rapport d’activite a quatre ans 2005-2009
TRANSCRIPT
RAPPORT D’ACTIVITE A QUATRE ANS
2005-2009
EMMANUEL LEVEQUE
CHARGE DE RECHERCHE 1ERE CLASSE
LABO. DE PHYSIQUE ENS-LYON, UMR 5672
46 ALLEE D ’ITALIE , 69364 LYON CEDEX 07
TEL : 04 72 72 85 40
EMAIL : E MMANUE L .LE VE QUE@E NS -LYO N.FR
WEB : HTTP ://PER SO.ENS -LYO N.FR/EMMANUE L .LEVEQUE
R a p p o r t d ’ a c t i v i t é à 4 a n s
2
A.1 - CURRICULUM VITAE
Emmanuel Lévêque
Né le 20 Avril 1968 à Marrakech (Maroc)
Nationalité française
Marié, cinq enfants
Position actuelle :
Chargé de recherche du Cnrs section 02 depuis le 01/10/1997
Laboratoire de physique de l’Ecole normale supérieure de Lyon
46 allée d’Italie 69364 Lyon cedex 07
Responsable du Pôle Scientifique de Modélisation Numérique, depuis le 01/01/2007
Ens-Lyon, Fédération Lyonnaise de Calcul Haute-Performance (Structure Fédérative de Recherche)
Cursus académique :
Ancien élève de l’Ens-Lyon (promotion 1989)
Magistère des sciences de la matière de l’Ens-Lyon (Mention B)
DEA systèmes dynamiques et turbulence de l’université de Nice Sophia-Antipolis (Mention TB)
Doctorat en sciences physiques de l’université de Nice Sophia-Antipolis (1995)
(Mention très honorable avec les félicitations du Jury)
Habilitation à diriger des recherches de l’université Lyon-1 (2004)
Thèse de doctorat :
Les lois d’échelle de la turbulence développée
soutenue le 09 juin 1995 à l’Observatoire de la côte d’azur (Nice) directeur de thèse : Uriel Frisch
Cette thèse a été intégralement préparée au département de mathématiques
de l’université d’Arizona, Etats-Unis, sous la direction de Zhen-Su She
Habilitation à diriger des recherches :
Contributions à la description de l’agitation turbulente d’un fluide visqueux et incompressible
soutenue le 10 décembre 2004 à l’Ens-Lyon
Qualification professeur : section 60 (mécanique) et 34 (astrophysique) en 2005
renouvellement section 60 (mécanique) en 2009
3
21 articles parus dans des revues à comité de lecture :
9 publications dans Physical Review Letters (1994/1995/2000/2001/2002/2003/2004/2005/2008)
1 publication dans Physical Review E (1997)
1 publication dans Physics of Fluids (1999) 1 publication dans European Physical Journal B (2005)
2 publications dans Physica D (2000/2006)
1 publication dans New Journal of Physics (2004)
1 publication dans Journal of Statistical Physics (2003) 1 publication dans Journal of Turbulence (2007)
2 publications dans Journal of Fluid Mechanics (2007/2009)
1 publication dans Journal of Thermal Science (2007) 1 publication dans EuroPhysics Letters (2009)
877 citations ; h-facteur = 13 (ISI WebOfScience, 02/2010)
2 chapitres d’ouvrage :
« An introduction to turbulence in fluids, and modeling aspects »
dans Stellar fluid dynamics and numerical simulations : from the sun to neutron stars
EAS Publications Series (2006)
« The Physics of turbulence »
dans Structure Formation in the Universe
Cambridge University Press (2009)
2 articles parus dans des revues de vulgarisation :
Bulletin de la Société française de physique (1999) Images de la physique (2000)
18 articles parus dans des actes de conférence
Intérêts de recherche : Mécanique des fluides, écoulements à grands nombres de Reynolds
- Théorie de la turbulence : intermittence et lois d’échelle
- Transport turbulent de particules : approche Lagrangienne, effets d’inertie et de taille finie - Turbulence superfluide : modèle à deux fluides, cascade d’énergie et dynamique de vorticité
- Modélisation numérique des écoulements turbulents : simulation des grandes échelles,
viscosité sous-maille, écoulements instationnaires, applications industrielles (en aérodynamique) - Méthode Boltzmann sur réseau : développement d’outils de simulation numérique, programmation
Responsabilités liées au métier de chercheur :
Responsable du Pôle Scientifique de Modélisation Numérique de l’Ens-Lyon : 2007-présent
Représentant des partenaires rhônalpins du Centre de Calcul pour la Recherche et les Technologies du CEA : 2001-2007
Agent chargé de la mise en œuvre de la sécurité au laboratoire (ACMO) : 2001-2005
Membre de la commission de spécialistes Sciences et techniques de la mécanique et de l’énergie de l’Ecole Centrale de Lyon : 2004-2007
Membre de la commission de spécialistes Physique de l’Ens-Lyon : 2004-2007
Referee pour Physical Review Letters, Physical Review E, Physics of Fluids, Journal of Fluid
Mechanics, Canadian Journal of Physics, European Physical Journal B, Physica D, International Journal of Heat and Fluid Flow, International Journal of Heat and Mass Transfer
Membre du jury écrit physique MP concours d’entrée aux écoles normales supérieures : 2000-2006
Membre du jury oral physique PC concours d’entrée aux écoles normales supérieures : 2005-présent Examinateur suppléant en physique concours d’entrée de l’Ecole Polytechnique : 2009-présent
4
Management de la recherche :
- coordinateur de l’activité « recherche amont » du projet industriel LaBS (2009-2012) :
Conception, développement et validation d’un logiciel commercial de simulation en aérodynamique
et acoustique basé sur la méthode de Boltzmann sur réseau
- représentant de l’Ens-Lyon pour le pôle de compétitivité Lyon Urban Trucks and Bus (2008-
présent)
Activités liées au métier de chercheur :
Cours durant les écoles thématiques :
- Out-of-equilibrium phenomena and approach to thermalisation in heavy ion collisions, Orsay (2007)
- Dynamique des fluides stellaires et simulations numériques associées, Aussois (2004) - Turbulence : Measurements and Signals, Cargèse (2002)
Organisateur du colloque annuel des partenaires rhônalpins du Centre de Calcul pour la Recherche et les Technologies du CEA, amphithéâtre de l’Ens-Lyon (2002)
Co-organisateur (avec Jean-Pierre Bertoglio, LMFA, Ecole centrale Lyon) de l’école thématique du CNRS Phenomenology and modelling issues in turbulence : Towards applications, Cargèse (2006)
Co-responsable de la session S23 Turbulence, Dispersion turbulente
Congrès Français de Mécanique, Grenoble (2007)
Co-organisateur du Congrès Français d’Acoustique, Lyon (2010)
Participation à des conférences et workshops internationaux (* invité) :
Conférence Nouvelles frontières pour la simulation des écoulements, Onera, Paris (2009) Workshop Lattice Boltzmann Scheme: Methods and Applications, Paris (2008)
*Workshop International Collaboration on Turbulence Research, Lyon (2008)
Conférence Turbulent Shear Flow Phenomena V, Munich, Allemagne (2007) *Conférence Structure formation in the Universe, Chamonix (2007)
*Conférence French-Italian Turbulence meeting, Bagno-Vignoni, Italie (2006)
*Conférence Challenging turbulent lagrangian dynamics, Castel-Gandolfo, Italie (2005)
Conférence Kolmogorov’s Legacy in Physics, ICTP, Trieste, Italie (2003) Conférence Direct and Large-Eddy Simulations IV, Twente, Pays-Bas (2002)
*Workshop developed turbulence, Institute Erwin Schrödinger, Vienne, Autriche (2002)
Workshop applications numériques parallèles hautes performances, Aussois (2000) *Workshop Intermittency in turbulent flows, Isaac Newton Institute, Cambridge, Angleterre (1999)
European Turbulence Conference VII, VIII, IX, X, XI, XII (1997-2000-2002-2004-2007-2009)
Rencontres du Gdr Structure de la turbulence et mélange
Participation (actuelle) à des groupes de travail :
Gdr Structure de la turbulence et mélange (resp. Philippe Petitjeans) Journées Méso-centres de calcul du groupe calcul du CNRS (resp. Violaine Louvet)
Bourses et Contrats de recherche :
- ACI blanche (porteur avec Patrice Abry de l’équipe « traitement du signal » du laboratoire)
Télétrafic informatique et turbulence : analyse multirésolution, cascade et invariance d’échelle 400 kF (1999-2002)
5
- bourse Bonus-Qualité-Recherche de l’Ens-Lyon
modélisation de la viscosité sous-maille près d’une paroi solide 6 kEuros (2004)
- ANR (porteur : Isabelle Baraffe, Centre de Recherches Astronomiques de Lyon, Ens-Lyon) Evolution stellaire multi-dimensionnelle : effets de la convection turbulente
sur la dynamique des étoiles variables
150 kEuros (2006-2008)
- ANR (porteur : Alain Pumir, Laboratoire J. Dieudonné, Nice)
Transport turbulent de particules
580 kEuros (2007-2010)
- Projet industriel LaBS (piloté par Renault) soutenu par le FUI-8
Conception, développement et validation d’un logiciel commercial de simulation en aérodynamique et acoustique basé sur la méthode de Boltzmann sur réseau
coordinateur de l’activité « recherche amont »
4 MEuros (2009-2012) --- 300 KEuros pour l’Ens-Lyon
Heures de calcul :
CINES : 6000h (2001) ; 10000h (2002) ; 10000h (2003) ; 10000h (2008) ; 40000h (2009)
CCRT-CEA : 10000h (2004 - 2006) ; 60000h (2009)
Activités d’enseignement :
- Cours magistral : description statistique des systèmes non-linéaires
DEA physique statistique et phénomènes non-linéaires
école doctorale physique fondamentale et astrophysique (Ens-Lyon, université Lyon-1) 12 h., 1998-2001
- Cours magistral + TD : analyse numérique M1 du LMD des sciences de la matière de l’Ens-Lyon
39 h., 1999-2008
- Cours magistral : hydrodynamique et turbulence
M2 du LMD des sciences de la matière de l’Ens-Lyon
école doctorale physique fondamentale et astrophysique (Ens-Lyon, université Lyon-1)
18 h., 2004-présent
- Petite Classe : introduction à la turbulence
Seconde année de l’école nationale supérieure de techniques avancées, Paris 12 h., 2005-2008
Encadrement d’étudiants en thèse :
- Christophe Koudella, doctorant au laboratoire de physique de l’Ens-Lyon (1995-1999) sous la direction
de Chantal Staquet puis post-doctorant au Damtp de l’université de Cambridge (Angleterre). Nous avons
mené une étude théorique et numérique portant sur la dynamique de la cascade d’énergie de la turbulence. Ce travail a conduit à une publication dans Phys. Rev. Lett. (2001).
- Bruno Gilles, doctorant au laboratoire de physique de l’Ens-Lyon (1997-2001) sous la direction de Christophe Coste. En marge du travail de thèse de Bruno Gilles, nous avons mené une étude
expérimentale et numérique portant sur le phénomène de voûte dans un milieu granulaire bi-
dimensionnel. Ce travail a conduit à une publication dans Phys. Rev. Lett. (2004).
- Laurent Chevillard, doctorant au laboratoire de physique de l’Ens-Lyon (2001-2004) sous la direction
d’Alain Arnéodo. J’ai participé à l’encadrement de la thèse de Laurent Chevillard. Nous avons travaillé sur
la description théorique des corrélations spatiales de vitesse turbulente. Ce travail a conduit à deux publications dans Eur. Phys. J. B (2005) et Physica D (2006).
6
- Adrien Cahuzac a débuté en novembre 2008 une thèse portant sur les aspects cinétiques et acoustiques en simulation des grandes échelles, avec application à l’étude du contrôle de l’écoulement de jeu en
turbomachines. J’encadre cette thèse avec Jérôme Boudet du Laboratoire de Mécanique des Fluides et
Acoustique (LMFA) de l’Ecole centrale de Lyon. Un premier travail a été soumis pour publication dans Physics of Fluids en juin 2009.
Participation jury de thèse (rapporteur *) :
- Antoine Moreau, dir. Jean-Pierre Bertoglio, LMFA, Ecole centrale de Lyon (2002) Etude du mélange de scalaires en écoulement turbulent et application à la modélisation des petites échelle
- Philippe Gervais, dir. Christophe Baudet et Yves Gagne, LEGI, Grenoble (2005)
Mesure acoustique de vitesse lagrangienne dans un jet d’air turbulent
- Wouter Bos, dir. Jean-Pierre Bertoglio, LMFA, Ecole centrale de Lyon (2005)
Passive scalar mixing in turbulent flow
-*Fang Le, dir. Liang Shao, LMFA, Ecole centrale de Lyon (2009) Applying the Kolmogorov equation to the problem of subgrid modeling for large-eddy simulation of
turbulence
7
A.2 - TRAVAUX DE RECHERCHE
L’ensemble de mes travaux de recherche portent sur des aspects fondamentaux de la turbulence
dans les fluides : lien entre dynamique et statistique des fluctuations de vitesse (PRL 94) ; lois
d’échelle anormales des fonctions de structure (PRL 95, PRE 97, PRL 00, PhysicaD 00, EPJB 05,
PhysicaD 06) ; propriétés statistiques du mélange d’un scalaire passif (POF 99) ; statistique Lagrangienne des fluctuations de vitesse (PRL 02, JSP 03, NJP 04, PRL 03, PRL 05, JOT 07, PRL
08). Mon approche est théorique et numérique. Les travaux concernés par ce rapport (2005-2009)
se concentrent sur :
le transport de particules par la turbulence ; effets d’inertie et de taille finie ; simulations
numériques directes ; modèles théoriques de dispersion (JOT 07, PRL 08, JFM 09)
la modélisation des écoulements turbulents inhomogènes ; modèle théorique de viscosité
sous-maille (JFM 07) ; applications à la simulation numérique des écoulements complexes (JTS 07, POF 10)
la modélisation de la turbulence superfluide ; modèle à deux fluides (EPL 09)
Dans le futur, je voudrais développer mon activité de recherche liée à la modélisation et la
simulation numérique des écoulements complexes, en m’intéressant en particulier à la méthode
Boltzmann sur réseau. L’idée de cette méthode est de représenter la dynamique d’un fluide à partir de règles simples d’interaction et de transport sur un réseau discret à l’échelle mésoscopique
(intermédiaire entre l’échelle microscopique et l’échelle macroscopique). Au-delà de son intérêt
théorique, cette méthode présente aussi un atout numérique car elle permet de tirer profit de l’évolution vers des architectures massivement parallèles des processeurs de calcul. Cette méthode
apparaît aujourd’hui comme une alternative sérieuse aux méthodes traditionnelles de simulation
numérique en mécanique des fluides. Elle permet d’envisager l’étude de problèmes complexes, et largement ouverts, tels que l’interaction turbulence - acoustique ou l’interaction turbulence -
électromagnétisme. Ce contexte devrait nous permettre de développer un réseau de collaborations
autour de cette activité. En effet, malgré une implication forte d’équipes françaises dans les années 90, l’activité scientifique sur la méthode Boltzmann sur réseau ne concerne aujourd’hui que (très)
peu d’équipes en France (malgré son grand potentiel).
Au sein du laboratoire de Physique de l’Ens-Lyon, je suis membre de l’équipe « Physique non-linéaire, hydrodynamique et turbulence » (resp. Jean-François Pinton). Dans l’équipe, j’anime les
activités liées au calcul numérique : j’interagis avec deux post-doctorants (Aurore Naso, Enrico
Calzavarini) sur le transport de particules par la turbulence, et un post-doctorant (Hatem Touil) sur la simulation des grandes échelles (Large-Eddy Simulation) des écoulements turbulents complexes.
Sur la thématique LES, nous collaborons fortement avec Pierre Borgnat de l’équipe « SiSyphe »
(traitement du signal) du laboratoire et avec le groupe « turbo-machine » du Laboratoire de Mécanique des Fluides et Acoustique de l’Ecole centrale de Lyon. Dans le cadre d’un projet
industriel (projet LaBS), je participe au développement d’un logiciel industriel commercial en
aérodynamique et aéroacoustique en collaboration avec le laboratoire de mathématiques d’Orsay et l’Institut Jean Le Rond d’Alembert (UPMC), et des industriels dont Renault, Airbus et C-S. Enfin, j’ai
débuté en 2008 une activité de recherche sur la turbulence superfluide pour laquelle j’interagis
étroitement avec Philippe Roche à l’Institut Néel de Grenoble et Pantxo Diribarne au CEA-Grenoble.
Dans la suite de ce document, je voudrais présenter (par thématique) mes travaux relatifs à ce
rapport à 4 ans. Enfin, je développerai mon projet de recherche.
8
TRANSPORT DE PARTICULES PAR LA TURBULENCE
Au laboratoire, le transport de particules par un écoulement turbulent est une thématique de
recherche très active qui est abordée conjointement de manière théorique (Krzysztof Gawedzki,
Laurent Chevillard, Stéphane Roux, Alain Arnéodo), expérimentale (Romain Volk, Jean-François Pinton) et numérique (Auro Naso, Enrico Calzavarini, Emmanuel Lévêque). Numériquement, nous
menons des simulations directes (sans approximation) basées sur la résolution des équations de
Navier-Stokes à haute résolution. Ces calculs sont réalisés sur les calculateurs des centres nationaux de calcul (CINES, CCRT-CEA).
Mouvement d’une particule de fluide transportée par un champ de vitesse turbulent (à gauche : mesure
expérimentale, à droite : simulation numérique directe). La trajectoire est complexe et ne résulte pas d’une
succession de pas élémentaires aléatoires et indépendants (mouvement Brownien).
Notre démarche est essentiellement phénoménologique : il s’agit de proposer une description
physique du phénomène de transport de particules par la turbulence motivée par les résultats numériques et expérimentaux.
Transport de particules de petite taille et de masse volumique proche de celle du fluide porteur (pouvant être considérées comme des particules de fluide) :
A partir de résultats numériques, nous avons mis en évidence l’importance du mouvement d’entraînement des grands tourbillons de l’écoulement sur la dynamique des particules de fluide.
Cette étude montre la nécessité de considérer la dynamique globale (à toutes les échelles) de
l’écoulement afin de caractériser le mouvement élémentaire des particules, et souligne ainsi
l’importance des corrélations temporelles à longue portée dans la dynamique Lagrangienne d’un fluide.
« Intermittency of velocity time increments »
L. Chevillard, S.G. Roux, E. Lévêque, N. Mordant, J.-F. Pinton et A. Arnéodo
Physical Review Letters 95, no 064501 (2005)
« Lagrangian intermittencies in dynamic and static turbulent velocity fields
from direct numerical simulations »
E. Lévêque, L. Chevillard, S.G. Roux, J.-F. Pinton, A. Arnéodo et N. Mordant
Journal of Turbulence 8 (3), 1-9 (2007)
9
Ces corrélations à longue portée sont liées à des lois d’échelle (satisfaites par les fonctions de
structure de la vitesse Lagrangienne) dont nous avons mis en évidence le caractère universel (en comparant diverses données expérimentales et numériques). Ces lois d’échelle sont bien décrites
dans un formalisme multifractal.
“Universal intermittent properties of particle trajectories in highly turbulent flows”,
A. Arnéodo et al., Physical Review Letters 100 (25) (2008): 254504.
Cas de particules solides plus réalistes :
Nos études précédentes ont porté sur des inclusions de petite taille (par rapport à la taille des
tourbillons élémentaires, ou échelle de Kolmogorov) et de masse volumique proche de celle du fluide porteur. Dans ce cas les effets de traînée et d’inertie sont négligeables, et les inclusions
peuvent être considérées comme des particules de fluide. Afin de se rapprocher de cas plus
réalistes (intervenant en turbulence environnementale, par exemple) nous voulons prendre en compte les effets d’inertie (lorsque la particule est plus lourde que le fluide) et de traînée
turbulente (lorsque sa taille est grande devant l’échelle dissipative de Kolmogorov). Ces propriétés
sont aujourd’hui mal connues et font l’objet de nombreux débats.
Dans une approche de type perturbative, nous avons établi analytiquement les effets de taille
finie (au premier ordre) sur la dynamique d’une particule de rayon R :
pSVpf
fpvu
Rdt
ud
dt
vd
2
3
2
3
où dtvd p /
représente l’accélération de la particule ; f et p représentent respectivement les
masses volumiques du fluide porteur et de la particule et est la viscosité du fluide.
Le premier terme de droite contient les effets de masse ajoutée liée à l’inertie du fluide dans un volume équivalent à celui de la particule ; le deuxième terme de droite est un terme de trainée où
intervient la vitesse relative du fluide intégrée sur une surface équivalente à celle de la particule.
Dans cette approche, la particule est fictive car l’on considère que l’écoulement ),( txu
n’est pas
perturbé (en première approximation) par la présence de la particule.
Nous avons étudié ce modèle par des simulations numériques directes (sans approximation)
conduites avec E. Calzavarini (post-doctorant au laboratoire). Les résultats numériques ont été
comparés avec des données expérimentales et ont montré que ce modèle permettait de rendre compte de manière pertinente des effets de taille finie des particules (en particulier, la diminution
de la variance et l’augmentation du temps de corrélation de l’accélération de la particule avec la
taille de celle-ci). Ces effets n’étaient pas pris en compte par les modèles théoriques précédents.
“Acceleration statistics of finite-sized particles in turbulent flows: the role of Faxén
forces”, E. Calzavarini, R. Volk, M. Bourgoin, E. Lévêque, J.-F. Pinton, F. Toschi,
Journal of Fluid Mechanics 630 (2009): 179-189.
Nous voulons maintenant raffiner ce modèle en incluant des effets de mémoire dont il faut tenir compte lorsque la particule devient significativement grande (au moins un ordre de grandeur)
devant l’échelle de Kolmogorov.
10
MODELISATION SOUS-MAILLE DE LA TURBULENCE
SIMULATION DES GRANDES ÉCHELLES
Pour de grandes valeurs du nombre de Reynolds, il est impossible de prendre en compte toutes les
structures dynamiques de l’écoulement par une simulation numérique directe (sans approximation)
des équations de Navier-Stokes. Le maillage nécessaire serait trop fin et les calculs trop volumineux. Il faut alors se résoudre à ne traiter numériquement que les grosses structures (ou
grandes échelles) du champ de vitesse : on réalise ainsi une simulation des grandes échelles de
l’écoulement (Large-Eddy Simulation). Les petites structures disparaissent de la dynamique mais leur influence sur les grosses structures doit être modélisée : il s’agit de la problématique générale
de la modélisation, dite sous-maille, des équations de la turbulence. La contrainte (mécanique)
exercée par les petites structures sur les grosses structures est habituellement prise en compte par une viscosité supplémentaire, appelée viscosité (tubulente) sous-maille.
Contrairement à la viscosité moléculaire qui est une propriété du fluide (et non de l’écoulement) la viscosité sous-maille est une propriété de l’écoulement (et non du fluide). La modélisation de cette
dernière devient ainsi un problème difficile lorsqu’il s’agit d’écoulements inhomogènes et
instationaires, où les propriétés statistiques de l’agitation turbulente du fluide dépendent à la fois de l’endroit où l’on se place (de la distance à une paroi solide, par exemple) et du temps (dans le
cas de lâcher tourbillonaire, par exemple).
Effet du gradient de vitesse moyenne près d’une paroi solide ; applications à la
simulation des grandes échelles :
Collaborateurs :
Pierre Borgnat, Hatem Touil (Laboratoire de Physique, Ens Lyon)
Gerardo Ruiz-Chavarria (Departamento de Fisica, UNAM, Mexico)
Federico Toschi (Istituto Applicazioni Calculo, CNR, Rome)
Jean-Pierre Bertoglio, Liang Shao, Jérôme Boudet, Adrien Cahuzac (LMFA, Ecole centrale Lyon)
Cette activité de recherche a débuté par une étude fondamentale de l’influence des inhomogénéités
de l’écoulement moyen sur les propriétés statistiques des fluctuations turbulentes. L’idée principale
était d’examiner comment la théorie de Kolmogorov (pour une turbulence homogène et isotrope)
pouvait être généralisée dans le cas d’une turbulence inhomogène, c'est-à-dire en tenant compte
du gradient de vitesse moyenne dans la description statistique des fluctuations turbulentes (PRL
00).
Pour la viscosité sous-maille, le célèbre modèle de Smagorinsky (1967) est l’expression de la
théorie de Kolmogorov. Ainsi notre étude, qui proposait une généralisation de la théorie de
Kolmogorov à une turbulence inhomogène, a conduit naturellement à une généralisation de la
viscosité sous-maille de Smagorinsky pour les écoulements inhomogènes.
“A shear-improved Smagorinsky model for large-eddy simulation of wall-bounded
flows”, E. Lévêque, F. Toschi, L. Shao and J.-P. Bertoglio, Journal of Fluid
Mechanics 570, 491 (2007).
Les premiers tests dans le cas d’un canal plan et pour l’écoulement derrière une marche
descendante (backward-facing step flow) se sont avérés très satisfaisants. Ce modèle (appelé SISM
pour shear-improved Smagorinsky’s model) produit des résultats de qualité essentiellement
11
équivalente à celle du modèle dynamique (une référence en la matière) mais avec un coût de calcul
qui est estimé environ 30% inférieur.
Le modèle SISM prédit correctement l’évolution des fluctuations turbulentes de vitesse en fonction de la
distance à la paroi (JFM 2007) et se compare très bien par rapport au modèle dynamique (modèle standard de
viscosité sous-maille) et aux données de référence (DNS). L’avantage du modèle SISM par rapport au modèle dynamique est son faible coût de calcul (30% inférieur).
La formulation du modèle SISM est simple (comparée aux modèles précédents) ce qui en fait un outil intéressant pour les applications : il est facile à implémenter numériquement car local en
espace ; il est stable numériquement car purement dissipatif ; il possède un coût de calcul
« optimisé » dans la mesure où le surcout de calcul lié à l’évaluation de la viscosité sous-maille est marginal. Ce constat nous motive à poursuivre cette étude et examiner comment le modèle se
comporte dans le cas d’écoulements complexes (inhomogènes et instationnaires). Ce travail est
mené en étroite collaboration avec Jérôme Boudet, Joëlle Caro et Adrien Cahuzac (qui a débuté une
thèse que je co-encadre, fin 2008) du groupe turbo-machine du Laboratoire de Mécanique et Acoustique de l’Ecole centrale de Lyon.
Applications à la simulation numérique des écoulements turbulents instationnaires… à suivre :
La viscosité sous-maille du modèle SISM dépend explicitement du gradient de vitesse
moyenne :
j
i
x
u
En théorie, la moyenne est une moyenne d’ensemble. Dans une simulation numérique, cette
moyenne d’ensemble peut être approximée par une moyenne temporelle si l’écoulement est
statistiquement stationnaire (en invoquant une propriété d’ergodicité). Si l’écoulement n’est pas
stationnaire, on peut toujours prétendre pouvoir l’estimer par une moyenne temporelle glissante en
supposant que le système reste « localement stationnaire » sur un intervalle de temps
caractéristique . Cette moyenne glissante peut ensuite être évaluée par un algorithme itératif en
supposant que les fluctuations de vitesse se décorrèlent de manière exponentielle sur l’intervalle de
12
temps . Ce raisonnement conduit à un algorithme, dit de lissage exponentiel, où l’estimation de la
vitesse moyenne au temps )1(n est donnée en fonction de l’estimation précédente au temps )(n
et de la valeur instantanée de la vitesse au temps )1(n :
)(
exp
)(
exp
)1(1
n
i
n
i
n
i ucucu
On peut montrer analytiquement que le coefficient de pondération expc est alors relié explicitement
au temps caractéristique (fixé par des arguments physiques) par la formule
tc
3
2exp où
)()1( nn ttt est le pas de temps de la simulation numérique.
Ainsi pour un écoulement turbulent (associé à un temps caractéristique l’algorithme de
lissage exponentiel permet d’obtenir très simplement une estimation du champ de vitesse moyenne
au fil de la simulation et de suivre son évolution. Dans notre contexte de la simulation des grandes
échelles, cette estimation du champ de vitesse moyenne est précieuse car elle permet d’obtenir
une paramétrisation directe de la viscosité sous-maille du modèle SISM, qui s’adapte ainsi
automatiquement aux instationnarités de l’écoulement. C’est l’atout majeur de cette nouvelle
méthode. Des premiers résultats ont démontré la performance de cette méthode, qui est très
souple et, surtout, ne fait appel à aucun ajustement empirique.
« Numerical studies towards practical large-eddy simulation »
J. Boudet, J. Caro, L. Shao et E. Lévêque
Journal of Thermal Science 16 (4), 328-336 (2007)
Dans l’algorithme précédent, il est nécessaire d’introduire une valeur a priori du temps
caractéristique . Une solution plus satisfaisante serait de pouvoir estimer ce temps de manière
dynamique au cours de la simulation et ainsi s’affranchir de cette valeur a priori. Une telle solution
a été mise au point en développant un filtre de Kalman adaptatif. En bref, il s’agit de considérer de
nouveau un lissage exponentiel mais avec un coefficient de pondération expc qui s’adapte
dynamiquement en fonction du niveau de fluctuation de l’écoulement.
Ce travail a été mené avec Pierre Borgnat de l’équipe « traitement du signal » du laboratoire et a conduit à un article (à paraître dans Physics of Fluids). Les résultats obtenus sont prometteurs et
démontre l’efficacité de la méthode dans le cas d’un écoulement de sillage instationnaire
(écoulement autour d’un cylindre dans le régime turbulent sous-critique).
« Smoothing algorithms for mean-flow extraction in large-eddy simulations of
complex turbulent flows », A. Cahuzac, J. Boudet, P. Borgnat et E. Lévêque
soumis à Physics of Fluids (2009)
Une collaboration avec Peugeot est en cours de montage pour tester cette méthode sur des
simulations d’aérodynamique dans le domaine de l’automobile.
13
Simulation numérique des grandes échelles de l’écoulement autour d’un cylindre à ReD=47000 (régime
turbulent sous-critique) obtenu avec le modèle SISM. L’écoulement est instationnaire : la couche limite
laminaire se décolle et génère un lâcher tourbillonaire alterné dans le sillage turbulent du cylindre. Le temps caractéristique de l’écoulement est ici donné par = d/U∞ (d est le diamètre du cylindre et U∞ la
vitesse en amont). À gauche : le champ de vorticité instantanée (dans la direction de l’axe du cylindre) ; à
droite : le champ de vorticité moyenne estimé par l’algorithme de lissage exponentiel. Alors que le champ instantané manifeste un large spectre de structures dynamiques, le champ moyen met en évidence
essentiellement l’instationnarité liée au lâcher tourbillonaire, comme cela est attendu.
Table extraite de notre article soumis à Physics of Fluids pour la simulation numérique des grandes échelles de
l’écoulement autour d’un cylindre à ReD=47000. La comparaison de nos résultats numériques (LES) avec des données expérimentales à des nombres de Reynolds équivalents est très satisfaisante. La figure de droite
montre les structures tourbillonaires qui se détachent dans le sillage du cylindre.
Les résultats numériques (LES) sont en très bon accord avec des données expérimentales (symboles) pour la
distribution angulaire des contraintes de cisaillement et de pression à la paroi du cylindre. Il s’agit d’un résultat important qui démontre l’efficacité (en terme de rapport précision/coût de calcul) de notre méthode.
14
Organisation d’une École Thématique :
Sur le thème des enjeux de modélisation en turbulence, j’ai organisé avec Jean-Pierre Bertoglio
(LMFA, Ecole centrale de Lyon) une École Thématique du Cnrs : « Phenomenology and Modelling Issues in Turbulence : Towards applications » du 17 au 22 avril 2006 à Cargèse. L’objectif principal
de cette école était « de mettre en contact et faire interagir des chercheurs provenant de deux
communautés différentes, l’une orientée vers la physique théorique (aspects fondamentaux,
description théorique des mécanismes de la turbulence) et l’autre vers la mécanique des fluides (cinétique globale des systèmes turbulents, simulation numérique de la turbulence). »
Les enjeux de modélisation en turbulence ont été abordé du point de vue de la phénoménologie et de la théorie sous la forme de mini-cours de 3h. (par R. Benzi, B. Castaing, P. Moin et P.
Sagaut). Les applications ont été présentées sous la forme de séminaires de 1.5h ; les industriels
contactés ont répondu présents (Renault, Dassault). L’ensemble des cours et des présentations a conduit à l’édition d’un CD-ROM.
15
CONVECTION TURBULENTE
DANS LES ETOILES VARIABLES
Depuis 2001, je participe avec Isabelle Baraffe et Cédric Mulet-Marquis du Centre de Recherches Astrophysiques de Lyon (Ens-Lyon), au développement d’un code de simulation
numérique de la dynamique des étoiles variables. Dans ce projet, j’apporte mes compétences en
matière de modélisation et simulation numérique de la turbulence.
Le contexte général de ce travail est l’étude de processus physiques, caractéristiques de
phases de l’évolution stellaire, à partir de simulations hydrodynamiques multidimensionnelles. Les simulations multidimensionnelles sont aujourd’hui devenues indispensables pour progresser dans le
domaine de la physique stellaire, car les simulations unidimensionnelles, basées sur des approches
phénoménologiques simplifiées (par exemple, l’hypothèse de longueur de mélange pour tenir
compte de la turbulence), sont arrivées à leur limite dans la compréhension des processus physiques mis en jeu dans les étoiles.
Nous nous intéressons plus spécifiquement aux céphéides : des étoiles variables sphériques qui subissent des expansions et contractions très régulières (période de 1 à 100 jours). Un des
problèmes fondamentaux dans le domaine des pulsations stellaires, qui est actuellement toujours
sans réponse, est de comprendre et de modéliser l’interaction entre la convection turbulente (les nombres de Reynolds et de Rayleigh sont supérieurs à 1010) et l’oscillation de l’étoile.
L’objectif que nous nous sommes fixés est le développement d’un code hydrodynamique bidimensionnel, en coordonnées sphériques avec symétrie azimutale. Les variables du problème
sont la densité massique, la vitesse et l’énergie interne du milieu (un gaz polytropique en première
approximation). Les équations de la physique sont discrétisées en espace par la méthode des
volumes finis : l’espace est divisé en petits volumes et les lois sont réécrites (sous forme conservative) pour chaque volume. Le choix de la discrétisation en temps est délicat. En effet,
parce que le phénomène de pulsation met en jeu des échelles de temps très grandes devant le pas
de temps imposé par le critère de stabilité numérique CFL, un schéma explicite est exclus. Nous avons donc opté pour un schéma implicite, plus stable, mais qui nécessite un traitement numérique
beaucoup plus complexe.
Au plan international, il n’existe pas de code multidimensionnel implicite en temps en
astrophysique. La plupart des codes modernes actuels sont explicites en temps et leur application
ne peut être étendue aux processus d’évolution stellaire. La raison de ce manque est liée à la
complexité et à la lourdeur numérique engendrée par l’utilisation des méthodes implicites.
Une première version de notre code est maintenant opérationnelle (et validée sur un certain
nombre de cas tests) et a été présentée pour la première fois en 2009 dans une conférence
internationale.
Quelques détails techniques sur le code :
le problème de pulsation stellaire requiert la résolution de quatre équations dynamiques : conservation de
la masse ; conservation de la quantité de mouvement ; conservation de l’énergie interne avec un terme de
diffusion radiative (équation de Poisson supplémentaire). Le terme de gravitation est simplifié. Un terme
supplémentaire de viscosité turbulente sous-maille a été inclus car la simulation numérique ne peut pas
résoudre toutes les échelles de la turbulence.
le schéma de discrétisation spatiale nécessite une méthode d’interpolation pour estimer les flux (masse,
quantité de mouvement, énergie) à travers les faces des volumes élémentaires. Nous avons opté (après
analyse des différents schémas possibles) pour un schéma d’ordre deux de type Van-Leer. Ce type de
méthode combinée (volumes finis + Van-Leer) est couramment utilisé en mécanique des fluides et a fait
ses preuves en tant que schéma conservatif (peu dissipatif) et stable.
16
pour la résolution des équations discrètes implicites en temps nous utilisons une méthode itérative de type
Newton-Raphson. Cette méthode est simple et efficace. L’algorithme a été optimisé en utilisant des
bibliothèques dédiées d’algèbre linéaire. La stabilité et la convergence de notre code ont été testées sur
des cas simplifiés d’enveloppe stellaire.
“Implicit multi-d simulations of stellar interiors --- Convection in pulsating stars »,
M. Viallet et al., 4th International Conference on Numerical Modeling of Space
Plasma Flows, Chamonix (2009)
Ce projet est ciblé sur un problème spécifique de dynamique des fluides dans les étoiles :
convection turbulente, instabilités, oscillations. Il offre cependant, grâce au développement d’un
outil numérique implicite en temps (permettant de suivre des phénomènes se produisant sur des
temps très grands par rapport au temps élémentaire de l’hydrodynamique) une ouverture de
grande envergure sur de nombreux problèmes de physique stellaire. Dans ce projet, j’ai
principalement participé à la phase de conception du code, en contribuant à définir la structure du
code et les méthodes numériques employées. Aujourd’hui le code est rentré dans une phase plus
de développement dans laquelle je suis beaucoup moins impliqué.
Ce projet a été appuyé par une bourse ANR (programme non thématique) obtenue sur la
période 2005-2008. Un post-doctorant est venu renforcer notre équipe pendant deux ans (2007-
2008). L’équipe s’est également étoffée avec le recrutement d’un nouveau post-doctorant (en
2009) et d’un professeur en astrophysique à l’Ens-Lyon (en 2008).
Bord convectif d’une étoile pulsante (résultat scientifique publié, obtenu avec notre code).
En marge de cette activité en astrophysique, j’interagis avec Wolfram Schmidt de l’Institut für
Theoretische Physik und Astrophysik à Würzburg (Allemagne) pour implémenter le modèle de
viscosité sous-maille SISM (voir section précédente) dans le très populaire code AMR (Adaptive Mesh Refinement) ENZO pour la cosmologie.
17
TURBULENCE SUPERFLUIDE
Il s’agit d’un programme de recherche démarré en 2008.
Collaborateurs :
P.-E. Roche (Institut Néel, Grenoble)
P. Diribarne (CEA, Grenoble)
C. Barenghi (School of Mathematics and Statistics, Newcastle Univ., United Kingdom)
L. Chevillard, B. Castaing (laboratoire de physique, Ens-Lyon)
Les fluides quantiques à température finie (non nulle) présentent une dynamique intermédiaire entre celle régit par les équations de Navier-Stokes et celle régit par les équations
d’Euler. En effet, ces fluides peuvent être vus comme un « mélange intime » d’un fluide visqueux
Newtonien : le fluide normal, et d’un fluide sans viscosité : le superfluide. La proportion relative de ces deux composantes varie entre 0 et 100% selon la température, la composante superfluide
devenant prépondérante vers les basses températures. Il s’agit par exemple de la dynamique de
l'hélium en dessous de 2,17 K, une gamme de température dans laquelle plusieurs expériences sont menées en France (projet « Toupie » de soufflerie superfluide de l'Institut Néel ; expérience
collaborative « Shrek » au CEA Grenoble) et à l’étranger.
L’étude de la turbulence dans les fluides quantiques (ou turbulence superfluide) s’est imposé
comme une voie originale pour étudier le rôle de la dissipation visqueuse en turbulence, la
température constituant une variable d’ajustement des effets de la viscosité aisément contrôlable
dans les expériences. Nous sommes plus particulièrement intéressés par le régime des températures basses mais non nulles, pour lesquelles la composante superfluide domine. Nous
voulons comprendre par quel(s) mécanisme(s) le fluide quantique parvient cependant à dissiper
son énergie cinétique. Dans ce cas, le transfert d’énergie entre les deux composantes, normale et superfluide, devrait jouer un rôle fondamental puisque seule la composante normale du fluide
quantique est capable de dissiper. Enfin, la description actuelle de la turbulence superfluide repose
sur l'hypothèse centrale que la dissipation totale d’énergie cinétique et l’enstrophie superfluide sont liées par une relation de proportionnalité similaire à celle qui existe pour les fluides Newtoniens. Le
coefficient de proportionnalité (homogène à une viscosité cinématique) permet a priori de définir
une viscosité effective pour le fluide quantique. Cette modélisation, élaborée pour rendre compte de résultats expérimentaux, est auto-consistante mais l’hypothèse centrale sur laquelle elle repose
n'a été jamais testée, ni expérimentalement, ni numériquement. Notre projet vise également à
progresser sur ce point. Les implications pour l'interprétation de nombreuses expériences, et en
particulier de celles citées précédemment, est immédiate.
Nous considérons un modèle dans lequel les dynamiques des composantes normale et
superfluide du fluide quantique obéissent respectivement aux équations de Navier-Stokes et d’Euler, et une force de couplage est ajoutée afin de rendre compte de l’interaction entre les deux
composantes. Il s’agit ici d’une description à des échelles grandes devant l’échelle de quantification
de la vorticité du superfluide ; les effets de quantification sont ici lissés justifiant ainsi une description de type milieu continu. La contrepartie de cette perte d'information sur la structure des
vortex quantiques est l'obtention d'un modèle plus facile à étudier, en particulier numériquement.
nnnss
n
n
nn vFpvvt
1 pour la composante normale
ns
nsn
s
s
ss Fpvvt
1 pour la composante superfluide
18
Nous avons considéré une force de couplage, nsF
, de type « frottement fluide » avec un
coefficient proportionnel à la norme de la vorticité (continue) du superfluide :
snsns vvB
F
2
B est une constante qui dépend (faiblement) de la température, ss v
est la vorticité du
superfluide et sn vv
est la vitesse de glissement entre des deux composantes. L’idée était ici de
pouvoir approcher de manière simple la dynamique d'un fluide quantique à température finie. Nous avons étudié cette dynamique numériquement.
Une difficulté majeure de la simulation directe d’un fluide quantique est liée à l'absence de
processus dissipatif pour le superfluide : ceci conduit à des problèmes numériques délicats, proches de ceux rencontrés dans les études des équations d'Euler (instabilités à petites longueurs d’onde).
L'originalité de notre approche consiste à donner au superfluide une viscosité finie, tout en veillant
à la garder suffisamment faible par rapport à celle du fluide normal pour approcher au mieux la limite Navier-Stokes/Euler. Un intérêt immédiat de notre modèle est de pouvoir se raccrocher à des
simulations traditionnelles des équations de Navier-Stokes et de pouvoir s'appuyer sur des codes
numériques bien optimisés.
Nos travaux ont constitué (avec une simulation de type LES publiée en 2006), les premières
simulations rendant compte du couplage réciproque entre les composantes superfluide et normale d’un fluide quantique dans le régime de turbulence. Nos travaux ont fait l'objet de deux
communications orales et ont conduit à la publication d'une lettre en 2009.
Quantum turbulence at finite temperature: the two-fluids cascade, P.-E. Roche,
C.F. Barenghi and E. Lévêque, EuroPhysics Letters 87:54006 (2009)
Turbulent cascade of a quantum fluid at finite temperature, E. Lévêque, C. F.
Barenghi, P. Diribarne and P.-E. Roche. In B. Eckhardt, editor, Advances in
Turbulence XII, volume Springer Proceedings in Physics 132, p. 281–4.
Proceedings of the 12th EUROMECH European Turbulence Conference, Sept 7-10,
2009, Marburg, Germany. Springer-Verlag Berlin Heidelberg (2009)
A two-fluid simulation for visualisation of He-ii turbulence. P.-E. Roche, E. Lévêque,
and C. F. Barenghi. In Workshop on Visualizing Thermo-Fluid Dynamics at Low
Temperature, San Antonio, TX, Nov. 19-21 (2008)
19
Nous avons constaté avec satisfaction l'efficacité de notre terme de couplage : en effet, les
deux fluides sont fortement asservis depuis les échelles de forçage et jusqu'à celles des structures vorticitaires. Cela est illustré quantitativement par les spectres de puissance des vitesses des deux
composantes qui se superposent sur toute la cascade d’énergie. La visualisation des champs de
vorticité des fluides normal et superfluide illustre qualitativement l'asservissement des structures respectives. Un tel asservissement était certes attendu dans le cadre du modèle de Vinen (W. F.
Vinen and J.J Niemela. Quantum turbulence, J. Low Temp. Phys., 128:167-231, 2002 --- K. Morris,
J. Koplik, and D. W. I. Rouson. Vortex Locking in Direct Numerical Simulations of Quantum
Turbulence. Phys. Rev. Lett., 101:015301, 2008). Cependant notre modèle apporte ici une confirmation indépendante du résultat dans un cadre différent (qui ne prend pas en compte la nature quantique des vortex du superfluide mais modélise explicitement l’interaction des fluide
normal et superfluide).
Un autre résultat important mis en évidence par nos simulations est que le "superfluide
entraîne le fluide normal" dans la cascade inertielle. Cet effet se manifeste par un transfert d'énergie du superfluide vers le normal. Ce résultat, a priori surprenant, est assez simple à
comprendre. En effet, à nombre de Reynolds fini, le fluide normal ressent les effets de la viscosité à toutes les échelles tandis que cela n’est pas le cas pour le superfluide (dont la viscosité est
beaucoup plus faible). En raisonnant à un nombre d'onde donné, on conçoit bien que le flux d'énergie dissipé par viscosité (pour le fluide normal) doit être compensé par un apport d’énergie
du superfluide afin que les fluides restent asservis l'un à l'autre. Ce mécanisme simple a été mis en
évidence par nos calculs.
Les champs d’enstrophie (norme au carré de la vorticité) des composantes normale (à droite) et superfluide (à
gauche) du fluide quantique sont très corrélés. Les composantes normale et superfluide sont fortement asservies.
Dans la suite, nous voulons considérer une forme plus physique de la force de couplage (dite
force de couplage Hall-Vinen-Bekarevich-Khalatnikov) :
avec la « vitesse de glissement » entre le fluide normal ( ) et le superfluide (
,
où représente la tension de vortex et avec la vorticité superfluide ; et
sont des constantes de couplage (constantes de l’ordre de l’unité). La tension de vortex est liée à la
20
distance typique entre les vortex quantiques, , et au rayon typique des vortex, :
où 2 . sec-1 est le quantum de circulation. D’autre part,
21
PRODUCTION SCIENTIFIQUE
ARTICLES PARUS ENTRE SEPTEMBRE 2005 - SEPTEMBRE 2009
R E V U E S A C O M I T E D E L E C T U R E
1. Chevillard, L., B. Castaing, E. Lévêque and A. Arnéodo, "Unified multifractal description of signed
longitudinal velocity increments statistics in turbulence", Physica D 218 (2006):77-82
2. E. Lévêque, F. Toschi, L. Shao and J.-P. Bertoglio, "A Shear-Improved Smagorinsky's model for wall-bounded flows", J. Fluid Mech. 570 (2007): 491-502
3. E. Lévêque, Chevillard, L., S.G. Roux, J.-F. Pinton, A. Arnéodo and N. Mordant, "Lagrangian
intermittencies in dynamic and static turbulent velocity fields from direct numerical simulations", Journal of Turbulence 8 (3) (2007) : 1-9
4. J. Boudet, J. Caro, L. Shao and E. Lévêque, "Numerical studies towards practical large-eddy
simulation", Journal of Thermal Science 16 (4) (2007) : 328-336
5. A. Arnéodo et al., “Universal intermittent properties of particle trajectories in highly turbulent
flows”, Physical Review Letters 100 (25) (2008) : 254504
6. P.-E. Roche, C.F. Barenghi and E. Lévêque, “Quantum turbulence at finite temperature: the two-fluids cascade”, EuroPhysics Letters 87 (2009):54006
7. E. Calzavarini, R. Volk, M. Bourgoin, E. Lévêque, J.-F. Pinton, F. Toschi, “Acceleration statistics of
finite-sized particles in turbulent flows: the role of Faxén forces”, J. Fluid Mech. 630 (2009): 179-189
À paraître :
8. A. Cahuzac, J. Boudet, P. Borgnat, E. Lévêque, “Smoothing algorithms for mean-flow
extraction in large-eddy simulations of complex turbulent flows”, soumis à Phys. of Fluids
(2009) --- preprint HAL
P R O C E E D I N G S À C O M I T É D E L E C T U R E
1. E. Lévêque, F. Toschi, L. Shao, and J.-P. Bertoglio, “Shear-Improved Smagorinsky Model
for Large-Eddy Simulation of Wall-Bounded Turbulent Flows”, Proceedings of the 5th
International Symposium on Turbulence and Shear Flow Phenomena, Munich (2007)
2. F. Toschi, E. Lévêque, L. Shao and J.-P. Bertoglio, “Shear-Improved Smagorinsky Model”,
Proceedings of the 11th Euromech European Turbulence Conference , Porto (2007)
3. J. Boudet, J. Caro, L. Shao et E. Lévêque, “Numerical studies towards adaptive large-eddy
simulation”, 8TH International Symposium on Experimental and Computational
Aerothermodynamics of Internal Flows (ISAIF) (2007)
4. E. Calzavarini et al., “Effects of Faxen forces on acceleration statistics of material particles
in turbulent flows”. In Advances in Turbulence XII. Proceedings of the 12th EUROMECH
European Turbulence Conference, Sept 7-10, 2009, Marburg, Germany. Springer-Verlag
Berlin Heidelberg (2009)
22
5. F. Toschi et al., “Lagrangian modeling and properties of particles with inertia”. In Advances
in Turbulence XII. Proceedings of the 12th EUROMECH European Turbulence Conference,
Sept 7-10, 2009, Marburg, Germany. Springer-Verlag Berlin Heidelberg (2009)
6. J. Boudet, P. Borgnat, E. Lévêque, “Towards practical large-eddy simulations of complex
turbulent flows”. In Advances in Turbulence XII. Proceedings of the 12th EUROMECH
European Turbulence Conference, Sept 7-10, 2009, Marburg, Germany. Springer-Verlag
Berlin Heidelberg (2009)
7. E. Lévêque, C.F. Barenghi, P. Diribarne, P.-E. Roche, “Turbulent cascade of a quantum fluid
at finite temperature”. In Advances in Turbulence XII. Proceedings of the 12th EUROMECH
European Turbulence Conference, Sept 7-10, 2009, Marburg, Germany. Springer-Verlag
Berlin Heidelberg (2009)
C H A P I T R E D ’ O U V R A G E
1. “An introduction to turbulence in fluids, and modeling aspects”, in Stellar fluid dynamics
and numerical simulations: from the sun to neutron stars, M. Rieutord and B. Dubrulle
(eds), European Astrophysical Society Publications Series, 21 (2006) 7-42
2. "The Physics of turbulence", E. Lévêque in Structure Formation in the Universe, G. Chabrier
(eds), Cambridge University Press (2009)
C O N F E R E N C E S I N V I T E E S D A N S D E S C O N G R E S I N T E R N A T I O N A U X
« Lagrangian intermittencies in dynamic and static velocity fields »
Challenging turbulent lagrangian dynamics, Castel-Gandolfo, Italie (2005)
« The physics of turbulence »
Structure formation in the Universe, Chamonix (2007)
23
A-3. ENSEIGNEMENT, FORMATION ET
DIFFUSION DE LA CULTURE SCIENTIFIQUE
E N C A D R E M E N T
étudiants en stage de M2, LMD Sciences de la Matière Ens-Lyon (2006-2007-2008)
Adrien Cahuzac a débuté une thèse (nov. 2008) sur les aspects cinétiques et acoustiques
en simulation des grandes échelles, avec application à l’étude du contrôle de l’écoulement de jeu en turbomachines. J’encadre cette thèse avec Jérôme Boudet du Laboratoire de
Mécanique des Fluides et Acoustique (LMFA) de l’Ecole centrale de Lyon.
E N S E I G N E M E N T
- Cours magistral + TD : analyse numérique M1 du LMD des sciences de la matière de l’Ens-Lyon
39 h., 1999-2008
- Cours magistral : hydrodynamique et turbulence
M2 du LMD des sciences de la matière de l’Ens-Lyon
école doctorale physique fondamentale et astrophysique (Ens-Lyon, université Lyon-1) 18 h., 2004-présent
- Petite Classe : introduction à la turbulence Seconde année de l’école nationale supérieure de techniques avancées, Paris
12 h., 2005-2008
F O R M A T I O N
An introduction to turbulence in fluids: phenomenology and modeling aspects
volume horaire : 3x1.5h (2007)
Ecole doctorale : Out-of-equilibrium phenomena and approach to thermalisation in heavy
ion collisions, Laboratoire de théorique de l’Université paris-Sud XI (orsay)
O R G A N I S A T I O N C O N F E R E N C E S , W O R K S H O P S , E T C .
co-organisateur (avec Jean-Pierre Bertoglio) de l’école thématique du CNRS
Phenomenology and modelling issues in turbulence : towards applications
Institut d’études scientifiques de Cargèse (2006)
co-responsable de la session S23 : turbulence, dispersion turbulente
du Congrès Français de Mécanique, Grenoble (2007)
24
co-organisateur du Congrès Français d’Acoustique (Lyon, 2010)
R E F E R E E
Physical Review Letters, Physical Review E, Physics of Fluids, Journal of Fluid Mechanics, Physica D,
European Physical Journal B, New Journal of Physics, Journal of Turbulence
A-4. TRANSFERT TECHNOLOGIQUE
Participant du projet industriel LaBS (piloté par Renault, 2009-2012) soutenu par le FUI-8 (Fonds Unique Interministériel) et labellisé par les pôles de compétitivité Lyon Urban Trucks and Bus,
Sytematic, Moveo, MTA
Conception, développement et validation d’un logiciel commercial de simulation en aérodynamique et acoustique basé sur la méthode de Boltzmann sur réseau
dans ce projet, je suis coordinateur de l’activité « recherche amont » budget total 4 MEuros (2009-2012) dont 300 KEuros pour l’Ens-Lyon
un accord de consortium entre l’Ens-Lyon, l’UPMC, le CNRS, Renault, Airbus et CS définira les droits de propriété sur le logiciel.
QuickTime™ et undécompresseur
sont requis pour visionner cette image.
L’ensemble des partenaires du projet LaBS.
A.5 – ENCADREMENT, ANIMATION ET MANAGEMENT DE LA RECHERCHE
R E S P O N S A B I L I T E S
Responsable du Pôle Scientifique Modélisation Numérique de l’Ens-Lyon (depuis 2007)
Membre Fédération Lyonnaise de Calcul-Haute Performance / Calcul Intensif Rhône-Alpes
http://www.psmn.ens-lyon.fr/
25
Représentant de l’Ens-Lyon au conseil des partenaires du Centre de Calcul pour la
Recherche et les Technologies du CEA (2001-2007)
Membre de la commission de spécialistes Sciences et techniques de la mécanique et de
l’énergie de l’Ecole Centrale de Lyon (2004-2007)
Membre de la commission de spécialistes Physique de l’Ens-Lyon (2004-2007)
C O N T R A T S
ANR
NT05-3 42319
156 KEuros
Evolution stellaire multi-dimensionnelle :
effets de la convection turbulente sur la
dynamique des étoiles variables
Responsable :
Isabelle BARAFFE
(Centre Recherche Astronomique de Lyon)
2006 - 2008
ANR
07-BLAN-0155-02 580 KEuros
Transport turbulent de particules Responsable :
Alain Pumir (LJAD, Nice)
2007 - 2010
FUI-8 LABS
300 KEuros
LAttice Boltzmann Solver Responsable : Denis Ricot (Renault)
2009 - 2012
Heures de calcul :
- CINES : 6000h (2001) ; 10000h (2002) ; 10000h (2003) ; 10000h (2008) ; 40000h (2009)
- CCRT-CEA : 10000h (2004 - 2006) ; 60000h (2009)
26
B - OBJECTIFS
Dans le futur, je voudrais développer mon activité liée à la modélisation et la simulation
numérique des écoulements complexes, en m’intéressant en particulier à la méthode Boltzmann
sur réseau.
La méthode Boltzmann sur réseau est construite sur l’idée de représenter la dynamique d’un
fluide à partir de règles locales très simples d’interaction et de transport de populations de particules sur un réseau discret à l’échelle mésoscopique (intermédiaire entre l’échelle
microscopique et l’échelle macroscopique). En ce sens, on peut la considérer comme une version
discrète de l’équation de Boltzmann. Ce lien entre la théorie cinétique des gaz et la méthode
Boltzmann sur réseau, accepté initialement de manière intuitive, est maintenant bien établi théoriquement et mathématiquement (X. Shan & X. He, “Discretization of velocity space in the
solution of the Boltzmann equation“, Phys. Rev. Lett. 80, 65-68 (1998)).
Depuis le début des années 90, la méthode Boltzmann sur réseau connait un succès
grandissant dans de nombreux domaines en mécanique des fluides. En effet, par sa simplicité
d’utilisation, sa précision intrinsèque et par sa capacité à modéliser des phénomènes physiques à petites échelles, elle s’impose souvent comme une alternative convaincante aux schémas standards
de modélisation numérique basés sur les équations de Navier-Stokes. Cette méthode est
particulièrement bien adaptée aux simulations massivement parallèles avec un très grand nombre de mailles de calcul. En effet, son algorithme fait intervenir assez peu d’opérations arithmétiques et
de plus, son caractère local en espace et explicite en temps rend sa parallélisation très efficace (par
la technique de décomposition de domaine). À l’époque actuelle où les calculs massivement parallèles se démocratisent (avec les accélérateurs graphiques, par exemple), il n’est pas étonnant
de constater que les simulations de très grandes tailles basées sur cette méthode sont de plus
nombreuses (citons par exemple, la simulation de magnéto-hydrodynamique réalisée sur le
supercalculateur Earth Simulator sur 4800 processeurs pour un nombre de mailles de l’ordre de 3 milliards en 2005).
La méthode Boltzmann sur réseau permet d’envisager l’étude numérique de problèmes complexes, et largement ouverts, tels que l’interaction turbulence - acoustique ou l’interaction
turbulence - électromagnétisme (un sujet important qui fait aujourd’hui débat, en particulier autour
de l’effet dynamo). Pour ma part, j’ai déjà entrepris d’exploiter cette méthode pour approfondir notre étude du transport de particules par la turbulence. La méthode Boltzmann sur réseau devrait
nous permettre de résoudre exactement l’écoulement du fluide autour de la particule en
mouvement et ainsi s’affranchir de l’hypothèse réductrice de « particule fictive » requise pour des raisons de coût de calcul dans les simulations numériques standards.
27
Implications dans le projet industriel LaBS :
Dans le cadre de ce programme de recherche je participe d’ores et déjà au projet industriel
LaBS (2009-2012, piloté par Renault) ; un post-doctorant (Hatem Touil) a été recruté. Le projet
LaBS a pour objectif « la conception, le développement et la validation d’un logiciel commercial de simulation en aérodynamique et acoustique basé sur la méthode de Boltzmann sur réseau », dont
le CNRS sera co-propriétaire (dans le cadre d’un accord de consortium avec l’ensemble des
partenaires du projet).
QuickTime™ et undécompresseur
sont requis pour visionner cette image.
L’ensemble des partenaires du projet LaBS.
Le logiciel LaBS repose sur une modélisation de type simulation des grandes échelles. Sur ce point, il s’agit précisément pour nous de mettre en application (dans le contexte de la méthode
Boltzmann sur réseau) nos résultats antérieurs sur la modélisation de la viscosité sous-maille des
écoulements turbulents inhomogènes et instationnaires (voir rubrique modélisation numérique de la turbulence).
À noter que je coordonne pour le projet LaBS les activités de « recherche amont », ce qui me permet de dégager une vue synthétique des problématiques théorique/numérique/informatique
liées à l’utilisation de la méthode Boltzmann sur réseau. Ce logiciel est clairement tourné vers les
applications industrielles ; cet aspect applicatif est une coloration que je désire également donner à
mes activités de recherche futures.