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DOCUMENT D’AIDE A
LA FONCTION TUTORALE
Juin 2010
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 20101
Document d’aide à la fonction tutorale
Sommaire
Aider le stagiaire à se situer dans le système de formation.......................................3
L’alternance : mode d’emploi à l’usage des stagiaires..............................................4
la relation stagiaire tuteur............................................................................................6
Aider le tuteur à préparer son action tutorale............................................................7
Check-list pour l'accueil des moniteurs stagiaires.....................................................8
Moyens techniques de la formation aux compétences : Document d’aide à
l’activité de formation de terrain...............................................................................12
Envisager la fonction de tuteur comme un travail d’équilibriste...........................31
La formation en organisme comme ouverture à l’apprentissage...........................37
Présentation des auteurs et remerciements :............................................................44
2
Aider le stagiaire à se situer dans le système de formation Auteur : André Zeitler
Le problème Les stagiaires sont souvent perdus dans les successions de phases entre l’entreprise et
l’organisme de formation. D’autre part son rôle, ses obligations et possibilités ne sont pas
toujours clairement établis dans l’entreprise ; il s’ensuit qu’il a beaucoup de mal à s’intégrer à
l’entreprise et donc à apprendre de sa mise en situation.
Les principes Favoriser systématiquement tous les systèmes de contractualisation de l’action entre les
différents espaces et acteurs.
Outils livret de formation intégrant les évaluations et les divers projets de formation
Une explication du stagiaire dans le système de fonctionnement de l’alternance, et de
son apprentissage : l’alternance, mode d’emploi à l’usage des stagiaires.
Document d’aide à la formation des compétences
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L’alternance : mode d’emploi à l’usage des stagiairesAuteur : André Zeitler
Le fonctionnement de l'alternance
1. Démarche générale
a. La situation professionnelle
• Se former par une implication dans le travail : encadrer, s'impliquer dans une équipe, dans une organisation
• Rendre son travail formateur : faire le bilan de son expérience. Utilisation de la fiche de bilan de séance avec son tuteur (fiche bilan)
b. Rôle de la situation professionnelle
• Utiliser, tester les acquis.• Repérer les problèmes, pour pouvoir avoir des questions en formation• Échanger avec son tuteur pour avoir des conseils ou simplement un avis
c. La situation de formation• Une situation qui vise l'apprentissage par des mises en action dans des situations
souvent simulées qui permettent la prise de risque et l'apprentissage (exemple, gestion des situations de sécurité, utilisation de l'analyse vidéo)
• Le positionnement des stagiaires : la présentation de face, contre l'apprentissage (ceux qui réussissent dans la formation sont ceux qui essaient des nouvelles choses et prennent le risque d’avoir des échecs dans leurs actions et inversement pour ceux qui échouent).
• La place de l'évaluation est en dehors des séquences de formation.
d. Rôle de la situation de formation
• Apprendre des choses nouvelles• Avoir un autre regard que celui développé dans les situations professionnelles• Prendre un recul sur le métier du BP JEPS
2. Les séquences d'analyse de pratique et l'écriture du mémoire
a. Les problèmes comme matériaux• Retirer des situations professionnelles des moments qui posent problème (les problèmes
sont nécessaires à l'évolution, il est facile de ne pas avoir de difficultés : il suffit de reproduire inlassablement ce que l’on sait faire, ou de se contenter de peu)
4
la démarche proposée vise à analyser les problèmes rencontrés à l’aide d’éclairage théorique et de produire de nouveaux essais sur le terrain)
• Une démarche d'analyse qui vise l'aide : dans la situation professionnelle mais aussi pour la formalisation de l’expérience (comme par exemple l'écriture d’un mémoire professionnel). Ceci implique la nécessité de prendre des notes sur ce qui est dit dans les séquences d'analyse de pratique.
b. L'écriture du mémoire
Une démarche inductive ( le thème du mémoire se dégagera au cours de l'année)
• Une demande d'écriture constante• L'aide a l'écriture• La place du mémoire dans l'évaluation
3. L'évaluation de la part des tuteurs et du centre de formation
• Une partie formative et une partie certificative de l'évaluation
Dans la partie formative, l’évaluation réalisée par les formateurs et tuteurs vise l’aide à
l’apprentissage et au progrès. Il ne faut donc pas hésiter à prendre des risques. Dans
l’évaluation certificative au contraire, le but est la réussite de l’action il faut au contraire
faire ce que l’on maîtrise. • Explication de la répartition de l'évaluation entre l’organisme de formation et le lieu de
travail.
Document d’aide à la formation des compétences
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la relation stagiaire tuteur
6
Aider le tuteur à préparer son action tutoraleAuteur : André Zeitler
Le problème L’organisation de l’accueil et la conduite de la formation de terrain est une chose plus difficile
qu’il n’y parait et demande une anticipation.
Principe Inciter et aider les tuteurs à organiser et préparer l’accompagnement de leur stagiaire
Exemple d’outils Check-list pour l'accueil des moniteurs stagiaires
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 20107
Check-list pour l'accueil des moniteurs stagiairesAider le tuteur à préparer son accueil
Auteur : André Zeitler
Introduction : Le rôle de la formation de terrain en entrepriseEn tant que tuteur votre rôle consiste à faire vivre la réalité du travail que le stagiaire (c’est à
dire l’apprenti-moniteur) aura à effectuer plus tard. De ce point de vue, il est essentiel
d’intégrer autant que possible le stagiaire dans l’entreprise lui donnant des responsabilités.
Cependant le stagiaire ne dispose pas encore de toutes les compétences nécessaires pour faire
face à la diversité des situations professionnelles. Il est donc nécessaire de calibrer les tâches
que vous allez lui demander de remplir, et de l’aider à les accomplir.
D’autre part, la formation de terrain n’est pas une application des connaissances acquises en
organisme de formation, mais une découverte d’une réalité professionnelle (même si on
pense qu’il utilisera des choses apprises en organisme de formation). Pour cela il est
nécessaire que le stagiaire soit suffisamment sollicité pour avoir des difficultés qui seront
analysées en entreprise avec le tuteur, et en organisme de formation, dans des analyses de
pratiques.
Enfin le stagiaire ne peut apprendre pleinement que s’il constate les effets de son action
dans le long terme. Il est indispensable de placer le stagiaire dans des situations où il
pourra effectuer des actions de façon continue du début à la fin. Il est de ce point de vue,
néfaste par exemple de changer constamment les clients du stagiaire : le stagiaire n’est pas un
« bouche-trou », mais quelqu'un en apprentissage du métier dans votre structure.
Mais évidemment les clients ne doivent pas subir ses difficultés. Votre rôle en tant que tuteur
consiste, à donc trouver comment favoriser l’apprentissage de votre stagiaire (en le mettant
face à des tâches qu’il ne maîtrise pas, et en l’aidant à y faire face) et tout en veillant, nous le
comprenons, à la satisfaction de vos clients.
Organiser la formation de terrain : une check-list Afin de vous aider à accueillir votre stagiaire nous vous proposons cette check-list pour vous
aider.
8
Conseil : nous vous conseillons de lire attentivement chacune des rubriques de la check-list
avant l’arrivée de votre stagiaire afin de préparer sa venue, puis au moment de son accueil de
reprendre cette liste et de lui donner les informations essentielles point par point.
Il se sentira accueilli, dans une structure sérieuse, où le tutorat à été préparer. Ceci a
généralement un effet bénéfique sur l’engagement et le sérieux de travail de votre stagiaire.
Présenter le travail
Quels seront les pratiquants dont il aura à s'occuper1 ?
Quel sera son niveau d'autonomie et quel rôle tiendra-t-il 2 ?
Quand devra-t-il intervenir (dates, et heures des interventions) ?
De quelles aides pourra-t-il bénéficier (documentation, autres personnes sur la
structure à qui demander des conseils3)?
Quels seront ses autres rôles et actions quand il n’aura pas de pratiquants 4?
Etablir avec lui un contrat des présences ou des non présences, des rôles et fonctions
de chacun (en référer si problème en organisme de formation, exemple changement
des dates).
Présenter la structure Présenter le stagiaire aux différents membres de la structure, lui expliquer les
différentes relations professionnelles qu'elle entretient (magasin, clubs, élus, etc)5.
1 Prévoyez le stage sur lequel le stagiaire interviendra le plus possible en rapport avec le thème du stage et le
niveau de pratiquant demandé.
2 Certains stagiaires peuvent prendre en charge les séances, avec votre supervision. D’autres ayant moins
d’expérience, doivent être accompagnés, voire même simplement seconder les tuteurs qui restent alors les
maîtres d’œuvre de la séance. Le rôle que tient le stagiaire est à négocier avec lui avant l’arrivée des pratiquants !
Il vous dira en fonction de son niveau et de son expérience ce qu’il se sent capable de faire ou pas. Par la suite il
vous appartiendra de juger si vous devez l’inciter à prendre davantage d’autonomie ou au contraire de vous
seconder. Dans tous les cas il est essentiel que votre stagiaire participe directement à l’encadrement.
3 Ce qui nécessite d’informer tout le monde de la venue du stagiaire
4 S’il est utile de laisser du temps au stagiaire pour préparer ses séances, il est souhaitable qu’il participe aux
tâches habituelles de la structure
5 C’est une action simple à ne surtout pas négliger : elle vous fera gagner beaucoup de temps pour l’intégration
efficace du stagiaire dans votre structure. Document d’aide à la formation des compétences
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L'informer sur le fonctionnement de celle-ci (matériel, rangement, règles de sécurité et
de fonctionnement du club, etc...)
Présenter les différents sites de pratique6
Présenter la formation de terrain
Clarifier avec lui votre rôle formatif et certificatif (lieux et dates des
évaluations:)7
Etablir un contrat de communication clair (pendant le stage et en dehors de celui-ci)
Schématiquement on peut définir trois contrats types :
1. Le tuteur intervient auprès du stagiaire et quand il y a problème, directement
auprès des pratiquants (la séance est co-encadrée).
2. Le tuteur essaye de n’intervenir qu’auprès du stagiaire pour lui donner des
conseils.
3. Le tuteur intervient auprès de son stagiaire sur demande d’aide de celui-ci et le
laisse faire, sauf cas extrême bien-sûr.
S'organiser pour parler avec lui des séances avant qu'il n'intervienne8
S'organiser pour faire un bilan avec lui de la séance qu'il aura encadrée9
Indiquer les heures et lieux de RDV pour les prépas et bilans de séances10
6 A faire dès le début pour que votre stagiaire puisse imaginer comment préparer ses séances
7 Il essentiel de bien faire la différence entre vos actions de conseils tout au long de la formation et les
moments ou vous serez évaluateur. Sans quoi toute remarque et aide de votre part sera considérée, comme
une sanction. La qualité de la formation de terrain sera largement diminuée
8 Demandez-lui de vous présenter (de façon formalisée ou pas) ce qu’il compte faire en fonction des conditions,
du niveau du groupe, etc… Vous pourrez vite voir les grossières erreurs et réorienter la séance sur des bases plus
saines. Ne négligez pas cette phase. Vous en verrez vite tout l’intérêt. Faites le assez tôt pour que votre stagiaire
ait le temps de reconstruire si nécessaire sa séance (au moins trois quart d’heure avant).
9 Conseil : éviter de parler de sa séance en terme de comparaison par rapport à ce que vous auriez fait,
mais aider le à résoudre les problèmes qu’il rencontre. Dans la phase de bilan, demandez-lui en premier lieu
les difficultés qu’il a rencontré de son point de vue, surtout les questions qu’il se pose à l’issue de sa séance.
Lorsque vous aurez répondu à ses questions, s’il vous reste du temps, et si cela n’a pas été abordé alors
seulement faites lui part de vos remarques sur la séance.
10 Conseil : donner des habitudes de travail et tenez vous y. Plus vous serez rigoureux et plus sera efficace et
facile à faire.
10
Organiser les rencontres avec les commanditaires du stage quand ils existent
(particuliers, écoles, CE, etc)11
Lui faire connaître les documents dont il peut disposer dans la structure
Organiser un coin de travail au calme pour les préparations de séances et surtout pour
les bilans
11 Cette action permettra à votre stagiaire de comprendre pleinement ce que le « client » attend de la structure et
donc de ce qu’il doit faire. Ceci lui permet aussi de s’intégrer pleinement au sein de l’équipe. Document d’aide à la formation des compétences
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Moyens techniques de la formation aux compétences : Document d’aide à l’activité de formation de terrain
Organiser les conditions d’une pratique formative de
l’activité des stagiaires
Cette partie vise la présentation de propositions d’organisation, afin de tenter de rendre la
formation par la pratique de l’enseignement davantage formatrice. Trois phases d’une
séquence de formation seront essentiellement analysées : avant la séance afin d’aider
l’apprenti à planifier des ressources réutilisables, pendant la séance pour l’aider à s’adapter
dans la séance, après celle-ci pour apprendre de ce qu’il a vécu pendant la séance.
L’objectif d’une démarche : FORMER A REFLECHIR PLUTOT QU’A APPLIQUERCe qui caractérise globalement le fonctionnement des apprentis éducateurs, est leur
incapacité à s’adapter en cours d’action. Ceci est dû selon nous, à une sur-valorisation de leur
point de vue, mais aussi sans doute de celui des formateurs de terrain et des tuteurs, du
modèle de rationalité technique*12 (Schön,1996). Ceci amène les apprentis à sacrifier
l’adaptation en cours d'action, à une cohérence globale de leurs actions pédagogiques.
Comment aider le stagiaire à apprendre véritablement, à s’adapter intelligemment au contexte
de la pratique, c’est à dire, comment le former à une réflexion en cours d’action* ? Cette
question est l’enjeu de cette partie.
Globalement les propositions qui sont faites sont les suivantes :
1. L’adaptation en cours d’action par une “ réflexion en cours d’action* ” avec l’aide du
formateur13
12 Les mots étoilés sont définis en fin d’article 13 formateur, est ici un terme générique incluant aussi bien les tuteurs en entreprise, que les formateurs de terrain en organisme de formation lors de séquences pratiques.
12
2. La centration des apprentis sur la compréhension des problèmes émergeant dans le
déroulement de la situation. Ceci implique la mobilisation des processus de diagnostic
et donc une décentration cognitive des seuls processus de planification de l’action
(apprendre à observer, plutôt que suivre aveuglément ce que l’on a prévu de faire).
3. La mobilisation de connaissances de haut niveau cognitif en cours d’action (règles et
connaissances conceptuelles) afin de favoriser l’apprentissage.
4. L’apprentissage de nouvelles connaissances (théoriques et de procédures) en prise
avec des séances pratiques réalisées au sein de l’institut de formation, plutôt que
l’exhibition de ce que connaissent déjà les moniteurs en formation.
5. Tout ceci passe par une rupture de la part des apprentis, mais aussi des
formateurs, avec la norme de rationalité technique, et c’est certainement là que
les choses sont les plus difficiles, tant les habitudes et les apparences trompeuses
des fausses évidences sont fortes.
Nous présenterons cette démarche en trois temps : ce qui se fait avant la séance, pendant et
après celle-ci.
La formation des apprentis avant la séance : engagement dans l’apprentissage et préparation de l’adaptabilité
Des attentes clarifiées de la part du formateur : Un contrat centré sur l’apprentissage de l’apprenti Il nous semble qu’en situation de formation, les formateurs attendent des apprentis, qu’ils
produisent la meilleure séance possible. Nous pensons que c’est justement cette attente qui
représente paradoxalement le plus grand obstacle à l’apprentissage en situation de formation.
En effet, cette attente de la part des formateurs concernant une activité de recherche de
performance pédagogique, débouche en fait sur une activité de pure forme car il est difficile
pour les apprentis de concilier à la fois une performance pédagogique et un apprentissage (de
l’enseignement). En effet, l’apprentissage (de la pédagogie ) nécessite de tester de nouvelles
solutions (forcément mal maîtrisées), de mettre en œuvre de nouvelles procédures, c'est à dire
de prendre des risques par rapport à ce que l’on sait faire de façon plus habituelle. Les attentes
des formateurs, en centrant les apprentis sur l’atteinte d’une performance pédagogique, les
amènent à limiter leurs prises de risque dans la mise en œuvre de nouvelles solutions et donc
les incitent à limiter leur apprentissage.
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201013
La réflexion sur les actions pédagogiques (menées dans les bilans) dans cette perspective ne
présente qu’un intérêt limité. Il nous semble donc essentiel de trouver des procédures qui
permettent à la fois à l’apprenti de développer une activité authentique et d'apprendre.
Ceci nous amène à formuler nos attentes en situation en institut, non plus en terme de réussite
de la séance, mais en terme d’apprentissage. “ Les apprentis ne sont pas en formation pour
réussir leurs séances à tout prix, mais pour apprendre ”. Les attentes de la formation visent
l’essai de nouvelles conceptions et procédures. Celles-ci peuvent émaner de l’expérience des
autres apprentis, des réflexions du groupe ou du formateur.
Cette position, si elle est admise par le stagiaire, favorise la nécessaire prise de risque relative
à la réussite de sa séance notamment dans sa composante la plus visible : l’organisation et le
contrôle du groupe.
Mais cette prise de risque n’est possible qu’à la condition que l’évaluation de l’apprenti par
les formateurs soit déconnectée de la réussite de sa séance ! L’évaluation ne peut-être que
centrée sur les processus mobilisés par l’apprenti pour apprendre à partir des mises en
pratique: engagement, pertinence des bilans, partage de l’expérience, essais de nouvelles
procédures pédagogiques sur l’eau, deviennent les critères essentiels.
Une position du formateur de ce type, même si elle est explicite, ne suffit pourtant pas à
transformer le fonctionnement des apprentis. Il est nécessaire de respecter ce contrat dans les
faits au cours du temps, et ceci d’autant plus que les représentations des apprentis vis à vis de
la formation sont en décalage par rapport à ce type de contrat (ce qui est généralement le cas,
car orientées par une norme de rationalité technique stricte).
D’autre part, cette position à l’avantage de permettre aux apprentis d’échanger entre eux sur
les connaissances acquises dans les situations professionnelles et donc d’introduire des
éléments de partage de l’expérience, tout en créant un lien entre les contextes de l’alternance.
Symétriquement à la position du formateur, il existe un autre aspect qui nous semble devoir
être pris en compte dès le début de la formation. Il s’agit des représentations chez les
apprentis de leur propre formation.
Transformer les représentations initiales des apprentis de leur propre formation et de leur propre apprentissage Les représentations que se font les apprentis de la formation semblent être un obstacle
important pour le développement de leurs compétences et leur investissement dans une
activité d’apprentissage. En effet les apprentis présentent des représentations de la formation
14
saturées de rationalité technique. Ceci les conduit à limiter la prise de risque pourtant
inhérente à tout apprentissage en restreignant par exemple la souplesse des planifications pré
actives qui inhibent alors leurs adaptations en cours d’action.
Ceci rend nécessaire, un travail préalable à la formation proprement dite, en vue d’attaquer les
représentations faisant obstacle à la transformation des apprentis. Ceci vise à les détourner
d’un “ travail de pure forme ” au bénéfice d’un engagement effectif dans la transformation de
leurs élèves ( mais tout en essayant de nouvelles procédures, ce qui implique la possibilité
d’échouer). Dans cette perspective, il semble essentiel d’instaurer un statut positif à l’erreur
dans un projet de formation négocié, afin de faciliter l’implication de l’apprenti dans une
logique de développement de ses compétences, mais aussi d’une réelle transformation
identitaire. Ici un travail utilisant le conflit socio-cognitif sur les conceptions que les apprentis
ont de leur formation, la présentation des résultats de recherches descriptives sur l'expertise en
enseignement, l'évocation d'expériences professionnelles d'adaptation en cours d'action
efficaces, sont autant d'outils intéressants pour faire évoluer les représentations des apprentis
au sujet de l'expertise en enseignement, de son apprentissage et de la formation
professionnelle.
La planification pré active14 : de la préparation de la séance à la préparation de l’interactionL’étude relatée plus haut, a montré toute l’inefficacité des préparations de séances linéaires et
rigides qui centrent les apprentis sur le déroulement de la séance telle qu’ils l’ont prévue et
non sur l’évolution réelle de la situation pédagogique. En effet, les apprentis ont des
représentations de la “ bonne ” préparation de séance où l’objectif est clairement défini et en
cohérence avec le déroulement de la séance prévue. Tout se passe comme si, suivre la
préparation de séance à tout prix était un gage de rigueur. Il n’est donc pas étonnant de
constater les stratégies visant à réduire l’écart de déroulement entre la prévision et la séance
réelle, quitte à sacrifier l’apprentissage des pratiquants.
Il nous semble essentiel d’entrer en rupture avec un modèle de planification pré active rigide,
linéaire et dont la cohérence est basée sur la seule filiation avec l’objectif initialement choisi.
Ce modèle, finalement hérité du Béhaviorisme et de son avatar pédagogique: la P.P.O.15, est
sévèrement remise en cause par les études descriptives sur le fonctionnement des experts en
enseignement. En effet, l’activité cognitive des enseignants experts est considérée aujourd’hui 14 La planification préactive, est la somme des opérations de conception que l’on mène pour anticiper le déroulement de la phase en présence des élèves ( pendant la phase interactive). Cette planification peut être écrite ou pas. 15 Pédagogie par objectifs
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201015
de plus en plus sous l’angle d’un processus de surveillance (Doyle, 1990). Dans cette
perspective, l’activité consisterait à surveiller si la situation n’évolue pas en dehors de normes
acceptables. Si ces normes ne sont pas dépassées, alors l’enseignant continuerait son action
selon les procédures en cours. Si des événements de la situation sont jugés en dehors des
normes d’acceptabilité, il y aurait selon Peterson et Clark, (1978) en fonction de la
connaissance ou non d’une réponse alternative et de la possibilité de sa mise en place, choix
d’une autre procédure. D’autre part, la comparaison des experts et des débutants en
enseignement montre que plus l’expertise des enseignants est forte, plus ces derniers sont
capables d’interpréter les situations d’enseignement. A l’inverse, les novices accordent de
l’attention à des éléments mineurs ou qui semblent peu importants. D’autres études montrent,
que plus les enseignants sont expérimentés, plus ils sont capables de prendre du recul sur la
situation. Cette capacité de “ décentration cognitive 16” facilite la surveillance de l’évolution
de la situation ainsi que sa compréhension profonde en cours d’action.
Ces résultats plaident, pour une planification pré-active favorisant à la fois:
1. la surveillance de l’évolution de la situation et de son diagnostic,
2. la création de répertoires d’actions alternatives,
3. la décentration cognitive vis à vis de la séance prévue
Nous proposons de substituer une planification stratégique à la traditionnelle préparation de
séance linéaire. En effet, cette dernière a pour inconvénient majeur de ne pas prendre en
compte le diagnostic à venir dans le temps d’interaction, ni de prévoir de solutions d’échanges
en fonction d'une évolution hypothétique de la situation. Dans les situations d’enseignement
en voile, qui sont par nature extrêmement changeantes, ce type de préparation ne facilite pas
et limite même, les capacités de diagnostic, la décentration et en définitive l’adaptabilité du
moniteur novice.
La solution que nous proposons consiste à aider le moniteur débutant à anticiper sur les
évolutions possibles de la situation dès la préparation de la séance. En d’autres termes, dans
cette stratégie de planification stratégique, il ne s’agit plus de préparer ce que l’on va faire,
mais d’anticiper les éléments à prendre en compte, et de planifier de nombreuses pistes de
solutions, afin de s’adapter en cours d’action. Nous pourrions dire qu’il s’agit dans cette
optique de “ préparer l’improvisation ”. A partir d’une situation de départ, la planification pré
active répertorie des problèmes classiques que rencontrent les pratiquants (conduites
typiques). Ce n’est qu’à partir de l’analyse de ces conduites typiques, que la planification
16 N. Faingold, 1993
16
anticipe sur des procédures pédagogiques pertinentes face aux problèmes des pratiquants. La
planification prend d’autre part en compte l’évolution du milieu à des fins d’adaptation
stratégique. Cette prise en compte s’effectue tant au niveau du diagnostic que de la mise en
œuvre des procédures, en anticipant dans le premier cas sur les problèmes posés par certaines
situations météo et dans le second par l’étude de la pertinence des interventions pédagogiques
en regard des conditions du milieu, mais aussi du contexte pédagogique.
Nous avons pu noter une meilleure capacité d’adaptation des apprentis avec qui nous avons
utilisé cette procédure de planification. Nous attribuons cette plus grande adaptabilité au fait
que cette procédure de formation centre les apprentis sur le diagnostic de la situation au cours
de l’action, puisque le choix des situations n’est pas effectué a priori mais en cours d'action
sur la base de cette planification stratégique.
Planification pré active et partage de l’expérienceDans le cadre d’une formation en alternance, les apprentis ont acquis une expérience lors des
situations de travail. Cette procédure de formation est un moment privilégié pour échanger de
l’expérience. L’intérêt de cette procédure de planification pré active souple et stratégique, est
de permettre l’échange d’expérience autour de problèmes professionnels concrets. Dans ce
cas, l’ensemble du groupe devient une ressource pour la conception de planifications
anticipatrices et flexibles qui peuvent servir à tous et qui peuvent être réalisées en commun.
Les pistes de formation, visant l’explicitation des cas professionnels concrets rencontrés et
formalisés par les apprentis eux-mêmes, ainsi que leurs problématisations semblent riches de
promesses. Dans cette perspective, l’utilisation des techniques d’évocation des expériences
vécues17 en situation professionnelle ainsi que leurs analyses de la part du formateur ou du
tuteur, mais aussi par les pairs de la formation dans des stratégies de résolution de problème
collectives semblent pertinentes. En effet la prise de distance théorique à sa propre pratique
est une condition essentielle de tout développement de compétences. Cette prise de distance
se trouve actualisée dans ces planifications stratégiques.
Pendant la séance : former les apprentis à l’adaptation
La gestion de la pression temporelle en cours de séanceNous avons pu mettre en lumière le rôle déterminant de la pression temporelle en formation
sur l’activité de pure forme des apprentis, ainsi que son incidence sur la faible analyse de la
situation. Il est malheureusement matériellement peu possible de donner un temps suffisant au
stagiaire afin de lever cette pression temporelle. Par contre, nous pensons que le fait de 17 Comme l’entretien d’explicitation par exemple.
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201017
préciser un horaire strict (généralement de l’ordre de 40') renforce la pression temporelle et
amène le stagiaire à se centrer de façon quasi exclusive sur le déroulement temporel de la
séance.
Pour limiter ce phénomène, nous avons pris le parti de ne pas définir de façon stricte le temps
imparti à la séance. Ce temps est défini en cours d’action. Le stagiaire stoppe sa séquence
quand il pense avoir atteint en partie ses intentions en fonction d’une séquence
d’enseignement signifiante pour le stagiaire lui-même. Cette démarche permet à l’apprenti
nous semble-t-il, de se focaliser sur les progrès des pratiquants de façon plus importante.
D’autre part, elle limite considérablement le stress engendré par la hantise d’une organisation
qui se détériore. En cas de difficulté, le temps est systématiquement décompté puisque le
stagiaire considère logiquement que dans ce temps il n’a pas pu avancer sur ses intentions.
Ceci permet donc à l’apprenti de faciliter la prise de risque par rapport à ses procédures
routinières.
Une action de formation centrée sur le développement de l’activité de diagnosticPendant les phases interactives, nous plaidons pour une implication du formateur dans la
séance afin d’aider le stagiaire à diagnostiquer les situations qui posent problème. Il s’agit,
tout en respectant l’implication authentique du stagiaire, de l’aider à devenir plus pertinent
dans l’appréciation de la situation en cours d’action. Bien évidemment, ce type de
fonctionnement nécessite de la part du formateur, le développement d’une expertise
spécifique empreinte de nuances. Dans ce mode d’action, la formation oscille toujours entre le
risque de déstabilisation du stagiaire d’une part, et celui du recopiage de modèles d’autre part.
Par ailleurs, être en situation d’apprendre et de prendre des risques, nécessite des systèmes de
“ réchappes ”. Le rôle des autres apprentis et du formateur évolue alors nécessairement de
celui d’observateurs extérieurs à celui d’aides actifs.
Des aménagements favorables de la situation de formation D'autre part, certains aménagements de contexte semblent plus favorables. Par exemple, la
limitation du nombre des élèves est un élément favorisant le recrutement d'un haut niveau de
régulation cognitif. En effet des études descriptives ont bien établi la relation entre le nombre
des élèves et la constance de la charge informationnelle sollicitée. La diminution du nombre
d'élèves, implique donc un changement de niveau de régulation cognitif et facilite donc la
réflexion en cours d’action.
18
La formation après la séance : apprendre à construire les problèmesL’apprentissage pourtant ne se produit pas uniquement au cours de l’action. La prise de recul
sur celle-ci, la compréhension de certains problèmes particulièrement complexes ou inédits ne
peuvent se faire qu’après l’implication dans l’interaction. Ceci est notamment essentiel pour
inscrire l'apprentissage dans la durée et faciliter la généralisation de l'action dans d'autres
situations. La réflexion sur l’action devient alors, lors de la phase post-active, un moment
essentiel de l’apprentissage.
Un bilan centré en priorité sur les difficultés rencontrées du point de vue du stagiaireTraditionnellement, le bilan est une phase où le stagiaire aidé par le formateur fait une critique
de sa séance. Il exprime, ce qui a été bien ou mal mené. Or, cette démarche incite le stagiaire
à comparer son action pédagogique à un modèle de fonctionnement extérieur. Ceci implique
selon nous, un renforcement de la représentation d’une action pédagogique comme activité de
pure forme, et non pas comme action authentique, visant le développement de l’apprentissage
des élèves. D’autre part, cette conception qui s’inscrit dans le paradigme de la rationalité
technique, qui “ met de côté la façon de construire les problèmes (…) , c’est à dire le
processus par lequel on définit la décision à prendre… ” (Schön, 1996), ne facilite pas le
développement professionnel.
La définition des problèmes rencontrés par les apprentis comme enjeu de formation professionnellePour éviter l’écueil décrit plus haut, nous proposons d’inscrire le bilan dans une activité visant
avant tout à identifier les problèmes par les apprentis eux-mêmes. Ceci est effectué sur la
base des difficultés rencontrées de leur point de vue, et non pas de celui du formateur.
L’originalité de cette démarche tient avant tout à l’attention et au temps consacré à la
formalisation des problèmes par les apprentis eux-mêmes avant d’imaginer des solutions et
plus encore de déterminer ce qu’il aurait fallu faire (comme s’il n'existait qu'une seule bonne
solution). En effet, dans la pratique, les problèmes n’apparaissent pas en toute clarté mais
comme des moments vécus comme difficiles, délicats… Transformer la perception de ces
moments, en problèmes clairement identifiés, nous paraît être un enjeu de formation essentiel,
pour l’accession à une professionnalité accrue. En effet, la capacité à définir les problèmes
rencontrés au cours de l’action professionnelle est considérée de plus en plus comme une des
composantes essentielles de la compétence, dans la mesure où l’analyse réflexive procède
fondamentalement de cette activité.
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201019
D’autre part, la définition précise des problèmes rencontrés au cours de la pratique, facilite
selon nous la création de sens pour le stagiaire. “ Toute leçon doit répondre à une question ”,
nous dit P. Meirieu. Les leçons de l’expérience n’échappent pas selon nous, à cette règle. La
définition des problèmes rencontrés sur le terrain, en jouant le rôle de questions, nous semble
faciliter la construction de sens pour des réponses qui n’en n’auraient sans cela que pour le
formateur. Le bilan traditionnel en ignorant cette phase essentielle de l’analyse réflexive
cantonne celle-ci à un plaquage de solutions de pure forme, le plus souvent convenues et peu
contextuelles.
De l’étude de la cohérence à celle de la pertinenceDès lors que l’on accepte le principe de la planification stratégique et de l’improvisation
comme éléments de formation, il devient impossible de retenir le principe de cohérence
linéaire comme organisateur du bilan. Le but n’est plus la production d’une séance dont le
déroulement doit être cohérent avec l’objectif général. Nous avons pu montrer que cette
logique débouchait sur une production pédagogique de pure forme et limitait l’activité
cognitive de diagnostic chez les apprentis en formation. Nous préférons substituer l’étude de
la pertinence de l’action à celle d’une cohérence générale: ceci revient à se demander si
l’action est en rapport avec l’évolution de la situation (météo, conditions de navigation,
évolution du niveau technique des pratiquants, motivations…) ? Cette pertinence ne peut
s’exprimer en terme d’action optimale par rapport à la situation (une seule bonne solution: la
meilleure). En effet, cette conception s’inscrit dans une conception tayloriste du travail ( “ The
one best way ” ), qui est incompatible avec le travail d'enseignement (spécialement dans les
activités de pleine nature). L’enseignement est une activité professionnelle qui s’exprime dans
des situations complexes, dynamiques, singulières, présentant des conflits de valeurs, qui
nécessite une adaptation constante à la spécificité du contexte. Face à ce type de situations,
l’enseignant (en tant qu’acteur ayant une rationalité limitée) construit des solutions
nécessairement contingentes (Crozier et Friedberg, 1977 ). Il n'y a pas, de ce point de vue, de
solution idéale. Le critère à prendre en compte devient leur caractère de viabilité: les solutions
engagées ont-elles donné lieu à un incident critique négatif ? Ont-elles fonctionné au regard
des intentions de l’enseignant et du résultat ?
De l’étude de la cohérence globale, aux “ cohérences locales ” et contextuellesSi la cohérence globale de la séance ne présente que peu d’intérêt, cela ne signifie pas pour
autant l’abandon de toute rationalité. Si l’on prend comme point de départ, les intentions que
les apprentis se sont données au cours de l’action; il nous semble essentiel de déterminer dans
20
quelle mesure les procédures employées étaient en cohérence avec ces mêmes intentions
(exemple: “ si tu voulais travailler telle chose à ce moment, alors l’organisation ne te
permettait pas de le faire ”). Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, ce modèle nous
semble paradoxalement très exigeant sur la maîtrise didactique, dans la mesure où celle-ci est
sans cesse sollicitée dans une improvisation pertinente qui doit conserver une pertinence,
intention par intention et action par action.
Un travail de formation modifiéFaciliter la prise de risque et l’adaptation de nos apprentis sur la base de “ préparations de
séances souples ”, organiser et analyser l’improvisation bien planifiée (Tochon, 1993)
nécessite pour les formateurs et les tuteurs l’acceptation d’une relative perte de contrôle sur
l’organisation et le travail des apprentis. Ceci implique une remise en cause du modèle
tayloriste du travail, dans la formation à la pédagogie. Mais parallèlement, nous pensons que
seule une confiance accordée à “ l’autonomie ” de nos apprentis (acquise aussi en entreprise),
peut les amener à se placer en posture d’apprendre et de transformer leur identité
professionnelle. Il nous semble d’autre part, que ce modèle de formation demande finalement
plus de professionnalisme de la part des formateurs dans la mesure où il nécessite le
dépassement d’une analyse comportementale, pour se centrer sur le fonctionnement des
processus sous-jacents: ceux qui interviennent réellement dans l’apprentissage du métier
d’enseignant. Ceci nous semble d’autant plus difficile qu’il faut vaincre les représentations
dominantes dans lesquelles le sérieux s’exprime à travers les normes de la rationalité
technique, c’est à dire d’application de normes standardisées. Il est peut-être temps de
considérer que le sérieux n’est plus ce qu’il était…
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201021
Bibliographie :
Crozier et Friedberg, L’acteur et le système, Paris, seuil, 1977
Peterson P.L. & Clark C.M., Teacher’s reports of their cognitive processes during teaching, American Educational Research Journal, 15, 1978, pp.555-565
Schön D.A., A la recherche d’une nouvelle épistémologie de la pratique et de ce qu’elle implique pour l’éducation des adultes, in Savoirs théoriques et savoirs d’action, Paris, PUF, 1996, pp. 201-223.
Tochon F.V.., L’enseignant expert, Paris, Nathan, 1993, 256 p.
Tochon F.V, “La planification stratégique de deuxième génération : de la séquence à la métaséquence”,
22
En résumé D’un modèle de la « Rationalité technique » de la formation, à l’apprentissage de la « pratique réflexive » pour des apprentis-enseignants de voile en situation pratique
Positionnement du formateur et de la formation
Problèmes Pratiques initiales Pistes d’innovations
Représentation
initiale de la
formation pour le
formateur
Conception normative de la formation C’est essentiellement un temps d’évaluation
de la performance, et de réduction d’écart
avec un modèle attendu
Conception compréhensive de la formation : vise l’aide à la progression de l’apprenti
C’est essentiellement un temps
d’apprentissage à partir des difficultés
rencontrées par l’apprenti. Il s’agit de
l’aider à progresser dans un projet
construit essentiellement par lui-même
avec l’aide du formateur
Représentation de
la formation pour
l’apprenti
Représentation saturée de rationalité technique. Etre en formation c’est « intervenir sur ce
qu’il y sur son papier »18. C’est être
cohérent à tout prix.
Apprendre dans une action d’enseignement réelle, et à partir d’une réflexion sur celle-ci. Il s’agit à la fois d’apprendre des choses dans
l’action d’enseignement en étant aidé, mais
aussi de théoriser sa propre activité.
Attente explicite ou
implicite du
formateur
Les apprentis essaient de faire une bonne séance, pour montrer qu’ils sont compétents. Ce qui se traduit par une focalisation quasi
exclusive sur l’organisation, et sur les
aspects les plus visibles de l’enseignement
pour un observateur extérieur.
Les apprentis s’engagent dans une activité
d’enseignement de démonstration (comme
au théâtre), mais pas dans une activité
réelle.
Les stagiaires ne sont pas là, pour réussir à tout prix leurs séances, mais pour apprendre. Il est possible de faire des essais, de se tromper, de demander dans l’aide (notamment en cours d’action d’enseignement, ou dans la phase de planification).
Les apprentis sont là pour tenter des choses nouvelles dont ils n’ont pas l’habitude, ou n’osent pas faire seuls.
18
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201023
Avant la séance : l’aide à la conception
Aider l’apprenti à concevoir
Problèmes Pratiques initiales Pistes d’innovations
Organisation
collective ou
individuelle ?
Application de procédures:rationnelles et peu contextuelles
Partage de l'expérience:Identification de problèmes professionnels
concrets et résolutions issus des expériences.
Mise en relation avec le contexte.
Type de
planification : préparation de
séance ou
préparation de
l’adaptation ?
Préparation de séance rigide et
linéaire19: Ne facilite pas la centration sur le
fonctionnement des élèves et de leurs
apprentissages. Amène le stagiaire à une
centration sur le décours temporel de la
séance et sur une recherche de conformité
au plan prévue. Limite l’adaptation en
cours d’action.
Préparation de l’adaptation20:Anticipe quelques conduites typiques des
élèves. Prévoit des interventions différentes en
fonction de multiples éléments de la situation
d’enseignement (évolution météo, conduites des
élèves, type de motivation, particularités du
site…). Il ne s’agit plus de préparer la séance
mais de créer un répertoire d’action en fonction
de situations typiques.
Mode
d’organisation
Application de procédures:La préparation est faite par un apprenti
seul, pour voir de quoi il est capable.
Préparations guidées par la seule
rationalité, peu contextuelles, et peu
flexibles.
Partage de l'expérience: Identification de problèmes professionnels
concrets et résolutions issus des expériences
diverses des apprentis et du formateur. Mise en
relation avec le contexte de réalisation.
Représentation
dominante du
formateur
La préparation est un plan
« contrainte ». Il doit la préparer seul pour voir ce dont il
est capable.
Si la séance est ratée, c’est parce qu’elle a
été mal préparée.
La préparation est un plan
« ressource ». L’apprenti ne peut pas réussir seul sa
préparation, il faut l’aider à le faire. Préparer une séance et encore plus l’adaptation,
nécessite d’anticiper, donc requiert un certain
niveau d’expertise en enseignement. Le temps
de préparation est un temps de formation à part
entière, où l’on partage de l’expérience, entre
formateur et apprenti, mais aussi entre apprentis.
19 voir exemple ci-dessous20 voir exemple ci-dessous
24
Exemple de préparation linéaire
Ce type de préparation ne sert que pour la séance à venir, et n’est pas réutilisable. Elle
construit donc peu d’expérience, et ne sert donc pas à grand chose pour la formation de
l’apprenti.
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201025
Objectif de séance
Exercice 1 : objectif 1, consignes but, mise en place, variables, etc…
Exercice 2 : objectif 2, consignes but, mise en place, variables, etc…
Exercice 3 : objectif 3, consignes but, mise en place, variables, etc…
Exercice n : objectif n, consignes but, mise en place, variables, etc…
Cohérence linéaire
Absence des élèves et de leurs conduites
Préparation planifiée sur la seule logique du savoir à acquérir
Plan qui contraint le fonctionnement de l’apprenti plus qui ne l’aide à s’adapter
Démarche héritée de la PPO
Préparation de l’adaptation
Ce type de planification permet une réutilisation et une construction progressive au fil des
interventions. Elle est avant tout une planification visant la formation de l’apprenti, car
formalisatrice de l’expérience.
26
Eléments d’analyse de la situation :
Conduites typiques des pratiquants, types de motivations, caractéristiques essentielles à prendre en compte
Eléments de contexte à prendre en compte : Conditions météos, nature des engins…
Choix d’une ou plusieurs situations de références
Répertorier les conduites typiques connues par l’apprenti, et ses pairs, et le formateur
Elaboration d’un répertoire d’intervention en fonction des conduites typiques, mais en échangeant des expériences d’encadrement sur l’intérêt et les limites de chaque type d’intervention en fonction de l’effet recherché, des conditions météos compatibles, de la spécificité des publics,…
Utilisation des pistes d’interventions lors d’une véritable séance. Elaboration d’autres solutions dans le cours de l’action d’encadrement avec ou sans l’aide du formateur, ou de pairs.
Démarche de formation en boucle
Démarche qui part des conduites des pratiquants
Préparation planifiée pour aider l’apprenti à s’adapter à la situation
Plan qui ne contraint pas ce qui sera à faire, mais fourni une aide pour l’action
Démarche héritée du courant de recherche sur « la pensée des enseignants».
En résumé : Pendant la séance : aider l’apprenti à s’adapter
Aider l’apprenti à s’adapter
Problèmes Pratiques initiales Pistes d’innovations
Type d’action de la part de l’apprenti
L’apprenti réalise essentiellement ce
qu’il sait déjà faire
Inciter l’apprenti à faire des choses dont
il n’a pas l’habitude
L’activité de diagnostic de la part de l’apprenti
Peu d'activité de diagnostic :
l’apprenti ne regarde pas les
pratiquants et ne voit pas la nature
de leurs difficultés
Centrer l’apprenti sur le fonctionnement
des pratiquants, dans le cours même de
l’action d’enseignement.
Engagement du formateur
Engagement du formateur dans
l’évaluation de la prestation de
l’apprenti : comme s’il était en
examen
S’engager en tant que formateur dans la
conduite de la séance : l’apprenti n’est
plus en examen, le formateur partage
avec lui l’organisation de la séance.
Temps Temps défini de façon stricte Pas de temps défini a priori, mais
organisé sur la base d’une séquence
d’enseignement: défini par le stagiaire
(dans une fourchette de temps, et dans le
cas où plusieurs apprentis doivent
intervenir)
Responsabilité L’apprenti a seul toute la
responsabilité de la séance
Partager la responsabilité entre le
formateur et l’apprenti
Sécurisation pour l’apprenti
Pas de partage de la tâche
d’enseignement: observation stricte
Collaboration éventuelle dans la tâche
d’enseignement. Engagement dans la
séance, partage de la responsabilité de
l’échec ou de la réussite.
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201027
Après la séance : aider l’apprenti à apprendre de ce qu’il a vécu
Aider l’apprenti à apprendre de ce qu’il a vécu
Problèmes Pratiques initiales Pistes d’innovations
Qu’est ce qui est
analysé ?
Retour sur la cohérence globale de la séance.
Examen des cohérences des différentes
séquences d’enseignement en fonction des
intentions de l’apprenti développées dans le
cours de son interaction.
Avec quel point
de comparaison ?
Critique de la séance:
Par rapport à la norme de la "bonne séance",
qui est en général ce que le formateur aurait
fait à la place de l’apprenti
Analyses des difficultés rencontrées du point de vue des stagiaires
Les préoccupations des stagiaires est le
référentiel essentiel d’analyse.
Quel est l’objectif
du bilan ?
Détermination du bon comportement Identification par les stagiaires eux-mêmes des problèmes rencontrés:
Compréhension des problèmes contingents aux
difficultés perçues.
Méthode du
formateur
Uniquement explicative
Le formateur explique ce qu’il aurait fallu
faire et les raisons de celle-ci, sans
réellement prendre en compte ce que
voulait faire l’apprenti, ni les difficultés
de son point de vue.
Aide la compréhension de l’expérience par l’apprenti lui-même:
Stimulation de l’échange d’expérience autour
de difficultés concrètes. Organisateur du
questionnement relatif à la pertinence des
propositions. Explicatif dans un deuxième
temps seulement.
Communication Bilan produit en extériorité
Le point de vue du formateur est
prédominant
Bilan produit à partir de ce que l’apprenti à perçu et compris prioritairement
Aide apportée à l’apprenti pour déterminer les
raisons des difficultés rencontrées, et des pistes
de solutions possibles et envisageables pour
l’apprenti en fonction de son niveau
Quelques définitions :
Rationalité technique (RT) : cette expression vient de D. Schön, chercheur américain, qui a
été un des principaux fondateurs d’un courant de recherche et de formation sur les pratiques
professionnelles. Selon lui, le modèle de la rationalité technique (RT), ou encore celui de la
science appliquée, est le modèle dominant à la fois de compréhension des pratiques
28
professionnelles, mais aussi de la formation à ces pratiques. La RT est une conception de la
pratique professionnelle comme la stricte application de théories et de techniques
scientifiques et de planifications préalables à l’action. Or la pratique professionnelle a souvent
à faire à des cas où l’application rationnelle (c’est-à-dire essentiellement la mise en rapport
entre les buts et les moyens à mettre en œuvre, en négligeant les aspects du contexte qui font
qu’une situation est singulière) de théories scientifiques ne suffit pas. En effet, les situations
de la vie professionnelle sont souvent :
Complexes : de nombreux éléments sont en interaction et chaque élément pris
séparément ne peut permettre de comprendre la situation, y compris si l’on étudie
tous les éléments. Il faut prendre la globalité et l’interaction des éléments pour
comprendre la situation.
Incertaines : tous les éléments ne sont pas connus, ce qui obligent à faire des paris
sur un certain nombre d’éléments, supposés être présent mais non visibles.
Instables : les situations évoluent, et changent même en l’absence d’action de la part
du professionnel. On appelle cette caractéristique aussi le dynamisme des situations.
La situation est jugée d’autant plus dynamique qu’elle évolue vite, par rapport aux
capacités de réaction de l’opérateur sensé la contrôler.
Singulières : une situation professionnelle a toujours une part de nouveau et est
différente en partie de toutes les autres
Et entraînent des conflits de valeur : les situations de part les caractéristiques ci-
dessus entraînent des choix, qui font apparaître des dilemmes, souvent il n’y a pas de
solutions parfaites mais simplement des solutions qui sont des compromis entre
plusieurs objectifs voire plusieurs positions éthiques divergentes.
Tous ceci implique que les situations professionnelles sont justement à redéfinir de la part du
professionnel, c’est à dire qu’il doit définir le problème auquel il est confronté, s’il veut
espérer avoir une chance de résoudre. Or le modèle de la RT est fait pour résoudre des
problèmes déjà largement définis. Pour Schön, c’est la raison pour laquelle la RT ne peut pas
être un modèle d’action efficace pour le professionnel confronté à ce type de situation. Il faut
donc substituer à la RT, une autre conception de l’activité professionnelle pour à la fois en
rendre compte et en même temps pouvoir former les professionnels. Pour Schön se modèle est
celui de la « réflexion en cours d’action ».
Vers la poursuite de la lecture
Réflexion en cours d’action : il s’agit d’un travail du professionnel visant à établir la
particularité de la situation en cours, notamment à travers l’identification des problèmes sous Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201029
jacents aux difficultés perçues. Ce travail de définition des problèmes propre à la situation
permet au professionnel de déboucher sur la création de solutions ad hoc, qui utilisent à la
fois des savoirs issus de l’expérience (incluant des connaissances scientifiques), de la
création, et une part d’improvisation. De ce point de vue, il n’y a pas une séparation de la
réflexion et de l’action. Dans cette perspective les modèles de formation découlant de cette
conception invitent les formateurs à mettre en œuvre une pratique de réflexion en cours
d’action, et après l’action sur celle-ci, à partir d’une analyse précise des particularités des
situations rencontrées. Il s’agit d’une formation à pratique réflexive, qui vise à la fois une
analyse de l’action et de la situation, ou plus précisément de l’action en situation. La difficulté
qui se pose alors est la nature des procédures à employer pour aller vers une pratique de
formation qui ne reviennent pas à l’application d’une conception déguisée de la RT.
Vers la poursuite de la lecture
30
Envisager la fonction de tuteur comme un travail d’équilibriste
Auteurs : André Zeitler et Pascale Bouton (ENV)
Le travail du tuteur est difficile, car pris dans un ensemble de dilemmes et de contradictions
qu’il est utile de gérer et tout d’abord de comprendre et de reconnaître, avant de proposer des
solutions.
Le travail du tuteur est spécifique et différent de celui du formateur en centre de formation parce que :
- L’intervention est d’abord située dans un contexte professionnel et non spécialement
organisée pour l’apprentissage du métier ;
- Il vise des finalités différentes par rapport à la situation en organisme de formation :
Satisfaire les usagers, intégrer le stagiaire à la vie de la structure, et intégrer le projet
de formation du stagiaire dans le projet de structure ;
- Il faut souvent et en même temps, continuer à faire soi-même l’encadrement et aider le
stagiaire à le faire ou le regarder faire ;
- Le temps disponible est contraint et partagé avec d’autres tâches ;
Conclusion, toutes ces différences font que le travail du tuteur est en partie différent de celui
du formateur. Ce travail possède une spécificité qu’il est nécessaire d’analyser, pour proposer
des solutions. Cette spécificité tient pour une bonne part aux caractéristiques différentes des
contextes d’encadrement dans les deux lieux de formation de l’alternance : l’organisme de
formation et l’entreprise.
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201031
Les différences notables pour les deux lieux de formation sont :
Caractéristiques de l’apprentissage
En Organisme de formation Travail « prescrit »
En Entreprise Travail « réel »
Types d’actions
Ponctuelles et Spécifiques :
Compétences qui s’expriment dans un
temps court et défini : exemple l'évaluation
de pratiquants, la construction d'un cycle
d'enseignement, méthodologie d'un projet,
etc...
Continuées :
Compétences qui s’expriment dans la durée : exemple conduite d'un projet, gestion d'un groupe de coureurs, etc…
Types de situations
Situations de simulation et 'analyse
Permettant le co-encadrement, l’erreur, la prise de risque, une posture de recul, la découverte de procédures pédagogiques
complètement nouvelles et/ou collectives : gestion de la sécurité, situations
pédagogiques nouvelles…
Situations de production
Découverte de problèmes/de solutions ayant des effets directs et visibles sur la production dans l’entreprise, investissement dans la dimension collective du travail sur tous les aspects
Orientation de la formation
Adaptation à un métier sur le long terme
Certification/Qualification et formation à des compétences supposées être
transférables à des situations professionnelles diversifiées et futures.
Adaptation à un emploi à court terme
Compétences spécifiques à l’entreprise d’accueil durant la
formation.
Le tutorat est ainsi et d'emblée, une activité de formation pleine de dilemmes à résoudre, car
cette activité est située dans un monde d’action finalisé par la production et non par la
formation proprement dite.
Il y a de ce fait deux grandes transactions à réussir :- une première entre les processus d’apprentissage (de la part de l’apprenti) et ceux de la
formation (de la part du tuteur) : se former / former.
- une deuxième qui consiste à rendre le travail formateur sans justement dénaturer la
globalité du travail réel (le tutorat situé dans le monde et l’activité de travail21, se sert en
21 Nous différencions la simple "mise en pratique » en entreprise de l’alternance :comme relation travail-formation.
32
définitive du travail effectif produit pour former. Le risque d’une didactisation trop
importante existe et il faut pouvoir laisser au travail sa vraie grandeur.
Il s'agit donc d'une activité de formation complexe, puisque c'est une activité de travail
détournée vers une activité de formation, utilisant la première pour servir la seconde, et
intégrant à un deuxième niveau de complexité, les transactions des processus "se former /
former" comme n’importe quelle autre activité de formation.
De cette position particulière vont naître un certain nombre de dilemmes, suspendus à la
gestion des conflits d’objectifs et de valeurs dans ce rapport ambigu entre travail et formation,
ou pour être plus précis dans l’utilisation du travail comme média des processus "se
former/former".
Les dilemmes de la formation tutorale et leurs pistes de résolutionsSans avoir la prétention d’être exhaustive, une première liste de dilemmes rencontrés par les
tuteurs, peut ainsi être dressée avec quelques exemples de pistes de résolution ou de posture
pour le tuteur :
Au niveau de la transaction travailler / former il faudrait parvenir à… en favorisant :
1. Se centrer sur l’apprentissage de l’apprenti MAIS aussi faire réussir les élèves
pratiquants…. Par exemple, en formulant des objectifs de progrès personnel sur des
fiches bilans.
2. Responsabiliser et exiger MAIS aussi protéger et aider le stagiaire à faire face aux
situations professionnelles…. Par exemple, en aidant de façon personnalisée, en
accompagnement de façon contractualisée et de façon rapprochée et effective au
cours même de l’action (surtout au début).
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201033
Les TRANSACTIONS en jeu
L’apprenti :
Travaille pour produire efficacement et en "vraie grandeur" cherche à s’insérer professionnellement
Le Tuteur :
Accompagne et provoque le
développement de compétences et de
l’identité
Trouver le travail formateur /
Rendre le travail formateur
Se Former Former Devenir acteur de ses
apprentissages / Rendre l’apprenti
acteur de ses apprentissages
3. Organiser la situation de travail pour qu’elle facilite les apprentissages MAIS en
même temps ne pas détruire la signification globale de celle-ci en la morcelant… Par
exemple, en aidant le stagiaire au cours même de son activité, en prenant en charge
une partie de l’activité, en lui donnant des petits groupes, en lui demandant
d’intervenir sur une partie seulement de l’activité…
4. Respecter le rythme singulier d’apprentissage MAIS faire progresser suffisamment
rapidement l’apprenti…. Par exemple, en se fixant des dates butoirs, en évaluant
l’état du projet de formation.
5. Organiser la globalité de l’action MAIS prendre en compte les capacités actuelles de
l’apprenti … Par exemple, en identifiant les besoins de l’apprenti et en intervenant
à partir de ce qu’il est capable de faire (sa zone proximale de développement), dans
une relation négociée et contractuelle avec lui (sur des procédures et des objectifs
qui lui semblent prioritaires). Au fond c’est quand même lui qui apprend !…
Au niveau de la transaction Se former / Former il faudrait parvenir à….en favorisant :
1. Laisser intervenir les apprentis MAIS aussi faire réussir la séance pour que les élèves
pratiquants ne « pâtissent » pas de l’enseignement produit…. Par exemple, en lui
donnant le droit de faire des erreurs et en préparant des « réchappes », avec lui : la
préparation de la séance intégrant déjà l’anticipation de l’interaction avec les
élèves.
2. Partir de l’activité de l’apprenti MAIS le faire progresser en vue d'un niveau plancher
fixé par les certifications finales…. Par exemple, en tentant de voir par les yeux de
l’apprenti ses difficultés et son action pour le faire progresser plus que par la
mesure trop fréquente à un écart normatif final.
3. Laisser l’apprenti libre de se constituer son « style pédagogique » MAIS affirmer des
certitudes éprouvées par l’expérience, MAIS aussi sans le "noyer" dans des détails, ou
le faire se conformer à un style qui n’est pas le sien…. Par exemple, en prenant au
sérieux ses intentions dans les actions menées, en essayant de l’aider à les réaliser
(si elles apparaissent intéressantes). En lui donnant des remarques et des conseils
visant la réalisation des intentions. Il s’agit pour le tuteur de naviguer entre règles
généralisables et analyse singulière des situations en différenciant style et genre ;
soigner l’argumentation plutôt que l’injonction; donner des solutions en fonction
des intentions du stagiaire et lui permettre de les tester pour voir si elles lui
34
conviennent. Ne pas hésiter à l’aider à les mettre en place. Ne pas hésiter à lui
montrer comment faire, mais le laisser libre ou pas d’y adhérer et de les utiliser.
Après tout c’est lui qui doit constituer son style, mais il n’est pas interdit de lui
apporter des éléments de culture professionnelle pour le faire (le genre) !…
4. Prendre en compte le point de vue de l’apprenti MAIS sans en rester prisonnier…. Par
exemple, en faisant émerger des intentions et des significations de l’action ; en
différenciant la cohérence (la logique globale par rapport aux objectifs) et la
pertinence de l’action (l’adaptation à la particularité du moment) ; en faisant la part
des choses entre la compréhension du fonctionnement du stagiaire et la nécessaire
intervention visant à le faire évoluer.
5. Evaluer l’action de l’apprenti MAIS sans que cela n’entraîne la destruction du tuteur
en tant qu’accompagnateur. Comment en fait former/aider et évaluer/sanctionner ?....
Par exemple, en différenciant les rôles et les moments de formation et d’évaluation
certificative. En mobilisant d’autres personnes de la structure au moment de
l’évaluation. En établissant une distinction claire et contractuelle des moments de
l’évaluation certificative de ceux de l’évaluation formative ; couplage des acteurs
(formateurs et tuteurs) sur ces moments délicats ; en utilisant davantage les
techniques d’analyse de pratique que d’auto-évaluation dans la formation afin de
laisser un rôle à l’apprenti comme acteur de sa propre formation, sans confondre
celle-ci avec une conformation à un modèle a priori.
6. Construire une relation de confiance MAIS accepter de provoquer des conflits… Par
exemple, en restant sur des conflits de type socio-cognitif : posant des analyses et
jugements sur les actes et non pas sur les personnes ou leurs caractéristiques ;
formulation de plusieurs hypothèses et échange de points de vue, en faisant
intervenir un tiers neutre et légitime si le problème de compréhension/négociation
persiste.
7. Aider dans l’action MAIS ne pas déstabiliser l’apprenti pendant celle-ci…. Par
exemple, en négociant à l’avance, en préparation et en contractualisant ce type
d’intervention ;
En conclusion de cette partie : Le tutorat est une démarche visant l’amélioration de l’activité professionnelle et notamment
de l’encadrement. Il est de ce point de vue, une situation d’apprentissage pour les apprentis
Document d’aide à la formation des compétences
CREPS Aquitaine 201035
enseignants. Il revêt en retour un enjeu tout aussi fort pour le tuteur qui peut ainsi partager et
confronter ses "certitudes". Les conditions de son bon déroulement sont difficiles à définir ou
prescrire d’emblée tant la variété des situations et des personnes rendent prégnants les
dilemmes cités précédemment. Connaître ces tensions permettra, nous l’espérons, de les
accepter d’emblée comme constitutive structurellement de la fonction tutorale et non pas
comme des scories venant perturber un fonctionnement idéal décontextualisé. Aider la
fonction tutoral devient, à nos yeux, essentiellement aider à gérer ces dilemmes, qui prennent
des formes toujours contextuelles et singulières.
36
La formation en organisme comme ouverture à l’apprentissage
Auteur : Paul OLRY
Problématique Cette perspective d’ouverture de la formation à l’apprentissage souligne la difficulté de prise
en compte dans les situations concrètes d’enseignement des acquis de recherches sur lesquels
les enseignants pourraient s’appuyer pour cerner les principaux écueils à une perspective de
généralisation des savoirs.
Le premier est celui du rapport au Savoir. Nous faisons ici référence à un courant
d’analyse sociologique prolifique. Par « rapport au savoir », B. Charlot et J-Y. Rocheix
évoquent par exemple plus la trame intime qui ne peut parfois se tisser entre un individu et
une formalisation des connaissances qui peut lui rester étrangère. Nous évoquerons quant
à nous le rapport de certains contenus précis d’enseignement à un domaine professionnel.
Le deuxième point est celui du rôle du travail dans le développement des individus. D’une
part, l’activité de travail joue un rôle non seulement dans la formation des compétences,
mais également dans la construction des savoirs (Mayen, 1999).
Le troisième acquis porte sur les fonctions du travail en tant qu’apprenti. Pour participer
d’une fonction dans le processus de développement des individus, les moments de travail
comme les moments de formation doivent satisfaire une ou plusieurs des conditions
suivantes (Leplat, 2000):
- des occasions de mise à distance de son exercice et de re-présentation des points clés
de l’activité conduite ;
- des moments d’échange avec le maître d’apprentissage et avec les pairs, permettant au
stagiaire de saisir une pratique singulière, parfois servie et parfois desservie par les
savoirs généraux /scolaires.
- des situations qui mettent à l’épreuve l’équilibre acquis dans la conduite d’une activité
et dans l’enchaînement de plusieurs prescriptions.
Le quatrième point concerne les différences de représentations du travail entre les
stagiaires et leurs enseignants. Le travail du stagiaire est, on l’a dit, largement méconnu de
Document d’aide à la formation des compétences
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ses enseignants de matière générale. Un discours distancié est de ce fait transmis et se
trouve restitué par les stagiaires.
Les principes de la formation comme ouverture à l’apprentissage
Une formation intervention
Parce qu’elle est une intention, pour autrui, d’optimiser son activité d’apprentissage dans, et
par une situation spécifiquement élaborée à cet effet, la formation suppose une intervention
guidée par des buts spécifiques. Trois types d’intervention sont alors relevées :
- sur les savoirs, dans un processus que Chevallard (1987) a identifié comme étant
une transposition et qui vise à définir et organiser, à partir des savoirs savants, les
savoirs à enseigner compte tenu des caractéristiques de leur acquisition ;
- sur les situations (Brousseau, 1999) dans un processus de transformation afin d’y
définir leur contribution aux apprentissages notamment par les tâches et artefacts
qu’elles proposent.
- sur les sujets, dans un processus de constitution de ressource pour maîtriser la
situation, notamment dans le dépassement des obstacles à un apprentissage.
Les rapports aux savoirs, aux autres, aux situations constituent ainsi les modalités par
lesquelles le sujet développe son activité. La formation s’empare de cette question d’une
façon qui lui est spécifique, par ses objets, ses modes d’intervention et ses produits.
La démarche de formation
Elle doit opérer un triple déplacement favorisant l’apprentissage.
Tout d’abord centrer son intérêt du travail « en général » à l'activité : son objet est la
mobilisation d’un sujet pour faire face aux exigences d’une tâche, dans une situation donnée,
marquée par la variation des caractéristiques subjectives et des éléments contextuels.
Cette considération de l’activité s’accompagne d’un second déplacement. Elle doit se
préoccuper moins des savoirs savants, des savoirs techniques tels qu’ils peuvent être codifiés
dans les ouvrages, les instructions, les notices et tels qu’ils sont organisés par les cursus et
disciplines scolaires, que des actions professionnelles.
Elle doit opérer un troisième déplacement : son intervention n’a pas pour but principal
l’acquisition des compétences, mais plutôt leur développement.
Cette question du développement s’organise dans différents champs :
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- il s’agit, d’abord, de l’élaboration et la transformation des compétences, par les
sujets, dans et par les situations de travail ;
- il s’agit, ensuite, du développement à contre-temps de l’action professionnelle,
dans son anticipation ou sa rétrospection. L’idée d’une conceptualisation dans et
par la rétrodiction (Veyne 1971) est un des axes d’intervention souvent utilisé ;
- il s’agit de l’élaboration de situations didactiques (Brousseau, op.cit.) afin de
favoriser le développement des compétences dans des contextes spécifiquement
dédiés qui revisitent les « savoirs à enseigner » dans les situations de formation
ainsi que la conception des situations d’apprentissage les plus favorables.
Tous ces points n’ont pas été également travaillés, mais ils convergent pour constituer comme
objet de ce type d’intervention, le développement des sujets à l’occasion de l’élaboration et la
transformation des compétences.
LES MOYENSSe doter d’une méthode
En revanche, l’ouverture de la formation sur l’apprentissage devient manifeste par trois
constantes :
- accéder à l’activité 22, ce qui, conduit à des démarches précises, délicates et fortement
mobilisantes pour ceux qui s’y engagent. Il s’agit, le plus souvent de pouvoir observer le
travail dans ses conditions ordinaires23 d’effectuation. Lorsque l’activité est
inaccessible, des traces de l’action, conduisent ainsi des « confrontations » des sujets
aux produits (et sous-produits) de leurs actions (esquisses, brouillons, objets défauts,
…).
- Formaliser les éléments de la dynamique de conceptualisation à l’œuvre dans l’action
compétente. Cette formalisation est essentielle autant pour comprendre les
caractéristiques de la compétence que pour construire des dispositifs de formation.
- Produire les éléments de la situation . Chacun le sait, l’action organisée est efficace
jusqu’à un certain degré de variation des situations.
Ces constantes précisent un double produit à l’analyse : la structuration du couple
activité/situation, la dynamique qui configure un espace d’apprentissage.
22 ce à quoi peu de démarches d’ingénierie de formation s’engagent.23 Cet « ordinaire du travail » inclut, bien sûr, tout l’extraordinaire qui est la fois l’imprévu, la crise, l’inédit mais aussi et surtout, le fait banal et exceptionnel, de faire le travail « malgré tout » (Clot, 2002), de transformer par l’action des hommes et des femmes, le délicat, le difficile, le compliqué, en quotidien.
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C’est dire, que les moyens mobilisés doivent contribuer à considérer le point de vue du sujet
agissant dans les situations de travail. C’est là que se rencontrent les variations entre stagiaires
et des contextes qui font que le travail ne se répète jamais à l’identique. Là encore, que se
construit l’expérience des stagiaires leur permettant de faire face non seulement aux situations
déjà rencontrées mais de s’orienter face aux difficultés inédites. Là enfin que se construisent
les routines, les expertises, que s’oublient aussi certaines connaissances devenues inutiles ou
désuètes, que s’effacent certains apprentissages devenus sans objet et que se transforment
celles et ceux qui trouvent dans de nouveaux défis du réel l’occasion d’une nouvelle
existence…
Une deuxième perspective est de reprendre les éléments définissant les compétences comme
permettant de construire les situations de formation elles-mêmes. On retrouve là les
préoccupations d’ingénierie pédagogique ou, plus précisément, la construction de situations
didactiques. La didactique considère alors que, si les sujets développent une activité dans les
situations de travail, c’est également le cas dans les situations de formation. Le dispositif et
l’institution qui le porte ne fait que formuler des prescriptions et proscriptions sur des tâches
dans des contextes spécifiques. Chaque apprenant y développe son activité et, par là, une
façon singulière de construire ses connaissances. Mais, là encore, il n’y a pas lieu d’opposer le
singulier au général ou de considérer que l’activité subjective fait échapper l’apprentissage à
l’intention didactique. Celle-ci va organiser le contexte et définir la tâche à partir de la
formalisation des compétences et des éléments recueillis sur l’activité des opérateurs. Toutes
les tâches et tous les contextes ne sont pas également favorables à l’apprentissage, tous ne
fournissent pas des occasions égales de développement, tous ne sont pas structurés de façon
que l’activité des apprenants permette l’élaboration des éléments organisant la compétence.
Les stratégies des enseignants
Le stagiaire se construit une représentation des dispositions utiles pour construire des
généralisations des savoirs acquis d’une part et d’autre part d’opérer la synthèse entre les
différentes sources et donc les différents formats de connaissances qu’il est amené à repérer et
acquérir dans son parcours d’alternant. Sur cette base, les enseignants adoptent des stratégies
d’enseignement qui fournissent une base intéressante de mise en perspective des pratiques et
de leur développement.
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La caractérisation des stratégies des enseignants souligne la recherche du maintien d'un
équilibre entre les situations d'apprentissage et des situations pédagogiques proposées aux
apprentis. ON propose ci-après une démarche mêlant
- la prise en compte des situations critiques vécues par les stagiaires au travers d'une
"rétrodiction" de leur part sur la période vécue en stage. Il s'agit de leur faire produire
un récit descriptif et évocateur des ces situations. Ce travail d'évocation et de mise en
récit est pédagogiquement peu dynamique du point de vue du groupe classe.
- la préparation d'une séquence pédagogique du type "exploitation des vécus" qui repose
toute entière sur le postulat d'une mise en commun possible. Ce travail de partage des
vécus en dynamique tend à favoriser les éléments descriptifs qui font consensus et
moins ceux qui font problème. C'est pourtant ceux-ci qui sont de nature à porter un
questionnement des stagiaires sur les problèmes rencontrés.
On peut distinguer dans cette perspective deux modalités stratégiques.
Une tactique
Dans ce cas, l’enseignant tente d'établir pour les stagiaires ce lien qui fait défaut entre
les situations de travail vécues et les situations de classe. Pédagogiquement, il fait
aboutir le travail sur un stéréotype de procédure permettant aux élèves non seulement
d'en disposer, mais surtout de comparer la mise en oeuvre effective avec l'application
de cette "théorie a priori de la pratique".
une stratégie
Dans ce cas, l'enseignant laisse se développer les conceptions des élèves à propos de
ce qui fait situation pour eux. La situation de formation émerge ainsi de la restitution
faite par l'élève, sur la base de traces recueillies, de son activité en situation. Cette
pratique permet la confrontation de point de vue et amène chaque élève à argumenter
ses choix dans le cadre pédagogique. On peut alors assister à l'élaboration in situ d'une
théorie de la pratique.
Les stratégies des enseignants croiseraient ainsi :
Les conditions propres à leur enseignement
Leur indépendance par rapport à une planification des savoirs programmés dont ils
doivent néanmoins assurer la transmission.
Les conditions du cadrage de l'action efficace
Document d’aide à la formation des compétences
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Leur indépendance par rapport aux modèles canoniques de séquences pédagogiques
"réussies", dans lesquelles la dynamique des élèves est utilisée pour porter le savoir à
transmettre.
Les conditions de prise en compte de l'activité des stagiaires
Leur compréhension de l'action des stagiaires comme "connaissance autonome" et
structurante de leurs conceptualisations et donc de leur conceptions des thèmes
académiques à traiter.
Les conditions de production de sens
Enfin, ces stratégies dépendent du discours des stagiaires, non comme ce qui vient contre
la vérité du savoir, mais comme le produit de la confrontation aux situations et à leur
traitement.
Penser les savoirs généraux
Nous relevons ici trois types d’enjeux relatifs à une forme de « revalorisation des savoirs
généraux » dans la formation professionnelle des stagiaires.
- un enjeu technique : la discussion sur la notion de savoirs généraux prend place dans
un panorama dominé par la notion de compétence. Celle-ci est réputée s’acquérir au
sein des situations de travail. L’acquisition de savoirs généraux est une mission des
formations du ministère. Reste donc à mieux cerner leur rôle, notamment dans
l’exercice quotidien du travail.
- Un enjeu politique : si les savoirs généraux sont ceux qui permettent de s’adapter à
différentes situations, alors ils sont difficiles à acquérir. L’ambition est d’en faire le
bagage minimum de savoirs d’un stagiaire. L’hypothèse est finalement que les savoirs
généraux, mal restitués sinon imparfaitement acquis, contribueraient à un exercice
différent, plus solidaire, mieux responsable, dans un état de conscience sociale. C’est
l’enjeu que pourrait porter un contrôle en cours de formation, si les conditions
techniques d’appréciation des savoirs généraux dans les situations de travail se
trouvaient définies.
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- Un enjeu éthique : compte tenu de ce qui précède, les savoirs généraux apparaissent
autant comme des faciliteurs du processus de développement de compétences que
comme un contenu mis à disposition. Le stagiaire est invité à considérer les savoirs
généraux comme une ressource mobilisable dans l’action, plus que comme un contenu
à connaître et restituer.
Document d’aide à la formation des compétences
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Les savoirs
générauxSavoirs
disciplinaire
s
Savoirs
techniques
Savoirs
professionnel
s
Présentation des auteurs et remerciements :
Coordination : Zeitler André
Présentation des auteurs du livret :
Bouton Pascale : professeur agrégé d’EPS, formateur à l’Ecole Nationale de Voile
Olry Paul : maître de conférence à Paris 13, chercheur associé au Centre de Recherche Sur la Formation du CNAM
Zeitler André : professeur agrégé d’EPS, formateur à l’Ecole Nationale de Voile, chercheur associé au Centre de Recherche Sur la Formation du CNAM
Remerciements :
Nous remercions Mme KERZERHO du département de la formation de l’ENV pour les
relectures du présent document.
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