polyeucte by pierre corneille

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^, IMAGE EVALUATION TEST TARGET (MT-3) 1.0 l.l 11.25 us ut 1^ u m 2.5 2.2 2.0 Photographie ^Sdaices Gorporalion 23 WBT MAIN STRIIT WIBSTM.N.Y. MSM (7I6)S72<4503

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Polyeuctus Saint (d. ca. 259), Pierre Corneille (1606-1684,) Microform in French

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    Photographie^SdaicesGorporalion

    23 WBT MAIN STRIITWIBSTM.N.Y. MSM(7I6)S72

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  • Technical and Bibliographie Notes / Notes techniques et bibliographiquestotl

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    BibliotMque gnrale,Univtnit Uval,Qubec, Quboc.

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    L'axampiaira film fnt raproduit grica lagnroait da:

    Bibliothque gnrale.Universit Laval,Qubec, Qubec.

    Laa imagas auivantaa ont t raproduitaa avec laplua grand soin, compta tanu da la condition atda la nattat da l'axampiaira film, at unconformit avac laa conditiona du contrat dafilmaga.

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    D32 X

    1 2 3

    1 2 3

    4 5 6

  • mM^tiiiM'ttiii

  • Fa^759 POLYEUCTEAhB37ZTRAGEDIE CHRETIENNE

    DE P. CORNEILLE

    REDUITE A TROIS ACTES

    A l'usage des collges

    MONTREAL

    C. 0. Beauchemin & Valois, Imprimeurs

    20, rue St-Gabriel

    /5//

  • B%

  • >OLYEUCTPbwsowaoes.Flix, snateur rcmain, gouverneur d Armnie.BARCiirt,

    fils de Flix.PoLYBUCTB, jeune armnien, adopt par tlix, et trre eBariino.NAKQUB, seigneur armnien, ami de PolyeuctchftVRB,chevalier romain, favori de l'empereur Dcie -ALmw, confirfent deFlix.PoLVNicK, confident de Barcine.ClSon, omcier de tlix.Thois C'iAKuns.

    La scne est Militne, (fans le palais de Flix.

    ACTE PREMIER.

    SCNE I.NAnQBE, POLYEDCTE.

    HAARQUE.Quoi ! vous qui prtendez aux honneur ilu baptme,Uii songe vous arrte eu ce moment suprme !Et ce cur tant de fois dans la guerre prouv,

    S'alarme d'un pril qu'un enfant a rv !

    POI VECCTE.

    Je sais ce qu'est un songe, et le peu de croyanceQu'un homme doit donner son extravagance.Qui, d'un amas confus des vapeurs de la nuit,Forme de vains objets que le rveil dtruit.Mais vous ne sentez pas dans votre me chrtienne.Les effets qu'il produit sur une me payenne ;Mon frre, sans raison dans la douleur plong.Craint et croit dj voir le coup qu'il a song;J'ai beau le raisonner, j'ai beau, pour le confondre,Trancher du rsolu, le laisser se morfondre,11 oppose ses pleurs aux desseins que je fais.Et tche m'empcher de sortir du palais.Je mprise sa crainte, et je cde ses larmes ;Sa peur me fiiit piti sans me donner d'alarmes ;Et mon cur, attendri sans tre intimid,

    N'ose rompre un lien dont il est obsd.Le jour fix, Narque, ost-il si ncessaire.Qu'il faille tre insensible aux alarmes d'un frre ?

    Par un peu de remise pargnons son ennui.Pour faire en plein repos ce qu'il trouble aujourd'hui,

    HARQUE.

    Avez-vous, cependant, une pleine assurance

    D'avoir assez de vie ou de persvrance ?

    Et Dieu, qui tient votre me et vos jours dans sa main,Promet-il vos vux d le pouvoir demain ?Il est toujours tout juste et tout bon; mais sa grce

  • Ne (loscend pas toujours avec mme ellicace :Aprs certains moments que perden: nos longueurs,Elle quitte ces traits qui pntrent les curs,I.e ntre s'endurcit, la repousse, l'gar ;Le bras qui la versait en devient plus avare;Et cette sainte ardeur qui doit porter au bienTombe plus rarement, ou n'opre plus rien.Colle qui vous pressait de courir au baptme.Languissante dj, cesse d'tre la mme

    ;

    Et, pour quelques soupirs qu'on vous a fait our,Sa flamme se dissipe et va s'vanouir.

    POLTEUCTB.

    Vous me connaissez mal : la mme ardeur me brle,Et le dsir s'accrot quand l'effet se recule,(^es pleurs de l'amiti, cette peur en courroux.Me laissent dans le cur aussi chrtien que vous jMais pour eu recevoir le sacr caractreOui lave nos forfaits dans une eau salutaire.Et qui, purgeant notre me et dsillant nos yeux.Nous rend le premier droit que nous avions aux cieux,Bien que je le prfre aux grandeurs d'un empire.Comme le bien suprme est le seul o j'aspire,Je crois pour satisfaire un fraternel amour.Pouvoir un peu remettre et diffrer d'un jour.

    NARQUB.Ainsi du genre humain l'ennemi vous abuse;Ce qu'il ne peut de force^ il l'entreprend de ruse.Jaloux des bons desseins qu'il tche d'branler.Quand il ne les peut rompre, il pousse reculer :D'obstacle sur obstacle il va troubler le vtre.Aujourd'hui par des pleurs, chaque jour par quelqu'autre ;Et ce songe rempli de noires visions.N'est que le coup d'essai de ses illusions,Il met tout en usage, et prire et menace

    ;

    Il attaque toujours et jamais ne se lasse;

    Il croit pouvoir enfin ce qu'encor il n'a pu.Et que ce qu'on diffre est moiti rompu.

    Rompez ces premiers coups, laissez pleurer Barcine.Dieu ne veut point d'un cur o la crainte domine.Qui regarde en arrire, et, douteux en son choix.Lorsque sa voix l'appelle, coute une autre voix.

    POLTECCTE.

    Pour se donner lui faut-il n'aimer personne KABQUB.

    Nous pouvons tout aimer, il le souffre, il l'ordonne:Mais, vous dire tout, ce Seigneur des seigneur

  • Veut le premier amour cl les premiers honneurs.

    Ckjmme rien n'est gal sa grandeur supriMno,Il faut ne rien aintier qu'aprs lui, qu'en lui-mme,Ngliger pour lui plaire et frre, et biens, et rang.

    Exposer pour sa gloire et verser tout son sang.

    Mais que vous tes loin de celle ardeur parfaiteQui vous est ncessaire et que je vous souhaite !Je ne puis vous parler que les larmes aux yeux.

    Polyeucte, aujourd'hui qu'on nous hait en tous lieux,Qu'on croit servir l'Etat quand on nous perscute,Q-i'aux plus pres tourments un chrtien est en hutte,

    Comment en pourrez-vous surmonter les douleurs,Si vous ne pouvez pas rsister des pleurs ?

    POLYEUCTE.

    Vous ne m'tonuez point : la piti qui me blesseSied bien aux plus grands curs, et n'a point de faiblesse.

    Sur mes pareils, Narque, un cur de frre est fort:Tel craint de le fcher, qui ne craint pas la mort jEt s'il faut affronter les plus cruels supplices,

    Y trouver des appas, en faire mes dlices.Votre Dieu que je n'ose encor nommer le mien.M'en donnera la force en me faisant chrtien.

    NARQUE.Htez-vous donc de l'tre.

    PGLYEUCTE. Oui, j'y cours cher Narque;Je brle d'en porter la glorieuse marque.Mais Barcine s'afflige, et ne peut consentir,Tant ce songe le trouble, me laisser sortir.

    NARQUE.Votre retour pour lui n'aura que plus de charmes ;Dans une heure au plus lard vous essuierez ses larmes ;Plus il aura ml de pleurs sou courroux.Et plus de vous revoir le moment sera doux.Allons, on nous attend.

    POLYEUCTE. Appaisez donc Sin crainte.Et calmez la douleur dont son me est atteinte.Ah ! il revient.

    NARQUE. Fuyez.POLYEUCTE. Je ne puis.

    NARQUE. Il le faut ;Fuyez un ennemi qui sait votre dfaut.Fuyez pour son bonheur en ce moment suprme.Vous le perdrez du coup qui vous perdra vous-njme.

    POLYEUCTE.

    Fuyons, puisqu'il le faut.

  • SCNE II.POLYEUCTE, BARCINE.

    POLYEUCTE. Adieu, Barcine, adieu.Dans une heure au plus tard je reviens en ce lieu.

    BAUCINE.

    Quel sujet si pressant sortir vous convie ?Y va-t-il de l'honneur? y va-t-il de la vie?

    POLYEUCTE.

    11 y va de bien plus BARCINE. Quel est donc ce secret t

    POLYEUCTE.

    Vous le saurez un jour; je vous quitte regret.

    BARCINE.

    Et voua tes mon frre ! et vous..

    .

    POLYEUCTE. Oui je vous aime,Le ciel m'en est tmoin, cent fois plus queinoi-mme.Mais

    BARCINE. Miiis mon dplaisir ne peut vous mouvoir IVous avez des secrets que je ne puis savoir.Voil votre amiti.

    POLYEUCTE. Pour uuc heure d'absence !Adieu, vos pleurs sur moi prennent trop de puissance.Je sens dj mon cur prt se dsister

    ;

    Et ce n'est qu'en fuyant que je puis rsister.

    SCNE III.BARCINE, POLVNICE.

    BARCINE.

    Va, nglige mes pleurs, cours, et le prcipiteAu devant de la mort que les dieux m'ont iirilite;Suis ce falal agent de tes mauvais destins,Qui peiil-tre te livre aux mains des assassins.Tu vois, mon Polynice, en quel sicle nous sommes :Voil ce qu'est un frre aux yeux de certains hommes !Voil comme il prtend tre frre son tour.

    POLYNICE.

    Polyeucte pour vous ne manque point d'amour:S'il ne vous traite ici d'entire confidence,S'il part malgr vos pleurs, c'est un trait de prudence.Sans vous en affliger, prsumez avec moiQu'il est plus propos qu'il vous cle pourquoi;Assurez-vous sur lui qu'il e:i a juste cause.Il est bon qu'un ami nous cache quelaue chose,Qu'il soit quelquefois libre et ne s'abaisse pas

  • A lions rendre toujours compte de tous ses pas.D'ailleurs votre frayeur ne peut le mettre en jMjine ;Sa race est armnienne, et la vtre est romaine;Et vous pouvez savoir que nos deux nationsN'ont pas sur ce sujet mmes impressions :Un songe en notre esprit passe pour ridicule ;Il ne nous laisse espoir, ni crainte, ni scrupule;

    Mais il passe dans Rome avec autoritPour lldle miroir de la fatalit.

    BARCINE.

    Quelque peu de crdit que chez vous il obtienne,Je crois que ta frayeur galerait la mienne,

    Si de telles horreurs t'avaient frapp l'esprit,

    Si je t'en avais fait seulement le rcit.

    POLVNICE.

    A raconter ses maux souvent on les soulage.

    BARCINE.

    Ecoutt : mais il faut t'en dire davaritage,Kt (lue, pour mieux comprendre un si triste discours,Tu saches de mes ans quel fut le premier cours.

    Dans Rome, o je vcus jusqu' l'adolescence.J'avais pour compagnon des jeux de mou enfanceSvre tait son noml'ami le plus parfaitQue l'on l't se donner le forraaul souhait.

    POLYNICB.

    Est-ce lui qui nagure, au dpens de sa vie,Sauva des ennemis votre empereur Dcie ?gui leur tira mourant la victoire des mains,

    Et fit tourner le sort des Perses aux Romains?Lui, qu'entre tant de morts immol'^ on matre.

    Ou ne put rencontrer, ou du moins ; ecunnailre ;A qui Dcie enfin, pour des exploits si beaux,Fit si pompeusement dresser de vains tombeaux t

    BARCINE.

    Hlas ! c'tait lui-mme, et jamais notre RomeN'a produit plus grand cur ni plus digne jeune homme.Puisque tu le connais, je ne t'en dirai rien.Je l'estimais, et certes il le mritait bien.

    Mais que sert le mrite o manque la fortune ?L'un tait grand en lui, l'autre faible et commune :Pour suivre ici mon pre en son gouvernement,En vain aux grands emplois il aspire un moment :Dsespr, confus, il s'en va dans l'armeChercher d'un beau trpas l'illustre renomme.Le reste, lu le sais ; et comment en ces lieux,

  • I'

    8

    Esprit, taleiiU, veilii, Pulyeiicie noa yeuxRiiniHSini tout, bieiilt mon cur, nion [W6Ravit, lils adoptif, l'augnate nom de frre.

    rOLYNICE.

    Vos alarmes font voir jusqu'o voua l'estimez ;Mais (juel songe aprs tout tient vos sens alarms?

    BARCINE.

    Je l'ai vu cette nuit, ce malheureux Svre,La vengeance la main, l'il ardent de colre :Il n'tait point couvert de ces tristes lambeauxQu'une ombre dsole emporte des tombeaux ;Il n'tait point perc de ces coups pleins do ploircQui, retranchant sa vie, assurent sa mmoire ;Il semblait triompbajit, et tel que sur son charVictorieux dans Rome entre notre Csar.Aprs un peu d'elroi q\ie m'a donn sa vue: Porte qui tu voudras l'amiti qui m'est due,

    ingrat, m'a-t-il dit ; et, ce jour expir,Pleine loisir l'ami que tu m'as prfr. A ces mots J'ai frmi, mon me s'est trouble ;Ensuite des chrtiens une impie assemblePour avancer l'efTet de ce discours fatal,A jet Polyeucte aux pieds de son rival.Soudain son secours j'ai rclam mou pre ;Hlas ! et c'est surtout ce qui me dsesplM-e !J'ai vu mon pre mme, un poignard la main,Entrer le bras lev pour lui percer le sein.

    L, ma douleur trop forte a brouill ces images;Le sang de Polyeucte a satisfait leur rage ;Je ne sais ni comment ni quand ils l'ont tu,Mais je sais qu' sa mort tous ont contribu.Voil quel est mon songe.

    POLVMCE. Il est vrai (|u'il est triste;Mais il faut que votre me ces frayeurs rsiste:La vision, de soi, peut faire quelqu'horrenr,Mais non pas vous doinier nue juste terreur.Pouvez-vous craindre un mort? Pouvez-vou^ craindre un preQui chrit votre ami, ([uc votre ami rvre.Et dont le juste choix vous associe luiPour s'en faire en ces lieux un ferme et sr appui?

    BARCINE.

    Il m'en a dit autant, et rit de mes alarmes :Mais je crains des chrtiens les complots et les charmes.Et que sur mon ami leur troupeau ramassNe venge tant de sang que mon pre a vers.

    i

    !

  • -

    un pre 4

    Mj

    POLYNICB.

    Leur 8t>cie est iiisonsc, imp'w) et s.ii'rilt'pre,

    Et dans son sncrillct! nse de sorlili'p'-' ;Mai 8:i fureur no va qu' briser nos antol:< ;Elle n'en veut (|u'aux dieux, et mn pas aux mortels.Oucl(pio svrit que sur eux on dploie,

    lU soulTrent feuns murmure, et meurent avec joie ;Et depnl qu'on les traite en criminels d'Etat,

    On ne peut les ciiarger d'aucun assassinat.

    BARCINB.

    Tais-toi, mon |)re vient.

    SCNE IV.FiLIX, BABCmK, ALBIX, POLVNICE.

    FLIX. Mon llls, oh, qiip ton songeEn d'tranges fi-aycurs ainsi que toi mo plonge !

    Que j'en crains les effets qui semblent s'approcher !B.VRCINB.

    Quelle subite alarme ainsi peut vous toucher?

    FLIX.Svre n'est point mort.

    BARCiNE. Quel mal vous fait sa vie?FLIX.

    11 est le favori de l'Empereur Dcie.

    BARCI.NE.

    Aprs l'avoir sauv des mains des ennemis,L'espoir d'un si haut rang lui devenait permis ;Le destin, aux grands curs si souvent mal propice,Se rsout quelquefois k leur faire justice.

    FLIX.

    Il vient ici lui-mme.BARCiMB. Il vient !

    FEUX. Tu vas le voir.BARCIKB.

    C'en est trop; mais comment le pouvez-vous savoir ?

    FLIX.Albin l'a rencontr dans la proche campagne ;Un gros de courtisans en foule l'accompagne,Et montre assez quel est son rang et son crdit.

    Mais, Albin, redis-lui ce que ces gens t'ont dit.

    ALBlir.

    Vous savez quelle fat cette grande journeQue sa perte pour nous rendit si fortune,

  • (fwff!

    O l'empereur captif, par sa main dgas.Rassura son parti dj dcourag,Tandis que sa vertu succomba sous le nombreVous savez es honneurs qu'on fit faire ?on ombreAprs qu'entre les morts on n'eut pu le trouve?' 'Le roi de Perse aussi l'avait fait enlever.Tmom de ses hauts faits et de sou grand coura-eCe monarque en voulut connatre lo visage"'On le mit dans sn tente, o, tout i.orcc de coups.JhSt^'r^' Paraissait, il fit mille jalouxV'L, bientt 11 montra quelque signe de vie Ce prince gnreux en eut lame ravie : 'Et sa joie, en dpit de son dernier

    .naliicur.Du bras qui le causait honora la valeur.Il en fit prendre soin, la cure en fut secrte :Lt, comme au bout d'un mois sa sant fut lAifiitAIl offrit dignits, alliance, trsors, ' ''Et pour gagner Svre il fit do vains effortsAprs avoir combl ses refus de louanges 'Il envoie Dcie en proposer l'change;

    '

    Et soudain I empereur transport de flaisir,Offre au Perse son frre et cent chefs choisir.Ainsi revient au camp le valeureux SvreDe sa haute vertu recevoir le salaire La faveur de Dcie en fut le digno prixDe nouveau l'on combat, et nous somnies surprisCe malheur toutefois sert crotre sa gloire Lui seul rtablit l'ordre et gagne la victoiie,

    '

    Mais si belle, et si pleine, et par tant de beaux its0' on nous offre tribut et nous fesons la paix

    '

    L einpereur, qui lui montre une estime infinieAprs ce grand succs l'envoie en ArmnieIl vient en apporter la nouvelle en ces lieuxEt par un sacrifice en rendre grces aux Dieux.

    FLIX.ciel ! en quel tat ma fortune est rduite !

    ALBIir.

    Voil ce que j'ai su d'un homme de sa suite ;Et j ai couru, seigneur, pour vous v disposer.FLIX.

    Ah! sans doute, Darcino, il vient pour se venger.Il nous perdra, mon fils !

    ^^-''otr.

    BAnciNE. Il est trop gnreux.FLIX.

    Tu vepx flatter en vain un pre malheureux;

    Il nous perdra, mon fils, Ah ! regret qui me tue

    .

    .f

    i

  • . ,r

    i

    pe n'avoir pas aim la vertu toute nue !Ah ! Barciiie, en effet, tu m'as trop obi ;Ton courage tait bon, ton devoir l'a trahi.Que ta rbellion m'et t favorable !Qu'elle m'et garanti d'an tat dplorable !Si quelque espoir me reste, il n'est plus aujourd'huiyuen I absolu pouvoir qu'il te donnait sur lui.Mnage en ma faveur ce cur que tu possde,tt d ou provient le mal que vienne le remde.

    Il sort avec Albin.BARCiNE (seul).

    Hlas ! conrment paratre aux regards d'un ami.Aprs I avoir, au fond, indignement trahi.

    SCNE V.POLYEDCTE, NARQUE, BARCINE, POLVIICE.

    POLTEUCTE

    .

    C'est trop verser de pleurs, il est temps qu'ils tarissent:Que votre douleur cesse et vos plaintes finissent:Malgr les faux avis par vos dieux envoysJe suis vivant, mon frre, et vous me revoyez.

    BARCmE.Lejour est encor long; et, ce qui plus m'eff-raie.La moiti de 1 avis se trouve dj vraie J ai cru Svre mort, et je l'apprends ici.

    POLTEUCTE.

    Je le sais; mais enfin j'en prends peu de souci

    .

    Je SUIS dans Mlitne ; et, quel que soit Svre,Voire pre y commande, et l'on m'y considre ht je ne pense pas qu'on puisse avec raisonD un cur tel que le sien craindre une trahison.

    plus j'admire!??.""'^"^"' ^^^'"'^^ '^ contemple,

    SCNE VI.Les prcdents, cloit.

    CLoir.

    Seigneur, Flix vous mande au temple :La victime est choisie, et le peuple genoux Et, pour sacrifier, on n'attend plus que vous.*

    POLYEUCTE.

    Va, nous allons te suivre. Y venez-vous, mon frre tBARCINE.

    Et plus je rflchis, et plus je considre,Plus je me sens d'avis de ne le point revoir.

  • 5-12-Adieu, vous l'y verrez ; pensez soo pouvoir ;Et ressouve-^ez-voiis que sa faveur est grande.

    POLYEUCIE.

    Allez, tout son crdit n'a rien que J'apprhende ;Kt, comme je connais sa gnrosit,Noi!s ne nous combattrons que de civilit.

    SCNE VII.POLYEUCTB, NABQUB.

    NARQUE.O pensez-vous aller ?

    poLYEucTE. Au temple o l'on m'appelle.NARQUE.

    Quoi ! vous mler aux vux d'une troupe infidle?Oubliez-vous dj que vous tes chrtien

    POLYEUCTE.

    Vous, par qui je le suis, vous en souvient-il bien ?MEARQUE.

    J'abhorre les faux dieux.

    POLYEUCTE. Et moi je les dteste.NARQUE.

    Je tiens leur culte impie.

    POLYEUCTE. Et je le tiens funeste.NARQITB.

    Fuyez donc leurs autels.POLYEUCTE. Je les veux renverser,

    Et mourir dans leur temple, ou les y terrasser.Allons, mon cher Narque, allons aux yeux des hommesBraver l'idoltrie, et montrer qui nous sommes :C'est l'attente du ciel, il nous la faut remplir

    ;

    Je viens de le promettre, et je vais l'accomplir.Je rends grces au Dieu que tu m'as fait connatreDe cette occasion qn'il a si tt fait natre,O dj sa bont, prte me couronner,Daigne prouver la foi qix'il vient de me donner.

    NARQUE.Ce zle est trop ardent, souffrez qn'il se modre.

    POLYEUCTE.

    On n'en peu trop avoir pour le Diea qu'on rvre.NARQUE.

    Vous trouverez la mort.

    POLYEUCTE. Je la cherche pour lai.

  • 13 ~

    !

    NARQUE.Et si ce cur s'branle?

    POLYEUCTE. 11 sera mon appui.RARQUE.

    Il ne commande point que l'eu s'y prcipite.POLYEUCTE.

    Plus elle est volontaire, et plus elle mrite.NARQUE.

    11 sullit, sans chercher, d'attendre et de souffrir.POLYEUCTE.

    On souffre avec regret, quand on n'ose s'offrir.NARQUE.

    Mais dans ce temple enfin la mort est assure.POLYEUCTE.

    Mais dans le ciel dj la palme est prpare.NARQUE.

    Par une sainte vie il faut la mriter.POLYEUCTE.

    Mes crimes en vivant me la pourraient ter.Pourquoi mettre au hasard ce que la mort assure 1Quand elle ouvre le ciel, peut-elle sembler dure ?Je suis chrtien, Narque, et le suis tout--fait jLa foi que j'ai reue aspire son effet.Qui fuit croit lchement, et n'a qu'une foi morte.

    NARQUE.Mnagez votre vie, Dieu mme elle importe

    ;

    Vivez pour protger les chrtiens en ces lieux.POLYEUCTE.

    L'exemple de ma mort les fortifiera mieux.NARQUE.

    Vous voulez donc mourir?POLYEUCTE. Vous aimcz donc vivre?

    NARQUE.Je ne puis dguiser que j'ai peine vous suivre.Sous l'horreur des tourments je crains de succomber.

    POLYEUCTE.

    Qui marche assurment n'a point peur de tomber;Dieu fait part, au besoin, de sa force intiiiie.Qui craint de le nier, dans son me le nie;11 croit le pouvoir faire, et doute de sa fui.

    NARQUE.Qui n'apprhende rien, prsume trop de soi.

  • il

    -14-POLYEUOTE.

    J'attciitlb tout tie sa grAcc, et rien d niii faiblfsse.Mais loin de nie presser, il faut que je vous presse !D'o vient celte froideur ?

    NARQUE. Dieu mme craint la mu"^POLYEDCTB.

    Il s'est offert pourtant ; suivons ce saint effort ;Drossons-lui des autels sur des monceaux d'idoles.Il faut, je me souviens encor de vos paroles,Ngliger, pour lui plaire, et frre, et biens, et rang;Exnoser pour sa gloire et verser tout son sang.Hlas ! qu'avez-vous fait de cette ardeur parfaiteQue vous me souhaitiez, et que je vous souhaite ?S'il vous en reste encor, n'tes-vous pas jalouxQu' grand'peine chrtien j'ea montre plus que vous

    NAllQUE.Vous sortez du baptme, et ce qui vous anime,C'est sa grce qu'en vous n'affaiblit aucun crime

    ;Comme encor toute entire, elle agit pleinement,Et tout semble possible son feu vhment :Mais cette mme grce eu moi diminue,t par mille pchs sans cesse extnue,Agit aux grands effets avec tant de langueur,Que tout semble impossible son peu de vigueur.Cotte indigne mollesse et ces lches dfensesSont des punitions qu'attirent mes offenses

    ;

    Mais Dieu, dont on ne doit jamais se dlier,Me donne votre exemple me fortifier.

    Allons, cher Polyeucte, allons aux yeux des hommesBraver l'idoltrie et montrer qui nous sommes

    ;

    Puiss-je vous donner l'exemple de sonfl'rir.Comme vous me donnez celui de vous offrir.

    POLTECCTE.

    A cet heureux transport que le ciel vous envoie,Je reconnais Narque et j'en pleurs de joie.

    Ne perdons (dus de temps, le sacrifice est prt;

    Allons-y du vrai Dieu soutenir l'intrt;Allons fouler aux pieds ce foudre ridiculeDont arme un bois pourri ce peuple trop crdule jAllons en clairer l'aveuglement fatal

    ;

    Allons briser ces dieux de pierre et de mtal ;Abandonnons nos jours cette ardeur cleste

    ;

    Faisons triompher Dieu : qu'il dispose du reste.NARQUE.

    Allons faire clater sa gloire aux yeux de tousEt rpondre avec zle ce qu'il veut de nous.

    Vi

    !

    '

  • V1

    15-

    ACTE SECOND.

    SCENE I.

    BAHt..E, POLYNICE.

    BARCisE. Eh bien! mon Polymce,Comment s'est icnuin ce pompeux sacrifice ?Ces rivaux gnreux au temple se sont vus t

    POLYNICE.

    Ah! Barcinc...BAHCiME. Mes vux ont-ils t dus?

    J'en vois sur ton visage une mauvaise marque.Se sont-ils querells''

    POLYNICE. Polyeucte, Narque,Les chrtiens....

    BARCiME. Parle doue : les chrtiens. . . ?POLYNICE. Je ne puis.

    BAHCINE.

    Tu prpares mon me d'tranges ennuis.POLYNICE.

    Vous n'en sauriez avoir une plus juste cause.

    BARCINE.

    L'ont-ils assassin?POLYNICE. Ce serait peu de chose.

    Tout votre songe est vrai, Polyeucte n'est plus.. ..

    BARCINE.

    H est mort !POLYNICE. Non, il vit ; mais, pleurs superflus !

    Ce courage si grand, cette me si divine,N'est plus digne du jour, ni digne de Barcine.Ce n'est plus cet ami rare prsent des cieux ;C'est l'ennemi commun de l'Etat et des dieux :

    Un mchant, un iiilme, un rebelle, un perfide,Un tratre, un sclrat, un lche, un parricide.Une peste excrable tous les gens de bien.Un sacrilge impie, en un mot un chrtien.

    BARCINE.

    Ce mot aurait suffi, sans ce toi*rent d'injures.

    POLYNICE.

    Ces titres aux chrtiens sont-ce des impostures T

    BARCINE.

    Il est ce que tu dis, s'il embrasse leur foi.Mais il est mon ami, et tu parles moi.

  • 16

    POLYMCE.

    Ne considrez plus que le Dieu qu'il adore.BAHCINE.

    Je resiiinal toujours, l'esliine dure encore.POLYNICE.

    Il vous donne prjsent sujet de le har.Qui trahit tous nos dieux, aurait pu vous trahir.

    BARChNU.

    De gr:\ce, pargne-moi ! ton me bouleverseTe trouble en ce moment et parle en insenso.Quelque chrtien qu'il soit, je n'en ai point d'horreur-Je chris sa personne et je hais son erreur.Mais quel ressentiment en tmoigne mon pre ?

    l'OLYNICE.

    Une secrte rage, un accs do colre,Malgr cpii, toutefois, un reste d'amitiMontre pour Polyedcte encor quelque piti.11 ne veut point sur lui faire agir sa justiceQue du tratre Narque il n'ait vu le supi.Iice.

    BARCINE.

    Quoi ! Narque en est donc ?

    n , . . . .,Poi-VNiCE. Narque l'a sduit;

    De leur viedle amiti c'est l l'indigne fruitCe perfide tantt, en dpit de lui-mme.L'arrachant de vos bras, le tranait au bapime.Voila ce grand secret, et si mystrieux.Que n'en pouvaient tirer vos regards curieux.

    BARCINE.

    Et tu traitais alors mes craintes d'importunes POLYNICE.

    Hlas ! comment prvoir de telles infortunes ?BARCINE.

    Avant que de livrer mon me au dsespoir.Sur le coeur d'un ami j'essaierai mon pouvoir.Apprends-moi cependant ce qu'ils ont fait au temple.

    POLYNICE.

    C'est une impit qui n'eut jamais d'exempleJe ne puis y penser sans frmir l'instant,bt crains de faire un crime en vous le racontantApprenez en deux mots leur brutale insolence '

    Le prtre avait peine obtenu du silence.Lt (levers 1 Orient assur son aspect,Qu lis ont fait clater leur manque de respect

    UE

  • "

    17

    A chaque occasion de la ct5rmonie,A l'eiivi l'un et l'autre talait sa manie,Des mystres sacrs hautement se moquait,Kt traitait de mpris les dieux qu'on invoiiiiait.Tout le peuple en murmure, et l-Y-lix s'en ollonse:Mais tous deux, s'emportant plus d'irrvcreiice :Quoi ! lui dit Polyeucte, en levant sa voix.Adorez-vous des dieux ou de pierre ou de bois ? Ici, dispensez-moi du rcit des blasphc^mcsQu'ils ont vomis tous deux, contre Jupiter mme :L adultre, l'inceste, en taient les plus doux : Oyez, dit-il ensuite ; oyez peuple, oyez tous : Le Dieu de Polyeucte et celui de Narque De la terre et du ciel est l'absolu monarque, Seul tre indpendant, seul matre du destin, SenI principe ternel et souveraine (in. C'est ce Dieu des chrtiens qu'il faut qu'on remercie Des victoires qu'il donne l'empereur Dcie; Lui seul tient en sa main le succs des combats, Il le veut lever, il le peut mettre bas. Sa bont, son pouvoir, sa justice est immense, Cest lui seul qui punit, lui seul qui rcompense: Vous adorez en vain deb monslros impuissants.Se jetant ces mots sur le vin et l'encens,Aprs en avoir mis les saints vases par terre.Sans crainte de Flix, sans crainte du tonnerre,D'une fureur pareille, ils courent l'autel.Cieux ! a-t-on vu jamais, a-t-on rien vu de tel !Du plus puissant des dieux, nous voyons la statuePar une main impie leurs pieds abattue,Les mystres troubls, le temple profan,La fuite et les clameurs d'un peuple mutinQui craint d'tre accabl sous le courroux cleste.Flix.

    . .

    .mais le voici qui vous dira le reste.

    BARCIICE.

    Que son visage est sombre et plein d'motion !Qu'il montre de tristesse et d'indignation !...

    SCNE II.rtux, BARCmE,^P0I.7mCE.

    FLIX.Une telle insolence avoir os paratre IEn public ! ma vue ! il en mourra le tratre !

    BARCINK.

    Souffrez que votre fils, vous implorant pour lui..,

  • 18

    FLIX.Je parle de Narque et non de votre ami.Qiiequ'iiidipnc qu'il soit dsormais de l'entendre,Le nom de flls rveille un sentiment trop tendrePour que, malgr son crime et tant d'impit,J'endurcisse ce cvr contre qui l'a port.

    BARCINE.

    Je n'attendais pas moins de la bont d'un pre.FLIX.

    Je pouvais l'immoler ma juste colre :Car vous n'ignorez pas quel comble d'horreurDe son audace impie a mont la fureur;Vous l'avez pu savoir du moins de Polynice.

    BARCINE.

    Je sais que de Narque il doit voir le supplice.FLIX.

    Du conseil qu'il doit prendre il sera mieux instruit,Quand il verra punir celui qui l'a sduit.

    Au spectacle sanglant d'un ami qu'il faut suivre,La crainte de mourir et le dsir de vivreRessaisissent une Ame avec tant de pouvoir,Que qui voit le trpas cesse de le vouloir.L'exemple touche plus que ne fait la menace :Cette indiscrte ardeur tourne bientt on glaco,Et nous verrons tantt son intrpiditMe demander pardon de tant d'impit.

    BARCINE.

    Vous pouvez esprer qu'il change de courage?FKUX.

    Au dpens de Narque, il doit se rendre sage.BARGIIfE.

    Il le doit : mon pre, hlas ! qu'avez-vous dit ?Et quels tristes hasards ne court point mon ami,Si de son inconstance il faut qu'enfin j'espreLe bien que j'esprais de la bont d'un pre.

    FLIX.Je vous en fais trop voir, mon flls, consentirQu'il vite la mort par un prompt repentir.Je devais mme peine des crimes semblables.Et, mettant diffrence entre ces denx coupables,J'ai trahi la justice l'amour paternel

    ;

    Je me suis fait pour lui moi-mme criminel;

    Et j'attendais de vous, au milieu de vos craintes.Plus de remerclments que je n'entends de plaintes.

    1

  • -10-BAnr.iNE.

    De quoi ivinorcior qui ne me donne rien ?Je sais quel est i'iinmeur et l'fsprit d'un chivlien.Dans l'obstination jusqu'au bout il demeure ;Vouloir son repentir c'est ordonner qu'il meure.

    FLIX.Sa grce est en sa main, c'est lui d'y rvcr.

    BARGILE.

    Faites-Ui tout entire.

    FLIX. 11 la peat achever.BAnCINE.

    Ne rabnndonncz pas aux fureurs de sa secte.

    FLIX.Je l'abandonne aux lois qu'il faut que je respecte.

    darcim:.

    Est-ce ainsi (|uc d'un fils un vrai pre est l'appui ?FLIX.

    Qu'il fasse autant pour soi comme je fais pour lui.

    BARCINK.

    Mais il est aveugl.FLIX. Mais il se plait l'tre :

    Qui chrit son erreur .;e la veut pas connatre.BARCINE.

    Mon pre, au nom des dieux ! . .

    .

    FLIX. Ne les rclamez pas,

    Ces dieux dont l'intrt demande son trpas.BARCINE.

    Ils coutent nos vux.FLIX. Eh bien, qui lejr en fasse.

    BARCINE.

    Au nom de l'Empereur, dont vous tenez la place. .

    .

    FLIX

    .

    J'ai son pouvoir en main, mais s'il me l'a commis.C'est pour le dployer contre ses ennemis.

    BARCIKE.

    Polyeucte l'est-il ?

    FLIX. Tous chrtiens sont rebelles*BARCINE.

    N'coutez point pour lui ces maximes cruelles ;N'est-il donc pas mon frre ; et moi, de votre sang?

  • -2d-

    Je roKanlo sa faute, et no vois plus son ranp.yuand le crime d'Etat se intMe au sacrilge,1,0 satig ni i'uinlli n'ont plus de prl village.

    BAnCIKE.

    Quoi excs de rigueur !viux. Moindre (|uo son forfait.

    BARCIXE.

    de mon songe affreux trop vritaMo effet !Voyez donc qu'avec lui notre perte est commune.

    Les dieux et l'Emuereur sont toute ma fortune.BAnCINK.

    Et la perte d'un fils ne peut vous arrtcr !riux. '

    J'ai les dieux et Dcie ensemble redouter.Mais nous n'avons encore craindre rien de tristeDans SOI- aveug'ement pensez-vous qu'il persiste?S'il vous semblait tantt courir son malheur,C'est d'un nouveau chrtien la premire chaleur.

    BARCINE.

    Si vous l'aimez encor, quittez cette espranceQue deux fois en un jour il change de croyance:Outre que les chrtiens ont plus de duret,V ons attendez de lui trop de lgret.Ce n'est point une erreur avec le lait suce,Que sans l'examiner son me ait embrasse :Polyeucte est chrtien parce qu'il l'a vouluEt vous portait au temple un esprit rsolu.'Vous devez prsumer de lui comme du reste:Le trpas n'est pour eux ni honteux ni funesteIls cherchent de la gloire mpriser nos dieux :Aveugles pour la terre, ils aspirent aux cieuxEt, croyant que la mort leur en ouvre la porteTourments, dchirs, assassins, n'importeLes supplices leur sont ce qu' nous les plaisirs.ht les mnent au but o tendent leurs dsirs La mort la plus infme, ils l'appellent martyre.

    FLIX.Eh bien donc ! Polyeucte aura ce qu'il dsire :N en parlons plus.

    BARCiNK. Mon pre...

    1

    i

  • 21 -

    SCKNE III.

    rLlI, ALBINj RAHCINK, l'OI.VMr.E.

    FLIX. Albin, eii est-ce faitTALBIIf.

    1

    Oui, soigneur, et Naniue a pay son forfait.KMX.

    Et nutrc l'ulycuctc u vu trancher sa vie?ALBIN.

    Il l'a vu, mais hlas ! avec un il d'envie,Il brle de le suivre, au lieu de reculer;Et son cur s'aUcrmit, au lieu de s'branler.

    BARCINE.

    Je vous le disais bien. Encore un cnnp, tncni |ire,Si jamais mon respect a pu vous satisfaire.Si vous l'avez pris, si voui l'avez chri...

    FLIX.Vous aimez trop, Barcine, un trop indigne ami.

    BAHClIfE.

    Il l'est de votre aveu : mon attache est sans crime,Puisqu'il eut tout d'abord votre honorable estime.Ah ! si vous avez sur moi tout pu jusqu' ce jour,Ne pourrai-je donc pas quelque chose mon tour.

    FLIX.

    Vous m'importunez trop: bien que j'aie un cur tendre,Je n'aime la piti qu'au prix que j'en veux prendre :Employez mieux l'edet de vos justes douleurs;Malgr moi m'en toucher, c'est perdre et ttvnps et pleurs;"en veux tre le matre, et je veux bien qu'un sacheQue je la dsavoue alors qu'on me l'arrache.Prpar ^-vous voir ce malheureux chrtien

    ;

    Et faites votre effort, quand j'aurai fait Ih mien.Allez, n'irritez plus un pre qui vous aime;Et tchez d'obtenir votre ami de lui-mme.Tantt jusqu'en ce lieu je le ferai venir :Cependant quittez-nous, je veux l'entretenir.

    BARCINE.

    De grce, permettez..

    .

    FLIX. Laissez-nous seuls, vous dis-je jVotre douleur m'oflense autant qu'elle m'allligo.A gagner Polyeucte appliquez tous vos soins;Vous avancerez plus en m'importunant moins.

  • 1 ai

    Sr.fcNK IV.

    rux, st^iM. /tiix.

    Albin, coinine cst-il mort?ALBiif. En brutal, on impie,

    En bravant les tounnonis, m (ldai^Miiuit hi vii,Sans rt'ijrtn, sans nmrninro, o'tsans tHonnoinenl,Dans riihslination et i'cndurcisseinent,Cuninie un chrtien entiii, lo biasphmo la bouclio.

    VEUX. ' , - ,

    Et l'autre? ''""''' "" "'^

    ^

    ' -j,..m':ALBIN. Jo l'ai (lit dj, rien ne le tonolie;

    Ldin il'tMi tre abattu, son (iir en est plus haut;On l'a violent pour quitter lchafaud :Il est dans la prison o je l'ai vu conduire

    ;

    Mais vous tes bien loin encor do lo rduire.FLIX.

    Que je suis malheureux !ALBIN. Tout lo monde vous plaint.

    FLIX

    .

    Ou ne sait pas les maux dont mon cur est atteint.De pensers sur pensers mon me est agite,De soucis sur soucis elle est inquite:Je sens l'amour, la haine, et la crainte et l'espoir,La joie et la douleur tour toiu- l'mouvoir;J'entre en dos sentiments qui ne sont pas croyables,J|en ai de viojonts, j'en ai de pitoyables

    ;

    J'en ai do gnreux qui n'oseraient agir :J'en ai mme de bas, et qui me font rougir.J'aime ce malheureux, que mon fils a |)OMr IVre,Je hais l'aveugle erreur qui le pousse forfaire :'Je d|tlore sa perte, et, le voulant sauver.J'ai la gloire des dieux ensemble const;rver :Je redoute leur foudre et celui de Dcie

    ;Il y va de ma charge, il y va de ma ie.Ainsi tantt pour lui je m'expose au trpas,Et tantt je le perds pour ne me perdre pis.

    ALBIN.

    Dcie excusera les embarras d'un pre;Et ' ailleiu-s Polyeucteest d'un sang qu'on rvre.

    A pi! ,i}! i,i'(r;.ans son ordre est rigoureux,

    Et piv>,

    V.

    jii.;!i.j est grandiplus il est dangereux :

    l .'^'f^

  • J3

    .j.'r'fM

    (

    \^n ne dilinpiii> point, qiianil rotVt'nsc est |Mil)li>|iie,Et, lursiiu'oii liissiiiiulc un crime ddiiioittiqiie,i'ar |iilli! ault)ril6 |)i>iit-nii, pur i|ullu loi,Chlier en autrui co qu'un soullVc chu^ soi?

    ALBIX.

    Si vous n'ojjez avoir d'gard sa personne,L'crivex I)>!r.ii.', alln qu'il on urdonno.

    FLUX.

    Svi I' lue perdrait, si j'en usais ainsi;

    Sa haine el non pouvoir font mon plus |,'rand souci.Si j'avais dilVor de punir un tel crime,Quoi(|u'il soit gt'Mireux, quoiqu'il soit nioKiiaiiimc,Il est honime, et sensible, et je l'ai dodaitrn;Et de tant de nit^pris son esprit indi^m';,Doit contre moi nourrir une haine implacable;Innocent, h ses yeux je dois tre coupable.Pour venger un affront tout semble iHre permis,Kl les occasions tentent les plus remis.Te dirai-je un penser indigne, bas el lche?Je l'oioutre, il renat ; il me llatte et me fiVcho :L'ambition toujours me le vient prsenter;Et tout ce que je puis, c'est de le dtester.Polyeucte est ici le soutien de son pre,Mais si, m'en dfaisant, je substituais Svre,J'acquerrais bien par l de plus puissants appuis,Qui me mettraient cent fois plus haut que je ne suis.Mon cur en prend par force une maligne joie:Mais que plutt le ciel tes yeux n)e foudroie,Qu' des pensers si bas je puisse consentir.Que jusque-l ma gloire ose se dmentir!

    ALBIN.

    Votre cur est trop bon, el voire me trop haute.Mais vous rsolvez-vous punir cette faute?

    FLIX.Ne me presse point tant; dans un tel dplaisir.Je n > puis que rsoudre, el ne sais que choisir.

    ALIUN.

    Je dois vous avertir, en serviteur fidle,Qu'en sa faveur dj la ville se rebelle,El ne peut voir passer par la rigueur des loisSa dernire esprance el le sang de ses rois.Je liens sa prison mmo assfz mal assure;J'ai laius tout autour une tioupe ^plore

    ;

    Je crains qu'on ne la force.lLix. 11 faut donc l'en tirer.

    Et l'amener ici pour nous en assurer.

  • -44

    AI.HIS.

    rirez r'ii donc voiis-niino, et d'un espoir de gri\coApiiaistv, lii Tiireur de cotto populace,

    iiii.ix.

    Allons, ol s'il porsisto i domoiuvr clnvlien,Nous en disposerons sans s ! oh bien, [lour leur inontror leur tort,Moi, sou rival, je vais l'arracher la mort.

    AI.IIIM.

    Sans accusor le soi4 ni le ciol d'injustice,Prenez jrarde au pi^ril qui suit un toi service ;Vous hasardez beaucoup, Sei|^neur, peusiv,-y bien.(,)uoi ! vous entreprenez de. sauver un chrtien !Pouvez-vous i|jfiiorer jionr celte secte iinpiiyuelle est et fut toujours la haine de Dcie C'est un crime vers lui si tfraud, si capital,Qu' votre faveur mtne il peut tre fatal.

    SVlillH.

    Cet avis serait bon pour quelqu'me connuune.S'il tient entre ses mains ma vie et ma fortniu',Je suis encore Svre; et tout ce grand poivoirNe peut rien sur ma gloire et rien ..ur mou devoir.Ici l'honneur m'oblige, et j'y veux satisfaire ;(>u"aprs, le sort se montre ou propice ou contraire,Comme son naturel est toujours inconstant.Prissant glorieux, je prirai content.Je te dirai bien plus, mais avec confldenee.La secte des chrtiens n'est pas ce que l'oti |iense:On les hait ; la raison, je ne la connais point ;Kl Je ne vois Dcie iiyuste qu'en ce point.Par curiosit j'ai voulu les connatre:On les tient pour sorciers dont l'enfer est le matre

    ;

    Et sur celte croyance, on punit du trpasDes mystres secrets que l'on ne connat pas.Mais Crs Eleusine et !a bonne desse,Ont leurs secrets comme eux Rome et dans la Grce;Kncore impunment nous soufl'rous en tous lieux,Leiu" Dieu seul seul except, toute sorte do dieux ;

    i

  • Totis los monslros d'KfiypIr" ont leurs (omplcs daiH Roino;

    Nos at'iix, il loiir gir, Inisait'iil nii dieu d'iiii hoimiR>,F.l, leur saii|^ parmi ikhis coiisci'vaiit leurs prieurs,!NiiiiH remplissons le eiel de Imis nos empereurs.Mais, parler sans lard de tant d'apothoses,l/ellet est bien dontotix do ces mlanKtrplioses.

    Le chrliens n'ont qn'iin Dieu, matre absolu de (ont,De (|iti lo 80ul vouloir fait tout ce (pi'il rsonl ;Mais, si j'oso entre non diro co

  • I

  • -f-

    ACTE TROISIME.

    i

    SCENE I.

    FLIX, AI.BIX, CI-OX.

    FELIX

    .

    Albin, as-tu bien vu la fourbe de Svre ?As-tu bien vu sa haine, et vois-tu ma misrfc?

    ALDIX.

    Je n'ai vu rien en lui qu'un rival gnreux,El ne vois rien en vous qu'un pre rigoureux.

    FLIX.Que tu iliscernes mal le cur d'avec la mine Dans l'nie il hait Flix et ddaigne Barcine;S'il l'estima jadis, il estime aujourd'huiLes restes d'un rival trop indignes de lui.11 parle en sa faveur, il me prie, il menace,Et me perdra, dit-il, si je ne lui fais grce ;Tranchant du gnreux, il croit m'pouvanter.L'artifice est trop lourd pour ne pas l'venter.Je sais des gens de cour quelle est la politique ;J'en connais mieux que lui la plus fine pratique.C'est en vain qu'il tempte, et feint d'tre en fureur,Je vois ce qu'il prtend auprs de l'emitereur.De ce qu'il me demande il m'y ferait un crime;Epargnant son rival, je serais sa victime;Et, s'il avait affaire quelque maladroit.Le pige est bien tendu, sans doute il le perdrait:Mais un vieux courtisan est un peu moins crdule

    ;

    11 voit quand on le joue, et quand on dissimule :Et moi, j'en ai tant vu de toutes les faons.Qu' lui-mme au besoin, j'en ferais des leons.

    ALBIN.

    Dieux ! que vous vous gnez par cette dfiance IFLIX.

    Pour subsister en cour c'est la haute science.Quand un homme une fois a droit de nous ha'i'r.Nous devons prsumer qu'il cherche nous trahir

    ;

    Toute son amiti nous doit tre suspecte.Si Polyeucte enfin n'abandonne sa secte,Quoi que son protecteur ait pour lui dans l'esprit,Je suivrai hautement l'ordre qui m'est prescrit.

    ALBIir.

    Grce, gi'ce, seigneur! que Darcine l'obtienne 1

  • 28

    PEUX.

    Celle de rempereur ne suivrait pas la mienne;Kl loin de lo tirer do ce pas hasardeux,Ma honte ne forait que nous perdre tous deux.

    Mais Si^vre promet.. .

    .

    FKi.ix. Albin, je m'en diTio,Va connais mieux que lui la liaiue do Dcio :Kii faveur dos chrtioiis s'il t'ho(|uail sou courroux,Lui-mme ussurniout se perdrait avec nous.Je veux pourtant tenter encore une autre voie.

    {A Clon.)

    Amenez Polyeucte ; et, si je le renvoie,S il demeure insensible ce dernier olVort, Au sortir de ce lieu qu'on lui donne la mort.

    ALBIX.

    Votre ordre est rigoureux.

    FLIX. II faut que je lo suive.Si je veux empocher qu'un dsordre n'arrive.Je vois le peuple mu pour prendre son parti

    ;

    Kt toi-mme tantt tu m'en as averti:Dans ce zle pour lui qu'il fait dj paratre.Je ne sais si longtemps j'en pourrais tn- le matre

    ;

    Peut-tre ds demain, ds la nuit, ds ce soir,J'en verrais des effets que je ne veux pas voir

    ;

    Et Svre aussitt, courant la vengeance,M'irait calomnier de quelque intelligence.Il faut rompre ce coup qui me serait fatal.

    ALBIN.

    Que tant de prvoyance est un trange mal !Tout vous nuit, tout vous perd, tout vous fait de l'ombrage :Mais voyez que sa mort mettra ce peuple en rage

    ;

    Que c'est mal lo gurir que le dsesprer.

    FLIX.

    En vain aprs sa mort il voudra murmurer;Et, s'il ose venir quelque violence.C'est taire cder deux jours l'insolence :J'aurai fait mon devoir, quoi qu'il puisse arriver.Mais Polyeucte vient; tchons il le sauver.Soldats, retirez-vous, et gardez bien la porte.

    1

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  • 29

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    SCENE II.

    FLIX, POLYEUCTE, ALBIN.FLIX.

    As-tu donc pour la vie une haine si forto,Malheureux Polyeiictc ? Et la loi des chrtiensT'ordonne-l-elle ainsi d'ahandonner les tiens ?

    POLYEUCTE.

    Je ne hais iioint la vie, et j'en aime l'usage,Mais sans atlachcinent qui sente l'esclavage,Toujours priH la rendre au Dieu dont je la tiens :La raison me l'ordonne et la loi des chrtiens ;Et je vous montre tons par l comme il faut vivre,Si vous avez le cur assez bon pour me suivre.

    FLIX.Te suivre dans l'abme o tu te vas jeter ?

    POLYEITCTE.

    Mais plutt dans la gloire o je m'en vais monter!FLIX.

    Donne-moi pour le moins le temps de la connatre;

    Pour me faire chrtien sers-moi de guide l'tre;Et ne ddaigne pas de ni'instrulrc en ta loi,Ou toi-mme ton Dieu tu rpondras de moi.

    POLYEUCTE.

    N'en riez point, Flix, il sera votre juge:Vous ne trouverez point devant lui de refuge

    ;

    Les rois et les bergers y sont d'un mme rang :De tous les siens sur vous il vengera le sang.

    FLIX.Je n'en rpandrai pins ; et, quoi qu'il en arrive.Dans la foi des chrtiens je souffrirai qu'on vive;J'en serai protecteur;

    POLYEUCTE. Non, nou, perscutez,Et soyez l'instrument de nos flicits :Celles d'un vrai chrtien n'est que dans les souffrances;Les plus cruels tourments lui sont des rcompenses.Dieu, qui rend le centuple aux bonnes actions.Pour comble donne encor les perscutions.Mais ces secrets pour vous sont fcheux comprendre

    ;

    Ce n'est qu' ses lus que Dieu les fait entendre.FLIX.

    Je te parle sans fard, et veux tre chrtien.POLYEUCTE.

    Qui peut donc retarder leffet d'un si grand bien?

  • 80

    Feux.

    La prsence importune..

    .

    l'OLYEi'CTE. Et (le qui ? de Svre ?FLIX.

    Pour lui seul ciitrc toi j'ai feint tant de colre Dissimule un moment jusques son dpart.

    POI.YEUCTE.

    Flix, c'est donc ainsi que vous parlez sans fard ?Portez vos paens, portez vos idolesLe sucre empoisonn que sment vos paroles.Vn cluvlien ne craint rien, ne dissimule liiMi,Aux yeux de tout le monde il est toujours clirtieu.

    FLIX.Ce zle de ta foi ne sert qu' te sduire.Si tu cours la mort plutt que de m'instruiro.

    POLYEUCTE.

    Je vous en parlerais ici hors de saison;

    Klle est un don du ciel et non de la raison :Et c'est l que Wentt, voyant Dieu face face.Plus aisment pour vous j'obtiendrai cette grce.

    FLIX.Ta perte cependant me va dsesprer.

    POLYEUCTE.

    Vous avez en vos mains de quoi la rparer :En vous tant un fils, on vous eu donne un autreDont la position rpond mieux la vtre.

    '

    Ma perte n'est pour vous qu'un change avantageux,FLIX.

    Cesse de me tenir ce discours outrageux.Je t'ai considr plus que tu ne mrites :Mais, malgr ma bont qui croit plus tul'irritesCette insolence enfin te rendrait odieux

    ;

    '

    Et je me vengerais aussi bien que nos dieux.POLYKUCTE.

    Quoi ! vous changez bientt d'humeur et de lnsaxa Le zle de vo.^ dieux rentre en votre courage f " " 'Celui d'tre chrtien s'chappe ! et par hasardJe vous viens d'obliger me parler sans fard !

    FLIX.Va, ne prsume pas que, quoi que je te jure.De tes nouveaux docteurs je suive l'imposture.Je luttais ta manie, afin de t'arracherDu honteux prcipice o tu vas trbucher

  • -81 Je voulais j?agner temps pour niuager ta vieAprs l'loignement d'un flatteur de Dcie;Mais j'ai fait trop d'injure nos dieux tout-puissants ;Choisis de leur donner ton sang ou de l'encens.

    POLYEUCTE.

    Mon choix n'est point douteux. Mais j'aperois Barcine:Ociel

    (.

    SCENE m.

    ELIX, POLVEUCTE, BAHCINE, ALBIW.

    BAHCiNE. Qui de vous deux aujourd'hui m'assassine?Sont-ce tous deux ensemble, ou chacun son tour?Ne pourrai-je flchir la raison ni l'amour ?Et n'obtienrai-jc rien d'un pre ni d'un frre?

    FLIX.Parlez votre anu.

    POLVEUCTE. Dsonnais, c'est Svre.BARCINE.

    Tigre ! assassine-moi du moins sans m'outrager.POLVEUCTE.

    Eh bien ! si votre cur ne peut se partager,Je vous l'ai dj dit, je vous le dis encore.Le mien est tout entier au grand Dieu que j'adore :Vivez avec Svre, ou mourez avec moi.Je ne mprise point vos pleurs, ni votre foi

    ;

    Mais, de quoi dsormais que bouche m'entretienne,Je ne l'coute plus, qu'elle ne soit chrtienne.C'en est assez : Flix, reprenez ce courroux,Et sur cet insolent vengez vos dieux et vous.

    BARCINE.

    Ah ! mon pre, son crime peine est pardonnable;

    Mais s'il est insens, vous tes raisonnable;

    La nature est trop forte, et ses aimables traitsImprims dans le s::ng, ne s'eflfacent jamais

    ;

    Un pre est toujours pre, et sur cette assuranceJ'ose appuyer encore un reste d'esprance.Jetez sur votre fils un regard paternel :Ma mort suivra la mort de ce cher criminel

    ;Et les dieux trouveront sa mort illgitime.Puisqu'elle confondra l'inaocence et le crime,Et qu'elle changera, par ce redoublement,En injuste rigueur un juste chtiment.Curs par l'adoption rendus insparables,Nous devons tr ensemble heureux ou misrables j

  • 32

    Et vous seriez cruel jiisqiies au dernier point,Si vous (It'sunissiez ce que vous avez joint.\j\\ lur l'antre uni jamais ne se retire,i;t, pour l'en sparer, il faut qu'on le dchire.Mais vous tes sensible mes justes douleurs,i;t d'un il paternel vous regardez mes pleurs.

    FEUX.

    Oui, mon lils, il est vrai qu'un pre est toujours pre;

    lUeu n'en peut elVacer le sacr caractre;Je porte un cur seiisible et vous l'avez perc,.le me joins avec vous contre cet insens.MailioiMCux Polyeucte, es-tu seul insensible,i;i veu\-tu rendre seul ton crime irrmissible?Peux-tu voir tant de pleurs d'un il si dtach ?Peux-tu V ir tant d'amour sans en tre touch'?

    POLYEICTE.

    Que tout cet artillce est de mauvaise grce!Apis avoir deux fois essay la menace.Aprs m'avoir fait voir Nrque chez les morts,Aiirs avoir tent d'hypocrites effortsPdiu- opposer Dieu l'intrt de Dieu mme.\ (tus vous joignez ensemble ! Ah ! ruses de l'enfer !Faut-il tant de fois vaincre avant que triompher !Vos rsolutions usent trop de remises

    ;

    Pre-iez la vtre eniin, puisque la mienne est prise.Je n'adore qu'un Dieu, maitre de l'univers.Sous qui tremble le ciel, la terre et les enfers

    ;

    Un Dieu qui nous aimant d'une amour intiaie,VoiUut mourir pour nous avec ignominie,Kt qui, par un effort de cet excs d'amour,\'cut pour nous en victime tre offert chaque jour.Mais j'ai tort d'en parler qui ne peut m'entendre.Voyez l'aveugle erreur que vous osez dfendre :Des crimes les plus noirs vous souillez tous vos dieux

    ;

    Vous n'en punissez point qui n'ait son maitre aux cieux;

    Les plus brutaux instincts, des horreurs qu'on dteste,Le vol, l'assassinat, et la haine et le reste,C'est l'exemple qu' suivre offrent vos immortels.J'ai profan leur temple et bris leurs autels

    ;

    Je le ferais encor si j'avais le faire.Mme aux yeux de Flix, mme aux yeux de Svre,Mme aux yeux du Snat, mme aux yeux de l'Empereur,

    FLIX

    .

    Enfin ma bont cde ma juste fureur:Adore-les, ou meurs.

    POLYEUCTE. Je suis chrtien.FLIX. Impie i

    Adore-les, te dis-je, ou renonce la vie.

  • an

    POI.YKUCTE.

    Jo suis (tliicHien.nii.ix. Tu l'os'? t") cmir trop nhstitit^ !

    Solilnts, cxi'culez l'onliv (|ii'^ j'ai Innn.

    BAIICINE.

    O le conduisez-vous?feux, A la mort.

    l'otvEiicTK. A la gloire !Adieii, mon frre, adieu; conservez ma mmoire.

    BARCINR.

    Je te suivrai partout, et mourrai si tu meurs,POLYF.UCTE.

    Ne suivez point mes pas, ou quittez vos erreurs.

    FLIX.Qu'on l'te de mes yeux, et que l'on m'obisso;I uis(iu'il aime prir, je consens qu'il prisse.

    \

    ur.

    SCENE IV.

    FLIX, ALBIN.FEUX.

    Je me fais violence, Albin, mais je l'ai d jMa bont naturelle aisment m'et perdu.Que la rage du peuple prsent se dploie ;Que Svre en fureur, tonne, clate, foudroie ;M'lant fait cet effort, j'ai fait ma sret.Mais n'es-tu point surpris de cette duret?Vit-on, ce degr des curs impntrables,Ou des impits ce point excrables ?Du moins j'ai satisfait mon esprit afllig :Pour amollir son cur je n'ai rien nglig ;J'ai feint mme ses yeux des lchets extrnios ;Et certes, sans l'horreur de ses derniers blasphtMinv^,Qui m'ont rempli soudain de colre et d'effroi,J'aurais eu de la peine triompher de moi.

    ALBIN.

    Vous maudirez peut-tre un jour cette victoire,Qui tient je ne sais quoi d'une action trop noire.Indigne de Flix, indigne d'un romain,Rpandant votre sang de votre propre main.

    FLIX.Ainsi l'ont autrefois vers Brute et Manlie.Mais leur gloire en a cr, loin d'en tre afl'aiblie.Et quand nos vieux hros avaionl de mauvais sang,Ils eussent, pour le perdre, ouvert loin' propre llauc.

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    At.Biir.

    Votre ardeur vous st'diiit; mais,

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