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REVUE DU CENTRE DES éCRITURES CONTEMPORAINES ET NUMéRIQUES CENTER FOR CONTEMPORARY AND DIGITAL SCRIPT REVIEW N° 12 / JANVIER 2011

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revue mons

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Revue du centRe des écRituRes contempoRaines et numéRiques

centeR foR contempoRaRy and digital scRipt Review

n° 12 / JanvieR 2011

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Édito

Pascal Keiser

C’est un fait, l’image s’immisce dans notre quotidien avec toujours davantage de prégnance.

Face à cette déferlante de stimuli visuels, créer une expérience artistique qui soit encore porteuse de sens relève aujourd’hui du défi. Nombre de créateurs, metteurs en scène et chorégraphes s’y essaient néanmoins et tentent de s’emparer de l’immense potentiel artistique que recèle le recours à l’image vidéo et les possibilités offertes par la technologie. Après des débuts maladroits, où l’image en mouvement insérée dans le contexte théâtral s’assimilait souvent à une sorte de décorum, le propos et les techniques utilisées depuis se sont affinés : Haute Définition, environnements immersifs, réalité augmentée, processus d’écriture ad hoc… L’utilisation de l’image vidéo en scène dépasse même largement le cadre initialement défini, et tend de plus en plus à s’affranchir de ses supports de projections traditionnels mais aussi de son environnement naturel pour flirter avec le hors-champ, comme c’est le cas dans les expériences en immersion.

Immanquablement, l’irruption de l’image vidéo sur scène pose avec acuité la question de la présence de l’acteur, largement remis en cause, quand il n’est pas tout bonnement devenu superflu. Son utilisation accrue et davantage réfléchie qu’à ses débuts interroge aussi le rôle du spectateur, de plus en plus souvent convié à participer à l’action, et dans certains cas à en être le centre.

De fait, l’appel à des techniques extérieures au champ théâtral bouleverse en profon-deur et durablement le processus d’écriture scénique et révèle d’intéressants renversements de perspectives, eu égard à la narration notamment. L’apparition de la vidéo au théâtre teste les frontières poreuses entre les genres et les disciplines et ouvre de nouveaux espaces à la création, à la croisée des arts plastiques, du langage cinématographique et de la technologie, avec en filigrane de nouveaux types de dramaturgie. Patch a choisi de mettre en lumière ces différents questionnements en faisant appel aux principaux protagonistes : les artistes eux-mêmes. Après nos dossiers traitant de la lumière et du rapport acteur/machine évoqués dans nos précédents numéros, nous avons voulu, en interrogeant des metteurs en scène, des chorégraphes et des artistes visuels, les faire témoigner de leurs expériences. Le résultat donne à voir un paysage complexe, riche, toujours passionnant, dont les limites sont mouvantes et échappent à la catégorisation.

Ces préoccupations des artistes sont bien sûr au centre du projet éditorial de Patch, et par-delà, constituent la raison d’être du CECN et plus largement du Manège.mons dans le cadre de Mons 2015, Capitale européenne de la culture : donner la parole aux acteurs de terrain, éclairer leurs pratiques, épauler leurs projets. Mais le CECN entend aussi être un aiguillon de la pensée et susciter le débat, comme ne manque pas de le faire l’auteur de notre carte blanche, Eric Sadin, metteur en scène et philosophe-poète, qui interroge notre société de surveillance globale à travers une œuvre protéiforme qui se joue résolument des genres.

Cette place laissée au débat et à l’innovation se retrouvera également à nouveau au centre de l’attention avec les rencontres professionnelles « VIA PRO » qui auront lieu les 24 et 25 mars 2011 et qui permettront à un grand nombre d’artistes, émer-gents ou confirmés, de présenter leurs projets et les technologies sous-jacentes aux professionnels, à la manière d’un incubateur.

Patch, la revue du Centre des Écritures Contemporaines et Numériques, n° 12, janvier 2011.

Directeur général Pascal Keiser

Directrice de la publication Mylène Lauzon

Rédacteur en Chef Vincent Delvaux

CorrectricesClotilde Delcommune (français)Christine Donjean (français)Alison Nolan (anglais)

TraducteursSteve BlackahAlison Nolan

MaquetteAlt Studio (Bruxelles)

Mise en pageEx Nihilo (Mons)

Chargée de la communication et des relations presseBertille Coudevylle

Équipe de rédactionVincent DelvauxCyril ThomasMylène LauzonFlorent DelvalJacques UrbanskaClotilde DelcommuneHeleen MercelisJulien DelaunayRégis CotentinEric SadinBertille Coudevylle

Impression Imprimerie PAGRue de Birmingham 60-621080 Bruxelles

Dépôt légal à parutionRevue gratuite ISSN = 2031-1680

Contact TechnocITé, Château Degorge rue Henri Degorge, 23 7301 Hornu, Belgique [email protected]

Patch, la revue du Centre des Écritures Contemporaines et Numériques,est semestrielle. Pour s’abonner ou recevoir la revue, envoyer un courriel à [email protected]

Prix de vente au numéro : 8,50 eurosAbonnement 2 numéros par an : 17 euros Frais de ports et un CD offertsBulletin d'abonnement (voir p.120)

CouvertureRégis Cotentin, Shadowplay (live)© Régis Cotentin, 2006

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en bref

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Carte blanChe

Éric Sadin

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histoire

Le Black Mountain College, laboratoire inter disciplinaireVincent Delvaux

18

Portrait

Keïko CourdyMylène Lauzon

Dossier sPéCial

vidéo/scène

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CREW, territoires nouveaux et réalitéVincent Delvaux

30

BERLin, explorations urbainesClotilde Delcommune

35

Bud Blumenthal – DAnCERS!, la danse en Haute DéfinitionVincent Delvaux

40

De la place de la performance dans l’art vidéoJacques Urbanska

45

La danse à l’épreuve du hors-champFlorent Delval

49

La 3D, un autre monde plus désirable ? …Régis Cotentin

56

Entretien avec Jean Michel BruyèreCyril ThomasAntoine Pickels

53

Guy Cassiers – Le théâtre par les sensHeleen Mercelis

64

à lire

65

biosPhère

Rehab, l’art de se re-faireCyril Thomas

68

le Point sur

numediart –innovation et créativité à tous les étagesVincent Delvaux

73

Portfolio

Régis Cotentin

85

enGlish eDition

109

aCtualités

Du CeCn2

som

maire

xxx

xxx

xxx

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4

MetaDeSIGN

Sous le titre de MetaDeSIGN se cache le très beau catalogue monographique du groupe d’artistes belges LAb[au], fondé en 1997. Adeptes des protocoles rigoureux (comme en témoigne la longue série des concepts qu’ils forgent lors de différents projets tels que f.lux ou pix(yz)) et des réalisations qui combinent lumière et ondes sonores, ces artistes qui se situent à la croisée de l’ar-chitecture et de l’art numérique déplacent les attentes du spectateur vers un ailleurs, un paysage à découvrir ou à explorer sur le mode de l’interactivité. L’ouvrage s’orga-nise autour de six onglets de couleur qui évoquent le livre-nuancier consacré aux workshops que le groupe LAb[au] a effectués avec le logiciel « sPACE Navigable Music » ; ces onglets correspondent aux systèmes qui définissent le MetaDeSIGN : le système génératif (illustré par les Framework notations ou les PixFlow), le système analytique (avec la chrono.tower), le performatif, le réactif (auquel appartiennent les Binary Waves), l’interactif et le connectif.

Cyril Thomas

MetaDeSIGN, textes de LAb[au], Pierre Emmanuel Reviron, Eléonore Schöffer, Annette Doms, Marius Watz, éd. Les presses du réel & Seconde Nature, collection Monographies, (224 pages, 353 ill. coul.) 38 €http://lab-au.com

IMaGoDroMe

Et si l’image n’était en définitive que men-tale, dans le sens où elle est le produit d’un imaginaire et qu’elle en crée un autre, tou-jours fuyant, toujours changeant ? L’art pourrait alors se concevoir comme la maté-rialisation sans cesse renouvelée de ces fantasmes et visions. C’est à partir de cette thématique et d’un cycle de conférences qui s’est tenu, en 2006-2007, à l ’École nationale supérieure d’art de Bourges, qu’Alexandre Castant, chargé de cours et directeur de cette publication collec-tive, a réuni des textes d’auteurs, artistes et curateurs dont Françoise Parfait, Régis Cotentin, Stéphane Delorme, Philippe Franck, Patricia Brigone ou encore Véronique Dalmasso. ImagoDrome propose un parcours forcément subjectif et souvent passionnant qui convoque des vidéastes, cinéastes, plasticiens, ainsi que des artistes sonores et numériques.Ces « Imagodromes » nous plongent au cœur d’une dream machine qui ne cesse de nous fasciner, du Songe d’Albrecht Dürer au Viewer de Gary Hill jusqu’aux dispo-sitifs immersifs multi-médiatiques où nous entrons littéralement dans le corps de « l’imago ».

Julien Delaunay

ImagoDrome, des images mentales dans l’art contemporain, ouvrage collectif dirigé par Alexandre Castant, éditions Monografik, coll. « Écrits », Blou, 2010, 240p

en bref

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5En brEf

SurveIllaNce Globale

Nous vivons dans un monde sous sur-veillance : plus personne n'oserait en douter. Mais quelle forme prennent aujourd'hui les nouveaux dispositifs de contrôle et en quoi sont-ils différents des pratiques du siècle dernier ? Comment modifient-ils notre rap-port au monde et aux autres ? Vont-ils jusqu'à menacer le droit à la vie privée ? Telles sont les questions abordées dans ce livre, qui reprend ainsi un débat ancien sous un jour totalement nouveau. Car il ne s'agit plus seulement d'as-surer une surveillance ciblée pour déceler les comportements déviants et les punir, mais de prévenir toute dérive en instaurant un traçage permanent et généralisé. Il ne s'agit plus d'ob-server l'espace public, mais de pénétrer les espaces privés pour accumuler des données sur chaque individu, considéré sinon comme un terroriste en puissance, du moins comme une cible marketing, ou un voisin à espionner. S'organise ainsi un scannage ininterrompu des actes et des désirs, abolissant la frontière entre surveillant et surveillé, entre monde physique et monde virtuel. Au moyen de procédés que nous relayons ou alimentons à notre insu – vidéosurveillance ; géolocalisation, bases de données, biométrie, puces RFID, logiciels d'analyse comportementale...–, un Big Brother désincarné, dont nous sommes à la fois vic-times et complices, opère désormais en chacun de nous. Mêlant l'enquête à la réflexion, cet essai explore avec une acuité remarquable les multiples enjeux de la surveillance contempo-raine, et incite chacun à réagir face au danger d'une nouvelle servitude volontaire.

Eric Sadin, Surveillance globale, février 2009, Ed. Climats, EAN:9782081222977, 20€

Globale ParaNoïa

Globale Paranoïa explore « l'inquiétante étran-geté » propre aux sociétés de surveillance du XXIe siècle, par l'élaboration de séquences poétiques jouant de la spécificité comme de la superposition des différents protocoles en usage: vidéosurveillance, GPS, bases de données, sophistications marketing, biomé-trie, horizon nanotechnologique... L'enjeu consiste à développer des structures for-melles qui répondent aux caractéristiques de chacun d'entre eux, en une confrontation singulière entre technologies de surveillance et techniques d'écriture.

Eric Sadin, Globale Paranoïa, Ed. Les Petits Matins, sous la direction de Jérôme Mauche, juin 2009, isbn 9782915879490, 156 p., 12€

le NuMÉro 53

Le numéro 53 de la revue Vacarme est à dévorer dans tous les sens du terme. Entre réflexion politique, sociale et historique, cet opus agrémenté des interventions gra-phiques de François Méchain et du collectif Formes Vives approfondit la polémique sur les événements liés aux démantèlements des camps de Roms ces derniers mois en France tout en revenant sur l’idée du pro-grès ou de l’utopie. À l’occasion de la parution des Lignes de Front, l’équipe de Vacarme a réalisé un long entretien avec Avital Ronell. Cette écri-vaine, professeur de philosophie à la New York University, qui s’autoproclame non sans humour : « Je suis la Métaphysique ! » dévoile l’envers de l’altérité. C’est la percep-tion du handicap dans le regard de l’autre, que raconte le très beau texte de Florent Martinez. Quant à Rodolphe Burger, il essaye enfin de définir une caractéristique, une spécificité technique et humaine : la manière « harmolodique » du jazzman James Blood Ulmer. Ce portrait de musicien par un autre musicien teinté de respect plonge le lecteur au cœur même de la musique.

Revue Vacarme, n°53, automne 2010.

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www.mons2015.eu

Capitale européenne de la Culture

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w w w . d i g i t a l m c d . c o m / / / c o n t a c t @ d i g i t a l m c d . c o m

PRESSERevue trimestrielle bilingue thématique • prochaines parutions : L’Internet des Objets, L’Europe des médialabs, Le Guide des festivals numériques…

COMMUNICATIONWeb multimédia, newsletter mensuelle, réseaux sociaux, blog…

PRODUCTIONAtelier Hype(r)Olds par Albertine Meunier

EVENEMENTIELDigitalement Vôtre @ La Maison des métallosMCDates : rencontres autour de la création numérique

Ann-Presse-MCD-6Dec10-mod1:Mise en page 1 06/12/10 18:14 Page1

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9PiEd dE PagE

cartE blanchE

Éric sadinMon retour au théâtre ou l’instauration

d’une « recherche tripartite »

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10 cartE blanchE

Au moment où je décide, après une longue période d’in-terruption, de renouer avec ma pratique théâtrale, Patch et l’équipe du CECN me proposent une « carte blanche » que je saisis bien volontiers, en vue de revenir ici sur mon parcours et le mettre en perspective d’une recherche présente – théo-rique, littéraire, scénographique – entrelacée et délibérément exploratrice de certaines dimensions contemporaines.

J’avais été nommé, au début des années 90’, à l’âge de 22 ans, à la direction du Nouveau Théâtre de Châteauroux, devenant ainsi le plus jeune directeur de France. J’assumais à la fois la réalisation de mes mises en scène (dont Richard II au Théâtre de l’Athénée), l’animation d’une équipe et la programmation artistique, fidélisant un nombre croissant d’abonnés, saison après saison, au point que la Municipalité décida la construction d’une nouvelle salle de mille places, devenue par la suite « Scène Nationale ». La direction m’avait été proposée ; après une période de réflexion, je jugeais que tant de densité d’activités – tout en étant encore si jeune – me nuisait à terme et étouffait le temps nécessaire à la réflexion et à la recherche, indissociables d’une création exigeante.

Plus largement, je ressentais, au fur et à mesure de ma propre évolution, une lassitude croissante à l’égard du mi-lieu théâtral, dont je percevais de plus en plus l’académisme profondément ancré et quasi-généralisé, l’ignorance patente des avant-gardes scénographiques historiques, autant qu’une forme de méconnaissance ou d’indifférence à l’égard des autres champs (art contemporain, musique, architecture et même de la danse, que je percevais à cette époque-là comme relevant d’une pratique de la scène autrement plus ouverte à la recherche et à la libre expérimentation). Certes, j’aurais pu « de l’intérieur » tenter de développer un laboratoire de création tendu vers des modalités compositionnelles iné-dites, mais l’environnement local et national ne s’y prêtait probablement pas encore entièrement ; j’éprouvais surtout le besoin impérieux de « faire une pause » et d’entrepren-dre une enquête historique et théorique me permettant de réfléchir patiemment aux conditions possibles d’une écriture littéraire et scénographique contemporaines à l’écart de tout impératif immédiat de production. Après cinq années d’exercice, je quittais la direction et m’engageais dans la rédaction d’une thèse de philosophie portant sur les rapports et les évolutions historiques entre écritures et techniques, ainsi que dans celle d’un ouvrage poétique.

Trois ans plus tard, fort de cette fructueuse suspension, je me présentai avec succès à la direction du Théâtre de Roanne où j’engageai un projet résolument pluridisciplinaire, articu-lant arts de la scène, expositions d’art contemporain, lectures de poésie, cycle de conférences…, privilégiant en parallèle mes travaux d’écriture. Je me souviens – alors que j’avais quasiment abandonné les salles de théâtre durant cette parenthèse (excepté pour assister régulièrement à des pièces chorégraphiques) – avoir été frappé de retrouver avec tant de prégnance cette empreinte traditionnelle et poussiéreuse dans la plupart des spectacles que j’allais voir ici ou là en vue d’établir la programmation.

Dimension à laquelle j’étais encore confrontée sous une autre forme, au cours des réunions régulières regroupant les directeurs de structures d’une même zone régionale (en l’oc-currence ici Rhône-Alpes / Auvergne / Bourgogne), destinées à s’informer mutuellement relativement aux productions vues par les uns et les autres. Je retrouvais, assez incrédule, les sem-piternels jugements relevant du subjectivisme le plus naïf sous des « j’ai aimé, moi je n’ai pas aimé », l’absence d’argumentation construite d’après des critères esthétiques informés, presque toujours ponctués par les qualificatifs « joli », « émouvant », ou « plein d’énergie »… Les responsables se contentant généralement de « raconter les histoires », omettant l’évaluation formelle des projets, celle de leur disposition ou non à se défaire de certains codes et à expérimenter des agencements singuliers, ignorant in fine le fait capital que les arts de la scène – comme l’ensemble des pratiques artistiques –, s’inscrivent au sein d’une historicité en mouvement, qu’il convient de prolonger au présent autrement sous des modalités renouvelées, entièrement ouvertes à l’abandon de certains usages et à l’introduction de paramètres inédits.

Légende titre Légende texte

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11Éric Sadin

Les arts de la scène – comme l’ensemble des pratiques

artistiques –, s’inscrivent au sein d’une historicité en mouvement,

qu’il convient de prolonger au présent autrement sous des modalités renouvelées, entière-

ment ouvertes à l’abandon de certains usages et à l’intro-duction de paramètres inédits.

Las de toutes ces pesanteurs généralisées, je décidai une fois encore (!), après trois ans d’exercice, de quitter la direction du théâtre de Roanne, de m’impliquer davantage dans mes travaux d’écriture et de fonder la revue éc/artS, visant à explorer la nature et les effets des relations passées, présentes et à venir, entre pratiques artistiques et technologies en évolution continue. Cette entreprise me conduisit à visiter de nombreux centres d’art, théâtres, lieux de recherche dans le monde (invitations fréquentes à me rendre au MIT de Boston par exemple), et à constituer un réseau actif d’artistes et de chercheurs, aussi bien à échelle française qu’internationale, dont nombre d’entre eux intervinrent par la suite par des contributions écrites.

Chaque numéro fut notamment l’occasion d’évaluer ce qui se jouait à l’intérieur des champs artistiques, à la charnière mouve-mentée de la fin des années 90’ et du début 2000, bouleversées par l’extension du numérique, l’universalisation de l’interconnexion, des nouvelles modalités de captation/diffusion des images et des sons… Cette recherche pluridisciplinaire qui mêlait mise en perspective historique et focalisation contemporaine, invitait des plasticiens, architectes, chorégraphes, compositeurs, metteurs en scène, également des ingénieurs, des spécialistes en sciences cognitives, en relations hommes-machines…, à exposer l’enjeu de leurs travaux sous la forme d’analyses réflexives et de documents iconiques. L’aventure dura trois années et produisit plus d’un millier de pages. Dix ans après la première parution, je remar-que que nombreuses sont les personnes qu’éc/artS aura inspiré, (tant d’un point de vue théorique qu’artistique) ; aujourd’hui il m’arrive de croiser des personnes qui m’en parlent encore, comme d’un organe qui aura su saisir l’importance décisive des liens en mouvement entre arts et techniques.

Au cours du premier numéro, j’écrivis un texte sur la si-tuation essoufflée du théâtre, et soulignai prioritairement des pistes de recherche que cette période historique, marquée par de brusques mutations technologiques et comportementales, était susceptible d’ouvrir. J’insistai sur la persistance de struc-tures à mes yeux obsolètes qui continuaient de déterminer dans une sorte d’évidence partagée les pratiques, telles que la projection psychologique de l’acteur, l’impératif quasi-obligé de la narration, la linéarité temporelle : début/milieu/fin, le décor presque toujours conçu en tant que lieu représenté d’une action, le costume comme indicatif d’une identité, les lumières accom-pagnant ou dramatisant l’action… L’ensemble des paramètres étant généralement envisagé comme naturellement associés en vue d’une fin (la représentation et son récit), au détriment de la prise en compte de leur spécificité individuelle, ou de l’abandon provisoire ou définitif de certains d’entre eux, de la possibilité d’en convoquer d’autres jusque-là inédits, et de les articuler en vue de marquer l’intensité différentielle des diverses forces en jeu, faisant de la mise en scène un art de la composition complexe autant qu’ouvert aux nouvelles virtualités offertes par les techniques contemporaines.

À la suite de cet article, j’entamai une large recherche rela-tive à la puissance des mutations qui affectaient et continuent d’affecter nos rapports à l’écrit, en vue de décrire et d’analyser un environnement culturel et anthropologique considérablement modifié, et d’en tirer certaines conclusions à l’égard de ma propre pratique poétique (en quelque sorte à l’instar des architectes Robert Venturi & Denise Scott Brown analysant le territoire de Las Vegas au début des années 70’, dans l’intention d’en saisir les « enseignements positifs »). J’écrivis plusieurs textes théoriques publiés dans éc/artS ou d’autres revues européennes et asiatiques, explorant la nature et la portée de ces bouleversements. C’est dans cette dynamique que j’organisai un colloque en 2001, au Musée d’art contemporain de Montréal, dans le cadre de La Saison de la France au Québec, intitulé « Textualités & nouvelles technologies », regroupant une trentaine d’intervenants français et nord-américains, et dont les actes furent publiés en 2002 dans un numéro spécial de le revue.

Quelques mois plus tard, ma candidature à la Villa Kujoyama (Kyoto, Japon) est retenue où j’entreprends une résidence d’écri-ture et de recherche sur « l’inflation des signes dans l’espace urbain japonais », que je tenais pour un laboratoire d’observation pri-vilégié des mutations contemporaines de l’écrit, marquées par l’hétérogénéité et la densité. Enquête qui se déploya dans un second temps sur plusieurs territoires asiatiques, américains, européens, et qui conduisit à la publication d’un recueil de textes théori-ques Poésie_atomique (éc/artS_essais, 2004), d’un livre de poésie Tokyo, (P.O.L, 2005), et de Times of the signS (opus de 450 pages comprenant textes + 2000 photos + un DVD ; Birkhäuser, 2007), rédigé en anglais et diffusé à l’international (ce qui supposa par la suite quantité d’invitations à donner des conférences, aux États-Unis, Japon, Corée, Chine…).

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12 cartE blanchE

C’est à cette occasion que j’instaurai pour la première fois une « recherche bipartite », considérant les activités théorique et poétique comme bien spécifiques mais indissociables par la capacité de la première à informer profondément la seconde, à autoriser une connaissance étendue relativement à un champ de recherche déterminé, capable de se ramifier suivant deux branches distinctes mais à la généalogie commune. Dimension qui fut encore prolongée par l’élaboration d’un site internet AfterTokyo qui remporta le Prix Pompidou Flash Festival en 2004, consistant à procéder à une «extension numérique» de l’objet-livre, suivant des spécificités formelles propres à la perception via l’écran et à ce logiciel à la forte potentialité interactive. Projet que je présentai également en version performance dans de nombreux pays, inscrivant ainsi une même recherche à l’intérieur de mo-dalités différenciées, explorant et exemplifiant ainsi la pluralité des supports informationnels contemporains.

Au cours de cette longue entreprise, je me rendis compte à quel point cette société de l’information, au rythme d’accélé-ration quasi-exponentiel, recouvre comme une «face cachée», marquée par la récolte massive et sophistiquée des traces numé-riques disséminées par chacun, et analysées à des fins sécuritaires ou marketing. Je décidai alors de m’engager dans une large recherche « tripartite » portant sur la surveillance contemporaine, qui aboutira à : 1/ un essai théorique ; 2/ un livre de poésie ; 3/ un dispositif théâtral, et qui fondera au présent et à l’avenir la structure d’une pratique déployée parallèlement ou corrélative-ment dans les champs théorique, littéraire, théâtral, à partir d’un même horizon exploratoire initial.

J’initiai d’abord une enquête visant à saisir les modalités de la récolte ininterrompue des données et la pénétration des comportements qu’elles induisent. Il apparut un nouveau type de rapport à entretenir avec les technologies numériques qui nous environnent, non plus marqué par les seules dimensions pratiques, enthousiastes, et potentiellement créatrices, mais comme empreint d’une « part maudite », celle qui rend possible le profil détaillé et précis de nos identités, de nos actes et de nos relations. À coup sûr, cet effet de conscience qui m’apparut avec tant d’évidence, correspond-il à une autre époque – celle de la présente décennie –, qui requiert autant esprit d’ouverture que lucidité à l’égard de nos « prothèses miraculeuses », susceptibles

d’exposer notre intimité à l’égard de quiconque ou d’instances tierces. Ces analyses et réflexions conduisirent à la publication de mon essai Surveillance Globale – Enquête sur les nouvelles formes de contrôle (Climats/Flammarion, 2009), qui rencontra un bel accueil public et critique, probablement parce qu’il répondait en partie à une angoisse sourde ou formulée de notre temps.

Parallèlement, j’écrivis un opus de poésie intitulé Globale Paranoïa (Éd. Les Petits Matins, 2009), consistant en une réap-propriation ludique de ces enjeux par l’élaboration de séquences jouant de la spécificité comme de la superposition des différents protocoles en usage, en une confrontation singulière entre technologies de surveillance et techniques d’écriture. De cette dou-ble recherche, j’ai alors vu une formidable occasion de revenir enfin à ma pratique théâtrale (désir qui s’amplifiait chaque année davantage et que je retenais encore), sous la forme d’un projet informé/inspiré par ces deux livres, susceptible de nous conduire à l’élaboration d’un dispositif scénographique de part en part inédit, et à la résonance résolument contemporaine. Je proposai à l’équipe d’architectes de Lausanne Fabric|ch d’entamer une collaboration, en vue d’imaginer une machine scénique notamment destinée à collecter le plus largement et le plus profondément des données auprès du public.

Globale Surveillance : de la représentation à la quantification, un prototype théâtral contemporain.

Globale Surveillance consiste à explorer et à rendre perceptibles les multiples formes de la surveillance contemporaine. Le dispositif se fonde sur une double base : 1/ De larges extraits du livre de

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13Éric Sadin

poésie/théâtre Globale Parnaoïa + certains issus de l’essai théorique Surveillance Globale, « pris en charge » par deux comédiens ; 2/ Une collecte de données saisies dans la salle (et dans son environnement immédiat) ainsi qu’auprès des corps présents dans l’assistance. Ces deux strates sont successivement entrelacées l’une à l’autre. Le projet consiste en un laboratoire d’exemplification des protocoles de traçabilité contemporains, suivant des mécanismes désormais universellement à l’œuvre et qui règlent la forme panoptique propre au XXIe siècle, non plus fondée sur la représentation des individus, mais sur la quantification des comportements (ce point constitue l’un des principes majeurs de la mise en scène : une dramaturgie construite en partie « en temps réel », à partir des données captées auprès des spectateurs, ainsi que dans l’environnement plus ou moins proche des lieux de présentation).

Le dispositif dresse une zone spatiale hypersurveillée, à l’intérieur de laquelle les « spectateurs » ou « participants » sont soumis à quantité de procédures de traçabilité rendues visibles, a contrario de nombreux mécanismes quotidiennement à l’œuvre et marqués par le phénomène angoissant de l’invisibilité. La « time line » ne suit pas une trame dramaturgique linéaire mais se distribue comme le traitement d’une base de données dynamique, décidant de son évolution en vue de défaire l’unité du temps théâtral au profit de l’expérience plus ou moins aléatoire d’événements singuliers, exemplifiant des procédés largement répandus au sein de notre environnement contemporain. L’objectif consiste à exposer l’importance des bases de données qui infléchissent consciemment ou non nos comportements quotidiens. Le dispositif cherche encore à déjouer les structures théâtrales usuelles généralement fondées sur l’incarnation psychologique, ici défaite par la présence de comédiens uniquement chargés d’éprouver des séquences de vie anonymes imprimées par des procédures de surveillance, repoussant en partie le principe d’une libre subjectivité.

Notre entreprise envisage l’exploration du champ de la surveillance, à la fois comme un prisme d’observation privilégié de nos sociétés contemporaines, et comme un champ de recherche artistique décisif qui encourage des processus de subjectivation et de réappropriation, par la mise en exposition de mécanismes désormais universellement à l’œuvre. La forme panoptique propre au XXIe siècle se constitue sur l’évaluation à flux tendus des comportements, qui seront en l’occurrence analysés, traités, cartographiés au sein de notre dispositif : laboratoire d’exemplification des pratiques de surveillance contemporaines – condensées et expérimentées sur la scène, dans le cadre d’une dramaturgie à la fois pré-programmée et ré-expérimentée de façon toujours dynamique, en fonction des caractéristqiues propres à chaque lieu et à chaque audience.

Une inscription « en amont » sur un site internet dédié, récoltera certaines données auprès du public à venir, qui auront ensuite été traitées et finalement exposées durant la performance : informations relatives à la composition de la salle, tranches d’âge, sexes, professions, intérêts… Des mails seront envoyés au préalable suivant les différents « profils », également à la suite de l’événement (contribuant en partie à défaire la dimension « d’unité de temps et de lieu » propre au régime théâtral historique). Quelques caméras situées dans les zones extérieures de chaque lieu filment l’arrivée successive des spectateurs, diffusant les images visibles sur des moniteurs dans les halls d’entrée à l’attention de ceux déjà arrivés, témoignant ainsi du suivi dissimulé des corps autant que de leur probable captation antérieure, non consciente et néanmoins rendue publique. Ce prologue signale en quelque sorte un des enjeux de l’entreprise : celui de rendre sensible, dans le cadre d’une expérience artistique partagée, des processus à l’œuvre et plus ou moins visibles dans la quotidienneté.

Les numéros de téléphones portables des «  spectateurs » auront également été enregistrés : des SMS sont transmis en live (propositions et informations d’ordre commercial, renseignements à l’égard de personnes présentes, indices supposés de dangerosité…). Les données préalablement recueillies permettront de dévoiler en public et aux « yeux de tous », certaines préférences « intimes », dont les mécanismes d’élaboration précis des profils – notamment à l’œuvre dans le marketing contemporain – seront ici rendus visibles.

Les deux comédiens (présents ou parfois dérobés), jouent avec des extraits des ouvrages poétique et théorique, qui font l’objet à d’autres moments d’une diffusion en voix de synthèse ou encore d’une projection muette. Autant de processus appelés à témoigner de la diversité des modalités de surveillance, de leur présence parfois incertaine ou de leur totale invisibilité. Le dispositif se déploie comme une large machine « sensible » et hybride, située entre la représentation de séquences de vie enveloppées par des procédures de surveillance, la perception auditive ou visuelle de paroles et textes théoriques, et l’expérience éprouvée par les spectateurs de certaines procédures de traçablité qui infiltrent notre environnement contemporain, et qui sont ici (le temps d’une heure quinze minutes) condensées et exemplifiées.

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14 cartE blanchE

Globale Surveillance relève exactement d’une dimension prototypale, délibérément décidée à se confronter à un des enjeux majeurs de notre temps : la pénétration, dans l’espace et les corps, de techniques sophistiquées, visant à suivre en continu les gestes, les déplacements et les relations, à des fins sécuritaires ou marketing. L’entreprise suppose de facto de se défaire de nombreuses structures théâtrales historiques, et de convoquer dans le même temps plusieurs technologies appelées pour une première fois à pénétrer l’espace scénique contemporain.

Le projet a été présenté dans le cadre du colloque Globale Paranoïa – Formes & puissance de la surveillance contemporaine, que j’avais organisé au Palais de Tokyo en 2008, il a bénéficié d’une résidence de recherche à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, Centre national des écritures du spectacle, du soutien du DICRéAM (Centre National de la Cinématographie) au titre de l’aide à la maquette, ainsi que du soutien de la Fondation Pro Helvetia pour la conception et le développement de l’architecture scénique. Il sera présenté dans divers lieux en Europe et en Asie au cours de la saison 2011-2012 et de la suivante.

Le projet consiste en un labo-ratoire d’exemplification

des protocoles de traçabilité contemporains, suivant des

mécanismes désormais universel-lement à l’œuvre et qui règlent

la forme panoptique propre au XXIe siècle, non plus fondée sur la représentation des indi-

vidus, mais sur la quantification des comportements.

Le corps contemporain

À l’avenir, cette recherche « tripartite » portera sur les nouvelles corporalités contemporaines en mutations, marquées par l’universalisation annoncée de puces électroniques à l’intérieur des tissus biologiques, les rapports toujours plus fondus aux technologies et à l’information, la généralisa-tion du tout tactile, les offres de réalités augmentées, les nouveaux principes de socialisation, le port de vêtements « intelligents », la médecine génétique hyper-individuali-sée... Elle sera constituée d’un essai théorique, d’un livre de poésie (aux structures formelles évidemment en écho avec les enjeux explorés). Le « troisième étage » de cette « fusée » sera composé d’un dispositif théâtral qui cherchera à mettre en jeu l’émergence de nouveaux comportements individuels et collectifs, suivant des modalités capables de rendre sensibles certaines évolutions qui transforment nos apparences, nos identités et nos relations. Autant de di-mensions actuellement en gestation, appelées à faire l’objet d’hypothèses scénographiques et perceptives inédites.

Ces lignes visaient d’abord à faire retour sur une évo-lution personnelle, initialement ancrée dans un certain savoir-faire théâtral, et qui a cherché patiemment à se défaire de nombreux réflexes entendus, au profit d’une recherche multipolaire, désormais construite sur une structure tripartite à circulation théorique/poétique/scéni-que dynamique. Démarche d’ensemble qui fait écho à la formule de John Dewey (1859-1952), affirmant que pour explorer la nature d’une époque présente et pouvoir se la représenter consciemment, l’enquête renvoie à la forme la plus adéquate ; l’art pouvant offrir l’occasion d’en rendre compte autrement sous des contours sensibles. Proposition qui semble exactement correspondre au projet que j’ins-taure actuellement, dont une des strates majeures consiste à mettre en place un théâtre résolument contemporain et à vocation librement prototypale.

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15Éric Sadin

bio

Éric Sadin alterne la rédaction de textes littéraires, théoriques, ainsi que la conception de dispositifs multimédias. Il a réalisé plusieurs mises en scènes de théâtre ; après une longue période d’interruption, il décide de renouer avec sa pratique théâtrale. Il a dirigé le Nouveau Théâtre de Châteauroux et le Théâtre de Roanne. Suite à ses recherches explorant les mutations contem-poraines des conditions de l ’écrit, il est impliqué dans une large enquête portant sur les conditions actuelles de la surveillance, suivant des modalités formelles distinctes qui s’informent mu-tuellement (organisation d’un colloque au Palais de Tokyo en 2008 – essai théorique – texte poétique – dispositif théâtral à venir, en collaboration avec les architectes Fabric|ch). Il présente régulièrement des conférences et des lectures/performances en Europe et en Asie. Lauréat de la Villa Kujoyama (Kyoto, Japon) ; Prix Pompidou Flash Festival 2004 pour Tokyo_reenginee-ring. Il a enseigné de 2003 à 2010 à l ’École Supérieure d’Art de Toulon ; a été professeur invité auprès de l ’ÉCAL de Lausanne, et Guest Professor à l ’université d’art Iamas (Japon). Dernières publications Tokyo (P.O.L, 2005) ; Times of the signS (Birkhäuser, 2007) ; Surveillance Globale (Climats / Flammarion, 2009) ; Globale Paranoïa (Les Petits Matins, 2009).

www.ericsadin.org (en ligne à partir de janvier 2011) [email protected]

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hiStoirE

Le bLack mountain

coLLege, Laboratoire

inter- discipLinaire

Vincent delvaux

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17hiStoirE

Fondé à l’automne 1933 par deux pionniers péda-gogues, John Andrew Rice et Theodor Dreier, le Black Mountain College articule son projet autour de quelques principes essentiels mais très novateurs pour l’époque tels la place centrale que devait occuper l’expérience artis-tique en tant que support de l’apprentissage, l’approche empirique et centrée sur les projets portés par les étudi-ants et un mode de vie communautaire.

En 1933, suite à la fermeture du Bauhaus à Berlin par le régime nazi, nombreux sont les enseignants à s’exiler aux États-Unis pour y faire perdurer l’esprit d’avant-garde qui caractérisait l’école allemande. On retrouve parmi eux Josef Albers, peintre et inventeur de l’Op Art, et sa femme, Anni Albers, une designer textile de grand talent, qui vont marquer avec force l’enseignement du Black College Mountain et lui donner un ancrage plus international.

Cette initiative ne tardera pas à susciter l’intérêt et le nombre d’étudiants issus de tous horizons ira grandissant jusqu’à atteindre la centaine dans l’immédiat après-guerre.

Dès 1941, l’école se dota de son propre campus, dans un premier temps dessiné par Walter Gropius et Marcel Breuer, tous deux issus du Bauhaus, mais ensuite confié à l’architecte américain Lawrence Kocher. Le nouvel espoir suscité par la fin de la guerre permit l’arrivée de nouveaux professeurs et étudiants.

Parmi ces derniers, on compte notamment le réalisa-teur Arthur Penn, les peintres Kenneth Noland, Robert

il y a dans l’histoire de l’art des lieux qui cristallisent davantage que d’autres des moments importants de rupture dont la résonnance perdure bien au-delà de l’époque qui les a vu naître et croître.

le Black mountain college fait sans nul doute partie de cette catégorie. cet endroit mythique, posé dans un écrin de verdure au creux des montagnes de la caroline du nord, près d’asheville, accueille tôt en son sein une série d’enseignants invités qui, par leur esprit d’ouverture et leur goût de l’expérimentation, vont marquer durablement la manière de concevoir les arts et préfigurer à bien des égards l’élan vers la création interdisciplinaire qui continue aujourd’hui encore à façonner le champ artistique.

Rauschenberg et Cy Twombly et la sculptrice américano-japonaise Ruth Asawa, tous promis à des carrières fécondes.

La session d’été 1948 proposait des masters classes pluridisciplinaires sous la direction de John Cage, Merce Cunningham, Willem de Kooning et Buckminster Fuller, architecte et designer, créateur du fameux dôme géodésique.

Dans les années ’50, le Black Mountain College ouvre une nouvelle décennie, confronté d’une part à des diffi-cultés financières et à la défection de quelques uns de ses membres fondateurs, et d’autre part à l’arrivée de nouveaux enseignants qui vont y insuffler un élan prometteur.

Le poète américain Charles Olson amène dans son sillage Robert Creeley et Robert Ducan, deux autres voix dominantes de la poésie américaine d’après-guerre, précurseurs du courant beat. Jusqu’en 1957, Charles Olson, qui a pris la direction de l’école, continue à défendre son projet d’enseignement artis-tique unique mais, face aux défis financiers et à l’atmosphère particulière de conservatisme qui règne aux États-Unis durant cette période, il se voit contraint de mettre fin à l’aventure.

Vu par le prisme des arts vivants, il est difficile de ne pas évo-quer la rencontre entre Merce Cunningham, les compositeurs David Tudor et John Cage et le peintre Robert Rauschenberg. À juger avec le recul de l’histoire par le grand retentissement de ces rencontres, on comprend mieux dès lors toute la portée de ce que ce lieu a permis en termes d’expérimentations et de réflexions nouvelles. C’est d’ailleurs au Black Mountain College que le chorégraphe fonde sa compagnie, la Merce Cunningham Dance Company et pose quelques unes des inter-rogations qui vont bouleverser les codes de la danse moderne. En introduisant des notions telles que l’irruption du hasard et de l’accident dans la composition, – préoccupations qu’il partage avec John Cage –, l’abandon d’une narration linéaire, la dissociation du mouvement et de la musique mais aussi en postulant que chaque point de l’espace a la même valeur et qu’il n’existe pas de hiérarchie entre les mouvements, il se place à la charnière entre la danse moderne et postmoderne bien que son œuvre transcende ces deux catégories.

Le rôle des universités aux États-Unis est indissociable de l’essor de la danse postmoderne. Le mouvement mettra plus de vingt ans à arriver en Europe mais son influence tardive sera indéniable. Plus qu’un simple lieu de création et de trans-mission, le Black Mountain College, par la conjonction des esprits audacieux qui y ont enseigné ou pratiqué leur art, a été le ferment d’une (r)évolution majeure de la pensée artistique.

http://www.blackmountaincollege.org/

(page précédente, en haut)Hazel Larsen ArcherRobert Rauschenberg and Elizabeth Jennerjahn Dancing, ca. late 1940sCourtesy of the Estate of Hazel Larsen Archer and the Black Mountain College Museum + Arts Center

(page précédente, en bas)Hazel Larsen ArcherThe Path to the Studies Building, Black Mountain College, ca. late 1940sCourtesy of the Estate of Hazel Larsen Archer and the Black Mountain College Museum + Arts Center

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Portrait

keïko courdy

Mylène lauzon

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19Portrait

artiste française née en 1968, Keïko courdy est directrice artistique de la structure de création transdisciplinaire Ki depuis une dizaine d’années. au sein de Ki, elle crée des scénographies interacti-ves et conçoit des univers immersifs où l’utilisation des modes numériques permet d’explorer des nouvelles possibilités d’expérimentation physique, visuelle et sonore.

Au sein de ses installations et performances, et avec l’utilisation de nouveaux médias, Keïko Courdy essaie de rendre palpable l’invisible énergétique qui nous entoure. La planète vit une métamorphose profonde. La pression exercée sur la nature et sur le vivant peut être ressentie à l’échelle humaine. Aujourd’hui, où tout semble incertain, mouvant, en mutation, elle propose Halo (en cours de création), reflet actuel de ses préoccupations esthétiques, environnementales et biologiques.

Halo, Version Container, créé en collaboration avec Jacques Parnel, invite le spectateur à vivre une expérience de « téléportation » dans la Méditerranée. Dans un conte-neur (autonome en énergie), allongé, pieds surélevés, le spectateur entendra et verra la circulation en mer des céta-cés et des navires cargos. En temps réel, grâce à des sondes immergées et à un dispositif visuel immersif, le spectateur éprouvera la somme des résonances existantes en mer.

La pollution sonore a envahi les océans de la planète avec l’augmentation du trafic maritime et l’utilisation de sonars actifs. Les bruits d’origine anthropique se sont multipliés sous les mers. On sait aujourd’hui qu’ils sont la cause de l’échouage d’un très grand nombre de baleines en créant des lésions parfois fatales à leur système biosonar.

Halo, un container-observatoire. 

Keïko Courdy interroge notre posture face à l’envi-ronnement et révèle l’état, à la minute près, de celui-ci.  

Equipe HALO Version Container:Programmation/Visuels: Jérôme Sullerot (Lomitko)Manipulations sonores: Thierry CoduysData sources temps réel : LAB _Laboratoire d’applica-tions bioacoustique de L’Université Polytechnique de Catalogne

http://www.ki-keiko.net

Légende titre Légende texte

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vidÉo/scèneCrew

Berlin Bud Blumenthal

De la place de la performance dans l'art vidéo La danse à l'épreuve du hors champ La 3D, un monde plus désirable ? ...

Jean Michel Bruyère Guy Cassiers

de plus en plus présente depuis trois décennies, l’image vidéo se décline sur scène au gré de l’évolu-tion technologique. il semble déjà loin aujourd’hui le temps où la vidéo se cantonnait à une présence en négatif sur le plateau, simple surcouche au décor. Revendiquant une place à part entière, souvent maté-rialisé par la présence d’un vidéaste, parfois « live », au côté du metteur en scène, – voire par l’utilisation de dispositifs plus complexes –, l’image vidéo s’affirme davantage comme un élément central de la drama-turgie, dont la logique propre contraste ou renforce le propos théâtral ou chorégraphique. Haute définition, environnements immersifs, cinéma 3d, expérimentations vidéo… autant de thèmes abordés dans ce dossier spécial qui met en lumière les transformations vécues à l’heure du numérique. paroles d’artistes qui utilisent ces tech-niques au quotidien dans leur travail et nous livrent aussi leur vision de ces mutations, regards critiques, historiques et prospectifs sur ce qui fait l’art d’au-jourd’hui et fera sans doute celui de demain.

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CREW, territoires nouveaux

et réalité médiéePropos recueillis par

Vincent Delvaux

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CREW est un collectif artistique hors norme qui évolue à la frontière poreuse entre art et sciences. Eric Joris, l’une des têtes pensantes du projet, a connu une pre-mière carrière en tant que dessinateur et réalisateur multimédia qui lui a laissé le goût d’une grande liberté artistique. Allié à des chercheurs issus de l’Université d’Hasselt et à des techniciens multimédias, il a déve-loppé un dispositif d’immersion basé sur des capteurs et des caméras omnidirectionnelles placé à même les spectateurs. L’expérience d’immersion totale qui en découle propose une itinérance à travers une réalité « médiée », un ailleurs qui se joue de la mémoire visuelle de ceux qui y pénètrent et les invite, au fil d’une narration subtile, à devenir les protagonistes de l’histoire et à se placer au cœur même du dispositif. Tout l’art de CREW consiste à rendre la technologie transparente, à faire oublier la machine pour ne retenir que l’expérience vécue. Nous avons rencontré Eric Joris en compagnie de Franck Bauchard, directeur du Centre National des Écritures Scéniques (CNES) à la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon, structure qui a accueilli à plusieurs reprises CREW en résidence et accompagne leur questionnement autour de l’écriture de spectacles immersifs. L’entretien complice qui s’en est suivi fait écho à l’esprit collectif qui sous-tend la démarche artistique de CREW.

Patch — comment s’est développée la collaboration entre creW et le cNeS et quels ont été les points de confluence artistique au niveau de l’écriture ?eric Joris — Nous présentions le spectacle U à Mons lors du festival Via et Franck y partici-pait en tant que spectateur. Après avoir réalisé une immersion, il a formulé certaines critiques constructives envers les textes et l’histoire, et nous a proposé une résidence d’écriture à la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon. Nous avons alors souhaité travailler avec Eli Commins, un jeune écrivain américain, sur la manière d’intégrer du texte dans un dispositif de type immersif. Franck bauchard — Cette première résidence à la Chartreuse a eu lieu en 2008. Nous y avons mené une réflexion sur les rapports entre le travail dramaturgique, l’écriture et le dispositif technolo-gique. J’ai encore souvenir d’Eli Commins errant dans la Chartreuse avec son chronomètre à la main pour savoir quelle longueur devait avoir son texte par rapport au déplacement du spectateur dans l’espace [rires].

la narration revêt un rôle majeur au sein de vos spectacles, même si elle ne prend pas le sens convenu et s’éloigne des schémas traditionnels. comment définiriez-vous son rôle ?e. J. — Lorsque le spectateur est en immersion, lui raconter une histoire n’a aucun sens. Par contre, on peut définir un cadre à cette histoire et fragmenter celle-ci. Nous pouvons alors préparer l’immersion par une première partie de récit, purement auditive. Ce récit que le spectateur entend avant l’immersion va structurer son expérience par la suite. Il y a un double aspect, narratif d’une part, et de l’ordre de l’expérience sensorielle, de l’autre. Vers la fin du spectacle, lorsque l’on émerge, on est à même de percevoir l’ensemble des pièces du puzzle et de lier la narration avec l’expérience vécue.F. b. — Je pense que la notion d’histoire reste tout à fait centrale. Dans le dispositif, le spectateur

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recevait un casque audio et on l’informait des ef-fets d’une maladie neurologique, l’agnosie 01. Dans un deuxième temps, lors de la phase d’immersion en réalité virtuelle, on lui expliquait qu’il avait contracté cette maladie. Un glissement s’opère donc entre quelque chose que l’on suit passivement et quelque chose dont on est partie prenante.Si l’on veut désorienter le spectateur, il est d’abord nécessaire de lui donner des repères. De ce fait, la structuration autour d’une histoire, même si l’on s’en éloigne rapidement par la suite, est importante car elle permet une appropriation du récit.

lorsque le spectacle est en tournée, procédez-vous à des adaptations par rapport au lieu de la représentation ?e. J. — Nous mélangeons des matériaux préenre-gistrés à des extraits pris sur le vif. Les mécanismes psychologiques que nous mettons en place jouent beaucoup sur le doute. Nous utilisons ce que je nommerais un processus de « confluence radicale », c’est-à-dire le moment où la réalité se confond par-faitement avec le virtuel. On joue alors sur la zone transitionnelle, sur un entre-deux. F. b. — Lors de la résidence à la Chartreuse, il y a vraiment eu une incorporation du bâtiment dans le projet artistique, qui est devenu un matériau même de la création et pas seulement un lieu de diffusion ou de travail.

J’ai d’ailleurs fait une expérience assez trou-blante en tant qu’ « immersant » lorsque je suivais le spectacle en tournée à Zurich. Les images virtuelles de la Chartreuse défilaient devant mes yeux et, en déambulant dans les couloirs, je suis passé devant la porte où j’ai mes appartements, j’avais les clés sur moi et j’ai réellement eu l’impression que je pouvais rentrer chez moi. C’était très troublant. e. J. — Nous faisons des résidences régulière-ment mais la Chartreuse est un lieu particulier parce que son isolement fait écho à l’expérience d’immersion.

Terra Nova, comme vos spectacles précédents EUX et U, dépasse le cadre traditionnel de la narration théâtrale ou celui de l’installation plastique pour emmener le « spect-acteur » vers une zone floue, une sorte de fron-tière poreuse entre les arts. comment définiriez-vous la géographie de ce nouveau territoire ? e. J. — Nous travaillons beaucoup avec des neuro-logues, notamment sur la notion de la conscience et du Soi. Certaines études récentes montrent qu’il y aurait de fortes indications que le Soi n’existe pas

mais qu’il s’agit néanmoins d’une illusion fort pra-tique pour appréhender le monde. Cela signifierait que nous ne sommes pas en contact direct avec la réalité mais que nous travaillons avec des modèles de simulations mentales qui sont vérifiés à travers nos sens. Cette pensée s’inscrit dans la continua-tion de la phénoménologie et on la retrouve chez Metzinger notamment. Il décrit le fonctionnement du cerveau de manière très proche de ce que nous pratiquons avec la réalité virtuelle. Ce qu’il écrit nous est familier car nous avons rencontré certains phénomènes dès le début de notre travail, notam-ment l’expérience de désincarnation.

Le théâtre d’aujourd’hui peut se définir comme la métaphore d’un cerveau collectif où le processus n’est pas centralisé par un auteur qui est détenteur du texte et uniquement véhiculé par les autres corps du spectacle, mais appartient à une intelligence distribuée et partagée.

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01 L'agnosie est l'impossibilité de reconnaître des objets, alors que les fonctions sensorielles (vision, audition, toucher, etc...) sont normales.

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À travers l’histoire de l’art, on retrouve sou-vent l’idée que l’œil a supplanté le tactile. On se déplace, on entend et on prend connaissance du monde qui nous entoure par l’entremise de nos sens. Par la suite, les artistes se sont mis à représen-ter l’espace de manière bidimensionnelle, jusqu’à l’intervention, à la Renaissance, de la perspective. Dès lors, l’homme appréhende de plus en plus son environnement à travers la vue, donc à travers une certaine forme d’illusion. Au cinéma, par exemple, l’œil prend le dessus sur tous les autres sens pour forger notre vision du monde.

Ce que nous faisons dans nos spectacles se situe tout à fait à l’opposé de cette tendance. Nous incor-porons l’image et le son dans le corps et réinventons une expérience tactile. Le corps et le cerveau n’ont aucun mal à s’approprier cela rapidement car cela est inscrit profondément en nous.

Un autre aspect essentiel de nos spectacles, c’est que l’on en devient aussi protagoniste.F. b. — Il faut redéfinir le théâtre pour pouvoir en construire un discours critique. À l’heure actuelle, on entend souvent un discours typé sur la trans-versalité et l’hybridité. Mais celui-ci ne répond qu’imparfaitement à des questions fondamentales : qu’est-ce qu’un spectateur ? Qu’est-ce qu’un texte ? Que signifie la présence sur scène aujourd’hui ? Comment ces éléments se déplacent-ils lorsqu’ils se situent dans un contexte immersif ? Que de-vient le texte dans ce type de dispositifs ? Nous savons que, dans les spectacles de CREW, le texte est lié au déplacement du spectateur dans l’espace et n’est donc en aucune manière dépendant du livre et de l’imprimé du texte théâtral traditionnel, mais relève plutôt d’une forme d’oralité.

Lorsque le spectateur est en immersion, on travaille sur l’illusion en s’appuyant sur les moyens technologiques d’aujourd’hui et cela pose bien évidemment la question de la présence de l’acteur, qui est un questionnement central dans le champ théâtral. Nous sommes face à un contexte nouveau qui amène à un glissement des pratiques.

Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est la question de la mutation du théâtre lui-même par rapport aux transformations de l’écrit et la manière dont on passe d’un théâtre qui est une métaphore du livre à un théâtre métaphore de l’ordinateur.

Lorsque l’on parle de texte au théâtre, on part le plus souvent d’une logique de l’imprimé qui modèle le texte, et en réalité, à travers cela, on parle du livre. J’émets l’hypothèse que le théâtre

va se transformer radicalement car les supports de l’écrit sont eux-mêmes en transformation, sous l’impulsion du numérique. Prenons par exemple Eli Commins qui a écrit pour CREW : son texte n’est pas publié, il prend uniquement pour périmè-tre le cadre de la performance. Le mode d’écriture est tout à fait disjoint du livre imprimé. Et cela change bien évidemment tant le mode de produc-tion que l’écriture du spectacle théâtral.

À la lumière de ceci, que signifie pour vous la relation entre le metteur en scène et les auteurs, et le travail de narration qui en découle ? e. J. — C’est un élément central. Les gens veulent des histoires parce que celles-ci permettent de transmettre facilement des expériences que nous rencontrons dans la vie. Dans les spectacles de CREW, on se situe au cœur même d’une expérience, donc il est plus difficile d’en tirer une narration.F. b. — La grande force de CREW, c’est l’amplifi-cation qui existe entre le dispositif technologique d’une part et le travail de l’auteur de l’autre. Cela fonctionne à la manière d’une caisse de résonnance. La narration peut d’ailleurs passer par d’autres for-mes comme le son, l’image, les sensations. e. J. — Lorsque j’ai commencé à travailler sur la narration avec Eli Commins, nous utilisions des documents partagés sur Google. Nos idées se mélan-geaient et il y avait une telle confluence de pensées qu’à la fin, nous ne savions plus qui avait fait quoi. Il est intéressant de noter que, lorsque l’on se plonge dans une expérience immersive, il y a un phénomène de désincarnation et on partage le corps d’un autre, c’est comme s’il s’agissait d’un shared body, compa-rable à un type d’intelligence collective.

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question artistique comme point de départ : « Est-il possible, en ayant recours à un tracker et des camé-ras omnidirectionnelles, de se retrouver soi-même à l’intérieur de l’image ? ». On a vérifié et constaté un certain nombre d’hypothèses. Au départ, les gens étaient malades, souffraient de nausées, alors il a fallu les préparer à l’immersion, ce qui est le rôle de la dramaturgie.

Notre travail avec les chercheurs se fait partiel-lement en laboratoire mais nous avons aussi des résidences à l’université et dans des lieux comme la Chartreuse, où ceux-ci ont le loisir de réaliser une partie de la programmation.F. b. — On ne peut traiter de la question technologi-que sans rencontrer la science. Lorsque l’on travaille sur l’écriture, cela pose la question des sciences co-gnitives. Le théâtre occupe une place particulière dans son rapport à l’expérimentation scientifique car la scène représente un lieu d’intégration entre diffé-rentes fonctions qui, dans les sciences, sont séparées mais qui, sur scène, sont articulées. Le théâtre permet ainsi de simuler des hypothèses scientifiques. C’est un environnement complexe mais maîtrisé.

le dispositif que vous utilisez a-t-il fait l’objet d’un développement propre ou reposait-il sur des techno-logies existantes ?e. J. — Le tracking et les caméras omnidirection-nelles existaient déjà avant nous mais n’avaient pas été utilisés ensemble de cette façon. Je pense que nous sommes les seuls à intégrer de telle manière l’image et le corps.J’ai rencontré récemment le project manager du film Avatar et il s’est montré très intéressé par la technologie que nous utilisons, bien que nous nous situions tout à fait à l’opposé du cinéma.Nous faisons une sorte de théâtre automatisé où l’acteur est devenu superflu.

Dans le projet Terra Nova, il existe plusieurs niveaux de perception pour le spectateur : il peut choisir de s’immer-ger dans le dispositif ou de regarder l’action de l’extérieur. comment s’adresse-t-on à ces différents publics ?e. J. — Nous avons réalisé des expériences à ce sujet. C’est évidemment plus difficile lorsque l’on ne fait pas partie du dispositif, il faut donc trouver une manière de faire participer celui qui regarde. Il doit faire partie du jeu de l’autre. Dans U, le public est toujours engagé dans la réalité de l’autre. Il y a simplement plusieurs perspectives sur le spectacle, en fonction d’où l’on se situe. C’est également le cas dans Terra Nova.

F. b. — Le théâtre d’aujourd’hui peut se définir comme la métaphore d’un cerveau collectif où le processus n’est pas centralisé par un auteur qui est détenteur du texte et uniquement véhiculé par les autres corps du spectacle, mais appartient à une intelligence distribuée et partagée. L’écriture théâtrale a de plus en plus recours à cette manière de penser collective.

ceci se vérifie d’ailleurs aussi dans l’intégration de la technologie. comment insérez-vous les différents paramètres artistiques et techniques au sein de vos spectacles ? Quel type de dialogue peut-il y avoir entre les chercheurs et les techniciens-créateurs ? e. J. — Philippe Bekaert a développé le logiciel et est auteur au même titre que nous. À l’origine, en 2003, tous les systèmes logiciels et le hardware ont été mis en oeuvre par l’Université d’Hasselt au Expertise Center for Digital Media avec une

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Pour notre spectacle EUX, il y a d’abord une immersion partielle avec une narration, puis le spectateur passe en immersion totale et fait dès lors lui-même partie de l’expérience. En sortant de l’immersion, il donne son casque à la personne suivante mais le texte continue et il peut ainsi revi-vre l’expérience qu’il vient à peine de vivre mais en la regardant cette fois d’un point de vue extérieur avec des clés de lecture supplémentaires.

Dans le suivi psychologique des patients trau-matisés, on les fait revivre leurs expériences afin qu’ils puissent gérer leur mémoire.

De manière analogue, le théâtre permet de retravailler les processus de mémoire afin de mieux les maîtriser et les appréhender logiquement et émotionnellement. Le spectateur peut ainsi par-tager, être informé et faire partie du spectacle. Il n’est en rien passif.

Il faut parfois déshabituer les gens qui sont conditionnés à regarder des spectacles d’une cer-taine manière et les stimuler à prendre eux-mêmes l’initiative.

le travail de creW va bien plus loin que la simple utilisation de la vidéo. comment l’image vidéo s’intègre-t-elle néanmoins au sein de vos mises en scène ?e. J. — Dans les spectacles de CREW, il n’y a pas d’images, pas de cadre, tout est transparent. Dans un film, la temporalité et l ’encadrement sont des éléments essentiels. Tandis que dans nos performances, le spectateur est dans l’image, c’est lui qui fait le cadre. Je ne peux pas contrôler

ce qu’il regarde ni à quel moment. Bien évidem-ment, la lumière et ce que l’on montre sont très importants mais il n’y a pas de cadre, tout au plus des images préenregistrées qui sont là pour fournir des repères.

En réalité, nous utilisons plusieurs canevas. Nous avons un format que nous appelons CAPE (Computer Automatic Personal Environnment), où tout est préenregistré mais nous avons aussi un format intermédiaire où nous mélangeons images préenregistrées et live.

Nous jouons sur le doute et l’utilisation de la mémoire visuelle des spectateurs. Notre deuxième spectacle utilisait ce mécanisme : nous faisions repasser les gens dans un même endroit plusieurs fois de suite et nous manipulions la mémoire du spectateur. C’était intéressant car le spectacle traitait de la maladie d’Alzeihmer et cela faisait écho à cette thématique de la mémoire.

utilisez-vous les principes de la réalité augmentée et les marqueurs qui y sont afférents dans vos spectacles ?e. J. — Tout au début, nous avons travaillé avec des techniques de Réalité Augmentée, dont les axes de recherche étaient plus proches de ce que nous fai-sions artistiquement. Aujourd’hui la recherche en Réalité Augmentée s’est transférée sur des appareils de type GSM et repose plutôt sur des applications basées sur du texte qui fournissent des indications supplémentaires se superposant à la réalité. Notre technologie aujourd’hui est bien plus radicale car on est coupé du réel, même si celui-ci reste acces-sible par bribes. Pour ma part, je préfère travailler des mécanismes d’immersion totale.

Parlez-nous de l’évolution technique et artistique de Terra Nova par rapport à W (double U ) ?e. J. — Aujourd’hui, nous pouvons prendre en charge un public plus large, avec davantage d’éléments préenregistrés mais aussi un environnement radi-calement live. C’est un écosystème distribué avec plusieurs niveaux d’intensité, il est composé de trois cercles où le nombre de participants diminue pro-gressivement mais où l’intensité va croissante.

Terra Nova, God is a gas (titre provisoire) tire son nom de l’épopée de l’explorateur Scott qui est parti à la découverte de l’Antarctique. Il est amu-sant de noter que le Pôle Sud présente d’ailleurs la forme du cerveau. Nous avons travaillé avec Peter Verhelst qui a imaginé ce texte autour de la quête de Scott au Pôle Sud. L’immersion proposera un

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bio

creW est une compagnie qui opère à la lisière des arts et de la science, entre performance et nouvelles technologies. L’artiste Eric Joris y développe des projets live en étroite collaboration avec un collectif d’artistes et de scientifiques. Les médias numériques sont à la base d’une manière unique de penser, ainsi que le moteur d’une expérience esthétique et d’une réflexion sur le théâtre. Leurs performances hybrides interrogent et redéfinissent le théâtre traditionnel. Le processus d’immersion est un élément récurrent chez CREW depuis 2003. La vidéo omnidirectionnelle possède un fort impact visuel dont le potentiel créatif reste encore largement à découvrir. Leurs projets explorent différentes formes, de la performance à des expériences one-on-one en passant par des installations interactives. Parmi les productions, citons Icarus (2001), Philoctetes (2002), Crash (2004-2005), U_Raging Standstill (2006), O_Rex (2007), W (Double U) (2008), EUX (2008) et Line-Up (2009). 

Franck bauchard est directeur adjoint à la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon et responsable du Centre National des Écritures du Spectacle depuis janvier 2007. Il est diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris (1985) et de l’Université de Dijon (DESS de politique culturelle, 1993). Après un parcours en dramaturgie (théâtre et cinéma) et mise en scène, il a travaillé au Ministère de la Culture notamment comme inspecteur pour le théâtre à la Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles (1998-2003) puis comme chef de l’inspection théâtre et conseiller du directeur de la DMDTS pour le théâtre (2004-2006). Il a siégé au Dicream (Dispositif de soutien à la création multimédia du Ministère de la Culture) entre sa création, en 2001, et 2006.

http://www.crewonline.org http://www.chartreuse.org/

voyage dans les méandres du cerveau, dans un environnement radicalement blanc. La recher-che neurologique progresse vite aujourd’hui, les modèles évoluent considérablement : c’est un peu comme une terre neuve à redécouvrir. Ainsi des neuropsychiatres arrivent à recréer avec des sti-muli des expériences de désincarnation, telles que l’on peut les simuler dans nos spectacles.

Au début de CREW, nous avons travaillé avec un tétraplégique avec qui nous avons réalisé deux spectacles. Cet homme est en permanence connecté à des machines et il s’est approprié rapi-dement nos technologies et les a utilisées comme une sorte de prothèse. C’était très intéressant.

ceci évoque une filiation entre votre recherche et le travail sur la prothèse que réalise un artiste comme Stelarc. la prothèse est une extension à la fois réelle et imaginaire du corps…e. J. — C’est amusant car Stelarc est venu voir le spectacle et s’est essayé au dispositif avec beaucoup d’intérêt. Quel est donc l’apport de ce type de pro-thèse ? Ici on ne témoigne pas seulement d’un rapport homme/machine mais on fait aussi participer les gens en leur permettant de s’approprier la technologie et d’aller plus loin que leur propre corps.

De quelle manière est intervenu le cecN dans le sou-tien qu’il vous apporte ? e. J. — Le CECN a été très important pour nous. La toute première maquette de U qui relevait encore du bricolage a été montrée pendant les premières Rencontres Professionnelles. C’était une étape importante afin d’exposer aux programmateurs en quoi consistait le spectacle.

Le CECN a ensuite coproduit O_REX et nous avons organisé ensemble des workshops. Nous avons également d’autres partenaires structurels comme Le Vooruit et Buda à Courtrai. Tous ces lieux ont des approches complémentaires. Le CECN est vraiment spécialisé sur la technologie, ce qui est rare, car en Flandre, cet engagement est moins explicite.

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BERLin, explorations urbaines

Propos recueillis par Clotilde Delcommune

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Au carrefour du théâtre et du documentaire, le collectif anversois Berlin nous offre des portraits de la ville où celle-ci prend lieu de texte dramatique. Leurs personnages sont des écrans, au nombre variable et aux implantations diverses. De Jérusalem (2004) à la capitale Inuit, Iqaluit (2005) ; de la plus petite ville du monde, Bonanza (2006), à Moscou (2009), le cycle Holocène radiographie notre présent. Tagfish (2010) inaugure aujourd’hui un autre cycle, Horror vacui, dans lequel dialoguent autour d’une table des interlocuteurs filmés, acteurs d’un même projet, qui n’ont jamais pu se rencontrer mais ont eu tous droit à des « questions ennuyeuses ».

Patch — Qu’est-ce que Berlin ?Yves Degryse — Bart [Ndlr. Baele] et moi sommes amis depuis longtemps. En 2003, nous avons décidé de créer une structure qui nous donnerait beaucoup de liberté dans la création. Avant cela, nous avions travaillé chacun soit dans le théâtre, soit dans le cinéma. La démarcation entre les genres y est très claire. Nous avions besoin d’une structure où nous pourrions choisir les médias dont chaque projet, individuellement, a besoin. Jusqu’à aujourd’hui, le film a été notre base, mais tout est possible.

Quand on débute un projet, notre première ques-tion est toujours : « Comment raconter cette histoire le mieux possible ? Qu’est-ce que nous, nous pouvons y ajouter ? ». Par exemple, quand nous avons décidé de travailler sur Jérusalem, notre première idée était d’en faire un documentaire et une pièce de théâtre. Mais que pouvons-nous ajouter à cela ? Rien. Ce sont les habitants qui donnent leurs opinions, et c’est bien assez. Puis nous nous sommes rendus compte que le temps était un élément important : comment faire sentir au spectateur l’attente quotidienne des voitures pendant plus d’une demi-heure aux check points sans le lasser ? C’est là que nous avons eu

l’idée d’utiliser trois écrans : les quarante minutes d’attente se déroulent en temps réel sur un écran tandis que l’action continue sur les deux autres.

comment définir votre travail ?En ne le définissant pas. Ça n’a pas d’importance.

Et c’est notre force. Nous aimons travailler avec tou-tes les disciplines possibles et jouer dans beaucoup de circuits différents. À Amsterdam, Tagfish a été joué dans le cadre d’un festival de documentaires, mais dans un théâtre. A Paris, nous avons installé Iqaluit dans la fondation Cartier.

le public est-il déstabilisé par l’interdisciplinarité radicale de votre démarche ?

Au début, c’était le cas : je me rappelle de ce couple qui est ressorti frustré de la représentation de Jérusalem parce qu’ils avaient attendu l’arrivée d’un comédien pendant tout le spectacle ! Maintenant, le public commence à savoir qu’on travaille comme ça. On ne veut pas revendiquer à tout prix notre différence. La situation idéale, ce serait simplement d’inviter les gens et qu’ils voient le spectacle.

la position physique du spectateur face à votre œuvre varie d’un projet à l’autre : d’une disposition frontale (Jérusalem, Bonanza, Tagfish) à une station debout au mi-lieu d’un chapiteau peuplé d’écrans dynamiques et avec de la musique live (Moscou) en passant par une démarche plus individuelle, une installation où le spectateur a le choix de l’écran qu’il regarde et du temps qu’il y passe (Iqaluit). est-ce une volonté de votre part ?

C’est la ville qui nous en donne naturellement l’idée. C’est toujours notre point de départ. Quand nous sommes allés à Moscou, par exemple, nous

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avons été frappés par le fait qu’il y a des interactions simultanées en différents endroits de notre champ de vision. La position debout est peut-être incon-fortable mais elle permet de faire ressentir cette impression-là au spectateur : la concentration est plus précise, plus difficile aussi. L’idée des écrans dynamiques et du chapiteau provient de l’idée que le vie moscovite est un cirque.

comment faites-vous le choix des villes que vous traitez ?C’est un mélange de projet et d’intuition.

Parfois, c’est très logique : après le tournage de Jérusalem, nous étions fatigués de toute cette agi-tation et on a eu envie de travailler quelque part où il n’y a rien. La fille de Bart était alors dans sa « période esquimaux » et nous avions entendu parler de la création du Nunavut et d’Iqaluit, sa ca-pitale. C’est un endroit très isolé, très petit. Après, on a eu envie d’ouvrir la problématique, mais en même temps de trouver encore plus petit. C’est là qu’un ami nous a parlé de Bonanza.

De quelle manière s’opère le choix des personnes que vous allez interviewer ?

Ça commence chez nous. Une fois qu’on a un sujet, on fait des recherches sur internet, dans des livres, dans des articles. Après un moment, on tombe sur les noms qui nous intéressent : des gens qui sont spécialistes dans leur domaine et qui sont capables de bien décrire leur ville. C’est

un choix important, parce que ça va être notre base, notre « texte de théâtre ». Puis, là-bas, les rencontres font effet boule de neige : on nous dit d’aller voir telle ou telle personne.

Il faut aussi réussir à les convaincre de bien vouloir témoigner. Il y a des villes, comme Moscou, où c’est très compliqué de trouver des gens qui acceptent de s’ouvrir face à la caméra.

et ensuite, le tournage !On le fait en deux fois un mois : on prépare

notre sujet puis on lance la première partie du tournage. On réfléchit alors à la forme qu’on va donner au projet. Ensuite, la deuxième partie sera tournée en gardant à l’esprit nos décisions formelles. Après, il y a un processus de mise en forme long de quatre mois.

Pourriez-vous nous présenter le cycle Holocène ?C’est une série de portraits de villes abordés

sous un angle artistique et qui incluent des do-cumentaires filmés.

Parlez-nous de la naissance de notre nouveau cycle, Horror vacui.

Le Theater der Welt [Ndlr. à Essen, dans la Ruhr] nous avait demandé une création autour de cette région [Ndlr. immense région minière abandonnée, classée à l’UNESCO, dont plusieurs projets de réaménagement sont actuellement en question]. Nous nous sommes alors posé une série de questions : Pourquoi le fait de posséder quelque chose est-il si important ? Quel est le sens de no-tre quête du prestige ? Pourquoi vouloir apposer sa signature ? C’est le concept philosophique de l’horror vacui : la peur du vide. On retrouve ça aussi dans la nature.

Il ne nous semblait pas possible artistiquement de faire un projet de la série Holocène à partir de tous ces éléments.

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les projets du cycle Horror vacui comprendront-ils toujours des images de gens qui ne se sont jamais rencontrés, placées autour d’une table ?

C’est le dispositif, oui. Mais il y a beaucoup de tables. Et beaucoup de conversations. Et beaucoup de gens. Ça peut aller d’un dîner en tête-à-tête à une conférence.

Il y aura aussi toujours aussi nos « questions ennuyeuses » : c’est une série de quarante ques-tions, à priori absurdes, que nous avons adaptées de Max Frisch. Par exemple : « Avez-vous le sens de l’humour quand vous êtes tout seul ? ». On les pose aux gens qu’on interviewe.

le cycle Holocène touche-t-il à sa fin ?Non. On va poursuivre les deux cycles en pa-

rallèle et choisir en fonction des villes, selon que la situation requiert davantage une conversation autour d’une table ou plutôt un portrait. Ces cy-cles fonctionneront comme un zoom : on pourra travailler de manière large ou plus resserrée.

Quelles sont les villes sur lesquelles vous comptez travailler dans le futur ?

Pour l’année prochaine, nous hésitons entre deux projets : une ville frontalière entre la France et la Flandre ou Tchernobyl. On a entendu parler d’un couple de 85 ans qui vivrait en autarcie dans la ville interdite depuis 25 ans ! C’est une super-histoire ! Mais la question est : « Est-ce super pour nous, pour un projet théâtral ? »

Pourquoi ne pas envisager un travail sur la belgique ?La Belgique… On est trop proches. On a besoin

du regard du touriste, avec ses stéréotypes. Il faut garder les clichés au début, pour être capables de les changer ensuite.

En Belgique, on a beaucoup de bons artistes. J’aime beaucoup la culture belge : on n’est pas lié, comme souvent ailleurs, par le poids de la tradi-tion. Cela nous offre énormément de liberté.

Imaginez-vous travailler à l’avenir avec d’autres matériaux ?

Pour le moment, on a envie de continuer à travailler avec plusieurs écrans. On doit trouver les limites de ce processus.

On avait fait une première version d’Iqaluit où on utilisait Skype : une comédienne sur scène dialoguait avec un comédien à Iqaluit. Mais des difficultés tech-niques ont rendu une nouvelle tournée impossible, notamment à cause du décalage horaire : le patron du comédien inuit n’a plus donné sa permission pour qu’il s’absente sans cesse pendant ses heures de travail ! En plus, le public n’arrivait pas à croire qu’il jouait vraiment en live… C’est dommage.

comment percevez-vous votre rapport au théâtre et les relations que vous entretenez avec la forme du documentaire et le cinéma ?

C’est difficile. Jusqu’à présent, on jouait surtout dans des théâtres, mais ça commence à s’élargir. On joue aussi dans des festivals, dans des musées…On se situe vraiment au carrefour de tout ça. C’est vraiment un privilège.

On ne nous voit jamais à l’image, on ne nous entend pas poser les questions. nous aimons cette distance. Être à la fois visibles et invisibles.

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vous accordez une grande place à la poésie, à l’errance, au silence…

Oui. Je crois que cette poésie se retrouve aussi dans notre manière de filmer. On ne nous voit jamais à l’image, on ne nous entend pas poser les questions. Nous aimons cette distance. Être à la fois visibles et invisibles.

On a besoin pour cela de pas mal de temps. Créer un film en un an, au cinéma, c’est normal. Mais au théâtre, c’est vraiment une lutte. Il y a beaucoup de pressions, notamment financières, qui vont à l’encontre de cette lenteur assumée mais nous ne faisons pas de concessions là-dessus.

vos projets sont présentés tantôt ensemble, tantôt séparément. avez-vous déjà pensé à développer des interactions entre eux?

On l’a déjà fait, par exemple à Hasselt, où on pouvait les voir tous à la suite les uns des autres. Le public faisait alors un trajet de ville en ville à l’intérieur même d’une autre ville.

Faites-vous des représentations dans des lieux particuliers ? Dans les villes que vous avez filmées par exemple ?

Avec Tagfish, pour la première fois, nous avons pu le faire. Souvent, c’est impossible pour des rai-sons pratiques, à Iqaluit, par exemple. Mais il y a toujours des gens que nous avons interviewés qui viennent voir nos spectacles en Belgique ! Nous avons eu une proposition pour présenter Moscou dans un festival de théâtre là-bas, mais nous ne sommes pas encore sûrs de l’accepter : c’est dan-gereux pour la sécurité des personnes qui ont bien voulu nous parler… On a déjà remarqué, lors de représentations, des gens qui notaient leurs noms… On va envoyer un DVD des témoignages à chaque intervenant et s’ils ne sont pas tous d’accord, on déclinera l’invitation.

J’ai personnellement envie d’explorer d’avan-tage des lieux inhabituels pour nos représentations, mais je n’ai pas encore trouvé la bonne manière de le faire. Si c’est uniquement pour le côté in-solite du lieu, cela ne va pas. Il faut que cela soit porteur de sens.

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bio

Bart Baele et Yves Degryse ont fondé Berlin, avec Caroline Rochlitz, en 2003.

Bart Baele a étudié la scénographie à l’école de théâtre d’Amsterdam avant de travailler en tant que scénographe et ingénieur vidéo.

Yves Degryse a suivi des cours en tant que comédien à l’école Dora van der Groen d’Anvers. Il est le fondateur du collectif théâtral SKaGen et a travaillé dans divers projets en tant qu’acteur et que comédien.

www.berlinberlin.be

Tagfish sera présenté les 10, 11 et 12 février au Antwerpse Kleppers

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Bud Blumenthal – DAnCERS!, la danse en Haute Définition

Propos recueillis par Vincent Delvaux

Longtemps compagnon de route de Michèle Noiret, avec laquelle il partage le souci d’une danse revisitée par la technologie mais qui ne se départit jamais d’un sens aigu de la beauté et de l’humain, Bud Blumenthal, chorégraphe américain établi en Belgique, nous enchante par le détournement poétique du medium vidéo qu’il met en œuvre au sein de ses créations. Véritable illusionniste des corps et de l’image, il s’amuse à déjouer notre regard et nous oblige à repenser l’image vidéo en la libérant progressivement de la surface projetée. C’est dans cet ailleurs prospectif, qu’il explore à travers Rivermen (1999), Les Entrailles de Narcisse (2001) et Red Cliff (2002), qu’émerge une esthétique du corps en mouvement, libre de dialoguer avec son alter ego virtuel. Se plaisant à brouiller les frontières entre les genres, sa nouvelle création intitulée DANCERS! lorgne du côté des arts plastiques et revêt la forme d’une installation vidéo monumentale. Mais ce projet protéiforme se décline aussi sur le web et prend le corps comme matière première d’une base de données vivante et interactive. Rencontre avec un chorégraphe avide de nouveaux horizons artistiques.

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Patch — DANCERS! est un projet aux déclinaisons mul-tiples qui peut être présenté tant sous la forme d’une installation monumentale que sur internet où il se mue en base de données de vidéos de solos de danse, créées autour d’un concept commun. racontez-nous la genèse de ce projet et la manière dont vous l’avez mis en œuvre ?bud blumenthal — Il y a quelque temps, en entendant à la radio une interview des commissaires de la Biennale de Venise, je me suis mis à réfléchir à la place que pourrait trouver la danse dans une manifestation de ce type, si elle était exposée sur pied d’égalité avec une œuvre plastique. J’ai imaginé alors quelle pourrait être la meilleure manière de capter la magie de la danse afin qu’elle puisse rivaliser ou dialoguer dans un même espace avec des œuvres plastiques majeures, comme celles d’Anish Kapoor par exemple. J’ai eu l’idée de présenter une œuvre sur écran monumental de six mètres sur quatre, avec des danseurs apparaissant en taille réelle au sein d’un environnement immersif. Après avoir renoncé à me filmer moi-même, le projet a naturellement évolué vers la présentation de formes courtes en solo interprétées par des danseurs profes-sionnels venus d’horizons différents. Si mon intuition première était de présenter DANCERS! sous la forme d’une œuvre plastique, l’étape du web s’est ensuite imposée comme une évidence.

Le questionnement qui m’a guidé lors des tour-nages était de savoir comment réussir à reproduire à l’écran toute la puissance d’évocation de la danse, en l’absence des corps réels.

Nous avons réalisé les captations avec un grand soin tant du point de vue filmé que du point de vue sonore pour lequel nous avons usé de divers procédés afin de créer une spatialisation du son. Je voulais donner à l’installation un caractère spectaculaire et il était nécessaire pour cela que ces deux dimensions, image et son, soient en parfaite syntonie. Ainsi, nous avons introduit le bruit du mouvement des corps, des déplacements et de tout l’espace sonore dans lequel se meuvent les danseurs et nous avons rendu ces élé-ments très présents à l’écoute au sein de l’installation. Chaque solo ressort de ce procédé tel un petit bijou et témoigne d’un vrai don de soi de la part des artistes.

vous avez évoqué le travail réalisé autour de l’installation DANCERS! mais qu’en est-il de la présentation sur inter-net ? Quelles sont les caractéristiques les différenciant ?

La différence majeure se situe au niveau de la qualité de diffusion. Lorsque DANCERS! est présenté sous forme d’installation, le caractère spectaculaire est évident, car nous projetons en Haute Définition

Les critères que nous avons retenus pour le traitement sont la vitesse, l’accélération du mouvement sur un laps de temps défini, la hauteur du corps et son expansion dans l’espace, l’éloignement par rapport à la caméra, l’utilisation de l’espace, la luminosité…

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(ci-dessous) Bud Blumenthal, DANCERS ! © Sergine Laloux

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et les danseurs apparaissent en taille réelle, au sein d’un environnement sonore spatialisé. Sur internet, nous sommes bien entendu limités par une qualité de diffusion bien moindre et l’aspect spectaculaire fait place à une approche davantage documentaire.

Sur internet, bien que la navigation propose un choix original dans le regroupement des solos selon certains critères prédéfinis, l’internaute reste maître de ce qu’il regarde et peut passer d’une séquence à l’autre. Qu’en est-il au sein de l’installation vidéo ? avez-vous réintro-duit une narration ou une classification particulière dans le fil des séquences se déroulant à l’écran ?

Sous forme d’installation, le système est réglé sur une diffusion aléatoire des séquences. Mais nous avons également réalisé une borne interactive qui propose une navigation similaire à celle du site web et avec laquelle le spectateur peut interagir, notam-ment en sélectionnant la séquence qu’il souhaite regarder. Pour éviter un effet de zapping qui serait peu respectueux pour les artistes, il n’est toutefois pas possible d’interrompre la séquence une fois lancée.

DANCERS! est un work in progress et je pense qu’à terme le site internet va évoluer vers une forme plus sociale avec davantage d’interactions entre les artistes, même si la navigation offre déjà des caractéristiques intéressantes dans la manière de regrouper les solos.

au niveau artistique, avez-vous réfléchi aux évolutions possibles du projet, en favorisant par exemple des col-laborations entre danseurs sous formes de duos ou de trios ou en demandant à un vidéaste d’intervenir sur le matériau existant afin de réaliser des mashups ?

J’ai en effet réfléchi à ces différentes possibi-lités, notamment celle de réaliser des duos, par le biais de sessions improvisées où les danseurs ne sauraient pas à l’avance avec quel partenaire ils vont danser.

Réaliser des mashups m’intéresse également et je réfléchis avec le vidéaste Marc Coniglio à cette évo-lution. Son idée était d’utiliser un module Isadora sur notre site web, et de créer un fichier de données qui fonctionnerait à la manière d’un filtre. Cela permettrait de regarder au choix le solo original ou bien la version retraitée à l’aide du logiciel Isadora.

Sur internet, DANCERS! révèle une dimension do-cumentaire, comme s’il s’agissait de l’archivage d’un spectacle qui n’aura pas lieu sur scène…

Je rêve de réaliser une version live sur scène de DANCERS!. À l’heure actuelle, il y a environ 130 solos

disponibles sur le web, ce qui veut dire que j’en ai capté 260 en tout car chaque performeur avait droit à deux essais consécutifs. Parmi toute cette matière, il y a des moments très émouvants. J’aimerais idéa-lement adopter une démarche proche de celle d’un commissaire en sélectionnant une dizaine de dan-seurs et en leur demandant de recréer leurs solos dans un contexte différent. Ce serait un renversement d’optique complet par rapport au projet original, puisqu’en partant de la vidéo, on aboutirait à une cho-régraphie sur scène. L’image vidéo pourrait d’ailleurs s’immiscer sur scène également, amenant des couches de sens supplémentaires et une autre résonnance.

comment s’est déroulée la procédure de sélection des danseurs et des solos ?

Les danseurs doivent être des professionnels, c’est le seul véritable critère. Dans la pratique, je voulais que le processus soit ouvert sans me placer dans une position de juge. Il est important à mon sens que les gens qui participent aient consacré leur vie à l’art de la danse, c’est la meilleure définition que je peux donner d’un professionnel. Peu importe le style au final, qu’il s’agisse d’un hip-hoppeur ou bien de quelqu’un issu de la tradition classique.

Pour ce projet, vous avez commandité une quarantaine de pièces musicales à des compositeurs…

Les danseurs ont le choix parmi celles-ci mais ils peuvent aussi danser en silence. J’aimerais accroître le nombre d’œuvres musicales disponi-bles et élargir le panel afin d’être moins cantonné dans une optique strictement contemporaine ou dans la veine électronique minimale ou abstraite. Je souhaiterais élargir le champ à des pièces acous-tiques ou davantage ethnocentrées. J’ai envie que ce projet voyage et il faudrait y intégrer des mu-siques de différentes traditions.

le programme Numédiart qui, sous la houlette de la Faculté Polytechnique de Mons, développe de nombreux projets technologiques ayant une composante artistique, a parti-cipé au projet DANCERS!. Quelle a été sa contribution ?

L’équipe des chercheurs – Stéphane Dupont, Damien Tardieu et Xavier Siebert – a beaucoup

À mon niveau, c’est surtout la Haute Définition qui représente une étape importante.

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travaillé sur le projet. Auparavant, ils avaient déjà réalisé un travail de comparaison de fichiers mu-sicaux selon différents critères sonores comme le timbre, le rythme, etc., qui par la suite servaient à établir une taxonomie des morceaux de manière objective.

Ce principe a été amplifié pour le projet DANCERS! avec la mise en place d’un système de navigation hypermédia : le navigateur relationnel.

Le principe en est simple. Nous captons chaque solo avec plusieurs caméras dont l’une est placée en hauteur, de manière à voir l’évolution des pixels de lumière dans l’espace. Les critères que nous avons retenus pour le traitement sont la vitesse, l’accélération du mouvement sur un laps de temps défini, la hauteur du corps et son expansion dans l’espace, l’éloignement par rapport à la caméra, l’utilisation de l’espace, la luminosité…

Les vidéos des solos sont alors classifiées au sein du navigateur relationnel selon ces descripteurs ob-jectifs. On introduit ainsi des correspondances entre les œuvres basées sur des critères scientifiques.

comment votre utilisation du medium vidéo a-t-elle évoluée depuis votre spectacle Rivermen où l’image était traitée comme une simple texture projetée au sol ? vous avez par la suite utilisé des projections sur écran, puis une image mobile et enfin une image libérée de tous supports. votre questionnement par rapport à l’image vidéo va-t-il vous amener dans le futur à vous intéresser à la technologie 3D ?

Il est crucial de suivre l’évolution des techno-logies mais je n’ai pas encore pris conscience des processus à l’œuvre pour filmer en 3D. Je considère qu’il est important de travailler avec des technolo-gies qui puissent rester gérables dans le contexte de la scène. À mon niveau, c’est surtout la Haute Définition qui représente une étape importante. Lorsque la qualité de l’image s’affine, cela a des conséquences et nous pose un défi car cela ne va plus permettre de masquer certaines imperfections inhérentes à la mise en scène. Mais le potentiel artistique est très important, notamment eu égard au réalisme et à l’impact spectaculaire.

Capter en Haute Définition ne pose plus de problèmes aujourd’hui, les appareils s’étant démo-cratisés mais par contre la projection reste un frein à la création en raison des coûts très élevés que cela engendre. Il faudra encore attendre quelques années avant que les projecteurs Haute Définition ne se démocratisent réellement.

Dans mon spectacle Red Cliff, il y avait quatre danseurs qui dansaient derrière un voile et leur image était projetée, créant ainsi une illusion parfaite entre leur présence physique et l’image vidéo. La HD risque de faire disparaître cette illusion en apportant une image trop précise et en révélant les imperfections. Le potentiel artistique lié aux très hautes résolutions, celles de la Super HD notamment, reste un terrain d’expérimentations encore largement en friche.

Pour DANCERS!, je travaille avec le vidéaste Reynald Halloy et un cameraman ainsi qu’un preneur de son. L’infrastructure technique est relativement lourde et il y a beaucoup d’édition et de postpro-duction à réaliser. Il y a également eu en amont un important travail de Reynald pour créer une profon-deur de champ parfaite pour les danseurs. Grâce à la perfection des procédés que nous mettons en œuvre, nous sommes à même de créer des moments qui résistent au caractère éphémère de la danse.

Le potentiel artistique est très important, notamment eu égard au réalisme et à l’impact spectaculaire.

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bio

Chorégraphe d’origine américaine, Bud Blumenthal est venu s’installer en 1988 en Europe pour intégrer la Cie du Plan K de Frédéric Flamand. Très vite, il rencontre Michèle Noiret et de nombreuses collaborations entre les deux artistes voient le jour. En 1991, iIs créent ensemble le duo Louisiana Breakfast.

Après un passage remarqué à Avignon avec 24 Haïkus (solo, 1996) et Nœud de Sable (duo, 1997) en 2000, il obtient une résidence au Festival des Hivernales de 2001 pour la création des Entrailles de Narcisse. Poursuivant son travail de conjugaison de poésie et fluidité du mouvement avec les nouvelles technologies, il créé le Rivertriptych, trilogie chorégraphique comprenant Rivermen (1999), Les Entrailles de Narcisse (2001) et Red Cliff (2002). C’est également en 2002 qu’il crée sa compagnie Bud Blumenthal/Hybrid.

En 2007, Bud crée Standing Wave, quatuor chorégraphique sur une musique signée Walter Hus. Parallèlement à cela, Bud Blumenthal retrouve Hayo David après avoir dansé ensemble dans des produc-tions du Plan K pour DoWhileLoopS, duo sur le thème de la boucle et du temps qui passe présenté en ouverture du festival Danse à la Balsa/ Marni.

2009 voit la création Beatrix//Beatrice, duo féminin mêlant voix et mouvement sur une musique de George De Decker. C’est aussi cette année-là que Bud Blumenthal lance le grand projet de DANCERS!, installation monumentale mettant les danseurs au centre de la création chorégraphique.

Enfin, 2010 sera marqué par le développement du projet DANCERS! et par la création d’un nouveau duo avec la chorégraphe espagnole Manuela Nogales, Dentro por Fuera/Fuera por Dentro qui sera présenté pour la première fois à Séville, fin novembre 2010.

La Cie Bud Blumenthal est subventionnée par le Ministère de la Communauté française Wallonie-Bruxelles. Elle est en compagnonnage au Théâtre de l’Agora, scène nationale d’Evry et de l’Essonne.

http://www.dancersproject.com/

http://www.bud-hybrid.org/

l’évolution technologique croissante rend très rapidement obsolète le matériel et soulève le problème de la trans-mission de ce type de spectacles dans le futur. comment abordez-vous aujourd’hui cette problématique ?

Il est important de conserver le matériel uti-lisé à l’époque de la création : les ordinateurs, les programmes, les supports DV, les lecteurs, les réglages car il faut pouvoir garantir la pérennité des spectacles. C’est un travail difficile et soumis à l’épreuve du temps.

C’est pour cette raison que je souhaite créer avec la meilleure qualité possible aujourd’hui pour garantir une plus grande longévité à mes projets

Le Centre de Développement Chorégraphique organise une captation suivie d’une projection des précédentes captations. Dans ce cadre, le CDC est à la recherche de danseurs professionnels, tous styles et techniques confondus.

Captation : 26 et 28 février 2011Projection des précédentes captations : 28 février 2011

Théâtre Jean-Vilar, Vitry-sur-Seine

Contact et inscriptions :01 46 86 17 [email protected].

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De la place de la performance

dans l’art vidéoPropos recueillis par

Jacques Urbanska

« La vidéo a donné un sang neuf au Land Art, à l’Happening et à l’Action Art, qui avaient épuisé

leurs possibilités aux cours des années 1960. » — Nam June Paik

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Si la place de la vidéo au sein de la performance constitue un terrain d’études intéressant, c’est par un prisme inversé que nous aborderons la probléma-tique des relations entre ces deux disciplines dont les trajectoires parallèles n’ont eu de cesse de conver-ger au fil de leur courte histoire respective.

Dans la « mythologie » de l’art vidéo, on cite généralement deux années comme fondements de l’art vidéo : 1963 et 1965, les publications choi-sissant tantôt plutôt l’une, tantôt plutôt l’autre. Cela n’est pas anodin et c’est, en fait, deux points de vue différents.

Si l’on prend 1965, c’est Paik et Warhol qui sont cités avec leurs premières monobandes indi-viduelles. Ce choix lierait alors les débuts de l’art vidéo à la démocratisation d’une de ses techno-logies et à ce qu’on appellera la « vidéo légère ». S’il est vrai qu’avant 65, la production de l’image vidéo proprement dite restait une technologie hors d’atteinte pour les artistes de l’époque, cette dernière n’était cependant pas nouvelle, puisqu’elle datait des années 20 et trouvait sa matérialisation première dans la télévision.

Fin des années 50, la télévision est bien im-plantée dans la société et c’est d’ailleurs face à l’omniprésence de ce média, qu’en réaction et chacun de leur côté, Paik et Vostell vont produire, en 1963, des œuvres qui prendront l’image vidéo/télévisée comme matière artistique en tant que telle. Privilégier cette date présente le double inté-rêt de proposer une distinction entre art vidéo et vidéo d’art, et de mettre l’accent sur une matière artistique plutôt que sur un matériel technique.

Quoi qu’il en soit, si le mythe de la naissance de l’art vidéo s’est si bien construit et continue à être entretenu autour de ces trois artistes, c’est sans doute parce qu’ils symbolisent parfaitement une époque et qu’ils peuvent donc en devenir des « personnages ». Qui plus est, cela a l’avantage d’introduire l’incontournable second chapitre

de l’histoire de la vidéo : la performance. Paik et Vostell, très actifs au sein de Fluxus, d’un côté, Warhol avec la Factory de l’autre : la transition est évidente. Car s’il est envisageable de parler de la performance sans aborder le thème de la vidéo, l’inverse est apparemment impossible.

« la vidéo représentait la solution parce qu’elle n’avait aucune tradition. elle n’avait pas du tout de charge (fardeau) formelle. »

— Franck Gillette

Au milieu des années 60, l’art conceptuel s’offrait comme une réponse aux événements politiques qui déstabilisaient profondément la vie sociale et culturelle de l’époque. La performance refléta forte-ment plusieurs aspects de cet art, comme le rapport au temps et à l’espace (qu’elle induisait de fait) ou l’utilisation par les performeurs de leur propre corps (en signe de rejet des matériaux traditionnels)… Mais, plus que tout, à l’instar du « concept pur », c’est dans l’intangibilité, l’« éphémérité » de la performance, qui lui interdisaient toute trace et n’offraient donc pas d’objet-marchandise monnayable au marché de l’art, que l’art conceptuel se voyait le mieux pro-longé… Or, c’est justement ce « fondement » qui fut (et qui continue d’ailleurs aujourd’hui) à être le plus fortement interrogé et mis à mal.

Bien avant l’apparition de la vidéo, certains performeurs commencent à sortir du strict « ici et maintenant », du non-reproductible. Sous formes d’écrits, de photographies, mais aussi de films (8 et 16 millimètres), les artistes créent des traces, des relectures, interrogent d’autres présents (im)possibles. Mais, bien entendu, il n’y a pas que des questions artistiques en jeu, il y a aussi les raisons économiques qui font doucement revenir certains à (la sacralisa-tion de) l’objet, tant décriée par l’art conceptuel.

Dans son historique, Davidson Gigliotti sou-lève d’ailleurs ce dernier point essentiel fort peu cité : un fonds spécial pour la vidéo avait été créé au New York State Council on the Arts. Si le bud-get pour l’année 69/70 n’était que de 2,5 millions de dollars, il passa à 20 millions de dollars l’année suivante et augmenta encore régulièrement par la suite. Il va sans dire que cela donna à tout le milieu artistique (toutes disciplines confondues) quelques bonnes raisons d’inclure la vidéo dans leur recherche. Tenant compte du fait que les ar-tistes pratiquant la performance étaient, plus que tous autres, en manque de sources de revenus

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« acceptables », ce nouveau média apparu certai-nement comme un compromis possible, comme « solution » à tous les problèmes de la terre, c’est-à-dire, en premier lieu, aux leurs.

« est-ce qu’un art historique peut être celui d’une femme nue ? »

— carole Schneemann

À la naissance de l’art vidéo, la plupart des artistes « de sexe féminin » n’avaient que peu d’intérêt pour le marché de l’art. Elles allèrent donc là où ce dernier ne s’était pas encore établi : du côté de la performance (en passant souvent, juste avant, par la case « féminisme »). Comme aujourd’hui, il y avait pour ces créateurs un tra-vail supplémentaire à celui de simplement exister en tant qu’artiste : c’était d’exister en tant que femme ou d’exister tout court. La vidéo n’ayant aucun passé, peut-être y ont-elles vu un terrain où elles pourraient être sur un pied d’égalité avec les hommes et laisser une empreinte dans un art encore vierge. Ce qui est sûr, c’est que ces perfor-meuses accueillirent la vidéo avec enthousiasme et avidité. Ainsi s’est imposée dans les années 70, au travers d’artistes comme Carolee Schneemann, Marina Abramovic, Sherry Millner ou encore Adrian Piper… une « vidéo féministe » issue di-rectement du milieu de la performance.

Vingt ans plus tard, le développement des tech-nologies numériques a donné naissance à une telle intermédialité technologique (et artistique ?) que, dans la définition qu’il en donne, Jurgen E.Müller n’hésite pas à supposer que « [la conception même de] ‘ monades ’, c’est-à-dire de média ‘ isolés ’, ne serait plus recevable… ». Le terme « vidéo » se dilue dans le multimédia pour englober toute image électronique en mouvement. Certains diront même que « le vidéaste ‘ en tant que tel ’ n’existe plus ». De son côté, la performance n’a jamais été en reste de redéfinitions : il suffit de prendre l’exemple de la manifestation  Live Action New York  en 2009 (sous-titrée « This is not a Performa, this is a performance art ») pour voir que le débat est plus que jamais d’actualité. Qu’en serait-il aujourd’hui de la place d’une performance protéiforme dans une définition élargie de la vidéo ?

À l’instar de Vito Acconci ou de Bruce Nauman, beaucoup de tout jeunes créateurs proposent en-core des vidéos de performances d’ateliers : des actes performatifs privés, qui n’ont pas forcément besoin d’une confrontation directe avec le public. Ainsi, en France, Medhi-Georges Lalhou, dont la recherche questionne sans cesse « la représentation et la place d’un corps dans les cultures musulma-nes », développe, entre autres, toute une série de vidéos qui s’ancrent profondément et sincèrement dans cette relation intime avec la performance.

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Dans sa vidéo Prayer - Al Fatiha, il se filme à genoux, front contre le sol, six parpaings sur le dos, opprimé, incapable de bouger, récitant cette pre-mière sourate qui valide toute prière dans l’Islam. Et de poser la question comme sous-titre de la vidéo : « Comment mon corps humain ne peut trouver place dans la nouvelle culture de l’islam, une identité en construction mais déconstruite ». La vidéo, tout en créant une mise à distance, focalise l’acte en lui apportant la possibilité d’une éternelle répétition. Le temps n’est pas celui de la performance mais de l’acte qui se renouvelle inlassablement.

Dans un autre registre, en Belgique, Ariane Loze développe, depuis quelques années, de courtes vidéos narratives et surréalistes, où la performance s’est peu à peu inscrite comme té-moignage public d’un processus de captation, qui était jusque-là privé. Mettant en scène différentes facettes d’elle-même, qu’elle incarne dans autant de personnages, elle se filme avec la caméra pour seul partenaire réel. C’est ce dialogue, parfois très physique, qu’elle tente de souligner et d’offrir lors de ses performances/captations publiques.

Ainsi, via un story-board précis, on peut dire que ses performances se soumettent préalablement à son travail vidéo, qui lui-même deviendra le fruit de ces dernières. À l’inverse des performances privées, la vidéo finale ne mentionne pas ici la performance, elle ne retient que la captation des actes produits par celle-ci. De son côté, si la perfor-mance nous donne à voir les actes du performeur, il est difficile d’y déceler la vidéo finale. Dans un beau paradoxe, la performance produit ici du futur alors que la vidéo ne capture pas le passé.

La performance peut aussi être prise comme élément déclencheur, provoquer ce qui sera la ma-tière première de la vidéo. Nebojša Šerić Šoba fait partie de cette génération d’artistes bosniaques qui ont survécu à la guerre et qui interrogent les événements et surtout l’indifférence générale dans laquelle ils se sont produits. Son installation vidéo Accidents est filmée depuis les fenêtres d’un bus. Pour celle-ci, l’artiste imagine une perfor-mance où il se fait passer pour un accidenté sur le bord de la route. Dans la vidéo, lorsque le bus passe tout près du lieu de la performance, cela s’agite à l’intérieur, des personnes se collent aux vitres pour assister à la scène, dehors aussi quel-ques passants sont autour du corps. Le bus ralentit légèrement et puis poursuit sa route. Le spectacle est terminé, les conversations reprennent comme si rien ne s’était passé.

Si beaucoup de pionniers de l’art vidéo utili-saient la « vidéo légère » pour critiquer la télévision, d’autres avaient à l’esprit qu’en analysant seule-ment un medium au travers des messages qu’il transmet, ils risquaient de passer à côté de ses spécificités. Ainsi beaucoup d’artistes de l’époque ont créé pour, ou ont emprunté à la télévision.

En 2003, le groupe italien Motus crée Twin Rooms et puise dans les techniques télévisuelles. Prenant le laboratoire comme espace de travail et de création, le groupe produit des spectacles et des performances où le multimédia a toujours revêtu une grande importance. White Noise est basé sur un roman qui raconte l’angoisse d’un couple pris dans le « bruit de fond » permanent créé par les médias. Motus le présente comme un spectacle. La scénographie se compose d’une chambre à coucher et d’une salle de bain surmon-tées de deux écrans de même taille. Des caméras fixes, deux caméramen mobiles et une régie vidéo vont créer, en « live », le contenu des écrans, les transformant en énormes postes de télévision. Le spectateur est placé dans un rôle de voyeur et le dispositif est clairement celui des « reality shows ». Si la partition des personnages est fixée dans l’histoire qu’ils sont en train de vivre, celle de l’image nous apparaît vite comme transgres-sive, autonome. L’image nous parle de l’histoire autant que des acteurs et du dispositif, révèle les détails et brise le temps linéaire, le hachant en petites parcelles. Face au spectacle apparaît une performance qui scrute ce dernier et nous donne à voir une multitude de points de vue.

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Concluons sur l’expression « performance vidéo » (ou « vidéo performance »). Elle désigne souvent la captation d’une performance (et sa traduction en vidéo monobande ou en installation vidéo), ou la performance d’un artiste utilisant du « matériel vidéo ». Le terme « VJing », apparu dans les années 70, vient naturellement à l’esprit, mais étant connoté, certains artistes pluridisci-plinaires, très actifs dans ce milieu, emploient « performance vidéo » lorsqu’ils développent des projets plus spécifiques. C’est le cas de l’artiste Yroyto. Avec son projet EILE : il donne à voir au spectateur un processus physique de création d’images et de sons. Muni d’un matériel de cap-tation (caméras, micros, capteurs…) et d’objets divers, dans une optique performative, Yroyto va construire et développer des univers visuels et sonores, à vue, en entraînant le spectateur dans ses actes de construction/déconstruction. Le hollandais Karl Klomp, quant à lui, travaille directement sur les flux vidéos, se spécialisant dans les « glitches » : les bugs électroniques, les défaillances. Il a développé, au fil des années, une impressionnante collection de machines propo-sant des « circuits de flux vidéos analogiques » qui permettent d’agir ainsi directement sur l’image. À ses différents projets personnels s’ajoutent de nombreuses collaborations avec des artistes pour lesquels il crée du matériel spécifique. Ainsi, il a collaboré avec le collectif canadien TIND, qui propose des « performances vidéo » très physi-ques, où le travail de recherche sur le concept de

l’« erreur » veut proposer de « nouvelles techniques, de nouvelles façons de créer et même de tout sim-plement penser du contenu audiovisuel. »

Si notre intention n’était pas ici de définir les notions de performance ou de vidéo, sans entrer dans un quelconque débat, on peut néanmoins constater que l’accès aux technologies vidéo provoqua un questionnement et une certaine redé-finition de la performance. Dans un même temps, on peut tout aussi bien reconnaître que la perfor-mance a interrogé la vidéo, avant même qu’elle n’ait une quelconque définition ; et que l’utilisa-tion intensive et inventive de sa technologie par le milieu de la performance a donné rapidement à la vidéo une matière riche et dense pour qui voulait en tenter une quelconque définition.

NB : les références bibliographiques de cet article étant très nom-breuses, vous pourrez en retrouver l’intégralité dans sa version online, une bibliographie sélective se trouve en fin de magazine.

(ci-dessous, à gauche)Iqaluit©Berlin

(ci-dessous, à droite)Iqaluit©Berlin

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La danse à l’épreuve du hors-champFlorent Delval

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De prime abord, tout semble les séparer : l’une s’exprime dans la continuité, dans la présence et dans l’éphémère, tandis que l’autre est syno-nyme de montage, de temps différé et d’archive. Pourtant, on ne peut nier que la naissance de la danse moderne coïncide exactement avec celle du cinéma. Il ne faut pas oublier que le cinéma est un art du mouvement, tout d’abord d’un point de vue technique : la pellicule tourne. Par ailleurs, ne doit-on pas à Etienne-Jules Marey (1830-1904) les prémices de ce qui deviendra ensuite le cinéma ? Or il était avant tout physiologiste : son seul but était l’étude du mouvement. En outre, les sujets des premiers films commerciaux, qui cherchaient avant

tout à rendre compte, de manière démonstrative, des possibilités de ce médium révolutionnaire, font la part belle aux machines, foules ou sportifs ainsi qu’à la pantomime. La danseuse Loie Füller collabore avec les Lumière et laisse à la postérité les circonvolutions de sa Danse Serpentine (1896). Cependant, le cinéma est aussi l’héritier de deux autres traditions : l’une picturale et l’autre théâ-trale. De la première, elle hérite la composition de l’espace et surtout le recours à la perspective, qui donne à voir un point de vue unique de la scène représentée. De la seconde, la narration, le personnage, le réalisme des situations, etc. Le cinéma a toujours été le terrain de conflits entre ces différentes veines. Quand la danse apparaît, elle prend généralement le dessus sur le récit, qui se suspend dans un temps extradiégétique. Mais, cernée par le cadre de la caméra, la chorégraphie perd une dimension essentielle.

Nous connaissons tous l’importance de la comé-die musicale dans le cinéma américain. Une des règles du genre veut que les passages dansés et chantés soient ponctuels, dans un film qui comporte, pour sa plus grande part, des dialogues et des situations réalistes s’enchaînant selon la convention théâtrale. Les tenta-tives de déroger à cette règle furent souvent des échecs si l’on songe au film entièrement dansé réalisé par Gene Kelly, Invitation to the Dance (1956). Toutefois, réussir à faire danser le cinéma, c’est s’approcher au plus près de sa forme première. C’est tout le para-doxe de ce genre aussi populaire qu’expérimental. Si les comédies musicales de Vincente Minnelli et les prouesses de Fred Astaire ont remporté les faveurs des cinéphiles européens, sans aucun doute réfrac-taires au music hall sous d’autres formes, c’est que les passages dansés soulagent le film de son inexorable avancée narrative. Si ces moments de grâce subliment les corps des danseurs, ils sont tout autant une ode au cinéma. Thierry de Mey cite Scorsese qui dit filmer la violence pour son aspect chorégraphique et pour qui la chorégraphie est du « pur cinéma » : « Filmer la danse et le mouvement c’est peut-être s’essayer à la forme la plus pure du cinéma ». (Collectif, Filmer la Danse, Renaissance du Livre, 2006, p. 230). Mais cela

Nulle part, il n’existe de réelle définition de la vidéo-danse. Tout juste la situe-t-on à l’intersection de deux arts a priori très différents. Cette hétérogénéité est d’autant accrue qu’aucun d’eux n’est une entité cohérente. Ainsi, la danse depuis qu’elle se revendique « contemporaine » n’a cessé de se redéfinir ; la vidéo est un médium encore relativement jeune, qu’on distingue assez mal du cinéma. Que se passe-t-il alors quand la danse se réécrit dans un cadre et un montage ?

(page précédente)One Flat Thing reproducedThierry De MEy sur une chorégraphie de William Forsythe

(ci-contre)Gene Kelly, Invitation to the dance, 1956

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n’empêchera pas la comédie musicale de devenir un genre mineur. Cependant, alors que la danse s’efface des écrans, apparait un médium qui, par sa légèreté, sa facilité d’utilisation technique et son faible coût semble plus propice à l’expérimentation formelle : la vidéo. Le film nécessite des garanties préalables, tels le script ou le plan de tournage. De fait, l’écri-ture est dans un premier temps littéraire. Puisqu’il ne s’agit plus de tout prévoir, la vidéo autorise un rapport plus direct à la matière et, de ce fait, on peut imaginer qu’elle est idéale pour écrire des rythmes ou autres affects, sans la médiation de la parole. On comprend pourquoi ce nouvel outil n’est pas devenu indispensable qu’au cinéaste mais qu’il est entré dans la pratique quotidienne du chorégraphe. Dans Son Image Danse (1997), Michel Jakar propose d’ailleurs une approche intéressante de cette réalité. On y voit Akarova, dont il n’existe aucun film d’époque, utili-ser des vidéos de répétitions pour corriger Michèle Noiret à qui elle transmet une de ses chorégraphies historiques. Il est surprenant de voir à quel point cette diva ancrée dans ses certitudes s’accommode assez bien de ce nouvel outil.

Or, ce genre de prises de notes audiovisuelles est souvent filmé depuis le point de vue du public. En outre, cette captation frontale sert aussi à trouver des diffuseurs pour les nouvelles créations. Mais, présentées à un public, ces vidéos fonctionnent assez mal. En effet, elles servent aux professionnels à s’imaginer un instant à la place du spectateur, lequel ne trouvera guère d’intérêt à jouer son rôle au carré, tout en perdant le privilège de pouvoir choisir sur quoi son regard se porte.

Dès que le spectacle chorégraphique rentre dans le cadre, il perd une partie de son épaisseur. Imaginons un danseur seul sur un plateau nu. Le point central de cette composition est-il le mouvement de ses pieds,

la ligne de son regard ou le grand vide qui l’écrase ? Le spectateur qui voit la danse au théâtre peut se poser ce genre de questions. Devant une vidéo, ce choix apparaît avec moins d’évidence. En effet, le cinéma (ou la vidéo) implique un point de vue unique et monoculaire, hérité de la tradition picturale. Il existe là une incompatibilité fondamentale avec laquelle le vidéaste doit composer. Un plan large permet-il au regard d’errer comme le permet la scène ? Devant une image enregistrée, la perception de l’espace est tout autre. On peut imaginer qu’un montage alterné de gros plans imite le balayage d’un regard, mais l’œil n’est pas un zoom optique et c’est le cerveau qui opère un « focus ». Dès lors, il existe déjà deux manières de filmer la danse : en plan séquence ou en la découpant : c’est ce qui oppose Watermotor (Trisha Brown) filmé par Babette Mangolte (1978) et Jonathan Demme (1979). Mais le regard de la salle n’est pas le seul qui entre en jeu. Il existe tout un spectre de relations entre la place de la caméra et les corps filmés. Ainsi, si certaines vidéos sont écrites par un spectateur virtuel, d’autres prennent la place du danseur, sur scène… On pense par exemple aux films de Wim Vandekeybus, comme Blush (2005), où la caméra glisse sur le sol comme un danseur virtuose en écho aux corps élastiques qui l’entourent. Dans un autre re-gistre, Maria La Ribot, dans Another pa amb tomáquet (2001), fait de cette contrainte (filmer du point de vue du performer) le moteur du mouvement. Enfin, il existe un troisième point de vue, appelons-le « om-niscient ». La caméra y fait fi du dispositif théâtral et de la physique des corps en proposant des points de vue imprenables. Ainsi, les plongées qu’utilisent Thierry De Mey dans son interprétation de One Flat Thing Reproduced (2006), d’après William Forsythe, montre cette chorégraphie comme personne aupa-ravant n’a pu la voir, littéralement. Dans tous les cas, il s’agit toujours d’emprunter le regard de « quelqu’un » d’autre, mais le spectacle reste un objet indépendant que l’on peut voir sous d’autres modalités. Il existe toutefois des chorégraphies qui n’existent que pour et par la caméra. Ainsi les corps déformés et acéphales de Laurent Goldring sont entièrement sculptés par la caméra qui les filme sous un angle unique que le regard multiple d’un public annulerait. Tout son art réside dans la construction d’un point de vue milli-métré, irréalisable dans un dispositif scénique.

Là où Goldring est d’autant plus brillant, c’est que l’abstraction du fond avec lequel il travaille annule tout hors-champ. Il recrée donc un espace chorégraphique pour la vidéo, car le hors-champ

Quand la danse apparaît, elle prend généralement le dessus sur le récit, qui se suspend dans un temps extradiégétique. Mais, cernée par le cadre de la caméra, la chorégraphie perd une dimension essentielle.

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est précisément la dimension manquante qui carac-térise la topographe de la danse. Si l’on a souvent tenté d’explorer cette dimension inaccessible, comme Grand Magasin (Elargir la recherche aux départements limitrophes, 2002) ou dans un registre plus chorégra-phique Joao Fiadeiro, (Para onde vai a luz quando se apaga ?, 2007), force est de constater que l’extérieur ne s’immisce sur scène qu’au travers de la descrip-tion verbale. Certes, la coulisse est parfois utilisée en théâtre, mais reste un territoire inaccessible à la danse. Dans tous les cas, sur scène, il n’est pas possible d’actualiser le hors-champ par un champ/contre-champ ou un montage alterné. Cette possibilité de montrer ou ne pas montrer l’endroit où se pose le regard d’un personnage crée une subtile économie du désir propre à la matière filmique. Filmer la danse, c’est donc lui apporter une dimension qu’elle ne peut atteindre d’elle-même. La danse ne peut donc être ailleurs que là où elle est. D’un autre côté, elle est émi-nemment éphémère. Elle est donc paradoxalement un objet idéal pour ce cadre qui cultive le manque. Le hors-champ n’est pas seulement la conséquence d’un dispositif technique, c’est aussi tous les fantômes qu’entraîne le cinéma dans son sillage. Ainsi, avec une vidéo, la danse gagne une dimension spatiale, mais aussi une dimension temporelle. Un des exemples les plus parlants serait histoire(s) (2004) d’Olga de Soto ou encore J’aurais aimé vous voir danser Madame Akarova (1997) de Michel Jakar où sont convoquées des danses disparues. Pour filmer la danse, on doit d’abord se poser la question : « Où regarde-t-on ? » et par extension : « Depuis où ? ». Il faut donc déci-der si le point de vue est global, détaillé, passif, actif, périphérique etc. Toutefois, il faut se poser cette autre question : « Que regarde-t-on? » Ou encore  : « Quelle liberté le vidéaste prend-il par rapport à la matière qu’il filme ? ».

Le terme « captation » sous-entend une restitu-tion neutre du matériel chorégraphique. Or nous avons vu que rien n’était moins évident. « Capter c’est facile. Tout le monde capte tout. Ce qui est difficile c’est de restituer » (Michel Jakar, ibid. p 234). Là réside tout l’art de la vidéo-danse, mais encore faut-il s’accorder sur ce qui est à restituer ? Est-ce un point de vue ? Une écriture ? Une sen-sation ? Un rythme ? Hormis ce degré zéro qu’est la captation, on peut délimiter différents niveaux. Appelons le premier  « transcription ». Le vidéaste y est au service d’une chorégraphie dont il essaie de transmettre la physicalité, qui, généralement, survit assez mal à la captation. C’est le cas de One

Flat Thing, ou d’Accumulation with Talking Plus Water Motor de Demme ou encore, plus près de nous, de Trois Quarts Temps (2010) de Thomas Bernardet qui problématise la différence entre captation et recons-truction. Pour rendre le mouvement, il faut prendre des points de repères immobiles et donc utiliser un cadre fixe. « Si la caméra bouge dans le même sens que le mouvement celui-ci s’en trouve affaibli » ( ibid. p 231). Le découpage et le plan rapproché sont les figures principales, mais le travelling est peu utilisé. Vient ensuite  l’« interprétation ». Michel Jakar ne filme pas la danse ; c’est un objet parmi d’autres. Mais, c’est un cinéaste qui pense comme un chorégraphe : « D’où la nécessité (…) de faire corps avec [la caméra] et de cadrer moi-même. Ce moment d’appropriation physique de l’outil caméra a été pour moi le début d’une écriture plus généreuse, plus audacieuse et juste (…). Aujourd’hui (…) seul mon rapport existentiel et physique à l’image et au son recréés m’importent ». (Michel Jakar, in Filmer la danse, p 233). Ici un mouvement de caméra peut se superposer à un mouvement du corps, quitte à la trahir (Extases 1988). Enfin, il est une autre catégo-rie, plus rare, qui utilise la matière chorégraphique qu’elle emmène autre part au point de la rendre mé-connaissable : la « dérivation ». Le travail de Robert Cahen est ainsi exemplaire, si l’on songe à La danse de l’épervier, d’après une chorégraphie d’Hideyuki Yano (1984). Robert Cahen y utilise des filtres qui gèlent et déforment l’image jusqu’à en faire des tableaux abstraits aux couleurs caractéristiques de cet âge d’or de la vidéo.

Ces quelques exemples n’ont pas pour but de constituer une typologie finie, mais de souligner que la tension entre ces deux arts est toujours fluctuante. De là provient le mouvement de la vidéo-danse, cet art de la traduction et du palimpseste.

La danse ne peut donc être ailleurs que là où elle est. D’un autre côté, elle est éminemment éphémère. Elle est donc paradoxalement un objet idéal pour ce cadre qui cultive le manque.

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La 3D, un autre monde plus désirable ? …

Régis Cotentin

Bénéficiant de campagnes promotionnelles extraordinaires et de la bienveillance de la critique spécialisée, le public s’est déplacé en masse pour expérimenter la 3D dans les salles équipées. Les réactions ont été diverses, enthousiastes, voire fanatiques dans le cas d’Avatar 01, elles ont été aussi sceptiques et rebelles à l’engouement généralisé, déçues par rapport aux attentes de l’interprétation burtonienne d’Alice aux pays des merveilles 02. A la télévision, de nombreux entretiens des réalisateurs, des acteurs et des techniciens, des reportages sur la réalisation et la production numérique, des chroniques spéciales dans les émissions quotidiennes nous ont présenté les deux films comme les porte-étendards de la révolution 3D. Les principales revues de cinéma ont consacré des dossiers entiers aux deux phénomènes cinématographiques et médiatiques. Cependant l’économie de la 3D, qui accroît les budgets et qui impose aux exploitants de lourds investissements en matériel, se justifiera pleinement et artistiquement quand son exploitation intéressera autant le cinéma d’auteur que l’animation, le fantastique et le divertissement spectaculaire.

01 Avatar, Etats-Unis, Réalisation, Scénario : James Cameron, sortie en salle le 16 décembre 2009

02 Alice au pays des merveilles (Alice in Wonderland), Réalisation : Tim Burton, Scénario : Linda Woolverton d’après Lewis Caroll, sortie en salle le 24 mars 2010

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Plusieurs mois après la sortie en salle d’Avatar, il est intéressant de noter que le public n’exprime pas le désir de voir tous les films en 3D. Il ne lui concéderait de crédit que dans les cas justifiés par les desseins du réalisateur, tel James Cameron, ou légitimés par l’intrigue et l’univers du film, comme Alice au pays des merveilles 03. Chaque époque nourrit l’espoir de créer l’illusion parfaite. Héritière d’une longue tradition, la 3D numérique s’inscrit dans l’histoire des arts et des techniques confondant la réalité et son imitation. Lenny Lipton, réalisa-teur et théoricien, auteur de The Foundations of the Stereoscopic Cinema (1982) et inventeur honoré de près de quarante brevets de stéréoscopie est convaincu par la 3D mais il relativise son impact révolutionnaire. « Le cinéma a toujours été tridi-mensionnel. Les directeurs de la photographie ont toujours tenté de créer l’illusion de la profondeur sur l’écran plat grâce à la composition, à l’éclai-rage, à la profondeur de champ. C’est pourquoi le basculement vers la 3D ne constituera pas une rupture dans l’histoire des formes au même titre que le son et la couleur.04 »

En termes de réalisation, très convaincu par Avatar, Olivier Assayas place d’emblée le débat du côté de l’art. « La spécificité de ce film est que la 3D constitue à la fois sa technique et son sujet. On y bascule du réel en deux dimensions vers un autre monde plus désirable, il y a comme une libération.05 » Le relief au cinéma propose de vivre la projection d’un film comme un long voyage qui nous détourne de l’appréciation du montage, des raccords et des effets d’ellipses temporelles. L’attraction vers la profondeur nous conduit vers l’exploration de l’image comme un lieu de sensations et d’aventures, dont la composition s’accorde à notre propre expérience de l’espace pour trouver tout son sens. Dans cette logique, le réalisateur américain John McTiernan présage d’une évolution plasticienne du cinéma en relief. « Avatar utilise la 3D de façon adulte, pas comme un effet donnant superficiellement l’impression de profondeur. La 3D devient quelque chose d’or-ganique, la matière d’une expérience proprement cinématographique.06 »

La 3D oblige à penser différemment le cinéma parce qu’elle génère une autre façon de voir les films. Pour satisfaire le désir de tout voir, la 3D comble l’écran d’effets qui provoquent une certaine

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03 Alice au pays des merveilles (Alice in Wonderland), Réalisation : Tim Burton, Scénario : Linda Woolverton d’après Lewis Caroll, sortie en salle le 24 mars 2010

04 Cahiers du Cinéma / Juillet-Août 2009, « Entretien avec Lenny Lipton. Le sorcier de la 3D », revue éditée par Les éditions de l’Etoile, Paris, p.23

05 Les Inrockuptibles numéro 752 / 28 avril 2010, « La 3D est-elle soluble dans le cinéma d’auteur ? » par Olivier Joyard, p.33-35

06 John McTiernan, Le roi maudit d’Hollywood, par Olivier Joyard et Jean-Marc Lalanne, Les Inrockuptibles, numéro 740 / 3 février 2010, p.42

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hypnose. Son rythme sans répit ajuste son intensité sur la crête de l’émotion. À la fois ébahis et épuisés par l’apesanteur, nous sommes médusés par la fusion infinie des images qui s’enchaînent. Fort heureuse-ment, notre nature et nos limites nous protègent de cette volonté de puissance démiurgique. Nous avons besoin de respiration, de silence, pour passer de la lecture d’une image à « l’image d’une pensée ». « La 3D pose une question centrale, celle de l’immersion du spectateur, qui ‘habite’ dans le film. Comme si aujourd’hui, il fallait tout montrer et tout voir. Or j’ai toujours envisagé le cinéma en opposant l’immersion, qui induit une forme de passivité, à l’œuvre d’art, fondée sur le dialogue et une certaine distance. Mais peut-être que la 3D va finalement échapper à cette idéologie du tout-montrer. Qui sait si elle n’inventera pas sa poétique propre pour susciter, elle aussi, de l’invisible ? 07 »

Comme la ponctuation de l’écriture qui s’ac-corde au rythme du liseur, le cinéma, dans le montage par saccades, syncopes et collages, har-monise temps forts et suspensions de l’intrigue. La transposition de ce vocabulaire dans la 3D n’est pas la solution pour que respire le film. Pour ne pas fa-tiguer le regard, la 3D exige des coupes plus fluides. « D’après Wenders, le cinéma en 3D possède ses propres techniques et sa grammaire, avec laquelle personne n’est encore familiarisé. Par exemple, en 3D, pour filmer deux personnages qui dialoguent, si l’on cadre celui au second plan par-dessus l’épaule de celui qui se trouve au premier plan et que l’on s’y prend mal, au moment du raccord, le personnage au premier plan surgira de façon très brutale, ce qui peut rendre l’image pénible à regarder. Dans ce cas, il vaudrait mieux ne pas mettre quelque chose au premier plan si l’on doit tourner de façon conventionnelle. Selon Wenders, il faut inventer une nouvelle grammaire, complètement différente de celle du cinéma traditionnel.08 »

… pour un autre type de spectateur ?Parallèlement à l’extrême sophistication techni-

que d’Avatar, dans des proportions diamétralement opposées, une autre révolution modifie autrement les habitudes culturelles. Internet, la dématérialisa-tion des supports, le téléchargement bouleversent profondément le rapport à l’image 09. Après avoir inspiré le cinéma des décennies 1990-2000 vers plus de plasticité (David Lynch, Wong Kar Waï, Jean-Luc Godard, Alain Cavalier), les artistes vidéastes, eux-mêmes influencés par le 7e art (Bill Viola, Steve

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07 Les Inrockuptibles numéro 752 / 28 avril 2010, « La 3D est-elle soluble dans le cinéma d’auteur ? » par Olivier Joyard, p.33-35

08 Propos du cinéaste japonais Kiyoshi Kurosawa recueillis le 8 décembre 2009 à Paris pour les Cahiers du Cinéma / Janvier 2010 – n°652, « Des rivières, Conversation entre Bong Joon-ho et Kiyoshi Kurosawa », revue éditée par Les éditions de l’Etoile, Paris, p.60

09 Avec Internet, le piratage des films oblige les producteurs à trouver des techniques de création d’images impossibles à transférer sur le web. La 3D serait l’une des solutions pour réguler la perte des gains. Mais le public est versatile. Sa consommation d’images est décidée par son empressement à « être dans l’air du temps » plus que par la recherche de qualité. Contradictoire dans ses choix, il exige une projection optimale en salle et il se satisfait d’une visualisation sur ordinateur en basse défi-nition. La valeur artistique ne change rien à ce comportement. Depuis ses origines, « le cinéma est de tous les arts, le plus sujet au capitalisme, par le coût extraordinaire de son matériel et de ses moyens techniques, ainsi que par la dépendance écrasante d’un public mal orienté par une forte propagande qui s’occupe exagérément d’astres et d’étoiles, et non d’idées et de processus artistiques. » La 3D n’échappe pas à la règle. Dans un futur proche, elle accédera à la standardisation. Comme à l’accoutumée, le ravissement sera suivi de l’uniformisation puis du déclassement. Elle intégrera alors la collection des effets spéciaux. Sa nouveauté s’émoussera au profit d’un nouveau « produit » dérivé.

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McQueen), sont les premiers à démontrer que la basse résolution du web et la haute définition de l’image numérique sont complémentaires dans une création qui compose indifféremment tous les formats. Des films comme Z32 d’Avi Mograbi et L’étrange histoire de Benjamin Button de David Fincher montrent que l’effet spécial, qu’il soit lié à la performance capture et/ou à la 3D est efficient et touche notre sensibilité au-delà de l’impression optique quand il sert totale-ment l’histoire 10. Avatar est aussi exemplaire de ce parti pris esthétique. Son histoire est intimement liée à son mode de réalisation et de production. Pour cette raison, son succès résulte de la qualité propre du film qui a trouvé une réelle incarnation technique de son sujet. Son triomphe public et critique atteste d’une cohérence du procédé et de l’artistique, du fond et de la forme. Dans son extrême sophistication, Avatar parvient à s’intégrer dans l’histoire du nouveau cinéma qui s’oriente vers plus de plasticité, en hono-rant d’un triomphe grand public l’art de la décennie 2000 qui a métamorphosé le numérique en poésie de modélisation organique, tactile et désirante dans les formes contemporaines du clip, de l’animation, du graphisme et des beaux-arts.

La première image du film Avatar de James Cameron est certainement l’une des introductions les plus réussies du cinéma. À l’achat de sa place avec les lunettes, le spectateur souhaite vivre une expérience nouvelle, qu’il espère totalement iné-dite. Cette première fois doit être inoubliable. Et le réalisateur surprend en offrant une ouverture originale. Nous regardons un visage en très gros plan. Nous examinons le modelé de l’épiderme comme une peinture, puis nous discernons une forme confuse au milieu de l’écran, qui s’oppose à la définition du portrait. La netteté se fait progressivement sur cette conformation particulière. Épousant parfaitement l’automatisme de notre regard à accommoder son point de vue sur ce qu’il fixe, nous revivons d’une certaine manière la toute première expérience de la vision. Détachées de ce visage, deux petites billes flot-tent en apesanteur. Elles semblent sortir de l’écran pour ondoyer dans l’air de la salle. Ce premier plan du film Avatar, comme générique à la révolution 3D du cinéma, ne propose pas une image en perspective mais une image-plan en relief, comme un tableau animé d’où s’échapperaient des humeurs organiques. La volonté d’ouvrir sur une telle séquence au lieu d’exposer l’infini de la profondeur de champ comme résultante exemplaire de l’illusion du relief est une

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10 Le rapprochement thématique de Z32 d’Avi Mograbi et L’étrange histoire de Benjamin Button de David Fincher rappelle à bon escient la poétique de l’image de synthèse quand celle-ci, tressée avec les autres éléments de l’image, contribue à la construction de l’histoire. Avec habilité, selon deux techniques dif-férentes, ces deux long-métrages utilisent le masque numérique comme motif déterminant de l’intrigue. Dans le film du cinéaste israélien, ce trucage cache l’identité d’un soldat israélien coupable d’assassinat qui se confie à sa femme face caméra, sans la présence du réalisateur. « Comme dans le théâtre grec, le masque a pour effet de transformer le soldat en archétype et de donner son discours une portée univer-selle. » A l’instar du visage flouté comme précaution morale dans les émissions TV, un premier masque, un ovale de fumée, voile les visages, mais en plus de l’artifice traditionnel, les yeux et la bouche vus à travers le flou dessinent les expressions. Tandis que nous essayons de distinguer la physionomie derrière le flou, les corps des témoins luttent contre l’image pour protéger leur identité. Comme le précise le cinéaste, « le trucage numérique était trop abstrait pour qu’il puisse les mettre à l’abri de la présence de la caméra. Certes, il y avait les points marqués au crayon-feutre sur la figure, mais on les oublie presque tout de suite. » Ce double jeu s’amplifie en une expérience du regard. D’une simplicité confondante, l’usage littéral du masque virtuel rend le spectateur conscient de son besoin de réflexivité. Un deuxième, tout aussi indistinct, laisse apparaître les yeux et la bouche. « Un troisième masque, simulant le papier maché, introduit des contours nets et la couleur rose de la peau. Un quatrième et dernier s’approche à tel point d’un vrai visage que le trucage n’est presque plus distinguable ; seule une erreur technique volontairement gardée, lors du passage d’une main ou d’une cigarette sous le masque, révèle la présence du voile numérique. » L’étrange histoire de Benjamin Button du réalisateur américain raconte l’histoire d’un homme qui naît vieillard et qui rajeunit au fil du temps pour mourir nourrisson. En une série de flash-back racontée par une vieille femme à sa fille dans une chambre d’hôpital de la Nouvelle-Orléans en 2005, dans les heures qui précédent le passage de l’ouragan Katrina, la vie de Benjamin Button, in-carnée à l’écran par Brad Pitt, se déroule sous les traits d’un personnage virtuel qui n’a d’autre existence que celle que nous nous appliquons à lire sur la succession des visages de synthèse. Cette association crée une impression d’intimité qui prend vie au cours du film. Les portraits successifs de Benjamin Button à différents âges de la vie apparaissent comme des évanescences spectrales qui projettent leurs images incertaines. Cette approche intime et poétique de la performance capture à partir du visage de Brad Pitt donne l’impression que le personnage de Benjamin Button ne prend vie qu’à l’instant où la fiction l’emporte. Le visage de l’acteur fonctionne comme un écran hanté par la disparition permanente de son image. La performance capture de l’acteur incite à croire à l’absorption du corps dans l’image. Dans la doctrine d’Epicure et de Lucrèce, le simulacre est une mince texture impalpable, absolument semblable aux différents corps, et qui s’échappe de chacun d’eux pour transmettre leur image libérée des contraintes physiques. Chaque incarnation de Benjamin Button surgit avec grâce et nous renvoient au début du cinématographe comme théâtre d’ombres.

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signature qui déjoue nos habitudes de lecture. Cette ouverture s’inscrit en prolongement de l’histoire de l’art du XXe siècle qui s’est défait de la perspective, donc de l’illusion optique, pour se confier à l’espace plan de l’image comme lieu d’expérience sensible.

Dans ce cadre, le relief offre aux visages comme aux corps un poids inédit. Outre l’impression d’ap-partenir à notre monde, leurs épidermes épaissis par la profondeur provoquent l’envie « de toucher avec les yeux. » La texture de la matière vue de près se dissocie du flou et surgit comme une parcelle de réalité. Son apparition perce la surface de l’écran comme une saillie. D’une certaine manière son surgissement anticipe l’avenir d’une image dont l’interactivité avec le spectateur sera déterminée par l’indice de pénétration plus que par sa capacité d’im-mersion. « La 3D prépare peut-être un autre type de spectateur, hyperesthésique, à savoir hypersensible, qui laissera la fiction au second rang.11 »

l’effet de fusionL’introduction d’Avatar augure d’un cinéma 3D

qui ne chercherait pas sa raison d’être dans l’illusion, le leurre parfait mais dans la sensation de présence qui régénère l’expérience de la vision. Au même titre que les peintures all over de Jackson Pollock, les champs d’existence monochromatique de Barnett Newman, les tableaux photographiques de Gerhard Richter où l’image floue semble flotter derrière la matière, ce plan d’ouverture considère que le regard induit une réaction physique si l’image s’observe comme une réalité et non comme une représentation. Sa réussite est emblématique parce qu’elle affranchit la 3D dès sa naissance de l’illusionnisme lié histori-quement à la perspective, qui gouverne toutes les images réalisées par des dispositifs optiques (appareils photographiques, caméra film et vidéo).

Cette scène inaugurale distingue artistiquement Avatar du film de Tim Burton Alice au pays des merveilles. Par contraste avec la manière de James Cameron, l’emploi du relief chez Tim Burton ne semble pas correspondre à une nécessité esthétique. Comme le fait remarquer justement Jean-Philippe Tessé dans les Cahiers du Cinéma, le plus bel effet spécial du film est l’actrice Mia Wasikowska « 20 ans, australienne, 100% bio » qui joue le rôle titre. « Miracle de la 3D et de la synthèse, suite : la cosmogonie numérique, générant à l’envi créatu-res et merveilles, accouche aussi d’un corps singulier, parce que normal, réel ; la grande idée d’Alice au pays des merveilles, c’est Alice. (…) Le coup de force de Tim

Burton est d’avoir soustrait son Alice du régime gé-néral à quoi tout le film est soumis. (…) Toutefois le corps d’Alice n’est qu’une exception qui confirme la règle, son impact figuratif dépendant du fond numérisé d’où il se détache. C’est le beau paradoxe de l’alliance synthèse-3D : dans un environnement qui propose des présences restituées, générées, un intrus, Alice, suffit à renouveler l’expérience d’une présence immédiate, vivante, incarnée, sensuelle.12 »

La hiérarchie des plans de l’image de synthèse dans Alice crée une impression de feuilletage des représen-tations les unes derrière les autres qui ne se déploient pas dans la même atmosphère. Certes le monde d’Alice correspond à la logique du rêve où les échelles et les proportions sont capricieuses mais l’air qui étoffe les volumes semble absent. La perspective crée une

11 Cahiers du cinéma / Avril 2010 – n°655, « Le Nouveau Monde » par Stéphane Delorme, revue éditée par Les éditions de l’Etoile, Paris, p.13Une œuvre de 2006 La Peau de l’artiste français Thierry Kuntzel an-ticipe cette utopie d’une 3D expérimentale non narrative. Cette pièce cinématographique est la projection ralentie d’une pellicule 70mm sans intervalles. Par le moyen d’une mécanique adaptée, l’image montre une série de gros plans de détails de peau humaine unis par transparence. Le panoramique sans fin compose un corps comme un paysage. Le spectateur promène son regard sur les différents aspects de la peau. Par analogie, il ne conçoit plus le défilement de la pellicule comme une succession de photogrammes mais un paysage anthropomorphique.

12 Cahiers du cinéma / Avril 2010 – n°655, « La dernière femme » par Jean-Philippe Tessé, revue éditée par Les éditions de l’Etoile, Paris, p.16

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profondeur factice qui n’offre pas au regard une im-pression d’espace. Le voyage d’Alice ne se conjugue pas avec l’exploration de notre propre regard. Nous vivons chaque événement de l’image comme des apparitions qui surgissent à l’écran sans liaison apparente avec les lieux. « À l’inverse dans Avatar, dès le premier plan où une goutte flottait dans un espace indéterminé entre l’écran et nous, Cameron posait qu’il jouerait moins des effets de profondeur du relief que des effets de désorientation. (…) Cameron de son côté veut tout fu-sionner.13 » Pour cette raison, Alice au pays des merveilles surprend parce que nous considérons les personnages de l’histoire uniquement comme des figures inscrites dans un décor. Leur incarnation ne provoque pas l’ef-fet sculptural des sujets de synthèse d’Avatar. Dans ce dernier film, l’épiderme des Na’vi de la planète Pandora semblent « faire corps avec l’image ». Dans Alice, les personnages imaginaires n’ont de volume que celui que leur confère l’artifice du relief. Ils n’ont pas l’épaisseur « charnelle » des créatures de James Cameron.

la modélisation anthropomorpheLa création de la planète Pandora est l’une des

réussites du film Avatar. Luxuriante, enchanteresse mais aussi dangereuse et hostile, elle se déploie dans

la profondeur de la 3D. Comme le héros, nous som-mes éblouis par le merveilleux de ce nouveau monde. La représentation de Pandora est stupéfiante et sa dé-couverte à travers le regard et les sensations de l’avatar Jacksully ajoute à notre étonnement. Progressant en sa compagnie, le réalisateur réinvente le paysage fantas-tique. Des paysages anthropomorphes du XVIe siècle jusqu’aux pratiques contemporaines en accord avec la nature (Land Art / Body Art), nous sommes ici aussi dans l’idée d’une projection de soi vers le spectacle de la nature. Découvrir Pandora est pour James Cameron la manière la plus juste et universelle de faire décou-vrir au spectateur le monde de la 3D, de l’éprouver personnellement et de se l’approprier comme un lieu. « Le paysage est manière de lire et d’analyser l’espace, de se le représenter, au besoin en dehors de la saisie sensorielle, de le schématiser afin de l’offrir à l’appré-ciation esthétique, de le charger de significations et d’émotions. En bref, le paysage est une lecture, indisso-ciable de la personne qui contemple l’espace considéré. Évacuons donc, ici, la notion d’objectivité.14 » À l’instar de l’avatar, ressentir de façon symbolique et analyti-que par l’effet 3D le spectacle de Pandora participe de l’appréciation de l’espace comme redécouverte du corps. Son exploration sensorielle correspond au besoin de nous projeter dans la nature pour y retrouver une énergie, pour vivre un recommencement. Inversement, le paysage s’incarne dans le mirage d’un corps. La lumière des lieux, sa végétation adoptent des formes morphologiques. Leur découverte par l’entremise de Jacksully implique une analyse de tout ce qui influe sur notre façon de charger l’espace 3D de significations, de symboles et de désirs, et c’est avec jubilation que James Cameron nous offre une multitude de tentations. « Les moments où l’on découvre la faune et la flore de Pandora ne sont pas seulement étonnants technique-ment, ils sont aussi émouvants tant ils passent par le biais de l’expérience sensorielle et tactile du héros qui touche tout ce qui passe à sa portée. (…) En même temps que (James Cameron) nous raconte une histoire, il nous immerge dans une pure logique de la sensation, prend le temps de nous faire voir, sentir, éprouver les richesses multiples de l’univers dont il est l’architecte.15 »

Cette expérience de la vision trouve ses origines dans la lecture des paysages anthropomorphes de la Renaissance (Bosch, Brueghel, Bles, Bril, Merian) que l’on reconnaît presque par analogie dans la manière où les plantes et les Na’vi entretiennent entre eux une relation sensorielle et spirituelle. La communi-cation symbolique qui unit les Na’vi à Pandora par la connexion de leur queue à celle des végétaux et des

13 Cahiers du cinéma / Avril 2010 - n°655, « Le Nouveau Monde » par Stéphane Delorme, revue éditée par Les éditions de l’Etoile, Paris, p.10

14 Alain Corbin, L’Homme dans le paysage, entretien avec Jean Lebrun, Textuel, 2001

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animaux à travers un réseau de filaments ondoyants permet une compréhension allégorique de ce qui in-sufflerait la vie dans le monde 3D. Le merveilleux de ce geste présente des affinités avec l’alchimie imaginaire de l’organisme humain et sensibilise notre rapport à l’uni-vers virtuel selon les lois biologiques et physiologiques. James Cameron, sans toutefois s’écarter du modèle de la nature, crée un monde régi par ses propres lois. Son uni-vers virtuel fonde une existence autonome des éléments qui évoluent et se développent selon une croissance qui dépend tout entière du numérique. Nous retrou-vons ici les mondes de synthèse qui prolifèrent dans le graphisme et l’animation contemporaine (Lynnfox, Alex Rutterford, Timo Schaedel, Precursor) comme créations pures d’une vie artificielle. Les réalisations qui véhiculent ce type d’allégorie proposent des visions de proliférations et d’enchaînements moléculaires des éléments numériques proches du végétal. La connexion par filaments entre les Na’vi et leur univers démontre par le geste qu’une âme habite le monde virtuel et qu’il peut en surgir une vie nouvelle.

« Make me real » : l’androïde Méca d’A.I. de Steven Spielberg est-il l’aboutissement de l’avatar 3D ? Depuis la sortie d’Avatar de James Cameron, les

dossiers, les articles et les entretiens des revues de cinéma, des magazines culturels et des journaux désignent la 3D comme l’accomplissement de la révolution technologique des images. Le film est sorti en salle en décembre 2009 et cristallise autour de son titre et de sa réalisation toutes les discussions autour du tout numérique. Caractéristique de son époque, Avatar fusionne les nouveaux modes d’images, de l’installation plasticienne aux jeux vidéo. La haute définition de ses images, le filmage et le montage stéréoscopique, la performance capture illusionniste et l’histoire de cet homme blessé qui, tel un héros de jeux, se réincarne en un avatar qui s’émancipe de la vanité humaine sont autant de sujets qui pré-occupent nos contemporains sur la puissance du numérique à améliorer l’être humain. Sans préjugé de la part du réalisateur, Avatar répond à A.I. (2001) de Steven Spielberg, qui s’interroge sur les desseins biotechnologiques de l’humanité. Dans le premier, le héros se réalise en s’affranchissant de sa condition d’être humain, dans le second, un androïde souhaite devenir réellement humain par mimétisme et recher-che l’amour maternel. Les deux films démontrent que la science et la technologie seraient en mesure, dans un avenir proche, de reproduire l’humanité par

15 Cahiers du Cinéma / Janvier 2010 – n°652, « Nouvelle frontière » par Jean-Sébastien Chauvin, revue éditée par Les éditions de l’Etoile, Paris, p.60

16 Cahiers du Cinéma / Janvier 2010 – n°652, « Nouvelle frontière » par Jean-Sébastien Chauvin, revue éditée par Les éditions de l’Etoile, Paris, p.60

17 Les Inrockuptibles numéro 752 / 28 avril 2010, « La 3D est-elle soluble dans le cinéma d’auteur ? » par Olivier Joyard, p.35

clonage cellulaire ou synthétique et de concilier le mécanique et le sensible.

Le film de James Cameron, en prônant la création d’un avatar comme l’ultime accomplissement de la 3D – l’illusion absolue –, ouvre la réinterprétation du film A.I. de Steven Spielberg. Les personnages virtuels n’ont pas d’histoire, excepté celle qui se compose peu à peu dans le film et dans notre imaginaire pendant la projection. La rencontre de ces deux constructions in-vente une identité aux figures de synthèse. La 3D leur offre un corps sur lequel le spectateur vient ancrer sa propre expérience de l’espace et, subséquemment, sa propre psychologie. Comme dans Avatar, où les yeux des Na’vis sont plus félins qu’humains, nous cherchons moins à analyser le rapport du méca David avec la nature humaine qu’à remarquer ce qui distin-gue l’androïde de l’homme. Dans une expertise entre ressemblance et différence, entre les acteurs (A.I. : Haley Joel Osmont et Avatar : Sam Worthington) et leurs rôles (respectivement le méca David et l’avatar Jacksully), le spectateur vérifie à chaque image ce qui éloigne encore l’être humain de sa métamorphose virtuelle. « C’est au fond la force d’Avatar, dont le récit repose sur le désir de se défaire d’une réalité ancienne (l’image optique) pour plonger au cœur d’une réalité nouvelle (en images de synthèse).16 »

Dans ce pacte anthropomorphique, entre l’incar-nation d’un androïde par un acteur adolescent et le vérisme de la performance capture des avatars Na’vi, le spectateur découvre que son rapport affectif aux personnages issus du virtuel n’est pas conditionné par l’illusionnisme mais par l’évanescence de la représen-tation numérique, qui se définit essentiellement par leur aspect fantomatique. Stanley Kubrick et Steven Spielberg, par leurs ambitions conjointes, devançaient les projets des cinéastes qui, à l’instar de Pierre Trividic, sont intéressés par « l’arrivée de la 3D (entendue au sens de la modélisation, et non au sens des effets de relief). En quoi peut-elle nous aider à faire revivre les morts ? En quoi rend-elle possible que l’ami mort vive encore, sorte de l’écran, s’approche en souriant, et tende sa main à la rencontre de la mienne ? 17 »

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Entretien avec Jean Michel BruyèrePropos recueillis par

Cyril Thomas

avec l’aimable complicité d’antoine Pickels

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Patch — les critiques parlent souvent de vos spectacles comme de quelque chose d’inclassable. comment vous définissez-vous ? Plasticien, faiseur d’histoires, metteur en images ou simplement metteur en scène dans toute l’acception du terme ?Jean Michel bruyère — Inclassable, je ne sais pas, peut-être. Il me semble surtout que, comme tout ce que nous créons, nos spectacles sont d’emblée déclassés. Et nous sommes loin de nous en plain-dre : le fait est que nous œuvrons nous-mêmes à notre propre déclassement. Car il faut bien rendre commun ce que le monde des professionnels des arts et de la culture entend tenir sacré. Autant que nous le pouvons, nous profanons ce qu’il sacralise, nous tentons de rendre bas, commun, quotidien ce qui est isolé pour être vénéré et par là gardé passif, désactivé. Dans le passé, nombreux sont ceux qui se sont employés à arracher la création des mains d’une classe dominante qui s’en était emparée et l’avait isolée. Mais nous voilà tous désormais dans un moment du monde où un strict ravage des classes sociales est en cours, où une quantité immense de l’humanité n’appartient plus à aucune classe, où les classes elles-mêmes sont dévalorisées, défaites, leurs forces créatrices propres asséchées. C’est ainsi qu’à notre très modeste niveau, pour rendre commun il faut certes rendre inclassable, mais cela ne suffit plus. Le front de guerre est plus avancé que cela.

Il n’est pas acceptable que l’art ne soit plus rien d’autre au monde que le rituel religieux des adora-teurs de l’argent et de ses pouvoirs, des prosélytes de ses principes de séparation, des adeptes d’une société où l’élévation matérielle extrême de quelques-uns est le but et la dégradation sans fin de tous les autres la condition. Sans doute espèrent-ils tous que l’adoration des formes les sauvera de la laideur fonda-mentale du monde qu’ils fabriquent hargneusement ou subissent lâchement. Et de ce culte nouveau, le milieu des professionnels des arts et de la culture est le clergé. Les collectionneurs, les commissaires, les experts, les critiques, les agents de bureau culturel en sont le clergé séculier, les artistes, les techniciens, les petits producteurs, le clergé régulier. Ils sont le premier ennemi de toute liberté de création.

C’est ainsi que produire des objets « inclassables », polymorphes, pluri- ou transdisciplinaires, exploitant de nouveaux media… nous préoccupe infiniment moins que la profanation du culte de la culture. C’est la conférence du chien : nous mettons bas ce qui est sans bonne raison de se trouver si haut, nous roulons dans des feuilles de bananes des morceaux de viandes arrachés avec les dents aux maigres fesses des idoles contemporaines, nous remplissons de bouillon de Trendy et de Tendance des bouteilles de parfum vides.

Au cœur du XXe siècle en France, des femmes et des hommes de théâtre ont conduit sur les routes provinciales l’aventure d’un théâtre populaire. Le déclassement est la phase suivante. Elle mène au bois. Elle parle aux oiseaux. Loin des routes, elle efface même les chemins. D’aucuns diront qu’il s’agit surtout d’un ensauvagement. Ce n’est pas tenu de l’extraordinaire importance acquise par la violence au quotidien du monde.

Car il faut bien rendre commun ce que le monde des professionnels des arts et de la culture entend tenir sacré. Autant que nous le pouvons, nous profanons ce qu'il sacralise, nous tentons de rendre bas, commun, quotidien ce qui est isolé pour être vénéré et par là gardé passif, désactivé.

(page précédente)Le Préau d'un SeulLieu de la photo : Lentos, Musée d'art contempo-rain, Linz2009Libre de droit

(ci-dessus)Vi Summa VocisMuffathalle, Munich2006Libre de droit

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Pouvez-vous me raconter le comment et le pourquoi de la création du collectif lFKs ?

Comme on pourrait le dire de certains émeutiers : nous faisons feu de tout bois, et même si certaines essences peinent quelquefois à s’enflammer ; raison pour laquelle nous regroupons nos torches.

la migration et la mobilité sont au centre de plusieurs de vos créations, en même temps, vous élaborez également des dispositifs qui bousculent les rapports au théâtre… comme avec votre spectacle le Préau d’un seul. Pouvez-vous expli-citer cette dialectique entre la migration, le voyage et les dispositifs scéniques que vous mettez en place ?

La mobilité est la vie même. Comment peut-on avoir imaginé un jour que le « spectacle vivant » aurait lieu sur une scène fixe devant du public immobile ? C’est sans doute l’une des idées parmi les plus imbé-ciles qui aient été jamais produites. Le plus farfelu est que celle-ci ait prévalu à la représentation de la démocratie… Il faut dire que les inventeurs grecs de la démocratie – un petit clan de gros propriétaires d’es-claves – n’en étaient pas à une contradiction près.

Le meilleur de l’art partout sur la planète et de tous les temps a toujours été le résultat de la mobilité des humains qui eux-mêmes ne sont ap-parus, ne se sont développés et humanisés que dans la mobilité et par elle.

Dès lors, votre question revient à me demander d’expliquer pourquoi suis-je vivant ; je n’ai pas la réponse.

vous souvenez-vous de votre première approche théâtrale où vous utilisiez de la vidéo ?

Non.

À propos de Jëkk en 2005 et du film Si Poteris Nararre, Licet : les multiples liens avec la technologie vous permet-tent-ils d’effectuer un renversement du mythe de Diane en vous focalisant sur les mésaventures d’actéon ?

Je ne comprends pas la question.

Selon vous, l’image symboliserait-elle Diane ? À savoir, si l’on regarde la cruelle vérité, la nudité de l’image, elle vous soumet obligatoirement à un châtiment ?

Je ne vois la métamorphose d’Actéon ni comme un châtiment ni comme une récompense, mais comme la superbe dispersion de la nature d’un être dans la nature entière. La manière qu’avait Giordano

Bruno de se référer au mythe d’Actéon (telle qu’elle est clairement exposée dans Des Fureurs Héroïques) où Diane ne représente pas l’image, mais l’intellect, me paraît être de très loin la plus intéressante de toutes les interprétations du mythe.

Quelles expériences avez-vous tirées de cette création avec un dispositif de cinéma immersif ? celle-ci a-t-elle permis de changer votre dramaturgie ? a-t-elle changé votre ma-nière de collaborer avec des techniciens, les vidéastes ?

Le cinéma immersif que nous inventons peu à peu depuis le début des années 2000 est direc-tement issu du théâtre immersif que nous avons élaboré à partir du début des années 90. L’influence s’est donc déployée dans la direction exactement opposée à celle que vous imaginez.

Par ailleurs, nous ne collaborons pas avec des vidéastes et nous ne l’avons jamais fait. Nous avons toujours réalisé nos images nous-mêmes, nos images en mouvement.

De façon générale, notre manière de collaborer ne changera pas: elle restera ce mélange d’amitié et d’exigence qui fait que rien de ce que nous faisons ne méritera jamais le nom de travail et repoussera toujours au plus loin cette espèce parasitaire : les spécialistes. Pour des chiens errants comme nous, la répulsion des parasites reste un enjeu vital.

les installations vidéo, le cinéma immersif sont-ils pour vous un autre moyen d’écriture dramaturgique et scénique ?

Oui, le cinéma immersif est une sorte de théâtre électronique, je le vois bien. Mais au moment de créer, est-ce que cela importe ? Je ne le pense pas.

Sur quels dispositifs visuels travaillez-vous actuelle-ment pour votre nouveau spectacle ?

Pourquoi pensez-vous que nous préparons un nouveau spectacle ? Nous continuons d’errer et de ne rien faire.

C’est nous qui sommes faits de ce qui vient, tandis que nous marchons sans but.

vos œuvres signent-elles ou signifient-elles une autre forme d’engagement à la fois politique et esthétique ?

Une œuvre n’est jamais engagée. Seuls des fu-sils parfois le sont. Jusqu’à présent, nous allons sans fusils.

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59JEan MichEl bruyèrE

Nous Irons très lentement, car il y a trois campsFriche la Belle de Mai, Marseille 2010Libre de droit

bio

Comme Issa Samb, Fiorenza Menni, Thierry Arredondo, Jean-Paul Curnier…, Jean Michel bruyère est l’un du groupe lFKs (Marseille et Paris en France, Berlin en Allemagne), au sein duquel il exerce une influence frappante. 

Bien que le groupe ne revendique jamais lui-même aucune filiation, pour comprendre ce qu’est le collectif lFKs il n’est pas inutile de lui attribuer quelques liens avec le situationnisme — mais ce sont bien les seules références qu’on puisse lui imaginer. lFKs considère l’art avant tout comme «une chose à vivre» et la pratique de celui-ci comme l’occasion «d’échapper durablement au monde du travail». Il y voit «la seule manière énergique de ne rien faire, de ne rien bâtir, rien vendre ni acheter, de ne rien prendre ni laisser…, sans jamais contraindre ni tuer personne». lFKs affirme la nécessité d’une pénétration forcée, par des petits groupes indisciplinés mais bien entraînés, de tous les «domaines» de l’art et de leurs places fortes les mieux gardées, afin d’y pratiquer ce qu’il nomme la «dévastation pour tous». Lesdits «domaines» de l’art sont pour lFKs autant de «terres colonisées qu’il s’agit de libérer radicalement ; c’est-à-dire qu’il ne faut pas seulement en exproprier l’occupant, mais aussi en désapproprier, en vider tous les champs». Si l’art est la vie même, il est partout et toujours, il n’a donc aucun lieu ni moment particulier, ne peut pas être davantage ici que là, ne peut avoir aucun territoire, aucun champ ni domaine privilégié. C’est sans doute la raison de ce que le groupe produit tant de formes immersives (spectacles, vidéos, livres…) que l’on pénètre et traverse à sa guise en y organisant soi-même sa propre dramaturgie, ses propres analogies, conduisant le sens au plus près de soi.

Affirmant qu’«il n’est pas de meilleure politique que l’émeute», lFKs s’oppose à tout ce qui prétend mettre l’art en ordre, en droit, l’en-seigner, le transmettre… et propose qu’à cela l’on substitue le chaos, le rire, l’improvisation et le pillage.

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Guy Cassiers – Le théâtre par les sens

Propos recueillis par Heleen Mercelis

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61guy caSSiErS

Depuis vingt-cinq ans, Guy Cassiers fait du théâtre, mais toujours en suivant sa propre logique temporelle. Son théâtre, mêlant textes et images fortes, accompagne étroitement les développements de la technologie. Armé d’écrans de projection et d’une série de caméras, il dépouille les médias quotidiens de leur logique naturelle, en démontrant la force et les dangers qui leur sont inhérents. Guy Cassiers crée un espace théâtral dans lequel les impressions ne se chevauchent pas, mais communiquent. Où le spectateur s’insère dans la peau des personnages, mais de loin. Où la vidéo met en lumière la richesse de la langue et confronte les petites gens aux grands courants de pensées.

Patch — D’où provient votre fascination pour la vidéo ?Guy cassiers — Les new yorkais du Wooster Group m’ont d’emblée fasciné par leur travail théâtral. Ils ont créé une nouvelle langue scénique dans laquelle se combinaient la performance live des acteurs, des projections et la présence de caméras sur scène. En parallèle, je commençai à intégrer de la vidéo dans mon travail. Rotjoch (1998) a été à cet égard une production importante. Bien souvent, le point de départ de mon inspiration ne provient pas d’une pièce de théâtre mais plutôt d’un roman. Il s’agissait d’une adaptation de The Butcher Boy de Patrick McCabe qui raconte l’histoire d’un garçon qui a des difficultés à comprendre le monde qui l’entoure. Il emploie la même langue que les gens autour de lui, mais ses mots à lui revêtent une autre signification que les leurs. Dans Rotjoch, j’accom-pagne pour la première fois le langage romanesque par une projection. Le personnage central est seul en scène et le texte des autres acteurs apparaît sur grand écran. Le public doit donc imaginer seul les autres personnages, à l’instar d’un roman. Les phrases projetées fonctionnent comme une sorte barrière naturelle entre ce « sale gamin » et un monde qui est terriblement éloigné de lui.

J’ai longtemps collaboré avec le vidéaste Walter Verdin. C’est avec lui que j’ai réalisé, entre autres, De pijl van de tijd  (1994), d’après l’ouvrage de Martin Amis. Le roman raconte une vie humaine se déroulant à l’envers. La mise en scène montrait des images en lecture arrière et la vidéo a été un outil précieux et porteur de sens.

Parallèlement à cela, le cinéma m’a également fortement influencé. Non pas par sa technique, mais plutôt par la manière dont se construit le scénario. Et aussi par la façon dont nous nous habituons à la quantité d’images qui nous assaillent quotidiennement,

ce qui est positif mais peut également se révéler dan-gereux. L’image peut se faire manipulatrice et il n’est pas évident de pouvoir maintenir l’équilibre entre celle-ci et le mot. De par leur utilisation commerciale et leur universalité, la force des images (et des sons) est énorme. Nous devons toujours plus « blinder » nos sens contre la quantité de stimuli qui nous assaillent. On peut en faire usage sur scène tout en élaborant également une approche critique. J’aime travailler au théâtre, car, grâce au silence et au calme, il est à nouveau possible de communiquer avec le public sans interférences. On peut à nouveau montrer les liens entre les choses et s’approcher au plus près de quelque chose d’essentiel.

vous avez évoqué la collaboration avec Walter verdin. avec qui avez-vous encore travaillé ?

Mes premières collaborations avec Walter Verdin, dans les années nonante, ont été tout à fait déterminantes. Ensuite, Peter Misotten a joué un rôle important. En ce moment, je collabore avec Kurt d’Haeseleer, qui travaille actuellement avec moi à Milan pour la production de l’opéra Die Walküre. Il y a une grande compréhension entre nous et j’ai toujours l’occasion de visionner le matériel vidéo.

Pouvez-vous décrire la technologie visuelle employée dans  De man zonder eigenschappen I (2010) ? 

De man zonder eigenschappen prend comme point de départ deux tableaux dans lesquels le Christ est la figure centrale : La dernière Cène de Léonard deVinci et L’entrée du Christ à Bruxelles en 1889 de James Ensor. Durant la représentation, les tableaux sont continuellement montrés sous différents points de vue. Nous employons un appareil, l’hippotizer, qui, par le biais d’un écran, permet de déplacer des fragments d’œuvre, les superposer ou les juxtaposer. On ne perçoit donc l’œuvre que par fragments. Il s’agit d’une expérience tridimensionnelle à travers laquelle le public est amené à découvrir l’œuvre progressivement. Le spectateur peut juger de la perfection de La dernière Cène, tout d’abord par le biais de tout petits détails, et ensuite avec une vue d’ensemble. Dans l’œuvre d’Ensor, le Christ disparaît presque du tableau. C’est un tableau recelant une grande charge émotionnelle. Les personnages, dont on dirait qu’ils ont « perdu le nord », se fondent dans un grand ensemble de couleurs. Le contenu expres-sionniste du tableau préfigure d’une certaine manière l’éruption qui a eu lieu juste avant la Deuxième

(page précédente, en haut) Onder De Vulkaan2009 © Koen Broos

(page précédente, en bas) De man zonder eigenschappen2010 © Koen Broos

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Guerre mondiale. Le roman de Musil qui sert de trame à la pièce se situe à cette période. Ici encore, la vidéo représente un moyen dramaturgique impor-tant. Tantôt les acteurs utilisent les images comme décor, tantôt celles-ci sont absorbées par l’ensemble. Elles constituent en quelque sorte un fragment de nature morte (pour rester dans l’analogie pic-turale). À cette époque, l’Europe faisait face à une situation de stagnation totale, dont la bourgeoisie était largement responsable. Je voulais ainsi montrer une image du passé qui fait écho à celle d’aujourd’hui.

Pendant la représentation, nous utilisons des caméras live, ce qui nous permet d’explorer les pensées des personnages. Les visages des acteurs, les talking heads  sont projetés et juxtaposés dans une zone d’ombre de la scène, créant ainsi une atmosphère onirique où les sentiments les plus intimes peuvent s’exprimer avec force. On peut même voir trembler le cartilage de l’oreille d’un acteur ! Je trouve impor-tant de montrer certains tics avec le plus de justesse possible. En même temps, les images projetées monu-mentales rendent les acteurs sur le plateau très petits. La combinaison de ces éléments donne au spectateur le choix entre les différentes données qui l’assaillent.

avant De Man zonder eigenschapen, inspiré de Musil, vous vous êtes consacré entre autres à Proust, Jeroen brouwers et Malcolm lowry. Pourquoi le médium vidéo convient-il particulièrement à la mise en scène de ces grands romans d’idées ?

J’utilise volontiers différentes échelles et j’aime faire varier l’espace en allant du très grand au très petit. C’est le cas, par exemple, de Rouge décanté (2004), un monologue de Dirk Roofthooft sur un texte de Jeroen Brouwers. C’est un récit plein de flash-backs. Par exemple, l’acteur joue, à certains moments, le rôle d’un garçonnet de six ans. C’est fantastique de projeter le visage de l’acteur tellement grand que celui-ci en devientlittéralement minuscule sur scène. Le théâtre, ce sont des postures, des jeux avec l’espace. Je tente par ce biais d’attirer le spectateur, qui est traditionnellement dans une position de retrait, en vue de l’intégrer au récit. Dans le meilleur des cas, il peut s’insinuer dans la peau des person-nages et suivre leurs pensées. À ce moment, il n’est plus simplement un spectateur étranger à l’action. Le langage théâtral et la vidéo se prêtent parfaite-ment bien pour traduire ce type d’expériences.

vous extrayez votre matière théâtrale de romans, tra-vaillez avec des vidéastes et cherchez votre inspiration dans la structure des scénarios de films. en quoi le théâtre est-il l’endroit où peuvent converger ces dif-férentes expériences ?

La particularité du théâtre est de combiner les disciplines. L’espace théâtral peut adopter toutes les formes possibles. Tout part de mensonges. Le public se rend au théâtre pour savoir ce qui va se passer sur scène. On part de postulats du type « qu’est ce qui se passera si… ? », ou « supposons que… ». À partir de ces mensonges, on peut obtenir une image de la réalité, de ce qu’elle pourrait signifier ou de ce qu’elle a signifié. On peut transformer l’espace, isoler des éléments. Lorsqu’on se promène dans une ville, on est assailli d’impressions éparses. À l’opposé, le théâtre retourne au vide, ce que l’on y montre est isolé du monde. Cela permet aux sens des spectateurs de s’approprier les informations, les ingrédients, les couleurs que je pro-pose. Le spectateur doit non seulement suivre ce qui se passe sur scène, mais il doit surtout faire appel à sa propre créativité. C’est un processus qui, en dehors du théâtre, devient de plus en plus difficile car dans la surabondance d’informations, il est nécessaire de faire abstraction de ses sens. On ne peut pas tout accueillir. C’est là toute la beauté du théâtre : on peut à nouveau y laisser s’exprimer pleinement ses sens.

De man zonder eigenschappen2010 © Koen Broos

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c’est une vision assez critique…De nos jours, on communique de moins en

moins. Il est facile d’établir un contact avec n’im-porte qui et n’importe où, mais la dimension « contenu » disparaît. On vit au jour le jour. Les nouveaux médias sont quelque chose de fantas-tique mais sont également dangereux. Au théâtre nous pouvons les dénoncer mais aussi démontrer toutes les possibilités qu’ils recèlent. La morale est donc double.

Quel effet observez-vous sur le spectateur ?En tant que metteur en scène, j’essaie de me

comporter de manière prudente. Je choisis des thèmes dont j’estime important qu’ils soient vus par un public. Mais une représentation doit rester la plus ouverte possible. Je n’envoie pas directement le public dans une direction, mais je lui présente des choses qui font appel à sa participation. Je respecte l’individualité du spectateur et sa faculté à penser par lui-même. Mes spectacles ne dictent pas ce qui est bon ou ce qui est mauvais. Le théâtre ne se prête d’ailleurs pas à cela, on y prêche pour sa propre église. Les gens qui viennent au spectacle ont un mode de pensée similaire au nôtre. Confronter les gens à l’inconnu est difficile, car ils doivent faire l’ef-fort de venir à toi. Mon but n’est pas de renforcer le public dans ses certitudes mais plutôt de poser des questions, en espérant que les gens suivront et que, le lendemain, une fois rentrés chez eux, ils réfléchiront à ce qu’ils ont vu.

Depuis vos premiers spectacles, l’utilisation de la tech-nologie est toujours allée croissante. comment cela influence-t-il votre travail ?

Il importe de rester conscient des dangers liés aux médias. Au théâtre aussi, il semble évident d’utiliser de plus en plus les nouveaux médias. La qualité des spectacles s’en ressent. Lorsque l’électricité a fait son apparition dans les théâtres, le choc fut énorme. En fait, le retentissement fut comparativement beaucoup plus grand que lorsqu’aujourd’hui nous faisons usage d’un projec-teur vidéo et d’une caméra. Mais il est nécessaire d’évoluer avec son temps au théâtre. Les nouvelles technologies n’existent pas pour faire impres-sion, mais bien pour communiquer. Elles exercent une influence sur notre manière de penser, il est donc logique de leur donner une place sur scène. La scène théâtrale doit refléter la vie.

bio

Guy Cassiers, né à Anvers (Belgique) en 1960, compte parmi les hommes de théâtre les plus innovants en Europe. Il a tout d’abord étudié les arts graphiques à l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers, mais son intérêt le pousse rapidement vers le théâtre. Il développe son propre langage théâtral au sein duquel la technologie visuelle se marie magnifiquement bien à sa passion pour la littérature. À ce titre, mentionnons en particulier des spectacles tels que les quatre parties du cycle de Proust et Rouge décanté (2004), d’après le roman éponyme de Jeroen Brouwers. Ces dernières années, il s’est concentré sur les relations complexes entre l’art, la politique et le pouvoir, entre autres dans Mefisto for ever (2006), Wolfskers (2007), Atropa (2008) et De Man zonder eigenschappen I (2010). Actuellement, il met en scène, à Milan, la seconde partie du Ring des Niebelungen de Wagner.

www.toneelhuis.be

(ci-contre)Bezonken Rood2004 © PanSok

(ci-dessous, à gauche)Onder De Vulkaan2009 © Koen Broos

(ci-dessous, à droite)Atropa2008 © Koen Broos

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à lire

vidéo et danse

— Nouvelles de Danse n°26 : Filmer la danse (1996)

— Maya derenEcrits sur l'art et le cinéma Ed. Paris Experimental (2004)

— Filmer la Danse, sous la direction de Jacqueline Aubenas Ed. La renaissance du livre (2006)

— Cairon, Revista de estudios de danza n°11Cuerpo y cinematografia / Body and cinematography (es./ang.)

(2008)

vidéo et performance

— dixon s. Digital performance: A history of new media in theater, dance,

performance art, and installationThe MIT Press – Cambridge (Massachusetts) – 2007

— duguet A. n. et Bellour R. (direction)

Communications n°48 : VIDEOEd. Seuil – 1988

— Belloir d. « Video Art Explorations »

Cahier du Cinéma – Hors série – 1981

— Balpe J.-P. (direction)

L’art et le numérique

Ed. Hermes Sciences – 2000— de Mèredieu F.

« Arts et nouvelles technologies »

Ed. Larousse – 2005— Lebeer i.

« Du cheval à Christo : et autres écrits »

Ed. Lebeer-Hossmann — Magnant n.

La vidéo, entre art et communication

(dirigé par) Ecole Nationale des Beaux-Arts, Paris, 1997— sturken M.

« Paradox in the Evolution of an Art Form : Great Expectations and the Making of a History » – Illuminating Video : An essential guide to

video art 1990

liens

— www.sens-public.org— www.mediaartnet.org— www.heureexquise-documentation.net— www.persee.fr — www.radicalsoftware.org

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bioSPhèrE

rehab, L’art de se

re-fairecyril thomas

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66 bioSPhèrE

Se désintoxiquer des idées reçues sur l’art éco ? Oui, dans le champ du visuel, afin de repenser l’environnement et l’assem-blage artistique : tel est l’enjeu de « REHAB, l’art de re-faire », exposition présentée à la fondation EDF de Paris. Bien sûr, le sous-titre induit une restriction, car il faut comprendre REHAB au sens de « réhabilitation ». Il ne s’agit pas de reconstruire du réel à l’aide de déchets ou autres détritus, mais bien de recom-poser, voire de conceptualiser un autre système écologique à partir d’éléments, de matériaux récupérés, trouvés, collection-nés : d’un « éco-art-processus », en somme. Bien moins axée sur les catastrophes naturelles ou sur les paysages imaginaires que la seconde triennale de l’International Center of Photography qui, intitulée « Ecotopia », s’est déroulée à New York en 2006, cette exposition parisienne se focalise sur l’objet, le monument et la réalisation sculpturale comme signes d’un changement de paradigme. « Ecotopia » évoquait d’abord l’écologie entendue comme protection de l’environnement, pour ensuite évoquer le paysage post-industriel ou post-cataclysmique (l’après-Tcher-nobyl, les suites de l’ouragan Erika en 2003 ou de différents tremblements de terre). En revanche, REHAB opère un retour sur l’histoire de l’art pour mettre à l’honneur les pratiques de collection, de composition à partir de rebuts.

Même si certains artistes de cette exposition collective revendiquent l’héritage du Land Art et de L’Arte Povera, la différence d’époque et de traitement politique est sensible. Steve Lyons se réfère explicitement au concept de « non-site » élaboré par Robert Smithson lorsqu’il place quelques gravas dans l’espace muséal puis les filme en circuit fermé pour son installation Double Forgery (Nonsite: Essen Soil and Mirrors) de 2008. La boucle est bouclée, le monument est présenté, sa trace est filmée, l’un et l’autre sont reliés un certain temps, de manière à interroger le rapport physique au site, au lieu visible. Que ce soit dans Neudo ou dans Kines (2009), Gyan Panchal élabore des éléments sculpturaux qui semblent être la réponse à certaines productions des minimalistes américains. Il isole la démarche initiale pour s’en réapproprier quelques éléments comme la coupure. Fragile, quasi instable, sa sculpture Neudo, réalisée en PVC, joue à son tour la carte du monumental pré-caire. C’est sans doute en ayant recours à la réappropriation par la citation directe ou indirecte que ces artistes, rejoints par Ian Pedigo, conçoivent un système autonome formel mais vulnérable qui rappelle en cela l’écologie.

Celle-ci ne se résume pas à un discours abstrait sur l’état de la planète, les gaz à effet de serre ou le réchauffement climatique. Certes, Tue Greenfort illustre la thématique générale de la pollution : après avoir travaillé sur des matières recyclées, il produit une sculpture abstraite intitulée 1 kilo de P.E.T. (2007), c’est-à-dire de polyéthylène téréphtalate, le dernier stade du pétrole raffiné. Posée à même le sol, cette petite sculpture intrigue par son aspect qui évoque aussi bien des cristaux qu’une sorte de minéral plastifié. Cela dit, le plus souvent, les jeunes artistes sélectionnés pour REHAB définissent leurs territoires à partir de leurs pratiques de consommation quotidienne et des déchets qui en résultent. Par exemple, Lucie Chaumont crée un champ de moulages en plâtre blanc dans lesquels on peut voir des boîtes à œufs. De même, Marjan Teeuwen empile des enveloppes et des embal-lages cartonnés afin de recréer un lieu, une architecture pour sa série Verwoerst Huis (2009). Quant à Christian Gonzenbach, il accroche une partie de sa série des Skins. A Hunter’s (2001). L’objet est fondu, écartelé, punaisé, il se transforme en peaux, à mi-chemin entre l’ex-voto profane et le trophée guerrier.

L’objectif serait de réhabiliter par l’assemblage, de recréer un ensemble à partir de matières délaissées, de matériaux industriels pauvres qui perdent ainsi toute fonction pour mieux signifier un rapport aux ruines écologiques liées à la globalisation et au transport des marchandises ; c’est en tout cas ce que suggère, à l’entrée de l’exposition, le palmier moribond fabriqué par Douglas White (Icarus Palm de 2006) avec des débris de pneus. Il faut dire que le pneu est depuis longtemps un motif iconographique, comme dans la Tire Print de Robert Rauschenberg, qui date de 1953. En fin de compte, les deux œuvres qui résument le mieux cette exposition sont parmi les plus anciennes qui y sont présentées, puisqu’il s’agit du projet Touch Sanitation (1978-1980) de Mierle Laderman Ukeles et du film Fresh Kill (1972) de Gordon Matta-Clark. Touch Sanitation rassemble une vaste documentation sur le ramassage des ordures à Manhattan : déclarations, lettres, relevés des parcours effectués par les éboueurs, vidéos et photographies des poignées de mains échangées par l’artiste avec les employés de la voirie. Dans ce dispositif complexe qui évoque le traitement des ordures, essentiel à la salubrité et au bon fonctionnement d’une ville, l’artiste part à la rencontre des ouvriers, des invisibles qui, du balayeur au chauffeur, font disparaître les déchets des rues et les amènent à la dé-charge. Décharge qui, chez Matta-Clark, devient le théâtre d’une danse macabre entre une camionnette rouge et deux bulldozers. Ce lieu situé à Staten Island donne son nom à la vidéo, tandis que la caméra s’attarde sur l’envol des oiseaux. La machine devient l’habitat où les oiseaux se nourrissent… Un cycle se termine, un autre commence.

Cyril Thomas.

(page précédente)Gordon Matta-ClarkFresh Kill, 1972film 16 mm couleur et sonoreParis, Musée National d'Art Moderne, RMN, Electronic Art Intermix© Adagp, Paris 2010

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67rEhab

REHAB, l’art de re-faire

Jusqu’au 20 février 2011 Espace Fondation EDF6, rue Récamier 75007 Paris Entrée libre

http://fondation.edf.com

(ci-contre)Mierle Laderman UkelesTouch Sanitation, 1984PhotographieCourtesy l'artiste et de la Galerie Ronald Feldman

(en bas à gauche)Lucie ChaumontEmpreinte Écologique, 2006-2010platre, dimensions variablesCourtesy l'artiste et Galerie Eva Hober, Paris

(en bas à droite)Marjan TeeuwenVerwoerst Huis 2, 2009c-print sur dibon, 155 x 231,5 cmCentre National des Arts Plastiques et Ministère de la culture et de la communication© DR / CNAP

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lE Point Sur

numediartinnovation et crÉativitÉ

à tous Les Étages

Vincent delvaux

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69lE Point Sur

(page précédente)Gordon Matta-ClarkFresh Kill, 1972© Adagp, Paris 2010

(ci-contre)Gordon Matta-ClarkFresh Kill, 1972© Adagp, Paris 2010

De la culture du « pourquoi » à celle du « pourquoi pas »Alors que l’ingénieur passe une partie de son temps

à défendre ses idées, à en justifier les retombées (à court terme, de plus en plus souvent) ou à en vérifier l’adéqua-tion avec une demande à venir, les traiteurs de signaux, mathématiciens, informaticiens et électroniciens impli-qués depuis près de trois ans dans numediart ont entrepris, au contact des artistes qui leur soumettent leurs idées de projets, un bouleversement professionnel assez radical. Ils sont passés de la culture du « pourquoi » à celle du « pourquoi pas ».

Commander une rampe de flammes en fonction de la musique et des mouvements produits par une altiste-danseuse : pourquoi pas ?

Mettre en place un mur d’images, de textes, et de vidéos permettant à un conteur d’improviser une histoire au fil du matériau multimédia qu’il sélectionne sous les yeux du pu-blic : pourquoi pas ? Permettre à un guitariste de commander des effets numériques sans pédale : pourquoi pas ?

De la culture du « pourquoi pas » à celle du « comment »Si numediart est propice à développer la créativité des

scientifiques, il offre en retour aux artistes un cadre-bu-toir qui permet d’affiner les idées pour les concrétiser. Car, comme le disait André Gide : l’art naît de contrainte, vit de lutte, meurt de liberté. C’est au contact avec les contraintes du réel que l’art et la créativité peuvent se développer : en passant de la culture du « pourquoi pas » à celle du « comment ».

Comment capturer et interpréter les sons et les mou-vements d’une altiste/danseuse ? Comment naviguer dans les données multimédia d’un mur d’images ? Comment barder une guitare électrique de capteurs ?

numediart entend proposer à ces questions des solu-tions pratiques et innovantes.

l’Institut numediart réunit désormais 10 services de l’université de Mons (uMoNS)L’Institut numediart pour les technologies des arts nu-

mériques, formalisé en juillet 2010 dans l’UMONS, réunit désormais 10 services de l’UMONS : (FPMs/TCTS, FPMs/MATHRO, FPMs/SEMI, FPMs/INFO, FSCIENCES/Génie Logiciel, FSCIENCES/Systèmes d’Information, FSCIENCES/Réseaux et Télécommunications , FPMs/ARCHI, FPMs/Génie mécanique, FA+U/Atelier d’ar-chitecture). Il a pour mission d’assurer des activités de formation et de recherche internationalement reconnues dans le domaine des technologies des arts numériques et ce, tout en capitalisant sur la dynamique enclenchée dans le cadre de MONS 2015, Capitale européenne de la Culture. Les domaines couverts sont les suivants :

numediart est un projet de recherche à long terme dans le domaine des médias numériques, soutenu par la Région wallonne et l’union européenne. son objectif est d’encourager le développement de nouvelles tech-nologies par le biais de la création artistique, tant du point de vue plastique et musical que scénique et de mettre en relation chercheurs et artistes de différen-tes disciplines. numediart est organisé autour de trois axes de recherche majeurs, HyfoRge et la navigation hypermédia, comedia qui traite du rapport entre corps et médias et copi qui a pour vocation le développe-ment d’instruments numériques, dans le domaine de la lutherie notamment. avec une série d’appels à projets, d’ateliers, de collaborations dans divers domaines et surtout de l’aménagement d’un espace laboratoire doté d’un équipement de pointe, l’année 2010 aura été riche en événements pour numediart. l’occasion ici de revenir sur le pourquoi et le comment du programme mais aussi sur les détails de cette nouvelle infrastructure.

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traitement du son, de l’image, de la vidéo, des gestes et des bio-signaux pour les applications où l’interaction homme-machine vise à faire naître l’émotion.

Les activités de l’Institut sont coordonnées par un conseil stratégique, le Consortium numediart, qui compte quinze membres parmi lesquels des représentants de la recherche, des arts, du spectacle et des entreprises. Le Consortium a pour objectif d’assurer une adéquation op-timale entre les thèmes des projets de recherche menés par l’Institut et les besoins régionaux en vue de contribuer au développement scientifique, économique et culturel.

Il a également des partenaires associés, comme ParisTech, l’UMontréal/LIAM, l’UMontréal/Visions3D, l’Univ. De Gênes/InfoMus, l’Univ. De Gand/IPEM, ou Fresnoy à Tourcoing, ou l’IDIAP à Martigny, qui sont tenus au courant de la vie de l’Institut et avec qui l’Institut cherche à coordonner ses actions.

Parmi ses actions à court et moyen terme, il faut noter : la définition d’une formation de type master transversal (Art/Sciences/Technologie) associée à un programme Erasmus Mundus, la création des journées numediart associées au festival annuel VIA à Mons, ou l’organisation de plusieurs conférences internationales.

l’espace NuMeDIart, un laboratoire vivantDans la foulée de l’inauguration de l’Institut et du

Consortium NUMEDIART, l’ancienne salle de cours du laboratoire TCTS (Théorie de Circuits et de Traitement du Signal) a été métamorphosé en Espace NUMEDIART.

Ce nouveau labo permettra aux chercheurs de tester les technologies développées dans le cadre des projets NUMEDIART dans des conditions d’utilisation réelles.

La salle a été complètement obscurcie, et dotée de trois rampes de projecteurs de spectacle reliés à des gradateurs commandés par une console à 24 canaux DMX pilota-ble en MIDI. Un projecteur HD équipé d’une lentille short-throw a été installé. Ce projecteur permet de cou-vrir complètement l’écran géant (4x6m) qui lui fait face. L’équipement a été calibré pour permettre à des acteurs de se déplacer sur la « scène » sans projection d’ombre sur l’écran, de manière à permettre la création d’ambiances visuelles réalistes, de décors virtuels, etc.

L’installation est complétée par un projecteur 3D équipé de lunettes actives, et par cinq projecteurs ul-tra-portables, destinés à la projection sur des espaces complexes (courbes, espaces tridimensionnels comme pour la projection monumentale), en collaboration avec l’Université de Montréal.

Afin de mesurer en temps réel les mouvements des ac-teurs/danseurs sur la scène, des caméras ont été installées (dont deux caméras stéréoscopiques, et plusieurs caméras infrarouges associées à des projecteurs infrarouges).  Ces caméras sont reliées à plusieurs PC où sont installés di-vers logiciels permettant l’analyse des images vidéo (le principal étant EyesWeb, qui est exploité en collaboration avec des développeurs à l’Université de Gênes).

L’analyse de mouvement peut également être réali-sée de façon très précise grâce à un costume de capture de mouvement (IGS190) doté de 19 capteurs inertiels, magnétiques et gyroscopiques. Ce costume a déjà été utilisé de nombreuses fois dans des projets de recherche, notamment en collaboration avec les sociétés NeuroTV et Dreamwall. Récemment y a été ajouté un système de capture de mouvements faciaux (OptiTracks) et l’équipe de numediart considère l’installation d’un système de suivi du regard.

Ajoutons que se termine la mise au point de capteurs inertiels portables, basés sur une communication sans fil basse consommation, développée en collaboration avec MULTITEL ASBL.

Côté audio, la salle a été équipées d’une installation 8.1 (du matériel wallon, de haute qualité !), relié à une table de mixage 16 pistes numérique.

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71nuMEdiart

Il sera donc possible d’y créer toutes sortes d’ambian-ces visuelles et sonores en fonction des performances ou installations dans lesquelles seront appelés à fonctionner les outils technologiques créés dans les laboratoires de numediart.

L’Espace NUMEDIART pourra également être utilisé comme salle de cours pour des formations sur les techno-logies des arts numériques, comme salle de démonstration (ce que nous ferons lors de l’inauguration) ou comme espace semi-public lors de manifestations culturelles. Il sera également accessible aux membres du consortium NUMEDIART à des fins de recherche et de formation.

Enfin, pour permettre à l’Institut de déployer certaines installations en dehors de cet Espace NUMEDIART, l’uni-versité a également fait l’acquisition de matériel portable (structures tridimensionnelles sur pieds, écrans).

Le coût total de l’installation avoisine les 100.000€.Ce type de laboratoire constitue une première en

Wallonie. Les écoles où l’on enseigne les arts audio visuels (comme l’INSAS ou l’IAD) ou numériques (comme l’ESAPV à Mons, La Cambre à Bruxelles, ou le studio Le Fresnoy à Lille) possèdent des salles au même format, avec un équipement audiovisuel souvent performant mais très générique. Les outils (et les ingénieurs !) permettant une recherche technologique de pointe y sont absents. C’est bien là une des forces de l’espace NUMEDIART.

www.numediart.org

(page précédente)Gordon Matta-ClarkFresh Kill, 1972© Adagp, Paris 2010

(ci-dessous)Gordon Matta-ClarkFresh Kill, 1972© Adagp, Paris 2010

(ci-dessus)Gordon Matta-ClarkFresh Kill, 1972© Adagp, Paris 2010

(ci-contre)Gordon Matta-ClarkFresh Kill, 1972© Adagp, Paris 2010

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Portfolio

rÉgis cotentin

les images de ce portfolio sont extraites des films et des installations « subjectile* », « play along* », « live » « shadowplay », « strange Boutique* » et « l’anomalie » de Régis cotentin réalisés entre 2001 et 2010 avec des musiques originales de dJ olive, pierre Bastien et scanner accompagnés* de l’ensemble musiques nouvelles dirigé par Jean-paul dessy. ses réalisations produites par transcultures ont été jouées en live avec les mêmes musiciens en Belgique et en france.

bio

Régis Cotentin est plasticien, réalisateur de films courts et créateur d'installations. Les musiques originales de ses productions sont l'oeuvre de musiciens de la scène internationale tels DJ Olive (USA, New York), Pierre Bastien (France, NL, Rotterdam), Philip Jeck (UK, Liverpool), Scanner (UK, Londres), David Shea (Australie, Melbourne), Jean-Paul Dessy & Ensemble Musiques Nouvelles (Belgique, Mons) aMute et Paradise Now (Belgique, Bruxelles).

« Grand illusionniste de la vidéo audiophile » (Jazzaround), « l'univers de Régis Cotentin flirte avec Edgar Allan Poe, les frères Quay, Guy Maddin, Bunuel, Man Ray » (Repérages) avec « des images et des dispositifs donnant à voir le souvenir et le rêve à l'œuvre » (Françoise Parfait, Vidéo, un art contemporain). « L'imagier toujours très torturé et charnel du vidéaste » (Poptronics) créent « des images métaphoriques toujours belles et inquiétantes » (Artishoc). « C'est un auteur et ses images ne cajolent pas les conventions esthétiques du spectateur » (Poptronics).

Régis Cotentin s'est produit dans plus d'une cinquantaine de festivals et de centres d'art contemporains d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Sud depuis 2001. Ses réalisations font partie de la Collection Nouveaux Médias du Centre Georges Pompidou (Paris).

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«  Partons d’une hypothèse : notre corps serait une projection imaginaire, une sorte d’« idée de la tête » à travers laquelle nous percevrions le monde, les autres et nous-mêmes. Certes, nous avons de notre forme une notion, une image, mais une image, une notion si vagues et si changeantes qu’une définition ne saurait les retenir. »

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«  voilà bien le problème : indéfinie, notre forme est pourtant si profondément inscrite en nous qu’il semble impossible de lui échapper. cette « forme humaine » que nous prenons pour échelle de grandeur, nous précède-t-elle comme une ombre ? est-ce nous qui la poursuivons comme le repère le plus sûr pour vivre en un monde qui ne serait nôtre qu’une fois marqué du sceau de notre image ? »

Agnès Minazzoli, Un rêve immense, in Projections, les transports de l’image, Editions Hazan, Le Fresnoy, AFAA, 1997, p.41

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« […] D’ailleurs, si les formes étaient autre chose que des songes, comment pourrions-nous échanger nos corps à volonté, apparaître parmi les hommes sous forme humaine, parmi les fantômes comme des ombres, parmi les pensées comme des idées ? Cela, nous le pouvons grâce au pouvoir secret que nous avons de nous dépouiller de notre enveloppe comme d’un jouet choisi en rêve. »

Gustav Meyrink : « Le Cardinal Napellus », textes choisis par Jorge Luis Borges, traduit de l’allemand par Marcel Schneider, La Bibliothèque de Babel, FMR/Editions du Panama, 2006, p.60-61

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«  Le visage, lui, est inviolable ; ces yeux absolument sans protection, partie la plus nue du corps humain, offrent cependant une résistance absolue à la possession, résistance absolue où s’inscrit la tentation du meurtre : la tentation d’une négation absolue. »

Emmanuel Levinas, Difficile Liberté, Essais sur le judaïsme, troisième édition revue et corrigée, Editions Albin Michel, Paris, 1963 et 1976, réédition Le Livre de Poche, Série Biblio-essais 4019, 1995, p.21

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« Il n’y a pas d’interruption dans ma conscience : je sens ce qui m’entoure si je ne suis pas encore endormi, ou si je dors mal ; et je commence à rêver aussitôt que je m’endors réellement. Ainsi suis-je un perpétuel déroulement d’images, cohérentes ou incohérentes, feignant toujours d’être extérieures, les unes interposées entre les gens et la lumière si je suis éveillé, les autres interposées entre les fantômes et cette sans-lumière que l’on aperçoit, si je suis endormi. Je ne sais véritablement pas comment distinguer une chose de l’autre, et je ne saurais affirmer que je ne dors pas quand je suis éveillé, ou que je ne m’éveille pas alors même que je dors. »

Fernando Pessoa : « Le livre de l’intranquillité de Bernardo Soares », traduit du portugais par Françoise Laye, Christian Bourgois éditeur, 1999 pour la traduction française, p.337

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Carte BlancheHistory

vidéo/scène Biosphere

ZonEn° 12 / JanuaRy 2011

all english translations are available on the website www.cecn.com

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rubrique

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tItre Signature

Chapeau

QuestionRéponse note

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actualitÉS

cecn2Janvier

avriL 2011

formations . résidences événements

le cecn2 est la première structure européenne de formation, de production et de sensibilisation aux technologies numériques appliquées aux arts de la scène. l’articulation des activités autour de quatre axes (formation, création, recherche et diffusion) permet de favoriser synergies, échan-ges et collaborations multiples. soutenu par le programme de financement européen interreg, le cecn2 (centre des écritures contemporaines et numériques) a été créé en 2004 de part et d’autre de la frontière franco-belge. ce projet est né des liens tissés entre différentes structures artistiques et de formation.

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charleroi/Danses [be]centre chorégraphique de la communauté française de belgiqueDirigé depuis 2006 par un quatuor artis-tique composé de Michèle Anne De Mey, Pierre Droulers, Thierry De Mey et Vincent Thirion, Charleroi/Danses s’est orienté de manière radicale vers la création contem-poraine. Ses activités se déroulent aux Écuries de Charleroi et à la Raffinerie de Bruxelles : production et diffusion du tra-vail des artistes directeurs et des résidents, programmation d’événements divers tels que la Biennale de la danse, Compil d’avril, Objectif danse, etc.

le Fresnoy [fr] studio national des arts contemporains Centre de formation, de recherche et de pro-duction dans tous les domaines artistiques de l’image et du son, Le Fresnoy accueille des étudiants pour un cursus de deux ans, sous la direction d’artistes-professeurs invi-tés qui réalisent eux-mêmes de nouveaux projets. Le Fresnoy propose au public une programmation de films d’auteurs, des expo-sitions d’art contemporain, des concerts, des spectacles et divers événements artistiques tout au long de l’année.

art Zoyd [fr] Groupe français fondé en 1969, Art Zoyd se définit aujourd’hui comme un groupe de musique électronique, et travaille sur-tout sur des musiques de film, de ballet ou en alliance avec d’autres arts. Gérard Hourbette en est le directeur artistique. Art Zoyd possède son propre studio de créa-tion musicale à Valenciennes, dans lequel il accueille de nombreux compositeurs pour de la production et de la recherche, et où il mène des actions pédagogiques.

Formations

Les ateliers du CECN2 sont des formations professionnelles aux technologies numéri-ques pour les métiers de la danse, du théâtre, de la musique contemporaine et des arts visuels. Conçues pour un petit groupe de stagiaires (environ 12 personnes), elles se déroulent en général sur une semaine. Les formateurs sont des professionnels inter-nationalement reconnus dans leur domaine, invités à transmettre leurs connaissances à la fois pratiques et théoriques. Chaque atelier comprend ainsi un état de l’art, des études de cas et une expérimentation sur le plateau. Du matériel récent est mis à dis-position de chaque stagiaire. La mixité des publics (français et belge, artistes et tech-niciens) est privilégiée. Le programme des formations est adapté en fonction de l’évo-lution des technologies numériques et des besoins des professionnels.N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez des formations spécifiques.

biotechnologies et développement durable En complément des formations liées aux technologies numériques, un nouvel axe de formation est proposé depuis 2008 sur les biotechnologies et le développement dura-ble. De plus en plus d’artistes s’emparent de cette thématique, mais aussi des technologies développées dans ces domaines pour mieux interroger l’évolution de l’environnement ou encore les problèmes bioéthiques.

Présentation des opérateurs du CECN2

technocIté [be]TechnocITé est un centre de compétence de la Région Wallonne dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. Ses objectifs principaux sont la formation qualifiante, la forma-tion continue, la sensibilisation, l ’aide aux entreprises, la collaboration avec l’enseignement, la veille et la création de partenariats publics et privés.

le manège.mons [be]Le manège.mons, structure artistique novatrice et transversale, regroupe le manège.mons/Centre dramatique, l’un des quatre centres dramatiques en Belgique francophone ; le manège.mons/Ensemble Musiques Nouvelles, l’ensemble de création musicale contemporaine de la Belgique francophone ; le manège.mons/Maison Folie, dédié à l’émergence, aux milieux associatifs et à la transversalité ; le manège.mons/CECN, dédié à la création et à la pédagogie numériques.

le Manège Maubeuge [fr] Le Manège Maubeuge est une scène natio-nale qui travaille en étroite collaboration avec le manège.mons. Le studio technolo-gique du Manège, véritable laboratoire de la création numérique, a pour vocation de favoriser la transversalité entre le specta-cle vivant et les nouvelles technologies. Aussi, depuis sa création en 2000, il se fait trait d’union entre les compagnies qu’il accueille en résidence de création et leurs projets de scénographie à la croisée de différents médias.

Danse à lille [fr]centre de Développement chorégraphique (cDc) Danse à Lille/CDC propose une saison de spectacles qui accueille en moyenne 40 compagnies. Chaque année, elle orga-nise deux festivals : Les petits pas, dédié au jeune public, et Les repérages, qui présente des chorégraphes de 17 pays. Elle propose également des cours et stages de danse contemporaine pour tous niveaux ainsi que des actions de sensibilisation.

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Parcours thématiques S’il est possible de faire son programme « à la carte », les ateliers peuvent être regroupés en parcours thématiques, afin d’approfondir un aspect particulier :- Images et écrans : ateliers sur les diffé-

rents aspects de l’image projetée sur un plateau.

- Espace et corps augmentés : relation de l’espace et du corps aux technologies numériques.

- Design sonore : traitement du son, depuis la transformation de la voix en temps réel jusqu’à la musique en réseau.

- Outils pour l’écriture interactive : logiciels utilisés dans les arts numériques.

- Réseau et mobilité : pratiques liées au réseau et aux dispositifs mobiles comme le téléphone portable, les puces RFID, le GPS, etc.

- Artistes associés : ateliers avec des artistes programmés dans la saison des partenai-res du CECN2, ou qui effectuent une résidence de création.

complémentarité avec les formations de technocIté TechnocITé est le partenaire du CECN2 pour la formation. Cet organisme de formation continue propose de nombreuses formations logicielles qui sont complémentaires de celles proposées par le CECN2. Pour plus de ren-seignement : www.technocite.be

Formations du cecN2 à l’INa et au cFPtS Le CECN2 poursuit ses partenariats avec la Maison des arts de Créteil et l ’INA (Institut national de l’audiovisuel), ainsi que le CFPTS (Centre de formation profes-sionnelle des techniciens du spectacle). Ces structures intègrent des modules du CECN2 dans leurs propositions de formation. Ces modules sont conventionnés Afdas.

Modalités d’inscription, informations pratiques et renseignements complémentaires : www.cecn.com

Informations pratiques

Inscription et prix des formations :L’inscription se fait sur le site internet du CECN2 : www.cecn.com

Les formations sont gratuites pour les professionnels des métiers de la culture domiciliés en région Nord-Pas de Calais et en zone Interreg Région wallonne (Ath, Dinant, Mouscron, Mons, Neufchâteau, Philippeville, Thuin, Tournai, Virton, Charleroi, Namur, Soignies).

Pour les personnes extérieures à cette zone géographique, contacter le CECN2 : [email protected]

adresse des lieux de formation :Les ateliers présentés dans la revue se dérou-lent dans plusieurs lieux situés de part et d’autre de la frontière franco-belge, de sorte à favoriser des collaborations transfron-talières entre institutions, professionnels, formateurs et stagiaires. Les ateliers sont accessibles en priorité aux professionnels habitant en Région wallonne et en région Nord-Pas de Calais.

carré des arts, technocIté [be]4a rue des Soeurs Noires, Mons

Margin’halle, Maison Folie [be]3 rue des Arbalestriers, Mons

Salle des redoutes, théâtre royal [be]Grand-Place, Mons

le Fresnoy [fr]22 rue du Fresnoy, Tourcoing

art Zoyd [fr]8 rue Ferrand, Valenciennes

Danse à lille [fr]5 rue du Général Chanzy, Roubaix

contact pour les formations :Amélie Kestermans : + 32 (0) 65 56 55 [email protected]

Résidences

Le CECN2 offre un programme de rési-dence pour des compagnies souhaitant intégrer des technologies dans leur création. Les modalités sont très ouvertes : moyens en production et coproduction, période de recherche et d’expérimentation sur un pla-teau, formations spécifiques élaborées « à la carte ». La durée des résidences est varia-ble, de quelques jours à plusieurs semaines, en fonction des projets. Le CECN2 a ainsi accueilli et soutenu Caden Manson, Denis Marleau, Daniel Danis, Marie Brassard, Michèle Noiret, Thierry De Mey, Zaven Paré, Laurent Hatat… sans oublier le sou-tien à la jeune création : Adrien Mondot, Valérie Cordy, Mylène Benoit, Florence Corin, Transitscape, Antoine Defoort…

Si vous souhaitez soumettre un projet, vous pouvez soit contacter un opérateur spécifique, soit adresser votre demande à [email protected]

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14.10 – 25.05.2011Art Zoyd, Valenciennes {fr}

art ZoYD : SeSSIoN De coMPoSItIoN INStruMeNtale, coMPoSItIoN INStruMeNtale,

ÉlectroacouStIQue et MultIMÉDIa NIveau 1 et 2

André Serre-Milan (FR), Carl Faia (EU)

design sonore / outils pour l'écriture interactive

ART ZOYD poursuit ses deux classes de composition électroacoustique démarrées en octobre 2010 avec 17 inscrits en première année et 8 en seconde année En mai 2011 sera présenté Sonoscopie #6 qui reprend sur scène l’ensemble des travaux des élèves.Direction : André Serre Milan avec la parti-cipation de Carl FaiaLe public : Musiciens issus de conservatoires ou en cours d’étude (instrumentistes, écri-ture, orchestration, direction d’orchestre et de chant, analyse, improvisation, histoire de la musique...) ; Artistes venant d’autres hori-zons que musicaux : image, arts plastiques, arts de la scène, informatique et nouvelles technologies... ; toute personne intéressée par la musique, la technologie et ses implications.

Compositeur, André Serre-Milan travaille conjointement l’écriture vocale, instrumentale, électroacoustique et mul-timédia. Ses productions l’ont amené à collaborer avec Art Zoyd, GRM, La Kitchen, GMEM, Grame, CCRMA, CNMAT… Compositeur et réalisateur musical américain, Carl Faia a participé à de nombreux projets en informatique musicale. Depuis 2003, il est chargé du développement et du suivi informatique des productions d’Art Zoyd.

10 – 14.01.2011Margin’halle, Maison Folie, Mons {be}

coNcePtIoN De ScÉNoGraPhIeS vISuelleS

et De rÉGIeS vIDÉo MANIPULATION D'IMAGES

LIVE ET ENREGISTRÉESFred Vaillant (BE)

5875 / images et écrans

Comment intégrer des projections d’ima-ges dans une scénographie ? Quels moyens techniques et quelles méthodologies mettre en œuvre ? Cet atelier permettra d'explorer les différents aspects de l'image projetée au théâtre, que cette image soit captée en direct ou bien déjà enregistrée.

Après des études scientifiques, Fred Vaillant a été l’inter-prète de différents chorégraphes entre 1986 et 1999. Depuis 2001, il collabore étroitement avec Michèle Noiret en tant qu’assistant artistique et vidéaste. Il enseigne la « Régie vidéo live » et est consultant auprès des théâtres en équipements et installations vidéo.

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R

form

ations

17 – 21.01.2011TechnocITé, Carré des Arts {be}

INtroDuctIoN À ISaDora SCÉNOGRAPHIES POUR SONS

ET CORPS EN MOUVEMENTJacques Hoepffner (FR)

5876 / espaces et corps augmentés, outils pour l'écriture interactive, design sonore

La dernière version du logiciel Isadora of-fre de nouvelles possibilités de traitement du son et de la vidéo. Après une découverte des principes fondamentaux d’Isadora, cet atelier prend comme point de départ la cho-régraphie du spectateur et propose d’explorer la poétique de l’écriture interactive mettant en jeu le corps en mouvement et diverses sources sonores. Il s’agira alors d’interroger l’hétérogénéité des perceptions de l’espace et l’écriture du geste interfacé.

Après les mathématiques et l'architecture, Jacques Hoepffner s'est immergé totalement dans l'image et la lumière. Photographe, il effectue des parcours qui le mènent autour du monde. Créateur de vidéos et de dispositifs interactifs pour la danse et le théâtre depuis 1995, il est responsable de l'ate-lier son et interactivité à l'école d'arts de Rueil-Malmaison.

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113rÉSidEncES

Janvier 2011Le Manège Maubeuge

Gare numérique de Jeumont

ShaNG chI SuN JE SANS PAROLE

Shang Chi Sun est un danseur à la technique époustouflante, néo-classique enrichie de sa pratique du tai-chi. Ce solo Je sans Paroles s’inspire de la pièce Acte sans paroles écrite par Samuel Beckett. Acte sans paroles est un mimodrame de 1957, une pièce sans paroles écrite pour le mime. Un personnage, expulsé de la coulisse, est confronté à des objets cu-rieux tombés des cintres. Tentant d’attraper une carafe d’eau, l’homme doit faire face à des objets qui tombent : cubes, ciseaux de tailleur, arbre. Ce personnage, à la Buster Keaton, doit faire face à un monde absurde. Il demeurera condamné à être un pantin désarticulé et électrocuté à coups de grosse caisse. En tentant d’attraper une carafe ac-crochée au plafond, montée ou descendue au gré de l’humeur du meneur de jeu qui « tire les ficelles » (au sens propre du terme).

Coproduction (en cours) : Centre culturel de Taïwan à Paris, LOFFT, Leipzig. Avec le soutien du Studio techno-logique du Manège, scène nationale de Maubeuge et de la Gare numérique de Jeumont.

Janvier 2011Le manège.mons

MYrIaM GourFINK BESTIOLE

Présentation de fin de résidence le jeudi 13 janvier à 17h

La chorégraphe Myriam Gourfink est instal-lée sur le plateau, au milieu des danseuses, et développe la partition en temps réel, envoyant des consignes par le biais d'écrans suspendus en fonction de ce qu'elle observe de l'évolution de la danse. S'installe une chorégraphie où compte plus le passage que la posture, d'autant que les instructions tournent plus autour de la nature et de la qualité du mouvement, que d'un résultat à atteindre et laissent à chaque danseuse le choix de sa temporalité. Ainsi l'outil informatique vient stimuler le vivant, la présence des interprètes.

Coproduction: Association LOL, Les spectacles vivants-Centre Pompidou, Le manège.mons/CECNL'association LOL est soutenue par le Ministère de la culture et de la communication, DRAC IDF, au titre de l'aide à la compagniePrêt de studio : Centre national de la danse-Pantin

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Février 2011Le manège.mons

cIe alIS/PIerre FourNY L’ÂME HORS DU SIGNE

Présentation de fin de résidence le jeudi 10 février à 16h

Pour ce nouvel opus, Pierre Fourny retourne à son mode de fabrication originel en décou-pant des affiches de pub en tous genres et en extrayant un corpus d’images et de textes qu’il va assembler selon un mode librement asso-ciatif. En direct sur le plateau, il manipule les photos et les mots, crée des carambolages visuels et sémantiques, fait trembler les sens uniques, débusque des issues inattendues derrière toute image. On peut rêver, on peut broder, on peut sourire, on peut rire. Et pour l'occasion il a désiré être accompagné sur scène par des chorégraphes contemporains qui l'ont marqué. À tour de rôle, chacun l’épaulera dans son exercice de poésie scénique entre objets et projections. Georges Appaix, Stéphanie Aubin, Dominique Boivin, Alain Buffard, Paco Decina, Pascale Houbin, Daniel Larrieu, Mathilde Monnier, Mark Tompkins… sont déjà inscrits sur la liste des complices d’un soir.

Production ALISCoproduction (en cours) : L'Echangeur, scène conven-tionnée de Fère-en-Tardenois, le manège.mons/CECN, l'Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézières, ALIS, ...

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Février 2011Le Manège Maubeuge

Mars 2011Le manège.mons/ TechnocITé

t.r.a.N.S.I.t.S.ca.P.e DISTORSIONS URBAINES

Première dans le cadre des rencontres professionnelles Via 2011

Distorsions urbaines est une installation-performance interdisciplinaire pendant laquelle la danse, la musique et l'architec-ture se côtoient. Le projet s’intéresse à la confrontation d’échelles différentes de territoires, de vitesses et de mouvements à travers l’exploration et le dé-codage de trois villes : Hong Kong, Mtwapa (Kenya) et Bruxelles. T.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e expérimente un décryptage de la ville, un système de lecture et d’écriture urbain et interroge la place de l’homme et son mouvement dans l’espace urbain dans trois cas de figures révélant des micros/macros phénomènes: reproduction d’un espace architectural, re-production d’une action quotidienne et reproduction d’un déplacement.

Une production de t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e, en coproduction avec le manège.mons/CECN, TechnocITé, dans le cadre du projet Transdigital, Transcultures et L'Abattoir, centre national des arts de la rue. En résidence d’expérimentation à la Chartreuse / En résidence au Studio>Manège de la Scène nationale de Maubeuge / Avec le soutien de l’agence WBTD Wallonie Bruxelles Théâtre Danse et du Wbi Wallonie-Bruxelles International

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Février 2011Le manège.mons

WouDI tat SENS

Présentation de fin de résidence le vendredi 25 février à 17h

Peau vivante et vibrante, voir entendre au plus profond du toucher

Le toucher donne à voir et à entendre : pour l’expérimentateur, il s’agit d’un voyage physi-que multi sensoriel à l’intérieur de son propre corps. Sous les mains expertes d’un praticien – ostéopathe, kinésithérapeute, masseur – le sens du toucher est abordé individuellement par un spectateur volontaire, à l’écoute de son corps. Les manipulations que vont subir sa peau, et plus profondément ses muscles et tout son corps, produiront vibrations lumineuses et mu-sicales, instrument de lien vers de nouvelles sensations, proposées aux autres spectateurs. Ce résultat plastique et sonore objet cinétique, bain mur de lumière, univers sonore constitué de trames horizontales aux enveloppes lon-gues, accompagnera le geste du praticien dans sa temporalité lente en favorisant l’abandon et le ressenti de l’expérimentateur et des specta-teurs. Les matériaux musicaux joués en direct seront composés de sons longs, de spectrales de synthèse et de matériaux naturels réalistes.

Production déléguée : La Compagnie des Colis-Bruits / Coproduction le manège.mons/CECN / Avec l ’aide du DICREAM. La Compagnie est subventionnée par la DRAC Ile de France.

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115rÉSidEncES

Mars 2011Le manège.mons

chrIStIaN châtel FACES TO FACES

Présentation de fin de résidence le vendredi 11 mars à 17h

Qui est l'autre ? Qui suis-je ? Nous sommes les regardeurs regardés. Pourquoi donc, nos yeux vont ils aux yeux ? Qui vois-je dans le regard de l'autre ? Est-ce l'autre ? Moi-même ? L'autre moi-même ?Dispositif de tables de vision, Faces to faces met en scène ces simples questions. Plus en-core, il s'y intéresse avec les derniers moyens de communication visuelle, comme Skype, i.chat, etc. Une série de "tables communi-cantes" plonge le visiteur dans les regards réels et/ou virtuels d'autres visiteurs ou performeurs. Ce projet se base sur un dis-positif/installation déjà existant (Reflet). Il tente d'en développer les potentiels sous une forme et à plus grande échelle et scé-nographique. Techniquement, Faces to faces usera des développements technologiques numériques actuels.

Coproduction (en cours) : Art Zoyd, Le manège.mons/CECN

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Avril 2011Le manège.mons

cIe haNa SaN StuDIo / FloreNt trochel

DÉMANGEAISONS DE L’ORACLE

Présentation de fin de résidence le jeudi 14 avril à 16h

Sur une scène et dans un film qui intera-gissent entre eux, un quotidien se dessine dans lequel des êtres aspirent à d’autres hauteurs. Un directeur d’usine de retraite-ment de déchets, nommé Œdipe Werner, une jeune fille qui dit s’appeler Venezia Mestre et un voleur démodé, croisent leurs destins dans une salle d’attente d’hôpital. Autour de ces figures, s’articule un passé qui ressurgit et un présent qui pourrait n’être qu’un fantasme. Dans un disposi-tif scénique qui dédouble les espaces et les temps, une histoire se noue, qui mêle le quotidien et l’épique, l’archaïque et la technologie. Des liens se tissent et des as-pirations intimes se heurtent à un réel im-partial, bien que vrillé.

Coproduction (en cours) : Cie HANA SAN STUDIO / Théâtre Paris-Villette / le manège.mons/CECN / Ars Numerica/Scène Nationale de Montbéliard / Centre National de la Cinématographie – DICREAM / La Chartreuse/Centre National des Ecritures du SpectacleAvec le soutien de : La Maison du Geste et de l’Image

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Avril 2011Le Manège Maubeuge

coMPaGNIe IllIco / thoMaS lebruN SIX ORDER PIECES

Pour la création d’une œuvre, un chorégra-phe s’entoure souvent de différents colla-borateurs. Dans Six order pieces, Thomas Lebrun change l’ordre et le questionne : ceux qui d’habitude accompagnent ou fi-nalisent un projet chorégraphique seront ici les fondements de l’écriture du specta-cle. Avec Six order pieces, Thomas Lebrun prête son corps et son travail de chorégra-phe à d’autres créateurs : lumière, musique, danse, cinéma, vidéo… Six créateurs invités, six soli de dix minutes, six regards croisés… l’ordre en étant le sujet. création en mai 2011 aux rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis (F), puis présentation du 19 au 21 mai au Gymnase (roubaix).

Coproduction : Danse à Lille/CDC, Les Rencontres Internationales de Seine-Saint-Denis, Le Manège, scène na-tionale de Maubeuge, l'ADC (Genève, Suisse), le CCN du Havre - Haute Normandie / Résidence : Micadanses – Paris.Ce projet de création bénéficie d’une bourse d’aide à l’écriture de l’association Beaumarchais-SACD. La compagnie Illico est artiste associé à Danse à Lille / CDC jusqu'en 2011. Elle reçoit le soutien de la DRAC Nord - Pas de Calais au titre de l'aide à la compagnie chorégraphique et du Conseil Régional Nord - Pas de Calais au titre du conventionnement.

www.cieillico.fr

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11.12 – 16.01.2011B.P.S.22, Charleroi

01.04 – 26.05.2011Espace Jean Legendre, Compiègne

Dans le cadre du festival Les Composites 2011

rÉMaNeNceS et autreS PIèceS Thierry de Mey

Installations vidéo, films et labyrinthes chorégraphiques

Durant tout le mois de décembre, Charleroi/Danses investit le B.P.S.22 pour mettre à l'hon-neur l'œuvre multi-facettes de Thierry De Mey. Avec pour pièce centrale Rémanences, dernière installation vidéo de l'artiste.Créée en mars 2010 à l'occasion des ren-contres Pros VIA et du festival international VIA, l'installation vidéo Rémanences évoque nombre de références picturales: corps dé-formés de Bacon, anthropométries de Klein, idéogrammes de Michaux... Filmés par Thierry De Mey au moyen d'une caméra thermique, les corps sont spectralisés. Les zones chaudes impressionnent l'image, tandis que les parties froides, semblent s'évanouir.

Production : Charleroi/Danses, Centre chorégraphique de la Communauté française / Coproduction : TechnocITé, Le manège.Mons/CECN (projet européen Transdigital) / Avec le soutien de : TRANSDIGITAL dans le cadre du programme Interreg IV France-Wallonie-Vlaanderen / En partenariat avec : MAXYS Belgium / Remerciements : Jan Delye (FLIR Systems AB), Lionel Collin, David Bogaert et Pierre Pourcel (www.marxys.be)

www.charleroi-danses.be

07 – 09.02.2011Dans le cadre du festival

pour le jeune public Les Petits pas Danse à Lille/CDC

La Condition Publique, Roubaix

KINDur, l’aveNtureux voYaGe De Deux MoutoNS ISlaNDaIS

Cie TPO

En islandais « Kindur » signifie « mou-ton ». Dans un décor virtuel, imaginé d’après les paysages féeriques de l’Islande, Erna et Erla, vont vivre une aventure ex-traordinaire. Enfermés tout l’hiver dans la bergerie, les moutons jouissent d’une grande liberté une fois le printemps venu. Voyageant seuls ou en groupes, ils croi-sent parfois, sur des chemins très éloignés, des créatures féeriques. Au cours de leur périple, les moutons de Kindur dévoilent aux enfants un monde secret, à la fois fort et fragile et juché d’embûches. Pour cette pièce, la Cie TPO a imaginé une scène sen-sitive où les plus jeunes sont invités à sui-vre les pas de nos deux moutons sur scène. Véritable « parcours-spectacle », elle est une initiation aux nouvelles technologies mises au service de la nature.

Coréalisation La Condition Publique et Danse à Lille / CDC. À partir de 6 ans - Lundi 07/02 à 10h et 14h30, Mardi 08/02 à 10h et 14h30, Mercredi 09/02 à 14h30 et 20h

www.dansealille.com

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Évènements

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117ÉVènEMEntS

14 – 16.02.2011Le Phénix (Valenciennes)

22 – 24.03.2011Bonlieu Scène Nationale (Annecy)

30 – 31.03.2011 Théâtre de l’Agora (Evry)

art ZoYD À DEMI ENDORMI DÉJÀ

Création jeune public

Un jeune homme vient d’être embauché dans une entreprise de vente par corres-pondance d’appareils électroménagers. Il découvre une ville qu’il ne connaît pas. Dès le premier jour, il remarque, depuis la fenêtre de la chambre qu’il loue, un terril. La montagne le fascine. À ses heures de loisir, il se promène à vélo. Un dimanche, il s’approche du terril. Il décide de le gravir. À un endroit où la terre est plus meuble, il s’enfonce jusqu’aux genoux. Il reste là un moment sans pouvoir bouger. Le ciel s’as-sombrit. Il se met à pleuvoir.

Production : Art Zoyd, en coproduction avec Stanza, le théâtre de l’Agora, scène nationale d’Evry et de l’Essonne, l’Allan, scène nationale de Montbéliard-[ars]numerica et Le Phénix, scène nationale de Valenciennes dans le cadre du projet VOX, Opéra Populaire des Hainauts, avec le soutien des fonds européens Interreg IV, de la Région Nord-Pas de Calais, de la Drac Nord Pas-de-Calais, du département du Nord, de l’Agglomération Valenciennes Métropole et de la Ville de Valenciennes et de l’Espace Pasolini. Avec la partici-pation des studios de « la Muse en Circuit » et du « GRM ».

www.artzoyd.com

02.02.2011Espaces Pluriels, scène conventionnée, Pau

Le 15.02.2011 au Festival ArtDanThé /Hors Saison d’ARCADI – Théâtre de Vanves, scène conventionnée pour la danse ; le 08.03.2011 à l'Hippodrome, scène nationale de Douai ; le 23.03.2011 au PhéniX, scène nationale de

Valenciennes et les 05 et 06.05.2011 au Vivat, scène conventionnée à Armentières

cIe coNtour ProGreSSIF / MYlèNe beNoIt

ICI

Pièce pour quatre danseurs et un dispositif de délai vidéo / création 2010

À la croisée de la chorégraphie et de l’ins-tallation, ICI est une pièce pour quatre danseurs associant un dispositif de délai vidéo à la copie du mouvement. La danse, filmée en temps réel sur le plateau, est projetée sur un écran quarante secondes plus tard. Les danseurs dialoguent avec un miroir, celui de leur propre image fantôme.

Production / Co-production : Valentine Lecomte (Filage) / Cie Contour Progressif/ Fondation Royaumont  - Programmes Transforme et Voix Nouvelles / Le manège.mons/CECN / CCN de Franche-Comté à Belfort / Studio Art Zoyd / Tanzhaus NRW à Düsseldorf / Conseil régional Nord Pas-de-calais / DRAC Nord Pas-de-calais / Filage - conseil et accompagnement de projets artistiques et culturels. Soutien au projet : Danse à Lille / Charleroi/Danses. Avec le soutien à la diffusion de l'ARCADI

http://mylene.benoit.free.fr/

11.02.2011Dans le cadre du festival

pour le jeune public Les Petits pas Danse à Lille/CDC

Le Gymnase, Roubaix

cINÉMatIQue Cie Adrien M

Avec Cinématique, Adrien M crée une ren-contre entre la danse, les arts numériques, le jonglage, la musique et la lumière afin de créer un paysage poétique et subtil qui nous fait passer la frontière vers d’autres mondes. Ce spectacle est une invitation au voyage, à la rêverie et au jeu.À bord d’un radeau à l’assaut des flots com-mence alors un long voyage, une traversée des matières virtuelles matérialisant des paysages. Lignes, points, lettres, objets nu-mériques projetés sur des surfaces planes tissent des espaces poétiques qui épousent les corps et le geste. Sur le plateau chaque objet prend vie et s’anime dans cette fable sensible entre réel et virtuel…

Production : Compagnie Adrien MCoproductions, aides et soutiens : Hexagone, Scène natio-nale de Meylan / La Ferme du Buisson, Scène nationale de Marne la Vallée / El mediator, scène conventionnée musi-ques actuelles et arts numériques à Perpignan / Le Théâtre de Création-Ville de Grenoble / [ars]numerica, centre euro-péen dédié aux arts numériques de la Communauté d’Ag-glomération du Pays de Montbéliard / Les Subsistances, laboratoire international de création artistique à Lyon / Centre des arts, Enghien-les-Bains / Le manège.mons/CECN (Belgique) / Trafo, Maison des arts contemporains à Budapest (Hongrie) / Ministère de la Culture et de la Communication / DICREAM - DRAC Rhône-Alpes / Conseil régional Rhône-Alpes / Conseil Général Isère / Ville de Grenoble.

www.dansealille.com

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24.03 – 03.04.2010Le Manège Maubeuge, Le manège.mons

24.03 – 25.04.2010Le manège.mons

FeStIval INterNatIoNal vIa 11 THÉÂTRE, DANSE, CRÉATIONS,

EXPOSITION, ARTS PLASTIQUES

Festival international et interdisciplinaire de théâtre, danse, musique et arts électroniques, VIA est une plateforme contemporaine où se côtoient chaque année des perfor-mances, des spectacles et des installations numériques à Mons et à Maubeuge. Avec notamment : Jaco Van Dormael / Michèle Anne de Mey / Thomas Gunzig / Grégory Grosjean / Nicolas Olivier (BE) – Nanodanse (à Brobdingnag) ; Hiroaki Umeda (JA) – Holistic Strata ; Shang Chi Sun (TW) – Je Sans Parole + une grande exposition d'art visuel à Maubeuge, autour du thème Paranoia (24 mars > 04 avril).VIA, ce sont aussi deux temps privilégiés de rencontre à destination des program-mateurs : Les 24 et 25 mars, les rencontres professionnelles VIA (5e  édition) et du 30 mars au 02 avril, le focus Théâtre/FR, plate-forme consacrée aux nouvelles scènes du théâtre français, organisée en collabora-tion avec Culturesfrance et l’ONDA.

Programmations en cours / www.lemanege.com

vIa.ProS 2011/haPPY DIGItal

les 24 et 25 mars, les rencontres profes-sionnelles du CECN, rebaptisées VIA.Pro 2011/Happy Digital pour leur 5e édition, sont un moment convivial qui privilégie l’échange entre artistes, chercheurs et programmateurs, afin de décomposer et analyser ensemble les frictions des techno-logies avec les arts de la scène. Spectacles de danse et de théâtre, parcours urbains, ins-tallations, performances, concerts et tables rondes se succèdent pendant deux jours. Au programme cette année  : Vincent Dupont / Cie j'y pense souvent (FR) – Vestiges ; Eric Joris / CREW (BE) – C.A.P.E ; Denis Marleau / UBU (CA) – Dors mon petit enfant ; Alain Michard / Cie Louma (FR) ; Matt Rudkin et Silvia Mercuriali / Rotozaza (UK, IT) – Wondermart ; Matthieu Roy / Cie du Veilleur (FR) – Un doux reniement ; t.r.a.n.s.i.t.s.c.a.p.e (BE) – Distorsions urbaines, Kris Verdonck / A two dogs company (BE) – K, a society …

Programmations en cours / www.viapro11.com

02.04.2011Béthune

art ZoYD/GrouPe F LES PORTES DU FUTUR

Un concert pyrotechnique Art Zoyd / Groupe F pour l'ouverture de BETHUNE 2011,

Capitale Régionale de la Culture

30 minutes de bombardements de feu et de son pour fêter l'ouverture de la capitale Béthune. Espace, symbolique, ouverture, voir Béthune autrement dans ce qu’elle a de plus emblématique est une des volon-tés de ce nouveau spectacle Les Portes du Futur. Portes et futur, lieux de passage, de communication. Gare du futur en plein Centre de Béthune.

Musiques : Gérard Hourbette et Jérôme Soudan (Mimetic) / Feu : Eric Travers (Groupe F) / Interprétation : Art Zoyd, Groupe F

www.artzoyd.com

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Évènements

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abonnez-vous à patch bon de commande à renvoyer à : revue Patch / le manège.mons/cEcn / carré des arts - rue des Sœurs noires, 4a /bE – 7000 Mons

tarif général

Veuillez noter mon abonnement à Patch : (tarif identique pour la belgique, la france et les autres pays)

J’effectue ce jour un virement au compte dEXia banque – avenue de Jean d’avesnes – b-7000 Mons iban : bE 96 0682 2058 5505 – bic/Swift : gKccbEbb

nom, prénom

adresse

code postal, Ville

Pays

téléphone

E-mail

plus d'infos [email protected] — t. +32 (0)65 56 57 78les numéros 1 à 10 (gratuits) sont encore disponibles sur demande à [email protected] – numéro 3 : épuisé

liste des points de vente (librairies qui ont commandé le Patch 12)

Antoine PicklesVicky VermoezenHilde Teuchies

Kurt VanhoutteXavier FlamentThierry Dutoit

Leen Van de PutRégis CotentinOlga de Soto

Sergine LalouxNelly DelvauxGaelle Lints

Gerard HourbetteMonique VialadieuSeverine Provost

le coupe Papier19 rue de l’Odéon 75 006 Paris

librairie Dialogues théâtre34 rue de la Clef 59 000 Lille

librairie Point d’orgue22 place de la justice1000 Bruxelles

la bellone46 rue de Flandre 1000 Bruxelles

tropismes libraires11 Galerie des Princes 1000 Bruxelles

bozarshopRue Ravensteinstraat, 15 1000 Bruxelles

librairie livre aux trésors 4 rue Sébastien Laruelle 4000 Liège

librairie Papyrus16 rue Bas de la place 5000 Namur

librairie Point virgule1 rue Lelièvre 5000 Namur

aux 4 coins1 avenue Roi Albert 5300 Andenne

librairie de helmet9 place de Helmet 1030 Schaerbeek

New Presse 20001 rue du commerce 5590 Ciney

Dlivres67 rue Grande 5500 Dinant

en attente d’autres points de vente.

Remerciements

Prochain numéro

mars 2011

2 numéros par an

17 euros frais de port compris + 1 cd (un numéro sur deux)

Prix de vente au numéro

8,50 euros frais de port compris + 1 cd (un numéro sur deux)

En collaboration avec la Maison des arts de créteil. un projet co-financé par l’union Européenne, interreg iV, le fEdEr et la région wallonne.avec le soutien de la région nord-Pas-de-calais, le Ministère de la communauté wallonie-bruxelles, lille3000, Mons 2015.

Partenaires formation : ina, cfPtS, forem, Pôle Emploi, afdaS

pubLicitÉVous souhaitez annoncer votre événement ou faire connaître votre entreprise, vos projets, vos produits, dans le prochain numéro de Patch, contactez-nous à [email protected]