nouveau parallèle entre saint paul (gal 3-16) et philon d'alexandrie (quaestiones in genesim)

7
Novum Testamentum, Vol. XXI, fase. 2 NOUVEAU PARALLÈLE ENTRE SAINT PAUL (GAL. Ill 16) ET PHILON D'ALEXANDRIE {QUAESTIONES IN GENESIM) ? PAR E. LUCCHESI Genève, Suisse L'inspiration philonienne chez les écrivains du Nouveau Testa- ment n'est plus désormais une nouveauté et ne fait plus de doute pour personne *). Le cas de YÉpître au Hébreux, où l'influence de Philon est la plus accusée et paraît s'être exercée directement à cause peut-être de son Sitz im Leben alexandrin, n'est pas un cas isolé, encore que le plus célèbre 2 ). *) Voir J. DANIÉLOU, Philon d'Alexandrie, Paris 1958, pp. 199-214; A.MADDALENA, Filone Alessandrino, Milano 1970, pp. 418-465. La spiritua- lité de Philon est très proche de celle du Nouveau Testament. N'oublions pas que Philon est presque contemporain des auteurs néo-testamentaires. Le terrain de rencontre est très vaste et les rapprochements possibles, aussi bien idéologiques que formels, sont très frappants, même si Ton ne peut pas toujours conclure à une filiation directe. „Toute dépendance directe", écrit Daniélou, ,,paraît peu vraisemblable. Mais l'intérêt considérable de Philon, c'est qu'il nous fait connaître le judaïsme hellénistique dans lequel non pas la vie du Christ, dont les apocalypses nous font connaître davantage le cadre, mais les écrits du Nouveau Testament se situent. Par suite, les ressemblances de vocabulaire, de conceptions, d'images, sont considérables. Elles valent avant tout du judaïsme hellénistique commun, non des parties plus systématiques que ne concernent guère que YÉpître aux Hébreux" (pp. 213-214). Contre l'abus de ces parallélismes, voir S. SANDMEL, Parallelo- mania, dans „Journal of Biblical Literature" LXXXI (1962) pp. 1-13. Voir encore A. PELLETIER, „Deux expressions de la notion de conscience dans le judaïsme hellénistique et le Christianisme naissant", dans Revue des Etudes Grecques L X X X (1967) pp. 363-371. 2 ) Voir C. SPICÇJ, ,,Le philonisme de l'Épître aux Hébreux", dans Revue Biblique LVI (1949) pp. 542-572 et LVII (1950) pp. 212-242; J. COPPENS, „Les affinités qumrâniennes de l'épître aux Hébreux", dans Nouvelle Revue Théologique LXXXIV (1962) pp. 275-282 spéc; S. G. SOWERS, The hermeneutics of Philo and Hebrews. A comparison of the Interpretation of the Old Testament in Philo Judaeus and the Epistle to the Hebrews, Diss. Basel, Zürich 1965; R. CANTALAMESSA, „Il papiro Chester Beatty III (P 46 ) e la tradizione indiretta di Hebr. 10, ι", dans Aegyptus XLV (1965) pp. 194-215; et surtout R. WILLIAMSON, Philo and the Epistle to the Hebrews, Leiden 1970 (Arbeiten zur Literatur und Geschichte des Hellenistischen Judentums 4).

Upload: leandro-velardo

Post on 03-Dec-2015

214 views

Category:

Documents


1 download

DESCRIPTION

1

TRANSCRIPT

Page 1: Nouveau Parallèle Entre Saint Paul (Gal 3-16) Et Philon d'Alexandrie (Quaestiones in Genesim)

Novum Testamentum, Vol. XXI, fase. 2

NOUVEAU PARALLÈLE ENTRE SAINT PAUL (GAL. Ill 16) ET PHILON D'ALEXANDRIE

{QUAESTIONES IN GENESIM) ?

PAR

E. LUCCHESI Genève, Suisse

L'inspiration philonienne chez les écrivains du Nouveau Testa­ment n'est plus désormais une nouveauté et ne fait plus de doute pour personne *).

Le cas de YÉpître au Hébreux, où l'influence de Philon est la plus accusée et paraît s'être exercée directement à cause peut-être de son Sitz im Leben alexandrin, n'est pas un cas isolé, encore que le plus célèbre 2).

*) Voir J. DANIÉLOU, Philon d'Alexandrie, Paris 1958, pp. 199-214; A.MADDALENA, Filone Alessandrino, Milano 1970, pp. 418-465. La spiritua­lité de Philon est très proche de celle du Nouveau Testament. N'oublions pas que Philon est presque contemporain des auteurs néo-testamentaires. Le terrain de rencontre est très vaste et les rapprochements possibles, aussi bien idéologiques que formels, sont très frappants, même si Ton ne peut pas toujours conclure à une filiation directe. „Toute dépendance directe", écrit Daniélou, ,,paraît peu vraisemblable. Mais l'intérêt considérable de Philon, c'est qu'il nous fait connaître le judaïsme hellénistique dans lequel non pas la vie du Christ, dont les apocalypses nous font connaître davantage le cadre, mais les écrits du Nouveau Testament se situent. Par suite, les ressemblances de vocabulaire, de conceptions, d'images, sont considérables. Elles valent avant tout du judaïsme hellénistique commun, non des parties plus systématiques que ne concernent guère que YÉpître aux Hébreux" (pp. 213-214). Contre l'abus de ces parallélismes, voir S. SANDMEL, Parallelo-mania, dans „Journal of Biblical Literature" LXXXI (1962) pp. 1-13. Voir encore A. PELLETIER, „Deux expressions de la notion de conscience dans le judaïsme hellénistique et le Christianisme naissant", dans Revue des Etudes Grecques LXXX (1967) pp. 363-371.

2) Voir C. SPICÇJ, ,,Le philonisme de l'Épître aux Hébreux", dans Revue Biblique LVI (1949) pp. 542-572 et LVII (1950) pp. 212-242; J. COPPENS, „Les affinités qumrâniennes de l'épître aux Hébreux", dans Nouvelle Revue Théologique LXXXIV (1962) pp. 275-282 spéc; S. G. SOWERS, The hermeneutics of Philo and Hebrews. A comparison of the Interpretation of the Old Testament in Philo Judaeus and the Epistle to the Hebrews, Diss. Basel, Zürich 1965; R. CANTALAMESSA, „Il papiro Chester Beatty I I I (P 46) e la tradizione indiretta di Hebr. 10, ι", dans Aegyptus XLV (1965) pp. 194-215; et surtout R. WILLIAMSON, Philo and the Epistle to the Hebrews, Leiden 1970 (Arbeiten zur Literatur und Geschichte des Hellenistischen Judentums 4).

Page 2: Nouveau Parallèle Entre Saint Paul (Gal 3-16) Et Philon d'Alexandrie (Quaestiones in Genesim)

GAL. I l i l 6 ET PHILON D'ALEXANDRIE I 5 I

Les équivalents de la littérature néo-testamentaire dans les écrits philoniens, en dehors des Hébreux, sont multiples et parfois très accentués. On a déjà décelé des contacts sérieux et assez sur­prenants de l'oeuvre de Philon avec saint Paul 3), saint Jean 4) et même avec l'Apocalypse 5).

Nous voudrions ici attirer l'attention sur un passage de la Lettre aux Galates qui serait, selon nous, à mettre en relation avec un texte „reconstitué" des Quaestiones in Genesim de Philon.

Nous avons dit „reconstitué". En effet, il ne s'agit pas d'un témoignage „direct", mais plutôt d'un texte qu'Ambroise de Milan utilise dans un de ses nombreux commentaires sur l'Ancien Testa­ment, à savoir le deuxième livre du de Abraham, et qu'il ne nous fait connaître par conséquent que d'une manière indirecte. C'est pourquoi, il est bon, nous semble-t-il, de rappeler brièvement l'état textuel dans lequel se présentent actuellement les Quaestiones de Philon.

Nous ne lisons plus aujourd'hui cette oeuvre majeure de Philon que dans une traduction arménienne ancienne. En outre, cette ver­sion doit être considérée comme partielle et lacuneuse, car son arché­type grec semble avoir été en état de détérioration au point d'exiger une transcription e).

3) Voir K. P R U E M M , „Reflexiones theologicae e t historicae ad u s u m P a u l i n u m te rmin i είκών", d a n s Verbum Domini X L (1962) p p . 232-257; J. R. BASKIN, Words for joy and rejoicing in the writings of the apostle Paul and Philo Judaeus, Diss. Princeton 1966; H. CHADWICK, „St. Paul and Philo of Alexandria", dans Bulletin of the John Rylands Library XLVIII (1965-66) 286-307 ; B. E. GAERTNER, The Pauline and Johannine idea of 'to know God* against the Hellenistic background. The Greek philosophical principle 'like by like' in Paul and John, dans New Testament Studies XIV (1967-1968) pp. 209-231: les textes concernés sont I Cor. ii 6-16 et Jn. i 1-18; C. COLPE, Zur Leib-Christi- Vorstellung im Ephesierbrief dans Beihefte zur Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft XXVI, Berlin 1964, pp. i72-i87(= Fest­schrift für J. Jeremías) ; E. W. SMITH, „The form and religious background of Romans VII 24-25a", dans Novum Testamentum XI I I (1971) pp. 127-135.

4) Voir B . E . G A E R T N E R , art. cit.; P . B O R G E N , Bread from heaven. An exegetical study of the concept of manna in the Gospel of John and the writings of Philo, dans Novum Testamentum Suppl. X, Leiden 1965 (Etude de Jn. vi 31-58, avec référence à Paul aux pp. 46-51) ; A. SKRINJAR, „Theologia epistolae I Io comparatur cum philonismo et hermetismo, dans Verbum Domini XLVI (1968) pp. 224-234.

5) Voir L. H. SILBERMAN, „Farewell to Ο ΑΜΗΝ. A note on Rev 3 14", dans Journal of Biblical Literature LXXXII (1963) pp. 213-215.

e) Voir D. BARTHÉLÉMY („Est-ce Hoshaya Rabba qui censura le «Com­mentaire Allégorique»?", dans Philon d'Alexandrie, Colloques nationaux du C.N.R.S., Lyon 11-15 Septembre iç66, Paris 1967, p. 66, nn. 1 et 2) qui

Page 3: Nouveau Parallèle Entre Saint Paul (Gal 3-16) Et Philon d'Alexandrie (Quaestiones in Genesim)

152 E. LUCCHESI

Avec l'original, auraient donc disparu à jamais certaines par­ties de cet ouvrage, comme le prouve aussi le fait qu'une antique version latine est plus complète que l'arménien pour la section conservée 7).

En particulier, une lacune importante, correspondant sans doute à un livre entier primitif8), prend place entre le II e et le III e livre de l'arménien, en laissant ainsi dépourvus de commentaire cinq chapi­tres environ (de Gen. χ io à xv 6). Il y a cependant, comme nous l'avons dit, de bonnes raisons pour penser que cette lacune n'exi­stait pas à l'origine, malgré qu'aucun témoin direct de la tradition, et nombreux sont les fragments grecs repérés dans les recueils de citations, ne soit venu jusqu'ici confirmer de façon explicite l'exi­stence de Quaestiones s'y rapportant.

Ambroise en tout cas donne l'impression de ne s'être heurté à aucun vide de ce genre, puisqu'il est pratiquement certain qu'il a utilisé bon nombre de Quaestiones que recouvre la lacune, soit exacte­ment celles qui avaient trait à Gen. xii i-xv 6, comme il relève d'une analyse poussée de son traité exégétique 9).

Cet usage d'Ambroise permet donc de remonter à la source et de connaître sommairement le contenu de la plupart des Quaestiones philoniennes perdues à cet endroit. En général, nous pouvons nous fier à la fidélité quasiment matérielle et un peu bornée avec laquelle l'évêque milanais imite son modèle, dont il retient paradoxalement le vocabulaire, alors même qu'il en peut trahir ou mal interpréter la pensée originale. Ce qui vaut également pour d'autres prototypes, mais spécialement pour l'exégète juif 10).

Or précisément, en commentant le lemme biblique de Gen. xiii 17 étrangement combiné avec celui du verset 15 du même chapitre, l'utilisateur latin nous livre l'essentiel de la Question ou éventuelle­ment des Questions parallèles de Philon, à supposer qu'il s'agisse là

renvoie à SCHÜRER, {Geschichte des jüdischen Volkes, 4 e éd., vol. III , Leipzig 1909, p. 646, n. 38). Voir aussi notre article, „La division en six livres des Quaestiones in Genesim de Philon d'Alexandrie", dans Le Muséon LXXXIX (1976) pp. 383-395.

7) Vo i r F R . P E T I T , L'ancienne version latine des Questions sur la Genèse de Philon d'Alexandrie, vol. I (,,Texte und Untersuchungen" 113), Berlin 1973, p. 6.

8) Voir E. LUCCHESI, art. cit. 9) Nous avons démontré cette thèse dans notre ouvrage, L'usage de Philon

dans l'oeuvre exégétique de saint Ambroise, paru (1977) a u x Editions E. J. Brill à Leiden, dans la collection Arbeiten zur Literatur und Geschichte des hellenistischen Judentums (eh. III). Un peu autrement H. LEWY, cité ibid.

10) Voir Ibid., eh. IL

Page 4: Nouveau Parallèle Entre Saint Paul (Gal 3-16) Et Philon d'Alexandrie (Quaestiones in Genesim)

GAL. Ili l 6 ET PHILON D'ALEXANDRIE 153

de l'agencement de deux paragraphes originellement distincts, ce qui serait tout à fait possible et ne serait pas en contradiction avec la méthode ambrosienne déployée ailleurs dans l'exploitation de cette source. Le texte d'Ambroise, qu'il faut justement comprendre comme une habile et ample paraphrase (mais nous pourrions dire comme une traduction libre, pour le grand démarqueur qu'est saint Ambroise) d'exégèse(s) de Philon, est le suivant :

denique Abraham quamdiu adhaerebat ei Loth, hoc est deflexio morum sortem horum non acceperat. ubi uero deflexionis quodam ambiguo atque anfractu absolutus rectas uirtutum semitas continuis animae suae gressibus coepit carpere, in omnem terram possessor mittitur atque dicitur ei: s u r g e e t p e r a m b u l a t e r r a m in l o n g i t u d i n e m e t l a t i t u d i n e m , q u i a t i b i d a b o i l l a m e t s e m i n i t u o in a e t e r n u m . ergo qui sapientiam meruerit et non fuerit ancillae filius, non peccati seruus nec successioni carnis ob-noxius, sed liberae, hoc est Sarrae illius non seruientis, sed principantis, bonae stirpis, bonae indolis, perfectae titulo uirtutis hereditatem adquiret uniuersitatis. dicitur ergo Abrahae: s urge , non corporalem adsurrectionem significat, sed spiritalem, hoc est: su rge qu i do rmis , surge a terrenis, surge a corporalibus, relinque terrena, caelum aspice e t e x s u r g e a m o r t u i s . hoc est ab opinionibus uanis et disputationibus Chaldaeorum. intuere mundum, intuere etiam ilium qui potest totum donare mundum. in posses­sionem, inquit, tibi dabo mundum, quem deum ante credebas. p e r a m b u l a t e r r a m in l o n g i t u d i n e m e ius e t l a t i t u d i n e m . utique intra momentum terram istam Persarum interclusam imperiis, ab Indiae quoque litoribus usque ad Herculis u t aiunt columnas uel Brittanniae extrema confinia non potuit perambulare. et potuit quasi indeuotus uideri, qui caelesti oráculo non oboedisset, si obeundae huius terrae mandatum accepisset, sed cum sit eius deuotio probata, quia ad quercum tantummodo Mambrae transtulerat tabernaculum, utique terram, hoc est uirtutem possumus perfectam intel-legere, quae bonos fructus daret et fecundas inuentiones cogitationumque primitias, meritorum uindemiam, frumento, uino et oleo repleret interiorem domum, terram resurrectionis, quam promisit patribus nostris fluentem lac et mei, suauitatem uitae, iucunditatis gratiam, splendorem gloriae, cuius primus heres factus est primogenitus a mortuis dei filius dominus Iesus. et ideo non 'seminibus' dixit, sed 'semini,1 ut ilium declararet qui hanc hereditatem humano generi primus adquireret. cognouimus bonae mentis profectum, quae in uitio lubricae deflexionis exsurgens quaesiuit statim praemium sapientiae, hereditatem iustitiae.

(de Abraham II 7, 39-41 : éd. SCHENKL, CSEL XXXIIji, 594, 13-596, 2.)

Seule la transposition chrétienne est d'Ambroise, qui s'est peut-être souvenu en ceci de celle qu'avait opérée avant lui l'Apôtre Paul, comme nous allons le voir. Tout le reste tient, à notre avis, d'un fond philonien. Le développement de Philon devait être à peu près celui-ci: la terre, qui est l'objet de la promesse divine, signifie, bien entendu, la vertu (. . . utique terram, hoc est uirtutem possumus

Page 5: Nouveau Parallèle Entre Saint Paul (Gal 3-16) Et Philon d'Alexandrie (Quaestiones in Genesim)

154 E. LUCCHESI

perfectam intellegere). Ainsi n'est héritier de la promesse que celui qui, comme Isaac, nait de la femme libre (qui . . . nonfuerit ancillae filius . . . , sed liberae)t c'est-à-dire celui qui s'est affranchi de l'escla­vage de la chair (non peccati seruus nec successioni carnis obnoxius) et peut au titre de sa vertu recevoir l'héritage universel (perfectae titulo uirtutis hereditatem adquiret uniuersitatis). A l'appui de cet allégorisme qui est bien dans la toute ligne de Philon et significatif de son esprit, est allégué le texte biblique lui-même, qui emploie le singulier semini, en sous-entendant par là que l'héritage de la vertu est réservé exclusivement à celui qui le mérite (qui sapientiam meru-erit) par opposition à tous ceux qui n'ont pas encore atteint le vrai progrès spirituel (bonae mentis profectum), ce qu'un pluriel seminibus n'aurait pas laissé entendre aussi clairement.

Tout le raisonnement philonien est fondé sur cette distinction de nombre σπέρμα-σπέρματα, qui donc n'est pas superflue, mais inhérente et intrinsèque à toute l'argumentation laquelle porte seulement sur ce point. Si l'on supprime cette distinction, on n'aura plus la contre-épreuve de la parole sacrée à la construction théorique de Philon.

Si l'on voit alors le texte de Gai. iii 16 et on le compare au lieu philonien, tel que nous le laisse entrevoir le décalque de l'utilisation ambrosienne, on trouvera cette même distinction, à la seule diffé­rence que Paul fait porter sur le Christ ce singulier d'exemplarité :

τω δε 'Αβραάμ έρρέθησαν αί επαγγελίαι και τω σπέρματι αύτου. ού λέγει* και τοις σπέρμασιν, ώς επί πολλών, αλλ' ώς εφ' ενός* καΐ τω σπέρματι σου, δς εστίν Χριστός, (éd. Nestle-Aland)

La perspective est identique et le parallélisme est évident non moins que troublant. Le vrai problème va être maintenant de savoir si l'on peut véritablement parler de dépendance textuelle directe ou par voie d'intermédiaire, ou s'il n'est pas plus exact de voir dans celle qui ne serait qu'une coïncidence fortuite, le résultat d'une com­mune dépendance par rapport à une tradition haggadique dont Philon en s'y rattachant parallèlement serait un nouveau représen­tant à côté de Paul.

La question est proprement insoluble, au moins en l'état actuel de nos connaissances. Nous préférons donc en ce cas adopter une solution moyenne. Nous n'avons pas jusqu'à présent la preuve irré­ductible que Paul ait été seulement renseigné sur l'oeuvre du savant alexandrin, inévitablement célèbre, et pour cause, dans les milieux

Page 6: Nouveau Parallèle Entre Saint Paul (Gal 3-16) Et Philon d'Alexandrie (Quaestiones in Genesim)

GAL. Ill l 6 ET PHILON D'ALEXANDRIE 155

judaïques de l'époque, et, à plus forte raison, qu'il s'en soit inspiré à l'occasion. Leurs éventuels points de rencontre, comme ils n'offrent pas d'attaches textuelles ou littéraires typiques, peuvent s'expliquer uniquement par un fond rabbinique commun. A cet égard, il faut souligner que Philon n'a pas dû dans chaque élaboration „inventer" de toute pièce les considérations allégoriques et mystiques qu'il dé­ploie dans ses différents traités (on n'a qu'à penser aux interpréta­tions étymologiques des noms propres bibliques, qui relèvent d'une connaissance approfondie de la langue hébraïque que Philon ne pou­vait avoir, ou encore aux spéculations arithmologiques propres à la cabale juive, ce en quoi Philon n'est pas nécessairement original), mais qu'il est aussi parfois redevable d'exégèses rabbiniques cir­culant même parmi les juifs les plus hellénisés, en intégrant dans sa doctrine des détails, notions et schémas reçus par le Talmud, voire transmis oralement et qui ne se rencontreraient pas ailleurs u ) .

Quoi qu'il en soit au juste 12), il est quand même émouvant de constater qu'un trait philonien, conservé par un admirateur chré­tien, se retrouvera quelques décennies plus tard dans un écrit d'un ex-coreligionnaire devenu le pilier du Christianisme naissant.

Cet exemple, s'il ne prouve pas finalement qu'il y a eu emprunt littéral ou interdépendance à proprement parler, nous montre à quel point saint Paul était resté proche malgré tout de l'exégèse judaïque de son temps.

Ce parallèle exégétique, s'il est admis, ajoute enfin une note nou­velle et interessante à ce qu'on connaissait déjà des divers midra§ïm dans le cadre du rabbinisme tardif, dans lequel „baignaient" deux personnages de même race et génération et allant pourtant chacun de son côté et d'une manière propre et originale à l'encontre du judaïsme officiel.

u ) Aucun exemple précis d'un singulier d'exemplarité de ce type n'a encore été recensé dans l'abondant matériel talmudique et midraschique : voir H. L. STRACK-P. BILLERBECK, Kommentar zum neuen Testament aus Talmud und Midrasch, vol. I I I (2e éd.), München 1954, Ρ· 553 (bien φ*ε „Die Deutung des Numerus spielt selbst in der halakhischen Exegese eine gewisse Rolle"). Cf. J. BONSIRVEN, Exégèse rabbinique et exégèse paulinienne, Paris 1939, pp. 298-299 (,,N'avons-nous pas une de ces identifications, (exégèses distributives) si fréquentes chez les rabbins ?").

12) Nous avons fait preuve de prudence, mais nous aurions pu être plus audacieux. En effet, nous ne saurions exclure comme impossible à priori le fait que ce motif on ne pourrait plus philonien ait influencé directement le texte paulinien. La question est donc laissée en suspens.

Page 7: Nouveau Parallèle Entre Saint Paul (Gal 3-16) Et Philon d'Alexandrie (Quaestiones in Genesim)

^ s

Copyright and Use:

As an ATLAS user, you may print, download, or send articles for individual use according to fair use as defined by U.S. and international copyright law and as otherwise authorized under your respective ATLAS subscriber agreement.

No content may be copied or emailed to multiple sites or publicly posted without the copyright holder(s)' express written permission. Any use, decompiling, reproduction, or distribution of this journal in excess of fair use provisions may be a violation of copyright law.

This journal is made available to you through the ATLAS collection with permission from the copyright holder(s). The copyright holder for an entire issue of a journal typically is the journal owner, who also may own the copyright in each article. However, for certain articles, the author of the article may maintain the copyright in the article. Please contact the copyright holder(s) to request permission to use an article or specific work for any use not covered by the fair use provisions of the copyright laws or covered by your respective ATLAS subscriber agreement. For information regarding the copyright holder(s), please refer to the copyright information in the journal, if available, or contact ATLA to request contact information for the copyright holder(s).

About ATLAS:

The ATLA Serials (ATLAS®) collection contains electronic versions of previously published religion and theology journals reproduced with permission. The ATLAS collection is owned and managed by the American Theological Library Association (ATLA) and received initial funding from Lilly Endowment Inc.

The design and final form of this electronic document is the property of the American Theological Library Association.