA, agissant de concert, ont déclaré à

Reuters que l’attentat avait été exécuté par un groupe fondamentaliste fictif

dénommé « Victoire et Jihad en Grande Syrie ».

b. Aux environs de 14 h 19, ONEISSI ou SABRA, agissant de concert, ont déclaré

au téléphone à Al-Jazeera que la responsabilité de l’attentat était revendiquée par

« Victoire et Jihad en Grande Syrie », nouvelle qui a été diffusée peu après.

c. Aux environs de 15 h 27, SABRA a appelé Al-Jazeera et lui a indiqué l’endroit où

devait être retrouvée une cassette vidéo, à savoir un arbre situé sur la place

ESCWA, à proximité des bureaux de Al-Jazeera sis dans l’immeuble Shakir

Ouayeh à Beyrouth. ONEISSI surveillait l’emplacement afin de confirmer la

réception de la cassette vidéo par Al-Jazeera. Dans la vidéo, ABU ADASS

revendiquait la responsabilité de l’attentat, déclarant que ledit attentat avait été

exécuté en soutien aux « moudjahidines » d’Arabie Saoudite, et que d’autres

attentats seraient perpétrés par la suite. Était jointe à la cassette vidéo une

déclaration en arabe selon laquelle, entre autres, ABU ADASS était l’auteur de

l’attentat-suicide.

d. Aux environs de 17 h 04, ONEISSI ou SABRA, agissant de concert, ont demandé

à Al-Jazeera, en usant de menaces, de diffuser la vidéo, ce qui a été fait peu de

temps après.

54. Le 14 février 2005, ONEISSI et SABRA ont déposé la cassette vidéo au sujet de

ABU ADASS, tout en utilisant leurs téléphones violets, à proximité des cabines

téléphoniques à partir desquelles ils avaient appelé Reuters et Al-Jazeera et près de

l’arbre dans lequel la cassette vidéo était dissimulée.

55. Le 14 février 2005, entre environ 14 h 03 et 17 h 24, avant, entre et après ces quatre

appels effectués à partir des cabines téléphoniques à destination de Reuters et Al-

Jazeera, SABRA sur Violet a été, à sept reprises, en contact avec la personne non

identifiée sur Violet .

56. Le 15 février 2005, Violet a cessé d’être utilisé.

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Acte d’accusation

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57. Le 16 février 2005, Violet de ONEISSI et Violet de SABRA ont cessé

d’être utilisés.

E. L’ENTENTE CRIMINELLE 

1. Le complot 

58. Les faits, tels qu’exposés ci-dessus, démontrent qu’un complot a été formé lors d’une

période comprise au moins entre le 11 novembre 2004 et le 16 janvier 2005. Dans le

cadre de ce complot, BADREDDINE, AYYASH, ONEISSI et SABRA, de concert

avec d’autres personnes non encore identifiées, y compris l’équipe d’exécution de

l’assassinat et la personne qui utilisait le téléphone violet , sont convenus de

commettre un acte de terrorisme au moyen d’un engin explosif visant à assassiner

HARIRI.

a. Le complot a pris corps lors d’une période s’étendant au moins entre le 11

novembre 2004 et le 16 janvier 2005, et a été mis à exécution le 14 février 2005.

En effet :

i. Le 11 novembre 2004, deux comploteurs non identifiés, au moyen de

téléphones bleus, ont effectué les premières opérations détectées de

surveillance de HARIRI ; et

ii. Le 16 janvier 2005, le réseau rouge avait été mis en place et ABU ADASS

était porté disparu ; tandis que

iii. Le complot était alors mis à exécution le 14 février 2005 sous la forme de

l’attentat perpétré contre HARIRI.

b. BADREDDINE, en qualité de chef des opérations, AYYASH, en qualité de

coordonnateur de l’équipe d’exécution de l’assassinat, et les autres membres de

l’équipe d’exécution de l’assassinat, figuraient parmi les premiers membres du

complot.

c. ONEISSI et SABRA, ainsi que la personne non identifiée qui utilisait le

téléphone violet se sont joints au complot au plus tard entre le 22 décembre

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 26 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

2004 et le 16 janvier 2005, et avaient pour tâche d’organiser la fausse

revendication de responsabilité. Cette période commence le 22 décembre 2004

car, entre autres, les téléphones violets de ONEISSI et de SABRA étaient alors

actifs autour de la Mosquée universitaire arabe de Beyrouth où ABU ADASS se

rendait pour prier. Dans le cadre du complot, ils sont convenus d’agir comme

complices en exécutant des tâches d’appui en vue de l’assassinat, à savoir :

i. chercher une personne, plus tard identifiée comme étant ABU ADASS, qui

serait instrumentalisée aux fins de faire, dans un enregistrement vidéo, une

fausse revendication de la responsabilité de l’attentat perpétré contre HARIRI ;

et

ii. remettre une cassette vidéo, en y joignant une lettre, pour diffusion après

l’assassinat.

59. Les quatre Accusés sont des sympathisants du Hezbollah, organisation politique et

militaire du Liban.

a. Dans le passé, l’aile militaire du Hezbollah a été impliquée dans des actes de

terrorisme. Les personnes ayant reçu une formation de la part de l’aile militaire

sont capables d’exécuter un attentat terroriste, que ce soit pour le compte de cette

organisation ou non.

b. BADREDDINE et AYYASH ont des liens de parenté par le mariage et entre eux

avec un certain Imad MUGHNIYAH : ils sont beaux-frères. Imad MUGNIYAH a

été membre fondateur du Hezbollah et commandait son aile militaire à partir de

1983 jusqu’à ce qu’il soit tué à Damas le 12 février 2008. Il faisait l’objet, au

niveau international, d’avis de recherches pour avoir commis des crimes

terroristes.

c. Compte tenu de leur expérience, de leur formation et de leur appartenance au

Hezbollah, il est dès lors raisonnable de conclure que BADREDDINE et

AYYASH avaient la capacité de commettre l’attentat du 14 février 2005.

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Acte d’accusation

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Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

60. Tous ceux qui ont conclu l’entente criminelle ou qui s’y sont joints ont été auteurs du

complot contre la sûreté de l’État. BADREDDINE, AYYASH, ainsi que l’équipe

d’exécution de l’assassinat, ont été auteurs des crimes autonomes de commission d’un

acte de terrorisme, d’homicide intentionnel de HARIRI et de 21 autres personnes, et

de tentative d’homicide intentionnel de 231 autres personnes. ONEISSI, SABRA et

la personne non identifiée qui utilisait le téléphone violet ont été complices des

crimes autonomes susvisés, pour avoir organisé la fausse revendication de

responsabilité et remis la cassette vidéo à cet effet.

61. Il est raisonnable de conclure que le but du complot, auquel tous les auteurs du

complot avaient consenti en pleine connaissance de cause, était de commettre un acte

de terrorisme en faisant détoner une importante quantité de matières explosives dans

un lieu public en vue de tuer HARIRI.

62. Les auteurs du complot visaient deux autres objectifs, à savoir :

a. Créer une fausse revendication de responsabilité de l’attentat au nom d’un groupe

fondamentaliste fictif dénommé « Victoire et Jihad en Gra nde Syr ie », afin de

désigner faussement les personnes qui devaient être la cible de l’enquête, et de

soustraire ainsi les auteurs du complot à la justice ; et

b. Aggraver, ce faisant, l’état de terreur, en faisant naître au sein de la population un

sentiment d’insécurité ainsi que la crainte d’autres attentats publics aveugles.

2. La mise en cause d’autres personnes 

63. L’historique des communications téléphoniques montre que les auteurs du complot,

notamment AYYASH et d’autres membres de l’équipe d’exécution de l’assassinat,

ainsi que l’équipe chargée de la fausse revendication de responsabilité, étaient

positionnés au sud de Beyrouth.

64. Afin de créer une fausse piste extérieure à Beyrouth, les auteurs du complot ont choisi

Tripoli pour accomplir certains actes qui pouvaient y être localisés, notamment :

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Acte d’accusation

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Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

a. Le 4 janvier 2005, les téléphones du réseau rouge ont été activés pour la

première fois, y compris le numéro utilisé par AYYASH, de manière localisable à

Tripoli.

b.

c. Le 25 janvier 2005, le dispositif employé pour transporter les explosifs en vue de

l’attentat terroriste, à savoir une camionnette Mitsubishi Canter, a été acheté de

manière localisable à Tripoli.

d. Le 2 février 2005, le compte de chacun des téléphones du réseau rouge a été

rechargé de manière localisable à Tripoli.

65. Les auteurs du complot escomptaient que la fausse piste, ainsi que la fausse

revendication de responsabilité par ABU ADASS, conduisent les autorités à enquêter

sur d’autres personnes à Tripoli, et qu’en détournant l’attention de Beyrouth, ils

pourraient ainsi se soustraire à la justice.

 

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Acte d’accusation

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IV. Les chefs d’accusation 

66. EN CONSÉQUENCE, en application de l’article 68 D) du Règlement de procédure et

de preuve du Tribunal spécial pour le Liban, le Procureur retient, à l’encontre des

Accusés, les chefs d’accusation ci-après :

PREMIER CHEF D’ACCUSATION

Énoncé de l’infraction

67. Complot en vue de commettre un acte de terrorisme,

a. réprimé par les articles 188, 212, 213, 270 et 314 du Code pénal libanais,

b. les articles 6 et 7 de la loi libanaise du 11 janvier 1958 « renforçant les peines

relatives à la sédition, à la guerre civile et à la lutte confessionnelle », et par

c. l’article 3 1) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban.

Éléments de l’infraction

68. MUSTAFA AMINE BADREDDINE, SALIM JAMIL AYYASH, HUSSEIN

HASSAN ONEISSI, et ASSAD HASSAN SABRA,

a. entre au moins le 11 novembre 2004 et 16 janvier 2005,

b. ensemble, avec d’autres personnes non identifiées,

c. chacun d’eux en assumant la responsabilité pénale individuelle en tant que

coauteurs animés d’une intention commune,

d. ont conclu une entente, ou s’y sont joints, en vue de commettre un acte de

terrorisme dans le but de créer un état de terreur, en utilisant un moyen

prédéterminé susceptible de produire un danger commun,

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R090634 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 30 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

e. à savoir l’assassinat, dans un lieu public, au moyen d’un engin explosif de forte

puissance, de l’ancien Premier ministre, et personnalité politique de premier plan,

Rafic HARIRI,

f. ce qui devait, de manière intentionnelle et avec préméditation,

g. ou pouvait, alors qu’ils l’avaient prévu et en avaient accepté le risque,

h. causer et tenter de causer la mort d’autres personnes présentes dans le voisinage

immédiat de l’explosion, et entraîner la destruction partielle d’édifices,

i. sont convenus, tous ensemble, d’atteindre deux objectifs supplémentaires dans le

cadre dudit complot, à savoir :

i. imputer faussement la responsabilité de cet acte à des tiers appartenant à un

groupe fondamentaliste fictif afin de se soustraire à la justice, et

ii. aggraver l’état de terreur en faisant naître au sein de la population un sentiment

d’insécurité ainsi que la crainte d’autres attentats publics aveugles,

j. et, par conséquent, en agissant de la sorte, ont ensemble participé à un complot

contre la sûreté de l’État.

DEUXIÈME CHEF D’ACCUSATION

Énoncé de l’infraction

69. Commission d’un acte de terrorisme au moyen d’un engin explosif,

a. réprimée par les articles 188, 212, 213 et 314 du Code pénal libanais,

b. l’article 6 de la loi libanaise du 11 janvier 1958 « renforçant les peines relatives à

la sédition, à la guerre civile et à la lutte confessionnelle », et par

c. l’article 3 1) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban.

Éléments de l’infraction

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R090635 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 31 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

70. MUSTAFA AMINE BADREDDINE et SALIM JAMIL AYYASH,

a. le 14 février 2005,

b. ensemble, avec d’autre personnes non identifiées,

c. chacun d’eux en assumant la responsabilité pénale individuelle en tant que

coauteurs animés d’une intention commune,

d. ont commis un acte de terrorisme dans le but de créer un état de terreur en

utilisant un moyen susceptible de produire un danger commun,

e. à savoir l’assassinat, dans un lieu public, au moyen d’un engin explosif de forte

puissance, de l’ancien Premier ministre, et personnalité politique de premier plan,

Rafic HARIRI,

f. et en faisant exploser, le 14 février 2005, à 12 h 55, rue Minet el Hos’n, voie

publique de Beyrouth (Liban), environ 2 500 kilogrammes d’équivalent TNT ,

g. et, à titre de circonstances aggravantes de cet acte,

i. ont causé la mort de Rafic HARIRI et de 21 autres personnes, et

ii. ont provoqué la destruction partielle de l’hôtel St-Georges et des édifices

avoisinants,

h. tout en tentant, du même coup, de causer la mort de 231 autres personnes.

TROISIÈME CHEF D’ACCUSATION

Énoncé de l’infraction

71. Homicide intentionnel (de Rafic HARIRI) avec préméditation au moyen de

matières explosives,

a. réprimé par les articles 188, 212, 213, 547 et 549, paragraphes 1 et 7, du Code

pénal libanais, et par

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090636 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091811 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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326

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 32 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

b. l’article 3 1) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban.

Éléments de l’infraction

72. MUSTAFA AMINE BADREDDINE et SALIM JAMIL AYYASH,

a. le 14 février 2005,

b. ensemble, avec d’autres personnes non identifiées,

c. chacun d’eux en assumant la responsabilité pénale individuelle en tant que

coauteurs animés d’une intention commune,

d. ont commis l’homicide intentionnel de Rafic HARIRI,

e. dans les circonstances aggravantes caractérisées par

i. la préméditation, et

ii. la détonation, à 12 h 55, rue Minet el Hos’n à Beyrouth (Liban), d’environ 2500

kilogrammes de matières explosives d’équivalent TNT.

QUATRIÈME CHEF D’ACCUSATION

Énoncé de l’infraction

73. Homicide intentionnel (de 21 personnes, en sus de l’homicide intentionnel de Rafic

HARIRI) avec préméditation au moyen de matières explosives,

a. réprimé par les articles 188, 189, 212, 213, 547 et 549, paragraphes 1 et 7, du

Code pénal libanais, et par

b. l’article 3 1) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban.

Éléments de l’infraction

74. MUSTAFA AMINE BADREDDINE et SALIM JAMIL AYYASH,

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090637 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091812 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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327

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 33 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

a. le 14 février 2005,

b. (ou ultérieurement en raison des blessures subies le 14 février 2005),

c. ensemble, avec d’autres personnes non identifiées,

d. chacun d’eux en assumant la responsabilité pénale individuelle en tant que

coauteurs,

e. par l’utilisation d’une importante quantité de matières explosives dans un lieu

public, étant animés d’une intention commune et agissant avec préméditation en

vue de commettre l’homicide intentionnel de l’ancien Premier ministre, et

personnalité politique de premier plan, Rafic HARIRI, au sein de son convoi,

f. en outre, soit avec l’intention de tuer les personnes faisant partie dudit convoi et

les personnes se trouvant dans son voisinage,

g. soit en raison du fait d’avoir prévu et accepté le risque qu’il y aurait des morts au

sein dudit convoi ou parmi le public se trouvant dans le voisinage du convoi,

h. puis en faisant exploser, à 12 h 55, rue Minet el Hos’n, voie publique de Beyrouth

(Liban), environ 2 500 kilogrammes d’équivalent TNT,

i. animés d’une intention commune,

j. et dans les circonstances aggravantes caractérisées par

i. la préméditation, et

ii. ladite détonation de matières explosives,

k. ont commis l’homicide intentionnel des personnes dont les noms figurent par

ordre alphabétique à l’Annexe A,

l. soit huit personnes faisant partie du convoi susmentionné, à savoir :

1. Yahya Mustafa AL-ARAB,

2. Omar Ahmad AL-MASRI,

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090638 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091813 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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328

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 34 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

3. Mazen Adnan AL-ZAHABI,

4. Mohammed Saadeddine DARWISH,

5. Bassel Farid FULEIHAN (décédé le 18 avril 2005 des suites des

blessures subies le 14 février 2005),

6. Mohammed Riyadh Hussein GHALAYEENI,

7. Talal Nabih NASSER et

8. Ziad Mohammed TARRAF;

m. et 13 personnes parmi le public, à savoir :

1. Joseph Emile AOUN,

2. Zahi Halim ABU RJEILY (décédé le 15 février 2005 des suites des

blessures subies le 14 février 2005),

3. Mahmoud Saleh AL-HAMAD AL-MOHAMMED,

4. Mahmoud Saleh AL-KHALAF,

5. Sobhi Mohammed AL-KHODR,

6. Rima Mohammed Raif BAZZI,

7. Abdo Tawfik BOU FARAH,

8. Yamama Kamel DAMEN,

9. Abd Al-Hamid Mohammed GHALAYEENI,

10. Rawad Hussein Suleiman HAIDAR,

11. Farhan Ahmad ISSA,

12. Alaa Hassan OSFOUR et

13. Haitham Khaled OTHMAN (décédé le 15 février 2005 des suites des

blessures subies le 14 février 2005).

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090639 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091814 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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329

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 35 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

CINQUIÈME CHEF D’ACCUSATION

Énoncé de l’infraction

75. Tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes, en sus de l’homicide

intentionnel de Rafic HARIRI) avec préméditation au moyen de matières

explosives,

a. réprimée par les articles 188, 189, 200, 212, 213, 547 et 549, paragraphes 1 et 7,

du Code pénal libanais, et par

b. l’article 3 1) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban.

Éléments de l’infraction

76. MUSTAFA AMINE BADREDDINE et SALIM JAMIL AYYASH,

a. le 14 février 2005,

b. ensemble, avec d’autres personnes non identifiées,

c. chacun d’eux en assumant la responsabilité pénale individuelle en qualité de

coauteurs,

d. par l’utilisation d’une importante quantité de matières explosives dans un lieu

public, étant animés d’une intention commune et agissant avec préméditation en

vue de commettre l’homicide intentionnel de l’ancien Premier ministre, et

personnalité politique de premier plan, Rafic HARIRI, au sein de son convoi,

e. en outre, soit dans l’intention de tuer les personnes faisant partie dudit convoi et

les personnes se trouvant dans son voisinage,

f. soit en raison du fait d’avoir prévu et accepté le risque qu’il y aurait des morts au

sein dudit convoi ou parmi le public se trouvant dans le voisinage du convoi,

g. puis en faisant exploser, à 12 h 55, rue Minet el Hos’n à Beyrouth (Liban),

environ 2 500 kilogrammes d’équivalent TNT,

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090640 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091815 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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330

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 36 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

h. animés d’une intention commune,

i. et dans les circonstances aggravantes caractérisées par

i. la préméditation, et

ii. ladite détonation de matières explosives,

j. en infligeant ainsi des blessures aux personnes faisant partie dudit convoi et parmi

le public, ont tenté de commettre l’homicide intentionnel de 231 autres personnes,

dont les noms figurent par ordre alphabétique à l’Annexe B.

SIXIÈME CHEF D’ACCUSATION

Énoncé de l’infraction

77. Complicité de commission d’un acte de terrorisme au moyen d’un engin explosif,

a. réprimée par les articles 188, 219, paragraphes 4 et 5, et 314 du Code pénal

libanais, et par

b. l’article 6 de la loi libanaise du 11 janvier 1958 « renforçant les peines relatives à

la sédition, à la guerre civile et à la lutte confessionnelle », et par

c. l’article 3 1) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban.

Éléments de l’infraction

78. HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA,

a. Entre, au plus tard, le 16 janvier 2005 et le 14 février 2005,

b. sachant que d’autres personnes, en tant que coauteurs, avaient l’intention de

commettre et, le 14 février 2005, ont commis :

c. un acte de terrorisme dans l’intention de susciter un état de terreur en utilisant des

moyens susceptibles de créer un danger commun, notamment au moyen d’un

important engin explosif placé dans un lieu public ;

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090641 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091816 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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331

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 37 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

d. et étaient convenus d’atteindre deux autres objectifs, à savoir :

i. imputer faussement la responsabilité de cet acte à des tiers appartenant

à un groupe fondamentaliste fictif afin de se soustraire à la justice ; et

ii. aggraver l’état de terreur en faisant naître au sein de la population un

sentiment d’insécurité ainsi que la crainte d’autres attentats publics

aveugles,

e. ONEISSI et SABRA, en pleine connaissance de l’intention desdits coauteurs de

commettre ledit acte de terrorisme,

f. et animés d’une intention commune,

i. chacun en assumant la responsabilité pénale individuelle et

participant en tant que complice à l’acte de terrorisme, et

ii. chacun aidant et encourageant les coauteurs du crime,

g. ont conclu une entente avec les coauteurs en vue d’accomplir, et ont ensuite

accompli, des actes préparatoires à ces infractions, ainsi que des actes visant à les

soustraire et à se soustraire eux-mêmes à la justice, en imputant faussement la

responsabilité desdits crimes à des tiers appartenant à un groupe fondamentaliste

fictif afin d’aggraver l’état de terreur, tels que décrits ci-après :

i. dans le cadre des actes préparatoires aux crimes, en identifiant un

ressortissant palestinien de 22 ans dénommé Ahmad ABU ADASS et en

se servant de celui-ci afin qu’il s’attribue faussement, au nom d’un

groupe appelé « Victoire et Jihad en G rande Syri e », la responsabilité

des crimes en préparation, sous la forme d’une déclaration enregistrée

sur une cassette vidéo ; et

ii. en tant qu’actes visant à soustraire les coauteurs et eux-mêmes à la

justice, en s’assurant que la cassette vidéo ainsi que la lettre jointe à

celle-ci contenant la fausse revendication de responsabilité seraient

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090642 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091817 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

Page 333: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2011 · 2018-12-03 · 6. Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du juge de la mise en état du 12

332

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 38 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

diffusées à la télévision au Liban immédiatement après l’exécution

desdits crimes.

SEPTIÈME CHEF D’ACCUSATION

Énoncé de l’infraction

79. Complicité d’homicide intentionnel (de Rafic HARIRI) avec préméditation au

moyen de matières explosives,

a. réprimée par les articles 188, 219, paragraphes 4 et 5, 547 et 549, paragraphes 1

et 7, du Code pénal libanais et par

b. l’article 3 1) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban.

Éléments de l’infraction

80. HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA,

a. Entre, au plus tard, le 16 janvier 2005 et le 14 février 2005,

b. sachant que d’autres personnes, en tant que coauteurs, avaient l’intention de

commettre et, le 14 février 2005, ont commis :

c. avec préméditation, au moyen de matières explosives, l’homicide intentionnel de

l’ancien Premier ministre, personnalité politique de premier plan, Rafic HARIRI ;

d. lesquels coauteurs étaient convenus d’atteindre deux autres objectifs, à savoir :

i. imputer faussement la responsabilité de cet acte à des tiers

appartenant à un groupe fondamentaliste fictif afin de se soustraire à

la justice ; et

ii. aggraver l’état de terreur en faisant naître au sein de la population un

sentiment d’insécurité ainsi que la crainte d’autres attentats publics

aveugles ;

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090643 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091818 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

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333

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 39 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

e. ONEISSI et SABRA, en pleine connaissance de l’intention desdits

coauteurs de commettre ledit homicide intentionnel de Rafic HARIRI,

f. animés d’une intention commune,

i. chacun en assumant la responsabilité pénale individuelle et participant

en tant que complice à l’homicide intentionnel de Rafic HARIRI, et

ii. chacun aidant et encourageant les coauteurs du crime,

g. ont conclu une entente avec les coauteurs en vue d’accomplir, et ont ensuite

accompli, des actes préparatoires à ces infractions, ainsi que des actes visant à

les soustraire et à se soustraire eux-mêmes à la justice, en imputant faussement

la responsabilité desdits crimes à des tiers appartenant à un groupe

fondamentaliste fictif afin d’aggraver l’état de terreur, tels que décrits ci-

après :

i. dans le cadre des actes préparatoires aux crimes, en identifiant un

ressortissant palestinien de 22 ans nommé Ahmad ABU ADASS et en

se servant de celui-ci afin qu’il s’attribue faussement, au nom d’un

groupe appelé « Victoire et Jihad en Grande Syrie », la responsabilité

des crimes en préparation sous la forme d’une déclaration enregistrée

sur une cassette vidéo ; et

ii. en tant qu’actes visant à soustraire les coauteurs et eux-mêmes à la

justice, en s’assurant que la cassette vidéo ainsi que la lettre jointe à

celle-ci contenant la fausse revendication de responsabilité seraient

diffusées à la télévision au Liban immédiatement après l’exécution

desdits crimes.

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090644 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091819 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

Page 335: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2011 · 2018-12-03 · 6. Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du juge de la mise en état du 12

334

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 40 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

HUITIÈME CHEF D’ACCUSATION

Énoncé de l’infraction

81. Complicité d’homicide intentionnel (de 21 personnes en sus de l’homicide

intentionnel de Rafic HARIRI) avec préméditation au moyen de matières

explosives,

a. réprimée par les articles 188, 189, 219, paragraphes 4 et 5, 547 et 549,

paragraphes 1 et 7, du Code pénal libanais et par

b. l’article 3 1) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban.

Éléments de l’infraction

82. HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA,

a. Entre, au plus tard, le 16 janvier 2005 et le 14 février 2005,

b. sachant que d’autres personnes, en tant que coauteurs, avaient l’intention de

commettre et, le 14 février 2005, ont commis :

c. avec préméditation, au moyen de matières explosives, l’homicide intentionnel de

l’ancien Premier ministre, et personnalité politique de premier plan, Rafic

HARIRI ;

d. et, en outre, au vu de l’importante quantité d’explosifs utilisée, avaient l΄intention,

ou avaient prévu et accepté le risque que cet acte tue d’autres personnes se

trouvant dans le voisinage de l’explosion,

e. et ont ainsi ensuite commis l’homicide intentionnel de 21 autres personnes,

f. lesquels coauteurs étaient convenus d’atteindre deux autres objectifs, à savoir :

i. imputer faussement la responsabilité de cet acte à des tiers

appartenant à un groupe fondamentaliste fictif afin de se soustraire à

la justice ; et

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090645 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

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R091820 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

Page 336: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2011 · 2018-12-03 · 6. Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du juge de la mise en état du 12

335

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 41 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

ii. aggraver l’état de terreur en faisant naître au sein de la population

un sentiment d’insécurité ainsi que la crainte d’autres attentats

publics aveugles ;

g. ONEISSI et SABRA, en pleine connaissance de l’intention desdits coauteurs de

tuer d’autres personnes en sus du meurtre de Rafic HARIRI,

h. animés d’une intention commune,

i. chacun en assumant la responsabilité pénale individuelle et participant en tant

que complice à l’homicide intentionnel de 21 autres personnes, et

ii. chacun aidant et encourageant les coauteurs du crime,

i. ont conclu une entente avec lesdits coauteurs en vue d’accomplir, et ont ensuite

accompli, des actes préparatoires à ces infractions, ainsi que des actes visant à les

soustraire et à se soustraire eux-mêmes à la justice, en imputant faussement la

responsabilité desdits crimes à des tiers appartenant à un groupe fondamentaliste

fictif afin d’aggraver l’état de terreur, tels que décrits ci-après :

i. dans le cadre des actes préparatoires aux crimes, en identifiant un ressortissant

palestinien de 22 ans nommé Ahmad ABU ADASS et en se servant de celui-ci

afin qu’il s’attribue faussement, au nom d’un groupe appelé « Victoire et Jihad

en Grande Syrie », la responsabilité des crimes en préparation sous la forme

d’une déclaration enregistrée sur une cassette vidéo ; et

ii. en tant qu’actes visant à soustraire les coauteurs et eux-mêmes à la justice, en

s’assurant que la cassette vidéo ainsi que la lettre jointe à celle-ci contenant la

fausse revendication de responsabilité seraient diffusées à la télévision au

Liban immédiatement après l’exécution desdits crimes.

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090646 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

PUBLIC REDACTED VERSION

R091821 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

Page 337: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2011 · 2018-12-03 · 6. Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du juge de la mise en état du 12

336

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 42 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

NEUVIÈME CHEF D’ACCUSATION

Énoncé de l’infraction

83. Complicité de tentative d’homicide intentionnel (de 231 personnes en sus de

l’homicide intentionnel de Rafic HARIRI) avec préméditation au moyen de

matières explosives,

a. réprimée par les articles 188, 189, 200, 219, paragraphes 4 et 5, 547 et 549,

paragraphes 1 et 7, du Code pénal libanais et par

b. l’article 3 1) a) du Statut du Tribunal spécial pour le Liban.

Éléments de l’infraction

84. HUSSEIN HASSAN ONEISSI et ASSAD HASSAN SABRA,

a. Entre, au plus tard, le 16 janvier 2005 et le 14 février 2005,

b. sachant que d’autres personnes, en tant que coauteurs, avaient l’intention de

commettre et, le 14 février 2005, ont commis :

c. avec préméditation, au moyen de matières explosives, l’homicide intentionnel de

l’ancien Premier ministre, et personnalité politique de premier plan, Rafic

HARIRI ;

d. et, en outre, au vu de l’importante quantité d’explosifs utilisée, avaient l΄intention,

ou avaient prévu et accepté le risque que cet acte constitue une tentative de tuer

d’autres personnes se trouvant dans le voisinage de l’explosion,

e. et ont ainsi ensuite commis la tentative d’homicide intentionnel de 231 autres

personnes,

f. lesquels coauteurs étaient convenus d’atteindre deux autres objectifs, à savoir :

CONFIDENTIAL AND EX PARTE

R090647 STL-11-01/I/PTJ F0007/Cor/20110622/R090606-R090659/EN-FR/pvk

PUBLIC REDACTED VERSION

R091822 STL-11-01/I/PTJ F0007/A01/PRV/20110816/R091781-R091834/EN-FR/pvk

Page 338: RECuEiL dE juRiSpRudEnCE du TSL 2011 · 2018-12-03 · 6. Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du juge de la mise en état du 12

337

Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 43 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

i. imputer faussement la responsabilité de cet acte à des tiers

appartenant à un groupe fondamentaliste fictif afin de se soustraire à

la justice ; et

ii. aggraver l’état de terreur en faisant naître au sein de la population

un sentiment d’insécurité ainsi que la crainte d’autres attentats

publics aveugles ;

g. ONEISSI et SABRA, en pleine connaissance de l’intention desdits coauteurs de

tenter de tuer d’autres personnes en sus du meurtre de Rafic HARIRI,

h. animés d’une intention commune,

i. chacun en assumant la responsabilité pénale individuelle et participant en tant

que complice à la tentative d’homicide intentionnel de 231 autres personnes, et

ii. chacun aidant et encourageant les coauteurs du crime,

i. ont conclu une entente avec lesdits coauteurs en vue d’accomplir, et ont ensuite

accompli, des actes préparatoires à ces infractions, ainsi que des actes visant à les

soustraire et à se soustraire eux-mêmes à la justice, en imputant faussement la

responsabilité desdits crimes à des tiers appartenant à un groupe fondamentaliste

fictif afin d’aggraver l’état de terreur, tels que décrits ci-après :

i. dans le cadre des actes préparatoires aux crimes, en identifiant un ressortissant

palestinien de 22 ans nommé Ahmad ABU ADASS et en se servant de celui-ci

afin qu’il s’attribue faussement, au nom d’un groupe appelé « Victoire et Jihad

en Grande Syrie », la responsabilité des crimes en préparation sous la forme

d’une déclaration enregistrée sur une cassette vidéo ; et

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 44 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

ii. en tant qu’actes visant à soustraire les coauteurs et eux-mêmes à la justice, en

s’assurant que la cassette vidéo ainsi que la lettre jointe à celle-ci contenant la

fausse revendication de responsabilité seraient diffusées à la télévision au

Liban immédiatement après l’exécution desdits crimes.

/signé/ D.A. Bellemare, MSM, c.r Le Procureur

Fait le 10 juin 2011, Leidschendam (Pays-Bas)

13 257

Nombre de mots

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 45 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

Annexe A Est présentée ci-après la liste alphabétique des 21 autres personnes tuées intentionnellement

ou dont la mort prévisible est la conséquence directe de l’explosion qui a eu lieu le 14 février

2005 dans un lieu public visant à tuer l’ancien Premier ministre Rafic HARIRI. Il est soutenu

aux quatrième et huitième chefs d’accusation que ces personnes, individuellement et

collectivement, ont été l’objet d’un homicide intentionnel avec préméditation.

En sus de Rafic HARIRI, huit personnes faisant partie de son convoi de véhicules ont

été tuées, (dont les noms suivent, par ordre alphabétique) :

1. Yahya Mustafa Al-Arab,

décédé le 14 février 2005. Cause du décès : brûlures résultant d’une

explosion.

2. Omar Ahmad Al-Masri,

décédé le 14 février 2005. Cause du décès : (non

précisée sur l’acte de décès).

3. Mazen Adnan Al-Zahabi,

décédé le 14 février 2005. Cause du décès : brûlures sur plus de 90 pour cent du corps

résultant d’une explosion.

4. Mohammed Saadeddine Darwish,

décédé le 14 février 2005. Cause du décès : crise cardiaque provoquée par

l’explosion du 14 février 2005 et brûlures sur l’ensemble du corps.

5. Bassel Farid Fuleihan,

Membre du Parlement, M. FULEIHAN se

déplaçait avec M. HARIRI. Survivant initialement à l’explosion, il a néanmoins subi

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 46 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

des brûlures au troisième degré sur 96 pour cent de son corps. Il fut évacué à Paris en

vue d’y recevoir des soins en urgence. Il est resté 60 jours dans le coma à l’hôpital et

est décédé le 18 avril 2005.

6. Mohammed Riyadh Hussein Ghalayeeni,

, décédé le 14 février 2005. Cause du décès : brûlures résultant d’une

explosion.

7. Talal Nabih Nasser,

, décédé le 14 février

2005. Cause du décès : brûlures résultant d’une explosion.

8. Ziad Mohammed Tarraf,

décédé le 14 février 2005. Cause du décès : brûlures résultant d’une

explosion.

Par ailleurs, treize personnes parmi le public ont été également tuées (dont les noms

suivent, par ordre alphabétique) :

9. Joseph Emile Aoun,

décédé le 14 février 2005. Cause du décès : broyé et défiguré des suites d’une

explosion.

10. Zahi Halim Abu Rjeily,

décédé le 15 février 2005. Cause du décès : obturation des voies

respiratoires résultant d’une énorme accumulation de débris provoquée par une

explosion dans la zone de l’hôtel St-Georges.

11. Mahmoud Saleh Al-Hamad Al-Mohammed,

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 47 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

décédé le 14 février 2005. Cause du décès :

explosion ayant entraîné la mort.

12. Mahmoud Saleh Al-Khalaf,

, décédé le 14 février 2005. Cause du décès : explosion ayant

entraîné la mort.

13. Sobhi Mohammed Al-Khodr,

Décédé le 14 février 2005.

14. Rima Mohammed Raif Bazzi,

décédée le 14 février 2005. Cause du décès : blessures multiples résultant de

l’explosion qui a atteint l’hôtel St-Georges.

15. Abdo Tawfik Bou Farah,

, décédé le 14 février 2005. Cause du décès : explosion du

cerveau résultant de la fracture brutale du crâne à la suite de l’explosion d’une bombe.

16. Yamama Kamel Damen,

,

décédée le 14 février 2005. Cause du décès : brûlures résultant d’une explosion.

17. Abd Al-Hamid Mohammed Ghalayeeni,

décédé le 14 février 2005. Cause du décès : blessures résultant d’une

explosion.

18. Rawad Hussein Suleiman Haidar,

décédé le 14 février 2005. Cause du décès : arrêt cardiaque et respiratoire résultant

d’une explosion.

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 48 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

19. Farhan Ahmad Issa,

20. Alaa Hassan Osfour,

décédée le 14 février 2005. Cause du décès : brûlures résultant d’une explosion.

21. Haitham Khaled Othman,

décédé le 15 février 2005. Cause du décès : [illisible]… explosion.

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Acte d’accusation

STL-11-01/I/PTJ 49 de 54 Le 10 juin 2011

Traduction officielle du Tribunal - Rectificatif

Annexe B Est présentée ci-après la liste alphabétique des 231 autres personnes7 blessées

intentionnellement ou dont les blessures prévisibles sont la conséquence directe de

l’explosion qui a eu lieu le 14 février 2005 dans un lieu public visant à tuer l’ancien Premier

ministre Rafic HARIRI. Il est soutenu aux cinquième et neuvième chefs d’accusation que ces

personnes, individuellement et collectivement, ont été l’objet d’une tentative d’homicide

intentionnel avec préméditation.

Nom de famille Prénom(s) Nom du père 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27

7 Ce chiffre et la liste des noms sont provisoires et pourraient être revus à la hausse ou à la baisse à mesure que des éléments de preuve supplémentaires sont rassemblés.

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[expurgée]

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nom de l’affaire : En l’affaire El Sayed

devant : chambre d’appel

Titre : décision relative à l’appel partiel interjeté par M. el sayed contre la décision du juge de la mise en état du 12 mai 2011

Titre réduit : décision el sayed cA

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347

deVAnT lA cHAMBRe d’Appel

Affaire n° : cH/Ac/2011/01Devant : M. le juge Antonio cassese, président M. le juge Ralph Riachy M. le juge david Baragwanath, juge rapporteur M.lejugeAfifChamsedinne M. le juge Kjell erik BjörnbergGreffier : M. Herman von HebelDate : 19 juillet 2011Langue de l’original : AnglaisType de document : public[Nom de l’affaire : En l’affaire El Sayed]

dÉcisiOn RelATiVe À l’Appel pARTiel inTeRjeTÉ pAR M. el sAYed cOnTRe lA dÉcisiOn du juGe de lA Mise en

ÉTAT du 12 MAi 2011

conseil : Me. Akram Azoury

Bureau du procureur : M. Daniel A. Bellemare, MSM, c.r. M. Daryl A. Mundis M. Ekkehard Withopf M. David Kinnecome Mme Marie‑Sophie Poulin

Bureau de la défense : M. François Roux

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Décision El Sayed CA

sOMMAiRe1

L’Appelant a été détenu par les autorités libanaises pendant plus de trois ans et demi dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005. À la suite de la création du Tribunal spécial pour le Liban, et à la demande du Procureur du Tribunal, l’Appelant a été remis en liberté sans qu’aucune accusation ne soit portée à son encontre, conformément à une ordonnance du Juge de la mise en état. L’Appelant a déposé auprès du Tribunal une requête aux fins de communication de pièces en la possession du Tribunal, afin de pouvoir engager des poursuites devant les juridictions nationales contre les individus présumés responsables de fausses allégations à son encontre. La Chambre d’appel a précédemment confirmé une décision du Juge de la mise en état statuant que l’Appelant a qualité pour agir, et que le Tribunal est compétent pour examiner sa requête. La Chambre a également confirmé l’existence d’un droit de portée générale à une telle communication de pièces, et a renvoyé l’affaire devant le Juge de la mise en état pour examen. L’Appelant conteste en appel la Décision rendue par le Juge de la mise en état, selon laquelle trois catégories de documents sont exemptées de l’obligation de communication, à savoir : 1) la correspondance entre les autorités libanaises et la Commission d’enquête indépendante internationale des Nations Unies (« l’UNIIIC » ou « la Commission d’enquête ») ; ii) les memoranda internes de la Commission d’enquête ; et iii) les notes des enquêteurs.

Les questions soulevées en appel sont :

1) quelle est la nature du droit d’accès que fait valoir M. El Sayed à une partie ou à la totalité des éléments de l’enquête relevant des ces trois catégories ?

2) le Juge de la mise en état a-t-il commis une erreur en excluant catégoriquement ces trois groupes de documents de ceux communiqués à M. El Sayed ?

3) quelles mesures doivent être ordonnées, le cas échéant ?

1) La Chambre d’appel estime que, conformément au droit international, la requête de l’Appelant aux fins de remise des documents est fondée sur i) le droit d’accès

1 Le présent sommaire ne fait pas partie de la décision de la Chambre d’appel. Il a été établi pour la commodité du lecteur, qui peut juger utile de disposer d’une présentation des grandes lignes de la décision. Seul le texte de la décision constitue, en lui‑même, le document faisant foi.

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349

Décision El Sayed CA

à la justice, associé au ii) droit d’accès à l’information détenue par une autorité gouvernante. Toutefois, les courants doctrinaux et jurisprudentiels qui tendent à être favorables à la possibilité d’exiger la communication des pièces ne font pas plus que susciter un droit ouvrant l’accès à l’information. La requête doit préalablement être évaluée en fonction des intérêts concurrents.

En l’espèce, ces intérêts concurrents comprennent le principe de la bonne administration de la justice, notamment la nécessité de préserver le secret d’une enquête en cours. Ces intérêts concurrents peuvent également inclure le droit à la protection de la vie privée et de la confidentialité, ainsi que la nécessité de ménager des ressources limitées dans des circonstances où les seuls faits connus sont ceux communiqués par le Procureur. La requête ne doit être accueillie que si cela est nécessaire pour éviter que, dans le cas d’un rejet, le Requérant ne subisse une injustice qui serait manifestement disproportionnée par rapport aux intérêts concurrents.

La longue durée de détention, ainsi que la reconnaissance de ce fait par le Procureur à la fin de cette période, démontrent que l’accès à l’information est sans doute nécessaire en l’espèce afin d’éviter une injustice, et que l’intérêt de faire droit à la requête l’emporte sur les coûts d’une telle mesure. Toutefois, la requête ne saurait être accueillie que dans la mesure nécessaire pour permettre à l’Appelant de demander réparation devant d’autres juridictions, conformément aux intentions énoncées dans la requête déposée devant le Tribunal.

2) Bien que la présente requête n’entre pas exactement dans le champ d’application du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, ledit Règlement reste applicable et guide l’analyse de la Chambre. Conformément au Règlement, les dispositions limitant le droit à la communication de pièces sont notamment celles de l’article 111, qui prévoit une dérogation à la communication des pièces énumérées ci-après :

[l]es rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants, dans le cadre de l’enquête ou de la préparation du dossier […]. S’agissant du Procureur, ces documents comprennent les rapports, mémoires et autres documents internes établis par

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350

Décision El Sayed CA

la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (UNIIIC), ses assistants ou ses représentants, dans le cadre de ses enquêtes.

L’article se limite aux pièces établies par une partie, ses agents, et la Commission d’enquête et ses agents agissant dans le cadre de leurs fonctions. Il ne concerne pas les déclarations de témoins, qui ne constituent pas des documents de travail d’une partie, mais un document émanant de la personne interrogée.

La Chambre d’appel partage l’avis du Juge de la mise en état, selon lequel les catégories 1), 2) et 3) entrent, en règle générale, dans le champ d’application de l’article 111. Cependant, l’invocation légitime de ces dérogations dépend du classement approprié de chacun des documents. Un classement adéquat ne repose pas sur l’intitulé du document, mais sur son contenu, sa fonction, sa finalité et son origine.

3) Ayant pris connaissance, à huis clos, de certains des documents concernés, la Chambre d’appel a relevé des erreurs potentielles de classement. La Chambre renvoie donc les documents relevant des catégories 1, 2 et 3 devant le Juge de la mise en état, afin qu’il procède à un nouveau classement adéquat et rapide à la lumière de la présente décision.

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351

Décision El Sayed CA

TABle des MATiÈRes

SOMMAIRE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 348

LISTE DES ABRÉVIATIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 353

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354

RAPPEL DE LA PROCÉDURE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 356

I. La détention, la remise en liberté, et la requête ultérieure de M. El Sayed 356

II. Appel relatif à la compétence et à la qualité pour ester en justice . . . . . . . . . . 358

III. Décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 359

REMARQUES PRÉLIMINAIRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361

I. Recevabilité de l’appel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 361

II. Critères d’examen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363

III. Observations relatives à l’appel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 363

IV. Nature de la requête . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365

EXAMEN DES QUESTIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367

I. M. El Sayed a‑t‑il le droit d’avoir accès aux documents en la possession du Tribunal ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 367

A. Droit international . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 368

1. Accès à la justice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 371

2. Liberté d’information . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 372

3. Intérêts concurrents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 376

B. Droit libanais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 377

C. Application en l’espèce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 381

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Décision El Sayed CA

II. Le Juge de la mise en état a‑t‑il commis une erreur en excluant catégoriquement ces trois groupes de documents de ceux communiqués à M. El Sayed ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 384

A. Point de vue de la Chambre d’appel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 384

B. Article 111 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387

1. Les dispositions de l’article . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 387

2. Jurisprudence internationale et nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 388

C. Application de l’article 111 en l’espèce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 394

1. Catégorie 1 : Correspondance entre l’UNIIIC et les autorités libanaises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 394

2. Catégories 2 et 3 : memoranda internes de l’UNIIIC et notes d’enquêteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 395

3. Applicabilité de l’article 113 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 396

4. Classement des documents par catégories . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 398

III. Quelles mesures doivent être ordonnées, le cas échéant ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 399

DISPOSITIF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402

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Décision El Sayed CA

lisTe des ABRÉViATiOns

cedH Cour européenne des droits de l’homme

ciAdH Cour interaméricaine des droits de l’homme

cij Cour internationale de justice

cpi Cour pénale internationale

dudH Déclaration universelle des droits de l’homme

pidcp Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Rpp Règlement de procédure et de preuve

TpiR Tribunal pénal international pour le Rwanda

TpiY Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie

Tsl Tribunal spécial pour le Liban

Tssl Tribunal spécial pour la Sierra Leone

uniiic Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies

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Décision El Sayed CA

inTROducTiOn

1. La question fondamentale soulevée en appel vise à déterminer si, aux fins d’examen de la demande d’informations déposée par l’appelant, le Juge de la mise en état aurait dû examiner chaque document plutôt que d’adhérer aux trois catégories contestées, utilisées par le Procureur. La Chambre d’appel considère que la démarche employée jusqu’à présent n’est pas adaptée aux circonstances de l’espèce et qu’un appel est par conséquent justifié. Il est fondamental de déterminer préalablement si le Tribunal spécial pour le Liban (« le TSL » ou « le Tribunal ») doit faire droit à une demande d’accès aux documents en sa possession, permettant ainsi leur utilisation par l’appelant dans le cadre des poursuites qu’il entend engager. Si tel est le cas, sur quel fondement et dans quelle mesure ? La réponse de la Chambre d’appel est « oui », sous réserve des limites exposées dans la présente décision.

2. Le 30 août 2005, Jamil El Sayed (« M. El Sayed » ou « l’Appelant ») a été arrêté dans le cadre de l’attentat du 14 février 2004 [sic] qui a entraîné la mort de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, ainsi que de vingt‑deux autres personnes (« l’Affaire Hariri »)2. Le 3 septembre 2005, un juge d’instruction libanais a délivré un mandat d’arrêt à l’encontre de M. El Sayed, maintenant ce dernier en détention3. Cette période de détention n’a pris fin que le 29 avril 2009, dix‑neuf jours après que le Tribunal a été déclaré compétent à l’égard de l’Appelant et de trois autres personnes détenues par les autorités libanaises dans le cadre de l’Affaire Hariri4. Aucune charge n’a été retenue à son encontre.

3. Le 17 mars 2010, M. El Sayed a déposé une requête auprès du TSL aux fins d’accès aux éléments de l’enquête relatifs à sa détention et à sa mise en liberté. Il affirme qu’il entend utiliser ces éléments pour intenter une action en réparation

2 En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Décision en appel concernant l’Ordonnance du Juge de la mise en état relative à la compétence et à la qualité pour ester en justice, CH/AC/2010/02, 10 novembre 2010 (« la Décision du 10 novembre 2010 relative à M. El Sayed »), par. 4.

3 En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Mémoire sur la compétence du Juge de la mise en état pour statuer sur le requête du 17 mars 2010 et la qualité du Général Jamil EL SAYED à ester auprès du Tribunal spécial pour le Liban, CH/PTJ/2010/01, 12 mai 2010 (« le Mémoire du requérant du 12 mai 2010 »), par. 10 et 11.

4 Décision du 10 novembre 2010 relative à M. El Sayed, voir supra, note 2, par. 5 et 7.

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devant les juridictions nationales5. Le 10 novembre 2010, la présente Chambre a confirmé la décision préliminaire du Juge de la mise en état, établissant que le TSL est compétent pour examiner la Requête de M. El Sayed, et que M. El Sayed a la qualité pour déposer sa requête devant le Tribunal. La Chambre a renvoyé la question devant le Juge de la mise en état afin qu’il se prononce sur le fond de la Requête de M. El Sayed6.

4. Le Juge de la mise en état a ordonné au Procureur de communiquer à M. El Sayed quelques centaines de documents7. Il a toutefois indiqué que, conformément à l’article 111 du Règlement de procédure et de preuve (« le Règlement » ou « le RPP »), trois catégories de documents n’avaient pas à être communiquées : la correspondance entre les autorités libanaises et la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (« l’UNIIIC » ou « la Commission d’enquête ») ; les memoranda internes de l’UNIIIC ; et les notes des enquêteurs8. Cet article fait partie du groupe de dispositions relatives à la communication de pièces, et est reproduit au paragraphe 76 ci‑après.

5. M. El Sayed a interjeté appel de la décision excluant ces trois catégories9. Il a demandé à la Chambre de lui accorder un droit d’accès aux documents relevant de ces trois catégories. Bien qu’il ne conteste pas l’argument du Juge de la mise en état

5 Id., par. 8. « L’objet de cette requête est la remise au Général Jamil El Sayed personnellement et directement de tous les éléments de preuve des crimes commis au préjudice du Général Jamil El Sayed et qui sont exclusivement détenus par le TSL pour lui permettre d’avoir un recours utile et efficace, en se constituant partie civile contre leurs auteurs devant les différentes juridictions nationales compétentes ». En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Version publique censurée du Mémo numéro 112. La Requête : Demande de remise des éléments de preuve relatifs aux crimes de dénonciations calomnieuses et de détention arbitraire, 17 mars 2010 (« la Requête de M. El Sayed »), par. 1. Le terme « partie civile » ne se limite pas aux affaires civiles, mais renvoie à une procédure particulière dans certains pays de droit romain (notamment en droit libanais), dans le cadre de laquelle un particulier participe à un procès pénal en vue d’obtenir réparation à la suite d’un crime commis à son encontre.

6 Décision du 10 novembre 2010 relative à M. El Sayed, voir supra, note 2, dispositif.

7 En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Décision portant sur la remise des pièces du dossier pénal de M. El Sayed, CH/PTJ/2011/08, 12 mai 2011 (« la Décision du 12 mai 2011 relative à M. El Sayed »), dispositif.

8 Id., par. 33 et 36.

9 En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Appel partiel de la décision du Juge de la mise en état portant sur la remise de pièces du dossier pénal de M. El Sayed du 12 mai 2011, CH/PTJ/2010/01, 20 mai 2011 (« l’Appel partiel de M El Sayed »).

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selon lequel son droit d’accès aux documents n’est pas absolu, il fait valoir que les restrictions doivent être appliquées au cas par cas10.

6. Le Procureur n’a pas interjeté d’appel incident contre l’ordonnance aux fins de communication partielle. Cependant, afin de répondre à l’appel, la Chambre d’appel doit préalablement déterminer la nature du droit que l’Appelant fait valoir.

7. Ainsi, les questions soulevées en appel sont les suivantes :

1) quelle est la nature du droit d’accès que fait valoir M. El Sayed à une partie ou à la totalité des éléments de l’enquête relevant des ces trois catégories ?

2) le Juge de la mise en état a‑t‑il commis une erreur en excluant catégoriquement ces trois groupes de documents de ceux communiqués à M. El Sayed ?

3) Quelles mesures doivent être ordonnées, le cas échéant?

RAppel de lA pROcÉduRe

i. la détention, la remise en liberté, et la requête ultérieure de M. el sayed

8. M. El Sayed affirme qu’il aurait été arrêté le 29 août 2005 à la demande de l’UNIIIC11. La Commission avait été créée par le Conseil de sécurité afin d’aider les autorités libanaises à enquêter sur l’assassinat de Rafic Hariri12. Quatre jours plus tard, le 3 septembre 2005, M. El Sayed a comparu devant un juge d’instruction libanais qui a délivré un mandat d’arrêt à son encontre13. Cependant, M. El Sayed affirme que le juge d’instruction n’avait pas mené sa propre enquête, mais le

10 Id., par. 8 ; voir également id., par. 9 et 16.

11 Mémoire du requérant du 12 mai 2010, voir supra, note 3, par. 9.

12 S/RES/1595 (2005), par. 1.

13 Mémoire du requérant du 12 mai 2010, voir supra, note 3, par. 10 et 11.

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maintenait en détention à la demande de l’UNIIIC14. Le 21 septembre 2005, la Commission d’enquête aurait indiqué à M. El Sayed qu’elle avait terminé l’enquête le concernant15. M. El Sayed a déposé de nombreuses demandes de remise en liberté auprès des autorités libanaises, de l’UNIIIC et du Conseil de sécurité des Nations Unies au cours des mois suivants, mais il a été maintenu en détention pendant plus de trois ans et demi16.

9. Le TSL a démarré ses activités le 1er mars 2009. Le 27 mars 2009, sur ordonnance du Juge de la mise en état, le TSL a demandé au Liban de se dessaisir de l’enquête relative à l’Affaire Hariri en sa faveur, dans un délai de quatorze jours17. À partir du 10 avril 2009, le TSL était officiellement compétent à l’égard des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’Affaire Hariri, notamment M. El Sayed18.

10. Le 27 avril 2009, le Procureur a indiqué au Juge de la mise en état qu’il avait examiné toutes les pièces dont il disposait alors et qu’il avait conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants pour justifier un acte d’accusation à l’encontre de M. El Sayed et des trois autres personnes détenues. Le Procureur a demandé au Juge de la mise en état d’ordonner leur remise en liberté immédiate. Conformément à l’ordonnance du Juge de la mise en état, les autorités libanaises ont libéré M. El Sayed le 29 avril 200919.

11. M. El Sayed a demandé au Président du TSL que lui soient remis les éléments de l’enquête relatifs à sa détention et à sa remise en liberté20. Le Président a renvoyé la question devant le Juge de la mise en état21. Le Juge de la mise en état a reçu des

14 Id., par. 12 et 13.

15 Id., par. 14.

16 Id., par. 16.

17 En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Ordonnance relative aux conditions de détention, CH/PRES/2009/01/rev, 21 avril 2009, par. 3.

18 Décision du 10 novembre 2010 relative à M. El Sayed, voir supra, note 2, par. 5.

19 Id., par. 6 et 7.

20 Requête de M. El Sayed, voir supra, note 5.

21 Voir en l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Ordonnance portant renvoi devant le Juge de la mise en état, CH/PRES/2010/01, 15 avril 2010.

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observations écrites et orales de M. El Sayed et du Procureur, lequel s’opposait à la communication des éléments de l’enquête22.

12. Le 17 septembre 2010, le Juge de la mise en état a décidé que le TSL était compétent pour examiner la requête et que M. El Sayed avait qualité pour saisir le Tribunal23. Le Juge de la mise en état a également affirmé l’existence du droit des accusés de consulter les documents contenus dans leur dossier pénal, et a conclu que ce droit s’appliquait à M. El Sayed, malgré sa remise en liberté et l’absence de charges à son encontre, dans la mesure où les allégations de comportement criminel ont eu des répercussions importantes sur sa situation, même si elles n’ont jamais été formellement confirmées24. Cependant, le Juge de la mise en état a fait observer que ce droit d’accès au dossier pénal n’était pas absolu et pouvait être limité s’il est justement établi que la communication est de nature à compromettre les enquêtes en cours, la sécurité des tiers (notamment des témoins) et la sécurité nationale ou internationale25.

ii. Appel relatif à la compétence et à la qualité pour ester en justice

13. Le Procureur a interjeté appel de la décision préliminaire du Juge de la mise en état26. Après avoir examiné les observations écrites du Procureur et de M. El Sayed, la Chambre a soutenu que le TSL était compétent pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed et que M. El Sayed avait la qualité pour saisir le Tribunal27. La Chambre d’appel a admis qu’il existait, de manière générale, un droit d’accès au dossier pénal

22 Décision du 10 novembre 2010 relative à M. El Sayed, voir supra, note 2, par. 8 à 13.

23 En l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui‑ci pour ester en justice devant le Tribunal, CH/PTJ/2010/005, 17 septembre 2010 (« la Décision du 17 septembre 2010 relative à M. El Sayed »), par. 36 et 42.

24 Id., par. 43 à 52.

25 Id., par. 53 et 54.

26 Voir en l’affaire de la requête déposée par M. El Sayed, Appel de l’« Ordonnance relative à la compétence du Tribunal pour se prononcer sur la requête de M. El Sayed du 17 mars 2010 et à la qualité de celui‑ci pour ester en justice devant le Tribunal » et demande urgente aux fins de suspension de l’Ordonnance, OTP/AC/2010/01, 28 septembre 2010.

27 Décision du 10 novembre 2010 relative à M. El Sayed, voir supra, note 2, par. 19 à 33, 57 et 65.

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qui, en l’espèce, pouvait s’étendre à l’ensemble du dossier, à une partie uniquement ou à aucune partie28. Cependant, la Chambre d’appel n’a pas déterminé la nature et l’étendue dudit droit concernant les informations dont dispose le Procureur du TSL. La Chambre d’appel a renvoyé la question devant le Juge de la mise en état afin qu’il se prononce sur le fond de la requête29.

14. Le Juge de la mise en état a reçu les observations de M. El Sayed et du Procureur, et a tenu une audience publique, au cours de laquelle M. El Sayed, le Procureur et le Chef du Bureau de la Défense ont été entendus30. Le Juge de la mise en état a également reçu un document ex parte du Procureur, dans lequel le Procureur a identifié tous les éléments relatifs à la détention de M. El Sayed dans le cadre de l’Affaire Hariri. En outre, le Procureur a déposé un document ex parte présentant un inventaire desdits éléments et indiquant, d’une part, les éléments qu’il estimait pouvoir communiquer dans leur intégralité à M. El Sayed et, d’autre part, les motifs justifiant la non‑communication de certains documents, en tout ou en partie, à M. El Sayed31. Le Juge de la mise en état a également tenu une audience à huis clos et ex parte avec le Procureur, en vue d’obtenir des précisions relatives à certains documents32.

iii. décision du juge de la mise en état du 12 mai 2011

15. Le 12 mai 2011, le Juge de la mise en état a rendu une décision dans laquelle il a ordonné au Procureur de communiquer certains des documents préalablement identifiés par le Procureur comme relatifs à l’enquête sur M. El Sayed et à sa détention33. Le juge a approuvé le classement de ces documents en sept catégories, établi par le Procureur : 1) les correspondances entre l’UNIIIC et les autorités libanaises ; 2) les memoranda internes ; 3) les notes des enquêteurs ; 4) les dépositions de témoins

28 Id., par. 64.

29 Id., dispositif.

30 Décision du 12 mai 2011 relative à M. El Sayed, voir supra, note 7, par. 6.

31 Id., par. 7 à 12.

32 Voir TSL, Avis aux médias, 19 avril 2011, http://www.stl‑tsl.org/sid/261.

33 Voir Décision du 12 mai 2011 relative à M. El Sayed, voir supra, note 7, dispositif.

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et procès‑verbaux d’entretiens avec les témoins et les suspects ; 5) les documents émanant de M. El Sayed ou de son conseil ; 6) les procès‑verbaux des dépositions de M. El Sayed ; et 7) tout autre document34.

16. Le Juge de la mise en état a soutenu que les documents relevant des catégories 4), 5) et 6) devaient être communiqués à M. El Sayed35. Il a également soutenu que certains documents relevant de la catégorie 7) devaient être communiqués36. S’agissant des catégories 1), 2) et 3), le Juge a conclu que les documents concernés étaient, par leur nature même, confidentiels et que, conformément à l’article 111 du Règlement, ils ne sauraient être communiqués, et qu’il ne relevaient pas du dossier pénal de M. El Sayed. Par conséquent, le Juge de la mise en état a soutenu que le Procureur n’était pas tenu de communiquer les documents relevant des catégories 1), 2) et 3). Il a toutefois fait observer que le Procureur était disposé à communiquer volontairement quelques documents relevant desdites catégories37.

17. Même si le Procureur a présenté des observations supplémentaires au Juge de la mise en état concernant certains documents relevant des catégories 4), 5), 6) et 7), et s’il est vrai que le Juge de la mise en état continue de superviser la communication des documents relevant de ces catégories, il n’est pas nécessaire que la Chambre d’appel aborde en détail cette procédure en cours, dans la mesure où elle ne relève pas du cadre restreint de l’« appel partiel » interjeté contre la décision rendue par le Juge de la mise en état le 12 mai 2011. M. El Sayed a demandé à la présente Chambre d’infirmer cette décision, uniquement dans la mesure où elle affirme que les documents relevant des catégories 1), 2) et 3) n’ont pas, de manière générale, à être communiqués. M. El Sayed entend obtenir une décision affirmant son droit d’accès aux documents relevant de ces trois catégories, sous réserve d’autres limitations (confidentialité des enquêtes, sécurité des témoins, et sécurité nationale ou internationale) établies par le Juge de la mise en état38. La Chambre d’appel a

34 Id., par. 29.

35 Id., par. 40 et 47.

36 Id., par. 54.

37 Id., par 33 à 38.

38 Appel partiel de M. El Sayed, voir supra, note 9, par. 8.

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relevé que le Procureur n’avait pas interjeté d’appel incident contre la décision en question.

ReMARQues pRÉliMinAiRes

i. Recevabilité de l’appel

18. Dans la décision rendue le 10 novembre 2010, la Chambre d’appel a rappelé que sa compétence pour examiner cet appel était inhérente à la nature de son obligation de connaître d’une situation non prévue par le Règlement, dans le cadre de laquelle une erreur de compétence aurait été commise et pourrait donner lieu à une injustice si elle n’était pas rectifiée39. Le Tribunal a un droit d’accès exclusif aux documents concernés et est, à ce titre, seul compétent pour connaître des questions relatives à leur accès.

19. En l’espèce, la Chambre d’appel a été sollicitée pour examiner un point de droit précis : M. El Sayed a‑t‑il, et sur quel fondement, un droit d’accès à certaines catégories de documents ? Pour les raisons exposées ci‑après, la présente procédure se déroule presque entièrement en dehors du champ d’application du Règlement, dont les dispositions visent les procès pénaux40. Cependant, de la même manière que la compétence de la Chambre d’appel à l’égard de la présente requête peut être déduite du Statut, les procédures peuvent l’être, par analogie, du Règlement. En application de l’article 126 du Règlement, la plupart des appels interlocutoires (à savoir tout appel intervenant avant le jugement final et définitif) doivent premièrement être certifiés par le Juge de la mise en état ou par la Chambre de première instance. Il ne s’agit pas ici d’un appel interlocutoire, dans la mesure où il concerne potentiellement de manière définitive certains aspects de la requête. Le Juge de la mise en état n’a donc pas certifié le présent appel comme « touch[ant] à une question susceptible de compromettre de manière significative l’équité et la rapidité de la procédure ou

39 Décision du 10 novembre 2010 relative à M. El Sayed, voir supra, note 2, par. 54.

40 Voir ci‑après, par. 27 à 30.

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l’issue du procès, et [pour lequel] un règlement immédiat par la Chambre d’appel pourrait faire progresser de manière décisive la procédure »41.

20. Cependant, dans la mesure où l’appel ne porte pas sur l’intégralité de la Requête de M. El Sayed, la Chambre d’appel devrait exercer son pouvoir discrétionnaire, par analogie avec l’article 126, et ne pas examiner l’appel avant que le Juge de la mise en état ne se soit prononcé sur l’ensemble des questions relatives à la communication. La Chambre d’appel a toutefois décidé de l’examiner dès à présent. Bien que la présente procédure se déroule en dehors du champ d’application du Règlement, la Chambre d’appel tient à centrer ses efforts sur l’équité et l’efficacité de la procédure. En outre, le présent appel répondrait aux critères de certification si une demande de certification avait été déposée. L’exclusion systématique de trois catégories de documents à ce stade pourrait injustement soustraire certains documents des phases ultérieures de l’examen auquel procède actuellement le Juge de la mise en état. De plus, la conclusion des phases ultérieures de l’examen par le Juge de la mise en état pourrait prendre des mois, tout comme le processus de communication. Si après cette période, la présente Chambre conclut que certaines catégories de documents ont été indûment soustraites au premier stade de l’examen, il sera nécessaire de recommencer la procédure, ce qui entraînera des retards supplémentaires. M. El Sayed ayant déposé sa première demande de documents devant le Tribunal il y a déjà bien plus d’un an, tout retard supplémentaire serait injustifié, d’autant plus que la Chambre d’appel peut répondre à ce point de droit précis de manière distincte, sans interrompre le Juge de la mise en état dans le processus de communication dont il est chargé. La Chambre d’appel estime que compte tenu de ces motifs, les circonstances de l’espèce sont exceptionnelles. Afin de garantir un règlement équitable et rapide du différend, la Chambre d’appel est tenue, à ce stade, d’examiner le fond de l’appel.

21. Cependant, la Chambre d’appel souligne que, n’ayant été saisie d’aucun appel relatif aux faits, elle n’examinera aucun fait dans le présent jugement. La Chambre d’appel ne se prononcera pas sur la question de savoir si la demande de M. El Sayed faisant l’objet de la présente décision doit être examinée au fond. Il incombe simplement à la Chambre d’appel d’examiner la légalité de la démarche adoptée par

41 Article 126 C) du Règlement.

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le Juge de la mise en état concernant les trois catégories de documents contestées. La Chambre d’appel dispose du dossier du Juge de la mise en état et a examiné certains documents ayant fait l’objet d’une demande de confidentialité par le Procureur. Les commentaires de la Chambre relatifs à ces documents ne doivent pas être lus comme impliquant un jugement relatif à leur statut mais comme des observations provisoires visant à aider les parties et le Juge de la mise en état à comprendre les raisons pour lesquelles la Chambre d’appel lui renvoie la question afin qu’il l’examine et prenne les décisions nécessaires.

ii. critères d’examen

22. La Chambre d’appel n’infirmera une décision que si le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance a commis une erreur sur un point de droit ou une erreur de fait qui invalide la décision42, ou a pesé des éléments pertinents ou non de manière irrationnelle. Ces critères correspondent aux critères utilisés et bien établis par la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’exYougoslavie (TPIY)43 et la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)44.

iii. Observations relatives à l’appel

23. Dans les motifs de l’Appel partiel45, l’Appelant soutient que la décision du 12 mai 2011 :

42 Voir article 26 du Statut du TSL ; article 176 du RPP du TSL.

43 Voir, par exemple, TPIY, Stakić, Arrêt, affaire n° IT‑97‑24‑A, 22 mars 2006, par. 7 ; Kvočka et consorts, Arrêt, affaire n° IT‑98‑30/1‑A, 28 février 2005, par. 14 ; Vasiljević, Arrêt, affaire n° IT‑98‑32‑A, 25 février 2004, par. 4 à 12 ; Kunarac et consorts, Arrêt, affaire n° IT‑96‑23&IT‑96‑23/1‑A, 12 juin 2002, par. 35 à 48 ; Kupreškić et consorts, Arrêt, affaire n° IT‑95‑16‑A, 23 octobre 2001, par. 29 ; Mucić et consorts, Arrêt, affaire n° IT‑96‑21‑A, 20 février 2001, par. 434 et 435 ; Furundžija, Arrêt, affaire n° IT‑95‑17/1‑A, 21 juillet 2000, par. 34 à 40 ; Tadić, Arrêt, affaire n° IT‑94‑1‑A, 15 juillet 1999, par. 64 ; Article 25 du Statut du TPIY.

44 Voir TPIR, Kajelijeli, Arrêt, affaire n° ICTR‑98‑44A‑A, 23 mai 2005, par. 5 ; Semanza, Arrêt, affaire n° ICTR‑97‑20‑A, 20 mai 2005, par. 7 et 8 ; Musema, Arrêt, affaire n° ICTR‑96‑13‑A, 16 novembre 2001, par. 15 ; Akayesu, Arrêt, affaire n° ICTR‑96‑4‑A, 1er juin 2001, par. 178 ; Kayishema, Motifs de l’arrêt, affaire n° ICTR‑95‑1‑A, 1er juin 2001, par. 177 ; Ruzindana, Motifs de l’arrêt, affaire n° ICTR‑95‑1‑A, 1er juin 2001, par. 320 ; Article 24 du Statut du TPIR.

45 Voir l’Appel partiel de M El Sayed, voir supra, note 9.

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Décision El Sayed CA

1) a indûment limité le droit d’accès reconnu dans les décisions rendues par le Juge de la mise en état et la présente Chambre46 ;

2) a indûment appliqué l’article 111 du RPP47 ;

3) aurait dû examiner chaque document individuellement48.

24. Le Procureur a indiqué que la décision :

1) a appliqué à juste titre la jurisprudence relative à la communication49 ;

2) a appliqué à juste titre l’article 11150 ;

3) n’était pas tenue d’adopter une démarche au cas par cas pour chaque document et a, à juste titre, regroupé les documents par catégories51 ;

4) a correctement qualifié la relation entre l’UNIIIC et les autorités libanaises52.

25. Le Procureur a ensuite soutenu que l’Appelant recueillait des informations à l’aveuglette53.

26. L’Appelant a répondu54 que les arguments du Procureur :

1) dénaturaient l’effet de la décision du 17 décembre 2010 en lui attribuant une portée limitée aux droits des accusés et non une portée extensive55 ;

46 Id., par. 9.

47 Id., par. 12 à 14.

48 Id., par. 16 à 18.

49 Réponse du Procureur à l’« Appel partiel de la décision du Juge de la mise en état portant sur la remise de pièces du dossier pénal de M. El Sayed du 12 mai 2011 », OTP/AC/2011/01, 10 juin 2011, par. 17.

50 Id., par. 8 à 24

51 Id., par. 25 et 26.

52 Id., note de bas de page n° 32.

53 Id., par. 23.

54 Réplique à “Prosecution’s Response to ‘Partial Appeal of the Pre‑Trial Judge’s Decision on the Disclosure of Materials from the Criminal File of Mr El Sayed of 12 May 2011’”, OTP/AC/2011/01, 24 juin 2011.

55 Id., par. 15 à 19.

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Décision El Sayed CA

2) suggéraient à tort que le Juge de la mise en état avait examiné séparément les documents contestés56 ;

3) donnaient injustement à entendre que l’Appelant recueillait des informations à l’aveuglette et, à ce titre, inverse la charge de la preuve57 ;

4) sollicitaient indûment la confidentialité concernant la correspondance entre l’UNIIIC et les autorités libanaises58.

iV. nature de la requête

27. Dans la décision rendue le 10 novembre 2010, la Chambre d’appel a établi que la compétence principale du Tribunal était de juger les auteurs de l’attentat commis contre l’ancien Premier ministre Rafic Hariri59. Cependant, la Chambre d’appel a conclu que le Tribunal avait une compétence incidente pour connaître de la présente requête60. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’une question pénale relevant de sa compétence principale, la Chambre d’appel prend le temps d’expliquer le cadre dans lequel elle examine cette requête.

28. La requête de M. El Sayed découle de son arrestation et de sa détention prolongée, dans le cadre de soupçons de participation à un crime qui pesaient sur lui, et qui ont eu une incidence considérable sur sa situation. Cependant, la Chambre d’appel accepte l’argument du Procureur, selon lequel la présente requête n’entre pas dans le cadre d’une procédure pénale, mais d’une procédure civile ou administrative visant à garantir l’établissement de faits aux fins d’autres procédures judiciaires61. En

56 Id., par. 20 à 25.

57 Id., par. 27 à 33.

58 Id., par. 34 à 48.

59 Décision du 10 novembre 2010 relative à M. El Sayed, voir supra, note 2, par. 51.

60 Id., par. 53 à 54.

61 La Chambre d’appel adhère à la démarche de la Cour suprême de Nouvelle‑Zélande, qui a qualifié de civile une requête analogue déposée par une entreprise de télévision, visant à obtenir le dossier pénal du procès d’un accusé français qui avait été condamné pour le bombardement du Rainbow Warrior dans le port d’Auckland. Voir Mafart and Prieur v. Television New Zealand Ltd [2006] NZSC 33, [2006] 3 NZLR 18, par. 28 à 40.

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bref, la Chambre d’appel examine une requête civile ou administrative qui découle d’un processus pénal en cours et qui pourrait avoir une incidence sur celui‑ci.

29. Indépendamment de la qualification de la requête, les fonctions que les juges exercent dans le cadre de la compétence pénale doivent s’appliquer mutatis mutandis dans le cadre des autres affaires dont ils sont saisis.

30. Ainsi, afin de répondre aux questions de procédure, la Chambre d’appel est notamment tenue de respecter les normes internationales de procédure pénale les plus élevées, en vue de garantir une issue équitable et rapide. Ce principe est énoncé à l’article 28 du Statut62, ainsi qu’à l’article 3 A) du Règlement de procédure et de preuve63. Le Procureur soutient que, dans la mesure où aucune procédure pénale n’est actuellement engagée à l’encontre de M. El Sayed, les règles du Tribunal en matière de communication ne s’appliquent pas en l’espèce. La Chambre d’appel reconnaît que les dispositions du Règlement visent expressément la compétence pénale du Tribunal et non sa compétence inhérente pour examiner la requête et l’appel dont il est question en l’espèce. Cependant, les dispositions du Règlement assurent l’application des objectifs du Statut et sont donc pertinentes dans le cadre de l’exercice de la compétence inhérente du Tribunal. Par conséquent, le Règlement fournit à la Chambre d’appel des indications quant à la mise en œuvre des principes applicables à la question dont elle a été saisie. En effet, dès lors que le Règlement protège les informations de la communication dans le cadre de la procédure pénale, malgré les peines encourues par l’accusé, le Règlement doit a fortiori protéger les informations dans le cadre d’une procédure civile, dans la mesure où les peines encourues sont inévitablement moins sévères.

62 L’article 28 2 du Statut énonce que, en vue d’adopter le Règlement de procédure et de preuve, les juges « se guideront, selon ce qui conviendra, sur le Code de procédure pénal libanais et d’autres textes de référence consacrant les normes internationales de procédure pénale les plus élevées, afin de garantir un procès rapide et équitable ».

63 Aux termes de l’article 3 A) du RPP du TSL :Le Règlement est interprété conformément à l’esprit du Statut et, par ordre de priorité, i) aux principes d’interprétation établis en droit international coutumier, tels que codifiés aux articles 31, 32 et 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969), ii) aux normes internationales en matière de droits de l’homme, iii) aux principes généraux de droit international pénal et de procédure et, le cas échéant, iv) au Code de procédure pénale libanais.

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31. Enfin, dans la décision rendue le 16 février 2011, la Chambre d’appel a soutenu que l’accusé a le droit de bénéficier de l’application du droit libanais ou du droit international pénal, en fonction des dispositions qui lui garantissent la meilleure protection64. En l’espèce, la Chambre d’appel applique ce principe par analogie.

32. Par conséquent, la Chambre d’appel applique ces observations aux trois questions soulevées dans l’appel de M. El Sayed, mentionnées plus haut au paragraphe 7.

eXAMen des QuesTiOns

i. M. el sayed jouit-il d’un droit d’accès aux documents dont dispose le Tribunal ?

33. Dans la décision rendue le 10 novembre 2010, la Chambre d’appel a reconnu l’existence du droit de toute personne d’obtenir l’accès à son dossier pénal, et a indiqué qu’il était prématuré de le définir65. Le Procureur n’a pas interjeté d’appel incident contre la décision rendue par le Juge de la mise en état le 12 mai 2011 concernant la nature de ce droit. Aucune question n’étant soulevée à ce sujet, et dans la mesure où la Chambre d’appel approuve la démarche générale adoptée par le Juge de la mise en état, la Chambre d’appel n’a pas demandé d’observations supplémentaires ou d’argument oral afin de l’assister dans sa décision relative aux principes qui, en l’espèce, entraînent un droit d’accès aux informations. Dans la décision rendue le 17 septembre 2010, le Juge de la mise en état a comparé la requête de M. El Sayed à celle d’un individu accusé d’un crime souhaitant obtenir le droit de consulter son dossier pénal. La Chambre d’appel se fonde sur des principes de droit international plus généraux pour aboutir aux mêmes conclusions.

64 Décision préjudicielle sur le droit applicable : terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications, STL‑11‑01/I, 16 février 2011 (« Décision préjudicielle sur le droit applicable »), par. 211.

65 Décision du 10 novembre 2010 relative à M. El Sayed, voir supra, note 2, par. 64.

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34. La Chambre d’appel examine la requête de M. El Sayed aux fins d’information, en se fondant sur le droit international et sur le droit libanais. Elle estime que, compte tenu de l’intérêt légitime que présente pour M. El Sayed l’accès aux documents concernés, à savoir leur utilisation devant une juridiction pour introduire un recours à l’encontre des personnes présumées responsables de sa détention illégale, la demande d’accès aux documents de M. El Sayed est recevable. La Chambre d’appel déterminera séparément si M. El Sayed doit faire valoir sa demande en l’espèce, et de quelle manière. Après une évaluation des différents facteurs, la Chambre d’appel a conclu que, sous réserve de certaines exceptions, M. El Sayed a un droit d’accès aux documents dont dispose le Tribunal. Cependant, pour les raisons exposées ci‑après, la Chambre d’appel estime nécessaire de renvoyer le dossier devant le Juge de la mise en état pour qu’il en poursuive l’examen.

A Droit international

35. L’état de droit est un principe fondamental régissant les activités du Tribunal66. Il garantit en principe la reconnaissance des droits fondamentaux de l’homme et des procédures équitables permettant leur mise en œuvre. Parmi les autres éléments essentiels figurent la garantie d’un procès équitable et la dignité de l’individu vis‑à‑vis de l’État.

36. Ainsi, le Statut indique que « [l]’accusé a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement »67, et oblige expressément le Tribunal à garantir le respect de droits spécifiques pour les accusés68 et les suspects interrogés par le

66 Voir P. Sales, “Three Challenges to the Rule of Law in the Modern English Legal System”, dans R. Ekins (dir.), Modern Challenges to the Rule of Law (Wellington : LexisNexis, 2011), p. 190 ; voir également, par exemple, P. Craig, “Formal and Substantive Conceptions of the Rule of Law: An Analytical Framework” [1997] Public Law 467 ; M.H. Kramer, Objectivity and the Rule of Law (Cambridge : Cambridge University Press, 2007), p. 101 à 186 ; T. Bingham, The Rule of Law (London : Allen Lane, 2010) ; P. Sales, “The General and the Particular: Parliament and the Courts under the Scheme of the European Convention on Human Rights”, dans M. Andenas & D. Fairgrieve (dir.), Tom Bingham and the Transformation of the Law (Oxford : Oxford University Press, 2009), p. 163 à 167 ; L. Fuller, The Morality of Law: Revised Edition (New Haven : Yale University Press, 1969) ; J. Raz, “The Rule of Law and Its Virtue”, 93 Law Quarterly Review (1977) 195.

67 Article 162 du Statut du TSL.

68 Article 164 du Statut du TSL :Lors de l’examen des charges portées contre lui conformément au présent Statut, l’accusé a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

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Procureur69. De plus, conformément au Statut, les juges sont indépendants dans l’exercice de leurs fonctions et doivent jouir d’une haute considération morale, être connus pour leur impartialité et leur intégrité et posséder une grande expérience judiciaire70.

37. L’état de droit implique également l’égalité juridique pour tous les individus71, laquelle limite le pouvoir de l’État aux mesures nécessaires pour protéger la population. Par le passé, les citoyens étaient considérés comme subordonnés au souverain, conformément au principe selon lequel « le roi ne peut mal faire » (« the king can do no wrong »)72. Ce principe disparaît peu à peu, à mesure qu’est admis le véritable sens de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, des deux Pactes relatifs aux droits de l’homme adoptés par l’Organisation des Nations Unies en 1966, ainsi que de tous les autres instruments adoptés après la Seconde Guerre mondiale, appelant au respect de la dignité humaine. Les privilèges dont jouissent certains États peuvent être jugés nécessaires pour accomplir des fonctions légales au service de l’intérêt général, sous réserve toutefois du plein respect des impératifs juridiques relatifs aux droits de l’homme établis conformément au droit international coutumier et à tous les traités applicables. De manière croissante s’impose l’idée selon laquelle les citoyens ne doivent pas être considérés comme inférieurs à l’État

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui ;b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer librement avec le conseil de son choix ;c) être jugé sans retard excessif ;e) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ; [et]f) examiner tous les éléments de preuve à charge qui seront présentés au procès, conformément au Règlement de procédure et de preuve du Tribunal spécial[.]

69 Les suspects interrogés par le Procureur ont le droit de ne pas témoigner contre eux‑mêmes ; d’être informés qu’il y a des raisons de croire qu’ils ont commis un crime relevant de la compétence du Tribunal ; de garder le silence ; d’être assistés d’un conseil rémunéré par le Tribunal, le cas échéant ; de se faire assister par un interprète ; et d’être interrogés en présence de leur conseil. Article 15 du Statut du TSL.

70 Article 9 du Statut du TSL.

71 En Italie, la Cour constitutionnelle a appliqué le principe de l’égalité pour rejeter la requête du Premier ministre Berlusconi, visant à être le seul citoyen bénéficiant d’une immunité pénale : Italie, Cour constitutionnelle, Constitutionalité de “Lodo Alfano”, Jugement n° 262, 19 octobre 2009.

72 Ce principe est toutefois limité par l’obligation faite au Roi de protéger ses sujets, en contrepartie de leur devoir de fidélité à la Couronne : Royaume‑Uni, Affaire Calvin (1608) 7, Coke’s Reports 1a, 77 ER 377.

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et que leur droit à la dignité humaine et à l’égalité doit être pleinement respecté. L’émergence de la démocratie, tout comme la place grandissante du citoyen, a fait des organismes étatiques, y compris les politiciens et les juges, des serviteurs et non des maîtres du peuple73. Leurs pouvoirs, notamment celui d’autoriser le recours à la force aux fins d’appréhension, leur sont aujourd’hui conférés afin qu’ils les exercent au nom de l’ensemble des citoyens et non en tant que leur maître74.

38. Afin de déterminer quelles informations doivent être soumises à l’ordonnance d’une cour aux fins de communication, « [traduction] le test consistera systématiquement à déterminer si, en l’espèce, la communication semble nécessaire pour répondre à la question soulevée de manière équitable et juste »75. Il incombe à la cour d’établir les procédures permettant d’atteindre cet objectif en conciliant les demandes d’un requérant visant à obtenir la communication de toutes les informations et les requêtes contraires que l’État dépose au nom de l’intérêt général76.

39. Dans le cadre de l’application du principe fondamental qu’est l’état de droit, la Chambre d’appel relève deux courants de jurisprudence internationale à l’appui de la requête de M. El Sayed visant à obtenir l’accès aux documents : le droit d’accès à la justice, et ce qui a été qualifié de « droit » à l’information détenue par les pouvoirs publics.

73 Cette évolution est notamment illustrée par les règles de conduite de plus en plus strictes imposées aux parties à un procès appartenant au secteur public. Voir, par exemple, Royaume‑Uni, R (Quark Fishing Ltd) v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs [2002] EWCA Civ 1409 [50], [2002] All ER (D) 450 (Laws LJ) : « [traduction] Il existe, bien entendu, un devoir fondamental qui incombe aux représentants du pouvoir public, en particulier du gouvernement central, d’assister la cour en lui apportant des explications complètes et précises concernant tous les faits pertinents dans le cadre de la question dont la cour a été saisie ».

74 Voir, de manière générale, J. Waldron, “Are Sovereigns Entitled to the Benefit of the International Rule of Law?”, 22(2) European Journal of International Law (2011) 315, 316 et 317. Waldron considère que l’état de droit comprend notamment « [traduction] la nécessité que les personnes en position de pouvoir exercent leurs fonctions dans un cadre limité respectant les normes publiques et non en se fondant sur leurs priorités ou idéologies personnelles ; […et] dans le respect du principe de l’égalité juridique, lequel permet de garantir un droit égal pour tous, un accès aux tribunaux pour tous et l’application des lois à tous, sans exception ».

75 Royaume‑Uni, Tweed v. Parades Commission for Northern Ireland [2006] UKHL 53, [2007] 1 AC 650 [3] (Lord Bingham) [non souligné dans l’original].

76 Voir Nouvelle‑Zélande, CREEDNZ Inc. v. Governor-General [1981] 1 NZLR 172, 182 (CA); U.K., R (Al-Sweady) v. Secretary of State for Defence (No 2) [2009] EWHC 2387 (Admin).

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1. Accès à la justice

40. Dans les motifs de l’Ordonnance du 15 avril 2010, renvoyant la requête de M. El Sayed devant le Juge de la mise en état, le Président a souligné que la mesure sollicitée dans la présente requête se rapportait au droit d’accès à la justice. Le Président a indiqué ce qui suit :

Le droit d’accès à la justice est considéré par l’ensemble de la communauté internationale comme un élément essentiel, voire primordial de toute société démocratique. On peut donc affirmer à juste titre que la règle coutumière qui le prescrit revêt désormais le caractère de norme impérative (jus cogens). Qu’une norme revête un tel caractère est révélateur du fait que ladite norme a acquis une si grande importance aux yeux de la communauté internationale au point où les États et autres entités juridiques internationales ne peuvent y déroger dans la conduite de leurs affaires internationales ou dans leur droit interne, à moins que de telles dérogations ne soient permises par la norme elle‑même77.

41. À l’appui de cet argument, le Président a mentionné les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, ainsi que la jurisprudence des cours régionales des droits de l’homme78.

42. Afin d’acquérir un véritable sens, le droit d’accès à la justice doit s’étendre aux moyens de garantir une réparation juste. En l’espèce, le fait de ne pas communiquer à M. El Sayed les informations demandées pourrait entraver son accès effectif à la justice devant les juridictions nationales.

43. Les juridictions s’efforceront donc de garantir la mise en œuvre pratique du droit d’accès à la justice. Cette démarche est illustrée par la requête équitable aux fins de communication de pièces (« bill of discovery »), forme de recours juridique reconnue dans le cadre de la common law en Angleterre et connaissant actuellement une évolution importante. Lorsqu’une personne subit un préjudice dont l’auteur n’est pas identifié, la requête aux fins de communication de pièces permet à cette personne d’obtenir des informations relatives à l’identité de l’auteur, auprès de tiers

77 Ordonnance portant renvoi devant le Juge de la mise en état, voir supra, note 21, par. 29.

78 Id. par. 29 à 33.

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ayant participé au comportement nuisible, bien qu’innocemment79. Cette forme de recours a été récemment utilisée dans le cadre de l’affaire R (on the application of Binyan Mohamed) v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs80.

44. Qu’il soit admis dans la jurisprudence internationale relative aux droits de l’homme ou consacré par les tribunaux nationaux81, le droit effectif d’accès à la justice est fondamental. La Chambre d’appel étant tenue de respecter les normes internationales de justice les plus élevées, elle doit tenir compte de ce droit d’accès aux fins d’examen de la requête de M. El Sayed. Cependant, le droit d’accès à la justice ne justifie pas la communication de documents à des fins autres que celles énoncées par M. El Sayed, à savoir l’engagement de poursuites à l’encontre des personnes présumées responsables de sa détention.

2. liberté d’information

45. Le principe du droit d’accès à l’information détenue par les pouvoirs publics est aujourd’hui bien établi au niveau international82. En termes strictement juridiques,

79 Royaume‑Uni, Norwich Pharmacal v. Customs & Excise Commissioners [1974] 1 AC 133 ; RoyaumeUni, R (on the application of Binyan Mohamed) v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs [2008] EWHC 2048 (Admin), [2009] 1 WLR 2579 et 2653, en appel [2010] EWCA Civ 65 & 158, [2010] 3 WLR 554 ; Canada, Glaxo Wellcome PLC c. Le ministre du Revenu national [1998] 4 FC 439 ; R.F. Barron, “Existence and Nature of Cause of Action for Equitable Bill of Discovery”, 37 ALR 5th 645 (1996) ; ÉtatsUnis, Pressed Steel Car Co. v. Union Pacific Railroad Co., 240 F. 135 (S.D.N.Y. 1917) (per Learned Hand, J) ; ÉtatsUnis, Sinclair Refining Co. v. Jenkins Petroleum Process Co., 289 U.S. 689 (1933).

80 Royaume‑Uni, R (on the application of Binyan Mohamed) v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs [2008] EWHC 2048 (Admin), [2009] 1 WLR 2579 et 2653, en appel [2010] EWCA Civ 65 & 158, [2010] 3 WLR 554. Dans le cadre de cette affaire, le requérant était accusé de crimes graves aux Etats‑Unis et il entendait obtenir des informations du gouvernement britannique en vue de préparer sa défense. La juridiction supérieure britannique a mis en œuvre la procédure de requête aux fins de communication de pièces pour demander au gouvernement britannique de communiquer au requérant, afin de l’aider à préparer sa défense, des informations confidentielles relatives à l’implication du Royaume‑Uni dans des actes de torture que des agents des Etats‑Unis ont infligés au requérant afin qu’il avoue avoir participé à des actes terroristes.

81 Outre la requête aux fins de communication de pièces relevant de la common law, voir la jurisprudence nationale citée dans l’Ordonnance portant renvoi devant le Juge de la mise en état, rendue par le Président, voir supra, note 21, par. 27.

82 « [traduction] La liberté d’information est de plus en plus reconnue en droit international. De nombreux traités, accords et déclarations émanant d’entités internationales et régionales obligent ou encouragent les gouvernements à adopter des lois. Cette notion apparaît peu à peu dans les instances internationales. Près de 70 pays du monde entier ont adopté des lois relatives à la liberté d’information pour favoriser l’accès aux dossiers en la possession d’entités gouvernementales, et cinquante autres envisagent d’en faire autant. […] La moitié environ des pays disposant d’un droit constitutionnel a adopté une loi nationale relative à la liberté

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il s’agit d’une « requête », qui doit être évaluée au même titre que des requêtes contradictoires, et non d’un « droit légal » pouvant être exercé ; il ne s’agit d’un droit légal que si la cour admet que la requête est juridiquement recevable. Cependant, le terme « droit » étant généralement utilisé dans une acception plus large dans le langage courant, la Chambre d’appel emploie le terme « droit » pour décrire une telle requête. L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme en fait de même ; il dispose en effet que : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression », ce qui implique « le droit […] de chercher, de recevoir et de répandre […] les informations et les idées […] ». L’article 192 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966 par l’Organisation des Nations Unies, indique que la liberté d’expression « comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». Parallèlement, la Charte arabe des droits de l’homme (2004), entrée en vigueur en 2008, énonce à l’article 32 :

1. La présente Charte garantit le droit à l’information et la liberté d’opinion et d’expression et le droit de rechercher, de recevoir et de répandre des informations par tout moyen, sans considération de frontières géographiques ;

2. Ces droits et libertés sont exercés dans le cadre des principes fondamentaux de la société et sont soumis aux seules restrictions nécessaires au respect des droits et de la réputation d’autrui et à la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé publique ou de la moralité publique83.

46. En 2002, la Commission établie conformément à la Charte africaine des droits de l’homme et des Peuples, a adopté la Déclaration de principes sur la

d’information ». D. Banisar, “Freedom of Information Around the World 2006” (2008), p. 6 et 17, disponible à l’adresse : http://www.freedominfo.org/documents/global_survey2006.pdf. Voir également les études énumérées à la note de bas de page n° 88 et T. Mendel, Liberté d’information, une étude comparative des législations, 2é éd. (Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, 2008), p. 3.

83 La Charte a été signée par les États suivants : Liban, Algérie, Le Bahreïn, Égypte, Libye, Jordanie, Koweït, Maroc, Palestine, Qatar, Arabie Saoudite, Soudan, Syrie, Tunisie, Émirats Arabes Unies et Yémen. Les États suivants l’ont ratifiée : Algérie, Le Bahreïn, Libye, Jordanie, Palestine, Qatar, Arabie Saoudite, Syrie, Émirats Arabes Unis et Yémen.

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liberté d’expression en Afrique, qui prévoit la liberté d’expression84 et la liberté d’information85. L’article 101 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que le droit à la liberté d’expression « comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ». De plus, la Cour interaméricaine des droits de l’homme s’est fondée sur l’article 13 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme, adoptée par l’Organisation des États américains, pour établir un droit à la liberté d’information étendu, sous réserve des restrictions nécessaires86.

47. La Suède a été le premier État à promulguer une loi relative à la liberté d’information en 1766 ; le droit à l’information est actuellement consacré dans le « Regeringsformen », la Constitution suédoise87. Aujourd’hui, 115 États ont

84 Aux termes de l’article I de la Déclaration : 1. La Liberté d’expression et d’information, y compris le droit de chercher, de recevoir et de communiqué des informations et idées de toute sorte, oralement, par écrit ou par impression, sous forme artistique ou sous toute autre forme de communication, y compris à travers les frontières, est un droit fondamental et inaliénable et un élément indispensable de la démocratie.2. Tout individu doit avoir une chance égale pour exercer le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, sans discrimination aucune.

85 Aux termes de l’article IV de la Déclaration : 1. Les organes publics gardent l’information non pas pour eux, mais en tant que gardiens du bien public et toute personne a le droit d’accéder à cette information, sous réserve de règles définies et établies par la loi.2. Le droit à l’information doit être garanti par la loi, conformément aux principes suivants :Ø toute personne a le droit d’accéder à l’information détenue par les organes publics [...].

86 Voir Cour interaméricaine des droits de l’homme, Claude-Reyes v. Chile, Séries C, n° 151 (19 septembre 2006), par. 77.

87 L’article 1 du « Regeringsformen » constitue le point de départ non seulement de la liberté d’information de manière générale, mais également du droit d’accès à toutes les pièces dont disposent les organes publics, droit fondamental de tous les citoyens. En fait, toutes ces pièces doivent être disponibles et communiquées dès qu’une demande est faite en ce sens. Cependant, ce droit comporte des exceptions. Conformément aux conditions générales établies dans la Constitution, ce droit peut être limité par les lois adoptées par le Parlement. La principale loi relative à de telles restrictions est intitulée « Offentlighets‑ och sekretesslagen », à savoir la Loi relative à la publicité et à la confidentialité, adoptée en 2009.Les restrictions à la communication prévues dans la Loi « Offentlighets‑ och sekretesslagen » ont pour fondement les différents types d’intérêts pouvant subir un préjudice ou un dommage en cas de communication, notamment le risque de compromettre les enquêtes relatives à des crimes et la protection des informations privées. Une partie, non seulement dans le cadre d’une affaire devant un tribunal, mais également dans le cadre d’autres affaires devant des entités publiques, a un droit d’accès à toutes les pièces de l’affaire, même si dans certains cas très particuliers, certaines restrictions peuvent s’appliquer (voir le chapitre 18, article 1). Si une enquête pénale est close sans donner lieu à un procès, un ancien suspect peut être considéré comme une partie et, à ce titre, bénéficier du droit de consulter certaines informations de l’enquête (Regeringsrätten – la décision rendue

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adopté le principe de liberté d’information, que ce soit sous forme de dispositions constitutionnelles, de statut ou de règles88. Ces États appartiennent aux pays de droit romano‑germanique, de common law et de traditions islamiques89. D’autres États ont préparé des textes relatifs à la liberté d’information en cours d’adoption législative.

48. Cependant, le droit à l’information doit être concilié avec d’autres intérêts en jeu, tels que le principe de la bonne administration de la justice, et notamment la nécessité de garantir la confidentialité d’une enquête. Parmi les autres intérêts peuvent également figurer le droit à la confidentialité et au respect de la vie privée, également

par la Cour administrative suprême de Suède le 7 juin 2011, dans l’affaire 2808‑00, publiée dans RÅ 2001 ref. 27). Voici un résumé de l’affaire. En se fondant sur une allégation, la police a ouvert une enquête préliminaire sur un crime économique qui aurait été commis par un individu, T.K. Cependant, le procureur a décidé de ne pas mener d’enquête pénale formelle à l’encontre de T.K. L’allégation de crime découlait d’une affaire civile en cours, dans le cadre de laquelle T.K. était impliqué. T.K. a affirmé qu’il était nécessaire de lui accorder un droit d’accès aux pièces rassemblées par la police, afin de garantir le respect de ses droits dans le cadre de procédures civiles en cours et à venir. La Cour administrative suprême a indiqué que les pièces dont disposaient la police et le procureur constituaient une affaire au sens du droit et que T.K. devait être considéré comme une partie à cette affaire. Il avait donc qualité, conformément au droit, pour obtenir l’accès aux pièces en question. S’agissant du lien entre l’enquête pénale close et la procédure civile en cours et compte tenu de la nécessité de consulter les pièces, la Cour a conclu qu’il avait un motif suffisant à l’appui de sa requête aux fins d’accès aux pièces.

88 D’après un ensemble de sources, il existerait jusqu’à 115 pays dont les lois nationales, décrets nationaux ou dispositions constitutionnelles reconnaissent la liberté d’information, et vingt‑deux autres pays dans lesquels des projets de lois seraient en cours d’élaboration. Voir Banisar, “Freedom of Information Around the World”, voir supra, note 82 ; Open Society Justice Initiative, “Transparency & Silence: a Survey of Access to Information Laws and Practices in Fourteen Countries” (2006), disponible à l’adresse : http://www.soros.org/initiatives/justice/focus/foi/articles_publications/publications/transparency_20060928 ; D. Banisar, “Legal Protections and Barriers on the Right to Information, State Secrets and Protection of Sources in OSCE Participating States” (mai 2007), disponible à l’adresse : https://www.privacyinternational.org/foi/OSCE‑access‑analysis.pdf (étude commandée par le Représentant pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) ; R. Vleugels, “Overview of all FOI Laws” (2010), http://right2info.org/resources/publications/Fringe%20Special%20‑%20Overview%20FOIA%20‑%20sep%2020%202010.pdf ; Right2Info, dispositions constitutionnelles, lois et règlements relatifs au droit à l’information, http://right2info.org/laws (consulté pour la dernière fois le 14 juillet 2011). Outre les lois nationales, décrets nationaux et dispositions constitutionnelles énumérées dans ces sources, voir Cameroun, Constitution, art. 9, section 1 et art. 19 ; Cap Vert, Constitution, art. 20 et 43 ; République démocratique du Congo, Constitution, art. 24 ; Congo, Constitution, art. 19 ; Salvador, Ley de Acceso a la Informaciôn Pública (loi relative à l’accès à l’information publique), Décret n° 534 (Déc. 2010) ; Érythrée, Constitution, art. section 3 ; Ghana, Constitution, art. 21, section 1f) ; Guinée‑Bissau, Constitution, art. 43 ; Kazakhstan, Constitution, art. 18, section 3 et art. 20 section 2 ; Kenya, Constitution, chapitre 5, par. 79 ; Madagascar, Constitution, art. 11 ; Malte, Freedom of Information Act (Loi relative à la liberté d’information), Chapitre 496 (Loi XVI 2008) ; Mongolie, Constitution, art. 16, section 17 ; Népal, Constitution, art. 27 ; Nicaragua, Constitution, art. 66 et 67 ; Rwanda, Constitution, art. 34 ; SaintVincentetlesGrenadines, Freedom of Information Act (Loi relative à la liberté d’information) (Loi n° 27 de 2003) ; Seychelles, Constitution, art. 28 ; Venezuela, Constitution, art. 28.

89 Voir la large diversité géographique représentée par les pays examinés dans les sources citées aux notes de bas de page n° 82 et 88.

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établis à l’article 171 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux termes duquel : « [n]ul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation ». En cas de conflit entre lesdits intérêts, il incombe aux juridictions de parvenir à les concilier, à la lumière des principes généraux du droit international relatif aux droits de l’homme.

49. Le profond changement international est tel qu’il appelle la reconnaissance de la liberté d’information comme principe général du droit. Les raisons d’une telle reconnaissance ont été résumées par le Regeringsformen suédois et précisées par le comité néo‑zélandais chargé des questions relatives aux informations officielles (Committee on Official Information), qui a conclu que cette liberté « [traduction] est fondée sur les principes démocratiques visant à encourager la participation aux affaires publiques et à garantir que la responsabilité des personnes exerçant le pouvoir soit établie ; et découle également du respect des intérêts privés »90. Ainsi, l’évolution et la mise en œuvre de la liberté d’information à titre de principe général du droit international devrait avoir pour fondement l’hypothèse suivante :

[traduction] [...] le principedelanon-communicationn’estplusefficace,nivraiment pertinent […] il conviendrait dorénavant d’appliquer le principe selon lequel les informations doivent être communiquées, àmoins qu’unmotifvalablenejustifielanon-communication91.

3. intérêts concurrents

50. Ni l’accès à la justice, ni la liberté d’information ne consacrent le droit d’obtenir des informations des autorités publiques comme un droit absolu. L’intérêt général commande la confidentialité de certaines catégories d’informations et justifie les limitations aux droits à l’information relevant de ces deux courants92. S’agissant en

90 Nouvelle‑Zélande, Committee on Official Information, Towards Open Government 1: General Report (Wellington: 1980) (“Towards Open Government”), par. 20 [non souligné dans l’original].

91 Id., par. 54 et 55 [non souligné dans l’original].

92 Voir paragraphe 48 précédent. Cependant, le droit d’un accusé à un procès équitable l’emporte sur les tous les autres droits et si, malgré les garanties disponibles, la non‑divulgation de l’information porte atteinte à l’équité du procès, les charges à l’encontre de l’accusé doivent être retirées. Article 116 C) du RPP ; Royaume‑Uni, R v. A (No. 2) [2001] UKHL 25, [2002] 1 AC 45 [38] (Steyn, LJ) ; S. Stapleton, “Ensuring a Fair Trial in

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particulier du principe de la liberté d’information, il convient de concilier les intérêts légitimes et justifiés de l’État ; des individus et des organisations (notamment le respect de la vie privée) ; et du gouvernement et de l’administration en place. Ainsi :

[traduction] [a]ucune demande visant l’ouverture complète n’a été faite dans les pays où la question de l’accès aux informations officielles a été soulevée. Les motifs justifiant la non‑communication et la protection de certaines informations sont peu contestés93.

Dans les deux cas, afin de rendre la justice en faveur des individus et de la communauté au sens large, le droit doit prévoir des procédures permettant de protéger certaines catégories d’informations pour des motifs d’intérêt général légitimes94.

51. De même, toute requête de M. El Sayed en vue d’obtenir des informations dont dispose le présent Tribunal doit être examinée en tenant dûment compte des intérêts concurrents justifiés et susceptibles d’être avancés par le Procureur au nom de la communauté dans son ensemble. Une telle requête n’est recevable que si les informations ainsi obtenues sont utilisées aux seules fins affirmées dans la requête de M. El Sayed, selon laquelle les documents concernés présentent un intérêt légitime.

B. Droit libanais

52. La Chambre d’appel a relevé que le Juge de la mise en état s’était fondé sur le droit d’un accusé d’avoir accès à son dossier pénal ou à son dossier en vue d’établir sa défense. Le Juge de la mise en état a soutenu que M. El Sayed aurait dû avoir accès au dossier (à l’exception des pièces devant rester confidentielles) ; et qu’un tel droit était encore applicable après sa remise en liberté. On peut opposer à cet argument que, conformément au droit libanais, M. El Sayed n’a jamais bénéficié d’un tel droit d’accès qui n’est accordé qu’en cas de condamnation ou de non‑lieu.

the International Criminal Court: Statutory Interpretation and the Impermissibility of Derogation”, 31 N.Y.U. Journal of International Law & Policy (1999) 535, p. 568 ; voir CEDH, Chahal c. RoyaumeUni, 15 novembre 1996, par. 31 et 32, Reports of Judgements and Decisions, 1996‑V.

93 Towards Open Government, voir supra, note 90, par. 33.

94 Voir, pour des arguments d’ordre général, D. Feldman, “Disclosure of Information, Torture and the ‘Special Relationship’”, 69(3) Cambridge Law Journal (2010) 430.

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53. Jusqu’à présent, les juridictions libanaises ont interprété le Code de procédure pénale libanais comme imposant d’importantes restrictions au droit d’accès au dossier pénal dont bénéficie un suspect pendant l’enquête, et comme autorisant à l’accusé un accès complet au stade du procès. Un principe général a été mis en œuvre pendant la phase de l’enquête : le principe de la confidentialité ou du secret95, selon lequel les pièces relatives à l’enquête n’ont pas à être communiquées. De manière générale, l’accès au dossier n’a été accordé qu’après le prononcé d’un non‑lieu (à la fin de l’enquête)96 ou au stade du procès, mais pas avant.

54. Différentes parties du Code de procédure pénale libanais contiennent des dispositions décrivant l’accès au dossier pénal. Au stade de l’enquête, conformément à l’article 76 du Code, l’accusé doit être informé des charges portées à son encontre, ce qui signifie que le juge d’instruction doit résumer les faits et informer l’accusé des éléments de preuve dont il dispose ou des soupçons qui pèsent sur lui97. Si l’accusé demande l’assistance d’un conseil, l’article 78 du Code prévoit que, avant d’interroger l’accusé, le juge d’instruction est tenu d’« informer » le conseil des mesures qu’il a prises aux fins de l’enquête98. Cependant, ce devoir d’information

95 Aux termes de l’article 53 du Code de procédure pénale libanais : « L’instruction reste secrète tant que l’affaire n’a pas été renvoyée devant une juridiction de jugement. Le secret de l’instruction ne s’étend pas à l’ordonnance du juge d’instruction. Quiconque trahit le secret de l’instruction est passible de poursuites devant le juge unique dans le ressort duquel le fait répréhensible a eu lieu et d’une peine d’emprisonnement allant d’un mois à un an ainsi que d’une amende de cent mille à un million de livres, ou d’une de ces deux peines ». Une version française du Code de procédure pénale libanais peut être consultée sur le site internet du Tribunal (voir http://www.stl‑tsl.org/sid/49).

96 Aux termes de l’article 122 du Code de procédure pénale libanais : « Le juge d’instruction qui prononce un non‑lieu en faveur du défendeur fonde son ordonnance sur un motif de droit ou de fait […] ». Dans la version anglaise, le verbe « stay » renvoie à un retrait des charges à l’encontre de l’accusé par le juge d’instruction et non à une suspension provisoire de la procédure. Conformément au droit libanais, il s’agit d’un non‑lieu. Un « non‑lieu » se traduit par un retrait des charges (Dictionnaire juridique français‑anglais du Conseil de l’Europe).

97 Aux termes de l’article 76 : Lors de la première comparution du défendeur devant lui, le juge d’instruction l’informe de l’infraction qui lui est imputée en lui résumant les faits et en lui présentant les charges et les suspicions qui pèsent contre lui afin qu’il puisse les réfuter et se défendre. Le juge d’instruction n’est pas tenu de lui fournir la qualification juridique des faits. Le juge d’instruction informe le défendeur de ses droits, notamment celui de se faire assister par un seul avocat pendant l’interrogatoire.L’omission par le juge d’instruction d’informer le défendeur de l’infraction qui lui est imputée conformément aux dispositions ci‑dessus ou de l’informer de son droit de se faire assister par un avocat emporte nullité de l’interrogatoire en tant que preuve.

98 L’article 78 du Code of de procédure pénale prévoit que : « […] si le défendeur fait choix d’un avocat pour le défendre, le juge d’instruction ne peut l’interroger ou poursuivre l’instruction qu’en présence de l’avocat et

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n’implique pas un accès aux déclarations de témoins. Par conséquent, un juge peut interpréter ces dispositions comme imposant d’importantes restrictions au droit d’accès d’une personne à son dossier pénal.

55. Lorsque l’acte d’accusation est délivré par la chambre d’accusation, l’ensemble du dossier est transmis à la juridiction pénale et est publié99. Au stade du procès, conformément au droit libanais, il n’existe pas d’exceptions précises à la communication du dossier pénal. L’accusé jouit d’un droit d’accès à tous les éléments figurant dans le dossier. Il n’est pas nécessaire que la Chambre d’appel détermine si ces éléments comprennent les informations relatives aux témoins, ou encore les informations non soumises à l’obligation de communication en application des règlements de procédure et de la jurisprudence des tribunaux internationaux.

56. En bref, avant que des charges ne soient portées à l’encontre d’un accusé, la confidentialité d’une enquête est considérée comme absolue. L’accusé n’est alors qu’un simple suspect, et ses droits relatifs aux informations et à l’accès aux dossiers sont peu nombreux. Dès lors qu’un suspect devient un accusé, et afin de garantir le respect des droits de la défense et du principe de l’égalité des armes, il obtient toutes les informations recueillies par les juges ou la police judiciaire à l’appui des charges portées à son encontre. De même, en cas de non‑lieu, il a le droit d’obtenir une copie de l’ensemble du dossier.

57. La Chambre d’appel a rappelé que, au moment où le Tribunal a été déclaré compétent à l’égard de l’affaire le concernant, M. El Sayed était en détention et un mandat d’arrêt avait été délivré par le juge d’instruction libanais qui dirigeait encore l’enquête le concernant. Il n’a pas été condamné et aucun non‑lieu n’a été prononcé. Par conséquent, on peut avancer qu’au moment de sa remise en liberté accordée par le Tribunal, M. El Sayed ne bénéficiait pas d’un droit d’accès à l’ensemble de son dossier pénal au Liban100.

après avoir communiqué à ce dernier l’ensemble des actes d’enquête, à l’exception des dépositions de témoins, et ce, sous peine de nullité de l’interrogatoire et des procédures subséquentes. […]»

99 L’article 239 du Code de procédure pénale libanais figure au Chapitre III intitulé « Actes du procès ». Aux termes de cet article : « L’ensemble des parties peuvent prendre connaissance du dossier de l’affaire et s’en faire délivrer copie ».

100 Voir le Code de procédure pénal libanais, art. 76 et 78.

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58. Cependant, le droit libanais permet de faire droit à une telle requête en se fondant sur un motif différent, tel que le droit d’accès à l’information prévu et mentionné dans la Constitution libanaise indépendamment des droits d’un suspect ou d’un accusé dans le cadre d’une affaire pénale, mais pas nécessairement sans rapport avec lesdits droits.

59. Dans la décision du 16 février 2010, la Chambre d’appel a soutenu que :

À partir de la jurisprudence du Conseil constitutionnel libanais, il apparaît que le Préambule est considéré comme faisant partie intégrante de la Constitution et qu’il jouit de ce fait du même statut juridique que les autres dispositions constitutionnelles.

Il s’ensuit que le Préambule et tous les textes qu’il mentionne [...] ont un statut constitutionnel. Tous ces principes deviennent en conséquence des principes constitutionnels sur la base de la Constitution libanaise elle‑même101.

60. Le Préambule mentionne expressément deux instruments relatifs aux droits de l’homme : la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques102. Ces deux instruments garantissent le droit de « chercher, recevoir et répandre des informations »103.

61. Dans ce contexte, il est légitime de considérer la liberté d’information, telle que prévue dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, comme ayant valeur constitutionnelle conformément au droit libanais. Cependant, ni la législation, ni

101 Voir la Décision préjudicielle sur le droit applicable, supra, note 64, note de bas de page 232.

102 Le Préambule de la Constitution libanaise prévoit que : « Le Liban est arabe dans son identité et son appartenance. Il est membre fondateur et actif de la Ligue des Etats Arabes et engagé par ses pactes ; de même qu’il est membre fondateur et actif de l’Organisation des Nations‑Unies, engagé par ses pactes et par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. L’Etat concrétise ces principes dans tous les champs et domaines sans exception ». Le Conseil constitutionnel libanais a soutenu que : « […] ces pactes internationaux auxquels se réfère expressément le Préambule de la Constitution, constituent avec celui‑ci ainsi qu’avec la Constitution elle‑même un tout indivisible, et ont ensemble force constitutionnelle ». Conseil constitutionnel, recours n° 2/2001, 10 mai 2001, publié dans Al‑majless al‑doustouri (2001‑2005) [Journal du Conseil constitutionnel (2001‑2005)], p. 150.

103 Article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; Voir également l’article 192 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ces dispositions sont reproduites plus haut au paragraphe 45.

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la jurisprudence libanaises n’ont clairement défini l’étendue de tout droit qui en découle et de toute restriction susceptible de s’y appliquer.

C. Application en l’espèce

62. Conformément au droit international, le concept d’accès effectif à la justice et le principe général de liberté d’information laissent à penser que la requête déposée par M. El Sayed aux fins d’accès aux documents dont dispose le Tribunal est potentiellement recevable. Cependant, la question de savoir s’il s’agit d’un droit que la Chambre d’appel doit reconnaître et faire valoir dans ce cas précis est toute autre. Plusieurs questions doivent être examinées.

63. Premièrement, le poids du droit du requérant à l’information évolue constamment : plus l’intérêt personnel est important, plus la requête a de force, même si elle doit être conciliée avec des considérations relatives à la confidentialité. Dans le cadre des affaires R (on the application of Binyan Mohamed) v. Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs,104 Commissioner of Police v. Ombudsman,105 et United States v. Moussaoui106, la personne cherchant à obtenir des informations d’une autorité publique était accusée de crimes et demandait un accès aux informations en vue de préparer se défense. En revanche, M. El Sayed n’est plus en détention et aucune charge n’a été retenue à son encontre.

64. Il convient ensuite d’aborder une question propre aux tribunaux ad hoc : les limites de leurs ressources. Dans l’affaire Rwamakuba c. Le Procureur107, le Tribunal pour le Rwanda a eu beaucoup de mal, dans le cadre de la violation du droit d’un accusé de bénéficier de l’assistance juridique, à trouver les fonds nécessaires pour une compensation mineure dont la somme représentait bien moins que les ressources nécessaires pour répondre à la requête dont la Chambre d’appel est saisie en l’espèce. Cette affaire démontre qu’il convient de faire preuve de réalisme. Le Tribunal ne

104 Voir note de bas de page 80.

105 [1988] 1 NZLR 385.

106 382 F.3d 453 (4e Cir. 2004).

107 Décision sur l’appel interjeté contre la décision relative à la requête de la Défense en juste réparation, affaire n° ICTR‑98‑44C‑A, 13 septembre 2007.

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doit pas s’engager inconsidérément dans l’examen de questions ne relevant pas directement de ses fonctions, telles que définies par son Statut, au risque d’utiliser à mauvais escient des ressources limitées. Il serait toutefois injuste de priver systématiquement d’un tel processus un requérant présentant un grief légitime.

65. La question de la légitimité de l’intérêt avancé doit également être examinée. La simple affirmation d’une personne libérée, indiquant que son arrestation et sa détention étaient injustifiées, peut s’avérer insuffisante pour justifier de mesures extraordinaires. À titre d’exemple, au terme d’un procès, un acquittement peut être prononcé pour des raisons sans rapport avec l’innocence factuelle de l’accusé. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de certaines juridictions nationales, l’État ne rembourse pas les frais juridiques d’un accusé acquitté, sauf s’il est démontré que les poursuites engagées à l’encontre de cette personne n’étaient pas raisonnables108. De même, la remise en liberté de M. El Sayed ne signifie pas en soi que sa détention n’était pas raisonnable ou qu’il a par conséquent qualité pour présenter un recours devant une juridiction nationale, même si cette remise en liberté pourrait constituer un élément à l’introduction d’un recours en réparation.

66. Les seuls éléments dont dispose la Chambre d’appel à cet égard sont les affirmations du Procureur, selon lesquelles :

« les informations recueillies à ce jour en rapport avec la participation éventuelle des quatre personnes détenues à [sic] l’affaire de l’attentat commis contre Rafic Hariri ne se sont pas avérés être suffisamment crédibles pour justifier la délivrance d’un acte d’accusation à leur encontre ». […] « [l]’évaluation effectuée se fonde sur plusieurs considérations, notamment les incohérences entre les déclarations de témoins potentiellement clés ainsi que sur l’absence de preuve corroborant lesdites déclarations. En outre, certains témoins ont modifié leurs déclarations, et un témoin potentiellement clé a expressément retiré sa déclaration initiale à charge ». Le Procureur, qui n’a nommé personne,

108 À titre d’exemple, la New‑Zealand Law Commission a soutenu qu’un acquittement n’entraîne pas en soi une obligation de l’État d’indemniser l’accusé pour les frais de sa défense : un acquittement peut être prononcé pour des raisons sans rapport avec l’innocence factuelle d’un accusé, et encore moins avec le caractère raisonnable de la décision du procureur de présenter des charges à son encontre. Nouvelle‑Zélande, New‑Zealand Law Commission, rapport 60 : Costs in Criminal Cases (Wellington : mai 2000) par. 10, disponible à l’adresse : http://www.lawcom.govt.nz/sites/default/files/publications/2000/05/Publication_68_290_R60.pdf. D’autres juridictions ont adopté une démarche différente.

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a ajouté que l’enquête se poursuivait et que ses conclusions ne devraient pas être perçues comme portant préjudice de toute démarche ultérieure109. »

Il ne s’agit ni d’une reconnaissance d’innocence, ni d’une affirmation de culpabilité ; mais ces affirmation indiquent les raisons pour lesquelles, au moment de la remise en liberté, les charges n’ont pas été maintenues.

67. Afin de déterminer si les juges doivent faire droit à la requête de M. El Sayed aux fins d’accès aux documents, la Chambre d’appel doit procéder à un examen rationnel et mesuré de ces facteurs concurrents110. La Chambre d’appel doit notamment concilier la requête aux fins d’informations avec le principe de confidentialité d’une enquête en cours et la nécessité de ménager les ressources dans un cas où les seules informations disponibles sont les faits qui ont été communiqués par le Procureur. La Chambre d’appel a souligné que les courants visant à soutenir une requête aux fins de communication ne sont pas suffisants pour donner lieu à un droit à l’information recevable : les considérations de confidentialité que l’on peut y opposer, aussi bien aux fins de l’enquête qu’à d’autres fins, doivent être surmontées. Un simple acquittement ou abandon des charges ne permet pas en soi la mise en œuvre d’un tel droit. Le test à appliquer ne doit pas ouvrir la voie à une déviation inconsidérée du principal mandat du Tribunal. Par conséquent, la Chambre d’appel a déterminé que la demande ne pouvait être accordée de plein droit. Il y sera fait droit uniquement si une telle décision est nécessaire pour éviter qu’en cas de rejet, le requérant ne subisse une injustice qui l’emporterait nettement sur les intérêts concurrents, mais sans outrepasser ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

68. La Chambre d’appel conclut que la détention pendant presque quatre ans, ainsi que les affirmations du Procureur à la fin de cette période, démontrent que l’accès aux informations permettrait incontestablement d’éviter une injustice, et que l’intérêt que présente l’autorisation d’exercer ce droit l’emporte sur le coût de la procédure. Cependant, une telle autorisation doit avoir pour seul objectif de

109 Ordonnance portant renvoi devant le Juge de la mise en état, voir supra, note 21, par. 5 (citant la Requête du Procureur adressée au Juge de la mise en état en application de l’article 17 du Règlement de procédure et de preuve, CH/PTJ/2009/004, 27 avril 2009, par. 29).

110 Voir Royaume‑Uni, R (on the application of Cart) v. The Upper Tribunal [2011] UKSC 29.

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permettre à M. El Sayed d’introduire le recours qu’il a mentionné dans sa requête auprès du Président, sous réserve des conditions établies par le Juge de la mise en état111. L’exercice du droit d’accès à d’autres fins serait injustifié et abusif112.

69. La Chambre d’appel va maintenant examiner les points spécifiques de la décision du Juge de la mise en état contestés par l’Appelant : le Juge de la mise en état a‑t‑il eu raison de déterminer que tous les documents relevant des trois catégories définies par le Procureur devaient être soustraits à l’obligation de communication ?

ii. le juge de la mise en état a-t-il commis une erreur en excluant catégoriquement ces trois groupes de documents de ceux communiqués à M. el sayed ?

70. La Chambre d’appel a relevé au paragraphe 16 que le Juge de la mise en état avait conclu que les documents relevant des catégories 1), 2) et 3) étaient par nature confidentiels, que, conformément à l’article 111 ils ne sauraient être communiqués et qu’ils ne relevaient pas du dossier pénal de M. El Sayed. Par conséquent, le Juge de la mise en état a soutenu que le Procureur n’était pas tenu de communiquer les documents relevant des catégories 1), 2) et 3).

A. Point de vue de la Chambre d’appel

71. Le Procureur est le premier responsable de la classification des documents. L’argument du Procureur, selon lequel la contestation de la classification des documents par l’Appelant vise à recueillir des informations à l’aveuglette, ne tient pas compte de ce principe. Lorsqu’il y a des motifs de croire que le Procureur a ignoré cette responsabilité, l’Appelant a le droit de contester la classification établie devant le présent Tribunal113. Il incombe en dernier lieu au pouvoir judiciaire de garantir le respect du droit. Le principe de l’intérêt général « [traduction] ne signifie pas un abandon du contrôle judiciaire sur l’accès aux tribunaux […], il est essentiel

111 Voir plus haut, note de bas de page 5.

112 Voir les motifs d’une conclusion semblable dans Royaume‑Uni, Riddick v. Thames Board Mills Ltd. [1977] 1 QB 881.

113 Voir les sources mentionnées ci‑après à la note de bas de page 117.

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que les tribunaux continuent d’examiner d’un œil critique les instances d’invocation de ce principe »114.

72. La qualification juridique d’un document aux fins de la procédure judiciaire suppose son évaluation à la lumière des dispositions légales applicables. Un tel examen peut être relativement simple si la qualification du document est expressément prévue dans les dispositions légales, mais se complique lorsque lesdites dispositions ne définissent pas précisément le concept et ses conséquences juridiques. Tel est le cas pour les documents relevant de l’article 111, lequel emploie des termes généraux et imprécis, tels que « rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie […] »115. Lorsque les concepts ne sont pas définis dans les textes légaux, il incombe aux juges d’établir des critères permettant de les définir et de les évaluer116. Le contenu des documents concernés, leur fonction et leur objectif, ainsi que leur source ou auteur sont autant d’éléments qui doivent être pris en compte pour l’évaluation.

73. À titre d’exemple, le simple fait que l’intitulé d’un document indique qu’il s’agit d’une note d’enquêteur n’est pas suffisant pour considérer le document comme tel. Le fait de qualifier un dossier de « document interne », parce qu’il s’agit d’un document de travail d’une partie et qu’il est par conséquent protégé par l’article 111, dépend d’un examen non seulement de l’intitulé du document, mais aussi de son contenu, de sa fonction, de sa finalité et de son origine.

74. Cela ne signifie pas que les juges sont constamment tenus d’examiner une à une les pièces qui ne sont pas soumises à l’obligation de communication une par une. Des arguments contradictoires ont été avancés quant à la question de savoir si les juges peuvent accepter le classement par catégories établi par le Procureur ou s’ils

114 Voir Etats‑Unis, Mohamed v. Jeppesen Dataplan Inc., 614 F.3d 1070, 1082 (9e Cir. 2010).

115 Voir ci‑après, paragraphe 76.

116 D’après ce que Donald Harris a retenu du raisonnement de Jeremy Bentham, « [traduction] il est impossible de définir un concept juridique, et […] la fonction des rédacteurs juridiques devrait plutôt être de décrire l’usage d’un mot [énonçant un concept] dans les règles légales spécifiques où il apparaît ». D. Harris, “The Concept of Possession in English Law”, dans A.G. Guest (dir.), Oxford Essays in Jurisprudence (Oxford : Oxford University Press, 1961) p. 69‑70 [souligné dans l’original] (citant H.L.A. Hart, “Definition and Theory in Jurisprudence”, 70 Law Quarterly Review (1954) 37, p. 41 (citant à son tour le chapitre 5 de J. Bentham, A Fragment on Government (Cambridge : Cambridge University Press, 1988))).

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doivent examiner les documents un par un117. Ce qui importe dans tous les cas est que le juge soit convaincu du fait que – indépendamment de la méthode employée – les pièces concernées ont été classées dans les catégories adéquates. Le classement dépendra beaucoup des circonstances de chaque affaire. Si un grand nombre de pièces doit être examiné, l’alternative à une approbation générale et sans discussion, qui serait inacceptable, consiste pour le juge à établir un processus d’échantillonnage et à examiner au moins une partie des pièces. Si au terme d’un tel processus, la méthodologie utilisée par la partie chargée de communiquer les documents semble fiable, il peut être approprié, selon les circonstances de l’affaire, de ne pas prolonger plus avant l’examen des pièces. Cependant, si un examen initial a permis de relever des erreurs, le juge est tenu de poursuivre l’examen.

75. En l’espèce, après avoir rapidement et superficiellement examiné les pièces censées relever des catégories 1), 2) et 3), la Chambre d’appel estime que des erreurs de classement sont susceptibles d’avoir été commises concernant certains documents. Pour ce motif et dans la mesure où la Chambre d’appel s’interroge sur la démarche utilisée par le Juge de la mise en état pour examiner les documents relevant de ces catégories établies par le Procureur, la Chambre d’appel renvoie la requête devant le Juge de la mise en état afin qu’il procède à un examen approfondi du classement, mais auparavant, la Chambre d’appel développe son analyse.

117 Au TPIY, il incombe au Procureur de déterminer si les éléments de preuve sont pertinents ou à décharge : « [traduction] L’article 66 B) impose au Procureur la responsabilité d’établir initialement la matérialité des éléments de preuve en sa possession et, en cas de contestation, demande à la Défense de préciser quels sont les éléments de preuve nécessaires à la préparation de la défense et que le Procureur refuse de communiquer ». J. Jones & S. Powles, International Criminal Practice, 3e éd. (Oxford : Oxford University Press, 2003) p. 653. Cependant, si la décision du Procureur est erronée, le TPIY permet aux juges d’intervenir : « [traduction] La Chambre n’intervient pas dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire de l’Accusation, sauf s’il est démontré que l’Accusation a abusé de son pouvoir. […] La question de savoir quels éléments de preuve sont susceptibles d’être à décharge relève essentiellement de la responsabilité de l’Accusation et d’une décision de l’Accusation fondée sur les faits ». V. Tochilovsky, Charges, Evidence, and Legal Assistance in International Jurisdictions (Nijmegen : Wolf Legal Publishers, 2005), p. 64 (renvoyant à: TPIY, affaire Brđanin, Décision relative aux requêtes par lesquelles l’Appelant demande que l’Accusation s’acquitte de ses obligations de communication en application de l’article 68 du Règlement et qu’une ordonnance impose au Greffier de communiquer certains documents, IT‑99‑36‑A, 7 décembre 2004, par. 264). Certaines juridictions nationales ont adopté une démarche semblable concernant la communication des documents. Voir États‑Unis, Bevis v. Dept. of State, 801 F.2d 1386, 1389 (D.C. Cir. 1986). En application de la Loi relative à la liberté d’information, la cour a décidé que le FBI devait procéder à un examen interne de chaque document, pour permettre à la cour d’exclure certains documents en fonction de leur catégorie : «[traduction] Même si [l’agence] n’est pas tenue de justifier en audience la non‑communication pour chaque document, [l’agence] doit examiner elle‑même chaque document pour déterminer de quelle catégorie il relève ».

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B. Article 111

1. les dispositions de l’article

76. L’article 111 figure dans la section relative à la communication de pièces. Il prévoit une exception à l’obligation de communication. Aux termes de cette disposition :

Les rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants, dans le cadre de l’enquête ou de la préparation du dossier n’ont pas à être communiqués ni signifiés en vertu du présent Règlement. S’agissant du Procureur, ces documents comprennent les rapports, mémoires et autres documents internes établis par la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (UNIIIC), ses assistants ou ses représentants, dans le cadre de ses enquêtes.

Le TPIY118, le TPIR119, la Cour pénale internationale (CPI)120 et le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL)121 ont adopté des règles semblables.

77. Cet article soustrait à l’obligation de communication deux catégories de documents : i) les documents internes établis par une partie, ses assistants ou représentants, notamment les rapports et mémoires, et ii) les documents internes établis par l’UNIIIC, ses assistants ou représentants, parmi lesquels figurent également les rapports et mémoires.

118 Aux termes de l’article 70 A) du RPP du TPIY : « Nonobstant les dispositions des articles 66 et 67 ci‑dessus, les rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants dans le cadre de l’enquête ou de la préparation du dossier n’ont pas à être communiqués ou échangés ».

119 Aux termes de l’article 70 A) du RPP du TPIR : « Nonobstant les dispositions des Articles 66 et 67, les rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants dans le cadre de l’enquête ou de la préparation du dossier n’ont pas à être communiqués ou échangés en vertu des dispositions susmentionnées ».

120 Aux termes de la règle 81 1) du RPP de la CPI : « Les rapports, mémoires et autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants dans le cadre de l’enquête ou de la mise en état de l’affaire n’ont pas à être communiqués ».

121 Aux termes de l’article 70 A) du RPP du TSSL : « Nonobstant les dispositions des Articles 66 et 67, les rapports, mémoires ou autres documents internes établis par une partie, ses assistants ou ses représentants dans le cadre de l’enquête ou de la préparation du dossier n’ont pas à être communiqués ou échangés en vertu des dispositions susmentionnées ».

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78. Bien que cette disposition soit rédigée en termes généraux, elle ne vise que les documents établis par une partie ou ses représentants, et par l’UNIIIC ou ses représentants. Comme nous le verrons, cet article ne s’applique pas aux déclarations de témoins, qui ne sont pas des documents de travail des parties ; il s’agit du résultat d’un entretien avec une personne. La différence a parfois été négligée dans la jurisprudence d’autres juridictions, que nous allons aborder ci‑après.

2. jurisprudence internationale et nationale

79. L’examen de la jurisprudence d’autres cours et tribunaux internationaux démontre que les documents internes, également appelés documents de travail, sont généralement soustraits à l’obligation de communication, sous réserve de certaines conditions.

80. L’un des premiers débats relatif à l’objectif d’une telle règle s’est déroulé devant la Cour suprême des Etats‑Unis dans l’affaire Hickman v. Taylor, dans le cadre de laquelle la Cour suprême a qualifié de documents de travail : « [traduction] les déclarations écrites, les mémoires internes, et les dossiers personnels préparés ou élaborés par le conseil d’une partie adverse dans le cadre de ses fonctions légales »122.

81. S’agissant des tribunaux internationaux123, la Chambre de première instance du TPIY a fait observer, dans le cadre de l’affaire Blagojević, que l’article :

122 329 U.S. 495, 510 (1947). Les motifs gouvernant cette exception relative aux documents de travail ont été exposés en ces termes:

[traduction] Afin de bien préparer le dossier de son client, [le conseil] doit rassembler des informations, séparer les éléments qu’il considère pertinents de ceux qui ne le sont pas, préparer ses arguments juridiques et élaborer une stratégie sans ingérences inutiles. C’est la méthode incontournable et généralement utilisée par les avocats dans le cadre de notre système judiciaire, pour promouvoir la justice et protéger les intérêts de leurs clients. Ce travail est reflété bien entendu dans les entretiens, les déclarations, les mémoires, la correspondance, les dossiers, les sentiments, les croyances personnelles, et autres innombrables éléments tangibles et intangibles – judicieusement bien qu’approximativement appelés « documents de travail de l’avocat » par la Circuit Court of Appeals dans le cadre de cette affaire. Si ces pièces étaient communiquées au conseil de la partie adverse sur simple demande, une grande partie des informations actuellement rédigées par écrit resteraient du domaine de l’oral. Les réflexions d’un avocat, jusque là inviolées, ne lui appartiendraient plus. Les conseils juridiques fournis et la préparation des procès deviendraient inévitablement inefficaces, inéquitables et déloyales. Cela porterait atteinte à l’éthique des professions juridiques, et les intérêts des clients, tout comme la finalité de la justice, seraient relégués au second plan.

123 Pour un aperçu général de la notion de documents de travail, voir TPIR, Nahimana et consorts, Public Redacted Version of the Decision on Motions Relating to the Appellant Hassan Ngeze’s and the Prosecution’s Request for Leave to Present Additional Evidence of Witnesses ABC1 and EB, ICTR‑99‑52‑A, 27 novembre 2006, par. 11 et 12, 14.

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[...] vise à soustraire les documents de travail à la communication puisqu’il est dans l’intérêt public de tenir secrètes les informations relatives à la préparation interne du dossier, y compris les thèses juridiques, les stratégies et les enquêtes, et de ne pas les communiquer à la partie adverse124.

La Chambre a conclu que les notes prises par l’Accusation, dans le cadre de la préparation d’un éventuel plaidoyer avec un autre accusé susceptible de témoigner à l’encontre de M. Blagojević, n’avaient pas à être communiquées « puisqu’elles constituent un document interne de l’Accusation dans le cadre de la préparation du dossier »125.

82. Plus récemment, dans le cadre de l’affaire Lubanga126, la CPI a fourni une explication utile, selon laquelle les pièces relevant de la règle équivalente de son Règlement « [traduction] comprennent notamment les recherches juridiques entreprises par une partie, ainsi que les théories juridiques qu’elle développe, les éventuelles stratégies envisagées par une partie, et les pistes d’enquête potentielles qu’elle envisage de développer ».

83. Cependant, outre cette explication générale, les juridictions internationales ont à juste titre évité de définir le concept et ont préféré offrir des exemples de sa mise en œuvre, sans pour autant éviter les problèmes. Au début de l’année, dans une phase ultérieure de l’affaire Lubanga, la Chambre de première instance de la CPI a énuméré les éléments suivants, à titre d’exemples de documents internes ou « documents de travail » :

- tous les rapports d’examen préliminaires ;

124 TPIY, Blagojević et consorts, Décision relative à la requête déposée en urgence par Vidoje Blagojević aux fins de contraindre l’Accusation à communiquer les notes prises lors des discussions sur le plaidoyer menées avec l’accusé Nikolic et requête aux fins de la tenue d’une audience publique en urgence, IT‑02‑60‑T, 13 juin 2003, p. 8.

125 Ibid.

126 CPI, Lubanga Dyilo, Redacted Decision on the “Prosecution’s request for Non-Disclosure of the Identity of Twenty-Five Individuals Providing Tu Quoque Information” of 5 December 2008, ICC‑01/04‑01/06, 2 juin 2009 (« la Décision Lubanga relative à la non‑communication »), par. 31.

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- les informations relatives à la préparation d’un dossier, telles que les memoranda internes, les recherches juridiques, les hypothèses, et les stratégies d’enquêtes ou de poursuites ;

- les informations relatives aux objectifs et aux techniques d’enquête de l’accusation ;

- les analyses et conclusions tirées des éléments de preuve recueillis par le Bureau du Procureur ;

- les notes d’enquêteurs relatives aux entretiens, dont les déclarations de témoins ou les enregistrements audio‑vidéo des déclarations rendent compte ;

- les opinions ou conclusions subjectives des enquêteurs, qui figurent dans les notes relatives aux entretiens ; et

- la correspondance interne127.

Cependant, les « rapports d’examen préliminaires » et les « notes d’enquêteurs relatives aux entretiens » peuvent contenir des informations émanant des personnes interrogées. Puisque ces informations proviennent des personnes interrogées, ces documents ne sont donc pas le fruit du travail de la personne chargée de l’entretien et la Chambre d’appel estime qu’ils ne relèvent pas de l’article 111.

84. Il en va de même pour les notes prises lors de l’entretien préliminaire. La CPI a défini lesdites notes comme étant « [traduction] le résultat d’une procédure préliminaire, préalable à l’enregistrement d’une déclaration, au cours de laquelle l’individu est évalué afin de déterminer s’il est nécessaire d’enregistrer sa déclaration ». Ces évaluations préliminaires sont, d’après la CPI, constitutives d’une phase préalable aux entretiens débouchant sur une déclaration formelle. Par conséquent, les juges ont accepté l’argument du Procureur de la CPI, selon lequel seule cette déclaration formelle est soumise à l’obligation de communication128.

127 Voir CPI, Lubanga Dyilo, Redacted Decision on the Prosecution’s Disclosure Obligations Arising Out of an Issue Concerning Witness DRC-OTP-WWWW-0031, ICC‑01/04‑01/06, 20 janvier 2011 (« la Décision Lubanga relative aux obligations de communication »), par. 19, 31 et 32 [non souligné dans l’original].

128 CPI, Bemba Gombo, Public Redacted Version of Decision on the Defence Request for Disclosure of Pre-Interview Assessments and the Consequences of Non-Disclosure (ICC‑01/05‑01/08‑750‑Conf), ICC‑01/05‑01/08, 9 avril 2010 (« la Décision Bemba relative à la communication »), par. 19, 31 et 32.

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85. Cependant, la Chambre d’appel préfère conclure qu’il importe peu que le Procureur entende convertir le dossier original d’un témoin en document formel portant la signature du témoin. L’expérience des tribunaux a montré que tous les stades de préparation d’une déclaration formelle d’un témoin peuvent être importants, qu’il s’agisse d’en démontrer la cohérence ou l’incohérence. Le Procureur ne peut soustraire les déclarations de témoins à l’obligation de communication en qualifiant le dossier relatif à un entretien de « notes d’enquêteurs » ou de « mémorandum interne », conformément à l’article 111. Une telle démarche pourrait avoir une incidence sur la crédibilité, la communication de tels documents étant alors doublement nécessaire, conformément, en outre, à l’article 113129.

86. De plus, certains tribunaux internationaux ont estimé que l’évaluation interne des individus et procédures de travail130, « les conclusions et recommandations des enquêteurs du Bureau du Procureur, formulées à l’issue des entretiens avec les témoins en question »131, et les memoranda internes, la correspondance, les questionnaires manuscrits et notes prises lors de réunions132 ne sont pas soumis à l’obligation de communication. Pour les motifs que l’on vient d’exposer, la Chambre d’appel estime que cette formule générale n’est pas suffisamment rigoureuse.

87. La Chambre d’appel n’approuve pas la conclusion de la Chambre de première instance de la CPI, selon laquelle « [traduction] les notes d’enquêteurs relatives aux entretiens dont les déclarations de témoins rendent compte »133 et « les notes prises lors de l’entretien préliminaire […ou] les évaluations préliminaires [qui] sont

129 Voir ci‑après, paragraphe 97.

130 CPI, Katanga et consorts, Public Redacted Version of the “Eighth Decision on Redactions”, ICC‑01/04‑01/07‑568, 9 juin 2008, par. 31 à 37.

131 CPI, Katanga et consorts, Version publique expurgée du Rectificatif à la Troisième Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’expurger les pièces relatives aux déclarations des témoins 7, 8, 9, 12 et 14, ICC‑01/04‑01/07‑249‑tFRA, 5 mars 2008, par. 48 ; voir également CPI, Katanga et consorts, Version publique expurgée de la Quatrième décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’autorisation d’expurger des documents relatifs aux témoins 166 et 233, ICC‑01/04‑01/07‑361‑tFRA, 3 avril 2008, par. 50 à 53.

132 TPIR, Nahimana, Décision relative à la requête unilatérale du Procureur aux fins d’autorisation d’exclure certains documents du jeu de pièces sur microfiches à communiquer à la Défense pour examen, ICTR‑99‑52‑T, 25 octobre 2002, p. 3.

133 Décision Lubanga relative aux obligations de communication, voir supra, note 127, par. 17.

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constitutives d’une phase préalable aux entretiens débouchant sur une déclaration formelle »134 constituent des documents de travail que le Procureur n’est pas tenu de communiquer, sauf s’ils contiennent des éléments de preuve à décharge ne figurant dans aucune autre pièce communiquée à la Défense135. Un enquêteur risque ainsi d’aseptiser les propos du témoin. Ce type de conduite peut être un facteur déterminant d’erreur judiciaire. Tant la Chambre de première instance que la partie adverse ont le droit de connaître l’évolution de la version du témoin.

88. Par conséquent, la Chambre d’appel n’approuve pas la conclusion de la Chambre de première instance de la CPI dans l’affaire Lubanga, aux termes de laquelle « [traduction] tous les rapports d’examen préliminaires », « les notes d’enquêteurs relatives aux entretiens dont les déclarations de témoins ou les enregistrements audio‑vidéo des déclarations rendent compte », et « les opinions ou conclusions subjectives des enquêteurs, qui figurent dans les notes relatives aux entretiens » n’ont pas à être communiqués136.

89. Dans le cadre de l’affaire Le Procureur c. Norman, le TSSL s’est interrogée sur la définition de la déclaration de témoin. Même si un article du Règlement de procédure et de preuve du TSSL, sans équivalent dans le Règlement du TSL, a défini le terme, la déclaration suivante des juges est directement applicable :

[traduction] La Défense a catégoriquement affirmé qu’une déclaration faite ou enregistrée à la troisième personne et non à la première personne ne peut être qualifiée de déclaration de témoin et que, en outre, les notes relatives à l’entretien ne constituent pas des déclarations au sens de l’article 66 du Règlement.

À cet égard, la Chambre souhaite mentionner le Black’s Law Dictionary, qui définit une déclaration comme suit :

134 Décision Bemba relative à la communication, voir supra, note 128, par. 31.

135 La Chambre d’appel n’approuve pas non plus la démarche du TSSL qui a accepté que le Procureur détruise « [traduction] des simples notes contenant des éléments communicables et des éléments non‑communicables » après leur présentation formelle sous forme de déclarations de témoins écrites. TSSL, Brima, Decision on Joint Defence Motion on Disclosure of All Original Witness Statements, Interview Notes and Investigators Notes Pursuant to Rules 66 and/or 68, SCSL‑04‑16‑T, 4 mai 2005 (« la Décision Brima relative à la communication »), par. 17 et 18.

136 Décision Lubanga relative aux obligations de communication, voir supra, note 127, par 16 et 17.

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1. Evidence. A verbal assertion or non-verbal conduct intended as an assertion. 2. A formal and exact presentation of facts. 3. Criminal Procedure. An account of a person’s (usu. a suspect’s) knowledge of a crime, taken by the police pursuant to their investigation of the offence.

[traduction] 1. Preuve. Affirmation verbale ou comportement non‑verbal qui se veut être une affirmation. 2. Présentation formelle et exacte de faits. 3. Procédure pénale. Récit d’un crime par une personne qui en a connaissance (généralement un suspect), recueilli par la police dans le cadre de l’enquête menée concernant ledit crime.

En effet, la Chambre relève que le Règlement ne fournit aucune définition de la déclaration de témoin. Il convient de faire observer que la Chambre d’appel du TPIY a estimé qu’une déclaration de témoin a généralement pour sens « le récit qu’une personne fait d’un crime dont elle a connaissance et qui est enregistré conformément à la procédure en vigueur dans le cadre d’une enquête relative audit crime » [non souligné dans l’original]. Les tribunaux ont également considéré que la transcription d’une déposition en audience, les entretiens radiophoniques, les déclarations de témoins non signées et l’enregistrement de questions posées aux témoins et des réponses obtenues, constituent des déclarations de témoins137.

Nous approuvons cette méthode d’évaluation plus large.

90. En outre, les documents en question peuvent être des copies des déclarations originales figurant dans d’autres documents. Dans ce cas, les duplicata peuvent éventuellement être considérés comme sans intérêt, dès lors que les originaux ont été qualifiés à juste titre. Cependant, même si « le manque d’intérêt » peut être un autre motif de non‑communication – question dont la Chambre d’appel n’a pas été saisie – le document doit néanmoins être qualifié ou non de document de travail interne.

91. La Chambre d’appel examinera cette question au cours de l’analyse ci‑après. Aux fins de la présente requête, il est suffisant de déterminer qu’un « document interne » est un document de travail élaboré en interne par une partie à des fins d’usage interne. La Chambre d’appel souligne que les termes employés à l’article 111

137 TSSL, Hinga Norman, Decision on Disclosure of Witness Statements and Cross-Examination, SCSL‑04‑14‑PT, 16 juillet 2004, par. 8 à 10.

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indiquent clairement que la protection envisagée dans cette disposition se limite aux documents de travail internes d’une partie ou des personnes dont les actes sont imputables à la partie concernée ou comparables à ceux de ladite partie.

C. Application de l’article 111 en l’espèce

1. catégorie 1 : correspondance entre l’uniiic et les autorités libanaises

92. Les termes de l’article 111 couvrent les documents internes « établis par la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (UNIIIC), ses assistants ou ses représentants, dans le cadre de ses enquêtes ». La Chambre d’appel conclut volontiers que les échanges de correspondance entre l’UNIIIC et le Procureur général libanais constituaient des documents « internes », dans la mesure où la correspondance relève de la coordination d’une même enquête pénale.

93. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a établi l’UNIIIC afin de porter assistance aux autorités libanaises138. Lors de la création de l’UNIIIC, le Conseil de sécurité a sollicité « l’entière coopération des autorités libanaises » dans le cadre de l’enquête de l’UNIIIC139. Par la suite, dans la Résolution 1636, le Conseil de sécurité des Nations Unies a mentionné une seule enquête relative à l’attentat à l’explosif perpétré le 14 février 2005140, tout en saluant le travail d’enquête de l’UNIIIC et des autorités libanaises à ce sujet. En un mot, l’UNIIIC a été établie pour mener une enquête unique en coopération avec les autorités libanaises. Ainsi, les échanges de correspondance entre ces deux entités dans le cadre de cette même enquête devraient en principe être considérés comme des documents internes établis dans le cadre de l’enquête sur une affaire et donc soustraits à l’obligation de communication conformément à l’article 111141.

138 Voir S/RES/1595 (2005), par. 1 ; S/RES/1636 (2005), par. 5.

139 Voir S/RES/1595 (2005), par. 3 ; S/RES/1636 (2005), par. 7 ; Mémorandum d’entente entre le Gouvernement de la République libanaise et les Nations Unies sur les modalités de la coopération pour la Commission d’enquête internationale indépendante, S/2005/393 (2005), Annexe, par. 2.

140 S/RES/1636 (2005), par. 4.

141 Voir États‑Unis, United States v. Fort, 472 F.3d 1106 (9e Cir. 2007). Dans l’affaire Fort, la Cour a décidé que la correspondance entre les enquêteurs gouvernementaux et les enquêteurs fédéraux constituait une correspondance interne, dans la mesure où ils étaient tous des « agents gouvernementaux » travaillant sur une

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94. La conclusion serait différente s’il s’agissait de documents émanant directement de l’UNIIIC, dont l’objectif ne serait pas de poursuivre une enquête ou un débat interne, mais de produire un effet en dehors du cadre de l’UNIIIC, à savoir en dehors de la gestion interne de l’enquête. Ce serait le cas par exemple des mandats de perquisition ou de tout autre document analogue délivré par l’UNIIIC concernant des personnes autres que ses membres.

2. catégories 2 et 3 : memoranda internes de l’uniiic et notes d’enquêteurs

95. La Chambre d’appel interprète la deuxième catégorie établie par le Procureur et employée par le Juge de la mise en état, à savoir la catégorie des memoranda internes de l’UNIIIC, comme regroupant les documents tels que les recherches et les analyses internes relatives aux stratégies ou méthodes d’enquête. Cette catégorie coïncide avec le concept fondamental des « documents de travail » traditionnels, tel que décrit plus haut dans la partie II B) de l’Examen des questions. Par conséquent, les memoranda internes de l’UNIIIC qui contiennent des analyses juridiques, des recherches ou des stratégies d’enquête ne sont pas soumis à l’obligation de communication, conformément à l’article 111.

96. S’agissant de la catégorie 3, la Chambre d’appel interprète les « notes d’enquêteurs » comme renvoyant aux documents qui contiennent les réflexions et les documents de travail originaux des enquêteurs, souvent sous forme d’ébauche incomplète. L’article 111 s’applique donc également à ces documents.

affaire mettant en cause le même accusé et le même crime. Voir également Etats‑Unis, United States v. Cherry, 876 F. Supp. 547 (S.D.N.Y. 1995) (affaire dans le cadre de laquelle il a été décidé que les documents transmis par des enquêteurs gouvernementaux à des enquêteurs fédéraux faisaient partie de la correspondance interne protégée si l’enquête fédérale était une « conséquence » de l’enquête gouvernementale) ; Etats‑Unis, United States v. Green, 144 F.R.D. 631 (W.D.N.Y. 1992) (affaire dans le cadre de laquelle il a été soutenu que les documents des enquêteurs locaux se trouvant en la possession d’agents fédéraux sont des memoranda internes non‑communicables, s’ils sont établis dans le cadre d’une enquête commune). La Chambre d’appel a examiné le cas des Etats‑Unis en l’espèce, dans la mesure où le système fédéral des Etats‑Unis connaît souvent d’enquêtes pénales impliquant différentes entités souveraines.

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3. Applicabilité de l’article 113

97. Aux termes de l’article 113, le Procureur est tenu de communiquer à la Défense :

[...] toute information dont il dispose ou a connaissance qui peut raisonnablement tendre à établir l’innocence de l’accusé, atténuer la responsabilité pénale de celui‑ci ou compromettre la crédibilité des éléments de preuve à charge.

Cette disposition découle de la jurisprudence internationale : l’on admet communément que, même s’il est qualifié d’interne, un document peut néanmoins être communiqué à un accusé s’il est de nature à établir l’innocence de l’accusé, à atténuer sa responsabilité ou à compromettre la crédibilité des éléments de preuve à charge142. De même, une note prise lors de l’entretien préliminaire, ou une évaluation préalable à l’entretien, qui ne figure pas par ailleurs dans une déclaration de témoin ou dans tout autre élément de preuve déjà communiqué143, doit être communiquée si elle comporte des éléments de preuve à décharge ou des informations nécessaires à la préparation du dossier de la Défense144.

98. Dès lors que les observations ne concernent pas les pièces confidentielles que la Chambre d’appel a examinées, il pourrait être nécessaire de réexaminer l’opinion suivante exprimée dans ce contexte particulier, à l’instar de l’opinion exprimée dans la décision de la Chambre d’appel du 16 février 2011, à la lumière d’une décision portant spécifiquement sur certains faits. Si le Juge de la mise en état a un doute quant à la qualification exacte d’un document contesté, il devra, dans le cadre du pouvoir de rendre la justice inhérent à ses fonctions, rendre une « décision à huis clos » à ce sujet, exposant les raisons confidentielles de la décision, non communiquée à la

142 TPIY, Haradinaj et consorts, Order on Disclosure of Memorandum and on Interviews with a Prosecution Source and Witness, IT‑04‑84‑PT, 13 décembre 2006, p. 4. L’article 113 du Règlement de procédure et de preuve du TSL établit le même principe.

143 Voir les exemples énumérés plus haut, dans le cadre de l’affaire Lubanga, par. 83.

144 Décision Bemba relative à la communication, voir supra, note 128, par. 33. Voir également la Décision Brima relative à la communication, supra, note 135, par. 16, dans laquelle le Tribunal a considéré que les notes internes d’enquêteurs ne contenant pas de déclaration de témoin n’ont pas à être communiquées.

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partie souhaitant obtenir la communication des pièces concernées. Cependant, toute décision définitive de la Chambre d’appel sera publique145.

99. Les articles 111 et 113 accordent chacun une certaine importance à la publicité des débats.

100. En effet, l’article 111 vise essentiellement à permettre aux représentants d’une partie de se concerter sans restrictions afin de prendre des décisions. L’intérêt porté à la liberté d’expression consacrée dans la jurisprudence illustre ce point. La franchise est essentielle pour garantir la qualité. Pour ce qui est des pièces visées à l’article 111, il s’agit essentiellement d’une question d’opinion.

101. En revanche, l’article 113 se rapporte principalement aux faits. Le principe énoncé à l’article 113 porte essentiellement sur les faits à décharge. Les deux articles sont par conséquent généralement complémentaires.

102. Cependant, il est possible que les débats relatifs à l’article 111 soient abordés i) de manière si catégorique ; ii) par une personne chargée de prendre des décisions ; iii) dans des circonstances conduisant à penser que ce qui se passe « en interne » doit être considéré comme l’admission de faits. Dans ce cas‑là, la protection prévue par l’article 111 disparaît pour être remplacée par l’obligation prévue à l’article 113 (sous réserve des limitations établies aux articles 116 à 118, cela va de soi).

103. Il convient également de déterminer si, au sens de l’article 113, « la responsabilité » ou « l’innocence » renvoient non seulement au crime qui aurait été commis, selon M. El Sayed, par d’autres personnes ayant fourni des faux éléments de preuve, mais également aux soupçons de participation à l’assassinat qui pesaient au départ sur M. El Sayed (cette question est actuellement sans rapport avec le pouvoir de décision judiciaire du présent Tribunal, compte tenu de la déclaration du

145 Il s’agit, en l’espèce, de déterminer quelles informations peuvent être communiquées. Le recours à une décision à huis clos et à un conseil spécial est envisageable dans le cadre des procédures pouvant conduire à une telle décision. Cependant, une fois la décision relative à la communication rendue, le recours à un tel processus dans le cadre d’une procédure sur le fond est inacceptable. Le TSL ne permettrait pas non plus le recours à de tels processus dans le cadre de sa propre procédure ou de procédures pénales impliquant des pièces qu’il a communiquées, sauf si les dispositions du Règlement l’exigent. Parmi ces dispositions figure l’article 116 C), qui prévoit la protection du droit de l’accusé à un procès équitable ou le retrait des charges. Voir Royaume‑Uni, Al Rawi v. The Security Service [2011] UKSC 34 ; comparer avec Home Office v. Tariq [2011] UKSC 35.

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Procureur en 2009, dans laquelle il indiquait ne retenir aucune charge à l’encontre de M. El Sayed dans le cadre de l’assassinat).

104. Une telle distinction est sans intérêt. Il s’agit des deux faces d’une même médaille. L’argument de M. El Sayed selon lequel il affirme son innocence dans le cadre de l’assassinat n’est qu’un aspect de l’affirmation de la responsabilité pénale des « faux témoins » présumés.

105. En bref, si dans le cadre du discours de personnes dont le comportement est imputable à une partie au sens de l’article 111, on observe i) une acceptation sans équivoque ; ii) par une personne chargée de prendre des décisions ; iii) pouvant être qualifiée à juste titre de décision relative à la responsabilité ou à l’innocence susmentionnées, les débats relevant de l’article 111 doivent alors être examinés à la lumière de l’article 113, puis soumis à l’obligation de communication, sous réserve de l’application de toute disposition des articles 116 à 118.

4. classement des documents par catégories

106. Même si la Chambre d’appel approuve l’argument du Juge de la mise en état, selon lequel les catégories 1), 2) et 3) relèvent de manière générale du champ d’application de l’article 111, le recours à juste titre aux exclusions prévues dans cette disposition dépend du classement approprié de chaque document.

107. La Chambre d’appel a observé qu’un rapide et superficiel examen de certains documents relevant, selon le Procureur, de ces trois catégories, a indiqué que le Procureur n’en aurait pas toujours fait un usage approprié. Par conséquent, la Chambre d’appel renvoie tous les documents relevant de ces trois catégories au Juge de la mise en état afin qu’il les examine à nouveau, en tenant compte des commentaires de la Chambre d’appel figurant au paragraphe 74 précédent, et qu’il demande au Procureur de procéder à un réexamen et d’apporter des corrections, le cas échéant.

108. La Chambre d’appel a souligné que les documents qui ne sont pas exclusivement internes ne peuvent être qualifiés de « documents internes ». Parmi ces documents figurent la correspondance également envoyée au conseil de M. El Sayed. De même,

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les documents opérationnels adressés aux acteurs externes, tels que des mandats de perquisition ou des mandats d’arrêt, ne constituent pas des « documents internes ».

109. En outre, les déclarations de témoins enregistrées au discours direct ou indirect, contenant des éléments permettant d’identifier des personnes en cause et figurant dans des documents portant la mention « memoranda internes » ou « notes d’enquêteurs », ne sont pas couvertes par l’article 111. Un enquêteur doit incontestablement se préparer et faire tout son possible pour garantir la confidentialité des déclarations. Cependant, la Chambre d’appel rappelle que la déclaration qui découle de l’entretien est, y compris s’agissant des éléments qui la composent, celle de la personne interrogée et ne relève pas de l’article 111. En d’autres termes, les propos d’un témoin ne sont pas le produit du travail d’une partie ; elles sont le produit du témoin. Bien entendu, ce principe ne s’applique pas, par exemple, aux commentaires ajoutés par les enquêteurs et qui figurent dans le même document, l’expurgation du document peut alors être indiquée.

110. Enfin, le débat qui précède n’empêche nullement le Procureur de justifier la non‑communication de certains documents, en se fondant sur des motifs autres que la protection de la confidentialité consacrée à l’article 111, et le Juge de la mise en état d’accepter ces motifs. La Chambre d’appel n’a pas été saisie de tels motifs supplémentaires justifiant la non‑communication.

iii. Quelles mesures doivent être ordonnées, le cas échéant ?

111. En résumé, la Chambre d’appel considère devoir mettre en œuvre les principes suivants :

112. Le principe de la liberté d’information, même s’il est applicable en l’espèce, doit être évalué en tenant compte des autres principes importants que sont la bonne administration de la justice, parmi lesquels figurent la nécessité de garantir le secret d’une enquête en cours, le droit au respect de la vie privée et à la confidentialité et la nécessité de préserver des ressources limitées lorsque les seuls faits connus sont ceux communiqués par le Procureur.

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113. De plus, la requête de M. El Sayed porte sur le droit d’accès à la justice. Il peut avoir besoin de documents se trouvant en la possession exclusive du Tribunal pour introduire des recours nationaux et rendre ainsi son droit d’accès aux juridictions nationales effectif.

114. En l’espèce, l’article 111 s’applique directement, dans la mesure où accorder à M. El Sayed un droit d’accès aux informations peut avoir une incidence directe sur l’enquête pénale dont le Tribunal a été saisi. Par conséquent, la Chambre d’appel applique directement l’article 111, sous réserve de la préséance de l’article 113.

115. Dans la mesure où les informations dont dispose le Procureur et relevant de l’article 111 « [peuvent] raisonnablement tendre à établir l’innocence [ou la culpabilité de M. El Sayed] ou compromettre la crédibilité des éléments de preuve à charge [potentiellement de nature à établir qu’il a participé au complot visant à tuer Rafic Hariri] », elles doivent être communiquées à M. El Sayed, sauf si la non‑communication peut être appuyée sur un fondement autre que l’article 111.

116. Les trois catégories identifiées par le Juge de la mise en état sont, en principe, couvertes par l’exception prévue à l’article 111, notamment la correspondance entre l’UNIIIC et les autorités libanaises. Le Procureur est le premier responsable du classement approprié des documents au sein des différentes catégories. Cependant, le Juge de la mise en état doit être convaincu du classement opéré pour lesdits documents.

117. Le classement adéquat d’un document ne dépend pas de son intitulé, mais de son contenu, de sa fonction, de sa finalité et de son origine. La Chambre d’appel a relevé des erreurs de classement potentielles. Par conséquent, il incombe au Juge de la mise en état de déterminer la meilleure façon de garantir l’exactitude du classement opéré par le Procureur146.

118. Enfin, la Chambre d’appel fait observer que la mise en œuvre de l’article 111 n’est que la première étape de l’examen entrepris par le Juge de la mise en état. Même si un document ne relève pas de l’article 111, d’autres motifs peuvent justifier

146 Voir paragraphe 74.

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Décision El Sayed CA

la non‑communication, tels que ceux invoqués dans les décisions rendues par le Juge de la mise en état le 17 septembre 2010 et le 12 mai 2011.

119. La mise en œuvre de la liberté d’information et du droit d’accès à la justice dépend des arguments avancés par M. El Sayed dans la requête qu’il a déposée auprès du Président, à savoir son intention d’utiliser les documents en question pour introduire des recours devant d’autres juridictions. Ce motif a conduit la Chambre d’appel à conclure qu’il devait bénéficier d’un droit d’accès auxdits documents et qu’il s’agissait de la seule fin indiquée à l’utilisation desdits documents.

120. Ces précisions étant établies, la Chambre d’appel renvoie les documents relevant des catégories 1), 2) et 3) devant le Juge de la mise en état et le charge de garantir un classement adéquat et rapide à la lumière de la présente décision.

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dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs ;

lA cHAMBRe d’Appel, se prononçant à l’unanimité ;

dÉclARe l’appel recevable ;

dÉcide de faire droit à la requête de l’Appelant ; et

RenVOie l’affaire devant le Juge de la mise en état et le charge de garantir un classement adéquat et rapide des documents relevant des catégories 1), 2) et 3), à la lumière de la présente décision.

Fait en anglais, en arabe et en français, la version anglaise faisant foi.

Le 19 juillet 2011,

Leidschendam (PaysBas)

M. le juge Antonio Cassese Président

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nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

devant : juge de la mise en état

Titre : décision relative à l’emploi des langues en l’affaire Ayyash et autres

Titre réduit : décision sur l’emploi des langues

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le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : sTl-11-01/i/pTjLe Juge de la mise en état : M. le juge daniel FransenLe Greffier : M. Herman von HebelDate : le 16 septembre 2011Langue de l’original : AnglaisType de document : public[Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres]

dÉcisiOn RelATiVe À l’eMplOi des lAnGues en l’AFFAiRe AYYASH ET AUTRES

Bureau du procureur : M. Daniel A. Bellemare, MSM, c.r.

Bureau de la défense : M. François Roux

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Décision sur l’emploi des langues

i. introduction et compétence

1. Le 28 juin 2011, le Juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal ») a confirmé un acte d’accusation en l’affaire Ayyash et autres1 (l’« Acte d’accusation »)2.

2. Le 27 juillet 2011, le Juge de la mise en état a rendu une Ordonnance sollicitant des observations relatives aux langues de travail (l’« Ordonnance du 27 juillet 2011 »)3. Le Juge de la mise en état a considéré que la détermination, au moment opportun, de la ou des langue(s) de travail servirait l’intérêt de la justice en fournissant au Procureur, au Bureau de la Défense, à la Défense, au Greffe (notamment à la Section de participation des victimes), ainsi qu’aux victimes participant à la procédure et à leurs représentants, un certain degré de clarté et de certitude.

3. Dans l’Ordonnance du 27 juillet 2011, le Juge de la mise en état a par conséquent enjoint au Procureur, au Bureau de la Défense et au Greffier (y compris à la Section de participation des victimes) de soumettre, le 8 août 2011 au plus tard, des observations écrites concises, exposant leurs vues sur les modalités des langues de travail, en général, et sur les points suivants, en particulier :

(1) la détermination d’une ou de plusieurs langues de travail ;

(2) la détermination d’un régime linguistique applicable à la divulgation de pièces ;

(3) le régime linguistique et les modalités applicables aux observations écrites et orales présentées par les Parties et les victimes ; et

(4) le régime linguistique applicable aux comptes rendus d’audiences.

4. Le 5 août 2011, le Bureau de la Défense a déposé ses observations (les « Observations du Bureau de la Défense »)4. Le 8 août 2011, le Procureur et le

1 Affaire n° STL‑11‑01‑I/PTJ, Le Procureur c. Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi & Assad Hassan Sabra (« Ayyash et autres »).

2 Affaire n° STL‑11‑01/I, Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, 28 juin 2011 (« Décision de confirmation »).

3 Affaire n° STL‑11‑01‑I, Ordonnance sollicitant des observations relatives aux langues de travail, 27 juin 2011.

4 Affaire n° STL‑11‑01/I/PTJ, Observations du Bureau de la Défense relatives aux langues de travail, 5 août 2011.

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Décision sur l’emploi des langues

Greffier ont tous deux déposé leurs propres observations (les « Observations du Procureur » et les « Observations du Greffier », respectivement)5.

ii. Rappel

5. L’article 14 du Statut du Tribunal (le « Statut ») dispose que « [l]es langues de travail du Tribunal sont l’arabe, le français et l’anglais », et que « [p]our toute procédure, le juge de la mise en état ou la Chambre peuvent décider d’utiliser une ou deux langues de travail parmi ces trois langues, selon qu’il convient ».

6. L’article 10 A) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal (le « Règlement ») reconnaît également les trois langues officielles du Tribunal, tandis que l’article 10 B) du Règlement exige que, le plus tôt possible après le début de la procédure, le Juge de la mise en état ou une Chambre, après consultation des parties et des représentants légaux des victimes participant à la procédure (les « Représentants des victimes »), détermine la ou les langue(s) qui seront employées comme langue(s) de travail en l’espèce.

iii. Observations liminaires

7. Avant de déterminer les modalités linguistiques applicables en la présente affaire, le Juge de la mise en état aborde en premier lieu deux questions préliminaires.

a. la chambre compétente

8. La première question vise à déterminer la Chambre compétente pour statuer sur la ou les langue(s) de travail. En application de l’article 10 B) du Règlement, il incombe au Juge de la mise en état ou à « une chambre » de déterminer la ou les langues qui seront employées comme langue(s) de travail. Compte tenu de la nécessité de trancher la question le plus tôt possible après le début de la procédure, le Juge de la mise en état considère qu’il est compétent et mandaté pour se prononcer sur la question des langues de travail à ce stade de la procédure, sans préjudice de

5 Affaire n° STL‑11‑01/I/PTJ : Observations du Procureur concernant les modalités relatives aux langues de travail, 8 août 2011 ; Observations du Greffe relatives aux langues de travail, 8 août 2011.

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Décision sur l’emploi des langues

toute ordonnance ou décision ultérieure que la Chambre de première instance ou la Chambre d’appel pourrait rendre.

b. consultation

9. La seconde question préliminaire concerne l’obligation du Juge de la mise en état, telle que visée à l’article 10 B) du Règlement, de consulter les Parties ainsi que les Représentants des victimes avant de décider de la ou des langue(s) qui seront employées comme langue(s) de travail. En l’absence — à ce stade de la procédure — d’accusés devant le Tribunal, il n’existe ni défense ni partie6. Les Représentants des victimes n’ont pas non plus été nommés.

10. Il peut sembler opportun d’appliquer l’article 10 B) à la lettre et d’attendre que ces personnes aient été nommées afin de les consulter. Toutefois, comme l’a indiqué le Greffier, le choix de la ou des langue(s) de travail « exige d’atteindre un équilibre délicat entre les droits de l’accusé », la nécessité d’assurer un procès équitable et rapide, et de gérer les ressources limitées du Tribunal de manière responsable7. Il existe donc, selon le Juge de la mise en état, des intérêts contradictoires justifiant une approche plus libérale.

11. Le Procureur fait valoir qu’une « décision rapide concernant la langue de travail » servirait l’intérêt de la justice, apporterait aux parties clarté et certitude, favoriserait l’économie judiciaire, et donnerait suffisamment de temps aux divers organes du Tribunal pour allouer leurs ressources limitées8. Attendre la nomination des conseils de la défense et des Représentants des victimes pourrait entraîner des retards inutiles9.

6 À l’article 2 du Règlement, le terme « Partie » désigne « le Procureur ou la Défense » ; le terme « Défense » désigne « l’accusé et/ou le conseil de l’accusé ».

7 Observations du Greffier, par. 3. La Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour le Rwanda (« TPIR ») a fait la même observation alors qu’elle examinait une demande de traduction de pièces en kinyarwanda, la langue de l’accusé : « En dégageant des principes applicables à la présente espèce, la Chambre s’est efforcée d’opérer un équilibre entre le droit général de toute personne accusée à un procès équitable … et des considérations d’économie judiciaire liées à l’organisation du Tribunal et à celle des services de traduction ». Affaire n° ICTR‑95‑1‑B‑I, Procureur c. Mika Muhimana, 6 novembre 2001, par. 12.

8 Observations du Procureur, par. 9.

9 Observations du Procureur, par. 9.

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Décision sur l’emploi des langues

12. Le Bureau de la Défense, formulant certaines réserves, a estimé qu’il était en droit de répondre à des questions présentant un intérêt général pour les équipes de la Défense10. Il a de plus considéré que les questions soulevées dans l’Ordonnance du 27 juillet 2011 touchaient à l’équité de la procédure ainsi qu’aux droits des accusés, et a soumis ses observations avec ces considérations à l’esprit11. S’agissant de la nécessité de consulter les Parties, le Bureau de la Défense fait observer qu’il ne saurait être, en aucun cas, assimilé à une partie à la procédure12, avant de paraphraser l’article 10 B) du Règlement et d’affirmer que le Juge de la mise en état ou une Chambre doit consulter les Parties avant de déterminer les langues de travail13.

13. Le Juge de la mise en état relève que, comme indiqué ci‑dessus, l’article 10 B) du Règlement dispose que la ou les langue(s) de travail doivent être déterminées « [l]e plus tôt possible après le début de la procédure ». Conformément à l’article 77 E) du Règlement, le Juge de la mise en état peut, d’office et dans l’intérêt de la justice, délivrer toute ordonnance nécessaire à la préparation ou à la conduite du procès, tandis que l’article 89 B) du Règlement fait obligation au Juge de la mise en état de s’assurer que la procédure ne prend aucun retard injustifié.

14. Le Juge de la mise en état considère qu’il lui incombe, à ce stade de la procédure, de s’assurer que toutes les mesures nécessaires à la préparation rapide du procès soient prises, y compris la détermination de la ou des langue(s) de travail et des modalités y afférentes. Une telle détermination apportera, au moment opportun, au Bureau du Procureur, au Bureau de la Défense, aux futurs conseils de la Défense, aux futurs Représentants des victimes et au Greffe un certain degré de clarté et de certitude durant la phase de mise en état.

10 Observations du Bureau de la Défense, par. 3.

11 Observations du Bureau de la Défense, par. 3. Le Bureau de la Défense affirme expressément que la Défense elle‑même, et non le Bureau de la Défense, doit néanmoins avoir la possibilité d’être entendue sur cette question en temps voulu :« Dès lors, il reviendra au Juge de la mise en état de consulter également les accusés et/ou les conseils des accusés avant de déterminer la ou les langues de travail à employer en l’espèce », Observations du Bureau de la Défense, par. 4, 6.

12 « En aucun cas, le Bureau de la Défense ne peut être assimilé à une partie à la procédure », Observations du Bureau de la Défense, par. 4.

13 Cf. note 11 supra.

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Décision sur l’emploi des langues

15. Sans ce degré de clarté, le Procureur ne serait notamment pas en mesure de s’acquitter, en temps voulu, de ses obligations sur le plan linguistique, et le Greffe ne saurait comment gérer au mieux les ressources de la Section des services linguistiques. En outre, la Section de participation des victimes ne serait pas à même de mettre en œuvre une stratégie de recrutement répondant précisément aux exigences linguistiques, et le Bureau de la Défense ne pourrait prévoir les conséquences éventuelles de régimes linguistiques spécifiques aux fins de la commission de conseils de la Défense.

16. Tout nouveau retard dans la détermination de la ou des langue(s) de travail à ce stade de la procédure pourrait également avoir un effet défavorable sur la préparation et la conduite efficaces du procès dans les meilleurs intérêts de la justice. L’article 16 4) a) du Statut consacre le droit de l’accusé d’être informé rapidement et de façon détaillée, dans une langue qu’il comprend, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui, et de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense. Par voie de conséquence, ces droits sont garantis lorsque l’accusé est informé des faits qui lui sont reprochés dans une langue qu’il comprend. Ils le sont également lorsque la phase de mise en état et la procédure de première instance sont organisées de manière à permettre, en temps voulu et dans les langues qui conviennent, la préparation des pièces en question.

17. Au vu de ce qui précède, le Juge de la mise en état décide qu’afin d’apporter clarté et certitude aux Parties et aux Représentants des victimes, et d’assurer un procès rapide et équitable qui ne soit ni indûment retardé ni contraire aux droits de l’accusé, il convient, à ce stade de la procédure, de déterminer la ou les langue(s) de travail. Une telle décision ne saurait toutefois empêcher un accusé ou ses représentants au procès, ni les Représentants des victimes après leur nomination, de solliciter de la Chambre de première instance le réexamen des langues de travail identifiées dans les présentes. La présente Décision ne doit pas non plus être interprétée comme limitant, de quelque façon que ce soit, le pouvoir inhérent de la Chambre de première instance ou d’appel de définir, d’office ou à la demande d’une Partie, ses propres procédures.

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Décision sur l’emploi des langues

iV. droit applicable

18. L’article 14 du Statut ayant déjà été cité plus haut, il convient de rappeler les autres dispositions applicables du Statut et du Règlement.

19. L’article 16 4) du Statut dispose que :

Lors de l’examen des charges portées contre lui conformément au présent Statut, l’accusé a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui ;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer librement avec le conseil de son choix ;

c) être jugé sans retard excessif ;

d) sous réserve des dispositions de l’article 22 [(Jugement par défaut)], être présent à son procès et se défendre lui‑même ou être assisté d’un conseil de son choix ; s’il n’a pas de conseil, être informé de son droit d’en avoir un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice le commende, se voir commettre d’office un conseil, sans frais, s’il n’a pas les moyens de le rémunérer […];

g) se faire assister gratuitement d’un interprète s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience.

20. L’article 10 du Règlement, relatif aux langues officielles et langues de travail, indique que :

A) Les langues officielles du Tribunal sont l’anglais, l’arabe et le français. À moins d’avis contraire de la part du Juge de la mise en état ou de la Chambre, tout participant à une procédure orale devant le Tribunal peut employer l’une ou l’autre des trois langues officielles.

B) Le plus tôt possible après le début de la procédure, le Juge de la mise en état ou une chambre, après consultation des parties et des représentants légaux des victimes participant à la procédure, détermine la ou les langues de travail qui seront employées en l’espèce.

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Décision sur l’emploi des langues

C) L’accusé a le droit de parler sa propre langue au cours de la procédure devant le Juge de la mise en état ou une chambre.

D) Toute autre personne comparaissant devant le Juge de la mise en état ou une Chambre autrement qu’en qualité de conseil peut employer sa propre langue si elle n’a pas une connaissance suffisante des langues officielles, pour autant que le Juge de la mise en état ou une chambre l’y autorise.

E) Les décisions relatives aux requêtes écrites ou orales sont rendues en anglais ou en français. Les jugements, peines prononcées, décisions relatives à la compétence ou toute autre décision qui, selon le Juge de la mise en état ou une chambre, a trait à des questions fondamentales, sont traduits en arabe.

21. L’article 58 du Règlement, relatif à la nomination, aux qualifications et obligations du conseil, dispose que :

A) ii) Un conseil est considéré comme qualifié pour représenter un suspect ou un accusé si le Chef du Bureau de la Défense est convaincu qu’il a la maîtrise écrite et orale de l’anglais ou du français.

B) Dans l’accomplissement de leurs devoirs, les conseils de la Défense sont soumis aux dispositions pertinentes du Statut, du Règlement, des directives pratiques, du Règlement de détention, de l’Accord de siège, du Code de déontologie pour les conseils et des codes de pratique et de déontologie qui régissent leur profession ainsi que, le cas échéant, de la Directive relative à la commission d’office de conseils adoptée par le Chef du Bureau de la Défense et approuvée par les juges en session plénière.

22. L’article 59 du Règlement, relatif à la commission d’office d’un conseil, indique que :

D) Un suspect ou un accusé a le droit de se faire représenter par un conseil inscrit en bonne et due forme sur la liste, à moins que cette représentation ne permette pas d’assurer les compétences linguistiques combinées nécessaires à une procédure rapide et équitable.

23. L’article 89 du Règlement, relatif aux fonctions après l’examen de l’acte d’accusation, précise que :

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Décision sur l’emploi des langues

B) Le Juge de la mise en état s’assure que la procédure ne prend aucun retard injustifié. Il prend toutes les mesures nécessaires afin que l’affaire soit en état en vue d’un procès équitable et rapide.

24. L’article 110 A) du Règlement, relatif à la communication de pièces par le Procureur, indique que :

[L]e Procureur communique à la Défense, dans une langue que l’accusé comprend :

i) des copies de toutes les pièces justificatives qui ont été jointes à l’acte d’accusation lors de la demande de confirmation, ainsi que toutes les déclarations de l’accusé recueillies par le Procureur ;

25. L’article 110 A) ii) du Règlement exige également que le Procureur fournisse des copies de certaines déclarations de témoins, dépositions et comptes rendus dans une langue que l’accusé comprend.

26. Il convient aussi de se référer à l’article 18 (sur les principes généraux) de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la Défense14, qui prévoit que :

E) Le Chef du Bureau de la Défense peut décider de rejeter la demande d’un suspect ou d’un accusé de commettre d’office un conseil dans les cas où :

iii) la commission d’office ne créerait pas une combinaison de capacités linguistiques suffisantes pour assurer une représentation efficace de l’accusé ;

V. débat

27. Bien que ni le Statut ni le Règlement ne renferment de définition précise de l’expression « langue de travail », l’on peut toutefois assurément en conclure que la ou les langue(s) de travail du Tribunal sont celles dans lesquelles il mène ses travaux dans une affaire donnée. Le Juge de la mise en état examinera ainsi les langues devant être employées en l’affaire Ayyash et autres.

14 Modifié le 10 novembre 2010.

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Décision sur l’emploi des langues

28. Le Procureur fait valoir que les quatre individus visés dans l’acte d’accusation étant arabophones, il est très vraisemblable que la langue des accusés sera l’arabe15 ; la ou les langue(s) de travail employée(s) en l’affaire Ayyash et autres ne devraient donc pas être le français mais l’anglais16 et, implicitement, l’arabe, une « grande majorité des éléments de preuve [étant] en arabe ou en anglais17 » et « moins de 1% des éléments de preuve […] [étant] en français18 ». Le Procureur indique que la préparation de ces pièces en arabe et en anglais est déjà en cours19. La traduction de ce nombre important de pièces en français occasionnerait dès lors des retards inutiles dans la préparation du procès, ainsi que des frais inutiles20. Par conséquent, et en l’absence d’obligation ou d’ordre contraire, le Procureur n’a pas demandé la traduction vers le français des pièces justificatives accompagnant l’Acte d’accusation, décision qu’il qualifie de prudente21, compte tenu des ressources limitées du Tribunal et de la charge du travail de traduction qui est déjà la sienne22.

29. Le Bureau de la Défense souligne que la détermination des langues de travail doit viser à assurer de manière concrète et effective le respect des droits de l’accusé exposés à l’article 16 du Statut23.

15 Observations du Procureur, par. 2.

16 Observations du Procureur, par. 4.

17 Observations du Procureur, par. 11.

18 Observations du Procureur, par. 15.

19 Observations du Procureur, par. 16. Le Procureur estime qu’à la date du 5 août 2011, il reste 351 documents à traduire — soit 5 135 pages — « principalement de l’anglais vers l’arabe ». La transcription d’un entretien audio de 80 minutes reste à effectuer.

20 Observations du Procureur, par. 15.

21 Observations du Procureur, par. 15.

22 Observations du Procureur, par. 15, 17. Le Procureur fait néanmoins observer que les pièces admises et les rapports d’experts « constituent un patrimoine d’information important qu’il conviendrait, au bout du compte, de rendre disponible dans les trois langues officielles », Observations du Procureur, par.18.

23 Observations du Bureau de la Défense, par. 6 : « Enfin, le Bureau de la Défense considère que toute décision rendue par le Juge de la mise en état sur la question de la ou des langues de travail doit viser à assurer le respect des droits de l’accusé visés à l’article 16 du Statut, et ce, d’une manière non pas théorique ou illusoire, mais concrète et effective ».

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Décision sur l’emploi des langues

30. Le Greffier recommande « l’adoption d’un régime modulaire, dans lequel l’anglais serait choisi comme langue de travail24 ». Le Greffier se réfère aux particularités de l’arabe pour expliquer pourquoi cette langue ne doit pas être choisie comme langue de travail25.

31. À l’instar d’autres tribunaux pénaux internationaux, le Juge de la mise en état considère que des demandes de traduction excessives peuvent entraîner des retards et entraver ainsi la conduite d’un procès dans un délai raisonnable26.

32. Au vu de ce qui précède, le Juge de la mise en état estime que bien que les trois langues officielles du Tribunal — l’arabe, l’anglais et le français — soient à pied d’égalité, certaines considérations de temps ainsi que la limitation des ressources justifient néanmoins l’adoption d’une approche pratique en matière de langues. Ces modalités linguistiques seront donc fonction du contexte de la procédure, tel qu’exposé ci‑dessous.

a. langues devant être employées pendant la procédure orale

33. À ce jour, l’arabe, l’anglais et le français ont tous été employés lors de la procédure orale, en accord avec les dispositions des articles 10 A) et 10 C) du Règlement, cités plus haut.

34. Le Bureau de la Défense fait valoir que cette pratique doit être maintenue27, tandis que le Procureur soutient qu’une décision relative à l’emploi des langues de

24 Observations du Greffier, par. 11.

25 Observations du Greffier, par. 15. Le Greffier soutient que la terminologie juridique arabe « n’est pas stabilisée » et que les variations linguistiques régionales compliquent la traduction. En outre, les textes de référence et les ressources terminologiques en arabe sont limités. L’emploi de l’arabe comme langue de travail pourrait donc retarder la procédure et engendrer une incertitude (ou, selon les termes du Greffier, « ouvrirait la voie à des difficultés »).

26 Le Procureur c. Duch, Affaire n° 002/14‑08‑2006, Ordonnance sur les droits et obligations des parties en matière de traduction, 20 juin 2008, Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens (« CETC »), par. A 3) ; Le Procureur c. Muhimana, affaire n° ICTR‑95‑1‑B‑I, Décision relative à la requête de la défense aux fins de traductions des documents de l’accusation et des actes de procédure en kinyarwanda, langue de l’accusé, et en français, langue de son conseil, 6 novembre 2001, TPIR, par. 12 ; Le Procureur c. Delalić et autres, Affaire n° IT‑96‑21‑T, Décision relative à la requête de la défense aux fins de transmission des documents dans la langue de l’accusé, 25 septembre 1996, Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (« TPIY »).

27 Observations du Bureau de la Défense, par. 27.

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travail ne saurait en tout état de cause empêcher une partie d’exposer ses arguments à l’audience dans la langue de son choix28.

35. Le Greffe réaffirme sa capacité d’assurer une interprétation simultanée dans les trois langues officielles du Tribunal29.

36. Le Juge de la mise en état relève que les modalités de la procédure orale sont consacrées dans le Statut et dans le Règlement du Tribunal. En conséquence, tout participant à la procédure orale devant le Tribunal peut employer l’une quelconque des langues officielles30, et un accusé a le droit de parler sa propre langue31.

b. langues devant être employées pour les décisions et les documents déposés

37. À ce jour, l’anglais et le français ont été les langues utilisées dans toutes les décisions, ordonnances, observations écrites et documents déposés, le Greffe ayant assuré la traduction de ces documents dans l’autre langue, ainsi que vers l’arabe. Telle a été la pratique, nonobstant l’absence de toute obligation expresse à cet effet dans le Règlement32.

38. Le Bureau de la Défense fait valoir que cette pratique doit être maintenue33, à l’instar du Greffier, qui « préconise fortement le maintien de cette pratique » en ce qu’elle « accroît la valeur et la portée du patrimoine juridique que constituent les archives du Tribunal34 ».

28 Observations du Procureur, par. 21.

29 Observations du Greffier, par. 18 a).

30 Article 10 A) du Règlement.

31 Article 10 C) du Règlement. Lorsqu’un accusé n’est pas représenté par un conseil ou se représente lui‑même, il est également en droit de déposer ses observations dans l’une quelconque des trois langues officielles du Tribunal.

32 La Directive pratique relative au « dépôt de documents auprès du Tribunal spécial pour le Liban » du 15 janvier 2010 dispose que les documents seront déposés dans l’une des langues de travail du Tribunal, telles que déterminées conformément à l’article 10 du Règlement.

33 Observations du Bureau de la Défense, par. 27.

34 Observations du Greffier, par. 8 d).

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Décision sur l’emploi des langues

39. En ce qui concerne les jugements, peines et décisions portant sur des questions fondamentales spécifiques, le Procureur interprète l’article 10 E) du Règlement comme exigeant leur traduction dans les trois langues officielles, et note que les Chambres sont libres d’ordonner la traduction de documents en tant que de besoin35.

40. Le Procureur affirme que, de manière générale et pour éviter les retards, les actes de procédure doivent être rédigées uniquement en anglais, et que la traduction des actes de procédure des Parties ne doit pas être exigée36. Le fait d’autoriser le dépôt d’actes de procédure en arabe retarderait effectivement la procédure puisque leur traduction deviendrait nécessaire. Il convient donc de limiter le dépôt de documents en langue arabe37.

41. Ayant recommandé d’adopter l’anglais comme langue de travail, le Greffier avance que les pièces écrites doivent être, par principe, déposées en anglais, sauf autorisation contraire du Juge de la mise en état ou d’une Chambre, la traduction de ces pièces n’étant effectuée que sur ordonnance du Juge de la mise en état ou de la Chambre de première instance38. Une telle démarche aurait également l’avantage d’encourager la présentation d’observations orales39.

i. Documents émanant des Chambres

42. Le Juge de la mise en état considère que la pratique consistant, à ce jour, à faire traduire les décisions et ordonnances rendues en anglais ou en français dans les trois langues officielles du Tribunal est louable. Cette pratique devrait être poursuivie tant que le Greffe dispose des ressources suffisantes. Toutefois, si le Greffe devait être surchargé et en informait par écrit le Juge de la mise en état ou la Chambre compétente, il ou elle déterminera les décisions qui doivent être traduites.

35 Observations du Procureur, par. 30.

36 Observations du Procureur, par. 23.

37 Observations du Procureur, par. 23. Le Procureur reconnaît que « des exceptions seraient possibles pour la traduction de certains documents relevant de l’article 91 », comme le mémoire préliminaire du Procureur visé à l’article 91 G) i) et les documents déposés par les amici curiae.

38 Observations du Greffier, par. 12, 18 b).

39 Observations du Greffier, par. 12.

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Décision sur l’emploi des langues

ii. Observations écrites des Parties et des Représentants des victimes

43. S’agissant de l’avis du Procureur selon lequel les pièces écrites doivent être rédigées uniquement en anglais, le Juge de la mise en état considère qu’une telle décision serait inappropriée. Le principe de l’égalité des armes « signifie que l’Accusation et la Défense doivent être sur un pied d’égalité devant la Chambre de première instance » et que « l’égalité des armes oblige l’organe judiciaire à s’assurer qu’aucune partie n’est placée dans une situation désavantageuse lorsqu’elle présente sa cause40 ». De surcroît, il convient de noter que le Bureau du Procureur doit être en mesure de travailler aussi bien en anglais qu’en français41.

44. Le Juge de la mise en état considère que les pièces écrites émanant des Parties ou des Représentants des victimes doivent être déposées en anglais ou en français. Elles peuvent, par ailleurs, être déposées en arabe par un accusé qui n’est pas représenté par un conseil. En raison des ressources limitées du Greffe et de la nécessité de veiller à la préparation rapide du procès, les modalités exposées ci‑après s’appliqueront aux traductions de pièces déposées :

‑ les pièces déposées en arabe seront automatiquement traduites en anglais, et en français avec l’autorisation préalable du Juge de la mise en état ou de la Chambre compétente, d’office ou à la demande dûment motivée d’une Partie ou du Représentant des victimes ;

‑ les pièces déposées en anglais ou en français seront traduites dans les autres langues officielles du Tribunal uniquement avec l’autorisation préalable du

40 TPIY Affaire n° IT‑94‑1‑A, Le Procureur c. Duško Tadić, Appel, 15 juillet 1999, par. 48, 52.

41 Affaire n° ICTR‑96‑8‑A, Le Procureur c. Elie Ndayambaje, (devant un collège de juges de la Chambre d’appel) Décision relative à la demande d’autorisation d’interjeter appel contre la décision rejetant la mise en liberté provisoire de la Chambre de première instance II du 21 octobre 2002, 10 janvier 2003. Voir aussi l’affaire n° ICTR‑99‑50‑A, Le Procureur c. Bizimungu, (également devant un collège de juges de la Chambre d’appel) Décision relative à la demande d’autorisation d’interjeter appel contre la décision rejetant la mise en liberté provisoire de la Chambre de première instance II du 4 novembre 2002, 13 décembre 2002. Cette décision a été rendue dans le contexte du TPIR, dont le Statut prévoit que l’anglais et le français sont les langues de travail du TPIR (cf. Statut du TPIR, article 31). Les tribunaux pénaux internationaux ont adopté, dans la pratique courante, un régime linguistique binaire clairement établi. Les langues de travail de la Cour pénale internationale, par exemple, sont également l’anglais et le français aux termes de l’article 50 2) du Statut de Rome et de l’article 41 2) du Règlement de procédure et de preuve de la Cour. Il en va de même pour le TPIY en vertu de l’article 33 de son Statut.

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Décision sur l’emploi des langues

Juge de la mise en état ou de la Chambre compétente, d’office ou à la demande dûment motivée d’une Partie ou du Représentant des victimes.

45. Toute personne autre que les conseils peut déposer des observations écrites dans une langue autre que l’arabe, l’anglais ou le français avec l’autorisation du Juge de la mise en état ou de la Chambre de première instance42. Le Greffe assurera la traduction des observations en question dans un délai raisonnable.

iii. Autres documents

46. Outre les documents émanant des Chambres et les observations écrites des Parties et des Représentants des victimes, le Juge de la mise en état constate avec préoccupation qu’il existe une autre catégorie de pièces déposées, qu’il ne serait peut‑être pas approprié de divulguer dans une seule langue.

47. S’agissant des documents visés à l’article 91 G)43, le Procureur fait observer que, contrairement à ce qu’affirme le Bureau de la Défense, il n’est nullement tenu de fournir des traductions des documents relevant de l’article 91 G) iii) du Règlement en particulier (listes des pièces à conviction et pièces à conviction proprement dites)44. En conséquence, le Procureur propose de communiquer les listes des pièces à conviction en anglais, ces listes n’étant communiquées en arabe que lorsque l’original ou des versions traduites sont déjà disponibles45.

48. Le Juge de la mise en état considère que les documents visés à l’article 91 G) représentent une part importante de la préparation du procès. Dès lors, à l’exception des documents régis par l’article 91 G) iii)46, les documents visés par l’article 91 G)

42 En application de l’article 10 D) du Règlement.

43 Article 91 G) : « Le Juge de la mise en état enjoint au Procureur, dans le délai qu’il fixe et au plus tôt six semaines avant la conférence de mise en état prévue par l’article 127, de déposer les pièces suivantes » : i) le mémoire préliminaire comprenant un résumé des moyens de preuve pour chaque chef d’accusation et tout élément admis par les parties, ainsi qu’un exposé des points non litigieux ; (ii) la liste des témoins que le Procureur entend citer ; (iii) la liste des pièces à conviction que le Procureur entend présenter, en précisant chaque fois que cela est possible si la Défense conteste ou non leur authenticité. Le Procureur signifie à la Défense des copies des pièces à conviction en question ou communique à la Défense lesdites pièces.

44 Observations du Procureur, par. 18.

45 Observations du Procureur, par. 18.

46 Ces pièces sont régies par les obligations du Procureur en matière de communication ; cf. sous‑section (c) ci‑

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doivent être disponibles dans les trois langues officielles du Tribunal, et doivent être également déposés dans la langue originale s’ils ne le sont pas dans ces trois langues officielles. Les documents visés à l’article 91 G) iii) doivent être déposés en arabe et en anglais.

49. Les documents prévus par l’article 91 H) du Règlement (listes de témoins et listes des pièces à conviction à fournir par les victimes participant à la procédure) doivent être déposés en arabe ou en anglais, et le Greffier assure leur traduction dans l’autre de ces deux langues.

50. Les documents visés à l’article 91 I) du Règlement (le mémoire préliminaire de la Défense) sont déposés en anglais ou en français, et également dans la langue originale s’ils ne sont pas déposés en anglais ou en français. De plus, ils peuvent être déposés en arabe par un accusé qui n’est pas représenté.

c. la/les langue(s) dans laquelle/lesquelles les pièces doivent être communiquées

51. Selon l’article 110 A) du Règlement, le Procureur doit transmettre à la Défense « dans une langue que l’accusé comprend » plusieurs catégories de documents, dont des copies des pièces justificatives qui ont été jointes à l’Acte d’accusation lors de la demande de confirmation, toutes les déclarations de l’accusé recueillies par le Procureur, ainsi que toutes les déclarations des témoins cités par le Procureur. En outre, conformément à l’article 113 A) du Règlement, le Procureur doit communiquer à la Défense « toute information dont il dispose ou a connaissance qui peut raisonnablement tendre à établir l’innocence de l’accusé, atténuer la responsabilité pénale de celui‑ci ou compromettre la crédibilité des éléments de preuve à charge ».

52. Le Bureau de la Défense fait valoir que ce n’est qu’une fois que l’accusé comparaîtra devant le Tribunal qu’il sera possible de déterminer la langue dans laquelle les pièces devront être divulguées47.

dessous.

47 Observations du Bureau de la Défense, par. 16. Le Bureau de la Défense fait également valoir que l’obligation de communiquer les pièces « dans une langue que l’accusé comprend » s’applique de la même façon aux pièces visées aux articles 110 B) (« tout livre, document, photographie et objet qui se trouve sous [la] garde

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Décision sur l’emploi des langues

53. Le Procureur affirme que le « régime le plus souhaitable » serait de l’enjoindre à communiquer en anglais et en arabe, ou dans la langue originale, s’ils ne sont rédigés ni en anglais, ni en arabe48, les pièces justificatives accompagnant l’Acte d’accusation et autres documents soumis à communication. Il préconise d’adopter ces deux langues car l’arabe est « la langue la plus susceptible d’être comprise par les accusés49 » et, implicitement, car le Bureau du Procureur travaille en anglais. Par conséquent, au vu des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 110 A) du Règlement et compte tenu de la langue la plus susceptible d’être comprise par les accusés, le Procureur a déjà demandé la traduction de toutes les pièces justificatives en arabe, démarche qui, selon lui, facilitera également la participation efficace des victimes50.

54. En ce qui concerne la communication des éléments de preuve à décharge visés à l’article 113 A) du Règlement, le Procureur laisse entendre qu’ils doivent être communiqués dans la langue originale, accompagnés de traductions si elles sont déjà disponibles51. Une telle approche est conforme, selon le Procureur, aux « normes internationales52 ».

55. S’agissant de la/des langue(s) employées pour la communication des pièces, le Greffier refuse de formuler des observations sur des aspects ne relevant pas de ses prérogatives, mais rappelle néanmoins que le Greffe est prêt à répondre aux besoins découlant des obligations de communication incombant aux Parties53.

56. Nonobstant la position du Bureau de la Défense, le Juge de la mise en état considère que l’ampleur de la tâche incombant au Procureur en matière de

[du Procureur] ou son contrôle et qu’il entend utiliser comme moyen de preuve au procès, qui est utile à la préparation de la défense ou qui a été obtenu de l’accusé ou lui appartient ») et 113 (« Éléments de preuve à décharge »), (Observations du Bureau de la Défense, par. 18).

48 Observations du Procureur, par. 12.

49 Observations du Procureur, par. 12.

50 Observations du Procureur, par. 13, 14.

51 Observations du Procureur, par. 19.

52 Observations du Procureur, par. 20. Le Procureur se réfère à la jurisprudence des CETC et du TPIR.

53 Observations du Greffier, par. 16, 17.

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Décision sur l’emploi des langues

communication des pièces est telle qu’il convient, à ce stade de la procédure, de déterminer les modalités linguistiques. Le fait de ne pas apporter un certain degré de clarté et de certitude au Procureur retarderait encore la procédure à l’avenir, ce qui serait contraire au but de la présente décision. Le Juge de la mise en état estime que — compte tenu des droits des accusés et des ressources limitées du Tribunal — le Procureur doit divulguer l’ensemble des pièces justificatives accompagnant l’Acte d’accusation et autres documents soumis à communication :

dans la langue originale ; et

en anglais et en arabe dans tous les cas.

57. La communication des pièces en français reste néanmoins à déterminer. Afin de prévoir l’éventualité que les conseils de la Défense d’un ou de plusieurs accusés soient francophones (et non anglophones), il y a lieu de prendre, au minimum, les mesures décrites ci‑après. Les pièces de première importance seront soumises pour traduction en français dans leur intégralité, ou bien résumées puis soumises pour traduction en français. Il incombe au Juge de la mise en état ou à la Chambre de première instance, d’office ou à la demande d’une Partie ou d’un Représentant des victimes, d’identifier les pièces de première importance et d’ordonner leur traduction ou la traduction de résumés desdites pièces.

58. Afin de permettre au Juge de la mise en état ou à la Chambre de vérifier le respect de cette obligation, le Procureur doit, chaque mois, tenir le Juge de la mise en état et la Chambre de première instance informés de l’état de préparation des résumés et autres traductions mentionnés ci-dessus54.

59. En ce qui concerne les obligations de communication incombant à la Défense, le Juge de la mise en état considère que la Défense devra s’acquitter de ces obligations en anglais ou en français55.

54 Le Juge de la mise en état relève que, conformément à la demande qu’il avait faite lors d’un entretien confidentiel organisé en application de l’article 68 du Règlement le 7 juin 2011, le Procureur a déjà déposé des rapports pertinents sur l’état des traductions des pièces justificatives jointes à l’Acte d’accusation.

55 L’article 112 du Règlement sur la « Communication de pièces par la Défense » prévoit le cas où la Défense a l’obligation de communiquer ses pièces. Conformément à l’article 112 A) du Règlement, cette obligation survient « [à] la fin de la présentation des moyens à charge, si la Défense choisit de présenter ses moyens, dans le délai fixé par le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance, au minimum une semaine avant

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Décision sur l’emploi des langues

60. Enfin, le Juge de la mise en état relève que, conformément à l’article 113 B) du Règlement, les victimes participant à la procédure ont les mêmes obligations de communication en matière d’éléments de preuve à décharge, telles qu’exposées à l’article 113 A) du Règlement visé ci‑dessus56. Dès lors, les modalités susmentionnées applicables au Procureur à cet égard s’appliqueront mutatis mutandis aux victimes participant à la procédure57.

d. les régimes linguistiques applicables aux accusés et à leurs conseils

61. Le Bureau de la Défense affirme que bien qu’un accusé soit libre, en principe, de choisir son conseil selon l’article 16 4) d) du Statut (visé ci‑dessus), ce droit est cependant limité par l’article 58 du Règlement58.

62. Les conseils de la Défense doivent posséder les qualifications exposées de façon détaillée à l’article 58 du Règlement. L’article 58 A) ii) du Règlement exige que les conseils de la Défense engagés par un suspect ou un accusé aient la maîtrise écrite et orale de l’anglais ou du français. L’article 18 E) iii) de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la Défense dispose que le Chef du Bureau de la Défense peut décider de refuser la demande de commission d’office d’un conseil formée par un suspect ou un accusé lorsque « la commission d’office ne créerait pas une combinaison de capacités linguistiques suffisantes pour assurer une représentation efficace de l’accusé ».

63. En outre, lorsque l’intérêt de la justice le commande, le Chef du Bureau de la Défense doit commettre d’office un conseil à un suspect ou à un accusé qui n’a pas les moyens de rémunérer le conseil en question. En conséquence, l’article 59 D) du Règlement exige que le Chef du Bureau de la Défense dresse une liste des conseils

l’ouverture de la présentation des moyens à décharge ».

56 L’article 112bis du Règlement relatif à la « Communication de pièces par les victimes participant à la procédure (à savoir les pièces autres que celles visées à l’article 113 B) et qui ne sont pas à décharge) dispose que lorsque la Chambre de première instance accorde à une victime participant à la procédure le droit de présenter des preuves, la Chambre décide des obligations de communication pertinentes qui s’imposent. Ce serait le moment opportun de réexaminer les modalités linguistiques applicables.

57 Cf. par. 56, supra.

58 Observations du Bureau de la Défense, par. 13.

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remplissant certains critères, tels notamment la maîtrise écrite et orale de l’anglais ou du français. L’article 18 E) de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la Défense visée ci‑dessus s’applique mutatis mutandis aux conseils commis d’office [sic] : cette commission doit créer une combinaison de capacités linguistiques suffisantes pour assurer une représentation efficace de l’accusé.

64. En d’autres termes, le Règlement prévoit qu’un accusé a le droit d’être représenté par un conseil dûment inscrit sur la liste des conseils de la Défense à moins que ladite représentation ne permette pas d’assurer la combinaison de capacités linguistiques nécessaire à un procès rapide et équitable59.

65. Les mêmes limitations s’appliquent mutatis mutandis au cas de figure prévu par l’article 105bis du Règlement : l’absence de l’accusé à la procédure tenue devant le Juge de la mise en état60.

66. Le Procureur soutient que la détermination de la ou des langue(s) de travail aurait une incidence sur la nomination des conseils de la Défense, comme cela a été observé dans d’autres juridictions internationales61.

67. Sous réserve de ces limitations, le Bureau de la Défense affirme que les conseils de la Défense doivent recevoir tous les documents nécessaires à la préparation efficace de la défense de l’accusé dans une langue qu’ils comprennent62. À titre subsidiaire, le Bureau de la Défense considère que les conseils de la Défense

59 Le contenu de l’article 59 du Règlement est repris à l’article 18 E) iii) de la Directive relative à la commission d’office de conseils de la Défense, 20 mars 2009, cité ci‑dessus.

60 Article 105 bis B) : « Après que la Chambre de première instance s’est assurée que les conditions énoncées à l’article 106 sont réunies, le Juge de la mise en état demande au Chef du Bureau de la Défense de commettre d’office un conseil à l’accusé qui s’est abstenu de le faire, conformément à l’article 57 D viii), et engage une procédure préliminaire, en application des articles 89 à 97 du Règlement ». Le Chef du Bureau de la Défense nomme un conseil lors des procédures par défaut à partir d’une liste tenue conformément à l’article 59B) du Règlement ; l’admission sur la liste est subordonnée au respect des critères énoncés à l’article 58 A) du Règlement (cf. Article 59 B) i)).

61 Observations du Procureur, par. 10. Le Procureur se référait à la nomination du conseil dans une affaire portée devant la Cour pénale internationale (« CPI »), Le Procureur c. Katanga, Affaire n° ICC‑01/04‑01/07, dans laquelle le conseil a été nommé sous réserve de plusieurs conditions, parmi lesquelles la faculté de ce dernier de communiquer avec l’accusé en français.

62 Observations du Bureau de la Défense, par. 19.

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doivent — au minimum — être assurés de recevoir des « résumés des pièces63 » et des traductions de documents spécifiques lorsque ceux‑ci en font expressément la demande64.

68. Le Juge de la mise en état est d’avis que les régimes linguistiques applicables aux accusés et à leurs conseils sont déterminés par les textes pertinents. L’article 16 4) b) du Statut reconnaît le droit d’un accusé de choisir son propre conseil, mais le Règlement énonce quelques restrictions à ce droit. L’article 59 D) du Règlement exige que l’accusé choisisse un conseil « inscrit en bonne et due forme sur la liste », ce conseil étant admis à y figurer lorsque divers critères — incluant la maîtrise des langues — sont remplis. Il n’appartient pas au Juge de la mise en état d’énoncer des conditions autres que celles déjà prévues par le Règlement. Le Juge de la mise en état s’en remet à cet égard au Chef du Bureau de la Défense qui, prenant acte de la présente Décision, a le pouvoir de commettre d’office les conseils65 à partir d’une liste de conseils de la Défense qualifiés qu’il est tenu de dresser et de tenir66, lesdits conseils remplissant les conditions énoncées dans cet article et disposant de compétences nécessaires à la conduite efficace de la procédure67.

e. les régimes linguistiques applicables aux victimes participant à la procédure

69. Le Greffier formule des observations sur cette question, rappelant que les Représentants des victimes n’ont pas encore été nommés et sont dès lors absents à ce stade de la procédure68.

63 Cf. section (g) ci‑dessous. Le Bureau de la Défense se réfère aux « résumés des pièces ».

64 Observations du Bureau de la Défense, par. 21, 24.

65 Conformément à l’article 59 A) du Règlement.

66 Conformément à l’article 59 B) du Règlement.

67 Article 57 D) i) du Règlement.

68 Observations du Greffier, par. 6.

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70. Le Procureur a demandé la traduction vers l’arabe de toutes les pièces justificatives qui ont été jointes à l’Acte d’accusation, car cela facilitera en partie une participation efficace des victimes69.

71. Pour les besoins de la présente Décision, le Juge de la mise en état estime que les représentants légaux des victimes participant à la procédure doivent être considérés comme des conseils devant, à ce titre, remplir les conditions visées aux articles 58 A) et 59 B) et D) du Règlement, mutatis mutandis. L’analyse exposée dans le sous‑paragraphe consacré aux régimes linguistiques applicables aux accusés et à leurs conseils s’applique par conséquent aux Représentants des victimes.

72. Le Juge de la mise en état s’en remet au Chef de la Section de participation des victimes qui, en application de l’article 51 C) du Règlement, est tenu de dresser et de tenir à jour une liste de Représentants des victimes hautement qualifiés, répondant aux critères énoncés notamment à l’article 59 B) i)‑iii) du Règlement relatif aux qualifications des conseils de la Défense. Le Chef de la Section de participation des victimes est néanmoins invité à prendre acte de la présente Décision lorsqu’il établit et tient à jour cette liste, et lorsqu’il commet et nomme des Représentants des victimes conformément à l’article 51 C) du Règlement. Ces représentants auront le droit — une fois nommés — de solliciter du Juge de la mise en état ou de la Chambre de première instance qu’ils modifient cette décision.

73. Une autre question demeure sans doute en suspens : la ou les langue(s) qu’une victime participant à la procédure, autorisée à comparaître sans l’assistance d’un conseil, peut employer70. Le Juge de la mise en état fait observer qu’une telle décision sera rendue par le Juge de la mise en état ou la Chambre lorsque le cas se présentera, en tenant compte de la présente Décision ; il ne se prononce donc pas sur la question en l’espèce.

69 Observations du Procureur, par.13, 14.

70 Tandis que l’article 10 B) exige du Juge de la mise en état qu’il consulte les « parties et [...] représentants légaux des victimes participant à la procédure », l’article 86 C) dispose que « [s]auf autorisation du Juge de la mise en état ou d’une chambre, selon le cas, une victime participant à la procédure le fait par le biais d’un représentant légal ». L’article 86 C) prévoit donc le cas où les victimes — sous réserve d’y être autorisées — ne sont pas représentées et comparaissent en personne.

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f. le régime linguistique applicable aux « autres personnes » comparaissant devant le Tribunal.

74. Le Juge de la mise en état note que le régime linguistique applicable aux autres personnes comparaissant devant le Tribunal est consacré dans son Règlement71. Par conséquent, le Juge de la mise en état relève que la détermination de la langue de travail et de ses modalités ne saurait influer sur ces dispositions et leurs effets.

g. le régime linguistique applicable aux comptes rendus d’audiences

75. Le Bureau de la Défense fait valoir que, compte tenu de l’importance des comptes rendus, les conseils de la Défense doivent recevoir des comptes rendus rédigés dans la langue de leur choix72.

76. Le Procureur affirme qu’il pourrait être nécessaire de produire des comptes rendus dans les trois langues ; de fait, si la transcription en temps réel était effectuée dans une seule langue (qui, pour le Procureur, serait l’anglais), les comptes rendus en français et en arabe deviendraient des « transcriptions des documents audio », dont la préparation pourrait retarder la procédure73. Le Procureur laisse entendre, par ailleurs, qu’aucune disposition du Règlement ne régit la préparation de comptes rendus dans des langues autres que la ou les langue(s) de travail.

77. Le Greffier soutient que la capacité technologique de la salle d’audience permet uniquement d’établir des comptes rendus en temps réel en anglais ou en français, et que le Greffe ne peut produire une transcription en temps réel que dans une seule langue à la fois74. La deuxième transcription peut être réalisée avec un léger différé et n’est donc pas effectuée en temps réel75. En outre, et nonobstant ses efforts « considérables et constants », le Greffe n’a pas été en mesure de se procurer

71 Article 10 D) du Règlement, cité ci‑dessus. Bien que ni le Statut ni le Règlement ne définissent les personnes « autres que les conseils », le Juge de la mise en état considère que ce terme désigne les représentants des États ou les amici curiae pouvant comparaître devant le Tribunal à titre exceptionnel et ad hoc.

72 Observations du Bureau de la Défense, par. 29.

73 Observations du Procureur, par. 28.

74 Observations du Greffier, par. 20.

75 Observations du Greffier, par. 20.

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des logiciels capables de produire des comptes rendus d’audiences vers l’arabe en temps réel.

78. Ayant recommandé que l’anglais soit la langue de travail, le Greffier préconise la production des comptes rendus en temps réel en anglais76. Il se fonde, pour ce faire, sur la plus grande exactitude des transcriptions en temps réel en anglais par rapport au français, de sorte que l’emploi de l’anglais améliorerait l’efficacité et la fiabilité des comptes rendus dans les trois langues. Les comptes rendus en arabe et en français seraient ensuite disponibles « dans un délai raisonnable ».

79. Au vu de ce qui précède, le Juge de la mise en état considère qu’il peut être souhaitable de produire les comptes rendus en temps réel en anglais, les comptes rendus en arabe et en français étant mis à disposition dans un délai raisonnable après la fin de l’audience77. Cependant, la question du régime linguistique applicable aux comptes rendus d’audiences étant sans rapport avec la rapidité de la préparation du procès à ce stade de la procédure, le Juge de la mise en état ne statuera pas sur ce régime, et s’en remet à la Chambre compétente qui rendra sa décision en temps voulu.

h. demandes de traductions supplémentaires

80. Nonobstant les diverses modalités linguistiques mentionnées ci‑dessus, les Parties ainsi que les Représentants des victimes conservent à tout moment le droit de solliciter du Juge de la mise en état ou de la Chambre compétente qu’il ou elle ordonne la traduction de documents spécifiques par le Greffe, ou bien la préparation de résumés de pièces spécifiques par la partie concernée aux fins de traduction. Une

76 Observations du Greffier, par. 22.

77 Le Juge de la mise en état relève néanmoins que lorsqu’un accusé ne sera pas en mesure de comprendre l’une des trois langues officielles du Tribunal, son droit de recevoir des transcriptions dans sa propre langue restera à définir. Il a précédemment été soutenu, devant le TPIY, que « [l]es comptes rendus des audiences sont fournis sur demande dans l’une ou dans les deux langues de travail seulement en tant qu’aide‑mémoire pour les participants à ces audiences. Comme dans le cas des requêtes et autres documents semblables, la Défense n’a pas un droit à ce que tous les comptes rendus soient traduits dans la langue de l’accusé », Le Procureur c. Delalić et autres, Affaire n° IT‑96‑21‑T, Décision relative à la requête de la défense aux fins de transmission des documents dans la langue de l’accusé, 25 septembre 2996, par. 14.

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telle ordonnance n’est rendue que lorsque la partie adresse une demande dûment motivée à cet effet78.

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs,

le juGe de lA Mise en ÉTAT,

cOnFORMÉMenT AuX ARTicles 10, 77 e) et 89 B) ;

sAns pRÉjudice de toute ordonnance ou décision ultérieure que le Juge de la mise en état ou une autre Chambre pourrait rendre ;

sAns pRÉjudice de toute requête ultérieure, dûment motivée, d’une Partie ou d’un Représentant des victimes tendant à obtenir la traduction de documents spécifiques par le Greffe, ou de la préparation de résumés de pièces spécifiques par la partie concernée aux fins de traduction par le Greffe ;

AYAnT À l’espRiT les articles 14 et 16 du Statut, ainsi que les articles 58, 59, 88 G), 110 et 113 du Règlement ;

cOnsidÈRe que les participants à la procédure orale peuvent employer l’une quelconque des trois langues officielles du Tribunal, sous réserve qu’un accusé puisse employer sa propre langue ;

ORdOnne que les actes de procédure des Parties et des Représentants des victimes soient déposés en anglais ou en français, sous réserve qu’un accusé qui n’est pas représenté par un conseil puisse déposer des actes de procédure en arabe ;

ORdOnne que tous les actes de procédure en langue arabe soient traduits en anglais, et que ceux‑ci soient traduits en français uniquement avec l’autorisation

78 Le Juge de la mise en état souligne que les résumés, quelle qu’en soit la langue, ne produiront pas les effets de pièces écrites officielles ou d’autres documents prévus par le Règlement, mais faciliteront la compréhension de l’affaire par les participants francophones.

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préalable du Juge de la mise en état ou de la Chambre compétente, d’office, ou sur demande dûment motivée d’une Partie ou d’un Représentant des victimes ;

ORdOnne que les actes de procédure rédigés en anglais ou en français soient traduits dans les autres langues officielles du Tribunal uniquement avec l’autorisation du Juge de la mise en état ou de la Chambre compétente, d’office, ou sur demande dûment motivée d’une Partie ou d’un Représentant des victimes ;

ORdOnne que les actes de procédure déposés par des personnes autres que les conseils puissent être rédigés dans une langue autre qu’une langue officielle du Tribunal avec l’autorisation du Juge de la mise en état ou de la Chambre de première instance ;

ORdOnne que les actes de procédure déposés par des personnes autres que les conseils soient traduits en anglais, et que ceux‑ci soient traduits en arabe et/ou français uniquement avec l’autorisation préalable du Juge de la mise en état ou de la Chambre compétente, d’office, ou sur demande dûment motivée d’une Partie ou d’un Représentant des victimes ;

ORdOnne que les pièces déposées par le Procureur conformément à l’article 91 G) du Règlement, à l’exception des pièces visées à l’article 91 G) iii) du Règlement, soient déposées dans l’une quelconque des trois langues officielles du Tribunal ainsi que dans leur langue originale, et soient traduites dans les deux autres langues officielles du Tribunal ;

ORdOnne que les pièces déposées par les Représentants des victimes en application de l’article 91 H) du Règlement soient déposées en anglais ou en arabe, puis traduites dans l’autre langue selon qu’il convient ;

ORdOnne que les pièces déposées par la Défense en application de l’article 91 I) du Règlement soient déposées en anglais ou en français, sous réserve qu’un accusé non représenté par un conseil puisse déposer ces pièces en arabe et, en tout état de

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cause, que ces pièces soient aussi déposées dans la langue originale si cette langue n’est pas l’une des langues officielles du Tribunal ;

ORdOnne que les pièces pouvant être communiquées par la Défense soient déposées en anglais ou en français et, en tout état de cause, que ces pièces soient déposées dans la langue originale si cette langue n’est ni l’anglais ni le français ;

ORdOnne que les pièces pouvant être divulguées par le Procureur et les Représentants des victimes soient déposées en anglais et en arabe, et également dans la langue originale si cette langue n’est ni l’anglais ni l’arabe ;

ORdOnne que les pièces de première importance, telles qu’identifiées par le Juge de la mise en état ou une Chambre — à la suite d’une ordonnance à cet effet rendue par le Juge de la mise en état ou une Chambre, d’office, ou à la demande d’une Partie ou d’un Représentant des victimes — soient traduites en français dans leur intégralité, ou bien résumées par le Procureur, et que ces résumés soient traduits en français ; et

ORdOnne au Procureur de transmettre au Juge de la mise en état et à la Chambre de première instance des rapports mensuels sur l’état de préparation des résumés et autres traductions.

Fait en anglais.

À Leidschendam, le 16 septembre 2011.

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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nom de l’affaire : En l’affaire El Sayed

devant : chambre d’appel

Titre : Ordonnance faisant droit en partie et rejetant en partie l’appel interjeté par le procureur de la décision du juge de la mise en état du 2 septembre 2011 ordonnant la communication de pièces

Titre réduit : décision sur la communication des pièces cA

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deVAnT lA cHAMBRe d’Appel

Affaire n° : cH/Ac/2011/02Devant : M. le juge Antonio cassese, président M. le juge Ralph Riachy M. le juge sir david Baragwanath, juge rapporteur M.lejugeAfifChamsedinne M. le juge Kjell erik BjörnbergGreffier : M. Herman von HebelDate : 7 octobre 2011Langue de l’original : AnglaisType de document : Publicavecannexesconfidentiellesetex parte[Nom de l’affaire : En l’affaire El Sayed]

Ordonnance faisant droit en partie et rejetant en partie l’appel interjeté par le procureur de la décision du juge de la mise en état

du 2 septembre 2011 ordonnant la communication de pièces

conseils : M. Akram Azoury M. Antoine Korkmaz

Bureau du procureur : M. Daniel A. Bellemare, MSM, c.r. M. Daryl A. Mundis M. Ekkehard Withopf M. David Kinnecome Mme Marie‑Sophie Poulin

chef du Bureau de la défense : M. François Roux

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sOMMAiRe1

M. El Sayed a été détenu par les autorités libanaises pendant plus de trois ans et demi dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri en 2005. À la suite de la création du Tribunal spécial pour le Liban, et à la demande du Procureur du Tribunal, l’Appelant a été remis en liberté sans qu’aucune accusation ne soit portée à son encontre, conformément à une ordonnance du Juge de la mise en état. L’Appelant a déposé auprès du Tribunal une requête aux fins de communication de pièces en la possession du Tribunal, afin de pouvoir engager des poursuites devant les juridictions nationales contre les individus présumés responsables de fausses allégations à son encontre. Dans le cadre de la procédure qui a par la suite opposé M. El Sayed et le Procureur, lequel est en possession des documents en question mais n’a divulgué, à ce jour, que certains d’entre eux, le Juge de la mise en état a rendu une décision le 2 septembre 2011 ordonnant au Procureur de communiquer les déclarations de certaines personnes qui avaient été interrogées durant le mandat de la Commission d’enquête indépendante internationale des Nations Unies (« l’UNIIIC » ou « la Commission d’enquête »). Le Procureur a fait appel de la décision.

La Chambre d’appel est appelée à décider si le Juge de la mise en état a commis une erreur en ordonnant la communication de ces déclarations au motif qu’une telle communication : a) mettrait en danger l’auteur d’un document ou une autre personne ; ou b) entraverait la bonne conduite de la procédure à venir.

À titre préliminaire, la Chambre d’appel conclut que puisque l’ordonnance rendue par le Juge de la mise en état « tranche potentiellement de manière définitive » la requête de M. El Sayed, nul n’est besoin que le Juge de la mise en état certifie l’appel qui, par conséquent, est interjeté à bon droit devant la Chambre d’appel. Cette dernière fait observer que la définition de « faux témoins » employée par M. El Sayed ne saurait s’appliquer à des personnes dont le Tribunal n’a pas eu la possibilité d’évaluer le témoignage. Bien que ces personnes ne soient pas des témoins devant le Tribunal, ce dernier est tenu d’examiner les préoccupations qu’elles ont légitimement exprimées, en ce que ces préoccupations pourraient avoir un fondement objectif. En effet, à la demande même de M. El Sayed, le Tribunal s’est déclaré compétent à l’égard des déclarations en question.

1 Le présent sommaire ne fait pas partie de la décision de la Chambre d’appel. Il a été établi pour la commodité du lecteur, qui peut juger utile de disposer d’une présentation des grandes lignes de la décision. Seul le texte de la décision constitue, en lui‑même, le document faisant foi.

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Au cours d’une séance ex parte tenue par le Juge rapporteur, lors de laquelle le Bureau du Procureur et le Chef de la Section d’appui aux victimes et aux témoins ont été entendus, le Bureau du Procureur a convenu qu’il appartient à ladite Section de déterminer la nécessité de protéger des personnes ayant témoigné. S’agissant de ces personnes, il convient que le Bureau du Procureur se saisisse de la question des risques, consulte la Section d’appui aux victimes et aux témoins, puis expose au Juge de la mise en état, de manière éclairée, la position qu’il semble souhaitable d’adopter concernant chacune d’entre elles.

La Chambre d’appel déclare que les déclarations de certaines personnes interrogées doivent en effet être communiquées à M. El Sayed promptement, conformément à l’ordonnance rendue par le Juge de la mise en état – un bref délai étant nécessaire uniquement aux fins d’établir si les propositions d’expurgation du Procureur ne sont pas incohérentes ou incomplètes. En ce qui concerne les déclarations des autres personnes interrogées, la décision de les communiquer et, dans l’affirmative, de procéder aux expurgations le cas échéant, doit être prise par le Juge de la mise en état après que le Procureur, en concertation avec la Section d’appui aux victimes et aux témoins, a reconsidéré la nature du risque allégué et, si nécessaire, la méthodologie précédemment adoptée pour l’évaluation des risques.

M. El Sayed, en outre, i) prétend que le Procureur ne devrait plus être en droit de comparaître devant le Tribunal et devrait être remplacé par un contradicteur ad hoc et ii) réclame des dommages-intérêts pour l’abus de procédure dont il aurait fait l’objet de la part du Procureur. Ces prétentions n’ayant pas été exposées en première instance, et en l’absence de fondement permettant d’alléguer un retard devant la Chambre d’appel, cette Chambre se déclare incompétente pour statuer sur la question à ce stade de la procédure.

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inTROducTiOn

1. Le Procureur a interjeté appel2 de la décision du Juge de la mise en état du 2 septembre 2011 ordonnant la communication à M. El Sayed et à son conseil, sous certaines conditions, de quelque 133 pièces3.

eXpOsÉ des MOTiFs

I. Lacertificationdel’appelest-ellerequise?

2. La première question consiste à déterminer si l’Appel doit être rejeté en raison du défaut de certificat du Juge de la mise en état. L’article 126 du Règlement de procédure et de preuve (« le Règlement ») a trait aux requêtes au pénal dont il est fait appel, pour lesquelles cette certification est requise. Bien que ses termes n’abordent pas les requêtes au civil dont il est fait appel, dans notre jugement du 19 juillet 2011 relatif à la demande aux fins de communication de pièces introduite par M. El Sayed, nous avons soutenu que, dans les affaires civiles également, nous exigerions normalement une certification pour « tout appel avant un jugement complet et définitif ; « mais non pour un appel qui « tranche potentiellement de manière définitive » la requête4.

2 En l’affaire El Sayed, Appel urgent du Procureur de la décision du Juge de la mise en état datée du 2 septembre 2011 et requête en effet suspensif dans l’attente de l’appel, confidentiel et ex parte, OTP/AC/2011/02, 12 septembre 2011 (« l’Appel »).

3 En l’affaire El Sayed, Décision relative à la deuxième requête du Procureur en suspension des effets de la décision du 6 juillet 2011, CH/PTJ/2011/15, 2 septembre 2011. Dans son appel, le Procureur allègue que les pièces contiennent des déclarations de témoins susceptibles d’exposer les témoins à des risques inacceptables si elles étaient communiquées. La Chambre d’appel a temporairement suspendu la décision du 2 septembre 2011 (En l’affaire El Sayed, Ordonnance relative à la requête urgente du Procureur aux fins de suspension dans l’attente de l’appel, CH/AC/2011/01, 12 septembre 2011). Le 13 septembre 2011, la Chambre d’appel a rendu une ordonnance portant calendrier imposant au Procureur de soumettre une synthèse des dangers auxquels est exposé chaque témoin (En l’affaire El Sayed, Scheduling Order « [traduction] Ordonnance portant calendrier », CH/PRES/2011/02, 13 septembre 2011).

4 En l’affaire El Sayed, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011, CH/AC/2011/01, 19 juillet 2011, para. 19 et 20.

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3. M. El Sayed soutient que l’appel du Procureur est interlocutoire et que, en l’absence de certification pour interjeter appel, conformément à l’article 126 C), la Chambre d’appel n’est pas saisie à bon droit de l’Appel5.

4. Le 15 août 2011, nous avons rejeté, pour défaut dudit certificat, un appel interjeté par M. El Sayed de l’ordonnance du Juge de la mise en état du 21 juillet 2011 portant suspension des effets de sa décision antérieure du 6 juillet 2011 ordonnant la communication de certaines pièces. On peut donc à bon droit se demander pourquoi le Procureur ne devrait pas se voir imposer l’obligation d’obtenir un certificat à titre de condition à l’interjection du présent appel.

5. La réponse est la suivante : la décision du Juge de la mise en état du 2 septembre 2011, ordonnant la communication, « tranche potentiellement de manière définitive » la requête aux fins de communication de M. El Sayed : une fois les pièces communiquées, il ne reste plus rien à décider. Sa décision du 21 juillet 2011 n’avait, en revanche, aucun effet définitif. Un certificat était donc requis pour interjeter appel de cette dernière, mais il n’est pas nécessaire aux fins du présent Appel.

ii. Objection liminaire de M. el sayed à l’Appel

6. Dans sa réplique du 29 septembre 2011, M. El Sayed réitère ses précédentes prétentions, à savoir que les personnes dont il cherche à connaître les déclarations, et dont la chambre de céans a confirmé que celles‑ci devaient lui être remises sous réserve du traitement de la question des risques évoquée dans la présente décision, sont des « faux témoins » ou des « auteurs des dénonciations calomnieuses ». Il fait valoir que, jusqu’à maintenant, les allégations de ces « faux témoins » ont servi à

5 En l’affaire El Sayed, Réplique à la sixième demande de suspension du Procureur, OTP/AC/2011/01, 9 septembre 2011, para. 4 ; Réplique à « Prosecution’s Appeal of the Pre-Trial Judge’s Decision of 2 september 2011 and Request for the Suspensive Effect Pending Appeal » en application du « Scheduling Order » du 13 septembre 2011, OTP/AC/2011/01, 29 septembre 2011, paras. 17 et 18 (« la Réplique »). M. El Sayed a demandé que la Chambre d’appel accepte une version rectifiée du titre de sa Réplique (En l’affaire El Sayed, Rectificatif ‑ Réplique à l’appel du Procureur du 12 septembre 2011 – Demande de dessaisissement du Procureur et de nomination d’un contradicteur ad hoc – Demande de dommages intérêts pour procédure abusive, OTP/AC/2011/01, 29 septembre 2011), que nous traitons aux para 36 à 41 de la présente Décision.

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tort de prétexte pour ne pas donner effet aux décisions du Tribunal ordonnant la communication des pièces qu’il cherche à obtenir6.

7. Il fait valoir que l’Appel est fondamentalement entaché d’irrégularité parce que, pour peu qu’il soit bien interprété, l’article 133 du Règlement ne dispose pas que les faux témoins doivent être protégés. De plus, il se propose de :

a) chercher à contester la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011 au motif que celle‑ci reconnaît à tort au Procureur un droit de communiquer aux « faux témoins » ou aux « auteurs des dénonciations calomnieuses » des décisions confidentielles du Tribunal7 ; et

b) il prétend que la décision a reconnu sans justification aux « faux témoins » le bénéfice de la protection énoncée par l’article 133 du Règlement8.

8. M. El Sayed allègue qu’il n’est responsable d’aucune menace et qu’il respectera de la façon la plus stricte les conditions de communication des diverses pièces fixées par le Juge de la mise en état dans sa décision du 12 mai 20119.

9. Ces arguments s’appuient sur le conseil formulé par le Procureur au Juge de la mise en état, qui a abouti à sa décision du 29 avril 2009, sur la demande du Procureur, de remettre M. El Sayed en liberté après trois ans et demi de détention. Dans cette décision, le Juge de la mise en état déclare :

« D. – Le caractère raisonnable des conclusions du Procureur :

33. Dans l’exposé des motifs de la Requête, le Procureur a invoqué le fait que, pour demander la détention provisoire d’un suspect, il devait être en mesure de le mettre en accusation dans les délais prévus par le Règlement. Or, le Procureur a estimé que les informations dont il disposait à l’heure actuelle ne lui permettaient pas de mettre en accusation ces personnes détenues. Selon lui, la question de la détention provisoire ne se posait donc pas.

6 Réplique, para. 11 C) iii).

7 Ibid., para. 13 A).

8 Ibid., para. 13 B).

9 Ibid., para. 12.

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34. Pour parvenir à cette conclusion, le Procureur a affirmé avoir :

i) procédé à un examen approfondi de tous les éléments et informations pertinents et disponibles à cette date, qu’il s’agisse d’éléments récoltés par son Bureau, par la Commission d’enquête ou provenant des autorités libanaises ;

ii) pris en considération et réexaminé les déclarations des personnes détenues ainsi que celles d’autres personnes y relatives et évalué leur crédibilité ;

iii) réexaminé les données relatives aux communications pertinentes ainsi que tous autres éléments dont ceux de preuve matériels recueillis ;

iv) réexaminé les analyses de police scientifique effectuées ;

v) réexaminé les actes et décisions relatifs aux requêtes de mise en liberté adressées aux autorités libanaises par les personnes détenues et leurs conseils ;

vi) tenu compte, en réexaminant l’ensemble de ces informations, des contradictions existant entre des déclarations de témoins capitaux et du manque de preuve susceptible de corroborer ces déclarations ; et

vii) pris en compte le fait que certains témoins ont modifié leurs déclarations et qu’un témoin capital a expressément rétracté ses dires à charge des personnes détenues.

[…]

37. Dans le cadre de l’évaluation du caractère raisonnable des conclusions du Procureur conformément au paragraphe 27 de la présente, le Juge de la mise en état prend acte du fait que le Procureur n’entend pas mettre en accusation les personnes détenues dans les délais prévus par l’article 63 du Règlement. Il prend également acte du fait que, pour aboutir à cette conclusion, le Procureur s’est fondé sur les informations listées ci‑dessus et, en particulier, sur le fait qu’il a réexaminé l’entièreté du dossier, à la lumière notamment des documents fournis par les autorités libanaises, que certains témoins ont modifié leurs déclarations et qu’un témoin capital a expressément rétracté ses dires à charge des personnes détenues. Enfin, le Juge de la mise en état prend note du contexte dans lequel s’inscrit la Requête, à savoir la détention au Liban des personnes détenues depuis le 30 août 2005.

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38. Dans ce contexte, et compte tenu des informations et considérations, succinctes mais suffisantes, fournies par le Procureur, le Juge de la mise en état considère que les conclusions de ce dernier ne sont pas à ce point déraisonnables qu’il aurait manifestement commis une erreur d’appréciation dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

39. En conclusion, le Juge de la mise en état constate que les personnes détenues ne peuvent, au stade actuel de l’enquête, être assimilées ni à des suspects ni à des accusés dans le cadre de la procédure pendante devant le Tribunal. En conséquence, en application du Règlement, elles ne remplissent pas une des conditions sine qua non pour être placées en détention provisoire, voire même pour être libérées sous condition10. »

(Non souligné dans l’original ; citations internes omises)

10. La position adoptée par le Procureur et le Juge de la mise en état aura été bien accueillie par M. El Sayed. Mais, alors qu’elle a mis fin à sa détention et qu’elle a déterminé que lui‑même et ses codétenus ne pouvaient pas

« [...] au stade actuel de l’enquête, être assimilées ni à des suspects ni à des accusés dans le cadre de la procédure pendante devant le Tribunal11 »,

la décision n’a été formulée ni comme une déclaration de l’innocence de M. El Sayed ni comme une déclaration de la culpabilité de « faux témoin » ou « d’auteurs des dénonciations calomnieuses », qu’il s’agisse de tous les témoins ou de certains d’entre eux. Rien n’a été déterminé au‑delà des conclusions sur lesquelles nous avons mis l’accent, à savoir :

« [...] le Procureur a estimé que les informations dont il disposait à l’heure actuelle ne lui permettaient pas de mettre en accusation ces personnes détenues12. »

10 TSL, Ordonnance relative à la détention des personnes détenues au Liban dans le cadre de l’affaire de l’attentat contre le Premier Ministre Rafiq Hariri et d’autres personnes, CH/PTJ/2009/06, 29 avril 2009, para. 33‑34 et 37 à 39.

11 Ibid., para. 39.

12 Ibid., para. 33.

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11. En particulier, la fiabilité des déclarations des prétendus « faux témoins » n’a fait l’objet d’aucune détermination officielle à quelque stade que ce soit – d’ailleurs la plainte au civil de M. El Sayed vise à obtenir une décision de justice à cet égard. Les individus qui ont été interrogés durant le mandat de la Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies (« UNIIIC ») ne sont pas des témoins devant le Tribunal, car leurs déclarations n’ont pas été produites devant la Chambre de première instance13. La compétence du Tribunal se limite aux poursuites des personnes accusées des crimes visés à l’article premier du Statut, ainsi qu’à sa compétence inhérente en matière d’outrage et d’entrave à la justice et de faux témoignage devant le Tribunal lui‑même. Aucune des dispositions de notre Statut ne permet au Tribunal de se déclarer compétent pour connaître d’infractions criminelles qui ont, le cas échéant, eu lieu avant la création du Tribunal, hormis celles visées à l’article premier du Statut14. Pour ces raisons et parce que nous ne sommes pas saisis de la question de la fiabilité de ces éléments (et que nous n’avons donc pas accès à la totalité des éléments considérés), nous ne pouvons faire aucun commentaire quant à l’existence ou l’inexistence d’éléments de preuves à l’appui des prétentions de M. El Sayed. Nous sommes nécessairement préoccupés par la sécurité personnelle des individus qui, bien qu’ils ne témoignent pas devant le Tribunal, sont étroitement liés aux pièces en la possession du Procureur et quant auxquelles nous sommes compétents. Notre déclaration de compétence a été faite ici sur demande expresse de M. El Sayed. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait s’exonérer de sa responsabilité

13 Néanmoins, la Chambre d’appel reconnaît que le terme “témoin” est utilisé par les parties à ce procès et peut parfois être retenu à des fins de cohérence.

14 Un amendement du Règlement en date d’octobre 2009 a effectivement ajouté la possibilité d’engager une procédure d’outrage pour fausses déclarations faites à une partie (à savoir le Procureur ou la Défense), mais ne peut tout simplement pas permettre d’asseoir la compétence du Tribunal en relation à des déclarations faites avant que le Tribunal lui‑même n’ait été créé. Le pouvoir inhérent qu’ont les tribunaux internationaux de se déclarer compétents pour connaître d’outrages et de faux témoignage survenant (uniquement) devant ces tribunaux est depuis longtemps reconnu par les autres tribunaux pénaux internationaux. Cf., par exemple, TPIY, Procureur c. Simić et consorts, Jugement relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre d’un Accusé et de son conseil, IT‑95‑9‑R77, 30 juin 2000; Procureur c. Tadić, Appeal Judgment on Allegations of Contempt against Prior Counsel, Milan Vujin, « [traduction] Arrêt confirmatif relatif aux allégations d’outrage formulées à l’encontre du précédent conseil, Milan Vujin », Milan Vujin, IT‑94‑1‑A‑AR77, 27 février 2001; Procureur c. Aleksovski, Judgment on Appeal by Anto Nobilo against Finding of Contempt « [traduction] Arrêt relatif à l’appel de la décision portant condamnation pour outrage au Tribunal interjeté par Anto Nobilo », IT‑95‑14/1‑A, 30 mai 2001 ; TPIR, Procureur c. Ngirabatware, Decision on Allegations of Contempt « [traduction] Décision relative aux allégations d’outrage au tribunal », ICTR‑99‑54‑R77.1, 12 mars 2010.

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vis‑à‑vis des craintes de ces individus dans la mesure où celles‑ci pourraient avoir un fondement objectif. Ces inquiétudes quant à leur sécurité personnelle ne sauraient être ignorées simplement au motif que les allégations à l’encontre des individus concernés n’ont pas été vérifiées.

12. De plus, alors que les articles 115 et 133 s’appliquent essentiellement aux témoins devant le Tribunal, des mesures de protection peuvent également être prescrites en faveur de personnes auxquelles la publication de la déclaration d’une autre personne ferait courir un risque, ou qui seraient lésées par cette publication dans leur droit légitime au respect de leur vie privée. Ce principe a été retenu par d’autres tribunaux internationaux et nous l’affirmons et l’appliquons à notre tour15.

13. Il s’ensuit que l’objection liminaire de M. El Sayed à l’appel n’est pas recevable. L’Appel interjeté par le Procureur de la décision du 2 septembre 2011 ordonnant la communication de pièces à M. El Sayed est donc recevable en la forme.

14. Nous abordons dès lors l’examen de l’Appel quant au fond.

iii. Bien-fondé de l’appel : procédure

15. Le 21 septembre 2011, la Chambre d’appel a reçu les conclusions écrites confidentielles et ex‑parte du Procureur16 conformément à l’Ordonnance portant

15 Cf. Règle 87 3) du RPP de la CPI (disposant que des mesures peuvent être accordées pour protéger « l’identité d’une victime, d’un témoin ou d’une autre personne à laquelle la déposition d’un témoin peut faire courir un risque, ou le lieu où se trouve l’intéressé ») ; TPIR, Procureur c. Kamuhanda, Decision on Jean de Dieu Kamuhanda’s Motion for Protective Measures for Defense Witnesses « [traduction] Décision relative à la Requête de Jean de Dieu Kamuhanda en prescription de mesures de protection en faveur des témoins de la Défense », ICTR‑99‑54‑T, 22 mars 2001, para. 16 ; TPIY, Procureur c. Gotovina et consorts., Decision on Defendant Ivan Čermak’s Motion for Admission of Evidence of Two Witnesses Pursuant to Rule 92 bis and Decision on Defendant Ivan Čermak’s Third Motion for Protective Measures for Witnesses « [traduction] Décision relative à la requête du défendeur Čermak aux fins d’admission comme éléments de preuve des déclarations de deux témoins conformément à la Règle 92 bis et décision relative à la troisième requête du défendeur Ivan Čermak en prescription de mesures de protection en faveur des témoins » IC‑12 et IC‑16, IT‑06‑90‑T, 11 novembre 2009, para. 10.

16 En l’affaire El Sayed, Prosecution’s Submissions in Compliance with the President’s Scheduling Order of 13 September 2011, confidential and ex parte « [traduction] Conclusions du Procureur en application de l’Ordonnance portant calendrier du Président du 13 septembre 2011, confidentielle et ex-parte, OTP/AC/2011/03, 21 septembre 2011 (« les Conclusions du Procureur »).

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calendrier du 13 septembre 201117. Les Conclusions du Procureur contiennent les noms d’un certain nombre de personnes dont les déclarations sont incluses dans les pièces faisant l’objet du litige et comprennent également l’évaluation des risques auxquels la communication de ces pièces exposerait chacune de ces personnes.

16. Pour faciliter l’examen de l’Appel et la détermination relative à ce dernier, la Chambre d’appel a dû analyser avec le Procureur, ex parte, les motifs mis en avant par ce dernier quant à la suspension de la communication des pièces pertinentes en l’espèce relativement à chaque personne interrogée durant le mandat de l’UNIIIC. Le Président a nommé en conséquence M. le juge Baragwanath aux fonctions de juge rapporteur pour tenir une séance ex parte avec le Procureur, consulter si nécessaire la Section d’appui aux victimes et aux témoins et faire rapport aux membres de la Chambre d’appel.

17. La séance ex parte s’est tenue le 26 septembre 2011 dans la salle d’audience du Tribunal. M. Daryl A. Mundis et M. David Kinnecome représentaient le Bureau du Procureur. Au cours de cette réunion, le juge et les conseils se sont entretenus par téléphone à haut‑parleur avec le Chef de la Section d’appui aux victimes et aux témoins. Après la séance et la remise consécutive des déclarations par le Procureur, le juge a posé d’autres questions par écrit, auxquelles les conseils du Procureur ont répondu. Toutes ces communications ont été consignées par écrit et figurent dans le procès‑verbal de l’Appel aux fins de consultation ultérieure. Les autres juges de la Chambre d’appel ont bien sûr eu accès aux pièces et au compte rendu de la séance.

18. Lors de la séance du 26 septembre 2011, la question posée a consisté à déterminer si le Juge de la mise en état avait commis une erreur en ordonnant la communication, parce que celle‑ci aurait pour effet soit :

a) de faire courir des risques à l’auteur d’un document ou à une autre personne ;

b) d’entraver le bon déroulement du procès à venir.

17 En l’affaire El Sayed, Scheduling Order « [traduction] Ordonnance portant calendrier », 13 septembre 2011, OTP/AC/2011/03.

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19. Les Conclusions du Procureur contenaient deux listes. L’une était précédée de la phrase suivante :

« [traduction] Compte tenu de l’évaluation des menaces [réalisée par le Procureur], et selon que la Chambre d’appel souhaite ou non s’assurer l’assistance de la Section d’appui aux victimes et aux témoins, les déclarations expurgées des témoins suivants peuvent être immédiatement remises au Greffe pour communication à M. El Sayed18. »

L’autre liste était précédée de cette phrase :

« [traduction] Le Procureur demande que les déclarations des témoins suivants ne soient pas communiquées, à titre provisoire, jusqu’à ce que des mesures de protection soient mises en place dans le cadre de la procédure Ayyash et autres19. »

20. Le Juge a demandé au conseil si ces Conclusions devaient être considérées comme une demande d’autorisation de retrait de l’Appel du Procureur en ce qui concerne les personnes dont la liste figure au paragraphe 95 des Conclusions du Procureur. Le Conseil a répondu que « à moins que la Chambre d’appel souhaite s’assurer l’assistance de la Section d’appui aux victimes et aux témoins, » le Procureur demandait cette autorisation.20 Le Conseil ne souhaitait manifestement pas prendre de décision et a cherché à laisser à la Chambre d’appel le soin de trancher la question. Le juge a fait remarquer que la Chambre d’appel n’avait pas connaissance du contexte ni des antécédents entourant les pièces, alors que le Procureur en était saisi depuis plusieurs années.

21. Le Procureur a reconnu qu’il appartenait à la Section d’appui aux victimes et aux témoins de se prononcer sur le risque21 ; pourtant, la Section d’appui aux victimes

18 Conclusions du Procureur, para. 95.

19 Conclusions du Procureur, para. 96.

20 En l’affaire El Sayed, Compte rendu de la séance ex-parte du 26 septembre 2011 (« le Compte rendu »), p. 7.

21 Ibid., au para. 11 : « [traduction] La [Section d’appui aux victimes et aux témoins est] manifestement au sein de la structure du Tribunal […] l’organe primordial auquel il incombe de faire ces types d’évaluation des menaces… Le [Bureau du Procureur] n’a qu’une capacité limitée pour mener ces évaluations des menaces … [la Section d’appui aux victimes et aux témoins], nous semble‑t‑il … dispose de moyens plus importants et jouit d’une expérience plus grande pour évaluer les menaces qui pèsent sur des

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et aux témoins n’a jamais été sollicitée, sauf en ce qui concerne deux personnes, dont une n’est pas concernée par l’action en réparation que M. El Sayed laisse entendre qu’il intentera devant les juridictions nationales22. Le Juge a demandé :

« [traduction] […] est‑il à présent convenu que … la bonne marche consiste pour le Procureur à se saisir lui‑même de la question (des risques encourus par toutes les personnes interrogées), à consulter la Section d’appui aux victimes et aux témoins, puis à revenir vers le Juge de la mise en état pour lui exposer de manière éclairée la position à adopter concernant chacune d’entre elles ?23 »

Le Conseil a acquiescé24.

22. L’article 115 A) du Règlement confère au Procureur, dans des circonstances exceptionnelles, le pouvoir d’ordonner la non‑communication de l’identité des témoins et d’autres personnes susceptibles de courir des risques jusqu’à ce que des mesures de protection aient été mises en œuvre. L’article 115 B) dispose que le Juge de la mise en état ou la Chambre de première instance peuvent consulter la Section d’appui aux victimes et aux témoins. L’article 133 énonce d’autres dispositions relatives aux mesures de protection.

23. M. El Sayed prétend que le Procureur s’est engagé dans un processus dilatoire systématique tendant à retarder la remise des informations par lui demandées. Cependant, compte tenu du laps de temps relativement court séparant l’introduction de l’Appel le 2 septembre du jugement de ce jour, ainsi que de l’accueil largement favorable réservé aux prétentions du Procureur dans cet Appel, rien ne permet de prétendre que la procédure devant la Chambre d’appel a été retardée. S’agissant de la procédure devant le Juge de la mise en état, il convient d’insister sur le fait que le Règlement ne dispense pas le Procureur de son obligation, entre autres lourdes et nombreuses tâches, de conduire les enquêtes nécessaires pour déterminer quels

victimes ou témoins. »

22 En l’affaire El Sayed, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la Décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011, CH/AC/2011/01, 19 juillet 2011, para. 3 et 5 (citant la demande initiale de pièces de M. El Sayed).

23 Compte rendu, p. 17.

24 Ibid.

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témoins nécessitent une protection et de soumettre les informations pertinentes au Juge de la mise en état. Il n’appartient pas à la Chambre d’appel d’entreprendre une évaluation des risques en premier ressort, dont il serait impossible, le cas échéant, d’interjeter appel. L’évaluation générale des menaces réalisée le 3 mai 2011 ne s’est pas intéressée spécialement aux individus. Au vu des Conclusions du Procureur, il est possible de douter que le Procureur ait remis toutes les informations pertinentes au Juge de la mise en état. Le Juge de la mise en état ne dispose d’aucun autre élément lui permettant d’évaluer les menaces pesant sur les individus dont l’identité, le statut et la pertinence vis‑à‑vis de l’affaire au principal sont connus du seul Procureur. Bien que le Procureur indique qu’il avait contacté autant de “témoins” que possible en juillet dernier et que tous ceux qu’il avait réussi à contacter avaient exprimé leurs craintes eu égard à la communication de leurs déclarations25, il apparaît que le Procureur a entrepris sa première évaluation des menaces spécifiques à chaque individu, après seulement que le Président a demandé des informations plus détaillées dans son ordonnance portant calendrier du 13 septembre 2011. Le Procureur semble avoir reconsidéré à présent, et à la suite de cette évaluation des menaces, la nécessité de mesures de protection pour un certain nombre de personnes interrogées, comme s’il n’avait pas étudié cette question dans tous ses détails auparavant, et il se voit contraint de reconnaître que certaines d’entre elles, en fait, ne s’opposent pas à la communication de leurs déclarations. De plus, la Section d’appui aux victimes et aux témoins n’a pas encore été consultée au sujet d’autres personnes qui n’ont pas été prises en considération dans le rapport qu’il a rédigé.

24. Mais le présent Appel ne s’inscrit pas dans le cadre de la saisine de la juridiction de première instance d’une requête sur le fond en vue d’obtenir réparation aux motifs de cette conduite. Il s’agit d’un appel interjeté par le Procureur d’une décision du Juge de la mise en état qui, selon les allégations du Procureur, aurait été trop généreux vis‑à‑vis de M. El Sayed ; et non pas d’un appel d’une décision portant sur le bien‑fondé d’une réclamation de M. El Sayed dans laquelle il alléguerait avoir subi une perte due à un processus dilatoire systématique illégitime. Conformément aux principes de droit généralement reconnus, nous ne saurions déterminer pour l’instant si le Procureur s’est ou non acquitté en bonne et due forme de son devoir

25 Appel, para. 20.

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consistant à remettre toutes les informations pertinentes et nécessaires au Juge de la mise en état26. Il reviendra le cas échéant au Juge de la mise en état de parvenir à cette décision s’il est appelé à le faire.

25. Toutefois, nous insistons sur la nécessité de faire parvenir sans retard la requête de M. El Sayed à une conclusion. Toute instance juridictionnelle a la tâche et le devoir de rendre sa décision, et ce dans un délai raisonnable27. Tel doit être le cas en particulier quand le Statut du Tribunal exige que les procédures « consacrent […] les normes internationales de procédure pénale les plus élevées, afin de garantir un procès rapide et équitable.28 » La règle de rapidité expressément énoncée par le Statut dans les affaires pénales devant le Tribunal doit également être appliquée par analogie dans sa compétence civile inhérente. Il est des éléments de preuves qui, s’ils ne sont pas pris en compte, peuvent s’inscrire à l’appui de l’argument selon lequel le Procureur n’aurait pas agi avec une promptitude raisonnable pour identifier la nature des risques encourus par des individus et pour soumettre les pièces pertinentes au Juge de la mise en état en temps opportun. Il ne nous appartient pas pour l’instant de déterminer s’il en est ainsi et si, dans un tel cas, M. El Sayed pourrait obtenir réparation, car nous ne sommes pas saisis de ces questions actuellement. Mais la responsabilité nous incombe, ainsi désormais qu’au Juge de la mise en état, de veiller

26 Dans John v. Rees [1970] Ch. 345 p. 402, Sir Robert Megarry met en garde contre le risque d’agir en fonction des prétentions d’une partie seulement sans avoir entendu l’autre :

« [traduction] Il se peut que certains critiquent l’importance que les tribunaux attachent à l’observance des règles de la justice naturelle. «Quand quelque chose est évident», diront‑ils sans doute, «pourquoi forcer tout un chacun à perdre son temps à formuler péniblement des accusations et donner à tous la possibilité d’être entendus ? Le résultat est évident dès le départ». Ceux qui se rangent à ce point de vue ne se hissent pas à la hauteur de leur conscience, me semble‑t‑il. Comme le sait toute personne familière de la pratique du droit, celle‑ci fourmille d’exemples d’affaires paraissant évidentes et qui, d’une façon ou d’un autre, se révèlent ne pas l’être ; d’accusations qui ne pouvait être démenties et qui pourtant l’ont été totalement ; de conduites inexplicables qui ont été totalement explicitées : de déterminations immuables qui, au travers d’un débat, ont évolué. Pas plus que ceux qui connaissent la nature humaine et qui se donnent le temps de la réflexion ne risquent de sous‑estimer le ressentiment éprouvé par ceux qui ont été condamnés sans que la possibilité leur ait été donnée d’influencer le cours des événements. » Voir également Mahon v. Air New Zealand Ltd [1984] AC 808 (PC).

27 Les tribunaux imposeront aux décideurs un devoir d’agir énoncé à demi‑mots. Padfield v. Minister of Agriculture, Fisheries and Food [1968] AC 997. En l’occurrence, la Chambre des Lords a imposé à un ministre l’obligation, bien qu’inexprimée dans la loi, de prendre dûment en considération les plaintes de bonne foi formulées à l’encontre du fonctionnement d’un dispositif de financement de la fourniture du lait qui, s’il avait été modifié en faveur des laiteries de Londres, aurait porté préjudice aux laiteries de Cornouailles. Il ne lui a pas été permis de se soustraire aux conséquences politiques ou de différer celles‑ci en évitant de prendre une décision.

28 Statut du Tribunal spécial pour le Liban, article 28 2).

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à ce qu’il soit promptement porté attention aux questions que nous avons renvoyées devant le Juge de la mise en état.

iV. déclarations pour lesquelles l’appel n’est manifestement pas recevable

26. Parmi les personnes répertoriées au paragraphe 95 des Conclusions du Procureur, il en est trois qui ont chacune signalé qu’elles ne faisaient pas objection à la communication de leurs déclarations à M. El Sayed. Après lecture de ces déclarations et des expurgations auxquelles a procédé le Procureur et que le Juge de la mise en état a approuvées, il ne nous semble pas que le Procureur puisse démontrer que le Juge de la mise en état a commis une erreur en ce qui les concerne. Ceci parce que :

a) il n’y a aucune raison de redouter un risque pour ces personnes ; et

b) rien ne laisse entrevoir que la communication de ces déclarations pourrait entraver le bon déroulement de la suite de la procédure.

27. Il s’ensuit que l’appel est rejeté en ce qui concerne leur communication. Il ne reste plus au Procureur qu’à veiller à ce que les expurgations de ces pièces (que le Procureur a proposées en première instance) ne soient ni incohérentes ni incomplètes. Les mesures que nous ordonnons sous le titre final « Dispositif » renvoient, s’agissant de ces déclarations, à l’Annexe A confidentielle et ex parte.

V. les autres déclarations

28. Alors que tout tribunal est tenu de remplir sa tâche en temps opportun, il est également tenu ce faisant d’éviter toute injustice. Comme le reconnaît le Procureur29, c’est la Section d’appui aux victimes et aux témoins qui est fondée à se prononcer sur le risque ; or il n’a jamais été demandé à la Section d’appui aux victimes et aux témoins de formuler des observations, sauf en ce qui concerne les deux personnes mentionnées au paragraphe 21 ci‑dessus, dont une seule (qui est mentionnée au paragraphe 96 des Conclusions du Procureur et dans l’Annexe B confidentielle et ex parte à la présente décision) est concernée.

29 Compte rendu, p. 11 (voir para. 21, ci‑dessus).

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A. L’individu dont le cas a donné lieu à une consultation de la Section d’appui aux victimes et aux témoins

29. Dans le cas de cette personne, les déclarations originelles mentionnent le nom de plusieurs personnes, relativement auxquelles les informations permettant une éventuelle identification ont été expurgées dans une seconde version. Mais, dans plusieurs cas, le processus d’expurgation a été incomplet : il était possible d’identifier la personne à l’aide d’indices autres que son nom ; et, de fait, dans un cas, l’expurgation du nom est suivie par la divulgation du nom. Si, conformément à une bonne évaluation des risques, l’identité de cette personne doit être supprimée d’une déclaration, d’autres expurgations seront nécessaires. Nous notons que M. El Sayed a vu des informations publiées par erreur dans l’acte d’appel initial du Procureur. Cela ne le dispense pas de satisfaire aux conditions imposées par le Juge de la mise en état dans son ordonnance du 2 septembre 2011 qui supprime ces informations.

30. Faute de développement ultérieur de cette question, nous aurions fait droit à l’Appel au simple motif que la décision était illogique. Soit les noms, de même que les autres moyens d’identification, doivent être communiqués ; soit les deux noms et les autres moyens d’identification doivent être expurgés. Le Procureur devra, en concertation avec la section d’appui aux victimes et aux témoins, reconsidérer ces points de même que dans les autres cas mentionnés au paragraphe 32 de la présente décision. Mais, les démarches mentionnées au paragraphe 16, tendant à l’obtention d’informations complémentaires, ont montré que le processus d’expurgation pouvait être élargi de manière à éliminer ce problème.

31. Cependant, un nouvel élément est apparu après la décision rendue par le Juge de la mise en état. Nous avons eu connaissance d’un rapport fournissant de nouvelles informations suggérant l’existence d’un risque pour la personne interrogée. Il peut être soutenu que, sans qu’il y ait eu faute du Juge de la mise en état, sa décision concernant cet individu a été prise sur une base largement entachée d’erreur de fait. Il s’ensuit que, s’agissant de cette personne, il doit être fait droit à l’appel et l’affaire doit être renvoyée devant le Juge de la mise en état pour être réexaminée en détail à la lumière de ce nouvel élément. Les mesures que nous ordonnons sous le titre final

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« Dispositif » renvoient, s’agissant de ces déclarations, à l’Annexe B confidentielle et ex parte.

B. Les autres individus

32. Dans tous les autres cas, nous avons également conclu, non sans réticence, que nous devions renvoyer cette affaire devant le Juge de la mise en état pour être soumise à un réexamen approfondi. Toute instance juridictionnelle a l’obligation de prendre en compte tous les facteurs potentiellement déterminants quant à sa décision ; d’autant plus lorsque la sécurité des personnes est en cause. Les mesures que nous ordonnons sous le titre final « Dispositif » renvoient, s’agissant de ces dépositions, à l’Annexe C confidentielle et ex parte.

33. Compte tenu de la concession faite par le Procureur et consignée au paragraphe 21 ci‑dessus, il n’est pas nécessaire que nous analysions la raison de l’intervention. Elle peut être qualifiée d’erreur de la part du Procureur qui, lorsqu’il a dressé sa liste des témoins dont les déclarations expurgées « [traduction] peuvent être remises immédiatement [...] à M. El Sayed »30, n’a pas envisagé dans toute sa mesure la contribution que la Section d’appui aux victimes et aux témoins aurait pu apporter au processus d’évaluation des risques, et n’a pas veillé à ce que le Juge de la mise en état soit en position d’évaluer les risques en cause. En conséquence, dans sa décision, le Juge de la mise en état a commis une erreur de droit, en ne prenant pas en compte tous les facteurs potentiellement déterminants quant à sa décision, et cette erreur a des conséquences sur les classifications figurant tant au paragraphe 95 qu’au paragraphe 96 des Conclusions du Procureur (autres que celles figurant dans les Annexes A et B confidentielles et ex parte, à savoir celles figurant dans l’Annexe C confidentielle et ex parte), permettant de déterminer s’il convient de communiquer ou de ne pas communiquer les déclarations dans chaque cas (le nom dans l’Annexe B confidentielle et ex parte doit être tenu secret pour la raison différente évoquée au paragraphe 31 ci‑dessus). Il suffit que le Procureur accepte que ce cas soit renvoyé devant le Juge de la mise en état pour réexamen des autres cas.

30 Conclusions du Procureur, para. 95.

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34. Il se peut que, à l’occasion de ce réexamen, le Procureur soit en mesure de démontrer que la Section d’appui aux victimes et aux témoins est satisfaite de la méthode adoptée pour procéder à cette évaluation des risques ou que, en tout état de cause, la Section d’appui aux victimes et aux témoins exprime son accord quant à l’évaluation du Procureur. Dans un cas comme dans l’autre, l’erreur de droit sera corrigée. Notre obligation est de garantir une procédure en bonne et due forme : la communication à M. El Sayed des pièces auxquelles il a droit autant que la protection des individus lorsque les circonstances le justifient.

35. La nécessité de déterminer avec précision si un témoin ou une autre personne court un danger a pu devenir manifeste depuis, au plus tard, la Décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011 ordonnant la communication. Un manquement du Procureur quant au respect d’une procédure en bonne et due forme serait un motif d’inquiétude s’il venait s’ajouter aux retards pris à ce jour pour apporter une conclusion à la demande d’information présentée par M. El Sayed.

Vi. les requêtes de M. el sayed relatives à l’application des articles 60 et 60 bis du Règlement et à l’indemnisation pour abus de procédure

36. M. El Sayed conclut sa Réplique par les prétentions suivantes :

a) la façon dont le Procureur a conduit la procédure est manifestement abusive et entrave le bon déroulement de la procédure à plusieurs égards, ce qui doit conduire la chambre de céans à diligenter une enquête en application de l’article 60 bis E) du Règlement31 ; en particulier :

b) en qualité de président de l’UNIIIC, le Procureur a tardé à révéler le manque d’éléments de preuves crédibles justifiant le maintien de M. El Sayed en détention, prolongeant ainsi son emprisonnement32 ;

c) le Procureur a retardé inutilement les présentes procédures, en violation des normes du procès équitable, du bon déroulement de la procédure et du

31 Réplique, para. 50‑51.

32 Ibid., para. 39.

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devoir de bonne foi procédurale33 ;

d) le Procureur est en situation de conflit d’intérêts parce qu’il souhaite éviter de publier des informations qui révèleraient la façon dont il a dirigé les enquêtes de l’UNIIIC et fait preuve de partialité à l’égard des témoins dont les déclarations sont en cause, et il ne remplit plus les conditions requises pour agir devant le Tribunal (article 60 (A) (iii) du Règlement)34 ; et

e) le Procureur doit être condamné à indemniser M. El Sayed en lui versant le montant de deux cent mille euros35.

37. Ces prétentions de fond ne sont pas liées de manière si directe à la Réplique de M. El Sayed à l’Appel que leur donner suite dans ce contexte permettrait « de consacrer les normes […] de procédure […] les plus élevées afin de garantir un procès rapide et équitable » comme l’exige l’article 28 du Statut du Tribunal, tant en ce qui concerne l’Appel que les prétentions. M. El Sayed propose que tout ce qui relève dans cette affaire desdites prétentions soit traité non pas par le Procureur mais par un contradicteur ad hoc distinct36. Cette démarche entraînerait une confusion, tant des rôles que des questions soulevées. C’est pourquoi nous refusons de permettre que soient ajoutés à la réplique présentée les paragraphes relatifs à l’outrage et à l’indemnisation, sauf en ce qui concerne éventuellement les coûts de l’Appel.

38. Pour classer le document de M. El Sayed dans la catégorie des répliques, nous invoquons la première description qu’il en a donné et qui est la suivante : « Réplique à l’appel du Procureur de la décision du Juge de la mise en état du 2 septembre 2011 et demande de suspension dans l’attente de l’appel en application du «scheduling order» du 13 septembre 2011 », ainsi que le rectificatif du 29 septembre 2011, comme suit : « Réplique à l’Appel du Procureur du 12 septembre 2011 – Demande de dessaisissement du Procureur et de nomination d’un contradicteur ad hoc –

33 Ibid., para. 41 à 46.

34 Ibid., para. 53.

35 Ibid., para. 58.

36 Ibid., para. 55.

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Demande de dommages intérêts pour procédure abusive ». Cette dernière description confirmant que le document considéré doit être traité comme une réplique.

39. Aux paragraphes 15 et 16 de sa Réplique, M. El Sayed avance que le TSL n’est pas compétent, suggérant de plus que de « faux témoins » ne sauraient être considérés comme des témoins aux fins de l’article 133 du Règlement.

40. Nous avons traité au paragraphe 11 la prétention de « faux témoins. » Si cette prétention contient une allégation d’incompétence du Tribunal (il n’est pas totalement manifeste que tel soit le cas), il n’est pas loisible à une partie au procès qui a elle même choisi d’introduire une requête auprès du Tribunal de céans de faire cette allégation. Ces questions ne sauraient être soulevées à bon droit par M. El Sayed dans le cadre du présent Appel.

41. Il s’ensuit que les conclusions d’ordre procédural présentées par M. El Sayed en réplique – à savoir que le Procureur devrait être dessaisi et qu’un contradicteur ad hoc devrait être désigné – ne peuvent être avancées dans le cadre du présent Appel, dans la mesure où elles ne peuvent se rattacher à aucune question de fond dont nous sommes saisis. Ces demandes doivent être présentées devant une juridiction de première instance – le Juge de la mise en état ou à la Chambre de première instance – devant laquelle toutes prétentions de même nature que celles visées au paragraphe 36 ont été soutenues. Nous ne faisons aucun commentaire quant au bien fondé de ces prétentions ou d’autres, ni aux termes des articles 60 bis et 4 du Règlement37, ni à aucun autre titre.

42. Nous ajoutons que la séquence prévue par le Statut du Tribunal est celle d’une décision rendue en première instance, soit par le Juge de la mise en état soit par la Chambre de première instance, suivie par un appel devant la Chambre d’appel. Si, dans son sens littéral, la première phrase de l’article 60 bis C) du Règlement semble autoriser une partie à porter une allégation d’outrage à l’attention de toute chambre, l’article 60 bis D), E), F) et L) du Règlement prévoit que l’enquête sur l’outrage sera menée par le Juge de la mise en état ou par la Chambre de première instance, dont

37 Nous notons que l’article 4 du Règlement permet aux parties de soulever des objections quant au non‑respect du Règlement par une partie. Personne n’a encore fait valoir qu’un article en particulier avait été violé au cours de la procédure en instance.

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la décision peut expressément faire l’objet d’un appel. Bien que ce point n’ait pas été soulevé et que nous ne statuions pas sur celui‑ci, il peut s’avérer que, sauf, cas aussi exceptionnels qu’un outrage à la Chambre d’appel, ces allégations doivent être présentées devant la Chambre de première instance.

43. Si faire des déclarations présentées comme mensongères devant l’UNIIIC constitue une infraction aux termes du droit libanais – un point sur lequel la Chambre d’appel ne fait aucun commentaire pour l’instant – les auteurs de cette infraction seront, le cas échéant, poursuivis conformément au droit national.

44. Nous mentionnons en conclusion que M. El Sayed a également allégué que les déclarations contestées ne sauraient être partiellement expurgées dans la mesure où cela serait incompatible avec son droit à l’information concernant ses accusateurs38.

45. Cette prétention n’est pas recevable. La tâche de tout tribunal, quand il traite de valeurs aussi complexes et diverses que celles qui doivent être prises en considération dans la présente revendication, est d’évaluer celles‑ci et de porter un jugement fondé sur des principes, qui donne à chacune le poids qui lui revient. La réponse à cette prétention doit être trouvée dans notre jugement du 19 juillet 2011. Au paragraphe 63 dudit jugement, nous indiquons que :

« [...] le poids du droit du requérant à l’information évolue constamment : plus l’intérêt personnel est important, plus la requête a de force, même si elle doit être conciliée avec des considérations relatives à la confidentialité39. »

38 Réponse, paras. 32 à 34.

39 En l’affaire El Sayed, Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du Juge de la mise en état du 12 mai 2011, CH/AC/2011/01, 19 juillet 2011, para. 63.

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dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs ;

lA cHAMBRe d’Appel

AdMeT l’Appel comme étant formé à bon droit ;

RejeTTe l’Appel en ce qui concerne les déclarations des personnes répertoriées dans l’annexe A confidentielle et ex parte ;

enjOinT au Procureur de procéder aux expurgations visées au paragraphe 27 ;

ORdOnne en conséquence la communication des déclarations des personnes répertoriées dans l’Annexe A confidentielle et ex parte au plus tard le 13 octobre 2011, après une vérification finale de la cohérence des expurgations, en accord avec les buts poursuivis par le Juge de la mise en état dans les instructions édictées par son ordonnance du 12 mai 2011 ;

FAiT dROiT à l’Appel en ce qui concerne les déclarations des personnes répertoriées dans les Annexes B et C confidentielles et ex parte ;

inVAlide la décision du 2 septembre 2011 en ce qui concerne les dépositions des personnes répertoriées dans les Annexes B et C confidentielles et ex parte ;

enjOinT au Juge de la mise en état de rendre une ordonnance portant calendrier indiquant, entre autres, le délai imparti au Procureur pour vérifier, avec l’assistance de la Section d’appui aux victimes et aux témoins si nécessaire, quelles sont les expurgations requises pour la communication des dépositions des personnes répertoriées dans les Annexes B et C confidentielles et ex parte, et qui contiendra, le cas échéant, une liste fixant l’ordre de priorité des décisions à prendre ;

enjOinT au Juge de la mise en état d’examiner les Conclusions du Procureur et de rendre une ou plusieurs décision(s) motivée(s) et exhaustive(s) relative(s) aux

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déclarations qui doivent être communiquées après expurgation et aux déclarations qui ne seront pas divulguées, même après expurgation ;

enjOinT au Procureur d’envisager avec soin la contribution que la Section d’appui aux victimes et aux témoins sera, le cas échéant, en mesure d’apporter au processus d’évaluation des risques liés aux déclarations de ces personnes ;

pRÉcise que le rejet d’une partie du présent Appel est sans effet aucun sur les restrictions formulées dans la décision du Juge de la mise en état du 2 septembre 2011 relative à l’usage des pièces que pourront faire M. El Sayed et son conseil, et que les restrictions et exigences définies par le Juge de la mise en état restent en vigueur et continuent de prendre pleinement effet.

RejeTTe les requêtes introduites par M. El Sayed auprès de la Chambre d’appel aux fins de dessaisir le Procureur en application du Règlement et d’imposer au Procureur d’indemniser M. El Sayed moyennant un paiement monétaire.

Fait en anglais, en arabe et en français, la version anglaise faisant foi.

Déposé ce jour, le 7 octobre 2011,

Leidschendam (Pays‑Bas)

M. le juge Antonio Cassese Président

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nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres

devant : juge de la mise en état

Titre : Ordonnance de saisine de la chambre de première instance conformément à l’article 105 bis, paragraphe A) du règlement de procédureetdepreuveauxfinsdestatuersurl’engagement d’une procédure par défaut

Titre réduit : Ordonnance en application de l’article 105bis

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le juGe de lA Mise en ÉTAT

Affaire n° : sTl-11-01/iLe Juge de la mise en état : M. le juge daniel FransenLe Greffier : M. Herman von HebelDate : le 17 octobre 2011Original : FrançaisType de document : public[Nom de l’affaire : Le Procureur c. Ayyash et autres]

ORdOnnAnce de sAisine de lA cHAMBRe de pReMiÈRe insTAnce cOnFORMÉMenT À l’ARTicle 105 BIS,

pARAGRApHe A) du RÈGleMenT de pROcÉduRe eT de pReuVe AuX Fins de sTATueR suR l’enGAGeMenT d’une

pROcÉduRe pAR dÉFAuT

Bureau du procureur : M. Daniel A. Bellemare, MSM, c.r.

Bureau de la défense : M. François Roux

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Ordonnance en application de l’article 105bis

1. Par la présente ordonnance, conformément à l’article 105 bis, paragraphe A) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement »), le Juge de la mise en état du Tribunal spécial pour le Liban (le « Tribunal ») saisit la Chambre de première instance aux fins de statuer sur la question de savoir s’il y a lieu d’engager une procédure par défaut à l’encontre de MM. Salim Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra.

2. Après avoir rappelé les principales étapes de la procédure (I), le droit applicable en l’espèce (II) et les observations du Chef du Bureau de la Défense et du Procureur au sujet de la computation du délai prévu à l’article 105 bis, paragraphe A) du Règlement (III), le Juge de la mise en état exposera les motifs de la présente ordonnance (IV).

i. Rappel de la procédure

3. Le 28 juin 2011, conformément à l’article 18, paragraphe 1 du Statut et aux articles 68 et 74, paragraphe A) du Règlement, le Juge de la mise état a rendu une « [d]écision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi et M. Assad Hassan Sabra » au terme de laquelle ces personnes ont été mises en accusation dans le cadre de l’attentat du 14 février 2005 commis contre M. Rafic Hariri et d’autres personnes (respectivement la « Décision relative à l’Acte d’accusation », l’« Acte d’accusation » et les « Accusés »)1. Le même jour, le Juge de la mise en état a délivré quatre mandats d’arrêt portant ordre de transfèrement et de détention à l’encontre des Accusés (les « Mandats d’arrêt »)2. Afin de faciliter l’arrestation de ces derniers, l’Acte d’accusation, les Mandats d’arrêt et la Décision relative à l’Acte d’accusation ont été maintenus confidentiels.

1 Affaire n° STL‑11‑01/I, Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra, le 28 juin 2011.

2 Affaire n° STL‑11‑01/I, Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash portant ordre de transfèrement et de détention, le 28 juin 2011 ; Affaire n° STL‑11‑01/I, Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Mustafa Amine Badreddine portant ordre de transfèrement et de détention, le 28 juin 2011 ; Affaire n° STL‑11‑01/I, Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Hussein Hassan Oneissi portant ordre de transfèrement et de détention, le 28 juin 2011 ; Affaire n° STL‑11‑01/I, Mandat d’arrêt à l’encontre de M. Assad Hassan Sabra portant ordre de transfèrement et de détention, le 28 juin 2011.

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4. Le 30 juin 2011, conformément aux articles 76, paragraphe A) et 79, paragraphe D) du Règlement, le Greffier a transmis l’Acte d’accusation ainsi que les Mandats d’arrêts aux autorités compétentes de la République libanaise, État dont les Accusés sont ressortissants et sur le territoire duquel se trouve leur dernier lieu de résidence connu. Dans les Mandats d’arrêt, le Juge de la mise en état a demandé aux autorités compétentes de la République libanaise de rechercher et d’arrêter les Accusés en tout lieu où ils se trouveraient sur le territoire de la République libanaise, de les détenir et de les transférer au siège du Tribunal. Il a également demandé aux autorités compétentes de la République libanaise d’exécuter les Mandats d’arrêt dans les meilleurs délais et de les signifier, ainsi que l’Acte d’accusation, aux Accusés en personne.

5. Le 8 juillet 2011, à la demande du Procureur et conformément à l’article 84 du Règlement, le Juge de la mise en état a délivré des mandats d’arrêt internationaux à l’encontre des Accusés à l’intention des autorités compétentes de tous les États et a autorisé le Procureur à requérir de l’Organisation internationale de police criminelle (« INTERPOL ») qu’elle émette et diffuse des notices rouges concernant les Accusés (les « Mandats d’arrêt internationaux »)3.

6. Le 28 juillet 2011, à la demande du Procureur, le Juge de la mise en état a autorisé que soient rendus publics les noms, pseudonymes et autres renseignements personnels, y compris des photos des Accusés ainsi que les chefs d’accusation dressés à leur encontre4.

7. Le 9 août 2011, le Procureur général près la Cour de Cassation du Liban (le « Procureur général ») a transmis au Greffier la copie d’un rapport indiquant les mesures prises par les autorités de la République libanaise en exécution des Mandats

3 Affaire n° STL‑11‑01/I, Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash portant demande de transfèrement et de détention, le 8 juillet 2011 ; Affaire n° STL‑11‑01/I, Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Mustafa Amine Badreddine portant demande de transfèrement et de détention, le 8 juillet 2011 ; Affaire n° STL‑11‑01/I, Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Hussein Hassan Oneissi portant demande de transfèrement et de détention, le 8 juillet 2011 ; Affaire n° STL‑11‑01/I, Mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Assad Hassan Sabra portant demande de transfèrement et de détention, le 8 juillet 2011.

4 Affaire n° STL‑11‑01/I, Ordonnance relative à la requête du Procureur tendant à la modification de l’ordonnance de non‑divulgation de l’acte d’accusation, le 28 juillet 2011.

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d’arrêt et constatant que les Accusés n’avaient pu être arrêtés (le « Rapport du Procureur général du 9 août 2011 »).

8. Le 11 août 2011, le Président du Tribunal a annoncé publiquement que l’Acte d’accusation n’avait pas été signifié aux Accusés et que ceux‑ci n’avaient pas été arrêtés. Dans cette même déclaration, il a également invité les Accusés à comparaître devant le Tribunal, en personne ou par vidéoconférence, et à désigner des avocats chargés de les représenter en justice (la « Déclaration du Président du 11 août 2011 »)5.

9. Le 16 août 2011, après avoir consulté le Procureur, le Juge de la mise en état a levé la confidentialité de l’Acte d’accusation, de la Décision relative à l’Acte d’accusation et des Mandats d’arrêt et les Mandats d’arrêt internationaux6.

10. Le 18 août 2011, en vertu de l’article 76, paragraphe E) du Règlement, prenant acte du fait que les efforts entrepris par les autorités de la République libanaise pour exécuter les Mandats d’arrêt sont demeurés infructueux7 et que des tentatives raisonnables ont été faites pour signifier l’Acte d’accusation et les Mandats d’arrêt aux Accusés8, le Président du Tribunal a rendu une ordonnance priant notamment le Greffier d’envisager « d’autres manières » de signifier au Liban et, le cas échéant, à d’autres pays, l’Acte d’accusation et d’appeler les Accusés à se soumettre à la compétence du Tribunal (l’« Ordonnance du Président du 18 août 2011 »). Il a également ordonné aux autorités de la République libanaise de prendre toutes les mesures raisonnables pour notifier au public l’existence de l’Acte d’accusation et appeler les Accusés à se rendre au Tribunal9.

5 Déclaration du Président du Tribunal spécial pour le Liban, Antonio Cassese, le 11 août 2011.

6 Affaire n° STL‑11‑01/I, Ordonnance relative à la levée de la confidentialité de l’acte d’accusation établi à l’encontre de MM. Ayyash, Badreddine, Oneissi et Sabra et d’autres documents, le 16 août 2011. Certaines informations ont néanmoins été maintenues confidentielles pour protéger l’enquête en cours et la sécurité des victimes et des témoins.

7 Affaire n° STL‑11‑01/I/PRES, Ordonnance rendue en application de l’article 76 E), le 18 août 2011, paras 8 à 12.

8 Ibid., paras 17 à 22.

9 Ibid., para. 25.

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Ordonnance en application de l’article 105bis

11. Le 31 août 2011, le Greffier a adressé un courrier au Procureur général par lequel il lui a transmis, en langue arabe, anglaise et française, le texte d’un avis de recherche des Accusés afin qu’il soit diffusé dans les médias libanais conformément à l’article 76 bis du Règlement (le « Courrier du Greffier du 31 août 2011 »)10. Le 8 septembre 2011, le Greffier a envoyé un nouveau courrier au Procureur général précisant la manière par laquelle la diffusion de l’avis de recherche devait être opérée, notamment dans trois journaux arabes, un francophone et un anglophone (le « Courrier du Greffier du 8 septembre 2011 »)11.

12. Le 15 septembre 2011, le texte d’une annonce avisant l’opinion publique de l’identité des Accusés et des chefs d’inculpation qui pèsent à leur encontre a été publié dans cinq journaux libanais : trois de langue arabe12, un de langue anglaise13 et un de langue française14, comme demandé dans le Courrier du Greffier du 8 septembre 2011.

13. Le 21 septembre 2011, le Président du Tribunal a transmis au Juge de la mise en état le rapport que lui a fait parvenir le Procureur général le 19 septembre 2011 (le « Rapport du Procureur général du 19 septembre 2011 ») au sujet des mesures prises en application de l’article 76, paragraphes A) et B) du Règlement pour signifier l’Acte d’accusation et les Mandats d’arrêt. Dans un mémorandum accompagnant ce Rapport, le Président du Tribunal a invité le Juge de la mise en état à saisir, dès qu’il le juge nécessaire, la Chambre de première instance aux fins qu’elle décide des suites à donner à la procédure, conformément à l’article 105 bis, paragraphe A) du Règlement (le « Mémorandum interne du Président du 21 septembre 2011 »)15.

14. Le 23 septembre 2011, le Juge de la mise en état a adressé un courrier confidentiel au Greffier lui enjoignant de lui transmettre, pour le 28 septembre 2011

10 Courrier adressé par le Greffier au Procureur général, le 31 août 2011.

11 Courrier adressé par le Greffier au Procureur général, le 8 septembre 2011.

12 Cf. les quotidiens suivants : « An Nahar », « As Safir » et « Al Mustaqbal ».

13 Cf. le quotidien suivant : « The Daily Star ».

14 Cf. le quotidien suivant : « L’Orient le Jour ».

15 Mémorandum interne adressé par le Président du Tribunal au Juge de la mise en état, « Case No. STL‑11‑01/I, Prosecutor v. Ayyash et al. – Report from the Lebanese Prosecutor General », le 21 septembre 2011.

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au plus tard, tout renseignement et document utiles relatifs à l’annonce publique démontrant la publication dans les journaux et/ou la diffusion dans les médias du texte d’une annonce visée à l’article 76 bis du Règlement (la « Lettre du Juge de la mise en état du 23 septembre 2011 »)16. Dans ce même courrier, le Juge de la mise en état a également invité le Greffier à lui faire parvenir les informations – documents à l’appui si possible – établissant la publication sur le site internet du Tribunal et la diffusion dans les médias tant libanais qu’internationaux de la Déclaration du Président du 11 août 2011 et de l’Ordonnance du Président du 18 août 2011.

15. Le 28 septembre 2011 et le 12 octobre 2011, en réponse à la Lettre du Juge de la mise en état du 23 septembre 2011, le Greffier lui a fait parvenir deux courriers accompagnés de résumés des publications effectuées dans la presse libanaise et internationale, d’extraits de ces publications et d’autres documents (le « Rapport du Greffier »)17.

16. Il convient de constater qu’à ce jour les Accusés n’ont pas été arrêtés, n’ont pas comparu volontairement devant le Tribunal ni ne sont, d’une quelconque autre manière, sous sa juridiction. En outre, le Juge de la mise en état n’a pas connaissance du fait que les Accusés se seraient manifestés auprès du Tribunal de quelque façon que ce soit.

ii. droit applicable

17. Les dispositions à prendre en considération dans le cadre de la présente ordonnance sont les articles 76 bis et 105 bis du Règlement.

18. L’article 76 bis du Règlement qui gouverne la procédure d’annonce publique de l’Acte d’accusation est libellé de la façon suivante :

En vertu de l’ordonnance du Président rendue aux termes de l’article 76 E), le Greffier transmet aux autorités nationales d’un État ou d’une entité, à des fins

16 Courrier adressé par le Juge de la mise en état au Greffier, Application des articles 76 bis et 105 bis du Règlement, le 23 septembre 2011.

17 Courrier adressé par le Greffier au Juge de la mise en état accompagné de documents, Réponse à votre lettre concernant l’application des articles 76 bis et 105 bis du Règlement, le 28 septembre 2011 et second courrier adressé par le Greffier au Juge de la mise en état accompagné de documents, le 12 octobre 2011.

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de publication dans les journaux et/ou de diffusion à la radio, à la télévision et/ou dans d’autres médias, notamment l’internet, le texte d’une annonce avisant l’opinion publique de l’existence d’un acte d’accusation et sommant l’accusé de se livrer au Tribunal ou, en tout état de cause, de se soumettre à sa compétence. L’annonce publique invite toute personne détenant des informations sur le lieu où l’accusé se trouve à les communiquer au Tribunal.

19. L’article 105 bis du Règlement est intitulé « [a]bsence de l’accusé à la procédure devant le Juge de la mise en état ». Au stade actuel de la procédure, seul le paragraphe A) de cette disposition portant spécifiquement sur la saisine de la Chambre de première instance est pertinent. Il est libellé de la façon suivante :

Si, au bout de 30 jours civils à compter de l’annonce décrite à l’article 76 bis, l’accusé n’est toujours pas sous l’autorité du Tribunal, le Juge de la mise en état demandera à la Chambre de première instance d’engager une procédure par défaut.

20. Avant de saisir la Chambre de première instance aux fins de statuer sur la question de savoir s’il y a lieu d’engager la procédure par défaut à l’encontre des Accusés, notamment dans le respect de l’article 106 du Règlement, le Juge de la mise en état doit s’assurer que le délai de 30 jours civils fixé par l’article 105 bis du Règlement s’est écoulé à compter de l’annonce publique visée à l’article 76 bis du Règlement. Dans la mesure où, comme en témoigne le rappel de la procédure de la présente ordonnance, l’opinion publique a été avertie à plusieurs reprises et à des intervalles différents – notamment aux travers de diverses déclarations, communications et annonces – de l’existence de l’Acte d’accusation et de la nécessité pour les Accusés de se livrer au Tribunal, le point de départ du délai de l’article 105 bis du Règlement est sujet à interprétation. Or, déterminer ce point de départ est essentiel dans la mesure où le délai susvisé est notamment destiné à garantir que les Accusés ont eu suffisamment de temps pour être informés de l’Acte d’accusation porté à leur encontre et, le cas échéant, bénéficier des conseils nécessaires relatifs aux suites à donner à la procédure les concernant.

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iii. Observations du chef du Bureau de la défense et du procureur

21. Le 28 septembre 2011, le Juge de la mise en état a reçu du Chef du Bureau de la Défense un mémorandum interne par lequel celui‑ci convient de « l’importance qu’il y a de s’assurer que la procédure d’annonce publique de l’acte d’accusation prévue à l’article 76 bis du Règlement soit respectée »18. Le Chef du Bureau de la Défense a précisé à ce propos que :

Il […] résulte [du Règlement] que sans se prononcer sur le caractère limitatif ou non de l’annonce publique transmise par le Greffier aux autorités libanaises et publiée par elles le 15 septembre 2011 dans divers journaux, il est clair qu’en tout état de cause le délai de 30 jours civils prévu par l’article 105 bis du Règlement n’a pu, selon l’avis du Bureau de la Défense, commencer à courir avant la publication de cette annonce.

22. À la suite des considérations émises par le Chef du Bureau de la Défense, le Juge de la mise en état a invité le Procureur à formuler, s’il le souhaitait, ses observations à ce propos19. Le 3 octobre 2011, le Procureur a répondu au Juge de la mise en état notant que le Procureur général près la Cour de cassation du Liban a rapporté au Tribunal que les annonces faites conformément à l’article 76 bis du Règlement ont été publiées dans les journaux libanais le 15 septembre 201120. Il en découle, selon le Procureur, que le délai fixé à l’article 105 bis du Règlement court à partir de cette date et qu’en conséquence le Juge de la mise en état ne peut saisir la Chambre de première instance pour engager la procédure par défaut avant le 15 octobre 2011 au plus tôt.

iV. exposé des motifs

23. Le Juge de la mise en état tient tout d’abord à souligner qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la question de savoir si les conditions visées à l’article

18 Mémorandum interne adressé par le Chef du Bureau de la Défense au Juge de la mise en état, Case No. STL‑11‑01/I, Le Procureur c. Ayyash et al. – Annonce publique de l’acte d’accusation, le 28 septembre 2011.

19 Mémorandum interne adressé par le Juge de la mise en état au Procureur, Affaire n° STL‑11‑01/I Application de l’article 105 bis du Règlement, le 29 septembre 2011.

20 Courrier adressé par le Procureur au Juge de la mise en état, le 3 octobre 2011.

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106 du Règlement pour engager une procédure par défaut sont réunies, ni s’il y a lieu d’entamer une telle procédure. En effet, conformément à l’article 105 bis, paragraphe B) du Règlement, cette responsabilité incombe à la Chambre de première instance. L’objet de la présente ordonnance est précisément de saisir à cette fin la Chambre en veillant à ce que le délai de 30 jours civils visé à l’article 105 bis, paragraphe A) du Règlement soit écoulé. Il appartient dès lors au Juge de la mise en état, comme indiqué ci‑dessus, de déterminer le moment précis à partir duquel ce délai a commencé à courir.

24. À cet égard, le Juge de la mise en état note que, selon le texte de l’article 105 bis du Règlement, ce délai prend cours à compter de l’annonce publique visée à 1’article 76 bis du Règlement. Or, selon cette dernière disposition, cette annonce doit se matérialiser par un texte « avisant l’opinion publique de l’existence d’un acte d’accusation et sommant l’accusé de se livrer au Tribunal » et « invit[ant] toute personne détenant des informations sur le lieu où l’accusé se trouve à les communiquer au Tribunal ». Ce texte doit être publié et/ou diffusé, par les moyens appropriés, dans le ou les États dont les Accusés sont ressortissants ou dans lesquels se trouve leur dernier lieu de résidence connu.

25. Le Juge de la mise en état observe que la Déclaration du Président du Tribunal du 11 août 2011 invitant notamment les Accusés à se rendre au Tribunal a été publiée sur le site internet du Tribunal et a été citée par de nombreux médias libanais21 qui ont également relayé l’Acte d’accusation, les Mandats d’arrêt22 et l’Ordonnance du Président du 18 août 201123. Toutefois, ce n’est que le 15 septembre 2011 que le texte d’une annonce publique a été publiée par des journaux libanais24 sous la forme d’un avis de recherche reproduisant les photos des Accusés et reprenant, pour chacun d’eux, leur nom, prénom, date de naissance ainsi que les chefs d’inculpation dressés

21 Cf. les quotidiens du 11 août 2011 suivants : « Al Hayat », « Now Lebanon », « Al Manar », « Naharnet » ; et les quotidiens du 12 août 2011 suivants : « Al Akhbar », « Al Diyar », « Al Joumhouria », « Annahar », « Al Mustaqbal », « As Safir » et « Daily Star ».

22 Cf. les quotidiens du 18 août 2011 suivants : « Al Akhbar », « Al Diyar », « Al Hayat », « Al Joumhouria », « Al‑Liwa’a », « As Safir », « L’Orient le Jour » et « Daily Star ».

23 Cf. les quotidiens du 19 août 2011 suivants : « Al Akhbar », « Al Hayat », « Al Joumhouria », « Al‑Liwa’a » et « L’Orient le Jour ».

24 Cf. supra notes 12, 13 et 14.

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à leur encontre. Cet avis de recherche mentionne également que toute personne disposant d’informations au sujet des Accusés peut joindre le Tribunal aux numéros de téléphone indiqué dans cet avis25. Les formalités prescrites par l’article 105 bis, paragraphe A) du Règlement n’ont donc été remplies qu’à compter du 15 septembre 2011.

26. Dès lors, dans le respect de l’esprit de l’article 105 bis du Règlement et des droits des Accusés, le Juge de la mise en état considère qu’il convient de prendre comme point de départ du délai prévu par cette disposition le 15 septembre 2011 qui constitue, par ailleurs, la date la plus favorable aux Accusés. Ce délai est donc écoulé, à tout le moins, depuis le 15 octobre 2011. Par conséquent, depuis cette date, le Juge de la mise est fondé à saisir la Chambre de première instance pour qu’elle se prononce sur la question de savoir s’il y a lieu d’engager une procédure par défaut à l’encontre des Accusés.

27. Dans cette perspective, afin qu’elle statue en connaissance de cause sur cette question, la Chambre de première instance doit pouvoir disposer des documents pertinents à cet égard et notamment ceux qui sont détaillés en annexe de la présente ordonnance. Le Juge de la mise en état prie donc le Greffier de transmettre ces documents à la Chambre, dans le respect de leur statut de confidentialité, le cas échéant.

dispOsiTiF

pAR ces MOTiFs,

En application des articles 76 bis et 105 bis, paragraphe A) du Règlement,

le juGe de lA Mise en ÉTAT,

sAisiT la Chambre de première instance aux fins de statuer sur la question de savoir s’il y a lieu d’engager une procédure par défaut à l’encontre de MM. Salim

25 Rapport du Procureur général du 19 septembre 2011, p. 2.

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Jamil Ayyash, Mustafa Amine Badreddine, Hussein Hassan Oneissi et Assad Hassan Sabra ; et

pRie le Greffier de transmettre à la Chambre de première instance, dans les plus brefs délais, les documents détaillés dans l’annexe à la présente ordonnance, dans le respect de leur statut de confidentialité, le cas échéant.

Fait en français.

Leidschendam, le 17 octobre 2011

Daniel Fransen Juge de la mise en état

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indeX 2011

Les nombres utilisés renvoient aux numéros de paragraphe des décisions.

ab initio Droit applicable. 1; Questions préjudicielles JME. 2;Accusation Décision sur la communication des pièces CA. 9, 10; Décision El

Sayed CA. 10, 61, 81, 83; Droit applicable. 5, 117, 167, 209, 212, 233, 241, 266, 268, 275, 278, 283, 286, 288‑290, 299, 301; Décision El Sayed JME. 26; Confirmation de l’acte d’accusation. (voir en générale); Ordonnance en application de l’article 105 bis. 3, 4, 6, 8‑10, 13, 18, 20, 21, 24, 25;

Accusé, droits Droit applicable. 211, 228, 262, 263, 269, 287; Décision sur l›emploi des langues. 10, 17, 29;

Acquittement Décision El Sayed CA. 65, 67; Actes criminels collectifs Droit applicable. 235, 237, 253;Actes criminels collectifs, perpétration indirecte

Droit applicable. 253‑255;

Acte de terrorisme (acte terroriste/acte de terreur)

Droit applicable. 5, 13‑14, 46, 51, 52, 54, 57, 59, 60, 70, 93, 97, 102, 105, 107‑09, 124, 126, 128, 139, 141, 144, 145, 148, 197‑98, 259, 263, 265, 266, 267, 271, 279, 280, 301; Questions préjudicielles JME. 6, 7, 11; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 31, 32, 51‑53, 54, 56, 68‑70, 72, 86‑93; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 3‑8, 10‑12, 16, 18‑20, 24‑27;

Acte d’accusation Décision El Sayed CA. 10, 52, 55, 66 ; Droit applicable. 1, 3, 8, 12‑14, 116, 208, 271, 289, 295, 296, 298‑99; Décision sur l›emploi des langues. 1, 16, 19, 23, 24, 28, 43, 51, 53, 56, 58, 70; Questions préjudicielles JME. 1‑4, 10, 24; Confirmation de l’acte d’accusation. 1‑38, 52‑60, 63‑64, 67‑71, 75, 79‑84, 87‑89, 93‑98, 101, 104 ; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 3‑4, 8‑10, 13, 18, 20, 21, 24, 25;

Addendum Décision El Sayed JME. 16, 18, 19; Acte, délibéré Droit applicable. 57;Administration de la justice Décision El Sayed CA. 48, 112; Droit applicable. 9; Affaire de l’Homicide de l’ingénieur Dany Chamoun et d’autres personnes

Droit applicable. 53;

Affaire de l’Homicide du Cheikh Nizar Al-Halabi

Droit applicable. 52, 60;

Affaire de la Tentative d’assassinat du Ministre Michel Murr

Droit applicable. 59, 60; 128, 215;

Affaire Fathieh Droit applicable. 55;Affaire Rachid Droit applicable. 75, 117;

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Index

Affaire Karamé Droit applicable. 51, 169, 173, 234;Allégation Décision sur la communication des pièces CA. 6, 24, 40, 42; Décision

El Sayed CA. 12; Droit applicable. 13, 14, 33, 251; Confirmation de l’acte d’accusation. 27, 28, 97;

amicus curiae Droit applicable. 2; Annonce publique d’accusations

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 8, 14, 18, 21, 24, 25;

Annonce publique dans les medias libanais

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 11, 12, 14, 18, 21, 22, 25;

Annonce publique dans les medias internationales

Ordonnance en application de l’article 105bis. 14

Appel irrecevable Décision El Sayed JME. 4;Appel, requête Décision sur la communication des pièces. 2; Décision El Sayed

CA. 30;Arrestation Décision El Sayed CA. 28, 65; Confirmation de l’acte d’accusation.

100 ; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 3; Asile, droit de Droit applicable. 96, 117;Assemblée Générale des Nations Unies

Droit applicable. 88, 104, 106, 110; Questions préjudicielles JME. 8‑7;

Association illicite Droit applicable. 13, 205;Attentat, 14 février 2005 Décision El Sayed CA. 93; Droit applicable. 13; Confirmation de

l’acte d’accusation. 32, 37, 39, 45, 55, 57, 63, 67, 71, 87, 89; Attentat‑suicide Confirmation de l’acte d’accusation. 39; Audience Décision El Sayed JME. 5, 7, 15, 17, 22, 41, 48; Audience, ex parte Décision sur la communication des pièces. 15‑17 ; Décision El

Sayed CA.14 ; Décision El Sayed JME. 5, 7, 13, 15;Audience, publique Décision El Sayed CA. 14; Droit applicable. 1; Décision El Sayed

JME. 5, 6; Auteur Décision sur la communication des pièces. 43; Décision El Sayed

CA. 3, 27 ; Droit applicable. 32, 42, 56, 57, 59, 64, 86, 89, 90, 93, 96, 104, 124, 134, 145, 147, 148, 151, 155‑ 157, 160, 162‑166, 168‑171, 174‑179, 181‑183, 200, 213‑216, 218‑228, 231, 232, 234, 237, 239‑249, 254, 255, 273‑278, 280, 283; Questions préjudicielles JME. 7, 10, 16; Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 39, 55, 63, 66, 67, 70, 71, 93;

Autodétermination Droit applicable. 29, 66, 88, 100, 107, 118;Autorité judiciaire/juridiction Ordonnance en application de l’article 105 bis. 18, 19; Autorités libanaises Décision El Sayed JME. 20, 22, 29, 32, 33; Confirmation de l’acte

d’accusation. 104; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 4, 5, 7, 10, 21;

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Index

Autres moyens de signification de l’acte d’accusation

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 10, 16, 18, 24;

Avis de recherche Ordonnance en application de l’article 105 bis. 11, 25; Cause adéquate ou suffisante Droit applicable. 158, 160;Certification Décision sur la communication des pièces CA. 2, 3; Décision El

Sayed CA. 20; Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens

Droit applicable. 268; Confirmation de l’acte d’accusation. 23 ;

Charge de la preuve Décision El Sayed CA. 26; Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

Décision El Sayed CA. 46 ; Questions préjudicielles JME. 7;

Charte arabe des droits de l’homme

Décision El Sayed CA. 45;

Charte des Nations Unies Droit applicable. 26, 88, 92, 110;Chef d’État Droit applicable. 57, 69, 74, 116; Circonstances aggravantes Droit applicable. 59, 145, 148, 151, 167‑68, 186; 221; Confirmation

de l’acte d’accusation. 31, 53, 58, 62, 65; Circonstances de l’affaire Décision El Sayed CA. 74; Confirmation de l’acte d’accusation. 3; Circonstances exceptionnelles

Décision sur la communication des pièces CA. 22; Confirmation de l’acte d’accusation. 3, 101;

Circonstances particulières Droit applicable. 181; Circonstances personnelles Droit applicable. 174;Circonstances réelles Droit applicable. 174;Coaction (voir : modes de responsabilité, coaction)Co-auteurs Droit applicable. 213; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 32,

38, 52, 54‑56, 59, 61, 64, 68, 84‑90;Code de procédure civile libanais

Droit applicable. 23, 115, 155;

Code de procédure pénale libanais

Décision El Sayed CA. 54; Confirmation de l’acte d’accusation. 20;

Code pénal libanais (article du)

Article 6 Confirmation de l’acte d’accusation. 31;Article 188 Questions préjudicielles JME. 16; Confirmation de l’acte

d’accusation. 13, 31, 32;Article 189 Confirmation de l’acte d’accusation. 13;

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Index

Article 200‑203 Questions préjudicielles JME. 16; Droit applicable. 176, 177; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 31, 32;

Article 204 Droit applicable. 158; Article 212 Droit applicable. 157; Confirmation de l’acte d’accusation. 13;Article 213 Droit applicable. 215; Confirmation de l’acte d’accusation. 13;Article 219 Droit applicable. 201; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 70;Article 270 Questions préjudicielles JME. 11; Confirmation de l’acte

d’accusation. 13, 31, 32;Article 314 Droit applicable. 47, 81, 127, 147; Confirmation de l’acte

d’accusation. 13, 31, 32;Article 547‑549 Questions préjudicielles JME. 16; Confirmation de l’acte

d’accusation. 13, 31, 32, 58, 62;Article 568 Droit applicable. 160;

Combattants de la liberté Droit applicable. 70, 107‑108, 110;Comité contre le terrorisme (Conseil de sécurité des Nations Unies)

Droit applicable. 74, 92;

Comité des droits de l’homme des Nations Unies

Droit applicable. 71; Questions préjudicielles JME. 7;

Comité néo‑zélandais chargé des questions relatives aux informations officielles

Décision El Sayed CA. 49;

Commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies

Décision sur la communication des pièces. 11, 16, 36, 43; Décision El Sayed CA. 4, 8, 15, 24, 26, 76‑78, 92‑95, 116; Décision El Sayed JME. 20, 22, 29, 30, 34, 37;

Common law Décision El Sayed CA. 43, 47; Droit applicable. 91, 98, 271, 284; Communauté internationale Décision El Sayed CA. 40; Droit applicable. 26, 29, 85, 86, 91, 102,

108, 118, 120, 144, 237; Communication de pièces, exemption

Décision El Sayed CA. 4, 16‑17, 53, 70, 79, 81, 85, 88, 93;

Communication de pièces, pertinence

Décision El Sayed CA. 30;

Comparution devant le Tribunal

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 8, 16;

Compétence Décision sur la communication des pièces. 11, 25, 39‑40; Décision El Sayed CA. 3, 12‑13, 18‑19, 27, 29‑30, 65; Droit applicable. 3, 13, 15, 18, 33‑34, 42‑43, 89, 123, 141, 198, 204, 209, 223, 250, 254; Décision sur l’emploi des langues. 20, 66; Questions préjudicielles JME. 2, 4, 26; Confirmation de l’acte d’accusation. 14, 17, 23, 32, 33, 35; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 10, 18;

Compétence, étendue Décision sur la communication des pièces. 11; Droit applicable. 198;

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Index

Compétence auxiliaire Décision El Sayed CA. 27; Décision sur la communication des pièces. 11;

Compétence inhérente Décision sur la communication des pièces CA. 12; Décision El Sayed CA. 30;

Compétence matérielle Droit applicable. 13; Compétence principale Décision El Sayed CA. 27; Complot Décision El Sayed CA. 115; Droit applicable. 5, 13, 48, 189‑202,

205, 235, 258, 259, 265, 267, 271, 279, 301; Questions préjudicielles JME. 3, 11‑13, 15, 25; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 31, 32, 51, 84, 85, 86, 88‑91, 93, 96;

Complices Droit applicable. 15, 151, 174, 175, 218; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 31, 32, 38, 68, 70, 72, 76, 80, 84, 90;

Complicité Droit applicable. 206, 212, 218‑229, 258, 261; Questions préjudicielles JME. 21;

Composition Droit applicable. 15, 16, 153; Questions préjudicielles JME. 7; Compte rendu Décision sur la communication des pièces CA. 17; Concours de qualifications Droit applicable. 265, 273; Questions préjudicielles JME. 2, 23, 24;

Confirmation de l’acte d’accusation. 2, 29, 89, 90, 94; Concours d’infractions Droit applicable. 5, 294‑295; Questions préjudicielles JME. 2, 23‑

25;Concours idéal d’infractions Droit applicable. 273, 276, 279, 282‑283;Concours matériel d’infractions

Droit applicable. 279;

Concours réel d’infractions Droit applicable. 275; Conduite Décision sur la communication des pièces CA. 24; Décision El

Sayed CA. 40, 87; Droit applicable. 118, 218; Décision sur l›emploi des langues. 13, 16, 31, 68;

Confidentialité Décision sur la communication des pièces CA. 45; Décision El Sayed CA. 17, 21, 26, 48, 50, 53, 56, 63, 67, 109, 110, 112; Décision El Sayed JME. 7, 31, 33, 36, 60; Confirmation de l’acte d’accusation. 5, 101, 102; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 3;

Confidentialité de l’acte d’accusation

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 9, 27; Confirmation de l’acte d’accusation. 98‑104 ;

Confidentialité, levée de la Ordonnance en application de l’article 105 bis. 9, 14, 27; Confirmation de l’acte d’accusation

Confirmation de l’acte d’accusation. 7, 15, 17;

Conflit Décision El Sayed CA. 48; Droit applicable. 31, 70, 74, 104, 107‑109, 211, 212, 261‑263, 283;

Conflit de droit Droit applicable. 208;Conflit d’intérêt Décision sur la communication des pièces CA. 36;

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Index

Conseil de sécurité (Organisation des Nations Unies)

Décision El Sayed CA. 8, 93; Droit applicable. 18, 26, 27, 74, 86, 88, 92, 104, 109, 110, 124, 206; Questions préjudicielles JME. 7, 8; Décision El Sayed JME. 58; Confirmation de l’acte d’accusation. 19, 21;

Constitution libanaise Décision El Sayed CA. 58‑61; Droit applicable. 131;Constitution suédoise Décision El Sayed CA. 47;Consuetudo est servanda (la règle coutumière doit être respectée)

Droit applicable. 118;

Contrainte illégale Droit applicable. 96;Contrainte, gouvernement Droit applicable. 96;Article 13 Décision El Sayed CA. 46;Convention arabe sur la suppression du terrorisme

Droit applicable. 63‑70, 74‑75, 78‑82, 93, 108, 129, 139, 143; Questions préjudicielles JME. 6‑7;

Convention de Montréal pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (1971)

Droit applicable. 139;

Convention de Rome pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (1988)

Droit applicable. 139; Décision sur l’emploi des langues. 43;

Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969

Droit applicable. 26‑28, 31, 71; Questions préjudicielles JME. 8; Confirmation de l’acte d’accusation. 19, 20, 21;

Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989)

Droit applicable. 77, 78;

Convention européenne des droits de l’homme (article de)

Décision El Sayed CA. 46; Confirmation de l’acte d’accusation. 27;

Convention générale sur le terrorisme

Droit applicable. 88, 107‑108;

Convention internationale contre la prise d’otages (1979)

Droit applicable. 139; Questions préjudicielles JME. 7;

Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (2005)

Droit applicable. 139;

Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (1999)

Droit applicable. 88‑89, 108‑109; Questions préjudicielles JME. 7;

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Index

Convention islamique Droit applicable. 107;Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs (1970)

Droit applicable. 139;

Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs (1963)

Droit applicable. 139;

Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale (1973)

Droit applicable. 139;

Conventions des Nations Unies sur le terrorisme

Droit applicable. 92, 98;

Copie certifiée Décision El Sayed JME. 20; Correspondance Décision El Sayed CA. 4, 15, 26, 48, 83, 86, 92‑93, 108, 116; Correspondance, UNIIIC et les autorités libanaises

Décision El Sayed CA. 4, 15, 26, 92‑93, 108, 116; Décision El Sayed PTJ. 29, 33;

Cour de cassation du Liban /libanaise

Droit applicable. 55, 77, 117, 164, 214, 232‑233; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 7, 22;

Cour de cassation française Droit applicable. 116;Cour de justice du Liban (ou Conseil judiciaire)

Droit applicable. 60, 116, 171, 215, 224, 234;

Cour européenne des droits de l’homme

Confirmation de l’acte d’accusation. 27, 53;

Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH)

Décision El Sayed CA. 46;

Cour internationale de justice Droit applicable. 27, 100, 102, 171, 215, 224, 234; Confirmation de l’acte d’accusation. 19;

Cour pénale internationale (CPI)

Décision El Sayed CA. 76, 82‑84, 87‑88; Droit applicable. 32, 206, 253‑256, 267, 291‑293; Décision sur l’emploi des langues. 43, 66; Questions préjudicielles JME. 7, 21, 24; Confirmation de l’acte d’accusation. 22;

Cour pénale internationale, Statut

Droit applicable. 254‑56; Questions préjudicielles JME. 7, 21;

Cour permanente de justice internationale

Droit applicable. 29, 35, 74, 99;

Crime de lésion Droit applicable. 56;Crime de mise en danger Droit applicable. 56;

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Index

Crime imparfait Droit applicable. 56, 301;Crimes de guerre Droit applicable. 13, 103‑04, 108, 150, 283, 285;Critère Blockburger Droit applicable. 271, 284;Culpabilité Décision sur la communication des pièces CA. 10; Décision El

Sayed CA. 66, 115; Droit applicable. 32, 78, 137, 170, 175, 237, 244, 245, 249, 288, 289;

Cumul de qualifications Droit applicable. 2, 265, 267‑68, 280, 286, 288‑292, 296; Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 89, 91‑93;

Danger commun Droit applicable. 47, 49, 51, 53, 58, 85, 95, 125, 128, 138, 145, 199; Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 53;

Délai de préavis (aux termes de l’article 105 bis A)

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 1, 2, 13, 20‑26;

De prime abord Décision El Sayed JME. 41, 53; Confirmation de l’acte d’accusation. 14, 16, 18, 21‑23, 26, 35, 37, 47‑53, 58, 60, 95, 97;

Décision à huis clos Décision El Sayed CA. 98;Déclaration Décision El Sayed JME. 46, 48; Confirmation de l’acte d’accusation.

19; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 8, 14, 20, 25; Déclaration, témoin Décision El Sayed JME. 39, 41, 44; Confirmation de l’acte

d’accusation. 34; Déclaration universelle des droits de l’homme

Décision El Sayed CA. 45, 60, 61; Droit applicable. 121; Questions préjudicielles JME. 8‑7;

Décret législatif n° 112 du 16/9/1983

Droit applicable. 218; Confirmation de l’acte d’accusation. 58, 70;

Délai Décision sur la communication des pièces CA. 9, 25; Décision El Sayed CA. 9; Droit applicable. 196, 268; Décision sur l›emploi des langues. 19, 31, 45, 78, 79; Décision El Sayed JME. 10, 18; Confirmation de l’acte d’accusation. 27; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 2, 4, 20‑22, 24, 27;

Délai additionnels Décision El Sayed JME. 11; Délais prescrits Ordonnance en application de l’article 105 bis. 20, 23, 26; Démocratie Décision El Sayed CA. 37;Déposition Décision sur la communication des pièces CA. 32; Décision El

Sayed CA. 15, 89; Décision sur l›emploi des langues. 25; Décision El Sayed JME. 20, 21, 29, 38‑42, 45, 47;

Dessaisissement Décision sur la communication des pièces CA. 38;Détention (privation de liberté, incarcération)

Décision sur la communication des pièces CA. 9, 10, 36; Décision El Sayed CA. 2, 3, 8, 11, 14, 15, 28, 44, 57, 63, 65, 66; Droit applicable. 67, 116, 176; Décision sur l›emploi des langues. 21; Décision El Sayed JME. 7, 8, 20, 26, 41; Confirmation de l’acte d’accusation. 7, 99; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 3;

Détention, légalité Confirmation de l’acte d’accusation. 27, 97;

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Index

Détention, règlement de Décision sur l›emploi des langues. 21; Détention arbitraire Décision El Sayed JME. 1; Détention illégale Décision El Sayed CA. 34; Détention provisoire Décision sur la communication des pièces CA. 9; Détenu Décision sur la communication des pièces CA. 9, 10; Décision El

Sayed CA. 2, 9, 10, 39, 45, 66; Droit applicable. 52, 131; Décision El Sayed JME. 20;

Diffamation (dénonciation calomnieuse)

Décision El Sayed JME. 1;

Directive relative à la commission d’office des conseils de la défense

Décision sur l’emploi des langues. 21, 62‑63;

Dispositions directement applicables

Droit applicable. 74, 120;

Dispositions générales de la loi

Droit applicable. 276, 298;

Dispositions non directement applicables

Droit applicable. 76;

Dispositions spéciales de la loi

Droit applicable. 136, 276, 298;

Divulgation (voir : non‑divulgation)

Décision sur la communication des pièces CA. 29; Décision sur l›emploi des langues. 3; Décision El Sayed JME. 5, 33, 36, 45, 53; Confirmation de l’acte d’accusation. 2, 3, 98; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 6;

Doctrine de l’objectif commun (entreprise criminelle commune)

Droit applicable. 5, 189, 203, 212, 236‑249, 251, 258;

Document, au cas par cas Décision sur la communication des pièces. 38; Décision El Sayed CA. 1, 4‑5, 7, 12, 14‑21, 23‑24, 26, 34, 39, 44, 51, 62, 67, 69, 70‑72, 74‑75, 90, 98, 106‑107, 113, 116‑120;

Documents confidentiels Décision sur la communication des pièces. 1‑2, 4‑6, 8‑9, 13, 15‑18, 20, 27, 38 ; Décision El Sayed CA. 90, 110;

Documents internes Décision El Sayed CA. 72‑73, 76‑77, 79, 81, 83, 85, 91‑98, 108‑109, 113; Décision El Sayed JME. 29, 33; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 13, 21;

Documents opérationnels Décision El Sayed CA. 94, 108;Dol direct (voir : intention, dol direct)Dol éventuel (voir : intention, dol éventuel)

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482

Index

Dommages intérêts/réparation

Décision sur la communication des pièces. 21, 25, 38; Décision El Sayed CA. 3, 42, 65, 113, 119;

Dossier Décision sur la communication des pièces CA. 9; Décision El Sayed CA. 12, 13, 16, 21, 33, 34, 52‑57, 70, 73, 76, 80, 81, 83, 85, 97; Droit applicable. 295; Décision El Sayed JME. 2, 4, 5, 11, 25,26, 27, 28, 33, 36, 40, 41, 42; Confirmation de l’acte d’accusation. 10, 36, 37;

Droit, exercice effectif Droit applicable. 268; Décision El Sayed JME. 2; Droit, restriction (limitation) Décision El Sayed CA. 50, 53, 54, 61; Droit applicable. 40; Décision

sur l›emploi des langues. 65, 68; Décision El Sayed JME. 2, 5, 42; Droit, violation du Décision El Sayed CA. 64; Droit applicable. 132, 133; Décision El

Sayed JME. 18; Droit absolu Décision El Sayed CA. 50; Décision El Sayed JME. 2, 27; Droit à réparation Décision sur la communication des pièces CA. 21, 24, 25; Décision

El Sayed CA. 3, 42, 65; Droit à une assistance juridique

Décision El Sayed CA.64 ; Décision sur l’emploi des langues. 19, 22, 64;

Droit civil Droit applicable. 271, 273, 284; Droit d’accès à la justice/ à un juge

Décision El Sayed CA. 39, 40, 42‑44, 50, 113, 119;

Droit d’accès à un dossier pénal

Décision El Sayed CA. 7, 12‑13, 16, 17, 23, 33, 52‑55, 57, 70; Décision El Sayed JME. 2, 26, 27, 38, 41, 54;

Droit d’accès à un dossier pénal, limitations

- Compromettre les enquêtes

‑ Mettre en danger la sécurité physique des personnes

‑ Affecter la sécutité nationale ou internationale

Décision El Sayed JME. 2, 27, 30, 42;

Droit d’interjeter appel Décision sur la communication des pièces CA. 3, 5, 23; Droit applicable. 292;

Droit de bénéficier de tous les moyens pour préparer sa défense

Droit applicable. 268;

Droit de l’accusé, d’être informé des charges retenues contre lui

Confirmation de l’acte d’accusation. 27, 53, 57‑59, 98;

Droit international (législation)

Décision El Sayed JME. 27, 31;

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483

Index

Droit international coutumier Décision El Sayed CA. 37, 40; Droit applicable. 17, 44, 46, 61, 86, 104, 113‑15, 117‑118, 122‑123, 136‑139, 149, 189, 206, 209, 236, 253, 256; Questions préjudicielles JME. 5‑8, 12, 17;

Droit international coutumier, opinio necessitatis

Droit applicable. 102;

Droit international coutumier, opinio juris

Décision El Sayed CA. 37; Droit applicable. 17, 44, 46, 83, 85, 86, 100‑102, 104, 113‑118, 122, 123, 129, 136, 137, 139, 145, 192, 206, 209, 236, 253, 255‑257; Questions préjudicielles JME. 6; Confirmation de l’acte d’accusation. 20;

Droit international coutumier, pratique des États

Droit applicable. 85, 100‑104, 109, 135; Confirmation de l’acte d’accusation. 19, 21;

Droit interne (tribunaux nationaux)

Décision sur la communication des pièces. 43; Décision El Sayed CA. 42, 44, 65, 113; Droit applicable. 15, 40, 45, 72‑74, 76, 120; Questions préjudicielles JME. 4, 7, 12‑13, 17‑19, 22;

Droits de l’homme Décision El Sayed CA. 35, 37, 41, 44, 46, 48, 60; Droit applicable. 29, 76, 91, 118, 268; Confirmation de l’acte d’accusation. 20; Questions préjudicielles JME. 7; Confirmation de l’acte d’accusation. 20;

Droits de l’homme, comité Droit applicable. 71, 134;Droits de l’homme, instruments internationaux

Décision El Sayed CA. 41;

Droits de la Défense Décision El Sayed CA. 56; Droit applicable. 267, 291; Décision El Sayed JME. 26, 32; Confirmation de l’acte d’accusation. 29, 97;

Droits du suspect Droit applicable. 32; Duplique Décision El Sayed JME. 5; Économie judiciaire Décision sur l›emploi des langues. 11; Efficacité Décision El Sayed CA. 20; Décision sur l›emploi des langues. 78; Égalité, individu Décision El Sayed CA. 37;Égalité des armes Décision El Sayed CA. 56; Droit applicable. 268; Décision sur

l›emploi des langues. 43; Élément objectif (actus reus) Droit applicable. 89, 153‑160, 178;Élément objectif (actus reus), lien

Droit applicable. 153, 158‑160, 165;

Élément subjectif (mens rea) Droit applicable. 57, 88, 93, 145, 161‑166, 178, 200, 214, 216, 225, 227, 239, 240, 252, 259; Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 85;

Éléments constitutifs du crime

Droit applicable. 5, 42, 46, 49, 52, 100, 102, 135, 149‑151, 189, 192, 194, 213, 248, 271, 283‑285, 298; Questions préjudicielles JME. 7‑9, 12, 14, 17, 19; Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 52, 53, 57, 62, 65, 69, 73, 77, 81, 85;

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484

Index

Éléments de preuve Décision sur la communication des pièces CA. 25; Décision El Sayed CA. 10, 54, 83, 87; Droit applicable. 8, 10, 14, 32, 246, 266, 275, 290; Décision sur l›emploi des langues. 28, 54; Confirmation de l’acte d’accusation. 17, 23, 25, 37;

Éléments de preuve, communication

Décision El Sayed JME. 1, 20; Décision sur l›emploi des langues. 60;

Éléments de preuve, crédibilité

Décision sur la communication des pièces CA. 11, 36; Décision El Sayed CA. 97, 115; Décision sur l›emploi des langues. 51;

Éléments de preuve, faux Décision El Sayed CA. 103; Engin explosif Droit applicable. 279; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 55; Enquête, dessaisissement Confirmation de l’acte d’accusation. 17;Enquête, protection Décision El Sayed JME. 29, 42, 44; Confirmation de l’acte

d’accusation. 100, 101; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 9;

Enquête, résultats Décision El Sayed JME. 33, 36 ; Confirmation de l’acte d’accusation. 39;

Entreprise criminelle commune, élémentaire

Droit applicable. 237, 246;

Entreprise criminelle commune, prolongée

Droit applicable. 238, 246;

Entreprise criminelle commune, systémique

Droit applicable. 239‑244, 246‑249, 251;

Entrée en vigueur Décision El Sayed CA. 45; Droit applicable. 72, 133, 134; Questions préjudicielles JME. 8; Confirmation de l’acte d’accusation. 19;

Équivalence des causes Droit applicable. 158, 160;Erreur, critère d’examen Décision El Sayed CA. 22;Erreur de droit Décision sur la communication des pièces CA. 33‑34; Décision El

Sayed CA. 18, 22; Droit applicable. 165;Erreur de fait Décision sur la communication des pièces CA. 31; Décision El

Sayed CA. 22; Erreur du juge Décision sur la communication des pièces. 9, 26;État d’alarme Droit applicable. 42, 47, 49, 52, 57, 59, 95, 145; Questions

préjudicielles JME. 7, 10; Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 53, 55, 71, 85, 87;

État de droit Décision El Sayed CA. 35, 37, 39; État d’origine (de l’accusé) Ordonnance en application de l’article 105 bis. 24;État de terreur Droit applicable. 42, 47, 49, 57, 59, 88, 128, 145, 147; Questions

préjudicielles JME. 7, 10;

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485

Index

Examen Décision sur la communication des pièces CA. 9, 14, 16, 32‑34; Décision El Sayed CA. 1, 20, 34, 44, 64, 67, 72‑75, 79, 83, 88, 95, 107, 118; Droit applicable. 19, 64, 83, 87, 101, 103, 165, 204, 210, 215, 217, 268; Décision sur l›emploi des langues. 19, 23; Questions préjudicielles JME. 8; Décision El Sayed JME. 23; Confirmation de l’acte d’accusation. 15, 28, 31, 37, 55, 60, 63, 67, 71, 75, 79, 93, 87;

Exceptions préjudicielles Confirmation de l’acte d’accusation. 97; Exécution Droit applicable. 54, 90, 95, 99, 108, 168, 177‑179, 182, 183, 187,

200, 201, 213, 215, 221, 224, 239, 241, 259; Confirmation de l’acte d’accusation. 66,71; Ordonnance en application de l’article 105 bis.7;

ex parte Décision sur la communication des pièces CA. 15‑17, 27, 28, 31‑33; Décision El Sayed CA. 14; Décision El Sayed JME. 5, 7, 13, 14; Confirmation de l’acte d’accusation. 5‑9, 11;

Expurgation Décision sur la communication des pièces CA. 26, 27, 29, 30; Décision El Sayed CA. 119; Décision El Sayed JME. 34, 43, 46, 49, 53‑56;

Évaluation de la menace Décision sur la communication des pièces. 9;Évaluation du risque Décision sur la communication des pièces. 9, 15, 21, 23, 34; Décision

El Sayed CA. 66, 72‑73, 84, 86‑87, 97;favor rei (au bénéfice de l’accusé)

Droit applicable. 32;

Fondement Décision sur la communication des pièces CA. 11; Décision El Sayed CA. 1, 19, 49, 115; Droit applicable. 6, 209, 256; Confirmation de l’acte d’accusation. 25;

Fondement, juridique Droit applicable. 15; Forclos Décision El Sayed JME. 25; Garantie d’une procédure régulière

Décision sur la communication des pièces. 34‑36 ; Droit applicable. 4, 15;

Génocide Droit applicable. 13, 64, 86, 150, 249, 258; Questions préjudicielles JME. 12;

Gravité Droit applicable. 90, 104, 110, 124, 170, 197, 261; Guerre de libération nationale Droit applicable. 70;Hariri (affaire) Décision El Sayed CA. 2, 8, 9, 14, 27, 66, 115; Droit applicable. 13,

14; Décision El Sayed JME. 7, 41; Homicide avec préméditation Droit applicable. 167‑175; Questions préjudicielles JME. 3, 16‑20,

25; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 31, 58, 62; Homicide intentionnel Droit applicable. 59, 148‑151, 153, 162, 163, 165, 167, 170, 173,

175, 181, 182‑184, 186, 188, 192, 265, 267, 271, 301; Questions préjudicielles JME. 3, 17, 18, 20, 25; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 31, 32, 53, 56‑59, 61‑68, 72‑76, 79, 89, 90;

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Index

Homicide intentionnel, tentative

Droit applicable. 5, 59, 149, 182, 265; Questions préjudicielles JME. 3, 17, 18, 25; Confirmation de l’acte d’accusation. 31,

Immunité Droit applicable. 40, 54, 67, 69, 116, 135;Incident Décision El Sayed CA. 6, 17, 27, 33; Droit applicable. 18, 243; incidenter tantum Droit applicable. 33;Incohérences Décision El Sayed CA. 66; Incrimination Décision El Sayed CA. 104; Droit applicable. 93, 104, 133, 185,

257; Confirmation de l’acte d’accusation. 9, 14, 29, 32, 33, 91;Indemnisation Décision sur la communication des pièces. 37;in dubio mitius Droit applicable. 29, 32;in dubio pro reo Droit applicable. 32;Infraction, perpétration Décision sur la communication des pièces. 11, 43; Décision El

Sayed CA. 89; Questions préjudicielles JME. 11, 16, 31, 5;Information détenue par les pouvoirs publiques, droit

Décision El Sayed CA. 39, 45, 50, 63;

Information sensible Décision El Sayed JME. 54; Injustice Décision sur la communication des pièces CA. 28; Décision El

Sayed CA. 18, 67, 68; Droit applicable. 39, 208, 288; Injustice manifeste Droit applicable. 39;in limine litis Questions préjudicielles JME. 2; Confirmation de l’acte d’accusation.

29;Intention, dol éventuel Droit applicable. 5, 59, 165, 171‑172, 175, 181‑182, 185, 204, 221,

227, 231‑233, 248, 261‑262; Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 62, 66;

Intention directe (dol direct) Droit applicable. 59, 111, 158, 165, 171, 175, 182, 185, 232, 239, 245; Confirmation de l’acte d’accusation. 31;

Intention spécifique (dol spécial)

Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 53; Droit applicable. 2, 55, 57, 59‑60, 65, 68, 111, 145, 151, 166, 200. 248‑249, 262; Questions préjudicielles JME. 7;

Innocence Décision sur la communication des pièces CA. 10; Décision El Sayed CA. 65, 66, 97, 103‑105, 115; Droit applicable. 32; Décision sur l›emploi des langues. 51;

Intention commune Droit applicable. 230, 233; Confirmation de l’acte d’accusation. 54, 59, 86;

Intention criminelle (voir : élément subjectif/ mens rea) Intention spécifique Droit applicable. 2, 57, 59, 60, 68, 145, 248, 249, 262, 263; Intérêt, justice Droit applicable. 287; Décision sur l›emploi des langues. 2, 11, 13,

19, 63; Confirmation de l’acte d’accusation. 3, 29; Intérêt commun Décision El Sayed CA.37‑38, 50, 71, 81;

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Index

Intérêt fondamental Décision El Sayed JME. 27; Intérêt général Décision El Sayed CA. 37, 38, 50, 71; Décision sur l›emploi des

langues. 12; Décision El Sayed JME. 28; Intérêt légitime Décision El Sayed CA. 34, 50, 51; Intérêt personnel Décision sur la communication des pièces CA. 45; Décision El

Sayed CA. 63; Droit applicable. 55; Intérêts concurrents Décision El Sayed CA. 38, 45, 67, 74;Interprétation Droit applicable. 6, 9, 17‑21, 24, 26‑32, 34, 37‑39, 41, 45, 46, 51,

52, 54, 55, 58, 61, 62, 73, 81, 82, 112, 124, 125, 129, 130, 135, 142‑145, 147, 208, 210, 252, 255; Décision sur l›emploi des langues. 35; Questions préjudicielles JME. 2, 8; Confirmation de l’acte d’accusation. 18, 20, 23, 29, 31, 35; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 20;

Interprétation, stricte (étroite, restrictive)

Droit applicable. 55;

Isolement Droit applicable. 38; Juge d’instruction (libanais) Décision El Sayed CA. 2, 8, 54, 57; Droit applicable. 16, 281;

Confirmation de l’acte d’accusation. 25; Juge, impartialité Décision El Sayed CA. 36; Confirmation de l’acte d’accusation. 25; Juge, indépendance Confirmation de l’acte d’accusation. 25; Juridictions (juge), nationales (voir : droit interne/ tribunaux nationaux)

Décision sur la communication des pièces CA. 21; Décision El Sayed CA. 3, 42, 65, 113; Droit applicable. 133‑135;

Juridictions libanaises Décision El Sayed CA. 53; Droit applicable. 46, 53, 60, 125, 129, 130, 142, 145, 270;

Juridictions, droits de l’homme

Décision El Sayed CA. 37, 44, 44, 48, 60; Droit applicable. 29, 71, 76, 91, 118, 134, 268; Questions préjudicielles JME. 7;

Juridictions, pénales Droit applicable. 2, 13, 15, 270; Confirmation de l’acte d’accusation. 21;

Jurisprudence Décision El Sayed CA. 24, 39, 41, 44, 55, 59, 61, 78, 79, 97, 100; Droit applicable. 17, 35, 36, 42, 71, 72, 74, 100, 101, 104, 120, 149, 160, 189, 206, 217, 219, 233, 249, 267, 279, 284, 286, 287, 291; Questions préjudicielles JME. 7, 9, 13, 14, 19; Confirmation de l’acte d’accusation. 21, 23, 35, 92, 96; Décision El Sayed JME. 27;

jus cogens, norme Décision El Sayed CA. 40; Droit applicable. 76; Justice Décision sur la communication des pièces CA. 11; Décision El Sayed

CA. 39, 40, 42‑44, 48, 50, 62, 98, 112, 113, 119; Droit applicable. 2, 9, 27, 29, 32, 43, 100, 102, 118, 134, 208, 218, 266, 295, 299; Décision sur l›emploi des langues. 2, 11, 13, 16, 19, 63; Décision El Sayed JME. 2, 4, 26; Confirmation de l’acte d’accusation. 19, 71, 85, 90; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 8;

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Index

Justice, administration de la Décision El Sayed CA. 98, 112; Droit applicable. 7, 9, 32, 43, 235;Justice, entrave à la Décision sur la communication des pièces. 11, 36;Justice internationale Droit applicable. 29, 35, 74, 99; Langue, communication de pièces

Décision sur l’emploi des langues. 24, 47, 51‑60;

Langue, comptes rendus Décision sur l’emploi des langues. 75‑79;Langue, documents déposés Décision sur l’emploi des langues. 37, 41, 43‑50;Langue, oral Décision sur l’emploi des langues. 20, 33‑36, 41;Langue, pièces Décision sur l’emploi des langues. 2, 28, 44, 53, 57, 67, 70, 80;Langue de l’interprétation Décision sur la communication des pièces. 42; Décision El Sayed

CA. 78, 91; Décision sur l’emploi des langues. 35;Langue de traduction Décision sur l’emploi des langues. 28, 31, 37, 39‑42, 44‑45, 47, 49,

53‑54, 57‑58, 67, 70, 80;Langue de travail Décision sur l’emploi des langues. 2‑3, 5‑6, 8‑13, 16‑17, 20, 27‑28,

30, 34, 41, 66, 74, 76, 78;Langue du conseil Décision sur l’emploi des langues. 61‑68;Langue officielle Décision El Sayed CA. 91; Décision sur l’emploi des langues. 5‑6,

20, 28, 32, 35, 39, 42, 44, 48;L’intérêt de la justice Décision sur l›emploi des langues. 2, 11, 13, 19, 63; Confirmation de

l’acte d’accusation. 3, 29; Législation Décision El Sayed CA. 61; Droit applicable. 40, 41, 56, 61, 64, 74‑

76, 78, 80, 91‑93, 96‑98, 100, 104, 114, 122, 124, 129, 133; Décision El Sayed JME. 27;

lex posterior derogat legi priori

Droit applicable. 122;

lex posterior generalis non derogat priori speciali

Droit applicable. 122;

lex specialis derogat legi generali

Droit applicable. 122;

Liban Décision sur la communication des pièces. CA. 9; Décision El Sayed CA. 9; Droit applicable. 1, 2, 14, 20, 26, 33, 40, 41, 44, 46, 61, 63, 71, 74, 75, 138, 144; Décision sur l›emploi des langues. 1; Questions préjudicielles JME. 1, 7; Décision El Sayed JME. 1; Confirmation de l’acte d’accusation. 1, 19, 31, 39, 45, 55, 58, 89; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 1, 7, 8, 10, 22;

Liberté d’expression Décision El Sayed CA. 45‑46, 100;Liberté de l’information Décision El Sayed CA. 45‑50, 61‑62, 112, 119;Lien causal Droit applicable. 11; Confirmation de l’acte d’accusation. 31; Loi libanaise du 11 janvier 1958

Questions préjudicielles JME. 4; Confirmation de l’acte d’accusation. 13;

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Index

Mandat d’arrêt Décision El Sayed CA. 108; Confirmation de l’acte d’accusation. 7, 99; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 3, 4, 13, 25;

Mandats d’arrêt, exécution Ordonnance en application de l’article 105 bis. 4, 7, 10; Mandats d’arrêt internationaux

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 5, 9;

Mémoire/ mémorandum Décision El Sayed CA. 72, 76, 77, 80, 85; Droit applicable. 2, 117; Décision sur l›emploi des langues. 50; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 13, 21, 22;

Mémorandums internes (UNIIIC ou l’Accusation)

Décision sur la communication des pièces. 9; Décision El Sayed CA. 4, 15, 72,73, 76, 77, 79‑81, 83, 86, 95‑97, 109; Décision El Sayed JME. 29, 33;

Menace à la vie privée Décision sur la communication des pièces. 12;Menace (vraisemblablede commettre un acte)

Décision sur la communication des pièces CA. 8, 19, 23; Droit applicable. 65, 85, 90, 93, 94, 95, 97, 104, 110, 124, 141, 193; Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 55;

mens rea (voir : élément subjectif)Mesures Décision sur la communication des pièces CA. 27, 31, 32; Décision

El Sayed CA. 7, 54; Droit applicable. 71, 76, 92, 134; Décision sur l›emploi des langues. 14, 23, 57;

Mesures, protection Décision sur la communication des pièces CA. 12, 19, 22, 23; Décision El Sayed CA. 37;

Mesures exceptionnelles/extraordinaires

Décision El Sayed CA. 65;

Mettre en accusation Décision sur la communication des pièces CA. 9, 10; Mise en liberté Décision sur la communication des pièces CA. 34; Décision El

Sayed CA. 3, 8, 10, 11, 12, 52, 57, 65, 66; Modes de responsabilité Droit applicable. 5, 18, 43, 191, 201, 204, 206, 208‑210, 212,

249, 280, 293, 298; Questions préjudicielles JME. 2, 7, 21, 22; Confirmation de l’acte d’accusation. 29, 30, 33, 65, 94, 95;

Modes de responsabilité, coaction

Droit applicable. 5, 157, 204, 212‑217, 229‑230, 236, 255, 258, 261, 264; Questions préjudicielles JME. 22;

Modes de responsabilité, responsabilité individuelle sur la base d’un plan commun

Droit applicable. 5, 85, 108, 212‑213, 215, 217, 219, 220‑221, 226, 230, 233, 249, 253‑256;

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Index

Motif Décision sur la communication des pièces CA. 7, 9, 11, 16, 24, 30, 35; Décision El Sayed CA. 14, 20, 23, 40, 49, 50, 58, 71, 75, 86, 90, 110, 118, 119; Droit applicable. 1, 2, 65, 77, 94, 95, 98, 106, 151, 160, 255; Décision sur l›emploi des langues. 16, 19; Décision El Sayed JME. 32; Confirmation de l’acte d’accusation. 11, 27, 63, 67, 75, 79, 83; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 1;

Nationalité Droit applicable. 33; Nécessité Décision sur la communication des pièces CA. 23, 20, 35; Décision

El Sayed CA. 48, 67, 112; Droit applicable. 10, 19, 28, 30, 34, 90, 102, 107, 118, 129, 197, 145; Décision sur l›emploi des langues. 8, 10, 12, 44; Questions préjudicielles JME. 5, 7; Décision El Sayed JME. 42; Confirmation de l’acte d’accusation. 51, 100; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 20;

Nicaragua, principe de l’affaire

Droit applicable. 100, 102;

Nomination Décision sur la communication des pièces CA. 38; Décision sur l›emploi des langues. 11, 17, 21, 66;

Non‑rétroactivité (voir : nullum crimen sine lege)Normes internationales Décision sur la communication des pièces CA. 25; Décision El Sayed

CA. 30, 44; Droit applicable. 76, 92, 108; Décision sur l›emploi des langues. 54; Questions préjudicielles JME. 13, 18; Confirmation de l’acte d’accusation. 20;

Notes des enquêteurs/ notes des enquêteurs relatives aux entretiens

Décision El Sayed CA. 4, 15, 83‑89, 95, 97, 109; Décision El Sayed JME. 29, 36, 51;

Notes prises lors de l’entretien préliminaire/ rapports d’examen préliminaires

Décision El Sayed CA. 83, 84, 87, 88, 97, 107;

Notice rouge Ordonnance en application de l’article 105 bis. 5;Notification (d’accusations, acte d’accusation)

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 4, 10, 20;

Nuremberg Droit applicable. 104;nullum crimen sine culpa (principe de culpabilité)

Droit applicable. 244;

nullum crimen sine lege (principe de légalité)

Droit applicable. 25, 32, 76, 106, 130‑144, 135, 137, 209; Confirmation de l’acte d’accusation. 31;

Objection Décision sur la communication des pièces CA. 13, 26; Droit applicable. 2, 100, 110, 117;

Obligation, de bonne foi procédurale

Décision sur la communication des pièces. 36;

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491

Index

Obligation, l’Accusation Décision sur la communication des pièces. 24, 36;Obligation, tribunal Décision sur la communication des pièces. 25;Obligation imposée Droit applicable. 13, 40; Décision sur l’emploi des langues. 60;Obligation de communication/ divulgation

Décision El Sayed CA. 55, 69, 74, 76, 77, 79, 84‑86, 93, 95, 105 ; Décision sur l’emploi des langues. 55, 59, 60; Décision El Sayed JME. 33, 36;

Obligations déontologiques Décision El Sayed JME. 31; Observations Décision sur la communication des pièces CA. 28; Décision El Sayed

CA. 11, 13, 14, 17, 21, 32, 33, 98; Droit applicable. 1, 9, 10, 18, 27, 60, 106; Décision sur l›emploi des langues. 2‑4, 12, 37, 41, 45, 46, 55, 69; Décision El Sayed JME. 2, 5, 57; Confirmation de l’acte d’accusation. 12, 31, 62, 65, 73, 74, 77, 78, 81, 82; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 2, 22;

Omission, acte d’ Droit applicable. 131, 137, 154, 185, 223, 226, 271, 288; Questions préjudicielles JME. 7, 16; Confirmation de l’acte d’accusation. 31;

opinio juris (voir: droit international coutumier, opinio juris)Opinion publique Ordonnance en application de l’article 105 bis. 12, 17, 24; Organisation, intergouvernementale (internationale)

Droit applicable. 2, 29, 88, 91, 93; Questions préjudicielles JME. 7;

Organisations internationale de police criminelle (« INTERPOL »)

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 5;

Organisations des Nations Unies

Droit applicable. 15, 22, 26‑27, 29, 87, 88, 134; Questions préjudicielles JME. 8; Confirmation de l’acte d’accusation. 19; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 58;

Outrage Décision sur la communication des pièces CA. 11, 37, 42; pacta sunt servanda Droit applicable. 118;Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Décision El Sayed CA. 45, 48, 60, 61; Droit applicable. 131; Questions préjudicielles JME. 7; Confirmation de l’acte d’accusation. 27;

Parlement libanais Droit applicable. 22, 76, 121‑122, 140;Partialité Décision sur la communication des pièces CA. 36; Confirmation de

l’acte d’accusation. 25; Participant Droit applicable. 102, 108, 174, 193, 195, 200, 237, 239‑241, 243,

245, 246, 249, 252, 259‑261; Décision sur l›emploi des langues. 2, 6, 20, 36, 49, 60, 71, 73;

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Pièces Décision sur la communication des pièces CA. 1, 2, 4‑6, 8, 11, 13, 15‑17, 20, 25, 27, 34; Décision El Sayed CA. 4, 10, 43, 52, 53, 74‑76, 82, 98, 100; Décision sur l›emploi des langues. 16, 24, 28, 41, 43, 44, 46, 47, 49, 51‑53, 55‑57, 67, 70, 80; Décision El Sayed JME. 2, 4, 8, 22, 23, 25‑29, 31, 34, 35; Confirmation de l’acte d’accusation. 2, 14, 28, 55, 60, 63, 67, 71, 75, 79, 83, 87, 101;

Pièces, divulgation Décision sur l›emploi des langues. 3; Décision El Sayed JME. 5, 7, 27, 29, 31, 34, 37, 38, 40, 43, 48‑51, 53‑56, 58, 60;

Pièces, dépôt Décision El Sayed JME. 9, 10, 11, 17, 18, 47; Confirmation de l’acte d’accusation. 8, 10, 11;

Pièces, inspection Décision El Sayed JME. 30, 32, 37, 44, 46,49, 54, 55, 58; Pièces, inventoriées Décision El Sayed JME. 7, 12, 15, 59; Pièces justificatives Décision sur l›emploi des langues. 24, 28, 51, 53, 56, 70;

Confirmation de l’acte d’accusation. 5, 10‑12, 34, 35, 98, 103; Pluralité de poursuites Droit applicable. 271, 280‑281, 286‑293;Positionnement mutuel de téléphones

Confirmation de l’acte d’accusation. 41‑43;

Positivisme Droit applicable. 99; Pouvoir, inhérent Décision sur la communication des pièces CA. 25; Décision El

Sayed CA. 18, 30, 98; Droit applicable. 24; Décision sur l›emploi des langues. 17;

Pouvoir discrétionnaire Décision sur la communication des pièces CA. 9; Décision El Sayed CA. 20; Droit applicable. 261;

Préjudice Décision El Sayed CA. 43, 66; Droit applicable. 9, 10, 93, 208, 273, 275, 278; Décision sur l’emploi des langues. 8; Confirmation de l’acte d’accusation. 93;

Préméditation Droit applicable. 67, 149, 151, 152, 167, 168, 170‑172, 174, 175, 186, 188, 265; Questions préjudicielles JME. 3, 16‑18, 20, 25; Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 31, 58, 62;

Président Décision sur la communication des pièces CA. 16, 23, 36; Décision El Sayed CA. 11, 40, 41, 68, 119; Droit applicable. 1; Décision El Sayed JME. 20; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 8, 10, 13, 14, 18, 25;

Présomption d’innocence Droit applicable. 32; Décision El Sayed JME. 32; Prévisibilité Droit applicable. 46, 76, 134‑135, 138, 143, 164, 169‑70, 196, 248,

252, 261‑62;prima facie/à première vue (voir aussi: de prime abord)

Confirmation de l’acte d’accusation. 22;

Principe de consommation Droit applicable. 278;principe de culpabilité (voir : nullum crimen sine culpa)

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Index

principe de légalité (voir : nullum crimen sine lege)Principe de spécialité Droit applicable. 271, 277, 289; Principe de spécialité réciproque

Droit applicable. 284‑285;

Principes généraux de droit international pénal

Confirmation de l’acte d’accusation. 20;

Principes généraux du droit (justice)

Décision El Sayed CA. 48; Droit applicable. 17; Confirmation de l’acte d’accusation. 18;

Privilèges de l’État Décision El Sayed CA. 37;Procédure, conduite Décision sur la communication des pièces CA. 24; Décision El

Sayed CA. 40; Décision sur l›emploi des langues. 13, 16, 31, 68; Procédure, entrave Décision sur la communication des pièces CA. 11, 18, 26, 36;

Décision El Sayed CA. 42; Décision sur l›emploi des langues. 31; Décision El Sayed JME. 18;

Procédure, équité Décision El Sayed CA. 19, 20; Droit applicable. 167; Décision sur l›emploi des langues. 12;

Procédure abusive Décision sur la communication des pièces. 38;Procédure contradictoire Droit applicable. 40, 82, 208, 287; Procédure en bonne et due forme

Décision sur la communication des pièces CA. 34;

Procédure pénale Décision sur la communication des pièces CA. 25; Décision El Sayed CA. 28, 30, 89; Confirmation de l’acte d’accusation. 20, 25;

Procès équitable Décision sur la communication des pièces CA. 36; Décision El Sayed CA. 35; Droit applicable. 32, 266, 268, 297; Décision sur l›emploi des langues. 10, 23;

Procureur général près la Cour de cassation (procureur de la République)

Décision El Sayed JME. 20;

proprio motu/ d’office Décision sur l›emploi des langues. 13, 17, 19, 21, 22, 26, 44, 57, 63, 68; Confirmation de l’acte d’accusation. 102, 104;

Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale (1988)

Droit applicable. 139;

Qualifications alternatives Droit applicable. 268, 280, 286, 289, 293, 295;Qualité pour agir Décision El Sayed JME. 2; Question incidente Confirmation de l’acte d’accusation. 19; Rapidité Décision sur la communication des pièces. 25; Décision El Sayed

CA. 25‑26, 71; Droit applicable. 10;

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Index

Rapport Décision sur la communication des pièces CA. 16, 24, 31; Décision El Sayed CA. 59, 65, 66, 72, 76, 77, 83, 88, 103; Droit applicable. 27, 71, 92, 93, 106; Décision El Sayed JME. 20, 21, 29; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 7, 13, 15;

Rapport d’expert Confirmation de l’acte d’accusation. 35;Rapport du Groupe de réflexion des Nations Unies sur le terrorisme (2002)

Droit applicable. 106;

Rapport du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies sur la création du Tribunal (2006)

Droit applicable. 27, 76;

Rapport relatif aux communications

Confirmation de l’acte d’accusation. 34, 35;

Réciprocité Droit applicable. 29, 118;Réexamen Décision sur la communication des pièces CA. 32‑34; Décision

El Sayed CA. 107; Décision sur la communication des pièces. 34; Décision El Sayed CA. 21; Droit applicable. 8, 10; Décision sur l›emploi des langues. 17; Questions préjudicielles JME. 8; Décision El Sayed JME. 44;

Règle du précédent (voir : stare decisis)Règlement de procédure et de preuve (général)

Décision sur la communication des pièces CA. 2; Décision El Sayed CA. 4, 30, 89; Droit applicable. 1, 7, 15, 22; Décision sur l›emploi des langues. 6; Questions préjudicielles JME. 1; Décision El Sayed JME. 8, 28; Confirmation de l’acte d’accusation. 3, 15, 18, 21, 22, 96, 103cle 71; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 1;

Règlement de procédure et de preuve (article du)

Article 3 Décision El Sayed CA. 3; Droit applicable. 22; Confirmation de l’acte d’accusation. 20;

Article 8 Décision El Sayed JME. 18, 25;Article 10 Décision sur l’emploi des langues. 6, 8‑9, 12‑13, 33, 36‑37, 39, 74;Article 55 Décision El Sayed JME. 28;Article 58 Décision sur l’emploi des langues. 21;Article 59 Décision sur l’emploi des langues. 22;Article 60 Décision sur la communication des pièces CA. 36, 41‑42;Article 63 Décision sur la communication des pièces CA. 37;Article 66 Décision El Sayed CA. 74, 89;

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Index

Article 68 Droit applicable. 7; Décision sur l’emploi des langues. 58; Questions préjudicielles JME. 1; Confirmation de l’acte d’accusation. 3, 5, 8, 10, 12, 14, 16, 17, 28, 29, 35; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 3;

Article 71 Confirmation de l’acte d’accusation. 6;Article 74 Confirmation de l’acte d’accusation. 3, 104; Ordonnance en

application de l’article 105 bis. 74;Article 76 Ordonnance en application de l’article 105 bis. 10, 13;Article 76 bis Ordonnance en application de l’article 105 bis. 11, 14, 17, 18, 20‑

22, 24;Article 77 Décision sur l’emploi des langues. 13;Article 79 Ordonnance en application de l’article 105 bis. 4;Article 84 Ordonnance en application de l’article 105 bis. 5;Article 89 Décision sur l’emploi des langues. 13, 23;Article 90 Confirmation de l’acte d’accusation. 97;Article 91 Décision sur l’emploi des langues. 40, 47‑50;Article 96 Confirmation de l’acte d’accusation. 5;Article 101 Confirmation de l’acte d’accusation. 101;Article 105 bis Ordonnance en application de l’article 105 bis. 1, 13, 14, 17, 19‑26;Article 106 Ordonnance en application de l’article 105 bis. 20;Article 110 Décision sur l’emploi des langues. 23‑24;Article 111 Décision El Sayed CA. 4, 16, 23‑24, 76, 91‑93, 95‑96, 99, 102,

105, 109‑110, 114‑116, 118; Décision sur l’emploi des langues. 54; Décision El Sayed JME. 29, 33, 36;

Article 113 Décision El Sayed CA. 85, 97, 99, 101‑103, 105, 114; Décision sur l’emploi des langues. 52, 60;

Article 115 Décision sur la communication des pièces CA. 12, 22;Article 126 Décision sur la communication des pièces CA. 2‑3;Article 133 Décision sur la communication des pièces CA. 7, 12, 22, 39;Article 148 Confirmation de l’acte d’accusation. 26;Article 176 Droit applicable. 7, 10;

Rencontre de volontés Droit applicable. 200;Renonciation volontaire Droit applicable. 177, 179, 187; Confirmation de l’acte d’accusation.

31;Réparation Décision sur la communication des pièces CA. 21, 24, 25; Décision

El Sayed CA. 3, 42, 65; Réplique Décision sur la communication des pièces CA. 6, 36‑39, 41; Décision

El Sayed JME. 5, 19, 25;

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Index

Réponse Décision sur la communication des pièces CA. 5, 45; Décision El Sayed CA. 1, 89; Droit applicable. 1, 9, 10, 59, 75, 146, 184, 202, 263, 283, 284, 294; Questions préjudicielles JME. 25; Décision El Sayed JME. 18, 19, 25; Confirmation de l’acte d’accusation. 8, 9, 35; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 15;

Requête, recevabilité Décision sur la communication des pièces CA. 2, 5, 9, 34; Décision El Sayed CA. 3, 12, 13, 19, 20, 27, 28, 39, 40, 44, 45, 51, 64, 67, 113, 119;

Réseau rouge Confirmation de l’acte d’accusation. 40, 41, 47, 48; Résolution 1757 (2007) Droit applicable. 27; Questions préjudicielles JME. 8; Confirmation

de l’acte d’accusation. 19; Responsabilité Décision sur la communication des pièces CA. 11, 25; Décision

El Sayed CA. 49, 71, 97, 103‑105; Droit applicable. 5, 18, 42, 76, 137, 148, 226, 228; Questions préjudicielles JME. 2, 12, 15, 21, 24; Confirmation de l’acte d’accusation. 26, 29‑31, 33, 38, 50, 52, 54, 55, 59, 62, 65, 70, 71, 74, 78, 82, 85, 86, 94‑96; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 23;

Responsabilité pénale Droit applicable. 43, 59, 103, 104, 134, 191, 201, 203‑212, 231, 235‑241, 243, 245‑249, 253‑255, 261, 262, 266, 268, 280, 293, 298; Décision sur l›emploi des langues. 51; Questions préjudicielles JME. 7, 10, 21, 22;

Responsabilité pénale individuelle

Droit applicable. 43, 103‑104, 206, 237, 246; Confirmation de l’acte d’accusation. 70;

Restrictions liés à la sécurité Décision El Sayed JME. 27; Résultat du crime Droit applicable. 156, 163, 166, 169, 170;Retard Décision sur la communication des pièces. 23‑25, 35‑36; Décision

El Sayed CA. 20; Droit applicable. 7, 9, 268; Décision sur l’emploi des langues. 11, 13, 17, 19, 23, 28, 31, 40, 56, 76‑77;

Retirer, procureur Décision sur la communication des pièces. 38, 41; Décision El Sayed CA. 67; Confirmation de l’acte d’accusation. 10;

Revendication de l’attentat Confirmation de l’acte d’accusation. 50, 71; Secrétaire général (Organisation des Nations Unies)

Droit applicable. 15, 27, 206;

Section d’appui aux victimes et aux témoins (SAVT)

Décision sur la communication des pièces. 16‑17, 19‑23, 28, 30, 33‑34;

Section de participation des victimes (SPV)

Décision sur l’emploi des langues. 2‑3, 15, 72;

Sécurité Décision sur la communication des pièces CA. 11, 32; Décision El Sayed CA. 12, 17, 45; Droit applicable. 65, 104, 124, 139, 218; Questions préjudicielles JME. 7, 13, 18; Décision El Sayed JME. 27, 29, 31, 42, 44;

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Index

Sécurité personnelle Décision sur la communication des pièces. 11, 32; Décision El Sayed CA. 12, 17;

Semer la peur Droit applicable. 61, 96;Serment/déclaration solennelle (voir aussi: déclaration solennelle/ serment)Signification de l’acte d’accusation

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 4, 8, 10, 13;

Signification de l’acte d’accusation, efforts raisonnables

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 10;

Signification des mandats d’arrêts

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 10, 13;

Sous la garde/ sous l’autorité du Tribunal

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 19;

Souveraineté Droit applicable. 18, 29, 73, 96;stare decisis (règle du précédent)

Droit applicable. 142;

Statut du TSL Décision sur la communication des pièces CA. 11, 25, 42; Décision El Sayed CA. 19, 21, 30, 64; Droit applicable. 12‑15, 27, 32, 81, 124, 147, 256; Décision sur l›emploi des langues. 27, 36; Questions préjudicielles JME. 1, 2, 21, 23;

Statut du TSL, (article du): Article 1 Décision sur la communication des pièces CA. 11, Droit applicable.

12, 14‑33, 81, 147, 256, 288; Questions préjudicielles JME. 23; Décision sur la communication des pièces. 11;

Article 2 Confirmation de l’acte d’accusation. 1, 28, 32; Questions préjudicielles JME. 4;

Article 3 Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 28, 32; Droit applicable. 13, 15‑18, 22, 25, 26, 33, 42, 43, 62, 123, 150, 192, 198, 204‑212, 256; Questions préjudicielles JME. 5‑7, 8, 11, 16, 21;

Article 9 Décision El Sayed CA. 36; Droit applicable. 15, 16, 18, 22, 204‑212, 250‑253, 256, 257, 263; Questions préjudicielles JME. 4, 7, 15, 21;

Article 13 Confirmation de l’acte d’accusation. 13, 28, 32;Article 14 Décision El Sayed CA. 36;Article 15 Décision sur l›emploi des langues. 14, 18;Article 16 Confirmation de l’acte d’accusation. 13; Décision El Sayed CA. 36;Article 18 Confirmation de l’acte d’accusation. 17, 37; Décision sur l’emploi

des langues. 16, 19, 26, 29, 61, 68;

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Article 21 Confirmation de l’acte d’accusation. 3, 15, 18, 23, 26, 28; Ordonnance en application de l’article 105 bis. 3;

Article 24 Droit applicable. 7;Article 26 Droit applicable. 261;Article 28 Décision sur la communication des pièces CA. 25, 37; Décision El

Sayed CA. 22, 30; Droit applicable. 7, 32; Article 29 Droit applicable. 22, 27;

Stratégie Décision El Sayed CA. 81‑83, 95; Décision sur l›emploi des langues. 15;

Suffisamment d’indications Droit applicable. 134;Sursis (suspension) Décision sur la communication des pièces CA. 4, 16, 38; Surveillance Droit applicable. 178, 215; Confirmation de l’acte d’accusation. 48,

49, 55, 60; Suspect Décision sur la communication des pièces CA. 9, 39; Décision El

Sayed CA. 15, 36, 53, 56, 58, 89; Droit applicable. 18, 32, 255; Décision sur l›emploi des langues. 21, 22, 26, 62, 63; Décision El Sayed JME. 29, 38‑41; Confirmation de l’acte d’accusation. 33, 37, 38, 45, 46, 51‑54;

Système judiciaire Droit applicable. 91, 99, 227, 254, 281, 284; Téléphones mobiles personnels (TMP)

Confirmation de l’acte d’accusation. 42‑44;

Témoignage Décision sur la communication des pièces CA. 11; Témoignage, fiabilité Décision sur la communication des pièces. 11;Témoin Confirmation de l’acte d’accusation. 34, 100, 101; Témoin, crédibilité Décision El Sayed JME. 23; Témoin, déclarations Décision sur la communication des pièces CA. 6, 19, 23, 26, 36, 37;

Décision El Sayed CA. 54, 66, 78, 83, 85, 87‑90, 109; Décision sur l’emploi des langues. 25, 51; Décision El Sayed JME. 44;

Témoin, évaluation Décision El Sayed JME. 21; Témoins, identité Décision sur la communication des pièces. 22;Témoins, protection Décision sur la communication des pièces. 23, 35; Décision El Sayed

CA. 12, 17; Décision El Sayed JME. 31, 39, 42, 44; Confirmation de l’acte d’accusation. 100, 101;

Témoin, sécurité Décision El Sayed CA. 17; Décision El Sayed JME. 29, 39, 42, 44; Témoin/ faux témoinage Décision sur la communication des pièces CA. 6, 7, 10, 11, 39, 40;

Décision El Sayed CA. 66, 104; Territoire du dernier lieu de résidence (de l’accusé)

Ordonnance en application de l’article 105 bis. 4, 24;

Terrorisme, criminalisation Droit applicable. 2, 47, 93, 104, 133, 135, 136, 257, 282;

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Terrorisme, définition Droit applicable. 43‑44, 46‑52, 55‑70, 79‑81, 83, 88‑93, 96‑97, 100, 106‑108, 110‑113, 123‑124, 210; Questions préjudicielles JME. 10;

Terrorisme, définition commune

Droit applicable. 100;

Terrorisme, éléments fondamentaux

Droit applicable. 49, 57‑58, 106, 148, 202; Questions préjudicielles JME. 7‑9; Confirmation de l’acte d’accusation. 53, 54, 58, 59, 67, 85, 86;

Terrorisme, évolution Questions préjudicielles JME. 7, 8;Terrorisme, international Droit applicable. 85‑86, 90, 92, 106‑107, 124;Terrorisme, national Droit applicable. 90, 107, 124;Tierce partie/ tiers Décision El Sayed CA. 12, 32, 43;Torture Droit applicable. 74, 75, 86, 117, 134;Traduction Décision sur l›emploi des langues. 28, 31, 37, 39‑41, 44, 45, 47, 49,

53, 54, 57, 58, 67, 70, 80; Décision El Sayed JME. 8, 9, 24, 43, 49, 53, 54;

Traité, bonne foi Droit applicable. 5, 28, 30, 71; Traité, contexte Confirmation de l’acte d’accusation. 23, 28; Traité, international Droit applicable. 17, 63, 76;Traité, interprétation Droit applicable. 27, 28, 30; Confirmation de l’acte d’accusation.

20, 23;Traité, objet et but Droit applicable. 30; Confirmation de l’acte d’accusation. 21; Traité, ratification Droit applicable. 71, 72, 75, 77, 139, 140, 141; Traité, réserve Droit applicable. 107, 108;Traité, Versailles Droit applicable. 104;Transparence des procédures Questions préjudicielles JME. 2; Confirmation de l’acte d’accusation.

29; Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (le « TPIY »)

Décision El Sayed CA. 22; Confirmation de l’acte d’accusation. 23;

Tribunal pénal international pour le Rwanda (le « TPIR »)

Décision El Sayed CA. 22, 64; Confirmation de l’acte d’accusation. 23;

Tribunal spécial pour la Sierra Leone (le « TSSL »)

Décision El Sayed CA. 76;

Tribunaux ad hoc Décision El Sayed CA. 64; Droit applicable. 206, 268, 291‑292; Questions préjudicielles JME. 2, 7;

Tribunal, fonctionnement efficace

Questions préjudicielles JME. 7;

Tribunal, mandat Décision sur la communication des pièces CA. 11, 16; Décision El Sayed CA. 67; Droit applicable. 15, 16;

Valeurs universelles Droit applicable. 29, 91, 118, 134;

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Victime Droit applicable. 53, 54, 57, 59, 86, 89, 90, 112, 125, 149, 156‑160, 162‑166, 169‑171, 173, 175, 181‑183, 214, 220, 221, 266, 272, 273, 275, 278, 280, 295; Confirmation de l’acte d’accusation. 31, 66, 92, 93;

Victime non représentée Décision sur l’emploi des langues. 73;Victime participant à la procédure

Décision sur l’emploi des langues. 2, 3, 6, 9, 11, 14, 15, 17, 20, 44, 46, 49, 53, 57, 60, 69‑73, 80;

Vie privée, respect de la Décision El Sayed CA. 48, 112;

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Tribunal spécial pour le Libanwww.stl-tsl.org

Principales décisions rendues par le Tribunal spécial pour le Liban en 2011

1 Ordonnance relative aux questions préjudicielles adressées aux juges de la Chambre d’appel conformément à l’article 68, paragraphe G) du règlement de procédure et de preuve« Questions préjudicielles JME »

Le Procureur c. Ayyash et autresJuge de la mise en étatAffaire n° : STL-11-01/I21 janvier 2011

2 Décision préjudicielle sur le droit applicable: terrorisme, complot, homicide, commission, concours de qualifications« Droit applicable »

Le Procureur c. Ayyash et autresChambre d’appelAffaire n° : STL-11-01/I16 février 2011

3 Décision portant sur la remise des pièces du dossier pénal de M. El Sayed« Décision El Sayed JME »

En l’affaire El SayedJuge de la mise en étatAffaire n° : CH/PTJ/2011/0812 mai 2011

4 Décision relative à l’examen de l’acte d’accusation du 10 juin 2011 établi à l’encontre de M. Salim Jamil Ayyash, M. Mustafa Amine Badreddine, M. Hussein Hassan Oneissi & M. Assad Hassan Sabra« Confirmation de l’acte d’accusation »

Le Procureur c. Ayyash et autresJuge de la mise en étatAffaire n° : STL-11-01/I28 juin 2011

5 Acte d’accusation (non indexé) Le Procureur c. Ayyash et autresJuge de la mise en étatAffaire n° : STL-11-01/I/PTJDocument déposé le 10 juin 2011Version publique expurgée publiée le 16 août 2011

6 Décision relative à l’appel partiel interjeté par M. El Sayed contre la décision du juge de la mise en état du 12 mai 2011« Décision El Sayed CA »

En l’affaire El SayedChambre d’appelAffaire n° : CH/AC/2011/0119 juillet 2011

7 Décision relative à l’emploi des langues en l’affaire Ayyash et autres« Décision sur l’emploi des langues »

Le Procureur c. Ayyash et autresJuge de la mise en étatAffaire n° : STL-11-01/I/PTJ16 septembre 2011

8 Ordonnance faisant droit en partie et rejetant en partie l’appel interjeté par le Procureur de la décision du juge de la mise en état du 2 septembre 2011 ordonnant la communication de pièces« Décision sur la communication des pièces CA »

En l’affaire El SayedChambre d’appelAffaire n° : CH/AC/2011/027 octobre 2011

9 Ordonnance de saisine de la Chambre de première instance conformément à l’article 105 bis, paragraphe A) du règlement de procédure et de preuve aux fins de statuer sur l’engagement d’une procédure par défaut« Ordonnance en application de l’article 105 bis »

Le Procureur c. Ayyash et autresJuge de la mise en étatAffaire n° : STL-11-01/I17 octobre 2011

9 789490 651060

ISBN 978-94-90651-06-0

ISBN 978-94-90651-06-0