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BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2009, N° 300 (2) 3 ACACIAS ACACIA DEALBATA Jacques Tassin 1 Rado Rakotomanana 2 Christian A. Kull 3 1 Cirad Campus de Baillarguet TA 10/D 34398 Montpellier cedex 5 France 2 École supérieure des sciences agronomiques Département des eaux et forêts Université d’Antananarivo Madagascar 3 School of Geography and Environmental Science Monash University Building 11 Melbourne, VIC 3800 Australie Proposition d’un cadre de représentation des bioinvasions en milieu rural : cas de Acacia dealbata à Madagascar Photo 1. Peuplement de Acacia dealbata à proximité d’Ambatofitorahana. Photo C. Kull.

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B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 ) 3ACACIASACACIA DEALBATA

Jacques Tassin1

Rado Rakotomanana2

Christian A. Kull3

1 CiradCampus de BaillarguetTA 10/D34398 Montpellier cedex 5France

2 École supérieure des sciencesagronomiquesDépartement des eaux et forêtsUniversité d’AntananarivoMadagascar

3 School of Geography and Environmental ScienceMonash UniversityBuilding 11Melbourne, VIC 3800Australie

Proposition d’un cadre de représentation

des bioinvasions en milieu rural :cas de Acacia dealbata

à Madagascar

Photo 1.Peuplement de Acacia dealbata à proximité d’Ambatofitorahana.Photo C. Kull.

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4 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 9 , N ° 3 0 0 ( 2 )

ACACIASJ. Tassin, R. Rakotomanana, C. A. Kull

ACACIA DEALBATA

RÉSUMÉ

PROPOSITION D’UN CADRE DE REPRÉSENTATION DES BIOINVASIONSEN MILIEU RURAL : CAS DE ACACIADEALBATA À MADAGASCAR

Dans certaines situations rurales où seconjuguent pauvreté des populations etrareté des ressources, l’analyse des consé-quences de l’invasion d’une espèceligneuse nécessite l’emploi d’un cadred’approche large et objectif, qui inclue lesinteractions entre les paysans et lesespaces envahis. L’article tire parti d’unecourte étude conduite dans la communed’Ambatofitorahana, au sud d’Ambositra,dans la région des Hautes Terres. Introduitd’Australie à Mada gascar, où il est devenuinvasif, le mimosa (Acacia dealbata) yconstitue aujourd’hui une ressourcerenouvelable pour le paysannat. Les typesd’usages relatifs à cet arbuste ont étépréalablement sommairement caractéri-sés. La discussion des résultats, qui repré-sente l’essentiel du corps de cet article,donne lieu à la proposition d’un cadre dereprésentation à différentes échelles pourappréhender correctement une bioinva-sion en milieu rural. L’investigation del’ensemble de l’impact socio-économiqueet écologique de ce processus nécessitede recourir à une gamme de niveaux d’or-ganisation et d’échelle allant de la parcelleà l’ensemble du pays. Les avantages etinconvénients que recouvre l’invasion dumimosa à Madagascar se révèlent en effetspécifiques de chacun de ces niveauxd’analyse. À l’échelle des espaces ruraux,la valorisation apparaît essentiellementcentrée sur la réalisation de jachèresligneuses et la production de combus-tibles (bois de feu et charbon de bois).L’analyse montre qu’au niveau des terri-toires ruraux, l’invasion de A. dealbataobéit à des phases de stabilisation suiviesd’extensions, en lien étroit avec despériodes de valorisation suivies d’un relâ-chement dans l’utilisation de cette res-source. Les incidences socio-économiquesde cette bioinvasion varient dès lors avecla période historique considérée. Demanière permanente, la valorisation pay-sanne et l’occupation agricole des espacesruraux demeurent le meilleur rempart àl’extension des surfaces envahies par lemimosa dans les Hautes Terres malgaches.

Mots-clés : acacia australien, charbon debois, Hautes Terres malgaches, impactsocio-économique, invasions biolo-giques, jachère ligneuse.

ABSTRACT

PROPOSAL FOR A REPRESENTATIONALFRAMEWORK FOR STUDIES OF BIOINVASIONS IN RURAL AREAS: THE EXAMPLE OF ACACIA DEALBATAIN MADAGASCAR

In situations where rural poverty is com-pounded by scarce resources, analyses ofthe consequences of invasion by woodyspecies require a comprehensive andobjective framework that also covers inter-actions between smallholders and thelands being affected. This article draws ona short study conducted in the municipal-ity of Ambatofitorahana, to the south ofAmbositra in Madagascar’s uplands. Aca-cia dealbata, a mimosa, was introducedfrom Australia to Madagascar, where ithas become invasive but offers a renew-able resource for peasant farmers. Thetypes of uses made of this shrubbyspecies were broadly characterised priorto the field study. The discussion of thestudy results, which forms the main bodyof this article, has led to a proposal for amulti-scale representational frameworkcapable of producing a relevant appraisalof bioinvasion in rural environments.Investigating the full range of socio-eco-nomic and environmental impacts of abioinvasion process means analysingmultiple scales and levels of organisation,from individual plots to the country as awhole. The study clearly shows that theadvantages and drawbacks of the mimosainvasion in Madagascar are specific toeach level analysed. At the level of ruralareas, uses of the shrub mainly revolvearound bush fallows and fuel production(wood and charcoal). Our analysis showsthat in rural areas, the A. dealbata inva-sion proceeds through successive phasesof stabilisation and extension, with peri-ods of use followed by a relative abandonof the resource closely following the samepattern. The socio-economic impacts ofthis bioinvasion therefore vary with theperiod in time being considered. At alltimes, use of the resource by smallholdersand agricultural land use are the mosteffective barriers to an increase in theareas subject to mimosa invasion inMadagascar’s upland regions.

Keywords: Australian acacias, charcoal,Madagascar uplands, socio-economicimpact, biological invasion, bush fallows.

RESUMEN

PROPUESTA DE UN MARCO DEREPRESENTACIÓN DE BIOINVASIONES EN ÁREA RURAL: EL CASO DE ACACIADEALBATA EN MADAGASCAR

En ciertas situaciones rurales en donde secombinan la pobreza de la población y laescasez de recursos, el análisis de lasconsecuencias de la invasión de unaespecie leñosa requiere el empleo de unenfoque con un marco amplio y objetivo,que incluya las interacciones entre cam-pesinos y espacios invadidos. El artículosaca partido de un corto estudio efec-tuado en el municipio de Ambatofitora-hana, al sur de Ambositra, en las tierrasaltas. La mimosa (Acacia dealbata), origi-naria de Australia e introducida en Mada-gascar, constituye actualmente un recursorenovable para el campesinado. Previa-mente, se realizó una somera caracteriza-ción de los distintos usos de este arbusto.La discusión de los resultados, quesupone la parte fundamental de dichoartículo, da lugar a la propuesta de unmarco de representación con distintasescalas para evaluar correctamente unabioinvasión en área rural. La investigacióndel impacto global socioeconómico y eco-lógico de este proceso necesita recurrir auna gama de niveles de organización y deescalas que van desde la parcela hasta elconjunto del país. Se pone de manifiestoque las ventajas e inconvenientes queconlleva la invasión de la mimosa enMadagascar son específicas para cadauno de estos niveles de análisis. A escalade los espacios rurales, el aprovecha-miento se centra fundamentalmente en larealización de barbechos leñosos y la pro-ducción de combustibles (leña y carbónvegetal). El análisis muestra que, en laszonas rurales, la invasión de A. dealbataatraviesa fases sucesivas de estabiliza-ción y expansión, que se correspondenfielmente con períodos de aprovecha-miento seguidos por una atenuación en eluso de este recurso. Las incidenciassocioeconómicas de esta bioinvasiónvarían, pues, dependiendo del períodohistórico estudiado. De manera perma-nente, el aprovechamiento campesino y laocupación agrícola de los espacios ruralesconstituyen la mejor barrera contra laextensión de las áreas invadidas por lasmimosas en las tierras altas malgaches.

Palabras clave: acacias australianas, car-bón vegetal, impacto socioeconómico,invasiones biológicas, barbecho leñoso,tierras altas malgaches.

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Introduction

Les acacias australiens ont été lar-gement diffusés sous les tropiquespour la rapidité de leur croissance, leurfaible exigence vis-à-vis des sols, et leurhaute productivité (Kull et al., 2008).Ces espèces, le plus souvent pion-nières, sont prédisposées pour devenirinvasives dans les savanes herbeuses,où la récurrence des feux, souvent favo-rables à la germination des graines,mais aussi leur capacité à fixer l’azoteou leur potentiel allélopathique, lesrendent compétitives à l’égard desautres plantes (Casal et al., 1985 ;Holmes, Cowling, 1997). Aussi sont-elles aptes à envahir rapidement devastes étendues. Nous nous référons,dans cet article, à la définition deRichardson et al. (2000) selon laquelleune espèce invasive, responsable d’unebioinvasion, est une espèce qui s’estnaturalisée à la suite de son introduc-tion, puis s’est révélée capable de sedisperser sur de longues distances etde recouvrir de larges surfaces.

Dans les conditions de pauvretésocio-économique qui prévalent dansles zones rurales défavorisées, lesinvasions d’acacias sont parfois consi-dérées avec bienveillance, mettantalors en défaut les cadres les plusconventionnels de la perception desbioinvasions. Mais la gestion paysanned’une bioinvasion peut n’être qu’unesimple réponse à une contrainte,conduisant les paysans à devoir tirerparti d’une ressource médiocre qui leurest imposée, parce que cette ressourceintempestive se substitue à une autre,ou sous l’effet de mesures coercitivesd’origine étatique les amenant à unevalorisation par défaut. Le premier casest illustré par l’exemple de plusieursProsopis devenus invasifs en zonesarides africaines, contraignant les pay-sans à récolter un bois garni d’épineset dont la combustion dégage uneodeur jugée désagréable (Geesing etal., 2004). Le second cas s’observe àMadagascar : la régulation des prélève-ments de bois en forêt, mais aussi ledécret de novembre 2001 sur la ges-tion contractualisée des forêts (Gcf),ont conduit les paysans malgaches àdevoir se reporter sur les taillis d’es-pèces exotiques (Carrière et al.,

2008). Dans ces deux types de configu-ration, la ressource résultant d’unebioinvasion est valorisée par défaut.

Certains auteurs, s’élevantcontre une vision trop radicale desbioinvasions, invitent à reconsidérerles impacts de ces dernières, volon-tiers présentés comme désastreux auplan biologique (Vitousek et al.,1997) comme au plan socio-écono-mique (Pimental, 2002). Ces auteursinvitent à davantage nuancer leseffets biologiques (De Pietri, 1992 ;Gurevitch, Padilla, 2004) et socio-économiques (De Wit et al., 2002 ;Shackleton et al., 2007) des bioinva-sions. Certaines bioinvasions, commecelle de Chromolaena odorata auTimor, sont assurément néfastes enmilieu rural (McWilliam, 2000).

Pourtant, de nombreux exemplesmontrent que, dans des situations deprécarité, les paysans tirent parfoisbénéfice des bioinvasions, notam-ment lorsqu’il s’agit d’invasions pardes essences forestières (de Neer-gaard et al., 2005 ; Geesing et al.,2004 ; Siges et al., 2005 ; Shackleton

et al., 2007). C’est le cas à Madagas-car, où les paysans ont appris à tirerparti des espèces exotiques invasives(Kaufmann, 2004 ; Carrière et al.,2008 ; Carrière, Randriambanona,2007 ; Kull et al., 2007). Aussi lesconcepts conventionnels associés auxbioinvasions apparaissent-ils parfoisdissonants dans les situations ruralesles plus défavorisées, comme c’est lecas à Madagascar (Tassin, 2008).

Comment concilier au planconceptuel une bioinvasion et sa valo-risation ? Comment de surcroît assurerune gestion durable de ce type de res-source quand les deux concepts quis’y rattachent, invasion et durabilité,apparaissent si peu conciliables dansleur représentation habituelle ? N’est-ce pas là avant tout une questiond’échelles et de niveaux d’organisa-tion ? C’est à cette triple question ques’attache cet article, en partant concrè-tement d’une étude qui prend commemodèle Acacia dealbata Link, espèceinvasive dans les Hautes Terres mal-gaches, où elle est valorisée par lespaysans selon de multiples formes.

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Photo 2.Arbre isolé à proximité d’habitations, à Manja Ranch, Ambatolampy.Photo C. Kull.

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Méthodesd’analyse

du cas étudiéLes méthodes ci-après présen-

tées s’attachent à l’investigation ducas particulier sur lequel s’appuiel’article : la situation de Acacia deal-bata dans une commune des HautesTerres de Madagascar. Le cadre dereprésentation des bioinvasions quenous proposons, et qui est illustrépar la situation particulière ci-des-sous analysée, est quant à lui déve-loppé dans la partie « Discussion ».

Le modèle biologique

Acacia dealbata (communémentnommé mimosa à Madagascar) estoriginaire du sud-est de l’Australie(Victoria, Nouvelles-Galles du Sud,Tasmanie). C’est un arbuste de 5 à10 m de haut à feuillage persistant.Le tronc est lisse, gris-noir. Lesfeuilles sont bipennées, de couleurvert bleuté à gris argenté. Les fleurssont regroupées en grappes de glo-mérules jaune vif, agréablement par-fumées. Les fruits sont des goussesaplaties de 4 à 10 cm de long, appa-raissant dès la deuxième année.

Il s’agit d’une espèce pionnièrehéliophile à croissance rapide, produi-sant de nombreuses graines quiconservent longtemps leur pouvoirgerminatif (plus de 50 ans) (Boland etal., 1984), et dont la dormance estlevée par un choc thermique (feu, maisaussi toute forme d’ouverture du cou-vert) (Borie, 1989). La dispersion desfruits est assurée par le ruissellementet sans doute aussi par le bétail(Rakoto Ramiarantsoa, 1993) et parles fourmis (O’Dowd, Gill, 1986). Àune échelle plus fine, la propagationest assurée par le drageonnage, parti-culièrement vigoureux sur sols superfi-ciels. La répartition géographique dumimosa est circonscrite par les iso-hyètes 800 et 1 800 mm/an, et les iso-thermes 12 et 18 °C, s’agissant de latempérature moyenne annuelle(Boland et al., 1984). De ce fait, l’es-pèce demeure localisée entre 800 et1 800 m d’altitude. Elle est aujourd’huitrès commune dans les Hautes Terresmalgaches (figure 1, photos 1 et 2).

La zone d’étude

L’étude a été conduite dans lacommune d’Ambatofitorahana (régionAmoron’I Mania), à 40 km au sudd’Ambositra, dans une région large-ment dominée par l’ethnie betsileo.Cette zone montagneuse, d’une alti-tude moyenne de 1 600 m, culmine à1 840 m. La commune s’étend sur125 km2. Les collines, revêtues de solsferrallitiques, sont dévolues à la pro-duction de pommes de terre et depatates douces, cultivées en billonsnommés tolaka et disposés en courbesde niveau, tandis que les bas-fonds et

vallées sont réservés à la riziculture. Lasavane herbeuse à Hyparrhenia rufa etHeteropogon contortus, régulièrementparcourue par les feux, domine lespaysages (Rakotomanana, 2007).

Acacia dealbata y a été locale-ment introduit à une date incertaineau cours de la première moitié du XXe

siècle (Kull et al., 2007). Il s’y estétendu rapidement puisque, dèsavant l’indépendance, la confectionde bouquets de mimosas pour célé-brer la fête nationale du 14 juillet estdevenue une tradition. L’usage a per-duré et la date a été conservée pourcélébrer la Fête des mimosas.

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ACACIA DEALBATAACACIAS

Figure 1.Carte des peuplements de Acacia dealbata dans les Hautes Terres malgaches(modifié d’après Kull et al., 2007).

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Les boisements d’acacias sontintégrés dans des cycles de jachère, àlaquelle succède une ouverture parcoupe (taillis cultivé) ou usage du feu(tavy), puis une mise en culture parfoisprécédée d’un écobuage (Michellon etal., 2001). La germination des semencesenfouies dans le sol conduit les paysansà abandonner la parcelle au bout dedeux à trois ans. Les paysages présen-tent une similarité spatiale entre les cul-tures en billons et les jachères à acaciaqui apparaissent selon des bandes per-pendiculaires à la pente.

Recueil de donnéesrelatives aux

peuplements d’acacias

Une caractérisation sommairedes peuplements d’acacias a étéconduite sur la base d’un pland’échantillonnage recouvrant quatreunités territoriales d’administration,représentées par les fokontany d’Am-batofitorahana, Miandritsara, Miandri-faikona et Tanandava. Les relevés ontété réalisés au sein d’un dispositif de50 placettes de 10 m x 10 m, respecti-vement au nombre de 12, 20, 9 et 9pour chacun des fokontany.

Les tiges de diamètre Dbh supé-rieur à 10 cm ont été dénombréesdans chaque placette. Le recueil dudiamètre di et de la hauteur hi pourchaque individu i a permis le calculde la surface terrière G établie en

m2/ha (G = π /4 di2)

et de la biomasse V estimée en m3/ha

(V = 0,42 x π /4 di2 x hi)

(Rajoelison, 1997).

Recueil de donnéesrelatives aux usages

Une enquête à caractère explora-toire, réalisée par questionnaire-entre-tien, a été conduite auprès de huitexploitants agricoles et cinq collec-teurs de bois. Le nombre total d’ex-ploitants agricoles impliqués dans desactivités de charbonnage sur la com-

mune est de douze, pour six collec-teurs de bois. Le taux d’échantillon-nage global de cette catégorie socio-professionnelle est donc de 72,2 %. Lequestionnaire formel, destiné àrecueillir des données quantifiées,donnait lieu à d’autres questions sus-citées selon un mode semi-directif.

L’enquête visait à recueillir lesprincipaux modes d’utilisation dumimosa dans le cadre de leur unitéd’exploitation (usages, parties utili-sées, périodes de collecte, transfor-mation, quantités prélevés, revenusobtenus, intégration dans les sys-tèmes de culture). Chaque entretiena duré environ une heure et a étéconduit en langue malgache.

L’enquête formelle a été complé-tée par des entretiens réalisés auprèsde six responsables administratifs rat-tachés à la gestion de l’environne-ment et des ressources forestières,trois démarcheurs, trois manutention-naires et six ouvriers agricoles.

Résultats

Caractér isation des peuplements

L’étude confirme que les mimo-sas ne sont plus plantés aujourd’huiet se propagent exclusivement pardispersion des graines ou drageon-nage. La surface totale des bois demimosas d’Ambatofitorahana offi-ciellement recensée est de 60 ha, cequi apparaît sous-estimé, en raisonnotamment de la présence de nom-breuses petites parcelles.

Selon les terroirs et s’agissantdes seules tiges de plus de 10 cm dediamètre, la surface terrière G de cesplacettes varie de 0,8 à 4 m2/ha, etla biomasse V de 11,4 à 19,9 m3/ha.La densité en tiges de plus de 10 cmde diamètre varie de 70 à 290 tigespar 100 m2.

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Photo 3.Fagots de tiges de mimosa, récoltées comme bois de feu.Photo C. Kull.

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Valor isation du bois

Le bois du mimosa est avant toutun bois de chauffage et de cuissonréservé à l’usage domestique, dont laconsommation annuelle varie de 4 à6 m3 par ménage (7,5 personnes). Lesbesoins oscillent au cours de l’année,selon la température ambiante et lecalendrier alimentaire. L’un des attraitsmanifestes de ce type de ressource estla possibilité de la valoriser à toutmoment de l’année (photo 3).

Le mimosa entre à 20 % dans levolume de production du charbon pourle marché régional, essentiellementreprésenté par les villes d’Ambositra etAntananarivo, le complément étantassuré par l’eucalyptus (Bertrand,2001). Seules sont utilisées les tigesde plus de 4 cm de diamètre, pour unvolume total annuel de 650 m3 dansles quatre fokontany recensés. Larécolte est parfois achetée sur piedlorsque l’utilisateur n’est pas le pro-priétaire, ce qui est le cas de migrantstrouvant là une activité rémunératriceen substitut d’une agriculture qu’ils nepeuvent pratiquer faute de terre. Cetteforme d’exploitation du mimosa s’ef-fectue durant les périodes de relâchedu calendrier agricole (photo 4).

Aucune valorisation du bois enartisanat n’a été relevée, en dépitd’une tradition très forte de la sculpturedu bois dans la région d’Ambositra.

Valor isationagroforestière

La jachère ligneuse est la pre-mière forme de valorisation agrofo-restière du mimosa dans la zone étu-diée, mais d’autres formes d’usagede ce type ont été rapportées : four-rage, engrais vert, apiculture, corde-rie et bois de service (photo 5).

L’utilisation en fourrage resteoccasionnelle et saisonnière, et neporte que sur le feuillage et lesbranches les plus fines, de moins de5 mm de diamètre. Elle est évitée enpériode de floraison (juillet à sep-tembre), pendant laquelle s’élève lateneur des feuilles en tannins,toxiques pour le bétail. Le feuillagen’excède pas 20 % de la compositionde la ration journalière.

L’utilisation comme engraisvert, en association avec le fumier deparc, à raison de cinq sacs pour unecharrette de fumier, reste occasion-nelle. Les tiges de mimosa sont utili-sées pour enclore les habitations et

les parcs à animaux, ce qui repré-sente une consommation d’environ5 m3 de bois par an.

L’utilisation de l’écorce dumimosa comme matériau de basepour confectionner des liens est fré-quente, mais ne porte que sur deuxtiges par an et par exploitant. Enfin,les feuilles sont utilisées en tisanecontre les diarrhées.

Discussion

Les peuplements de mimosasfont partie intégrante des paysagesd’Ambatofitorahana depuis au moinsdeux générations. Durant cettepériode, aux échelles spatiales rele-vant de leur activité (du territoire à laparcelle), les paysans ont appris àtirer parti d’une nouvelle ressource.Ils en ont de ce fait probablementcontrôlé l’extension. Comment dèslors conceptualiser cet apparentparadoxe entre l’extension naturelleet intempestive d’une ressourceligneuse et son contrôle assuré parles communautés paysannes ?

Une ressource diversif iéeet multiforme

Le caractère pérenne de cetteressource ligneuse, abondante et rapi-dement renouvelée, est apprécié despaysans dans la mesure où ils peuventy recourir selon leurs besoins et desexigences du calendrier agricole. Cepoint est également souligné pourl’utilisation paysanne des peuple-ments d’acacias australiens en Afriquedu Sud (Shackleton et al., 2007),dans les Hautes Terres du Kenya(Castro, 1996) et dans les Ghâts occi-dentaux en Inde (Hinnewinkel, 2002).

L’utilisation du bois du mimosapermet un allégement des prélève-ments opérés sur d’autres peuple-ments, notamment les reliques deforêt primaire. En dépit de ce trans-fert de prélèvement, les taillis demimosas ne sont pas considéréscomme des ressources forestières àpart entière par l’administrationforestière. Ces acacias ne sont pas

Photo 4.Acacia dealbata entre à 20 % dans la préparation du charbon de bois au sein de la région d’étude.Photo C. Kull.

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plantés et ne relèvent d’aucune forêtreconnue comme telle par le droitforestier. Pour certains agents fores-tiers, le mimosa échappe même à lareprésentation qu’ils se font d’unarbre (Kull et al., 2007).

Chaque peuplement d’acacias aun propriétaire reconnu localement(néanmoins sans titre ou cadastre for-mel). Dès lors, aucun permis de coupeou d’exploitation n’est délivré pourutiliser cette ressource. Seuls les lais-sez-passer nécessaires au transportdu charbon de bois sont obligatoires.Ce libre accès renforce l’attrait decette ressource auprès des paysansmalgaches (Kull et al., 2007).

Il s’agit de surcroît d’une res-source auto-renouvelée, dont la ges-tion est aisée. Le mimosa est en effetfacilement récoltable, ce qui n’eût pasété le cas d’un arbuste épineux(Geesing et al., 2004). Le conceptd’invasion, désignant une espèceélargissant spontanément son aire derépartition et allant en se densifiant,rejoint ici l’intérêt des agriculteursqui, dans le cas présent, ne disposentpas des moyens nécessaires à la réa-lisation d’une plantation forestière.Apparaît ici le paradoxe évoqué plushaut, sur lequel nous reviendrons.

L’intégrationagroforestière du mimosa

Les modes de valorisation agro-forestière observés à Ambatofitora-hana peuvent être rapprochés derésultats d’études comparablesmenées dans les Hautes Terres. Dansle Vakinankaratra, le maïs et lapomme de terre sont produits enalternance avec des jachères demimosas (Bertrand, 2001 ; RakotoRamiarantsoa, 1993). Ces derniersentrent dans l’amendement des cul-tures  : «   les bois, branchages etfeuilles sont coupés, mis et brûlés surles billons de culture   » (RakotoRamiarantsoa, 1993). Le recrû y estsemble-t-il contrôlé efficacement, lesplants étant coupés en avril, justeavant les gelées de mai dont l’effetest présenté comme létal (RakotoRamiarantsoa, 1993). Cela n’est tou-

tefois pas conforme aux résultats dePollock et al. (1986), attestant aucontraire une capacité de résistance àune température négative pouvantdescendre jusqu’à – 7 °C, ce qui resterare, même aux altitudes les plus éle-vées du Vakinankaratra. Borie (1989)décrit un système combinant la pro-duction de pommes de terre et decharbon de bois, sur la base d’unerotation de type 1 an (culture), 3-4ans (jachère). Il précise néanmoinsqu’un tel système, consommateur deterres, n’est développé que par 2 %seulement des paysans, tandis que12 % de ceux-ci utilisent le mimosacomme bois de chauffe ou pour lacuisson des briques (Borie, 1989).

L’utilisation du mimosa enengrais vert, en mélange avec dufumier de bovins, est similaire auxpratiques observées dans leDrakensberg, en Afrique du Sud (deNeegaard, 2005). Cependant, ladégradation du feuillage de cet aca-cia est retardée par sa haute teneuren polyphénols, qui immobilisel’azote du sol (de Neegaard, 2005).Les paysans d’Ambatofitorahanarépondent empiriquement à cette

contrainte en ne faisant entrer cefeuillage qu’en faible proportion dumélange constitué.

La présente étude, confrontée àde précédentes observations (Borie,1989 ; Rakoto Ramiarantsoa, 1993 ;Bertrand, 2001 ; Kull et al., 2007),met en évidence une variation altitudi-nale des formes de valorisation dumimosa au sein des Hautes Terresmalgaches. Dans les espaces rurauxd’altitude élevée, les difficultés à pro-duire du riz pluvial, de même qu’unrelâchement des densités de popula-tion, donnent lieu à la recherche d’ac-tivités rémunératrices de substitutioncomme la production de charbon debois. La jachère ligneuse devient alorsune réponse commune à plusieurscontraintes. À plus basse altitude et àproximité des plaines rizicoles, lesmimosas apparaissent moindrementvalorisés, davantage exposés au feu,et conduits en jachères plus courtes.

Enfin, l’utilisation du mimosadans la pharmacopée est à rappro-cher de celle d’A. mearnsii en Afriquedu Sud, où l’écorce est utilisée contreles diarrhées et les rages de dents(de Neergaard, 2005).

Photo 5.La valorisation paysanne constitue probablement l’un des meilleurs moyens actuels de contrôler l’invasion de Acacia dealbata dans les Hautes Terres malgaches.Photo C. Kull.

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Sur quoi repose la controverse « invasion

ou ressource » ?

On ne retrouve pas à Madagascarla sensibilité des administrationsgénéralement manifestée à l’égarddes bioinvasions en milieu insulaire(Binggeli, 2003). Au demeurant, à

l’échelle des paysages, la perspectivede voir les collines se revêtir d’unecouverture arbustive utile aux paysanset protégeant les vallées rizicoles d’en-sablements indésirables n’y apparaîtpas choquante (Audru, 1980 ; Tassin,2008). Néanmoins, la nature desbénéfices ou des avantages représen-tés par une bioinvasion dépend de

l’échelle spatiale à laquelle on consi-dère cette invasion. Le tableau I illustrece point en analysant l’invasion dumimosa à Madagascar selon unegamme de niveaux d’organisationallant du pays à la parcelle cultivée. Ilmontre combien les bénéfices et nui-sances relevés changent de natureselon l’échelle à laquelle on se situe.

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ACACIA DEALBATAACACIAS

Tableau I. Impacts de Acacia dealbata dans les espaces ruraux des Hautes Terres malgaches, envisagés selon une gamme de niveaux d’organisation de l’espace.

1 Cet aspect des peuplements d’arbres, bien quantifié par exemple en Afrique du Sud (Dye, Jarmain, 2004) et en Asie du Sud-Est, (Bruinjzeel, 2004), n’a pas été évalué à Madagascar.

Niveaux d’organisation

Pays-région

Commune

Unités de paysage(collines, bas-fonds)

Unité d’exploitationagricole

Parcelle cultivée

Bénéfices - avantages

Séquestration de carboneApprovisionnement des zones urbaines en

charbon de boisReboisement des paysages périurbainsDiminution des prélèvements de bois dans les

autres peuplements forestiersRégulation possible des variations saisonnières

des régimes des cours d’eau1

Réduction de l’érosion en nappe, et donc desensablements en amont des structuresd’irrigation

Diminution de l’inflammabilité des savanesherbeuses

Proximité d’une ressource en boisIdentité sociale (Fête du Mimosa)Intérêt esthétique en période de floraisonPossibilité de travail du bois pour des artisans

Ombrage pour le bétail (si peuplement de faibledensité)

Rotation des formes de mise en valeur parrecours à la jachère ligneuse

Fourrage en période de soudureStabilisation des zones d’érosion concentrée

de faible étendue

Production de bois de chauffe et de cuissonbrûlant moins vite que le pin et d’un bonpouvoir calorifique

Production de bois de serviceProduction de liens (pour lier par exemple les

sacs de charbon)Pharmacopée (en décoction contre la diarrhée)ApicultureGraines distribuées aux volailles

Apports d’azote en conditions favorablesPossibilité d’utilisation en jachère ligneusePossibilité d’utilisation en engrais verts

Nuisances - inconvénients

Menace sur des zones d’intérêt biologique(perte possible de biodiversité)

Transformation des paysages malgachesauthentiques

Diminution possible des débits annuels descours d’eau1

Diminution des surfaces pâturablesHomogénéisation des formations végétalesAllergies possibles en période de floraisonAbri pour les cultures illicites ou les voleurs

Faible prédisposition des bois d’Acaciadealbata à être colonisés par des plantesindigènes (problème de banalisationfloristique liée à l’allélopathie du mimosa)

Charge de travail liée au contrôle del’enherbement et à l’essouchage

Éloignement des sites pâturés par le bétail(cf. problèmes d’insécurité)

Éloignement des zones pâturables (maisproduction d’une herbe plus dense etattractive pour le bétail, dans le cas de boisd’acacias de faible densité)

Germination récurrente des semences aprèsouverture du milieu : compétition avec lescultures

Blocage de l’azote du sol par les polyphénolscontenus dans les feuilles

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S’agissant des acacias invasifs,une vision réductrice consistant à neconsidérer que les effets immédiatsou entrevus à court ou moyen termen’apparaît plus recevable (Kull et al.,2007). Une telle représentation aprévalu jusqu’au début des années1960 à la Réunion avec Acaciamearnsii, dont les peuplementsétaient le plus souvent intégrés àl’agriculture sous la forme dejachères ligneuses. Avec le déclinbrutal du géranium et l’exode ruralqui en est résulté, ces dernières ontévolué en friches dont l’étendue n’acessé de croître, au rythme de 100 hapar an, pour recouvrir aujourd’hui2 % de l’île (Tassin, Balent, 2004).En quelques années seulement, uneessence « vertueuse » est ainsi deve-nue une contrainte. De nouvellesformes de valorisation de cette res-source sont aujourd’hui activementrecherchées par les décideurs.

Toujours susceptible d’adapta-tions, nul système agricole n’estimmuable. Par contre, les bioinva-sions sont le plus souvent irréver-sibles et susceptibles, une foisenclenchées, de s’étendre à deszones où elles deviennent davantagecontraignantes. La perception d’unebioinvasion varie donc égalementavec l’échelle de temps à laquelle onse réfère. Les effets de l’invasion dumimosa à Madagascar associentavantages et inconvénients à toutesles échelles spatiales considérées(tableau I). Néanmoins, les aspectsenvironnementaux (effets sur la bio-diversité ou les ressources en eau,par exemple) tendent à être davan-tage relevés et exprimés aux échellesles plus larges. Aux échelles plusfines, les paramètres historiques et laplace de l’homme opèrent davan-tage : le biologique se confronte ausocial, et des bénéfices socio-écono-miques jusqu’alors ignorés peuventsoudainement se révéler. En Afriquedu Sud, par exemple, cette dualitéd’échelles se traduit par un conflitd’intérêt entre populations rurales,tirant bénéfice des acacias invasifs,et populations urbaines, qui s’in-quiètent de l’effet asséchant de ces

arbres en bordure des rivières lesapprovisionnant en eau. À l’échelledes seuls espaces ruraux, et àquelques exceptions près, ces aca-cias restent essentiellement béné-fiques. À une échelle plus large inté-grant les espaces urbains, la mêmeespèce devient problématique(Shackleton et al., 2007).

Cette prise en compte des effetsd’échelle permet de mieux concep-tualiser les conséquences des bioin-vasions en milieu rural. Le cadreconceptuel conventionnel rattaché àl’analyse des invasions d’espècesexotiques élude souvent le domainedes impacts socio-économiques enmilieu rural, en privilégiant lesaspects biologiques. De même qu’ilest nécessaire d’intégrer une gammed’échelles spatiales dans l’analysede l’invasion du mimosa dans lesHautes Terres malgaches, il apparaîttout aussi indispensable d’intégrer

une gamme d’échelles de temps.Shackleton et al. (2007) ont proposéà cet effet un cadre conceptuel nova-teur, dont nous nous sommes inspi-rés pour construire la figure 2 ratta-chée à notre exemple d’étude.

Cette figure illustre l’évolutiondans le temps des conséquencessocio-économiques des acacias inva-sifs au sein des sociétés rurales.Mais le tableau I nous rappelle quel’évaluation des conséquences d’uneinvasion d’acacias ne peut être cor-rectement réalisée qu’en référence àune gamme complète de niveauxd’organisation des territoires, allantdu pays à la parcelle d’exploitation.Or, l’analyse montre que les échellesde temps et d’espace n’apparaissentpas indépendantes. En effet, durantune première phase, l’invasion d’aca-cias reste essentiellement bénéfique,à l’échelle nationale (par exemple, lareforestation des terrains déboisés

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Figure 2.Modèle de représentation pour interpréter l’évolution des conséquences socio-économiques des acacias invasifs à l’égard des sociétés rurales (inspiré deShackleton et al., 2007). La courbe des bénéfices perçus par les sociétésrurales, liés à la ressource utilisée, suit celle de l’extension spatiale des acaciasjusqu’à une période de rupture donnant lieu à l’abandon de la ressource. Durant une première phase, les paysans apprennent à tirer parti de cettenouvelle ressource, diminuant d’autant leur vulnérabilité socio-économique. Une deuxième phase est initiée lorsque les bénéfices stagnent, l’extensionspatiale du mimosa et les coûts (ex. : charge en travail pour la mise en culture)afférents à cette invasion étant pour un temps stabilisés. Une troisième phaseadvient à la suite d’un bouleversement à caractère événementiel, qui conduit lespaysans à abandonner leur ressource. Le niveau de vie des paysans s’affaisse,ou bien ces derniers ont accès à d’autres ressources d’énergie (électricité, gaz).Non contrôlé, l’acacia poursuit alors son extension spatiale. Les coûts induitspar cette invasion (ex. : diminution des surfaces pâturées) suivent la mêmeprogression. Les paysans d’Ambatofitorahana se situent probablementactuellement en phase 2.

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ou, autrefois, la production de com-bustibles pour le fonctionnement deslignes de chemin de fer) comme auxéchelles les plus restreintes (unitésou petits groupements d’exploita-tions agricoles). Les coûts induits parces plantations sont alors minimaux,quelle que soit l’échelle considérée.Dans une deuxième phase, les béné-fices continuent d’être perçus àtoutes les échelles, mais les coûtsdeviennent davantage manifestesaux échelles larges (répercussionssur la biodiversité, par exemple) ouplus fines (difficulté pour les cultiva-teurs de maîtriser le développementdes plantules de mimosa dans leursparcelles cultivées, par exemple).Une troisième phase advient ensuitependant laquelle, pour pratiquementtoutes les échelles spatiales considé-rées, les bénéfices ne compensentplus les coûts induits par l’invasion.

Le contrôle durabled’une ressource

invasive est- i l possible ?

Le mimosa ne fait pas l’objetd’un contrôle en tant que tel àl’échelle du pays ou à quelque autreéchelle que ce soit, à l’exception decelle de la parcelle cultivée. Lecontrôle de son invasion ne relèvedonc pas de processus collectifs.

Il apparaît peu vraisemblablequ’étant donné la diversité des situa-tions écologiques de Madagascarl’une au moins d’entre elles n’ait pasun jour à pâtir de cette invasion.Acacia mearnsii, espèce procheparente de A. dealbata, est aujour-d’hui présent dans le parc nationalde Ranomafana (Kull et al., 2008).Acacia dealbata est susceptible,comme A. mearnsii, de se développerle long de cours d’eau dans deszones d’intérêt biologique.

Les perspectives de lutte biolo-gique seraient dès lors compromises,étant donné les conflits d’intérêt quecela représenterait, de manière simi-laire à ce qui est observé en Afrique duSud où un charançon des semencesd’acacia (Melanterius maculates) a étéintroduit (Zimmermann et al., 2004).Le paradoxe, relevé par de Neergaardet al. (2005) pour A. mearnsii enAfrique du Sud, est que le facteur leplus favorable à l’extension dumimosa est bien la sous-utilisationdes terres et de cette ressource.

Une déprise agricole, opéranten faveur d’un redéploiement versd’autres activités économiques,pourrait donner lieu à une nouvelleextension du mimosa dans lesHautes Terres malgaches. Une nou-velle forme de valorisation, parexemple sous forme de bioénergie,pourrait constituer un nouveau freinà l’invasion. S’adjoindrait alors unenouvelle séquence élémentaireconstituée d’une phase d’abandonsuivie d’une phase de valorisation.Cette évolution séquentielle et récur-rente de l’extension des acacias aus-traliens en milieu rural est schémati-sée par la figure 3.

Conclusion

Cette étude réalisée à Ambatofi-torahana fournit un nouvel exemplede valorisation d’une bioinvasion parles sociétés rurales. À l’évidence, leparadoxe parfois envisagé en écolo-gie de la conservation entre unebioinvasion et sa valorisation nerentre pas dans la perception despaysans ayant appris à tirer parti decertaines espèces invasives.

Dans notre zone d’étude, lespaysans utilisent de surcroît cettenouvelle ressource en en tirant lemeilleur parti possible sous desformes très diverses notammentagroforestières. Les pratiques de cul-ture sont favorables, par les pertur-bations qu’elles génèrent (ouverturedu milieu, feu, travail du sol), à lagermination des semences dans lesol, et donc à une reconstitution du

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ACACIA DEALBATAACACIAS

Figure 3.Schéma simplifié de l’évolution des surfaces en Acacia dealbata au cours dutemps sur les Hautes Terres malgaches, dont l’axe des ordonnées reste indicatif.Cette évolution se compose de séquences élémentaires constituées d’une phasede valorisation (stabilisation des surfaces) à laquelle succède une phased’abandon temporaire (augmentation des surfaces). La phase actuelle devalorisation par les sociétés rurales peut, comme cela a été le cas à la Réunion,s’ensuivre d’une phase de désaffection donnant lieu à un regain d’invasion.Celui-ci se poursuit tant que les insectes ravageurs et les pathogènes locaux nese sont pas eux-mêmes adaptés à cette nouvelle ressource. Une nouvelle étapeintervient ensuite avec une nouvelle forme de valorisation, à la mesure del’étendue de la ressource.

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couvert. Inversement, le contrôle dela propagation de l’acacia au seindes parcelles cultivées, mais surtoutla pression de prélèvement exercéedans les bois d’acacias, permettentd’en contrôler l’extension. La valori-sation paysanne constitue probable-ment l’un des meilleurs moyensactuels de contrôler l’invasion deAcacia dealbata dans les HautesTerres malgaches.

Cette étude confirme égale-ment, de manière plus large, lanécessité de recourir à des change-ments d’échelle, spatiale, mais aussitemporelle, pour appréhender demanière suffisamment complète lesimpacts d’une bioinvasion. C’estmanifestement dans la variabilité deséchelles d’appréhension des bioinva-sions que réside le paradoxe évoqué.

La confrontation d’études de cetype, conduites dans d’autres paysdes tropiques, devrait concourir àune représentation plus objectivedes bioinvasions, déclinée selon lesdiverses échelles requises. Il s’agittout autant, dans l’étude des bioinva-sions, de s’affranchir d’une opposi-tion homme-nature, partage qui,pour reprendre l’expression deLarrère et Larrère (1997), « n’estplus de saison ».

RemerciementsNous remercions le maire de la com-mune d’Ambatofitorahana, le chef dela Cireef d’Ambositra, le chef du Ceefd’Ambositra, ainsi que les paysansqui, dans l’anonymat de leur humblecondition, ont bien voulu répondreau questionnaire d’enquête. Lesrecherches sur le terrain ont étéfinancées par l’Australian ResearchCouncil (DP 0666131).

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