politis n° 1037

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Politis politis.fr Politis ENTRETIEN Jean Ziegler analyse la crise POLITIQUE PCF, PG, NPA marchent de front BD Bulles sans frontières à Angoulême ESSAI Les origines néo- libérales de l’Europe I Semaine du 29 janvier au 4 février 2009 I n°1037 I De Tarnac aux quartiers populaires Grève 24 heures et après ? L’ennemi intérieur L’ennemi intérieur 3:HIKNOG=VUXUUZ:?b@a@n@r@a; M 03461 - 1037 - F: 3,00 E NOUVELLE FORMULE

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POLITIS n° 1037 semaine du 29 janvier au 4 février"De Tarnac aux quartiers populaires - L'ENNEMI INTERIEUR "

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Page 1: POLITIS n° 1037

2 1 s e p t e m b r e 2 0 0 8 I P O L I T I S I 12 1 s e p t e m b r e 2 0 0 8 I P O L I T I S I 12 1 s e p t e m b r e 2 0 0 8 I P O L I T I S I 12 1 s e p t e m b r e 2 0 0 8 I P O L I T I S I 12 1 s e p t e m b r e 2 0 0 8 I P O L I T I S I 1

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Politis

ENTRETIENJean Ziegleranalyse la crise

POLITIQUEPCF, PG, NPAmarchent de front

BDBulles sans frontièresà Angoulême

ESSAILes origines néo-libérales de l’Europe

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De Tarnac aux quartiers populaires

Grève24heures et après ?

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SOMMAIRE

2 I P O L I T I S I 29 janv ier 2009

LLIILLIIAANN TTHHUURRAAMM

JJEEAANN ZZIIEEGGLLEERR..« Lemasquedunéolibéralismese déchire ».Page4

SSOOCCIIAALLGGRRÈÈVVEE.. Vingt-quatre heureset après ? Page6ÀÀ CCOONNTTRREE--CCOOUURRAANNTT.. « Inflationou déflation ? »,parDominique Plihon.Page7

MMIICCRROOCCRRÉÉDDIITT.. La banque despauvres veut s’enrichir.Page8

PPOOLLIITTIIQQUUEEGGAAUUCCHHEE.. Prémisses d’un front.Page10

Vers des assises pourle changement. Page11

SSOOCCIIÉÉTTÉÉUUNNIIVVEERRSSIITTÉÉ.. La fac en coursde révolte. Page12

ÉÉCCOOLLOOGGIIEEÉÉNNEERRGGIIEE.. Repenserle bouquet électrique.Pages14 et 15

MMOONNDDEEPPRROOCCHHEE--OORRIIEENNTT.. Le premiergeste d’Obama. Page16

CCUULLTTUURREEBBAANNDDEE DDEESSSSIINNÉÉEE.. Le festivald’Angoulême. Page22LLIITTTTÉÉRRAATTUURREE.. « L’Autofictif »,d’Éric Chevillard.Page23

TTHHÉÉÂÂTTRREE.. « Minetti »,de Thomas Bernhard. Page24

MMÉÉDDIIAASSIINNTTEERRNNEETT.. « Arrêt surimages » poursuit sa route.Page25

BBOONNNNEESS FFEEUUIILLLLEESS..« La Nouvelle Raison dumonde », de Pierre Dardotet Christian Laval.Pages26 et 27

TTRRIIBBUUNNEE.. « Rachidaet ses frères »,parNacira Guénif-Souilamas.Pages30 et 31

RRÉÉSSIISSTTAANNCCEESSRREEDDIISSTTRRIIBBUUTTIIOONN.. Monoprixencaisse mal les réquisitions.Page32

LLEE PPOOIINNTT DDEE VVUUEEDDEESS LLEECCTTEEUURRSSPages34 et 35

ENTRETIEN

IDÉES/DÉBATS

DOSSIER TTOOUUTT--SSÉÉCCUURRIITTAAIIRREEHaro sur l’ennemiintérieur.Tarnac : l’opinionconditionnée.Tribune d’Hamé,de LaRumeur.Pages18 à21

DUFO

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AFP

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Une : Joël Saget/AFP

PPOOUURR NNOOSS LLEECCTTEEUURRSSGGaaggnneezz llee lliivvrree--aaggeennddaa LL’’iimmpprréévviissiibbllee..LLuuddiiqquuee,, eennggaaggéé eett ddééccaalléé,, ll’’oouuvvrraaggeerreecceennssee lleess iinnnnoommbbrraabblleess jjoouurrnnééeess

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Page 3: POLITIS n° 1037

2 9 j a n v i e r 2 0 0 9 I P O L I T I S I 3

PAR DENIS SIEFFERTPAR DENIS SIEFFERT

Éternelle question : pourquoi latragédie palestinienne mobilise-t-elle les consciences plus que lesort tout aussi tragique desTchétchènes, et bien davantage

que la colonisation du Tibet ou lacondition des Zimbabwéens sous laférule du dictateur Mugabe ? On peutgloser éternellement sur cette injusticedans l’injustice : les Palestiniens sont eneffet les damnés les plus célèbres dumonde. Les Tchétchènes, dans leurmalheur, ne bénéficient même pas decette « centralité ». Et il est probable quel’attention que nous leur portons protègeles Palestiniens du pire. Même si nousn’avons peut-être jamais été plus près dupire qu’en ce mois de janvier à Gaza. Dessots et des propagandistes patentés ontleur explication : ceux qui se mobilisenten faveur des Palestiniens sont mus parleur haine des juifs. Les tenants de cediscours savent ce qu’ils font : ilsassimilent Israël, son gouvernement, sonarmée, aux juifs du monde entier. Ilscommettent le crime moral qu’ilsprétendent dénoncer. Ils s’exposent enoutre à une réplique exactementsymétrique, jusque dans sa sottise, quiexpliquerait le soutien à Israël par lahaine des Arabes. L’explication est envérité à la fois historique et sociologique.L’Europe, et singulièrement la France, ontune longue histoire commune avec ceProche-Orient longtemps convoité. Sansmême remonter aux croisades, il suffit dese souvenir, comme le dit fort justementl’historien Henry Laurens, que « laRévolution française qui a commencéavec la Déclaration des droits de l’hommes’est terminée en expédition coloniale »,en Égypte et à Saint-Jean d’Acre.

L’implication politique, économique etculturelle de la France dans cette régionn’a jamais cessé depuis. Et il est vrai quece conflit sensibilise de par le monde des

Contagion

PAR DENIS SIEFFERT

L’exemplarité

du droit doit

être

universelle.

Car, dans ce

conflit, c’est

de droit qu’il

s’agit de bout

en bout.

ÉDITORIAL

populations juives ou arabes quidépassent de beaucoup les peuplesd’Israël et de Palestine. Et la France, quicompte la plus importante communautéjuive d’Europe, mais aussi la plusimportante communauté arabe, est toutnaturellement traversée par ces passions.La centralité du conflit est donc une telleévidence qu’il est navrant d’avoir unenouvelle fois à l’expliquer. Lorsque, parcontagion, les haines atteignent notresociété, nous savons donc qu’elles sont laconséquence d’un conflit irrésolu, etqu’elles ne lui préexistent pas. La preuveen est que les actes antisémites (maisaussi certaines agressions contre desMaghrébins) se multiplient ici chaquefois que la violence s’exacerbe là-bas.Il n’y a donc pas de causes endogènes,mais des causes politiques. C’est sur cescauses qu’il convient donc d’agir. Il n’yaurait pas de pire pédagogie qued’interdire les manifestations de soutienaux Palestiniens, ou de les délégitimer encriant à l’antisémitisme, comme certainss’y sont essayés au cours des dernièressemaines. Enseigner l’indifférence oudésapprendre la solidarité au prétexteque nous ne sommes pas à Gaza n’est pasde bonne pédagogie. Apprendre àdétourner le regard quand les bombespleuvent sur une population civile n’aguère de vertu. Et disqualifier unemanifestation de cent mille personnesparce que Dieudonné s’est mêlé uninstant au cortège relève de lamalhonnêteté.

Cela dit, rien n’exonère les manifestantsde leur devoir de vigilance. Nous avonsassez écrit ici que les mots de lapropagande israélienne précèdent lesbombes pour veiller à notre proprevocabulaire. Ainsi, un massacre n’est pasun génocide. Parler de génocide, outreque cela est tout simplement faux, cen’est pas viser Israël, c’est viser les juifs.C’est vouloir les piéger dans unecontradiction qui n’existe pas. La colèrequi résulte du sentiment de l’impuissancene doit pas nous détourner de lacaractérisation de ce conflit commeconflit colonial. Dire cela, c’est sesouvenir que d’autres puissancescoloniales qu’Israël ont, il n’y a pas silongtemps, commis les mêmes crimes aunom de la même logique. Dire cela, c’estrevenir dans l’Histoire. L’imputation decrime de guerre procède de la même

volonté de retour au droit. Pour lesPalestiniens, pour le monde arabe, pourles Israéliens, pour nos propres sociétés,il faut espérer que des procédures serontentamées, devant une juridictioninternationale, contre les généraux et lesresponsables politiques qui les ont dirigésou couverts. L’exemplarité du droit doitêtre universelle. Car, dans ce conflit, c’estde droit qu’il s’agit de bout en bout.Respecter et faire respecter le droit, c’esttout ce que l’on peut demander à lacommunauté internationale.

Il s’agit bien sûr des résolutions desNations unies dont l’applicationpermettrait la création d’un Étatpalestinien dans les frontières de 1967.Il s’agit aussi de la reconnaissance desélections palestiniennes de janvier 2006.N’oublions pas que l’Union européennea commis cette faute impardonnable enavril 2006 de sanctionner non pas unmouvement – le Hamas – mais ungouvernement démocratiquement élu.Après le massacre de Gaza, il semble quel’Europe revienne à davantage de raisondémocratique. Il faut parler avec leHamas non pas pour ce qu’il est, maispour ce qu’il représente au sein de lapopulation palestinienne. Si MahmoudAbbas, d’abord, l’Europe et les États-Unis de Barack Obama, ensuite, enviennent à dialoguer avec le Hamas,c’est-à-dire, espérons-le, avec unecomposante d’un très prochaingouvernement d’union nationale, leslignes peuvent commencer à bouger.Quant au gouvernement israélien, qu’ilsoit dirigé par Netanyahou, Livni ouBarak, il ne semble guère en mesure desortir seul de l’enfermement moral danslequel il s’est lui-même plongé.

N.B. : Privé d’électricité en raison de latempête, Bernard Langlois n’a pu noustransmettre son bloc-notes. Rendez-vous la semaine prochaine.

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4 I P O L I T I S I 22 janv ier 2009

• Il montre comment la souffrance et

• Il s’engageENTRETIEN AVEC JEAN ZIEGLER

s’instaurent dans nos pays – je penseauxJardinsdecocagne,notamment–de nouveaux rapports avec la terre.L’autoconsommation passe duromantisme à la politique et à lanécessité.

La gauche au pouvoir enAmérique latine peut-ellevraiment changer les choses ?Ou Evo Morales et Hugo Chavezsont-ils arrivés trop tard ?Non, car, chacun à leur façon, ils tra-cent lavoiepourd’autres. Ilspeuventsauver l’Amérique latinecar leur légi-timitédémocratiquen’estpascontes-table. Il fautêtresolidaireaveccequ’ilsentreprennent, il faut lesaider, ne serait-ce que pourqu’ilspuissent contenir leursextrémistes, leurs intégristes.Ils contribuent à construiredes nations pluriethniques.L’élection d’Evo Morales à53 % des voix est extraor-dinaire. Ce n’est pas unintello, mais un paysan, unsyndicaliste. Bien sûr, il està lamerci d’un assassinat, mais si onle tue, plus aucun Occidental nepourra mettre les pieds en Bolivie.

Existe-t-il une perspectived’atténuer la haine del’Occident que vous décrivezdans votre livre, ou bien est-cetrop tard ?Pour l’instant, les pays développésfont tout pour l’entretenir. Ce qui sepasse au Nigeria avec une exploita-tion pétrolière qui ne profite pas à lapopulation, alors que la société Shella accumulé 31 milliards de dollarsde bénéfices, le montre clairement.Si l’onregarde la situationde lapopu-lation haïtienne, on constate que, dejanvier 2007 à janvier 2008, le prixde la farine a augmenté de 83 % etcelui du riz de 69 %. Autre illustra-tion des dégâts provoqués par uneOMC [Organisation mondiale ducommerce]quin’autorisepas lespayssous-développésà taxer,pour sepro-téger, plus de 20 % de la valeur deleurs importations : en 2007, leMalia exporté 380 000 tonnes de cotonmais a dû importer 70%de sa nour-riture, aux dépens des cultures

vivrières.Poursortirdececercle infer-nal,pourtransformer lahaineenforcehistoriquede revendicationde justiceetde libérationvictorieuse, il fautques’organisentunereconstitutionmémo-rielle et une construction nationaledans lespaysduSud.Pour leSud, l’oc-casion est belle de repartir à laconquête de soi et de sa plénitude.AiméCésaire adit un jour :«L’heurede nous-même est venue. »

Pourquoi avez-vous accepté derecevoir le titre de docteurhonoris causa proposé par ledépartement de géographie del’université Paris-VIII ?

Parce qu’il s’agit d’un titrequi m’aidera à résister à lapression des pays, notam-ment lesÉtats-Unis,quiveu-lent m’exclure du Comitéconsultatif du Conseil desdroits de l’homme del’ONU. Parce que la fac deVincennes, pour moi, c’estla liberté, la vie, les rencon-tres,unepolitiqued’accueil

des étrangers, qu’il s’agisse des étu-diants, des enseignants ou des per-sonnalités. Les enseignements reçus,lesamitiésnouéesàVincennesontétéféconds, et cetteuniversité est connuedans le monde entier.Un exemple : la nationalisation descompagnies pétrolières boliviennesaétépréparéedans leplusgrandsecretpar deux hommes : Alvaro GarciaLinera,vice-présidentd’EvoMorales,et Marco Aurelio Garcia, conseillerdu président brésilien Lula. Ce qui apermis à ce dernier de dire officielle-ment, dès le lendemain de la natio-nalisation, que Petrobas, la compa-gnie brésilienne qui avait de grosintérêts en Bolivie, n’y voyait aucuninconvénient. Cela a été possible carces deux hommes se sont connus etsont devenus amis à Paris-VIII, où,réfugiés politiques, ils ont pu ensei-gner.Quand j’ai racontécettehistoiredansmonlivre, jen’imaginaispasquej’y serais un jour invité…

_Propos recueillis parClaude-Marie Vadrot

(1)Voir le Politis hors-série n°48 «Quelles solutionspour un autre monde?», octobre-novembre 2008.(2)Éditions AlbinMichel, 300p., 20euros.

SOCIOLOGUE ET ÉCRIVAIN SUISSE,Jean Ziegler, ancien rapporteurau Conseil des droits del’homme de l’ONU, est l’auteurde « la Haine de l’Occident ».

58% des terres arablesdu Nigeria ne sont pascultivées.

138millions de tonnes demaïs ont été transforméesen carburant aux États-Unis en 2007.Un plein de voiturereprésente 358kg de maïs,la ration annuelle d’unenfant mexicain.

Toutes les 5 secondesdans le monde, un enfantde moins de 10ans meurtde faim.

LA FA IM DANS LE MONDE EN QUELQUES CH I FFRES

4 I P O L I T I S I 29 janv ier 2009

Pour l’instant, lespays développésfont tout pourentretenir la hainede l’Occident.

« Le masque du néolibéralismL

e17janvier,à l’issued’uncol-loque dédié à lamémoire duBrésilienJosuédeCastro, l’undes premiers à dénoncer ledrame de la faim dans le

monde et à s’interroger sur les solu-tions possibles (1), Jean Ziegler a étéfait docteur honoris causa par l’uni-versitéParis-VIII. Il revientpourPoli-tis sur les raisons des émeutes de lafaim de l’an dernier et analyse, dansla lignéede sondernier livre, laHainede l’Occident (2), les injustices engen-drées par la domination coloniale ounéolibérale des pays riches.

POLITIS I Doit-on espérer de lacrise économique actuelle uneremise en cause de ce que vousappelez la « dominationmeurtrière » du capitalismemondialisé ?JeanZieglerI Je suis assezoptimiste.Bien sûr, il y a une souffrance réelle,10 000 familles expulsées chaquejourde leursmaisons auxÉtats-Unis,

par exemple, le chômage qui aug-mente là-bas et en Europe, desrecettes fiscales quidiminuent et vontréduire les interventions des États.Souffrances terribles pour desdizaines de millions de gens, donc,mais lemasque dunéolibéralisme sedéchire, laissant apparaître les pré-dateurs, le capitalisme vorace et lecynisme.Quandon souffre, on com-mence à réfléchir, donc à agir.

Pensez-vous que le retour à descultures vivrières, voire, enOccident, au jardinage soit unremède à la faim dans le mondeet, chez nous, à l’effondrementdu pouvoir d’achat ?Oui, c’est la seule solution, pour lespays lespluspauvres commepour lesautresnationsduSud.EnEurope,au-delàde laprise de consciencequ’il nefaut plus consommer de fruits horssaison, de la méfiance envers lesOGM et d’une diminution sensiblede la consommation de viande,

• Jean Ziegler explique ici comment l’exploi

Page 5: POLITIS n° 1037

29 janv ier 2009 I P O L I T I S I 5

Le titre de docteur honoris causa quel’université Paris-VIII vient de remettre àJean Ziegler vient couronner une longuecarrière, à la fois de scientifique etd’expert, notamment auprès des Nationsunies, mais aussi de militant inlassabledes Droits de l’homme particulièrementinvesti sur la question de la faim dans lemonde. Sociologue suisse, docteur endroit, Jean Ziegler a en effet toujoursmêlé travail scientifique et engagementsmultiples. Ses convictions de gauchel’amènent également à s’investir très tôten politique comme élu (socialiste) auconseil municipal de Genève de 1963 à1967, puis commemembre (toujourssocialiste) du Parlement fédéral suisse,élu du canton de Genève, de 1967 à 1983puis de 1987 à 1999. Au fil de ses trèsnombreux ouvrages, il n’aura de cesse depointer des questions embarrassantespour son propre pays, comme le rôle dusecret bancaire dans le blanchimentd’argent sale, ou encore celui desbanquiers suisses dans la spoliation descomptes des déportés et l’aide financièrequ’ils ont apportée à la machine de guerrenazie. Mais la faim dans le monde restel’un de ses combats les plus importants.Il devient ainsi en 2000 rapporteurspécial pour le droit à l’alimentation duConseil des droits de l’homme de l’ONU,poste qu’il occupe jusqu’en mars2008,où il dénonce la façon dont les paysriches affament une grande partie de laplanète et les effets dramatiques desdérégulations néolibérales dans ledomaine de l’agriculture, aussi bien auNord qu’au Sud.La remise de ce titre honorifique parl’université Paris-VIII ne doit rien auhasard: elle a eu lieu en conclusion d’uncolloque à la mémoire du Brésilien Josuéde Castro, autrefois accueilli par ledépartement de géographie de cettefaculté lorsqu’il dut fuir la dictaturemilitaire, inventeur de la notion de«géopolitique de la faim». Jean Ziegler,très applaudi par les universitaires etétudiants présents, a in fine salué lacréation dans ce département d’unenouvelle chaire dédiée au Droit àl’alimentation et à la souverainetéalimentaire.

OLIVIER DOUBRE

Jean Ziegler oul’engagement

« La solution du conflit au Proche-Orient tient dans la création rapide de deux États dans les frontières de 1967. » MASTRASCUSA/AFP

Selon Jean Ziegler, les «crimes de guerre» commis par l’armée israélienne risquentde contribuer à éloigner encore plus de l’Occident les musulmans du monde entier.

Jean Ziegler, qui est déjà allé à Gaza en missionpour les Nations unies, est intarissable pourdécrire ce qui s’est passé depuis un mois dans cequ’il appelle un « ghetto ». Pour lui, les images

diffusées sur les écrans du monde entier risquentd’exacerber ce qu’il appelle « la haine de l’Occident ».Il n’hésite pas à parler de « crimes de guerre », commel’a fait le 12 janvier le Conseil des droits de l’homme desNations unies, où les représentants occidentaux ontrefusé de voter la motion constatant, dans unerésolution, qu’avaient été commis à Gaza des « crimesde guerre » au sens strict du statut de Rome ayant créé laCour pénale internationale en 1998. Pour notreinterlocuteur, « ces trois semaines de carnage vontcontribuer à séparer encore de l’Occident le milliard etdemi de musulmans que compte la planète ».Il explique également qu’Israël, quatrième paysexportateur d’armes du monde, a mis à profit cetteguerre pour expérimenter de nouvelles armes, dont ilpourra présenter les résultats à ses clients. Mais ilreconnaît aussi que les adversaires israéliens del’offensive contre Gaza sont très minoritaires dans leur

pays, même si les intellectuels qui ont protesté sontd’ordinaire des voix très respectées.Satisfait que le Secrétaire général de l’ONU ait bravé lesinterdictions pour se rendre à Gaza et tenter un dialogueavec le Hamas, Jean Ziegler regrette qu’« aucunreprésentant des gouvernements occidentaux n’ait eu lecourage d’en faire autant, ne serait-ce que pourconstater l’étendue des dégâts ». Il espère que le nouveauprésident américain prendra des décisions courageuses,car, « autrement, d’une façon ou d’une autre, la tragédiese poursuivra. Il faut rétablir le droit international danscette région, et cela ne peut se faire sans l’interventiondes États-Unis, qui versent chaque année 4 milliards dedollars à Israël ». Pour cet homme qui a beaucoup luttécontre l’antisémitisme, notamment dans ses livres, lasolution d’avenir est aussi simple que difficile : « lacréation rapide de deux États dans les frontières d’avant1967 ». Il admet que la proximité des électionsisraéliennes de février n’est pas favorable à des initiativesde paix, mais plutôt à une surenchère entre les partisaspirant au pouvoir.

_C.-M. V.

Gaza : « Il faut rétablir le droit international »

la conscience des injustices peuvent pousser les opprimés à se mobiliser.

en faveur des droits des Palestiniens.

e se déchire »

tation du Sud par le Nord alimente tous les ressentiments.

Page 6: POLITIS n° 1037

6 I P O L I T I S I 29 janv ier 2009

SOCIAL

GRÈVE Avec l’appel unitaire du 29 janvier, les organisations syndicales entendent gagner en légitimité auprèsdes salariés. Mais, en coulisses, les divisions demeurent.

Vingt-quatre heures… et après ?

Àcrise économique inédite,mobilisation historique. C’estle message qu’ont voulu fairepasser lesorganisations syndi-

cales enappelantàunegrèvegénéraleinterprofessionnelle et à des mani-festations dans toute la France le29janvier.Unfrontsyndicaluniqu’onn’avait pas vu depuis trois ans et lemouvement contre le CPE.Les huit (CGT, CFE-CGC, CFTC,CFDT, FO, Unsa, SUD-Solidaires etFSU)ontmêmerédigéuneplateformecommune pour dénoncer la respon-sabilité de la politique du gouverne-ment dans le bourbier économiqueactuel. Et se sont entendus surquelques propositions pour « sur-monter » la crise : abandonner la«politiqueaveugle»dessuppressionsde postes dans les services publics,conditionner les allégements de coti-sations sociales patronales à la pré-servation de l’emploi et des salaires,soumettre le secteur bancaire aidéau contrôle de l’État, retirer la pro-position de loi sur le travail dudimanche, etc.Pourtant, derrière les apparencesconsensuelles de cette union, s’esttramé en coulisses un jeu stratégiquecomplexe.Alors que69%desFran-çais se sont dits favorables à lamobi-lisation, il s’agit d’abordpour les syn-dicats de gagner en légitimité auprèsde salariés dont le mécontentementgrandissant faceà lapolitiqueactuelle(voir Politis n° 1036) peine à s’in-carner dans le virage réformiste prispar les grandes confédérations. Unedéfiance de la base plus que jamaisrévélée par les résultats aux électionsprud’homales de décembre dernier :« Les syndicats se retrouvent dosau mur car ils ont tous subi un nou-veau revers aux prud’homales.Contrairement au discours officiel,même la CGT, arrivée en tête avec33,56 % des voix – soit 1,5 pointde plus qu’en 2002 –, a perdu120000 électeurs en valeur absolue,ce qui démontre une érosion conti-nuede sonaudience», analyseDomi-niqueAndolfatto, chercheur spécia-liste du syndicalisme.Quant à la CFDT, l’hémorragie de300000voixauxprud’homalesasus-cité un choc en interne. « Il y a eu un“avant” etun“après”prud’homales

François Chérèque s’est rallié à la journée d’action du 29 janvier. CERLES/AFP

pourraientbien ressurgir demanièreéclatante le 2 février, date à laquelleles syndicats se sont donné rendez-vous pour décider des suites à don-neraumouvement.«Solidairespous-sera sans doute pour une grèvereconductible, tandis que la CFDTva probablement freiner des qua-tre fers », pronostique Jean-MichelDenis, chercheur auCentre d’étudesde l’emploi. Bref, après le 29 janvier,les guerres intestines pourraientreprendre de plus belle en périoded’élections professionnelles.Avecunenjeu crucial : les organisations syn-dicales doivent réaliser au moins10 % des suffrages dans les entre-prises pour être représentatives. Dequoi augurer unebataille sansmerci,notamment lors des élections, trèssymboliques, qui auront lieu enmarsà la SNCF.«Dans tous les cas, les syndicats ontbeaucoupàperdre : si lamobilisationdu29est forte, ilsn’aurontpas ledroitde décevoir les salariés, sinon, ils setireront une balle dans le pied »,ajoute Jean-MichelDenis.Mais, d’unautre côté, le texte commun, fruit ducompromis, apparaît un peu tropfourre-toutpour trouverunécho réelauprès d’un gouvernement qui faitla sourde oreille depuis deux ans.Si la mobilisation ne fait pas bou-ger la politique gouvernementale,espérons qu’elle fasse aumoins évo-luer les syndicats.

-Pauline Graulle

àlaCFDT,noteAnnickCoupé,porte-parole de Solidaires. Il y a six mois,elle n’aurait jamais signé la déclara-tioncommunedu29 janvier.»Leral-liementaumouvementétaitdoncunequestion de vie ou de mort pour laconfédération,qui tentededonner lessignes d’une plus grande pugnacitévis-à-vis dugouvernement.Unchan-gementdelignedesplushypothétiques

puisque l’organisation de FrançoisChérèque vient de signer, seule, latrès régressive convention d’assu-rance-chômage. Et se retrouve dèslors de plus en plus isolée sur l’échi-quier syndical.Derrière cette coalition de circons-tance poussée par l’appel de la rue,les syndicats restent toujours aussidivisés sur le fond.Desdifférendsqui

C’est l’histoire d’un «réseau de copains»,aujourd’hui débordé par son succès.L’Appel des appels compte aujourd’huiplus de 35000signataires: journalistes,psychologues, chercheurs, magistrats,médecins, artistes, etc. Tous veulentattirer l’attention sur «les conséquencessociales désastreuses» des réformessarkozystes. Et, surtout, témoigner dusaccage des institutions auxquels ilsappartiennent. Qu’il s’agisse desfermetures d’hôpitaux, des suppressionsde tribunaux ou de la précarisation desenseignants chercheurs, «les différentssecteurs de la Fonction publique sonttraversés par les mêmes logiques de

démantèlement, explique EmmanuellePerreux, présidente du Syndicat de lamagistrature, l’un des premierssignataires. Le pouvoir veut mettre lamain sur nos institutions, faire deséconomies sur notre dos au détriment desusagers. On nie les valeurs de servicepublic que nous portons.»Cette idée de fédérer les collectifs,pétitions et manifestes de la société civilerevient à Roland Gori, professeur depsychopathologie à l’université d’Aix-Marseille: «On a voulu créer une nouvellemanière de militer et de penser lesévolutions ultralibérales actuelles quipassent par un discrédit de la parole,

pourtant au fondement de la démocratie,et l’obsession du chiffre… Latransversalité de l’Appel était difficile àmettre en place par les syndicats qui,comme les partis de gauche, sont eux-mêmes enfermés dans la penséetechnocratique qu’ils dénoncent.»La plupart des supporters de l’Appel seretrouveront dans le défilé du 29janvier,mais la coordination ne s’est pas associéeofficiellement au mouvement, préférantse réunir le 31janvier à Paris pouréchanger et décider de son avenir. Unrendez-vous qui affiche déjà complet.

P. G.www.appeldesappels.org/

L’appel des appels : un réseau contre le saccage

Page 7: POLITIS n° 1037

L’affaire des trains fantômes

Selon la version deNicolas Sarkozy,lorsde lagrèvequiaparalysé lagareSaint-Lazare le 13 janvier, les usa-

gers se sont«retrouvés devant des grillesfermées tout simplement parce qu’uneorganisation irresponsable essaiede tour-ner la loi [sur le service minimum], semoquant de son outil de travail, de ladéontologie du service public et portantgravement atteinte à l’imaged’une entre-prise exceptionnelle».Despropos«par-ticulièrement durs et calomnieux », ontestiméChristianMahieux, secrétaire fédé-ral de SUD-Rail, ainsi que les cheminotsprésents ce jour-là.Agentd’aiguillageet syndicaliste àSUD-Rail, Fabio Ambrosio était de ceux-là etraconte : « Tout au long des trente joursde grèvedes agents de conduite, la SNCFs’est entêtée semaine après semaine àannoncer un service normal. Les voya-geurs étaient exaspérés – je me mets àleur place. Puis, le lundi soir, un conduc-teur se faitagresser.Lesagentsdeconduiteet leurs représentants, toutes organisa-tions syndicales confondues, font cequ’ilsont toujours fait, ils posent le sac. Tousles agents de conduite cessent le travail.Mardi, vers 10 heures, plus un train neroule. La direction nationale comprendqu’il y a un problème et qu’il faut négo-cier. Le directeur de la traction, respon-sable des agents de conduite, appelle lafédération SUD-Rail et les autres syndi-cats. Les revendications sont à nouveauprésentéesà ladirection.Vers12h30, l’af-faire est réglée : la direction de la trac-tion reprend une grande partie de ce que

veulent lesconducteurs. Il s’agitdoncd’uneavancée très significative, et les grévistessont consultés.Entre-temps, la direction de la trac-tion explique que c’est le directeur del’établissement qui doit prendre la déci-sion. Les organisations syndicales sontconvoquées à 14 h 30. D’où les hésita-tions : les syndicats, dont SUD-Rail, ontdéjàprésentéauxagents cequi a éténégo-cié en haut lieu et se sont rendu compteque la direction de l’établissement esten retrait sur tous les points abordés le

matin. Du coup, ladiscussion tourne àl’engueulade.Finalement, la réu-nion s’achève etconfirme les déci-sionsdumatin.Maisil est 16 h 30. Lessyndicats appren-nent en écoutant lesinformations et enétant contactés parcertains journalistes

que le traficdoit reprendrevers17heuresàParis-Saint-Lazare.Cequiprovoquedenouvelles inquiétudes car la directionrégionaleestauxabonnésabsents.Etcelle-ci nous apprend qu’elle a convoqué elleaussiplusieurs réunionsdans l’après-midi.Nouveaucafouillage.Après18heures, lessyndicats annoncent à la direction quele travail a repris. Mais l’ouverture desgrillesn’a lieuqu’à19h10.Or, toutdevaitêtre terminé au plus tard à 15 heures. »

_Propos recueillis par Thierry Brun

Des passagers trouvent portes closes à Saint-Lazare le 13 janvier. GUAY/AFP

Les plans de sauvetage des banques sinistrées par la crise puis les plans derelance des économies en début de récession ont amené les gouvernements àdécider de dépenser des montants faramineux. Il en est résulté une haussespectaculaire des déficits publics, entraînant un accroissement considérabledes émissions de titres de la dette publique. Cet endettement public est venus’ajouter à la dette, et souvent au surendettement, des ménages. Àtel point queles gouvernements commencent à avoir des difficultés à se financer: les États-Unis et l’Allemagne, qui ont les meilleures signatures, n’ont pas réussirécemment à placer la totalité de leurs titres auprès des investisseurs. Et lespays les plus touchés par la crise –Espagne et Irlande, notamment– ont vu leurnotation dégradée par les agences, entraînant un surcoût de leur dette publique.Face à cette contrainte imposée par les marchés, qui reprennent ainsi leurpouvoir de sanction, il y a une solution: financer une partie des déficits publicspar la création monétaire des banques centrales. Les États-Unis ont déjà décidéd’utiliser ce levier: la Fed (banque centrale) a accepté demonétiser une partiede la dette du Trésor pour financer le gigantesque plan de relance de la nouvelleadministration. L’avantage de cette solution est clair: permettre un endettementpublic sans intérêts, et accroître d’autant la marge demanœuvre dugouvernement. Mais il y a un risque: celui d’un dérapage inflationniste sil’émissionmonétaire est excessive et mal contrôlée. Les pays européens ne sontmalheureusement pas enmesure demettre enœuvre une telle politique car le

traité deMaastricht interdit tout financement monétairedes États de la zone euro par la BCE.En partant de cette analyse, deux scénarios se profilent:d’un côté, les États-Unis vont tenter une sortie de crisepar une politique de dépenses publiques trèsambitieuse, qui sera sans doute accompagnée detensions inflationnistes dont l’un des effets sera dedévaloriser en partie la dette publique et d’en atténuer lecoût. Les États-Unis ont déjà mené cette politique sousRoosevelt pour sortir de la crise de 1929 en augmentantsimultanément la dette publique, la création monétaireet l’inflation.De leur côté, les pays de la zone euro seront astreints àdes politiques publiques beaucoupmoins ambitieuses siles règles interdisant le financement monétaire des Étatssont maintenues. Le risque est alors d’assister à unesortie de crise de nature déflationniste, avec une baisse

de l’activité et de l’emploi, ainsi que des prix. La baisse des prix et la hausse detaux d’intérêt entraîneront une hausse de la charge de la dette, ce qui pourraitconduire à une spirale récessive dangereuse. Le coût social de ce scénarioserait évidemment très élevé. De plus, la faible marge demanœuvre des Étatseuropéens empêchera ceux-ci de mener les politiques d’investissement publicmassif nécessaires pour transformer en profondeur le système de production,de transport et d’habitat afin d’atteindre les objectifs environnementauxambitieux qui s’imposent face à la crise écologique. Si des évolutions aussidifférentes se produisaient de part et d’autre de l’Atlantique, il pourrait enrésulter des effets pervers à l’échelle internationale, avec une baisse brutale dudollar encouragée par les autorités américaines pour compenser la hausse deleurs prix.Cette évolution dangereuse, dont il faut espérer qu’elle ne se produira pas,montre le caractère inadapté des institutions européennes, dont la réforme esturgente. La crise a déjà permis de faire sauter le verrou du Pacte de stabilité etde croissance qui limitait les déficits publics à 3% et les dettes publiques à 60%du PIB dans les pays de l’Union européenne. Il faut désormais faire sauter ledeuxième verrou de l’interdiction du financement monétaire des déficits publics.Cela permettrait de remettre en cause le statut actuel de la Banque centraleeuropéenne et de l’euro pour mettre ceux-ci au service d’une politiqueeuropéenne ambitieuse. Ce changement est politiquement légitime: ilredonnerait à la monnaie sa dimension sociale et politique.

Il faut faire

sauter le verrou

de l’interdiction

du financement

monétaire des

déficits publics

en Europe.

Inflationou déflation ?

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SNCF Un syndicaliste de SUD-Rail donne sa version desfaits qui ont entraîné la fermeture de la gare Saint-Lazare.

Nicolas Sarkozya tenu des propos« calomnieux »sur Sud-Rail,estimentles cheminotsprésentsle 13 janvier.

SOCIAL À C O N T R E - C O U R A N TDOMINIQUE PLIHON

Membre du conseil scientifique d’Attac.

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8 I P O L I T I S I 29 janv ier 2009

MICROCRÉDIT Fleuron de l’économie solidaire, l’Association pour le droit à l’initiative économique est lancéedans une course à la productivité qui suscite quelques remous.

marchéde lapauvreté.L’associationprôneainsi une individualisationdutravail en liant rémunérationet résul-tats, pour « récompenser les colla-borateurs les plus performants ».Cela a suscité un malaise social quis’est traduit en janvier 2008 par lagrève d’une poignée de salariés, lapremière dans l’histoire de l’asso-ciation.Depuis, les témoignages cri-tiques se sont multipliés. « Il n’y aaucun dialogue social dans l’Adie,assureDaniel. Et le turn-over a aug-mentéen2008.Ceuxquine sontpasd’accord avec les orientations del’Adiepartent.»Comme ledit Jean :« Le métier de conseiller Adie estdevenu unemachine à faire du prêt.Une époque se clôt, et les tenants de“l’ancien temps” sont affectueuse-ment surnommés les “poètes del’Adie.” » Place à l’ère de la « maî-trise du risque ».

_Thierry Brun(1) Les prénoms ont été changés à la demande des per-sonnes contactées.(2)Le premier document interne est intitulé: «Position-nement et stratégie de développement commercial del’Adie, d’une stratégie de l’offre à une stratégie client?»,décembre2006. L’autre est un «plan stratégie 2008-2010», téléchargeable sur le site de l’Adie.

La banque des pauvres veut s’enrichir

Officiellement, tout va bienpour l’Association pour ledroit à l’initiative écono-mique(Adie),principaleorga-

nisation de microcrédit en France.Celle qu’on surnomme « la banquedespauvres»aide«desper-sonnes exclues du marchédutravailetdusystèmeban-caire classique à créer leurentreprise grâce au micro-crédit » et espère doublerson activité d’ici à 2010.Maria Nowak, ex-conseil-lère à l’économie solidairede Laurent Fabius, alorsministre de l’Économie,cumule prix et médaillespour son action en faveurdu microcrédit.Mais, dans les coulisses, des sala-riés etdesbénévoles, certespeunom-breux, expriment discrètement, parpeurdereprésailles, leursétatsd’âmesur les objectifs très commerciauxfixés par ce symbole de l’économiesocialeet solidaire.Uneambiancequinuance lamédiatisation,quibat tou-jours son plein. « Il est rare qu’unoutil économique soit aussi peu

Les nouveaux objectifs de l’Adie l’apparentent de plus en plus au modèlebancaire classique. JUPITERIMAGES

L’obsessiondu résultat

L’association met en avant des chiffres trèsflatteurs: en 2008, elle a accordé «près de13000microcrédits à des micro-entrepreneurs exclus du crédit bancaire»,une progression de 30%, «près de12000emplois créés, un taux d’insertion de80%» et 10nouvelles antennes ouvertessur 130. «L’Adie peut communiquer avec untalent certain sur le nombre de personnesayant créé leur propre emploi, mais sontdénombrés tous ceux qui ont eu accès à unpremier microcrédit, qu’ils vivent réellementde leur activité, qu’ils perçoivent uncomplément RMI ou Assedic pour vivre ouque, malheureusement, ils n’aient pas putenir une année d’activité», souligne unconseiller. L’Adie doit également composeravec un taux d’impayés de 6,41% et un tauxde pertes de 2,55% en 2007. Selon l’Adie,la pérennité des entreprises créées est de65% sur deuxans et de 57% sur troisans.

_T. B.

critiqué, relève Jean (1), un ex-conseiller salariéayantexercéenBre-tagne. L’Adie provoque un consen-sus large, la gauche vantant sonobjectif social endirectiondesexclusdu système bancaire, la droite sou-

tenant l’encouragement àl’initiative économique,d’où qu’elle vienne. »Ce consensus plaît auxdirigeantsd’entreprises duCAC40,dont certainsontinspiré la nouvelle straté-gie commerciale de l’Adie.Parmi eux, Frédéric Lave-nir,DRHdugroupeBNP-Paribas, vice-président duconseil d’administrationde l’association, Bernard

Vignier, ancien dirigeant de filiale,« membre du comité exécutif » desGaleries-Lafayette, coordinateurnational des bénévoles, et FrançoisVilleroy de Galhau, PDG de Cete-lem (groupe BNP Paribas), un desadministrateurs délégués. Cetelem,spécialiste du crédit à la consom-mation,«apporte à l’Adie sonappuidans lamise en place de procéduress’inspirant des bonnes pratiques

bancairesmais adaptées àune clien-tèle spécifique ».Quelles sont ces bonnes pratiques ?Elles figurentdansunenouvelle stra-tégie détaillée dansdeuxdocumentsinternes (2) de « la banque des pau-vres »qui suscitent des remous.Desconseillers s’étonnent de la nouvellesémantique, faite de « segments demarché », de « taux de pénétrationde l’Adie », de « politique de pro-duit » et de«package crédit-accom-pagnement ». « Nous avons pourmission d’être productifs », s’in-quiète Daniel, un conseiller en acti-vité.« Il est demandéde faire la pro-motiondes ventes, avec, parfois, desoffres spéciales limitées dans letemps, précise Jean.Mieux, il s’agitde vendredans la galeriemarchanded’un centre commercial un produitd’une grandemarque qui verse unepartie du bénéfice de chaque pro-duit à l’association. » En résumé,l’Adie passe désormais à une« stra-tégie client », et à la recherche dela couverture des coûts par les pau-vres eux-mêmes.Ainsi, de 5,2 % en 2005, le taux d’in-térêtdesprêtsdestinés auxprécairesest passé à 9,71 % en 2008. Le« client » doit aussi s’acquitter desfrais de dossier nommés « contri-bution de solidarité » à hauteur de5% dumontant du prêt, et trouverune autre personne physique sus-ceptible de s’engager sur le papier àverser une caution fixée à 50 % dumontant du prêt plafonné à6 000 euros. Le client doit en effetrembourser son échéancemensuellequoiqu’il arrive.«Des responsablesde l’association nous ont expliquéque les clients n’ont pas le choix carils sont refusés par les banques »,ajoute Jean. Ce qui lui fait dire queles conseillers,«pensant êtreacteursdu développement local et de l’in-sertion dans leur département, sontaujourd’huidevenusdesimplescom-merciaux.L’Adieduplique,pourunebonnepart, lemodèle bancaire clas-sique, même si la direction s’endéfend ». Et à quel prix !Les nouvelles méthodesadoptéesparl’Adie ont entraîné une course à laproductivité en raison de la futureconcurrence des banques, notam-ment de la Banque postale, sur ce

335salariéset millebénévoles àl’Adie, premieropérateur demicrocrédit enFrance.

SOCIAL

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Olivier Besancenot (NPA), Francis Parny (PCF) et Jean-Luc Mélenchon(PG) lors de la conférence de presse du 27 janvier. FIFE/AFP

Appelant à se « mobiliser pour uneEurope sociale, écologique, démo-cratique, féministe », ils estimentqu’«uneautrepolitiqueestpossible,en s’attaquantauxprofits et à la spé-culation financière, en remettant encause la rémunération du capital ».Parmi leurs propositions, figurentnotamment l’augmentation dessalaires, duSmic,duminimumvieil-lesse et des minima sociaux, « l’an-nulation du paquet fiscal de l’été

2007 », une réforme de la fiscalitédesentreprisesoula«remiseencausedupacte de stabilité et des directiveseuropéennes de privatisation ». Lesorganisations affirment aussi leuroppositionauxlicenciementset«exi-gent l’annulation des 30 000 sup-pressions de postes décidées » dansle secteur public en 2009,« le retraitde laprivatisationde lasanté, lacréa-tion d’emplois socialement utiles ».Unpeuplusde trois semainesont été

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POLITIQUE

GAUCHE. Dix organisations de gauche, dont le PCF, le NPA et le PG, ont signé une déclaration de soutien à lajournée nationale de grèves du 29 janvier. Un texte en forme de plateforme…

nécessairespourmettreaupointcettedéclaration.Tandisque lePCFéprou-vait la volonté unitaire du NPA, cedernier jaugeait l’engagement duparti de Marie-George Buffet. Letexte final garde des traces de cettelongue gestation : les signataires, ylit-on, s’inscrivent « dans les pro-chainesmobilisationsde janvier (sic),Éducation nationale le 17, santé ethôpital Public le 24, grève interpro-fessionnelle et manifestations demasse du 29 janvier ».

Le 20 janvier,quelques heuresavant une ultimeréunion, OlivierBesancenot, anti-cipantunpeuviteun échec, déplo-rait que les partisà la gauche du PS« ne [soient]actuellement pas

capables d’écrire un texte communsur les licenciements » dans la pers-pective de la mobilisation interpro-fessionnelle du 29 janvier, pourconclureà l’impossibilitédefaire«unfront politique durable » aux euro-péennes.A contrario, l’accord réalisé ouvre-t-il la voie à la constitution d’un telfrontdegauche?Marie-GeorgeBuf-fet le croit : « Aucun travailleur enlutte aujourd’hui ne comprendraitqu’alors que ces élections vont êtreun moment essentiel pour contes-ter le libéralisme et porter une alter-native, que les convergences du29janviernesepoursuiventpasdansl’élaborationd’unvéritable frontauxeuropéennes de juin prochain », a-t-elle déclaré lundi. On ne connais-sait pas alors la réponse d’OlivierBesancenotmais,estimaientplusieurssignataires, leNPA,aprèsavoir signéun tel programme de mesures d’ur-gence, pourrait difficilement refu-ser de le porter sur le terrain électo-ral avec ses cosignataires.

_Michel Soudais

(1)Les autres signataires sont : AlterEkolo (AE), Alter-native démocratie socialisme (ADS), Alternative liber-taire,Associationdescommunistesunitaires(ACU),Coor-dination nationale des collectifs unitaires pour unealternative au libéralisme (CNCU), Les Alternatifs, Particommuniste des ouvriers de France (PCOF).

Les socialistes se réveillentPrésentation d’un contre-plan de relance, dépôt d’une motion de censure, appel à manifester… Le PS ne veutpas laisser échapper la contestation.

Les socialistes ne veulent plus resterl’arme au pied. Dans un tract sur la

crise diffusé ce week-end dans toute laFrance, le PS ne se contente pas de cri-tiquer le plan Sarkozy et de présenter soncontre-plan de relance. Il appelle égale-ment la population à participer «avec lessocialistes à la journée nationale » du29 janvier. Fini le temps où Jean-MarcAyrault faisait la leçon à ceux qui, commeBenoît Hamon, déploraient que les so-cialistes pointent «aux abonnés absents»dans une manifestation de défense desretraites et des 35heures. «Le rôle» desdéputés socialistes «n’est pas d’être à latête desmanifestations, mais de faire face

au gouvernement dans l’hémicycle», af-firmait, sentencieux, le patron des dépu-tés PS. C’était en juin. Il y a longtemps…Car depuis le début de l’année, sous l’im-pulsionde sanouvelle directionconduitepar Martine Aubry, le PS renoue, sansledire, avec l’«opposition frontale»chèreà Laurent Fabius. Dans la rue et au Par-lement, où, après plusieurs semaines deguérillas très médiatisées sur le travaildu dimanche, l’audiovisuel ou le travaillégislatif, Jean-Marc Ayrault devait pré-senter à l’Assemblée nationale, au nomdugroupe socialiste, unemotionde cen-sure. Sonbut?Dénoncer «l’inactionéco-nomique» du gouvernement Fillon face

à la crisemais aussi «lesmenaces sur leslibertés individuelles», tout en déclinantlesgrandsaxesducontre-plande relancede MmeAubry : 50milliards d’euros – ledouble du plan de relance du gouverne-ment–, également répartis en augmen-tations du pouvoir d’achat et « investis-sements utiles».Si l’objectif est de faire du PS «conva-lescent» un parti qui «dénonce, proposeet agit », comme l’affirme sa premièresecrétaire, celle-ci aura du mal à collerà la contestationsociale enaffichantuneconcordance de vue avec le PSE en vuedes européennes.

_M. S.

Prémisses d’un front

La dispersion de la gauche degauche n’est pas fatale.«L’heureestà lariposte»,pro-clament dix organisations,

dont leNouveauParti anticapitaliste(NPA), le Parti communiste fran-çais (PCF) et leParti degauche (PG),dansunedéclarationunitairedesou-tien à la journée nationale d’actionsdece jeudi (1). Intitulée«Cen’estpasà la population de payer la crise »,celle-cidevrait logiquementconduireles signataires à se retrouver, au-delàdu 29 janvier.L’accord s’est fait d’abord sur unconstat partagé :«Les classespopu-laires sont durement touchées parla crise. La politique du pouvoir estplus que jamais au service des pri-vilégiés», affirment les signatairesendénonçant « un véritable plan demutation libérale et de privatisationqui s’accentue avec les suppressionsd’emplois publics ». S’ils se réjouis-sentque«lesgrèvesetmanifestationscomme celles du 29 janvier expri-ment les colères et amplifient lesluttes», ils estimentqu’«une ripostepopulaire d’ensemble est urgente »ets’engagentenconséquence«àmet-tre toutes [leurs] forces au servicede la convergence des luttes contreles licenciements, lavie chère, le chô-mageet laprécarité,etpour ladéfenseet l’élargissement des servicespublics ».

Les signatairesappellent à « semobiliser pour uneEurope sociale,écologique,démocratique,féministe ».

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POLITIQUE

GAUCHE Les principaux acteurs de l’Appel de Politis mènent une double action pour des listes unitairesaux élection européennes et la poursuite des débats de fond.

signé l’Appel,mais ont acceptéponc-tuellement le dialogue, dans les trèsnombreuses réunions locales orga-nisées autour de l’Appel, et lors dela réunion nationale de Gennevil-liers, le 11 octobre dernier.Aujourd’hui, Mélenchon, Dolez,Utopia et Mars ont fondé le Partide gauche ; les Communistes uni-taires, les Collectifs antilibéraux etles Alternatifs ont créé une fédéra-tion.Mais le travail se poursuit dansle cadre de l’Appel, qui ne s’identi-fie évidemment à aucune de cesforces nouvelles.Le 23 novembre, des groupes de tra-vail ont été constitués. À tous, nousproposeronsde se retrouverdansdes«Assises pour le changement », pré-

vues pour le28 mars, où lesgroupesde travailsoumettront à undébat général lasynthèse de leurréflexion. Paral-lèlement, etcomme produitdu groupe chargé

de plancher sur la question euro-péenne, un appel « Pour une autreEurope » a été lancé en décembre.Son objectif : œuvrer pour des listesunitaires aux prochaines euro-péennes.Les contacts semultiplient.Desmee-tings unitaires sont programmés.C’est notamment le cas à Montpel-lier, le 5 février, où l’Appel de Poli-tis sera représenté. Précisons quel’éclosion de forces nouvelles aucours de ces mois ne peut en aucuncas être interprétée comme un fer-ment de division. Il n’est pas cho-quant, et il est même souhaitable,que le champpolitiquequi nous inté-resse ici se structure à l’image de laréalité de ses courants et sensibilités.La question, ensuite, est celle de lavolonté de chacun de ces courantsde mener ensemble la bataille euro-péenne. Pour notre part, nous nousefforçonsde jouer, lemieuxquenouspouvons, notre rôle fédérateur. Surle double plan de la préparation desélections etde la recherchede conver-gences idéologiques, notammententre l’écologique et le social.

_D. S.

Le PG joue à domicileLe Parti de gauche tient son congrès fondateur ce week-end à Limeil-Brevannes avec un programmechargé, notamment la préparation des élections européennes.

Faire vite ! Deux mois tout juste aprèsson meeting de lancement, le Parti de

gauche (PG) fondé par Jean-Luc Mé-lenchon et Marc Dolez réunit soncongrès constitutif, ce week-end, à Li-meil-Brevannes (Val-de-Marne). Lechoix de cette cité de banlieue ne doitpas grand-chose au hasard. Son maire,Jo Rossignol, figure parmi les premiersélus ralliés au nouveau parti. C’est doncen quelque sorte à domicile que les dé-légués du PG se doteront de statuts,adopteront un texte d’orientation géné-rale et arrêteront la position de leur for-mation sur l’Europe. L’élaboration d’unprogramme, initialement envisagée, fera

l’objet d’un second congrès à l’automne.Pour l’heure, il s’agit d’abord de parerau plus pressé. Officialiser l’existenced’un parti avec ce que cela implique derègles formellespour avoir uneexistencelégale et pouvoir prétendre au finance-ment public despartis politiques.Définirdes règlesde fonctionnement et élireunedirection. Et cela alorsmêmeque tous lescomitésne sont pasencore constitués etque les adhésions continuent d’arriver.Figurent aussi au menu de ce «congrèsde l’urgence» les réponses à la crise quis’aggrave et la préparation des électionseuropéennes. L’avenir du PG dépendbeaucoup du résultat de ce scrutin. Sa

direction provisoire, soucieuse d’élar-gir le « front de gauche» scellé avec lePCF, affiche un optimisme raisonnable.«Nous avons une réponse plutôt posi-tive des Alternatifs, sous conditions »,assure Jean-Luc Mélenchon, « le MRCn’a pas dit non», et la rencontre avec leNPA était «fascinante». Après des ren-contres bilatérales avec l’ensemble desforces politiques qui constituaient l’arcdu «non» en 2005, le PG et le PCF ontdécidé de «démarches conjointes» versces organisations, avec un objectifaffirmé: «Unir dans le respect de chaquepartenaire.»

_M. S.

Vers des Assises pour le changement

Lepaysageabienchangédepuisla publication, le 14 mai der-nier, de l’Appel«L’Alternativeà gauche, organisons-la ! »,

plus connu sous le nom de « l’Ap-peldePolitis». Il s’agissait à l’époquede créerun«cadre»dans lequel l’en-semble des forces de la gauche « detransformation sociale » pourraitse retrouver pour discuter à la foisdesquestions stratégiques etdesques-tions politiques. Nous avions parléd’un « pacte » qui unirait tous lesacteurs de ce champ politique pourpoursuivre le débat et rechercher desconvergences, cela quels que soientles désaccords et les aléas du calen-drier électoral. Peu ou prou, toutesles forces qui constituent ce périmè-tre ont accepté ce cadre de débat.Les uns en tant quesignataires et sansl’ombre d’une restriction : les Alter-natifs, lesCommunistes unitaires, lecourant Unir de la LCR, certainshauts responsables communistes(mais pas le PCF en tant que tel),lesCollectifs antilibéraux, des socia-listes en rupture de ban comme ledéputéMarcDolez et le courantUto-pia, les Républicains de « Mars »,mais aussi de nombreux intellectuelset des citoyens issus du mouvementassociatif ouhors de toute structure.D’autres, comme les dirigeants duPCF, ceuxde laLCRetdu futurNPA,ou Jean-Luc Mélenchon n’ont pas

Un appel « Pourune autreEurope » a étélancé afind’œuvrer pour deslistes unitairesaux européennes.

Lors de la réunion nationale de l’Appel de Politis, le 11 octobre,à Genevilliers. PATRICK PIRO

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SOCIÉTÉ

desmaquettesde formationdesensei-gnants dupremier et du secondcycleet le soutienauxmouvementsdegrèvequi ont déjà commencé […] ».« Ce qui crée le malaise, écrivait àNicolas Sarkozy la Conférence desprésidentsd’université (CPU) le9 jan-vier, est la conception même de lamodulation des services […], quirevientenfaitàalourdir le tempsd’en-seignement de ceux que le Conseilnational des universités aura jugémoins performants en recherche. »« Les enseignants-chercheurs n’ontrien à redouter de cette réforme […].C’est la récompense de leur perfor-

mance», ripostaitleprince.«Soitonrésiste mainte-nant, soit onmeurt demain ! »,rétorquait pour-tant, à Paris-I,Jean-Louis Four-nel, de Sauvonsl’Université, en

fustigeant lemépris affiché parValé-riePécresse.«Il fautvoir sa têtequandonposedesquestionsprécises, a ren-chéri un jeune chercheur du collectifPapera,eninvitantàpoursuivre l’exer-cice sur son site. Je représente votrefutur !», a-t-il insistéenévoquant tousceux qui, comme lui, enchaînentcontratsprécaireset tâchesnonrému-nérées dans les laboratoires. Desconditionsqui s’étendentaujourd’huiaux statutaires.« La recherchen’est-ellequ’uneques-tiondepostesetdemoyens?», a lancéNicolas Sarkozy en soumettant desrallongesàdeuxconditions :que« lesréformes prospèrent » et que « l’éva-luation se développe ».Une nouvelleattaquemasquée car les enseignants-chercheurs contestent déjà, via desboycotts, non le principe de l’éva-luationmais les critères selon lesquelsils sont évalués. « Il y aura poursuitedu mouvement de réforme de larecherche », a néanmoins conclu leprésidentde laRépublique, tandisquela coordination invitait à rejoindrela mobilisation du 29 et l’Appel desappels (2). La fracture s’aggrave.

_Ingrid Merckx(1) PPoouurr ll’’aabboolliittiioonn ddee llaa pprrééccaarriittéé ddaannss ll’’eennsseeiiggnneemmeennttssuuppéérriieeuurr,, llaa rreecchheerrcchhee eett aaiilllleeuurrss, www.collectif-papera.org(2) www.appeldesappels.org voir p. 6.

École : le sentiment du devoir accompliXavier Darcos estime avoir atteint les objectifs qui lui étaient fixés. Pourtant, les mouvementsde protestation ne cessent de s’amplifier, chez les enseignants comme chez les parents d’élèves.

« Ma mission est terminée », a déclaréXavier Darcos début janvier, pour signi-fier qu’il avait atteint les objectifs fixéspar sa lettre de mission. Le divorce avecle corps enseignant en faisait-il partie ?Du fait des suppressions massives depostes, l’exaspération atteint son comble.Économies obligent! rétorque le ministre,qui décide pourtant, au même moment,de recruter 5000 « médiateurs de réus-site scolaire » chargés de lutter contrel’absentéisme. Un choix vécu comme uneprovocation : pour enrayer l’échec sco-laire, Xavier Darcos préfère non pas plusd’enseignement mais plus de surveil-lance ! Et ce, en supprimant 1500 emplois

Rased – soit des postes d’enseignantsspécialisés dans l’aide aux élèves en dif-ficulté – et en dédaignant la médiationqu’assurent déjà les conseillers princi-paux d’éducation (CPE). C’est laisser en-tendre que les professionnels del’Éducation ne font pas leur travail. Oumal. Et qu’il vaut mieux les remplacer pardes emplois précaires. En parallèle, un projet de réforme dit dela mastérisation prévoit de réduire letemps de formation pratique des futursenseignants, expliquent des formateursde l’IUFM de Créteil dans un texte inti-tulé « Halte à la destruction de la forma-tion des professeurs des écoles».

Face aux réformes en cours, premierdegré et parents d’élèves restent mobili-sés : chaque semaine, des occupationsd’écoles sont reconduites. Le 23 janvier,la Nuit des écoles a connu un franc suc-cès dans au moins 50écoles parisienneset 17 villes du Val-de-Marne, d’après laFCPE. Et, malgré les sanctions agitéespar le ministère, les appels à désobéir semultiplient : des établissements organi-sent notamment le boycott des évalua-tions des élèves en CM2. Hormis lesecond degré, qui semble encore en né-gociations, le dialogue est rompu de lamaternelle jusqu’à l’université.

_I. M.

La fac en cours de révolte

La clé pour sortir de la crise ?La recherche et l’innovation,d’après Nicolas Sarkozy, quirecevait, le 22 janvier à l’Ély-sée, chercheurs, présidents

d’université et chefs d’entreprise pourlancer une « stratégie nationale »pour les quatre ans à venir. Au mêmemoment, une première coordinationnationale des universités se tenait auCentre Saint-Charles de l’universitéParis-I pour protester contre lesréformes en cours. En tête : deux pro-jets de décrets réformant le statut desenseignants-chercheurs et les con -cours de recrutement. En arrière-plan : les premiers ravages de la loiLRU sur l’autonomie des universi-tés. Entre les deux, des inquiétudesgrandissantes concernant le déman-tèlement du CNRS et de l’Inserm,la précarisation de l’emploi des jeuneschercheurs et des personnels uni-versitaires, des menaces sur l’indé-pendance de la recherche et la for-mation des enseignants, des systèmesd’évaluation absurdes, et le pouvoirdémesuré des présidents d’université. « Les forces du conservatisme et del’immobilisme l’ont toujoursemporté. Il faut que cela cesse ! »,lançait le Président à l’Élysée. Cepen-dant qu’à Paris-I les universitaires,remontés à bloc, se félicitaient de voirla mobilisation s’amplifier. Manifestation devant le ministère de la Recherche le 18 septembre 2008. KOVARIK/AFP

« Soit on résistemaintenant, soit onmeurt demain. »Jean-LouisFournel, deSauvonsl’université.

UNIVERSITÉ Opposés à deux projets de décrets, les enseignants-chercheurs et personnels universitaires entament une mobilisation unitaire inédite qui pourrait déboucher sur des mouvements de grève massifs.

« Quarante-six universités… », cla-mait Pascale, de la coordination, enreprenant dans l’amphithéâtre d’artsplastiques du Centre Saint-Charles,plein à craquer, des listes boucléestard dans la nuit. Puis des associa-tions comme Sauvons l’Université,Sauvons la recherche, Défense del’Université ou le collectif Papera (1),ainsi que des sociétés savantes et desorganisations syndicales comme laCGT, FO, SUD, le Snesup, l’Unsa…

Chacun a pu intervenir avant de voter,à la quasi-unanimité, le retrait du pro-jet de décret sur le statut des ensei-gnants-chercheurs et de la réformedes concours. Sans quoi, « l’univer-sité française se mettra en grève totale,reconductible et illimitée», prévenaitune première motion publiée le soirmême. Date retenue : le 2 février. Pouraller plus loin, les universitaires ontlancé un« appel immédiat à la réten-tion des notes, la non-transmission

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FICHAGE La Commission informatique et libertés blâmeun fichier tentaculaire. Mais pour quel effet ?

LeStic (systèmede traitementdesinfractions constatées) est dansle collimateur. Pendant l’année2008, laCommissionnationale

informatique et libertés (Cnil) a pro-cédé à une enquête importante sur cefichier tentaculaire, qui recense5,5 millions de mis en cause et sus-cite 20 millions de consultations paran réalisées par 100 000 agents habi-lités (sur 142 000 policiers).Le rapport remis au Premier ministreest accablant : durée de conservationdes données non respectée (la policegardetout) ;68%desfichesoùlaqua-lification est celle de la police et noncelle retenue par le juge (sachant quela « qualification fixe la durée deconservation»,quivariede5à40ans);79%desclassementssanssuite,70%desrelaxeset99,5%desacquittementsne sont pas transmis au responsabledu traitement pour modification parlesparquets.Enoutre,83%desfichesconsultéesdans lecadredudroitd’ac-cèsindirect(1252casen2007)seraientinexactes. Sans compter des mots depasse qui se baladent et des consulta-tions pléthoriques et incontrôlées.Le manque de fiabilité du Stic est telquelapolicenes’enserviraitplusguèrepoursesenquêtes.Enrevanche, laLoisur la sécurité intérieure de 2003aidant, il servirait beaucoup auxenquêtes administratives. Effectuées

à la demande des préfets pour auto-riser l’embauched’agentsde laFonc-tion publique, de personnel de sécu-rité, de magistrats, etc., ces enquêtesconcernent plus d’un million d’em-plois. Elles ont valu à plus d’un fichéun refus d’embauche ou un licencie-ment, sans plus de vérification. Est-ce au préfet de vérifier si le respon-sableou lesparquetsontbien fait leurtravail ? C’est ce que suggère la Cnil.Mais que peut la commission pourempêcher le fichierdenuire ?Lanou-velle Loi informatique et libertés luibloque tout pouvoir. Elle interpelledonc le Premier ministre et préco-nise de faire un grand ménage avantde basculer du Stic à son successeur,le fichier Ariane, et de veiller à ce queles responsables, c’est-à-dire leminis-tère de l’Intérieur, respectent la loi etcontrôlent habilitation et traçabilitédes consultations. Elle suggère enfinde lancer lesystèmeinformatiqueCas-siopée,quipermettraauxparquetsdecollecter sur tout le territoire les infor-mations qui leur sont nécessaires.Cela suppose de mettre des moyensque l’État n’a pas, et qu’il aurait déjàmis quand il en avait si l’objectif luiavaitparuprioritaire.Maisattention,laCnilprometderefaireuncontrôle…dans trois ans.

_Christine TréguierLe rapport en ligne: www.cnil.fr

Des consultations pléthoriques et incontrôlées. LO PRESTI/AFP

Le Stic fiche la pagaille

SOCIÉTÉ

L O G E M E N TRetour sur le trottoir

Les sans-domicile de la rue de la Banquese sont réinstallés sur le trottoir. Le14décembre 2007, l’État s’était engagé àloger ces 374 familles vivant dehors àParis. 233 d’entre elles restées sanssolution depuis ont remonté uncampement rue de la Banque en décembre,avant demigrer vers des gymnases du faitdu plan grand froid, puis de retourner danscette rue. Les conditions sont rendues trèsdifficiles par les intempéries,mais la policemenace d’intervenir dès que les famillestentent de se protéger avec des bâches. Finnovembre, le DAL, qui les soutient, a étécondamné à 12000euros d’amende pouravoir «encombré la voie publique» en 2007.

Une loiqui ne connaît pas la criseRassemblement unitaire: le 27janvier, desassociations de locataires, desorganisations syndicales et desassociations de solidarité, dont laConfédération nationale du logement(CNL), la LDH et le DAL, se sont réuniespour signifier aux députés leur refus duprojet de loi de «mobilisation pour lelogement et la lutte contre l’exclusion»,à la veille de l’examen du texte àl’Assemblée. «L’État accentue sondésengagement financier» alors que«plus de 3,3millions de personnes ne sontpas logées dignement», dénonce lecollectif, qui résume: «Non seulement lesdispositions du projet de loi sontlargement insuffisantes, mais ellesaggraveront la situation.»

S A N T ÉSOS médecinsMonsieur le Président, 415médecins vousfont une lettre, que vous lirez peut-être… Leprojet de loi Hôpital, patients, santé etterritoires, en discussion à l’Assemblée àpartir du 10février, «se préoccupeessentiellement de la nécessité de

renforcer le pouvoir de gestion pouratteindre l’égalité tarifaire avec lescliniques privées commerciales…»,s’inquiètent ces professionnels(www.appel-sauver-hopital.fr). Ilsréclament l’ouverture d’un débat nationalsur le financement de l’hôpital et ladissociation des articles consacrés àl’hôpital du reste d’un projet de loi qui «neporte pas sur l’organisation et la qualité dessoins».

S A N T ÉHortefeux manipule l’AME«Erreur,malhonnêteté,mépris pour la santépublique»: l’Observatoire dudroit à la santédes étrangers épingleBriceHortefeux. Le13janvier, l’ex-ministre de l’Immigrationaurait utilisé les chiffres de l’Aidemédicaled’État (AME)pour vanter la diminution del’immigration clandestine. Or, le nombre debénéficiaires de l’AMEn’est pas connuavecprécision, et rien nepermet une corrélationdirecte entre unebaisse de leur nombre etunebaisse dunombre de sans-papiers,rappelle cet observatoire dansuncommuniquédu26janvier. En outre, lesconditions d’accès à l’AMEont étéconsidérablement restreintes, et les sans-papiers fontmoins valoir leurs droits de peurd’être interpellés. Et de s’offusquer: «Il estintolérable qu’un indicateur d’accès auxsoins[…] soitmis en avant pour évaluerl’efficacité d’unepolitique répressive.»

E S S A ICréationnisme«Les thèses créationnistes sont-ellessusceptibles de prospérer en France? Enquoi le créationnisme est-il une question desociété?», interrogent Olivier Brosseau etCyrille Baudouin, biologiste et physicien,dans une enquête qui vient fouiller cettequestion. Après avoir dressé l’historique dece qui représente pour eux «un combatpolitique contre une théorie scientifique»,les deux chercheurs explorent lesdifférentes formes de créationnismeexistant en France: les instances, leursliens avec desmouvements sectaires, leuridéologie et leursméthodes decommunication, leur grignotage des espritsvia l’enseignement et les pouvoirspolitiques…«Nous voulions rejoindre ceuxqui en appellent à la vigilance de tous lescitoyens face à la remise en cause de lascience et de ses enseignements»,préviennent les auteurs. Avant d’ajouter:«Mais, aujourd’hui, la vigilance est-ellesuffisante?» Les récentes atteintes à lalaïcité ouvrent la porte à des dérives qui,sous couvert de scientisme religieux,dissimulent des prises de positionsparfaitement politiques.Les Créationnismes. Unemenacepour la société française?, OlivierBrosseau et Cyrille Baudouin,Syllepse, 136p., 7euros.

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SAGET/AFP

BUREAU/AFP

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ÉCOLOGIE

ÉNERGIE Un appel signé par de nombreux syndicalistes d’EDF pointe les défaillances de la production d’électricitéen France et plaide pour une réorganisation du système, moins soumise au nucléaire et plus économe.

contexte de multiplication des inci-dents et accidents, notamment liésà l’âge du parc et à certaines erreursde conception, mais aussi auxlogiquesde financiarisationetdepri-vatisation qui touchent à la fois lessecteurs du transport et de la pro-duction d’électricité ».2. Surconsommation électrique etdumping « Ses 58 réacteurs rendentnotrepaysnotoirement excédentaireenmoyensdeproduction […]decou-rant. »Le fonctionnement de ces ins-tallations« jouretnuit–horspériodesd’arrêt pour maintenance – encou-rage chez nous la surconsommationélectrique. L’électricité ne pouvantse stocker, cette surproductionentraîne aussi des exportations à basprixdecourantà l’étranger, lesquellesont,dansnombredepays,uneffetdedumping dissuasif sur le développe-ment des énergies renouvelables ».En revanche, comme « les unités deproduction thermiques plus souples[…]commencentà faire […]défaut»,le Réseau de transport d’électricitééprouve « des difficultés croissantespour faire face à la demande », cequi entraîne, lorsdespicsdeconsom-mation, « de coûteuses importationsd’électricité»,produitedansdes cen-tralesquinesontpasauxnormesenvi-ronnementales.« Autrement dit, au lieu d’apporter

au niveau planétaire des économiesnettesd’émissionsdegazcarbonique(CO2),notreparcélectronucléairesur-dimensionné amène en pratique laFrance à externaliser vers des Étatscommel’AllemagneoulaPolognedesémissionsmassivesdeCO2etd’autrespolluants liées à l’exploitation ponc-tuelle de centrales thermiquesanciennes, ce qui retarde d’autant lafermeture des plus vieilles centralesétrangères. »3. Pour des énergies nouvelles«Un développement rapide et diver-sifié des énergies renouvelables (bio-massee, biogaz, grand et petit éolien,hydrolien, solaire thermique, géo-thermie, photovoltaïque, etc.) estindispensable pour réduire les coûtsd’importationdes ressources énergé-tiques, pour éviter les politiques néo-colonialisteset souventpeuglorieusesauregarddesdroitsde l’homme(dansdes pays producteurs de pétrole oud’uranium)auxquellesnouscontraintnotredépendanceénergétique,etpourlimiterdrastiquement les rejetsdepol-luants chimiques et radioactifsnocifsdans l’environnement, aussibienqueles émissions de gaz à effet de serre. »4. Un « management » contesté« Dès 2003, une étude réalisée pourEDFpar lecentrederechercheenges-tionde l’Écolepolytechnique révélaitque “92 % des salariés du nucléaire

souhaiteraientquitter le secteur.Déjà,certains partent, ce qui pose des pro-blèmes de sûreté pour certaines acti-vités”. Il s’agit d’un signal d’alarmequ’il serait dangereux de négliger etque nulle campagne de communica-tion interneouexternenepeut suffireàeffacer.Ledécalagesecreusedeplusenplusentre l’imageofficielledehautetechnologie et de culture de sûretédu secteur, et la réalité de terrain des« soutiers de l’atome ». L’industrienucléaire n’a certes pas le monopoledes suicides de salariés,mais les nou-veaux modes de management, avecles tensions sociales et les souffranceshumaines qu’ils induisent, risquentde provoquer là, bien plus que dansd’autres secteurs, des catastrophessusceptiblesd’avoirdesconséquencestragiques à très long terme. »5. Un problème sanitaire et social«Mêmeen fonctionnementdit“nor-mal” et dans des conditions socialeset financières raisonnablement opti-males, l’exploitation de l’énergienucléaireentraîne,àdifférentesétapesdu processus, l’exposition de sala-riés à des doses parfois importantesde radioactivité, dont certaines,commele rayonnementneutronique,ne sont que depuis peu prises encompte. Pour respecter les limiteslégalesd’exposition (que les instancesinternationales ne cessent de revoirà la baisse) sans accroître massive-ment les coûts d’exploitation, l’em-ployeurdoitdonc recourir àdes inté-rimaires pour les opérations les plusirradiantes.Or, ladégradationactuelledes modalités d’intérim et la multi-plication des niveaux de sous-trai-tance rendent la sûreté des installa-tionsdeplusenplusdifficileàgarantir,et le suivi médical à long terme decessalariés (quiont toujoursétéexclusdes bilans sanitaires et épidémiolo-giquesd’EDF), impossibleàassurer.»6. Réduire la part du nucléaire« Nous demandons donc à comp-ter d’aujourd’hui une réductionrapide et volontariste de la part dunucléaire dans le bouquet électriquefrançais. Cette part pourrait parexemple passer, en cinq ans, desactuels 80% à 60% de l’électricitéconsommée, et ce :– en fermant les réacteurs atomiquesles plus anciens, les plus coûteux en

Une furieuse envie de nucléaireAprès la crise gazière russe, plusieurs pays de l’Est de l’Europe envisagent de remettre en marchedes centrales hors d’âge, potentiellement dangereuses.

Conséquence des récentes vagues defroid, des ratés de la distribution du

gaz russe et surtout des efforts desgroupes de pression, la tentation monte,dans l’est de l’Europe, de remettre enroute de vieilles centrales nucléaires ca-cochymes. Sans oublier l’envie indus-trielle d’en construire de nouvelles.Au point que, le 18janvier, des milliers demanifestants ont défilé à Sofia, capitalede la Bulgarie, pour réclamer la réouver-ture des deux réacteurs de Kozlodouï,dont la fermeture avait été obtenue parl’Union européenne pour cause d’extrêmevétusté. Sur la même lancée, les Slo-vaques ont annoncé la prochaine remise

en route de la centrale de Jaslovské Bo-hunice, à l’ouest du pays, dont le moinsque l’on puisse dire est qu’elle n’offre pasla moindre garantie de fiabilité. L’Unioneuropéenne avait exigé son arrêt défini-tif. L’Autriche, qui serait aux premièresloges en cas d’incident, n’apprécie guère.En fait, en Bulgarie comme en Slova-quie, les autorités ont discrètement pristoutes les précautions techniques pourqu’un redémarrage rapide soit possible,sans se préoccuper de l’état des ins-tallations, en dépit de l’inquiétude desspécialistes.Les mêmes tentations existent enUkraine, où les réacteurs de Tchernobyl

non touchés par l’accident de 1986pourraient théoriquement être remis enroute, des techniciens y ayant été main-tenus.Profitant aussi de la crise gazière, EDF,Areva, GDF-Suez et British Energy ontprogrammé pour le 10février un colloquetout simplement intitulé « La rentrée dunucléaire », opération de relations pu-bliques destinée, avec l’appui de l’Élysée,à accréditer l’idée qu’il faut relancer d’ur-gence, en Europe, un vaste programmenucléaire avant que les énergies renou-velables ne fassent leurs preuves.

_Claude-Marie Vadrot

Repenser le bouquet électrique

La tempête qui s’est abattue surle Sud-Ouest vendredi etsamedi derniers aprivéd’élec-tricité plusieurs centaines de

milliers de foyers. L’appel dont nouspublions ici de larges extraits, écritavant cette nouvelle vague d’intem-péries, nous invite opportunément àréfléchir à notre système de produc-tion. Un système ultracentralisé. Cequi estnouveau, c’estquece texte, s’ilne propose pas de solutions révolu-tionnaires, provient de l’intérieurmême d’EDF, et que ses initiateurssont,pour laplupart,des syndicalistesqui, sur un tel sujet, se sont jusqu’àprésentmontrésplutôtconservateurs.Leurmérite estd’envisager ici tous lesaspects du problème. (Les intertitressont de la rédaction.)1. Une production inadaptée « Avecprès de 80% de sa production élec-triqued’originenucléaire (contre, res-pectivement, 30 %, 20 %, 15 % et2,2% pour le Japon, les États-Unis,la Russie et la Chine), la France estle seul pays au monde à dépendreautantdecette sourced’électricitépeumodulable, inadaptée aux pics deconsommation. L’extrême centrali-sation inhérente à la technologienucléaire […] entraîne des pertesd’énergie sur le réseau » et accroîtla « vulnérabilité potentielle de l’ap-provisionnement électrique, dansun

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Le nucléaire pollue

EDF le matraque à l’envi: grâce aunucléaire, les émissions de CO2 de laproduction d’électricité nationale sontréduites. Voire. En hiver, périoded’importants pics du chauffage électrique,comme le nucléaire est prévu pourfonctionner à régime constant, il fautdémarrer des centrales à gaz ou à fioul,émettrices. En 2005, un calcul attribueainsi au chauffage électrique 180grammesde CO2 par kilowattheure (gCO2/kWh).Guère mieux qu’une chaudière moderne augaz naturel (195gCO2/kWh). Il y a un an,un nouveau calcul, évaluant cette fois lesémissions qu’éviterait de l’électricitérenouvelable, attribue… 550gCO2/kWh auchauffage électrique. Bien pire que le fioul(310gCO2/kWh)! En effet, lors des pics,EDF achète désormais beaucoupd’électricité allemande produite aucharbon (très polluant), la moins chère!Un effet du libre marché de l’énergie, quiplombe sévèrement sa politique du «tout-électrique»… _P. P.

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ÉCOLOGIE

La France est le seul pays au monde à dépendre autant du nucléaire, qui représente 80 % de sa production électrique. DEMARTHON/AFP

maintenance, les plus générateurs derejets et effluents radioactifs et chi-miques, les plus irradiants, démo-tivants et anxiogènes pour les per-sonnels qui y travaillent et lespopulations environnantes, en assu-rant lemaintien sur site ou la recon-version des travailleurs ;– en leur substituant des moyens deproduction électrique moins centra-lisés, adaptés aux ressources locales(centrales àgazencogénération, sus-ceptiblesde fonctionnerà termeavecdubiogazdeméthanisation, etàcou-pleravecdes réseauxdechaleur ; cen-tralesàboisoucentralesmixtes char-bon/biomasse ; photovoltaïque,éolien, etc.) Par ailleurs, tout en res-pectant lesnormesenvironnementaleset énergétiques lesplusmodernes, cesmoyens de production peuvent,contrairement aux réacteurs nu-cléaires, répondreauxfluctuationsdelademandeetêtremisà l’arrêtchaquefois que les nécessaires efforts d’éco-nomies d’énergie effectués par lesindustriels, les collectivités et les par-ticuliers le justifieront. »

Premiers signataires : AguilarCharles, EDF-GDF distribution,technicien raccordement, Muret ;BockMichel, EDF/DER, retraité,CGT ; Cochin Yann, EDF rechercheet développement, Clamart,syndicaliste SUD-Énergie ;Doumeng Delphine, directioncommerciale particuliersprofessionnels, conseillère clientèle,Muret ; Esterzon Jacques, EDF-GDF distribution, retraité, Paris,SUD-Énergie ; Gouterot Laurence,direction commerciale entreprises etcollectivités, chargée de serviceclient, Saint-Sulpice, syndicalisteCGT ; Guillon Dominique, ERDF-GRDF, technicien exploitationréseaux gaz, syndicaliste SUD-Énergie ; Jarrier Patrick, EDFdirection financière, trésorerie,syndicaliste SUD-Énergie ; LecuruRégis, EDF-GDF distribution,Amiens, retraité, CGT ; LiotDominique, EDF-GDF distribution/unité clients fournisseurs technicienraccordement, Toulouse, syndicalisteCGT ; Marlin Jean-François,

DECECL, Île-de-France, chargéd’étude, CGT ; Mérieux Roland,EDF-GDF distribution, Paris,retraité, SUD-Énergie ;Millambourg René-Michel, ERDF-GRDF, technicien exploitationréseaux électricité, syndicalisteSUD-Énergie ; Mino Daniel, EDF-GDF distribution, Annecy Léman,retraité, CGT ; Richard Alexandre,ERDF-GRDF, technicienexploitation réseaux électricité,URE Paris, SUD-Énergie ; SaborotsHervé, RTE/Service EDF, techniciencontrôle commande, Toulouse,CGT ; Wambeke Éric, EDF-GDFdistribution, technicien interventionclientèle, Pyrénées Gascogne, CGT.

Appel soutenu par : Attac, les Amisde la Terre, Serge Orru (WWF) etBenjamin Dessus (Global Chance).

Le texte complet de l’appelest consultable sur le sitewww.alecoso.frwww.politis.fr

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MONDE

PROCHE-ORIENT Le Président a choisi de marquer son engagement dès les premièresheures de son mandat. Correspondance à New York, Vanessa Gondouin-Haustein.

Le premier geste d’Obama

BarackObamaa-t-il seulement tenucompte de l’émotion suscitée par lesbombardements surGaza, ou veut-il réellement avancer là où ses pré-décesseurs ont échoué ? On se sou-vient que Bill Clinton n’avait reprisle dossier des accords d’Oslo qu’àla fin de son secondmandat. En juil-let 2000, pressé par le temps, il avaitconvoqué dans les pires conditionsle huis clos deCampDavid. Il avaitensuite fait porter le poids de l’échecde cette négociation à Yasser Ara-fat.Quant àGeorgeW.Bush, il avaitattendu novembre 2007 pour ten-ter de relancer le processus de paixavec la conférence d’Annapolis.D’emblée, Barack Obama a annoncéque « la politique de [son] adminis-tration consistera à rechercher acti-vement et énergiquement une paixdurable entre Israël et les Palesti-niens, ainsi qu’entre Israël et sesvoisins arabes. » Il a surtout choiside laisser de côté l’intelligentsia pro-israélienne qui domineWashingtondepuis vingt ans. Denis Ross,60 ans, émissaire au Proche-Orientdans l’administration Bush père,puis dans celle de Clinton, était lecandidat préféré des Israéliens, toutcomme Daniel Kurtzer, 60 ans, an-cien ambassadeur américain en Is-raël. Les deux hommes étaientpressentis pour le poste d’émissaire.Obama leur a préféré George Mit-chell, un homme d’expérience, filsd’un Irlandais et d’une Libanaise, et

auteur en 2000 d’un rapport remar-qué sur les causes de la seconde Inti-fada, dans lequel il préconisait le gelde la colonisation.« Cela montre un engagement sé-rieux de la nouvelle administrationpour résoudre le conflit arabo-israé-lien », confie au journal New YorkTimesAaronMiller, ancien haut res-ponsable de la diplomatie améri-caine au Proche-Orient. « Mitchellest âgé. Mais Obama n’a pas voulufaire du neuf avec du vieux. Il veutaller vite sur le dossier et montrer savolonté de trouver une issue sur unconflit qui dure depuis plus desoixante ans », explique RamiGeorge Khouri, palestinien et pro-fesseur à l’École politique Kennedyde Boston, qui note qu’Obamapourrait « effectuer rapidement undéplacement en Cisjordanie, puis enIsraël ». Certains pensent que lenouveau président pourrait se rendredevant le Parlement égyptien pourprononcer un discours sur l’engage-ment des États-Unis dans le proces-sus de paix. S’il veut réussir là oùses prédécesseurs ont échoué, Ba-rack Obama devra avant tout réta-blir la confiance des pays dumonde arabe et leur prouver queWashington peut devenir un parte-naire équitable. George Mitchell,son émissaire spécial s’est envolédès lundi pour une visite de plu-sieurs jours dans la région.

_V. G.-H.

La nouvelle administration va-t-elle s’attaquer sérieusement à la résolution du conflit israélo-palestinien ? LOEB/AFP

Lasurpriseaétégénéraledans lespays du monde arabe. Le nou-veau président des États-Unisn’était élu que depuis quelques

heures quand il a réservé son pre-mierappel téléphoniqueauprésidentdel’Autoritépalestinienne,MahmoudAbbas.LachaînearabeAl-Jazira,quiavaitsoulignélaprésenced’un«lobbyjuif»danslanouvelleadministration,avec laprésencenotammentdesdeuxplusprochesconseillersd’Obama,sondirecteur de campagne, David Axel-rod,et le secrétairegénéralde laMai-sonBlanche,RahmEmanuel,a-t-elleété trop vite en besogne ?Ou a-t-elletiré de ce « casting » de mauvaisesconclusions ? « Emanuel est connupourêtreunefortepersonnalité,auto-ritaire,disciplinée,efficace,etpoursapropension à dire non à ses propresamis », commente le journal libanaisAnNahar.«Cechoixconfirmeencoreunefois l’intelligence, le flairpolitiqueet le réalisme du nouveau présidentaméricain […]. Les liens d’EmanuelavecIsraëlserontutilesquandObamademanderaàTel-Avivdeprendredesdécisionsdifficiles,notammentdeces-ser sa colonisation en Cisjordanie »,estime le même journal.De leur côté, les Israéliens froncentles sourcils et s’inquiètent de ce quipourrait annoncer une rupture dansla politique deWashington. Enpre-nant à bras-le-corps, dès les pre-mières heures de sonmandat, l’épi-neux dossier du Proche-Orient,

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LES ÉCHOS

D’OLIVIER BRISSONe n 2 m o t s

337 000 eurosC’est la modique somme acquittée par une centaine de

multinationales pour assister au Forum économique mondial

de Davos (Suisse) qui s’achèvera le 1er février. Plus de

2 500 personnes débattront de l’état du monde. Un record.

Pour s’ouvrir à l’identité ouvrière,l’UMP veut déménager vers un quartiermoins chicos. Place du Colonel-Fabien ?

L’homme à abattreLe patron de l’entreprise parisienne de cosmétiques Guinot l’a fait. Le célèbreinspecteur du travail Gérard Filoche a été mis en examen par le juge YvesMadrepour une improbable accusation de «chantage» et d’«entrave aufonctionnement d’un comité d’établissement». En réalité, Filoche a assisté, encompagnie d’une collègue contrôleuse, au CE bidon de l’entreprise, qui devaitstatuer en juillet2004 sur le licenciement d’une déléguée syndicale CGT, deretour de congématernité. Ce qui se nomme une «enquête contradictoire». Maisle parquet de Paris a requis le renvoi en correctionnelle de l’inspecteur, ce qui endit long sur la montée de la répression sociale en France.

« Engagez-vous »Qu’on se le dise! L’armée israéliennerecrute des «auxiliaires» en France.Le tract ci-contre a ainsi étévu sur un présentoir de la Communautéisraélite de Strasbourg.Un peu àla manière des affichesde la Légion étrangère qui, jadis,annonçaient gaillardement «Engagez-vous, vous verrez du pays», ce trèsmartial document promet, «pour 15 ou19 jours», et à force de «préparation depaquetages», le grand frisson: «Vousvivrez des moments inoubliables.»ÀGaza?

Woerth cible RoyalOutré que la direction du PS «coupe les vivres» à Ségolène Royal, Pierre Bergése dit prêt, dans le Journal du dimanche, à «aider financièrement» sa protégéeune nouvelle fois. Aussitôt, le ministre du Budget, ÉricWoerth, suggère à l’ex-candidate socialiste «d’éclaircir» ses liens financiers avec l’homme d’affaires,estimant que cette aide pose «la question du rapport entre l’argent et lapolitique». Si Désirs d’avenir est un «parti politique, a-t-il insisté, les aides desparticuliers sont plafonnées à exactement 7500euros par an, c’est la loi». Toutle monde n’a pas, comme Sarkozy, la chance d’être invité sur un yacht.

Rabat-joie58,7% des Boliviens ont approuvé, le 25janvier, la nouvelle Constitution vouluepar EvoMorales. L’ineffable Paulo A. Paranagua, qu’insupportent les succès de

la gauche latino-américaine, s’empresse deproclamer dans leMonde (27janvier) que «cerésultat» (oùmême un enfant peut voir une trèsconfortable victoire) «est en deçà des attentes dugouvernement» - et de faire bisser ce déprimantdiagnostic par un «dirigeant de l’oppositionbolivienne», qui veut bien confirmer que «legouvernement n’a pas la légitimité pour imposer à safaçon cette Constitution». Totalement indifférentaux homélies vespérales du spécialiste duMonde, leprésident Morales a salué «la nouvelle Bolivie, avecl’égalité des chances et la dignité pour tous lesBoliviens».

La vue de Louis baisseÀpeine la diplomatie française avait-elle esquissé un tournant vers un dialogueavec le Hamas, que le contre-feu israélien est venu. C’est le Commissaire européenauDéveloppement, LouisMichel, qui, depuis Tel-Aviv, a dénoncé la «responsabilitéécrasante» duHamas dans la guerre. ÀGaza, LouisMichel n’a pas trouvé lamoindre trace de «crime de guerre». Et pas question de discuter avec des«terroristes».

LUTrès combatif, l’économisteJacquesMarseille distilledans lePoint(du 22janvier)ses «leçons d’histoire»sous le titre: «Tout ce qu’onne vous a pas dit sur 1929».Et le propos sonne sonlibéral pur jus. La crisefinancière qui éclate enoctobre1929 àWall Street,«comme celle d’octobre1987, de septembre-octobre2000, deseptembre-octobre2008,est d’une affreusebanalité», qui met auchômage des dizaines demilliers de salariés, maisMarseille n’a cure de cetteréalité. Les crisesboursières sanctionnent lesexcès de la phaseéconomique précédente:quand ça vamal, c’est quetout va bien, car lemarchés’autorégule. Ce qui l’amèneà conclure: «Ce n’est pas lecapitalisme qu’il fautaujourd’hui “refonder” poursortir de la crise actuelle,mais une certaine “éthique”qu’il faut retrouver…Dumoins pour les sept

prochaines années, cellesqui nous séparent de laprochaine crise!» Un peud’éthique avant le chaos, lapotion du docteurMarseillea un goût amer.

VUFace à SergeMoati, quivoulait savoir ce qu’unhomosexuel comme luipense de lamultiplicationdes fichiers (Stic,Edvige…), Roger Karoutchis’emporte: «Je n’acceptepas qu’on vienne parler dema vie pour faire de lapolitique […], ça n’a rien àvoir avecma vie politique,et je ne veux pas qu’onmélange», lance lesecrétaire d’État auxRelations avec leParlement. Dixminutes plustard, sur TF1, c’est pourtantlemême qui dévoile sonhomosexualité dans unentretien intimiste sur lasortie de son livre.M.Karoutchi y racontecomment Nicolas Sarkozy,alorsministre de l’Intérieur,l’avait invité en week-endau Pyla en lui demandantd’inviter son compagnon.Comment encore, le14juillet dernier, le chef del’État a présenté soncompagnon aux chefsd’État et de gouvernementinvités à l’Élysée. Drôle demanière de ne pasmélangervie politique et vie privée.

EntenduÉric Besson, devenu BriceHortefeux à la place deBrice Hortefeux, refait à laradio (RTL, 25janvier)l’histoire de l’immigration.Avec ses mots à lui.D’abord, sont venues, aux«temps anciens», de

«grandes invasions». Puissont arrivés «les Italiens,les Polonais» et «d’autresqui se sont intégrés», auxXIXe et XXesiècles,explique-t-il. Le nouveauministre de l’Identiténationale poursuit:«Ensuite, il y a eu à la foisune invasion… Euh, uneimmigration de provenanced’Afrique et duMaghreb.Non pas une invasion, qu’iln’y ait pas de lapsussur lesujet.»Un lapsus? Sur le sujet?Où ça?

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18 I P O L I T I S I 2 9 j a n v i e r 2 0 0 9

HARO SURL’ENNEMI INTÉRIEUR !

Tarnac, nid de terroristes? L’hypothèse, grotesque

(il ne s’agit somme toute, et dans le pire des cas, que

d’une affaire de dégradation de biens publics), ne

repose sur aucune preuve tangible. Mais elle a ceci

de commode qu’elle divertit la plèbe de ses fins de

mois difficiles. Le votant, versatile, pourrait en effet

s’agacer du massicotage de ses libertés ou de l’effondrement de

son niveau de vie. Se venger, ne serait-ce que par un vote

sanction, de trop d’arrogances gouvernementales. Fort

heureusement, il y a, pour la détourner de ses dangereuses

ruminations, l’ennemi intérieur. Un monstre imaginaire, mais

familier, comme il s’en trouve dans les histoires qu’on raconte

aux enfants – à ceci près, naturellement, que celui-ci a plutôt

pour fonction d’effaroucher le grand public. Son appellation

peut varier, au fil du temps, mais sa fonction reste inchangée :

elle est, toujours, selon le mot de l’éditeur Éric Hazan,

« d’éliminer par la force les cellules rebelles de l’ordre social ».

Un épouvantail ancien mais plus que jamais d’actualité : le

sarkozysme en fait un usage d’autant plus intensif que la réalité de

son règne, surtout par temps de crise, n’en finit plus de ternir

l’éclat de ses promesses de campagne. Le candidat devait être « le

Président du pouvoir d’achat » : le Président répond que « les

caisses sont vides ». Audacieux. D’où la désignation de boucs

émissaires : l’« ultragauche », d’abord, puis, désormais,

l’« extrême » (en attendant la gauche, tout court). Le jeune

Arabo-musulman des « quartiers difficiles », puis le syndicaliste

ferroviaire. L’objectif est bien de criminaliser toute forme de

contestation, de «donner à voir, dit Hamé, chanteur du groupe de

rap La Rumeur, ce qu’un cerveau disponible doit retenir». Quand

69% des Français se disent favorables aux manifestations et aux

grèves du 29 janvier, l’ennemi intérieur reste, comme le souligne le

chercheur en sciences socialesMathieu Rigouste, « ce personnage

mythologique dont le sacrifice public doit permettre de dissuader

les révoltés potentiels ».

_Sébastien Fontenelle

Politis / Vous publiez un livreintitulé « L’ennemi intérieur ».De qui s’agit-il ?Mathieu Rigouste /Tout pouvoir a besoinde mettre en scène son autorité. L’ennemiintérieur est ce personnage mythologiquedont le sacrifice public doit permettre dedissuader les révoltés potentiels.Mon livretraite de ces figures de l’ennemi intérieurque l’État français, son armée et sa policemanipulent depuis les guerres colonialesjusqu’à la mise en œuvre de l’ordre sécu-ritaire contemporain. J’étudie les liens entreces figures et les doctrines de contrôle,de surveillance et de répression conçuespour protéger l’ordre en place. J’essaied’expliquer l’essor d’une technologie depouvoir consistant à désigner un ennemiintérieur socio-ethnique à la populationpour l’amener à sous-traiter le contrôle,à s’autocontrôler.

La lutte contre l’ennemi intérieurs’est d’abord focalisée sur lafigure de « l’indigène-partisan ».Les guerres coloniales ont doncété un véritable laboratoire destechniques de contrôle despopulations…Le bouc émissaire est une marionnetteanthropologique, sonemploi s’observepar-tout où il existe des formes d’autorité cen-tralisées. Cependant, les guerres colonialesfrançaises ont été le théâtre d’une véritablerévolution dans l’histoire du contrôle desêtres humains : l’invention d’une techno-logiede terreurd’État systématiqueet ratio-nalisée, la contre-subversion, employéecontre les colonisés pour détruire les « indi-gènes-partisans » qui se cacheraient parmieux. La colonie a donc été un vaste labo-ratoire militaire, et la guerre, un momentdurant lequel lepouvoirapuutiliser lescorps

deses«ennemis»et leurs lieuxdeviecommeterrains d’expérimentation pour reformu-ler son commandement. Ma thèse consisteàdirequ’onne comprendrapas le fonction-nement de l’ordre sécuritaire sans étudierles boîtes à outils dans lesquelles il puise,etque l’uned’entre elles,unedesprincipales,encore largement méconnue, a été élabo-rée lors des guerres contre les populationscolonisées.

Vous montrez que la lutte contre lasubversion, mise en œuvre audépart dans l’ancien empirecolonial, a ensuite « migré » peu àpeu vers les secteurs de l’Étatchargés du maintien de l’ordre.Cette origine coloniale a-t-ellelaissé des traces concrètes sur lesdispositifs sécuritaires en placeencore aujourd’hui ?

«Fabriquer le désordre pour mieux rétablir l’ordre»

.Désigner des «ennemis intérieurs».Les musulmans sont vus comme

DOSSIER TOUT-SÉCURITAIRE.Les insoumis et les

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2 9 j a n v i e r 2 0 0 9 I P O L I T I S I 19

C’est le cœur de mon propos dans ce livre.La doctrine de la guerre révolutionnaire oude la contre-subversionaconstituéunedoc-trine d’État au cours de la guerre d’Algérieavantd’êtreprohibéeofficiellementdans l’ar-mée entre 1960 et 1962. La classe politiquequi a mis en place les premiers dispositifssécuritairesdans l’après-1968pourbriser la« subversion gauchiste » y avait été formée,elle en connaissait globalement les rouagesetaréemployécertainsdecesenseignements.La contre-subversion a ainsi constitué unematrice idéologiquedont jemontre l’influencetout au long de la Ve République, à traversla mise à disposition d’un savoir consistantàproduiremédiatiquementunennemipourmieux le réprimer, à fabriquer le désordrepour mieux rétablir l’ordre et en tirer desavantages économiques et politiques. Unelogique qui réside au cœur de la domina-tion sécuritaire.

Quelles sont les méthodesutilisées par les services demaintien de l’ordre pour « lecontrôle intérieur » de lapopulation et des menaces dontelle est supposée être porteuse ?On peut commencer par citer les montagesmédiatico-policiers. Par exemple, celui de

Tarnac à l’automne dernier, des « islamistesdeFolembray»en1994,oudes IrlandaisdeVincennes en 1982, qui, tous, reposent surunschémacomparable :construireunefigurede l’ennemi intérieur(«anarcho-autonome»,« islamistedescités»ou«terroriste rouge»),mettre en scènemédiatiquement sonécrase-ment et célébrer la protection de l’ordre etduchef.Onpeutaussi citer l’hybridationdestechniques policières et militaires. Le rap-prochementdesdispositifs etdespersonnelschargésdumaintiende l’ordredans lesquar-tierspopulairesetducontrôledes foulesdansles anciennes colonies relève d’une mêmegrille de lecture : la guerre dans et contre lapopulation.Onpeutencoreparlerde la lutteantimigratoire, qui, tout en désignant mas-sivement à la population la « menace por-tée par les clandestins » et en organisant lespectacle de leur déportation, permet d’in-sécuriser le sous-prolétariat immigré, d’oc-cuper les esprits durant la destruction desconquêtes sociales et de légitimer la repro-ductiondusystèmeéconomiqueetpolitique.

Qui est « l’ennemi intérieur » enFrance aujourd’hui ? Commenttente-t-on de le contrôler ?Lemodèle sécuritaire s’applique à la popu-lation en général et aux classes populaires

en particulier. S’il s’efforce officiellementde réduire des « ennemis intérieurs » qu’ildésigne, voire fabrique, lui-même, ce n’estpas tant pour les détruire que pour justi-fier un schémade contrôle global des oppri-més. EnFrance commedans d’autres pays,nous assistons à la convergence du spec-tacle et du commandement, c’est-à-dire uneformedepouvoir conçue autour d’une ges-tion rationnelle, systématique et rentabi-lisée de la peur et du désir de sécurité.Il ne s’agit pas de soumettre la menaceque l’on désigne mais de circonscrire unepopulation « potentiellement nuisible »pour l’encadrer en prévision du pire : lesmusulmans censés verser dans l’islamisme,les pauvres supposés naturellement enclinsà la délinquance et au crime, les insoumiset les révolutionnaires considérés commedes terroristes en puissance…L’apport de la doctrine de la contre-sub-version à l’idéologie sécuritaire consisteà considérer la population dans sonensemble comme susceptible de produiredes « ennemis d’État » et à vouloir l’enimmuniser.

Propos recueillis par Olivier Doubre

L’Ennemi intérieur. Des guerres coloniales au nouvel ordresécuritaire, Mathieu Rigouste, LaDécouverte, «Cahierslibres», 348p., 22euros. Àparaître le 19février.

permet de circonscrire une population «potentiellement nuisible».des islamistes, les pauvres comme des délinquants supposés.révolutionnaires sont considérés comme des terroristes en puissance.

Paris,17octobre1961 (ci-contre). Lyon,18décembre2008 (ci-dessus).L’ordresécuritaire aété élaborélors desguerrescontre lespopulationscolonisées.PARIZOT/AFP/DUFOUR/AFP

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ments généraux sont formels : on assiste, enFrance, à la résurgence d’une mouvance,qualifiée pour l’heure d’“anarcho-autonome”, violente. » Si ce sont les RGqui le disent, ça doit être vrai : le Monderécite donc avec beaucoup d’applicationqu’«à Bourges, le 23 janvier, un militant,Franck F., est retrouvé porteur de deux sacsd’un kg de chlorate de soude et de plusieursdocuments, dont l’un, rédigé en italien,détaille la fabrication d’une bombe ».Trois mois plus tard, le 1er mai, le Point faitchorus et pointe, sur la foi d’« un récent rap-port de la Direction centrale des RG » (évi-demment « classé confidentiel », mais quel’hebdomadaire a su récupérer à force d’in-géniosité),« la renaissance d’un terrorismede nature idéologique». Ainsi :« Le 23 jan-vier, un jeune couple a été arrêté par desdouaniers au péage autoroutier de Vierzon.Déjà repérés dans des squats autonomes,ils cachaientdans leurvoiture1,6kgdechlo-

rate de soude et un moded’emploi en plusieurslangues pour la fabrica-tion de bombes artisa-nales. » (Entroismois,enpassant du Monde auPoint, FranckF. est aussipassé de Bourges à Vier-zon. Il aperduenchemin

400 g de chlorate de soude, mais il a trouvéune compagne…)Aprèscette longuemiseenconditionde l’opi-nion, c’est tout naturellement que MichèleAlliot-Marie s’empresse de confirmer à sesamis de la presse, en novembre 2008, queJulien Coupat et les autres « activistes pré-sumés»arrêtés àTarnacappartiennentbienà« l’ultragauche, mouvance anarcho-auto-nome». Sarkozy, extatique, applaudit alors« l’efficacité et lamobilisation»de«laSous-Direction antiterroriste sous l’autorité »de la ministre de l’Intérieur – et Libérationproclame, à la une, que « l’ultragauchedéraille ».On sait aujourd’hui (voir encadré)que, danscette affaire, c’est surtout la police et la jus-tice qui ont quelque peu déraillé.Mais celan’empêche pas le directeur de l’Express,Christophe Barbier, de brandir à nouveaul’épouvantail deTarnac pour asséner, dansson éditorial du 22 janvier, que le syndi-cat SUD est « une nébuleuse complexe »,inquiétant ramassis de « thuriféraires deJulien Coupat » et de « boutefeux », quibien évidemment menacent « la Répu-blique » : en voilà un qui a tout comprisau concept d’ennemi intérieur.

_Sébastien Fontenelle

(1) « Les habits neufs de l’ennemi intérieur »,Politis, 15mai 2008.

20 I P O L I T I S I 29 janv ie r 2009

Tarnac : l’opinion conditionnéePendant plus d’un an, des journalistes ont fidèlement relayé lapropagande gouvernementale sur le «terrorisme d’extrême gauche»,à grand renfort de «confidences» policières.

Tarnac,11novembre

2008. Au menuce jour-là:

«repasouvrier» et

interpellationsmusclées.

ZOCCOLAN/AFP

La presse lanceune alerte à la«mouvanceanarcho-autonome».

Deux mois et demi aprèsl’incarcération de JulienCoupat, interpellé à Tarnac le11novembre dernier, la justice n’atoujours pas la moindre preuvetangible de son implication dansle sabotage d’une ligne SNCF.Tous ses «complices» en«terrorisme» ont été relâchés.Mais le parquet refuseobstinément de le remettre enliberté, en dépit des demandesréitérées de son avocate – etalors même qu’un juge de ladétention a donné un avisfavorable à son élargissement.Comme pour mieux établir quetoute cette procédure est placée

sous le signe d’un arbitraireabsolu, le site Mediapart révèleque le principal accusateur deCoupat – un témoin sous X –«serait» un affabulateur,«réputé pour sa mythomanie»,déjà condamné par un tribunalde province pour «dénonciationd’infractions imaginaires».C’est, en soi, totalementsidérant, car les enquêteurs quiont recueilli l’accablantedéposition à charge où le témoinaccusait notamment Coupat defaire peu de cas «de la viehumaine» ne pouvaient ignorercette condamnation – à moinsqu’ils ne soient totalement

incompétents. Mais le plusahurissant est la réaction dupolicier de la Sous-Directionantiterroriste (Sdat), qui,interrogé par le Monde le20janvier, dit manquer «derecul pour juger du sérieuxde ce témoin».Une légèreté qui fait tache,quand on se rappelleque le parquet de Paris a(notamment) excipé de cetémoignage pour requérir lemaintien de Julien Coupat endétention. De quoi nourrirquelques interrogations sur laconduite de l’enquête.

S. F.

Un témoin « réputé pour sa mythomanie»

Dès le 8 juin 2007, le Figaro hurle que« l’extrêmegauche radicale» est« ten-tée par la violence » et que les « anar-

cho-autonomes », enparticulier, inquiètentbeaucoup la police, car, déjà : « Dans lesannées 1970, cela s’est terminé par desbombes et des assassinats. » Dans la vraievie, bien sûr, le printemps 2007 a été plu-tôt calme, aucunebomben’a été posée, per-sonne n’a été assassiné. Mais ce minusculedétail est de peu de poids lorsqu’il s’agit,comme l’écrira l’éditeurÉricHazan (1),« de

répandre l’idée d’un partage séparant lapopulation, incarnéepar songouvernement,de quelques individus dangereux qu’il fautneutraliser dans l’intérêt de tous ». Et, danscet exercice, leFigaro excelle, puisque c’estencore dans ses pages que Michèle Alliot-Marie confirme, le 1er février 2008,que, oui,décidément, onassiste à« un retour », certes« limité, mais incontestable, du terrorismed’extrême gauche ».Le même jour, et dans le même registre,le Monde lance une alerte :« Les renseigne-

DOSSIER TOUT-SÉCURITAIRE

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groupe La Rumeur, observe que les effec-tifs déployés par le ministère de l’Intérieur«renvoientàunétatde siège».Donc :«Onpasse de simples opérations de police à desopérations de type militaire. » Comme enAfghanistan (voir encadré). Le directeurde la police nationale promet que les émeu-tiers qui ont tiré sur des policiers « serontimpitoyablement poursuivis et arrêtés : ilfautqu’ils sachentquemêmelorsquelecalmesera revenu, on continuera à les chercher ».George W. Bush, après le 11 Septembre :«Nous les trouverons,nous les jugerons»…Octobre 2008. La Direction centrale de lasécurité publique présente« devant des res-ponsablespoliciersdespayseuropéens» sonnouveau « modèle de maintien de l’ordredans lesquartiersdifficiles (1)».Adieu,poé-sie : les forces de l’ordre seront désormaisarmées d’un Flashball à lunette de visée etsoutenues par de gros « moyens aériens »(petits avions, hélicoptères, drones). Sur-tout : elles pourront pratiquer des gardes àvue de 96 heures. Comme dans les affairesde terrorisme.L’ennemi intérieurdebanlieuea cet avantage sur les talibans afghans qu’ilpermet, lui, de faciles triomphes…

_S. F.(1)Le Monde, 17 octobre 2008.

29 janv ie r 2009 I P O L I T I S I 21

Le 6mai 2007,Nicolas Sarkozy devientprésident de laRépublique. Troismillepoliciers sontdéployésàParis, enSeine-

Saint-Denis, dans le Val-de-Marne et lesHauts-de-Seine.Des sources policières indi-quent auMonde qu’« il n’y a pas de remon-téesd’informationsalarmistes».RAS.Mais,dans le doute, on surveille les banlieues (etbien sûr « les mouvances radicales de l’ex-trêmegauche»).Ledécorestplanté : aupre-mier soir du règne d’unedroite qui revendique sa« décomplexion », l’idéegénérale estque les jeunesdes cités menacent ladémocratie. Cela justifieundéploiementhollywoo-dien où « certains quar-tierspourront faire l’objetd’une surveillance poli-cièreparticulière,effectuéepar un hélicoptère dotéd’un puissant projecteur,d’une caméra thermiqueet d’équipements permet-tant de détecter les mouvements ». Ce n’estpas encore Kaboul, mais ça commence à yressembler.Novembre 2007. Deux adolescents meurentdansunecollisionavecunevoituredepolice :Villiers-le-Bel s’embrase.Hamé,chanteurdu

Les jeunes des « quartiers difficiles » sont désormais assimilésà de véritables terroristes de l’intérieur : cela justifie le déploiementd’impressionnants dispositifs répressifs.

War on terrordans le Val-de-Marne

Le nouveau«modèle demaintien de

l’ordre dans lesquartiers

populaires» :drones,

lunettes devisée, gardes àvue prolongées.

COEX/AFP

Je suis un ennemi intérieur. J’habite un Laboratoire. Un espace limitéaux strictes dimensions d’une expérience. Une cellule surpeuplée, àla périphérie du jour et du fric. Quelques hectares d’antiques champsde luzerne recouverts de ciment froid, barrés d’autoroutes grillagées,plantés de tours à la gloire de l’architecture des cages. J’habite unrenfoncement qui se dérobe à la vision du passant ordinaire. Un foyerpurulent de la concentration raciale. Un point d’entassementd’hommes voués au travail forcé sous-payé, légal ou pas. Unpérimètre où plus qu’ailleurs des cheptels de sous-humanités doiventapprendre à tout accepter: vivre aussi longtemps que les balles de lapolice les y autorisent, ou mourir tôt d’avoir sué tôt.

Je suis un ennemi intérieur. J’habite un Laboratoire. Uneparenthèse hermétique dont la temporalité se confond avec celle dela répression d’État. Une chronologie à part, jalonnée de tous lesinstruments et techniques possibles du contrôle, du dressage, de lasurveillance, déjà homologués ou en cours d’obtenir leur brevet.Chaque nouvelle descente de boucliers casqués est l’occasion d’unedébauche de technologies neuves. Un laboratoire a aussi besoin devitrines, d’une face pointée vers le reste du peuple comme un indexdissuasif, comme un appel à se taire et à se ranger du côté de laForce. Pour cela, des journalistes embarqués aumilieu des troupessauront capter le message au plus près du réel, et le mettre en scènepour, prétendront-ils, faciliter la compréhension de leur audience,c’est-à-dire donner à voir ce qu’un cerveau disponible doit retenir du

théâtre des opérations. La morale sera sauve,à coup sûr. Àl’instar des plus grandspropagandistes de l’Histoire, les dirigeants desmédias dominants, marchands d’armes et debéton, savent que «c’est l’un des droitsabsolus de l’État de présider à la constitutionde l’opinion publique». Le vernis est souscontrôle.

J’habite un non-lieu, non daté, non avenu,où tout est permis, testable, expérimentable.En toute impunité. Sans crainte d’avoir àrépondre de quoi que ce soit devant quelqueinstance que ce soit puisque là, au creux de

cette parenthèse, les règles civiles communes d’intervention sontabolies au profit de lois militaires: dérogations, état d’urgence,couvre-feu, rafles et comparutions immédiates, législationantiterroriste, quadrillage aérien, etc.Je suis un ennemi intérieur, j’habite une exception, et suis envisagécomme tel. Àmême le corps, à même la peau. Ma couleur, monenveloppe, mon cuir sont le plan physique, la toile tendue,bombardés par tous les dispositifs et régimes d’exception,médiatiques, sociaux, policiers, politiques, juridiques, économiques…

Mais c’est une vérité historique, tous les systèmes produisentles germes de leur contestation, tous les abus créent les armes deleur dépassement. C’est une autre vérité de la vie des États, lesdémonstrations de force spectaculaires sont aussi des aveux defaiblesse car elles soulignent cette profonde crainte de peut-être nepas durer.Àforce de frapper toujours plus fort, toujours plus large, d’étendreles champs du Laboratoire à d’autres, la puissance répressive d’Étatclarifie les lignes d’oppositions. Et crée des solidarités de plus enplus puissantes parmi des victimes de plus en plus nombreuses. Ilarrive toujours un moment où naissent de véritables fabriques derévolte et de libération collective… des sortes de contre-laboratoires.

Les

démonstrations

de force

spectaculaires

sont aussi des

aveux de

faiblesse

Je suis un ennemiintérieur

«Rendez-vous compte…»

Février2008. Trois mois après les violences del’automne précédent, 1200policiers, flanquésd’une légion de journalistes, investissent Villiers-le-Bel. Mission: capturer, sur la foi dedénonciations anonymes (dûment rémunérées),trente émeutiers présumés. Michèle Alliot-Marie,ministre UMP de l’Intérieur, confesse, peu après,qu’elle a envisagé d’annuler toute l’opérationquand elle a su que la presse avait été prévenue.Car, explique-t-elle: «Rendez-vous compte, lejour où on lance des commandos contre lestalibans, si on prévient la presseinternationale…» C’est donc énoncédistinctement, non par un éditorialisteréactionnaire un peu vif, mais au sommet del’État: le jeune-des-cités du Val-d’Oise est bel etbien l’alter ego hexagonal du moudjahid afghan. Ilsuffit de le dire, et tout devient tellement plussimple…

HAMÉchanteur du groupe de rap La Rumeur

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22 I P O L I T I S I 2 9 j a n v i e r 2 0 0 9

CULTUREBANDE DESSINÉE

CULTURE

La bande dessinée vadrouille.Loindesgrossesmaisons,desgrandes«écoles», elleprendde belles tangentes. Interna-tionales et surprenantes, qui

plus est. Persepolis a ainsi été le plusgros carton de l’éditeur coréen SaiComics. Le Flamand Nix a vu sesplanches transiter par Albi, chez lesRequinsmarteaux, tandis que le fan-zine afrikaner Bitterkomix invitaitdans sespages JCMenu, figurepharede l’Association. Afrique du Sud,Corée méridionale, Belgique néer-landophone : liés à l’Hexagone, cesexemples n’ont pas valeur de « coco-rico».Maisd’illustrations.C’est cettebande dessinée voyageuse, cosmo-polite,qui,pourunweek-endetparmid’autres,vaposer sesvalisesàAngou-lême et s’exposer dans ce 36e festi-val (1).Les trois contréesn’y sontpasdeparfaites inconnues, elles le restentencore trop du public.Dans un ciel bleu turquoise, sur unjoli nuage rose bonbon, Dieu rugit :« Eh putain d’idiots ! Lequel d’entrevous connards misérables suceraaujourd’hui ma sainte queue ? » Enbas, des Noirs agonisent, pleurent,estropiés,armésdepelles,debéquilles,de fusils. La ligne est claire, les facestoutdroit sortiesdeTintinauCongo,jusqu’à un Milou charbon. Au loinbrûleuneéglise.BienvenueenAfriqueduSud,dans l’universdeJoeDog,qui,avec Conrad Botes, a fondé l’incan-descent fanzineBitterkomixen1992.Deuxansplus tard, lespremièresélec-tionsmultiracialesportaientMandelaaupouvoir.«Mais,pour l’artisteafri-kaner, bien que lamacrostructure del’oppresseur politique eût disparu,la pression continue de la micros-tructure de la société afrikaner per-sistait encore, explique l’artisteAndyMasondans l’anthologieBitterkomixpubliéepar l’Association.Lesnormeset les valeursquiavaient été écrites engras dans la législation fasciste desNationalistes avaient, elles, survécuà l’échelle des familles et groupes detaille inférieure. »Hypocrisie, puritanisme, racisme :voilà tout ce que vomissent les deuxcompères afrikaners et guère fiers del’être. « Vous m’avez appris à crain-dre, à discriminer, à haïr », fulmineJoe Dog en regardant droit dans lesyeux son lecteur. Conrad Botes

revient, lui, sur lesmythes fondateurs,historiques, de l’Afrique du Sud.À grands coups de pinceau et d’en-crenoire, évidemmentnoire, il traquela cruauté et la violence des plusgrands (la bataille de Blood River)commedes plus quotidiens (uneber-ceuse).«Àquelques exceptionsprès,personnedansnoscontréesn’oseplusêtre aussi subversif, aussi provocant,aussi cru, aussi inconvenant que ce

quenousnousreprenonsaujourd’huien pleine figure avec Bitterkomix »,écrit JC Menu. Voilà « l’inespéréretour de boomerang d’un esprit quiagrandiauxÉtats-Unis et enEuropeil y a trente à quarante ans », l’in-croyablehéritierdeRawetMétalhur-lant qui s’attaque au conservatisme,social et graphique.Constatercephénomènede filiationaquelque chose d’émouvant, de gal-vanisant,parceque labandedessinéeytoucheà l’émancipation.Àladécou-verte créatrice. Fondateur de la mai-son d’édition indépendante SaiComics, le Coréen Kim Dae-joongpartage cette volonté d’ouverture.Face à une bande dessinée nationaleet commerciale embourbée dans les« sentiers rebattus du manga », ilespère défricher une voie propre.« L’une de mes méthodes, surtoutlorsque je suis confronté à descréateurs en début de parcoursartistique, comme c’est très souventle cas chez Sai Comics, explique-t-ilà Nicolas Finet, qui organise aveclui l’exposition, consiste à leur fairelire des auteurs issus d’autres

traditions – par exemple, des artisteseuropéens, ou américains –, afin deleur montrer que les modesd’expression auxquels nous avonshabituellement recours en Asie neconstituent qu’une option parmid’autres. » La méthode se révèleefficace. Feuilleter Pour demeilleurslendemains, seul ouvrage collectif enfrançais, revient à encaisser une sériedechocsvisuels, inattendus,métissés,foisonnants.La jeune bande dessinée flamande sedégageelleaussid’ungrandfrère. Sesinfluences ne viennent plus tant del’école«franco-belge»quede lascènealternative française. « Auparavant,laBDflamandeétait surtout familiale,commente Carlo Van Baelen,directeurduFondflamanddes lettres,à l’originede l’exposition.Lanouvellegénération d’auteurs est de plus enplus libre dans le ton et les thèmes,mais aussi bien plus expérimentalesur la forme. » Quelques lecteurspeuvent le regretter, commeleprouvece commentaire, pêché sur le siteBdgest : « Le style gros nez ou cari-catural aurait sûrement amené un

Du 29 janvier au

1er février, le festival

d’Angoulême réunit

l’Internationale du

dessin, notamment les

artistes sud-africains

de Bitterkomix.

Des trois coins du monde

L’ASSOCIATION/BITTERKOMIX/2009

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LITTÉRATURE

plus. Là, les faces cubiques [de Nix]ne font que rajouter un malaise sup-plémentaire »… Mais la majorité leplébiscite. Qu’il soit en néerlandais :les Somnambules de Randall C. enest, fait rare, à son deuxième tirageaprès sixmoisdepublication ; ila reçuégalement plusieurs prix.Ou traduiten français : la Jeune Fille et le nègrede Judith Vanistendael fait partie dela sélection Angoulême 2009.Seize de ces « jeunes » auteurs sontexposés.L’ensembleest intrigant,pro-metteur,hétéroclite.Mais, àdirevrai,il ne frappe pas autant que ne le fontBitterkomix et Sai Comics par leurétrangeté, leur force vive. Et com-mune. Car la démarche est là collec-tive, soutenue par un support auto-produit ou une maison d’éditionindépendante. « Je pense que SaiComics n’est pas seulement unemai-sond’édition,analyseKimDae-joong,c’est un mouvement culturel dans lechamp de la bande dessinée. Doncje ne veux pas tantmontrer combiennos travauxsontbonsmais commentnous (« we Sai Comics people » !)sommes motivés, à quel point nousvoulons continuer. » « Il y aura peud’accrochages, surenchérit NicolasFinet, l’essentiel de l’expo sera de labandedessinéevivante.»AvecAnccoet Baek Jong-min travaillant en live,les dix dessinateurs lâchés dansAngoulême, exposant au jour le jourleurproduction,etune fresqueàvingtmains,nuldouteque, ceweek-end, labande dessinée va s’incarner.

_Marion DumandPour plus de renseignements:www.bdangouleme.com

Depuis le 18 septembre 2007,ÉricChevillard tientunblog,l’Autofictif, dont les posts dela première année sont

aujourd’huipubliéssurpapier.«Parcequ’un livre, écrit-il en introduction,sera toujours le terme logiquedemesentreprises.»Chaque jour, sans inter-ruption,ÉricChevillardydépose troisparagraphes, dont certains tiennentde l’aphorisme, voire de l’haïku. Lespluspuristesdesblogeurs trouverontsansdouteàredireàceblogsans liensnicommentaires,mais les lecteursquile connaissent déjà savent que le ren-dez-vous de ce « work in progress »devientvite indispensable etqu’il a ladimension, au même titre que lesromans de l’auteur (Sans l’orang-outan, chezMinuit, est le dernier endate),d’uneœuvre littéraire, cequ’onrencontre rarement sur le Net.Car l’Autofictif est d’aborduneaven-tured’écriture.L’Autofictif, titre iro-nique, peut être considéré commeun journal où la personne Éric Che-villard est présente. Mais il y entreaussi toutununiversqui, s’il n’estpastotalement fictif, relève d’un réel dis-tordu, à la logique souvent hilarante(et aubestiairedéveloppé,unecarac-téristiquechezChevillard).Exemples :«Un crocodile te mange le pied ? Vavite ! Tu n’as que quelques secondespour te montrer en société avec cebeau soulier » ; « Une chenille y va ;un papillon en revient. Retour enavion.»Ouencore :«Il existeraituneversion raturée de Don Quichottedans laquelle Rossinante est unzèbre. » Le texte est ainsi truffé detrouvailles poético-cocasses qui,somme toute, ne sont pas plusabsurdes que notre monde tel qu’il

va. Et dont la noirceur n’est pas nonplus ignorée (même métaphorique-ment) : « J’ai eu tort de laver mescarreaux. Dehors, c’est plus saleencore ! »Les événements du réel traversentl’Autofictif. L’un des moindres n’estpas la naissance de sa fille Agathe,le 24 avril 2008, commentée sobre-ment : « Agathe/47 cm/2 kg 800 ».Par ailleurs, un certain « souverainomnipotent » qui « abat lui-mêmela besogne de ses ministres et de sonbouffon»s’yagite.L’auteurdeDémo-lir Nisard n’hésite pas non plus à semoquerdes faussesvaleursdumondelittéraire (Jardin,Angot, Pivot, leprixGoncourt…), considérés comme lessymboles de ce qui donnedes«aller-gies ». Mais n’oublie pas non plusdeseprendrepourcible :«Cettepagequotidienne rencontre un succès quimevexe.Voudrait-onperfidementmefaire savoir que mes travaux d’écri-turesnesont lisiblesqu’àdosehoméo-pathique?»Non,mais toutdemême,l’Autofictif, c’est drôlement bien !

_Christophe KantcheffL’Autofictif, Éric Chevillard, L’Arbre vengeur, 252p.,15euros.

Le réel et son doubleQu’il soit sous forme deblog ou de livre,« l’Autofictif »,d’Éric Chevillard,est un journal de bordimpertinent et cocasse.

« J’ai eu tort de laver mes carreaux. Dehors, c’est plus sale encore. » BERTINI/OPALE

F E S T I V A L SClermont-FerrandQui n’a pas fait cette expérience? Croiserun matin dans la rue, dans une boutique,dans les transports, quelqu’un qui siffloteou chantonne un air populaire, et… hop!C’est parti pour la journée. On l’a en tête,on le répète, on le jazz, on le rape, on lemurmure… Surtout: on le colle à tout lemonde. Refaire le trajet d’une chansonque des Parisiens s’échangent depuis lejeune coursier jusqu’à l’hommemûrmélancolique, telle est l’idée brillantedéveloppée par Yohann Gloaguen dansComme un air. Un film qui sera projeté auprochain festival du court-métrage deClermont-Ferrand dans le cadre d’un«panorama» judicieusement consacré àla comédie musicale.Difficile d’anticiper un parcours à traversla programmation foisonnante de cettemanifestation, si ce n’est enrecommandant de jeter aussi un œil à lacompétition «Labo», qui fête ses huit ansd’explorations visuelles dans l’allégresse.Témoin: Muto, film italien qui suit lamutation d’un bonhomme-graph’ sur desmurs… Cette année, Clermont rendhommage aux Pays-Bas, avec unerétrospective regroupant unecinquantaine de films.L’occasion de découvrir Tableaux célèbres,travail autour des œuvres de Van Gogh,Rembrandt et Bruegel, oulesCaractères d’Evert de Beijer,sacré meilleur film d’animation duXXesiècle parla Dutch Animation Association.Festival du court-métrage deClermont-Ferrand, du 30janvier au7février, 0473916573 ouwww.clermont-ferrand-filmfest.com

TravellingPour sa vingtième édition, le festivalrennais Travelling, qui porte son attentionsur une ville ou un pays chaque foisdifférent, s’arrête cette année surJérusalem. Une ville dont les enjeuxhistoriques et politiques sontparticulièrement aigus. Comment lecinéma la montre-t-elle? «Les regards secomplètent et s’opposent, chacunimprégné de sa propre histoire et de sonvécu, expliquent les responsables dufestival. Les cinéastes européens etaméricains transposent les histoires duchristianisme, les cinéastes palestiniensracontent la difficulté d’y vivre, d’y aller etd’y rester alors que les cinéastesisraéliens déroulent des histoires où tousles sujets sont abordés: la société, lapolitique, la religion ou l’histoire.»Sont notamment invités les cinéastesAvi Mograbi, Ron Avilio, David Volach,David Polonsky, Etgar Keret,Michel Khleifi, Enas Muthaffar,Nadine Naous, Jacquie Salloum,Muayad Alayan…Travelling, jusqu’au 10février,0299010560, www.clairobscur.info.

Quelquesincontournables

Afrique du Sud:Rats et chiens, de Conrad Botes, éditionsCornélius, coll. «Solange».Mamère était une très belle femme, deKarlen de Villiers, éditions Çà et là.Sai Comics, à la rencontre de la bandedessinée coréenne indépendante:Sous la peau du loup, de Choi Juhyun,Cambourakis.Fleurs, coffret intégral, de Park Kun-woong, Casterman, coll. «Écritures».Jindol et moi, d’Ancco, Picquier, cols.«Picquier Manga».Ceci n’est pas la BD flamande:Dickie (2vol.), de Pieter de Poortere, lesRequins marteaux, coll. «Inox».Kinky et Cosy, tome4, de Nix, Lombard,coll. «Troisième Degré».Pour une liste plus complète, consulter le blog Politisde Christophe Kantcheff.

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entendre Thomas Bernhard autre-ment. L’idée vient du metteur enscène André Engel, et c’est MichelPiccoli qui donne cette nouvelle den-sité. Ce tandem s’empare de la pièceMinetti et la fait résonner avec une

émotion imprévue, jamais ressentieauparavant.Celan’estpasdugoûtdetout le monde. Certains crient mêmeà la trahison, comme si le théâtren’était pas l’art de renouveler sanscesse la vie secrète d’un texte.Minetti est l’une des pièces les plusculottéesd’unécrivainquin’a jamaiseu peur de l’audace et de la provo-cation.Ellemetenscèneunacteurquia vraiment existé, l’Allemand Bern-hardMinetti.C’estd’ailleurscecomé-dien qui a créé en 1974 la pièce oùsa propre vie est contée et réinven-tée dans un foudroyant clair-obscur.Il est là,dansceromanthéâtral,atten-dant sur les fauteuils d’un hall d’hô-tel d’Ostende la personne qui lui adonné rendez-vous. Cette personne,leponted’unepetite salled’unepetiteville allemande,veut levoir–àmoinsque tout soit imaginaire – pour luiproposer de rejouer le Roi Lear.Minetti ne demande que cela, maisil a étémis au ban de la cité où il étaitengagé parce qu’il a refusé d’inter-préterdesclassiques. Iln’aimeque lesmoderneset leRoiLear !C’estcequ’ildit aux inconnues qui passent dansl’antichambrede l’hôtel.Car,biensûr,ledirecteurespérénevientpas.Levieilacteurnepeutqueressasser sonpassé,ses théories et ses espoirs.Au lieu de fulminer,demettre l’accentsur la fureur et la haine, Michel Pic-coli creuse la douceur et la douleur,caresse la douleur et la blessure,dévoile l’amourduthéâtre caché sousdes invectivesapaisées. Il donneaussià voirunacteurqui vamourir et abatdans sa tête ses dernières cartes, les-quelles sont moins celles de la rageque celles de la beauté. D’où cetaccord secret que Piccoli a avec sespartenairesquineparlentpas, lespas-santes de l’hôtel, Évelyne Didi etMarie-Julie Parmentier.André Engel, avec Dominique Mül-ler, a allégé la traduction du fin etregretté Claude Porcell. Détourne-ment?Non,resserrementqui,endossépar Piccoli, se transforme en coupde génie. Car Thomas Bernhardl’écorché renaît ici dans son extrêmesensibilité.Desondesd’émotion sur-gissent à la place de la volupté de laférocité, reléguéeausecondplan.C’estbouleversant, fascinant et peut-être,de lapartdugrandMichelPiccoli,unpeu testamentaire.

_Gilles CostazMinetti, Théâtre de la Colline, Paris. 0144625252.Jusqu’au 6février. Puis en tournée.

Une soirée avec lesmeilleurs interprètesdu « chant à guitare »de Sardaigne.

Michel Piccoli creuse la douleur plutôt que la haine. RICHARD SCHROEDER

Michel Piccoli et AndréEngel donnent un nouveléclairage à ThomasBernhard avec « Minetti »,bouleversante diatribed’un acteur sur le déclin.

La douceur sous la fureur Un artmis aux voix

Les fêtes patronales des villagessardes culminent, surtout l’été,

lorsque la nuit est accueillante, dansdes joutes musicales où se mesurentdes maîtres de ce qu’on appelle là-bassimplement le cantu a chiterra, lechant à guitare. Derrière la banalité

de cette appel-lation se cacheun art, sansdoute ancien,qui consiste àinterpréter destextes poétiquesayant souventplus d’un siècleet transmis ora-lement en im-provisant des« voix », des

lignes mélodiques enluminées par cer-taines caractéristiques vocales quitransfigurent l’air originel du chant.Les chanteurs sont soutenus par unguitariste qui, sur le moment même,conçoit les accompagnements les plusappropriés à ces voix.Les maîtres de ce chant sont des pro-fessionnels qui doivent non seule-ment posséder une ample tessitureavec des aigus impeccables et le sensde la variation impromptue, maisaussi une très fine connaissance desstyles des chanteurs du passé ou desgrands d’aujourd’hui, auxquels ils seréfèrent souvent. Les joutes opposenten général trois chanteurs. Les spec-tateurs sont pour la plupart de finsconnaisseurs capables de saisir lesqualités particulières d’une voix. S’iln’y a pas de proclamation formellede victoire, les auditeurs font savoirclairement qui des protagonistes aleur préférence. À Nanterre, trois desmeilleurs représentants de la jeunegénération des cantadores s’affron-teront avec le concours de deux re-marquables guitaristes illustrant lesdeux styles de jeu majeurs employésdans le cantu a chiterra.

_Denis-Constant Martin

CCaannttuu aa cchhiitteerrrraa ddee SSaarrddaaiiggnnee: 31 janvier, 20 h 30,Maison de la musique, Nanterre (01 41 37 94 21 ;www.nanterre.fr/Envies/Culture).Disque : IIttaalliiee,, SSaarrddaaiiggnnee :: CCaannttuu aa cchhiitteerrrraa, Ocora.

THÉÂTRECULTURE

MUSIQUE

Une joute vocale. DR

On a toujours joué ThomasBernhard à la hache. Ce quiest dans le droit fil de son écri-ture presque forcenée. L’Au-

trichien a construit son théâtre surune violence assassine et martelée :haro sur l’humus nazi de son pays,guerre aux notables au passé trouble,sus aux gens de théâtre, de musique,d’art et de culture qui se calfeutrentdans leur confort mental ! Ce colérique appelle un style de jeucoléreux. Partout on l’a interprétédans cet esprit, à travers la sphère delangue allemande et en France, oùSerge Merlin et Michel Bouquet,notamment, ont servi avec un talentfou ses sarcasmes libérateurs. Etvoilà que, tout à coup, on nous fait

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MÉDIAS

renonçaitainsiàunvoletdesoncahierdes charges, comprenant un maga-zinededécryptagedesmédias.En lieuet place, un nouveaumag, « Revu etcorrigé », présenté par Paul Amar,simplecommentairede l’actualité.Duréchauffé déjà diffusé sur d’autreschaînes.Encouragé par des milliers de télé-spectateurs, poussé par une mobili-sation importante, « Arrêt surimages » a d’abord cherché un autreespacede liberté,uneautre terred’ac-cueil. À la télévision ou sur Internet.Lanouvelle technologie l’a emporté.En janvier 2008, ASI trouvait unerésurrectionsur la toile, avecunaccèspayant (1). Tandis que les journauxen ligne,Bakchich,Rue89ouMédia-part, n’ont toujours pas trouvé leurmodèle économique, demeurent fra-giles, avec ou sans publicité, c’étaitlà un pari risqué. Sur arretsuri-mages.netsecôtoientalorsdifférentesrubriques :desémissions,desdossiers,

L’émission « Arrêt surimages » poursuit saroute sur Internet, avecbeaucoup d’ambitions.

T É L É V I S I O NFipaLe Festival international desprogrammes audiovisuels (Fipa),à Biarritz, a fermé ses portes le25janvier en couronnant notammentChina in A Torrent, de Takayama Jin,sur le système de santé chinois,Umoja, de Jean-Marc Sainclair etJean Crousillac, sur les femmesviolées par les soldats britanniques auKenya, et Kanun, de Dimitris Gerardis,autour de la tradition de vendetta enAlbanie. Ces œuvres ne seront pasforcément diffusées à l’avenir. Commepour chaque édition du festival, rienne filtre sur les acquisitions deschaînes. Mais, comme l’a faitremarquer Pierre-Henri Deleau,délégué général du Fipa, près de 80%des films présentés à Biarritz lesannées précédentes n’ont pas étéachetés. Frileuses, les acquisitions,en France, se portent essentiellementsur les œuvres françaises etaméricaines. Partant, quelles sont leschances de diffusion du documentairequébécois leBarbier, de JulieDecarpentries, consacré à un vieuxcoiffeur de Montréal exerçantgratuitement dans un centre poursans-abri? Quelle suite espérer pourle court-métrage belge Minitrip, deJean-Michel Vovk, ahurissantedéambulation dans Bruxelles del’équipe nationale albanaise debowling ? Idem pour lePeintre paysan,d’Ibrahima Sarr, sur le doyen desartistes sénégalais, ou encore pourChina in ATorrent. Avec un budgetdésormais loin d’être pérenne pour leservice public, la tendance ne risquepas de s’inverser.

R A D I ORFI dégraisseLe licenciement de Richard Labévière,l’été dernier, avait déjà été un coup desemonce au sein de RFI. Exposé lorsd’un CE extraordinaire le 15janvier, unplan social prévoit la suppression de206postes, soit 25% des effectifspermanents. Motif invoqué, le déficitenregistré depuis des années, qui,selon la direction, serait lié à unmanque de compétitivité des salariés.Encore faudrait-il leur donner lesmoyens de travailler correctement,quand les directions successives ontmultiplié les mauvaises gestions,rappellent les syndicats CGT, FO etSNJ (notamment la gestion dupassage au numérique). Outre lessuppressions d’effectifs de laproduction, ce sont six rédactions enlangues étrangères qui devraientfermer.

Schneidermann n’arrête pas !

À V O S P O S T E S

Daniel Schneidermann continue de décrypter l’information. GUEZ/AFP

Ce n’est pas si lointain. Enjuin 2007, le magazine« Arrêt sur images », com-munément appelé ASI, deDanielSchneidermannétait

supprimé des programmes deFrance 5 après douze années d’an-tenne.PhilippeVilamitjana,directeurde la chaîne, justifiait cette décisionen suggérant que l’émission avaitvieilli.Elle réalisait toutdemêmeuneaudience honorable de 7 % enmoyenne, sans compter les vision-nages sur Internet.Sans doute Daniel Schneidermannpayait-il là son trop bon sens pro-fessionnel. L’émission avait succes-sivement évoqué la communicationde Sarkozy, les risques encourus parleprésidentde laRépublique sur l’ac-quisitionet les aménagementsde sonappartement (abus de bien socialnotamment), l’information censu-rée au JDD à l’occasion du non-votedeCécilia, les images (absentes sur lesautres chaînes) de la conférence depresse de Sarkozy au G8. Ça faisaitbeaucoup. Et, à vrai dire, on pou-vait sedemandercomment l’émissionavait pu durer aussi longtemps. Entout cas, France 5 supprimait sa plusancienneémission,constitutivedesonidentité, la seuleàoffrirunregardcri-tique sur lesmédias,uneréflexionsurle traitement de l’information. Elle

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deschroniques,un forumouvert auxabonnés et un volet « vite dit et gra-tuit », des mises à jour sur des sujetstraitésplusieursmoisauparavant,desarticles rebondissant sur l’actualité(Obama, JulienDrayou le journaldeFrance 2, récemment).L’émission, d’une heure environ, esttournée et enregistrée le vendredi,visible le lendemain.Onyretrouve lamêmepertinencedéployée sur lepetitécran pendant une dizaine d’années,lamême façondedécortiquer le trai-tementde l’information.Aujourd’huiinstalléeàVanves, l’équipecomprendmoinsdedixpersonnes.Unepoignéede journalistes, un documentaliste,une personne appliquée au dévelop-pement de projets, un réalisateur etunwebmaster (s’y ajoutent les chro-niqueurscommeDavidAbiker,Sébas-tien Bohler ou Judith Bernard).Après une année d’exercice, ASI nemanque pas de saines ambitions,bâties sur des chiffres prometteurs.« Dans la configuration actuelle,observe Daniel Schneidermann, leseuilderentabilitéestde30000abon-nés. Nous en comptons 26 000. Lerythme de croissance est maintenantd’unmillierd’abonnementsparmois.Ce qui permet d’envisager un équi-libre financiercourant2009.»Leparirisqué devient donc tenu.Lavolontéd’ASIestsurtoutdeserendreaccessible auplusgrandnombre.Onen revient donc à la télévision. C’estprécisémentdanscecadreque l’émis-sion est hébergée depuis quelquessemaines par Free. Visible donc partous ceuxquipossèdentune freebox,sur le canal 94 (à partir de 21 h 30).L’objectifàvenirestd’exporter l’émis-sion via livebox et neufbox. D’autrepart, il y aura bientôt une offre par-ticulière pour les collectivités, pourles centres de documentation et d’in-formation (CDI), pour les biblio-thèques.Également enprojet, lapos-sibilité d’accéder à ASI sur l’Iphone,et lacréationd’autresémissions,«tou-jours dans le domaine dudécryptageetprochedesmédias»,préciseDanielSchneidermann. Si la liberté d’ex-pressionvoit ses espaces se réduireaufil des années, il reste assurément descases bien remplies.

_Jean-Claude Renard

(1)30 euros pour un an, 20euros pour six mois,12euros pour les étudiants et les chômeurs.AArrrrêêtt ssuurr iimmaaggeess :: arretsurimages.net et arretsurimages.tv sur le canal 94 de Free.

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DÉBATS & IDÉES

Aux origines néolibérales de

PIERREDARDOTestphilosophe.

CHRISTIANLAVALestsociologue.

En mai 1955, dans un texte intitulé« Considérations sur le problème de lacoopération ou de l’intégration »,Ludwig Erhard (le futur chancelier) écritque l’Europe devrait viser l’« intégrationfonctionnelle », c’est-à-dire lalibéralisation généralisée desmouvements de biens, de services et decapitaux, et la convertibilité desmonnaies, et non la « créationd’institutions toujours nouvelles ». Enréalité, le gouvernement allemand étaitdivisé entre les fédéralistes et lesordolibéraux [voir encadré p. 28,NDLR]. Les premiers visaient uneunification politique qui passait par uneintégration économique progressive, lesseconds optaient pour une économie demarché européenne et une intégrationdans le grand marché mondial. Lemarché commun de 1957 est en fait lerésultat d’un double compromis, entre laFrance et l’Allemagne, et entre tendancesà l’intérieur du gouvernement allemand.La France obtint la mise en place depolitiques communes, dont la politiqueagricole, à laquelle elle reste jusqu’àaujourd’hui attachée, y voyant l’un desprincipaux acquis communautaires. Elleobtint également certains alignementssociaux, en particulier sur les congés dessalariés, un tarif extérieur commun assezélevé contre l’avis allemand, ainsi qu’unesorte de préférence à l’importation enprovenance des pays coloniaux ou ex-coloniaux. La logique de la positionfrançaise, on le sait, a consisté, outre lesavantages qu’elle voulait voir conservés

pour ses agriculteurs, à doter l’ensembleeuropéen d’une puissance suffisante pourgarantir son indépendance vis-à-vis des« blocs ».Mais le traité de Rome est également issud’un compromis interne au gouvernementallemand entre le courant fédéraliste(Etzel) et le courant ordolibéral (Müller-Armack). D’un côté est préconisé unélargissement sectoriel, de l’autre une« intégration fonctionnelle » des marchés.Ce compromis fut symboliquement scellédans la maison de campagne de A. Müller-Armack le 22 mai 1955, où seretrouvèrent des représentants des deuxcourants. C’est sur la base de cecompromis entre les responsablesallemands que furent préparés les deuxtraités de Rome signés le même jour sur leMarché commun et sur la Communauté

de l’énergie atomique. Évitant la mise enplace d’organes administratifssupranationaux, sauf pour l’énergie,l’Allemagne assura le succès de saconception d’une intégration horizontaleet « fonctionnelle », reposant sur lesquatre libertés économiquesfondamentales et le principe deconcurrence libre et non faussée.Ludwig Erhard sortait gagnant, même siJeanMonnet et les fédéralistes pensaienteux aussi avoir remporté la partie. PourErhard, comme il l’exprima au lendemainde la conférence deMessine en 1955, lacoopération européenne devait avoir lieudans un « système d’économies libres », etles seuls organes supranationauximaginables devaient être des « organes desurveillance afin de garantir que les Étatsnationaux s’en tiennent aux règles du jeuqu’ils auront préalablement fixées ».Le traité instituant la Communautééconomique européenne (CEE) peutapparaître comme un compromis entrel’exigence de politiques communes(agriculture, transport) et de mesuresvisant à créer un marché libre despersonnes, des marchandises, des serviceset des capitaux. Mais le marché communa d’emblée un statut étrange. Cette« communauté économique européenne »est une « communauté » parmi d’autres(charbon et acier, atome, agriculture),mais elle les englobe aussi en lessoumettant à un principe général, dont lesautres ne seront que des parties ou desexceptions. Le principe de la concurrencey est d’emblée inscrit comme principe

Dans leur essai« La Nouvelle Raison dumonde », qui paraîtces jours-ci à La Découverte,Pierre Dardot et ChristianLaval retracent l’histoire dunéolibéralisme.Politis en publieles bonnes feuilles.

L’équivoque libéraleDardot et Laval montrent en quoi le néolibéralisme subordonne la politique et non seulement l’économie.

La Nouvelle Raison du monde est tout à la foisun livre théorique, une analyse économique etun récit historique. C’est ce qui fait son intérêtet c’est aussi ce qui le rend accessible. Sesauteurs s’efforcent de replacer lenéolibéralisme dans son contexte et d’enretracer l’histoire à partir des années1930 et dufameux colloqueWalter Lippmann, de 1938,véritable acte fondateur de la nouvelle théorie.Le grand mérite de Dardot et Laval est d’abordde restituer leur rigueur aux mots. Non,

«néolibéralisme» et «ultralibéralisme» ne sontpas interchangeables. L’un n’est pas la nouvellemouture de l’autre. La différence n’est passeulement sémantique. Et son intérêt ne relèvepas seulement d’une casuistique réservée auxspécialistes. Elle a des conséquences politiquesimportantes. Le néolibéralisme, qui imprègnetoute la construction européenne, est bien plusune doctrine politique. Il n’est pas un héritagelointain de la physiocratie chère à Quesnay ouau «laissez fairela nature» préconisé dès le

début du XVIIIesiècle par Boisguilbert dans safameuse Dissertation.Il n’est pas non plus assimilable aumonétarisme de Milton Friedman ni aulibéralisme des tristement célèbres «ChicagoBoys» qui s’étaient mis au service du dictateurPinochet (à moins que ce ne soit l’inverse). Lanouvelle théorie se construit au contraire dansla critique du naturalisme libéral. Tout l’ouvragedont il est question ici s’emploie à dissiper cetteéquivoque.

ANALYSE

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l’Europe

progrès social. L’argument du sous-emploien Europe ne doit plus servir à favoriserles dépenses publiques et la créationmonétaire. La sécurité, c’est l’emploi dechacun et non pas l’aide sociale.Le néolibéralisme européen s’est ainsiconstruit et diffusé via la constructioneuropéenne, véritable laboratoire à

Ludwig Erharden septembre1956. LEHTIKUVA/AFP

De la confusion des concepts et des mots,Dardot et Laval soulignent les conséquences.La gauche européenne, en particulier, n’a pasmanqué d’en tirer profit. C’est au nom de lalutte contre l’ultralibéralisme que nossocialistes ont rallié le néolibéralisme, c’est-à-dire les privatisations et la religion de laconcurrence. Parce qu’il ne procède pas d’unextrémisme libéral qui suppose uneffacement total de l’État et, disons-le, de lapolitique, le néolibéralisme aurait les vertussociales d’un moindre mal. Le spectre du piretient lieu de justification morale et d’abandond’une véritable politique de gauche.Dardot et Laval analysent aussi l’influence dunéolibéralisme dans les modes de gestionpolitiques. C’est l’avènement de la fameusenotion de «gouvernance». Peu à peu, les

grande échelle de l’ordolibéralisme desannées 1930. On dira certes que ce n’estpas un modèle pur, que les principesordolibéraux ont dû composer avec deslogiques sociales, nationales, politiqueshétérogènes, mais ce sont eux qui ont deplus en plus prévalu, comme entémoignent mieux que tout le Traitéconstitutionnel et sa tentative deconstitutionnaliser l’économie de marché.La défaite du gaullisme et de ses choixstratégiques (politique étrangère de refusdes blocs, indépendance militaire àtravers l’armement nucléaire, modèle« politique » de construction de l’Europedes nations et des patries) est un faitassumé dans les années 1970 parValéry Giscard d’Estaing etRaymond Barre. Le ralliement deJacques Chirac en octobre 2005 àl’« économie sociale de marché », quatremois après son échec lors de laratification du Traité, traduitsymboliquement l’effondrement définitifd’une construction politique de l’Europe« à la française ». Mais on a également vuque cette domination était le résultat del’échec de la « social-démocratie »européenne et de son ralliement aumodèle néolibéral, moyennant quelquesaménagements sociaux.

structurant : le traité établit « un régimeassurant que la concurrence n’est pasfaussée dans le marché commun ».Les grands principes ordolibéraux sont àl’œuvre dans la logique européenne deconstitutionnalisation de l’ordre libéral,dans l’application stricte de la politique deconcurrence comme dans l’indépendancede la Banque centrale européenne (BCE).On pourrait encore les repérer aujourd’huidans une politique favorable àl’élargissement de l’Union comme dans ladéfense du libre-échange mondial,orientations qui sont comme des répliquesdes combats que les responsablespolitiques allemands ont menés en faveurde l’adhésion de la Grande-Bretagne, del’abaissement du tarif extérieur communet de la participation au grand marchémondial.Ces principes sont également à l’œuvredans l’application de règles de disciplinedestinées à limiter l’action budgétaire desgouvernements et, plus largement encore,dans la disqualification de la politiqueconjoncturelle au profit de la politique de« réformes structurelles », celles de laflexibilisation des marchés du travail et dela « responsabilisation individuelle » enmatière de formation, d’épargne et deprotection sociale. Hans Tietmeyer a tracéla ligne de conduite ordolibérale qu’ilfallait poursuivre en Europe, anticipantdans ses interventions écrites et orales la« Stratégie de Lisbonne » formuléeen 2000. Selon lui, l’impératif consiste àlimiter les efforts de répartition et deprotection qui bloquent l’économie et le

méthodes de «management» du privéenvahissent la sphère publique. Nous avonslà toute la toile de fond des «réformes» deNicolas Sarkozy. L’injonction de rendement etde rentabilité dans les hôpitaux et dans lesservices publics, bientôt condamnéssèchement à la privatisation ou bien à lasoumission aux règles du privé.Dardot et Laval nous montrent avecbeaucoup d’efficacité en quoi lenéolibéralisme, «nouvelle raison du monde»,ne s’arrête pas à l’économie, maissubordonne intégralement notre vision de lapolitique.

_D. S.

La Nouvelle raison du monde, essai sur la société néolibérale,Pierre Dardot et Christian Laval, LaDécouverte, 498p.,26euros.

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La force du modèle ordolibéral estparticulièrement évidente en matière depolitique monétaire. Articulée aux« critères de Maastricht », la ligne suivieinterdit en théorie tout réglage de laconjoncture à l’aide des instruments de lamonnaie et du budget, c’est-à-dire lapolicy mix d’inspiration keynésienne.L’idée typiquement ordolibérale deHans Tietmeyer selon laquelle la stabilitédes prix est un « droit fondamental ducitoyen » est devenue une convictionpartagée. Cette logique doctrinale estégalement nette en matière de politique deconcurrence, laquelle, depuis le Traité deRome et son article 3, est au cœur de laconstruction européenne. Tous lesobjectifs fixés sont liés à cette primauté :l’allocation optimale des ressources, labaisse des prix, l’innovation, la justicesociale, le fonctionnement décentralisé, ledécloisonnement des économiesnationales, tout est regardé soit commeune cause soit comme un effet de l’ordreconcurrentiel poursuivi par laCommission. La Commission disposed’un pouvoir exceptionnel, quoiqueparfaitement conforme à la logique

ordolibérale, qui consiste à donner à uneinstance « technique » située au-dessus desgouvernements le pouvoir d’imposer les« règles du jeu ». C’est selon cette logiquedu « gouvernement par les règles » que laDirection générale « Concurrence » de laCommission poursuit son travail desurveillance et de sanction à l’égard desententes, des abus de position dominante,des concentrations. C’est encore seloncette logique que la Commission prenddes mesures préventives lui permettantd’interdire, par exemple, une fusionqu’elle juge non conforme à ses principes,ce qui donne aux autorités européennesun pouvoir de regard et de contrôle sur lesstructures de l’économie.Mais s’il est un domaine où la Commissionparaît être d’une fidélité quasi parfaite à ladoctrine ordolibérale, c’est dans ledomaine des « services économiquesd’intérêt général », qui doivent être euxaussi soumis à la règle suprême de laconcurrence, puisque par définition ledroit de la concurrence est supérieur à toutautre. Ce qui s’est passé pour lestransports, pour les télécommunications,pour l’énergie, et aujourd’hui pourLa Poste, l’illustre parfaitement. L’Europese conforme en la matière à cet idéal du« consommateur-roi » qui doit toujourspouvoir choisir son entreprise de service.Aujourd’hui, l’Europe élargie va encoreplus loin dans la logique de la concurrence,au point que le vieil ordolibéralisme telqu’il s’est inscrit dans les traités sembledébordé par des conceptions « ultras ».Une logique plus radicale semble

aujourd’hui s’imposer, qui repose sur lamise en concurrence des systèmesinstitutionnels eux-mêmes, qu’il s’agisse dela fiscalité, de la protection sociale ou del’enseignement. Ce que l’on appelle, pourle critiquer, le « dumping social et fiscal »ne tombe pas sous la critique libérale de ladistorsion de la concurrence, et si lessubventions de l’État sont proscrites, cen’est pas le cas de la baisse de l’impôt surles sociétés, destinée à attirer les capitauxdes investisseurs ou les épargnants des paysvoisins. De ce point de vue, l’Irlande amontré la voie. Tous les pays européens, enparticulier les nouveaux membres, se sontlancés dans cette nouvelle étape del’« ordre concurrentiel », qui apparaîtcomme un moyen privilégié en matièred’intégration économique.Tout se passe comme si lestransformations qui ont affecté la gestiondu capitalisme à l’échelle mondiale depuisles années 1970 et 1980 avaient induit uneinflexion du néolibéralisme européen eninversant les termes qui leparticularisaient : non plus fabriquerl’ordre de la concurrence par la législationeuropéenne, mais fabriquer la législationeuropéenne par le libre jeu de laconcurrence. Ce qui semble ainsi sedessiner aujourd’hui, c’est une sorte demutation de certains courants del’ordolibéralisme, témoignant d’uneconvergence de plus en plus grande entreles deux « souches » principales dunéolibéralisme, la souche allemande et lasouche austro-américaine.

© LaDécouverte

La construction européenne a été placée dèsl’origine sous le signe de l’ordolibéralisme. Lemot revient souvent sous la plume de Dardot etLaval. Il s’agit en réalité de la version allemandedu néolibéralisme. Ses concepteurs sont troiséconomistes allemands très en vue à partir desannées1930,Walter Eucken,Wilhelm Röpke etAlfredMüller-Armack. Selon leur théorie, l’Étata pourmission de créer un cadre institutionnelpour l’économie. Il doit assurer la libreconcurrence. Au centre des institutions«ordonnées», figure évidemment la Banquecentrale. Une Banque centrale indépendante detout gouvernement et dont la mission est delutter contre l’inflation pour assurer la stabilitéde lamonnaie. On parle donc«d’ordolibéralisme» parce que l’État a pourtâche initiale d’ordonnancer la politique qui va

permettre à la concurrence de s’exercer defaçon «libre et non faussée», comme il étaitécrit dans le traité constitutionnel rejeté par lesélecteurs français enmai2005. Et comme il estsuggéré dans le traité de Lisbonne que laplupart des dirigeants actuels de l’Europe,Nicolas Sarkozy en tête, tentent d’imposer àtoute l’Union européenne. D’une certaine façon,le mot «ordolibéralisme», dérivé de l’allemand,rendmieux compte de la réalité de la théorienéolibérale que «néolibéralisme». Il rappelleétymologiquement que le «néolibéralisme»résulte avant tout d’un «ordre politique». Il est,avant tout, une politique, et non pas le produitd’une économie qui serait dictée par la nature.Les auteurs analysent en outre les raisons pourlesquelles l’Allemagne était en quelque sorteprédisposée à développer cette théorie qui est

ensuite devenue l’idéologie quasi officielle de laconstruction européenne : «La critiqueordolibérale du nazisme fait de ce dernierl’aboutissement naturel et la vérité del’économie planifiée et dirigée.» «Loin deconstituer une “monstruosité” ou un “corpsétranger”, le nazisme a été, [pour lesnéolibéraux allemands], comme le révélateurd’une sorte d’invariant unissantnécessairement certains éléments entre eux:économie protégée, économie d’assistance,économie planifiée, économie dirigée.» Ainsi,pourWilhelm Röpke, l’économie planifiée n’estrien d’autre qu’une «économie de commando».Comme le stalinisme ailleurs, le nazisme auraitdéfinitivement délégitimé toute intervention del’État qui n’ait pour but de libérer laconcurrence. _D. S.

Une version allemande du néolibéralisme« L’ordolibéralisme » va permettre à la concurrence de s’exercer « de façon libre et non faussée ».

EUROPE

DÉBATS& IDÉES

Rencontre organisée par La Friche et PolitisLe 29 janvier 2009 à 19 h

Le néolibéralisme en questionÀ l’occasion de la sortie du livre « la Nouvelle Raison dumonde », écrit par Pierre Dardot et Christian Laval, un débat estorganisé avec les auteurs et les journalistes de Politis.

Librairie La Friche, 36, rue Léon-Frot, Paris Xle - Tél. : 01 78 11 80 40.

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HORIZONTAL:1. Mouchard professionnel.2. Tremble. 3. Parcoursd’une planète. Fin d’ungroupe. Au doigt deRachida Dati. 4. Il prend sasource en Autriche.Fait tourner la machine.5. Coucheras. Apparu.6. Préposition. Quittait.7.Amené à disparaître si laPoste devient une banque.Mesure l’intelligencemaispas l’esprit. Poème chinoisen prose. 8. Ça chauffe àHawaï. On aime son côtéchair. 9. Activité principaledu poissard. 10. Supportées.VERTICAL:I. Permet l’atterrissage endouceur. Terre. II. C’est unevraie peste! III. Mesurât.Cage à enfant. IV. Trépanes.Parti nationaliste basque.V. Utile si l’on surfe àVarsovie. Tout aussi utile sil’on surfe à Bucarest. Pourprendre le large. VI.Éléphants socialistes. VII.Monte-en-l’air. VIII.Siglecher à Alain Robbe-Grillet.Elle dépend de Borloo.IX. Ne se dépouille pas enhiver. X. Massacrées.

GRILLE N° 2

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I II III IV V VI VII VIII IX X

MOTS CROISÉS

Rude semaine pour Joseph Ratzinger, also known (depuis la fuméeblanche du 19avril 2005) as Benoît Seize, pontife.

Samedi 24janvier, le Vatican publie, nonobstant l’émotion dequelques désuets progressistes, le décret papal qui remet au sein dela grande famiglia catholique romaine quatre évêques ordonnés en1988 par feuMarcel Lefebvre, démocrate fameux.Unminuscule détail retient l’attention de la bien-pensance droit-de-l’hommiste: l’un des impétrants vient justement de vomir, dans unentretien diffusé trois jours auparavant par la télévision suédoise, saconviction «qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz». (Puis, soucieuxd’être bien compris, le nouvel ami de Seize a précisé: «Je pense que200000à 300000Juifs ont péri dans les camps de concentration,mais pas un seul dans les chambres à gaz.» Puis encore:«L’Allemagne a payé des milliards et des milliards de deutschemarkset à présent d’euros parce que les Allemands souffrent d’un complexe

de culpabilité pour avoir gazé six millionsde Juifs, mais je ne crois pas que sixmillions de Juifs aient été gazés.»)Le gars est par conséquent un bon grossalaud de compétition, mais cet aspect desa personnalité ne heurte que peu lasensibilité de Seize. (Il est vrai: soncocktail de bienvenue à un négateur de laShoah ne suscite guère que l’indifférencepolie des gros penseurs de médias quivont généralement caquetant que lesmahométans sont des antisémites, et quela gauche est nazie, et que Noam Chomskyest un hideux négationniste –mais qui, là,confrontés à unemanifestationd’antisémitisme comme il ne s’en voit

(heureusement) que fort peu, se rappellent soudain qu’ils ontpiscine, et font comme s’ils n’avaient absolument rien entendu.)

Cette sensibilité (de Seize) est grande(1), pourtant, puisque deuxjours après avoir donné son accolade à un prélat négationniste, il a,lundi 26janvier, demandé à la France de bien vouloir tenir compte du«caractère intangible de toute vie humaine» lors de la révision deslois de bioéthique.Car, de son point de vue, comme on sait: l’embryon est une personnecomme les autres –avec des soucis de compte en banque, et un vifregret d’avoir donné en 2007 son vote à Sarkozy.

Un esprit étroit pourrait supputer, sur la seule foi de ces deuxmanifestations seiziennes, que l’ex-archevêque deMunich a un plusgrand souci de l’avenir desfœtus que de la mémoire des six millions devictimes juives de la Shoah: il n’en est rien, évidemment. Le pape ajuste été «profondément bouleversé» par le schisme lefebvriste –etsa détresse valait bien ce crachat sur les tombes des martyrs.

(1)D’aucun(e) s diraient même: bavaroise.

Un esprit étroit

pourrait supputer

que Benoît Seize

a un plus grand

souci de l’avenir

des fœtus que

de la mémoire

des six millions

de victimes juives

de la Shoah.

D E B O N N E H U M E U R

Délicat Seize !

SÉBASTIEN FONTENELLE

1.Combustion.2.Huart. Emue.3.Ridées.4. If. Tango.5.Sessions.6.Ado. NPA. Ui.7.Links. Rasa.8. Il. AES. Dus.9.Déstressés.10.Estampille.

I.Chrysalide.II.Oui. Édiles.III.Madison. St.IV.Brefs. Kata.V.Ute. Inserm.VI.Stop. Sep.VII.Te. Anar. Si.VIII. Imans. Adsl.IX.Ou. Usuel.X.Négociasse.

Solution de la grille n°1 :

PAR JEAN-FRANÇOIS DEMAY

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DÉBATS& IDÉES

Rachida et ses frères…

NACIRAGUÉNIF-SOUILAMASSociologueet maître deconférencesà l’universitéParis-Nord.

Dans le paysage politique actuel, il n’est passimple de parler d’un groupe avec lequelpourrait m’être attribuée quelque parenté.Moins simple encore de prendre le risquede tomber dans le travers que j’ai décritailleurs pour le débusquer sous sesapparences civilisatrices : « Les Arabesparlent aux Arabes. » Et définitivementimprudent de le faire dans un climat deradioactivité sexiste, où il ne fait pas bonvouloir faire bande à part en refusant lacampagne de décontamination féministemenée par tout ce que la France compted’humanistes patentés et autres enfants dela Raison. C’est donc en ignorant toutes lesprécautions d’usage (oratoires ouantiseptiques) qu’il devient possible deparler de sujets minés. Je reviendrai ici surle sexe des filles supposées appartenir à laminorité musulmane française et sur lesraisons d’une focalisation troublante dansses attendus comme dans ses effets. Retoursur un non-événement, donc, qui, commed’autres ayant émaillé l’été dernier sansrelief, travaille la même veine xénophobe ettriture les mêmes penchants pour lapartition : celle d’une altérité, version faceobscure, entre agression estampilléeantisémite et accusation d’antisémitismetravestie d’humanisme. À cette facevictimaire de la question sémite répond sonenvers, celle de l’autre sémite qui peut êtrechargé de tous les maux, car il est le fruit denotre imagination : l’Arabe, musulman etfrançais de surcroît.Tout a commencé au printemps par unepolémique qui cherchait à exploiter, à desfins de défense et d’illustration de lacivilisation, une décision de justiceannulant un mariage entre un plaignant,éphémère époux ombrageux sur laprestation de virginité que ne lui a pasassurée une jeune Française, supposéemusulmane, durant une nuit de noces soushaute surveillance. Toutes ces éruptions onten commun de procurer le divertissementpascalien que recherchent celles et ceux quine savent comment sortir de l’impassepolitique où ils se sont fourvoyés. LePrésident ne s’y prendrait pas autrement s’ilcherchait à faire diversion en offrant auxfoules solitaires de la France déprimée dequoi s’occuper et se divertir.Si Rachida Dati est si résolumentconvaincue que les « grands frères » ont éténuisibles à eux-mêmes et aux filles qu’ilscôtoyaient, je lui conseille de déclarerqu’elle ne soutient pas et n’a aucunesympathie pour la candidature de BarackObama : il a été un grand frère dans lequartier de South Chicago, ghetto où il a

longtemps participé à des actions sociales etsolidaires avec les habitants, en majoriténoirs, pour élever le niveau de consciencepolitique (empowerment) et redonner lacapacité d’agir et de décider pour elle-même (agency) à une jeunesse dontl’horizon était bouché. La garde desSceaux, que le magazine radiophonique dela BBC4 Woman’s Hour présente commefille d’immigrants nord-africainsmusulmans, est donc en droit d’accuser lecandidat démocrate de sexisme envers lesfemmes qui vivent dans ces zonesabandonnées par l’État. Dans un livrerécent, Richard Sennett relève les étapescomplexes qui reconstituent les parcoursd’enfants de quartiers disqualifiés face à desacteurs sociaux et à d’anciens habitants quiont su trouver une forme de respect de soiet de l’autre dans leur existence, comme lesuggère le titre (Respect : de la dignité del’homme dans un monde d’inégalité). Ilsn’y sont que partiellement parvenus, et onpourrait leur en faire grief si l’on neconnaissait les analyses implacables dusystème carcéral américain et de sesmécanismes de reproduction structurelle.La ministre, rescapée revendiquée de latradition et de la désintégration, n’aapparemment pas souhaité emprunter lechemin qui, en Amérique, a contribué àforger le destin politique inédit d’unhomme noir. À moins que ses déclarationsne soient une manœuvre visant à fairediversion tout en en ignorant délibérémentles vraies critiques du dispositif des grandsfrères, en vente libre dans toutes les bonneslibrairies. Personne ne l’a attendue pourdénoncer les sous-entendus culturalistes etinégalitaires d’une classe politique et d’uneélite locale, de droite comme de gauche,myopes et lâches lorsqu’elles emploient dejeunes hommes à qui on reconnaît pourseule compétence d’être noir et/ou arabe, et

d’habiter les zones les plus ségréguées etdémunies. S’ils sont devenus les bons à toutfaire d’acteurs politiques incompétents etcondescendants, ces jeunes hommesvisiblement différents n’en ont pas été pourautant les oppresseurs sexistes des jeunesfemmes qu’ils ont côtoyées. D’ailleurs, laformule a si bien fait recette que les« grandes sœurs » ont fait leur apparitiondans les bus et devant les collèges, ajoutantà la perplexité d’observateurs quis’interrogeaient sur les mobiles inavouésd’un tel engouement.Le feuilleton de la stigmatisation desbanlieues semblait clos, recouvert du vernisdéjà craquelé d’un plan qui n’enchante queson instigateur et sa promotrice, NicolasSarkozy et Fadela Amara. Il vient derebondir à l’initiative d’une ancienneconseillère, Rachida Dati, naguèremissionnée pour éteindre les cendres del’incendie allumé en 2005 par son ministrepyromane. Siégeant maintenant au bancdes ministres, elle attise le feu en usantd’accents compassionnels qui ne trompentpersonne sur l’opportunisme de celle quiharangue les filles menacées par unepolitique identitaire et un replicommunautariste dont elle tient leurs frèrespour seuls coupables. Comme si ce n’étaitpas son président qui avait passé un dealpervers avec des responsables religieux enmal de notabilisation, et qui nous avaitservi le retour de l’identité nationale sur leplateau gondolé du désespoir social. Ellearriverait presque à convaincre que, si lessocialistes sont ir/responsables, c’est parcequ’ils ont fait preuve de naïveté politique etd’angélisme culturel (le fameux relativismeculturel voué aux gémonies) envers desgarçons arabes, inventés pour tenir le rôledu bouc émissaire, animés d’une duplicitéet d’une barbarie invétérées que rien neserait parvenu à dompter. C’est du haut deson piédestal régalien qu’elle clame sasolidarité féminine et se fait l’interprète dela voix de son maître, quitte à aboyer avecune meute où l’on compte des féministesautoproclamées. La voilà qui emboîte lepas des instigateurs de l’affaire « La mariéen’était pas vierge », prompts à entretenir laconfusion sur les termes discutables d’unedécision de justice assise sur les restespatriarcaux d’un code civil qui n’en est pasà un anachronisme près. La fameuse« qualité essentielle » dont l’usage estbanalisé à l’ombre d’un supposérépublicanisme abstrait n’a pas été suscitéepar quelque intégriste islamiste, maisétablie par le code Napoléon. Nullementgênée par cet anachronisme, la ministre

Longtemps très en cour, laministre de la Justice aura étéle symbole de ces « minoritésvisibles » qui paient le prix deleur intégration en approuvantune politique d’immigrationindigne.

TRIBUNE

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télescope la temporalité longue de ce termedu droit civil et l’accélération d’opportunespolémiques, pour relancer la question de lavirginité en la renvoyant à ses doublesislamisants : violence, viol, excision,mariage forcé, crime d’honneur. Elleexacerbe délibérément un climat depanique morale jamais apaisé en deuxdécennies, tant il est électoralement juteuxdepuis qu’il s’est doté de l’incarnationidéale du pôle symbolique négatif que toutesociété se cherche : le garçon arabe parfoismusulman, et sa figure victimisée, la filledes quartiers.À la panique morale focalisée sur le sexede jeunes femmes réduites à choisir entredemeurer musulmanes ou se débarrasser deleur virginité pour être acceptables, laministre alibi prétend répondre par labonne conscience féministe. Ainsi, commepar hasard, elle dénonce leurs frères, desang ou de communauté, et opère unglissement sémantique louchant vers ladramaturgie désormaisfamilière des filles empêchéesde s’émanciper. Si quelquejournaliste téméraire luiposait la question, elle nemanquerait sans doute pasd’expliquer aux âmesperplexes ou sensibles qu’ellen’a pas du tout cherché àréactiver l’imaginaire bienpartagé de la guerre dessexes dans les quartiers. Ellesait trop bien ce qu’il peut encoûter de jeter de l’huile surle feu couvant sous de telssujets, elle qui omet dans sabio de relater qu’elle est alléeau charbon dans lesannées 1990, pour assurer lamédiation dans lesétablissements où des élèvesse voilaient. Agiter le chiffonrouge du sexisme n’est pasdans ses habitudes, elle qui lesubit régulièrement, mâtinéd’un zeste de racisme depuisqu’elle trône en bonne placedans un gouvernement trèssoucieux de son image colorée, féminiséeet… aseptisée. Aucun relent d’oppressionou de domination dans ce tableau idéal de« femmes marron sauvées d’hommesmarron par des hommes blancs » selon laformule sans détour de Gayatri Spivak.Dati n’ignore sans doute pas que sa simpleprésence dans le paysage de la Sarkoziejustifie l’antisexisme obtus qui n’hésite pasà fermer les yeux sur les pratiques racistesinstitutionnalisées et sur la banalisation dela xénophobie, pour mieuxmaintenir lerégime inégalitaire hiérarchisant lescouleurs de peau et les degrés de mélangepar mariage. Pratiques ségrégatives qu’elleest conduite à absoudre ou à renforcer enfaisant par exemple voter la loi sur les

multirécidivistes ou en observant un silenceassourdissant lorsqu’une arrestation sesolde par la mort par étouffement d’unjeune homme arabe à Grasse. En voilà unqui n’aura plus la chance d’être recrutécomme grand frère et d’être stigmatisé parune ministre dont l’agressivité envers lesparlementaires socialistes, qui n’en sontplus à une vicissitude près dans leurdescente aux enfers, en dit long sur sonhistoire intime.Dans cette loi qui, à peine votée, condamneses frères, on discerne l’ironie amère de cesparcours d’enfants d’immigrants que lavulnérabilité condamne trop souvent àfaire bande à part et à s’en sortir seul. C’esttoute l’histoire de Rachida et ses frères : iln’y avait pas place pour tout le monde dansle train qu’elle a pris en marche et où elle adû la jouer perso, laissant à quai ses frères,qui entreront dans les statistiques de ladélinquance. Une fois soumise au tri sélectifqui tient lieu de politique d’intégration

depuis l’entrée importune en citoyennetédes descendants d’immigrants ex-indigènes, Rachida Dati n’a sans doute paseu de mal à damer le pion à tous les frèresqui gravitaient dans son périmètre. Elle apeut-être même joué cette carte de laconcurrence que m’ont si bien décrite desjeunes femmes qui, à l’instar de nouvellesministres devenues tendance, se sont unjour trouvées piégées dans une partie depoker menteur : prouver leur loyauté entrahissant leurs attachements. Or, cequ’elles disaient alors, c’est qu’il existaitune voie pour échapper à l’injonctionparadoxale qu’elles subissaient sans yperdre leur dignité. Cette banale histoire de

sauvetage dans une société déboussolée luiimpose aujourd’hui de manifester sagratitude en sachant quand se taire etquand agir sur ordre. La voix de sonmaître, voilà ce qu’incarne parfaitementRachida Dati au gouvernement, ce qui luivaut l’appui indéfectible de celui qui lui atout donné : « Tu m’as fait plaisir », lui a-t-il décerné au cours d’un conseil desministres (1). Voilà la reconnaissance duventre telle que la conçoit la politiqued’intégration, entre test de langue françaiseet test ADN, exportée aujourd’huijusqu’aux confins de contrées d’émigrationauxquelles est sous-traité le refoulementdes indésirables : témoigner unereconnaissance aveugle pour les supposéeslargesses d’une France généreuse envers quiembrasse ses « valeurs ».Cette affaire, comme d’autres qui laissentincrédules nos voisins tout en faisant échoà leurs propres obsessions, sert peut-êtrede prélude à une campagne européenne deséduction pour instaurer la politiqued’immigration la plus répressive qu’on aitconnue. Quelle meilleure démonstration,contre toute velléité de laisser entrerl’autre sans contrôle, que ce théâtre où lesméchants Arabes et musulmans tiennentle rôle du déviant menaçant dont il fautempêcher toute tentative de franchir leshautes barrières érigées autour de notremonde civilisé, si bien incarné parRachida et Nicolas. Car pour celles etceux qui sont « issus d’ailleurs », « issusdes minorités visibles » ou encore « issusde l’immigration », le prix del’« intégration » sera élevé : il leur faudraapprouver une politique d’immigration deplus en plus indigne et violente, àl’intérieur comme à l’extérieur duroyaume des libertés. C’est à cettecondition exorbitante qu’ils pourront fairevaloir leur droit de tirage citoyen et leursrevendications d’égalité « des chances ».Pourtant, les candidats à l’estampillage« vrai Français » se pressent déjà auxportes, assurant le succès de cettehonteuse politique du chiffre et augurantde sombres lendemains, auxquels desrésistances s’opposent déjà.Il n’est pas simple de parler contrelorsqu’on ne parvient plus à partager quoique ce soit avec ses adversaires, pas mêmedes divergences de vue. Il est plus encoreimpossible de rester silencieuse devantleurs manœuvres. C’est en réponse à cedilemme que je tente d’inventer avecd’autres, tous les autres, une réponse quisoit politiquement et humainement viable.Pour l’heure, il demeure périlleux de poserune alternative radicale qui ne soit pasprise pour une capitulation devant desbavardages intempestifs et corrosifs. Restele risque de la parole sans tutelle niascendant, semant le trouble et le désordre.(1)Ce texte de Nacira Guénif-Souilamas a été écrit avantl’annonce de la «disgrâce» de la garde des Sceaux.

Rachida Dati sait se taire ou agir sur ordre. SAGET/AFP

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RÉSISTANCES

La générosité n’est plus cequ’elle était. Surtoutlorsqu’elle toucheauxbiensd’unegrandeenseignededis-tribution réquisitionnés en

faveurdesplusprécaires,à l’approchedes fêtes de fin d’année. Les 27 et31décembre2008,Agircontre lechô-mage (AC !) Grenoble et le collectifdes Empêcheurs d’encaisser en rondde Paris investissent les rayons demagasins Monoprix de leurs villesrespectivespour réquisitionner–sanspayer – des produits redistribués àdes personnes en grande précarité.Début janvier, la direction nationalede l’enseignedécidedeporterplaintepour vol contre AC ! Grenoble et laCoordinationdes intermittents etpré-caires d’Île-de-France (CIP-IDF),tenus pour responsables de cesactions. La direction de l’enseignes’estégalementconstituéepartiecivile.Jamaisune«réquisitionderichesses»ne s’était soldée par des poursuitesjudiciaires à l’encontre des associa-tions. La justice devra donc trancherentre vol et acte militant.Après la distribution de nourriture,AC ! Grenoble s’adonne à celle detractsdevant le lieudesesexploitsafind’obtenir le retrait de cette plainte.«Nous sommes entrés dans lemaga-sinparpetitsgroupespouréviterd’êtrerepérésetnousavonsrempliunequin-zaine de paniers de nourriture »,résume Chrystelle, qui a participé àl’actiongrenobloisedu27décembre.À leur arrivée en caisse, les membresde l’associationrefusentdepayer leursemplettes et exigent de négocier avecladirectiondeMonoprix.Aprèsavoirbloqué l’ensemble des caisses durantprèsd’unedemi-heure, ledirecteurdel’établissement les laisse repartir sanspayeret sans faire intervenir lapolice,pourtant présente sur les lieux. Ledirecteur se serait également engagéà ne pas porter plainte contre AC !.«Le faitque les clients se soientmon-trés très réceptifs à notre action a étéunélémentdéterminant lorsdesnégo-ciations», préciseChrystelle.Coûtdel’opération pour le magasin greno-blois : 938 euros, une somme infimeau regard du chiffre d’affaires natio-nal annuel du groupe, qui s’élève àplusde3,5milliardsd’euros.Lesmili-

tantsontainsi réaliséun«joli pieddenez » à un « système capitaliste gan-grené par la surconsommation », enemportant champagne, foie gras etd’autres produits « pas de premierprix». Toute cette nourriture ne leurétaitpasdestinée : ellea servi à égayerlequotidiendechômeurs etprécairesà Grenoble, et des sans-papiers de larue de la Banque à Paris.Grenoble, Paris, Rennes… Leconceptd’«autoréduction» connaîtun succès certain en temps de crise.Cette formede lutte«est aussi vieilleque lemouvementouvrier», rappellele collectif de Résistance au travailobligatoire (RTO), qui évoque les« déménagements à la cloche debois», sanspayer son loyer,pratiquésà la fin du XIXe siècle. L’autoréduc-tionaaussi connusonheuredegloireauplus fortdes luttes socialesen Italie,dans les années1960-1970.ÀRomeou à Milan, « des dizaines de mil-liers depersonnes recalculaient leursfacturesdegazetd’électricité en s’ap-pliquant le tarif réservé aux grossesentreprises. […] Les salariés italiensse sontmobiliséségalement sur lecoûtdes transports, en partant du prin-cipe que s’ils prenaient le train tous

les jours, c’était pour bosser, pour lebénéfice de leur patron et que doncce coût-là ne devait plus leur incom-ber ». Pratique « offensive », l’auto-réduction peut aussi servir à obtenirdes réductions ou la gratuité sur laculture ou les loisirs. À chaque fois,il s’agitdeseréapproprier«unebonnepartie de ce que le capitalisme nousvole ou nous refuse ». En France,après Carrefour en septembre2008,Monoprix en décembre et des trai-teurs de luxe les années précédentes,aucune enseigne n’est plus à l’abride ces ponctions « à la source ». Desactions qui font d’une pierre deuxcoups en soutenant les victimes dusystème économique tout en punis-sant les sociétés qui engrangent lesprofits au bénéfice des dirigeants etdes actionnaires. Au-delà de la dis-tribution symbolique de nourritureaux plus démunis, ces réquisitionssont aussi le signe du refus de la pré-carisationcroissantede lasociété fran-çaise. Ces militants remettent ainsien cause la politique gouvernemen-tale,qui laissedecôté lesplus fragiles.« En prenant tous ces produits sansles payer, nous dénonçons le partageinégal des richesses autrement que

par de simples manifestations »,explique Chrystelle.Tout lemondenepartagepascepointde vue. Pour la direction de Mono-prix, cette entraide se résume en unseul mot : « Ils se sont servis dans lesrayons et sont partis sans payer, c’estdoncduvol.»Démentant toutaccordentre lesmilitants et lesdirectionsdesdeuxmagasins,Monoprixestimequ’ily a « seulement eu des discussions.Comment le directeur seul aurait-ilpu négocier face à une cinquantainedepersonnes?», s’interroge le servicedepressede l’enseigne, jointparPoli-tis.«Etsi ledirecteurn’apas fait inter-venir lapolice, c’étaitpouréviter toutdébordement. » La CIP-IDF, à Paris,se voit accusée de vol avec violenceet insultes.SelonMonoprix,quelquesclients auraient été bousculés lors dublocage des caisses du supermarché.La coordination dément : «Certainsclients étaient un peu tendus, maissinon tout s’est passé tranquille-ment. » L’ensemble des actionsmenées à l’occasion des fêtes de find’année présentaient la mêmeconsigne : récupérer le maximumdeproduits sans payer, mais tout arrê-ter en cas d’altercation.AC ! Grenoble et la CIP-IDF attendentde connaître les suites et la qualifi-cation que le parquet donnera à cesplaintes. Celles-ci ne seraient pasvalides, selon l’association iséroise,qui a tout de même préféré prendreconseilauprèsd’unavocat.«Ladirec-tion du magasin n’a pas fait interve-nir lapoliceprésente surplaceetnousa laissé repartir sans payer », insisteAC ! Grenoble, qui réfute l’accusa-tion de vol. Le motif d’extorsion neserait pas non plus valable, aucunecontrainte physique ou moralen’ayanteu lieu lorsdeces réquisitions,d’après lesmilitantsd’AC!Poureux,tout procès serait « ridicule » : les938eurosdedenrées subtiliséesappa-raissent bien dérisoires face aux600eurosdépensés par chaque foyerfrançais enmoyenne à l’occasiondesfêtes de fin d’année.

_Pauline Baron, Xavier Frison

AC! Grenoble: www.ac.eu.org/spip.php?rubrique76CIP-IDF: www.cip-idf.orgRTO: www.collectif-rto.org

Monoprix encaisse mal les réquisitionsREDISTRIBUTION Au cœur des fêtes de fin d’année, des militants associatifs ont donné à des précaires de lanourriture soustraite aux magasins Monoprix. L’enseigne porte plainte. Une première.

Un préjudice de 938 euros pour 3,5 milliards de chiffre d’affaires. DEMARTHON/AFP

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La CFDT côté courVoilà qui ne grandit pas l’image de la CFDT. Elle avaitporté plainte en 2005 contre deux militantsassociatifs pour « violation de domicile », à la suited’une brève occupation de son siège parisien. Lasemaine dernière, Michel Roger et Ludovic Prieur ontété condamnés à 2 000 euros d’amende avec sursiset un euro de dommages et intérêts chacun. De quoidissuader quiconque se piquerait de pénétrer au« domicile » d'une multinationale ou d'unecollectivité publique. Michel Roger et Ludovic Prieuront fait appel, « parce que l’on ne peut pas laissercondamner cette forme classique de la lutte,syndicale ou politique, qu’est l’occupation ».

_C. T.

JUSTICES U R L E T E R R A I NE R R A T U MMilliards, pas millionsDans le chapeau introductif de l’article«Comment on rackette les sans-papiers»publié la semaine dernière en Résistances,il fallait lire que ce système «rapportechaque année près de deux milliardsd’euros à l’État», comme indiqué plus loindans l’article, et non «deux millions».Avec nos excuses.

A L I M E N T A T I O N

Le monde a faimEn préambule à son nouveau rapport surla crise alimentaire, Oxfam Internationalrappelle que «la majorité des personnessouffrant de la faim dans le monde nereçoivent toujours aucune assistance». Ledocument, intitulé «Unmilliard depersonnes ont faim», souligne que les prixdes denrées alimentaires «ne sont pasredescendus à leur niveau d’origine». Enplus de la récession économique et àl’augmentation des risques climatiques,«les prix des produits alimentaires sontsusceptibles de s’envoler à tout moment.»Face à cette situation, «le soutien de lacommunauté internationale estinsuffisant», dénonce le rapport, avant demiliter pour un soutien aux travauxpublics, un salaire minimum ou desmécanismes d’atténuation des risques descatastrophes naturelles.www.oxfamfrance.org

S A N S - P A P I E R SDu mieuxDes critères précis pour permettre une«régularisation par le travail» viennentd’être communiqués par le ministère del’Immigration aux préfectures. Cesrégularisations concernent la liste des«150métiers en tension», à l’origineréservés aux ressortissants des nouveauxpays de l’Union européenne. L’employeurdoit en outre s’engager à proposer ausalarié un CDD d’aumoins 12mois ou unCDI, tandis que la durée de présencerequise sur le territoire passe de 5 à 3anspour les 3500dossiers déposés dans lecadre de la mobilisation du 15avril 2008.Les intérimaires sans papiers voient aussileur régularisation facilitée.www.cgt.fr

L O G E M E N TUn nouveau CrousLe célèbre collectif Jeudi noir refait parlerde lui et ouvre un Crous en plein Paris. Lebâtiment à l’abandon depuis quatre ans,situé rue de la Harpe dans leVearrondissement, tout près de laSorbonne, abritait cet organisme quipropose «des chambres de cité U et desrepas moyens aux étudiants». Jeudi noirs’est approprié ces 400m2 pour y logercinq étudiants et quatre jeunes précaires.Les militants-étudiants promettent dequitter les lieux dès que les travaux deréhabilitation commenceront.http://www.jeudi-noir.org

S O C I A LZoom sur les luttesL’équipe de Canal Marches vous invite àregarder trois de ses films en ligne sur leweb. Le premier est consacré auxhabitants de Villiers-le-Bel, sous forme de«portraits et paroles». Le deuxièmes’intéresse au campement de Roumainsmenacés d’expulsion en banlieueparisienne. Le dernier revient sur les mal-logés en lutte de la rue de la Banque, àParis. Dans chacun de ces films, CanalMarches est fidèle à sa devise, «pour uneexpression artistique des sans-voix».www.canalmarches.org,www.paroles-et-memoires.org

C U L T U R ELe handicap à l’écranLa compétition pour la 4eédition dufestival du court métrage Handica-Apicil,qui distingue des films réalisés avec, paret pour des personnes handicapées, estouverte. Le festival, qui recevra les filmsdes candidats jusqu’au 31mars 2009,récompense des films signés par desréalisateurs professionnels ou amateurs,sur le thème du handicap. Le jurydistinguera quatre lauréats: Essai, Fiction,Témoignage-documentaire etCommunication.Inscriptions, avec le ou les filmsprésentés, à envoyer à: Festivalnational du courtmétrageHandica-Apicil, 5,rue de la Claire, 69009Lyon,ou en ligne surwww.festival-handica.fr

ENTRETIEN Un organisateur de Bobines socialesprésente ce festival parisien dédié aux luttes.

Un cinéma de combatPOLITIS I Depuis quand lefestival existe-t-il ?Antoine I Le projet a été initié en2004 par un groupe de jeunes com-munistes qui souhaitaient un festi-val autour des questions sociales,du travail, de la précarisation, desrésistances. Au fil des ans, un col-lectif d’une quinzaine de personness’est constitué, des militants d’au-tres pays, des syndicalistes, des proset des électrons libres, tous amou-reux du cinéma.

Comment vous organisez-vous ?Nous sommes une quarantaine debénévoles, presque tous du XXe, unarrondissement où il n’y a pas de ci-néma, hormis le MK2. Nous louonsdonc une salle privée, le Studio del’ermitage, et cette année nous avonsaussi des séances hors les murs. Lebudget, c’est le conseil régional seul,la mairie se défaussant.

Un thème particulier ?Audépart,nousavonschoisi le thèmede laFrançafrique, à causeduCame-roun,duproblèmetoujoursactuelducolonialisme, ce grand non-dit enFrance, indissociable des problèmesdu travail. On avait aussi pensé auvingtièmeanniversairede la chutedumur de Berlin. Et d’autres murs ontémergé de la sélection : le mur entreIsraël et la Palestine vu par GeorgiLazarevski depuis un hospice dans

le Jardin de Jad. Le mur/frontière auMexique filmé par Ackermann en2002,oucelui érigépar lesTchèquespour parquer les Tziganes que mon-tre Juliette JourdandansÉtrangersdel’intérieur. En fait, lesmurs sont par-tout,dans leParishaussmannienfilméparStanNeumann,dans leShanghainouveau, entre les générations et lespeuples, dans les frontières pour lessans-papiers. Il y a aussi ceux que lesgens construisent pour s’isoler desautres, commelemontrentdeuxfilmsargentins,Vecinos (« lesVoisins»,deRouven Rech) et la Zona (fiction deRodrigo Pla).

_Propos recueillispar Christine Tréguier

Du 30janvier au 1erfévrier au Studio de l’ermitage,8,rue de l’Ermitage, 75020. Horaires et programmeen ligne: www.bobines-sociales.org

DR

DIRECTO/AFP

SAGET/AFP

22 janv ier 2009 I P O L I T I S I 33

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34 I P O L I T I S I 29 janv ie r 2009

La poutinisationdu régime SarkozyVladimir Poutine a récemmentdéclaré : « La religion orthodoxe etl’arme nucléaire sont les deuxpiliers de la défense du pays » (ludans Marianne du 13 décembre).En France, on peut dire aujourd’huique la maîtrise des médias et l’armenucléaire sont les deux piliers durégime Sarkozy. En effet, lePrésident s’appuie sur ses amismarchands d’armes de Neuilly etd’ailleurs pour contrôler lesmédias, et sur le nucléaire civil etmilitaire pour asseoir la puissanceinternationale du pays. […]Rien ne peut changer avant2012… ni même après (à cause dela Constitution de 1958, modifiéeJospin). Le seul espoir peut venird’une jeunesse mondialisée etconsciente des risques que court laplanète qu’on lui laisse en héritage.Il faut relire Susan George, dans lePolitis hors-série n° 48, quipropose des solutions globalespour sortir du « piègetriangulaire », social, financier etécologique, qui se referme surl’humanité. Elle s’appuie sur desexemples qu’elle a vécus […] poursouhaiter un État au service detous, qui impose aux banquiers desmesures en faveur de l’écologie, etle retour vers une économie socialeet solidaire rénovée.

Jean-Pierre Morichaud(Drôme-Ardèche)

Tourisme solidaireMalgré un effort de documentationindéniable, votre dossier sur letourisme solidaire me laisse sur mafaim. À une époque où 20 % de lapopulation s’accapare 80 % desrichesses mondiales, et dans uneperspective de rareté de l’énergie, lanotion de tourisme solidaire mesemble une contre-vérité dès qu’elleimplique un voyage en avion.Certaines initiatives que vousprésentez font par ailleurs la partbelle au tourisme de bienfaisance,qui est aux antipodes de la justiceéconomique. Quant au principe dupollueur payeur appliqué autourisme, il me semble nonseulement injuste mais sansfondement logique. Car laconsommation d’énergie induitepar le transport et la pollution quien découle sont irréversibles.

Un grand merci à PhilippeBourdeau pour ses propositionsvéritablement alternatives et unconseil de lecture qui, je l’espère,vous transportera : l’ImpossibleVoyage, le tourisme et ses images,de Marc Augé.

Marie Plassart, Villeurbanne (Rhône)

De quoi « réjouir » M. HortefeuxParis, gare du Nord. J’attends letrain pour Douai. Je pose ma vesteprès de moi sur la banquette. Letrain arrive : j’y prends ma place.Le lendemain, je ne retrouve plusmon carnet de chèques… Je meprépare à faire opposition quand jereçois un appel téléphonique :« Monsieur, j’ai trouvé un carnet dechèques à votre nom à la gare duNord ; un autre voyageur voulait leprendre, mais j’ai dit : “Non, non,je m’en occupe moi-même.” »[…] J’ai du mal à trouver les motspour exprimer mon admiration etma reconnaissance à Mme K. […].Trois jours plus tard, […] je reçois(en envoi recommandé !) moncarnet de chèques avec les carteset les papiers qu’il contient. Etavant que j’aie pu lui téléphonerpour la remercier, Mme K. […]m’appelle pour s’assurer que moncarnet m’est bien parvenu ! […]Bien sûr, nous engageons uneconversation amicale […].J’apprends ainsi qu’elle et sonmari viennent d’être licenciés ;qu’ils ont deux fillettes en basâge ; et, tenez-vous bien, qu’ilsont « des soucis pour renouvelerleur carte de séjour ! ».Ah ! Que ne suis-je Dieu (ou toutsimplement ministre) pour faire un« petit geste » à l’intention de cespersonnes et de quelques autresdans de telles situations difficiles !Voilà le récit authentique d’ungeste qui aurait de quoi« réjouir »* vraimentM. Hortefeux, et qui pourraitouvrir les yeux et le cœur de ceuxqui, tout en ayant l’obligationd’appliquer la loi, devraient au

J'adore la nouvelle maquette,limpide, fluide, avec lesimages valorisées. La lectureest facilitée, il y a du rythmeet toujours la qualité descontenus. Donc bravo et merci!

Nelly Blaya

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BBUULLLLEETTIINN DD’’AADDHHÉÉSSIIOONN oouu ddee RREENNOOUUVVEELLLLEEMMEENNTT DDEE CCOOTTIISSAATTIIOONN* À renvoyer, bulletin et règlement de la cotisation, à : Pour Politis, 2, impasse Delaunay, 75011 Paris.

* Je souhaite adhérer à l’association Pour Politis, ou renouveler ma cotisation pourl’année 2009

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* montant de la cotisation 2009 : 10 euros (chèques à l’ordre de Pour Politis).

(1) Pensez à nous indiquer une adresse courriel si vous en possédez une, c’est une économiefinancière et de temps considérable à l’heure de communiquer avec les adhérents.

• Pour des raisons d’économie, nous n’éditons pas de « carte d’adhérent ». Le prélèvementde votre cotisation fait foi. Vous pouvez cependant obtenir confirmation de votre adhésionsur simple demande (voir nos coordonnées ci-dessus).

• Ces informations resteront confidentielles et n’auront d’autre usage que les besoins del’association.

Assemblée générale 2009Samedi 14 février, de 12 h 30 à 17 h 15

au Caveau de la République, 1, bd Saint-Martin, 75003 ParisOrdre du jour : échanges sur les activités de l’association et du journal en 2008, votes(renouvellement du conseil d’administration et modifications statutaires), débat sur

les projets de l’association et du journal pour 2009.

Un courriel ou un courrier sera envoyé à tous les adhérents, avec le bulletin d’informationde l’association (les Saumons) et le matériel pour voter par correspondance (jusqu’aujour de l’AG) ou par procuration pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer.

Nous vous attendons nombreux, prévenez-nous de votre présence soit par téléphone,auprès de Brigitte (01 55 25 86 86), ou par mail ([email protected]).

Nous vous rappelons qu’il faut être à jour de sa cotisation 2009 pour participer à l’AG.

Pauline Bureau, coordinatrice de l'association Pour Politis2, impasse Delaunay, 75011 Paris, 01 55 25 86 86.

Présente au journal le [email protected], http://association.pour-politis.org

POUR POLITIS

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moins faire preuve d’humanité etde décence… au lieu de se« réjouir » honteusement d’unchiffre record d’expulsions, quicache probablement (parmi desmesures certes justifiées) desmisères humaines et familialesinsoutenables.Oui, puisse une telle leçond’honnêteté (le mot est faible !)remonter du peuple vers ceux quisont censés le « gouverner », et leurapprendre de quoi on peuthumainement se réjouir. […]Charles Adelmant, Lewarde (Moselle)

* Cf. les titres des journaux, quelques joursauparavant : « Hausse de 80 % des expulsions : leministre s’en félicite », et les interviews où il déclaraitsans vergogne « se réjouir » de ses « succès »…

Ils ont «sauvé» Israël de la paix Israël ne veut pas la paix : il veuttoute la Palestine, et le monde faitsemblant de ne pas l’avoir compris.Peut-on aujourd’hui encore occulterque la paix est morte avecl’assassinat d’Yitzhak Rabin ? Enun demi-siècle, un seul dirigeantisraélien a vraiment essayé de fairela paix, et il l’a payé de sa vie,victime d’une campagne orchestréepar la droite et l’extrême droiteisraéliennes. La paix vaincue,rendue au chef de guerre Sharon, setransformera en leurre, en faire-valoir politique pour les dirigeantsqui suivront.La victoire électorale duHamas […], après des électionsremarquées pour leur déroulementdémocratique par beaucoupd’observateurs venus du mondeentier, a suffi pour que Tel-Aviv etWashington annoncent : « Il n’y aplus de partenaires pour lapaix. » […] Les trois fossoyeurs depaix se sont alors succédé– Netanyahou, Barak et Sharon –,que rien ne semble unir sinon qu’ilsont « sauvé » Israël de la paix…[…] L’histoire du monde est couverte decicatrices de la colonisation. Celledes Palestiniens n’est pas sans nousrappeler celle des Indiensd’Amérique du Nord, lors de laconquête de l’Ouest et des deuxsiècles et demi pour contraindre lesrescapés indiens à accepter ladéportation dans des réserves.« Il est fondamental de détruire nonseulement les hommes maiségalement leurs villages et leurs

plantations. Il faut arracher ce quiest planté et empêcher toutenouvelle plantation ou récolte. Ceque le plomb ne pourra obtenir, lafamine et l’hiver y parviendront. »Ainsi s’exprimait GeorgeWashington, premier président desÉtats-Unis, héros de la Révolutionaméricaine. Certains historiensprésentent cette période commeétant la genèse des Droits del’homme… Même dans lesdémocraties, l’histoire est dictée parles vainqueurs. En 1779, GeorgeWashington, alors général, ordonned’envahir le territoire de laconfédération iroquoise. Et il insistepour que soient tués autantd’Indiens que possible, sansconsidération d’âge ni de sexe. Lessurvivants seront livrés commeesclaves agricoles aux colonsméritants. En quelques mois,40 villages indiens sont massacrés,et leurs plantations réduites ànéant. […]Le peuple palestinien se trouveconfronté aujourd’hui à undilemme : mourir des bombes oudu blocus israélien, qui depuispresque un an organise la privationdu nécessaire pour survivre et sesoigner. Une décision pourraitchanger la donne, mais pour celales 27 membres de l’UE doiventsortir de la logique du chaos quiconsiste à jouer les supplétifs d’undeuxième front, celui du silence etde la soumission aux États-Unis et àl’État d’Israël, et refuser l’isolementpolitique et l’étranglementéconomique des habitants de Gaza.[…] Aux prochaines élections

israéliennes, la paix sera encore lagrande absente de la campagneparce que la paix n’a jamais faitgagner un candidat en Israël.Il faut, comme dit Nelson Mandela,« avoir conscience du fait que laPalestine est l’une des grandescauses morales de notre temps etqui exige d’être défendue commetelle. Il ne s’agit pas de marchander,de trouver d’habiles compromis ».

Luis Lera

La suppression de la pub à la téléEntre l’annonce de la suppressionde la pub sur France Télévisionsaprès 20 heures et saconcrétisation, le débat n’a pas […]détaillé l’ampleur de ses effetsconcrets. Qui a pensé à chiffrer lesravages de la diffusion publicitairesur le développement de l’obésité,de besoins superficiels ravageurs enpériode de réchauffementclimatique ? […] Sur la violencequotidienne[…] ?Puisqu’on supprime la publicité,va-t-on garder sur le service publicces émissions auxquelles on nous ahabitués pour attirer lesannonceurs ? […] Pourquoi sont-elles diffusées en prime time alorsque d’autres programmes quirépondent à de véritables besoinssociétaux sont relégués à deshoraires moins propices à leurdécouverte ? Ce travail n’a pas nonplus été réalisé, ni chiffré, dans ledébat public. […]Faut-il encore privilégier la ciblepréférée des publicitaires : plutôtjeune, changeant facilement seshabitudes de consommation etplutôt aisée ? Ou va-t-on enfinoffrir en prime time des émissions[…] qui seront utiles à nos« grandes minorités » : lesculturels, les sourds, les enfants, lesadolescents, les « cartesvermeilles », etc. ? […]Enfin, ne faut-il pas aussi s’irriterdu fait que la première étape danscette (r)évolution choisie par le chefde l’État soit cette suppressionaprès 20 heures plutôt qu’unedisparition de la publicité et dusponsoring autour des émissionsqui s’adressent principalement auxmoins de 16 ans ? Autant dequestions qui restent à débattre etauxquelles le public a droit.

Bernard Hennebert (Belgique

29 janv ie r 2009 I P O L I T I S I 35

Montreuil (93) : 6 février,de 18 h à 23 h, la Fédération,rassemblement «pour une alternativesociale et écologique», vous invite àrencontrer des représentants de DieLinke,de Synaspismos (Grèce), dupeuple palestinien, du DAL, de Jeudi noir,des sans-papiers, de syndicalistes, éluset personnalités de lagauche de gauche.Avec Politis.Palais des congrès, 128, rue de Paris.http://lafederation.org

Fontenay-sous-Bois (94) :2 février,à 20 h, réunion d’Attac sur le thème «Quelavenir pour les services publics? », avecRaoul-Marc Jennar.Maison du citoyen, 16, rue duRévérend-Père-Aubry. [email protected]

Vannes et Séné (56) : 30 et 31 janvier, rendez-vous au Forum social local, avecGérard Filoche le 30 à 20h30 (amphi IUTVannes). Le 31 (à Séné), standsassociatifs, projections, expos, dé[email protected]

Bouxwiller (67) : 7 février,le festival Larz’als propose: forum sur lesénergies renouvelables, marché bio,films-débats, livres, etc., avec Politis.06 72 33 15 68.

Marly-le-Roi (78) 7 et 8 février,« Dans un contexte de crises etd'urgence aux niveaux national,européen et international, comment(ré)agir? » Débat avec Guillaume Duval(Alternatives économiques), AlainLipietz (Vert européen), Aurélie Trouvé(Attac France).Injep, www.lvn.asso.fr, 01 55 35 36 46.

Évry (91) : 5 février,à 20h30, SoliCités organise uneconférence-débat sur le thème: « Crisefinancière: une opportunité? »Mairie, www.solicites.org,[email protected]

Roanne (42) : 5 février,à 19 h, Attac en Roannais projette le filmChomsky & Cie d’Olivier Azam et DanielMermet, suivi d'un débat. 5 euros.Espace Congrès, [email protected]

Montreuil (93) : 29 janvier,à20 h30, Attac 93-Sud et les Amis de la Terreorganisent un débat autour de Chomsky &Cie, en présence de Daniel Mermet.www.attac93sud.fr

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