occupylifeoccuperlavieoccuparelavitasergioghirardi

7/25/2019 OccupylifeoccuperlavieoccuparelavitaSergioGhirardi

1/28

Occupy life, occuper la vie, occupare la vita /

Sergio Ghirardi

Le sujet idal du totalitarisme, ce nest pas le nazi convaincu ou le communiste convaincu ce

sont plutt les gens pour lesquels la distinction entre fait et fiction (cest--dire la ralit de

lexprience) nexiste plus.

Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, 1958

Au-del du totalitarisme de la dmocratie spectaculaire

Quiconque se pose la question sociale dans ses termes radicaux, assume

immdiatement la lourde tche de librer les mots et les concepts qui en composent la

trame contemporaine du sens tlguid et falsifiant quune pseudo-culture

spectaculaire, omniprsente, leur colle dessus.

Cela reste vrai quen labsence dune rvolution la culture dominante est toujours la

culture de la classe dominante mme aujourdhui quand, allant bien au-del des

intrts dune classe particulire, la domination sest infiltre parmi les castes humilies

et confuses dun capitalisme anthropomorphis pour y diffuser le spectacle qui, toutes

classes confondues, duque les hommes capitaliss la domestication.

Les drives du signifiant des termes fondamentaux qui composent lhistoire des

doctrines politiques et de leurs mutations tendent systmatiquement fausser le sens

des passions qui les articulent et les projets sociaux dans lesquels ces doctrines sont

inscrites. Cela est vrai depuis toujours, mais encore plus aujourdhui quand presque

tout sexprime sur la scne dune socit du spectacle en pleine dcadence.


2/28

Le poids de lidologie nous accompagne toujours pour nous pousser inluctablement

vers les territoires administrs par lennemi, l o plusieurs mots fondamentaux sont

employs de faon acritique selon le systme des valeurs de lidologie dominante,

dsormais tendue tout lunivers politique de la socit spectaculaire : de droite gauche, des Parlements et de lEtat aux Bourses et au March, du rformisme

pragmatique au rvolutionnarisme abstrait.

A ce propos, jai repr dans le livre de Nico Berti,

Libert sans rvolution , un exemple

vident de la difficult rencontre par la pense critique radicale (en dehors, donc, des

lucubrations acadmiciennes et de la mauvaise foi des mercenaires de la culture) se

soustraire au bon sens conformiste qui crit ses thormes en utilisant des mots

lourdement idologiss.

En suivant une mode sectaire plutt frquente parmi les anarchistes antimarxistes

(justifie seulement en partie par lodieux autoritarisme idologique des thologiens

marxistes-lninistes), un Berti

libral-libertaire 1 identifie platement le projet

communiste au soi disant communisme rel alors que, en revanche, avec une facilit

dconcertante chez un libertaire, il octroie le label de qualit dmocratique la

dmocratie virtuelle et fictive qui est, depuis des sicles, la forme la plus haute et la plus

efficace de la domination du capitalisme et de ses serviteurs volontaires sur la dernire

classe de lhistoire, la classe de la conscience.

Identifier simplement lalternative entre dmocratie et totalitarisme, sans prendre en

compte le glissement smantique contrl que je viens de dnoncer, pousse ignorer

le distinguo ncessaire entre la dmocratie fictive existante (parlementaire, majoritaire

et hirarchique) et la dmocratie relle incluse dans le projet rvolutionnaire de

lautogestion gnralise de la vie quotidienne.


3/28

Pour un libertaire et jassume pleinement pour moi ce qualificatif -, lalternative

radicale ne se pose pas entre dmocratie et totalitarisme, mais bien avant et plus

profondment, entre une dmocratie relle, inexistante, et la dmocratie spectaculaire,

rpandue comme une reprsentation idologique du totalitarisme affin de la socit duspectacle.

On na pas besoin de ressortir lanarchie pour dnoncer le totalitarisme dans ses formes

ringardes, traditionnelles. Lantifascisme a uni dans un premier interclassisme aussi

invitable quambigu, athes et croyants, bourgeois et proltaires, libraux et

communistes, libertaires et autoritaires non totalitaires dans une lutte contre la bte

immonde

acheve par linstauration des dmocraties parlementaires de la deuxime

moiti du vingtime sicle, devenues en lespace de quelques dcennies, le pire produit

du fascisme, finalement vaincu uniquement dans sa forme politique archaque.

Quel exemple plus clairant de la dimension spectaculaire des dmocraties

contemporaines que celui de la jeune rpublique italienne ? Constitutionnellement

ne de la rsistance antifasciste, elle est passe dun demi-sicle de clricalisme

dmocrate-chrtien vingt ans de berlusconisme ( un ventennio , la dure du

fascisme mussolinien) terminant en une orgie de pouvoir mafieux, toutes idologies

confondues.

Manipule par des droites et des gauches confuses et complices de la corruption

productiviste, bien au-del de leurs diatribes de faade, lEurope artificiellement unie

sest contente dun gouvernement despotique directement aux mains du pouvoir

conomique, bien avant que la hirarchie mondialise de lconomisme dominant

enlve le masque dmocratique pour consigner explicitement les citoyens souverains

de vingt sept pseudo dmocraties la financiarisation capitaliste dun Super-Etat

Europen que personne na choisi et surtout pas dmocratiquement.


4/28

En ralit, par une continuit somme toute cohrente mais humainement inacceptable,

lhorrible vision du monde des fascistes avait t abondamment supporte et finance,

depuis le dbut, par plusieurs capitalistes internationaux, membres reconnus des

dmocraties occidentales davant-guerre. Ces mcnes capitalistes amoraux,humanistes cyniques du business, ont abandonn les pestifrs en chemise brune

leurs suicides potentiels uniquement en vue de la victoire finale dun antifascisme nourri

par les ruines de la deuxime guerre mondiale.

Au nom dune rhtorique antifasciste qui na pas empch les Etats et les Eglises de

venir au secours dun nombre considrable de dirigeants nazi et fascistes en fuite,

jusqu les rintgrer ensuite dans la pieuvre tatique dmocratise, les allis dune

coalition opportuniste ont servi pour instaurer une dmocratie plantaire fictive,

oppose au capitalisme dEtat autoritaire soi-disant communiste (spectacle diffus contre

spectacle concentr).

Par le spectre de larme nuclaire et de lobsolescence programme de lhomme, la

guerre est reste toujours menaante et potentiellement apocalyptique, mme si elle

tait congele dans le frigo idologique o pavoisait une dmocratie purement virtuelle.

Pendant dhorribles dcennies, des deux cts dun rideau de fer honteux, les hritiers

de deux fascismes opposs se sont montrs unis dans ltalage spectaculaire de droits

humains presque inexistants. Autant les droits de lhomme libral que ceux de lhomme

proltaire ont t rduits, en fait, un alibi marchand pour un bien plus rentable droit de

la marchandise voulant soumettre lhumanit entire son perptuel dlire de

valorisation.

Le fascisme, dont les racines caractrielles prcdent abondement ses ramifications

politiques, fut donc utile, son apparition, en tant que chien de garde de lEtat

autoritaire (tautologie) contre les occupations des usines qui, par llan du fort


5/28

mouvement ouvrier de ces annes vingt, annonaient le

risque

de lavnement

dune possible dmocratie relle2.

Pouss lautodestruction par un morbide dlire de toute puissance marqu par le

rflexe de mort, le fascisme, vaincu sur le plan militaire, fut relativement refoul, aprs

1945, et rduit un folklore pathologique tenu en laisse en attendant la suite.

En Europe, son retour explicite et massif sest montr rarement possible (voir la Grce

des colonels) et le seul fascisme conqurant explicitement au pouvoir fut, pendant des

dcennies, le fascisme rouge sponsoris par lUnion pseudo Sovitique.

Le fascisme noir a survcu comme une maladie incurable, comme une nostalgiedmentielle, comme le rve dun bourreau qui attend la restauration de la peine de

mort. Le pouvoir prtendait hypocritement lignorer, sauf pour quelques promenades

finances par les intrts les plus secrets des Etats qui devaient par ici liminer un

prsident drangeant, par l faire peur une population qui levait un peu trop la tte,

prte rsister un totalitarisme conomique de plus en plus envahissant.

Dallas, Piazza Fontana, le palais de la Moneda, diffrents exemples surgissant dun

pass rcent souligner lantienne qui renvoie au prsent.

Face aux injustices injustifiables des banksters et des multinationales, le fascisme

revient, en fait, aujourdhui en se proposant comme une ventuelle sortie de secours

ponctuelle pour un capitalisme emptr dans lattente illusoire dune sortie de la crise

structurelle qui le traverse et le fragilise.

Les Chamberlain du spectacle de droite et de gauche, majordomes qui grent, en

politiciens impuissants, la catastrophe sociale en cours, sont les meilleurs sponsors

dun ventuel retour dmentiel des fascismes opportunistes qui attendent, depuis un

demi sicle, une revanche certes possible, mais destine, de toute faon, lphmre.


6/28

Eux non plus, en fait, serfs mafieux dun capitalisme sur lequel vomissent leurs tares

racistes et xnophobes pour mieux en servir les buts les plus cachs, ne pourraient

durer au pouvoir dans le dsert nihiliste que le capitalisme en phase terminale apprte

pour les humains.

Aujourdhui, les

Aubes dores et les divers fascismes xnophobes, dguiss en

mouvements sociaux, lvent la tte et dgainent leurs poignards assassins, mais leurs

dlires mortifres sont agits comme des drapeaux rouges destins, dans la

contingence actuelle, distraire les populations de lexpropriation systmatique,

concrte et dfinitive de tous leurs droits dans la vie quotidienne3.

La guerre civile entre fascisme et antifascisme revient comme une dernire diversion

tragique voulue par le capitalisme nihiliste en voie dextinction. Il nest pas question de

lignorer, mais encore moins den faire le point crucial de la lutte tendant au

dpassement de la folie capitaliste en train de dtruire le vivant.

On a limpression fallacieuse de revenir aux temps des occupations des usines, mais

sans les usines occupes. Celles-ci tendent plutt, dailleurs, rester inoccupes,

poussant la conscience de classe, aiguise par cette

crise que les serviteurs

mdiatiques vendent comme un problme concernant tout le monde, comprendre quil

nest pas question de sapproprier ce monde infect, de se battre pour le sauver, mais

dinventer un monde nouveau qui en soit le dpassement.

Le fascisme ne peut pas grand-chose contre la crativit. Il ne peut quattendre quelle

manifeste sa posie pour la violer publiquement.

Le fascisme est ngation sans dpassement, l o la rvolution sociale est le

dpassement dialectique de la ngation.


7/28

Le fascisme peut uniquement jouer sur la peur, mais il y a un point au-del duquel le

chantage la peur ne fonctionne plus. Nous ne sommes pas loin de ce point et pour

cela lennemi craindre le plus est lEtat et non pas ses pitbulls.

Arriv un tel point de non retour, le fascisme se rduit visiblement une maladie

opportuniste du capitalisme en phase terminale.

La haine ne peut construire que des ghettos et des prisons. Non pas uniquement pour

les ennemis mais aussi pour les soldats minables dune guerre sociale mene derrire

les drapeaux psychotiques de la peste motionnelle et de lobsession mortifre de la

rentabilit.

Il est question, dsormais, daller contre cette folie, au-del des extrmismes

spectaculaires qui opposent aux hirarchies dominantes dautres hirarchies, renforant

ainsi lennemi et justifiant la rpression aux yeux dune opinion publique confuse et

dpourvue dautonomie de jugement.

On ne peut pas se battre contre lalination en utilisant ses mthodes, dans une optique

btement vindicative, sans renforcer, en fait, ce quon prtend abolir.

Dun mode de production tendance totalitaire, le capitalisme dEtat et de March sest

transform en une pulsion nihiliste qui poursuit dsormais, dans son dlire final, la mort

en lappelant croissance. Il ne reste qu construire un nouveau monde social qui

abroge positivement le nihilisme spectaculaire-marchand.

Mise part la troisime voie dune rvolte radicale pour une dmocratie relle, le choix

semble se rduire une soumission silencieuse face la terreur diffuse par toutes les

paroisses idologiques (terreur qui nest que ponctuelle, pour le moment, mais dj

projete profusion sur les crans dun spectacle social devenu la menace permanente

dun pire imminent), en acceptant de se laisser progressivement empoisonner par lair,


8/28

la nourriture et leau pollus on peut aussi se laisser intoxiquer par les gaz

lacrymognes et massacrer par la violence dun Etat qui dfend la dmocratie fictive

contre ces mmes citoyens que sa propagande la plus vulgaire continue, de faon

grotesque, dfinir souverains.

La violence de la rpression, dans la Pninsule Chalcidique, dans la Valle de Susa et

Notre Dame des Landes, est dj un signe inquitant en Grce, en Italie et en

France de la vraie guerre sociale sans quartier que le capitalisme a dclare partout

lhumain, en rduisant la dmocratie un alibi pour le totalitarisme.

La phase terminale du capitalisme, rendu absolument inhumain par son morbide rflexe

de mort, a t inaugure un onze septembre moins mdiatis que celui de 2001, mais

probablement encore plus crucial du point de vue historique.

En 1973, dans une Amrique latine habitue aux sursauts autoritaires de dictatures

parfois phmres mais rptes jusqu la banalisation, le coup dEtat perptr par

Pinochet contre le socialiste Allende cachait bien plus que lenvie de pouvoir de

lnime caudillo.Derrire lextermination cynique de tout esprit libre au Chili, il y avait

la folie lucide dune pathologie totalitaire intrinsque la phase finale du capitalisme et

ses envies de valorisation4.

Avant que lcroulement de lempire pseudo sovitique consigne le monde au

libralisme comme un unique et dmesur supermarch plantaire, Friedman et ses

Chicago Boys ont reprsent l

Hitler Jugendbewegungdu capitalisme rel, cest--dire

du mode de production arriv la prsomption de sa domination totalitaire sur le

monde.

Lidologie conomique, vritable religion athe dun monde alin, a trouv dans cette

poigne dconomistes exalts le projet de solution finale allg des thses raciales du


9/28

fascisme archaque et rduit lessentiel dun renversement total, radical et dfinitif de

la relation homme/marchandise.

Le ftichisme de la marchandise de Friedman et de ses camarades mergea comme

une pathologie agressive du systme dominant, juste au moment o des groupes de

plus en plus larges de jeunes gnrations internationales confirmaient leur refus de la

socit librale rcemment touche par un camouflet imprvu : la rvolte radicale dun

grand nombre de jeunes citoyens et de travailleurs amoureux de la libert, opposs la

consommation et au bonheur marchand autant qu tout communisme autoritaire au

service du capitalisme dEtat.

Fidle au dicton

la meilleure dfense cest lattaque , lultralibralisme despotique

des Chicago Boys sest charg de la destruction systmatique du tissu social humain

saffichant comme rfractaire et rebelle face la dictature du March.

Le but du capitalisme, conscient que le facteur humain sopposait partout ses fins, du

Vietnam lEurope, de Prague Paris, sest alors concentr, l o cela tait possible,

sur limposition de son inhumanit rentable par les mthodes expditives du Coup

dEtat.

Pendant environ une dcennie, du Chili lArgentine, du Brsil lIndonsie, la longue

tradition du putsch politico-militaire a permis limposition du dogme des libralisations

conomiques comme un premier pas vers le prtendu paradis terrestre du Libre

March.

La terreur pour faire oublier lmancipation, la domestication force pour humilier toute

instance de libert. Les annes quatre-vingt ont t, ensuite, le laboratoire dmentiel

qui imposa la propagande de labsurde Eden conomiste fond sur le pch originel de

la dette, comme un mauvais sort dferlant sur la plante. Des analphabtes politiques,


10/28

inhumains et nantis comme Reagan et Thatcher, ont contribu avec morgue sa

divulgation de faon messianique jusquaux masses de consommateurs dops.

Il ne manquait plus que la chute du mur et lcroulement de la bureaucratie sovitique

pour donner un dernier coup de pouce au dlire ultralibral. Mme les plus sinistres

bureaucrates de gauche se sont alors recycls en adeptes de lidologie des

privatisations outrance, en contribuant linstauration de la plus macabre des

superstitions : la fable du Libre March mancipateur. Plutt que de saffranchir de

lautoritarisme du fascisme rouge et des bureaucrates qui lincarnaient, en sauvant les

bonnes intentions misrablement dchues dune socit plus juste et fraternelle, droites

et gauches parlementaires, obsdes par la conservation de leurs privilges, se sont

accordes pour intgrer les bureaucrates et profiter de lautoritarisme, en effaant

dfinitivement lhypothse dune dmocratie conseilliste contrarie par tous les partis

politiques formels et informels, affairs se partager le magot dun conomisme

absurde et vulgaire.

En plein accord avec lultralibralisme, on a donc laiss tomber leau le projet trahi

dune socit galitaire, dessein avort dans le cauchemar dun communisme au visage

aussi inhumain que ses actes.

Lhyper-productivisme pathtique et irrationnel dun capitalisme en phase terminale a

pris corps dans ce nud de lhistoire confisque, l o la mythologie conomiste a

dmoli toute lecture humaine possible de lmancipation.

Pour rpondre au danger reprsent par la premire rvolte anti productiviste de

lhistoire qui a travers le monde la fin des annes soixante (Mai 68 et alentours),

lidologie dominante a su fausser et en partie sapproprier ce passage crucial en


11/28

lidentifiant avec un gauchisme confusionniste encore totalement imprgn

didologismes et de rancur et rcuprable, donc, la continuit de la domination.

Comme le rcitait un slogan prophtique de ces temps passs, le vieux monde pervers

et de plus en plus nihiliste qui tait derrire nous a rejoint et aval en premier les plus

dsesprs, puis les plus corruptibles et enfin les plus confus, en finissant par dborder

mme lintrieur du caractre de beaucoup dindividus anonymes, l o lalination

est plus difficile isoler et extirper.

Dailleurs, les pires idologues de la conservation sont toujours embauchs parmi les

stratges frustrs des rvolutions rates, indpendamment du degr dautoritarisme de

lidologie rvolutionnaire introduite sur le march.

Toute idologie de la libert, avec ou sans rvolution, est un pas de plus non pas vers

la libert, mais vers lidologie, dans le territoire de laquelle aucune libert relle nest

jamais praticable.

Ce nest pas un hasard si lattention des situationnistes, libertaires irrcuprables et

inclassables selon les catgories politiques habituelles, se concentrait, il y a dj un

demi-sicle, sur la dnonciation de toute idologie rvolutionnaire, situationnisme inclus

: La thorie rvolutionnaire est maintenant ennemie de toute idologie rvolutionnaire,

et elle sait quelle est. (Guy Debord, La socit du spectacle

, Thse 124).

Peuples et populisme, nations et nationalisme

Quand, ayant fini son repas cannibale dans les divers pays viols de lAmrique latine

et du soi-disant tiers monde, le capitalisme sest remis table pour avaler aussi le cur

de la socit occidentale, il a du prendre acte que les cicatrices encore rcentes du


12/28

conflit entre fascisme et antifascisme ne lui permettaient pas dappliquer

mcaniquement lEurope la recette expditive par laquelle il avait impos lidologie

ultralibrale du Chili lArgentine.

Trop rcente tait la mmoire dune rsistance linhumanit au nom dun humain

sensible la volont de vivre et de jouir de la vie, bien au-del des idologies de

service, dbordantes dhdonismes mcanistes autant que de mystiques du sacrifice.

Lidal dune Europe patrie commune de nations rescapes des guerres fratricides

durant des millnaires, est alors devenu la carotte qui a permis au bton de lUnion

Europenne de senfoncer plus au fond.

Non par des coups dEtat, bien au contraire, mais par la contribution de la mortalit

snile, exit Franco (1975) peu de temps aprs Salazar (1970), funrailles transformes

en excellents spots publicitaires pour sinventer les conditions (Grce exclue) dun

continent pacifi au-del de toute attente.

Quelques mondanits rvolutionnaires de faade, entre illets portugais et roses

mitterrandiennes utiles la rcupration idologique du risque dune vraie rvolution

des dsirs dmancipation, puis, rapidement : fin de la dictature sovitique, de

lAllemagne coupe en deux et des pays satellites malgr eux de la grande arnaque

marxiste-lniniste.

La libert, mot vocateur de beaux sentiments abstraits, pouvait enfin se traduire en un

ultralibralisme conomique bien plus pragmatique. Mme la Chine, toujours accroche

son stupide maosme passiste, a maintenu les drapeaux rouges pour rendre

mimtique lesclavagisme cynique et scientifique de son proltariat bien aim.

Dans lOccident chrtien, en revanche, lors dune orgie de dmagogie et de

propagande, ces mmes bureaucrates qui avaient ador les plans quinquennaux du


13/28

capitalisme dEtat sont devenus les adeptes les plus fidles de la privatisation de tout

bien public et de la suppression de toute conqute sociale.

Privatiser tout ce qui bouge encore : banquiers, affairistes, conomistes, bureaucrates

politiques de droite et de gauche se sont montrs parfaitement complices dans la lutte

mafieuse pour la domestication dfinitive de ltre humain.

Sous le masque dune rationalisation abstraite et discutable, soutenue par la volont de

rompre avec le moindre souvenir de lidologie communiste mise dfinitivement

lindex, on a dtruit progressivement le tissu social de nations lhistoire millnaire et

assez peu communiste, dailleurs, dans la majorit des cas.

Il tait question de librer la valorisation conomique des dchets dun vrai progrs

humain ralis au dpens du progrs capitaliste des dcennies de luttes pour

lmancipation, de conqutes nobles et ncessaires pour lhumanit, envoyes au rebut

en quelques annes au nom du business sacr.

Libraliser, privatiser, rduire lEtat un vigile au service du March (nanmoins, jamais

question dabolir lEtat intolrable ide subversive et anarchiste ! car un March

sans Etat est comme un violeur sans rection, ou pire, sans matraque).

Puis, dans un crescendo confus mais cyniquement dtermin, le coup final : la mise en

scne de la crise et la criminalisation de la dette, sur fond de financiarisation galopante

de lconomie plantaire.

Etats, banques, multinationales et structures bureaucratiques asservies par nature au

fonctionnement de lapparat productif capitaliste et de son administration plantaire

(FMI e OMC), ont rduit la politique la gestion de lexistant, en excluant de faon

autoritaire quun autre monde meilleur soit possible.


14/28

Celui-ci tait et devait rester le seul monde possible et toute autre hypothse devait tre

expurge comme une utopie ingnue ou une diabolique propagande populiste afin de

maintenir le contrle des masses dignares maccartistes berlusconiss que sont

devenus les citoyens-spectateurs-consommateurs des dmocraties parlementaires.

Le dlire des Chicago Boys a donc brillamment survcu ses matres finalement

disparus car il contenait lessentiel de lidologie intrinsque au capitalisme en phase

terminale : que le vivant meure jusqu la dernire rentabilit dans le paradis

dsertique dune plante gnocide, le March reconnaitra les siens.

On nexplique pas autrement le mantra productiviste de la croissance infinie qui harcle

les survivants dun monde fini, viol dans ses quilibres vitaux et lanant dsormais

quotidiennement des signaux concernant la limite dpasse de ce quil peut supporter.

Unique ide gniale digne des meilleurs spin-doctors : aprs chaque catastrophe,

prvoir une messe funbre collective pour exorciser la peur et continuer imperturbables

dans lagression de la nature et du vivant des fins conomiques.

Tchernobyl, Fukushima, lamiante, la pollution des nappes phratiques ? Allons-y avec

le nuclaire, le TAV et le gaz de schiste !

Limportance des forts primaires et de la biodiversit ? Allons-y avec llevage intensif

et les extractions minires aux effets catastrophiques, de lAmazonie la pninsule

Chalcidique !

Les bombes luranium appauvri ? Allons-y avec lexportation de la dmocratie par

la guerre, au nom de la paix ! Etc.

La croissance sacre nest mme plus un facteur conomique, mais une croyance que

certains conomistes en caleons rptent sans mme plus y croire. Du moins pas


15/28

autant que Friedman, horrible mystique du capitalisme, semblait y croire quand il se

laissait aller laveu involontaire que ses ides conomiques taient essentiellement

une profession de foi .

Jamais un matrialisme vulgaire ne fut plus mtaphysique. Les animaux meurent

rduits des choses, les humains ne trouvent plus despaces vitaux, ils tombent

malades, ils se suicident ou deviennent parfois des meurtriers de masse pas de

problme, pourvu quils ne se rvoltent pas contre le systme mais, au cas o on la

bien vu les solutions finales ne manquent pas.

Lconomie autonomise est une crise perptuelle qui se rsout en crant les

conditions de la crise suivante. Nanmoins, la seule question qui revient en boucle est :

comment faire pour recommencer la croissance ?

Il nest plus question de rpondre une telle idiotie mais de commencer la thrapie

durgence.

Parmi les mots que le pouvoir a historiquement plis son utilisation idologique,

plusieurs sont ceux dont la perte de sens empche le dpassement devenu urgent des

conditions existantes.

Le concept de peuple est alourdi par lutilisation dmagogique que les populismes

divers en ont faite pendant lhistoire. Ceci est aussi vrai pour le concept de nation,

corrompu par lidologie nationaliste qui a invent pendant plus dun sicle les racismes

et le surhomme minable des diffrents fascismes.

Nanmoins, la distinction entre ces deux entits sociales peuple et nation et les

idologies qui en ont corrompu le sens, me semble une condition sine qua non pour


16/28

comprendre notre temps et surtout pour changer la condition dune socit prisonnire

du totalitarisme marchand et dun capitalisme devenu explicitement nihiliste.

Un peuple est un groupe qui partage une nation et un projet.

La nation est son bassin vital le projet, peu importe la forme sous laquelle il se

prsente, est toujours un essai de crer les conditions, mme relatives et mouvantes,

du bonheur collectif, donc, a fortiori, individuel.

Le concept de peuple a t largement utilis avec des intentions despotiques par

diffrentes lignes de populisme.

Qui sont les populistes ? Tous ceux qui caressent les peuples (et surtout les identits

concrtes qui les composent, les individus) dans le sens des chanes.

Un peuple heureux ncoute pas les sirnes populistes. Face un peuple heureux, une

idologie populiste narrive mme pas se formuler, exister. Nanmoins, puisque le

bonheur est une ralit en devenir, fragile et toujours reconstituer dans une dimension

orgastique dont on peut jouir, lopportunisme populiste trouve toujours un point dappui

o accrocher sa semence malade, sa paranoa auto valorisante qui soffre en

compensation de lintolrable sentiment dimpuissance qui saisit les individus et les

peuples en manque de bonheur.

Surtout dans la civilisation du travail et de son exploitation organise par la structure

conomico-idologico-militaire, les raisons de malheur et les injustices videntes

produisent des occasions sans fin pour la rcupration populiste.

Le premier populisme fut la religion, puis le produit sest diversifi.

Le populiste dit aimer le peuple alors quil se substitue aux individus rels dans le choix

des objectifs et des stratgies de changement des conditions existantes.


17/28

Quil soit donc clair, face aux sophismes dmagogiques des professionnels de la

politique en lutte pour conserver leurs privilges : nest pas populiste celui qui

dnonce au peuple une situation intolrable mais celui qui utilise cette situation

pour assujettir le peuple une nouvelle hirarchie dont il est le sommet.

Nest pas populiste celui qui aime le peuple, mais celui qui lannexe ses propres

intrts conomiques ou narcissiques.

Seul un imbcile, ou un pervers manipulateur, en sapercevant que le peuple est

tromp, peut revendiquer avec fiert son populisme plutt que de participer en sujet du

peuple souverain lmancipation concrte des individus.

Le populiste sidentifie lidologie du peuple comme un quelconque satrape, dictateur,

despote, tyran : afin de le dominer et le diriger.

Lmancipation du peuple passe par lexclusion et mme par llimination physique, si

ncessaire, de tout chef dominant, de tout seigneur qui dpasse mme pour un

moment la dlgation ventuelle de pouvoir reprsentatif reue par lassemble du

peuple souverain.

Renvoy donc le populisme aux cloaques qui lont invent, (fascismes divers,

mystiques du peuple et autres tromperies) cherchons approfondir un peu le concept

de peuple au-del des quelques dfinitions dj proposes.

Je note que

peuple est un terme gnrique en relation aux conflits de classes qui

agitent tout groupe social tomb dans les tentacules de lconomie politique. Un peuple

qui na pas encore intimement dpass la relation historique entre classe dominante et

classe domine, porte en lui la plaie ouverte dune injustice intolrable : lun mange et

lautre est affam, lun rit et lautre est en pleurs pour dautres raisons que les pripties


18/28

individuelles du vcu, pour les conditions collectives qui octroient certains les

privilges, dautres les corves.

Les peuples qui ont habit la terre jusqu maintenant sont des peuples manchots car

ils ont subi la dictature dune injustice historique relative lappartenance la classe

dominante ou celle des domins.

Le premier peuple absolu apparu sur la plante est celui des

Derniers qui ne veulent

plus ltre

. Par leur acte de volont pratique ils abolissent les diffrences hirarchiques

sur lesquelles se fonde toute la civilisation du travail et de lconomie politique qui en

gre les profits.

Cet acte, tant rv par les utopies sociales des deux derniers sicles, na jamais t

accompli de faon radicale, mais il est aujourdhui le seul acte capable de garantir non

seulement une justice vritable, mais la survie mme de lespce humaine.

On a vu comment lalination intrinsque au monde de lconomie politique ne peut pas

smanciper de lobligation de la rentabilit mme face au risque dsormais avr dun

holocauste spcifique de lhumanit et des espces qui en partagent le milieu vital.

Tant que le processus de valorisation de la marchandise, typique du mode de

production capitaliste, restera souverain, lhomme alin, justement cause de son

alination, prfrera mourir pour le profit plutt que vivre pour son bonheur au prix du

dpassement du capitalisme. Uniquement aprs le naufrage dans la tempte de la

dcomposition sociale, lhypnose productiviste quittera lindividu alin en le poussant

chercher une boue pour se sauver des vagues. Il sera probablement trop tard, sans

compter quun tel retard provoque les meilleures conditions pour une dernire

rcupration populiste. Le premier dmagogue venu qui lance une boue idologique


19/28

lignorant dsespr sagitant parmi les flots, a des chances den faire un adepte prt

tout.

La souffrance aveugle pousse au grgarisme et la haine envers nimporte quel bouc

missaire expos la rise publique.

Cest ainsi que limmigration est charge de fautes qui ne la concernent pas, que la

couleur de la peau devient un signe capable de dclencher une inqualifiable haine

raciale. Quimporte de savoir quHitler avait des origines juives quand la supriorit de

la race Arienne a t affirme par le dlire national-socialiste ?

La peste motionnelle se contente de calmer la douleur psychique dune insatisfactionintime et refoule. Peu importe la cohrence et moins encore la vrit tablie.

Cela est vrai autant droite qu gauche : mme enrob par la dmagogie de lutopie la

plus parfaite, tout communisme de guerre est destin produire les conditions dune

contre-rvolution dont lconomie politique sait toujours extraire des avantages

importants au prix du malheur des individus rels.

Le bonheur orgastique dun tre humain naturel se ralise, en revanche, uniquement

par un projet cohrent et dj jouissif par les manires de le proposer et de se le

proposer.

Lentraide est de lordre du don orgastique et non pas du devoir, il ne faut jamais

loublier, et une dmocratie directe est lorganisation de lgosme de chacun harmonis

en gosme collectif autogr pour le bien de tous.

La non-violence nest donc pas une question dthique, mais une harmonisation

spontane du principe orgastique du vivant qui fait de lamour le moteur de la

jouissance dexister.


20/28

La dmocratie conseilliste est la transposition consciente dans le social du processus

biologique de

linnamoramento que chaque individu de toute espce connait au

moins mcaniquement quand la nature engage la saison des amours.

Seule la gratuit dune relation restaure avec et lintrieur de la nature permettra

lhumanit de smanciper du nihilisme capitaliste qui est en train de nous accompagner

vers une mort certaine, et qui plus est, prmature.

Libre des idologies qui la rendent diabolique aux yeux de nimporte quel

progressiste, la nation est simplement le milieu psycho gographique5 dans lequel on

nait subjectivement. Elle se tisse dans le terrain local en tant que mmoire vcue dun

monde cratif, labore par llan jouir de la vie sociale que la volont de vivre

provoque spontanment.

Comme le caractre tablit les quilibres psychophysiques dun individu, ainsi son tre

social dtermine les harmonies possibles partir de la dcouverte de sa propre

individualit unique et diffrente, mais toujours intgre aux lments communs

partags avec un certain nombre dautres sujets. Lensemble de ces individus et le vcu

librement partag entre eux forment la nation.

La notion de nation a donc des racines autonomes de l Etat nationaliste que les

hirarchies du pouvoir ont invent pour rduire les nations un tas de bandes

prdatrices en lutte entre elles.

LEtat-nationa t le point de suture entre lancien rgimeet la rpublique bourgeoise.

La nationalit est ainsi devenue ce que Joseph Gabel a stigmatis dans

La fausse

conscience(Les ditions de Minuit, 1962) : une erreur partage par un certain nombre

dindividus propos des leurs origines.


21/28

La nature humaine de la nation est instinctivement

gylanique

6 et tend spontanment au

partage et lentraide, mais elle est fragile et peut facilement sombrer dans le patrisme

guerrier du mle dominant, seigneur dun territoire de chasse, de sjour et daffectivit.

La forme humaine de la nation consiste dans le dpassement dun tel primitivismeanimal habitu imposer sa domination sur un territoire comme un privilge reconnu.

La nation enclenche lmancipation de ltre humain en se proposant comme

communaut subjective. La

nation-gemeinwesen 7 est le seul dpassement humain

possible de la condition animale fonde sur la hirarchie dont le mle dominant est la

version la plus vulgaire. Ainsi, tout le long de lhistoire, lagemeinwesena port en elle

lalternative radicale la gemeinschaft,socit artificielle, tatiste car conditionne par

lconomie politique.

Le capitalisme est la forme artificielle du primitivisme animal prt se battre jusqu la

mort, par la comptition et la prdation, pour la dfense et llargissement du territoire

conu comme une appropriation privative.

Devenir humains passe par le dpassement dune telle conflictualit mcaniste

travers la posie dialectique intrinsque la fonction de lorgasme. Par elle lhomme

smancipe de la pulsion mcaniste primitive en la satisfaisant qualitativement, en

obtenant, en mme temps, la ralisation et le dpassement de la politique et de lart.

Le rve sculaire de lmancipation humaine passe, donc, aussi par une

rappropriation radicale de la nation en opposition lutilisation aline que

lconomie politique en a fait.

Le capitalisme nous a duqus au nationalisme, en faisant de la nation naturelle le

vhicule ambigu dune machine kafkaenne au service des puissants et de la classe

dominante.


22/28

LEtat qui coupe la tte au roi et proclame le citoyen souverain, se libre dun seul coup

des seigneurs et des esclaves, en perptrant les deux en tant que rles sociaux

auxquels personne ne pourra plus se soustraire.

On dcouvre alors que le libralisme et lultralibralisme nont rien faire avec la libert

humaine et que le nationalisme na rien faire avec la nation authentique, avec la

communaut humaine, avec ses racines locales et sa gestion horizontale exerce par

des sujets qui saiment et non pas par des troupeaux unis par la haine dautrui, du

diffrent.

En tant que communaut subjective, la nation est la ralisation historique de la

gemeinwesen , superposition de couches diffrentes de la communaut qui, du local,

tendent staler vers des territoires de plus en plus larges sans jamais perdre de vue

la tendance faire du gouvernement un moyen pour garantir le bonheur de chacun. Un

tel gouvernement conseilliste garantit lespace individuel pour les divergences et les

choix les plus autonomes, tout en restant en syntonie avec la volont dtre souvent

une source de jouissance pour les autres car cela augmente aussi notre potentiel de

jouissance de la vie.

Certains, comme Ivan Illich, ont parl ce propos de convivialit.

Jai voulu, par ma modeste rflexion, mettre bien en vue la dynamique de la

nation-gemeinwesencomme absolument rfractaire toute forme de nationalisme

prtendant une quelconque supriorit sur les autres nations.

Labrogation de lEtat de la part de la communaut humaine rtablie, ressemblera en

beaucoup mieux au dpassement de la monarchie au nom de la rpublique car le

nationalisme est lidologie pestifre de lEtat fagot en une nation (

LEtat cest nous


23/28

, voil le plus horrible des mensonges) vide de sa dynamique spontane de

communaut relle, pacifique et orgastique.

Par la nation-gemeinwesen lEtat est destin disparatre en tant quinstigateur de

lexploitation et de lalination sans la reconstitution dune autre classe dominante (ni la

bourgeoisie de 1789 ni la bureaucratie de 1917). Sa disparition se traduira par

leffacement tendanciel de tout nationalisme. Seules les pathologies individuelles

resteront, quune socit libre saura traiter comme un problme de la communaut et

non pas comme des machines de guerre que la socit productiviste utilise

cyniquement afin de dbiter des hirarchies pour la domination.

Bien au-del dune dcroissance toutefois ncessaire et souhaitable, seule la promesse

dun affinement du bonheur fera bouger les tres humains dun nouveau monde psycho

gographique, finalement libres de lobsession de la croissance conomique.

En saventurant, mme timidement, au-del des traces des bonobos qui pratiquent dj

un premier degr instinctif du dpassement de lanimalit conflictuelle, lhumanit a

introduit, avant de se perdre dans la jungle perverse du productivisme, loption

consciente dune organisation sociale solidaire, rendant possible la satisfaction sans fin

de tous les dsirs.

La dmocratie conseilliste est lessai concret de la tendance de lhumain au bonheur

social en voie de lent affermissement. Nanmoins, lhumanisation de lhomme est

encore extrmement fragile car le singe humain est toujours attir par la facilit de la

solution phmre de la question sociale par le conflit et par la domination, notamment

masculine.


24/28

Il ne faut jamais oublier que ltre humain nest ni bon ni mauvais dans labsolu. Il est

capable de tout, du meilleur comme du pire : de la Commune Auschwitz, de lamour

pour autrui au cannibalisme.

Comment passer de la rpublique bourgeoise la dmocratie conseilliste ?

On doit rpondre cette question aussi dun point de vue thorique, pendant quon

soutient les luttes transitionnelles de la rsistance au monstre qui est en train de

dtruire la vie.

Attention, nanmoins, tout purisme, tout manichisme moraliste : le ridicule des

luttes idologiques et leur effet boomerang ritr favorisent un dtachement litisteimpuissant corriger les erreurs et dpasser les limites de la rbellion.

Il est certes opportun de dnoncer la manipulation rcupratrice de tout foyer de lutte

de la part de la politique bureaucratique. Il ne faut, nanmoins, jamais faire manquer la

solidarit la moindre rsistance la domestication.

On sait bien quen continuant faire les mmes erreurs qui ont produit les dfaites du

pass, on risque dobtenir, tristement, les mmes rsultats nuls. On doit, nanmoins,

attaquer ponctuellement les erreurs et non pas la passion qui pousse lutter pour

lmancipation.

Comme les rpublicains ont russi faire sauter lancien rgime de la monarchie de

droit divin, nous devons maintenant archiver celui de la rpublique de droit marchand

pour y substituer la socit du don et de la richesse partage.

Le but manqu par le proltariat industriel, vaincu par le consumrisme bien plus que

par la rpression des armes et des polices de lEtat capitaliste, est devenu celui de

lhumanit entire, oblige, dsormais, de lutter pour son mancipation, non plus


25/28

simplement classe contre classe, mais, globalement, contre la dynamique nihiliste du

capitalisme en train de dtruire les conditions de la vie humaine sur la plante. Ce sera

probablement un itinraire tortueux auquel le systme dominant opposera toutes ses

forces pour survivre. Il ny a pas, toutefois, dalternative la rvolution sociale quuneruine catastrophique pour lespce humaine.

Les multinationales et la financiarisation de lconomie ont boulevers les quilibres

fragiles entre lexploitation de lhomme et de la nature et les acquis sociaux qui

donnaient aux exploits la sensation dun progrs minimal. Le progrs est termin. A sa

place il y a la progression incessante de la dcomposition de la socit humaine,

justifie par lidologie de la crise qui cache mal lmergence puissante de la crise de

toutes les idologies.

Et cest la bonne nouvelle : il ne nous reste plus qu abandonner le monstre son

destin. Droite et gauche ne signifient plus rien non parce que la conflictualit sociale a

disparu mais parce quelle sest tendue au monde entier, en opposant dsormais,

directement, les dfenseurs de la vie aux producteurs dune mort de moins en moins

rentable mais toujours assez sduisante pour les masses de zombis qui la suivent

comme lunique source concevable de bonheur.

Face un tel gchis de la volont de vivre, seul le projet radical dmancipation du

totalitarisme nihiliste qui dferle offre une possibilit de salut.

Linstinct de survie, subsistant mme dans lanimal le plus malade, sentremle

dsormais avec la posie vitale de ceux qui continuent de vouloir vivre sans temps

morts et de jouir sans entraves dans une vie digne de ce nom. La ralisation de lutopie

est devenue un dernier but concret pour lespce en danger aux antipodes, donc, dun


26/28

consumrisme qui fait poursuivre incessamment des carottes pourries faisant mourir

dennui avant mme que de faim, chaque fois quon les gote sans la moindre joie.

Des Conseils locaux au Conseil international des Nations Unies, un nombre consquent

de Conseils intermdiaires peuvent assurer la chaine complte dun processus

dcisionnel galitaire, horizontal et non hirarchique. Beaucoup de problmes de

gestion du fonctionnement dune dmocratie directe et relle trouvent solution par des

techniques adquates.

Afin que les sujets de la communaut relle chaque nation en symbiose avec toutes

les autres nations organises en Conseils arrivent finalement formuler le refus et

labrogation de la forme tatique en faveur de lorganisation conseilliste, on ne peut que

passer avant tout par le balayage de certaines confusions, lieux communs et faux

problmes.

Une dmocratie directe nexclut pas les dlgations et les mandats mais elle les

prtend absolument rvocables chaque moment. La dlgation doit tre un don du

dlgu qui se rend disponible reprsenter une dcision commune, sans jamais

rentrer dans aucune hirarchie de pouvoir cumulable et rentable. Pour cela le contrle

des dlgations et des mandats sera une tche dlicate et indispensable au bon

fonctionnement dune dmocratie conseilliste. Beaucoup dastuces, dailleurs, sont dj

connues. Je parle dastuces et non pas de vrits philosophiques, comme le tirage au

sort et autres tactiques de filtrage des rles sociaux.

Avec labolition souhaitable et imprative des Etats, le concept de nation assumera un

rle important que lidologie totalitaire de lconomie politique a aboli subrepticement.

Totalement mancipe des miasmes nationalistes si chers aux fascismes et aux


27/28

chauvinismes, la nation rapparatra comme une catgorie sociale naturelle pour les

membres de toute communaut relle.

Comme ce fut le cas, par exemple, de plusieurs tribus indignes du nord de lAmrique

qui parlaient de

nation Siouxou

Cheyenne, le concept naturel de nation indiquera de

nouveau une communaut dlments matriels et spirituels, biologiques et culturels.

Etre n dans un lieu commun renvoie une liaison affective, non pas de droit ou de

pouvoir, avec une terre, un groupe, une langue, une lumire particulire, des habitudes

alimentaires, un climat, des gots esthtiques, musicaux, philosophiques, potiques,

etc.

La nation nexclut pas les barbares. Nous sommes tous les barbares de quelquun

dautre et, heureusement, nous sommes tous mtisss, cest--dire les enfants dune

mme humanit diversifie. Les clandestins nexistent pas. Il ny a que des trangers

aux habitudes diffrentes qui doivent trouver une harmonisation par une volont

commune, aussi dnue de tremblantes dfenses obsidionales que de despotiques

invasions barbares. Le sentiment dhospitalit carte toute relation entre la nation et

lappropriation privative du territoire.

Les citoyens du monde, autochtones ou trangers, sont toujours autant chez eux que

chez les autres.

Au nom du principe de lacit, il est question de mettre en commun uniquement ce qui

est commun tous, en laissant au libre arbitre de lintimit de chacun le partage

ventuel des spcificits et des diffrences.

Les affinits lectives se chargeront de lharmonisation des unions et des sparations,

des rapprochements et des distances.


28/28

Le but kalidoscopique de notre mancipation passera par la reprise plantaire du

Mouvement des Occupations.

Justement : OCCUPY THE LIFE. (A suivre, ce nest quun dbut)

Sergio Ghirardi, le vendredi 6 dcembre 2013

.

le texte OCCUPY THE LIFE. >

1 Ainsi pourrait le dfinir affectueusement Daniel Cohn Bendit, pass de lanarchiste primaire quil fut licone dun

environnementalisme europiste imbedded.

2 La flambe spartakiste en Allemagne, puis le projet libertaire en Espagne entre 1936 et 1938, sont deux

exemples dune sensibilit conseilliste qui traversa les idaux concrets dmancipation de tout le vingtime sicle.

Elle a trouv un ennemi redoutable, prt tout pour prserver lexploitation et lalination de la civilisation

marchande, dans lalliance objective entre capitalisme de March et capitalisme dEtat.

3 2007 : cration du Conseil Economique Transatlantique (sans que les parlements nationaux soient consults):

plus de 70 firmes dont AIG, AT&T,BASF, BP, Deutsche Bank, EADS, ENI, Exxon Mobil, Ford, GE, IBM, Intel, Merck,

Pfizer, Philip Morris, Siemens, Total, Verizon, Xerox,conseillent le gouvernement US et la Commission

europenne.

2011 : cration dun groupe dexperts USA-UE, dont le rapport, le 11 fvrier 2013, recommande le lancement de

ngociations pour la ralisation du Grand March Transatlantique

4 Voir: Naomi Klein, La Stratgie du choc, la monte dun capitalisme du dsastre, Actes Sud 2008.

5 Voir propos de psycho gographie: S. Ghirardi, Notes pour une exploration psycho gographique dun nouveau

monde.

6 -Voir propos des socits gylaniques (du grec gyn femme + lyein/lyo librer) les travaux de Marija Gimbutas,Riane Eisler et James DeMeo.

7 Voir K. Marx et J. Camatte propos du concept de communaut et de la diffrence entre gemeinwesen (dans le

sens de la libre communaut subjective) et gemeinschaft (dans le sens de la communaut du capital).
http://stoptafta.fr/?p=106

occupylifeoccuperlavieoccuparelavitasergioghirardi

Documents