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34: 'E - 6 ci" ollrnal 25novembre1995 114e année - 5778 Bureau de dépôt : Mons X Hebdomadaire, sauf juillet/août des ribunaux Editeurs : LAR CIER, rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES Edmond Picard (1881-1899) - Léon Hennebicq (1900-1940) - Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dai (1966-1981) LES DATES DE VALEUR EN DROIT BELGE Dans son arrêt du 10 janvier 1995 (1), la Cour de cassation française (ch. comm.) réitère sa jurisprudence (2) condamnant, sur base d'une absence de cause, le régime dit des dates de valeur. La France est ainsi le deuxième pays de l'Union à sanctionner une telle pratique puisqu'en Alle- magne, la Bundesgerichtshof avait déjà, dans - son arrêt du 17 février 1989 (3), mis en cause la validité des dates de valeur, sur pied toutefois d'une autre notion, à savoir celle de clause abusive. A l'heure les institutions communautaires tentent d'assurer une plus grande transparence des conditions de banque applicables aux vire- ments transfrontaliers (4), on ne peut rester in- différent à ces jurisprudences dont l'un des grands mérites est d'inciter à une clarification des relations banques-clients (5). Le manque de transparence dans le rapport ban- quier-usager peut d'ailleurs être tenu pour une des principales causes de la forte mobilisation des consommateurs français (6) contre la mé- thode des dates de valeur (7). (1) Cass. fr., 10 janv. 1995, publié ci-après, p. 767; adde, D., 1995, n° 15, p. 229 et note Ch. Galvada; pour un résumé de l'arrêt: R.E.D-C., 1995, p. 69, obs. L. Levy et E. Petit; pour un commentaire de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 septembre 1991, à la base de la décision susmentionnée de la Cour de cassation, voy. obs. J.-L. Rives Langes, Rev. dr_ banc. et de la bourse, 1992, 29, p. 29. (2) L'arrêt de principe en la matière est, en effet, un arrêt antérieur, à savoir celui du 6 avril 1993, J_C.P., Il, 1993, 22062, p. 212, note J_ Stoufflet, « La pratique des dates de valeur à 1' épreuve du droit des obligations ». (3) Voy_, pour un commentaire en français, C. Witz, «Les dates de valeur en droit allemand», Les dates de valeur ont-elles un avenir ? Aspects juridiques et économiques, séminaire de Lyon, 31 mars 1994, Centre interprofessionnel de recherche en droit ban- caire, p. 59; M. Dusseaux, « Vers une harmonisation européenne des conditions de banque ? », Rev_ dr_ banc. et de la bourse, 1990, n° 18, p. 77. . (4) Voy_ la proposition de directive concernant les virements transfrontaliers du 18 novembre 1994, J.0.C.E., 17 février 1994, C 360/13 et avant elle, la Recommandation de · 1a Commission du 14 fé- vrier 1990 concernant la transparence des condi- tions de banque applicables aux transactions finan- cières transfrontalières, J.O.C.E., 15 mars 1990, L 67/39. · (5) J. Stoufflet, op. cit., p. 213. (6) Voy. Dossier banques, « 29 banques au banc d'essai», Cinquante millions de consommateurs, Quel client n'est, en effet, pas surpris lorsqu'au lendemain d'un versement de salaire, il s'aper- çoit que son compte est « dans le rouge » ou encore, lorsqu'il se voit réclamer par la banque un intérêt sur un compte, au solde constamment positif en capital, mais parfois négatif, en va- leur.· Dans l'espoir qu'un débat sur la légitimité des dates de valeur s'amorce en Belgique, nous préciserons d'abord la notion de date de valeur. Au départ de la jurisprudence française, les dates de valeur seront ensuite confrontées au droit général des obligations. Dans l'ordre juri- dique belge, les dates de valeur semblent ainsi difficilement critiquables sur Je terrain de la cause ou de l'objet du contrat. Par contre, les dispositions issues du droit de la consommation et, plus particulièrement, celles relatives aux clauses abusives, à l'obligation d'information et au taux annuel effectif global constituent des instruments appropriés de sanction des dates de valeur. Enfin, ces dernières peuvent également être mises en cause sur pied de la notion de pratique concertée. La question de la validité des dates de valeur en droit de la concurrence connaît d'ailleurs un regain d'actualité depuis la récente décision des comptes chèques pos- taux (8) d'adopter, en cette matière, la même méthode que les banques. I. -LANOTI DE VALEUR La date de valeur d'une opération bancaire est la date à laquelle s'inscrit en compte cette opé- 1994, 278, p. 22, spéc. 32; voy. aussi, « Bien dresser sa. banque », même revue, févr. 1987, p. 32; en Belgique, voy. « Banques : c'est arrivé près de chez vous », Budget et droits, juin 1995, 121, p. 21. (7) Cabillac et Teyssie, obs. sous Versailles, 17 janv. 1992, Rev. trim. dr. comm., 1992, p. 839, spéc. p. 840. (8) La pratique des dates de valeur n'était aupara- vant pas appliquée sur les comptes postaux. Voy. notam. l'arrêté royal du 13 novembre 1984, modi- fiant notamment l'article 104 de l'arrêté royal du 12 janvier 1970 portant réglementation du service pos- tal, M.B., 18 déc. 1984, p. 15807. 37 i ISSN 0021-812X i so 1 RE 1 Les dates de valeur en droit belge, par A. Thilly .................... 753 1 Expropriation pour cause d'utilité publique - Compétences concurrentes du juge de paix et du Conseil d'Etat - Article 6.1 de la C.E.D .H. - Articles 10 et 11 de la Constitution - Articles 13 et 160 de la Constitution - Expropriation - Exclusion de la compétence du Conseil d'Etat dès la saisine du juge de paix - Situation exceptionnelle (Cour Arb., 22 juin 1995, observations de _ D. Lagasse) ..................... 764 1 Prévenu - Jugement par défaut - Opposition - Délai - Article 187 du Code d'instruction criminelle - Disposition impérative (Cass., 2e ch., 9 mai 1995) ......... 766 1 Banques - Opérations - Date de valeur - Intérêts - Taux annuel . (Cass. fr., comm., 10 janvier 1995) ; .. 767 1 Détention préventive - Maintien - Faits punissables (Cass., 2e ch., 14 décembre 1993) .... 767 1 Conseil d'Etat - Procédure - Recevabilité - Acte confirmatif (Cons. Etat, 3e ch., 30 juin 1995, observations de F. de Visscher) .•... 768 1. Exequatur - Décisions prononcées par les juridictions syriennes - Exécution en Belgique - Article 570 du Code judiciaire - Vérification du fond du litige - Droits de la défense - Caution judiciaire (Bruxelles, 9e ch., 2 février 1995) .... 769 1 Aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine - Code wallon de l'aménagement - Modification du sol - Article 70 du Code (Civ. Mons, réf., 16 juin 1995) ...... 770 1 Référé - Conflit social - Voie de fait - Entrave à l'accès des locaux - Interdiction sous peine d' astreinte - Tracts - Distribution (Civ. Liège, réf., 10 mars 1995) ..... 771 1 Droits d'auteur - OEuvres musicales - Exécution publique - Endroit ouvert au public (J.P. Ixelles, 1er cant., 22 juin 1995) .. 772 1 Chronique judiciaire : Bibliographie - Echos - Mouvement judiciaire - Dates retenues. des 'itribunaux 1 9 9 5 1)j ___

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ollrnal 25novembre1995

114e année - N° 5778 Bureau de dépôt : Mons X

Hebdomadaire, sauf juillet/août

des ribunaux Editeurs : LAR CIER, rue des Minimes, 39 - 1000 BRUXELLES Edmond Picard (1881-1899) - Léon Hennebicq (1900-1940) - Charles Van Reepinghen (1944-1966) - Jean Dai (1966-1981)

LES DATES DE VALEUR EN DROIT BELGE

Dans son arrêt du 10 janvier 1995 (1), la Cour de cassation française (ch. comm.) réitère sa jurisprudence (2) condamnant, sur base d'une absence de cause, le régime dit des dates de valeur.

La France est ainsi le deuxième pays de l'Union à sanctionner une telle pratique puisqu'en Alle­magne, la Bundesgerichtshof avait déjà, dans -son arrêt du 17 février 1989 (3), mis en cause la validité des dates de valeur, sur pied toutefois d'une autre notion, à savoir celle de clause abusive.

A l'heure où les institutions communautaires tentent d'assurer une plus grande transparence des conditions de banque applicables aux vire­ments transfrontaliers (4), on ne peut rester in­différent à ces jurisprudences dont l'un des grands mérites est d'inciter à une clarification des relations banques-clients (5).

Le manque de transparence dans le rapport ban­quier-usager peut d'ailleurs être tenu pour une des principales causes de la forte mobilisation des consommateurs français ( 6) contre la mé­thode des dates de valeur (7).

(1) Cass. fr., 10 janv. 1995, publié ci-après, p. 767; adde, D., 1995, n° 15, p. 229 et note Ch. Galvada; pour un résumé de l'arrêt: R.E.D-C., 1995, p. 69, obs. L. Levy et E. Petit; pour un commentaire de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 septembre 1991, à la base de la décision susmentionnée de la Cour de cassation, voy. obs. J.-L. Rives Langes, Rev. dr_ banc. et de la bourse, 1992, n° 29, p. 29. (2) L'arrêt de principe en la matière est, en effet, un arrêt antérieur, à savoir celui du 6 avril 1993, J_C.P., Il, 1993, n° 22062, p. 212, note J_ Stoufflet, « La pratique des dates de valeur à 1' épreuve du droit des obligations ». (3) Voy_, pour un commentaire en français, C. Witz, «Les dates de valeur en droit allemand», Les dates de valeur ont-elles un avenir ? Aspects juridiques et économiques, séminaire de Lyon, 31 mars 1994, Centre interprofessionnel de recherche en droit ban­caire, p. 59; M. Dusseaux, « Vers une harmonisation européenne des conditions de banque ? », Rev_ dr_ banc. et de la bourse, 1990, n° 18, p. 77.

. (4) Voy_ la proposition de directive concernant les virements transfrontaliers du 18 novembre 1994, J.0.C.E., 17 février 1994, n° C 360/13 et avant elle, la Recommandation de · 1a Commission du 14 f é­vrier 1990 concernant la transparence des condi­tions de banque applicables aux transactions finan­cières transfrontalières, J.O.C.E., 15 mars 1990, n° L 67/39. · (5) J. Stoufflet, op. cit., p. 213. (6) Voy. Dossier banques, « 29 banques au banc d'essai», Cinquante millions de consommateurs,

Quel client n'est, en effet, pas surpris lorsqu'au lendemain d'un versement de salaire, il s'aper­çoit que son compte est « dans le rouge » ou encore, lorsqu'il se voit réclamer par la banque un intérêt sur un compte, au solde constamment positif en capital, mais parfois négatif, en va­leur.·

Dans l'espoir qu'un débat sur la légitimité des dates de valeur s'amorce en Belgique, nous préciserons d'abord la notion de date de valeur. Au départ de la jurisprudence française, les dates de valeur seront ensuite confrontées au droit général des obligations. Dans l'ordre juri­dique belge, les dates de valeur semblent ainsi difficilement critiquables sur Je terrain de la cause ou de l'objet du contrat. Par contre, les dispositions issues du droit de la consommation et, plus particulièrement, celles relatives aux clauses abusives, à l'obligation d'information et au taux annuel effectif global constituent des instruments appropriés de sanction des dates de valeur. Enfin, ces dernières peuvent également être mises en cause sur pied de la notion de pratique concertée. La question de la validité des dates de valeur en droit de la concurrence connaît d'ailleurs un regain d'actualité depuis la récente décision des comptes chèques pos­taux (8) d'adopter, en cette matière, la même méthode que les banques.

I. -LANOTI DE VALEUR

La date de valeur d'une opération bancaire est la date à laquelle s'inscrit en compte cette opé-

1994, n° 278, p. 22, spéc. 32; voy. aussi, « Bien dresser sa. banque », même revue, févr. 1987, p. 32; en Belgique, voy. « Banques : c'est arrivé près de chez vous », Budget et droits, juin 1995, n° 121, p. 21. (7) Cabillac et Teyssie, obs. sous Versailles, 17 janv. 1992, Rev. trim. dr. comm., 1992, p. 839, spéc. p. 840. (8) La pratique des dates de valeur n'était aupara­vant pas appliquée sur les comptes postaux. Voy. notam. l'arrêté royal du 13 novembre 1984, modi­fiant notamment l'article 104 de l'arrêté royal du 12 janvier 1970 portant réglementation du service pos­tal, M.B., 18 déc. 1984, p. 15807.

37 i ISSN 0021-812X i

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1 Les dates de valeur en droit belge, par A. Thilly .................... 753

1 Expropriation pour cause d'utilité publique - Compétences concurrentes du juge de paix et du Conseil d'Etat - Article 6.1 de la C.E.D .H. - Articles 10 et 11 de la Constitution - Articles 13 et 160 de la Constitution - Expropriation - Exclusion de la compétence du Conseil d'Etat dès la saisine du juge de paix - Situation exceptionnelle (Cour Arb., 22 juin 1995, observations de

_ D. Lagasse) ..................... 764

1 Prévenu - Jugement par défaut - Opposition - Délai - Article 187 du Code d'instruction criminelle - Disposition impérative (Cass., 2e ch., 9 mai 1995) ......... 766

1 Banques - Opérations - Date de valeur -Intérêts - Taux annuel . (Cass. fr., comm., 10 janvier 1995) ; .. 767

1 Détention préventive - Maintien - Faits punissables (Cass., 2e ch., 14 décembre 1993) .... 767

1 Conseil d'Etat - Procédure - Recevabilité -Acte confirmatif (Cons. Etat, 3e ch., 30 juin 1995, observations de F. de Visscher) .•... 768

1. Exequatur - Décisions prononcées par les juridictions syriennes - Exécution en Belgique - Article 570 du Code judiciaire -Vérification du fond du litige - Droits de la défense - Caution judiciaire (Bruxelles, 9e ch., 2 février 1995) .... 769

1 Aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine - Code wallon de l'aménagement - Modification du sol -Article 70 du Code (Civ. Mons, réf., 16 juin 1995) ...... 770

1 Référé - Conflit social - Voie de fait -Entrave à l'accès des locaux - Interdiction sous peine d' astreinte - Tracts -Distribution (Civ. Liège, réf., 10 mars 1995) ..... 771

1 Droits d'auteur - Œuvres musicales -Exécution publique - Endroit ouvert au public (J.P. Ixelles, 1er cant., 22 juin 1995) .· .. 772

1 Chronique judiciaire : Bibliographie - Echos -Mouvement judiciaire - Dates retenues.

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ration pour le calcul des intérêts (9). En géné­ral, la date de valeur ne correspond pas à la date effective de l'opération (10).

Les débits du client (retraits d'espèces, chè­ques, virements à exécuter, ... ) sont enregistrés en valeur avant la date réelle de 1' opération. Un retràit effectué le 10 mai sera, par exemple, enregistré en valeur le 9 mai G - 1).1 Quant aux crédits (remise d'espèces, remise de chèques ou d'autres titres de créance, ... ),leur date de va­leur est postérieure à la date réelle de 1' opéra­tion. Des fonds déposés le 10 mai seront, par exemple, enregistrés pour le calcul des intérêts, le 12 mai G + 2).

En droits belge (11) et français (12), les dates de valeur n'ont pas d'incidence sur la disponi­bilité des fonds. Chaque jour, le banquier peut ainsi établir deux soldes : un solde en capital qui détermine le montant disponible sur le compte, calculé d'après les dates réelles des mouvements bancaires, et un solde en valeur, pour le calcul des intérêts, et obtenu grâce aux dates de valeur de ces mêmes mouvements (13).

Un compte bancaire créditeur en capital peut dès lors être débiteur en valeur. D'où les sur­prises et les protestations des consommateurs, ignorants du système, lorsqu'ils se voient récla­mer des intérêts sur un tel compte.

Quant à l'amplitude des dates valeurs, c'est­à-dire leur nombre et leur durée, elle varie selon les banques, les opérations, mais aussi et sur­tout, selon les clients. Les grandes structures économiques peuvent ainsi obtenir, par la né­gociation, des conditions plus favorables que les petites et moyennes entreprises (14). Quant aux consommateurs, le plus souvent non ou mal informés, ils sont encore plus facilement que les entreprises susceptibles d'être victimes d'abus, comme en témoigne notamment 1' arrêt du 17 janvier 1992 de la cour d'appel de Ver­sailles (15), qui fait état de dates de valeur de un à dix jours pour les crédits et de deux à vingt-sept jours pour les débits . !

Au siècle du Swift et de l'image chèque (16), certaines banques semblent abuser de la relati­vité - dépassée ? - du temps, déjà chère à Bergson. Et pour cause ! Le procédé des dates

(9) Sur la notion, voy. M. C.G. Winandy, «Les comptes en banque et les intérêts »,La, banque dans la vie quotidienne, éd. du Jeune barreau de Bruxelles, 1986, p. 9; G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, t. 2, 1 i e éd, n° 2277, p. 307.

(10) J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, 2e éd., 1988, t. IV, n° 437, p. 319; J. Hamel, Banques et opérations de banque, t. 1, Paris, Rousseau et cie, éditeurs, 1993, n° 251, p. 421. Pour des explications techniques sur la notion, voy. Di. Martino,« Les jours de valeur», Rev. de la Banque, 1, 1982, p. 611.

(11) Comm. Bruxelles, 5 nov. 1985, R.D.C.B., 1986, p. 654; Mons, 15 oct. 1991, J.T., 1992, p. 129. (12) Trib. gde inst. Paris, 6 déc. 1971, J.C.P., 1972, IV, p. 121.

(13) R. D'Ornano, « Taux effectif global et date de valeur», Gaz. Pal., 1989, doc., p. 477.

(14) R. D'Ornano, op. cit., p. 478.

(15) Versailles, 17 janv. 1992, D., 1992, p. 352, note D.R. Martin. (16) R. D'Ornano, op. cit., pp. 477 et s., qui explique le procédé de l'image chèque.

ournal des"i:ribunaux ·

de valeur procurerait aux banques françaises un gain annuel de dix milliards de francs fran­çais (17) et à leurs consœurs belges, un gain annuel de trois milliards de francs belges (18).

II. -LES E

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VALEUR E

:ŒlQNTRAT

A. - La cause du contrat

Depuis quelques années, la méthode des dates de valeur suscitait l'opposition de certaines cours françaises (19). L'arrêt de la Cour de cassation du 6 avril 1993 (20), qui, pour la première fois, remet en cause le régime des dates de valeur, reçoit d'abord bon accueil en doctrine et est, par ailleurs, bien vite suivi de deux arrêts de confirmation (21). Des critiques s'élèvent néanmoins. On se mobilise (22) ... L'arrêt du 10 janvier 1995 est alors considé­ré (23) comme devant mettre un terme aux der­nières protestations.

1. - La jurisprudence française (24)

La pratique des dates de valeur n'est, en réalité, que partiellement condamnée par la jurispru­dence française. La Cour de cassation opère une nette distinction entre, d'une part, les re­mises de chèques en vue de leur encaissement - auxquelles on peut assjmiler d'autres re­mises non liquides et pour lesquelles les jours de valèur semblent justifiés, quant à leur prin­cipe, par les délais techniques de recouvrement et, d'autre part, les remises liquides et les re­traits. Pour ces dernières opérations, la Cour considère que la convention d'intér~t expresse ou implicite permettant les dates de valeur est nulle, pour défaut de cause.

(17) Ch. Galvada, op. cit., spéc. p. 230.

(18) J.-P. Buyle, «Les dates de valeur en droit belge - La résistible fragibilité des dates de valeur », op. cit., séminaire de Lyon, 31 mars 1994, p. 40, spéc. p. 43.

(19) Voy. Aix-en-Provence, 29 sept. 1990, Banque, 1991, p. 96, obs. J.-L. Rives-Langes. L'arrêt recon­naît la légitimité juridique des dates de valeur, mais lui assigne une triple limite; Versailles, 17 janv. 1992, D., 1992, p. 352, obs. D.R. Martin; Rev. trim. dr. comm., 1992, p. 839, obs. Cabillac et Teyssie et autres références citées par J. Stoufflet, op. cit., p. 212; voy. contra: Aix, 17 déc. 1986, J.C.P., 1987, Il, n° 20795, obs. J. Stoufflet.

(20) Cass. fr., 6 avril 1993, D., 1993, jur., p. 310, note Ch. Galvada. Voy. aussi, J. Stoufflet, op. cit.,

· J.C.P., Il, 1993, n° 22062, p. 212.

(21) Cass. fr., 29 mars 1994, Bull. civ., 1994, IV, n° 134, p. 104; Cass. fr., 7 juin 1994, Bull. civ., IV, 1994, n° 201, p. 161. (22) Voy. l'ouvrage du séminaire de Lyon du 31 mars 1994, cité ci-dessus.

(23) Ch. Galvada, note sous Cass. fr., 10 janv. 1995, D., 1995, n° 15, p. 229, spéc. p. 230.

(24) Pour un bel exposé des principes, voy. J. Stouf­flet, op. cit., J.C.P., 1993, Il, n° 22062, p. 212.

Supposons un retràit de 1.000 F effectué le 20 mai, la date de valeur est le 18 mai. Le client ne dispose de la somme que le 20 mai et met, ce même jour, son compte en débit. Par 1' applica­tion d'une valeur négative, du 18 au 20 niai, le client paie, en réalité, des intérêts pour une somme que la banque ne lui avance pas ou plutôt, ne lui prête que plus tard. L'engagement du client de payer un intérêt est donc sans cause puisqu'il ne reçoit aucune avance. A défaut de cause, la convention d'intérêt est nulle et les intérêts doivent être restitués.

Tel est le raisonnement de la Cour de cassation française, lequel peut d'ailleurs être fait, en sens inverse, pour les valeurs positives appli­quées aux crédits. Comment justifier que des fonds ne produisent des intérêts créditeurs qu'à partir du lendemain de leur ·dépôt sur le compte?

2. - La, cause du contrat en droit belge

On doit au professeur P. Van Ommeslaghe (25) d'avoir amené le droit belge à une distinction entre 1' objet et la cause du contrat et, par là, à une définition moderne et univoque (26) de la cause, issue de la jurisprudence, comme étant les mobiles déterminants ayant amené les par­ties à contracter.

Le droit belge s'écarte en cela du droit français qui, sans ignorer la distinction, utilise le con­cept de cause pour sanctionner, dans les con­trats à titre onéreux, l'inexistence d'une contre­partie (27).

Et précisément dans l'arrêt du 6 avril 1993, la doctrine majoritaire (28) estime que c'est bien l'absence de cause « contrepartie » qui sert de fondement à 1' annulation des dates de valeur. Pendant les jours de valeur, à l'obligation pour le client de payer un intérêt, ne correspond pas d'avance de fonds de la part du banquier, le­quel ne consent, dès lors, aucune contrepartie. L'obligation est donc sans cause.

La Cour de cassation française apprécie ainsi la cause de l'obligation de payer un intérêt pen­dant les jours valeurs, indépendamment de la cause de 1' ensemble du contrat, en 1' espèce, la convention de compte. Il y a, en quelque sorte, fragmentation conceptuelle et temporelle de la cause du contrat.

Or, la conception subjective de la cause en droit belge ne permet pas une telle fragmenta­tion (29), car, d'une part, elle aboutit précisé-

(25) P. Van Ommeslaghe, «Observations sur la théorie de la cause dans .la jurisprudence et dans la doctrine moderne», R.C.J.B., 1970, pp. 328 et ~·

(26) Univoque, en ce sens que la définition vaut tant pour l'appréciation de l'existence de la cause, que pour la fausse cause ou la cause illicite. _ (27) P.-A. Foriers, « Ob,servations sur la caducité des contrats par suite de disparition de leur objet ou de leur cause», note sous Cass., 28 nov. 1980, R.C.J.B., 1987, spéc. p. 99, n° 22.

(28) Voy. notam., C. Mouly, «L'avenir des dates de valeur», op. cit., séminaire. de Lyon du 31 mars 1994, p. 3; P. Ancel, « Contribution au débat sur la cause », op. cit., séminaire de Lyon, p. 17; J.-L. Guillot, « Les jours (ou dates) de valeur», op. cit., séminaire de Lyon, p. 11; J.-P. Buyle, op. cit., p. 49.

(29) C. Mouly, art. cit, op. cit., séminaire de Lyon, spéc. p. 4; J.-L. Guillot; art. cit., spéc. p. 15.

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ment à donner à la cause le sens de contrepartie et, d'autre part, elle amène le juge à apprécier l'équivalence des prestations réciproques des parties - puisqu'il s'agit d'une contrepartie spécifique -, ce qui est exclu par notre juris-:­prudence.

Il en. résulte que la cause de 1' obligation de payer un intérêt pendant la période valeur peut se trouver dans 1' obtention de services ban­caires, liés à la convention de compte, comme les opérations de caisse, la gestion des moyens de paiement, la gestion de trésorerie, ...

Nous concluons, dès lors, avec J.-P. Buyle (30), à la difficile critique en droit belge des dates de· valeur sur le terrain de la cause.

Revenons cependant un bref instant à 1' arrêt de la Cour de cassation française du 6 avril 1993. J. Stoufflet (31) écrit à propos de celui-ci : « l'arrêt dépasse le débat sur la définition de la cause ... » ou encore « peu importe en une telle circonstance- que 1' on caractérise le défaut de cause par l'absence de contrepartie ou que l'on y voie, avec H. Capitant, une fausse représenta­tion intellectuelle chez celui qui s'oblige ».

La remarque de l'auteur- qu'elle soit ou non fondée à propos de l'arrêt - insiste donc sur la pluralité des notions - de cause - qui peuvent être à la base d'une condamnation, pour ab­sence de cause, des dates de valeur et incite, dès lors, à une plus ample réflexion.

3. - Développements

Le concept de cause, essentiellement jurispru­dentiel et doctrinal, est, en effet, susceptible de faire 1' objet d'une évolution.

Ainsi, les nouvelles législations relatives aux clauses abusives, qui permettent, dans certains cas, au juge d'apprécier l'équivalence des pres­tations réciproques des parties (32), influence­ront vraisemblablementle droit des obligations et, plus particulièrement, le concept de cause.

La conception subjective de la cause ne fera dès lors peut-être plus obstacle à une appréciation de celle-ci, non plus en tenant compte du cadre contractuel global, niais bien par référence à différents éléments de celui-ci, dès lors que les parties ont elles-mêmes modulé ce cadre con­tractuel global, par leur volonté, lors de la con­clusion du contrat.

Une telle évolution permettrait alors d' appré­cier la cause de l'obligation de payer un intérêt pendant les jours valeurs indépendamment de la cause .de l'ensemble du contrat, soit la con­vention de compte.

Or, prise isolément, il n'est pas certain que la cause de l'obligation de payer un intérêt pen­dant les jours de valeur puisse se trouver dans les services bancaires.

Les mobiles des parties, pris en considération par le droit, pour pouvoir constituer le concept de cause doivent répondre à certaines condi­tions :

(~0) J.-P. Buyle, op. cit., p. 49. (31) J. Stoufflet, op. cit., J.C.P., 1993, II, n° 22062, p. 212. (32) Voy. ci-après, la section relative à l'article 31 de la L.P.C.

- Premièrement, seuls les mobiles détermi­nants, - à l'exclusion des mobiles accessoires ou secondaires -;-, c'est-à-dire ceux en l' ab­sence desquels la partie n'aurait pas contracté aux conditions où elle l'a fait, constituent la cause de l'engagement (33).

Peut-on dire que le fait d'obtenir un service bancaire détermine, dans l'esprit du client, son engagement de payer un intérêt pendant les jours valeurs ?

Lorsque le client est un consommateur, la ré­ponse semble négative. Le plus souvent, ce dernier n'a, en effet, même pas connaissance de la pratique des jours de valeur, de son fonction- · nement, voire de sa raison d'être. Il accepte, dès lors, de payer un intérêt sans même tenir· compte du système des dates de valeur. En d'autres termes, le mobile de payer l'intérêt pendant la période des jours de valeur ne se distingue pas du mobile général qui le pousse à accepter de payer un intérêt.

Or, quel est le mobile déterminant, pour le client, du paiement de l'intérêt ? Il s'agit avant tout de bénéficier d'un crédit, d'un dépasse­ment, d'un découvert ou d'une avance. L' ob­tention des services bancaires, liés au fonction­nement du compte, sera prise en compte par le client, mais ils' agira d'un mobile accessoire ou secondaire de son obligation de payer l'intérêt.

- Deuxièmement, seuls les mobiles entrés dans le champ contractuel entrent dan$ le-con­cept de cause.

Il s'agit d'abord « des buts et mobiles qui s' ex­pliquent par les caractéristiques normales des prestations déterminées » (34).

Or, un intérêt, dans le sens commun comme juridique, n'est que « la rémunération de la mise à disposition temporaire d'une somme d'argent» (35). Comment l'obligation de payer un intérêt peut-elle avoir comme mobile, non la mise à disposition de l'argent, mais un service d'une toute autre nature ? Les parties l'ont peut-être prévu? Nous.en arrivons à la deuxième possibilité pour les mobiles détermi­nants d'entrer dans le champ contractuel.

Les parties peuvent avoir en vue des caractéris­tiques particulières des prestations (36).

L'obligation de payer un intérêt pour la période « valeur » n'est cependant pas considérée, dans les conditions de banque, comme rémuné­rant un service bancaire. Au contraire, « en percevant la rémunération sous forme d'un in­térêt, le banquier marque sa volonté de distin­guer, d'une part, le crédit et, d'autre part, le compte et les prestations qui y sont liées » (37). Ne faut-il pas, pour apprécier la cause, se placer dans le champ contractuel, tel que modulé par les paities (38) ? _. '

Enfin, la justification, donnée a posteriori par le banquier, selon laquelle les dates de valeur

(33) P. Van Ommeslaghe, art. cit., spéc. p. 355. (34) P. Van Ommeslaghe, art. cit., spéc. p. 356. (35) Ancel, op. cit., p. 17. (36) P. Van Ommeslaghe, art. cit., spéc. p. 356. (37) J. Stoufflet, art. cit., J.C.P., 1993, II, n° 22062, spéc. p. 214. (38) Pour l'idée d'une appréciation de la cause en droit français selon un cadre contractuel modulé, voy. P. Ancel, art. cit., p. 17.

rémunèrent des services bancaires, ne devrait pas être prise en considération puisque

- Troisièmement, les mobiles déterminants à prendre en considération sont ceux existants à la formation du contrat (39).

Dans cette optique, on peut donc légitimement douter que l'obligation de payer un intérêt pen­dant la période_ « valeur » soit causée. Pour clôturer ces développements et, au risque d'anticiper l'influence probable du droit de la consommation sur le droit des obligations, nous pouvons, dès lors, constater que, dans une pers­pective évolutive, une critique des dates de va­leur sur le terrain de la cause n'est pas à exclure.

B. - Les dates de valeur et l'objet du contrat

Aux termes des articles 1108 et 1126 à 1130 du Code civil, l'objet du contrat est une condition de validité des conventions. L'objet, dont il est question, est l'objet de la prestation « in obliga­tione ». Celui-ci doit exister et être déterminé ou déterminable ( 40).

En 1' espèce, 1' objet du contrat est l'obligation de payer un intérêt sur un certain montant et à un certain taux .. Cette obligation existe bien, en vertu de la convention de compte, et est déter­minable grâce aux stipulations de celle-ci. Le calcul des intérêts, sur base des dates de valeur, et non sur pied des dates effectives des opéra­tions, n'est qu'une modalité de l'obligation de payer un intérêt (41).

En conséquence, les dates de valeur nous sem­blent difficilement critiquables au regard du concept d'objet du contrat.

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A. - Les dates de valeur et les clauses abusives

Les dates de valeur doivent encore être exami­nées à la lumière . des différentes législations traitant des clauses abusives. Il s'agit essentiel­lement de la loi du 14 juillet 1991 sur les pra­tiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, ci-après L.P.C., de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, ci-après L.C.C., modifiée par la loi du 6 juillet 1992 et par la loi du 4 août 1992 relative au crédi(hypothécaire et ~nfin, de la directive communautaire du 5 avril 1993 con­cernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec lès consommateurs ( 42).

(39) P. Van Ommeslaghe, art. cit., spéc. p. 335. (40) P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, P.U.B., 1992-1993, vol. 1, p. 90. (41) Pour plus d'explications sur l'objet et les dates de valeur, voy. J.-P. Buyle, art. cit., spéc. p. 50. (42) J.0.C.E., 21 avril 1993, n° L 95/29.

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1. - L'article 31 de la L.P; C.

1.1. - Définition de la dause abusive

Aux termes de l'article 31 de la L.P.C., il faut entendre par clause abusive «toute clause ou condition qui, à elle seule ou combinée avec une ou plusieurs autres clauses ou conditions," crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties ».

1.2. - Sanction (art. 33, § 1er, de la L.P.C.)

Les clauses abusives peuvent être annulées par le juge qui dispose donc d'un pouvoir d'appré­ciation. Il semble qu'il s~·agisse d'une nullité relative (43).

1.3. - Conditions d'application de l'article 31 de la L.P. C

1° Une clause ou une condition.

En Belgique, le plus souvent, les conditions générales, applicables aux conventions de compte, et reprises dans le « règlement général des opérations » auquel le consommateur ad­hère, fixent, dans les dispositions traitant des intérêts, le régime des dates de valeur. La va­leur, positive ou négative, est ainsi précisée pour différentes opérations.

A défaut pour le règlement général des opéra­tions de contenir une clause relative aux dates de valeur, pareille clause devrait y être intégrée en vertu d'un usage (44) bancaire (45).

Nous sommes donc bien en présence d'une clause, attaquable sur pied de l'article 31 de la L.P.C.

2° Dans un contrat conclu entre un vendeur et un consommateur et relatif à un produit ou un service, au sens de l'article Ier.de la L.P.C.

Il est clair que les banques, et les services finan- · ci ers qu'elles offrent, tombent dans le champ d'application de la lQi et que, dès lors que le client est un consommateur, au-sens de l'article

(43) P. Wolfcarius, « La protection du consomma­teur en matière contractuelle : la réglementation des clauses abusives dans la nouvelle loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et l'information et la protection du consommateur », Les pratiques du commerce et la protection et l'information du con­sommateur depuis la loi du 14 juillet 1991, éd. Jeune barreau de Bruxelles, 1991, spéc. p. 320. (44) Sur les conditions pour qu'il y ait usage, voy. Cass., 29 mai 1947, Pas., I, 1947, p. 217. (45) En ce sens, J.-P. Buyle, art. cit., spéc. pp. 43 et s.; A. Willems et J.-P. Buyle, «Les usages en droit bancaire», DNOR, 1990-1991, n° 17, p. 73, spéc. p. 82; A. Bruyneel parle, lui, d'une pratique, art. cit., Rev. de la Banque, 1987, n° 6, spéc. p. 32, § 8. A une question parlementaire, le ministre utilise lui les

. termes de« pratique et usage », voy. Questions par­lementaires, Doc., Chambre, 2 juin 1987, question n° 211, p. 2869. La jurisprudence belge, quasi inexistante en la matière, utilise tantôt le terme d'usage : Comm. Bruxelles, 5 nov. 1985, R.D.C.B., 1986, p. 654 et Mons, 3 sept. 1986, R.D.C.B., 1988, p. 717, tantôt le terme de pratique, Mons, 15 oct. 1991, J.T., p. 129.

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1er précité, les dispositions de la L.P.C. rela­tives aux clauses abusives s'appliquent (46).

3° Les droits et obligations des parties doivent présenter un déséquilibre manifeste.

a) Le droit national.

Quel est le contenu de la notion de déséquilibre manifeste ? Quels sont les critères qui permet­tent au juge de conclure au déséquilibre mani­feste entre les droits et obligations des parties ? La question est controversée et la jurisprudence encore trop rare ou trop jeune pour nous gui­der (47).

Selon Dirix ( 48), lequel s'appuie sur les tra­vaux préparatoires de la L.P.C., le juge ne peut appréCier l'équivalence des prestations réci­proques des parties, car cela équivaudrait à un contrôle du contenu interne du contrat. Le désé­quilibre, et son appréciation par le juge, ne concerne que le cadre juridique contractuel.

Concrètement, cela signifie que, pour.détermi­ner s'il y a ou non déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, le juge de­vrait comparer les dispositions contractuelles contestées et le droit supplétif des contrats, qui s'appliquerait, à défaut de telles dispositions, et apprécier, en conséquence, si le consommateur est ou non, de par le jeu des clauses contrac­tuelles dérogatoires à ce droit supplétif, dans une position contractuelle vraiment déraison­nable.

En outre, le droit supplétif des contrats pourrait également servir de « filet de sécurité » lorsque l'annulation de la clause met en péril le con­trat (49).

Cette théorie ne nous convainc pas (50).

On peut tout d'abord y opposer, comme le fait L. Cornelis (51), quelques réflexions substanl tielles. Un équilibre purement juridique entre les droits et obligations des parties ? Juridiquel

(46) Pour autant toutefois qu'il n'y soit pas dérogé par les dispositions relatives aux clauses abusives en matière de crédit à la consommation. Sur les champs d'application respectifs de la L.P.C. et de la L.C.C., voy. C. Biquet Mathieu, «La loi du 12 juin 1991 et les "clauses abusives" en matière de crédit à la consommation», La promotion des intérêts des con­sommateurs au sein d'une économie ·de marché, Commission droit et . vie des affaires, éd. Story­Scientia et Kluwer, 1993, p. 511. (47) Voy., pour des cas d'application de l'article 31 de. la L.P.C. : J.P. Anvers, 27 juill. 1994, R.D.C.B., 1995, p. 325 et note Hans Van Gompel, « Over de toepassing van de artikelen 31-32, W.H.P. »; Trib. Arr. Mons, 26juin1992, J.T., 1993, p. 232. (48) E. Dirix, « Bezwarende bedingen », DNOR, 1992, n° 22, spéc. p. 36. (49) Hans Van Gompel, art. cit., p. 334. (50) En ce sens, voy. L. Comelis, art. cit., pp. 330 et s.; A. De Caluwé, « Clauses abusives, conditions générales de vente et de service, règlement général

. d'opérations bancaires, contrat de prêt hypothécaire et d'assurance », La promotion des intérêts des con­sommateurs au sein d'une économie de marché, Commission droit et vie des affaires, éd. Story­Scientia et Kluwer, 1993, spéc. pp. 468 et s.; M. Bosmans, « Oneerlijke en onrechtmatige bedingen : zijn de artikelen 31 en volgende van de W.P.C. compatibel met E.E.G.-richtlijn 93/13 van 5 april 1993 ? », D.C.C.R., 1994, p. 678 et spéc. pp. 682 et S.

(51) L. Comelis, art. cit., pp. 330 et s.

ment, « tout droit en vaut un autre » (52). Les droits ne reçoivent de valeur - économique -que par les circonstances d~s lesquelles ils naissent ou sont invoqués. La valeur d'un droit est nécessairement liée à la situation concrète du titulaire de ce droit.

Cette théorie voit ensuite dans le droit supplétif des contrats l'équilibre entre les droits et obli­gations des parties. Cette représentation repose sur un postulat de perfectibilité du droit existant des contrats et est, dès lors, porteuse d'un con­servatisme insoutenable à la lumière de la na­ture actuelle - fortement évolutive - d'un tel droit. Dans les contrats de consommation, tout particulièrement, le caractère_ fictif de l' équili­bre civil du droit supplétif des contrats est sou­ligné (53).

Du reste, est-ce bien le rôle du droit supplétif que de servir de substrat objectif de comparai­son ? La thèse du seul contrôle du cadre con­tractuel des droits et obligations des parties ne fait-elle pas, comme- l'écrit L. Cornelis (54), changer de nature ce droit supplétif ?

On peut encore remarquer que la théorie du seul contrôle juridique est une interprétation de la notion de déséquilibre manifeste, qui limite très certainement le pouvoir d'appréciation du juge; Ce dernier ne peut, en effet, contrôler le désé­quilibre« économique » (55) du contrat. Cette interprétation est donc susceptible de réduire la protection éventuelle du consommateur. _

Dès lors; quand bien même cette théorie peut trouver appui sur les travaux préparatoires de la L.P.C., la ratio legis de cette même loi conduit, elle, à la rejeter.

De plus, les termes utilisés par le législateur dans l'article 31 de la L.P.C. sont clairs et ne devraient pas être interprétés (56). La loi parle de « déséquilibre manifeste » sans pour autant le limiter à un déséquilibre « juridique ». Dans ces conditions, le recours aux travaux prépara­toires paraît moins justifié.

Par ailleurs, la référence au droit supplétif des contrats peut parfois être dépourvue d'utilité pratique. Ce « manque de pertinence » ( 57) s'illustre notamment lorsque l'on aborde les -difficiles - rapports entre les articles 31 et 32 de la L.P.C.

Les partisans du seul contrôle juridique, pour justifier le recours au droit supplétif des con- · trats comme critère objectif de référence, dans le cadre de l'article 31 de la L.P.C., soulignent, ainsi, que de nombreuses clauses condamnées par l'article 32 de la L.P.C. sont précisément des clauses dérogatoires à ce droit supplé­tif (58).

Cependant, d'autres clauses, condamnées par l'article 32 de la L.P.C., peuvent être confron­tées au droit supplétif des contrats sans qu'il en ressorte un quelconque caractère « abusif » .. Ainsi, par exemple, une clause pénale parfaite-

(52) L. Comelis, art. cit, op. cit., p. 330. (53) Th. Bourgoignie, « Eléments pour une théorie du droit de la consommation »;Collection« Droit et consommation », Story-Scientia, 1988. (54) L. Comelis, art. cit., op. cit., p. 331. (55) A. De Caluwé, art. cit., p. 469. (56) A. De Caluwé, ibidem. (57) Pour l'expression, L. Comelis, art. cit., ibidem. (58) Hans. Van Gompel; note citée, spéc. p. 334.

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ment indemnitaire, c'est-à-dire qui tend à la réparation du dommage prévisible, n'apparaît pas comme abusive si on la compare au droit supplétif qui s'appliquerait à défaut d'une telle clause, à savoir le principe de la réparation du dommage contractuel prévisible. Pareille clause sera pourtant considérée comme abusive si elle ne répond pas à l'exigence de réciprocité prévue par l'article. 32.15 de la L.P:C.

En outre, le déséquilibre manifeste est souvent considéré comme établi dans l'article 32 de la L.P.C. (59). Ce présupposé qui, d'une part, ex­pliquerait l'absence de pouvoir d'appréciation du juge quant aux clauses énumérées à l'article 32 de la L.P.C. et qui permettrait, d'autre part, de voir dans ces mêmes clauses des illustrations concrètes de l'article 31 de la L.P.C., n'est, en réalité, pas évident, car, d'une part, le juge dispose bien d'un pouvoir d'appréciation dans le cadre de l'article 32, 15, 16, 17 et 21 (60) de la L.P.C. et, d'autre part, les clauses del' article 32 sont d'office nulles, indépendamment des circonstances et sans tenir compte de leur con­texte contractuel (61).

Dans ces conditions, le recours à l' artide 32 de la L.P.C., pour justifier l'interprétation de l'ar­ticle 31 de cette même loi, nous paraît' fragile.

Enfin, la théorie du seul contrôle juridique est susceptible de mener à de sérieuses difficultés d'application, comme en témoigne le jugement du juge de paix du premier canton d'Anvers du 27 juillet 1994 (62) auquel on se référera. La détermination du « droit supplétif des contrats, qui s'appliquerait, à défaut des clauses contrac- -tuelles » est, en réalité, une tâche délicate.

En conséquence, pour apprécier l'existence d'un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, le juge ne peut se borner à comparer, d'une part, le cadre contractuel de ces droits et obligations et, 'd'autre part, le droit .supplétif des contrats; au contraire, le juge pour apprécier l'équivalence des prestations réci­proques des parties, devra nécessairement tenir compte de l'incidence des droits et obligations des parties sur leur situation de fait et, en fonc­tion de celle-là, _çonclure ou non à l'existence d'un déséquilibre manifeste. Il reviendra alors à la jurisprudence de définir les critères de ce dernier; les voies tracées par les concepts d'abus de droit, de bonne foi ou d'équité, ... peuvent servir de guide pour éviter l'insécurité juridique (63).

Une telle interprétation nous paraît, en outre, la seule possible à la lumière du droit communau­taire.

b) Le droit communautaire.

La directive 93/13 du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus

(59) P. Wolfcarius, art. cit., p. 323.

(60) ·M. Bosmans, art. cit., p. 683.

(61) Pour l'argument, voy. L. Comelis, art. cit., spéc. p. 326. (62) J.P. -Anvers, 27 juill. 1994, R.D.C.B., 1995, p. 325 et note citée de H. Van Gompel. (63) Sur cette considération, voy. L. Comeiis, art. cit., op. cit., p. 331.

avec les consommateurs n'a pas encore été transposée formellement en droit belge (64).

Conformément à la doctrine de l'interprétation conforme (65), le droit national doit s'interpré­ter « à la lumière du texte et de la finalité de la directive ... » (66). Cette nécessité d'interpréter le droit national conformément aux directives existe, que le délai de transposition soit ou non écoulé ( 67) et peut, par ailleurs, mener à laisser inappliquée une disposition nationale contraire au droit communautaire (68).

En l'absence de transposition formelle de la directive, il convient donc d'interpréter la no­tion de « déséquilibre manifeste » en tenant compte de la notion de_« déséquilibre significa­tif» de l'article 3 de la directive qui définit la clause abusive comme étant« une clause d'un contrat, n'ayant pas fait l'objet d'une négocia­tion individuelle ( ... )lorsque, en dépit de l'exi­gence de bonne foi, elle crée au détriment· du consommateur un déséquilibre significatif en­tre les droits et obligations des parties ».

Contrairement à la loi belge, le texte commu-. nautaire donne des indications sur les critères du caractère abusif d'une clause et fournit-ainsi les critères d' appr~ciation du déséquilibre si­gnificatif entre les droits et obligations des par­ties.

L'article 4, § 1er, .de la directive indique ainsi que « le caractère abusif d'une clause est ap­précié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du con­trat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend».

Selon nous, cette disposition condamne claire­ment une définition purement juridique du dé­séquilibre.

En effet, la référence à « toutes les circonstan- -ces qui entourent la conclusion du contrat » démontre que, pour apprécier si une clause est abusive·, et crée donc un déséquilibre significa­tif entre les droits et obligations des parties, le juge doit obligatoirement tenir compte de la situation concrète des parties à ce moment.

Or, les circonstances de fait dans lesquelles les droits naissent (ou sont invoqués) déterminent précisément la valeur - économique - des droits.

Le juge, obligé de prendre en considération les circonstances de fait, se prononce, dès lors, nécessairement sur un déséquilibre « écono­mique » du contrat.

(64) La question de savoir si la loi du 14 juillet 1991 sur L.P.C. réalise à- suffisance les objectifs de la directive communautaire du 5 avril 1993 n'est pas abordée ici. Notons d'ailleurs, que la L.P.C. a tenu compte du contenu du travail communautaire en cours lors de son élaboration. (65) J.-V. Louis, «L'ordre juridique communau­taire », Commission des Communautés européennes, Collection . « Perspectives européennes », 6e éd., p. 150. (66) Arrêt du 10 avril 1984, aff. n° 14/83, von Colson et Kamann, Rec., p. 1891. (67) J.-V. Louis, op. cit., p. 150 et réf. citées. (68) Arrêt du 13 novembre 1990, aff. n° C-106/89, Marleasing, Rec., 1990, p. 1-4135.

La thèse du seul contrôle juridique est d'ail-­leurs impossible à appliquer en droit commu­nautaire.

L'article 4, § 2, de la directive dispose égale­ment que « l'appréciation du caractère abusif d'une clause ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat, ni sur l'adéquation entre le prix et la rémunération, d'une part, et les set'Vices ou les biens à fournir en contrepar­tie, d'autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de manière claire et compréhen­sible ».

De prime abord, cette disposition paraît en con­tradiction avec notre interprétation de l'article 4, § 1er.

Il nous faut cependant constater que l'article 4, § 2, in fine, nuance déjà sensiblement l'inter­diction posée par le début de ce paragraphe dès lors que la clause n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible. Pour de telles clauses, rien ne fait obstacle à ce que le juge appréèie l'adéquation entre le prix et le bien/le service. Ce faisant, il se livre bien à un contrôle de l'équivalence - économique - des presta­tions des parties.

En outre, la deuxième phrase du dix-neuvième considérant de la directive prévoit que « -1' objet principal du contrat et le rapport qualité/prix peuvent, néanmoins, être pris en considération dans l'appréciation du caractère abusif d'autres clauses ... ».

Ce considérant nuance lui aussi l'interdiction posée par le début de l'article 4, § 2, de la directive. L'équivalence des prestations princi­pales constitue donc bien un élément à prendre en considération dans l'appréciation des clau­ses accessoires.

Interpréter la notion de déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties comme visant uniquement le déséquilibre « ju­ridique »est donc contraire à la-directive et de surcroît, moins protecteur du consommateur que la notion de déséquilibre significatif de la directive. ·

Au contraire, une définition de ce déséquilibre, qui permette au juge d'apprécier l'équivalence des prestations réciproques des parties, peut être plus protectrice du consommateur puis­qu'elle permet, par exemple, d'apprécier le rap­port prix - produit ou rémunération - /presta­tion.

Cette dernière constatation n'est certainement pas un obstacle à l'adoption de cette dernière définition puisque l'article 8 de la directive dispose que « les Etats peuvent adopter ou maintenir, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes_, compa­tibles avec le traité, pour assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur ».

4° La clause ou condition doit créer un désé­quilibre manifeste entre les droits et obliga­tions des parties.

Le déséquilibre manifeste doit être la consé­quence de la clause, analysée isolément ou combinée aux autres clauses du contrat (69).

(69) L. Comelis, « Rechterlijke toetsing van on­rechtmatige bedingen », Liber amicorum Paul De . Vroede, Kluwer, 1994, p. 311 et spéc. p. 330, n° 13.

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5° Le déséquilibre doit être manifeste.

Référence est ici faite à la technique du contrôle marginal et non à une caractéristique propre du déséquilibre (70).

Le déséquilibre doit être manifeste en ce sens qu'il ne peut être constaté par le juge que si tout « juge » prudent et diligent, darîs les mêmes circonstances, aboutirait à une telle conclu­sion (71).

1.4. - La, clause « date de valeur » est-elle abusive ?

1° Préliminaires.

Appliquer le droit est un exercice périlleux ... Les réflexions qui suivent ont pour seule ambi­tion. de nourrir la discussion qu'il nous semble indispensable de lancer à propos des dates de valeur en Belgique.

Il n'est guère contesté que le régime des dates de valeur semble créer un déséquilibre entre les droits et obligations des parties. En effet, en cas de débit, l'obligation du client de payer un inté­rêt est augmentée, par les dates de valeur, au profit du banquier; pour les crédits, le droit du client aux intérêts est, au contraire, diminué, mais toujours, au profit du banquier. La pra­tique aboutit donc, dans tous les cas, à favoriser la banque (72).

Ce déséquilibre apparaît comme manifeste lorsque des intérêts sont perçus sur un compte créditeur en capital, mais débiteur en valeur. Non seulement, le banquier augmente les inté­rêts débiteurs, mais il évite de payer, par le jeu des valeurs, des intérêts créditeurs. On lira, à ce sujet, l'avis de l'ombudsman des banques n° 93.199 (73) qui, sans prendre position sur la question, émet de sérieuses réserves : « on comprend que le consommateur conteste ce système (celui des dates de valeur), surtout dans les applications extrêmes, notamment quand des intérêts débiteurs sont prélevés mal­gré le fait que le solde comptable reste posi­tif ».

Il nous faut toutefois approfondir l'analyse pour tenir compte de l'ensemble des droits et obligations des parties et ce, en considération de la situation de fait de ces dernières.

Et précisément, les banques avancent diffé­rentes justifications à cet avantage que leur pro­cure le système des dates de valeur.

Il n'est pas inutile, pour la clarté del' exposé, de reprendre ici la distinction opérée par la Cour de cassation de France.

2° Les remises de chèques à l'encaissement (et autres titres de créance).

Selon les banques, les dates de valeur sont d'abord justifiées, pour de tels titres, par les délais techniques nécessaires au recouvrement. La détermination de la date réelle de recouvre-

(70) L. Comelis, art. cit., spéc. p. 332. (71) E. Dirix, art. cit., spéc. p. 36. (72) Pour une telle argumentation et appréciation, voy. J.-P. Buyle, art. cit., spéc. p. 52. (73) Avis n° 93.199,Avis de l'ombudsman, Associa­tion belge des banques, 1er sept. 1992 au 31 août 1993, p. 313.

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ment est cependant impossible de sorte que les banques fixent des délais forfaitaires (74). On peut accepter une telle explication, sous certaines réserves toutefois. Il faut d'abord que la durée réelle de~ dates de valeur appliquées corresponde exactement à ces délais forfaitaires de recouvrement fixés par les banques. Notons, à ce sujet, que les plaintes adressées à l'ombudsman font parfois état d'erreurs commises par la banque dans l'application des dates de valeur (75). · Il faut ensuite que les délais forfaitaires de re-· couvrement, fixés par la banque, soient nor­maux (76), c'est-à-dire représentent bien le temps forfaitaire de recouvrement, èompte tenu des moyens techniques actuels de circulation de l'argent. . Enfin, le client doit être informé (77), dès avant la conclusion du contrat, des dates de valeur et de leur amplitude. Selon les banques, les dates de valeur se justi­fient également, pour de tels titres, par certains services qu'elles offrent au client. La problé­matique étant la même pour les chèques, d'une part, et pour les remises liquides et retraits, d'autre part, nous examinerons cet argument ci­après.

3° Les remises liquides et les retraits.

Pour de telles opérations, les banques ne peu­vent plus invoquer le délai de recouvrement. Les fonds sont déposés sur le compte; une somme est retirée du compte. Les banques argumentent dans ce cas que l'avantage que leur procure les dates de valeur, est, en réalité, compensé, d'une part, par les contraintes qu'elles supportent et, d'autre part, par les services offerts au client (78).

a) Les contraintes.

Pour les remises liquides, la valeur positive · serait justifiée par l'impossibilité pour la ban­que de placer immédiatement les fonds remis et donc de payer, de suite, un intérêt au client (79).

(74) J. Stoufflet, art. cit., J.C.P., II, n° 22062, spéc. p. 214. (75) Nous avons pu relever, parmi douze avis de l'ombudsman ayant trait d'une manière ou d'une autre aux dates de valeur, quatre cas où la banque avait commis l'une ou l'autre erreur. Les avis réper­toriés sont les suivan.ts : avis n° 92.294 : erreur, avis n° 93.199 : application correcte du système, mais suite au préjudic.e subi par le client, la banque accorde un remboursement, A vis de l'ombudsman, 1er sept. 1992 au 31août1993, Association belge des banques, respectivement, pp. 66 et 313; avis n° 93.340, p. 105 : erreur, avis n° 94.086, p. 208 : erreurs, avis n° 94.262, p. 334 : erreur, avis n° 94.263, p. 335: erreur, Avis de l'ombudsman, As­sociation belge des banques, ·1er sept. au 31 déc. 1994. (76) J. Stoufflet, art. cit., J.C.P., 1993, II, n° 22062, pp. 214 et S.

(77) Voy. C. Mouly, art. cit., qui considère que la critique se situe mieux sur le terrain de l'information. (78) Pour les justifications avancées par les banques, voy.T-L. Guillot, art. cit., séminaire de Lyon, p. 11; pour un bref aperçu économique de la situation, voy. P. Simon,« Les dates de valeur», op. cit., séminaire de Lyon, p. 25. (79) Ch. Galvada, art. cit., D., 1995, n° 15, spéc. p. 230.

Pour les retraits, la valeur négative s'explique­rait par la nécessité de conserver des liquidités en caisse pour faire face aux retraits des clients (80).

Il s'agit là de « contreparties ponctuelles » aux dates de valeur. C~s justifications économiques ne sont pas à l'abri de toute critique.

Il faut d'abord insister sur ce que l'accélération des procédés techniques de traitement des opé­rations réduit de plus en plus le temps réel d'indisponibilité des fonds (81).

La cour d'appel d'Aix a ainsi considéré, dans son arrêt du 17 décembre 1986 (82), que « la pratique des jours de valeur qui se concevait et se justifiait dans une certaine mesure dans le passé par des difficultés de comptabilisation et de transmission n'a plus sa raison d'être depuis l'avènement de l'informatique ».

Il ne faut ensuite accepter une telle justification qu'à la condition, œune part, que la date de valeur corresponde exactement à ce délai -forfaitaire - d'indisponibilité et que, d'autre part, ce délai soit normal, ce qui ne semble pas toujours le cas.

En outre, les banques devraient logiquement pratiquer le même délai, et donc la même date de valeur, pour les mouvements d'espèces de crédit ou de débit. En effet, les délais d'indispo­nibilité étant forfaitaires, on ne comprend pas pourquoi les dates de valeur sont généralement plus longues pour les débits que pour les cré­dits.

Enfin, en France, il apparaît que, depuis le 26 janvier 1991, la moyenne quotidienne des en­caisses de billets et de monnaies est comprise dans le montant des réserves obligatoires à constituer, sans que ledit montant ait été changé (83). Dans ces conditions, il n'est plus écono­miquement justifié d'expliquer les dates de va-: leur par des contraintes de disponibilité qui rendent les fonds improductifs. Il s'agit, en réa­lité, d'une argumentation artificielle.

Et Michel Castel conclut « qu'il eût été, dès lors, économiquement justifié, sinon habile, de supprimer les jours de valeur afférents aux mouvements sur les espèces » (84).

En Belgique, certes, il n'y a pas encore de réserves obligatoires à constituer. Il n'empêche que l'exemple français permet de comprendre toute l' artificialité de cet aspect du discours économique.

Au vu de l'expérience française et des constata­tions exposées ci-dessus, à savoir que les délais techniques actuels sont, en réalité, très brefs, que cependant les délais forfaitaires fixés ne leur correspondent pas systématiquement, que la même observation vaut pour les dates de valeur, et que de tels délais forfaitaires ne sont pas toujours normaux et, qu'enfin, ils diffèrent selon que l'opération est un crédit ou un débit, nous estimons quel' argument de l'indisponibi-

(80) Ch. Galcada, ibidem.

(81) Voy. R. D'Ornano, art. cit., Gaz. Pal., 1989, doc., p. 477. ·

(82) Aix, 17 déc. 1986, J.C.P., II, 1987, n° 20795, obs. J. Stoufflet. (83) M. Castel, « Quelques aspects économiques des jours (ou dates) de valeur», Les dates de valeur ont­elles un avenir ? op. cit., p. 29, spéc. p. 32. (84) M. Castel, ibidem.

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lité est artificiel ou, à tout le moins, seulement très partiellement explicatif du phénomène.

En réalité, il est souvent dit que les dates de valeur rémunèrent moins une indisponibilité qu'une prestation de services (85).

b) Les services.

Les dates de valeur rémunèreraient différents . services bancaires, comme les écritures au gui­

chet, les opérations de caisse, les virements, la conservation de l'argent, la gestion des moyens de paiement, ...

Peut-on accepter une telle argumentation ? Di­vers éléments doivent être pris en considéra­tion.

P. WolfCarius (86) écrit, à propos de l'article 31 de la L.P.C. que« le juge (appréciant l'en­semble des circonstances ayant abouti à la con­clusion du contrat) se basera notamment sur les principes de bonne foi, d'opposabilité des con­ditions contractuelles, d'exploitation de la si­tuation de faiblesse de l'une des parties ».

b) 1. Le principe de bonne foi.

Les critères de la bonne foi devant nous guider dans l'appréciation du caractère abusif d'une clause, on peut se demander s'il n'est pas con­traire à la bonne foi, pour le banquier, de faire rémunérer ces services par un intérêt et ce, pour deux raisons.

D'abord, « un intérêt ·n'est que la rémunéra­tion de la mise à disposition temporaire d'une somme d'argent » (87). Il est, dès lors, con­traire à la bonne foi de s'en servir pour rémuné­rer un service. Cet intérêt est, en réalité, une rémunération déguisée qui cdntrevient, selon nous; à la transparence qui doit guider les rela­tions banques-clients.

Ensuite, bon nombre de ces services, comme les virements ou la gestion de compte, font déjà l'objet, dans certaines banques, d'une rémuné­ration. Il est, selon nous, contrarre à la bonne foi, pour le banquier, d'invoquer de tels ser­vices pour justifier les dates de valeur. Au nom d'un principe de correspondance, le banquier, désireux d'augmenter sa rémunération, ne peut le faire de manière détournée, en l'espèce, par

. la pratique des dates de valeur.

-La Bundesgerichtschof, dans son arrêt du 17 février 1989 (88), a précisément remis en cause les dates de valeur sur base de la notion de clause abusive, au motif, d'une part, que la clause « date de valeur» contrevient au prin­cipe de transparence, imposé par la bonne foi et, d'autre part, que la clause est déraisonnable et, à nouveau, contraire à la bonne foi, notam-. ment parce qu'il n'appartient pas à la banque de couvrir les coûts afférents au compte par la perception de pareils intérêts.

Cette obligation de bonne foi du banquier doit d'ailleurs maintenant être appréciée à la lu­mière de la situation de fait du consommateur face à la clause « date de valeur.».

(85) Voy. notam., M. Castel, ibidem; J.-P. Buyle, art. cit., spéc. p. 42.

(86) P. Wolfcarius, art. cit., p. 320.

(87) P. Ancel, art. cit., p. 17.

(88) Pour un exposé en français de la jurisprudence allemande, C. Witz, art. cit., p. 59, spéc. p. 63, der­nière phrase; M. Dusseaux, art. cit., Rev. dr. banc. et de la bourse, 1990, n° 18, p. 77.

b) 2. La situation du consommateur.

La situation du consommateur peut être carac­térisée par les éléments suivants :

- La nature des services offerts au consom­mateur.

Il s'agit de services financiers, c'est-à-dire de services qui, d'une part, sont très complexes et qui, d'autre part, comportent un réel danger pour le consommateur, en ce qu'ils peuvent mener au surendettement. Il n'est plus néces­saire de rappeler ici les besoins de protection du consommateur dans ce domaine (89).

Il s·· ensuit que, pour l'appréciation du caractère abusif de la clause « date de valeur », la vigi­lance s'impose afin d'éviter que le consomma­teur ne soit surpris par leur application.

- Les circonstances entourant la conclusion du contrat.

- La nature du contrat.

Le contrat qui lie le consommateur et le ban­quier est un contrat d'adhésion, c'est-à-dire un contrat face auquel le consommateur n'a aucun pouvoir de négociation des clauses. Il ne peut qu'accepter ou refuser de contracter. S'il ac­cepte, il adhère au règlement général des opé­rations comprenant les conditions générales applicables à la convention de compte. Le con­sommateur, placé de ce fait en situation d'infé­riorité, se voit imposer les dates de valeur.

- La présentation des conditions générales de banque.

On signalera notamment, la longueur des textes - parfois - remis aux consommateurs, le peu de lisibilité de ceux-ci résultant de la structure des règlements, la formulation confuse des clauses, le caractère sibyllin de certaines clau­ses (90), ...

- Les circonstances particulières de conclu­sion du contrat.

Il faut constater le manque d'information du consommateur sur la pratique assez complexe des dates de valeur. Nous reviendrons ultérieu­rement sur le problème de l'information du consommateur.

- La situation économique du consommateur isolé.

Le poids économique du consommateur isolé, face à une banque, est nul. Au contraire des grandes entreprises, le consommateur ne peut négocier les dates de valeur.

- Les autres clauses du contrat.

Selon une étude récente sur les clauses abusives dans les contrats de gestion de comptes cou­rants et de.prêt personnel à tempérament (91),

(89) Voy. F. Domont-Naert, «La protection du con­sommateur défavorisé dans le domaine du crédit »,

.Ann. dr. Louvain, 1992, p. 205.

(90) M. V an Huffel et M. Goyens, « Etude sur les clauses abusives dans les contrats de gestion de comptes courants bancaires et de prêt à tempéra­ment», C.D.C., juin 1994, U.C.L., spéc. pp. 22 et s .. (91) M. Van Huffel et M. Goyens, «Etude sur les clauses abusives dans les contrats de gestion de comptes courants bâncaires et de prêt à tempéra­ment», C.D.C., juin 1994, U.C.L., p. 28. Un tiers du

« il est frappant de constater la présence quasi­systématique de clauses abusives dans les contrats proposés par les établissements ban­caires ». Il apparaît que le secteur bancaire ap­plique ses conditions générales sans tenir compte des nouvelles législations en matière de clauses abusives. J.-L. Fagnart (92) s'interroge également sur les conséquences de l 'interdic­tion, par l'article 32 de la L.P.C., du nombre de clauses fréquentes dans les contrats bancaires.

1.5. - Conclusions sur le caractère abusif des dates de valeur

Comme nous venons de le démontrer, le régime des dates de valeur semble bien créer un désé­quilibre entre les droits et obligations des par­ties, car il avantage, dans tous les cas, le ban­quier, et parfois de façon manifeste.

Une distinction doit néanmoins être faite.

Pour les remises de chèques à l'encaissement (et autres titres de créance), le régime des dates de valeur est acceptable, car il se justifie par les délais nécessaires au recouvrement, mais à con­dition que le régime respecte les trois réserves émises ci-dessus concernant la durée réelle des dates de valeur appliquées, le caractère normal des délais forfaitaires fixés et l'information préalable du consommateur.

Au contraire, pour les remises liquides et les retraits, le déséquilibre se vérifie pour la raison, - que les contraintes de disponibilité invo­quées par les banques sont artificielles et ne peuvent, dès lors, servir de justification à 1' avantage que les banques tirent du système des dates de valeur; - qu'il est contraire à la bonne foi pour la banque de faire rémunérer des services par un intérêt et ce, notamment, au vu de la situation de fait du consommateur laquelle commande un strict respect de cette obligation de bonne foi; - et que, dès lors, la banque ne peut invoquer de tels services pour justifier l'avantage que lui procure le régime des dates de valeur.

Ce déséquilibre est alors manifeste dans les applications extrêmes des dates de valeur et notamment, lorsque des intérêts débiteurs sont perçus sur un compte créditeur en capital.

Nous pouvons donc conclure que, dans de telles situations, la clause « date de valeur » est abu­sive.

2. - L'article 32 de la L.P.C.

L'article 32 de la L.P.C. contient une liste limi­tative (93) de clauses abusives, qui sont nulles

secteur bancaire belge a partiCipé à l'étude. La pré­sence de clauses abusives dans les conditions de banque est systématique et touche tant la conclusion· ou l'exécution que la fin du contrat, l'accès à la justice ou la preuve. (92) J.-L. Fagnart, «Les consommàteurs et la ban­que »i Liber amicorum Paul de Vroede, Kluwer, 1994, p. 749, spéc. p. 759.

193) Contrairement à l'annexe de la directive du 5 avril 1993 qui contient une liste indicative de clauses pouvant être considérées comme abusives (art. 3,

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de plein droit (art. 33, § 2~ de la Ll.P.C.). Le pouvoir d'appréciation du juge est restreint; il ne peut que vérifier si la clause litigieuse cor­respond à l'une des clauses visées par l'article 32 de la L.P.C. et si tel est le cas, il doit pronon­cer la nullité qu'il peut, par ailleurs, également soulever d'office. Il s'agirait, en effet, d'une nullité absolue (94).

Aucune des clauses énumérées à l'article 32 de la L.P.C. ne vise expressément les dates de valeur; cependant, l'une de ces clauses, à savoir celle de l'article 32.8 de la L.P.C., retient notre attention (95).

L'article 32.8 de la L.P.C. dispose que sont abusives les clauses « qui ont pour objet d' obli­ger le consommateur à exécuter ses obligations alors que le vendeur n'aurait pas exécuté les siennes ou serait en défaut d'exécuter les siennes ».

Cette disposition ne vise-t-elle pas un cas d'ap­plication du régime des dates de valeur ?

Supposons un compte au solde créditeur de 1.000 F. Le 10 mai, le client effectue un retrait de 2.000 F, enregistré en valeur le 8 mai. Du 8 au 10 mai, le banquier n'exécute pas son obli­gation de payer un intérêt créditeur tandis que le consommateur est obligé de payer: un intérêt débiteur.

Bien que l'article 32.8 de la L.P.C. ait été intro­duit dans la loi en vue d'empêcher le consom­mateur de renoncer à l'exception d'inexécution (96), il nous semble· que rien n'interdirait au juge d'utiliser cette disposition pour sanction­ner certains cas d'application des dates de va­leur.

3. - Les articles 28 à 33 de la loi du 12 juin 1991

relative au crédit à la consommation (97)

Il se peut que le système des dates de valeur soit appliqué dans le cadre de « contrats de crédit conclus avec un consommateur ... »(art. 2 de la L.C.C.).

Confrontées aux dispositions traitant des clau­se.s abusives dans de tels contrats, à savoir les articles 28 à 33 de la loi (98), les dates de valeur ne posent, à première vue, pas de problèmè particulier étant donné qu'aucune des clauses visées par ces dispositions ne les concerne.

§ 3). Notons parmi celles-ci, les clauses visées à l'article 1er, b) et qui ont pour objet ou pour effet « d'exclure ou de limiter de façon inappropriée les droits légaux du consommateur vis-à-vis du profes­sionnel ou d'une autre partie en cas de non-exécution totale ou partielle ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une quelconque de ses obligations contractuelles, y compris la possibilité de compenser une dette envers le professionnel avec une créance qu'il aurait contre lui ». Cette disposition étant très ~arge, elle pourrait couvrir certains cas d'application du régime des dates de valeur. (94) P. Wolfcarius, art. cit., p. 323.

(95) Voy. J.-P. Buyle, art. cit., p. 53. (96) Marc Bosmans, art. cit., p. 685. (97) Ci-après, L.C.C.

(98) Notons que les articles 28 et 33 (sous-section 5) de la loi ne concernent pas tous, à proprement parler, des clauses abusives et que, par ailleurs, d'autres dispositions de la loi, bien que ne figurant pas dans la section 5, concernent des clauses abusives.

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L'article 28 de la L.C.C. dispose cependant que <« l'intérêt de retard convenu ne peut dépasser la moyenne entre le taux d'intérêt légal et le

- taux arinuel effectif global convenu ».

Nous verrons ultérieurement que-les- dates de valeur interviennent dans la détermination du taux annuel effectif global. La pratique des dates de valeur joue donc un rôle ici dans la détermination du caractère abusif d'une autre clause du contrat de crédit à la consommation, à savoir celle fixant des intérêts de retard.

B. - Les dates de valeur et le taux annuel effectif global (99) _

Le taux annuel effectif global est, au terme de _ l' artide 1er, 6°, de la loi relative au crédit à la

consommation « le coût total du erédit au con­sommateur exprimé en po~rcentage annuel du montant du crédit consenti, calculé sur base des éléments indiqués par le Roi et selon le mode qu' Il détermine ».

L'article 21, § 1er, de la même loi, poursuit « le Roi fixe, au minimum tous les six mois, le taux annuel effectif global maximum, en fonction du type, du montant et de la durée du crédit ».

De plus, l'article 3 de la loi du 14 juillet 1991 dispose que « le prix ou tarif indiqué doit être le· prix ou tarif global à payer par le consomma­teur, en ce compris la taxe sur la valeur ajoutée, toutes les autres taxes, ainsi que le coût de tous les services à payer obligatoirement en supplé­ment par le consommateur ».

De la combinaison de ces dispositions, il ressort que les dates de valeur doivent intervenir dans le calcul du taux annuel effectif global.

Or, l'article 87, . 1 °, de la loi relative au crédit à la consommation sanctionne le dépassement du taux maximum fixé par le Roi, par la réduction de plein droit des obligations du consomma­teur, au prix au comptantdu bien ou du service, ou au montant emprunté.

Cette disposition permet donc une sanction non spécifique et indirecte des dates de valeur pour autant que l'on se situe dans le champ d'appli­cation de la L.C.C.

C. - Les dates de valeur, l'information du consommateur

et l'indication des prix

1. - L'article 30 de la loi du 14 juillet 1991 et l'article 11 de la loi relative au crédit à la consommation (100).

« Au plus tard au moment de la conclusion de la vente, le vendeur doit apporter de bonne foi au consommateur les informations correctes et utiles relatives aux caractéristiques dU produit ou du service et aux conditions de vente, compte tenu du besoin d'information exprimé par le consommateur et compte tenu de l'usage

(99) J.-P. Buyle, art. cit., p. 57 et R. D'Ornano, art. cit., Gaz .. Pal., 1989, doc., p. 477. (100) L. Van Bunnen, «Le devoir d'information et de conseil du vendeur et du donneur de crédit», La, promotion des· intérêts des consommateurs au sein d'une économie de marché, Commission droit et vie des affaires, p. 424.

déclaré par le consommateur ou raisonnable­ment prévisible » (art. 30 de la L.P.C.).

En sus de cette obligation générale d'informa­tion pesant sur le vendeur, la loi du 12 juin 1991 fait peser sur le. prêteur une obligation spéci­fique d'information. L'article U de cette loi stipule que « le prêteur ou l'intermédiaire de crédit sont tenus 1° de donner au consomma­teur toute information nécessaire, de façon exacte et complète, concernant le contrat de crédit envisagé ... ».

Cette dernière disposition nous éclaire déjà sur un point. Dès lors qu'il s'agit d'un crédit à la consommation et relativement à ce contrat, la restriction contenue dans l'article 30 de la loi du 14 juillet 1991, à savoir « compte tenu des besoins exprimés par le consommateur » ne joue plus. En effet, elle n'est pas reprise dans l'article 11 précité. Il en découle que, dès lors qu'un ·tel contrat est en cause, le prêteur doit d'office donner toutes les informations· néces­saires au consommateur.

La question qui se pose ensuite est de savoir si l'information donnée au consommateur doit porter sur les dates de valeur. On pourrait, en effet, considérer qu'il s'agit d'une clause acces­soire, d'un détail au sujet duquel le consomma­teur ne doit pas être informé. Cette conception semble inexacte ou, à tout le moins, dépassée. Il convient à ce stade de se référer à la législation sur l'indication des prix.

2. - L'indication des prix.

L'article 6 de la loi de la L.P.C. dispose que « pour les produits et services ou catégories de produits ou services qu' Il détermine, le Roi peut prescrire des modalités particulières de l'indication des prix et des annonces de réduc­tion et de comparaison de prix ».

Sur base de ce texte légal, l'arrêté royal du 23 mars 1995 relatif à l'indication des tarifs des services financiers homogènes (101), non en­core entré en vigueur au jour de la rédaction du présent article et visant « à fixer les modalités de l'indication du prix des services financiers homogènes ... », prévoit une certaine normali­sation dans la présentation du tarif des services de base les plus couramment utilisés (102).

L'article 6 du texte royal prévoit que « l' indica­tion des tarifs des services financiers homo­gènes offerts par le vendeur doit s'effectuer selon le modèle figurant à l'annexe du présent arrêté. Ce modèle est obligatoire pour ce qui concerne les éléments d'information sur ces services, la dénomination des services visés, et l'ordre de présentation de ces éléments ».

Et précisément, les points I (compte à vue) et II (dépôt d'épargne) de l'annexe contiennent cha- -cun une rubrique (5 et 3) consacrée aux dates de valeur pour les versements et les retraits.

(101) M.B., 26 avril 1995, n° 11022. Voy. aussi, avant l'arrêté royal, l'avis du Conseil de la consom­mation sur le projet d'arrêté royal relatif à l'indica­tion des tarifs des services financiers du 2 juillet 1993, n° C.C 120, Rapport d'activité du conseil de la consommation en 1993, ministère des Affaires économiques, Bruxelles, 1994, p. 51; pour un com­mentaire de l'arrêté, voy. B. De Nayer, «L'arrêté royal relatif à l'indication des tarifs des services financiers homogènes », à paraître dans D.C.C.R., 1995. (102) Rapport au Roi, ibidem.

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Dès lors que la date de valeur est, pour les comptes et opérations visés ci-dessus, un élé­ment obligatoire de l'indication - contrai­gnante - des prix, on ne peut que conclure que l'information du consommateur doit porter, à tout le moins dans les mêmes limites, sur les dates de valeur appliquées par la banque:

Notons d'ailleurs que la proposition de direc~ tive du 18 novembre 1994 concernant les vire­ments transfrontaliers (103) a déjà prévu, en matière d'information préalable à un virement ( transfrontalier) réalisé ou reçu, que « l'établis­sement fournit à ses clients des informations écrites précises sur· les services qu'il fournit pour effectuer ou recevoir des virements. Ces informations doivent comporter au moins ... la date de valeur, s'il en existe une, appliquée par l'établissement (art. 3) ».

Dans cette optique, la directive incite à une généralisation del' obligation d'information sur les dates de valeur, non seulement, quant aux comptes et les opérations visés, mais aussi, re­lativement aux destinataires de cette informa­tion, à savoir plus seulement les consomma­teurs, mais, de manière indifférenciée, tous les clients.

. 3. - L'obligation d'information et la pratique bancaire.

Pour « informer » le consommateur des dates de valeur, le banquier se borne le plus souvent à lui remettre, lors de l'ouverture du compte, le règlement général des opérations, dans lequel le système des dates de valeur est généralement prévu (104).

Par une telle pratique, le banquier satisfait-il à son obligation d'information du consomma­teur ? Nous ne le pensons pas (105). Cette fa­çon de procéder est insuffisante ou, à tout ly moins, le sera, dès l'entrée en vigueur de l'ar­rêté précité du 23 mars 1995, prévue pour le 1er octobre i995 (106).

Comme nous l'avons vu, l'article 6 précité de l'arrêté royal implique, en effet, que l'informa­tion soit donnée conformément à un modèle qui est obligatoire, non seulement pour les élé­ments d'information sur les services financiers ainsi que l'ordre de présentation de ces élé­ments, mais aussi pour la dénomination des services.

C'est le principe de l'information normalisée, en vue notamment de faciliter la comparaison des tarifs (107).

(103) Proposition de directive concernant les vi­rements transfrontaliers, J.O. C.E., 17 déc. 1994, n° C 360/13; voy. aussi, avant la directive, la Re­commandation de la Commission du 14 février 1990 concernant la transparence des conditions de banque applicables aux transactions financières transfron­tières, J.O.C.E., 15 mars 1990, n° L 67/39; sur le sujet, voy. Les consommateurs et l'Europe des ser­vices financiers, Bruylant, Bruxelles, 1992.

(104) J.-P. Buyle, art. cit., p. 55. (105) Plus mitigé, mais avant l'arrêté, voy. J.-P. Buyle, art. cit., p. 55. (106) A l'exception de l'article 5 de l'arrêté concer­nant l'information liée aux techniques modernes qui entrera en vigueur le 1er avril 1996. Les banques disposent donc d'un délai de six mois pour mettre en application 1' arrêté sauf pour les techniques mo­dernes pour lesquelles le délai est d'un an. ( 107) Rapport au Roi, M.B., 26 avril 1995, n° 11022.

La normalisation obligatoire porte non sur l'or~ dre de présentation des services, mais sur l'or­·dre de présentation des éléments d'information, àl'intérieur des différents services (108). Par exemple, en matière de dates de valeur, l'infor-

- mation doit se trouver, pour les comptes à vue et les dépôts d'épargne, respectivement dans les « rubriques » 5 et 3 (109), lesquelles ru­briques doivent obligatoirement figurer après et avant d'autres postes d'information.

Il en résulte que la simple remise du règlement général des opérations, à moins qu'il soit pro­fondément remanié, n'est plus un procédé qui réalise adéquatement l'information du consom­mateur.

En outre, « le tarif d'un service doit être daté et mis à jour. Lorsque la mise à jour n'a pu être effectuée immédiatement, le vendeur doit atti­rer l'attention du consommateur sur la néces­sité de s'informer » (art. 2).

C'est le principe d'une information actuelle.

Une obligation positive, au contenu plus lourd qu'une simple remise de document au consom­mateur, pèse donc sur le banquier. Si les dates de valeur ne sont, par exemple, plus à jour dans le document imprimé, que le banquier remet au consommateur, le banquier devra attirer l'at­tention de ce dernier sur ce point.

Quant au principe de l'accessibilité directe de l'information, l'article '1er de l'arrêté prévoit que « ... le consommateur doit pouvoir consul­ter les tarifs (des) service( s) immédiatement et de manière permanente à un endroit apparent et nettement visible pour lui dans l'établisse­ment...».

A cet égard également, la simple remise du règlement général des opérations est insuffi­sante.

Ensuite, d'une façon plus générale, l'informa­tion au consommateur sur les tarifs des services doit se faire « par écrit, d'une manière lisible et non équivoque »(art. 2 de la L.P.C.). On peut, à cet égard, se demander si le règlement général des opérations des banques est, en ce qui con­cerne la pratique des dates de valeur, toujours non équivoque.

Enfin, la directive du 5 avril 1993 sur les clau­ses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs insiste également, mais à un autre niveau, sur l'aspect« présentation » lors­que l'article 5 de celle-ci stipule que « . . . les clauses doivent toujours être rédigées de ma­nière claire et compréhensible... ».

4. - Les sanctions de l'obligation d'informa­tion.

«En cas de doute sur_ le sens d'une clause, l'interprétation la plus favorable au consomma­teur prévaut » (art. 5 de la directive du 5 avril 1993).

L'interprétation peut toujours constituer une sanction de l'obligation d'information.

Plus spécifiquement cependant, l'obligation de rens_eignement est sanctionnée, dans la L.P.C., par la cessation (art. 95), l'éventuelle publica­tion d'une décision de condamnation (art. 99),

(108) Rapport au Roi, ibidem. (109) C'est nous qui appelons les différents points obligatoires d'information des «rubriques ».

voire même, en cas de mauvaise foi, par des sanctions pénales-(art. 103) (110).

Plus utilement, l'obligation de renseignement peut aussi être sanctionnée par le recours à la théorie des vices de consentement, de la culpa in contrahendo ( 111) et celle de la bonne foi dans l'exécution du contrat. On peut aboutir, par là, à une réduction de l'obligation du titu­laire du compte de .payer les intérêts (112), voire même à des dommages et intérêts plus élevés que ces derniers, en cas de préjudi­ce.

Enfin, l'article 92 de la loi relative au crédit à la consommation permet au juge de réduire les obligations du consommateur jusqu'au mon­tant emprunté lorsque le prêteur n'a pas res­pecté son obligation d'information.

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IV. - LES j~~'.E~ DE VALEUR _ ET L~ PR~':f:Ef:TION

DE LA CONCURRENŒ-:ECONOMIQUE

Existe-t-il sur le marché belge (113) une pra­tique concertée des banques, en matière de dates de valeur ? Il faut, en effet, savoir que presque toutes les banques (114) opérant en Belgique appliquent le système.

Notre loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique (115), entréé en vi­gueur le 5 avril 1993, s'inspire très clairement du droit communautaire (116). Il n'est, dès lors, pas inutile de se référer, en guise de préli­minaires, à ce droit communautaire de la con­currence.

A. - Aperçu de droit communautaire

--Les activités bancaires sont soumises au droit communautaire de la libre concurrence (117). Il en résulte que toute entente en cette matière, d'une part, relève de l'article 85 du Traité et, d'autre part, doit être notifiée selon la procé­dure prévue par le règlement n° 17 du Con­seil (118).

(110) L. Van Bunnen, art. cit., p. 433. (111) F. Domont-Naert, art. cit., p. 215. (112) J.-P. Buyle, art. cit., p. 56. (113) Ou sur une partie substantielle de celui-ci. (114) A l'exception, par exemple, de la Banque . d' Argenta d'Epargne, de la Citibank ou de la Banque commerciale de Bruxelles. Voy. art. cit., Budgets et droits, juin 1995, n° 121, p. 22. Notons que les c.c:p. viennent de décider d'adopter la même politique que les banques, en matière de dates de valeur. -

(115) M.B., 11 oct. 1991. (116) J.-V. Louis et J. Brouckaert, «La loi sur la protection de la concurrence économique », J.T., 1992,p. 281. .

(117) Voy. J. Pardon, « Application du droit euro­péen de la concurrence en matière bancaire et finan­cière », Rev. dr. aff. intern., 1990, p. 115. (118) Règlement du 6 février 1962, J.0.C.E., n° 13, 21 févr. 1962, p. 204.

·2_,l/ournal des 2~ribunaux

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Suite à une notification d'accords • interban­caires (119) émanant del' Associazione Banca­ria Italiana, la Commission eut l'occasion, dans sa décision du 12 décembre 1986 (120), de se prononcer sur une entente relative notamment à l'application de dates de valeur. - - -

Il s'agissait d'un accord, pour le service d'en­caissement de chèques bancaires et autres titres de crédit payables en Italie, qui prévoyait « des dates de valeur uniformes, pour le débit et le crédit des chèques et autres titres, à appliquer entre les banques qui demandent le service, celles qui le fournissent, et les éventuelles ban­ques intermédiaires » (point 21).

La Commission constate d'abord qu'un tel ac­cord est une restriction de concurrence visée par l'article 85, §1er, du Traité.

En effet, « chaque membre de l' A.B.I. doit res­pecter les commissions et les dates de . valeur indiquées par les accords » (point 42). « Cette fixation de commissions et des dates de valeur influence les possiblités pour les participants de décider des conditions qu'ils entendent réserver à leur clientèle » (point 43).

Il en est d'autant plus ainsi que « les banques étrangères établies en Italie, pour profiter des services offerts par l' A.B.I., doivent en devenir membres ... Dès lors, toute possibilité de con­currence de leur part avec les banques ita­liennes est éliminée du fait qu'elles doivent respecter les commissions et les dates de valeur indiquées dans les accords ... » (point 45).

Cependant, les quatre conditions requises pour une exemption au titre de l'article 85, § 3, sont remplies.

En effet, l'accord répond à une exigence de standardisation· et de rationalisation des ser­vices offerts (points 53 à 59).

L'accord, en fixant des dates de valeur uni­formes, procure ensuite aux utilisateurs des avantages de disponibilité des fonds et de ré­duction de la durée des dates de valeur (point 62).

La restriction imposée aux oanques de respec­ter des dates de valeur maximales est, en outre, nécessaire pour éviter la perception de frais supplémentaires (point 67).

Enfin, les accords en cause ne régissent pas directement les relations entre les banques et leurs clients. Une possibilité de concurrence subsiste donc, puisque la mesure dans laquelle les dates de valeur et les commissions sont répercutées sur la clientèle est laissée à l' appré­ciation de la banque (point 68).

B. - Constatations et conséquences

Un accord interbancaire fixant des dates de valeur uniformes est donc à considérer comme une restriction à la libre concurrence au sens de l'article 85, § 1er, du Traité. Un tel accord peut toutefois faire l'objet_ d'une exemption sur pied du paragraphe 3 de ce même article.

(119) Pour la décision de la Commission relative aux accords interbancaires notifiés par l' A.B.B., voy. Commission, décision 11déc1986, J.0.C.E., 9 janv. 1987, n° L 27. (120) J.O.C.E., 13 févr. 1987, n° L 43, p. 51. Pour un commentaire de la décision, voy. B. Sousi-Roubi, art. cité ci-après, pp. 72 et s.

-~····:ournal des :,tribunaux

Nous pouvons en déduire qu'une simple pra­tique concertée, ayant le même objet, tomberait également, et dans les mêmes limites, sous le coup de l'article 85 du Traité (121).

Or, nous savons que l'article 2 de la loi belge sur la protection de la concurrence économique dont le paragraphe 1er dispose que« sont inter­dits, tous accords entre entreprises, toutes déci­sions d'associations d'entreprises et toutes pra­tiques concertées qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser de manière sensible la concurrence sur le mar­ché belge concerné ou dans une partie substan­tielle de celui-ci ... » est clairement inspiré de l'article 85 du Traité, tant en ce qui concerne la définition de l'entente (122) que relativement aux exemptions (123).

A priori, et en appliquant, mutatis mutandis, les principes dégagés par la Commission dans sa décision précitée, il semble donc qu'une pra- __ tique concertée « interne » et fixant, dans les relations interbancaires, des dates de valeur uniformes tomberait sous le coup de l'interdic­tion de l'article 2, § 1er, delaloidu5août1991, mais pourrait bénéficier d'une exemption.

Il nous faut toutefois continuer l'analyse. En effet, les accords et pratiques concertées visés ci-dessus ne concernent que la fixation de dates de valeur dans les relations interbancaires. Dans la mesure où de tels accords et pratiques concertées peuvent être exemptés, il paraît inu­tile de nous y attarder.

Plus intéressante est, au contraire, la question de savoir s'il existe sur le marché belge une pratique concertée -,-- au sens de l'article 2 précité - commandant, d'une part, l' applica­tion de dates de valeur et, d'autre part, des durées uniformes ou convergentes de dates de valeur, mais cette fois, dans les relations avec la clientèle.

C. - Conditions d'application de l'article 2 de la loi

du 5 août 1991

Nous examinerons ces conditions d'application à la lumière de l'interprétation, donnée par le droit communautaire, aux termes utilisés dans l'article 2 susmentionné.

1. - Une pratique concertée

Outre les accords entre entreprises et les déci­sions d'association d.' entr.eprises, l'article 2 vise les pratiques concertées, c'est-à-dire toute « forme de coordination ou de parallélisme de comportements entre entreprises qui, sans avoir conclu une convention ou passé un accord, ins­tituent sciemment entre elles une coopération

(121) B. Sousi-Roubi, «Les dates de valeur et rè­gles du jeu communautaires », Les dates de valeur ont-elles un avenir ? Aspects juridiques et écono­miques, op. cit., p. 71, spéc. p. 73. (122) Exposé des motifs, cité ci-après, p. 13. (123) Sous la réserve des conditions particulières propres aux petites et moyennes entreprises, voy. exposé des motifs, cité éi-après, p. 15.

pratique susceptible d'affecter la concurren­ce (124) ».

Le parallélisme de comportement ne serait toutefois qu'un indice de la pratique concer­tée (125).

En Belgique, la quasi-totalité des banques re­court au système des dates de valeur. Les C.C.P. viennent d'ailleurs de se rallier à la pra-. tique. On peut donc déjà constater qu'il existe un parallélisme de comportements quant au, principe même d'appliquer une date de valeur.

Ces dates de valeur varient cependant et notam­ment, selon les banques. Ces divergences pour­raient être considérées comme favorisant la concurrence ou, à tout le moins, comme la preuve qu'il n'y a pas « comportement paral­lèle ».

Il faut néanmoins remarquer que les variations de dates de valeur, d'une banque à l'autre, sem­blent être minimes, voire nulles. Au contraire, on assiste plutôt à une uniformisation des du­rées. Les jours de valeur semblent bien plus fonction du client ou de l'opération en cause que fonction de la banque (126). Il en résulte, selon nous, qu'on assiste également, quant à l'amplitude des jours de valeur, à un certain parallélisme de comportements entre les ban­ques.

Nous sommes, dès lors, en présence d'un pre­mier indice de pratique concertée.

La pratique concertée doit ensuite s'analyser à la lumière du principe d'autonomie des opéra­teurs économiques lequel n'exclut pas une adaptation à un comportement constaté, mais s'oppose à des prises de contact, directes ou indirectes, entre les opérateurs (127). En prin­cipe, la preuve de la pratique concertée exige, dès lors, l'existence de contacts entre les par­ties.

Assurément, les banques opérant en Belgique sont « en contact ». La question de contacts à propos du système des dates de valeur, et la preuve de ceux-ci, est cependant plus difficile. Il apparaît que l'adoption du système des dates de valeur, et la tendance à la convergence quant à leur amplitude, résulte peut-être plus d'une adaptation réciproque des opérateurs écono­miques que d'une concertation par prise de contacts.

Quoiqu'il en soit, en l'absence de contact, la preuve de la pratique concertée peut résulter de l'analyse des conditions du marché lorsque celles-ci ne peuvent s'expliquer que par l' exis­tence d'une coordination. Ainsi en a décidé la

(124) Exposé des motifs, commentaires des articles, projet de loi sur la concurrence économique, Doc. pari., Sénat, sess. 1985-1986, 360, n° 1, p. 1, spéc. p. 13. (125) J.-V. Louis et J. Brouckaert, art. cit., J.T., 1992, p. 286. (126) Voy., pour un tableau comparatif en France, art. cité, Cinquante millions de consommateurs, 1994, n° 278, p. 32; voy. la constatation de la varia­tion en fonction du produit bancaire, « Banques : c'est arrivé près de chez vous »,Budget et droit, juin 1995, n° 121, p. 21. (127) J.-V. Louis etJ. Brouckaert, art. cit.,J.T., 1992, p. 286; voy. l'arrêt Sucre, C.J.C.E., 16 déc. 1975, Cooperatieve vereniging « Suiker Unie.», U.A. e.a.c. Commission, aff. jtes n°5 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114/73, Rec., 1975, p. 1663 (att. 173-174).

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Commission dans sa décision « Pâte de Bois » du 19 décembre 1984 (128).

Lorsqu'il existe une concurrence réelle sur le marché, que le prix litigieux pratiqué n'est pas le« prix d'équilibre »,lorsque ce prix ne peut avoir été imposé par un chef de file, lorsque ce prix ne peut résulter des seules informations provenant des clients, et qu'enfin, une diffé­rence de prix est donc possible, les comporte­ments uniformes, en matière de prix, ne peu­vent s'expliquer que par l'existence d'une pratique concertée.

Au vu de ces dernières considérations, il n'est pas impossible que la pratique des dates ·de valeur puisse être considérée comme une pra­tique concertée.

Il convient, à cet égard, de relever que, d'une part, il existe en ce domaine une concurrence réelle et que, d'autre part, on ne peut considérer que les dates de -valeur, pratiquées par la majo­rité de_s banques, et relativement à tel type d'opérations, soient des données qui s'impo­sent sur le marché ou commandées par un chef de file. Certaines banques, comme la Banque d' Argenta ou la Citibank n'appliquent, en effet, pas le régime des jours de valeur et calculent les intérêts selon les dates effectives des opér~­tions. Une différence est donc possible sur le marché.

Pourquoi presque toutes les autres banques ap­pliquent-elles alors des dates de valeur et pour­quoi tendent-elles à adopter, quant à ces der­nières, les mêmes durées si ce n'est parce qu'il y a pratique concertée entre elles ?

2. - Une restriction sensible de la concurrence

La concurrence dont il s'agit est la concurrence « praticable » (129), c'est-à-dire effective et possible sur le marché en cause.

Il peut s'agir d'une restriction interne (entre parties) ou externe (à l'égard des tiers), aussi bien verticale (entre producteurs et distribu­teurs, par ex.) qu'horizontale (entre. produc­teurs) (130).

Il suffit que la pratique concertée ait pour effet une restriction de concurrence (131).

Cette restriction de concurrence doit être sensi­ble. Ce caractère s'appréciera ici (132) à la-lu­mière de la nature. du marché, des barrières du marché, ...

3. - Le marché concerné

La restriction de concurrence doit se produire sur le marché belge concerné ou sur une partie

(128) Décision de la Commission, 19 déc. 1984, Pâte de bois, J.0.C.E., 26 mars 1985, n° L 85, p. 1.

(129) Exposé des motifs, op. cit., p. 7. (130) J.-V. Louis etJ. Brouckaert, art. cit.,J.T., 1992, p. 286. (131) Selon J.-V. Louis et J. Brouckaert, si la pra­tique concertée a seulement pour objet la restriction de concurrence, il est probable qu'elle n'a pas été inise en pratique, art. cit., note 78, p. 286. (132) Le législateur utilise, en effet, aussi le critère quantitatif.

substantielle de celui-ci. Selon J.-V. Louis et J. Brouckaert, il devrait suffire que l'entente res­treigne de façon sensible la concurrence en Bel­gique (133).

Ces deux dernières conditions ne semblent pas poser de problème particulier.

Nous pouvons constater à ce stade qu'il n'est pas impossible de considérer qu'il existe sur le marché belge une pratique concertée relative aux dates de valeur, à appliquer dans les rela­tions avec fa clientèle. Une telle pratique tom­berait sous le. coup de l' àrticle 2, § 1er, de la loi du 5 août 1991. Il nous reste, dès lors, à exanri­ner les exemptions prévues par ce même article.

4. - Les exemptions

-L'article 2, § 3, de la loi précitée prévoit des exemptions qui, sous la réserve du cas des pe­tites et moyennes entreprises, sont subordon­nées aux mêmes conditions que celles prévues par l'article 85, § 3, du Traité. Ces conditions, cumulatives et au nombre de quatre, sont les suivantes :

- Premièrement, l'entente doit contribuer à l'amélioration de la production ou de la distri­bution ou à promouvoir le progrès technique ou permettre aux petites et moyennes entreprises d'affermir leur position concurrentielle sur le marché concerné ou sur le marché internatio­nal.

Dans la décision précitée « A.B.I. », la Com­mission estimait ainsi que l'accord interbàn­caire répondait à des exigences de standardisa­tion et de normalisation et contribuait, dès lors, à l'amélioration de la distribution des services et à la promotion du progrès technique.

Cette justification est toutefois moins évidente dès lors qu'il ne s'agit plus de relations inter­bancaires, mais de relations aux clients. On ne retrouve ensuite, dans cette explication donnée par la Commission, aucune référence à la fixa­tion de dates de valeur uniformes de sorte que cet argument semble viser d'autres dispositions de l'accord.

Deuxièmement, l'entente doit réserver aux uti­lisateurs une partie équitable du profit qui en résulte.

Dans la même décision du 12 décembre 1986, la Commission soutenait que l'accord procurait aux utilisateurs des avantages de disponibilité des fonds et de réduction de la durée des dates de valeur.

S'agissant de relations banques-clients, cette argumentation ne nous convainc plus. On se reportera ici aux considérations émises ci-avant et qui tendent à montrer comment le régime des dates de valeur, d'une -part; ne concerne pas la disponibilité des fonds et, d'autre part, est tou­jours au désavantage du client.

- Troisièmement, l'entente ne peut imposer aux intéressés des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre les objectifs men-tionnés ci-dessus. ·

S'agissant, une fois encore, de relations ban­ques-clients, l'argument, invoqué par la Com­mission, que la concurrence subsiste puisque

(133) J.-V. Louis et J. Brouckaert, art. cit., p. 288.

les banques sont libres . de la mesure dans la­quelle elles répercutent, sur leur clientèle, les dates de valeurs fixées pour les rapports inter­bancaires, ne tient plus ici.

Il semble, dès lors, que la pratique puisse diffi­cilement faire l'objet d'une exemption.

D. - Conclusions sur les dates de valeur au regard de la protection

de la concurrence économique

Il semble qu'on puisse parler, de '1.a part des banques opérant sur le marché belge, de pra­tique concertée, établissant un principe et des amplitudes convergentes de dates de valeur, à appliquer dans les relations aux clients. Cette pratique semble pouvoir être considérée com­me une restriction de concurrence, au sens de l'article 2, § 1er, de la loi du 5 août 1991, non susceptible d'exemption.

V. -ç;~}îêI IONS

Deux aspects du régime des dates de valeur nous semblent particulièrement choquants.

Il s'agit d'abord du manque de transparence qui règne en la mati~re. L'objectif caché du paie­ment d'un intérêt, pendant les jours de valeur, est une rémunération ou ... un profit supplémen­taire.

Ils' agit ensuite des applicatiops extrêmes de-la pratique et notamment, le paiement d'un intérêt sur un compte créditeur en capital, mais débi­teur en valeur,

Nous avons vu que la cause ou l'objet du con­trat peuvent difficilement servir de base à une condamnation des dates de valeur. Les choses évolueront peut-être sous la pression exercée par le droit de la consommation, sur le droit des obligations.

Eri revanche, les clauses abusives, le taux an­nuel effectif global, l'obligation d'information, et peut-être le droit de la concurrence, peuvent constituer des instruments appropriés de sanc­tion.

Notre souhait est que les banques entendent notre argumentation et tiennent compte de ce que les consommateurs, lorsqu'ils en connais­sent l'existence, sont peu favorables au système des dates de valeur.

La suppression de ces dernières pour les comptes des consommateurs semble d'ailleurs pouvoir être appliquée par les banques sans trop de« pertes ».L'exemple de banques fran­çaises (134) ayant adopté cette solution,- le prouve.

Aline THILL Y

(134) J. Stoufflet, art. cit., J.C.P., 1993, II, n° 22062, spéc. p. 213.

CL.:~ournal des iitribunaux

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TABL

1. - La notion de date de valeur.

Il. - La validité des dates de valeur et la cause ou l'objet du contrat.

A. - La cause du contrat. 1. - La jurisprudence française. 2. - La cause du contrat en droit belge. 3. - Développements.

B. - L'objet du contrat.

ill. - Les dates-de valeur et les dispositions issues du droit de la consommation.

A. - Les dates de valeur et les clauses abusives. 1. - L'artjcle 31 de la L.P.C. 1.1. - Définition de la clause abusive. 1.2. - Sanction. 1.3. - Conditions d'application de l'article 31 de la L.P.C. 1.4. - La cause « date de valeur » est-elle abusive ? 1.5. - Conclusions sur le caractère abusif des dates de valeur. 2. - L'article 32 de la L.P.C, 3. - Les articles 28 à 33 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation.

B. - Les dates de valeur et le taux annuel effectif global. ·

C. - Les dates de valeur, l'information du consom-mateur et l'indication des prix. -

IV. - Les dates de valeur et la protection de la concurrence économique.

A. - Aperçu de droit communautaire.

B. - Constatations et conséquences.

C. - Conditions d'application de l'article 2 de la loi du 5 août 1991. 1. - Une pratique concertée. 2. - Une restriction sensible de la concurrence. 3. - Le marché concerne. 4. - Les exemptions.

D. - Conclusions sur les dates de valeur au régard de la protection de la concurrence économique.

V. - ConclusioQs.

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JURISPRUDENCE BELGE

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ournal des tribunaux

JURISPRUDENCE

I. EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE. - Loi du 26 juillet 1962 et lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - COMPETENCES CONCURRENTES DU JUGE DE

PAIX ET DU CONSEIL D'ETAT. -Sort différent réservé à l 'exproprié et aux tiers intéressés, d'une part, et aux autres tiers, d'autre part. - Contrôle

juridictionnel de légalité équivalent. -ARTICLE 6.1 DE LA C.E.D.H.

COMBINE AVEC LES ARTICLES 10 ET 11 DE LA CONSTITUTION. -ABSENCE DE DISCRIMINATION.

II. ARTICLES 13 ET 160 DE LA CONSTITUTION. - Droit d'être jugé selon les mêmes règles de compétence

et de procédure. -EXPROPRIATION. - Exclusion de la

compétence du Co~seil d'Etat dès la saisine du juge de paix. - Situation

exceptionnelle. - ABSENCE DE DISCRIMINATION.

Sièg.: MM. De Grève et Melchior, prés.; MM. Suetens, Boel (rapp.),, François et Martens, Mme Delruelle, MM. De Baets, Cerexhe (rapp.), Coremans, Arts et Henneuse, juges.

Plaid. : MMes De Lat loco De Cannière· (bar­reau de Turnhout), Ghysels et Flamey (barreau de Bruxelles).

(s.c. Interkommunale Ontwikk:elingsmaat­schappij voor de Kempen c. s.a. Remo-Milieu­beheer et s.a. Paepenheyde - Question préjudi­cielle du 18 novembre 1994 du juge de paix du premier canton de Turnhout - Arrêt n° 51195).

1. - La, compétence du juge de paix en matière d'expropriation exclut celle du Conseil d'Etat de connaître d'un recours en annulation contre les décisions de l'autorité expropriante re­quises pour l'expropriation, si ce recours est introduit par l 'exproprié ou par un tiers inté­ressé visé à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1992. Cette exclusion de compétence ne vaut toutefois qu'à partir de la citation à comparaî­tre devant le juge de paix et à l'égard des seules personnes qui ont accès à cette procédure, mais elle vaut même pour les demandes de suspen­sion et d'annulation introduites au Conseil d'Etat avant que le juge de paix ait été saisi.

S'il est vrai que les articles 6.1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme exigent que le propriétaire ou le tiers intéressé visé à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1962 disposent d'un droit d'accès à un juge indépen­dant et impartial égal à celui des autres tiers pour contester la légalité d'un arrêté d' expro­priation, ils n'empêchent pas que la juridiction

qu'ils ont saisie doive décliner sa compétence au bénéfice d'une autre juridiction saisie par l'expropriant, lorsque ces deux juridictions sa­tisfont aux exigences de l'article 6.1 de la Con­vention et que le contrôle de légalité qu'elles exercent est équivalent.

Dès lors que l'article 6.1 de la Convention n'est pas violé, il ne saurait être question d'une violation du principe constitutionnel d'égalité lu en combinaison avec cette disposition.

II. - Les articles 13 - selon lequel « nul ne peut êtrè distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne » et qui garantit à toutes les personnes qui se trouvent dans la même situa­tion le droit d'être jugées selon les mêmes rè­gles en ce qui concerne la compétence et la procédure - et 160- selon lequel « il y a pour toute la Belgique un Conseil d'Etat» - de la Constitution combinés avec les articles 10 et 11 de la Constitution n'empêchent pas que le lé­gislateur confie certains litiges à une juridic­tlon détermine· et d'autres à une autre juri­diction, même s'il en résulte qu'en matière d'expropriation, dans le cours de la procédure, le Conseild'Etat perd sa compétence au bêné­fice du juge de paix à l'égard de l 'exproprié ou du tiers intéressé.

Quant à la questio_n préjudicielle.

B .1. - La question préjudicielle porte sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec d'autres dispositions de la Constitution et des disp9sitions de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 3, 6, 7 et 16, alinéa 2, de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique et des articles 14 et 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat « en tant que les expropriés et les tiers intéressés visés à l'article 6 de la loi du 16 juillet 1962 précitée ne disposent pas d'un recours direct contre l'arrêté d'expropriation ou en ce que le recours qu'ils auraient introduit directement au Conseil d'Etat est ·rendu caduc dès lors que l'expropriant a cité à comparaître devant le juge de paix, nonobstant le fait que ce recours direct, qui se limite au débat sur la légalité de l'arrêté d'expropriation, leur est ga­ranti par !',article 6.1 de la Convention euro­péenne des droits de l'homme et que les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat ouvrent à tous les justiciables un recours direct contre les décisions illicites des autorités, de sorte que les expropriés sont, par l'ouverture de la procédure judiciaire d'expropriation, soustraits au juge que leur a désigné. la loi (fondamentale) ».

B.2.1. - Les articles 10 et 11 de la Constitu­tion ont une portée ·générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l' ori­gine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les· li­bertés, en ce compris ceux résultant des con­ventions internationales liant la Belgique, ren-

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dues applicables dans l'ordre juridique interne par un acte d'assentiment et ayant effet direct. B .2.2 .. .:__ Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée-; L'existence d'une telle justification doit s'ap- . précier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et _le but visé. B.3. - Conformément à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, toute per­sonne justifiant d'un intérêt peut introduire un recours en annulation contre « les actes et rè­glements des diverses autorités administra-tives ». -

L'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat permet en outre à la partie requérante de demander la- suspension de l'exécution de l'acte ou du règlement attaqué. Cette compétence générale du Conseil d'Etat se trouve toutefois exclue lorsqu'il est organisé un recours judiciaire spécifique contre un acte ad­ministratif déterminé. B.4.1. - En vertu des dispositions de la loi du 26 juillet 1962, lejuge de paix a pour mission, lorsque l'expropriant a introduit devant lui l' ac­tion en expropriation, d'examiner la légalité tant interne qu' externe des décisions de l'auto­rité expropriante requises pour l'expropriation. Cette compétence du juge ordinaire exclut celle du Conseil d'Etat de connaître d'un recours en annulation contre ces actes, si ce recours est introduit par l' exproprié ou par un tiers inté­ressé visé à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1962. Cette exclusion de compétence vaut à partir de la citation à comparaître devant le juge ordi­naire et à l'égard des personnes qui ont accès à cette procédure. Elle se réalise également pour les demandes de suspension et d'annulation in­troduites au Conseil d'Etat avant que le juge de pàix ait été saisi. Le Conseil d'Etat n'est plus compétent pour se prononcer sur les recours ou demandes introduits par l' exproprié ou par un

·tiers intéressé dès quel' expropriant cite le pro­priétaire à comparaître devant le juge de paix. Il le reste toutefois à l'égard des tiers ordinaires. Il est également compétent à l'égard des per­sonnes visées aux articles 3 et 6 de la loi du 26 juillet 1962, aussi longtemps que l'expropriant n'a pas cité le propriétaire devant le juge ordi­naire. B.4.2. - Pour les raisons déjà exposées dans les arrêts n°s 57/92 (B.7 à B.12), 80/92 (B.7 à B.12) et 75/93 (B.10 à B.16), la Cour considère que la comparaison des procédures dont dispo­sent, d'une part, le propriétaire et les tiers inté­ressés et, d'autre part, les tiers ordinaires fait apparaître que ces catégories de justificables bénéficient d'une protection juridictionnelle équivalente. B.5.1. - Le droit de propriété est, en matière d'expropriation, garanti par l'article 16 de la Constitution et par l'article 1er du premier pro-. tocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dispositions mention­nées dans la question préjudicielle. Il s'agit d'un droit auquel sont applicables les disposi-

tions del' article. 6 de la Convention européenne précitée.

B.5.2. - L'article 6.1 de la Convention euro­péenne des droits de l'homme dispose que-toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,· publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et im­partial, établi par la loi, qui décidera des contes­tations sur ses droits et obligations de caractère civil. Ce droit doit, aux termes de l'article 14 de la Convention, être assuré sans discrimination.

S'il est vrai que les dispositions précitées exi- -gent que le propriétaire et les tiers intéressés disposent d'un droit d'accès à un juge indépen­dant et impartial pour contester la légalité d'un arrêté d'expropriation, elles n'empêchent pas que la juridietion qu'ils ont saisie doive décli­ner sa compétence au bénéfice d'une autre juri­diction saisie par l'expropriant, lorsque ces deux juridictions satisfont aux exigences de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et que le contrôle de légalité qu'elles exercent est équivalent.

Dès lors que l'article 6.1 de la Convention n'est pas violé, il ne saurait être question d'une viola­tion du principe constitutionnel d'égalité lu en combinaison avec cette disposition.

B.6. - Le juge a quo soulève aussi la question de savoir s'il n'est pas porté atteinte de manière discriminatoire aux articles 13 et 160 de la Constitution. L'article 13 de la Constitution dispose que nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne. L'article 160 de la Constitution dispose qu'il y a pour toute la Belgique un Conseil d'Etat. L'article 13 garan­tit à toutes les personnes qui se trouvent dans la même situation le droit d'être jugées selon les mêmes règles en ce qui concerne la compétence et la procédure. Rien n'empêche que le législa­teur confie, comme dans les dispositions exa­minées, certains litiges à une juridiction déter­minée et d'autres à une autre juridiction, même s'il en résulte que, dans le cours de la procé­dure, un des juges perd sa compétence au béné­fice de l'autre.

Les dispositions en cause ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en com­binaison avec les articles 13 et 160 de la Consti­tution.

Par ces motifs :

La Cour,

Dit pour droit;

Les articles 3, 6, 7 et 16, alinéa 2, de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique et les articles 14 et 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec les articles 13, 16 et 160 de la Constitution, les articles 6.1 et 14 de la Convention européenne des droits de. l'homme et l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite Convention, en tant que les expropriés et les tiers intéressés visés à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1962 précitée ne dispo­sent pas d'un recours direct contre l'arrêté d'expropriation ou en ce que le recours qu'ils auraient introduit directement au Conseil d'Etat est rendu caduc dès lors que l'expropriant a cité à comparaître devant le juge de paix.

ws

De la perte de compétence du Conseil d'Etat en cours de procédure

en matière d'expropriation

1. - Par jugement du 18 novembre 1994 en cause la s.c. Interkommunale Ontwikkelings­maatschappij voor de Kempen contre la s.a. Remo-Milieubeheer et las.a. Paepenheyde, le juge de paix du premier canton de Turnhout avait posé la question préjudicielle suivante à la Cour d'arbitrage : « Les articles 3, 6, 7 et 16, alinéa 2, de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique et les articles 14 et 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitu­tion coordonnée lus pour eux-mêmes et en rela­tion avec les articles 13, 16 et 160 de la Consti­tution coordonnée, les articles 6.1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite Convention, en tant que les expropriés et les tiers intéressés visés à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1962 précitée ne disposent pas d'un recours direct contre l'arrêté d' expropria­tion ou en ce que le recours qu'ils auraient introduit directement au Conseil d'Etat est rendu caduc dès lors que 1' expropriant a cité à comparaître devant le juge de paix, nonobstant le fait que ce recours direct, qui se limite au débat sur la légalité de l'arrêté d'expropriation, leur est garanti par l'article 6.1 de la Conven­tion européenne des droits de l'homme et que les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat ou­vrent à tous les justiciables un recours direct contre les décisions illicites des autorités, de sorte que les expropriés sont, par l'ouverture de la procédure judiciaire d'expropriation, sous­traits au juge que leur a désigné la loi (fonda­mentale) ? ».

2. - L'arrêt publié ci-dessus confirme et com­plète l'enseignement des arrêts de la Cour d'ar­bitrage n° 42/90 du 21 décembre 1990 (publié

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dans nos colonnes en 1991, pp. 809 et s., avec une note d'observations d'Eric Jacques), n° 57/92 du 14 juillet 1992 (publié dans nos colonnes, pp. 67 et s., avec nos observations) et ·

- n° 75/93 du 27 octobre 1993 (publié dans la J.L.M.B., .1994, pp. 154 et s.). Dans le premier arrêt, la Cour avait d'abord consacré - alors que la jurisprudence du Con­seil d'Etat était en sens contraire - la possibi­lité pour le futur exproprié de saisir le Conseil d'Etat d'un recours en annulation ou en suspen­sion contre l'arrêté d'expropriation tant que le· juge de paix n'est pas saisi; à la suite de cet arrêt et dès son arrêt s.a. Ciments de Haccourt, n° 37.038, du 17 mai 1991, le Conseil d'Etat avait revu sa jurisprudence antérieure~ Dans les deux arrêts suivants, la Cour avait déjà laissé entendre que le Conseil d'Etat doit, en consé­quence, décliner sa compétence dès que la pro­cédure judiciaire ·est engagée, tout .en souli­gnant qu'il n'y avait pas là de discrimination entre, d'une part, l' exproprié et le tiers intéressé au sens de l'article 6 de la loi du 26 juillet 1962 et, d'autre part, les autres tiers, vu qu' « ils dis­posent chacun d'une procédure rapide qui leur -permet de résister à une expropriati0n irrégu­lière ». « Il résulte de la comparaison des pro­cédures offertes (aux mis et aux autres), avait­elle déjà déclaré, qu'(ils) bénéficient d'une pro­tection juridictionnelle équivalente, tant en ce qui concerne la procédure préalable d'urgence qu'en ce qui, concerne l'examen du fond du litige·».

3. - Même si elle l'avait déjà fait, incidem­ment, la Cour d'arbitrage ne s'était pas encore prononcée aussi clairement que dans l'arrêt an­noté sur la question de savoir s'il est conforme aux principes d'égalité et de non-discrimina­tion que la compétence du Conseil d'Etat cesse dès lors que la procédure judiciaire d'expro­priation' est entamée, et ce nonobstant le fait qu'une procédure régulière a été valablement engagée devant la Haute juridiction administra­tive. Non sans quelque pertinence, l' exproprié avait fait valoir devant la Cour d'arbitrage que dans aucune autre matière, la saisine du juge ordi­naire n'a pour effet que le Conseil d'Etat perde sa compétence : en règle générale, en effet, les juridictions judiciaires et le Conseil d'Etat peu­vent être saisis de recours parallèles mettant en cause la légalité du même acte administratif (1). En outre, !'exproprié avait, cette fois-ci, axé son argumentation sur la violation de l' arti­cle 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme (qui garantit le droit à un procès équitable) et des articles 13 (qui garantit à toutes les personnes qui se trouvent dans la même situation le droit d'être jugées selon les mêmes règles de compétence et de procédure) et 160 (qui énonce qu'il y a pour toute la Bel­gique un Conseil d'Etat) de la Constitution, combinés bien entendu avec les articles 10 et 11 de la Constitution qui garantissent les principes d'égalité et de non-discrimination.

4. - Ce nouvel angle d'attaque allait-il ame­ner la Cour d'arbitrage à revoir ou à tout le

(1) Qu'il suffise de songer aux recours introduits parallèlement, d'une part, devant le Conseil d'Etat contre la modification d'un permis de lotir en viola­tion d'une servitude civile ou d'une obligation con­ventionnelle et contre le permis de bâtir délivré par voie de conséquence et, d'autre part, devant le juge civil en démolition de l'immeuble construit sur la base de ce permis de bâtir.

hurnal des 'ltribunaux

moins à nuancer sa jurisprudence contenue dans ses trois arrêts antérieurs et qui n'avait pas, c'est le moins qu'on puisse dire, été unani­mement approuvée (2) ?

Tel ne fut hélas pas le cas, la Cour se bornant à rappeler le caractère selon elle équivalent des-- · contrôles juridictionnels qui doivent être· exercé~ par le juge de paix et par le Conseil d'Etat. sur la légalité des arrêtés d' expropria­tion. De cette équivalence - théorique-, la Cour déduit que le Conseil d'Etat doit nécessai­rement perdre sa compétence à l'égard de l' exproprié ou du tiers intéressé, même en cours de procédure, dès que le juge de paix est saisi par le pouvoir expropriant (3).

Cette solution ne se trouve pas inscrite dans le texte de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, mais repose sur une certaine interprétation des articles 14 et 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

Cette interprétation se trouvant à présent fer­mement consacrée dans la jurisprudence ( 4 ), on ne peut donc plus attèndre d'amélioration du sort procédural de l' exproprié et du tiers inté­ressé que d'une intervention- que nous espé­rons rapide - du législateur fédéral (5).

D. LAGASSE

(2) Voy. notam., F. Maussion, «Le partage d'attri­bution entre le Conseil d'Etat et les juridictions de 1' ordre judiciaire », L'expropriation pour cause d'utilité publique, La Charte, 1993, pp. 101 à 157, pour qui« rien ne s'oppose sur le plan des principes à une solution fondée sur la compétence concur­rente » du Conseil d'Etat et du juge de paix; ainsi que M. Dumont, « Le droit à la protection juri­dique », note sous C.A. n° 33/94, du 26 avril 1994, Van Damme, R.T.D.H., 1995, pp. 487 et s., spéc. p. 506, qui, à propos de la jurisprudence de la Cour d'arbitrage en matière d'expropriation, écrit qu'elle a mis en évidence une lacune législative tout en s'y résignant : « La situation du propriétaire ou du ''tiers i:iitéressé" est ainsi améliorée, en ce sens qu'il ne risque plus de voir la valeur du bien indûment et parfois indéfiniment amoindrie par un décret d'expropriation pris d'extrême urgence que l'on tarde à exécuter. Elle demeure cependant loin d'être satisfaisante puisqu'une fois la procédure judiciaire entamée, il ne dispose pas des mêmes garanties que devant le Conseil d'Etat; notamment, il est tenu de proposer en une fois toutes les exceptions qu'il croi­rait pouvoir opposer et le juge de paix est tenu de statuer dans les quarante-huit heures sans être en possession du dossier complet de 1' affaire dont dis­poserait le tiers devant le Conseil d'Etat. L'auteur du décret d'expropriation n'est guère mieux loti puisqu'il n'est pas à la cause devant le juge de paix appelé à vérifier la légalité de son acte. » La Cour d'arbitrage paraît consciente de cette dis­crimination, mais elle s'y est résignée (suit un extrait de l'arrêt n° 57/92 du 14 juillet 1992). » Cette argumentation (de la Cour) n'est parfaite qu'en théorie en raison de l'inégalité des préroga­tives qu'en matière de protection juridique, la loi du 26 juillet 1962 accorde respectivement à 1' autorité expropriante et à l' exproprié ».

(3) Dans le même sens, voy. les arrêts du .Conseil d'Etat Zarella et Morren, n° 45.176, du 7 décembre 1993 et De Smedt et Godderis, n° 46.521, du 15 mars 1994. (4) Voy. encore le tout récent arrêt n° 66/95 du 28 septembre 1995 de la Cour d'arbitrage, qui reprend les termes de l'arrêt annoté. (5) En ce sens, voy. F. Maussion, p. 155 : «Conclu­sion : législateur à votre plume ».

PROCEDURE PENALE.­PREVENU. - Jugement par défaut.

- OPPOSITION. - Délai. -Article 187 du Code d'instruction

criminelle. - Disposition impérative.

Prés. et rapp. : M. D'Haenens, prés. Min. publ. : M. Bresseleers, av. gén. Plaid. : Me Mertens (barreau d'Anvers).

(Dayekh c. Assi).

Le prévenu dont il est établi qu'il n'a pas eu connaissance de la signification du jugement le condamnant par défaut ne peut régulièrement faire opposition après l'expiration du délai de prescription de la peine en. invoquant un éven­tuel intérêt.

Les dispositions de l'article 187 du Code d'ins­truction criminelle sont impératives.

(Traduction)

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 21octobre1994 par la cour d'appel d'Anvers;

A. - En tant que le pourvoi ~st dirigé contre la décision rendue sur l'action publique exercée à charge du demandeur :

Sur le moyen, libellé comme suit : « violation de l'article 149 de la Constitution,

» en ce que, dans son arrêt du 21 octobre 1994, la cour d'appel d'Anvers déclare l'appel (du demandeur) non fondé par les motifs que (le demandeur) n'a formé l'opposition que le 4 mars 1992, que la prescription de la peine avait été acquise entre·temps et que, dès lors, l'intérêt invoqué pour faire opposition ne s'opposait pas à l'application impérative de la règle juridique contenue à l'article 187 du Code d'instruction criminelle,

» alors que (le demandeur) a précisément fait valoir dans ses conclusions circonstanciées qu'il y a lieu de considérer le défaut d'intérêt comme étant la ratio legis de l'article 187, ali­néa 2, du Code d'instruction criminelle; que (le demandeur) a précisément démontré dans ses conclusions qu'il avait réellement l'intérêt re­quis; que, dans la mesure où l'opposition (du demandeur) a été· déclarée irrecevable par la seule référence au fait que les délais de pres­cription de la peine étaient arrivés à expiration, le jugement du premier juge est illégal; que, dans son arrêt du 21 octobre 1994, la cour (d'appel) n'a pas répondu aux allégations déve­loppées à cet égard par (le demandeur), de sorte qu'elle a violé l'obligation spéciale de motiva­tion, telle qu'elle est notamment prévue à l' arti­cle 149 de la Constitution »;

Attendu que l'arrêt confirme le jugement dont appel déclarant l'opposition du demandeur irre­cevable par le motif qu'elle avait été formée postérieurement à l'expiration des délais de

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prescription de la peine, c'est-à-dire après l'ex­piration du délai pendant lequel, conformément à l'article 187, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, le prévenu condamné par défaut dont il est établi qu'il n'a pas eu connaissance de la signification du jugement par défaut, peut faire opposition;

Attendu que le demandeur a pris les conclu­sions reproduites au moyen aux fins de démon­trer qu'il avait intérêt à faire opposition et que, par ce motif, son recours était recevable, non­obstant la disposition de l'article 187, ·du Code d'instruction criminelle; ·

Attendu que le moyen invoque que, dans la mesure où il dispose que le prévenu condamné par défaut dont il est établi qu'il n'a pas eu connaissànce de la signification du jugement par défaut, ne peut régulièrement faire opposi­tion après 1' expiration des délais de prescrip­tion de la peine, l'article 187, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle n'est pas applicable lorsque l'opposant démontre qu'il a intérêt pour faire opposition;

Attendu que, par ce motif, le demandeur repro­che à l'arrêt, d'une part, de ne pas répondre aux conclusions qu'il a développées à cet égard et, d'autre part, de ne pas justifier légalement, par

-les motifs qu'il contient, la décision relative à l'irrecevabilité de 1' opposition;

Attendu que les juges d'appel relèvent que « l'éventuel "intérêt" invoqué par (le deman­deur) pour faire opposition ne s'oppose pas à 1' application impérative de la règle juridique contenue à l'article 187 du Code d'instruction criminelle »,

Que, par ce motif, ils rejettent le moyen de défensé du demandeur, répondent à ses conclu­sions et justifient légalement leur décision;

Que le moyen ne peut être accueilli;

Par ces motifs :

La Cour,

Rejette le pourvoi.

BANQUES. - Opérations. - DATE DE VALEUR. - Usages bancaires. -

INTERETS. - Taux annuel. -Nombre de jours.

Siég. : M. Bézard, prés. Min. publ. : Mme Piniot, av. gén. Plaid. : MMes Capron, Laporte et Briard.

Viole les dispositions de l'article 1131 du Code civil, l'arrêt qui, pour rejeter la prétention du client d'une banque faisant valoir que son obli­gation de payer des intérêts etait partiellement dénuée de cause, dans la mesure où les sommes prises en considération pour le calcul de ceux­ci étaient augmentées, sàns fondement, par

l'application de dates de valeur, considère que la pratique des jours de valeur n'est prohibée par aucune disposition· [égale ou réglemen­taire, qu'elle est d'un Usage constant et généra­lisé qui se fonde sur le fait qu'une remise au crédit, cqmme une inscription au débit, néces­site un certain délai pour l'encaissement et le décaissement.

Les opérations litigieuses, autres que les re­mises de chèques en vue de leur encaissement, n'impliquent pas que, même pour le calcul des intérêts, les dates de crédit ou de débit soient différées ou avancées.

Attendu, selon 1' arrêt critiqué (C.A. Paris, 20 sept. 1991), que le Crédit du Nord a clôturé le compte courant de la Société Invitance à la­quelle il avait consenti un découvert pendant plusieurs années; qu'un litige est né entre les parties au sujet des conditions de la cessation de ce concours bancaire, des modalités de la fixa..: tion du taux des intérêts, de la .capitalisation trimestrielle de ceux-ci, de 1' application de dates de valeur différentes des dates d'inscrip­tion en compte et de la durée de l'année prise en considération pour le calcul de la dette d'inté­rêts; qu'après avoir statué au fond sur certaines demandes, la cour d'appel a désigné un expert et dit que celui-ci devrait calculer, à partir du solde du compte dè la Société Invitance au 10 septembre 1985, les découverts successifs jus­qu'à la clôture du compte en se conformant aux usages bancaires relatifs, notamment, à -la capi­talisation trimestrielle des intérêts, à l'année bancaire 'de trois cent soixante jours et à la pratique des jours de valeur;

Sur le premier moyen pris en sa première bran­che.

Vu l'article 1131 du Code civil;

Attendu que, pour rejeter la prétention de la Société Invitance faisant valoir que son obliga­tion de payer des intérêts était partiellement dénuée de cause, dans la mesure où les sommes prises en considération pour le ca.Icul de ceux­ci étaient augmentées, sans fondement, par l'application de dates de valeur, l'arrêt retient que la pratique des jours de valeur n'est prohi­bée par aucune disposition légale ou réglemen­taire, qu'elle est d'un usage constant et généra­lisé, qui se fonde sur le fait qu'une remise au crédit, comme une inscription au débit, néces­site un certain délai poùr 1' encaissement et le décaissement;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les opé­rations litigieuses, autres que les remises de chèques en vue de leur encaissement, n'impli­quaient pas que, même pour le calcul des inté­rêts, les dates de crédit ou de débit soient diffé­rées ou avancées, la cour d'appel a violé le texte susvisé;

Et sur le second moyen.

_Vu l'article 1er du décret du 4 septembre 1985 relatif au calcul du taux effectif global;

Attendu que, pour décider que l'expert qu'il désignait devrait tenir compte de l'usage ban­caire relatif à 1' année de trois cent soixante jours pour calculer, à partir du solde du compte de la Société Invitance au 10 septembre 1985, les découverts successifs jusqu'à la clôtllre du

compte, l'arrêt retient que le calcul des intérêts doit être fait sur trois cent soixante jours et non trois cent soixante-cinq jours, 1' année bancaire n'étant que de trois cent soixante jours, confor­mément .à un usage qui trouve son origine en Lombardie, au Moyen Age, en raison de son caractère pratique en ce que le chiffre de trois cent soixante, à la différence de celui de trois cent soixante-cinq, est divisible par 12, 6, 4 et 2, ce qui correspond au mois, à deux mois, au trimestre et au semestre, et que cet ùsage a d'ailleurs trouvé son expression législative dans la· loi du 18 frimaire an ID, selon laquelle l'intérêt annuel des capitaux sera compté par an et pour trois cent soixante jours;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte du texte susvisé que le taux _annuel de l'intérêt doit être déterminé par référence à l'année ci­vile, laquelle comporte trois cent soixante-cinq ou trois cent soixante-six jours, la cour d'appel a violé ce texte;

Par ces motifs :

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deu­xième et troisième branches du premier moyen,

Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a décidé que l'expert qu'il désignait devrait se conformer aux usages bancaires relatifs à l'an­née bancaire de trois cent soixante jours et .à la pratique des jours de valeur, ( ... )

Renvoie devant la cour d'appel de Versailles ...

DETENTION PREVENTIVE. -Maintien. - Référence à des faits

punissables qui ne font pas l'objet de la prévention. - Légalité.

Prés. : M. Holsters, prés. de section. Rapp. : M. Frère, conseiller. Min. publ. : M. Bresseleers, av. gén.

(De Reu c. ministère public).

Lors du maintien de la détention préventive sur la base d'un fait déterminé, rien n'empêche le juge, lors de l'appréciation des circonstances de fait de la cause et qui ·sont propres à la personnalité du prévenu, de faire état dans la motivation de faits punissables qui ne font pas l'objet de la prévention mais qui sont men­tionnés dans les pièces de l'instruction.

(Traduction)

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 26 novembre 1993 par la cour d'appel de Gand, chambre des mises en accusation;

Sur le moyen : violation des articles 16, § 1er, 16, § 5, 20, § 4, 20, § 5 et 30, § 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préven-

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tive, de 1' article 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des li­bertés fondamentales du 4 novembre 1950, ap­prouvée par la loi du 13 mai 1955, et du prin­cipe général du droit suivant lequel quiconque est poursuivi du chef d'un fait punissable, est censé être innocent tant que sa faute n'a pas été prouvée conformément à la loi,

en ce que, reprenant les motifs du réquisitoire du ministère public, la cour d'appel, chambre des mises en accusation, a considéré que la sécurité publique requérait nécessairement le maintien de la détention du demandeur notam­ment parce que « les faits commis » font preuve de mépris à l'égard de la propriété d'au­trui et de la valeur affective attachée par la personne lésée aux biens volés, que l' instruc­tion relative« aux circonstances exactes du vol et à la vente des animaux volés n'est pas encore terminée », et qu'il faut encore examiner quels autres faits peuvent, le . cas échéant, être im­putés au demandeur, en tenant compte du fait qu'il a avoué avoir commis quatre autres vols d'animaux, et qu'il a été renvoyé par la cham­bre du conseil du chef de vol de vêtements,

troisième branche, il ressort des dispositions légales invoquées et du principe de la spécifi­cité du mandat d'arrêt que lorsqu'il doit juger de la nécessité du maintien d'un mandat d'arrêt, le juge ne peut tenir compte, lors de sa décision, que des faits pour lesquels le mandat d'arrêt a été décerné, mais pas de faits qui ne font pas l'objet d'un mandat d'arrêt et à propos desquels il n'a pas encore été statué, ces faits fussent-ils avoués, de sorte que c'est à tort que !',arrêt fait état du vol de quatre autres animaux avoué par le ~e,mandeur, du chef duquel il n'a pas été arrete;

quatrième branche, lorsqu'il doit juger de la nécessité du maintien d'un mandat d'arrêt, le juge ne peut tenir compte lors de sa décision, de faits du chef desquels le prévenu a déjà fait l'objet d'une décision de renvoi sans arrestation au tribunal correctionnel, mais qui n'ont pas encore été déclarés établis par cette juridiction; que non seulement, le principe général du droit invoqué par le moyen et la règle de droit supra-

. nationale ont ainsi été violés mais qu'une telle allégation ne permet pas davantage de décider qu'il y a « absolue nécessité pour la sécurité publique », étant donné qu'il ressort au con­traire du renvoi sans arrestation que ces faits n'ont pas entraîné l'absolue nécessité d' arresta­tion requise par la l?i :

Quant à la troisième et à la quatrième branche.

Attendu que, lors du maintien de la détention préventive sur la base d'un fait déterminé, rien n'empêche le juge, lors de l'appréciation des circonstances de fait de la cause et qui sont propres à la personnalité du prévenu, de faire état dans la motivation de faits punissables qui ne font pas l'objet de la prévention mais qui sont mentionnés dans les pièces de l' instruc­tion;

Attendu qu'il ne peut se déduire de la circons­tance que, lors de l'appréciation de l'absolue nécessité de maintenir la détention préventive du demandeur, l'arrêt tient compte d'une or­donnance de renvoi de la juridiction d'instruc­tion au tribunal correctionnel, qui n'a pas en­core statué, que la chambre des mises en

ournal des iftribunaux

accusation a considéré que le demandeur a commis les faits du chef desquels il a été ren­voyé;

Que les juges d'appel ne décident pas que ce sont ces faits qui constituent l'absolue nécessité de procéder à l'arrestation;

Qu'en ces branches, le moyen ne peut être ac­cueilli;

Par ces motifs :

La Cour,

Rejette le pourvoi.

CONSEIL D'ETAT. - Procédure. -Recevabilité. - ACTE

CONFIRMATIF. - Auteur du premier acte, incompétent.

Siég. : M. Van Aelst, prés. de chambre; Mme Thomas et M. Messinne (rapp.), conseillers. d'Etat. Aud. : M. Fortpied, pr. aud. Plaid. : Me Sorel.

(Zembsch Schreve c. Etat belge, ministre de la Défense nationale -Arrêt n° 51.152).

Le recours intenté dans le délai requis contre un acte susceptible d'être analysé comme la confirmation d'un acte antérieur mais après l'expiration du délai pour attaquer celui-ci, est recevable, même si l'acte antérieur émane d'une personne qui n'avait pas compétence pour l'accomplir.

Considérant que, sur la base de l'article 5, lit­téra b, de l'arrêté-loi du 19 décembre 1945 établissant le statut de la résistance armée, aux termes duquel « lorsqu'en raison de l'absence de l'intéressé ou en raison de toute autre cir­constance, cette qualité (de résistant) ne pourra être établie dans le délai prévu pour l'exécution du présent arrêté-loi, elle pourra l'être à toute époque, par décision du ministre de la Défense nationale, sur demande du Conseil national de la résistance », le conseil du requérant de- · manda au ministre, par une lettre du 21 mars 1991 rappelée le 15 octobre 1991, que ladite qualité lui soit reconnue;

Considérant que le major S ... répondit, le 12 novembre 1991, en ces termes : « Il me faut à mon vif regret vous signaler qu'il m'est impossible de prendre en considération la demande de Monsieur. .. »;

Considérant que le major S ... confirma le 16 décembre 1991 sa lettre précédente ... ; que le

conseil du requérant exigea_ le 16 mars 1992 que le ministre lui-même prenne une décision « pour me permettre, le cas échéant, de déférer cette affaire à l'appréciation du Conseil d'Etat»; que, par lettre du 7 mai 1992, le mi­nistre de la Défense nationale écrivit au conseil du requérant :

« ( ... )j'ai l'honneur de vous informer que je confirme la décision régulièrement prise par mes services à l'égard de l'intéressé. Cette dé­cision vous a été transmise sous le n° JSP­S/L l3430 du 12 novembre 1991 et le n° JSP­S/L · 14757 du 16 décembre 1991 »;

qu'il s'agit de l'acte attaqué;

Considérant que la partie adverse fait valoir que l'acte attaqué n'est que la simple confirmation des décisions antérieures, de sorte què le re­cours, introduit plus de soixante jours après celles-ci, est tardif;

Considérant que la décision de reconnaître, et partant de refuser, la qualité de résistant sur la base de l'article 5, littéra b, de l'arrêté-loi du 19 décembre 1945, est prise par le ministre de la

· Défense nationale; que la partie adverse n' éta­blit pas que le ministre aurait délégué son pou­voir en cette matière au major S ... ; qu'il s'en­suit que le ministre n'a lui-in.ème pris sa décision que le 7 mai 1992 et qµe le recours est recevable;

Cet arrêt est conforme à une jurisprudence an­térieure (C.E., 15 oct. 1970, n° 14.308, Pater­not, D,B., p. 857, cité par J. Falys, La. recevabi­lité des recours en annulation des actes administratifs (Conseil d'Etat), Bruxelles, Bruylant, 1975, p. 55, · n° 46; en ce sens : J. Salmon, Le Conseil d'Etat, Bruxelles, Bruy­lant, 1987, p. 115),

Il résout un problème parfois bien embarrassant pour le praticien confronté à des réactions né­gatives de la part des services chargés d'ins­truire les dossiers. L'on hésite parfois à attaquer d'emblée de telles réactions en craignant une attitude plus négative encore mais aussi encrai­gnant de se voir opposer plus tard que le recours contre la « décision » ultérieure ne viserait qu'une confirmation (expresse ou implicite) et qu'il serait donc tardif. Cette dernière crainte peut donc être écartée notamment si l'autorité dont émane le premier acte est incompétente.

On observera, par ailleurs, qu'en l'espèce, il aura fallu trois ans pour statuer sur la seule recevabilité du recours du requérant, âgé au­jourd'hui de 79 ans ... Avec énergie et dévoue­ment, le Conseil d'Etat fait face à un travail accru considérablement en raison des nouvelles procédures de référé. Peut-on espérer que le gouvernement lui donnera enfin les moyens humains et matériels de conférer aux procé­dures une durée raisonnable ?

F. de VISSCHER

Page 17: ollrnal 114e 25novembre1995 N° 5778

EXEQUATUR. - Décisions prononcées par les juridictions

syriennes. - Exécution en Belgique. -Absence de Convention entre la Syrie et la Belgique. - Article 570 du Code

judiciaire. - Conditions d'application. - Vérification du fond du litige. -Droits de la défense. - CAUTION

JUDICIAIRE. - Notion.

'·:8~~~~··••(2e:·.dj.j~·2·.*~~î-~r··~:s:.

Siég. : M. De Riemaecker, conseiller ff. de prés.; MM. Vermylen et Rutsaert, conseillers. Plaid. : MMes Botson, Wtterwulghe, Pijcke et Marchal.

(s.a. Abfin c. Jarmakani et crts).

La caution judiciaire a pour effet de garantir le paiement par le plaideur étranger qui succom­berait, des sommes auxquelles il pourrait être condamné. La demande d'une telle caution n'est pas fon­dée lorsqu'aucun montant n'est réclamé au plaideur étranger. Lorsqu'il n'existe aucun traité entre la Bel­gique et le pays où a été rendue la décision dont l'exequatur est demandé, le juge belge compé­tent doit vérifier s'il a été satisfait à toutes les conditions requises par l'article 570 du Code judiciaire, notamment si les droits de la dé­fense, tels qu'ils sont conçus en droit belge, ont été respectés devant la juridiction étrangère.

Vu ... , le jugement attaqué, prononcé contradic­toirement le 8 septembre 1992 par le tribunal de première instance de Bruxelles,. Attendu que l'action originaire mue par les.ac­tuels intimés tendait à entendre, à titre princi­pal, déclarer exécutoire le jugement rendu le 30 décembre 1985 par la cour d'appel de Damas (Syrie), et, aux termes de leur demande nou­velle, les actuels intimés ont sollicité que soit également déclaré exécutoire le jugement rendu le 20 janvier 1990 par la Cour de cassa­tion de Damas (Syrie); Qu'à titre subsidiaire ils ont demandé d'enten­dre condamner la s.a. Abfin au paiement des montants correspondant à ceux des condamna­tions prononcées par les cours précitées, outre les intérêts et les dépens; Attendu que le premier juge a fait droit à la demande originaire en déclarant exécutoires en Belgique les arrêts précités rendus.en cause des actuels intimés et de las.a. A.B.R., aux droits et obligations de laquelle est venue la s.a. Abfin; Attendu que 1' appel a pour objet d'entendre déclarer la demande originaire irrecevable et subsidiairement non fondée; Que les intimés concluent à la confirmation de la décision entreprise et sollicitent par la voie de leur dèmande nouvelle la condamnation de 1' appelante aux frais de saisie conservatoire qu'ils ont exposés;

* * *

Attendu qu'au vu des pièces produites et no­tamment des traductions des décisions étran­gères ainsi que des débats, il apparaît que les faits et antécédents de la procédure étrangère peuvent être résumés comme suit :

Que les actuels intimés ont assigné· en 1977 la s.a. Ateliers Belges Réunis, en abrégé A.B.R., devant les juridictions syriennes en vue de la condamnation au paiement d'une commission de courtage qu'ils estimaient devoir leur reve­nir en raison de leurs prestations ayant conduit à la conclusion d'un important contrat de cons­truction de deux usines de sucre en Syrie;

Que par la décision prononcée le 30 décembre 1985 par la quatrième cour civile d'appel de Damas, répertoriée sous les références : « ju­gement 248 - base 2164/B/985 », en cause de « l'appelant : Nassar Jarmakani fils de Hassan, Abdul Hafiz Ghafir et Sami Joumaaha fils de Mohamad, contre l'intimé : Société belge Ate­liers Belges Réunis », la cour a condamné la société A.B.R. au paiement d'une somme de 22.884.300 F, représentant la commission arbi­trée par la cour à 1 % de la valeur totale du contrat;

Que par sa décision prononcée le 20 janvier 1990, répertoriée sous les références « juge­ment n° 25/1990 - base civile 693 »,la Cour de cassation de Damas a déclaré irrecevable le pourvoi en cassation formé par la Société ABA Y aux motifs notamment que la société ABA Y n'a pas produit les documents établis­sant la fusion opérée avec la société A.B.R. et que le conseil de la société ABAY n'a pas produit les documents justifiant le mandat pour agir en justice;

Que la Cour de cassation. de Damas a, statuant sur le pourvoi en cassation des actuels intimés, confirmé la décision de la cour d'appel de Damasquant à la réduction de la commission à 1 % du contrat et a assorti la condamnation au principal décidée par la cour d'appel, de la débition d'intérêts légaux de 4 % à compter de la date de la notification de 1' arrêt en appel;

Que l'arrêt de la cour d'appel de Damas a été notifié en date du 8 avril 1990 en Syrie au conseil de la société A.B .R.;

* * * Attendu que l'appelante conclut en ordre prin­_cipal à l'irrecevabilité de l'action originaire au motif que l'action en exequatur d'un jugement étranger ne peut être poursuivie qu'à charge du débiteur désigné par la décision dont 1' on pour­suit l'exécution en Belgique;

Que l'appelante conclut en outre à l'irrecevabi­lité de la demande nouvelle étendue à 1' exécu­tion en Belgique de la décision rendue par la Cour de cassation de Damas;

Que l'appelante fait grief au premier juge de ne pas avoir imposé la caution judiciaire visée en l'article 851 du Code judiciaire et sollicitée à concurrence de 100.000 F pour chacun des de­mandeurs originaires;

Que l'appelante conclut à l'absence de fonde­ment de la demande dans la mesure où les décisions étrangères se heurtent aux prescrits de l'article 570 du Code judiciaire;

1. - Quant à la recevabilité des demandes originaires.

2. - Quant à la caution judiciaire.

Attendu que par de justes motifs non énervés en degré d'appel et auxquels la cour se réfère, le premier juge a considéré que cette exigenèe, tirée de l'article 851 du Code judiciaire, n'est pas fondée;

Qu'en effet, la caution judiciaire a pour effet de garantir le paiement par le plaideur étranger, qui succomberait, des sommes auxquelles il pourrait être condamné; qu'en l'espèce, l'appe­lante ne réclame aucun montant aux intimés par voie reconventionnelle;

3. - Quant à la demande d'exécution des dé­cisions étrangères.

Attendu qu'en l'absence de conclusion entre la Belgique et la Syrie d'un traité relatif à lare­connaissance et à l'exécution des décisions ju­diciaires, la demande de mise à exécution des _ décisions syriennes est subordonnée à la vérifi­cation par le juge, appelé à se prononcer sur l'exequatur, du respect des cinq conditions vi­sées en 1' article 570 du Code judiciaire, outre la vérification du fond du litige;

Attendu que 1' appelante fait valoir que ses droits de la défense ont été gravement mé­connus par la cour d'appel de Damas, qui a déclaré, par une motivation ambiguë, irreceva­ble sa demande d'audition du témoin W. Hoff­mann en sa qualité de témoin adverse, et que cette décision méconnaît en outre l'article 58 du Code des preuves syrien qui dispose que 1' autorisation donnée à 1' un des adversaires de prouver un fait par témoins, inclut toujours que 1' autre adversaire possède le droit de le rétrac­ter par la même voie;

Que 1' appelante fait grief au premier juge de ne pas avoir vérifié le fond du litige et de s'être contenté d'un contrôle du respect des droits de la défense portant uniquement sur la régularité del' assignation et sur la représentation des par­ties ou sur le point de savoir si elles ont été déclarées défaillantes, et d'avoir considéré que la société A.B.R. aux droits desquels succède l'actuelle appelante a été valablement représen­tée dans le procès syrien et a pu faire valoir ses moyens. de défense;

Attendu.que la révision au fond visée en l'arti­cle précité consiste dans le pouvoir du juge de l'exequatur de contrôler si le juge étranger n'a pas commis d'erreur, soit en fait, soit en droit, et le cas échéant de refuser pour ce motif la mise à exécution en Belgique (F. Rigaux, Précis de droit international privé, Bruxelles, Larcier, 1968, pp. 65 et 66);

Attendu que lorsqu'il n'existe aucun traité en­tre la Belgique et le pays où a été rendue la décision, le juge belge compétent doit vérifier s'il a été satisfait à toutes les conditions re­quises par l'article 570, alinéa 2, du Code judi­ciaire pour 1' exequatur de cette décision en Bel­gique, notamment si les droits de la défense, tels qu'ils sont conçus en droit belge, ont été respectés devant la juridiction étrangère (Cass., 5 janv. 1995, R.G., n° C.93.0287.F, Consarc Corporation-Consarc Engineering Limited c. ministère irakien de 1' Industrie et de l' Arme­ment);

Attendu qu'il apparaît des pièces produites que, par un écrit du 20mai1985, les conseils syriens de la société A.B.R., ont .sollicité l'audition du sieur Willy Hoffmann sur commission roga­toire;

z::~.z:ournal des 1ill:ribunaux

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Qu'il est constant que le 27 décembre 1984 la cour d'appel de Damas a, par une décision in­terlocutoire, commis rogatoirement la cour d'appel de Bruxelles pour procéder notamment à l'audition de ce témoin et que par une déci­sion interlocutoire rendue le 30 juin 1985 la cour d'appel de Damas a renoncé à l'exécution de cette commission rogatoire; Qu'il apparaît des pièces produites que par un écrit du 28 juillet 1985, les conseils de" la so­ciété A.B .R. ont à nouveau sollicité l'audition du sieur Willy Hoffmann en invoquant expres­sément l'article 58 du Code des preuves syrien; Que la décision de la cour d'appel de Damas dont l'exequatur est sollicité a déclaré cette demande irrecevable pour les motifs repris ci­après, suivant la traduction non discutée versée aux débats : « Cette cour a décidé le 30 juin 1985 de retirer son jugement rendu à l'audience du 27 décembre 1984 étant donné que l' appe­lant a sollicité l'audition de M. Hoffmann en sa qualité de témoin adverse à charge, que M. Hoffmann n'est pas partie dans le procès et que son interrogatoire de la manière sollicitée par l'appelant est irrecevable. De plus, il est irrece­vable del' entendre en qualité de témoin contra­dictoire puisque les faits du procès prouvent qu'il s-'est rendu à Damas et à Beyrouth. Et attendu que ce fait est confirmé par le témoi­gnage et que la société belge ne l'a pas dénié mais a dénié que M. Hoffmann a été son fondé de pouvoir. Et attendu que la question de la représentation de la société par M. Hoffmann est devenue inefficace· après.avoir prouvé que les travaux effectués par M. Hoffmann et ses voyages à Damas et à Beyrouth, ainsi que toutes les autres prestations offertes par l' appe­lant ont soutenu l'intérêt de la société visant à passer le contrat... »;

Que le terme « appelant » figurant en fa traduc­tion de la motivation reprise ci-dessus, vise les actuels intimés; Attendu qu'il n'est nullement contesté que le sieur Hoffmann se trouve être au centre des contacts entre parties; Qu'il ressort de la demande d'audition du 20 mai 1985 des conseils de la société A.B.R. que les faits cités ne portaient pas exclusivement sur les pouvoirs et la mission du sieur Hoff­mann mais également sur les actes effective­ment accomplis par les actuels intimés et qui ont fait l'objet des auditions des témoins des actuels intimés, témoignages qui ont été pris en considération par la cour d'appel de Damas; Attendu que l'appelante peut dès lors être sui­vie en ce qu'elle soutient qu'en déclarant irre­cevable la demande d'audition du témoin Hoff­mann, la cour d'appel de Damas a méconnu les droits de la défense de la société belge à la cause et a méconnu l'article 58 du Code des preuves syrien; Que le moyen des actuels.intimés tiré de l' irre­cevabilité de l'audition du sieur Hoffmann par application de l'article 61 du Code des preuves syrien - qui considère notamment que n'est pas valable le témoignage du mandataire pour · son mandant -, outre le fait que cet article n'est pas visé par la décision de la cour d'appel de Damas, manque de pertinence dans la me­sure où il n'est nullement démontré que le sieur Hoffmann aurait été le mandataire de la société A.B.R.; Qu'il ressort au contraire de la traduction non discutée de la décision de la Cour de cassation de Damas rendue le 20 janvier 1990 que les

ournal des tribunaux

actuels intimés « n'ont pas pu prouver que M. Hoffmann est le représentant de la. société » (page 4 in fine de la traduction versée aux dé­bats par les parties); Que l'action originaire manque de fondement;

Par ces motifs :

La Cour,

Reçoit l'appel et la demande nouvelle, dit seul l'appel fondé;

En conséquence, met à néant la décision entre­prise hormis en ce qu'elle· a reçu l'action et liquidé les dépens;

Réformant, dit l'action non fondée, en déboute les actuels intimés.

AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, DE L'URBANISME ET DU

PATRIMOINE. - Code wallon de l'aménagement, article 70. -

Bourgmestre. - Arrêté interdisant toute modification du sol. -

Suppression. - Motif. - Infractions à l'article 70 du Code précité. ·

Siég. : Mme Putzeys, juge ff. de prés. Plaid. : MMes Colmant et Louis.

(Delporte c. commune de Dour).

L'arrêté pris par le bourgmestre d'une com­mune wallonne interdisant toute modification du relief du sol sur la parcelle appartenant au requérant doit être supprimé dès lors que les dispositions de l'article 70 du Code wallon dé l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine n'ont pas été respectées.

Les faits.

Attendu que le demandeur est propriétaire d'une parcelle de terrain de 2 ha 96 ca, sise à Elouges, cadastrée section B, n° 1247 E 8;

Que cette parcelle est coupée par la tranchée d'un ancien chemin de fer industriel, d'une su­perficie de 3 à 4 ares et d'une profondeur de 1,10 m;

Attendu que le demandeur souhàite y planter des essences nobles;

Que pour ce faire, il a commencé à remblayer la tranchée pour que sa plantation soit d'un seul tenant; ·

Attendu que par arrêté du 2 mars 1995, le bourgmestre de Dour interdit toute modifica­tion du sol tant qu'un permis préalable n'aura pas été délivré;

La demande.

Attendu quel' action a pour objet la suppression del' arrêté du 2 mars 1995 pris par le bourgmes­tre de Dour, en application de l'article 70 du

Code wallon del' aménagement du territoire, de l' ur:banisme et du patrimoine;

Discussion.

Le fond.

Attendu que l'article 70 du C.W.A.T.U. prévoit que l'ordre d'interruption des travaux, donné verbalement, doit être confirmé, dans les cinq jours, par le bourgmestre;

Que cet ordre, donné le 2 mars 1995, fut con­firmé le même jour par le bourgmestre;

Attendu que le même article impose que le procès-verbal de constat et la décision de con­firmation soient notifiées par lettre recomman­dée avec avis de réception, au maître de l'ou­vrage;

Qu'une copie de ces documents doit être adres­sée en même temps au fonctionnaire délégué;

Attendu que la décision du bourgmestre a été notifiée au demandeur;

Que cependant, les formalités d'envoi n'ont pas été respectées;

Que la décision n'était pas accompagnée du procès-verbal de constat;

Que la copie des documents n'a pas été en­voyée au fonctionnaire délégué; ·

Attendu que la défenderesse reconnaît implici­tement que les prescriptions de l'article 70 du C.W.A.T.U. n'ont pas toutes été respectées mais estime que « leur respect ne changerait rien à la situation »;

Qu'elle invoque une ordonnance de référé de Bruxelles (Civ. Bruxelles, réf. 15 mai 1985, Amén., 1985, p. 27) selon laquelle« que la me­sure d'interruption des travaux soit régulière ou non, il n'appartient pas au président statuant en référé de donner l'autorisation de reprendre les travaux, lorsqu'il est établi et non contesté que ces travaux sont en infraction »;

Attendu qu'il n'a jamais été question de donner autorisation de poursuivre les travaux entamés par le demandeur;

Que la présente ordonnance se limite à l'objet de la demande, soit la suppression del' arrêté du 2 mars 1995 ordonnant l'interdiction de modi­fier le relief du sol;

Qu'en outre, il n'est pas établi ni incontesté que les travaux sont effectués ~n infraction;

Atténdu que l'article 70 dÙ C.W.A.T.U. doit être respecté en toutes ses dispositions;

Qu'il est vain d'imposer au demandeur de res­pecter la législation sur l'urbanisme (permis pour les travaux), sans la respecter soi-même, au simple motif que des exigences purement formelles non remplies ne changent rien à la situation;

Attendu que la demande est fondée;

Par ces motifs :

Recevons la demande;

La disons fondée.

Page 19: ollrnal 114e 25novembre1995 N° 5778

REFERE. - CONFLIT SOCIAL. -VOIE DE FAIT. - Entrave à l'accès

des locaux. - Compétence du juge des référés. - Interdiction sous peine

d'astreinte. - TRACTS. -Distribution. - Conditions.

Siég. : M. Bourseau, prés. Plaid. : MMes Hallet, Thirion, Dubois (barreau de Huy), Boniver loco Muraille et Lacomblé.

(s.a. Anciens ~tablissements Collette c. Mosele et crts).

Le juge des référés peut connaître d'une de­mande relative à une voie defait née à l'occa­sion d'un conflit social, mettant en cause l'exercice par une personne étrangère au con­flit, du droit incontestable d'accéder en tout temps à ses locaux et installations, et de pour­suivre normalement ses activités économiques.

Il peut notamment prendre des mesures de na­ture à permettre l'accès paisible aux locaux de la société.

La liberté d'opinion et la liberté d'expression ne permettent pas l'interdiction pure et simple de distribuer des tracts. Celle-ci doit être per­m.ise pour autant qu'elles' effectue à l'extérieur des locaux, de façon paisible et sans perturber l'exercice des activités commerciales de la so­ciété.

Il. - Le droit.

1. - Quant à la compétence du pouvoir judi­ciaire.

Attendu que, quels que soient les mobiles so­ciaux, économiques, voire politiques ou finan­ciers qui les font naître, l~s contestations qui surgissent concernant l'exécution des contrats de travail sont fondamentalement relatives aux droits privés des citoyens et sont de la compé­tence du pouvoir judiciaire; qu'il en serait en­core ainsi dans le cas où, pour certaines contes­tations, le législateur en serait venu, quod non, à créer des offices de judicature en dehors de ce pouvoir (voy. les articles 92 et 93 de la Consti­tution et les conclusions du procureur général Ganshof van der Meersch précédant Cass., 22 mai 1969, Pas., 862);

Attendu que certain aspect collectif des rela­tions du travail n'en altère pas le caractère es­sentiellement civil; que l'opinion contraire aboutirait à priver de juge les contestations et à violer l'article 6, § 1er, de la Convention euro­péenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950, que la loi du 13 mai 1955 a approuvée;

2. - Quant à la compétenee de la juridiction des référés.

Attendu que cette juridiction et, singulière­ment, celle, omnicompétente, du président du tribunal de première instance, peut être saisie, en vertu de l'article 584 du Code judiciaire, de toutes demandes dont la solution est urgente, à

la seule exception des cas soustraits au pouvoir judiciaire, étant précisé que la décision à rendre ne lie pas le juge du fond, ne porte pas préjudice au fond du droit; qu'il en est ainsi, notamment, de celles qui tendent à faire cesser des voies de fait; .

4. - Quant au fond des demandes.

Attendu que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents « pour mettre fin à des actes qui violent des droits subjectifs, même si ces actes sont commis à l'occasion d'un conflit collectif» (Bruxelles, 3 déc. 1987, J.T.T., 1988, p. 21);

Que, selon une tendance majoritaire en Bel­gique, l' « occupation d'usine constitue tou­jours une voie de fait illicite, un acte de force, portant atteinte au droit de propriété et à la liberté d'entreprise de 1' employeur, ainsi qu'à la liberté de travail des non-grévistes » (La­gasse et Vannes, « Occupation d'entreprise, voie de fait et pouvoir judiciaire », J.T.T., 1988, p. 106);

Qu'en occupant par eux-mêmes ou par per­sonnes interposées des locaux de la demande­resse ou des intervenantes, les défendeurs se rendent coupables d'une voie de fait à l' encon­tre de la demanderesse et des sociétés interve­nantes, dans le cadre d'un conflit collectif; qu'ils portent atteinte aux droits garantis par le Code civil, l'article 11 de la Constitution et l'article 1er du Protocole du 20 mars 1953 addi­tionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et créent également une entrave à la liberté de travail des membres du personnel non-grévistes, droit consacré par la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Charte sociale européenne et les Pactes internationaux relatifs aux droits économiques, sociaux et cul­turels;

Attendu que le juge des référés peut connaître d'une demande relative à une voie de fait, née à l'occasion d'un conflit social, mettant en cause l'exercice, par une personne étrangère au con­flit, du droit incontestable d'accéder en tout temps à ses locaux et installations, et de pour­suivre normalement ses activités économiques;

Qu'il y a urgence lorsqu'il est établi que les entraves au libre accès mettent gravement en péril l'exécution de contrats en cours et le bon fonctionnement des activités, ·en ce compris la stabilité de l'emploi, ce qui est le cas en l'es­pèce;

Sur les deux paragraphes qui précèdent : voy. Mons, 9 déc. 1986, J.L.M.B., 1987, p. 310;

Que le juge des référés peut notamment prendre les mesures de nature à permettre l'accès paisi­ble aux locaux de la demanderesse et des so­ciétés Ïntervenantes (Liège, 12 nov. 1986, J.L., 1986, p. 705 et Civ. Liège, réf., 26 sept. 1985, J.L., 1986, p. 603); qu'il peut aussi ordonner que l'accès aux lieux du travail soit dégagé de toute entrave (Liège, 19 nov. 1986, J.L., 1986, p. 710);

Attendu que l'on se trouve ici en présence non pas d'un conflit portant sur des droits collectifs mais bien d'un litige portant sur des droits sub­jectifs (notamment, droit de l'entreprise à l'exercice normal de ses activités, droit au tra­vail du personnel non-gréviste, droit d'accès des clients, ... );que ce qui est soumis au juge, en-l'espèce, n'est pas le conflit lui-même mais

bien les droits individuels mis en cause et no­tamment ceux de tiers audit conflit;

Attendu que la situation actuelle entraîne dès à présent pour la demanderesse et les interve­nants des conséquences défavorables incontes­tables et peut être source, dans un proche ave­nir, d'un préjudice grave et irréparable; qu'il existe aujourd'hui une extrême urgence à pren­dre des mesures car la situation déplorée est très vraisemblablement sur le point de se repro­duire, dans l'immédiat;

Que les droits des parties demanderesse et in­tervenantes et la voie de fait paraissent non sérieusement contestafües et même évidents;

Qu'il échet de faire droit au plus tôt, en grande partie, aux demandes qui paraissent recevables et fondées;

Que la liberté d'opinion et la liberté d'expres­sion ne permettent pas l'interdiction - dans les termes généraux où elle est sollicitée - de distribuer des tracts; que cette distribution doit néanmoins s'effectuer sous les conditions pré­cisées au dispositif;

Par ces motifs :

Recevons l'action principale et les deux re­quêtes en intervention volontaire; les disons en grande partie fondées.

Faisons défense aux défendeurs et à toutes au­tres personnes qui en dépendent ou répondent de leur mot d'ordre : 1 9 9 5 1) d'entraver, de quelque manière que ce soit, l'accès libre et paisible de toutes personnes - 111 notamment propriétaires des locaux, gérants, membres de la direction, cadres et plus généra-lement tous les membres au sens k plus large du personnel désirant travailler, clients, four-nisseurs, etc. - dans .les locaux affectés aux -

- activités de la demanderesse et des sociétés intervenantes, ainsi qu'à leurs dépendances, telles notamment les bureaux, réserves et par­kings; 2) d' entJ:aver, de quelque manière que ce soit, l'exercice normal de toutes les activités de la demanderesse et des p~ies intervenantes, étant bien précisé ici que ne peut être considéré comme entrave le fait de faire grève et dès lors de ne pas se présenter à son travail; 3) de porter atteinte aux locaux, matériels, équipements et marchandises. dépendant des établissements de la demanderesse et de ceux des sociétés intervenantes.

En cas de non-respect de ce qui précède, con­damnons in solidum les défendeurs au paiement d'une astreinte de 50.000 F par violation dû­ment constatée, à l'une ou l'autre des interdic­tions ci-dessus spécifiées, violation postérieure à la significati~n de la présente ordonnance.

Disons n'y avoir lieu à référé pour le surplus, et notamment quant à l'interdiction pure et simple de distribuer des tracts, cette distribution n'étant permise que pour autant qu'elle s' effec­tue à l'extérieur des locaux susvisés et de façon paisible, sans perturber l'exercice des activités commerciales de la demanderesse et des so­ciétés franchisées.

Autorisons l'huissier de justice instrumentant à avoir recours, en cas de besoin, à l'assistance de la force publique pour assurer l'exécution de la présente ordonnance, laquelle pourra, vu l'ur­gence, être signifiée et exécutée les samedis, dimanches et jours fériés.

ournal des ~~tribunaux

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DROITS D'AUTEUR. - Sabam. -ŒUVRES MUSICALES. -

EXECUTION PUBLIQUE. - Endroit ouvert au public. - Librairie. - Poste

de radio, branché, placé dessous le comptoir. - Usage personnel du

gérant. - Droits d'auteur non dus.

Siég. : Mme Bodenstab, juge de paüc. Plaid. : MMes Bastin et Leblicq.

(Sabam c. s.c. Farhad).

Il n'y a pas d'exécution publique d'œuvres mu­sicales lorsque le poste de radio, b"Fanché, est placé derrière le comptoir d'une librairie, de sorte que la clientèle ne s'installe pas dans le magasin ei ne « profite » donc pas de la mu­sique.

Attendu que la demande tend à la condamna­tion de la défenderesse au paiement de la somme de 8.071 F à titre de droits d'auteur et frais;

Attendu que le 23 novembre 1994, deux té­moins de la Sabam ont constaté que le gérant de la société défenderesse écoutait la radio dans le commerce (librairie) qu'il exploite à Ixelles, chaussée d'Ixelles, 102; qu'il n'est pas contesté que le poste de radio se trouvait derrière le comptoir;

Attendu que s'il est· exact que le sérieux et l'objectivité des constatations des inspecteurs de la Sabam ne peuvent être remis en question (cf. la jurisprudence abondante déposée par la demanderesse), il y a lieu de vérifier dans quelles conditions et dans quel but la radio était branchée;

Attendu que dans le cas qui nous occupe, il s'agit certes d'un lieu accessible au public, mais où la clientèle ne fait qu'un bref passage pour acheter un journal ou tout autre article de librairie, que la clientèle ne s'installe pas dans le magasin et ne « profite » donc pas de la musique;

Attendu que l'endroit où le poste de radio était placé confirme la thèse de la défenderesse, qui consiste à dire que la radio était bnµ1chée pour l'usage personnel de son gérant;

Attendu qu'il résulte des éléments décrits ci­dessus qu'il n'y a pas eu d'exécution publique d' œuvres musicales; que, partant, la demand~

· ne peut être accueillie;

Par ces motifs :

Déclarons la demande recevable mais non fon­dée.

ournal des 1tribunaux

CHRONIQUE JUDICIAIRE

Thierry Vansweevelt : « De civielrechtelijke aansprakelijkheid van de geneesheer en het ziekenhuis ». - Anvers, Maklu, Bruxelles, Ced Samson et Bruylant, 1992, 947 pages.

Sur de Gaulle, disait Guillemin, voyez Lacou­ture. Sur la responsabilité des médecins et des hôpitaux, dira-t-on longtemps encore, voyez Vansweevelt.

La thèse de doctorat présentée par 1' auteur constitue, en effet, l' œuvre la plus complète et la plus originale qui soit parue dans la littéra­ture juridique belge, depuis longtemps.

Il est difficile d'exposer aux lecteurs ce qu'il peut trouver dans cet ouvrage, tant celui-ci foi­sonne d'informations et d'analyses, transfor­mant en jardin à la française ce qui, trop sou­vent, ressemble a un champ de bataille.

Tout compte rendu est évidemment réducteur. A plus forte raison en est-il ainsi, lorsqu'il s'agit de présenter un ouvrage de près de mille pages, dont la table des matières n'en comporte pas moins de vingt-deux.

Comment s'y prendre dès lors ? Soucieux de ne pas trahir la richesse de l'ouvrage, je me pro­pose, dans un premier temps, d'en décrire le plan, et ensuite d'en analyser, par l'effet d'un choix nécessairement subjectif, quelques-unes des thèses.

L'ouvrage comporte six parties, dont la der­nière constitue la somme des réflexions et des interrogations de 1' auteur.

Epinglons donc successivement : la responsa­bilité du médecin et de l'hôpital pour leur fait propre (première partie, n°s 1 à 329); la respon­sabilité du médecin et de l'hôpital pour le fait d'autrui (deuxième partie, n°s 630 à 989); la responsabilité du médecin et de l'hôpital pour les dommages causés par des objets vicieux (troisième partie, n°s 990 à 1156); les moyens de défense spécifiques (quatrième partie, n°s 1157 à 1239); l'assurance de la responsabi­lité médicale (cinquième partie, n°s 1240 à 1330); et enfin : la crise de la responsabilité médicale et de son assurance : causes et re­mèdes (sixième partie, n°s 1331 à 1467).

La répartition quantitative des matières est si­gnificative. L'analyse des causes de responsa­bilité; ainsi que des exceptions spécifiques, représente, en effet, plus des trois quarts de l'ensemble.

Il faut convenir que la matière est complexe, et qu'une analyse systématique, telle que l'auteur a entendu la conduire, demandait d'amples dé­veloppements.

On y trouve effectivement, non· seulement l'analyse des problèmes de responsabilité pro­prement dits, mais, en outre, et préalablement, 1' analyse de toutes les données de fait et de droit qui sous-tendent le contentieux de la res­ponsabilité médicale. Sont ainsi passés en re­vue, l'énumération étant exemplative : les dif­férentes hypothèses · de contrat passé entre le patient, le_ médecin et l'hôpital ou l'un d'eux, l'hypothèse d'une responsabilité centrale de l'hôpital, les hypothèses de responsabilité étrangère à tout contrat, les responsabilités du fait d'autrui en dehors du contrat hospitalier (remplacement, laboratoire, ... ), la probléma­tique de la responsabilité contractuelle et extra­contractuelle pour choses vicieuses, et les pro­blèmes d'identification de la personne respon­sable.

On retiendra plus particulièrement les dévelop­pements de la quatrième partie, concernant suc­cessivement la prescription de 1' action en réparation et le-régime des stipulations conven­tionnelles en matière de responsabilité . médi­cale.

Sur l'ensemble de ces questions, l'on ne peut que constater le caractère complet de 1' inf or­mation et de la réflexion de l'auteur. Tout ré­sumé serait fallacieux. Il est, en revanche, permis d'illustrer, sur quelques p9ints particu­lièrs, l'originalité de la démarche de l'auteur.

Retenons, dans la première partie, l'analyse des conditions du contrat médical (n°s 25 à 50).

L'auteur constate qu'une distinction a été con­sacrée de longue date, selon que le patient con~ tracte de préférence avec le médecin ou avec l'hôpital.

L'auteur prend parti en faveur de la validité du contrat « all-in », aux termes duquel l'hôpital .assume contractuellement un engagement glo­bal, incluant les prestations médicales elles­mêmes. L'auteur s'efforce d'en déduire toutes les conséquences; par référence aux notions classiques de contrat consensuel, synallagma­tique et donc onéreux, conclu intuitu personae et comportant des prestations successives.

A côté des situations contractuelles, l'auteur analyse les différentes hypothèses de situations extra-contractuelles, en distinguant l'absence de contrat, le contrat nul, le contrat conclu entre tiers, et le dommage ne résultant pas de 1' inexé­cution d'une obligation contractuelle.

L'auteur rend ainsi compte, à l'égard de la ma­tière considérée, de 1' application systématique des principes du droit. Il en résulte, pour cha­cune des situations envisagées, des conclusions simples, à tel point que l'on se prend à s'inter­roger sur les raisons pour lesquelles, pendant longtemps, les errements se sont poursuivis.

Ayant ainsi situé le cadre juridique dans lequel la responsabilité médicale ou hospitalière peut être recherchée, 1' auteur examine successive­ment : la nature des obligations pesant sur le médecin et l'hôpital, la notion de faute, sa preuve et son application aux différents do­maines de l'activité médicale. L'on retiendra, à cet égard, les développements consacrés aux trois phases successives de la relation médi­cale : le diagnostic, l'information du patient, et le traitement proprement dit. Les développe-

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ments consacrés à 1' information du patient, et singulièrement aux problèmes de preuve qui se posent à cette occasion, sont particulièrement éclairants.

Retenons, dans la seconde partie, les dévelop­pements approfondis qui sont consacrés à la · distinction proposée entre le médecin-organe et · le médecin-préposé, et les différentes questions liées à la responsabilité du fait des assistants et infirmiers. Ici encore, le rappel des principes conduit à des solutions claires, à la lumière d'une analyse systématique de la loi (spéciale­ment de l'article 18 de la loi sur les contrats de travail, de la jurisprudence et de la doctrine). Ici encore, les conclusions conduisent à des solu­tions d'une parfaite netteté. Le lecteur demeure cependant frappé par le foisonnement des idées et des thèses qui ont pu être dévelüppées, et sur la difficulté que représente l' œuvre de synthèse qui lui est proposée. Certes, les problèmes de­meureront, mais 1' exposé systématique des dif­férentes hypothèses de relation juridique per­met, pour chacune d'elles, de retracer les principes directeurs et les solutions qui s'en dégagent.

Les mêmes q~alités de documentation, de ré­flexion et de synthèse se retrouvent dans la troisième partie, relative à la responsabilité du­fait des choses.

La quatrième partie, consacrée aux « moyens de défense spécifiques· », examine une question qui, depuis la parution del' ouvrage, aura connu de nouveaux développements. Le chroniqueur, lent à la lecture, serait mal venu de reprocher à

« L'indemnisation automatique de certaines victimes d'accidents de la circulation», sous la direction de Bernard Dubuisson, collection Droit des assurances, n° 8. -Academia-Bruy­land, 1995, 216 pages.

Depuis que 1' automobile existe, ellé est la cause d'accidents toujours plus nombreux et toujours plus graves. Depuis qu'il y a des· victimes d'ac­cident, les juristes s'efforcent de concevoir des systèmes d'indemnisation toujours plus effi­caces.

Une assurance obligatoire de la responsabilité civile est certainement une mesure utile, car elle met les victimes à l'abri du risque d'insol­vabilité du responsable. Mais cette assurance laisse subsister tous les inconvénients de lares­ponsabilité : pour être indemnisée, la victime doit d'abord identifier le responsable et ensuite apporter la preuve d'une faute commise par celui-ci en relation causale avec le préjudice qu'elle a subi.

Depuis quelques dizaines d'années, certains défendent 1' idée que tout dommage résultant d'un accident mérite d'être réparé, qu'il soit ou non causé par la faute d'un tiers. Cette idée a été sérieusement étudiée en Belgique, mais elle n'a pas vraiment intéressé le législateur, jusqu'au jour où un ministre a découvert qu'en mettant à chargè de l'assurance privée l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, on peut faire épargner quelques milliards à 1'1.N.A.M.I. « Triste pays »,écrit Marcel Fon­taine, « où seules des considérations budgé­taires permettent de résoudre des problèmes de société en attente depuis des décennies ».

1' auteur de ne pas avoir prévu, en 1992, 1' arrêt prononcé par la Cour d'arbitrage le 21 mars 1995. La réflexion n'est d'ailleurs nullerrient périmée, dans la mesure où toutes les implica­tions de la décision capitale de la Cour d'arbi­trage pourront être évaluées, à la lumière de 1' analyse proposée par l'auteur. Les développe­ments relatifs aux clauses d'exonération de res­ponsabilité conservent, en revanche, et pour longtemps sans doute, toute leur pertinence.

Les deux dernières parties de 1' ouvrage peuvent être considérées d'un même œil. Il s'agit, tout d'abord, de 1' assurance de la responsabilité mé­dicale èt des problèmes qu'elle suscite; il s'agit ensuite de ce que l'auteur qualifie de « crise » de la responsabilité médicale et de l'assurance qui s'y rapporte.

Tout a été dit, en termes sommaires ou nuancés, sur cette question : faut-il continuer à privilé­gier la notion de faute, et imposer aux patients la preuve d'un manquement, si léger soit-il ? Une telle démarche ne conduit-elle pas à une recherche éperdue et souvent irréelle de man­quements de plus en plus minimes ? Est-il bien raisonnable de faire dépendre l'indemnisation d'un préjudice grave, voire épouvantable dans certains cas, de la circonstance qu'entre l'ab­sence totale de manquement et la constatation d'un manquement infime, l'expert d'abord et le juge ensuite pencheront dans un sens ou dans ,l'autre ? Ne faudrait-il pas consacrer un sys­tème de responsabilité objective, couplée à un mécanisme d'assurance qui serait à 1' activité médicale, ce que l'assurance « tous risques chantier » est au droit de la construction ? La

Cette grande réforme du droit de la responsabi­lité a été insérée, presque subrepticement, dans la loi du 30 mars 1994 «portant des disposi­tions sociales ». Cette loi introduit dans la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, deux nouveaux articles, les articles 29bis et 29ter.

Lors du colloque du 26 octobre 1994, les pro­fesseurs de la licence en droit et économie des assurances de l'U.C.L. ont soumis la loi du 30 mars 1994 à un examen approfondi.

Le professeur Bernard Dubuisson examine si la loi organise une assurance de responsabilité sans responsable ou une assurance de personne à caractère indemnitaire. Il déplore la « tech­nique qui consiste à dissimuler le responsable derrière 1' organisme assureur ». Selon lui, ce tour de passe-passe contribue . à pervertir les mécanismes de la responsabilité civile et de l'assurance de responsabilité (p. 48).

Le professeur Denis Philippe étudie les condi­tions d'application de la loi et plus particulière­ment la notion d'implication du véhicule. Il constate que : « Aux affres de la causalité, viendront maintenant s'adjoindre les affres de l'implication, notion à contenu variable » (p. 73).

Le professeur Hélène De Rode se consacre à 1' examen des limites du droit à indemnisation. Elle conclut que la loi s'inscrit dans une évolù­tion « qui conduit à remplacer l'injustice indi­viduelle par l'injustice collective » (p. 106).

comparaison n'a rien de sacrilège. L'imagina­tion du juriste est toujours un facteur de pro­grès, même si elle s'exerce au départ d'une comparaison raisonnée avec des situations voi­sines. L'auteur en est conscient, qui énonce, au terme de son analyse (n° 1466) que : « néanmoins, un tel système d'indemnisation "no fault" n'est p;is un ''Deus ex machina'' ».En compa­raison avec le système actuel de responsabilité fondée sur la faute, il apparaît certainement plus cher. Bien que de tels problèmes financiers ne puissent certes être ignorés, ils ne consti­tuent pas un obstacle insurmontable. Via, entre autres, la description des événements indemni­sables, des franchises et des limites d'indem­nité, le coût peut en être maîtrisé. Le choix doit, selon moi, être donné à une indemnisation basse pour un grand nombre de victimes, plutôt que de laisser de nombreux patients non indem­nisés. Des facteurs de prix de revient entraînent également comme conséquence que le .système « no. fault » ne peut remplacer entièrement l'actuel système de . responsabilité. Les pro­blèmes d'application ne doivent pas davantage être minimisés. A l'encontre des avantages de ce système, ces inconvénients ne paraissent pas déterminants. Le débat est ainsi relancé, sur des bases claires et complètes. Les concertations ont eu lieu. Le législateur prendra-t-il le relais ? Verrons-nous plutôt les assureurs proposer des formules d'in­demnisation découplées de la notion de faute ? L'avenir nous le dira.

Michel MAHIEU

Le professeur Paul-Henry Delvaux examine les dispositions_ de la loi relative aux recours de 1' assureur et aux recours entre coauteurs. Il ter­mine son réquisitoire par le constat que 1' enfer législatif est pavé « d'improvisations ou ... de gloutonneries budgétaires » (p. 125).

Pour démontrer l'impartialité du jury, il est d'usage d'inviter un professeur étranger. M. François Chabas, professeur à l'Université de Paris XII, a comparé la nouvelle loi belge à ce qu'il appelle « 1a triste loi française du 5 juillet 1985 ».

Il revenait au professeur Roger Dalcq de tirer la conclusion générale. Elle est sévère. Le législa­teur du 30 mars 1984 se voit décerner 'par le jury de Louvain-la-Neuve un énorme bonnet d'âne.

Les étudiants qui échouent, ont droit à une se­conde session. Le législateur en a profité pour remplacer la loi du 30 mars 1994 par une loi du 13 avril 1995 (M.B., 27 juin 1995). La nouvelle loi donnera sans doute à la doctrine et aux praticiens une grande satisfaction.

L'ouvrage qui contient des actes du colloque qui s'est tenu à Louvain-la-Neuve, le 26 octo­bre 1994, n'est nullement dépassé. Les rapports publiés tiennent déjà compte des amendements qui étaient en projet au moment de la publica­tion. Le livre contient le projet de loi qui a été adopté par le Sénat et qui devait devenir, sans aucune modification, le texte de la loi du 13 avril 1995. L'ouvrage reste vraiment d'actua­lité.

Jean-Luc FAGNART

ournàl des 'fttribunaux

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~CHO Distinctions.

- Le prix des anciens présidents de la Confé­rence du Jeune barreau de Bruxelles a été cette année attribué à Me Nicolas Estienne. Ce prix récompense le stagiaire auteur de la meilleure consultation écrite sur un sujet donné.

- Par ailleurs, le 25 octobre 1995, a été remis à Mme Valérie Simonart, le prix quinquennal de la revue critique de jurisprudence belge. Ce prix couronne son ouvrage intitulé « La person­nalité morale en droit privé comparé »dont M. le professeur Pierre Coppens a fait un rapport très élogieux.

Le J. T. adresse ses félicitations aux deux lau­réats.

Dans quelle société vivons-nous ? Voilà des fonctionnaires (éuropéens) qui s'in­terrogent sur l'opportunité, et mieux, sur la pos­sibilité de rédiger des documents législatifs of­ficiels dans une langue simple et claire et qui en arrivent à légiférer sur la question.

Ainsi, au J.O.C.E. du 2 octobre 1995 est paru un avis du comité économique et social intitulé tout simplement « A vis sur une langue simple et claire >~.

Ces fonctionnaires se posent trois questions : 1. ~ Vaudrait-il mieux utiliser une langue simple et claire dans les documents officiels ? Oui est la réponse.

2. - Est-il possible de rédiger les documents officiels dans une langue simple et claire ? C'est possible est la réponse.

3. - La, politigue officielle conseille-t-elle l'utilisation d'une langue la plus simple et la plus claire possible ? Oui est la réponse.

Le problème viendrait de la difficulté pour « les fonctionnaires et les autres de se départir de cette habitude d'utiliser le jargon, le langage juridique et la terminologie froide (par ex., le mauvais emploi du terme "migrants"). Une longue tradition d'utilisation du langage offi­ciel, conjuguée à une forte propension à se conformer aux usages a conduit à une utilisa­tion réflexe de longs mots et de longues phrases alors que cela n'était pas nécessaire ... ».

Les échos du J. T. se veulent souvent railleurs. Tel n'est pas l'objet de celui-ci et il faut rendre hommage à ces fonctionnaires dont l'avis est rédigé dans une langue simple et limpide.

Il serait souhaitable qu'à l'instar du comité éco­nomique et social, notre législateur vote une loi sur la qualité rédactionnelle des lois et sur la nécessité pour les avocats et pour les magistrats de rédiger leurs actes dans une langue claire en précisant qu'elle doit, en outre, être correcte.

A propos, que signifie terminologie « froi­de» ?

ournal des ilribunaux

Simplicissime.

Un esprit malveillant a laissé sous-entendre que nos lois ne seraient pas rédigées dans une lan­gue simple et claire.

C'est inexact et profondément injuste pour le législateur.

Ainsi, dans l'arrêté royal du 20 juillet 1995 « conëemant les aliments pour animaux des­tinés à une alimentation particulière » (M.B., 23 sept. 1995), la simplicité confine au su-

. blime ! ·

En voici des extraits : « Article 1er. - Pour l'application du présent arrêté, il faut entendre par : » 1) aliments pour animaux destinés à une ali­mentation particulière : les aliments composés pour animaux qui du fait de leur composition particulière ou du processus particulier de leur fabrication se distinguent nettement tant des aliments courants quedes produits définis par l'arrêté royal du 30 mars 1995 ...

» Article 2. - Les seuls aliments pour animaux destinés à une alimentation particulière auto­risés dans le commerce sont ceux qui : » 1) par leur nature ou leur composition sont appropriés à l'alimentation particulière à la­quelle ils sont destinés >>.

Personne n'osera soutenir que cette terminolo­gie est froide.

Jurisprudence. Le secrétariat du Journal des tribunaux consa­cre ses meilleurs soins au classement de la ju-

. risprudence la plus récente. Que nos correspon­dants et nos amis qui l'y aident reçoivent nos remerciements.

Tous nos lecteurs, magistrats et avocats, peu­vent, en chaque arrondissement, contribuer par les envois qu'ils nous font, à perfectionner l'instrument d'étude et de travail, de documen­tation et de synthèse qui leur est destiné et que nous voulons actuel et complet.

Il est d'usage de ne publier, sauf urgence parti­culière, que les décisions définitives. Nos cor­respondants voudront dès lors bien nous préci­ser, à l'occasion de leur envoi, si la décision est ou non frappée d'un recours. Nous les en re­mercions d'avance.

Indice des prix.

L'indice des prix à la consommation s'établit à 120,42 points en octobre 1995, contre 120,64 points en septembre 1995, ce qui représente une baisse de 0,22 point ou 0,18 %.

L'indice santé, tel que prévu dans l'arrêté royal du 24 décembre 1993 (M.B., 31 déc. 1993), s'élève pour le mois d'octobre 1995 à 118, 78 points. ·

La moyenne arithmétique des indices des qua­tre derniers mois, soit juillet, août, septembre et octobre 1995 s'élève à 119,04 points.

Aux femmes du. monde judiciaire ...

« Qu'en cette année judiciaire nouvelle, la femme soit au barreau en général, et au nôtre en particulier, le sel de nos jours et le ciel de nos nuits, le ferment de nos combats et la raison de nos doutes.

» Qu'elles aillent cheminant, comme font les cigales, de Mme le bâtonnier, la première du nom (entre nos murs s'entend), à Mme le pro­cureur du Roi, pionnière en son genre, en pas­sant sans férir (en un mot comme ... encens) par Mme le secrétaire permanent et toutes les cou­leurs de l'arc-en-ciel, qu'elles aillent donc au bout de leurs vérités, qu'elles nous indiquent la voie à suivre et le but à atteindre ».

Que ceux de nos lecteurs qui ne lisent pas ponc­tuellement - comme d'autres du genre - le bulletin du barreau de Lîège et n'ont peut-être pas situé immédiatement ce passage qui en est extrait, le sachent : la Principauté a, depuis le début de l'année judiciaire, une femme à la tête de son barreau. L'événement n'est pas précisé­ment banal et - qui ne l'approuverait - le rédacteur en chef, dans son éditorial, s'est laissé aller à quelque lyrisme. Le monde judi­ciaire n'est pas celui de la politique, que dia­ble !

. .. et questions bien poséès.

Après les échanges de compliments - qui n'étaient pas ici que de circonstance - entre l'ancien bâtonnier et la nouvelle élue, cette der­nière, Me Françoise Collard, dans un discours du trône senti et résolu, a notamment posé quel­ques questions à la fois nombreuses et fonda­mentales. Parmi d'autres, celles-ci :

- Est-il acceptable que le budget de l'assis­tance judiciaire ne soit encore que ce qu'il est, nonobstant des progrès réels ? Et peut-on réel­lement parler de progrès lorsqu'on voit la situa­tion dans les pays limitrophes qui cependant, eux aussi, sont confrontés à un problème de crise économique et de gestion difficile ? A­t-on suffisamment répété, haut et fort, qu'il n'était pas norrhal que le coût en soit assumé principalement par le barreau ?

- Interrogeons-nous sur les raisons de la mul­tiplication des ombudsmen, des centres de mé­diation dans le secteur professionnel et non plus _ seulement en matière ou pénale ? Pourquoi des centres de consultation juridique, en tous genres, s'ouvrent-ils un peu partout ? Ne pou­vons-nous r~pondre à ces questions ?

- Pourquoi, en Allemagne, l'assistance pro­tection juridique quasi généralisée, fonctionne­t-elle fort bien alors que chez nous, elle paraît si difficile à développer ?

- Et celle-ci encore, lucide : « Sommes-nous suffisamment convaincus que l'érosion de no­tre courtoisie et de notre éthique profession­nelle est un frein majeur à notre efficacité indi­viduelle et peut constituer le déclin de notre sp_écificité ? ».

Après avoir bien posé les questions, il faut as­surément encore les résoudre. Le monde judi­ciaire liégeois qui a déjà résolu le lancinant problème del' arriéré devant sa cour d'appel -ce que d'autres, hélas, considèrent bien vite comme un obstacle insurmontable - tracera sûrement des voies intéressantes pour l'avenir. Nous y seront attentifs.

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Moniteur du 8 septembre :

M. Xhaufflaire, P., juge de paix du second can­ton de Verviers, est admis à la retraite. Il a droit à la pension et est autorisé à porter le titre honorifique de ses fonctions.

M. Preud'homme, F., vice-président au tribunal de première instance de Huy, est admis à la retraite, à sa demande. Il a droit à la pension et est autorisé à porter le titre honorifique de ses

. fonctions.

Moniteur du 12 septembre :

M. Hombroise, Ch., substitut du procureur de Roi près le tribunal de première instance de Liège, est nommé à titre définitif en qualité de . premier. substitut du procureur du Roi près ce tribunal.

.Moniteur du 13septembre199~:

Sont nommés juges suppléants : au tribunal de première instance de : - Turnhout: Mme Matheussen, L., avocat; - Courtrai: M. Leysen, J., avocat et Mme V anneste, S., avocat; à la justice de paix du : - canton de Deurne: Mme Verstringe, 1., avocat;

- canton de Zandhoven: Mme Jans, Ch., avocat et M. Van Damme, J., avocat; - canton de Heist-op-den-Berg : M. Pauwels, D., avocat et M. Verbist, E., avocat; - premier canton de Turnhout: M. De Key­ser, L., avocat; - canton de Bree: M. Heyvaert, G., avocat; - canton de Furnes: M. Decadt, J., avocat; - canton de Paliseul_: M. Ghislain, V., avo-cat; - canton de Quevaucamps : Mme Delangre, D., avocat; au tribunal de police : - d'Audenaerde: Mme Vanden Broecke, P., avocat, juge suppléant au tribunal du travail d' Audenarde; M. De Groote, W., avocat et M. Heerman, A., avocat; - d'Ypres: M. Boedts, H., avocat et M. Ver Elst, F., avocat; - de Fumes : Mme Vandamme, H., avocat, juge suppléant à la justice de paix du canton de Dixmude.

Moniteur du 15 septembre :

Mme Kevers, F., juge au tribunal de première instance de Tournai, est désignée aux fonctions de juge de la jeunesse à ce tribunal, pour un terme d'un an prenant cours le 1er octobre 1995. Elle est autorisée à siéger aux chambres civiles de ce tribunal.

Moniteur du 21 septembre : M. Cédric Visart de Bocarme, procureur du Roi près le tribunal de première instance de Namur, est délégué au cabinet du ministre de la Justice en qualité de chef de cabinet adjoint à partir du 5 juillet 1995. ·

Moniteur du 23 septembre : M. Millet, F., vice-président et juge de la jeu­nesse au tribunal de première instance de Tour­nai, est admis à la retraite, à sa demande. Il a droit à la pension et est autorisé à porter le titre honorifique de ses fonctions.

M. De Vloo, D., juge au tribunal de première instance d'Ypres, est désigné aux fonctions de juge des saisies et de juge d'instruction à ce tribunal, pour un terme d'un an prenant cours le 8 octobre 1995.

Mme Wagner, D.,juge au tribunal de première instance de Nivelles, est désignée aux fonctions de juge des saisies à ce tribunal, pour un terme d'un an prenant cours le 1er octobre 1995.

Moniteur du 26 septembre 1995 :

M. Malengreau, J., avocat, est nommé juge sup­pléant à la justice de paix du canton de Tubize.

M. Van Wilder, O., avocat, est nommé juge suppléant à la justice de paix du premier canton de Namur.

Moniteur du 27 septembre 1995 :

M. Demeyere, L., licencié en droit, est nommé substitut du procureur du Roi près le tribunal de première instance de Bruxelles.

Mme D'Erbée, E., stagiaire judiciaire près l'au­ditorat du travail de Bruxelles, est nommée substitut de l'auditeur du travail près ce tribu­nal.

Moniteur du 28 septembre 1995

M. De Smedt, J., président de chambre à la cour d'appel de Bruxelles, est ad~s à la retraite. Il a droit à la pension et est autorisé à porter le titre honorifique de ses fonctions.

M. Laurent, Ph., substitut général près la cour du travail de Liège, est nommé avocat général près cette cour.

Moniteur du 5 octobre 1995: M. Plateau, A., juge d'instruction au tribunal de première instance de Tournai, est admis à la retraite. Il a droit à la pension et est autorisé à porter le titre honorifique de ses fonctions. Il est autorisé, à sa demande, à continuer d'exercer ses fonctions jusqu'à ce qu'il soit pourvu à la place rendue vacante au sein de sa juridiction et au plus tard jusqu'au 5 mai 1996. ·

Sont nommés juges suppléants : - à la justice de paix du canton de Herstal, Mme Defraigne, Ch., avocat; - au !Jibunal de police de Marche-en­Famenne: M. Neuville, P., avocat; M. Robert, E., avocat et Mme Munaut, C., avocat.

Moniteur du 10 octobre 1995 : M. Verschueren, 1., président de chambre à la cour d'appel d'Anvers, est admis à la retraite. Il a droit à l' éméritat. Il est autorisé à porter le titre honorifique de ses fonctions. Il est auto­risé, à sa demande, à continuer d'exercer ses

fonctions jusqu'à ce qu'il soit pourvu à la place rendue vacante au sein de sa juridiction et au plus tard jusqu'au 10 mai 1996.

Moniteur du 11octobre1995:

Est acceptée, la démission de M. De Cock, J., de ses fonctions de juge suppléant à la justice de paix du canton de Tielt.· Il est autorisé à porter le titre honorifique de ses fonctions ..

Sont nommés juges suppléants : - au tribunal de première instance de Ma­lines : M. Vangoidsenhoven, E., avocat; - à la justice de paix âu canton de Zaventem : M. Baeten, G., avocat; - à la justice de paix du deuxième canton de Bruges : M. De Backer, W., avocat; - au tribunal de police de Vilvorde : M. Ro-

- byns, Ch., avocat; - au tribunal de police de Tournai : M. Paris, F., avocat et M. Mercier, O., avocat.

Moniteur du 13 octobre 1995 :

Mme Gymza, R., avocat, est nommée juge sup­pléant au tribunal du travail de Hasselt.

Moniteur du 14 octobre 1995 :

Sont nommés juges suppléants à la justice de paix du canton de : - Westerloo: M. Van den Eynde, G., avocat et M. Notelteirs, J., avocat; - Saint-Nicolas : M. DelÎin, V., avocat.

Sont nommés juges suppléants : - au tribunal de première instance de Huy : M~ Thirion, Ph., avocat et M. · Destexhe, A., avocat; - à la justic_e de paix du canton de Fexhe­Slins : M. Simar, N., avocat et Mme Wéry, 1., avocat.·

Moniteur du 18 octobre 1995 : M. Dubrulle, G., avocat général près la cour d'appel ·de Gand, est nommé avocat général près la Cour de cassation.

M. Gillardin, J., juge au tribunal de commerce de Charleroi, est nommé conseiller à la cour d'appel de Mons.

M. Debruyne, R., premier substitut du procu­reur du Roi près le tribunal de première ins­tance de Bruxelles, est nommé substitut du pro­cureur général · près la cour d'appel de Bruxelles. ·

Sont nommés substituts du procureur général près la cour d'appel de Gand: - M. Kenis, P., premier substitut du procureur du Roi près le tribunal de première instance de Courtrai; - M. Guenter, S., substitut du procureur du Roi près le tribunal de premièrè instance de Gand; - Mme Vanhorenbeeck~ E., substitut du pro­cureur du Roi,. spécialisé en matière fiscale, près le tribunal de première instance de Gand.

M. Mathieu, Ph., juge des saisies etjuge d'ins­truction au tribunal de première instance de Huy, est nommé vice-président à ce tribunal.

Mme van Toor, B., juge au tribunal de première instance de Mons, est nommée vice-président à ce tribunal.

ournal des'l:ribunaux

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L'a.s.b.I. Groupement d'intérêts pour le droit d'auteur organise, le 6 décembre 1995, un colloque sur le thème « La pratique du nou­veau droit d'auteur au quotidien ».

Programme

I. - Introduction : 9 h : J. Folon. 9 h 30 : le ministre Stefaan De Clerck. 10 h : le sénateur Roger Lallemand. II. - Trois points de vue sur la nouvelle loi : 11 h : « La nouvelle loi par rapport aux direc­tives européennes », par E. Marissens. 11 h 30 : « Aspects positifs de la nouvelle loi », par F. Gotzen. · 12 h : « Réflexions critiques au sujet de la nouvelle loi : une chance manquée ? »,par L. Neels. III. - Panels : 14 h : 1) Sociétés de gestion collective : un représentant d'une société de gestion (C. De­preter); un représentant du cabinet du ministre de la Justice (Ph. Ramer). . 14 h 30 : 2) Droits voisins : un représentant des artistes-interprètes (J. Darlier); û.n produc­teur audiovisuel (Ph. Kem). 15 h : 3) Droits de câble et satellites : le pré­sident de la R. T.D. (P. De W ergifosse); le prési­dent de la commission mixte du contrat câble (J. Folon). 15 h)O : 4) Copie privée : un représentant des producteurs de phonogrammes (V. V an Mele); un représentant de l'industrie (T. Noe-sen-BASF). . 16 h : 5) Reprographie (photocopies) : un au­teur (P. De Busschere); un éditeur (Chr. De Boeck); un utilisateur (Chambre belge de la mécanographie). IV. - Conclusions du rapporteur général : 16 h 30 : Carine Doutrelepont. V. - Débat avec la salle - 17 h.

Lieu : Salle de réception de la Sabam, rue d'Arlon, 75-77, à 1040 Bruxelles.

Renseignements : Métaphore, s.p.r.l., Muriel Gilbert, avenue du Globe,· 43, bte 34, à 1190 Bruxelles.

L' Association belge pour le droit de l'envi­ronnement et l 'Association néerlandaise pour le droit de l'environnement organisent, le 15 décembre 1995, une journée d'étude sur « L'assainissement du sol ».

Informations: Mlle P. Van Pelt, p.a. L' Asso­ciation belge pour le droit de l'envÎlionnement, Universiteitstraat 4, à 9000 Gent. Tél. : 09/264.69.26.

?17 1 ·ŒL,ttrrourna des~atribunaux

En collaboration avec la Générale de Banque, la Conférence du Jeune barreau de Bruxel­les convie, le 6 décembre 1995, au recyclage intitulé « Evolution récente et perspectives du droit des sociétés commerciales et de l'entre­prise en difficulté ».

Programme

9 h 15 : Introduction sur l'évolution législa­tive et l'objet du recyclage, par Fr. Glansdorff.

- Les sociétés commerciales : 9 h 30 : « Les conventions entre actionnaires et les cessions d'actions »,par M. van der Hae- · gen. 10 h : « La solution des litiges entre action­naires »,par P.-A. Foriers. JO h 45 : « Les conflits d'intérêt et autres questions d'actualité concernant la responsabi­lité des administrateurs », par H.-P. Lemaître. 11 h 15 -~· « Les. fusions, scissions et apports de branches d'activité », par B. Glansdorff. 11 h 45 : Questions et débat.

- L'entreprise en difficulté et la faillite : 14 h : «Les choix à opérer et les responsabi­lités consécutives », par FL T'Kint. 14 h 30: Les modifications législatives en cours : premier rapport : quant au fond, par Y. Dumon; deuxième rapport : la procédure, par J. Linsmeau; troisième rapport : les réflexions d'un juriste d'entreprise, par Ph. Marchandise. 16 h : Conclusions générales, par P. V an Om­meslaghe.

Lieu: Grand auditorium de la Générale de Banque, rue de la Chancellerie, 1, à 1000 Bru­xelles.

Renseignements : Mme Régine Waterman (tél. : 02/508.66.43, le matin) ou M. Gérard Kuyper (tél. : 02/675.30.30).

Ill LARCIER

VIENT DE PARAÎTRE

LE NOUVEAU DROIT D'AUTEUR et les droits voisins

PAR

Alain BERENBOOM Avocat, Professeur à l'Université libre de Bruxelles

Pratique, concret, le premier ouvrage complet sur la nouvelle législation

Un volume 16 x 24 cm, 456 pages, 1995. . . . 3.200 FB (t.v.a.c., franco pour la Belgique)

Déjà paru dans la collection :

La protection de la quasi-création, par Mireille Buydens (850 pages, 1993). . . . 5.800 FB

(t.v.a.c., franco pour la Belgique)

COMMANDES .: LARCIER,. c/o.Accès+, .s,p.1'1. FondJean-Pâques,.4-1348•Louvain-la-:-Neuve

Tél. (010} 4K25.00.., Fax (010) 48.25.19

Le Centre interuniversitaire de droit judi­ciaire et La Commission Université-Palais organisent, le 15 décembre 1995, un colloque qui aura pour thème « Le contentieux interdis­ciplinaire ».

·Programme

9 h : «Médiation et conciliation »,par B. De­coninck, M. van de Kerchove et J. van Comper-nolle. · 9 h 45: ·« L'introduction de la demande (y compris la prescription et la déchéance) et les sanctions du formalisme », par J. Laenens, J. Hubiri. et W. Lambrechts. 11 h : « L'instruction », par Ph. Traest, H. Bosly et P. Van Orshoven. 11 h 45 : « Le jugement y compris l'autorité de chose jugée et les voies de recours »,par P. Taelman, P. Lewalle et O. Caprasse. 14 h : «L'exécution », par K. Broeckx, K. Baert et G. Kellens. 14 h 45: « Les mesures provisoires et conser­vatoires »,par R. Witmeur, D. Lindemans et P. Gilliaux. 16 h : « L'arbitrage », par J. Linsmeau, D. Matra y et B. Demeulenaere. 16 h 45_ : « Exposé de synthèse des diver­gences et. convergences entre les trois conten­tieux», par M. Storme, M. Franchimont et P. Lemmens.

Lieu : Château de Colonster, allée des Erables, bât. B 25, à Sart Tilman, Liège.

Renseignements : Faculté de droit de Liège, Mme J. Sœur, boule­vard du Rectorat, 7, à 4000 Liège.

·Tél. : 041/66.30.05 - 66.30.09. Fax : 041/66.28.03.

ournal des tribunaux

Roger O. DALCQ, rédacteur en chef. Secrétaire général de la rédaction : Georges-Albert DAL. Secrétaire de la rédaction : Wivine BoURGAUX. Secrétaires adjoints : Annik BOUCHÉ et François TULKENS. Chronique judiciaire : Bernard V AN REEPINGHEN. Comité de rédaction : Eric BALATE, Pierre BAUTHIER,

Michèle BoNHEURE, Jean-Pierre BOURS, Benoît DEJEMEPPE, Michèle DEL CARRIL, Fernand DE V1sscHER, Christian DIERYCK, Jean EECKHOUT, François GLANS­DORFF, Geneviève JANSSEN-PEVTSCHIN, Guy KEUTGEN, Olivier KLEES, Emile KNoPs, Dominique LAGASSE, Michel MAHIEU, Christine MATRAY, Jules MEssINNE, François MoTULSKY, Daniel STERCKX, Paul TAPIE, Louis VAN BUNNEN, Jennifer WALDRON.

Conseiller scientifique : Robert HENRION.

ADMINISTRATION: LARCIER ABONNEMENT 1995 : 9.500 FB.

Le numéro: 400 FB. Abonnement: Larcier, c/o Accès+, s.p.r.l.

Fond Jean-Pâques, 4 - 1348 Louvain-la-Neuve Tél. <010) 48.25.00 - Fax (010) 48.25.19

Les manuscrits ne sont pas rendus.

©De Boeck & Larcier, s.a., Bruxelles, déc. 1881. ISSN 0021-812X

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