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PANORAMA DE PRESSE
15/12/2017 08h18
CGT
Panorama réalisé avec Pressedd
SOMMAIRE
SYNDICALISME(4 articles)
vendredi 15 décembre2017
Philippe Martinez : « Le Technicentre est un bijou » (535 mots)
socialJonathan ROGER [email protected] «Une telle richesse entre vosmains, pourquoi vouloir s’en débarrasser ? » Il aur…
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vendredi 15 décembre2017
« Il ne fera pas le boulot à notre place » (189 mots)
C’est le délégué CGT des ateliers du Toulon, Olivier Riffet, qui a mené la visitematinale de Philippe Martinez sur le site…
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vendredi 15 décembre2017
Philippe Martinez en visite à Périgueux (278 mots)
1 Une volonté d’être au plus près de sa base Pour son premier déplacement en … Page 8
vendredi 15 décembre2017
Résistance et propositions (2676 mots)
Ce sont les deux axes d'action de la CGT, et son secrétaire national, PhilippeMartinez, n'était pas venu faire de g…
Page 9
ACTUALITE SOCIALE(7 articles)
vendredi 15 décembre2017
Suppressions de postes à fond de train (374 mots)
Le budget 2018 de la SNCF présenté mercredi soir est lourd de menaces pour lescheminots. Et d'autant plus incompréhensible…
Page 12
jeudi 14 décembre2017
« On peut faire 25 kilomètres sans croiser une présence del'état » (1394 mots)
Fermer l'école, c'est tuer son village. « La cantinière se fournissait dans l'épiceriedu village et la faisait vivre », ra…
Page 13
vendredi 15 décembre2017
En France, la faim au quotidien (1248 mots)
Une banane, un croissant et une boisson chaude. Pour cette précieuse pitance, lafile d'attente s'est formée tôt ce mardi m…
Page 15
vendredi 15 décembre2017
Assurance-chômage : Pénicaud livre sa méthode (1140 mots)
C'est le quatrième grand chantier social qui s'ouvre depuis l'élection d'EmmanuelMacron. Après la réécriture du code du tr…
Page 17
vendredi 15 décembre2017
La Banque de France anticipe une stabilité du chômage en2018 (491 mots)
C'est un chiffre qui ne devrait pas faire très plaisir à l'Elysée et à Matignon. S…
Page 19
jeudi 14 décembre2017
Construction de prisons : la Cour des comptes dénonce lerecours au privé (541 mots)
Haro sur les PPP ! Depuis une dizaine d'années, quand il a fallu c…
Page 20
jeudi 14 décembre2017
Services publics : la santé devient la priorité des Français aprèsl'emploi (370 mots)
Emploi, santé, éducation ! Tel est le trio de tête des attentes des Français à l'…
Page 21
PROTECTION SOCIALE(2 articles)
vendredi 15 décembre2017
Optique, dentaire : le casse-tête du reste à charge zéro (656 mots)
Discrètement, début décembre, une concertation s'est ouverte pour mettre enplace …
Page 23
mercredi 13 décembre2017
Complémentaire santé : pas plus de salariés couverts (1575 mots)
Tout ça pour ça ! Depuis 2016, toute entreprise doit avoir mis en place unecouverture santé pour ses salariés. Selo…
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MOUVEMENTS SOCIAUX(2 articles)
vendredi 15 décembre2017
Les agents de nettoyage voient presque le bout du tunnel(799 mots)
Une étape décisive vers la fin de la grève des agents de nettoyage. Après sixsemaines de lutte, une nouvelle séance de nég…
Page 29
vendredi 15 décembre2017
La CGT tente de troubler les ventes de Noël chez Carrefour(761 mots)
20 % Représentativité de la CGT chez Carrefour Hypermarchés …
Page 31
EUROPE ET INTERNATIONAL(6 articles)
vendredi 15 décembre2017
Comment les inégalités se creusent (781 mots)
Le travail des économistes compilé dans le Rapport sur les inégalités mondialesdessine un profil des inégalités qui, malgr…
Page 33
vendredi 15 décembre2017
Aux états-Unis, la précarité reste la règle en dépit de lacroissance (352 mots)
Les états-Unis et le Canada sont la région du monde industrialisé où lecreusement des inégalités a été le plus marqué, sou…
Page 35
vendredi 15 décembre2017
Louis Morin : «L’Europe est loin de former un bloc homogène»(615 mots)
Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités est coauteur du «rapportsur les inégalités en France», paru en ju…
Page 36
vendredi 15 décembre2017
La France est mieux lotie que la plupart des pays développés(896 mots)
On a beaucoup glosé sur le pessimisme des Français. Leur crainte face à lamondialisation, leur tendance, selon la formule …
Page 37
vendredi 15 décembre2017
Face à l'Europe, les Etats-Unis perdent la partie (1012 mots)
Les Etats-Unis peuvent-ils toujours se réclamer du rêve américain face à l'Europe? La courbe des iné-galités permet d'en d…
Page 39
vendredi 15 décembre2017
" Un risque de désarticulation sociale " (1056 mots)
Rien sans doute ne résume mieux les changements économiques et les défispolitiques qui ont émergé au cours de la période a…
Page 41
SYNDICALISME
5
Philippe Martinez : « Le Technicentre est un bijou »
N° 20171215vendredi 15 décembre 2017
Page 5535 mots
GRAND PERIGUEUX
S ocial
Jonathan ROGER
«Une telle richesse entre vos mains,
pourquoi vouloir s’en débarrasser ? » Il
aura suffi d’une visite dans les allées
du Technicentre SNCF du Toulon
pour que Philippe Martinez ajoute sa
pierre aux treize mois de lutte de
l’intersyndicale pour sauvegarder le
site industriel majeur de Périgueux.
« Je me déplace dans les territoires une
à deux fois par semaine, explique-t-il.
On ne peut pas parler de travail si on
perd le contact avec le terrain », lance
le secrétaire général de la CGT pour
sa première visite en Dordogne, de-
puis son élection à la tête du syndicat
en février 2015.
L’intersyndicale, « un beau symbole »
Philippe Martinez a donc démarré
son étape périgourdine par une visite
du Technicentre. Un choix tout sauf
anodin. « Ils ont des doigts de fée, le
Technicentre est un bijou et leurs em-
plois sont menacés pour des raisons de
rentabilité pure », peste-t-il.
Il salue au passage la lutte menée de-
puis plus d’un an par les cheminots,
au sein d’une intersyndicale qui n’a
jamais montré le moindre signe de
division. « C’est ce genre de cas de fi-
gure qui vient rappeler que les luttes
naissent de la réalité du travail, pas de
postures, assène le secrétaire général.
Cette intersyndicale qui fait front, c’est
un beau symbole. »
Au-delà de la portée locale du
rendez-vous, ce déplacement dans
un site en restructuration s’inscrit
dans une nouvelle stratégie syndi-
cale, plus globale, dans la lutte
contre les ordonnances du gouverne-
ment.
Multiplier les luttes puis les faire
converger
Difficile de nier, en effet, que la mo-
bilisation contre ces dernières est
moins impressionnante que celle qui
avait réuni des millions de personnes
contre la loi El Khomri. Mais le leader
de la CGT espère avoir trouvé la
bonne combinaison. « Ce que l’on a
envie de faire, c’est de multiplier les
luttes partout où elles sont nécessaires,
détaille-t-il. Après il faudra les faire
converger. Mais on est aujourd’hui plus
dans ce schéma que dans celui de ma-
nifestations monstres. »
Pour la secrétaire départementale de
la CGT, Corinne Rey, la venue de Phi-
lippe Martinez représente un abou-
tissement. « Il me tarabustait depuis
des mois pour venir en Dordogne,
sourit-elle. Mais je voulais que ça ait
du sens, il nous a fallu du temps pour
travailler ça avant. »
Le choix des ateliers du Toulon s’est
rapidement imposé. « Le Techni-
centre, c’est le service public, mais aus-
si la question du maintien de l’industrie
dans un département qui a tendance
au contraire à se désindustrialiser »,
poursuit-t-elle.
Dans l’après-midi, le syndicaliste a
participé à une assemblée générale
avec plus de 160 syndiqués venus de
tout le département. Un coup de
pouce pour le moral des troupes qui
devront se défendre en 2018 contre
la fusion des instances de représen-
tation du personnel. « On s’opposera
à un système où des supersyndicalistes
passeraient plus de temps avec le pa-
tron qu’avec les employés », annonce
d’office Corinne Rey. ■
Le secrétaire général du syndicat (àgauche), qui venait pour la premièrefois en Dordogne, a assisté à une as-semblée générale en compagnie de
plus de 160 syndiqués du département.Photo Rémi Philippon
Tous droits réservés Dordogne Libre 2017
F391E3918A304509B59C11303A0651C01C43BC9562140D68DDF218C
Parution : Quotidienne
Diffusion : 5 155 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017↑ 6
« Il ne fera pas le boulot à notre place »
N° 20171215vendredi 15 décembre 2017
Page 5189 mots
GRAND PERIGUEUX
C ’est le délégué CGT des ateliers
du Toulon, Olivier Riffet, qui a
mené la visite matinale de Philippe
Martinez sur le site. «On lui a montré
l’activité voiture, qui constitue le prin-
cipal de l’activité, celle sur laquelle on
se bat, celle qu’on veut sauver,
explique-t-il. Il a vu les installations,
discuté avec des intérimaires… » La vi-
site tombe d’ailleurs au bon moment,
après que le syndicat ait obtenu à
l’arraché trois années de charge de
travail supplémentaires. Car les che-
minots ne se sentent pas à l’abri d’un
retournement de situation de la part
de la direction, et entendent main-
tenir la pression jusqu’au prochain
rendez-vous en préfecture, prévu en
février. « C’est clair que ça remonte un
peu le moral des troupes, glisse Olivier
Riffet à propos de la venue de Phi-
lippe Martinez. Il ne fera pas le boulot
à notre place, mais ça nous encourage.
Le propre d’une lutte syndicale, c’est
qu’elle n’est jamais finie. » Le délégué
CGT rappelle d’ailleurs que la mobi-
lisation continue pour sauvegarder
l’autre site régional, à Saintes. ■
La venue de Philippe Martinez a re-quinqué les cheminots du Toulon, qui
restent vigilants par rapport à leur ave-nir. Photo Archives DL
Tous droits réservés Dordogne Libre 2017
E99B93948180C70DC52C1B203E0A515E13B32A96D290015EBEFB4AD
Parution : Quotidienne
Diffusion : 5 155 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017↑ 7
Philippe Martinez en visite à PérigueuxTROIS CHOSES À RETENIR
vendredi 15 décembre 2017Édition(s) : Dordogne Périgueux
Page 13278 mots
1 Une volonté d’être au plus près de
sa base
Pour son premier déplacement en
Dordogne, Philippe Martinez n’avait
pas prévu de se planter derrière un
pupitre afin de prêcher au micro la
cause cégétiste à l’occasion d’un
meeting. Sans costume ni cravate, il
s’est mêlé aux cheminots des ateliers
du Toulon, à Périgueux, pour visiter
le site industriel dans lequel le syn-
dicat se bat pour préserver l’emploi.
Pas de déjeuner au restaurant, mais
un casse-croûte avalé debout au mi-
lieu des ouvriers dans la salle du co-
mité d’entreprise. L’après-midi, il a
participé à une assemblée générale
en présence de 160 syndiqués.
2 Construire un mouvement national
Le leader de la CGT s’est rendu auTechnicentre. PHOTO ARNAUD LOTH
La lutte paye, souhaitait démontrer
l’UD-CGT, en s’appuyant sur les
combats menés avec succès à la pa-
peterie Munksjö de Lalinde, au Tech-
nicentre de Périgueux et à l’hôpital
de Domme. Pour autant, insiste le
leader de la CGT, il convient de dé-
passer ce niveau local afin de
construire un mouvement national.
Une étape importante pour le syndi-
cat qui n’a pas réussi à mobiliser suf-
fisamment et à faire flancher le gou-
vernement sur le dossier de la ré-
forme de la loi travail.
3 Prendre le pouls des salariés
" Le mécontentement grandit, ana-
lyse le secrétaire général. Dans les
entreprises, on connaît l’importance
des CHSCT qui doivent être dissous
dans une nouvelle instance. Les sa-
lariés comprennent que le gouverne-
ment ne sert pas leurs intérêts. La
CGT doit être en position de faire en-
tendre ses propositions. "
Pierre-Manuel Réault ■
Tous droits réservés Sud Ouest 2017
9C96B34386709F04A57E1400FA0321E11843F996F25902DC12C31DF
Parution : Quotidienne
Diffusion : 239 352 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 979 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 8
HIER, À L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L'UNION DÉPARTEMENTALE DE LA CGT (UD-CGT) PÉRIGOURDINE, LESECRÉTAIRE NATIONAL PHILIPPE MARTINEZ A RENCONTRÉ LES SYNDIQUÉS ET LES MILITANTS, EN SE RENDANT AUX ATE-LIERS SNCF DU TOULON À PÉRIGUEUX LE MATIN, ET EN PARTICIPANT À UNE RENCONTRE À LA BOURSE DU TRAVAILL'APRÈS-MIDI.
Résistance et propositions
N° 22467vendredi 15 décembre 2017
Édition(s) : DordognePage 4
2676 mots
DORDOGNE —SOCIAL
Ce sont les deux axes d'action de
la CGT, et son secrétaire national,
Philippe Martinez, n'était pas ve-
nu faire de grand discours didac-
tiques, mais bien écouter les
luttes, les réussites, les espoirs et
les échecs vécus dans les terri-
toires.
Il s'est donc rendu aux ateliers SNCF,
où l'action des cheminots, soutenus
par les syndicats, a fait reculer la di-
rection et l'a obligée a revoir sa copie,
permettant au passage de sauver des
emplois. « Ces ateliers représentent un
double symbole » explique le secré-
taire national de la CGT, « car étant
un site industriel, ils assurent la pré-
sence de l'industrie dans un départe-
ment qui en compte moins que
d'autres, et ils participent aussi à la
mobilité, l'accessibilité, et le dévelop-
pement durable ». Qu'on fasse au-
jourd'hui de grandes assises sur la
mobilité le laisse perplexe. « Certains
découvrent tous les jours qu'il existe un
problème à ce sujet dans le pays, et ce
sont les mêmes qui prennent les déci-
sions de fermer des lignes et des gares,
et de mettre des autocars sur les routes
».
Cette question, dans un département
rural comme la Dordogne est une
réelle problématique, « très impor-
tante. Les services publics sont là pour
donner à tous les citoyens, partout où
ils habitent, la possibilité de se dépla-
cer. Il est inutile d'organiser une COP
21 sur le climat si c'est pour supprimer
un des moyens les plus écologiques de
mobilité ». Mode de transport très peu
polluant, le train répond à deux pro-
blématiques cruciales, mais visible-
ment ce « détail » échappe aux tech-
nocrates qui ont pourtant fait de
hautes études... S'il n'était jamais ve-
nu en Dordogne dans le cadre de ses
fonctions, mais juste en vacances,
Philippe Martinez se tient tout de
même au courant de l'actualité, péri-
gourdine dans ce cas, mais aussi des
autres départements, par
l'intermédiaire des secrétaires dépar-
tementaux. « Je savais que les ateliers
étaient dans la lutte depuis longtemps
» confie-t-il. « Dans tous les terri-
toires, il existe des foyers de résistance
et de propositions, et beaucoup de
luttes très concrètes sur la réalité du
travail. Le débat aujourd'hui porte sur
la façon de fédérer ces luttes pour
construire des mouvements sociaux
d'un niveau national, mais pas sur des
mots d'ordre gé-né-raux ». Il note qu'à
Decazeville où une industrie et
l'hôpital sont menacés de fermeture,
c'est en-semble que les salariés ont
décidé de se battre, construisant ain-
si un rapport de force plus équilibré
pour eux, et donc plus favorable pour
leurs revendications. Il ne pouvait
manquer d'évoquer la loi Travail,
rappelant que contrairement à ce
qu'on aimerait nous faire croire, ce
n'est pas terminé. « Nous avons pris
nos responsabilités » rappelle Philippe
Martinez, « avec les difficultés rencon-
trées, un nouveau gouvernement, un
nouveau président qui a été beaucoup
idéalisé et qui a fait très vite avec une
tactique de pseudo dialogue social ». Il
remarque pourtant que les citoyens
ne sont pas, mais pas du tout
contents, « et il faut leur dire : plutôt
que de râler, comment fait-on et sur
quoi agit-on ?» On sait qu'on est de
plus en plus confrontés, dans cette
société où on veut nous faire croire
que le bonheur c'est la richesse, et/
ou le pouvoir, mais aussi qu'avoir un
travail est une chance et donc qu'on
doit se taire, à un mal-être au boulot
de plus en plus prégnant. Dans ce
contexte, la suppression, ou au
moins la réduction du champ
d'action des CHSCT est très mal per-
çue par les travailleurs, qui en
connaissent l'importance. Et le se-
crétaire national indique que suite à
leurs mobilisations les routiers ou
encore les dockers ont réussi à
conserver leurs conventions collec-
tives, alors que la loi Travail devait
toutes les niveler par le bas. « Il y a
une effervescence actuellement » note
le secrétaire national de la CGT. « On
le voit avec les électriciens et les ga-
ziers, qui multiplient les actions à
l'heure où les négociations salariales se
déroulent ». Les patrons considèrent
en effet que les professionnels de
l'énergie « sont trop payés, et ils pro-
posent royalement 0,2 % d'aug-menta-
tion ». Il conclut en remarquant
qu'avec Emmanuel Macron, « il n'y a
pas de négociations, mais des « concer-
tations ».Une négociation, c'est quand
on prend son temps, et le temps
d'écouter ce que veulent les autres. Il
faut se méfier de la façade, voir ce qu'il
y a derrière ». ■
↑ 9
ENCADRÉS DE L'ARTICLE
L'égalité homme-femme
Philippe Martinez plaide pour que l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, qui est inscrite depuis 40
ans dans la loi, soit appliquée, « car elle réglerait le problème du déficit des retraites grâce aux cotisations sala-
riales, qui augmenteraient mécaniquement en même temps que le salaire. Comment peut-on accepter que les
employeurs dérogent à la loi ? Les citoyens ne le peuvent pas, et eux le font en toute impunité. Il faut appliquer
la loi ».
Philippe Martinez a vécu sa journée enDordogne au plus près des salariés et
syndiqués (I. V.)
par Isabelle Vitté
« Inutile d'organiser une COP 21 si c'est pour supprimer un des moyens les plus écologiques de mobilité » Philippe
Martinez“
Tous droits réservés 2017 LEcho
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Parution : Quotidienne
↑ 10
ACTUALITE SOCIALE
↑ 11
SNCF
Suppressions de postes à fond de trainMalgré un bénéfice de près de 1 milliard d'euros, la direction tranche dans les effectifs des agentschargés des trains et des gares : 2 000 postes sont menacés.
vendredi 15 décembre 2017Page 9
374 mots
SOCIAL-ECO
L e budget 2018 de la SNCF
présenté mercredi soir est lourd
de menaces pour les cheminots. Et
d'autant plus incompréhensible que
la compagnie affiche un bénéfice de 1
milliard d'euros. 2 081 suppressions
d'emplois sont annoncées, dont 2 046
pour la seule branche SNCF mobili-
tés. La CGT cheminots détaille
l'hécatombe : « 700 emplois sont sup-
primés dans l'activité voyages, 650 au
TER, 500 au fret (malgré une progres-
sion de 37 millions du chiffre
d'affaires), 150 au matériel et une
centaine d'autres dans les fonctions
RH. »
La SNCF avait déjà supprimé 2 100
postes en 2017 dans la même
branche. « Les chiffres de suppres-
sions d'emplois sont globalement
identiques depuis quelques années »,
commente la direction, comme si
l'austérité était devenue la norme. «
Ce budget est sans surprise. On
s'adapte à l'avenir économique »,
insiste-t-elle.
Sans surprise, les quatre syndicats
représentatifs de la SNCF ont voté
contre le projet de budget. « Les ré-
sultats économiques n'ont jamais été
aussi bons depuis dix ans, les efforts
consentis par les cheminots vont
rapporter près de 1 milliard d'euros
de bénéfice à l'entreprise SNCF », ar-
gumente la CGT. Et pourtant la lo-
gique austéritaire ne varie pas : sup-
pressions de postes et gel des salaires
pour la 4e année consécutive. « Cette
nouvelle attaque contre l'emploi et le
service public ne fera que dégrader
l'offre de transport et les conditions
de travail des cheminots », déplore
le syndicat majoritaire. L'Unsa a éga-
lement dénoncé un budget « plus
qu'inquiétant ». Chez SUD rail, on
lance aussi l'alerte sur l'état des ré-
seaux : « Le taux de subventions de
l'état par rapport au taux des inves-
tissements est ridiculement bas. Au-
jourd'hui, toute la maintenance du
réseau se fait à crédit, ce qui pose
réellement problème. » Même la
CFDT a critiqué « des suppressions
de postes au titre de la performance,
de la productivité et du recours à la
sous-traitance », au moment où il y
a « lieu de s'interroger après les inci-
dents » récents. ■
par Pierric Marissal
Tous droits réservés L'Humanité 2017
D99C33F685A05D0E358915E0E406817119238999C2A30F75D4B8A18
Parution : Quotidienne
Diffusion : 34 877 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 12
TERRITOIRES
« On peut faire 25 kilomètres sans croiser une présence de l'état »La deuxième conférence nationale des territoires réunit aujourd'hui autour d'édouard Philippeune douzaine de membres du gouvernement, dans le Lot, un département... symbole du désen-gagement de l'état.
jeudi 14 décembre 2017Page 4
1394 mots
F ermer l'école, c'est tuer son
village. « La cantinière se four-
nissait dans l'épicerie du village et la
faisait vivre », raconte Jean-Marie La-
borie. Des habitants écœurés par
cette désertion du service public ont
décidé d'ouvrir une structure asso-
ciative. Dix jeunes enfants, en âge de
maternelle, y ont fait leur rentrée. Il y
a aujourd'hui une école à Molières,
mais elle est privée, hors contrat. Ce
n'est pas le seul lieu, dans le Lot, où
le privé profite du désengagement de
l'état. « Un autre village menacé par
la fermeture d'une école envisage de
monter une école Montessori, sur le
modèle de Molières », rapporte Isa-
belle Baudis, de la CGT éduc'action.
Dans la vallée du Lot, à l'ouest du dé-
partement, le regroupement scolaire
de Montcabrier et Saint-Martin-le-
Redon a fermé ses portes. Résultat : «
une partie des élèves a rejoint un éta-
blissement privé, à Puy-l'Evêque »,
dénonce Céline Sompayrac, cosecré-
taire départementale du Snuipp-FSU.
Sur les 340 communes du Lot, plus de
la moitié n'ont plus d'école. 19 ont
été fermées en à peine trois ans. Le
ratio enseignants-élèves reste parmi
les plus élevés de la région Occitanie,
rappellent les autorités. Les Lotois
seraient même parmi les mieux lotis.
« On comprend qu'il faut créer des
postes dans la métropole toulou-
saine, en pleine expansion, analyse
Céline Sompayrac. Mais il faut chan-
ger la logique comptable qui traite de
manière identique les territoires ur-
bains, les endroits très isolés et les
zones rurales. » Au-delà du critère du
nombre d'élèves par classe (25 étant
la norme), il faudrait selon elle
prendre en compte les temps de dé-
placement des élèves, l'état du réseau
routier et la cohérence du territoire.
« Une école, ce n'est pas qu'un poste
d'enseignant, cela crée de la vie, et
représente un tissu associatif très
important pour ces territoires. Dans
certains endroits, c'est la seule pré-
sence de la République. Dans le Lot,
aujourd'hui, vous pouvez faire 25 ki-
lomètres sans croiser une école, sans
présence de l'état », déplore la res-
ponsable du Snuipp-FSU.
Si édouard Philippe et le gouverne-
ment s'installent trois jours dans le
Lot, c'est pour « se donner bonne
conscience et se dédouaner. Un coup
de com pour montrer que l'état
s'occupe des zones rurales alors que
c'est tout le contraire », s'énerve
éliane Lavergne, maire de Latron-
quière. Ce village de 500 habitants a
obtenu un moratoire de trois ans sur
la suppression de postes
d'enseignants. Un répit, obtenu après
une bagarre acharnée. Trois se-
maines à camper « jour et nuit » de-
vant la sous-préfecture de Figeac, ra-
conte cette élue, qui vient
d'apprendre la fermeture prochaine
de La Poste, tous les samedis. « La
gendarmerie a aussi fermé dans la
commune. C'est cinq ou six enfants
en moins à l'école », dénonce la maire
de Latronquière.
Malgré ce cercle vicieux de la déser-
tification, éliane Lavergne voit reve-
nir des gens de la ville s'installer sur
cette terre où la qualité de vie est in-
égalée, où la solidarité est vivace et
fait naître des dizaines de projets.
Sans parler de la beauté des sites,
dans ce département très touristique.
Au point que la population du dépar-
tement, au dernier recensement,
était même en hausse. « Mais si on
nous retire les services publics, com-
ment va-t-on faire ? » interroge-t-
elle. Serge Laybros, secrétaire du PCF
dans le Lot, abonde : « Les services
publics doivent jouer un rôle déter-
minant pour assurer l'égalité entre
les citoyens, régler les déséquilibres
entre les territoires. Ils sont un atout
pour maintenir une attractivité dans
notre département rural, pour faire
venir de nouveaux habitants et des
entreprises. Or, c'est précisément sur
les services publics que les coups
sont portés par ce gouvernement. »
Le budget 2018, préparé par ce gou-
vernement, se traduit ici par huit
postes en moins dans les finances
publiques. Des chiffres concrets pour
les Lotois, qui ont appris récemment
que la perception de Bretenoux fer-
mera ses portes au 1er janvier.
Même faire des enfants n'est plus une
mince affaire. Il ne demeure qu'une
maternité dans le département, si-
tuée à Cahors. Beaucoup de Lotois,
désormais, ne naissent plus dans le
Lot. Avec la fermeture de celle de Fi-
geac, en 2009, les femmes enceintes
habitant dans l'est du département
accouchaient à Decazeville, dans
l'Aveyron. Mais celle-ci a fermé à son
tour, cet été. Il faut dorénavant se
rendre à Villefranche-de-Rouergue,
↑ 13
Brive ou Aurillac. Des trajets attei-
gnant bien souvent une heure de
route. Des accouchements dans les
camions de pompier ou à domicile
sont régulièrement relatés dans la
presse locale, comme celui intervenu
en octobre à Gourdon. Des sages-
femmes ont intégré les services de
secours, où elles forment les pom-
piers volontaires à ce genre de situa-
tion. « Un simple concours de cir-
constances », selon Marie-Pierre
Taillade, médecin chef des pompiers
du Lot, qui nie toute hausse
d'accouchements inopinés.
« Il y a tout un bassin de vie avec des
potentialités sur ce territoire, avec
des entreprises de la Mécanic Vallée,
comme Figeac Aero ou Ratier, des
sous-traitants d'Airbus. Mais les
jeunes couples, avant de s'y installer,
veulent savoir où ils peuvent accou-
cher, avoir un médecin traitant », ex-
plique Marie Piqué, vice-présidente
communiste de la région Occitanie,
en charge des solidarités. Pour éviter
de devenir un désert médical, de
nombreuses collectivités ont financé
des maisons de santé. « Mais
nombres d'entre elles ont eu des dif-
ficultés à faire venir des médecins li-
béraux », confie Marie Piqué, qui
pousse à la création de centres de
santé publics. C'est ce qu'a finale-
ment choisi de faire
l'intercommunalité du Grand Figeac.
Le retour de l'intervention publique
semble s'imposer de lui-même dans
ce territoire rural. Le département a
ainsi créé une société d'économie
mixte, Lot aide à domicile, pour as-
surer un service couvrant toutes les
communes, ce que les associations ne
parvenaient plus à faire sur ce terri-
toire comptant 39 % de retraités (plus
du double de la moyenne nationale).
« Nous pouvons trouver des solutions
», plaide Serge Rigal, président PS du
département, qui met en avant un
territoire « dynamique », « innovant
», qui compte le plus de produits ré-
gionaux labellisés et de nombreux
atouts. A condition, toutefois, que
l'état « ne laisse pas développer une
France à deux vitesses, avec d'un côté
la France des métropoles qui bénéfi-
cieraient de tous les équipements et
de l'autre des départements ruraux
qui n'auraient pas accès à la fibre et
au numérique ». C'est le message
qu'il compte porter auprès du pre-
mier ministre. Si un habitant d'une
métropole ne paie pas un centime
pour le déploiement du très haut dé-
bit, assuré par les opérateurs, c'est le
contribuable lotois, via le départe-
ment, qui doit payer l'acheminement
du réseau dans les zones les moins
rentables. L'autre grande inégalité,
c'est aussi le transport. Cahors est
aujourd'hui la capitale des villes les
plus éloignées de Paris. Au prix d'une
mobilisation exemplaire, le collectif
Tous ensemble pour les gares a arra-
ché de haute lutte des arrêts en gare
de Gourdon et Souillac. Une grande
mobilisation est prévue en janvier
pour obtenir de nouveaux trains dès
2022, une amélioration de la ligne
Paris-Orléans-Limoges-Toulouse et
défendre le tronçon entre Brive et
Rodez, desservant Figeac. Serge Rigal
alerte aussi sur le sort du train de
nuit, qui ne fonctionne plus en se-
maine depuis le 10 décembre. Mais ce
ne devait pas être un problème pour
édouard Philippe. Pour se rendre à
Cahors, il n'a évidemment pas pris le
train ■
par Pierre Duquesne
Tous droits réservés L'Humanité 2017
2D9013538390A209757E16D00D00D1511003089C72FF025A02C0193
Parution : Quotidienne
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En France, la faim au quotidien
Les retraités, salariés et étudiants précaires, nombreux à Marseille, surviventgrâce aux associations
vendredi 15 décembre 2017Page 48
1248 mots
SUPPLÉMENT
Une banane, un croissant et une
boisson chaude. Pour cette précieuse
pitance, la file d'attente s'est formée
tôt ce mardi matin, en plein cœur de
Marseille. A 7 h 15, ils sont déjà une
bonne trentaine à patienter sage-
ment, par petits groupes d'habitués
qui discutent entre eux. Beaucoup
d'hommes, quelques femmes, qui
piétinent sur le trottoir pour com-
battre le froid glacial de ce début dé-
cembre. Tous attendent " le camion ".
Un utilitaire aux faux airs de camion
pizza repeint de vert pâle, qui, quatre
jours par semaine, -cinquante-deux
semaines par an, se gare square Sta-
lingrad (1er arr.), à côté de la -Ca-
nebière, pour distribuer un petit dé-
jeuner gratuit à tous ceux qui se pré-
sentent.
" Emmaüs a lancé cette opération en
2014, à la fois pour dénoncer l'arrêté
-antimendicité pris par la mairie de -
Marseille et pour célébrer les 60 ans de
l'appel à la solidarité de l'abbé Pierre
", rappelle Claude Escoffier, le pré-
sident de la communauté de la
Pointe-Rouge, l'une des deux que
compte Marseille.
Le "camion du petit déjeuner " ne de-
vait durer qu'un hiver. " Mais la situa-
tion nous a poussés à le pérenniser, dé-
plore ce -retraité de 72 ans. Un tiers
des personnes que nous servons ici sont
des sans-domicile-fixe - SDF - et il y
a aussi des migrants. Mais la majorité
reste des habitants du quartier. Ils ont
des papiers et, pour -certains, tra-
vaillent, mais tous vivent dans un état
de pauvreté extrême. "
Taux de pauvreté record
Un ressenti brutalement confirmé
par les chiffres publiés par l'Insee en
2017. Selon l'institut, plus de 200
000 Marseillais (25,8 % de la popu-
lation) vivent sous le seuil de pau-
vreté. Dans le 3e arrondissement, qui
jouxte l'hypercentre, le taux culmine
à 51,3 %. De plus, les associations
caritatives marseillaises estiment à
12 500 le nombre de SDF dans la ville.
Blouson de cuir, casquette sur la-
quelle reposent ses lunettes, Rolland
s'entretient avec soin. Ce retraité de
67 ans -habite un appartement sur
la Canebière et, comme il le fait ré-
gulièrement depuis quelques mois, il
prend son tour devant le camion. "
Avec 1 000 euros de revenus et 500 de
loyer, il me reste 500 euros pour -vivre.
Alors, 20 euros de petit déjeuner éco-
nomisés, cela a son importance sur le
mois ", explique-t-il.
A l'origine, le camion Emmaüs ser-
vait une cinquantaine de personnes.
Aujourd'hui, elles sont plus de cent.
Entre 7 h 30 et 8 h 30, le flux est
continu. " Et il vaut mieux arriver tôt,
conseille César, le compagnon qui
gère l'initiative. Certains jours, dix
minutes avant la fin, il n'y a plus rien. "
Ce mardi, les 130 croissants sont tous
partis. Avec le café ou le chocolat, -
Karine et Thierry, les bénévoles qui
aident à la distribution, n'ont que des
bananes à offrir aux derniers deman-
deurs.
Jean-Yves, 51 ans, est arrivé à temps.
Venu de la Joliette (2e), une demi-
heure de marche dans la fin de nuit,
il dit travailler en -intérim dans la
restauration. " Vingt-cinq heures par
mois, ce n'est pas suffisant. J'arrive à
gérer, mais des fois, c'est plus que raide
", reconnaît-il. Quand il travaille,
Jean-Yves mange sur son lieu -
d'activité. Quand il ne travaille pas,
il " - se - débrouille ", vient au petit
-déjeuner d'Emmaüs et fréquente
d'autres lieux, épiceries ou cantines
-solidaires, dont on s'échange les
adresses dans la file d'attente.
Bernard, ancien kiosquier à la re-
traite, connaît bien ce parcours asso-
ciatif, " qui lui permet de tenir ". Il ha-
bite le 3e arrondissement au taux de
précarité record. Ce matin, il est venu
avec ses deux petits chiens, Youpi et
Loulou. " Ça leur fait une promenade
", sourit-il en montrant les deux ani-
maux frigorifiés, qui tremblent sous
l'une des tables pliantes que César
dispose tous les matins autour du ca-
mion. " Mon loyer payé, il me reste 200
euros, calcule-t-il. L'argent, je le garde
pour manger le soir. Si j'achète de la
nourriture pour deux repas par jour, le
17 du mois, je n'ai plus rien. "
" Une aide vraiment vitale "
Assis à la même table, Fred, chapeau
noir et Perfecto, raconte une autre
histoire de faim. " Trouver à manger,
c'est un boulot à temps plein ", souffle
sans pathos ce grand gaillard de 49
ans qui dort dans la rue depuis
quelques semaines. Le lundi, quand
Emmaüs fait relâche, Fred attend le
↑ 15
camion-douche municipal, qui
donne aussi du café. " C'est bien,
quelque chose de chaud le matin ",
poursuit-il en roulant une cigarette.
Vers 11 heures, il y a la soupe que
distribue le camion Emmaüs – " 43
bols ", précise César – ou, à midi, un
restaurant solidaire associatif sur le
cours Julien (6e). " Mais il faut être
inscrit ", ajoute-t-il.
Le soleil s'est levé et réchauffe à
peine les élèves qui se pressent dé-
sormais vers leurs établissements. En
route pour son collège, Amid, jeune
-Albanaise, s'arrête avec sa mère Sa-
rah, devant le camion Emmaüs. Elle
attrape un chocolat au lait avant de
partir en cours. " Des lycéens, des étu-
diants, nous en avons tous les jours ",
confie Claude Escoffier.
Quelques heures plus tard, Sarah, la
-maman albanaise, a pris son tour
dans la salle d'attente des Restos du
cœur de la Belle-de-Mai (3e). A Mar-
seille, l'association est l'un des autres
grands acteurs de la solidarité. Cet
hiver, elle distribuera de quoi assurer
1,2 million de repas. A la Belle-de-
Mai, le plus vaste de ses treize sites
-accueille 760 familles des 1er, 2e et
3e arrondissements. " Et nous en
avons 200 en liste d'attente ",
s'inquiète Robert Bompard, un des
responsables de l'antenne. " Pour
l'essentiel des bénéficiaires, notre aide
allège le budget, poursuit le bénévole,
mais, pour 10 % d'entre eux, elle est
vraiment vitale. "
Hizia, lycéenne en 1re management
et gestion, 17 ans, vit avec sa mère et
son frère en centre-ville. Elle est ve-
nue récupérer le colis familial. " Ça
ne suffit pas, concède-t-elle. Il y a des
jours où on ne mange pas le soir… On
mange le lendemain. "
L'association assure qu'elle pourrait
faire plus, mais qu'elle a besoin de
locaux. " Nous sommes obligés d'en
louer, car la municipalité ne nous en
met pas à disposition : c'est une situa-
tion très particulière à Marseille ", dé-
plore Bernard Nos, un de ses respon-
sables locaux.
" Pauvreté et faim s'aggravent dans
notre ville et le pouvoir politique ne s'en
soucie pas. Pour lui, les pauvres n'ont
pas leur place ici ", s'indigne de son
côté Annie Gontier, 69 ans, prési-
dente du Comité -catholique contre
la faim - Marseille. " Nous rendons un
service public et pourtant l'attitude des
autorités ici, c'est au mieux
l'indifférence ", regrette, en écho,
Claude Escoffier. Depuis septembre,
le camion Emmaüs s'installe sur la
voie publique sans autorisation.
Gilles Rof■
par Gilles Rof
Tous droits réservés Le Monde 2017
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Assurance-chômage : Pénicaud livre sa méthode
L'exécutif veut garder la main sur la réforme du contrôle des chômeurs et de lagouvernance
vendredi 15 décembre 2017Page 10
1140 mots
FRANCE
C'est le quatrième grand chantier
social qui s'ouvre depuis l'élection
d'Emmanuel Macron. Après la réécri-
ture du code du travail et le lance-
ment des premières réflexions pour
transformer l'apprentissage et la for-
mation professionnelle, le gouverne-
ment et les partenaires sociaux ont
donné, mercredi 13 décembre, le
coup d'envoi de la réforme de
l'assurance-chômage. Avec quelques
semaines de retard puisqu'il était, au
départ, question d'entrer dans le vif
du sujet au cours de la deuxième
quinzaine de novembre. Un petit
contretemps imputable à la com-
plexité de l'exercice : l'exécutif ambi-
tionne d'accorder un droit à indemni-
sation aux indépendants, de l'élargir
à un plus grand nombre de salariés
démissionnaires, etc. Autant de thé-
matiques ardues à traduire en mesur-
es, sur le plan technique mais aussi
sur le plan politique, car elles ins-
pirent de fortes réticences au patro-
nat et aux syndicats.
C'est Antoine Foucher, le directeur
du cabinet de la ministre du travail,
Muriel Pénicaud, qui a reçu les huit
organisations d'employeurs et de sa-
lariés, au 127, rue de Grenelle, le
siège du ministère. Il leur a précisé
les intentions du gouvernement sur
ce dossier. Ses interlocuteurs ont, en
retour, exprimé leurs positions. "
L'état d'esprit " qui a prévalu durant
cette rencontre " multilatérale " est
jugé positif par l'entourage de -Mme
Pénicaud : " Notre démarche est celle
de la coconstruction. Nous n'avons pas
l'intention de tout leur déléguer ni de
tout leur imposer. "
Les échanges de mercredi ont permis
de caler la méthode. Cinq thèmes
sont désormais délimités : outre les
démissionnaires et les indépendants,
il y a la lutte contre la précarité (avec
le souci de limiter le recours aux
CDD), le contrôle et
l'accompagnement des demandeurs
d'emploi ainsi que la gouvernance du
système. Le ministère considère que
les trois premiers sujets se prêtent
plus " à la négociation " – c'est-à-dire
à un processus de plusieurs semaines
à l'issue duquel le patronat et les syn-
dicats formalisent des propositions,
à travers un accord interprofession-
nel le cas échéant, que l'exécutif re-
tient ou pas. Les deux autres sujets
(encadrement des chômeurs, gouver-
nance) sont " plutôt - pour - nous ", af-
firme l'entourage de Mme Pénicaud :
dans cette hypothèse, c'est le minis-
tère qui mettrait sur la table un pre-
mier lot de propositions pour les sou-
mettre à une " concertation " avec les
organisations d'employeurs et de sa-
lariés.
Suspens sur la précarité
Mais la " partie adverse " ne l'entend
pas de cette oreille : " On a des choses
à dire sur le contrôle de la recherche
d'emploi et l'accompagnement des chô-
meurs ", a confié Michel Beaugas
(FO), en sortant de la réunion. Et
d'ajouter : " Je pense qu'on s'emparera
des cinq blocs. " Un " programme de
travail " devait être envoyé, jeudi, aux
syndicats et a au patronat. Il " présen-
tera nos attentes (…) et leur deman-
dera s'ils souhaitent négocier (…) ",
explique-t-on, rue de Grenelle.
A ce stade, il n'y a pas de grande sur-
prise sur les pistes esquissées durant
la multilatérale. S'agissant des dé-
missionnaires, le cabinet de Mme
Pénicaud souhaite qu'un droit à in-
demnisation leur soit attribué, mais
dans des conditions différentes de
celles applicables à un " salarié clas-
sique " : " Il faut que la durée - de
prise en charge - soit plus courte ",
souligne l'entourage de la ministre.
Qui poursuit : " Pour éviter les effets
d'aubaine (…), il faut que l'on réflé-
chisse à un plafond. " Sous-entendu :
qui serait plus bas que le droit com-
mun. En outre, l'exécutif ne veut pas
d'un délai de carence. Et il réclame
des idées sur la " durée d'affiliation "
– le temps de cotisation nécessaire
pour pouvoir toucher l'allocation.
Au sujet des indépendants, le champ
des possibles est très ouvert, puisque
le ministère semble, pour l'heure,
n'afficher que deux exigences. Primo
: ces publics ne seront soumis à au-
cun prélèvement supplémentaire
puisqu'ils vont bientôt participer au
financement du régime, à travers la
CSG – celle-ci étant appelée à rem-
placer les cotisations salariales
d'assurance-chômage, qui vont être
graduellement supprimées. Secundo
: pas question de verser la prestation
à un indépendant qui aurait décidé,
du jour au lendemain, de cesser son
activité.
Quant à la réduction de la précarité,
une forme de suspense est entrete-
↑ 17
nue. Dans son programme de cam-
pagne, M. Macron avait inscrit une
mesure visant à " responsabiliser les
employeurs ", par le biais d'un " bonus-
malus " : avec un tel dispositif, les
patrons qui recourent " exagérément
aux contrats courts paieront plus de
charges, ceux qui créent des emplois
stables en paieront moins ". Au-
jourd'hui, " ce n'est pas imposé
d'emblée comme un préalable à la dis-
cussion ", a déclaré Véronique Des-
cacq (CFDT), mercredi.
Le gouvernement laisse donc la main
aux partenaires sociaux pour imagi-
ner des solutions – éventuellement
distinctes du bonus-malus. Mais il ne
veut pas donner l'impression qu'il
battrait en retraite sur cette mesure,
perçue comme un " chiffon rouge " par
le patronat, selon la formule de Pa-
trick Liébus, premier vice-président
de l'Union des entreprises de proxi-
mité (artisanat, commerce, profes-
sions libérales). Si la négociation ne
débouche sur rien ou sur un contenu
" insuffisant ", " on a quelque chose qui
est tout prêt à être transcrit dans la loi,
met-on en garde dans l'entourage de
Mme Pénicaud. On prendra nos res-
ponsabilités ".
Des propositions fin janvier
" Le fait que le gouvernement soit passé
d'un outil clef en main comme le
bonus-malus à un objectif est rassu-
rant, réagit Alexandre Saubot, vice-
président du Medef. Il nous faut
maintenant apporter la preuve qu'il y
a d'autres façons de procéder. Tout
l'objet de la négociation sera, pour les
partenaires sociaux, de montrer qu'il y
a mieux à faire que l'incitation finan-
cière qui n'aura aucun effet. "
Le patronat et les syndicats doivent
remettre leurs propositions à la fin
janvier. Puis il y aura une " multilaté-
rale finale " vers la mi-février. Et un
avant-projet de loi sera transmis au
Conseil d'Etat avant la fin de l'hiver.
Incluant les réformes de
l'apprentissage et de la formation, le
texte promet d'être " maousse ", selon
une source au sein l'exécutif.
Sarah Belouezzane, et Bertrand
Bissuel■
par Sarah Belouezzane, Et Ber-
trand Bissuel
Tous droits réservés Le Monde 2017
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La Banque de France anticipe une stabilité du chômage en 2018Selon une note de la Banque de France publiée ce jeudi, les créations d'emplois marqueraient unpeu le pas l'an prochain.
N° 22594vendredi 15 décembre 2017
Page 3491 mots
FRANCE—FISCALITÉ
C'est un chiffre qui ne devrait pas
faire très plaisir à l'Elysée et à Ma-
tignon. Selon une note de la Banque
de France publiée jeudi, le chômage
pourrait encore toucher 9,6 % de la
population active en 2018, c'est-à-
dire autant qu'en 2017. Voilà qui ne
fait pas l'affaire de l'exécutif. Celui-
ci a lancé tambour battant des ré-
formes, telles celle du Code du tra-
vail, de l'assurance-chômage ou de la
formation professionnelle, pour jus-
tement, entre autres, faire reculer le
chômage.
Comment expliquer que le marché du
travail ne s'améliore pas l'an pro-
chain alors que les vents favorables
de la conjoncture poussent la crois-
sance ? De nombreuses études
montrent que les réformes structu-
relles peuvent avoir un effet négatif
à court terme, mais, dans la plupart
des cas, cet impact n'est ressenti que
quand la conjoncture est déjà mau-
vaise. Ce qui n'est pas le cas au-
jourd'hui en France.
Les créations d'emplois seront moins
nombreuses l'an prochain. Les éco-
nomistes de la Banque de France at-
tendent 147.000 créations d'emplois
en 2018 (une prévision très proche
de celle du gouvernement), contre
281.000 en 2017. « Cet affaiblisse-
ment proviendrait de deux facteurs
ponctuels », explique la note de la
banque centrale. « D'une part,
l'emploi non marchand pâtirait de la
baisse du nombre d'emplois aidés. »
Ainsi, l'emploi dans les secteurs non
marchands baisserait de 46.000 en
2018. En début de semaine,Muriel
Pénicaud, la ministre du Travail,
avait affirmé qu'il s'agissait d'« un
choix assumé », le gouvernement
souhaitant « moins de traitement
statistique du chômage » mais « plus
de réformes structurelles ». Autre ex-
plication, selon l'étude : « Les effets
de la politique de l'emploi
s'estomperaient progressivement. »
Le Crédit d'impôt pour la compétiti-
vité et l'emploi (CICE) et le pacte de
responsabilité mis en place sous le
quinquennat précédent ne montent
plus en puissance et l'aide à
l'embauche pour les PME a été arrê-
tée le 30 juin dernier.
Un palier avant la
reprise
Toutefois, le taux de chômage devrait
repartir à la baisse les deux années
suivantes pour revenir à 8,8 % en
2020. Dans le secteur privé, l'emploi
continuerait d'être soutenu par le dy-
namisme de l'activité et « la trans-
formation du CICE en allégements de
cotisations sociales employeurs en
2019 favoriserait progressivement
une nouvelle accentuation des créa-
tions d'emplois marchands », esti-
ment les économistes de la Banque
de France. Enfin, l'emploi dans les
secteurs non marchands se stabilise-
rait après la forte baisse enregistrée
en 2018. Selon ce scénario, l'année
prochaine ne serait donc qu'un palier
avant une reprise de la décrue du
chômage. ■
par Guillaume De Calignon
Tous droits réservés Les Echos 2017
1A9C038789501408E54416A0040E519315538D9462C60D76862CC9E
Parution : Quotidienne
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Construction de prisons : la Cour des comptes dénonce le recours auprivéLes PPP pour la construction de prisons et de palais de justice sont épinglés pour leurs « coûtsélevés ».
N° 22593jeudi 14 décembre 2017
Page 3541 mots
FRANCE—FINANCES PUBLIQUES
Haro sur les PPP ! Depuis une dizaine
d'années, quand il a fallu construire
des places de prison voire certains
palais de justice, l'Etat a recouru plus
d'une fois à ces partenariats public-
privé passés avec des groupes de
BTP, qui ont eu longtemps l'énorme
avantage de ne pas alourdir la dette
publique. Le bilan de cette politique
tiré par la Cour des comptes est pour
le moins sévère et l'amène à deman-
der de bannir une telle pratique. « Le
recours important aux contrats de
partenariat a constitué, pour le mi-
nistère, une fuite en avant dont les
effets sur les marges budgétaires se
font sentir de façon croissante », est-
il écrit dans un rapport sur la poli-
tique immobilière du ministère de la
Justice paru ce mercredi. A lire ce do-
cument, il n'y a pas grand-chose à
sauver dans cette politique à laquelle
l'Etat a beaucoup recouru à partir de
2006. Le principe est connu : le fi-
nancement, la construction et la
maintenance d'un ouvrage sont
confiés à un acteur privé, que l'Etat
rémunère sous forme de redevances.
Ce schéma a été retenu pendant la
dernière décennie pour 14 projets de
prisons, dont trois ont été livrées
(Valence, Riom et Beauvais). Sur les
palais de justice, la solution a été
choisie pour deux sites (Caen et
l'emblématique nouveau TGI de Pa-
ris). Le bilan ? « Des coûts élevés à
tous les stades du contrat », selon la
Cour. Ainsi le taux de financement
des prisons de Riom, Valence, et
Beauvais et du TGI de Caen est
proche de 5,9 % quand l'Etat se finan-
çait à 1,86 % en 2012 à la conclusion
des contrats…
Même inflation sur les coûts de
construction : ceux de la prison de
Riom sont 53 % plus élevés que ceux
de l'établissement d'Orléans-Saran,
fait de façon traditionnelle. La Cour
des comptes revient longuement sur
le cas du nouveau Palais de justice de
Paris, regrettant un choix « guidé par
des considérations budgétaires de
court terme », qui impliquera « des
loyers annuels d'un montant moyen
de 86 millions d'euros ».
Poids budgétaire
Ce poids budgétaire grandissant n'est
pas propre au seul TGI de Paris, et les
sages de la rue Cambon dénoncent «
l'effet d'éviction des PPP ». Ces der-
niers ne concernent que 14 prisons
sur un total de 187 centres péniten-
tiaires, mais ils sont amenés à repré-
senter à partir de 2020 « 40,5 % des
crédits consommés en 2015 pour
l'immobilier pénitentiaire ». La Cour
des comptes évoque du coup le «
risque d'une impasse budgétaire »
alors que l'Etat doit financer
d'importants travaux d'entretien et
de nouvelles constructions pour sa
politique pénitentiaire. « De nou-
veaux PPP […] ne sauraient être
considérés comme une solution rai-
sonnable » , prévient la Cour, qui ap-
pelle le gouvernement à procéder à
une loi de programmation plurian-
nuelle réaliste. Durant sa campagne,
Emmanuel Macron avait promis la
construction de 15.000 nouvelles
places de prison sans préciser par
quel financement. ■
par Renaud Honoré
Tous droits réservés Les Echos 2017
829823F88120F40D150D15101607718D13635391726802AAC55234C
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Services publics : la santé devient la priorité des Français après l'emploi
N° 22813jeudi 14 décembre 2017
Page 21370 mots
ÉCONOMIE—L'HISTOIRE
Emploi, santé, éducation ! Tel est
le trio de tête des attentes des
Français à l'égard des pouvoirs pu-
blics, révèle l'édition 2017 du ba-
romètre de l'Institut Paul Delou-
vrier, réalisée par Kantar Public,
dévoilé par Le Figaro en exclusi-
vité. Après plusieurs années mar-
quées par une forte poussée des
attentes de type sécuritaire, en
raison des attentats, les domaines
régaliens (police, justice, défense)
reculent nettement, cette année,
dans les priorités et passent au
quatrième rang. Une autre de-
mande de protection s'exprime
avec la forte hausse des attentes
concernant la sécurité sociale (+ 5
points), le logement (+7 points), et
surtout la santé publique (+6
points) qui devient pour la pre-
mière fois depuis la création du
baromètre la deuxième priorité
des Français devant l'éducation
nationale. Mais toujours derrière
l'emploi, souci majeur dans un
pays marqué par le chômage de
masse. Les attentes ne sont pas
partout les mêmes dans
l'Hexagone. En Île-de-France, Bre-
tagne et Pays de la Loire, la santé
publique devance l'emploi. Dans
les Hauts-de-France, en Paca,
Centre et Bourgogne-Franche-
Comté, la police et la gendarmerie
dépassent l'éducation nationale.
En revanche, une chose est sûre :
après dix ans de mécontentement
croissant, 2017 marque un pre-
mier, et net, redressement de
l'opinion des Français (+ 7 points)
à l'égard de l'action de l'État. Dé-
sormais, 72 % des usagers
s'estiment satisfaits des services
publics, et 44 % des Français en
ont une bonne opinion. ■
par M.-C. R.
Tous droits réservés 2017 Le Figaro
199503238710df00a54011a0c50ef12c1d23759ff26b05e46833432
Parution : Quotidienne
Diffusion : 306 673 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 1 663 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 21
PROTECTION SOCIALE
↑ 22
Optique, dentaire : le casse-tête du reste à charge zéroLes discussions sur les frais dentaires, optiques, et d'audioprothèses viennent de s'ouvrir.Les mu-tuelles demandent à l'Etat de contribuer via une baisse de la fiscalité.
N° 22594vendredi 15 décembre 2017
Page 2656 mots
FRANCE—SANTÉ
Discrètement, début décembre, une
concertation s'est ouverte pour
mettre en place le « reste à charge zé-
ro » sur les prothèses dentaires, au-
ditives et les lunettes, à l'horizon de
2022. Une promesse phare du candi-
dat Macron lors de la campagne pré-
sidentielle. Des réunions ont été pro-
grammées jusqu'à fin janvier au mi-
nistère de la Santé entre les payeurs
- assurances obligatoire et complé-
mentaire - et les professionnels.
Après une phase de diagnostic, les
participants devront définir un pa-
nier de soins intégralement rembour-
sables pour les trois spécialités. De
premières orientations sont atten-
dues au printemps, avec une possible
traduction législative à l'automne
prochain dans le budget de la Sécuri-
té sociale pour 2019.
Emmanuel Macron a demandé à
chaque acteur de faire un effort. Mais
les complémentaires santé vont jouer
un rôle clef, car elles sont devenues
les premiers financeurs de ces sec-
teurs. Jeudi, la Mutualité française a
présenté ses propositions à ses par-
tenaires. Tous les leviers doivent être
actionnés, selon elle, et pas seule-
ment le niveau de remboursement.
Elle appelle l'Etat à prendre sa part
du fardeau en baissant la TVA sur les
lunettes de 20% à 5,5 % et en dimi-
nuant la taxe de solidarité addition-
nelle sur les contrats d'assurance-
maladie (TSA) pour les « bons élèves
». Elle met aussi en avant ses réseaux
d'accès aux soins, où le reste à charge
zéro existe déjà, et demande plus de
marge de manoeuvre pour contrac-
tualiser avec les professionnels de
santé.
« Nos cotisations obligatoires et
complémentaires sont censées ga-
rantir l'accès aux soins partout et
pour tous. Or cette promesse est de
plus en plus difficile à tenir à cause
de l'essor de la liberté tarifaire »,
constate Thierry Beaudet, le pré-
sident de la Mutualité française, en
rappelant que les remboursements
des complémentaires se sont envolés
de 15 milliards d'euros à 26 milliards
en quatorze ans. Les tarifs ont décol-
lé et, avec eux, le taux de renonce-
ment aux soins : 4 % en optique, 27
% en dentaire et jusqu'à 57 % dans
l'audioprothèse. Ceux qui s'équipent
quand même le paient au prix fort,
avec 4,4 milliards d'euros de reste à
charge chaque année. « Nous devons
nous placer du point de vue de
l'usager pour renouer avec la pro-
messe », insiste Thierry Beaudet.
Choisir et non subir
La Mutualité s'arrime à deux prin-
cipes. Primo, le reste à charge ne de-
vra pas être « subi » mais « choisi
». L'usager doit pouvoir opter pour
des montures de luxe pas totalement
remboursées. Secundo, si le « panier
de soins nécessaires de qualité » doit
s'imposer aux financeurs comme aux
soignants, il faudra conserver des es-
paces de liberté propices à
l'innovation. Le patient pourra ainsi
choisir l'équipement qui lui convient
; le professionnel, proposer des op-
tions ; l'assureur, enrichir sa gamme
sans passer par une surcomplémen-
taire. « Le système a besoin de sou-
plesse, commente Thierry Beaudet,
faisons confiance aux acteurs. »
Jusqu'où les financeurs sont-ils prêts
à s'engager pour solvabiliser la de-
mande de soins ? « Nous serions fa-
vorables à ce que l'assurance-maladie
obligatoire augmente ses rembourse-
ments », lance le mutualiste, lors-
qu'on lui demande si les mutuelles
sont prêtes à assumer un rôle plus
important. La ministre des Solidari-
tés et de la Santé, Agnès Buzyn, vient
de les réprimander après l'annonce
d'une hausse des primes en 2018.
Mieux vaut faire profil bas. D'ailleurs,
les institutions de prévoyance ne se
montrent pas plus conquérantes : «
Notre philosophie n'est pas
d'augmenter la masse assurable, mais
de donner du sens aux cotisations »,
explique Evelyne Guillet, au Centre
technique des institutions de pré-
voyance, tout en reconnaissant que
la négociation dentaire « ne se fera
pas à coût zéro » pour les complé-
mentaires. ■
par Solveig Godeluck et
Laurent Thévenin
Tous droits réservés Les Echos 2017
EE97933C89809A09F5F11170880111B118F3EB94A25403BE4658A74
Parution : Quotidienne
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LA MUTUELLE SANTÉ EST OBLIGATOIRE DANS LES ENTREPRISES DEPUIS 2016. MAIS L'OBJECTIF D'AMÉLIORER L'ACCÈSAUX SOINS N'EST PAS ATTEINT
Complémentaire santé : pas plus de salariés couvertsTout ça pour ça ! Depuis 2016, toute entreprise doit avoir mis en place une couverture santé pourses salariés. Selon une étude du Crédoc pour le Centre technique des institutions de prévoyance(CTIP), cette généralisation de la mutuelle n'a pas eu les effets escomptés.
N° 1154mercredi 13 décembre 2017
Page 41575 mots
Tout ça pour ça, peut-on soupirer à la
lecture de l'étude livrée mardi par le
Crédoc pour le Centre technique des
institutions de prévoyance (CTIP),
sur les conséquences de la généra-
lisation de la complémentaire santé
dans les entreprises. Cette générali-
sation a été mise en œuvre par pré-
cédent gouvernement, pour honorer
une promesse de François Hollande.
L'objectif, louable, était de favoriser
l'accès aux soins, puisque ceux qui y
renoncent sont, le plus souvent, ceux
qui ne détiennent pas de mutuelle.
L'obligation a pris effet au 1er janvier
2016. Si on se place du côté des en-
treprises, c'est un succès : sur
l'échantillon interrogé par le Crédoc,
elles étaient 28 % en 2015 à ne pas
posséder de contrat complémentaire
santé, elles ne sont plus que 7 %
2017. Pour autant, la population des
salariés couverte, elle, n'a pas bougé
d'un iota : 5 % de salariés n'étaient
pas couverts en 2015 (un chiffre qui
correspond à l'estimation de
l'Institut de recherche et de docu-
mentation en économie de la santé ;
Irdes) et ils sont toujours 5 % en 2017
! Seule différence, les personnes cou-
vertes ne le sont plus de la même fa-
çon : celles qui détenaient une mu-
tuelle individuelle sont passées de 19
% à 13 %, celles couvertes par
l'entreprise sont à peine plus nom-
breuses, à 69 % contre 68 % en 2015.
Enfin celles couvertes par leur
conjoint ont augmenté de 7 % à 13 %,
selon l'enquête Crédoc-Ctip.
Eloignés de l'emploi. Conclusion,
l'objectif n'est pas atteint, puisqu'il
n'y a pas plus de personnes cou-
vertes. Ce n'est même pas une sur-
prise. Dans son étude de mai 2015,
l'Irdes précisait en effet que « parmi
l'ensemble des individus ne bénéfi-
ciant d'aucune complémentaire santé
en 2012, 80 % resteraient non cou-
verts après la généralisation ». Pour-
quoi ? Tout simplement parce qu'il
s'agit de personnes éloignées de
l'emploi, comme les chômeurs, les
personnes âgées retraitées, les étu-
diants ou les salariés précaires (ceux
qui ont plusieurs petits boulots par
exemple). Pour eux, la généralisation
n'a eu strictement aucun effet.
La généralisation de la complémen-
taire santé a, en revanche, conduit
la multiplication des options faculta-
tives, en plus du contrat socle mis en
place dans l'entreprise. Celui-ci de-
vait obligatoirement comporter cer-
taines garanties minimales. Plus d'un
employeur sur trois (37 %) s'est
contenté de mettre en place ce
contrat minimum, les autres ont été
un peu plus généreux. Mais comme
les garanties restent malgré tout as-
sez modestes, la plupart des entre-
prises (60 %) ont proposé à leurs sa-
lariés des contrats optionnels plus
couvrants, mais facultatifs, et pour
les deux tiers à la charge financière
exclusive des salariés. Paradoxe, c'est
la généralisation de la complémen-
taire santé à la française qui va finir
par promouvoir les « plans cafétéria »
à l'anglo-saxonne, dans lesquels, au-
delà d'un contrat socle, chaque sala-
rié pioche et choisit les garanties qui
lui conviennent le mieux…
Moins cher. Tout n'est pas noir pour
autant et les salariés interrogés par
le Cré-doc semblent satisfaits de la
mise en place d'une mutuelle obliga-
toire dans leur entreprise, parce que
c'est moins cher pour eux,
l'employeur ayant l'obligation de
prendre en charge 50 % de la coti-
sation du contrat appli-cable à tous.
Ils constatent également que « pour
moins cher ou pour le même prix, les
garanties des contrats collectifs sont
meilleures que celles de leur assu-
rance indivi-duelle », selon le Crédoc.
Mais, revers de la médaille, 8 % des
salariés sont moins bien couverts
qu'avec leur mutuelle antérieure.
La généralisation de la complémen-
taire santé en entreprise est donc sur
les rails, mais n'a servi à rien en
termes d'accès aux soins. Il reste en
effet de nombreux trous dans la ra-
quette. Les étudiants peuvent éven-
tuellement continuer à profiter de
l'assurance de leurs parents quand ils
en sont dotés. Les chômeurs ont ob-
tenu en 2016 de bénéficier d'un an
de leur précédente mutuelle
d'entreprise gratuitement, au lieu de
six mois. Mais, la question reste en-
tière après l'année d'assurance of-
ferte.
Quant aux retraités, un décret de
mars 2017 a précisé qu'ils pourraient
conserver leur ancienne assurance
↑ 24
d'entreprise sans augmentation de
tarif la première année, avec une
augmentation de 25 % la deuxième
année et une autre de 50 % la troi-
sième année. Ensuite, assureurs et
mutuelles ont les coudées franches
pour monter les tarifs comme ils le
souhaitent ! Une pratique qui risque
d'éloigner encore davantage les plus
âgés de l'assurance santé. ■
par Mireille Weinberg et Béa-
trice Houchard @behache3 T
@Mi_Weinberg t
↑ 25
ENCADRÉS DE L'ARTICLE
La députée Marine Le Pen, avec les moyens du bord
On pourrait dire, comme « Les Guignols de l'info » à l'époque où ils étaient drôles : « Quand ça veut pas, ça
veut pas. » Le 11 décembre, Marine Le Pen est dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale où l'on débat de
la « réforme des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ». Pas très sexy, mais très juri-
dique. La présidente du Front national, avocate de formation, aime ces sujets-là et a tenu à intervenir.
D'abord à la tribune, pour dénoncer « l'anglo-saxonisation de notre droit ». Puis, lors de la discussion par
article, pour la défense d'une dizaine d'amendements.
Las ! Comme au soir du funeste débat du 3 mai face à Emmanuel Macron, elle s'emmêle dans ses papiers («
Attendez, je me suis perdue dans mes articles », dit-elle) pour le quatrième amendement, prend le mauvais,
commence à le lire. « Murmures », indique le compte rendu officiel. La députée du Pas-de-Calais est alors
gentiment interrompue par la présidente de séance, Carole Bureau-Bonnard : « Madame la députée, s'agit-il
bien de l'amendement n° 12 ? » Réponse de la députée du Pas-de-Calais : « Ce n'est pas celui-là ? Ah bah
non, mais ça… Décidément… On va y arriver. » Dans la masse de la procédure parlementaire, ça peut arriver
à tout le monde. Mais c'est arrivé à Marine Le Pen et BFMTV a fait circuler la vidéo. Pas de chance. Le reste
du débat s'est déroulé sans encombres.
Situation compliquée. Marine Le Pen est dans une situation très compliquée à l'Assemblée. « Situation in-
édite, » note même le député du Nord Sébastien Chenu, qui coordonne le travail de tous les élus FN (lui-
même et Marine Le Pen, Gilbert Collard, Louis Aliot, Ludovic Pajot et Bruno Bilde). Car on n'a jamais vu un
président de parti, et encore moins un finaliste de l'élection présidentielle, pinailler pour une virgule sur un
sous-amendement.
François Mitterrand était un orateur hors pair pour porter le fer lors
des motions de censure. Jacques Chirac se réservait pour les débats
importants de politique générale. Nicolas Sarkozy était plus actif
comme ministre que comme parlementaire. Même Jean-Marie Le Pen,
à la tête d'un groupe de trente-cinq députés entre 1986 et 1988,
montait à la tribune quand ça pouvait faire un peu de bruit. Et plutôt
pas en séance de nuit devant un hémicycle vide.
Avec peu de temps de parole, Marine Le Pen ne s'en sort finalement
pas si mal, même si elle ne semble pas toujours s'exprimer avec beau-
coup de conviction, comme si elle peinait à trouver le ton juste pour parler dans l'hémicycle. Sur le site
nosdeputes.fr, elle est classée dans les « 150 députés les plus actifs » pour ses interventions en séance
(56), les propositions de loi écrites ou signées, le nombre d'amendements signés (211). Mais elle est dans
les « 150 les moins actifs » pour sa présence en Commission des affaires étrangères.
Elle voudrait, explique Sébastien Chenu, « donner des perspectives ». En d'autres termes, faire de la poli-
tique. Mais elle doit se contenter de signer une proposition de loi « visant à accroître la lutte contre
l'immigration clandestine et l'extraction illégale d'or en Guyane », défendre les classes moyennes et les re-
traités dans les discussions budgétaires ou préconiser avec les nationalistes corses le gel des matches de
football le jour anniversaire du drame de Furiani. Sans oublier de prendre son tour de garde pour représen-
ter les sept députés FN sur les sièges très inconfortables de l'hémicycle. Heureusement, confie un de ses
proches, elle commence à moins souffrir du dos. Preuve qu'il y a quand même de bonnes nouvelles.
Paradoxe, c'est la généralisation de la complémentaire santé à la française qui va finir par promouvoir les
« plans cafétéria » à l'anglo-saxonne“ En termes d'accès aux soins, il reste de nombreux trous dans la raquette
“
↑ 26
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0394d35c84f0210455d31d20340e31d315535b9a023106c1e8274dc
Parution : Quotidienne
↑ 27
MOUVEMENTS SOCIAUX
↑ 28
NÉGOCIATIONS
Les agents de nettoyage voient presque le bout du tunnelAprès six semaines de grève, un accord de fin de conflit est sur le point d'être signé entre les syn-dicats et la direction de l'entreprise H. Reinier.
vendredi 15 décembre 2017Page 8
799 mots
SOCIAL-ECO
U ne étape décisive vers la fin de
la grève des agents de net-
toyage. Après six semaines de lutte,
une nouvelle séance de négociations
a eu lieu hier soir entre les syndicats
de propreté FO, SUD rail, CFDT et la
direction de H. Reinier, filiale du
groupe Onet et prestataire de la
SNCF. « Nous sommes sur la bonne
voie pour conclure un accord », af-
firment des sources syndicales. A
l'heure où nous écrivons ces lignes, le
protocole d'accord de fin de conflit
n'a pas été signé entre les parties.
Toutefois, les grévistes ont d'ores et
déjà conquis de nouveaux droits.
Alors que ces salariés perçoivent un
peu plus d'un Smic et travaillent dans
des conditions difficiles, ils ont obte-
nu l'application de la convention col-
lective manutention ferroviaire pour
tous les employés, la prolongation
des mandats des représentants du
personnel jusqu'aux prochaines élec-
tions professionnelles, l'absence de
modification des clauses de mobilité
dans leur avenant au contrat de tra-
vail. Un point crucial pour ces agents
de nettoyage qui refusent de tra-
vailler dans des gares différentes se-
lon les jours. Ce n'est pas tout. Ils
vont percevoir une prime de panier-
repas de 4 euros, contre 1,90 euro au-
paravant, et une hausse au prorata
est prévue pour les agents à temps
partiel.
Pour l'heure, les grévistes n'ont pas
obtenu gain de cause sur toute la
ligne. Ils exigent une revalorisation
de la prime de vacances à 70 %, mais
elle devrait l'être au minimum. Et les
CDD ne devraient pas être automati-
quement requalifiés en CDI, même si
ces salariés précaires bénéficieraient
d'« un accès prioritaire à l'embauche
», selon la SNCF.
« Nous n'avons pas été entendus sur
tous les points pour le moment, mais
les avancées sont considérables », es-
time Noreddine Toumi, secrétaire
général du syndicat FO des person-
nels du nettoyage des trains et gares
d'Île-de-France, qui a suivi les négo-
ciations depuis début novembre. De
son côté, Anasse Kazib, syndicaliste
SUD rail, regrette vivement que « la
direction ne cède pas sur la prime de
vacances ».
Ce qui ne les empêche pas de saluer
le mouvement de lutte : « Les salariés
ont beaucoup de courage, ils
tiennent des piquets de grève jour et
nuit. Un respect a été instauré avec
la direction, qui a été surprise d'une
telle mobilisation. » La solidarité des
camarades de lutte et des voyageurs
a contribué à la poursuite du mouve-
ment, une caisse de grève a atteint
près de 50 000 euros, selon un syndi-
caliste SUD rail.
Alors que le conflit social pourrait
toucher à sa fin, une première
manche a été remportée sur le terrain
judiciaire. Hier, le juge des référés du
tribunal administratif de Montreuil
(Seine-Saint-Denis) a rejeté le carac-
tère urgent de la demande de SNCF
Mobilités, qui a assigné, le 4 dé-
cembre, neuf grévistes, estampillés
SUD rail et CFDT, pour « occupation
illicite » de la gare de Saint-Denis.
Dans sa décision, le magistrat ne
constate pas d'occupation physique
des locaux de la gare de Saint-Denis
au moment il statue, ni de risque par-
ticulier pour les voyageurs et
d'entrave à la circulation des trains.
Pour l'avocat des salariés de SUD rail,
Xavier Courteille, du cabinet Borza-
kian, ce délibéré est « une victoire
puisque le mouvement peut se pour-
suivre. En effet, aucune expulsion n'a
été ordonnée ».
La bataille judiciaire n'est pas termi-
née. Le tribunal administratif de
Cergy-Pontoise (Val-d'Oise), saisi
par SNCF Mobilités pour examiner le
cas des gares d'Ermont-Eaubonne et
de Garges-Sarcelles, va rendre sa dé-
cision le 20 décembre. L'entreprise
leur reproche aussi une « occupation
illicite » de ces stations. Contactée
par l'Humanité, SNCF Mobilités a ré-
pondu par un communiqué, dans le-
quel on peut lire qu'« il ne s'agit pas
d'une procédure juridique destinée à
mettre fin à un conflit social, mais
liée à une occupation illicite rendant
impossible l'accès à des dépendances
du domaine public ferroviaire, y
compris aux agents de la SNCF ; si la
grève continue, sans occupation illi-
cite, ces procédures en référé expul-
sion seront abandonnées ».
Des arguments loin de convaincre le
syndicaliste SUD rail Anasse Kazib :
↑ 29
« La SNCF espère simplement casser
le mouvement de grève et maintenir
la pression sur les salariés. » Et
d'ajouter : « Sa stratégie ne fonc-
tionne pas. Les employés n'ont eu de
cesse de reconduire le mouvement. »■
par Lola Ruscio
Tous droits réservés L'Humanité 2017
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Parution : Quotidienne
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Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 30
La CGT tente de troubler les ventes de Noël chez Carrefour
Le syndicat prévoit des actions dans dix à quinze hypers, un mois avant l'annonce du planstratégique du groupe.
ENCADRÉS DE L'ARTICLE
20 %
Représentativité de la CGT chez Carrefour Hypermarchés
N° 22814vendredi 15 décembre 2017
Page 25761 mots
ÉCONOMIE
DISTRIBUTION « On va leur
pourrir Noël », promet Philippe Al-
lard, délégué du collectif CGT Car-
refour. À l'approche des fêtes de fin
d'année, le troisième syndicat du dis-
tributeur (20 % des voix aux élections
de la branche hypermarché) tente de
mettre la pression sur Alexandre
Bompard. Le PDG du groupe annon-
cera le 23 janvier son plan straté-
gique.
Agitant le chiffon rouge d'un plan de
restructuration débouchant sur 5 000
suppressions de postes (un chiffre ju-
gé sans fondement par le groupe), le
collectif CGT du distributeur appelle
ce vendredi à des mobilisations en
magasin le 22, 23 et 24 décembre, le
week-end le plus chargé de l'année
pour le distributeur. « Nous avons été
reçus par la direction le 7 décembre
pour exprimer nos inquiétudes sur la
location-gérance ou sur les suppres-
sions de postes à Massy. Mais aucune
réponse pour le moment », explique
ainsi Philippe Allard.
Le syndicat appelle à un tractage de-
vant les hypers, supermarchés et su-
pérettes du groupe. Surtout, il veut
créer « dix à quinze points chauds »
dans autant de paquebots de
l'enseigne. Pour cela, il lance un ap-
pel à la grève, espérant rassembler
suffisamment de salariés pour « créer
des points de ras-semblement massif,
voire bloquer certains hypermarchés,
on ne s'interdit rien », assure Franck
Gaulin, délégué national CGT-hy-
pers.
FGTA-FO joue
l'apaisement
Affaiblie fin novembre par la signa-
ture d'un accord sur l'ouverture do-
minicale des hypers obtenu sans son
appui, la CGT veut faire entendre sa
voix et prouver que le choix de déca-
ler d'un mois l'annonce du plan stra-
tégique pour ne pas troubler Noël a
été vain.
Le pari de la CGT est pourtant loin
d'être gagné. Pour chaque « point
chaud », il faudrait en effet mobiliser
une cinquantaine de salariés prêts à
faire une croix sur des heures supplé-
mentaires ou des jours mieux payés.
Lors de sa précédente action, le 7 dé-
cembre, devant le siège de Carrefour
France, à Massy (Essonne), la CGT a
essuyé un semi-échec. Selon son
chiffrage, 300 personnes étaient pré-
sentes, d'autres sources estimant à
une petite cinquantaine le nombre de
manifestants effectivement salariés
de Carrefour.
FGTA-FO, le syndicat majoritaire en
hypermarchés, joue, lui, l'apaisement
avant les fêtes. « Nous avons demandé
un rendez-vous urgent avec Alexandre
Bom-pard pour qu'il nous dise ce qu'il
compte faire précisément, confie De-
jan Terglav, secrétaire général de la
FGTA-FO. Mais nous ne fe-rons rien
à Noël, car ce serait ajouter aux pro-
blèmes de Carrefour et peser encore
plus sur le chiffre d'affaires des hypers.
C'est une erreur de croire que les gens
sont prêts à détruire leur outil de tra-
vail sans savoir vraiment ce qui les at-
tend. » Le week-end de Noël, un gros
hyper franchit le million d'euros de
chiffre d'affaires par jour, et une
simple opération de tractage peut ra-
pidement faire chuter ce chiffre.
« En revanche, si la nouvelle direction
annonce des décisions inacceptables le
23 janvier sans avoir négocié, ce sera
la guerre totale », prévient Dejan Ter-
glav, qui évoque de possibles blo-
cages « durables » de magasins. ¦ ■
par Olivia Détroyat £@OIiviader
Tous droits réservés 2017 Le Figaro
6e9163f18cb05209b5191520d10461cd1a332e9132a3079e3626493
Parution : Quotidienne
Diffusion : 306 673 ex. (Diff. payée Fr.) - © OJD DSH 2016/2017
Audience : 1 663 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 31
EUROPE ET INTERNATIONAL
↑ 32
ÉCONOMIE
Comment les inégalités se creusentS'appuyant sur une base de 175 millions de données permettant de mesurer les différences de re-venus et de patrimoine, les économistes de plus de 70 pays dénoncent une montée en flèche desdisparités dans le monde depuis quarante ans.
vendredi 15 décembre 2017Page 4
781 mots
L e travail des économistes
compilé dans le Rapport sur les
inégalités mondiales dessine un pro-
fil des inégalités qui, malgré les diffé-
rences entre continents et pays,
semble suivre la même trajectoire.
Les économistes en ont identifié plu-
sieurs causes.
Tout commence par l'inégale réparti-
tion du capital entre privé et public.
Si la richesse nationale a considéra-
blement augmenté, dans le même
temps, la privatisation des services et
des entreprises s'est accélérée. « Ces
dernières décennies, d'importants
transferts du patrimoine public vers
le privé se sont opérés dans la plupart
des pays, riches comme émergents »,
expliquent les auteurs. Le patrimoine
privé a doublé passant de 200-350 %
du revenu national en 1970 à
400-700 % aujourd'hui , voire même
triplé ou quadruplé en Russie et en
Chine. A l'inverse, le patrimoine pu-
blic net (les actifs publics moins les
dettes) a diminué partout, jusqu'à
rester tout juste positif en Alle-
magne, en France ou au Japon, deve-
nant négatif au Royaume-Uni et aux
états-Unis. « Le fait que l'on observe
des pays avec un patrimoine public
négatif est un fait économique ma-
jeur et tout à fait particulier, alerte
l'économiste Lucas Chancel. Cela
veut dire que, si le gouvernement
américain vendait l'ensemble de ses
écoles, hôpitaux, infrastructures de
transport et titres, il ne serait même
pas en mesure de rembourser sa
dette. » Ce qui « limite la capacité
d'action des états contre les inéga-
lités ». De plus, la hausse du capital
privé a profité essentiellement aux
plus riches, alors que les états, en
vendant leurs actifs, se sont privés
d'une rente régulière. Au final, « les
détenteurs de patrimoine privé se
sont enrichis, mais les états se sont
appauvris », expliquent les auteurs,
alors que richesse nationale a large-
ment augmenté.
« Entre 1970 et le milieu des années
2000, la progressivité de l'impôt a été
fortement réduite dans les pays
riches et dans certains pays émer-
gents », annoncent les auteurs.
« Notre rapport est un cri d'alarme
contre cette lourde tendance inégali-
taire. Car, chaque pays pris isolément
a envie d'attirer chez lui les plus
riches », note Thomas Piketty. Dans
le même temps, l'impôt des classes
moyennes augmente. Pour les au-
teurs, si la réduction des inégalités
passe par la généralisation de l'impôt
progressif, celle-ci ne pourra se faire
qu'à condition de lutter contre
l'évasion fiscale. « Les capitaux pla-
cés dans les paradis fiscaux ont
considérablement augmenté depuis
les années 1970 et représentent au-
jourd'hui plus de 10 % du PIB mon-
dial », écrivent-ils. Du fait d'un plus
grand recours à ces artifices, « il est
difficile de mesurer et d'imposer cor-
rectement le patrimoine et les reve-
nus du capital à l'heure de la mon-
dialisation », regrettent les écono-
mistes. Et de proposer la création
d'« un registre mondial des titres fi-
nanciers permettant d'identifier les
détenteurs ».
L'autre problème concerne les plus
bas revenus. Les divergences « entre
l'Europe de l'Ouest et les états-Unis,
qui avaient des niveaux d'inégalité
comparables en 1980, mais se
trouvent aujourd'hui dans des situa-
tions radicalement différentes »,
s'expliquent, selon Thomas Piketty,
par « une inégalité considérable en
matière d'éducation ». « Cela montre
que les politiques publiques ont un
fort impact sur les inégalités »,
ajoute-t-il. Aux états-Unis, sur 100
enfants dont les parents appar-
tiennent aux 10 % des revenus les
plus bas, seuls 20 à 30 vont à
l'université. Ce chiffre passe à 90
lorsque les parents appartiennent
aux 10 % des plus hauts revenus. Or,
rappellent les auteurs du rapport,
« une démocratisation de l'accès à la
formation est un puissant levier »,
même si « l'éducation ne suffira pas
à réduire les inégalités ». Dans leur
rapport, ils préconisent une
« meilleure représentation des tra-
vailleurs dans les organes de direc-
tion des entreprises et des salaires
minimaux corrects ».
Reste que les inégalités pourraient
encore s'aggraver. Dans leur rapport,
les auteurs anticipent une nouvelle
hausse d'ici à 2050, sur la base des
tendances actuelles. La part de patri-
moine des plus riches passerait ainsi
de 33 % à 39 %, tandis que « la classe
moyenne mondiale » verrait sa part
de patrimoine « comprimée », de
29 % à 27 %. Pour autant, « le but de
ce rapport (n'est) pas de se lamen-
ter », mais de voir « comment il est
↑ 33
possible, au sein d'une même mon-
dialisation, d'avoir différentes poli-
tiques nationales », a expliqué Tho-
mas Piketty sur France Inter. ■
par Clotilde Mathieu
Tous droits réservés L'Humanité 2017
E99883D48370710D65281760060641AC15B3879C42B405D0604B5B9
Parution : Quotidienne
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Audience : 372 000 lect. (LNM) - © AudiPresse One 2016↑ 34
Aux états-Unis, la précarité reste la règle en dépit de la croissance
vendredi 15 décembre 2017Page 5
352 mots
L es états-Unis et le Canada sont
la région du monde industrialisé
où le creusement des inégalités a été
le plus marqué, souligne le travail de
l'équipe internationale
d'économistes pilotée par les Fran-
çais Thomas Piketty et Lucas Chan-
cel. Outre-Atlantique, la part du re-
venu national allant aux 10 % des ci-
toyens les plus aisés est ainsi passée,
selon leurs calculs, de 34 % à 47 % du
PIB entre 1980 et 2016. Une tendance
qui ferait courir, alertent-ils, des
« risques de catastrophes majeurs » à
l'humanité. L'analyse paraît d'autant
plus pertinente que, durant la pé-
riode étudiée, les états-Unis ont été
déjà l'épicentre, en 2008, d'un krach
aux effets ravageurs pour toute la
planète. Les pressions sur les salaires
des plus pauvres étaient au centre du
phénomène. Les déréglementations
des présidents Reagan, puis Clinton
ont conduit des centaines de milliers
de familles précarisées à recourir aux
emprunts dits subprimes pour accé-
der à un logis à bon compte. Jusqu'au
jour où la bulle immobilière a éclaté,
précipitant du même coup vers les
sommets les taux des crédits sous-
crits et vers la ruine les familles en-
dettées.
Aujourd'hui, le chômage officiel
baisse, mais le taux d'emploi reste
très bas. Signification essentielle de
ce paradoxe : l'enfermement dans la
précarité demeure la règle en dépit
de la croissance. Les inégalités conti-
nuent donc de prospérer en même
temps que la confiscation des reve-
nus par les plus riches. Ce qui ali-
mente de nouvelles bulles, immobi-
lière (une fois encore) ou (et) finan-
cière, avec des risques de déflagra-
tion aux dimensions décuplées.
D'autant que le big bang fiscal de Do-
nald Trump, que devrait ratifier très
prochainement le Congrès, va rendre
la situation encore plus explosive en
organisant un dumping de dimension
inédite en faveur des banques et des
grands groupes. ■
par Bruno Odent
Tous droits réservés L'Humanité 2017
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Louis Morin : «L’Europe est loin de former un bloc homogène»
On ne peut pas mettre dans le même panier le Luxembourg et la France, expliqueLouis Morin, numéro 1 de l’Observatoire des inégalités.
N° 11371vendredi 15 décembre 2017
Édition(s) : PrincipalePage 3
615 mots
ÉVÉNEMENT
L ouis Maurin, directeur de
l’Observatoire des inégalités est
coauteur du «rapport sur les inégali-
tés en France», paru en juin 2017.
Partagez-vous le constat du «rapport
sur les inégalités dans le monde» se-
lon lequel l’Europe est la région la
moins inégalitaire ?
Prise dans son ensemble, l’Europe de
l’Ouest ne s’en sort pas si mal, c’est
vrai. Mais tout d’abord, ne mélan-
geons pas tout et observons ce qui
est comparable : on ne peut pas com-
parer la France et le Luxembourg.
L’Europe est loin de former un bloc
homogène. L’Angleterre est beau-
coup plus proche des Etats-Unis que
de nous. Inversement, les Etats-Unis
sont regardés comme un tout, alors
qu’il existe de fortes divergences
entre Etats, comme l’ont montré les
dernières élections.
L’Europe gère la question des inéga-
lités de façons diverses ?
Globalement, nous avons un système
européen d’amortisseur des inégali-
tés qui parvient à contenir en partie
les effets négatifs de la montée du
chômage. Mais chaque pays a son
propre modèle. Les pays du nord de
l’Europe restent plus protecteurs. La
France se situe au milieu du gué,
parce que les inégalités de départ
sont fortes - les riches y sont très
riches - mais elle redistribue beau-
coup. Les pays du Sud et le Royaume-
Uni sont plus inégalitaires pour des
raisons différentes, les premiers sont
plus pauvres et nos voisins d’outre-
Manche de tradition moins interven-
tionniste. Enfin, l’Allemagne a laissé
croître fortement la pauvreté des tra-
vailleurs ces dernières années, bien
qu’elle semble changer de camp.
Que faut-il observer de plus pour
mieux appréhender les inégalités ?
Cette question ne peut se découper
en tranches : les inégalités consti-
tuent un système global. Avec, d’un
côté les revenus, mais aussi
l’éducation, l’emploi, la santé, le lo-
gement… Et, de l’autre, des catégo-
ries de population que l’on peut dé-
couper, par exemple, en fonction du
sexe, de l’âge, du milieu social… Les
inégalités se nourrissent entre elles :
celles relatives à l’accès à l’éducation
déterminent largement celles de re-
venus, et réciproquement. Dans un
monde du travail marqué par le chô-
mage de masse, le statut d’emploi est
devenu un marqueur essentiel pour
comprendre les inégalités : il com-
mande la sécurité du revenu dans le
temps. Gagner 1 500 euros en tant
que fonctionnaire, ce n’est pas du
tout la même chose qu’en CDD dans
une PME.
Avec quels risques ?
Les «gourmands» d’aujourd’hui
veulent toujours plus de flexibilité
pour ceux qui sont à leur service. Ce
qui attise de façon considérable les
tensions sociales entre ceux qui ont
des revenus garantis et les précaires.
La précarité n’est pas généralisée :
elle frappe essentiellement les jeunes
de milieu populaire. On l’oublie trop
souvent. Nous devons réduire une
fracture sociale, qui se conjugue avec
les inégalités de génération, de sexe,
d’origine ethno-culturelle, de terri-
toire…
A partir de quel niveau l’inégalité
devient-elle insupportable ?
Tout dépend pour qui ! Arrêtons ce
faux débat sur l’égalitarisme : per-
sonne ne revendique l’égalité des sa-
laires ou des notes à l’école. Le ni-
veau «supportable» est le résultat
d’un rapport de forces dans notre so-
ciété entre des groupes sociaux plus
ou moins bien organisés pour dé-
fendre leurs intérêts. C’est ainsi que
les plus aisés viennent d’obtenir une
baisse énorme de la fiscalité des re-
venus financiers, qui fera gagner 100
000 euros à un contribuable dont les
revenus du patrimoine sont de 400
000 euros, selon nos évaluations. En
permanence, nos sociétés produisent
un discours sur la justice, sur ce que
peut et doit être un bon niveau de
justice sociale. Les plus aisés prônent
le libéralisme (mais pour les autres)
: ils sont les mieux organisés pour
se défendre. Ainsi, le lobby des mé-
decins a un poids incomparable face
aux syndicats qui défendent les cais-
sières… ■
par Vittorio De Filippis
Tous droits réservés Libération 2017
7099830d8db03606c5b31160450a616719c3f69712e004e0d1ce91c
Parution : Quotidienne
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La France est mieux lotie que la plupart des pays développés
Le revenu moyen du 1 % le plus riche a pourtant progressé de 98 % entre 1983 et 2014,contre 31 % pour le reste de la population
vendredi 15 décembre 2017Page 28
896 mots
LE MONDE ECO ET ENTREPRISE
On a beaucoup glosé sur le
pessimisme des Français. Leur
crainte face à la mondialisation, leur
tendance, selon la formule de
l'économiste Jean Pisani-Ferry, " à
dépeindre systématiquement le gris en
noir ". Dans une enquête réalisée par
France stratégie en 2016, un tiers
d'entre eux s'inquiétait de sombrer
un jour dans la pauvreté. Une dé-
prime d'autant plus paradoxale que
l'Hexagone demeure l'un des Etats
les plus égalitaires au monde. Malgré
un chômage élevé, les antagonismes
sociaux y sont beaucoup moins pro-
noncés qu'aux Etats-Unis, la distri-
bution des revenus plus équilibrée. A
quoi tient le malaise français ?
Certes, relève le rapport sur les in-
égalités publié jeudi 14 décembre
par WID.world, la France est mieux
lotie que la plupart des pays dévelop-
pés. Sur un siècle, la recomposition
a été spectaculaire. En 1900, les 10
% les plus riches captaient la moitié
du revenu national et 85 % du pa-
trimoine. En 2014, ils ne détenaient
plus que la moitié de ce dernier et
un tiers du revenu. Les deux guerres
mondiales ont rebattu les cartes :
plus exposées aux faillites et aux
aléas financiers, les grandes fortunes
se sont étiolées. Parce qu'elle avait
moins à perdre et plus à gagner, la
classe moyenne, auparavant inexis-
tante, a vu le jour. A partir de 1968,
le niveau de vie des plus pauvres s'est
également amélioré. Une tendance
qui a duré jusqu'en 1983. C'est à ce
moment-là que la trajectoire s'est in-
versée.
Avec " le tournant de la rigueur ",
sous le premier quinquennat de
François Mitterrand, les salaires ont
cessé d'être indexés sur les prix.
L'évolution des rapports de force
dans le monde du travail et
l'aggravation du chômage ont creusé
les écarts. Pour une écrasante majo-
rité de Français, les " trente glo-
rieuses " ont pris fin. Pas pour tous
: d'après le rapport, le revenu moyen
du 1 % le plus aisé (un peu plus de
500 000 familles) a progressé de 98 %
entre 1983 et 2014, contre 31 % pour
le reste de la population. Selon les
derniers décomptes, les 50 % les plus
pauvres ne se partagent aujourd'hui
qu'un petit quart du revenu national
et à peine 6,3 % du patrimoine.
La classe moyenne s'est maintenue
essentiellement grâce à la hausse des
prix des logements. Contrairement
aux plus fortunés dont la richesse est,
depuis les années 1990, majoritaire-
ment composée d'actifs financiers,
les 40 % du milieu ont tiré ces der-
nières décennies l'essentiel de leur
prospérité de l'immobilier. Dans les
années 2000, sa valeur a grimpé
beaucoup plus vite que les prix à la
consommation. Mais si cette explo-
sion a entraîné une redistribution de
la richesse pour certains, elle a aussi
aggravé les difficultés d'accès au lo-
gement des autres, les classes popu-
laires et les familles dénuées de pa-
trimoine.
" On ne comprend pas les inégalités en
France, les tensions sociales ou le vote
FN, si on se focalise sur les plus hauts
revenus. Il faut appréhender
l'ensemble, souligner surtout que les
plus pauvres s'appauvrissent ", insiste
Louis Maurin, directeur de
l'Observatoire des inégalités. Pour
corriger le tir, une arme a fait ses
preuves : l'impôt progressif. Après
2012, quand l'exécutif dirigé par Hol-
lande a durci la taxation, les écarts de
fortunes se sont réduits.
Disparités régionales
Mais parce qu'elle a aussi plombé la
reprise, la méthode a ses détracteurs.
" L'impôt progressif est trop punitif ",
estime l'économiste Jean-Marc Da-
niel. Il pousserait les plus fortunés
à plier bagage. Par ailleurs, souligne
Mathieu Plane, de l'Observatoire
français des conjonctures écono-
miques (OFCE), la fiscalité ne joue
qu'un rôle mineur dans la réduction
des inégalités. " Le montant de l'impôt
sur le revenu est cinq fois supérieur à
celui des aides au logement, alors que
ses effets redistributifs sont moindres ",
note le chercheur.
La dépense publique pèse davantage
en raison des coûts de la prise en
charge de l'éducation, de la santé et
des minimas sociaux. L'actuel gou-
vernement rognera-t-il dessus pour
financer ses réformes ? Comment se-
ront compensées la suppression de
l'impôt sur la fortune, l'instauration
d'un prélèvement forfaitaire unique
de 30 % sur les revenus du capital,
la baisse de l'impôt sur les sociétés
et la presque disparition de la taxe
d'habitation ? Quels effets auront ces
mesures sur l'emploi et modèle redis-
↑ 37
tributif français ? Il est encore trop
tôt pour le dire.
Les inégalités, de plus, ne
s'apprécient pas seulement en
termes monétaires. Les disparités ré-
gionales, le clivage entre villes et pé-
riphéries, les discriminations liées au
genre, à l'âge, à l'origine… elles aussi
nourrissent le fameux pessimisme
français.
élise Barthet■
par élise Barthet
Tous droits réservés Le Monde 2017
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Face à l'Europe, les Etats-Unis perdent la partie
La fiscalité progressive et un modèle social généreux limitent les écarts de revenus sur leVieux Continent
vendredi 15 décembre 2017Page 29
1012 mots
LE MONDE ECO ET ENTREPRISE
Les Etats-Unis peuvent-ils toujours
se réclamer du rêve américain face à
l'Europe ? La courbe des iné-galités
permet d'en douter, tant celles-ci se
sont creusées plus vite et plus forte-
ment outre-Atlantique au cours des
trente dernières années. En 1980, les
situations étaient comparables, selon
les données colligées par les cher-
cheurs du projet World Wealth and
Income Database (WID. world). Le "
top 1 % " des Américains et Euro-
péens les plus riches détenait alors
environ 10 % du revenu (national ou
régional). Cette part est montée jus-
qu'à 12 % en Europe en 2016… mais
elle a doublé aux Etats-Unis (20 %).
Parallèlement, la part de revenu dé-
tenue par la moitié la plus pauvre de
la population américaine s'est effon-
drée, passant de plus de 20 % à 12,5
%.
Le constat a beau être connu, il n'en
demeure pas moins paradoxal.
D'abord, parce que ces deux zones
ont à peu près la même exposition à
la mondialisation et la même péné-
tration technologique, deux facteurs
invoqués pour expliquer la montée
des inégalités. En sus, comme aime à
le rappeler l'économiste Thomas Pi-
ketty, qui coordonne le projet WID,
les Etats-Unis se sont construits au-
tour d'une tradition très égalitaire.
En opposition, précisément, à une
vieille Europe en butte à de fortes
disparités de classes ou patrimo-
niales. Le système de l'impôt pro-
gressif sur les revenus n'a-t-il pas
d'ailleurs été inventé outre-Atlan-
tique, il y a un siècle ?
Tout a changé au début des années
1980. " C'est l'effet Ronald Reagan ",
explique Alexandre Delaigue, écono-
miste à l'université de Lille-I. Les
baisses d'impôts instaurées par le
président républicain dès 1981 pour
relancer l'économie ont profité aux
plus aisés et ont favorisé l'explosion
des hauts salaires. Jusque-là, les
cadres dirigeants n'avaient guère in-
térêt à réclamer des rémunérations
mirobolantes, puisqu'elles étaient
fortement taxées.
L'Europe de l'Ouest, elle, a dans
l'ensemble conservé la fiscalité plus
progressive instaurée durant les "
trente glorieuses ". Et plus élevée :
les recettes fiscales s'élevaient ainsi
à 37,6 % du produit intérieur brut
en Allemagne en 2016, à 44,1 % en
Suède et à 45,6 % en France, contre
26 % outre-Atlantique. " Cela se tra-
duit par un système de protection so-
ciale et de dépenses plus généreux
qu'aux Etats-Unis ", détaille Zsolt
Darvas, économiste au centre de ré-
flexion Bruegel, sis à
Bruxelles.L'assurance-chômage,
l'accès à la santé et aux aides sociales
limitent efficacement les écarts de
revenus observés avant impôts et
transferts. " En France, 80 % de la ré-
duction des inégalités passe par les dé-
penses publiques, et 20 % par la -fis-
calité ", ajoute Mathieu Plane, écono-
miste à l'OFCE.
Influence de la finance
Le Vieux Continent a profité d'un ef-
fet de rattrapage : lors de leur entrée
dans l'Union européenne, les nou-
veaux membres ont vu leur revenu
moyen converger vers celui des plus
riches. Surtout, les politiques sala-
riales y sont relativement plus favo-
rables aux classes mo-yennes et po-
pulaires. Grâce à une tradition de
dialogue social et au taux de syndi-
calisation encore élevé dans certains
pays – surtout en Scandinavie –, les
Européens sont en meilleure position
que les Américains lors des négocia-
tions avec les employeurs. Et ce,
même si la crise et les politiques de
rigueur ont mis un coup de frein aux
augmentations ces dernières années.
Aux Etats-Unis, un autre catalyseur
d'inégalités est le système éducatif.
Celui-ci peine à assurer sa fonction
d'ascenseur social, en dépit du dis-
cours sur la méritocratie et l'égalité
des chances. Tandis qu'en Europe la
gratuité de l'enseignement prévaut,
les enfants américains issus des mi-
lieux les plus modestes ont difficile-
ment accès à des universités dont les
frais de scolarité ont explosé -depuis
le début des années 1980.
Sans doute faut-il également souli-
gner l'influence de la finance, qui
participe de la montée des inégalités
au moins de deux façons. D'abord,
par la surreprésentation de ce secteur
dans le groupe des très hauts reve-
nus. Ensuite, par le rôle qu'il joue
dans l'enrichissement des plus aisés :
80 % du marché boursier est détenu
par les 10 % les plus riches qui ont
bénéficié, de manière démesurée, de
la hausse des cours des actions ces
dernières années.
↑ 39
Malgré l'élection, en novembre 2016,
d'un Donald Trump embrassant la
thématique du fossé entre élites et
classes populaires, la tendance
semble partie pour s'aggraver. " Sa ré-
forme fiscale va creuser le déficit et
pousser à raboter les programmes so-
ciaux, sou-ligne Thomas Philippon,
économiste à la New York University.
Il s'agit d'une baisse d'impôt massive
pour le “top 1 %”, entièrement conçue
en faveur des grands donateurs du Par-
ti républicain. " De quoi alimenter la
thèse d'une influence croissante des
plus aisés sur le pouvoir politique,
défendue entre autres par le Prix No-
bel d'économie Joseph Stiglitz.
L'Europe n'est pas non plus à l'abri.
Le vieillissement de sa population et
la concurrence fiscale entre les pays
membres mettent en péril le finance-
ment de son modèle social, d'autant
que la progressivité de l'impôt s'est
dégradée dans certains Etats. Enfin,
les Européens les plus fragiles restent
exposés à d'autres formes
d'inégalités, notamment face à la
mondialisation.
Marie Charrel, et Marie de Ver-
gès■
par Marie Charrel, Et Ma-
rie De Vergès
Tous droits réservés Le Monde 2017
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Parution : Quotidienne
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" Un risque de désarticulation sociale "
L'économiste américain Branko Milanovic met en garde contre le déclin relatif des classesmoyennes occidentales
vendredi 15 décembre 2017Page 29
1056 mots
LE MONDE ECO ET ENTREPRISE
Rien sans doute ne résume mieux les
changements économiques et les dé-
fis politiques qui ont émergé au cours
de la période actuelle de mondialisa-
tion que le schéma de " la courbe de
l'éléphant " – ainsi nommé en raison
de sa forme. Il permet de visualiser la
répar-tition des individus, d'une part,
sur l'échelle de la distribution mon-
diale des revenus (des plus pauvres
aux plus riches) et, d'autre part, selon
la progression de leurs revenus au
cours des vingt-cinq à trente der-
nières années.
Grâce à cette courbe, on observe que,
pendant la période considérée, la
classe moyenne asiatique a vu ses re-
venus croître de façon sensible, al-
lant, dans certains cas, comme en
Chine, jusqu'à tripler, voire quadru-
pler. En revanche, les classes ou-
vrière et moyenne occidentales sont
certes plus riches que la classe
moyenne asiatique, mais leurs reve-
nus n'ont presque pas augmenté. En-
fin, les gens les plus fortunés de la
planète ont vu leurs revenus et leur
richesse au moins doubler.
Ce graphique a été représenté sous
de nombreuses formes en fonction
des données légèrement différentes
utilisées à chaque fois. Dans la der-
nière version disponible, qui figure
dans le récent World Inequality Report
2018, la progression des revenus des
plus riches est encore plus forte que
ce que l'on avait précédemment esti-
mé.
Le principal message à retenir de
cette courbe est qu'elle désigne clai-
rement les gagnants et les perdants
de la mondialisation. Les gagnants
sont les riches du monde entier et
l'Asie, les perdants, les classes
moyennes occidentales. Celles-ci
sont prises entre les deux feux de la
concurrence et de l'indifférence : la
concurrence des gens les plus formés
et désireux d'effectuer le même tra-
vail pour un moindre salaire, et
l'indifférence de leurs riches compa-
triotes à l'égard de leurs difficultés.
Essayons maintenant d'imaginer à
quoi pourrait ressembler ce tableau
en 2050. Il est peu probable que le
monde riche actuel connaisse dans
les prochaines décennies une crois-
sance comparable à celle des géants
asiatiques comme la Chine, l'Inde, le
Vietnam, la Thaïlande et l'Indonésie.
Ce qui veut dire que la classe
moyenne asiatique va progressive-
ment évoluer vers la droite de la
courbe, autrement dit vers des posi-
tions de plus hauts revenus qui vont
empiéter sur le " territoire " actuel-
lement occupé par les classes
moyennes occidentales.
Dans le classement mondial des re-
venus, les classes moyennes occiden-
tales, qui se situent aux alentours des
80e et 90e centiles mondiaux, vont
amorcer un glissement vers le bas,
cédant leurs positions à une classe
moyenne asiatique en progression. Il
convient de souligner que, pour que
cette redistribution ait lieu, il n'est
pas nécessaire que les revenus occi-
dentaux déclinent. Il suffit qu'ils évo-
luent moins vite que les revenus asia-
tiques. Les riches Occidentaux qui
occupent l'échelon supérieur de la
distribution mondiale des revenus
resteront à la droite du graphique,
mais verront leurs rangs grossir à
mesure que de riches Chinois et Indi-
ens les rejoindront (comme c'est déjà
le cas).
Homogénéité mise à mal
Quelles seront les implications de ce
changement de position relative de
la classe moyenne occidentale ? Pour
le comprendre, il faut tenir compte
du fait que, depuis les années 1950
jusqu'à la fin du XXe siècle, les so-
ciétés occidentales (y compris leurs
classes ouvrières) ont occupé la po-
sition " privilégiée " dans le monde ;
elles se rangeaient dans les échelons
supérieurs de la distri-bution mon-
diale des revenus. Dans de nombreux
pays européens dotés d'Etats-provi-
dence forts, même les plus pauvres
appartenaient au quintile (20 % de la
population) supérieur mondial.
Cela conférait une certaine homogé-
néité de comportement, de consom-
mation et même de pratique poli-
tique aux sociétés occidentales. Or,
si les classes moyennes occidentales
venaient à décliner, cette homogé-
néité serait mise à mal. Prenons un
exemple : il est devenu courant, pour
les membres des couches moyennes
ou même inférieures des sociétés oc-
cidentales, d'aller passer leurs va-
cances en Asie. Mais plus l'Asie
s'enrichit, plus le coût de ces va-
cances va devenir prohibitif, ce qui
veut dire que seuls les Occidentaux
↑ 41
les plus aisés pourront se les offrir, à
un coût sans doute équivalant à des
vacances actuelles au Japon. Dans un
monde interdépendant où une
grande partie des revenus est consa-
crée aux services, les schémas de
consommation pourraient changer
simplement en raison de l'évolution
de la position relative d'un individu
dans l'échelle des revenus, et pas né-
cessairement en raison de
l'appauvrissement de cet individu.
Les sociétés occidentales pourraient
alors ressembler à celles que l'on
peut actuellement observer en Amé-
rique -latine : une poignée de riches
avec les revenus et habitudes de
consommation des 1 % les plus riches
du monde, une importante classe
moyenne, mais aussi un nombre si-
gnificatif de gens qui, -selon les cri-
tères internationaux, seraient relati-
vement pauvres, avec des revenus in-
férieurs à la médiane mondiale. Les
sociétés occidentales deviendraient
par conséquent beaucoup plus hété-
rogènes, même sans un creusement
supplémentaire de leurs propres in-
égalités de revenus.
Ce qui nous amène à cette question
capitale : des sociétés dans lesquelles
cohabitent des gens aux revenus et
schémas de consommation extrême-
ment différents peuvent-elles rester
stables et démocratiques ? De telles
-sociétés n'auraient-elles pas ten-
dance à exacerber les caractéris-
tiques de ce qui était autrefois consi-
déré comme le fléau du tiers-monde,
à savoir la désarticulation sociale,
avec une couche supérieure prospère
parfaitement intégrée à l'économie
mondiale et des couches inférieures
stagnantes, progressivement dépas-
sées par les classes moyennes des
économies émergentes ? C'est là, me
semble-t-il, la question essentielle
que devraient se poser les respon-
sables politiques des sociétés -riches
actuelles.
(Traduit par Gilles Berton)
par Branko Milanovic ■
par Branko Milanovic
Tous droits réservés Le Monde 2017
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