prologue de “les amertumes”, de bernard-marie koltès

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Prologue de “LES AMERTUMES”, de Bernard-Marie Koltès “Le théâtre est un jeu. Si l’on veut y participer, il faut en connaître les regles, les accepter, s’y conformer, faute de quoi on se trouve inévitablement dans la position stupide d’un adulte jeté dans le filet compliqué des jeux d’enfants dont il ignore la trame, et auquel il ne pourra jamais se mêler ni rien comprendre. Il s’âgit avant toute chose de décanter, de se purifier au maximum des emcombrements de l’intelligence à fleur de peau, décentralisée jusqu’à l’extrème. Il s’âgit de retrouver les facultes de perceptions premières, et d’autant plus profondes qu’elles sont premières. Il s’âgit de chercher la comprensión parfaite, c’est-à-dire celle qui ignore l’exégèse et la justification. Compte tenu de cela,la portée de ce spectacle se situe dans l’immédiat, - dans l’expérience immédiate – et, de ce fait, devrait interdire, je crois, toute espèce d’appréciation, en ce sens que l’expérience aura eu lieu ou n’aura pas eu lieu. En dehors de cela, rien ne vaut la peined’être envisagé. Démonteur du mécanisme, explorateur des regles du jeu, origine et aboutissement du jeu lui-même, le personaje d’Alexis se situe hors de l’action, puisque l’action n’existe qu’en opposition à lui. Mais c’est par lui que le spectateur peut entrer dans les limites de l’expérience, découvrant avec lui et au fur et a mesure de son “grandissement”, autant l’essence du jeu que la fragilité des conventions sur lesquelles il est établi.

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Prologue de “LES AMERTUMES”, de Bernard-Marie Koltès

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Page 1: Prologue de “LES AMERTUMES”, de Bernard-Marie Koltès

Prologue de “LES AMERTUMES”, de Bernard-Marie Koltès

“Le théâtre est un jeu. Si l’on veut y participer, il faut en connaître les regles, les accepter, s’y conformer, faute de quoi on se trouve inévitablement dans la position stupide d’un adulte jeté dans le filet compliqué des jeux d’enfants dont il ignore la trame, et auquel il ne pourra jamais se mêler ni rien comprendre.

Il s’âgit avant toute chose de décanter, de se purifier au maximum des emcombrements de l’intelligence à fleur de peau, décentralisée jusqu’à l’extrème. Il s’âgit de retrouver les facultes de perceptions premières, et d’autant plus profondes qu’elles sont premières. Il s’âgit de chercher la comprensión parfaite, c’est-à-dire celle qui ignore l’exégèse et la justification.

Compte tenu de cela,la portée de ce spectacle se situe dans l’immédiat, - dans l’expérience immédiate – et, de ce fait, devrait interdire, je crois, toute espèce d’appréciation, en ce sens que l’expérience aura eu lieu ou n’aura pas eu lieu. En dehors de cela, rien ne vaut la peined’être envisagé.

Démonteur du mécanisme, explorateur des regles du jeu, origine et aboutissement du jeu lui-même, le personaje d’Alexis se situe hors de l’action, puisque l’action n’existe qu’en opposition à lui. Mais c’est par lui que le spectateur peut entrer dans les limites de l’expérience, découvrant avec lui et au fur et a mesure de son “grandissement”, autant l’essence du jeu que la fragilité des conventions sur lesquelles il est établi.