questions d'economie basket : unenjeu...

2
QUESTIONS D'ECONOMIE BASKET : UN ENJEU EUROPEEN PARD.PRIMAULT Le basket voit le jour à Springfield (USA) en 1891 et se propage très rapi- dement par l'intermédiaire d'un ré- seau protestant. Le premier match en Europe se déroule à Paris le 27 dé- cembre 1893. Aujourd'hui la balle orange compte en France 355 076 adeptes licenciés(es) faisant du basket le premier sport col- lectif féminin et le second masculin. Un effectif accru de 18% en 10 ans. Bien plus que la pratique licenciée, c'est le spectacle basket qui connaît une formidable expansion. L'ère du professionnalisme véritable (et assumé) débute avec la création de la Ligue (alors Comité des clubs de haut niveau) en juin 1987. Depuis lors, l'intérêt pour ce spectacle ne se dé- ment pas. Et le basket est, en 1991, un sémillant centenaire. Le public Les conditions de son accueil (capacité, confort) se sont considérablement amélio- rées. En un an Pau, Antibes, Levallois se sont dotés de superbes salles particulièrement adaptées au basket. Les 1 500 spectateurs de moyenne que connaissait la N1A en 1986- 1987 sont aujourd'hui près de 3 000 (2 921 en 1990-1991). Malgré tout, la part des recettes au guichet dans l'ensemble du budget, se ré- duit constamment (24% en 1991-1992). Les sponsors et les collectivités territo- riales Ils apportent une contribution essentielle au basket professionnel : - soit en intervenant directement dans la ges- tion des clubs, il y a en N1A 3 clubs consti- tués en société à objet sportif (Racing Paris avec ADIA, Lyon CRO avec Jet Services et St-Quentin) et 4 en société d'économie mixte (Limoges, Pau-Orthez, Gravelines, Mulhou- se) ; - soit en finançant seulement le club. Les sponsors fournissent 37% des recettes des clubs de N1A (100 MF). Les collectivités territoriales interviennent à hauteur de 39% (105 MF). Des budgets inflationnistes (cf. tableau) Le budget prévisionnel agrégé de l'ensemble des clubs de N1A représente 360 MF pour la saison 1991-1992 (16 équipes), soit une moyenne de 22.5 MF par club, celle-ci était de 16.6 MF pour 1990-1991. La masse salariale intervient pour 72% dans les dépenses. Les médias C'est le service public (Antenne 2) qui a ou- vert l'accès du petit écran au basket en 1987 (contrat d'exclusivité de 3 ans avec la Ligue sur le championnat). Alors qu'Orthez signait dans le même temps le premier accord en tant que club pour ses matches de coupe d'Europe. Aujourd'hui le basket à la télévision c'est, outre les chaînes câblées (TV/Sport, Euro- sport, Paris-Première) Antenne 2-FR3 et Ca- nal Plus. La concurrence qu'elles se livrent fait monter les droits de retransmission, le temps est révolu où la Fédération devait payer pour faire retransmettre du basket. Pour la saison 1991-1992 les droits de télévi- sion représentent un apport de 12 MF au mi- nimum : 2,5 MF pour le championnat (1), 8,5 MF pour les coupes d'Europe, 1 MF pour l'Equipe de France, pour un minimum de 40 matches diffusés. L'évolution des taux d'audience montre éga- lement un intérêt accru ; 1,3% (2) en moyen- ne pour le premier semestre 1989, 2,2% sur l'ensemble de l'année 1990 puis 3,4 lors du 1er semestre 1991 avec près de 20% de parts de marché (19,92%) (3). Chaque match télévisé a été vu en moyenne par 1,6 millions de télé- spectateurs. L'année 1991 est celle de l'explosion de la presse Magazine basket. Il n'existait jus- qu'alors qu'un mensuel à diffusion nationale (hors presse fédérale) : « Maxi-Basket », il en cohabite aujourd'hui 4 (Maxi-basket, Mon- dial-basket, 5 majeur. Basket). La concurrence que se livrent notamment Maxi-basket et Mondial-basket a élargi un lectorat jusqu'à présent limité à 42 000 per- sonnes. Un effet de mode ? La modification du paysage de la presse ma- gazine est largement la résultante de cet effet (venu des USA). Un chiffre le traduit parfai- tement celui de l'augmentation des ventes de chaussures : 36% en valeur en 1 an (contre 10% pour les jogging). Nike France, de son côté, annonce une progression de ses ventes de 300% en volume en 2 ans. Chez Reebok on indique que 20% des « baskets » vont dans les salles et 80% dans la rue. Ce phénomène se retrouve dans les salles de basket dès qu'un joueur ou une équipe est es- tampillé NBA : 08/09/90 : 8 000 personnes se pressent à l'en- trée d'une petite salle parisienne pour voir M. Jordan la star NBA. 19/10/91 : 14 133 personnes se précipitent à Bercy pour voir les lakers de Los Angeles de Magic Johnson (record pour un match de bas- ket en France). R. ROTH Source : L'Equipe 20 juin 1991. 34 Revue EP.S n°234 Mars-Avril 1992. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

Upload: others

Post on 08-Oct-2020

3 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: QUESTIONS D'ECONOMIE BASKET : UNENJEU EUROPEENuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70234-34.pdf · Bercy pour voir les lakers de Los Angeles de Magic Johnson (record

QUESTIONS D'ECONOMIE

BASKET : UN ENJEU EUROPEEN PAR D. PRIMAULT Le basket voit le jour à Springfield

(USA) en 1891 et se propage très rapi­dement par l'intermédiaire d'un ré­seau protestant. Le premier match en Europe se déroule à Paris le 27 dé­cembre 1893. Aujourd'hui la balle orange compte en France 355 076 adeptes licenciés(es) faisant du basket le premier sport col­lectif féminin et le second masculin. Un effectif accru de 18% en 10 ans. Bien plus que la pratique licenciée, c'est le spectacle basket qui connaît une formidable expansion. L'ère du professionnalisme véritable (et assumé) débute avec la création de la Ligue (alors Comité des clubs de haut niveau) en juin 1987. Depuis lors, l'intérêt pour ce spectacle ne se dé­ment pas. Et le basket est, en 1991, un sémillant centenaire.

Le public Les conditions de son accueil (capacité, confort) se sont considérablement amélio­rées. En un an Pau, Antibes, Levallois se sont dotés de superbes salles particulièrement adaptées au basket. Les 1 500 spectateurs de moyenne que connaissait la N1A en 1986-1987 sont aujourd'hui près de 3 000 (2 921 en 1990-1991). Malgré tout, la part des recettes au guichet dans l'ensemble du budget, se ré­duit constamment (24% en 1991-1992).

Les sponsors et les collectivités territo­riales Ils apportent une contribution essentielle au basket professionnel : - soit en intervenant directement dans la ges­tion des clubs, il y a en N1A 3 clubs consti­tués en société à objet sportif (Racing Paris avec ADIA, Lyon CRO avec Jet Services et St-Quentin) et 4 en société d'économie mixte (Limoges, Pau-Orthez, Gravelines, Mulhou­se) ; - soit en finançant seulement le club. Les sponsors fournissent 37% des recettes des clubs de N1A (100 MF). Les collectivités territoriales interviennent à hauteur de 39% (105 MF).

Des budgets inflationnistes (cf. tableau) Le budget prévisionnel agrégé de l'ensemble des clubs de N1A représente 360 MF pour la saison 1991-1992 (16 équipes), soit une moyenne de 22.5 MF par club, celle-ci était de 16.6 MF pour 1990-1991. La masse salariale intervient pour 72% dans les dépenses.

Les médias

C'est le service public (Antenne 2) qui a ou­vert l'accès du petit écran au basket en 1987 (contrat d'exclusivité de 3 ans avec la Ligue sur le championnat). Alors qu'Orthez signait dans le même temps le premier accord en tant que club pour ses matches de coupe d'Europe. Aujourd'hui le basket à la télévision c'est, outre les chaînes câblées (TV/Sport, Euro-sport, Paris-Première) Antenne 2-FR3 et Ca­nal Plus. La concurrence qu'elles se livrent fait monter les droits de retransmission, le temps est révolu où la Fédération devait payer pour faire retransmettre du basket. Pour la saison 1991-1992 les droits de télévi­sion représentent un apport de 12 MF au mi­nimum : 2,5 MF pour le championnat (1), 8,5 MF pour les coupes d'Europe, 1 MF pour l'Equipe de France, pour un minimum de 40 matches diffusés. L'évolution des taux d'audience montre éga­lement un intérêt accru ; 1,3% (2) en moyen­ne pour le premier semestre 1989, 2,2% sur l'ensemble de l'année 1990 puis 3,4 lors du 1er semestre 1991 avec près de 20% de parts de marché (19,92%) (3). Chaque match télévisé a été vu en moyenne par 1,6 millions de télé­spectateurs.

L'année 1991 est celle de l'explosion de la presse Magazine basket. Il n'existait jus­qu'alors qu'un mensuel à diffusion nationale (hors presse fédérale) : « Maxi-Basket », il en cohabite aujourd'hui 4 (Maxi-basket, Mon­dial-basket, 5 majeur. Basket). La concurrence que se livrent notamment Maxi-basket et Mondial-basket a élargi un lectorat jusqu'à présent limité à 42 000 per­sonnes.

Un effet de mode ?

La modification du paysage de la presse ma­gazine est largement la résultante de cet effet (venu des USA). Un chiffre le traduit parfai­tement celui de l'augmentation des ventes de chaussures : 36% en valeur en 1 an (contre 10% pour les jogging). Nike France, de son côté, annonce une progression de ses ventes de 300% en volume en 2 ans. Chez Reebok on indique que 20% des « baskets » vont dans les salles et 80% dans la rue. Ce phénomène se retrouve dans les salles de basket dès qu'un joueur ou une équipe est es­tampillé NBA :

08/09/90 : 8 000 personnes se pressent à l'en­trée d'une petite salle parisienne pour voir M. Jordan la star NBA. 19/10/91 : 14 133 personnes se précipitent à Bercy pour voir les lakers de Los Angeles de Magic Johnson (record pour un match de bas­ket en France).

R.

RO

TH

Source : L 'Equipe 20 juin 1 9 9 1 .

34

Revue EP.S n°234 Mars-Avril 1992. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

Page 2: QUESTIONS D'ECONOMIE BASKET : UNENJEU EUROPEENuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70234-34.pdf · Bercy pour voir les lakers de Los Angeles de Magic Johnson (record

Un spectacle très prisé en Europe méditer­ranéenne

En Italie ce sont en moyenne 4 175 specta­teurs qui assistent à chacun des matches de la saison régulière en Al (équivalent de notre N1A) et 6 182 pour les phases finales. Il est vrai que la capacité moyenne des salles y est de 6 800 places. Toutefois ce succès est bâti à partir d'un ef­fectif licencié (160 000 personnes) plus de deux fois inférieur à celui de la Fédération française de basket-ball. La télévision très friande de ce spectacle dé­bourse 50 MF (RAI) pour diffuser 63 ren­contres dans l'année, malgré une audience moyenne relativement faible : 866 000 télé­spec ta t eu r s pendant la sa ison régu l iè re 1 135 000 pendant les phases finales. L ' e n g o u e m e n t en Espagne est un peu moindre. 3 693 spectateurs en moyenne suivent les matches de la saison régulière. 9 761 assistent aux phases finales, la palme revenant au Bar­ça (club de Barcelone) qui accueille 12 244 spectateurs en moyenne. La télévision espa­gnole (TVE) offre à la Ligue de basket (ACB) 55 MF pour retransmettre 52 rencontres dans la saison. La finale de la coupe a été suivie par plus de 9 millions de téléspectateurs. La Grèce s'est également pris d'une passion dévorante pour ce sport depuis son titre de championne d'Europe en 1984.

Les condi t ions économiques d 'un cham­pionnat européen

La FIBA a commandé à I.S.L. Marketing une étude, demeurée confidentielle, concernant la mise en place d'une véritable Ligue euro­péenne pour la saison 1992-1993. Cette étude c o m m u n i q u é e début 1991 , env i sage un c h a m p i o n n a t avec un m i n i m u m de 12 équipes, les pays représentés devant être dans l'ordre : Italie, Espagne, France. Allemagne. Angleterre. Scandinavie (1 équipe), Yougo­slavie. Grèce, Pays-Bas, URSS, Israël.

Les ressources espérées sont évaluées comme suit : 6 sponsors principaux : 12 M de $ franchises (maillot, ballons...) 6 M de S

1 sponsor « titre » (donnant son nom à la Ligue) 6 M de $ Autres sponsors : 1,5 M de $

TOTAL : 25,5 M de S

10,5 M de $ sont attendus des droits de re­transmission de 55 matches par saison, de­vant donner lieu à une audience cumulée de 2 345 000 000 de téléspectateurs. L'évolution du basket vers un véritable cham­pionnat européen ou même mondial semble inéluctable. La F.I.B.A. a pris cette tendance en compte, sous la pression des Ligues Ita­lienne et Espagnole en portant à 12 le nombre

de clubs engagés en « Coupe d'Europe des clubs champions », d 'ail leurs rebaptisée « Championnat d'Europe ». Mais cette com­pétition en devenir suscite bien des convoi­tises. La Société espagnole DORNA, par exemple, démarche aujourd'hui tous les clubs de dimensions européenne afin qu'ils lui concèdent l'exclusivité des droits de télévi­sion sur le continent pour plusieurs saisons. Nul doute que son objectif est la maîtrise éco­nomique du futur championnat. La F.I.B.A. pourra-t-elle dans ces conditions conserver la maîtrise de son produit ? Si ce n'est pas le cas, la rupture entre le basket pro­fessionnel et le basket de masse sera consom­mée, mettant en péril, en France et ailleurs, l'ensemble de l'édifice fédéral. L'enjeu de cet­te lutte dépasse largement le cadre étriqué du basket, il concerne l'ensemble du sport euro­péen.

Didier Primault Centre de Droit et d'Economie du Sport,

Université de Limoges.

(1) 1.2 MF pour le contrat signé en 1987.

(2) Individu de 6 ans et plus. 1 % : 492 000 personnes.

(3) % de l'ensemble des téléspectateurs.

E P S № 2 3 4 - M A R S - A V R I L 1 9 9 2 35 Revue EP.S n°234 Mars-Avril 1992. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés