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PAPE FRANÇOIS Notre Père La prière du

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« Dieu te cherche, même si tu ne le cherches pas. Dieu t’aime, même si tu l’as oublié. Dieu voit en toi la beauté, même si tu penses avoir gaspillé inutilement tous tes talents. Dieu n’est pas seulement un père, il est comme une mère qui ne cesse jamais d’aimer sa créature. […] Pour un chrétien, prier, c’est simplement dire “Abba”, “Papa”, “petit Papa” ; dire “Père” avec la confiance d’un enfant. »

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FRANÇOIS

5,90 €ISBN : 978-2-35389-749-0

PAPE FRANÇOIS

NotrePère

La prière du

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Traduction texte : © Libreria Editrice VaticanaTextes bibliques : © AELF

Conception couverture : © Christophe RogerPhoto couverture : © Drop of Light / Shutterstock.com

Composition : Soft Office (38)

© Éditions Emmanuel, 201989, bd Auguste-Blanqui – 75013 Pariswww.editions-emmanuel.com

ISBN : 978-2-35389-749-0Dépôt légal : 2e trimestre 2019

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Préface de l’éditeur

Ce livre rassemble les catéchèses données par le pape François en 2018 et 2019 sur la prière du Notre Père. Avec son style si direct et savoureux, il nous introduit au cœur de cette prière, la prière du Christ, qui est aussi la prière des enfants de Dieu et la matrice de toute prière authentiquement chrétienne.

La Bonne Nouvelle du christianisme, c’est que, en Jésus, nous pouvons nous adresser à Dieu en lui disant : « Père. » Dieu est Père. Cette affirmation toute simple, à laquelle nous sommes peut-être habitués, est d’une audace et d’une fécondité inépuisables. C’est précisément cela que le pape a souhaité explorer dans ces catéchèses, pour nous donner l’assurance que Dieu est notre Père, un Père qui nous connaît et nous aime infiniment,

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et à qui nous pouvons nous abandonner en toute confiance. Ainsi, nous découvrons au fil des pages combien le Notre Père est une prière de confiance filiale, de louange, de demande, mais aussi d’unité, de réconciliation, de soutien dans les épreuves et de lutte contre le mal.

Dans ces enseignements, le pape François se révèle enfin homme de prière. Profondément habité par le mystère de la paternité de Dieu, il nous partage avec simplicité et pédagogie le cœur de son expérience spirituelle et de sa relation à Sainte Trinité. Et il nous invite à prier (et à laisser l’Esprit prier en nous) avec joie et en toutes circonstances.

Nous vous souhaitons une très bonne lecture.

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« Seigneur, apprends-nous à prier1 »

Nous commençons ici un cycle de catéchèses sur le Notre Père. Les Évangiles nous ont rapporté des portraits très vivants de Jésus comme homme de prière : Jésus priait. Malgré l’urgence de sa mission et toutes les personnes qui le réclament avec insistance, Jésus ressent le besoin de se retirer dans la solitude et de prier. L’Évangile de Marc nous raconte ce détail dès la première page du ministère public de Jésus (cf. 1, 35). La journée inaugurale de Jésus à Capharnaüm s’était conclue de manière triomphale. Le jour tombé, des foules de malades arrivent à la porte où Jésus demeure :

1. Les titres des chapitres ont été ajoutés par l’éditeur.

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La prière du Notre Père

le Messie prêche et guérit. Les antiques prophé-ties et les attentes de beaucoup de personnes qui souffrent se réalisent : Jésus est le Dieu proche, le Dieu qui nous libère. Mais cette foule est encore petite si on la compare à tant d’autres foules qui se rassembleront autour du prophète de Nazareth ; à certains moments, il s’agit d’assemblées immenses et Jésus est au centre de tout, l’attendu des nations, l’aboutissement de l’espérance d’Israël.

Pourtant, Jésus se dérobe ; il n’est pas l’otage des attentes de ceux qui l’ont désormais élu comme leur « leader ». C’est un danger pour les « leaders » : trop s’attacher aux gens, ne pas prendre ses distances. Jésus s’en aperçoit et ne finit pas otage des gens. Dès la première nuit à Capharnaüm, il montre qu’il est un Messie original. Pendant la dernière partie de la nuit, quand désormais l’aube s’annonce, les disciples le cherchent encore, mais ne parviennent pas à le trouver. Où est-il ? Jusqu’à ce que Pierre le retrouve finalement dans un lieu isolé, complètement absorbé dans la prière. Et il dit : « Tout le monde te cherche ! » (Mc 1, 37). L’exclamation semble indiquer ici un plébiscite, être la preuve de la bonne réussite d’une mission.

Mais Jésus dit aux siens qu’il doit aller ailleurs ; ce ne sont pas les gens qui le cherchent, mais d’abord lui qui cherche les autres. C’est pourquoi il ne doit pas prendre racine, mais rester sans cesse

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« Seigneur, apprends-nous à prier »

en pèlerinage sur les routes de Galilée (v. 38-39). Et également être en pèlerinage vers le Père, c’est-à-dire être en prière. En chemin de prière. Jésus prie. Et tout se passe pendant une nuit de prière.

Dans certaines pages de l’Écriture, il semble que ce soit avant tout la prière de Jésus, son inti-mité avec le Père, qui gouverne tout. Ce sera en particulier le cas, par exemple, pendant la nuit de Gethsémani. La dernière partie du chemin de Jésus (dans l’absolu la plus difficile parmi celles qu’il a accomplies jusqu’alors) semble trouver son sens dans l’écoute continuelle que Jésus accorde au Père. Une prière qui n’est certainement pas facile, et même une véritable « agonie », au sens de la lutte1 des athlètes, et pourtant une prière capable de soutenir le chemin de la croix.

Voilà le point essentiel : là, Jésus priait.Jésus priait avec intensité dans les moments

publics, en partageant la liturgie de son peuple, mais il cherchait également des lieux recueillis, séparés du tumulte du monde, des lieux qui lui permettaient de descendre dans le secret de son âme : il est le prophète qui connaît les pierres du désert et qui s’élève sur les sommets des montagnes. Les dernières paroles de Jésus, avant d’expirer sur la croix, sont des paroles des psaumes, c’est-à-dire

1. Agonismo en italien.

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La prière du Notre Père

de la prière, de la prière des juifs : il priait avec les prières que sa mère lui avait enseignées.

Jésus priait comme prie chaque homme dans le monde. Pourtant, dans sa manière de prier se trouvait également un mystère, quelque chose qui n’a certainement pas échappé aux yeux de ses disciples. C’est pourquoi, dans les Évangiles, nous trouvons cette supplique si simple et directe : « Seigneur, apprends-nous à prier » (Lc 11, 1). Ils voyaient Jésus prier et ils avaient envie d’apprendre à prier : « Seigneur, apprends-nous à prier. » Et Jésus ne refuse pas, il n’est pas jaloux de son inti-mité avec le Père, mais il est venu précisément pour nous introduire dans cette relation avec le Père. Et il devient ainsi maître de prière pour ses disciples, comme il veut certainement l’être pour nous tous. Nous aussi, nous devrions dire : « Seigneur, apprends-moi à prier. Apprends-moi. »

Même si nous prions peut-être depuis des années, nous devons toujours apprendre ! L’oraison de l’homme, ce désir qui naît de manière si natu-relle dans son âme, est peut-être l’un des mystères les plus impénétrables de l’univers. Et nous ne savons même pas si les prières que nous adressons à Dieu sont effectivement celles qu’il veut que nous lui adressions. La Bible nous donne l’exemple de prières inopportunes, qui finissent par être repous-sées par Dieu : il suffit de se souvenir de la parabole

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« Seigneur, apprends-nous à prier »

du pharisien et du publicain. Seul ce dernier, le publicain, rentre chez lui du temple en étant justifié. Le pharisien était orgueilleux, il aimait que les gens le voient prier et faisait semblant de prier : son cœur était froid. Et Jésus dit : celui-ci n’est pas justifié, car tout homme « qui s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé » (Lc 18, 14). Le premier pas pour prier, c’est est d’être humble, aller au Père et dire : « Regarde-moi, je suis pécheur, je suis faible, je suis mauvais », chacun sait ce qu’il doit dire. Mais il faut toujours commencer avec humilité et le Seigneur écoute. La prière humble est écoutée par le Seigneur.

C’est pourquoi, en commençant ce cycle de catéchèses sur la prière de Jésus, la chose la plus belle et la plus juste que nous devons faire est de répéter l’invocation des disciples : « Maître, apprends-nous à prier ! » Nous pouvons tous aller un peu au-delà et mieux prier ; mais il faut le demander au Seigneur : « Seigneur, apprends-moi à prier. » Faisons cela, et lui ne laissera certainement pas tomber notre invocation dans le vide.

Mercredi 5 décembre 2018

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Demander avec confiance

Nous poursuivons le chemin de catéchèses sur le Notre Père. Jésus place sur les lèvres de ses disciples une prière brève, audacieuse, faite de sept demandes – un chiffre qui, dans la Bible, n’est pas fortuit, mais indique la plénitude. Je dis auda-cieux parce que, si le Christ ne l’avait pas suggéré, probablement aucun de nous – et même aucun des théologiens les plus célèbres – n’oserait prier Dieu de cette manière.

En effet, Jésus invite ses disciples à s’approcher de Dieu et à lui adresser avec confiance certaines demandes : tout d’abord à son sujet, puis à notre sujet. Il n’y a pas de préambule dans le Notre Père. Jésus n’enseigne pas de formules pour « s’attirer les

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Demander avec confiance

bonnes grâces » du Seigneur, au contraire, il invite à le prier en faisant tomber les barrières de la sujé-tion et de la peur. Il ne dit pas de s’adresser à Dieu en l’appelant « Tout-puissant », « Très-haut », « Toi qui es si loin de nous, moi qui suis misérable » : non, il ne dit pas cela, mais simplement « Père », en toute simplicité, comme les enfants s’adressent à leur père. Ce mot « Père » exprime la familiarité et la confiance filiale.

La prière du Notre Père puise ses racines dans la réalité concrète de l’homme. Par exemple, elle nous fait demander le pain, le pain quotidien : une demande simple, mais essentielle, qui dit que la foi n’est pas une question « décorative », détachée de la vie, qui intervient uniquement quand tous les autres besoins ont été satisfaits. Au contraire, la prière commence avec la vie elle-même. La prière, nous enseigne Jésus, ne commence pas dans l’existence humaine après que l’estomac a été rempli : au contraire, elle est présente partout où il y a un homme, n’importe quel homme qui a faim, qui pleure, qui lutte, qui souffre et qui se demande « pourquoi ». Notre première prière, dans un certain sens, a été le vagissement qui a accompagné notre premier souffle. Dans ces pleurs de nouveau-né s’annonçait le destin de toute notre vie : notre faim continuelle, notre soif continuelle, notre quête de bonheur.

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La prière du Notre Père

Jésus, dans la prière, ne veut pas éteindre l’humain, il ne veut pas l’anesthésier. Il ne veut pas que nous modérions nos questions et nos requêtes en apprenant à tout supporter. Au contraire, il veut que toute souffrance, toute inquiétude, s’élance vers le ciel et devienne dialogue.

Avoir la foi, disait quelqu’un, c’est avoir l’habi-tude de crier.

Nous devrions être tous comme le Bartimée de l’Évangile (cf. Mc 10, 46-52), cet homme aveugle qui mendiait à la porte de Jéricho. Autour de lui, il y avait beaucoup de braves gens qui lui intimaient l’ordre de se taire : « Mais tais-toi ! Le Seigneur passe. Tais-toi. Ne dérange pas. Le Maître a tant à faire ; ne le dérange pas. Tu es pénible avec tes cris. Ne dérange pas. » Mais lui n’écoutait pas ces conseils : avec une sainte insistance, il voulait que sa misérable condition puisse enfin rencontrer Jésus. Et il criait plus fort ! Et les gens bien élevés : « Mais non, c’est le Maître, s’il te plaît ! Tu devrais avoir honte ! » Et lui criait parce qu’il voulait voir, il voulait être guéri : « Jésus, aie pitié de moi ! » (v. 47). Jésus lui redonne la vue et lui dit : « Ta foi t’a sauvé » (v. 52), comme pour expliquer que ce qui a été décisif pour sa guérison a été cette prière, cette invocation criée avec foi, plus forte que le « bon sens » des nombreuses personnes qui voulaient le faire taire. La prière non seulement précède le

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Demander avec confiance

salut, mais en quelque sorte le contient déjà, parce qu’elle libère du désespoir celui qui ne voit pas d’issue à tant de situations insupportables.

Bien sûr, les croyants peuvent également ressentir le besoin de louer Dieu. Les Évangiles nous rapportent l’exclamation de joie qui jaillit du cœur de Jésus, plein d’émerveillement reconnais-sant envers le Père (cf. Mt 11, 25-27). Les premiers chrétiens ont même ressenti le besoin d’ajouter au texte du Notre Père une doxologie : « Car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire pour les siècles1. »

Mais nous ne sommes pas tenus d’embrasser la théorie que certains ont avancée par le passé, à savoir que la prière de demande serait une forme affaiblie de la foi, tandis que la prière la plus authentique serait la louange pure, celle qui s’adresse à Dieu sans le poids d’aucune demande. Non, ce n’est pas vrai. La prière de demande est authentique, spontanée, c’est un acte de foi en Dieu qui est le Père, qui est bon, qui est tout-puissant. C’est un acte de foi en moi, qui suis petit, pécheur et dans le besoin. C’est pourquoi la prière pour demander quelque chose est très noble. Dieu est le Père qui a une immense compassion pour nous, et il veut que ses enfants lui parlent

1. Didachè, 8, 2.

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La prière du Notre Père

sans peur, directement, en l’appelant « Père » ; ou dans les difficultés, en disant : « Mais Seigneur, que m’as-tu fait ? » C’est pourquoi nous pouvons tout lui raconter, même les choses de notre vie qui restent tordues et incompréhensibles. Et il nous a promis qu’il serait toujours avec nous, jusqu’au dernier des jours que nous passerons sur cette terre. Prions le Notre Père, en commençant ainsi, simplement : « Père » ou « Papa ». Et lui nous comprend et nous aime beaucoup.

Mercredi 12 décembre 2018

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Le Notre Père au cœur du discours

sur la montagne

L’Évangile de Matthieu situe le texte du Notre Père à un point stratégique, au centre du discours sur la montagne (cf. 6, 9-13). Observons d’abord la scène : Jésus monte sur la colline près du lac et se met à s’asseoir ; autour de lui, se trouve le cercle de ses disciples les plus intimes et puis une grande foule de visages anonymes. C’est cette assemblée hétérogène qui reçoit le Notre Père pour la première fois.

La situation est très significative, car dans ce long enseignement, intitulé le « discours sur la montagne » (cf. Mt 5, 1-7.27), Jésus condense les aspects fondamentaux de son message. Le début

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La prière du Notre Père

est comme une voûte décorée pour une fête : les Béatitudes. Jésus couronne de bonheur différentes catégories de personnes qui, à son époque – mais aussi à la nôtre ! – n’étaient pas très considérées. Bienheureux les pauvres, les doux, les miséricor-dieux, les personnes humbles de cœur… Voilà la révolution de l’Évangile. Là où il y a l’Évangile, il y a une révolution. L’Évangile ne laisse pas tran-quille, il nous pousse : il est révolutionnaire. Toutes les personnes capables d’amour, les artisans de paix qui, jusqu’alors, avaient fini en marge de l’histoire, sont au contraire les bâtisseurs du Royaume de Dieu. C’est comme si Jésus disait : en avant, vous qui portez dans votre cœur le mystère d’un Dieu qui a révélé sa toute-puissance dans l’amour et le pardon !

De cette porte d’entrée, qui renverse les valeurs de l’histoire, jaillit la nouveauté de l’Évangile. La loi ne doit pas être abolie, mais elle a besoin d’une nouvelle interprétation qui la ramène à son sens originel. Si une personne a le cœur bon, prédisposé à l’amour, alors elle comprend que chaque parole de Dieu doit être incarnée jusque dans ses ultimes conséquences. L’amour n’a pas de frontières : on peut aimer son conjoint, son ami et même son ennemi dans une perspective tout à fait nouvelle. Jésus dit : « Eh bien ! Moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ;

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Le Notre Père au cœur du discours sur la montagne

car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 44-45).

Voilà le grand secret qui est à la base de tout le discours sur la montagne : soyez les fils de votre Père qui est aux cieux. Apparemment, ces chapitres de l’Évangile de Matthieu semblent être un discours moral, ils semblent évoquer une éthique si exigeante qu’elle paraît impraticable, et au contraire, nous découvrons qu’ils sont surtout un discours théologique. Le chrétien n’est pas quelqu’un qui s’engage à être meilleur que les autres : il sait qu’il est pécheur comme tout le monde. Le chrétien est simplement celui qui se tient devant le nouveau Buisson-ardent, la révélation d’un Dieu qui ne porte pas un nom imprononçable, mais qui demande à ses enfants de l’invoquer avec le nom de « Père », de se laisser renouveler par sa puissance et de refléter un rayon de sa bonté pour ce monde si assoiffé de bien, tellement en attente de bonnes nouvelles.

Voilà donc comment Jésus introduit l’ensei-gnement de la prière du Notre Père. Il le fait en prenant ses distances par rapport à deux groupes de son époque. Avant tout les hypocrites : « Ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et aux carrefours pour bien se montrer aux hommes quand ils prient » (Mt 6, 5).

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La prière du Notre Père

Il existe en effet des gens capables de formuler des prières athées, sans Dieu, et qui le font pour être admirés par les hommes. Et combien de fois voyons-nous le scandale de ces personnes qui vont à l’église et restent là toute la journée, ou qui y vont tous les jours et ensuite vivent en haïssant les autres ou en disant du mal des gens. C’est un scan-dale ! Mieux vaut ne pas aller à l’église : vivre ainsi, comme si tu étais athée. Mais si tu vas à l’église, vis en fils, en frère, et donne un vrai témoignage, et non un contre-témoignage. La prière chrétienne, elle, n’a pas d’autre témoin que notre propre conscience, où se noue de manière très intense un dialogue continuel avec le Père : « Quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret » (Mt 6, 6).

Ensuite, Jésus prend ses distances par rapport à la prière des païens : « Ne rabâchez pas […] : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés » (Mt 6, 7). Jésus fait peut-être ici allusion à cette « captatio benevolentiae » qui était la prémisse néces-saire de nombreuses prières antiques : la divinité devait être, d’une certaine manière, apprivoisée par une longue série de louanges, et aussi de prières. Pensons à cette scène sur le Mont Carmel, quand le prophète Élie défia les prêtres de Baal. Ils criaient, dansaient, demandaient beaucoup de choses pour que leur dieu les écoute. Élie, lui, se taisait, et le

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Le Notre Père au cœur du discours sur la montagne

Seigneur se révéla à Élie. Les païens pensent qu’en parlant, parlant, parlant, parlant, on prie. Et je pense aussi à de nombreux chrétiens qui croient que prier, c’est – excusez-moi – « parler à Dieu comme un perroquet ». Non ! Prier, cela doit partir du cœur, de l’intérieur. Toi, au contraire – dit Jésus – quand tu pries, adresse-toi à Dieu comme un enfant à son père qui sait de quoi il a besoin avant même qu’il le lui demande (cf. Mt 6, 8). Le Notre Père, cela pourrait aussi bien être une prière silencieuse : au fond, il s’agit de se mettre sous le regard de Dieu, de se souvenir de son amour de Père et cela suffit pour être exaucé.

Il est beau de penser que notre Dieu n’a pas besoin de sacrifices pour obtenir ses faveurs ! Dieu n’a besoin de rien : dans la prière, il demande seulement que nous gardions ouvert un canal de communication avec lui, pour nous découvrir toujours ses enfants bien-aimés. Et il nous aime beaucoup.

Mercredi 2 janvier 2019

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« Dieu te cherche, même si tu ne le cherches pas. Dieu t’aime, même si tu l’as oublié. Dieu voit en toi la beauté, même si tu penses avoir gaspillé inutilement tous tes talents. Dieu n’est pas seulement un père, il est comme une mère qui ne cesse jamais d’aimer sa créature. […] Pour un chrétien, prier, c’est simplement dire “Abba”, “Papa”, “petit Papa” ; dire “Père” avec la confiance d’un enfant. »

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