phagotherapie

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N° /__/__/__/__/__/__/__/__/__/__/ THÈSE pour obtenir le grade de Docteur de l’Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement (Agro Paris Tech) présentée et soutenue publiquement par Jacques-Antoine HENNEKINNE Le 8 juillet 2009 NOUVELLES APPROCHES POUR LA CARACTERISATION DES TOXI INFECTIONS ALIMENTAIRES A STAPHYLOCOQUES A COAGULASE POSITIVE Directeur de thèse : Sylviane DRAGACCI Travail réalisé à l’AFSSA LERQAP, Unité Caractérisation des toxines, équipe toxines bactériennes, F - 94700 Maisons Alfort, Devant le jury : M. le Professeur Olivier CERF, Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort Président M. le Professeur Georges DAUBE, Université de Liège Rapporteur M. le Docteur Gérard LINA, Centre National de Référence des Staphylocoques Rapporteur Mme le Docteur Sylviane DRAGACCI, AFSSA LERQAP Examinateur M. Le Docteur Emmanuel JAMET, ACTILAT Examinateur

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La phagotherapie peut servir en cas d'infection nosocomiale

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  • N /__/__/__/__/__/__/__/__/__/__/

    T H SE

    pour obtenir le grade de

    Docteur

    de

    lInstitut des Sciences et Industries du Vivant et de lEnvironnement (Agro Paris Tech)

    prsente et soutenue publiquement par

    Jacques-Antoine HENNEKINNE

    Le 8 juillet 2009

    NOUVELLES APPROCHES POUR LA CARACTERISATION DES TOXI INFECTIONS ALIMENTAIRES A STAPHYLOCOQUES A COAGULASE POSITIVE

    Directeur de thse : Sylviane DRAGACCI

    Travail ralis lAFSSA LERQAP, Unit Caractrisation des toxines, quipe toxines bactriennes,

    F - 94700 Maisons Alfort,

    Devant le jury :

    M. le Professeur Olivier CERF, Ecole Nationale Vtrinaire dAlfort Prsident

    M. le Professeur Georges DAUBE, Universit de Lige Rapporteur M. le Docteur Grard LINA, Centre National de Rfrence des Staphylocoques Rapporteur

    Mme le Docteur Sylviane DRAGACCI, AFSSA LERQAP Examinateur

    M. Le Docteur Emmanuel JAMET, ACTILAT Examinateur

  • 2

    Remerciements

    Je tenais tout dabord vivement remercier Laurent Rosso et Laurent Laloux, directeurs successifs du

    laboratoire dtudes et de recherches sur la qualit des aliments et des procds agro-alimentaires

    (LERQAP) pour leur confiance et les moyens quils ont mis disposition pour raliser dans les

    meilleures conditions les travaux de cette thse.

    Je tenais galement exprimer ma profonde gratitude au Docteur Sylviane Dragacci, ma directrice de

    thse, qui a cru en ce projet et a su me porter et me guider tout au long de ce dernier et au Docteur

    Sophie Krys, ma chef dunit, pour mavoir support tout au long de cette thse.

    Jadresse mes sincres remerciements aux Professeurs Olivier Cerf, Georges Daube et aux Docteurs

    Grard Lina et Emmanuel Jamet qui ont accept dvaluer mon travail en acceptant de participer mon

    jury.

    Un immense merci toute lquipe des toxines bactriennes de lunit Caractrisation des toxines,

    Annick Ostyn, Sabine Herbin, Florence Guillier, Sabine Messio, Sylvie Pairaud, Isabelle Papinaud et

    Amlie Gateaux pour leur aide, leur soutien, leur gentillesse et leur bonne humeur : quelles soient aussi

    toutes remercies pour leur infinie patience

    Il est va de mme pour tous les personnels de lunit dHygine et de microbiologie des produits

    alimentaires en particulier Franoise Dilasser et Sylviane Derzelle qui mont acceuilli dans leurs locaux

    pour les exprimentations de biologie molculaire sur les souches de staphylocoques coagulase

    positive et pour les personnels de lunit Caractrisation et pidmiologie bactrienne dont Trinh Tam

    Dao pour sa trs grande disponibilit.

    Tous mes remerciements vont aussi au laboratoire dtude de la dynamique des protomes (LEDyP) du

    Commissariat lEnergie Atomique (CEA) de Grenoble. Que Viriginie Brun, Dorothe Lebert, Alain

    Dupuis et Jrome Garin soient remercis pour leur indispensable collaboration et le temps quils ont

    consacr mexpliquer la spectromtrie de masse.

  • 3

    Je suis galement trs reconnaissant au Docteur Marie-Laure De Buyser pour sa gentillesse, sa

    disponibilit, ses conseils, son intert pour mes travaux et nos discussions fructeuses sur les

    staphylocoques, leurs entrotoxines et les toxi infections alimentaires collectrives.

    Je ne saurais oublier mon partenaire de course pied, Ronel Bir, pour tous les bons et ncessaires

    moments de dtente que nous avons eus au travers de nos diffrents entranements et autres courses

    de longue haleine !

    Enfin je dsire remercier trs sincrement toute ma famille, mes amis pour leur soutien sans faille, leur

    encouragement et leur comprhension. Que Gabrielle et Virginie soient particulirement remercies.

    Quils sachent tous quel point je les aime.

    Pour Hedwige, ma mre

  • 4

    Sommaire

    Liste des tableaux 7

    Liste des figures 8

    Liste des abrviations 9

    Rsum 12

    Prambule 13

    Introduction 16

    1. Staphylocoques et toxines 16

    1.1 Staphylocoques 16 1.1.1 Taxonomie 16 1.1.2 Rservoirs 17 1.1.3 Staphylococcus aureus 19

    1.2 Entrotoxines staphylococciques 19

    1.2.1 Nomenclature et proprits 20 1.2.2 Dterminisme gntique et rgulation 24 1.2.3 Modes daction 26

    1.2.3.1 Lactivit superantignique 28 1.2.3.2 Lactivit mtique 29

    1.3 Autres facteurs de virulence de Staphylococcus aureus 31

    2. Toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques coagulase positive 32 2.1 Dfinition 32 2.2 Historique 33 2.3 Dclaration des pisodes toxiques 35 2.4 Incidence 37

    2.4.1 En France 37 2.4.2 En Europe 38 2.4.3 Aux Etats Unis 39 2.4.4 Au Japon 40

    2.5 Conditions requises pour dclencher une TIAC staphylocoques 41 2.5.1 Source de staphylocoques producteurs dentrotoxines 41 2.5.2 Mode de contamination 43 2.5.3 Aliments favorables 45

  • 5

    2.5.4 Facteurs influenant la croissance et la production dentrotoxines staphylococciques par Staphylococcus aureus 46 2.5.4.1 Temprature 46 2.5.4.2 pH 47 2.5.4.3 Activit de leau 48 2.5.4.4 Facteurs nutritionnels 48

    2.5.5 Ingestion dune dose suffisante 49

    3. Investigation des toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques 50 3.1 Mthodes de dtection de Staphylococcus aureus 50

    3.1.1 Isolement de Staphylococcus aureus par microbiologie conventionnelle 50 3.1.1.1 Milieux slectifs ou non 51

    3.1.1.2 Mthodes quantitatives et qualitatives 52 3.1.2 Dtection de Staphylococcus aureus par mthodes molculaires 53 3.1.2.1 Caractrisation molculaire des souches 53

    3.1.2.2 Caractrisation du pouvoir toxinogne des souches 54

    3.1.3 Mthodes normalises et alternatives 55 3.1.3.1 Mthodes normalises 56 3.1.3.2 Mthodes alternatives 57

    3.2 Mthodes de recherche des entrotoxines staphylococciques 57 3.2.1 Extraction 58

    3.2.1.1 Chromatographie par permation de gel 58 3.2.1.2 Immunochromatographie 58 3.2.1.3 Concentration des protines totales 59

    3.2.2 Dtection 59 3.2.2.1 Les bioessais 59 3.2.2.2 Loutil molculaire 60 3.2.2.3 Loutil immunochimique 61

    3.2.2.3.1 Immunodiffusion en glose 61 3.2.2.3.2 Mthodes radio-immunologiques 62 3.2.2.3.3 Agglutination passive sur billes de latex 62 3.2.2.3.4 Mthodes immunoenzymatiques 62

    3.2.2.4 Loutil physicochimique 64 3.2.2.4.1 Electrophorse capillaire 64 3.2.2.4.2 Chromatographie liquide haute performance 65 3.2.2.4.3 Nouvelles approches par spectromtrie de masse 66

    4. Rglementation sanitaire staphylocoques et toxines 67 4.1 Le paquet hygine 67 4.2 Rglements N2073/2005 et N1441/2007 et critres microbiologiques pour les staphylocoques

    coagulase positive et les entrotoxines staphylococciques 69 4.3 Laboratoires Communautaire et National de rfrence 72

    4.3.1 Missions 72

  • 6

    4.3.2 Laboratoire Communautaire et National de Rfrence pour les Staphylocoques Coagulase Positive 72

    Enjeux et objectifs de la caractrisation des toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques coagulase positive 74 1.1 Enjeux 74

    1.1.1 Enjeux scientifiques 74 1.1.2 Enjeux techniques 75 1.1.3 Enjeux sanitaires 75

    1.2 Objectifs des travaux 76

    Prsentation des travaux 79 1. Amlioration des mthodes de dtection des entrotoxines staphylococciques 79 2. Caractrisation des souches de Staphylocoques coagulase positive 82 2.1 Origine des souches et potentiel toxinogne 82

    2.1.1 Etude des souches isoles dpisodes toxiques et gnotypage sea sei 83 2.1.2 Gnotypage sej seu 86

    2.2 Production dentrotoxines staphylococciques en surnageants de culture et en matrices

    alimentaires par les souches de S. aureus isoles dpisodes toxiques 90 3. Caractrisation et quantification de lentrotoxine staphylococcique de type A (SEA) par

    spectromtrie de masse 94

    3.1 Quantification dune solution commerciale dentrotoxine de type SEA 96 3.2 Quantification de lentrotoxine de type SEA en matrice alimentaire modle 98 4. Mise en uvre de la dmarche intgre pour caractriser une toxi infection alimentaire

    collective 100

    Conclusion et perspectives 103 Liste des travaux 106 Publications 108 Rfrences bibliographiques 155 Annexes 174

  • 7

    Liste des tableaux Tableau 1 : Espces et sous-espces dcrites au sein du genre Staphylococcus

    Tableau 2 : Caractristiques majeures des entrotoxines staphylococciques

    Tableau 3 : Rsistance de Staphylococcus aureus et des entrotoxines au traitement thermique

    Tableau 4 : Support gntique des gnes dentrotoxines staphylococciques

    Tableau 5 : Activits superantignique et mtique des entrotoxines staphylococciques

    Tableau 6 : pH minimum pour la production dentrotoxines staphylococciques dans diffrents milieux

    Tableau 7 : Effet des facteurs nutritionnels sur la production dentrotoxines staphylococciques par

    Staphylococcus aureus

    Tableau 8 - Milieux slectifs pour la dtection de Staphylococcus aureus : exemple des diffrents

    agents slectifs utiliss et des diffrents caractres recherchs

    Tableau 9 : Modifications apportes au milieu de Baird-Parker

    Tableau 10 : Mthodes PCR utilises pour la dtection de gnes de Staphylocococcus aureus dans

    lADN extrait daliments contamins

    Tableau 11 : Caractristiques des kits commerciaux de dtection des entrotoxines staphylococciques

    Tableau 12 : Critre Staphylococcus aureus dhygine des procds

    Tableau 13 : Critre de scurit entrotoxines staphylococciques

    Tableau 14 : Amorces utilises pour les ractions de PCR des gnes sej seu

    Tableau 15 : Rsultats du gnotypage sea seu des souches de S. aureus

    Tableau 16 : Rsultats de llectrophorse 2D-MS sur les surnageants de souches de S. aureus

    Tableau 17 : Rsultats obtenus pour le gnotypage de souches, la dtection et la quantification de la

    toxine SEA par ELISA et mthode PSAQ dans une matrice fromagre modle

    Tableau 18 : Rsultats obtenus pour le gnotypage de souches, la dtection et la quantification de la

    toxine SEA par ELISA et mthode PSAQ dans la matrice perle de coco

  • 8

    Liste des figures

    Figure 1 : Aspect de Staphylococcus aureus suite une coloration de Gram

    Figure 2 : Aspect de Staphylococcus aureus en microscopie lectronique

    Figure 3 : Reprsentation schmatique des interactions entre toxines bactriennes et cellules

    eucaryotes

    Figure 4 : Structure tridimensionnelle de lentrotoxine de type SEC

    Figure 5 : Activation spcifique et non-spcifique des lymphocytes T

    Figure 6 : Facteurs de virulence de Staphylococcus aureus

    Figure 7 : Systme de dclaration des toxi-infections alimentaires collectives au niveau franais

    Figure 8 : Systme de dclaration des toxi-infections alimentaires collectives au niveau europen

    Figure 9 : Nombres de foyers toxi-infections alimentaires collectives Staphylococcus aureus, priode

    1996-2007, France

    Figure 10 : Schma dune chane de contamination depuis un lait de brebis atteinte dune mammite

    subclinique staphylocoques jusquau produit fromager final

    Figure 11 : Dtails des doses ingres par 44 malades en fonction de leur sexe (31 Femmes / 13

    Hommes) et ge

    Figure 12 : Action mtique de lentrotoxine de type SEA aprs ingestion par des musaraignes

    Figure 13 : Reprsentation schmatique du principe de limmuno-PCR

    Figure 14 : Exemple de plaque de quantification de la toxine SEA

    Figure 15 : Architecture du paquet hygine (NS/DGAL/SDSSA/N2004-8193 du 28 juillet 2004)

    Figure 16 : Analyses mettre en uvre pour lucider les pisodes toxiques o Staphylococcus aureus

    et ses entrotoxines taient suspects

    Figure 17 : Mthodologie utilise pour investiguer les toxi-infections alimentaires collectives

    staphylocoques (PCR et PFGE)

    Figure 18 : Mthodologie utilise pour caractriser les souches de S. aureus isoles de toxi-infections

    alimentaires collectives (Immunochimie et 2D MS)

    Figure 19 : Chromatogramme obtenu pour le peptide NVTVQELDLQAR

    Figure 20 : Chromatogramme obtenu pour le peptide YNLYNSDVFDGK

    Figure 21 : Schma analytique appliqu lchantillon de fromage modle

    Figure 22 : Dmarche intgre utilise pour caractriser les toxi-infections alimentaires collectives

    staphylocoques

  • 9

    Liste des abrviations 2D- : two dimension-

    ADN : acide dsoxyribonuclique

    AESA : Autorit europenne de scurit des aliments

    AFSSA : Agence franaise de scurit sanitaire des aliments

    AFSSAPS : Agence franaise de scurit sanitaire des produits de sant

    AOAC : Association of official agricultural chemists

    agr : accessory gene regulator

    AQUA : Absolute quantification

    ARN : acide ribonuclique

    Aw : activit de leau

    BHI : brain heart infusion

    BP : Baird Parker

    C : degr Celcius

    CAT : Caractrisation des toxines

    CDC : Center of disease control

    CE : Commission europenne

    CEA : Commissariat lnergie atomique

    CEB : Caractrisation et pidmiologie bactrienne

    CLHP : Chromatographie liquide haute performance

    CPA : cellule prsentatrice de lantigne

    CMH : complexe majeur dhistocompatibilit

    Da : Daltons

    DDASS : Direction dpartementale des affaires sanitaires et sociales

    DDSV : Direction dpartementale des services vtrinaires

    DGAL : Direction gnrale de lalimentation

    DG SANCO : Direction gnrale de la sant et de la protection des consommateurs

    EC : lectrophorse capillaire

    EDyP : Etude dynamique des protomes

    egc : enterotoxin gene cluster

    EIA : enzyme immunoassay

    ELFA : enzyme linked fluorescent assay

  • 10

    ELISA : enzyme linked immunosorbent assay

    ES : entrotoxine staphylococcique

    ESI : Electrospray ionisation

    ET : exfoliatin toxin

    FAME : fatty acid modifying enzyme

    HMPA : Hygine et microbiologie des produits alimentaires

    IEF : Iso lectrofocalisation

    INRA : Institut national de recherche agronomique

    InVS : Institut national de veille sanitaire

    ISO : International standard organisation

    LCR : laboratoire communautaire de rfrence

    LERQAP : Laboratoire dtudes et de recherches sur la qualit des aliments et des

    procds agro-alimentaires

    LNR : laboratoire national de rfrence

    MALDI : matrix assisted laser desorption ionisation

    MSCRAMM : microbial surface component recognizing adhesine matrix molecules

    NPP : nombre le plus probable

    PAGE : polyacrylamide gel electrophoresis

    pb : paire de bases

    PCR : polymerase chain reaction

    PFGE : pulse field gel electrophoresis

    PSAQ : protein standard absolute quantification

    QconCAT : concatemers of standard peptides for absolute quantification

    RIA : radio immunoassay

    RPF : rabbit plasma fibrinogen

    RPLA : reverse passive latex agglutination

    S. aureus : Staphylococcus aureus

    sar : staphylococcal accessory regulator

    SCP : staphylocoque coagulase positive

    SCN : staphylocoque coagulase ngative

    SDS : sodium dodecylsulfate

    se : staphylococcal enterotoxin (gne)

    SE : staphylococcal enterotoxin (protine)

    SEl : staphylococcal enterotoxin like (protine)

  • 11

    SERAM : secretable expanded repertoire adhesive molecules

    SSSS : staphylococcal scalded skin syndrome

    TCR : T cell receptor

    TIAC : toxi-infection alimentaire collective

    ToF : time of flight

    TSA : trypton soy agar

    TSST-1 : toxic shock symdrom toxin 1

    UBLO : unit des bactries lactiques et opportunistes

    ufc : unit formant colonie

  • 12

    Rsum

    Les toxi-infections alimentaires collectives staphylococciques reprsentent ces dernires annes en France la seconde cause de toxi-infections alimentaires bactriennes. Ces dernires sont dues lingestion de toxines prformes dans les aliments : les entrotoxines. Actuellement, une vingtaine dentrotoxines (SEA SElV) ont t dcrites dans la littrature ; parmi celles-ci, toutes possdent une activit superantigniques mais seules quelques unes possdent une activit mtique prouve et prsentent donc un risque sanitaire pour le consommateur. Deux problmes majeurs se posent pour confirmer le diagnostic des pisodes toxiques staphylocoques. Dune part, les staphylocoques sont sensibles aux traitements thermiques appliqus aux aliments alors que les entrotoxines ne le sont pas, et dautre part les mthodes de dtection des entrotoxines staphylococciques actuellement disponibles ne couvrent pas lensemble des entrotoxines dcrites ce jour. Ainsi, et afin de proposer une alternative innovante aux tests immuno-enzymatiques utiliss pour la recherche des entrotoxines staphylococciques dans les matrices alimentaires, nous avons mis en place une dmarche intgre du gne la protine utilisant des outils de biologie molculaire, dimmunochimie et de physisco-chimie des protines pour caractriser, comprendre et lucider les toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques. Mots cls : toxi-infections alimentaires collectives, staphylocoques coagulase positive, entrotoxines,

    spectromtrie de masse quantitative.

    Summary

    Staphylococcal food poisoning is one of the most common food-borne diseases resulting from the ingestion of staphylococcal enterotoxins (SEs) preformed in food by enterotoxigenic strains of coagulase-positive staphylococci, mainly Staphylococcus aureus. To date, more than twenty SEs have been described: SEA to SElV. Each of them share superantigenic activity whereas only few of them have been proved to be emetic and thus represent a potentiel hazard for consumers. Characterisation of staphylococcal food poisoning outbreaks are dependent of various parameters such as isolation of coagulase positive staphylococci and detection of staphylococcal enterotoxins. However, various drawbacks such as heat treatment sensitivity of staphylococci or availability of antibodies against all staphylococcal enterotoxins lead to false diagnosis or to a lack of characterisation of food poisoning outbreaks. Thus, in order to characterise and elucidate staphylococcal food poisoning, we developed an integrated approach from gene to protein using the combination of PCR-based tools, ELISA tests and quantitative MS. Keywords : staphylococcal food poisoning, coagulase positive staphylococci, staphylococcal

    enterotoxins, quantitative mass spectrometry.

  • 13

    Prambule

    Staphylococcus aureus dispose de nombreux facteurs de virulence pour infecter son hte. Pour

    chacune des tapes cls conduisant linfection (colonisation, invasion, pntration et diffusion dans

    les tissus), S. aureus a dvelopp des systmes permettant dchapper la rponse immunitaire de

    lhte. Parmi ces facteurs, certains sont responsables dinfections communautaires et nosocomiales

    mais aussi de la survenue de toxi-infections alimentaires souvent spectaculaires compte tenu du

    nombre de personnes exposes et de la violence de la symptomatologie associe. Les travaux de cette

    thse portent sur ce deuxime risque engendr par S. aureus au travers de la caractrisation et de

    llucidation des intoxinations dues lingestion des entrotoxines staphylococciques.

    Comme nous le verrons, les entrotoxines staphylococciques sont des exoprotines action

    superantignique et/ou mtique, produites par certaines souches toxinognes de staphylocoques

    coagulase positive. En France, sur la priode 1996-2007, ces entrotoxines reprsentaient la deuxime

    cause de foyers de toxi-infections alimentaires collectives dorigine bactrienne.

    Actuellement, linvestigation des pisodes toxiques repose dune part sur le dnombrement des

    staphylocoques coagulase positive dans les matrices alimentaires suspectes et, dautre part sur la

    mise en vidence de certains types dentrotoxines staphylococciques.

    Deux problmatiques taient alors considrer, la premire sur la pertinence de lisolement des

    staphylocoques, la seconde relative aux outils disponibles pour la dtection des entrotoxines

    staphylococciques. Cette investigation en deux temps ne nous permettait pas de caractriser

    correctement les toxi-infections alimentaires collectives car elle prsentait dvidentes lacunes : en effet,

    dans le cas dun aliment trait thermiquement, le dnombrement des staphylocoques coagulase

    positive ne savrait que peu ou pas informatif compte tenu du caractre thermosensible de la bactrie.

    Dans ce cas, la caractrisation de lpisode toxique ne reposait que sur la dtection des entrotoxines

    staphylococciques de type SEA SEE. Or, avec la description des nouvelles formes dentrotoxines

    staphylococciques autres que SEA SEE dont certaines avec activit mtique prouve (SEG, SEH,

    SEI ), il semblait difficile de caractriser et dlucider de nombreux pisodes symptomatologie

    staphylococcique. Pour pouvoir rellement caractriser un pisode toxique il nous a paru alors

    ncessaire dtudier la corrlation entre les diffrentes mthodes danalyse mises en uvre pour

    obtenir des informations de natures diffrentes et complmentaires sur la prsence des

    staphylocoques, leur pouvoir toxinogne, la production de toxines Cependant, l encore cette

    dmarche prsentait des limites. A titre dexemple, nous pouvons citer la toxi-infection alimentaire

    collective survenue en aot 2005 dans un restaurant Ishakawa (Japon). Lenqute pidmiologique

    dmontra que 10 personnes furent atteintes entre deux et 12 heures (dlai moyen 7 heures) aprs

  • 14

    consommation de poissons crus (sashimi), de crabe bouilli et de radis macrs. Les patients furent

    atteints de vomissements (100 %) de douleurs abdominales (40%) et de diarrhes (30%). Les analyses

    microbiologiques ralises sur les restes alimentaires, le personnel des cuisines et les rfrigrateurs

    dmontrrent que les staphylocoques coagulase positive taient prsents en faibles nombres (100

    units formant colonie/g pour le crabe et 50 units formant colonie/g pour le poisson cru et les radis,

    respectivement). Le pulsotypage par macrodigestion avec lenzyme SmaI effectu sur les diffrentes

    souches de staphylocoques coagulase positive isoles montra que toutes les souches taient

    identiques et suggra que la mme souche tait responsable de la toxi-infection alimentaire collective.

    Les vomissures furent testes positives aux entrotoxines staphylococciques sans que les

    entrotoxines de type SEA SED naient pu tre mises en vidence. Enfin, le gnotypage de souches

    de staphylocoques coagulase positive ralis par PCR multiplexe pour les gnes sea see et seg

    selr sest avr ngatif (Kuramoto et al., 2006).

    Cet exemple illustrait clairement les difficults auxquelles les autorits de contrle taient confrontes

    pour caractriser les pisodes toxiques staphylocoques.

    Suite la mise en vidence du caractre mtique de lentrotoxine staphylococcique de type SEH au

    travers de trois pisodes toxiques o elle tait implique seule ou en association avec dautres types

    toxiniques, des anticorps anti SEH ont t dvelopps et utiliss (Peireira et al., 1996, Ikeda et al.,

    2005, Jorgensen et al., 2005) pour caractriser ces pisodes toxiques. Cependant, compte tenu du cot

    lev du dveloppement danticorps spcifiques anti entrotoxines, des homologies de squences entre

    les entrotoxines et des problmes de spcificit des outils immunochimiques, il ne semblait pas

    judicieux de suivre cette voie pour caractriser les entrotoxines nouvellement dcrites.

    Nous avons donc dcid daxer les travaux relatifs linvestigation des pisodes toxiques en utilisant

    des approches innovantes et complmentaires la microbiologie conventionnelle et aux outils

    immunochimiques dans lobjectif non seulement de caractriser mais aussi dexpliquer la survenue des

    pisodes toxiques.

    Nous avons tout dabord opt pour lamlioration des outils de dtection des entrotoxines

    staphylococciques pour tendre leur caractrisation.

    Nous avons ensuite ax nos travaux sur la caractrisation des souches isoles dpisodes toxiques tant

    au niveau des gnes prsents quau niveau des toxines produites en surnageants de culture et en

    matrices alimentaires.

    Par la suite, nous avons dvelopp une mthode de confirmation innovante, la spectromtrie de masse

    quantitative, pour quantifier les entrotoxines staphylococciques dans des solutions de rfrence puis

  • 15

    dans des matrices alimentaires modles afin de disposer dune mthode de confirmation de principe

    diffrent de lELISA.

    Enfin, nous avons mis en uvre lensemble de la dmarche analytique intgre du gne la protine

    pour investiguer un cas de TIAC. Ces travaux ont t raliss en collaboration avec lunit

    Caractrisation et pidmiologie bctrienne (CEB) du laboratoire dtudes et de recherches sur la

    qualit des aliments et des procds agro-alimentaires (LERQAP) et avec le laboratoire dtude

    dynamique des protomes (EdyP) du Commissariat lnergie atomique (CEA) de Grenoble.

  • 16

    Introduction

    1. Staphylocoques et toxines

    1.1 Staphylocoques

    Les premires descriptions des staphylocoques (bactries en forme de coques) isols partir de pus

    dabcs datent de 1871 mais ce nest que quelques annes plus tard que ces travaux permettront de

    proposer un nom la bactrie rencontre. Ainsi en 1878, Robert Koch en Allemagne et Louis Pasteur

    en 1880 en France dcrivent des grappes de coques dans du pus dorigine humaine. La mme anne,

    en Ecosse, Alexander Ogston propose le nom Staphylococcus (staphyl : grappe et kokkos : grain)

    car les bactries se regroupent en amas irrguliers ressemblant une grappe de raisin. Ogstom

    diffrencie ainsi Staphylococcus de Streptococcus. Enfin, en 1884, en Allemagne, Anton Julius Friedrich

    Rosenbach donne la premire description du genre Staphylococcus en cultivant les bactries sur milieu

    solide. Il diffrencie ainsi S. aureus de S. albus par la coloration des pigments produits par les colonies.

    1.1.1 Taxonomie

    Le genre Staphylococcus appartient au phylum des Firmicutes (bactries Gram positif, figure 1), la

    classe des Bacilli et lordre des Bacillales. Outre les Staphylococcus sp., la famille bactrienne des

    Staphylococcaceae comprend quatre autres genres moins connus, Gemella, Jeotgalicoccus,

    Macrococcus et Salinicoccus.

    Figure 1 : Aspect de S. aureus suite une coloration de Gram

  • 17

    Le genre Staphylococcus prsente des cellules immobiles sphriques de 0,5 2,5 m de diamtre,

    isoles par paires ou en amas (Figure 2). Ces coques Gram positif possdent des caractristiques

    physiologiques communes ; ils sont chimio-organotrophes, arobies ou anarobies facultatifs et

    possdent une catalase.

    A ce jour, cinquante espces et sous-espces ont t identifies au sein du genre Staphylococcus. Les

    espces sont gnralement classes en deux groupes sur la base de leur capacit produire une

    coagulase libre : les staphylocoques coagulase positive (SCP), gnralement considrs comme les

    plus pathognes et les staphylocoques coagulase ngative (SCN).

    Figure 2 : Aspect de S. aureus en microscopie lectronique

    1.1.2 Rservoirs

    Les staphylocoques sont des bactries ubiquitaires prsentes sur la peau, les muqueuses et la sphre

    rhino-pharinge chez les animaux sang chaud (mammifres, volailles) et en particulier chez lHomme.

    Les staphylocoques ont galement t isols de lenvironnement naturel (sol, eau douce et eau de mer,

    poussire, air), de lenvironnement domestique de lHomme (cuisine, rfrigrateur), de lenvironnement

    hospitalier et des ateliers de prparation alimentaires et partir de denres alimentaires (Tableau 1). La

    peau et les muqueuses de l'Homme et des animaux constituant l'habitat primaire de S. aureus, la

    prsence de ce germe dans l'environnement est vraisemblablement due une contamination par

    l'Homme ou les animaux (Bergdoll, 1979).

  • 18

    Tableau 1 : Espces et sous-espces du genre Staphylococcus et htes associs (Stepan et al., 2004)

    Espce Coagulase Hte ou source S. arletti - Caprin, volaille

    S. aureus subsp. anaerobius S. aureus subsp.aureus

    + Ovin Homme, animaux, environnement

    S. auricularis - Homme

    S. capitis subsp. capitis S. capitis subsp. ureolyticus

    - -

    Homme Homme, primates

    S. caprae - Homme, caprins

    S. carnosus subsp. carnosus S. carnosus subsp. utilis

    - Produits carns Aliments

    S. chromogenes - Animaux, lait

    S. cohnii subsp. cohnii S. cohnii subsp. urealyticum

    - Homme Homme, animaux

    S. condimenti - Sauce au soja

    S. delphini + Dauphins

    S. epidermidis - Homme, animaux, environnement

    S. equorum subsp. equorum S. equorum subsp. linens

    - Chevaux, btail Surface fromage affin

    S. felis - chats

    S. fleurettii - Fromage lait de chvre

    S. gallinarum - Volailles, oiseaux

    S. haemolyticus - Homme, animaux domestique, environnement

    S. hominis subsp. hominis S. hominis subsp. novobiosepticus

    - Homme Homme

    S. hyicus +/- Animaux, aliments

    S. intermedius + Mammifre, oiseaux, rarement Homme

    S. kloosii - Animaux sauvages

    S. lentus - Animaux, rarement Homme

    S. lugdunensis - Homme

    S. lutrae + Loutre

    S. muscae - Mouches, porcs

    S. nepalensis - chvre

    S. pasteuri - Homme, animaux, aliments

    S. pettenkoferi - Homme

    S. piscifermentans - Poisson ferment

    S. pseudintermedius (Devriese et al., 2005) + Animaux

    S. saccharolyticus - Homme

    S. saprophyticus subsp. bovis S. saprophyticus subsp. saprophyticus

    - -

    Animaux Homme, animaux

    S. schleiferi subsp. coagulans S. schleiferi subsp. schleiferi

    + -

    Chiens Homme

    S. sciuri subsp. carnaticus S. sciuri subsp. lentus S. sciuri subsp. rodentium S. sciuri subsp. sciuri

    - - - -

    Produits carns Animaux Rongeurs, animaux Homme, animaux

    S. simiae (Pantucek et al., 2005) - Singe

    S. simulans - Homme, mammifre

    S. succinus subsp. casei - Surface de fromage affin

    S. succinus subsp. succinus - ambre

  • 19

    S. vitulinus (anciennement S. pulvereri) - Animaux, aliments

    S. warneri - Homme, primates

    S. xylosus - Homme, animaux, environnement

    En rouge : espces de Staphylocoques impliques dans des toxi-infections alimentaires collectives

    1.1.3 Staphylococcus aureus

    S. aureus reprsente lespce la plus largement incrimine dans les toxi-infections alimentaires

    collectives (TIAC) ; elle appartient au groupe des staphylocoques coagulase positive.

    Deux sous espces ont t dcrites au sein de lespce S. aureus : S. aureus subsp. aureus

    (Rosenbach, 1884) et S. aureus subsp. anaerobius (De la Fuente et al., 1985). Cette sous espce a

    t isole dabcs chez le mouton et possde des caractristiques particulires (croissance en

    anarobiose, catalase ngative). Cette sous espce est trs marginale, la quasi totalit des souches de

    S. aureus appartiennent la sous espce aureus.

    Les principales caractristiques de S. aureus sont rsumes ci-aprs: S. aureus est une bactrie aro-

    anarobie facultative, thermosensible, qui requiert des tempratures de croissance comprises entre 6 et

    46C (avec optimum 37C). Cest une bactrie neutrophile (croissance entre pH 4 et 9,8) qui survit

    dans les aliments dshydrats et/ou congels et qui tolre poursa croissance une concentration en sels

    (NaCl) leve (jusqu 20%) et une activit de leau aw rduite (0,83). S. aureus tant une bactrie

    exigeante en acides amins et en vitamines, sa croissance peut tre inhibe par la prsence de flores

    de comptition prsentes dans les aliments. Son rle pathogne en toxi infection alimentaire collective

    (TIAC) est li la scrtion de protines doues de proprits neurotoxiques chez lHomme et quon

    appelle entrotoxines staphylococciques.

    1.2 Entrotoxines staphylococciques

    Les entrotoxines staphylococciques (ES) constituent un groupe de molcules hautement toxiques

    produits par les staphylocoques dans les aliments. Ce sont des exoprotines de masse molculaire

    compris entre 22 et 29 kDa. Leur premire description remonte 1959 (Bergdoll et al.). Elles

    appartiennent la famille des exoprotines pyrogniques produites par certaines souches de

    staphylocoques coagulase positive et par quelques espces de streptocoques.

    Cette famille de protines prsente des proprits biologiques communes : pyrognicit (lvation de la

    temprature corporelle) et activation des lymphocytes T (action superantignique). La figure 3

    reprsente le mode dinteraction entre diffrentes toxines bactriennes et les cellules eucaryotes : les

  • 20

    entrotoxines activent la rponse immunitaire en recrutant 30 % du systme immunitaire (versus 1 %

    pour un antigne classique) do leur appellation de superantignes.

    Parmi les staphylocoques coagulase positive, plusieurs espces peuvent scrter des ES, cest le cas

    de Staphylococcus aureus (espce majoritairement retrouve dans les pisodes toxiques) et de

    Staphylococcus intermedius dont une souche fut implique dans un cas dintoxication alimentaire aux

    Etats-Unis (Becker et al., 2001 ; Khambarty et al., 1994). Daprs certains auteurs, quelques espces

    coagulase ngative comme Staphylococcus cohnii, Staphylococcus epidermidis, Staphylococcus

    xylosus et Staphylococcus haemolyticus peuvent galement produire des ES (Bautista et al., 1988 ;

    Cunha et al, 2007 ; Veras et al., 2008 ; Zell et al., 2008) mais ceci na pour linstant pas t confirm par

    les tudes ralises en France.

    Figure 3 : Reprsentation schmatique des interactions entre toxines bactriennes et cellules eucaryotes

    1.2.1 Nomenclature et proprits

    Les tudes sur les ES (SE en nomenclature internationale anglo-saxones pour Staphylococcal

    Enterotoxin) ont dbut suite la mise en vidence de S. aureus dans des aliments incrimins lors de

    toxi-infections alimentaires. A ce jour, 23 ES diffrentes (SEA SElV) ont t identifies (Tableau 2).

  • 21

    Les toxines de types SEA, SEB, SEC, SED et SEE reprsentent les ES dites classiques car bien

    caractrises et identifies depuis de nombreuses annes et dont limplication dans des cas

    dintoxications alimentaires a t dmontre par de nombreux auteurs (Jones et Kahn, 1986 ; Betley et

    Mekalanos, 1988 ; Couch et al., 1988 ; Bayles et Iandolo, 1989 ; Dingues et al., 2000). Pour ces

    toxines, la squence peptidique a t lucide avant de connatre la squence nuclotidique. Ce fut le

    cas notamment pour la toxine de type A - SEA (Huang et al., 1987), B - SEB (Huang et Bergdoll, 1970)

    et C - SEC (Schmidt et Spero, 1983). Le srotype C (Figure 4) est subdivis en groupes (SEC1, SEC2,

    SEC3, SECbovine, SECovine, SECcaprine et SECcanine) classs sur la base de diffrences dactivit

    superantignique et en fonction de lhte auquel elles sont associes (Bergdoll et al., 1965 ; Marr et al.,

    1993). Lentrotoxine staphylococcique SEF a t dcrite en 1981 (Bergdoll, 1981) mais a t

    renomme quelques annes plus tard TSST1 compte tenu de son manque dactivit mtique

    contrairement aux autres entrotoxines staphylococciques classiques (Blomster-Hautamaa et al., 1986).

    Les donnes trs rcemment obtenues depuis le milieu des annes 1990, partir de lanalyse du

    gnome de S. aureus ont pu mettre en vidence de nombreux gnes prsentant de fortes homologies

    de squence avec les gnes des ES dites classiques . Ces gnes produisent des protines aux

    proprits structurales proches des ES dont lactivit mtique na que rarement t dmontre car

    toutes nont pas t produites en systme in vitro.

    En 2004, une nouvelle nomenclature concernant les superantignes exprims par S. aureus a t

    propose pour la dsignation de ces nouvelles ES (Lina et al., 2004). En consquence, seules les

    toxines induisant une activit mtique aprs administration par voie orale chez lanimal ont t

    dsignes ES . Les autres toxines, pour lesquelles aucune activit mtique na t dmontre, ont

    t appeles staphylococcal enterotoxin-like (SEl) pour indiquer que leur rle dans des intoxications

    alimentaires na pas t confirm. Ces nouveaux types dES ont donc t dsigns SElJ SElR et

    SElU puisque, lexception de SEH, SEI et SEG, aucune de ces toxines ne prsentait dactivit

    mtique in vivo (Ren et al., 1994 ; Jarraud et al., 2001 ; Orwin et al., 2001 ; Letertre et al., 2003a ;

    Omoe et al., 2003 ; Su et Wong 1996 ; Munson et al., 1998). Cependant, trs rcemment, Ono et al.

    (2008) ont identifi au niveau gntique, clon puis purifi deux nouvelles entrotoxines

    staphylococciques SES et SET. Ces auteurs ont ainsi pu dmontrer leur pouvoir mtique sur lanimal.

    Lors de cette mme tude, le potentiel mtique de la SElR a t dmontr, permettant ainsi de la

    renommer en SER. A notre connaissance, limplication de ces entrotoxines nouvellement dcrites

    (SEA SElV) dans les TIAC reste dmontrer.

    Enfin, toutes ces toxines partagent des similarits dhomologie de squence en acides amins allant de

    15,5% (entre SEB et SEK) 81% (entre SEA et SEE) ce qui, nous le verrons ultrieurement peut

    engendrer des manques de spcificit des outils utiliss pour leur dtection.

  • 22

    Figure 4 : structure tridimensionnelle de lentrotoxine de type SEC daprs Chi et al. (2002)

    Les entrotoxines staphylococciques sont riches en lysine, acide aspartique, acide glutamique et

    tyrosine. La plupart possdent un pont disulfure ncessaire leur conformation et probablement

    impliqu dans lactivit mtique (cf ci-dessous). Elles sont trs stables, rsistantes la plupart des

    enzymes protolytiques telles que la pepsine ou la trypsine et gardent ainsi leur activit aprs ingestion

    daliments contamins, dans le tube digestif. Elles rsistent aussi la chymotrypsine, la rnine et la

    papane. Nanmoins, SEB et SEC1 ont pu tre hydrolyses en peptides par une digestion trypsique

    modre au niveau du pont disulfure. SEB peut tre dtruite par la pepsine pH 2 mais est rsistante

    la pepsine des pH suprieurs, qui sont les conditions gnralement rencontres dans lestomac aprs

    lingestion de nourriture (Bergdoll, 1983). Les ES sont galement trs thermorsistantes (Tableau 3).

    Elles sont rputes plus thermorsistantes dans les aliments quen milieu de culture, en condition de

    laboratoire mais elles peuvent tre inactives par les traitements thermiques utiliss en appertisation

    lorsquelles sont prsentes en faible concentration (Bergdoll, 1983). Les traitements thermiques en

    milieu acide aboutissent gnralement une perte dactivit immunologique par dgradation des acides

    amins et la perte concomitante dactivit biologique. Cependant, il a t montr que SEA et SED

    peuvent tre indtectables (perte de reconnaissance srologique) mais rester actives, cest--dire

    toxiques, (sur des tests in vivo sur le chat) aprs traitement thermique (Bennett, 1995). Linactivation

    thermique de SEA, SEB et SEC est variable selon la matrice alimentaire et le pH (Schwabe et al.,1990).

    Il est ainsi difficile de prvoir limpact de traitement thermique sur lactivit des ES, puisque celle-ci

    dpend du type dES, de leur concentration et de la matrice alimentaire. En effet, les ES tant des

    protines, il est admis que ces dernires forment des liaisons faibles avec les composs de la matrice

    alimentaire aboutissant ainsi un effet protecteur. De plus, dans certains cas, linactivation thermique

    est spontanment rversible, en pH alcalin (Schwabe et al., 1990) ou par un traitement lure (Akhtar

    et al., 1996). Dans lensemble, ces donnes montrent que les ES rsistent des conditions (traitement

    thermique, pH acide) qui dtruisent facilement S. aureus lui-mme. Ainsi, dans le cas des aliments

    ayant subi un traitement thermique, seule la dtection des ES pourra permettre in fine de caractriser

    lpisode toxique. Il est donc important de disposer de mthodes de dtection pour ce type de toxines.

  • 23

    Tableau 2 : Caractristiques majeures des entrotoxines staphylococciques

    ES

    Longueur phase codante

    (paire de bases)

    Taille ES

    (acid amin)

    Masse molculaire

    (kDa) pHi Rfrence

    A 774 233 27,100 7,3 Betley et Mekalanos, 1985 ; 1988

    B 801 239 28,336 8,6 Shafer et Iandolo, 1979. Jones et Khan, 1988

    C1 801 239 27,531 8,6 Bohach et Sclievert, 1987.

    C2 801 239 27,531 7,8 Bohach et Sclievert, 1989.

    C3 801 239 27,563 8,1 Hovde et al., 1990.

    C (bovine)

    27,618 7,6 Marr et al., 1993.

    C (ovine)

    27,517 7,6 Marr et al., 1993.

    C (caprine)

    27,600 7,0 Marr et al., 1993.

    D 777 228 26,360 7,4 Chang et Bergdoll, 1979. Bayles et Iandolo, 1989.

    E 774 230 26,425 7,0 Couch et al., 1988.

    G 777 233 27,043 5,7 Munson et al., 1998.

    H 726 218 25,210 5,65 Su et Wong, 1995 ; Ren et al., 1994

    I 729 218 24,928 8,37 Munson et al., 1998.

    J 806 245* 28,565* 8,65* Zhang et al., 1998.

    K 729 219 25,539 6,5 Orwin et al., 2001

    L 723** 215* 24,593* 8,66* Fitzgerald et al., 2001

    M 722** 217* 24,842* 6,24* Jarraud et al., 2001

    N*** 720** 227* 26,067* 6,97* Jarraud et al., 2001

    O*** 783** 232* 26,777* 6,55* Jarraud et al., 2001

    P 783 232* 26,608 6,19* Kuroda et al., 2001

    Q 729 216 25,076 6,60 Diep et al., 2006

    R 780 233 27,049 8,76 Omoe et al., 2004

    S 257 26,217 Ono et al., 2008

    T 216 22,614 Ono et al., 2008

    U 783 232 27,192 6,20 Letertre et al., 2003a

    U2 771 227 26,672 7,20 Thomas et al., 2006

    V 720 217 24,997 6,07 Thomas et al., 2006

    * : Masse molculaire et point isolectrique de la partie mature dtermins par les auteurs laide du

    logiciel MWCALC

    ** : longueur de la partie mature dtermine par les auteurs daprs Nielsen et al., 1997

    *** : nommes SEK and SEL dans Jarraud et al. 2001, renommes SEN et SEO respectivement dans

    un note correctrice publie dans J. Immunol. 2001. 166:4260.

  • 24

    Tableau 3 : Rsistance de S. aureus et des entrotoxines au traitement thermique

    Rsistance de S. aureus au traitement thermique Dure (min)

    D * 50,0C (en milieu tampon phosphate 0,1 M) de 9,5 42,2 en fonction des

    souches testes

    D 55,0C (en milieu tampon phosphate 0,1 M) 3

    D 62,8C (en milieu chlorure de sodium) 0,4 1,1

    Rsistance des entrotoxines au traitement thermique Dure (min)

    D 100C (en milieu lait) 70

    D 110C (en milieu lait) 26

    D 120C (en milieu lait) 9,4

    * D (temps de rduction dcimale dun micro-organisme ou dune toxine exprim en minutes) : dure

    ncessaire la temprature T pour dtruire 90% des germes ou des toxines initialement prsents

    1.2.2 Dterminisme gntique et rgulation

    Les gnes spcifiant les ES ont des supports gntiques divers dont la caractristique commune est

    dappartenir un lment gntique mobile (Tableau 4). Ils peuvent tre ports par des plasmides (seb,

    sed, sej, ser, ses, set) (Shalita et al., 1977 ; Bayles et Iandolo, 1989 ; Zhang et al., 1998 ; Omoe et al.,

    2002 ; Ono et al., 2008), par des phages (tempr pour sea ou dfectif pour see) (Betley et Mekalanos,

    1985 ; Coleman et al. 1989 ; Couch et al., 1988), par des lots gnomiques (seb, sec, seg, seh, sei, sek,

    sel, sem, sen, seo, sep et seq). Le gne sec peut galement se trouver sur un plasmide ou un lot de

    pathognicit selon la provenance de lisolat (Fitzgerald et al., 2001). Jarraud et al. (2001) ont mis en

    vidence lexistence dun opron, egc (enterotoxin gene cluster), codant pour plusieurs ES : SEG, SEI,

    SEM, SEN et SEO. Cet egc est galement constitu de deux pseudognes ( ent1 and -2). Ce locus

    joue probablement un rle de rservoir pour les gnes de ES, des phnomnes de duplication et de

    recombinaison partir dun mme gne ancestral peuvent en effet tre lorigine de nouvelles toxines.

    Ceci a t dmontr par lidentification et lanalyse des gnes seu, seu2 et sev (Letertre et al., 2003a ;

    Thomas et al., 2006). La localisation de ces gnes sur des lments gntiques mobiles peut entraner

    un transfert gntique horizontal entre les souches de S. aureus. Par exemple, le gne seb est situ sur

    le chromosome chez certaines isolats cliniques (Shafer et Iandolo, 1978) alors quil a t localis sur un

    plasmide chez dautres souches de S. aureus (Shalita et al., 1977).

  • 25

    Tableau 4 : Support gntique des gnes dentrotoxines staphylococciques

    Gne Localisation gntique Rfrence

    sea Prophage Betley et Mekalanos, 1985 ; Borst et Betley, 1994

    seb chromosome

    plasmide, transposon

    Shafer et Iandolo, 1978

    Shalita et al., 1977; Altboum et al., 1985

    sec1 plasmide Altboum et al., 1985

    secbov Ilot de pathognicit Fitzgerald et al., 2001.

    sed Plasmide (pIB485) Bayles et Iandolo, 1989

    see Phage dfectif Couch et al., 1988

    seg Enterotoxin gene cluster (egc), chromosome Jarraud et al., 2001

    seh lment gntique mobile putatif Noto et Archer, 2006

    sei egc, chromosome Jarraud et al., 2001

    sej Plasmide (pIB485) Zhang et al., 1998

    sek Ilot de pathognicit Orwin et al., 2001

    sel Ilot de pathognicit Fitzgerald et al., 2001.

    sem egc, chromosome Jarraud et al., 2001

    sen egc, chromosome Jarraud et al., 2001

    seo egc, chromosome Jarraud et al., 2001

    sep prophage (Sa3n) Omoe et al., 2005

    seq lot de pathognicit Jarraud et al, 2002

    ser Plasmide (pIB485) Omoe et al., 2003

    ses Plasmide (pIB485) Ono et al, 2008

    set Plasmide (pIB485) Ono et al, 2008

    seu egc, (fusion entre ent1 et ent2), chromosome Letertre et al, 2003a

    seu2 egc, (dltion partielle dans les pseudognes

    ent1 et ent2), chromosome

    Thomas et al., 2006

    sev egc, (recombinaison entre selm et sei),

    chromosome

    Thomas et al., 2006

    Le principal systme rgulateur contrlant lexpression des facteurs de virulence chez S. aureus est le

    systme agr (accessory gene regulator; Kornblum et al., 1990). Ce systme agit en combinaison avec

    le systme sar (staphylococcal accessory regulator; Cheung et al., 1992 ; Novick, 2001). Lexpression

    de certaines ES, mais pas toutes, est contrle par le systme agr. Lexpression des gnes seb, sec et

    sed a t dmontre dpendante du systme agr alors que lexpression de sea et sej est indpendante

    (Tremaine et al., 1993 ; Zhang et al., 1998). Les travaux de Vojtov et al. (2002) ont dmontr que SEB,

    comme TSST-1, est un rgulateur global ngatif de lexpression de gnes dexoprotines et quil agit via

  • 26

    le systme agr. Lexpression dagr est troitement lie au quorum sensing (Novick, 2001). La production

    des ES dpendantes dagr dans les aliments est par consquent dpendante de la capacit de S.

    aureus crotre jusqu une densit cellulaire leve (estime 106 ufc/g) dans les aliments et les

    facteurs environnementaux, trs mal connus, semblent jouer un rle important dans lexpression des

    gnes des ES.

    Afin de comprendre ces mcanismes de rgulation, il convenait alors de sintresser aux facteurs

    externes (temprature, pH, activit de leau, prsence de flore annexe ) rgissant lexpression des

    ARNm et la production de toxines pour les gnes codants pour les ES dpendants ou non du systme

    agr. Ainsi, diffrents auteurs se sont penchs sur diffrents facteurs rgulant lexpression des gnes de

    croissance de S. aureus (Alomar et al., 2008 ; Charlier et al., 2008 ; Bore et al, 2007 ; Anderson et al.,

    2006) mais peu de donnes sont disponibles sur limpact de ces facteurs sur la production

    dentrotoxines. A notre connaissance, seuls Delbes et al. (2006) ont travaill sur limpact pour la

    production dES de ces diffrents facteurs externes. Il en ressort que pour une technologie fromagre

    donne (fromage de type salers pte presse non cuite), le nombre de SCP doit atteindre 105 ufc/g et

    le pH doit tre suprieur 6 en dbut de fabrication pour que des entrotoxines staphylococciques

    puissent tre dtectes.

    1.2.3 Modes daction

    Les ES appartiennent une famille de toxines pyrognes prsentes chez les staphylocoques et les

    streptocoques. Ces toxines pyrognes comprennent les ES, la toxine du syndrome de choc toxique

    (TSST), les exfoliatines A et B et les toxines pyrognes streptococciques. Ces toxines partagent des

    similitudes de structure ( lexception des exfoliatines A et B), fonction et squence. Elles ont aussi une

    parent phylogntique (Balaban et Rasooly, 2000). Jusqu rcemment, les ES ont t mises en

    vidence en tudiant les souches de S. aureus impliques dans des TIAC staphylococciques, et elles

    taient classes en types srologiques distincts. Ainsi, lactivit mtique plus ou moins puissante de

    SEA E et SEH a t clairement dmontre. Plus rcemment, laccroissement des donnes rsultant

    de lanalyse des squences partielles ou compltes a permis lidentification de plusieurs nouveaux

    types de ES (SElJ SElV). Ces nouvelles ES ont dabord t identifies sur la base de similarits de

    squence et de structure avec les ES existantes. Lorsquelles ont t menes, les expriences ont

    dmontr leur activit superantignique in vitro et/ou in vivo mais plus rarement leur activit mtique

    (Tableau 5). Bien que les toxines pyrogniques soient impliques dans diverses pathologies, elles

    possdent des activits biologiques communes: elles sont pyrognes et provoquent une

    immunosuppression et une prolifration non-spcifiques de lymphocytes T. Ces activits dfinissent

  • 27

    lactivit superantignique. A ct de ces caractristiques communes, certaines toxines sont capables

    de causer dautres symptmes. Parmi les superantignes, seules les ES ont une activit mtique. Les

    activits superantigniques et mtiques correspondent deux fonctions spares localises sur deux

    domaines de la protines (Dinges et al., 2000 ; Hovde et al., 1994). Nanmoins, il existe une forte

    corrlation entre ces activits puisque, dans la plupart des cas, des mutations gntiques aboutissant

    une perte dactivit superantignique aboutissent aussi la perte dactivit mtique.

    Tableau 5 : Activits superantignique et mtique des entrotoxines staphylococciques

    Type de toxine Liaison aux chanes et

    du CMH II * Pouvoir mtique **

    SEA + / + +

    SEB + / - +

    SEC1 + / - +

    SEC2 + / - +

    SEC3 + / - +

    SED + / + +

    SEE + / + +

    SEG + / - +

    SEH - / + +

    SEI Non ralis / + +

    SElJ Non ralis / + Non ralis

    SEK Non ralis / + Non ralis

    SElL Non ralis / + -

    SElM Non ralis / + Non ralis

    SElN Non ralis Non ralis

    SElO Non ralis Non ralis

    SElP Non ralis Non ralis

    SElQ Non ralis -

    SER ? +

    SES Non ralis / + +

    SET Non ralis / + +

    SElU Non ralis Non ralis

    SElU2 Non ralis Non ralis

    SElV Non ralis Non ralis

    * : fixation (+) ou non fixation (-) ; ** : activit mtique dmontre (+) ou non dmontre (-)

  • 28

    1.2.3.1 Lactivit superantignique

    Lactivit superantignique rsulte de linteraction directe des ES avec les cellules T rceptrices

    dantigne (TCR pour T-Cell antigen Receptor) et le complexe majeur dhistocompatibilit (CMH) des

    cellules prsentatrices dantigne (CPA). Un antigne normal est prsent au TCR sous la forme de

    peptides lis au CMH de classe I ou II aprs leur digestion et prsentation par les CPA (Figure 5A). Les

    CMH sont des complexes protiques exposs la surface des CPA. Le TCR est un htrodimre

    glycosyl compos de chanes variables V et etCette reconnaissance de lantigne est une

    tape prliminaire dans la rponse immunitaire cellulaire et est une des cls de la spcificit de la

    rponse immunitaire. Seules quelques cellules T peuvent reconnatre un antigne spcifique prsent

    par les CMH dune CPA (Mac Cormick et al., 2001). A lexception de SEH (spcifique des chanes V

    des TCR), les toxines superantigniques interagissent avec de nombreuses cellules T par

    reconnaissance des chanes V spcifiques des TCR. Elles sont capables dassocier les TCR et le

    CMH de classe II des CPA, causant ainsi lactivation non spcifique des cellules T (Figure 5B). Il

    semble quune interaction entre les ES et le CMH soit dabord requise pour la liaison la chane V des

    CPA. Cette liaison entrane lactivation non-spcifique et la prolifration des cellules T ainsi quune

    scrtion massive dinterleukines qui semble tre implique dans le mcanisme de la toxicit des ES. A

    travers cette interaction, le nombre des cellules T actives est plusieurs milliers de fois suprieur au

    nombre des cellules T actives par un antigne dit classique do la dnomination de superantigne.

    Cette activation massive cause le syndrome de choc toxique, pouvant tre fatal, du la TSST-1 (Mac

    Cormick et al., 2001). De nombreuses tudes gntiques et cristallographiques ont permis de

    caractriser les domaines des ES impliqus dans ces interactions. SEB a t particulirement tudie

    pour son activit superantignique puissante. Suite aux tudes de stabilit et de capacit de dispersion

    par arosol entreprises aux Etats-Unis lors du programme militaire biologique achev en 1969, le

    srotype B a t class par le CDC (Center of Disease Control, Atlanta) comme agent incapacitant

    utilisable dans un cadre bioterroriste. Les souches productrices de SEB sont de ce fait considres

    comme des armes microbiologiques puissantes des fins militaires ou terroristes (Greenfield et al.,

    2002). En France, depuis 2001, la dtention, la mise en oeuvre et la cession de cette toxine sont

    soumises rglementation et autorisation auprs de lAFSSAPS (Agence Franaise de Scurit

    Sanitaire des Produits de Sant).

    Outre son implication dans des pathologies graves, lactivit superantignique est largement

    (nombreuses ES testes) et finement (aspects mcanistiques et quantitatifs) caractrise car il est

    possible de ltudier in vitro, sur des suspensions de lymphocytes T.

  • 29

    Figure 5 : Activation spcifique et non-spcifique des lymphocytes T daprs Balaban et Rasooly (2000)

    A. Activation des lymphocytes T par un antigne conventionnel. Aprs avoir t digr par la

    cellule prsentatrice dantigne, le peptide antignique (Ag) est prsent dans le complexe

    majeur dhistocompatibilit (CMH) de Classe II. Ce complexe attire les lymphocytes T portant

    des rcepteurs lymphocyte T (TCR) ayant une chane variable V spcifique de lAg

    prsent.

    B. Activation non spcifique de lymphocytes T par le superantigne. Le superantigne se lie

    directement lextrieur du CMH de classe II et le relie la chane V (dans la majorit des

    cas). Cet vnement initie lactivation non-spcifique des lymphocytes T.

    1.2.3.2 Lactivit mtique

    Lactivit mtique des ES nest pas aussi bien caractrise que lactivit superantignique. Lactivit

    entrotoxine au sens strict repose uniquement sur la capacit des ES provoquer une rponse

    mtique lorsquelles sont administres oralement alors que les autres superantignes ne sont pas

    mtiques (Dinges et al., 2000). Le mode daction des ES pour causer les TIAC est peu document.

    Ceci rend de fait difficile tout dveloppement de mesure protectrice et de mdicaments antitoxines

    dautant plus que lapparition des symptmes est gnralement trs rapide. Labsence de modle

    animal capable de reproduire les manifestations cliniques de la toxi-infection staphylococcique est

    probablement lun des facteurs limitant les avances. Les modles animaux classiques comme la

    souris, le rat ou le lapin ne prsentent en effet aucun reflex mtique en rponse lingestion de ES.

    Dautres modles animaux, comme le chien, sont quant eux trop sensibles pour que leur utilisation

    soit pertinente. Chez le chaton, ladministration intraveineuse de SEB (Bergdoll, 1988) peut induire le

    Antigen presenting cell

    MHC

    ClassII

    TCR

    Ag

    chain chain

    T cell

    V SA

    A B

  • 30

    reflex mtique mais curieusement, une ingestion intragastrique ne le fait pas (Sugiyama et al., 1966).

    Ce modle animal a ainsi t cart compte tenu du peu de spcificit de la rponse mtique

    provoque par ladministration dES. Il serait plus appropri dutiliser des singes (rhsus ou

    cynopithque) qui prsentent les symptmes mtiques reproduisant ceux de lHomme aprs

    administration orale, gastrique, intraveineuse ou pritonale (Sugiyama et al., 1961 ; Sugiyama et

    Hayama, 1964). Naturellement, ces tudes sur les primates sont trs restreintes pour des raisons de

    cot et dthique. Dautres tudes ont montr quune dose de 30 g de SEH provoquait des effets

    mtiques lors dadministration orale chez le singe (Su et Wong, 1995).

    Bien que beaucoup de donnes soient disponibles sur les relations structure-fonction en jeu dans

    lactivit superantignique, lactivit mtique nest, quant elle, pas prcisment localise. Lune des

    caractristiques communes toutes les ES est la prsence dun pont disulfure, suppos important pour

    lactivit mtique daprs des tudes de mutagense dirige (Dinges et al., 2000 ; Hovde et al., 1994).

    Cependant, SEI na pas de pont disulfure et est cependant doue, la fois, dactivit superantignique

    et mtique. Lactivit mtique de SEI tant nanmoins significativement moins forte que celle des

    autres ES (Munson et al., 1998), la question du rle du pont disulfure reste en suspens.

    De plus, lanalyse des squences de deux autres ES, SElK et SElL, a rvl labsence de pont disulfure

    (Orwin et al., 2001 ; Fitzgerald et al., 2001). Lactivit mtique de SElK na pas encore t teste.

    SElL, quant elle, ne possde pas dactivit mtique (Orwin et al., 2003).

    Certaines tudes suggrent que les ES agissent directement sur lpithlium intestinal et sur le nerf

    vague provoquant une stimulation des centres mtiques et du transit intestinal (Arbuthnott et al., 1990 ;

    Bergdoll, 1983). Afin dtudier le pouvoir mtique de certaines entrotoxines, plusieurs auteurs (Hu et

    al., 1999 ; 2003 ; 2007 ; Wright et al., 2000 ; Ono et al., 2008) se sont penches sur les mcanismes

    daction dclenchant les vomissements. Plusieurs modles animaux (singe cynomologus, furet et

    musaraigne) ont t utiliss pour raliser les exprimentations par injections intrapritonales et/ou par

    ingestion orale dentrotoxine staphylococcique de type SEA. Hu et al. (2007) ont ainsi pu dmontrer

    que la SEA induisait la libration de srotonine (5-hydroxytryptamine 5-HT) dans lintestin suite une

    injection intrapritonale. La srotonine se fixe alors sur les rcepteurs de type 5-HT3 prsents sur le

    nerf vague conduisant une activation des centres mtiques. Lors dexprimentations de dnervation,

    ces auteurs ont dmontr que la SEA ninduisait plus de vomissement. Enfin, lutilisation danalogue de

    la 5-HT comme les carbanoles de type 1 inhibe la rponse mtique.

  • 31

    1.3 Autres facteurs de virulence de Staphylococcus aureus

    S. aureus est responsable dune grande varit dinfections. Pour coloniser et infecter son hte, S.

    aureus a dvelopp, en plus des entrotoxines staphylococciques, de nombreux facteurs de virulence

    lui permettant de rsister aux systmes de dfense. Ces facteurs de virulence (protines de surface,

    exotoxines et enzymes extra-cellulaires) sont impliqus dans les diffrentes tapes ncessaires

    linfection par le staphylocoque (colonisation par adhsion, invasion par chappement aux dfenses de

    lhte, infection par pntration et diffusion dans les tissus) dans lobjectif dinhiber chacune de ces

    tapes la rponse immunitaire de lhte. Lexpression de ces diffrents facteurs est temporellement

    rgule au cours de la croissance bactrienne in vitro et au cours de linfection (Wright et al., 2003).

    Cette rgulation est sous la dpendance de nombreux systmes de rgulation dont le rgulateur global

    dnomm Agr accessory gene regulator dj mentionn pour les ES. Leffecteur de ce systme est

    un ARN nomm ARNIII. Cet ARN rgulateur rprime lexpression des facteurs dadhsion et des

    protines associes la paroi en phase exponentielle de croissance et contrle positivement

    lexpression des exoprotines en phase post-exponentielle de croissance (exoenzymes et toxines). La

    pathognie de S. aureus implique principalement trois classes de facteurs de virulence : les protines

    scrtes (superantignes, cytotoxines, enzymes extra-cellulaires), les protines de surface prsentes

    page suivante, qui sont des protines fixant le fibrinogne, la fibronectine, le collagne, dautres

    adhsines, et les composants de la paroi (capsule, composants du peptidoglycane). Ces facteurs de

    virulence sont, soit cods par le chromosome et prsents chez presque toutes les souches, soit cods

    par des lments gntiques mobiles comme les transposons, les plasmides ou les phages. Les

    principaux facteurs sont prsents figure 6.

    Figure 6 : Facteurs de virulence de S. aureus

  • 32

    Ladhsion est la premire tape de linfection staphylococcique. Cette tape de liaison entre les

    composs bactriens de surface et les composs membranaires des cellules htes empche

    llimination de S. aureus par les phnomnes mcaniques. Cette tape fait intervenir les protines de

    surface appartenant au groupe des MSCRAMM (microbial surface component recognizing adhesine

    matrix molecules), des SERAM (secretable expanded repertoire adhesive molecules) et la coagulase.

    La survie de S. aureus lors dune linfection est intimement lie sa capacit de leurrer le systme

    immunitaire de lhte infect. Ainsi, S. aureus a dvelopp de nombreuses stratgies de dfense grce

    la composition de sa paroi (peptidoglycane, protine A), la synthse denzyme extracellulaires

    (lipases, protase V8, staphylokinase) et la libration de toxines (leucocidines, toxines activit

    superantignique dcrites prcdemment).

    Enfin, afin dassurer sa diffusion et sa propagation au sein des tissus de lhte infect, S. aureus sest

    dot de nombreux facteurs de virulence. Parmi ceux ci, sont retrouves des enzymes (hyaluronidase,

    hyaluronate lyase, phospholipase C), des toxines formant des pores (toxines , et ) et des toxines

    dsorganisant les jonctions intercellulaires (exfoliatines ETA, ETB, ETC et ETD).

    Il est important de noter que ces facteurs nont pas de rle avr dans le dclenchement des toxi-

    infections alimentaires staphylocoques.

    2. Toxi-infections alimentaires collectives staphylocoques coagulase positive

    2.1 Dfinition

    Une toxi-infection alimentaire collective (TIAC) est dfinie par lincidence de deux cas ou plus, dune

    maladie similaire, symptomatologie gastro-intestinale le plus souvent, dont la cause peut tre

    rapporte une mme origine alimentaire (Delmas et al., 2006).

    Les TIAC staphylocoques sont dues lingestion dentrotoxines staphylococciques, toxines

    protiques prformes dans les aliments par des souches entrotoxinognes de staphylocoques

    coagulase positive. Lespce incrimine est principalement S. aureus. Laliment ne devient toxique que

    si des conditions favorables une multiplication bactrienne importante et la toxinognse se trouvent

    runies.

  • 33

    Ainsi le diagnostic dune TIAC staphylocoques se trouve confirm lorsquau moins un des paramtres

    noncs ci-dessous est vrifi :

    - dnombrement de S. aureus dans laliment suspect suprieur 105 units formant colonie (ufc)/g,

    - dtection des entrotoxines staphylococciques dans la matrice alimentaire

    - isolement partir des fcs des malades et de la matrice alimentaire dune souche de S. aureus de

    mme lysotype (Bryan et al., 1997).

    2.2 Historique

    En Belgique en 1894, J. Denys rapporte que la consommation dune viande partiellement cuite de

    vache malade a t responsable dune toxi infection alimentaire familiale o un dcs est survenu.

    Aux Philippines, Barber (1914) a dcrit un pisode toxique d aux staphylocoques. Il a dcouvert que

    lingestion de lait provenant dune vache atteinte de mammite pouvait provoquer lapparition dune

    symptomatologie de type gastro-intestinal lorsque celui ci tait laiss temprature ambiante et que

    ceci tait d la prsence dune substance toxique produite par des staphylocoques dans le lait.

    Baerthlein rapporte en 1922 un pisode toxique survenu au printemps 1918 lors du sige de Verdun.

    Bien que cet pisode toxique ait t en premier lieu attribu la prsence de bacilles de lespce

    Proteus vulgaris, il semblerait quaprs analyse bactriologique mettant en vidence des microcoques

    et description des symptmes, cet pisode soit du des entrotoxines staphylococciques.

    Je vais [vous] rapporter le cas d'une manifestation tendue d'empoisonnement de saucisses

    (approximativement 2000 cas) qui a eu lieu au printemps de 1918 pendant le sige de Verdun et qui

    aurait probablement pu avoir des consquences militaires catastrophiques. Aux premiers jours de juin

    1918 des soudaines et massives manifestations ayant l'aspect dune gastro-entrite aigu qui, dans

    quelques cas graves, ont fait croire du cholra, ont touch la troupe entourant Verdun; les

    compagnies entires taient handicapes except juste quelques personnes, et, dans les deux jours

    environ 2000 hommes avaient t attaqus. Les symptmes taient si graves quune partie des troupes

    (plus de 200 personnes malades) a d tre transfre dans les hpitaux de campagne. Le soupon de

    l'intoxication alimentaire a t voque car, selon les rapports des personnes malades, la maladie est

    survenue en 2 ou 3 heures (avec une plus petite partie entre 6 et 8 heures) aprs l'ingestion d'un plat de

    saucisses. Seules les personnes parmi les troupes n'ayant pas participes au repas ont t pargnes :

    [ savoir] soldats de la compagnie qui ont du retourner aux siges sociaux pour recevoir des

    commandes ; soldats qui pour d'autres raisons n'avaient pas mang les saucisses, soldats qui taient

    en permission et/ou ayant eu un rgime diffrent. Cependant, il tait surprenant que parmi les troupes

  • 34

    non prsentes sur le front, cest dire les bouchers, qui avaient mang des mmes saucisses deux

    jours plus tt, on n'ait observ aucun cas de maladie .

    Plus tard, Dack et al. (1930) ont mis en vidence que lingestion dun gteau avait provoqu une

    symptomatologie de type gastro-intestinal chez onze personnes. Ces auteurs ont associ lpisode

    toxique avec la prsence dune exotoxine produite par une souche de staphylocoque dor caractre

    hmolytique. Afin de confirmer leur hypothse, ils ont produit des surnageants de culture de cette

    souche quils ont ensuite administrs par voie intraveineuse un lapin et par voie orale trois

    volontaires humains. Le lapin a prsent une diarrhe aqueuse ltale, tandis que les trois volontaires

    humains ont prouv, trois heures aprs ingestion, des nauses, des frissons et des vomissements. Il

    ressortait donc de ces premires descriptions, une maladie symptomatologie dapparition rapide.

    Bien que la priode dincubation et la svrit des symptmes observs dpendent de la concentration

    dentrotoxines ingres et de la sensibilit de chaque individu (Harvey et Gilmour, 2000), les premiers

    symptmes, nauses suivies de vomissement caractristiques incoercibles, apparaissent dans les 30

    minutes huit heures (trois heures en moyenne) aprs ingestion de laliment contamin.

    Parmi les autres symptmes frquemment dcrits lors dpisodes toxiques staphylocoques, il est fait

    mention de douleurs abdominales, de diarrhes, vertiges et faiblesse gnrale parfois accompagne

    dune fivre modre. Lors des cas les plus svres, des maux de tte, une prostration et une

    hypotension ont t rapports. Dans la majorit des cas, les symptmes rgressent spontanment sans

    avoir recours un traitement spcifique dans les 18 24 heures, les diarrhes et la faiblesse gnrale

    ressentie pouvant durer 24 heures de plus (Bergdoll, 1979).

    Bien que la symptomatologie associe soit bnigne, une hospitalisation peut savrer ncessaire pour

    les cas les plus graves. La dshydratation brutale due aux vomissements et aux diarrhes peut

    provoquer un tat de choc. La mortalit reste exceptionnelle, touchant les individus les plus sensibles

    la dshydratation (nourrissons et personnes ges) et les personnes atteintes dune pathologie sous-

    jacente.

  • 35

    2.3 Dclaration des pisodes toxiques

    En France (Figure 7), les TIAC figurent sur la liste des trente maladies dclaration obligatoire (DO)

    auprs des inspecteurs de sant publique vtrinaire (DDSV) ou des inspecteurs de sant publique des

    services daffaires sanitaires et sociales (DDASS). Cette dclaration permet ainsi de diligenter une

    enqute pidmiologique afin didentifier le (ou les) aliment(s) responsable(s) et de prendre des

    mesures correctives (modifications de prparations, rduction de la contamination des matires

    premires) afin que lincident ne se reproduise pas.

    Les foyers peuvent tre classs en trois catgories :

    - confirms : lorsque lagent est isol dans un prlvement clinique (sang/selles) ou dans des

    restes alimentaires ;

    - suspects : lorsque lagent pathogne na pas t mis en vidence ; il est alors suspect

    laide dun algorithme dorientation tiologique prenant en compte les signes cliniques, la dure

    mdiane dincubation et le type daliments consomms ;

    - dtiologie inconnue lorsque lagent pathogne na t ni confirm ni suspect laide de

    lalgorithme.

    Au niveau europen, le systme de communication sur les foyers de toxi-infection alimentaire est fond

    sur la directive 2003/99/CE relative la surveillance des zoonoses et des agents zoonotiques

    (Anonyme, 2003d). La dclaration des TIAC ntant obligatoire que depuis 2005, avant cette priode,

    elle ne seffectuait que sur la base du volontariat ou au travers du systme dalerte rapide mise en place

    par la Commission Europenne pour avertir les diffrents Etats Membres des contaminants rencontrs

    dans les aliments en libre circulation. Le systme de dclaration repose sur une interface informatique

    o chaque rapporteur national entre dans une base de donnes les informations relatives aux pisodes

    toxiques. Les donnes recueillies sont ensuite conserves par lAutorit europenne de scurit des

    aliments (AESA) puis analyses par le centre de collaborations sur les zoonoses qui prpare un compte

    rendu analytique. Ce compte rendu est ensuite valid par les Etats Membres puis publi sous forme de

    rapport annuel par lAESA (Figure 8).

  • 36

    Figure 7 : Systme de dclaration des toxi-infections alimentaires collectives au niveau franais

    * : ou chef de famille

    Figure 8 : Systme de dclaration des toxi-infections alimentaires collectives au niveau europen

    Rapport annuel

    Ministre de lAgriculture

    Laboratoires Mdecins Patients

    Dclaration

    Responsables des tablissements *

    Ministre de la Sant Investigation

    Services vtrinaires Surveillance et prlvement

    LNR Institut national de Veille

    Sanitaire (InVS)

    Envoi des chantillons et des souches de SCP

    associes

    Dclaration obligatoire

    Enqute pidmiologique

    Dclaration + Investigations sur les denres

    alimentaires

    Enqute pidmiologique

    Analyses denres alimentaires

    Etats membres de lUnion Europenne

    Surveillance animale et des denres alimentaires

    Toxi-infections alimentaires Dclaration des zoonoses

  • 37

    2.4 Incidence

    Bien que les TIAC soient des maladies dclaration obligatoire, lincidence relle des TIAC

    staphylocoques reste difficile valuer avec prcision. En effet, la maladie tant dapparition rapide

    avec rtablissement en un deux jours, la consultation mdicale (et a fortiori la dclaration) ne

    simpose pas dans la majorit des cas. Ainsi, il est supposer quun grand nombre de foyers familiaux

    ne sont pas dclars aux autorits sanitaires. Cependant, de nombreux auteurs considrent que les

    TIAC staphylocoques sont une des causes majeures de maladies dorigine alimentaire au niveau

    mondial (Balaban et Rasooly, 2000 ; Bergdoll, 1979; Jablonski et Bohach, 2001 ; Mead et al., 1999;

    Minor et Marth, 1971 ; Mossel et al., 1995 ; Omoe et al., 2002 ; Shimizu et al., 2000).

    2.4.1 En France

    LInstitut de Veille Sanitaire (InVS) recense tous les ans le nombre de foyers de TIAC dclars. Sur la

    priode 1996-2006 (Figure 9), 6755 foyers de TIAC ont t dclars dont 1281 (19,0 %) pour lesquels

    S. aureus aurait jou un rle (Delmas et al., 2006 ; Jourdan Da Silva et Vaillant, 2008). Ainsi les

    staphylocoques reprsentaient, sur cette priode, la deuxime cause de TIAC en France derrire les

    salmonelles. Ces donnes montrent galement que les staphylocoques reprsentent la premire cause

    de TIAC impliquant le lait et les produits laitiers : en effet, S. aureus a t responsable de 205 (69,7 %)

    des 294 foyers impliquant cette catgorie daliments. Sur les 1271 foyers rapports, S. aureus a t

    lagent confirm dans 411 foyers correspondant 6051 cas, 1245 hospitalisations et 3 dcs et il a t

    suspect dans 870 foyers correspondant 9807 cas et 898 hospitalisations et 1 dcs.

    De mme sur la priode 1996-2007, 7850 foyers de TIAC ont t dclars dont 1458 (18,6 %) pour

    lesquels S. aureus aurait jou un rle. Ainsi, comme sur la priode 1996-2006, S. aureus reprsente la

    deuxime cause de TIAC en France derrire les salmonelles.

    Pour lanne 2006, lInVS a rapport que S. aureus aurait jou un rle dans 18,8 % des foyers. Ce

    pathogne a t confirm dans 45 foyers ( 301 cas, 63 hospitalisations, 1 dcs) et suspect dans 126

    foyers (881 cas, 86 hospitalisations, 1 dcs). Ainsi, S. aureus occupait le premier rang des agents

    bactriens responsables de TIAC pour son implication en nombre de foyers. Pour lanne 2007, lInVS a

    rapport que S. aureus aurait jou un rle dans 16,2 % des foyers. Ce pathogne a t confirm dans

    40 foyers (396 cas, 80 hospitalisations, 2 dcs) et suspect dans 137 foyers (1408 cas, 86

    hospitalisations). Ainsi, comme en 2006, S. aureus occupe le premier rang des agents bactriens

    responsables de TIAC pour son implication en nombre de foyers. Sur les 177 foyers dclars en 2007,

    65 % des TIAC staphylococciques sont survenues en restauration collective et 30,5 % sont survenues

  • 38

    en foyers familiaux. Les TIAC survenues en restauration collective ont t lorigine de 63,3 % des

    malades. Cette diffrence de pourcentages montre une prdominance de la restauration collective dans

    le nombre de foyers et par voie de consquence dans le nombre de personnes malades. Cette ingalit

    peut en partie sexpliquer par une trs bonne dclaration des cas survenus en restauration collective.

    Ceci est dautant plus vrai quavec un temps dincubation trs court, les personnes sont souvent encore

    ensemble lors de lapparition des premiers symptmes. Au contraire, le nombre de foyers familiaux doit

    tre sous estim : en effet, avec une symptomatologie trs impressionnante mais avec une rcupration

    rapide dans la majorit des cas, le recours la consultation dun mdecin ou une hospitalisation est

    faible.

    Figure 9 : Nombres de foyers de toxi-infections alimentaires collectives S. aureus, priode 1996-2007, France daprs Jourdan Da Silva et Vaillant (2008)

    2.4.2 En Europe

    Les donnes prsentes ci-dessous sont extraites des rapports de lAutorit europenne de scurit

    des aliments (AESA) (Anonyme, 2006c ; 2007b) et regroupent les cas de TIAC dclares par les

    diffrents Etats Membres en 2005 (premire anne o la dclaration de ces pisodes tait obligatoire et

    harmonise) et en 2006. Les donnes pour lanne 2007 prsentes ci-dessous nont pas t valides.

    Elles proviennent dune communication faite par P.A. Beloiel (AESA) lors de la runion annuelle des

    Laboratoires Nationaux de Rfrence qui sest tenue en juin 2008 Maisons-Alfort.

    En 2005, 23 Etats Membres ont rapport 5311 foyers touchant 47251 personnes. Ces foyers ont

    provoqu 5330 hospitalisations et 24 dcs ont t recenss. Il est noter que le nombre de foyers

    dclars a diminu de 22 % par rapport 2004. Comme en 2004, lagent pathogne le plus souvent

  • 39

    incrimin en 2005 a t Salmonella spp. avec 63,6 % des foyers. Le second pathogne le plus souvent

    incrimin a t Campylobacter avec 9,2 % des foyers. Viennent ensuite les virus (6 %) puis les

    entrotoxines de staphylocoques (3,1 % des foyers).

    Les 164 foyers dus des entrotoxines staphylococciques ont t responsables de 1692 cas dont 21,5

    % ont ncessit une hospitalisation. Les aliments responsables ont t le plus souvent des produits

    carns mais limplication dautres catgories alimentaires telles que les fruits, les lgumes, les produits

    laitiers, les produits de la mer et les ovoproduits a t galement rapporte.

    En 2006, 22 Etats Membres ont rapport 5710 foyers touchant 53568 personnes. Ces foyers ont

    provoqu 5525 hospitalisations et 50 dcs ont t recenss. Le nombre total dpisodes toxiques a

    donc augment de prs de 7 % par rapport lanne 2005. Comme en 2005, lagent pathogne le plus

    souvent incrimin en 2006 a t Salmonella spp. avec 59,3 % des foyers. Les seconds pathognes les

    plus souvent incrimins ont t les virus avec 10,2 % des foyers. Viennent ensuite les Campylobacter

    spp. (6,9 %) puis les entrotoxines de staphylocoques (4,1 % des foyers). Les 243 foyers dus des

    entrotoxines staphylococciques ont t responsables de 2369 cas dont 16,0 % ont ncessit une

    hospitalisation et de deux dcs. Dans 125 foyers sur les 243 rapports (51,4 %) les aliments

    responsables nont pas t identifis. Les produits laitiers, produits carns et volailles ont t

    responsables de 26 (10,7 %), 19 (7,8 %) et 16 foyers (6,6 %) respectivement.

    Pour lanne 2007, seuls 10 Etats Membres (correspondant huit sries de donnes exploitables) ont

    notifi des informations relatives la contamination des denres alimentaires par S. aureus et ses

    entrotoxines dans un cadre de contrles officiels au regard des rglements 2073/2005/CE (Anonyme,

    2005a) et 1441/2007/CE (Anonyme, 2007c). Sur les 1528 chantillons analyss, 24 (soit 1,6 %) se sont

    rvls positifs en entrotoxines staphylococciques. Dans 19 cas il sagissait de fromages, dans 3 cas

    de produits laitiers, dans un cas dun lait et dans le dernier cas dun plat cuisin. Ce dernier cas, bien

    document, correspondait un pisode toxique ayant touch 15 personnes (adultes et enfants) et

    impliquant des hamburgers.

    2.4.3 Aux Etats Unis

    Aux Etats Unis, certains auteurs (Mead et al., 1999) estiment que les pisodes toxiques dus S. aureus

    seraient responsables denviron 185000 cas correspondant 1750 hospitalisations et deux dcs par

    an. Cependant, sur la priode 1993-1997, le Center for Disease Control (Anonyme, 2000) a rapport

    que S. aureus navait t impliqu que dans 42 foyers de TIAC correspondant 1413 cas mais avait

    caus deux dcs. Enfin, sur la priode 1998-2002, 6647 foyers de maladies dorigine alimentaire ont

    t notifis (Anonyme, 2006d). Ces pisodes ont t responsables de 128370 cas. Pour 33 % des

  • 40

    foyers dont ltiologie a pu tre dtermine 55% taient dus des bactries. S. aureus tait

    responsable de 1,5 % de ces foyers dorigine bactrienne confirme, avait atteint 2766 cas et caus

    deux dcs.

    2.4.4 Au Japon

    Entre 1980 et 1999, un total de 2525 pisodes toxiques staphylocoques induisant 59964 cas ont t

    rapports au Japon (Shimizu et al., 2000).

    Au dbut des annes 1980, le nombre de cas annuels taient compris entre 3000 et 5000 par an pour

    ensuite chuter moins de 1000 cas au dbut des annes 1990 (Anonyme, 2001).

    Entre 1987 et 1996, 32 foyers correspondant 2846 cas ont t dclars impliquant essentiellement

    des repas pris dans des coles (Michino et Otsuki, 2000).

    Enfin, un pisode toxique de grande ampleur a t rapport durant lt 2000 dans la province dOsaka

    au Japon. Ce dernier, incriminant des laits crms liquides et en poudre a t responsable de plus de

    13000 cas (Asao et al., 2003 ; Ikeda et al., 2005).

    Au matin du 27 juin 2000, lentreprise ayant commercialis les produits suspects reut son premier

    rapport dincident par lintermdiaire dun consommateur dont les enfants avaient t malades aprs

    avoir bu du lait crm lors du dner de la veille. Paralllement les services de la mairie dOsaka

    reurent en provenance des centres hospitaliers des rapports mentionnant un pisode toxique pouvant

    tre reli la consommation de lait. Forts de leur prcdente exprience de 1996 relative un pisode

    toxique caus par E. coli O-157, ils procdrent linspection de lusine dOsaka ds laprs midi du 28

    juin. Lentreprise suspecte dcida de ne pas procder immdiatement un rappel de lot. Ainsi ce sont

    plus de 13000 cas qui furent dclars aprs consommation de briques de lait crm de 1 L et 500 mL

    ou de lait en poudre. Toutes les tranches dge de la population furent touches (personnes ges de

    10 mois 94 ans).

    Lenqute pidmiologique a permis de faire ressortir les caractristiques de cet pisode toxique :

    - Le produit incrimin tait du lait en poudre ajout du lait liquide,

    - aucun staphylocoque na t isol des produits incrimins,

    - des entrotoxines staphylococciques de type SEA (Asao et al., 2003) ont t dtectes des

    teneurs comprises entre 2,8 18,8 ng/g dans les briques de lait crm et de 4 ng /g dans la

    poudre de lait crm,

    - Ikeda et al (2005) ont plus tard mis en vidence la prsence dentrotoxines de type SEH des

    teneurs comparables la toxine de type SEA

  • 41

    - une des valves de tank de lait navait pas t suffisamment nettoye engendrant ainsi une

    contamination importante en staphylocoques

    - une coupure lectrique a eu lieu au cours du procd de transformation du lait liquide en lait en

    poudre. Ainsi les staphylocoques se sont dvelopps et ont excrt des entrotoxines

    staphylococciques. Lors de la remise du courant, la monte en temprature a dtruit les

    staphylocoques mais na pu inactiver les entrotoxines formes.

    En plus de limpact sur la sant publique, les consquences conomiques de cet pisode ont t

    importantes :

    - Lusine incrimine a ferm pendant 15 jours,

    - une baisse des ventes de lait de plus de 76 % a t observe le mois suivant,

    - les pertes ont t estimes 6 M auxquelles se sont ajoutes lindemnisation des victimes

    (soit 110 /j, remboursement frais mdicaux, perte de revenu).

    - enfin, cinq centrales de production ont t fermes ce qui a conduit au licenciement de 1700

    personnes sur les 7000 que comptait la socit.

    2.5 Conditions requises pour dclencher une TIAC staphylocoques

    Cinq conditions sont requises pour que survienne une TIAC staphylocoques :

    - une source de staphylocoques producteurs dentrotoxines,

    - un moyen de transmission laliment (matire premire contamine, outil de dcoupe mal

    nettoy),

    - un aliment favorable,

    - des conditions environnementales appropries pendant le temps ncessaire une

    multiplication bactrienne importante et la toxinognse,

    - une ingestion de toxines en quantit suffisante pour dclencher la maladie.

    2.5.1 Source de staphylocoques producteurs dentrotoxines

    La frquence de production d'entrotoxines dites classiques A E par les souches de S. aureus est trs

    variable en fonction des tudes publies, de l'origine, alimentaire ou non, des souches testes, et de

    leur origine gographique. Il apparat que cette frquence varie en ralit en fonction du biotype des

    souches lorsque celui-ci est recherch. D'aprs diffrentes enqutes, le pourcentage de souches

    productrices des entrotoxines A E varie de 30 60 % pour les souches d'origine humaine, de 60

  • 42

    80 % pour les souches d'origine ovine ou caprine et de 0 15 % pour les souches d'origine bovine et

    aviaires (Bergdoll, 1991 ; Genigeorgis, 1989 ; Rosec et al., 1997).

    Une tude effectue en France (Rosec et al., 1997) sur diverses catgories d'aliments a montr que

    30,5 % des 213 souches testes produisaient une des 5 entrotoxines recherches (A E) avec des

    variations importantes en fonction de l'aliment dorigine des souches : 12,5 % pour les souches isoles

    de fromages au lait cru de vache, 31,5 % pour les souches isoles de plats cuisins, 62,5 % pour les

    souches isoles de fromage au lait cru de chvre et de brebis et 64 % pour les souches isoles de

    ptisseries. Dans cette tude, prs de 60 % des souches isoles d'aliments et appartenant au biotype

    humain (donc susceptibles d'avoir une origine humaine) taient entrotoxinognes. On retrouve bien un

    pourcentage de souches productrices dentrotoxines variable en fonction du biotype dominant associ

    chacune de ces catgories daliment, savoir le biotype humain dans les produits cuits manipuls

    (plats cuisins et ptisseries) et les biotypes bovin ou ovin dans les fromages au lait cru de vache ou de

    brebis (De Buyser et Sutra, 2005).

    De 70 95 % des souches de S. aureus isoles d'aliments responsables de TIAC sont

    entrotoxinognes. La prdominance de lentrotoxine A est observe dans de nombreux pays.

    Lentrotoxine E nest pratiquement jamais dtecte (Mac Lauchlin et al., 2000 ; Shimizu et al., 2000).

    L'absence de production d'entrotoxines par une minorit de souches suspectes dtre lorigine de

    TIAC pourrait tre due au fait que ces souches produisent des quantits d'entrotoxines trop faibles

    pour tre dtectables dans les conditions d'essai utilises, ou quelles produisent des entrotoxines non

    reconnues par les anticorps utiliss comme outils de dtection dans les mthodes danalyse par

    immunochimie.

    Quen est-il des nouvelles entrotoxines, dcrites postrieurement aux entrotoxines classiques

    SEA SEE et non dtectables par les mthodes commerciales actuellement disponibles ?