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._ 61 - 5037. - Fusion de societes - Participation de la societe absorbee dans la societe absorbante. 1. L'absorption d'une societe par une autre s'analyse, dans le chef de la societe absorbante, en urie augmentation de capital destinee remunerer les apports de la societe abs:orbee. Dans l'hypothese ou la societe absorbee possede une participa- · tion dans la societe absorbante, le probleme particulier qui se pose consiste a determiner si la societe absorbante doit augmenter son capital pour remunerer }' apport de ses propres actions, OU si elle peut vialablement remettre ces actions qui ont fait I' objet de l'ap- port, aux actionnaires de la societe absorbee sans proceder a une augmentation de capital. 2. La difficulte peut etre evitee, soit que la societe absorbee realise sa participation avant l'apport, soit qu' elle distribue elle- meme a ses actionnaires, avant la fusion, . les titres qu' elle possede dans la societe absorbante. Des raisons fiscales ou simplement pratiques ( 1 ) . et,, le cas echeant, les repercussions qu'une vente pourrait avoir au point de vue de la majorite au sein de la societe absorbante, militent sou- vent en faveur du rejet de l'un ou l'autre processus. Pour eviter que la societe emettrice devienne proprietair.e de ses propres actions ou parts sociales, la doctrine preco- nise d' exclure de I' apport les titres de la societe absorhante, les- quels titres seront joints a ceux qui sont crees en remuneration des apports, en vue de leur distribution aux actionnaires de la societe absorbee ( 2) . L' administration beige de I' enregistremen t con teste qu' ii puisse y avoir fusion s' ii est .procede de la sorte, pour le motif que les actionnaires de la societe absorbee, ou tout au moins tine partie d' entre eux, trouvent leur droit de recevoir des titres de la societe absorbante dans une decision de la societe absorbee . et non pas dans un apport effectue par une societe clans I' autre ( 3). En 1' absence d' une definition leg ale de la fusion, c' est peut-etre beaucoup s'avancer que de nier clans ce cas !'existence d'une (I) Rapport du nombre de titres necessaires pour obtenir · une action de la societe absorbante. (2) MOULIN, Le rachat par une societe de ses prop1·es titres, p. 122; Collo- que intern. de Dr. europ. 1961, Rapport du Prof. G. BRULLIARD, p. 9 bf. (3) Ree. Gen., 1959, n° 20.072, par. 32, p. 149· No 5037 5

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Page 1: N° 5037. - Fusion de societes - Participation de la ... · dans la societe absorbante. Des raisons fiscales ou simplement pratiques ( 1 ) . et,, le cas echeant, les repercussions

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N° 5037. - Fusion de societes - Participation de la societe absorbee dans la societe absorbante.

1. L'absorption d'une societe par une autre s'analyse, dans le

chef de la societe absorbante, en urie augmentation de capital

destinee ~ remunerer les apports de la societe abs:orbee.

Dans l'hypothese ou la societe absorbee possede une participa- ·

tion dans la societe absorbante, le probleme particulier qui se pose

consiste a determiner si la societe absorbante doit augmenter son

capital pour remunerer }' apport de ses propres actions, OU si elle

peut vialablement remettre ces actions qui ont fait I' objet de l'ap­

port, aux actionnaires de la societe absorbee sans proceder a une

augmentation de capital.

2. La difficulte peut etre evitee, soit que la societe absorbee

realise sa participation avant l'apport, soit qu' elle distribue elle­

meme a ses actionnaires, avant la fusion, . les titres qu' elle possede

dans la societe absorbante.

Des raisons fiscales ou simplement pratiques ( 1 ) . et,, le cas

echeant, les repercussions qu'une vente pourrait avoir au point de

vue de la majorite au sein de la societe absorbante, militent sou­

vent en faveur du rejet de l'un ou l'autre processus.

Pour eviter que la societe emettrice devienne proprietair.e de

ses propres actions ou parts sociales, la doctrine fran~aise preco­

nise d' exclure de I' apport les titres de la societe absorhante, les­

quels titres seront joints a ceux qui sont crees en remuneration des

apports, en vue de leur distribution aux actionnaires de la societe

absorbee ( 2) . L' administration beige de I' enregistremen t con teste qu' ii puisse

y avoir fusion s' ii est .procede de la sorte, pour le motif que les

actionnaires de la societe absorbee, ou tout au moins tine partie

d' entre eux, trouvent leur droit de recevoir des titres de la societe

absorbante dans une decision de la societe absorbee . et non pas

dans un apport effectue par une societe clans I' autre ( 3).

En 1' absence d' une definition leg ale de la fusion, c' est peut-etre

beaucoup s'avancer que de nier clans ce cas !'existence d'une

(I) Rapport du nombre de titres necessaires pour obtenir · une action de la societe absorbante.

(2) MOULIN, Le rachat par une societe de ses prop1·es titres, p. 122; Collo­que intern. de Dr. europ. 1961, Rapport du Prof. G. BRULLIARD, p. 9 bf.

(3) Ree. Gen., 1959, n° 20.072, par. 32, p. 149·

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fusion, avec la consequence de priver la societe absorbante du

benefice des dispositions favorables du Code des droits cl' enregis­trement.

11 s'agit en realite d'une modalite de la realisation d'une opera­

tion qui a toutes les caracteristiques d'une fusion. Ces caracteris­tiques sont les suivantes : ( 4)

l' existence de deux societes;

I' expression d'une volonte deliberee de fusionner;

la disparition de la societe fusionnee par suite de I' apport;

le maintien de la qualite d'associe clans le chef des action­

naires de la societe absorbee.

3. L'absorption d'une societe qui possede des actions de la

societe absorbante est un moyen pour cette derniere cl' entrer en

possession de ses propres titres.

Le cas presente des'. analogies avec celui du rachat par une

societe de ses actions (5). La similitude est cependant loin cl' etre

complete. Dans l'un cas, il s'agit d'un achat, clans l'autre cas d'un apport.

Dans le premier cas, comme en vertu de I' article 2 06 des' lois

coordonnees sur les societes commerciales, le paiement du prix

cl' achat des litres ne peut entamer ni le capital ni la reserve legale

constituee, le probleme se limite a I' emploi de benefices, a moins

que le rachat s~ realise en vue cl' operer une reduction de capital. Dans l'hypothese de I' absorption, la difficulte consiste a fixer

les modalites de la remuneration des apports.

Diverses considerations formulees a propos du rachat d'actions;

portent a faux lorsqu' on cherche a les etendre a I' absorption.

4. Le droit pour une societe cl' acquerir ses propres t_itres n' est

pas conteste. II n' existe aucune restriction legale autre que I' arti:­

cle 206 des lois coordonnees sur les societes commerciales en

(4) P. DEMARET, «Les fusions de societes et les lois d'impots sur les reve· nus »,Rev. Fisc., 1960, n108 59 a 71, pp. 291 et SS.; J. BAUGNIET, «La fusion de societes en dmit beige», Rev. Prnt. Not., 1961, pp. 303 et ss.; MOULIN, op. cit., p. 122 : Les actions ne sont pas exclues de l'apport clans· le but d·e res­treindre les effets de la fusion, mais ·pour une raison purement juridique.

(5) La question des fusions est generalement abordee clans le cadre des etudes concernant le rachat de titres : MOULIN, op. cit., pp. 121 et ss., 1931; A. RAUCQ, « Une societe -anonyme peut-elle etre proprietaire de ses actions?», Ann. Not., et Enr., 1934, p. 460; A. RAUCQ, Fo'rmulaire annote de procedure commerciale, t. Jer, Societes· commerciales, n° 242, par. 8; Mme VEAUX-FOUR­NERIE, L'acquisition de ses propres actions ou !Parts sociafos par la societe emettrice, 1953, n° n4.

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matiere de rachat de titres ( 6). Cet article fournit par ailleurs un argument a contrario ( 7) en f.aveur de la liceite du rachat d' actions

et, par extension, de I' acquisition par une societe ~.e ses propres

titres.

La doctrine a cependant subordonne le rachat a certaines condi­

tions ( 8). a) On a insiste sur l' obligation de respecter l' egalite entre les,

actionnaires ( 9), c' est-a-dire d' assurer a chacun d' eux des chances

eg;ales d' obtenir le « remboursement » de leurs titres ( 10).

Pareille obligation, que I' on rattache au jus fraternitatis ( 11), est

(6) Liege, 26 mai 1932, Revue, 1932, n° 3257, p. 303; P. COART-FRESART, «Du rachat de ses propres actions par une societe anonyme », Annales de Dr. et Sc. pol., 1937/38, t. VI, p. 146 A. Legislation. La loi du 17 octobre 1945 etablis­sant un impot sur le capital preyoit l'hypothese ou une societe possederait ses propres titres. Ces titres n'entrent pas en Jigne de compte pour la determination du nombre d'actions a creer au profit de l'Etat comme impot sur le capital (art. 6, par. 3).

(7) Ch. del MARMOL, « L'achat par une societe anonyme de ses propres actions», Revue, 1955, rr> 45II, p. 263, par. 6.

(8) Ces conditions sont synthetisees dans le rapport de la Commission ban­caire, exercice 1947 / 48, p. 63, note 2.

(9) J. VAN DER STEGEN, «Le rachat par une societe anonyme de ses pro­pres actions a I'aide de benefices», Jur. comm. des Flandt-es, 19'36, rr> 56291

p. 133; D. S., « Une societe peut-elle affecter ses benefices disponibles a l'achat de ses pro.pres actions?», A mz,, Not. et Enr., 1937, p. 29; M. ANSPACH, « Rachat des actions au moyen de benefic·es libres • Remise de ces titres en circulation», id., 1948, · n° 10, p. 166; RESTEAU, Traite des societes anonymes, t. IV, n° 2005, p. 245; FREDERICQ, Traite de Dr. comm. belge, t. V, no 435~ p. 755; R epert. prat. D1·. belge, yo S. A., n° 1838; MOULIN, op. cit., p, 36.

(10) Le rachat n'est pas juridiquement par I ant un remboursement d'apports; del MARMOL, op. cit. Revue, 1955, pp. 257, par. 2 et 268, par. n, a moins qu'il ne constitue une modalite de la reduction du capital, rendant applicable !'art. 72, al. 3, des L. C. soc. comm. Le prix paye est parfois assimile a un rem.­boursement anticipe et forfaitaire de la part d'associe que les titres representent, Comm. ·bancaire, Rapport 1947/48, p. 67i VAN RYN, t. Jer, n° 510, p. 346; selon la Cour de cassation, si !'operation conclue entre la societe et l'actionnaire constitue dans le chef de celui-ci une yente, elle ne peut etre consideree dans le chef de la societe que comme un achat et non comme une distribution de benefi­ces ou un remboursement total ou partiel du capital social. Cass., 6 octobre 1959, Revue, 1960, n° 4880, p. 65. VAN RYN et VAN OMMECLAGHE, «La nature de l'operation par laquelle une societe acquiert ses propres actions», Rev. Grit. de Jur. Beige, 1960, p. 312 ;. Voir la note detaillee de MM. J. de LONGUE­VILLE et L. DEFOSSET et la jurisprudence citee, sous Brux., 8 janYier 1959, Revue Fisc., 1959, p. 546. Juridiquement, selon Mme VEAUX-FOURNERIE, le remboursement de !'action ne se dongoit que si la societe preleye sur son capital (op. cit., n° 306). Le rachat serait un procede original de mutation (no 3II)-

(II) G. RIPERTi Traite elementaire de droit commercial, 1959, t. Jer no 623, p. 331; Le principe d'egalite ne serait pas d'ordre public, CORDONNIER, Journ. Soc., 1924, p. 417; cfr art. 1853 et 1855 du C. ciY.; Rep. prat. Dr. belge, yo Contrat de societe, n°8 336, 362 et 363; l'egalite permet a chacun de ceux qui participent au contrat de societe de s'irnmiscer dans Ja gestion des interets communs; id., n·; 409 : Le jus fraternitatis se justifie par un besoin d'e collaboration· en yue de mener a bonne fin une reuYre commune. La yente par un actionnaire de ses titres va a l'encontre d.e ce principe de collaboration.

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particuliere au rachat d' actions et ne saurait viser le cas de I' absorp·

tion. On imagine mal, en effet, que sous le pretexte de maintenir

cette egalite de traitement, tous les actionnaires de la societe absor·

bante puissent pretendre faire apport de leurs titres aux seules fins

d' en recevoir de nouveaux.

b) On subordonne aussi la liceite du rachat de titres a la sauve~

garde des droits des tiers ( 1 2) . I

Or, les droits des creanciers de la sofiete absorbante ne sont

generialement pas mis en peril, car l' avoir social de cette societe

tend a s' accroitre du montant net des apports ( 13). La loi du

30 juin 1961 concernant la verification des apports en nature insti~

tue une garantie supplementaire clans l'inten~t des actionnaires et

des creanciers.

L' apport par la societe absorbee de titres de la societe absor~

bante n' a cl' autre consequence que d'influer sur !'importance de

I' accroissement du patrimoine de cette derniere ( 14).

Quant aux creanciers de la societe absorbee, ils trouvent clans

I' ac!ion paulienne le moyen de sauvegarder leurs droits ( 1 5).

c) On a emis des opinions divergentes quant au pouvoir du

conseil d' administration ( 16) de racheter les titres de la societe.

Ces controverses sont etrangeres au cas de fusion.

Le fait que la societe absorbee possede des titres de la societe

absorbante n' a aucune incidence sur la determination de I' organe

competent pour decider de I' absorption.

Les conditions edictees par la loi OU formulees par la doctrine

concernant le rachat d' actions sont done inapplicables clans l'hypo~

these de l' absorption.

5. Si l':apport porte sur toute la situation active et sur tout le

passif de la societe absorbee qui possede des actions de la societe

(12) del MARMOL, op. cit. Revue, 1955, p. 271, par. 14. (13) VAN RYN, op. cit., t. Je~·, n° 858. (14) Sur la determination de la valeur de ces titres apportes, n° II.

(15) VAN HOUTTE, « L'apport en societe de l'avoir social total ou partiel d'une societe en liquidation», Revue, 1935, n° 3420, par. 7, p. 5; VAN RYN, op. cit., t. Jer, n° 860; Cass., 5 juin 1902, Pas., 1902, I-264; J. BAUGNIET, op. cit. Rev. prat. Not, 1961, pp. 314/315,

(16) Dans la pratique, des clauses statutaires ont ete amenagees en vue de permettre au conseil de realiser le rachat des titres de la societe emettrice : RAUCQ, op. cit. Ann. Not. et Enr., 1934, p, 456; ANSPACH, id., 1948, p. 165; VAN DER STEGEN, op. cit.; lter. comm. Flandres, 1936, n° 5629, pp. 132 et suiv.; P. COART-FRESART, op. cit.; Ann. Dr. et Sc. pol., 1937/38, p, 165: E. CEREXHE, «Le rachat par une societe de ses propres actions en droit beige, fran9ais et allemand », Revue, 1962, n° 5027, par. 19.

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absorbante, celle~ci devient, comme nous I' avons signale, proprie~ taire d' actions qu' elle a emis:es.

Une importante partie de la doctrine pretend que ces actions

doivent etre annulees par la societe absorbante ( 1 7).

D'autres eminents auteurs admettent, au contraire, qu'une societe place ses benefices dans I' achat de ses propres titres.

« Si le capital et la reserve ]egale sont intacts, I' application d'une partie qes benefices a des rachats d'actions n'implique ni une faute

morale, ni un danger plus grand que I' emploi a acheter d' autres

valeurs'. » ( 1 8)

La doctrine ( 1 9) a invoque la confusion decoulant de la reunion des conditions prevues a !'article 1300 du Code civil pour justifier

I' obligation qu' aurait la societe absorbante d' annuler les titres

rentres en sa possession. L'argument n'est pas determinant. L'article 1300 du Code civil

s' applique aux creances. Or, I' action n' est pas une creance ( 2 0} ;

le droit de I' actionnaire au remboursement de I' apport ne devient un droit de creance qu'une fois la liquidation entree dans sa phase

distributive ( 2 1 ) . En outre, la confusion a un effet suspensif et non extinctif ( 2 2}.

(17) A. ROUSSEAU, Des societes comftne1·ciales fran~aises et etrmtigeres, 1902, t. Jer, n'°2515bis; LAGARDE, «Des reserves investies en titres emis par l'entreprise », Rev. crit. legisl. et jur., t. LVll, 1937, p. 250, n° 7; VAN RYN, op. cit., t. Jer, n° 510; opinion de MMes MARCO et RESTEAU. citee par Ch. del MARMOL, op. cit. Revue, n° 44H, p. 273, renvoi (1); CEREXHE, op. cit., Revue, 1962, n° 5027, par. 21.

(18) WAUWERMANS, Manuel, 1933, n° n76, p. 706; GILSON, Les modi­fications aux statuts des societes anonymes, n° 174, p. 266; WAUWERM'ANS cite a l'appui de son opinion M. E. PIRMEZ, Oh. Repres., seance du 12 mai 1886; GUILLERY, Comm. tegisl., t. III, p. 59, co.nitra VAN DER STEGEN, op. cit. Jur. comm. Flandres, 19361 nP 5629, p. 131. Les travaux preparatoires n'abordent pas la question.

(19) HOUPIN et BOSVIEUX, Traite general theorique et pratique des societes civiles et commerciales, n° 491, p. 576; J. COPPER-ROYER, De la fusion des societes, pp. 98 et ss.

(20) RESTEA.U, op. cit., t. Jer, n° 578; Rep. pmt. Dr. be1lge, v0 Soc. anonymes, n° 448; VAN RYN, op. cit., t. Jer, nP 510, p. 345, n° 520, p. 351; RIPERT, op. cit., t. Jer, n° 1413, p. 667; MOULIN, op. cit., pp, 32/33.

(21) :deJ MARMOL, op. cit., Revue, 1955, p. 273, par. 16; DE PAGE, Trnite elem., t. v, n° 715, p. 634 : « L'associe n'a pas de droit actuel dans l'avoir social».

(22) LAURENT l'explique parfaitement dans ses P1·indpes de Droit civil, t. XVIII, n° 489, p. 500 : «La creance n'est pas eteinte, elle subsiste, mais c'est une creance inutile, inefficace, puisque le debiteur contre lequel elle devrait s'exercer se confond avec le creancier »; PASSELECQ, Novelles, Droit com­mercial, t. III, n° 6516; LYON-CAEN et RENAULT, Traite de Droit commer­cial, t. II, no 886; DE PAGE, op. cit., t. III, n° 694; THALLER E., Traite ele-men,t. de droit commercial, 1931. n° 666; contra LAGARDE, op. cit., Revue ct·it. tegisl. et fur., 1937, n° 6, pp. 147 et ss.

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L' exercice du droit se trouve temporairement paralys:e. La deter­

mination des consequences de la remise en circulation des titres a sans doute suscite des controverses. Mais on s' accorde a dire que

la confusion cesse avec effet retroactif ( 2 3). La societe conserve cependant les a vantages pecuniaires attaches a I' action durant la

periode ou celle-ci se trouve clans son portefeuille (24).

La theorie de la confusion, telle qu' elle derive de I' article 1300 du Code civH, est impuissante a justifier l' obligation d' annuler les

titres rentres en possession de la societe emettrice.

6. Un autre argument est tire de l' article 2, dernier alinea, des

lois coordonnees sur les societes commerciales.

« La societe constitue une individualite juridique distiilcte de celle de ses associes:; elle a une personnalite propre, independante

de la personne des associes. En devenant proprietaire de ses

actions, la societe devient son propre actionnaire, sa personnalite

se confond, au moins pour partie, avec celle de ses aS'socies. » ( 2 5)

· Ce raisonnement, fonde sur des deductions en apparence deci­

sives, n'emporte cependant pas la conviction.

7. II s'indique de preciser tout d'abord le sens de la phrase

selon laquelle la societe qui acquiert une partie de ses titres con.­fond, en devenant actionnaire d' elle-meme, sa personnalite (26)

avec celle de ses associes.

(23) LAURENT, op. cit., t. XVIll, n°s 506 et ss.; DE PAGE, op. cit., t. III, nc 697; et t. IV, n° 453 (en matiere de cession de droits successifs); BAUDRY­LAOANTINERIE, Obligation 1s, t. III, n° 19!4; cfr cependant A. DORFF, « L'a remise en circulation d'obligations rachetees par la societe qui les a emises », Revue, 1934, n° 33541 p. 15; COART-FRESART (op. cit., Ami'. Dr. et Sc. pol., 1937/38, p. 159), conformement a l'opinion de JOSSERAND (Cours de dr. civ., t. II, n° 948), et de PLANIOL et RIPERT (Traite prat. de Dr. civ., t. VII n° 1300), pretend que si la confusion prend fin par un fait nouveau, telle la revente, Ja remise en circulation des titres serait impuissante a restituer aux actions leur efficac:ite primitive.

(24) D.S., op. cit., Ann. Not. et Em·., 1937, n° 22, p. 29 : Les titres. 'acquis font partie du portefeuille· de la societe, qui profite des dividendes; THALLER iet PERCEROU, Traite elem. de dr. comm., t. Jer, n° 665; MOULIN, op. cit., p. III; Trib. civ., du Havre, 15 fevrier 1952, cite par Mme VEAUX-FOURNE­RIE, op. cit., n° 245, p. 197; VAN DER STEGEN, op. cit. Jur. comm. Flandres, 1936, p. 123; contra ANSPACH, op. cit. A n·n. N of. et Enr., 1948, n° 8, p. 166; J. ESCARRA, C-om·s de dr. commerc., 1952, n° 888, p. 562; RIPERT, op. cit.,

· n° 1032. (25) A. RAUCQ, op. cit. Ann. Not. et Enr., 1934, p. 457; id., For'mttlaire

amtote de procedure com,m., t. Jer, Societes commerciales, n° 242, par. 2; Com· . mission bancaire, Rapport 1947 /1948, p, 66. ·

(26) DE PAGE, t. Jer, nP 233 : la personnalite est la situation qui caracterise la personne, c'est-a-dire tout etre capable :d'avoir des droits et obligations; cfr J. DABIN, Le droit subjectif., pp. 107 et 108 sur l'emploi des termes « sujet de droit » de preference a ceux de personne et personnalite.

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A la condition que I' on admette que la societe devient son

pro pre actionnaire, ii s' ensuit qu' un des actionnaires (a savoir la

societe) aurait la meme personnalite que la societe, ce qui est

contraire au texte de I' article 2 des lois coordonnees sur les societes

commerciales, aux termes duquel la societe a une individualite

distincte de c:elle de ses associes. La portee de I' article 2 semble toutefois etre differente. Quand

il est declare que la societe constitue une individualite juridique

distincte de celle de ses associes, la loi entend simplement dire que la societe a la personnalite morale (2 7). Cette personnalite est

destinee principalement a assurer la separation du patrimoine

social decelui des actionnaires (28).

En acquer.ant ses propres titres, la societe ne pourrait « confon­

dre sa personnalite avec celle de ses associes » que pour autant

qu' elle devienne elle-meme actionnaire, qualite qu'une importante

partie de la doctrine s' acc.orde a lui refuser ( 2 9).

Des lors, a moins de recevoir la theorie germanique de la per~

sonnification, selon laquelle le titre est sujet de droit ( 3 0), on ne

voit pas comment la personnalite de la societe emettrice pourrait,

par le fait de I' acquisition de ses titres, se confondre avec celle de

ses actionnaires ( 3 1 ) .

8. D' apres I' argument tire de I' article 2 des lois coordonnees

sur les societes commerciales, en devenant proprietaire de ses

actions, la societe deviendrait son propre actionnaire. A supposer

(27) Mme VEAUX-FOURNERIE, op. cit., nP 318, note 2 : entendre la for· mule a la lettre·, c'est la pousser a l'absurde.

(28) NYSSENS et CORBIAU, Traite des Soc. comm., t. Jer, n° 370; VAN RYN, op. cit., t. Jer, n° 354, p. 249.

(29) cfr infra n° 8. (30) W:AHL, Traite theor. des titres au porteur fran<;ais et etrangers, t. Jier,

n° 246; MOULIN, op. cit., p. 243; LAGARDE, «Des reserves investies en titres emis par l'entreprise », Rev. crit. de Legisl. et de Jur.,. t. LVII, p. 244, n° 5; LARGUIER J., La notion de titre en droit prive, n° 220, p. 246; Mm:e VEAUX­FOURNERIE, op. cit., n°s 48 et 3n : la societe est debitrice vis-a-vis du titre lui-meme, plus qu'a l'egard de son titulaire; PERCEROU, preface au livr'e d·e MOULIN, op. cit., p. x; A. DORFF, op. cit. Revue, 1934, n° 3354 : Le droit beige ne con9oit un lien juridique qu'entre deux personnes et ii n'y a aucune disposition de droit civil OU commercial qui permette d'attribuer a Ull dodument le pouvoir de lier un debiteur sans qu'il y ait un creancier.

(31) En possession de tous les titres qu'elle a emis, la sodiete conserverait sa personnalite. Elle deviendrait ingouvernable selon les regles legales et statutaires, et sa dissolution devrait etre prononcee sur la demande :d'e tout interesse, dans ies conditions prevues a l'art. 104 des L.C. sur les societes commerciales. On peut concevoir une societe ·sans actionnaires, d'un type nouveau. (Mme VEAUX· FOURNERIE, op. cit., n° 349).

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meme que le hien-fonde de cette affirmation soit etabli, ii n' en decoule pas . qtie les' titres devraient necessairement etre annu­

les (32). Au contraire, si la societe est devenue son propre action­naire, elle se devrait: de conserver ses actions par devers elle en

vue de pouvoir exercer les droits qui y sont attaches ..

La these de la societe actionnaire d' elle-meme n' est cependant pas acceptable· ( 3 3) .

Aux ternies de l'article 1832 du Code civil, la societe est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de

mettre quelque chose en commun clans le but de partager le bene­fice qui pourra en resulter. Les lois sur les ·societes commerciales

accordent aux societes commerciales visees a I' article 2 une indivi­

dualite juridique distincte de celle des associes.

II resulte de la combinaison de ces textes que les actionnaires sont des sujets de droit distincts de la societe, reunis en vue de se

partager les benefices realises par cette derniere.

II existe deux modes de devenir actionnaire : lia souscription et I' entree en possession d' actions ou de parts sociales.

La qualite d'actionnaire s'acquiert en premier lieu a la suite d'un

apport qui opere le transfert a la societe des droits sur les biens apportes (34). II ne se con~oit pas, des lors, qu'une societe se

fasse a elle-meme un apport, oar le bien qu' elle pourrait apporter

est deja affecte a I' objet social (35). Elle ne saurait, par ce moyen,

devenir · son propre actionnaire ( 3 6) . La qualite d' actionnaire decoule ens:uite de I' acquisition d' actions

ou de parts de la societe.

(32) A. RAUCQ, op. cit. Ann1, Not. et Em·., 1934, p. 459. Les actions devraient etre annulees et remplacees par des actions de jouissance.

(33) RIPERT, op. cit., t. Jer, n° 1032; ESCARRA, op. cit., n° 888, p. 56~; VAN RYN, op. cit., t. Jer, n° 510.

(34) VAN RYN, op, cit., t. Jer, n° 332, p. 232. (35) RIPERT, op. cit., n° 636, p. 328. (36) La souscription par la societe, lors de sa constit1,1tion, n'est pas legale­

ment possible,. soit qu'il s'agisse d'une fondation instantanee·, la societe ne pou­.vant etre formee qu'une fois les titres souscrits, soit d'une fondation par voie de souscription, car alors les fonds necessaires a la souscription devraient pro­venir d'autres souscripteurs, ce qui rendrait la souscription fictive : M 1me VEAUX­FOURNERIE, op. cit., n° 49. L'augmentation de capital par incorporation d'e reserves entrainerait egalement un apport des actionnaires : V. MARTENS, « Societes anonymes, Incorporation des reserves au capital», Rev.. Prat. Not. Beige, 1949, n° 2318, pp. 201 et ss.; contra Mme VEAUX-FOURNERIE, op. cit. : Une societe pourrait soit acheter des droits de souscription, soit en deta­.cher de ses titres qu' elle aurait en portefeuille, en vue de souscrire ( n° 50). Ge serait transformer in parte qu~ l'augmentation prevue par apports exterieurs en augmentation de capital par incorporation de reserves (n° 293).

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F aut-il inverser la proposition, et soutenir que la propriete ou

la possession reguliere d'un titre confere ineluctablement a la per­

sonne qui le detient la qualite d' actionnaire? Ce serait, semble-t-il,

une erreur certaine clans le cas ou la societe vient a posseder ses

propres titres.

Cette maniere de voir trouve son fondement clans l' economie de

la loi sur les societes commerciales.

Dans la conception du legislateur, qui s' appuie sm la theorie de

la fiction des personnes morales ( 3 7), la societe n' est pas une fin

en soi ( 38). La realisation de son but social se poursuit clans l'inte­

ret des « tiers » associes. La societe qui serait son propre action­

naire tendrait a avoir une fin en soi clans la mesure ou elle influerait

sur ses destinees. 11 n' est pas possible que la societe se gouverne

elle-meme ( 3 9) . C' est la raison pour laquelle une societe ne peut

disposer du droit de vote afferent aux titres qu' elle a acquis.

Or, le droit de vote est une prerogative fondamentale de l' actipn­

naire ( 40). Ne pas le reconnaltre a la societe revient a denier a celle-ci la qualite d'actionnaire.

Les actionnaires doivent, pour permettre a la s10ciete de fonc­

tionner conformement au droit positif, former un groupe de per­

sonnes distinctes· de la societe ( 4 1 ) .

(37) NYSSENS et CORBIAU, op. cit., t. Jer, n° 354; BELTJENS, Encyclo­pedie de droit co'tnmercial, t. II, p. 159, art. 2, par. II; FREbiERICQ, op. cit., t. IV, n° 65.

(38) DABIN, op. cit., p. 145 : « L'association n'a pas d'existenc'e "pour soi". Elle est au service de personnes individuelles appelees a recueillir profit du but social qu'elle poursuit. » Selon l'art. 1833 C. civ., toute societe. doit etre contrac­tee pour l'interet commun des parties. Dans la theorie institutionneHe : la societe est un organisme ne .pour poursuivre ses fins propres (FREDERICQ, op. cit., t. IV, n° 62), ce qui ne signifie pas qu'elle ne puisse le faire au profit exclusif de ses actionnaires, dont la personnalite est distinc.te de la sienne.

(39) D.S., op. cit. Ann. Not. et Enr., 1937, n° 21, p. 29; VAN DER STEGEN, op. cit. Jur. comm. des Ffondres, 1936, n° 5629, p. 123; MOULIN, op. cit., p. n2.

(40) VAN RYN, op. cit., t. Jer, n° 521. (41) Les personnes morales ont leur origine clans l'individu, elles redescendent

clans leur fonctionnement jusqu'a l'individu : GARY, Les notions d'unive1·salite de fait et d'un~versalite de droit, p. 205. Une societe qui serait son propre action­naire devrait voter par le canal de ses organes. Dans le cas extreme de la societe proprietaire de tous ses titres ou tout au moins detentrice de la miajorite de~ voix, les organes sociaux seraient appeles a approuver leur propre gestion. L'ar­gument n'est cependant pas decisif, puisque par une anomalie de notre legislation, l'actionnaire administrateur ou commissaire peµt voter sa propre dechar.ge. La raison invoquee est que les administrateurs et commissaires agissent souvent clans la pratique comme mandataires d'autres actionnaires. Ceux-ci, .par le fait de ce mandat, approuvent leur gestion. Rapport Ch., Doc. Parl., 1910/wn, p. 2·39; W AUWERMlANS, op. cit., n° 714; FREDERICQ, op. cit., t. V, n° 502, p. 715. Cette situation tend a renforcer l'absenteisme aux assemblee·s.

Le conseil se designerait lui-meme, ce qui equivaudrait a rendre inutile le role d'actionnaire de la societe.

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9. Des lors que la societe qui rentre en possession d' actions

qu' elle a emises ne se trouve pas vis-a-vis d' elle-meme dians la

situation d'un actionnaire, les titres detenus par elle ont, a son

egard, la valeur d'un instrumentum ( 42). Us ne representent plus

un droit d'associe ( 43) durant la periode ou ils restent la pro­

priete de la societe, clans la mesure tout au moins { 44) ou ce droit

d' associe consiste en prerogatives indispensables au fonctionne­

ment de la societe ( 4 5).

En acquerant ses titres, la societe entre en possession d'instru­

ments de preuve qui constatent I' existence d'un apport qui lui a ete

effectue anterieurement. La representation de son capital n' en est

pas affectee. En effet, la division de celui-ci en un certain nombre

d' actions, prescrite par I' article 41 des lois coordonnees sur les

societes comrnerciales, ne saurait etre modifiee sans !'intervention

d'une assemblee generale extraordinaire, sauf disposition contraire

des statuts ( 46). Aussi longtemps que cette assemblee n' en decrete

pas I' annulation, les titres acquis par la societe emettrice continuent

de subsister.

II n' existe, a notre connaissance, aucune autre cause juridique

d'annulation pour autant que les titres soient reguliers(47).

Les actions remises: en circulation ont les memes attributs

qu' avant leur acquisition par la societe qui les a emises. Cette solu-

(42) La loi est clans ce sens : RESTEAU, t. J'er, n° S7S, p. 367; Cass., 7 juin I9SI, Pas., I9SI, I-679; P. DEMEUR, «Du droit pour les porteurs cl' actions irregulieres de participer a l'assemblee generate de la societe », Revue, r924, n° 2s4s, p. 99; id., note sous Brux., I3 juillet I9S3, Revue, I9S4, n° 44rn, p. 246; BEATSE, «Soc. anonyines · Augmentation de capital», Revue, r927, nP ·2806, p. 302 f FREDERICQ, op. cit., t. IV, n° 33r, p. srs, contra VAN RYN et HEENEN, Principes, t. II, n°6 . r3or-r3ro.

_(43) Sur l'focorporation des droits de l'associe aux titres, VAN RYN et HEENEN, op. cit., t. II, n°6 r3or-r3ro; selon RIPERT (op. cit.), la feuille de papier n'a, par elle-meme, aucune valeur, elle n'est pas un meuble corporel : elle ne vaut que comme titre (n° r6or, p. 75r), mais est soumise au regime de'l meubles corporels SOUS reserve d'une regJe differente en CaS de perte OU de vol ( n° ro29, p. 499) •

(44) II s'a~it de prerogatives d'ordre intellectuel et non pecuniaire, Madame VEAUX-FOURNERIE, op. cit., n° 3r8, p. 379; MOULIN, op. cit., pp. 3r et ss. et ns.

(4S) VAN RYN et HEENEN, op. cit., t. II, n°6 r297, p. 283 : l'action est avant tout le titre d'un droit d'associe, c'est-a-dire d'un droit qui s'exerce nor­malement non pas contre Ja societe, mais en vue de perm:ettre le fonctionnement de cette derniere.

(46) del MARMOL, op, cit., Revue, I9SS, n° 4S7I, par. r7, p. 274. (47) Dans le cadre de notre etude ii est sans interet de rechercher s'il y a

<< remboursement anticipe et' forfaitaire » de la mise de l'associe comme dans l'hypothese d'un rachat de titres ( cfr n° 4, renvoi IO), puisqu'on ne peut assimiler un apport ,a un remboursement.

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tion se justifie par le besoin de securite dans la circulation des

actions et par la regle de l'inopposabilite des exceptions en matiere

de titres negociables ( 48).

1 0. Le maintien dans le portefeuille de la societe de titres rache­

tes emis par elle pose des problemes juridiques difficiles a resou­

dre en l'iabsence de textes legaux. Le danger de speculations et

d' abus ( 49)' conjugue a I' incertitude des solutions preconisees,

explique le discredit clans lequel est souv.ent tenu le rachat de

titres ( 5 0). L' annulation des actions rachetees constitue un pallia­

tif a cette situation ( 5 1 ) . Les memes difficultes et les memes dangers ne se retrouvent

pas, comme on serait parfois tente de le croire, clans le cas ou la

societe absorbee apporte sa participation clans la societe absor­

bante. Les operations de fusion et de rachat sont absolument dis­

semblables; on ne pourrait trop insister sur ce point.

Si I' on examine l'hypothese ( 5 2) peu courante selon laquelle

les titres apportes sont joints aux titres nouveaux pour etre remis

aux actionnaires de la societe absorbee, on aperc;oit que nombre

de problemes souleves par le rachat de titres ne se posent pas en

cas de fusion. La societe absorbante n' est pas appelee a voter avec ses propres

titres, puisqu' elle ne les possede pas1 encore au moment ou son

assemblee generale prend la decision de fusionner. Les difficultes

connexes a la reunion d'une assemblee generale se trouvent en

consequence eliminees (articles 7 0 a 7 4 des lois coordonnees Sur

(48) Le tire .peut remettre en circulation une lettre de change, instrument de credit nominatif, apres l'avoir endossee. A fortiori doit-il en etre ainsi en ce qui concerne les titres au porteur qui ont un caractere anonyme. DORFF, op. cit., Revue, 1934, n° 3354, pp. r2/r3; COART-FRESART, op. cit. A1zn.. Dr. et Sc. pol., 1937/38, pp. rs8 a 164; Mme VEAUX-FOURNERlE: !'existence d'un titre de credit met obstacle a la confusion, op. cit., n° 308, p. 368; Sur I'inoppo­su.bilite des exceptions en matiere de titres ne·gociables, VAN RYN et HEE­NEN, op. cit., t, II, n°5 r3r6 et ss.

(49) RAUCQ, op. cit. Ann" Not. et Enr., 1934, p. 478; D.S., op. cit., id., 1937, par. 12, p, 27; ANSP A:CH, op. cit., id., 1948, n° 12, p. 167; Mme VEAUX­FOURNERIE, op. cit., n° 298.

(so) RIPERT, op. cit., n° rn32 : Mieux vaudrait interdire aux administrateurs Pne telle operation.

(SI) Certains auteurs enumerent pourtant Jes avantages de !'operation et SOU•

haitent une reglementation legate de la matiere. del MARMOL, op. cit., Revue, I9SS, n° 4SII, par. 3, p. 2s9; ANSPACH, op. cit, Ann. Not. et Enr., 1948, n° 6, p. l6S THALLER se place au point de vue des creanciers, Traite elem. de Droit commerc., l93I, n°5 666 et ss.; Mme VEAUX-FOURNERIE, op. cit., nos 291 et suiv.

(s2) RAUCQ, Formulaire, t. Jer, Soc. Comm., n° 242, par. 8.

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les societes commerciales : oalcul de quorum, formalites de convo­cation, computation des votes).

L' obligation qu' aurait la societe absorbante d' offrir par prefe­

rence a ses actionnaires les titres remis en circulation ( 5 3) ne

concerne pas le rachat de titres. A supposer qu' elle s' etende a la

fusion, la decision de fusionner prise par l'assemblee generale de la

societe absorbante implique une renonciation par les anciens action­naires a leur droit preferentiel.

Lorsque les actions ne sont pas entierement liberees, la doctrine

reste partagee sur le point de savoir si le rachat est permis (54).

En cas de fusion, I' existence dans les .apports de la societe absorbee

d' actions de la societe absorbante non entierement liberees consti­tue une entrave certaine a la realisation de I' operation. Elle ne

permet pas aux dispositions d' ordre public de I' articl~ 5 2 des: lois

coordonnees sur les societes commerciales de sortir leur plein effet.

L' operation requiert, semble-t-il, de la part des actionnaires de la

societe absorbee, la souscription d'un engagement de liberer les actions qu'ils recevront en echange des titres de la societe absorbee, au fur et a mesure des appels de. fonds.

On a fait valoir par ailleurs contre le rachat que les droits atta­

ches aux titres rachetes et conserves en portefeuille sont juridique­men.t mal definis ( 5 5). La situation se presente differemment pour

la fusion. En effet, on peut pretendre a bon droit que la societe

(53) ANSPACH, op, cit. Ann. Not. et Enr., 1948, n°8 16 et 17, p. 169; selon VAN RYN (op. cit., t. Ier, n° 510) : En remettant les actions rachetees en circu­lation, la societe procederait a une emission de titres sans respecter les regles Jegales; LAGARDE, op. cit., Rev. crit. Leg. et Jur., 1937, n° 17, p, 260. Sur le droit de preference en cas d'augmentation de capital, MOULIN, op. cit., p. 113.

(54) Certains auteurs pretendent qu'une action non entierement liberee ne peut faire l'objet d'un rachat (VAN DER STEGEN, op. cit., Jm-. comm. des Fla#dres, 1936, n° 5629, p. 126), d'autres. que I' operation peut etre realisee a la condition que Ja societe dispose de reserves suffisantes qui seront incorporees au capital pour liberer l'appel de fonds (THALLER, op. cit., n° 666; MOULIN. op. cit., p. 63).

(55) La Commission bancaire est d'avis que si les titres rachetes ne sont pas annules, les droits attaches aux titres restants et a ceux emis ne seraient plus exactement definis, accrus par <<I' extinction» . des actions conservees en porte­feuille ou par la paralysie temporaire des droits y atta~hes (contra ARTHUYS, T1·aite de Dr. rom-m., t. II, n° 644, p. 125; GILSON, op. cit., note 2, p. 255), ils seraient reduits a nouveau si celles-ci etaient remises en circulation.

La Commission bancaire demande « l'annulation des titres conserves en porte· fcuille » (Rappl)rt 1947 /1948, p. 67). Si les titres de la societe absorbante appor· tes par la societe absorbee sont joints a ceux crees en suite de la fusion pour etre distribues aux actionnaires de la societe absor-bee, il ne semble pas que 1'011

se trouve dans le cas de valeurs « conservees » en portefeuille.

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absorbante devient proprietaire de ses titres pour un instant de

raison, puisque, des !'instant OU elle les re~oit, elle s' engage a les

remettre aux actionnaires de la societe absorbee. Aucune incerti­

tude ne plane sur le statut des titres. Les droits y afferents restent

toujours exactement definis.

11 convient d' insister aussi tout particulierement sur la publicite

qui entoure ]a realisation des fusions, publicite renforcee par la loi

du 30 juin 1961 relative a la verification des apports en nature,

ce qui diminue le risque d'abus et de speculations.

11. Apres avoir etabli que, d'une part, il est licite pour une

societe d' acquerir ses propres titres et que, d' autre part, leur annu­

lation ne s'impose pas necessairement, il convient d' examiner si la

societe absorbante est tenue d'augrnenter son capital pour remu­

nerer l' apport de ses propres actions.

Les accords preliminaires a la fusion, intervenus entre les socie­

tes interessees, ont arrete le nombre d' actions que la societe absor­

bante remettra aux actionnaires de la societe absorbee, soit par

l' entremise de celle-ci, soit directement, en cas1 d' approbation de la

fusion par les assemblees respectives. Une fois la fusion approuvee,

ii importe peu aux actionnaires de la societe absorbee de savoir

quelle siera la provenance des titres qu'ils recevront en echange de

leurs actions.

Le probleme se cantonne, des lors, aux mesures que prendra la

societe absorbante pour procurer aux actionnaires de la societe

absorbee le nombre d'.actions prevu par l'accord de fusion. Ce

nombre est fonction de l'importance des1 apports qui lui sont faits.

Selon la formule de M. RIPERT ( 5 6), I' apport en societe est

l' operation juridique qui a pour but d' affecter le bien apporte a l' obj et social. II doit etre reel et effectif ( 5 7), et avoir une valeur

appreciable en argent ( 5 8).

Une valeur · pecuniaire s' attache a l' action, que I' on adopte la

(56) op, cit., n° 636, p. 328.

(57) CORBIAU, «De la fictivite et de l'exageration d'evaluation des apports en nature», Revue, 1904, n° 1495, p. 43; Rep. prat. Dr. beige, v° Contrat de societe, n° 219; FREDERICO, op. cit., t. IV, n° 33.

(58) NYSSENS et CORBIAU, op. cit., t. Jer, nP 68, p. 57; Liege, 2 mai 1933, Pas., 1933, Il-215.

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these de la valeur bilantaire ( 5 9) OU celle de la valeur de realisa­

tion ( 60). Logiquement, I' apport a la societe absorbante de ses

propres actions entralne, au meme titre que celui de tous autres

biens, une augmentation de capital et la creation d' actions nouvel- ·

les ( 61 ) . A supposer, pour prendre un cas extreme, que I' apport

consiste uniquement en actions ou parts de la societe absorbante,

il se produirait un simple echange titre pour titre, puisque ces

actions OU parts representent les memes droits ( 62).

II ne suffit cependant pas que I' apport ait une valeur appreciable

en argent. II faut encore qu'il ne soit pas fictif. On entend gene­

ralement par la que pour etre valable, les obligations passiv.es le

grevant doivent laisser un. actif net a la societe ( 63).

Le caractere fictif existe aussi lorsqu'il est fait apport a la societe

de ses propres titres. Ces titres attestent I' existence d'un apport

anterieur dont il a ete tenu compte pour la fixation du capital

social. Ils ne constituent pas un apport nouveau pour la societe

dont I' avoir social n' est juridiquement pas affecte par une augmen­

tation du nombre des titres qui le representent. Les actions qui

seraient cree~s le seraient sans contre-partie reelle ( 64). La societe

emettrait des actions OU parts relatives a une fraction de SIOn capital

deja representee ( 65). Aussi, les partisans de la these de 1' augmen-

(59) Selon cette these (LAGARDE, «Des clauses reservant l'agrement d'un tiers pour la cession de droits », Rev. crit. de Leg, et de Jur., 1928, p. 109; anno· tation sous Casimtion franc;aise · civil, 15 mars 1927, S., 1927, I-209, col. 3) : Une action ne peut avoir de valeur que dans la mesure oi:t elle confere a son titulaire un droit a une quote-part de l'actif social. Si l'action est rachetee, elle prend la place des fonds sociaux utilises pour le paiem1ent du prix. 11 s'ensuit que la quote-part d'actif a laquelle donnaient droit ces actions· se trouve absor­bee; en consequence, meme si le :document qui representait l'action subsiste, i1 ne saurait avoir d'autre valeur que celle d'un morceau de papier.

11 en est autrement en cas d'apport, puisqu'il n'y a pas sortie de fonds sociaux, mais en quelque sorte echange de l'action ancienne contre une action nouvelle.

(60) Mme VEAUX-FOURNERIE, op. cit., n° 63 : essentiellement, lorsqu'elle fait l'objet d'une cotation en bourse, l'action possede une valeur de realisation dont le chiffre traduit Fopinion portee par le public sur la situation sociale,. et qui subsiste tant que le titre incorporant l'action n'est pas detruit.

La valeur de realisation a un caractere plus economique que juridique. (61) RAUCQ, op. cit. Ann. Not. et Enr., 1934, p. 460; id., Fot•mulaire, t. Jer,

Soc. an., n° 242, par. 8. (62) MOULIN, op. cit., p. 122. Toutefois, avant l'entree en vigueur de la loi

dt;. 30 juin 1961 relative a la verification des apports en nature, les actions nou­velles auraient ete frappees d'indisponibilite relative conformement a l'art. 4i ancien des L. C. soc. comm., a moins que la societe absor;bee ait eu plus 1 de c~nq ans d'existence.

(63) FREDERICO, op. cit., t. IV, n° 38. (64) MOULIN, op. cit., p. 122. (65) Mme VEAUX-FOURNERIE (op. cit., n° 124) developpe l'hypothese ou

la sodiete absorbante est proprietaire de titres de la societe absorbee.

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tation de capital et de la creation de titres nouveaux pour remune­

rer I' apport a la societe absorbante de ses propres actions, prescri­

vent-ils cl' annuler les titres apportes et de reduire en consequence

le capital ( 66).

Un exemple fera m1eux saisir encore le caractere fictif de l' ap~ port.

Une societe A est constituee au capital de F 1.000.000 repre­

sente par 1.000 parts s:ociales. A absorbe ensuite une societe B qui

est proprietaire de 5 00 parts sociales de A. Par souci de simplifi­

cation, l' avoir social de A, au moment de la fusion, vaut toujours

F 1.000.000. A augmente son capital de F 500.000 et cree 500 parts sociales

nouvelles. II existe des lors 1.5 00 parts sociales au lieu de 1.000, en regard d'un avoir social constant de F 1.000.000. La valeur des

parts sociales tombe de F 1.000 a F 666,66 par titre, parce que

les 500 parts sociales nouvelles ont ete creees sans contre-partie

effective ( 6 7).

Pour eviter semblable consequence, la doctrine propose cl' annu­

ler les 5 00 parts sociales apportees par B par reduction correlative

du capital social.

Cette solution parait difficilement defendable. En effet, la societe

absorbante n'a pas le droit d'augmenter son capital et de creer

des parts sociales nouvelles pour la raison que I' apport est fictif.

Comme le bien apporte doit etre affecte a l' objet social, c' est clans

le chef de la societe absorbante que sa valeur doit s' apprecier.

Le caractere fictif de l' apport a la societe absorhante de ses pro­

pres titres renforce la these selon laquelle ces titres constituent a son egard de simples instruments de preuve. Ce sont en quelque

sorte des « re~us », des « morceaux de papier » que l' on ne peut

assimiler a des actions ou interets1 au sens de l' article 5 2 9 du Code

civil ( 68).

II ne semble done pas que la societe absorbante puisse augmen­

ter son capital pour remunerer l' apport de SeS actions OU parts.

1 2. Ces conclusions ne sont-elles pas infirmees si, comme on

(66) RAUCQ, op_. cit. Ann. Not. et Em·., 1934, p. 460. ( 67) Comptablement, les 500 parts sociales apportees figureraient clans Jes

livres de la societe pour F 500.000. Si elles y etaient maintenues, la societe devrait, a l'inventaire annuel, comptabiliser une moins-value de F I.OOO - F 666,66 = F 333,33 par titre.

(68) DE PAGE, op. cit .. t. V, n()s 715 et 716.

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I' a pretendu, la fusion po rte sur une universalite, sur un ensemble

de droits et de charges? ( 69)

En partant de la conception de l'universalite de droit ( 70) -qui est bien c.elle proposee - les biens apportes ne sont pas consi~

deres ut singuli, mais comme une masse ( 7 1 ) , portant sur la reunion

abstraite d'un actif et d'un passif correspondant : les apports .de la societe absorbee sont envisages comme un tout. II en decoule

une obligation pour la societe absorbante d' augmenter son capital

de la valeur des apports. Par la suite, faisant l'inventaire des biens

qui lui sont apportes et des dettes dont elle se charge, la societe se

doit de constater que parmi I' apport global se trouvent certains

de ses propres titres qui, a son egard, ne constituent pas juridique­

rnent un nouvel element d'actif. Elle doit les annuler et reduire

son capital en consequence.

Pour reprendre I' exemple du numero precedent, le capital de

la societe A s'elevant a F 1.000.000 est represente par 1.000 parts

sociales; l'avdir social, au moment de la fusion, vaut toujours un

million. B apporte, cette fois, des actifs pour un million, dont

5 00 parts sociales de A, a charge pour A de payer son passif de

F 750.000. L'avoir SIOcial de B s'eleve a F 250.000 pour lesquels B

a droit selon la convention de fusion - clans cet exemple theori­

que - a 2 5 0 parts sociales de A.

Comme I' apport consiste par hypo these en une universalite,

A augmente son capital de F 250.000 et cree 25.0 parts socia­

les a !'intention des actionnaires de B. L'avoir social de A, de

F 1.000.000, devrait s'etre accru de F 250.000 par suite de la

fusion et valoir F 1.250.000. Mais comme il se trouve parmi les

apports de B cinq cents de ses propres parts sociales qui, bien

qu'ayant pour B une valeur de F 500.000, ne concourent pas juri­

diquement a augmenter l'actif de A a concurrence de cette valeur,

A annule les cinq cents parts sociales apportees par B et reduit son

capital de F 5 00. OOO. Son avoir social, apres la fusion, est ampute

(69) Liege, 31mars1939, Revue, 1939, nl0 3825:, p. 294 et observations; VAN RYN, op. Cit., t. Jer, n° 857; RIPERT, op. cit., t. yer, n°s 1421 et 1423; L. VAN BEIRS, «Le nouveau regime fiscal des fusions de societes », Revue, 1959, n° 4843, p. 244. Sur le rejet d'une assimilation de la fusion a une succession entre personnes physiques, DEl\'.J:'.ARET, op. cit., Rev. Fisc., 1960, p. 137, n°6 8 et ss.; RENAULD, «Les fusions de societes en droit be1ge », Rev. de D1·. intern. et de· D1·. compare, 1961, pp. 71 et ss.; !'auteur y 1developpe la these de la cession d'universalite par opposition a la these de la transmission a titre universel.

(70) DE PAGE, op. cit., t. V, n° 57I. (71) GARY, Les notions d'universalite de fait et d'un-iversalite de droit,

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de F 250.000 et vaut F, 1.250.000 - F 500.000 = F 750.000

representes par 7 5 0 parts sociales. Cette diminution d' actif s' ex­

plique par le fait que A n'a re~u un apport effectif que de F 500.000

mais a repris des dettes de B pour F 750.000, d'ou une difference .en moins de F 2.J0.000.

En somme, clans le systeme de I' universalit'e, la constatation du

caractere fictif de I' apport des titres de la' societe emettrice se

realise a posteriori, clans une seconde operation qui suit immedia­tement la decision de fusionner, alors qu' elle devrait, semble-t-il, se faire au moment de la fusion, de maniere a empecher que · se

realise une augmentation de capital ne correspondant pas a des apports effectifs et reels clans le chef de la societe absorbante.

Dans I' exemple donne, A remet aux actionnaires de B 2 5 0 parts

sociales apportees par B et annule les 2 5 0 autres, en reduisant cor­

relativement son capital social de F 2 5 0. OOO. Comme I' avoir social de A est en effet reduit a· F 750.000 par suite de la prise eri charge

des dettes de B, la reduction de capital s'impose pour conserver aux titres de A la valeur de F 1.000 qu'ils avaient avant la' fusion, de telle sorte que l'interet des anciens actionnaires de fa socie.te

absorbante ne soit pas Iese;

13. Les c<;>nsequences de la theorie de l'universalite ont une portee beaucoup plus large qu'il n'apparait de prime ~bord.

Les efforts deployes par la doctrine et la jurisprudence poµr degager les notions d'univers1alite sont certes meritoires(72),.

Dans le domaine. particulier de la fusion, il serait toutefois

regrettable que la tendance a former des categories aboutisse ~. '

restreindre le champ d'application de ,la fusion. Dans cet ordre

d'idees, la notion d'.universalite de droi~ ne parait pas satisfaisal)te,

La circonstance que la societe absorbee exch;it de I' apport certains

biens destines au paiement des dettes, n' est generalement pas co~si­deree comme ayant pour consequence d' enlever a I' operation son

caractere de fusion, pour auta_nt qu'il soit satisfa.it aux conditions

enoncees sub n° 2 ( 7 3) .

(72) RENAULD, op. cit., Rev. Dr. intern. et Dr. compare, 1961, p. 75 : La doctrine et la jurisprudence. n'ont pu .arriver au degre de .precision , et de securite que peut attefodre I' intervention legislative expresse.

(73) VAN HOUTTE, op cit., Revue, 1935, n° .3420, par. 21; FEYE, Traite de Dr. Fisc., t. Jer, n° 18, p. 27; R ec. Gen., 1959, n° 20.072, par. 28; FREDERICQ, op, cit., t. V, n° 743, p. 1035; DEMARET, op, cit., Rev, Fisc., 1960, n° 5 30, 69 et 73, pp. 150, 300 et 303. Pourquoi, des lors, n'y. aurait-il pas fusion lorsque la societe absorbee conserve par :devers elle les titres de la societe· absorbante pc:mr les repartir ensuite a ses actionnaires en meme temps que les titres nouveaux c1·ees par la societe absorbante en remuneration des apports effectues?

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On est meme en droit de douter de l' utilite de cette theorie, car elle incite a croire, en !'absence d'une reglementation legale de la matiere, que r objet du transfert est une chose unique, alors qu' en fait chaque element reste soumis. a son statut individuel ( 7 4).

Precisement, clans le cadre restreint de notre etude, la concep­tion que les apports effectues a l' occasion d'une fusion sont consti­tutifs d'une universalite conduit la societe absorbante a augmenter son capital pour remunerer un apport fictif, al ors qu' en pratique elle sait parfaitement, par les accords de fusion, qu'une partie de ses propres titres est englobee clans les appbrts. Elle propose d' ail­leurs d'annuler ces titres immediatement apres avoir pris la deci­sion de fusionner.

En outre, la theorie de l'universalite rend I' operation de fusion plus onereuse.

Ainsi qu' on le sait, le droit de timbre ne frappe plus, a propre­ment parler, les actions ou parts de la societe, mais le capital dont elles sont la representation ( 7 5).

Le droit est pergu sur le montant du capital statutaire, c' est-a­dire du capital social proprement dit. En cas d' augmentation de capital, il se calcule sur la partie du capital statutaire qui excede la valeur precedemment imposee ( 7 6).

Des lors, si, au cours d'une meme assemblee generale des action-· naires on procede successivement a une augmentation et a une reduction du capital statutaire ( ce qui se passe si la theorie de l'univ:ersalite est suivie), il n' est pas tenu compte pour la percep­

tion du droit du sur l' augmentation, de la reduction qui est ensuite decidee. Cette fa~on de faire est commandee par la convention elle-meme, dont le fisc n'a pas le droit de s'ecarter (77).

La societe absorbante supporte ainsi le droit "de timbre sur la partie de l'augmentation de capital ·correspondant a l'apport de ses propres titres, alors que clans I' autre these, qui denie a la societe le droit d' augmenter son capital pour remunerer cet apport, les dispositions du Code des droits de timbre ne sont pas applicables.

Ces quelques considerations suffisent, semble-t-il, a montrer le,

(74) DE PAGE, op. cit., t. IV, n() 489bis, p. 320; DEMARET, op. cit., Rev. Fisc., 1960, par. 37, p. 157; sur l'utilite de la notion de l'universalite, cfr J. LIMPENS, «La notion juridique du fonds de commerce et la subrogation reelle », Revue de la Banque, 1950, par. 30.

(75) Cen-tres d'etudes des societes: le droit fiscal des societes, t. Jer, p. 120. ( 76) Art. 15, alinea 41 Code des Droits de Tim'bre. (77) DEFESCHE, Commen·taires du Code des droits de timbre, n'() 783, p. 225;

Rep. R.J., Decision 19 octobre 1956, EE/73622.

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peu d'interet pratique qui s'attache a suivre les tenants de la theorie

de l'universalite des apports.

14. II reste a examiner, sur un plan gen.era!, la question des droits d' enregistrement qui frappent l'apport par la societe absor­

bee d'actions ou parts de la societe absorbante.

Si la determination de la base c;le perception des droits d' enre­

gistr.ement clans le cas ou la societe absorbante possede une parti­cipation, clans la societe absorbee a fait I' objet de decisions juris­

prudentielles ( 78) et de commentaires doctrinaux ( 79), l'hypo­

these in~erse, par contre, d'une societe absorbee qui a une partici­pation dans la societe abso~bante n'a pas, a notre connaissance,

ete envisagee.

L' administriation de I' enregistrement a toutefois pris position en

ce domaine clans les termes suivants : « Lorsque I' acte constate I' apport de tout I' avoir social de la societe absorbee, done y com­

pris les actions de la societe absorbante, moyennant un certain nombre d' actions de la societe absorbante, la perception du· droit

de 1,60 f'0 sur l'integralite de l'avoir net de la societe absorbee, done y compris les actions de la societe absorbante, s'impose, car

c' est le nouvel acte, l' acte de fusion, qui constituera le titre des

actionnaires de la societe absorbee a toutes les actions de l1a societe

absorbante a repartir entre eux. » ( 80) -Nous avons emis precedemment ( 81) des doutes quant au

bien-fonde de· la these administrative qui, en !'absence de disposi­

tions de droit positif, tend a subordonner I' existence d'une fusion

a I' obligation pour les actionnaires de la societe absorbee de -tenir

leur droit de recevoir des titres d~ la societe absorbante de I' acte

de fusion emanant de cette derniere ( 82).

(78) Bruxelles, 8 juillet 1936, Ann·. Not. et Enr., 1937, .p. 8; Jugement Liege, 16 decemhre 1937, id., 1938, p. 41; Brux., 21 janvier 1939, Ree. Gen., 1940, n° 18.098; Cass., 19 juin 1944, Pas., 1944, I-417.

(79) Decis. 25 'juin 1932, Ree. Gen., 1933, n° 17.172, vivement criti.quee par la doctrine : V. GOTH OT, «Fusion de societes • Societe absorbante possedant ·des titres de fa societe absorbee », Ann. Not. et Enr., 1934, p. 23; M. FEYE, op. cit., t. Jer, n° 81bis, p, 128; cfr aussi Ann. Not. et Enr., 1937, pp. 91 et 440 (n° 331bis); id., 1938, p. 41; E. GENIN, Re·c. Gen., 1938, n° -.:7.903; GENIN E. et A., Com­mentaire des Droits d'Enregistrement, t. II, n° 1288'.

(80) Ree. Gen., 1959, n° 20.072, p, 149· (81) sub no 2,

(82) L'accord de fusionner s'exprime par le vote d'une decision parallele prise par l'assemiblee generate des societes interessees (VAN RYN, op·. cit., t. Ier, n° 855). 11 se comprend sans peine que la decision de chacune de ces societes fasse etat. de l'obligation qu'a assumee ia societe absorbee de distribuer a ses actionnaires les actions de la societe absorban.te qu'elle a conservees par devers

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Cette these ne parait d'ailleurs pas suffisante pour -justifier par

elle-meme la perception du droit cl' enregistrement. En effet, que

la s.ociete absorbante recoure ou non a une augmentation de capi­tal ·pour rernunerer I' apport de ses propres titres, I' acte de fusion

porte toujours !'indication du nom:bre de titres a remettre aux

actionnaires de la societe absorbee.

II semble qu'il faille plutot rechercher le fondement de la pre­

tention de I' administration a percevoir le droit sur l'integralite de I' a voir n'et de la societe abs or bee, clans I' interpretation de I' arti­

cle 11'8 du CoCle des dr~its cl' enregistrement. La base imposable

est determinee, selon cet ~rticle, par la valeur conventionnelle des biens apportes telle qu' elle resulte 'des stipulations de I' acte ( 83).

Or, selon I' administration, la valeur conventionnelle est repre­

sentee par ce que I' apportant re~oit en contre-partie de son apport,

c' est-a-dire par les actio.ns. qui lui sont attribuees ( 84). II importe peu, des lors, que la societe absorbante augmente son capital poµr remunfaer }' apport de. ses propres actions OU C)U

1 elle Se borne a remettre ces actions aux actionnaires de la societe absorbee, san~

proceder a un~ telle' augmentation : le droit d' enregistrement est du sur la valeur ( 85) des titres repartis a la suite de la fusion ..

Cette solution s'appuie sur le rapport au Roi precedant le Code

des droi ts d' enregistremen t ( 8 6) .

1 5. La valeur conventionnelle des apports' s' apprecie ainsi clans

le chef de la societe abso~bee ou de ses actionnaires ( 8 7) et non

elle; au m~me titre que les actions qui lui sont attribuees en remuneration des apports effectues .. Les actionnaires trouvent ainsi clans l'acte indivisible de fusion de la societe absorbante un titre «a toutes les actions de la societe absorbante a repartir entre eux ».

(83) Sous reserve qu'elle ne pent, en ce qui concerne les immeubles sis en Belgique, etre inferieure a la valeur venale.

(84) E. et A. GENIN, op. cit., t. II, n°5 1283 et 1284; J. BAUGNIET, «Le regime fiscal des societes sous l'em:pire du Code des Droits d'Enregistrement », J.P.D.F., 1941, p. 145, n° rn; Ree. Gen., 1959, n10 20072, par. 6 et 32; V. GOTHOT, op. cit., Ann. Not et Enr., 1934, p.· 25.

(85) L'administration a le moyen de d·eterminer cette valeur, clans le cas ou les titres apportes sont remis aux actionnaires de la societe absorbee, puisqu'elte connait la valem· conventionnelte des titres crees en remuneration des apports autres que les actions ou parts de la societe absoribante"

(86) C'est la valeur reelle des actions attribuees en retour des apports qui est determinante de la valeur conventionnelle de ceux-ci. Rapp. au Roi, n° 64. Mon. beige, 1er decembre 1939, p. 8018.

(87) Ce qui est ]e cas de la fusion directe selon laquelle les a.ctionnaires ·de la societe absorbee reQoivent en echange de leurs actions des titres de la soc'iete a.bsorbante que celle-ci le'ur remet directement sans passer par· l'intermediaire de la so"iete absorbee.

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pas clans celui de la societe absorbante qui est tenue cependant au paiement ··de l'impot ( 88).

La societe absorbante devient redevable d'un droit, alors que

son avoir social ne s' est pas accru de la valeur de ses propres titres,

I' apport de ceux-ci presentant a son egard un ca:ractere fictif.

On se trouve en presence du cas tres particulier (89) ou un

titre constitue ·pour I' apporteur le bien meuble vise par I' article 5 2 .9 du Code civil .et pour la societe qui le rec;oit un simple mstrumentum.

L' emission par la societe absorbante de cet instrumentum s' est reali.·

see anterieurement a la suite d'un apport effectif qui a donne' ouver­ture, a I' epoque de I' emission, a un droit prO'portionnel d' enregistre­

rrient (90). La societe se trouve ainsi amenee a devoir payer au

moment de la fusion une deuxieme fois des droits d' enregistre­

ment (91 ) I alors qu'un seul apport .effectif 1ui a ete fait. Peut-etre

meme la seconde imposition sera-t-elle licjuidee sur une base supe­

rieure, si les affaires sociales ont prospere depuis I' emission du

titre. De telles consequences n' apportent-elles pas la confirmation que

le cas d'une participation de la societe absorbee clans la societe

absorbante en cas de fusion n' a pas ete envisagee au cours de I' elaboration du Code des droits d' enregistrement? ( 9 2).

On est des lors porte a croire qu'il conviendrait d'inflechir la

·rigueur des principes et de tenir compte, pour le calcul des droits

d'enregistrement, de ce qui entre (93) clans le patrimoine de la

societe absorbante effectivement et d'une maniere definitive, et

non pas seulement pour un instant de raison, de telle sorte que

(88) C'est egalement sur I'acte que la societe absorbante depose que s'opere fa taxation.

(89) GENIN parle, dans le cas ou la societe absoribante possede des titres de la societe absorbee, « d'une contingence purement fortuite, etrangere a la nature de I' operation de fusion». Ree. Gen., 1938, n° 17.903; par. 12.

(90) Pour autant qu'il ne s'agisse pas d'une emission de titres a. la suite d'une incorporation de reserves au capital.

(91) II ne s'agit pas d'une application du principe Non bis in idem qui suppose une identite de fait generateur (P. HARMEL, Le principe non ,bis in i:dem et les droits d'e~registrement, n° 5; PILON, Principes et technique des droits d'enre'. ~istrement, t. fer, n° 8 624, 633 et ss.; VAN HOUTTE, Principe de droit fiscal beige, n° 142.) II existe plutot dans le chef de la societe absorbante une absence de·· matiere imposable; ·

(92) M. COART.FRESART n'aborde pas non plus cette question dans son rapport sur la sjmplification fiscale. Ann. Not. et Enr., 1937, p. 440, n° 331bis.

(93) THOMAS, Co,mmentaire de la loi du IS ~ai r905 modifiant les droits d'enregistreme11,t sur les actes de partage, p. 98. Rapport de M. TIBBAUT; Rep. prat. de Dr. beige, v0 Enregistrement, n° 802; HAUCHAMPS et GOTHOT, Code des Droits d'Enregistremen·t, 1940, p. 163, n° 9.

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les apports qui n' accroissent pas (94) reellement I' actif de la

societe absorbante echappent a la taxation en raison du carac.tere fictif qu'ils revetent dans son chef.

16. Conclusions.

L'apport a une societe de ses propres titres dans le cadre d'une

fusion n'a de commun avec le rachat d'actions que !'existence, a un moment donne, dans le patrimoine de la societe de titres qu' elle

a emis. Les restrictions et les con:ditions dont depend la liceite du rachat ne sauraient s' etendre au cas de I' absorption.

n n '.existe, par ailleurs, aucune rais.on juridique decisive qui

permette de conclure a I' obligation qui incomberait a une societe

d' annuler ceux de ses titres rentres clans son patrimoinie.

Ces titres representent pour la. societe qui les a emis de simples instruments de preuve. En consequence, l'apport a la societe absor­

bante de ses propres titres revet pour celle-ci un caractere fictif,

alors qu'il represente dans le chef de la societe absorbee un.e valeur

reelle et effective. 11 en resulte que la societe absorbante ne peut augmenter son

capital pour remunerer rapport de ses propres titres, mais que la societe absorbee, par contre, a cependant le droit de recevoir pour

cet apport aussi des titres de la s.ociete absorbante.

11 se recommande des lors que la ·societe absorbante, dans les

limites de la convention de fusion, affecte, a la remuneration des apports de la s:ociete absorbee, celles de ses actions qui lui sont

apportees au meme titre que les actions nouvelles qu' elle cree par

augmentation de son capital en contre-partie des apports qui ont

un caractere effectif clans son chef.

Une solution plus simple consis:terait, a l'instar de ce que preco­

nise la doctrine fran~aise, a exclure des apports effectues par la societe absorbee les actions de la societe absorbante. Les titres

nouveaux crees par la societe absorbante seraient remis a la societe

absorbee pour etre joints a ceux que celle-ci a conserves par devers

elie. La societe absorbee se chargerait ensuite d' echanger toutes

ces actions contre ses propres titres. Cette solution se heurte aux prescriptions arretees par l' admi­

nistration beige de I' enregistrement, qui cherche a restreindre la

portee des dispositions favorables de I' article 11 7 du Code des

(94) de LEUZE, Cours Droits d'Enregistrement, 1949 .: Lorsque l'art. 114 vise l'apport de ·biens nouveaux, i1 entend manifestement les mises qui accroissent l'actif .social.

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droits d',enregistrement. L'administration invoque l'absence d'ab­

sorption, alors qu' elle admet I' existence d'une fusion lorsque la

societe absorbee exclut des apports unie partie de son actif de

maniere a assurer elle-meme le paiement de ses dettes. Dans I' un et I' autre cas, la societe absorbee est cependant appelee a dispa­rattre, « et c' est la I' essen tiel » ( 9 5 ) .

La position de I' administration s' explique par le souci d' eviter

que, clans la poursuite d'un meme resultat, la societe absorbante

soit taxee dans l'un cas et non dans l'autre. Ainsi, en adoptant

I' attitude de la doctrine fran~aise, le droit d' apport ne serait pas du, al ors qu' il en serait autrement lorsque I' apport porterait sur

tout I' avoir social de la societe absorbee, en ce compris les actions

de la societe absorbante. Mais ainsi que nous I' avons fait ressortir, si le droit cl' enregistre­

ment est reclame par I' administration dans ce dernier cas, sur les

titres de la societe absorbante apportes puis redistribues aux actionnnaires de la societe absorbee, c'est en vertu d'une interpre­

tation des termes « valeur conventionnelle », selon laquelle I' as­

siette du droit d' enregistrement correspond a la valeur que I' appor­

teur re~oit en retour de ses apports (96).

Or, ii semble que cette regle doive etre tenue en echec chaque fois que I' apport ne represente pas une augmentation effective de

I' avoir social de la societe a qui les apports sont faits, comme

c' est le cas pour I' apport a la societe absorbante de ses propres

titres. S'il en est ainsi, les societes intervenant a la fusion ont le choix

entre la solution recommandee ci-avant et celle, plus radicale,

avancee par la doctrine fran~aise, puisqu' elles entratnent toutes

deux des consequences fiscales semblables. Cependant, ii paratt preferable, en considei;ation des disposi­

tions administratives actuelles, de faire prevaloir tout d' abord la

solution qui consiste a apporter a la societe absborbante la totalite

de I' avoir social de la societe absorbee, englobant done les actions

de la societe absorbante, sans recourir a une augmentation de capital pour remunerer I' apport de ces actions destinees a etre

reparties ensuite entre les actionnaires de la societe absorbee.

(95) Ree. Gen., 1959, n° 20.072, par. 28.

Pierre DEMARET Docteur en droit.

(96) En l'occurrence la sodiete absorbee ou, en cas de fusion directe, ses ar.tionnaires, cfr renvoi 87.

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N° 5038. - Cour de cassation ( 1 re eh.). - 16 mars 1961. Sieg. : MM. Giroul, pres.; Vroonen, rapp.; Depelchin,. av. gen. Plaid. : MiMies Ansiaux, della Faille d'Huysse .et Van Ryn, avoc. (Huileries du Congo belge et Savonneries Lever freres et cts. . . , c/ .c~lonie du Congo, .belge et Tarlta.)

Representation en justice. - Societe commerciale ne pouvant agir que par .. une. personne physique. - Pom·voi en cassation ne la mentionnant pas.

-. Ine.;·evabilite.

Une societe commerciale ne peut ester en justice comme deman•deresse que pm ime person1z,e physique qui la 1·epresente, soit, en ce qui concerne · une societe en liquidation, par la personne de son liquidateur.

Le pom·voi en cassation· doit indiquer l'identite du ou des Uquidateurs. N'est pas recevable le pourvoi qui ne remplit pas cette con·dition,

ARRET. La Gour, Oui' MQnsieur le conseiller Vroonen en son rapport et sur les conclusions de

Monsieur Depelchin, avocat general; Vu l'arret attaque, rendu le 19 juillet 1958 par la Cour d'appel de Leopold¥ille

et le pourvoi remis au greffe de la Cour le 19 janvier 1960;

Sur la fin de n·on-recevofr, opposee par la defenderesse societe Tarica freres, en liquidation, a tous les pourvois et, en ce qui concerne le pourvoi forme par la Compagnie du Lomami et du Lualaba, en liquidation, contre l'ancienne Colonie du Congo beige, sur la fin de non-recevoir proposee d'office par le ministere public et notifiee par lui conformement a I' article 2 de la loi du 20 juin 1953 j

Attendu qu'une societe commerciale ne peut ester en justice comme demande­resse que par une personne physique qui la represente soit, en ce qui concerne une societe en liquidation, par la personne de son liquidateur; qu'il s'ensuit que le pourvoi en cassation doit ind'iquer l'identite du ou des liquidateurs;

Attendu qqe le pourvoi de la Compagnie du Lomiami et du Lualaba, en liqui­dation, ne remplit pas cette condition; qu'il n'est done pas recevable;

Attendu que la defenderesse societe Tarica freres, en liquidation, soutient que la non-recevabilite du pourvoi en tant qu'il est fo.rme contre elle par la Compa~­gnie du Lomami et du Lualaba, en liquidation, entraine, a raison du caractere indivisible du litige, la non-recevabilite d'u pourvoi fortne au nom des autres demanderesses ;

Mais attendu qu'il n'y a pas indivisibilite entre les demandes lorsque, comme ·en l'espece, chacun des demande~rs originaires reclame du defendeur originaire une somme distincte pour uine cause propre a chacun, et qu'il n'est pas allegue que !'absence aux debats de l'un des demand'eurs serait de nature a modifier les droits des autres, ni les obligations du defend·eur a l'egard de ceux-ci;

Que l'irregularite du pourvoi de la demanderesse Compagnie du Lomaml et du Lualaba, en liquidation, est done sans effet quant a la regularite des autres;

Par ces motifs, Rejette les pourvois ...

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Observations. - Cet arret est a rapprocher de l' arret rendu par

la Cour de cassation le 2 2 juin 1961 et reproduit ci-apres sous le

numero 5039. II est d'ailleurs cite dans l'avis de M. le Procureur General

HAYOIT DE TERMICOURT reproduit sous le meme numero (cfr 5039).

N° 5039. - Cour de cassation ( 1 re eh.). - 22 juin 1961. Sieg. : MM. Giroul, pres.; Van Beirs, rapp.; Hayoit de Termic·ourt, proc. gen.

Plaid .. : MMJ0 s Struye .et Faures, avoc.

(Vleugels c/ Socihe Nationale des Cheminis de Fer Belges.)

Representation en justice. - Societe commerciale ne pouvant agir que par une personne physique. - Acte d'appel ne la mentionnant pas. - lrreceva­bilite. - Reg le applicable a la S. N. Chemins de Fer Belges.

Une societe coimimerciale ne peut agfr en justice comme deman•deresse que par une personne physique qui la represente.

La loi creant la Societe Nationale des Chemins de Fe1· Belges ne deroge pas au prindpe general de la 1·epresentation des societes commerciales.

Lorsque !'exploit de signification de l'acte d'ap•pel n·e mentionn·e pas les nom,s et qualites des man·dataires qui representent la societe ou sont habiles a este1· pour elle en justice, cette societe nla pas legale•ment accompli l'acte de procedm·e ayant pour objet de defere1· la cause a la juridiction d'appel.

L'article IJ.1, al. rer, C. pr. civ. est ett-anger aux nul'lites 1·esultant de ce que l'acte est depourvu d'un· de ses elements substantiels.

ARRET.

Vu le jugement attaque, rendu en degre d'appel le 6 mai 1959, par le tribunal de premiere instance de Namur;

Sur le moyen pris de la violation des articles 61, 173, 443, 456 du Code de procedure civile, 97 de la Constitution, 5 et 7 de la loi du 23 juillet 1926 creant la Societe nationale des chemins de fer belges,

en ce que le jugement attaque, apres avnir constate que l'acte d'appel signifie par la societe defenderesse au demandeur « ne renseignait pas les noms et qua· lites de ses mandataires qui la representent ou sont habiles a ester par elle en justfoe » et que « pareille omission est, suivant une jurisprudence constante, une cause de nullite », a decide qu'aux termes de l'article 173 du Code de procedure civile « aucune nullite d''exploit ou d'acte de procedure ne pourra etre admlise que s'il est justifie qu'elle nuit aux interets de la partie adverse» et a deduit de la que le demandeur, n'offrant pas de prouver et n'alleguant meme pas que l'omis­sion vantee lui aurait porte prejudice, et les mentions exigees par la jurispru­dence ne tenant pas a l'ordre public, l'appel etait recevable,

alors que l'article 173, alinea 1°r, ne s'applique ni aux decheances, ni aux non­recevabilites qui resultent de ce que l'acte est fait a la requete d'une personne sans qualite ou sans pouvoir,

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alors que l'aCite d'appel etait en consequence nul et, partant, l'appel non rece­vable,

alors que le jugement attaque n'est done pas legalement motive; Attendu que, suivant les articles 6r, 82bis et 456 du Code id'e procedure civile,

l'exploit de signification de l'ac'te d'appel, formalite prescrite a peine rde nullite, doit, sous la meme sanction, contenir les nom, profession et domicile de l'ap­pelant;

Attendu qu'une societe commerciale ne peut agir en justice comme demiande­resse que par une personne physique qui la represente;

A!ttendu que la foi creant la Societe nationale des chemins de fer belges ne deroge pas au princip1e general de la representation des societes commerciales;

Attendu, des lors, que l'exploit de signification de l'acte d'appel ne mention­nant pas, suivant les constatations du jugement attaque, « les noms et qualites des mandataires qui representent la societe demanderesse, ici defenderesse ou sont habiles a ester pour elle en justice», cette societe n'a pas legalement accom­pli l'acte de procedure ayant pour objet de deferer la cause a la juridiction d'appel;

A!ttendu que !'article I7'3, alinea yer, du Code de procedure civile, est etranger aux nullites resultant de c'e que l'aote est depourvu d'un de ses elements substan­tiels, c'est-a-dfre d'un element indispensable pour qu'il remplisse son objet;

Attendu que le jugem1ent attaque n'a done pas legalement fait application du dit article r73 pour declarer en l'espece l'appel recevable;

Que le moyen est fonde;

Par ces motifs,

La Cour, Casse le jugement attaque; ...

Observations. - Cet arret a ete precede de I' avis de M. le Pro­cureur General HA YOIT DE TERMICOURT, reproduit ci~dessous.

Le jugement attaque constate que l'acte d'appel, interjete par la defenderesse, n'indique pas les noms et qualites des mandataires qui representent cette societe OU ·sont habiles a ester pour elle en justice. II decide que pareille omission est une cause de nullite, mais que cette nullite est soumise au regime :d'e l'article r73, alinea: r1er, du Code de procedure civile, c'est-a-dire qu'elle ne peut etre admise que si le demandeur justifie - ce qu'il ne fait pas - qu'elle a nui a ses interets.

Cette these est difficilement admissible, Dans le rapport au Roi precedant I' A.R. n° 300 du 30 mars r936 - dont I' arti­

cle ro a modifie le dit artcile 173 - ii est d·it expressis verbis (1) quei : « l'ali­nea yer de Particle 173 nouveau ne s'applique pas ... aux decheances ni aux non­recevabilites qui resultent, par exemple, de ce que l'acte est tardif ou est fait a la requete d'une personne sans quaJite OU sans pouvoir ».

On comiprendrait mal que I'alinea ffit, en revanche, applicable lorsque la per­sonne qui a fait l'acte est inconnue ou, s'agissant d.'une personne morale qui ne ·saurait agir elle-meme, lorsque l'acte n'indique pas la personne qui agit pour elle. C'est d'ailleurs en ce sens qu'est fixee la jurisprudence de la Cour.

(r) Pasin·omie, 1936, p. 218.

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Le 8 fevrier 1940 (2), vous avez decide « qu'est non recevable le pourvoi forme au nom d'une societe anonyme, lorsque !'exploit de signification de la requete ne mentionne pas les nom, profession et domicile des mem1bres du conseil d'ad­ministration ».

Suivant l'arret du IO decembre 1954 (3), est nulle, et ne fait point courir le delai du pourvoi, la signification: d'un arret, a la requete d'une societe, qui, tout en mentionnant la denomination de la societe, n'indique aucune P'ersonne physique qui la represente ou agit pour elle.

Enfin, le 16 mars 1961 (4), la Gour declarait non recevable un pourvoi intro­duit par une societe commerciale en liquidation sans indication de l'identite du ou des liquidateurs : « Attendu, porte l'arret, qu'une societe commercia:le ne peut ester en justice comme demanderesse que par une personne physique qui la represente ».

A quoi la defenderesse oppose :

I. un motif de l'arret du 13 avril 1905;

II. l'arret du IO mai 1948;

III. l'arret du 6 fevrier 1956.

I. L'arret tlu I3 avril z905 (5) d1eci:de qu'est nul un exploit d'opposition signifie a la requete d'une societe anonyme sans mention des noms et qualites d,es man­dataires qui la representent.

Dans un de f!es motifs, toutefois, ii releve que pareilles menj:ions ont « pour objet de permettre a l'adversaire de verifier et de s'assurer si les pretendus representaOJts de la societe ont qualite pour agir contre lui ».

De ce motif la defenderesse deduit, d'une part, qu'il ne s'agit que d'un vice de forme et, d'autre part, que ce vice n'entraine pas nullite si la partie adverse ne justifie pas d'une lesion de ses interets.

Cette deduction est hative. D'abord, si un vice concerne une formalite substantielle et touche a l'ordre

public, l'article 173, alinea 1er, du Code de procedure civile est sans applica­tion "(6).

Ensuite, ii ne s'agit pas d'un simple vice de fot'me, lorsque, comme en l'espece, l'identite d'aucwne personne physique n'est indiquee. Un element substantiel de l''acte lui-meme fait defaut, et a pareil cas !'article 173, alinea 1er, est etran­ger ( 7). On se trouve dans une situation analogue a celle qu' exam in a l'arret du 3 mars 1960 (8) : une signification de pourvoi ne contenant · aucune mention des nom, domicile et immatricule de l'huissier signifiant.

II. L'arret du zo mai z948 (9), rendu en matiere repressive. II s'agissait d'un acte d'appel fait a la requete d'une societe anonyme et signe

par Me Demaret, agissant en vertu d1'une procuration.

(2) Bull., 1940, p. 41. (3) Bull., 1955, p. 359• (4) En cause Societe Huilever c/ ancienne Colonie du Congo beige. (5) Bull., 1905, p. 187. (6) Cass., 13 avril 1953, Bull., 602. ( 7) Comp. la note sous Cass., 25 septemlbre 1950 (Bull., 1951, p. 23). (8) Bull., 770. (9) Bull., 311.

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La validite de la procuration n'avait pas ete contestee devant la juge du fond; eJle ne pouvait plus l'etre devant la Gour.

Le demandeur soutenait aussi, ii est vrai, que, la procuration ffit-elle valable, 'l'acte d'appel eut d,fi contenir lui-m'eme l'identite des organes de la societe.

A quoi l'arret repond que le demandeur ne soutient pas qu'il y eut d·efaut de qualite ou de pouvoir et que, partant, i1 ne s'agit que d~un vice de forme.

Gette decision n'est pas inconcilia.ble avec les arrets de la Gour que j'ai cites au debut de mes conclusions. En effet, dans la cause sur laquelle statue l'arret du IO mai · 1948, l'acte d'appel indiquait une personne physique agissant au nom de la societe, alors que, a mes yeux du moins, c'est !'absence d'indication de toute personne physique qui entraine le defaut d'un element swbstantiel de I'acte et soustrait la nullite au regime de I' article 173 du Cod'e de procedure civile ( IO).

III. Reste l'arret du 6 fevrier 1956 (II)' egalement rendu en matiere re'pres­sive.

Cet arret id'it qu'un pourvoi introduit, en matiere repressive, par un: avoue au nom d'une societe et un memoire depose a l'appui par un avocat a la Cour sont valables, quoiqu'ils n'indiquent pas les personnes physiques ayant le pouvoir d'agir au noml de la societe. Cette deoisfon s'inspire notamment d'un arret rendu le 15 octobre 1951 (12). Dans cette derniere cause le prevenu avait soutenu, dcvant la Cour d'appel, que la constitution de partie civile de la societe etait nulle parce que cet acte, signe par un avoue, n'indiquait pas les representants de la societe.

La Gour d'appel avait rejete ce moyen de defense pour le motif que, suivant l'article 173 C.P.C., il eut du etre propose in· limin'e litis.

La Cour n'adop,te pas cette these : elle rejette le moyen pour le motif que l'avoue est presume avoir constitue regulierement, c'est-a-dire par les organes qualifies· de la societe.

Ni cet arret ni celui du 6 fevrier 1956 n'appuyent done la these de la dcSfen­deresse, puisqu'aucun d'eux ne fait application de }'article 173, alinea 1°r, du Code de procedure civile. De plus, dans l'une et dans 1l'autre de ces procedures ·une personne physique, dont I'identite etait indiquee, declarait agir au nom de la societe.

J e conclus a la C'assation avec renvoi.

(rn) Voy. la note sous Cass., 25 septembre 1950 (Bull., 1951, p. 23). La Gour de cassation de France use de l'expression « formalites substantielles », mais en donnant a ces mots un sens moins large que leur sens habituel, a savoir le sens de « formalites tenant a la raison d'etre de I'acte et indis.pensables pour remplir son objet » ( cfr 3 mars 1955, Sem. J ud., 1995, ! II, n° 8654,

(11) Bull., 576. (12) Bull., 1952, p. 78.

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N° 5040. - Cour d'appel de Liege (7° eh.). - 31 octobre 1961. Sieg. : MIM. Renard, pres.; Caprasse et Capelle, cons.; Delree, av. gen.

Plaid. : M,e Riga, avoc, (Imp/as c/ Etat beige.)

Representation en justice. - Societe ne pouvant agir que par une personne physique. - Societe anonyme. - Recours mentionnant l'identite, non pas de tous les actmmistrateurs ma!is _des personnes chargees par les statuts des .. poursuites et diligences », - Equivalence. - V alidite.

L'iwdicatiocn de l'idenotite des perso·nnes ayant qualite pour agir en justice au nom de la societe (en l'espece soci:ete anonyme) est un·e formalite substantieUe, touchan,t a l'ortlre public. Les personnes morales, en prin'Cip·e capables de plai· der, ne peuv·ent le faire que par l'intermediait-e de personnes physiques, leurs organes.

Lorsque /'exploit (et notamment celui qui introduit un recours fiscal aupr~s

d'une Gour d'appel apres un arret de cassationJ n'est pas introduit au nom des personnes physiques auxquelles la so.ciete a d'elegue ses pouvoirs, l'action n'est pas · recevable.

Lorsque les statuts sont muets sur la representation en justice, le conseil d'ad­ministration est le seul organe de la societe capable d'inteniter une action en son n·o'm. Lo1·squ'au contraire les statuts p1·evoien·t que les actions en justice seroni suivies «Poursuites et diligences» d'un ou de plusieurs admhtistrateurs, cette mesure delegue aux personn·es designees le pouvofr detenu pa1· le conseil d'adrministratioff! de representer la societe en justice.

Est valable le 1·ecours qui mentionne l'identite complete des administrateurs delegues par les statuts pour agir en justice.

ARRET.

Vu l'arret rendu le 15 octobre 1959 par lequel la Gour de cassation a casse partiellement . un arret du 21 mai 1957 de la Gour d'appel de Bruxelles et a renvoye la cause ainsi limitee devant la Cour d'appel de Liege,

Vu la decision renduie le 24 aout 1954 par le Directeur des contributions directes de Bruxelles, premiere direction;

Vu le recours depose au greffe avec !'original de sa denonciation, le 4 decem­bre 1959 et dirige contre les cotisations aux impchs ordinaires, exercice 1952, rappels d'e droits, exercice 1948;

Attendu qu'avant d'aborder le fond du litige, !'administration souleve une exception de non-recevabilite du recours du 4 dec'embre 1959;

Qu'elle signale que !'article 8 des statuts de la societe dispose que « les actions judiciaires sont suivies au nom de la societe par le conseil d'administration, pour­suites et diligences du president du conseil ou de deux administrateurs »;

Que le recours devant la Cour d'appel de Bruxelles et le pourvoi devant la pour de cassation .sont mus par la societe representee par son conseil d'adm:inis­;tration compose de trois membres dont ils donnent l'id'entite complete;

Que, par contre, le rec'ours qui introduit 'la presente instance est mu par la ~ociete representee par M. G ... , administrateur. president, et par Mme L ... V ... , administrateur;

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Qu'a defaut de mentionner les trois membres du conseil d'administration, le recours serait non recevable;

Attendu qu'en vain la requerante soutient que seul le recours devant la Gour d'appel de Bruxexlles constitue !'exploit introductif d'instance, le present recours n'etant qu'un acte de procedure intercalaire, un avenir, non soumis aux exigences de I' exploit introductif d'instaince;

Qu'en effet, le second recours introduit une procedure nouvelle, qui n'est pas une suite necessaire de la precedente, et ce devant une juridiction differente, laquelle ne peut etre saisie du litige que par lui, et clans toutes les formes exigees par la loi;

Attendu que !'exception n'est pas fondee sur la non-observation d·es disposi­tions de !'article 61 du Code de procedure civile, prescrites a peine de nullite de !'exploit, lesquelles visent a permettre !'identification du demandeur. Que le recours precise suffisam:ment l'identite de la requerante et que d'ailleurs !'admi­nistration ne demande pas qu'il soit declare nul;

Attendu que le moyen reproche au recours l'absence d'un element essentiel la mention d'un organe ayant seul qualite pour agir au nom de la· societe;

Attendu que !'indication de l'identite ides personnes aiyant qualite pour agir en justice au nom de la societe, est une formalite substantielle, touchant a l'ordre public; que les personnes morales en principe capables de plaider, ne peuvent le faire que par l'intermediaire des personnes physiques, leurs organes;

Que si I1exploit, quelque regulier qu'il soit d'autre part, n'est pas introduit au nom des personnes physiques auocquelles la societe a delegue s·es pouvoirs, l'action n'est pas valablement introduite et n'est pas recevable;

Attendu que l'article 8 des statuts comporte deux dispositions distinctes :

1° les actions sont suivies en justice par le conseil d'ad!ministration; 2° pour­suites et diligences du president du c'onseil ou de deux administrateurs;

Attendu que la these de !'administration selon laquelle tous les membres du conseil d'admfoistration ·devraient etre cites clans le recours, repose sur une interpretation erronee du texte des statuts et d'ailleurs du sens meme de la loi j

Attendu que lorsque les statuts sont muets sur la representation en justice, le conseil d'administration est le seul organe de la societe capable d'intenter une action en son nom ;

Que lorsque Jes statuts, comme en l'espece, prevoient que les actions en justice seront suivies « poursuites et diligences » d'un ou de plusieurs administrateurs, o'est la une mesure qui, d·ans un but de simplification, delegue aux personnes designees le pouvoir detenu par le conseil d'administration ou de « represenfer fo societe en justice»;

Attendu qu'ainsi apparait errcnee la distinction faite par !'administration entre la « representation en justice» et les « poursuites et diligences », ces derniers mots designant simplement ceux qui pourront en fait exercer cette reprc!tlen­tation;

Qu'on ne voit d'ailleurs .pas, si le conseil d'administration figure en entier a l'exploit, pourquoi devraient intervenir en plus les deux administrateurs dont le nom figure deja clans le cons·eil d'administration, et alors que le dit conseil a necessairement tout pouvoir d'agir en justice;

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Qu'enfin, !'intervention obligatoire de tout le conseil d·'administration priverait de tout sens la clause deleguant « les poursuites et diligences »;

Que c'est si vrai que l'administra:tion n'a pas cru devoir attaquer les deux exploits precedents (premier recours et pourvoi) qui ne mentionnent que le conseil d'admfoistration et non les deux administrateurs charges des poursuites et diligences;

Attendu qu'il n'est pas allegue que le recours ne soit pas conforme a la volonte du conseil d'administration;

Que le recours qui mentionne l'identite complete du president .du conseil et d'un administrateur, delegues par les statuts pour agir en justice, est done vala· blement introduit et recevable;

Par ces motifs, La Coor, Out en audience publique et en langue fran~aise, M. le president Renard en

son rapport et M;. le substitut du procureur general Delree en son avis conforme; Rec;oit le recours ; Et avant faire droit, ordonne la reouverture des debats pour les parties oonclure

et plaider au fond ; Fixe jour a cette fin au 12 decembre 1961;

Condamne l'n,dministration aux depens de !'incident; Reserve les autres depens.

Obs.ervations. - Pour ce qui est de l'irrecevabilite des procedures mues par une societe sans designation de personne physique, cfr

les arrets de la Cour de cassation des 16 mars et 22 juin 1961, reproduits sous les numeros precedents, l' a vis de M. le Procureur

General HAYOIT DE TERMICOURT publie au pied de l'arret du 22 juin 1961, ainsi que l' arret de la Cour d' appel de Gand du 8 mars 19 5 6 (Revue, 1959, n° 4823).

Sur l' identification des personnes qualifiees pour agir, cfr l' arret

de la Cour d'appel de BruxeHes du 15 avril 1959 (Revue, 1959, n° 4853) et l'arret rendu par le Conseil d'Etat le 22 novembre

1956 (Revue, 1959, n° 4848) avec les notes. Sur le pouvoir de representer une societe anony~e, pouvoir re­

serve en principe au conseil d'administration tout entier, mais sus­

ceptible de delegation, par ou en vertu des statuts, cfr Cass.,

20 octobre 1960 (Revue, 1961, n° 4954) et 20 novembre 1958 (Revue, 1960, n° 4864) - pareille delegation ne pouvant cepen­

·dant pas exceder la gestion journaliere (cfr Revue, 1961, n° 4953). Enfin, pour ce qui est de la valeur de la formule « poursuites et

diligences ... » - formule a laquelle se refere aussi un arret rendu par la Cour d'appel de Bruxelles le 30 novembre 1959, reproduit

d'autre part en sommaire sous le numero 5041, cfr, en sens con­

traire de l'.arret, VAN RYN, Principes de droit commercial, t Jer, n° 603.

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Sans doute appartient-il aux tribunaux d'interpreter la disposition

en cause comme repondant a une intention plus etendue que le

pouvoir de pourswivre l' execution des decisions prises par les organes

superieurs de la societe : celui de prendre ces decisions. Le sens obvie

est pourtant different et il est expedient de s'y tenir. Ceci ne signifie

pas, pour autant, que soient nuls les exploits ou ces « organes d' exe­

cution » seraient seuls designes; mais, de toute fa~on, la partie

adverse serait fondee a exiger la preuve de la. decision dont I' execu­

tion est "poursuivie, a tout le moins s'il s'agit d'une matiere excedant

la gestion journaliere.

N° 5041. - Cour d'a_ppel de Bruxelles (2° eh.) .. 30 novembre 1959.

P. D.

Sieg. : MM. Hanssens, pres.; Baron Verhaegen, prem. av. gen, Plaid.: MMes Hamibye et Vertessen (du barreau de Mons).

(Simexo c/ V eriter.)

Exploit de signification a une societe. - « Parlant a sa personne », -

Administratem delegue charg6 de la gestion journaliere. - Organe s'identi­fiant a la societe, specialement au sens de l'art. 158 · C. pr. civ.

Un administrateur detegue de societe anonyme, habilite a. (a gestion• journa· liere des affaires sociales et a faire les poursuites et diligen·ces en cas de proce· dure judiciaire exprime de maniere directe, en tant qu'orgatie distinct de la societe, la volonte de celle-ci tout comme le comeil d'administration; il est l' organe permanent de la societe qu'il incarne pour son activite cournnte, quoti· dienne, tandis que le con·seil d'adiministration n'exerce ses fonctio1is que par intermittence.

Le principe de !'attribution de pouvoirs a cet administrateur delegue est consa· ere par les lois coordonnees sur les sociEtes comlmerciales sous la .forme d'une faculte dont l'art. 63 des dites lois pennet d'user; le rOle de·s statuts est seule· ment de regler la nomination, la t·evocation et les attributions du detegue.

On doit. considerer comme tegalement faite «en parlan·t a sa perso.nne » au sens de !'art. zs8 C. pr. civ., une signification faite en parlan·t a wn organe de la societe,. lequel s'identifie avec celle-ci, dont il est l'emanation· p·hysique ·et directe.

Observations. - L'arret dont le sommaire precede est reproduit

zn extenso clans laPasicrisie (1960.2., p. 204).

La Cour de cassation a deja eu a examiner le point de savoir

ce qu'il faut entendre par signification a personne lorsqu'il s',agit

d'une societe, et a distinguer suivant qu'il s' agit d'une signification

faite a Uh organe OU a Un prepose.

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L'arret r:endu par elle sur ce point le 27 janvier 1955, et du reste cite par I' arret de Bruxelles dont le sommaire precede, a ete reproduit dans la Re1Jue ( 19 5 6, n° 45 5 2) avec une note se refe~ rant specialement a un avis de M. le Procureur General HAYOIT

DE TERMICOUHT accompagnant Cass., 19 fevrier 1955 (Revue, 1955,

n° 4478). Sur ia qualite d'organe appartenant a l'administrateur delegu_e

et son pouvoir c{ agir en justice, dr aussi la note sous Bruxelles, 13 fevrier 1954 (Revue, 1956, n° 4567), ainsi que l'etude P. DEMEUR clans la Revue ( 1961, n° 4953).

N° 5042. - Cour de cassation (Ze eh.). - 30 octobre 1961. Sieg. : MM. Wiaer·segger, rapp.; Janssens de Bisthoven, prem; av. gen.

Plaid. : MM~s Ansiaux et Demeur, avoc. (Allard c/ lnstitut des reviseur d'entreprises et cts.)

Commissaire-Reviseur. - Institut des Reviseurs d'entreprises. - I. Refus par le conseil de l'Institut d'autoriser l'exercice du mandat de commis­saire. - Justification.· - II. Autorisation par le conseil de l'Institut. -Appreciation de la remuneration. - N'est pas se substituer a l'assemblee generale de la societe.

I. Le refus d'autorisation du conseil de l'In·stitut d'exercer un mandat de com· missaire-reviseur doit avoir pour justification la realisation de l'objet en· vue duque/ la /oi du 22 juil/et I953 a cree cet institut.

II. Le conseil de l'Institut des reviseurs d'entreprises n'excede pas les pou­voirs que ta loi lui confere lorsqu'i'l refuse a un membrlJ de l'institut l'autorisation d'exercer une activite a laquelle est attachee une remunemtion qu'il juge inade­quate.

Apprecie1· le caractere adequat de la 1·emuneration attachee au mandat du com· missaire-reviseur d'une societe anonyme n'est pas se substiftter a rassemblee generate des actionnaires dans /'execution de /'obligation· d'etablir la som'me fixe CO·nstifuan·t [es emo/wments des commissaires,

ARRET.

Vu la sentence attaquee, rendue le 30 mars 1960 par la Commission d'appel de I'Institut des reviseurs d'entreprises;

Sur le moyen· pris de la violation des articles 7, specialement alinea 2, 9, 20 de la loi du 22 juillet 1953 dreant un Institut des reviseurs d'entreprises, modi­fiee par la loi du 10 juillet 1956, 64, specialement alinea 4, 64bis et 64ter des Iois sur Jes societes commerciales, coordonnees par l'arrete royal du 30 novembre 1935 et com/pletees quant aux articles 64bis et 64ter par Ies articles 11er et 2 de la loi du 1er decembre 1953, en ce que la decision entreprise, qui confirme la sentence a quo, declare que, saisi par un reviseur d'entreprises d'une demande d'autorisation d'exercer au sein d'une societe les fonctions de commissaire-revi-

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seur, le conseil de l'lnstitut en refusant la dite autorisation sous pretexte que la remuneration prevue n'est pas suffisante, reste dans les limites des pouvoirs d'appreciation dont la loi l'investit, qu'elle decide, en consequence, que le deman­deur, en exer~ant malgre le refus d'autorisation du conseil les fonctions de commis·saire-reviseur au sein de la dite societe, a manque gravement a la disci­pline, et lui inflige de ce chef la peine de la radiation, alors que, s'il est exact que le conseil de l'Institut est charge d'assurer le respect de la deontologie pro­fessionnelle et peut, clans ce cadre, etablir et controler les modalites et les condi­tions de la remuneration des reviseurs d'entreprises, encore ne peut-il, en refu­sant a un reviseur l'autorisation necessaire pour exercer les fonctions de com­missaire-reviseur au sein d'une societe, se substituer a la decision de l'assemblee generate des actionnaires de ceUe-ci quant au montant de la remuneration, l'as­sem1blee generate etant legalement seule qualifiee pour en fixer souverainement !'importance, C'elle-ci ne concernant pas la deontologie professionnelle, en ce que, etant justifiee par des motifs illegaux, la decision de refuser au demandeur l'autorisation d'exercer les fonctions de commissaire-reviseur aupres de la societe Cimescaut, et par consequent la peine disciplinaire infligee au demandeur pour avoir passe outre a ce refus illegal, sont depourvues de fondement legal;

Attendu qu'il resulte de la .sentence attaquee que la faute disciplinaire qu'elle sancitionne est d'avoir contrevenu a l'artie'le 7, alinea 2, de la loi du 22 juillet 1953, creant un Institut des reviseurs d'entreprises, pour avoir exerce, en qualite de membre de cet institut, un mandat de com·missaire clans une societe anonyme, alors que l'autorisation d'exercer ce mandat lui avait ete refusee par le ,conseil du dit institut;

Attendu qu'il ne peut etre d'eduit de !'article 7, alinea 2, que l'autorisation dont il .s'agit devrait en principe etre consideree comme exceptionnelle et que l'appre· ciation de l'opportunite d'accorder ou non c·ette autorisation serait laissee a la discretion du comeil de l'lnstitut;

Qu'une semblahle interpretation serait inconciliable avec l'exigence formulee par !'article 64bis, § 2, des lois coordonnees sur les societes commerciales, dispo· ~ition 16gale qui est en relation etroite avec l'institution des reviseurs d'entre­prises et qui, en vue d'assurer mieux la sauvegarde de l'epargne publique, impose la presence d'au moins un commissaire-reviseur dans certaines sodetes anony­mes;

Attendu que dans l'etat de la structure economique du pays, a !'organisation de taquelle concourt la loi du 22 juillet 1953, le refus de l'autorisation d'exercer un mandat de commissaire-reviseur clans une societe anonyme ou la presence d'un te1 conimissaire est Iegalement requise, doit avoir pour justification la realisa­tion de l'objet en vue duquel cette loi du 22 juillet 1953 a cree un Institut des reviseurs d'entrcprises, cet objet etant precise par I' article 2 de C'elle-ci;

Attendu que, competente pour exercer son controle sur la legalite de la sen­tence attaquee, la Gour est necessairement competente pour apprecier la confor­mite a la loi de la mesure dont la meconnaissance est sanotionnee comme faute disciplinaire par cette sentence;

Attendu que lorsque la loi, en son article 7, alinea 2, confie au conseil de l'Ins­titut des reviseurs d'entreprises le soin de· se prononcer sur une demande d'auto­risation d'exercer Ull mandat de commissaire de societe, OU lorsqu'en SOll arti•

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r,le 9 .elle le charge d' etablir et de. con:troler les modalites et les conditions de la remuneration du reviseur, elle ne limite pas a la sauvegarde de la deontologie professionnelle la tache ainsi devolue au conseil, ainsi que le donne a entendre le moyen, mais determine les voies par lesquelles doit etre realise l'objet que precise son article 2;

Attendu, d'autre part, que le dit conseil n/excede pas les pouvoirs que la loi lui confere lorsque, eu egard a cet objet, il decide n'y avoir lieu d'autoriser un ,des membres de l'Institut a exercer une aC'tivite a laquelle est attachee une remuneration qu'il juge inadequate en raison des exi,gences de competence, d'in­dependance et de prob!te professionnelle qu'il est tenu d'imposer a ses membres;

Attendu, d'autre part, qu'apprecier objectivement le caractere adequat de la remuneration attachee au mandat de commissaire-reviseur d'une societe anonyme, n'est pas se substituer a l'assemblee generale des actionnaires dans !'execution de !'obligation imposee a cette assemblee par !'article 64ter des lois coordonnees f.iur les societes C'ommerciales d'etablir au debut .et pour la duree du mandat la somme fixe constituant les emoluments des commissaires;

D'ou ii suit que le moyen ne peut etre accueilli;

Par ces mo.tif s,

Rejette le pourvoi. ..

Observations. - D'une part l'art. 64ter, al. Jer; des lois coordon­donnees sur les societes commerciales dispose que les emoluments

des com,missaires consistent en une somme fixe etablie, au debut et pour la duree du mandat, par I' assemblee generale. D' autre part,

l'article 7, al. 2, de la loi du 22 juillet 1953 creant un lnstitut des reviseurs d' entreprises dispose que les membres de l'Institut ne peuvent exercer des mandats de commissaire de societe qu' avec I' autorisation du conseil de l'Institut et I' article 9 de la meme loi ajoute : « Les modalites et les conditions de la remuneration du reviseur sont etablies et controlees par le conseil de l'Institut ... »

On sait aussi que I' article 64bis des lois coordonnees impose aux societes ayant fait OU faisant publiquement appel a }' epargne, de

choisir, sous peine de sanctions penales (art. 204, 5°), au moins un commissaire parmi les membres de l'Institut des reviseurs d' en­treprises.

On s' accorde a voir clans l' article 9 le droit souverain de l'Insti~ tut des reviseurs d'interdire a ses membres l'exercice d'un mandat

dont la remuneration .ne serait pas conforme a la <lignite et a la mission du reviseur ( cfr notamment le 4° attendu de la decision rapportee). Mais on ne contestera pas davantage que le droit d'une assemblee generale de fixer les remunerations du commissaire­reviseur est egalement souverain.

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Sera-t-on clans une impasse si les conditions que le conseil de

l'Institut des reviseurs impose a son membre ne rencontrent pas les oHres de l' assemblee generale?

Les Chambres ont aper~u les difficultes qui pouvaient naitre de la conjonctl.on de I' obligation pour certaines societes de recourir

a un commissaire-reviseur et du pouvoir de l'Institut d' autoriser

l'exercice d'un mandat de commissaire. M. VAN DER SCHUEREN

(Ann. Parl. Chambre, seance 1 0 j uin 1 9 5 3, p. 3 5) a cru trouver

une solution en declarant que I' autorisation de l'Institut serait auto­

matique pour les reviseurs appeles a remplir ce mandat clans les

societes obligees de recourir a leurs services. Cette solution trop

simple ne tenait pas compte du but de I' autorisation, a savoir la protection du renom que la nouvelle institution doit acquerir.

(L' amendement de M. ScHOT tendant a supprimer I' autorisation

de l'Institut pour l'exercice d'un mandat de commissaire clans les

societes devant le choisir parmi les reviseurs d' entreprises a ete

rejetee. Ann. Parl. Chambre, seance 22 mai 1956, pp. 10 et SS.)

M. J. TASSIN (La remuneration des commissaires-reviseurs, J.T., 195 7, p. 41 3) denie a l'Institut le droit de fixer un minimum de remu­

neration des commissaires-reviseurs, son role se limitant, suivant

cet auteur, a controler les conditions et modalites de cette remune­ration. 11 propose a I' appui de sa these une sorte d' abrogation tacite

des textes contradictoires; a savoir I' abrogation de I' article 9 de la

loi du 22 juillet 1953 (controle de la remuneration par l'Institut)

par la loi du 1 er decembre 1 9 5 3 qui confie a I' assemblee generale

des societes le soin de fixer les emoluments d'un commissaire-revi­

seur. Cette these est contredite par le rejet, lors du vote de la loi

du 10 juillet 1956 modifiant celle du 22 juillet 1953, d'un amen­

dement tendant a I' abrogation de I' article 7. Elle est aussi opposee

au principe aux termes duquel !'abrogation tacite doit toujours

etre interpretee clans un sens restrictif (DE PAGE, t. Jer, n° 219). M. TASSIN, sans d'ailleurs soutenir totalement la these de !'abroga­

tion, voit plutot clans I' autorisation de l'Institut une formalite qui

doit se faire avec un certain automatisme. J' ai dit ci-dessus que

c' etait la denaturer I' autorisation voulue par la loi.

M. FREDERICQ (Revue, 1954, n° 4420, specialement p. 280) ne

voit pas de contradictions entre les lois coordonnees sur les socletes

et la loi du 22 juillet 1953; la remuneration arretee par l'assemblee

generale sera con.trolee par l'Institut ( cfr aussi R. BoUILLENNE, f. T., 1'9 5 7, p. 7 41 ) . C' est ce que ·dit aussi l'arret rapporte : apprecier le

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caractere adequat de la remuneration n'est pas se substituer a l'as­semblee generale.

II n'y a ·pas plus de contradiction en cette matiere qu' entre I' ar­

ticle 15 83 C. civ. prevoyant la determination du prix de la vente par les contractants et les dispositions legales qui permettent au gouvernement cl' etablir des prix maxima.

S'il n'y a pas de contradictions, une difficulte cependant peut

surgir lorsque les emoluments proposes par I' assemblee sont esti~

mes inadequats par l'Institut. Elle provient du caractere actuelle­

ment imprecis du droit des societes qui glisse du domaine contrac­

tuel vers le domaine institutionnel. M. SCHEYVEN disait a ce sujet : « En cas de contestation sur le montant de la retributiOn entr.e le

commissaire-reviseur et la societe qu'il est appele a controler, le

differend devrait etre tranche par le Conseil de l'Ordre des Revi­

seurs, qui etablira en cette matiere les regles que I' experience reve­

lera necessaires pour que soient sauvegardes le respect et l'hon­

neur de la profession (Doc. Parl. Chambre, session 1950-195'1, n° 501, p. 6, cite par le Centre cl' etude des societes clans: Le statut des commissaires et des commissaires-reviseurs, 1 9 5 6, p. 31 ; cfr aussi

J. RAEMAEKERS, L' en tree du reviseur d' entreprises dans la vie economiquc et sociale, 195 7, pp. 359 et ss.).

J e ne pense pas que le conseil de l'Institut, a defaut de compro­

mis arbitral, ait competence pour trancher le differend qui surgirait

ainsi entre la societe et l'Institut.

Seule la decision du conseil de l'Institut refusant au reviseur

I' autorisation cl' accepter un mandat de commissaire, serait-elle

susceptible d'un recours; le litige se mouvrait alors entre l'Institut

et son membre; celui-ci pourrait attaquer la decision de l'Institut

devant le Conseil d'Etat pour exces OU detournement de pouvoir

OU violation des formes substantielles et prevues a peine de nul­

lite. L' examen de cette difficulte, des droits de l'lnstitut dans la

fixation de la remuneration du commissaire-reviseur et des recours

qu'il possede, me semble depasser le cadre de cette note.

Jacques 'T KINT

A vooat pres la Cour d'appel de Bruxelles.

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N° 5043. - Cour de cassation de France ( Ch. civ.). 30 jan.vier 1961.

Sieg. : MiM. Lescot, pres.; Monguilan, rapp.; Come, av. gen. MMes Coutard et Labbe, avoc.

(Le Profit et cts c/ Ateliers de menuiserie rationnelle.)

Actions de societe anonyme. - Souscription par prete-noms; - Liberation effective. - Nombre d'associes non inferieur a sept. - Pas de nullite.

Cowstatant qw'une simulation de souscription d'action's de sociBte anonyme ne 1·ecouvrait aucune fraude et que la liberation des actiom n'etait pas fictive, le nombre des souscripteurs, d'autre part, n'etant pas inferieur a sept, le juge dtt fond conisidere a juste titre <Jue des sou;criptions par prete~noms ne ~onstituaient pas, en elles-memes~ une cause de nullite. ~ •

ARRET. La Cour; Sur le .premier moyen, pris en ses trois branches : Attendu qu'il resulte des motifs et des qualites de l'arret attaque (Paris,

IO mai 1958) . qu'aux termes de I' accord passe le 23 septembre 1954 pour. la orea• tion de la societe anonyme Ateliers de menuiserie rationnelle (A.M.R.) au capi­tal de 6.000.000 de francs· reparti en 60 actions, les fondateurs de cette societe avaient prevu que deux d'entre eux, Rouhach et la Societe a responsabilite 1imitee Le Profil, n'apparaitraient ·pas en nom dans l'acte de constitution, les dix-neuf actions attribuees a la societe Le Profit etant apparemment souscrites par Stamfort et I' action reservee. a Roubach etant souscrite par Deparis; que, selon la meme ·convention, la societe Le Profil, qui, avec la societe Menuiserie metaUique moderne devait entreprendre des fabrications d'huisseries metalli­ques pour le compte de la societe A.M.R., s'enga.geait a ~onfier a celle-ci l'exolu· sivite des ventes de fenetres metalliques et objets similaires;

Attendu qu'assignee en dommages-interets pour n'avoir pas temi cet engage. ment, la societ6 Le Profil a oppose la nullite de la societe A.M.R., motif pris de ce que la participation simulee de Stamfort et de Deparis, simples pl'ete· noms, a la souscription du capital de cette societe, avait entache de fictivite la dite. souscription; ~ttendu qu'il est teproche a la Cour d'appel d'avoir refuse d'aidmettre une

telle cause de nullite alors, d'une part, que la sousoription du capital social par des prete-noms et la liberation du quart. des actions par eux souscrites au moyen de foods ne leur appartenant pas ne satisfait pas aux dispositions im.pe· ratives de l'art. r,er, al. 2, de la loi du 24 juillet 1867 exigeant pour la constitu· tion de la societe la souscriptioii de la totalite d1i capital social et le versement en especes, "par chaque actionnaire, •d'un quart au moins du montant des actions souscrites par· 1ui, ni a celles du meme lart. 11.er, al. 16, 18 et 19, concernant la declaration de souscription et de versement et ses annexes; alors, d'autre part, que l'arret constate que les deux sousoriptions emanant de prete-noms ont ete liberees a concurrence du quart au moyen de foods appartenant a un senl des SOUScripteurs S{l'i-disant reels, d'ou ii resulte que le nombre des SOUScripteurs reels ayant ete inferieur a sept, la societe ne pouvait, meme dans le systeme

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de l'arret, se constituer valablement; et alors, enfin, que Jes dis·positions, egale­ment imperatives et penalement sanctionnees, de I'art. 13, al. 4, de la mem:e Joi (redaction du decret du 29 novembre 1939), expressement invoquees par la societe Le Profil en des chefs de conclusions restes sans reponse, entachent de nullite le vote emis, comme en l'espece, a l'assemblee constitutive d'une societe anonyme par des personnes se presentant comme proprietaires d'actions qui ne leur appartiennent pas et, partant, la societe elle-meme ainsi delictueusement constituee;

Mlais attendu, d'une part, qu'apres avoir constate qu'en l'espece la simulation incrim.inee ne recouvrait aucune fraude et que la liberation des actions n'etait pas fictive, Jes fonds etant reellement et definitivement entres dans Jes caisses de la societe, la Cour d'appel a considere a juste titre que Ies souscriptions par prete-noms ne c·onstituaient pas, en elles-memes, une cause de nullite;

Attendu, rd'autre part, que, si l'arret enonce « que Jes fonds furent verses par Deparis et Stamfort au moyen de cheques emis par la societe Le Profil e Fordre de ceux-ci et endosses par eux a l'ordre de Baron, notaire charge de dresser l'acte consti'tutif de la societe », une telle enonciation n'etablit nulle­ment, comme le pretend le pourvoi, qu~ Deparis et Stamfort n'agissaient, l'un et l'autre, que pour compte de la societe Le Profil; que, selon Jes constatations de l'arret, seul Stamfort representait la dite societe, tandis que Deparis etait le prete-nom de Roubach, a qui ii a, par. la suite et conformement a la convention, transfere !'action par Jui souscrite, en sorte que le nom:bre des souscripteurs n'a pas ete inferieur a sept;

Attendu, enfin, que la pretention de la societe Le Profil ne tendait nullement a l'annulation d'un vote et que la reference, qu'aux termes de ses conclusions, regulierement produites, la dite societe faisait a rart. 13, al. 4, de la Joi du 24 juillet 1867, dont l'iapplication n'etait pas e~ cause, constituait un simple argument et non pas un moyen auquel la Cour d'appel fut tenue de repondre; qu'ainsi le premier moyen n'est fonde en aucune de ses branches;

Sur le second moyen (sans interet); Par ces motifs, rej ette.

Observations. - Si le simple fait que le titulaire reel des actions n' est pas celui qui a declare les souscrire n' est generalement pas

considere en France comme une cause de nullite de la societe anonyme ( cfr RIPERT, Traite elementaire de droil commercial, 4e ed.,

n° 960, la Chronique de M. R. HoUIN clans la Revue trimestrielle de droil commercial, 1961, p. 384, le Recueil Dalloz hebdomadaire, 1961, J. p. 292, et les autorites citees, mais aussi le dissentiment releve clans ce dernier recueil), a fortiori doit-on en Belgique adopter une solution semblable sous I' empire de textes tels que I' art. 3 5 des lois coordonnees admettant la validite d'une souscription comme porte-fort, cette souscription ne fut-elle pas ratifiee (text~ impli­quant que les veritables actionnaires peuvent etre differents de ceux

qtie la lecture de I' acte faisait prevoir).

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Aussi runanimite existe-t-elle chez nous a. cet egard (cfr Jean CoRBIAU dans la Revue, 1904, n° 15 29, RESTEAU, Traite des societes anon'J)mes, 2e ed., n° 225, FREDERICQ, Traite de droit commercial, t. IV,

n° 284, VAN RYN, Principes de droit commercial, t. {er, n°8 491 et 496, Repertoire pratique de droit belge, v° Societe anonyme, n°s 11 0 et s.).

Ce n' est point a. dire que la nullite ne puisse etre reconnue a. I' egard de ceux qui auraient agi frauduleusement (l' arret annote

n'a point manque de souligner qu'au~une fraude n'avait ete relevee

en l'espece), a l'exclusion des autres. Ni qu'il soit de l'essence de

la societe anonyme de ne pas etre liee a la consideration' de la per­sonne (cfr Re'lJue, 1955, n° 4500, par. 9); et au cas ou cette liai­

son serait etablie - toujours dans le res~ect des droits des tiers

- la nullit'e pouriait etre egalement decla,ree. P. D.

N° 5044. - Cour de cassation de France (eh. reunies).

28 avril 1961.

Sieg. : MM. Battestini, premier pres.; Ancel, rapp.; Gegout, av. gen. Plaid. : M)Mes Mnrtin-Martiniere et Rouviere, avoc.

(Veuve Gatellier c/ _Vignon et S.A.R.L. Les Moulins de Condetz.)

Parts sociales. - Droit de preemption apres deces au profit d'associes ou d'heritiers - Pacte sur succession future. - Validite.

Au~ termes de /'art. z868 C. civ. le pacte social peut prevoir, au deces d'tm des associes, la continuation de la societe entre les seuls survivan·ts qui peuvent alors racheter dans les conditions p1·evues au contrat les parts sociales du predecede; une telle stipulation, bien qu'attribuant aux associes survivants un droit evenituel sttr une partie d'une succession non ouverte est, par exception, autorisee par !'art. z868 et par suite ne tombe pas sous le coup de la pro·kibition des pactes sur succession· future edictee par l'art. zz30 . .

ARRET. La Gour;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il resulte des motifs et des qualites de l'arret attaque que la societe en nom collectif, fondee en 1925 pour !'exploitation du MoUJlin de Condetz entre Marcel Vignon et Charles Gatellier a ete, a la mort de ce de:rnier, transformee en commandite, Vignon restant seul gerant et les heritiers de Gatellier, sa veuve et son .fils Roger, devenant commanditaires; que la veuve Gatellier ayant cede tous ses droits dans la societe a son fils, Vignon et la mandataire de Roger Gatel­lier, parti comme officier en Indochine, procederent par actes des 28 et 29 juin 1945, a une nouvelle transformation de la societe · qui prit la forme de societe ii responsabilite limitee; qu'il etait stipule au pacte ·social qu'en cas de deces d'un

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associe, la societe continuerait entre l'associe survivant et le conjoint ou les heritiers directs rde l'associe predecede, tandis que·, si les parts de celui-ci se trou­veient transmises a d'autres ·successibles, l'associe survivant pourrait les racheter suivant un prix et des modalites fixes par le contrat; que Roge·r Gatellier dispa­rut lors d'un combat en lndochine et que, apres que son acte de deces euf ete dresse, Vignon declara vouloir exercer son droit de preemption, le seul heritier du defunt etant, non le conjoint OU un descendant, mais sa mere, la dame Gatel­lier; que cette derniere assigna alors Vignon en nullite de la clause de pre· emption;

Attendu qu'il est reproche a l'arret confirmatif attaque d'avoir decide que la clause litigieuse ne constituait pas un pacte sur succession future prohibe par l'art. n30 c. civ., au motif qu'une telle stipulation etait autorisee pat' l'art. 1868, que, .selon le pourvoi, ce dernier texte n'apporte aucune exception fi la prohibition rigoureuse edictee par l'art. n30, qui doit des lors £rapper toute disposition du contrat de societe ayant pour objet de determiner, au deces d'un associe, la devolution des ·droits sociaux de celui-ci contrairement aux regles d'ordre public de la devolution successorale•:

M!ais attendu qu'aux termes de l'art. 1868 C. civ. le pacte social peut prevoir, au deC'es d'un des associes, la continuation de la societe entre les seuls survivants qui peuvent alors racheter dans les conditions prevues au contrat les parts socia­les du predecede; qu'une telle stipulation, bien qu'attribuant aux associes survi­vants un droit eventuel sur une partie d'une succession non ouverte est, par exception, autorisee par l'art. 1868 et par suite ne tombe pas sous le coup de la prohibition des pactes sur succession future edictee par l'art. n30; d'ou ii suit qu'en statuant comme ii l'a fait, l'arret attaque, loin de violer les textes vises par le moyen, en a fait au contraire une exacte application; qu'ainsi le premier moyen ne saurait etre accueilli;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est encore reproche a l'arret attaque d'avoir declare valable la clause litigieuse sans s'expliquer sur le moyen tire par la veuve Gatellier de ce que l'art. 1868, a supposer qu'il validat de telles dispositions, ne le faisait que pour assurer la .survie de la societe, alors qu'elle avait ete en l'espece detournee de son but pour exclure frauduleusement certains heritiers de l'associe pre· deoede, et qu'au surplus la Gour ·d'appel ne constatait pas que la compensation offerte a l'heritier evince ffit suffisante pour le dedommager;

Mais attendu que la clause litigieuse, justem:ent reconnue valable, emportait necessairement pour l'associe survivant, la faculte d'ecarter de la societe l'heri­tier a qui cet associe pouvait imposer le raohat des parts sociales du predecede; que l'arret attaque, en constatant que les stipulations du pacte social respectaient l'egalite successorale .et tous les droits hereditaires de la veuve Gatellier «grace a la prevision de certaines compensations efficaces », ecartait par la meme le moyen tire d'une fraude pretendue ou ·d'une insuffisance materielle du dedom­magement en valeur; qu'ainsi le rejet du premier moyen emporte, en l'etat des c'onstatations de la Gour d'appel, le rejet du second moyen; que l'arret attaque, qui est motive, a Iegalement- justifie sa decision;

Par ces motifs, rejette.

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Observations. - L' arret dont le texte precede met apparem­ment fin a un long proces dont l'histoire est resumee clans le Dalloz hebdomadaire C1961, J. 697) au corps d'une note de M. Andre BESSON.

Deja la Revue avait reproduit ( 1959, n° 4 788) un premier arret rendu par la Cour de cassation de France (sect. comm.) le 18 oc­

tobre 19 5 5, - avec une note de M. Roland VAN LINT, faisant notamment ressortir la divergence sur la matiere des jurispruden­

ces beige et fran~aise. Plus recemment, elle a reproduit un arret rendu par la Cour de

cassation de Belgique (arret du 10 novembre 1960, Re-vue, 1961, n° 49 5 9) ou le pacte social est reconnu applicable a I' encontre de !'interdiction du pacte successoral (les choses etant comprises ainsi qu' on les entend chez nous') - OU, plus exactement, la notion du

pacte sur succession future est ramenee a de justes limites. A la difference de I' arret du 1 8 octobre 1 9 5 5, I' arret du 2 8 avril

1961 refuse de donner le pas a l'innegociabilite des avoirs depen­dant d'une succes·sion future sur la validite des conventions alea­toires relevant du contrat de societe.

On voudra bien se reporter, pour le surplus, aux observations de M. v AN LINT, comme a I' etude precitee de M. BESSON et aux references que contiennent ces deux etudes. P. D.

N° 5045. - Cour d'appel de Bruxelles. - 3 fevrier 1960. Sieg. : MM. Hans·sen.s, pres.; Baron Verhaegen, prem. av. gen.

Plaid. : MMes P. Geysers et F. Danhier, avoc. (Vim der Elst c/ Me Danhier q.q.)

Societe anonyme. - Adm.inistrateur ou fonde de pouvoirs. - Decheance (article 123sexies du Code penal). - Mesure civile prise dans l'interet des tiers. - Ne rend pas incapable de contracter.

La decheance du droit d'exercer la fonction d'administrateur ou de fonde de pouvoirs dans rme societe anonyme (art. r23sexies du Code penal) est un•e mesure de nature civile. Elle est assimilable a l'in·terdiction portee par rarrete royal 1t0 22 dtt 24 octobre I934 ( defense pour les fail/is de. participer a ratfiministration des societes par actions}. Cette mesure n'a pas pour effet de ran•ger ces con•dam­t1es au nombre des incapables de contracter dont s'occupe /'art. II24 C. civ. EUe est edictee exclusivement dans l'interet des tiers.

ARRET. Attendu que pour obtenir que la vente a la societe anonyme Verreries de Vil­

vorde, actuellement faillie, soit declaree nulle, ou annulee ou resolue avec effet

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retroactif, et obtenir consequemment la restitution du vehicule vendu plutot que le paiement de son prix en monnaie de faillite, l'appelant fait valoir d'aboiid que l'acheteuse, la societe anonyme susdite, n'a pu etre valablement engagee par son administrateur delegue, un sieur Waroquiers, pour le motif que si ce derniel' avait reQu, par decision du conseil d'adm:inistration du 17 janvier 1953, publiee aux annexes du Moniteur (II aout 1955, acte n° 22482)' les « pouvoirs les plus etendus pour tous actes d'administration et de disposition concernant toutes · affai. res speciales », ii avait ete, par l'effet d'un jugement du conseil de guerre d'An­vers du 12 decembre 1946, dechu du droit d'exercer la fonction d'administrateur ou de fonde de pouvoirs dans une societe anonyme (articles l23sexies, litt. h, et l23septies du Code penal) ;

Mais ·que l'appelant perd de vue qu'il s'agit ta d'une mesure de nature. civile ( {Cass., 13 novembre 1944, Pas .. , 194, I, 32), assimilable a !'interdiction, portee par l'arrete . royal n° 22 du 24 octobre 1934, pour certains condamnes et pour les faillis, de participer a I' administration et a la surveillance des societes par actions; que si, d'apres le texte et· I' esprit· du susdit arrete royal, cette interdiction a «le caractere d'une incapacite civile, attache'e aux condamnations prononcees du chef des infractions qu'il specifie » (Cass., 13 juillet 1936, Pas., 19'36, I, 351), elle n'a toutefois « nullement pour effet de ranger ces condamnes ~u nombre des inca· p,ables de contrac'ter, dont s'occupe I' article n24 du Code civil» et elle «est edictee exclusivement dans l'interet des tiers, a titre de precaution contre le:. condamnes » (Cass., 19 fevrier 1940, Pas., 1940, I, 56) ;

Qu'il doit as·surement en etre de m:eme pour la decheance de droits, organisee a des fins identiques par les articles 123sexies et 123septies du Code penlll; . Que si done, la societe anonyme Verreries de Vilvorde eut pu faire etat de

cette decheance de droits de Waroquiers, elle ne l'invoque cependant_pas, et, bien au contraire, le curateur a sa faillite, l'actuel intime, conclut a la confirmation du jugement, lequel a dit n'y avoir « pas lieu de prononcer la nullite de la vente »;

Qu'au surplus, « les incapables peuvent etre choisis comme mandataires et, concernant les relations juridiques entre mandant et tiers, c'est-a-dire, en l'e.spece, entre les Verreries de Vilvorde et l'actuel appelant, Waroquiers, mandataire de la societe, n'a personnellement joue aucun role; ii n'a ete « qu'un simple instru­ment entre les mains du mandant .. L'acte accompli au nom de ce dernier ne le touche pas; personriellement, ii ne s·'est pas oblige et n'avait pas a le faire a l'egard de l'appelant; et, des lors, ce dernier est mal venu de se prevaloir d'une incapacite OU d'une interdiction civile de droits - qui Iui est restee etrangere et est sans auctin efret-vis-a-vis de Iui (cf. DE PAGE, t. V, n°s 383 et 384);

-Qu'a ·tOrf '·done l'appelant considere . comme nulle de plein droit la vente du vehicule dont Iitige et pretend reprocher a la societe faillie une faute delictuelle OU quasi delictuelle, pour la reparation des suites de laquelle l'intime q,q, d'e• vrait restituer en nature le vehicule Iivre ...

(La suite est sans interet pour le droit des· societes.)

Observations. - Cet arret est publie en entier a la Pasicrisie, 1960, II, 241 .

II semble le premier a traiter de la decheance prevue par I' arti­

cle 1 2 3sexies, h, du Code penal en ce qui concerne un administra-

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teur de sociele. Le cas avait ete cite par cette Revue ( GoEDSEELS, Nature et portee de l'interdiction pour certains condamnes C'i pour les faillis de participer d l' administration et a la surveillance de certaines societes .. ., Revue, 1948, p. 137, specialement n° 14, p. 140).

L' arret assimile cette sanction a !'interdiction portee par I' arrete royal n° 22 du 24 octobre 1934 {interdiction pour certains condam­nes et pour les faillis de participer a I' administration et a la sur­veillance des societes).

La question de s:avoir si la decheance prevue par I' arrete de 1934 et frappant un membre du conseil d'administration vicie les actes de celui-ci, est controversee en Belgique et en France; (cfr notamment la note de P. COPPENS sous Bruxelles, 5 octobre 1960, Revue, 1961, p. 113, specialement II; Comm. Bruxelles, 6 mars 1 9 5 6, Revue, 19 5 6, p. 31 3 et les references citees· en note; Cass. franc., 18 novembre 194 7 et Paris, 21 janvier 1948, Revue, 1954, pp. 16 7 et 1 70; cfr aussi Cass., 19 fevrier 1940, Revue, f948,

p. 110; Comm. Bruxelles, 30 mars 1948, Revue, 1948, p. 114; Comm. Verviers, 27 octobre 1960, Revue, 1962, p. 53).

Quant au sens des mots de l'arrete de 1934 « participer a !'ad­ministration et a la surveillance ... » on lira le jugement du tribu­nal de premiere instance de Bruxelles du 26 septembre 1956, Revue, 195 7, p. 98.

L' argumentation subsidiaire de la Cour, soit le principe general · aux termes duquel les incapables peuvent etre choisis comme man~ dataire, parait inadequate. Elle laisse en effet sans solution le point de savoir ce qu'il en est de l'acte accompli par une personne a laquelle la loi interdit particulierement I' exercice de ce mandat. Encore faut-il remarquer aussi que, suivant la theorie de I' organe, un administrateur n' est pas un mandataire vis-a-vis des tiers.

Jacques 1

T KINT

Avocat pres la Cour d'appel de Bruxelles.

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N° 5046. - Cour d'appel de Bruxelles (4° eh.). - 26 juin 1961. Sieg. : MM. Bernard, pres.; Beckers et Emond, cons.; Baron van den Branden

de Reeth, av. gen. Plaid. : MMes Jean Scoriels et A. Marechal, avoc.

( Etablisseme1its P. Plasman c/ S. A. R utex Product.)

Societe anonyme. - Adminiswation assumee notamment par une autre societe anonyme. Validite sous reserve de conformite aux statuts de cette derniere.

La designation d'une societe anonyme a la fo11iction d'administrateur d'un·e autre societe ( anonj1me) .ne vicie pas la composition du conseil d'admbnistration de cette derniere.

La capacite juridique d'une societe est cependant limitee par les statuts sociaux et l'acceptation par elle d'un mandat d'administrateu1· n'est valable que pour autant qu' elle soit conciliable avec ses statuts.

A bon droit, cette condition etant realisee, sont rejetes les moyens de nullite d'exploit et d'irrecevabilite d'action tires de ce que les poursuites ont eu lieu a la diligence d'un conseil d'administration irregulier en ce qu'il ne compo1·te que deux personn·es physiques et une societe anonyme.

ARRET.

I. Quant a la validite de l'ajournement et a la recevabilite de !'action : Attendu que l'appelante pretend l'ajournement nul, et a tout le moins !'action

de l'intimee non recevable, les poursuites ayant eu lieu a la diligence d'un conseil d'administration irregulier, en ce qu'il ne comporte que deux personnes physiques et une personne morale, la societe anonyme Galeries de I'Est, juridiquement inca­pable, en cette qualite, d'etre administrateur;

Attendu que la question de la capacite d'une societe d'assumer le mandat d'administrateur d'une autre societe, n'est pas resolue d'une maniere concordante par la doctrine, tout au moins en Belgique; que la doctrine fran9aise ne peut etre consultee qu'avec beaucoup de circonspection, eu egard aux differences de la legislation des deux pays en la mati~re;

Attendu que les adversaires •de cette capacite ne sauraient fonder leur opinion sur une disposition prohibitive de la loi; que pour la justifier, ils proposent divers arguments, tires du caractere personnel du mandat d'administrateur, mandataire direct de l'assemblee, de la necessite de sauvegarder le libre jeu des dispositions penales susceptibles de frapper l'administrateur, des difficultes et des entrave& a la ·bonne administration de la societe, auxquelles donnerait lieu la solution oppo­see ( voy, notamment : W AUWERMANS, n° 297; R .P.D .B., v0 Societes anony­mes, n° 707; J. HEENEN, De la possibilite, pour une personne morale, d'etre l'organe d'une societe, clans Rev. prat. Soc., 1954, n° 4358);

Attendu que, si serieuses que soient ces objections, elles se heurtent a la regle rappelee recemment par la Cour Su,preme, que «pour tous les actes juri­diques que n'exclut pas sa nature d'etre moral, une societe anonyme a, en prin­cipe, la meme capacite que celle d'une personae physique, si la Joi ne l'a pas

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restreinte » (Cass., 31 mai 1957, et avis de M. le Procureur General HAYOIT de TERMilCOURT, Rev. prat. Soc., 1957, n° 4718);

Attendu que l'exercice d'un mandat d'administrateur dans une autre societe n'est pas contraire a la ngture ·de l'etre moral, lequel peut accomplir l'acte juri­dique par son organe, son propre conseil d'administration, et !'executer par delegation a l'un des membres de celui-ci, que, d'autre part, aucun texte legal n'interdit l'acte;

Attendu qu'il faut done admettre en principe que la designation d'une societe anonyme a la fonction d'administrateur d'une autre societe ne vicie pas la compo­sition du conseil d'administration ·de cette derniere (FREDERICO, t. V, n° 417; VAN RYN, t. Jer, n° 371) ;

Attendu que la capacite juridique d'une societe est cependant limitee par les statuts sociaux, et que l'acceptation par elle d'un mandat d'administrateur n'est valable que pour autant qu'elle soit conciliable. avec ses statuts (FRE:DERICQ, loc. cit.) ; .que l'appelante soutient qu'en l'espece, l'acceptation du mandat par la societe anonyme Galeries de l'Est serait etrangere a son objet social;

Attendu que l'objet de cette societe comprend toutes les operaions se rappor· tant au commerce de meubles et articles id'ameublement en general, mais que ses statuts l'autorisent, en termes tres larges et qualifies d'interpretation exten· sive, a s'interesser par les voies les plus diverses a toutes entreprises ayant en tout ou en .partie un objet connexe au sien ou simplement susceptible d'accroitre son activite sociale; qu'en participant aux affaires de la societe Rutex, qui comportent les .produits d'entretien, les couleurs et les vernis, dont l'emploi en matiere d'ameublenient est loi~ d'etre inconcevable, la societe des Galeries de l'Est a pu legitimement estimer qu'elle s'orientait vers un domaine suffisam.ment connexe a son objet social pour ne pas s'ecarter de celui-ci; que, des lors, l'oh­jection ide l'appelante manque en fait;

Attendu qu'il n'est, d'autre part, point conteste que la societe anonyme Galeries de l'Est a ,tSte regulierement autorisee par son propre conseil d'administration a accepter la fonction 1d'administrateur de la societe intimee, et qu' elle en a regu. lierement delegue l'exercice a l'un de ses adm.inistrateurs;

Attendu que c'est done a bon droit que le premier juge a rejete les moyens de nullite d'exploit et d'irrecevabilite d'action invoques par l'appelante;

Par ces motifs, la Gour,

Oui'. M. l'avocat general Baron van den Branden de Reeth en son avis conforme, emis sur la question de la validite de l'ajournement et de la recevabilite de l'aetion, a I' audience publique du 19 juin 1961;

Re~oit les appels, ... Declare l'appel principal non fonde ...

Observation. - Cet arret fait I' objet d'un pourvoi en cassation.

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N° 5047. - Cour d'appel de Paris. - 20 mars 1959. Sieg. : MM. Molinier, pres.; Desangles, av. gen. - Plaid. : MMes Chresteil,

Gravier, Launais et Toulouse, avoc. {Lombard c/ Courat.)

I. Societe entre concubins. - Preuve. - Ecrit pas indispensable. - Vie commune insuffisante. - II. Societe entre concubins. - Pas creee pour favoriser Jes relations hors mariage. - V alidite.

I. Si, en vertu des articles z834 C. c. et 39 du Code de comif1terce, la co1t·stitu· tion de toute societe doit donn·er lieu a un ec1·it, il est adm,is en jurisprudence qu'entre assocUs l'existen·ce d'une societe de fait peut etre etablie, pour le passe, en vue de sa liquidation~ meme en !'absence d'un acte con·stitutif.

Lorsqu'il s'agit de concubins, la vie commune ne suffit pas a etabtir la societe de fait.

II. Un contrat entre personnes qui entretiennent hors mariage des relations intimes est nul si ce con·trat a ete conclu en vue de l'etablissement, de (a conti· nuation ou de la 1·ecompense de ces relations. Une societe de fait peut avoir existe en·tre concubins.

ARRET.

Statuant sur l'appel, interjete le 28 decembre 1957, par le sieur Andre-Emile Lombard, d'un jugement du tribunal civil de la Seine rendu le 14 novem;bre 1957, qui a autorise la demoiselle Courat a rapporter la preuve de certains faits arti· cules a l'appui de la demande introduite par la dite demoiselle en declaration de !'existence d'une societe ide fait entre elle et le sieur Andre Lombard, pere de l'appelant, et en partage et liquidation de la dite societe; ensemble sur les canclusions de l'intimee tendant a la confirmation du jugement entrepris;

Considerant qu'il est constant que le sieur Andre Lomrbard et la demoiselle Courat, qui se sont connus en 1921 dans l'etablissement oil ils travaillaient l'un et l'autre, sont devenus a cette date amant et maitresse et que leur liaison a dure jusqu'au deces d'Andre Lombard, le 31 juillet 1952; que cette liaison etait notoire et qu'apres le deces de la dame Lombard, survenu le 12 juillet 1943, le sieur Lombard vint habiter avec la demoiselle Courat; qu'a partir de 1927, Andre Lombard, avec lequel la demoiselle Courat continua a travailler, crea sous son nom un fonds de commerce de mecanique generale, devenu ensuite une entreprise de fabrication d'accessoires electriques, qui, apres une periode de stagnation, prospera a partir de 1938 et donna lieu a la creation, de 1941 a 1946, d'une societe anonyme et de deux societes a responsabilite limitee dont la majeure partie des actions et parts furent at;tribues a Andre Lombard; qu'Andre Lombard a laisse pour unique heritier son fils, Andre-Emile Lombard, qui a recueilli les actions et parts de son pere; que la demoiselle Courat soutient qu'il a existe entre elle et Andre Lombard une societe de fait et que c'est cette societe, qui est proprietaire des actions et parts attribuees a Andre Lombard, lors de la creation des trois societes anonyme et a responsabilite limitee consti· tuees pour la gestion ides entreprises com.merciales qui appartenaient a la societe de fait; que pour l'etablir, elle a fait une offre en preuve que le tribunal a accueillie en se fondant tant sur !'existence d'un commencement de preuve par

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ecrit que sur le caractere pertinent et admissible des faits articules; qu'en cause d'appel, l'appelant demande a la Cour de rejeter l'enquete et de debouter de piano la demanderesse qui, de son cote, conclut a la confirmation du juge­ment entrepris et fait une offre en preuve complementaire;

Considerant qu'il convient d'examiner successivement si la societe :de fait est possible, si elle est licite, par quels moyens son existence peut etre prouvee, et dans l'hypothese ou la preuve testimonale est admise, si !'articulation faite par la demoiselle Courat est s~ffisamment vraisemblable et si chacun des faits articules est pertinent et admissible;

1° Possibilite de la societe de fait :

Considerant que si en vertu des articles · 1834 du Code civil et 39 du Code commercial, 'la constitution de toute societe doit donner lieu a un ecrit, il est admis en jurisprudence qu'entre associes !'existence d'une societe de fait peut etre etablie pour le passe en vue de sa liquidation, meme en !'absence d'un acte constitutif, si par ailleurs sont remplies a l'egard des deux associes les condi· tions de fond de !'existence de toute societe, c'est-a-dire les apports, la partici· pation aux benefices et aux pertes et I' affectio societatis;

Considerant qu'une telle societe peut avoir existe entre personnes quelconques et notamment entre concubins; qu'il s'agisse d'un veritable concubinage ou d'une simple liaison sans habitation commune, d'un concubinage simple ou d'un concu· binage adultere, la loi ignorant les relations hors mariage en matiere contrac· tuelle et .tous contrats etant, sous la reserve qui va etre indiquee plus loin, permis entre concubins ;

Consi:derant toutefois que lorsqu'il s'agit de concubins, la vie commune ne suffit nullement a etablir la societe de fait et que le pretendu associe doit faire la preuve de la reunion des trois conditions de fond sus rappelees ;

Considerant, en consequence, qu'une societe de fait a pu exister entre Andre LoII11bard et la demoiselle Courat aussi bien a l'epoque OU leur liaison n'entrai­nait pas la vie commune que· durant celle-ci;

2° Liceite de la societe de fait :

Considerant qu'aux termes des articles 1131 et 1133 du Code civi,l sont nuls les contrats qui ont une cause prohibee par la loi, ou sont contraires aux bonnes mreurs OU a l'ordrc public, qu'iJ en resulte qu'un contrat entre personnes qui entretiennent hors mariage des relations intimes, est nul si ce contrat a ete conclu en VUe de }'etablissement, de la continuation OU de la recompense de ceS relations;

Considerant qu'il n'en est pas ainsi en l'espece; que les relations intimes entre Andre Lombard et la demoiselle Courat ont commence plusieurs annees avant la creation du fonds de commerce dont la gestion aurait donne lieu a la constitu· tion de la societe ide fait; qu'il n'est ni etabli ni meme articule que cette societe aurait ete. creee pour decider la demoiselle Courat a continuer ces relations in times OU pour la recom:penser d'y COllSentir j

Considerant, sans doute, qu'une autre cause immorale du contrat pourrait etre trouvee clans le comportement de Lombard si la societe de fait l'avait amene a detourner au profit de sa maitresse et au detriment de sa famille legitime les produits de son travail, mais qu'il n'en est non plus pas ainsi; qu'il n'est ni etabli

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ni articule que Lombard ait prive sa famille de la contribution qu'il devait apporter a son entretien, et qu'au contraire, c'est la demoiselle Courat qui'. se plaint, si l'existence de la societe ne dev:ait pas etre reco.nnu.tr, d'etre priivee,, a.u profit de la famille legitime de son concubin, de la jouissance de bien~ pro~ena1_1t en partie du travail de toute sa vie;

Considerant enfin que la societe de fait dont il s'agit, si la preuve en etait rapportee,· resterait distincte des societes anonyme et a responsabilite limitee constituees par Lom:bard, et ne serait don~ pas .. en contradiction avec le contenu des actes de ces societes; qu'il serait seulement etabli que les droits .de Lorn· bard dans ces dernieres societes appartiennent en realite a la societ~ de ~ait;

qu'aucune violation des dispositions des articles 1834 du Code civil et 41 du _Code de commerce sur la sauvegarde du contenu des actes de societe ne peut done resulter de I' existence de la societe de fait;

Considerant qu'il n'apparait done pas que la societe de fait dont se prevaut Ja demoiselle Courat ait une cause immorale ou illicite;

3• Preuve de la societe de fait:

Considerant que le premier juge trouvant dans une lettre ectite a sa :maitresse par Lombard, de New York, en 1948, dont un. passage est ci.te dans le jugement; un commencement de preuve par ecrit, a autorise la preuve testimoni11le; ·_

Considerant sans doute que le passage de la lettre retenµ- par_ le premier juge n'a pas le caractere que celui-ci lui a rcconnu, mais qu'il n'est nullement be~oin d'un commencement de preuve par ecrit pour que la preuve testimoniafe soit admissible;

Considerant, en effet, et sans qu'il y ait meme lieu de rechercher .. si l'impos·· sibilite dans laquelle la demoiselle Courat se serait trouvee a raison de la· nature de leurs relations d'obtenir de Lombard un e~rit lui permettant en_ appli~ation de l'article 13481 par. 1er, du Code civil, d'etablir par temoins l'existence.-de la societe de fait, que cette existence, s1agissant par definition d'un~ -s~ci~te qui n'ii dcnne lieu a aucun ecrit, peut etre etablie par to us moyens et ineme . par pt6~ somptions, et que le juge peut l'iriferer des circonstances de la cause et de l'intention des parties qu'il apprecie souverainement;

... (la suite sans interet).

Observations. - Les societes e.ntre concubins ont deja fait I' obw jet de notes publiees en cette revue ( cfr note COPPENS sous Rennes, 22 mai 1950, Revue, 1952, p. 293, et sous Cassation fran~.aise,

3 novembre 1953, Revue, 1954, p. 244,; note HENRYsous Com~ merce Liege, 2 8 fevrier 1 9 5 6, Revue, 1 9 5 6, p. 2 0 5). L' ~volution de la j.urisprudence beige relevee clans ces etudes semble se-- confirw

mer.

Le concubinage et la vie eo'rrimune qu'il implique entrainent

necessairement une tnise en comm tin de certains· bien.c · Cette· _situa­tion ne doit pas etre confondue avec celle qui resulte'd'une activite

lucrative exercee eventuellement· en commun par. les concubins

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(Liege, 7 decembre 1 9 5 l, Revue, 1 9 5 4, p. 2 3 9) . Une comparai~

son imparfaite permettrait de dire qu' il y a entre ces deux situa;.

tions · la meme difference que ceUe qui, clans le cadre du mariage, existe en.tie le regime matrimonial des epoux et la. socie.te com­

mer~iale que, s.ous certaines conditions, ils constituent .entre -eux. Si la- confusion entre ces deux situations essentiellement distinctes

est a. I' origine de la coinplexite de la matiere, il faut ·reconnaitre

qu' en fait il est parfois bien difficile de distinguer I' une de I' autre (cfr notamment le jugement du Tribunal de Gand, Revue, 1961, p. 300; Liege, 7, de~embre 1951, Revue, 1954, p. 239).

Plusieurs theses ont ete avancees pour expliquer la « situation

patrimoniale » decoulant du concubinage; certains auteurs ont parle d'une sorte de regime matrimonial, d'autres ont songe au

contrat de societe, d' autres encore a une societe · ou a une com­

munaute de fait. M. R; DEKKERS examine ces theories clans une

note sous I' arret de la Cour d' appel de Bruxelles du 20 juin 194 7

(R.C.J.B., 1948, pp. 11 0 et suiv.; cfr aussi I' examen de jurispru­

dence de Mme GEVERS, R.C.].B., 1953, p. 326, n° 30). Avec cet auteur et cette decision, je crois qu'il faut admettre

qu~ le, concubina~e (independamment de tout exercice d'une

activite lucrative) ne cree aucune situation juridique nouvelle. Les

coricubins peuvent done revendiquer les biens dont ils prouvent qu'ils sont proprietaires. Quant aux biens dont la preuve de pro­

priet~ ne serait pas rapportee, ils constituent une indivision ou

c~pr<?priete regiepa_r I' article 5 77bis du Code civil ( cfr aussi Paris, 29 janvier 19 53, Revue, 1954, p. 240). C' est le -tribunal civil qui

serait competent pour connaitre d'une telle action (Comm; Liege,

24 fevrier 1956, Revue, 1956, p. 202) .

.. .. . Mais ·tous les concubins ne se contentent .pas d'avoir une vie

privee c_ommune; certains exercent auss1 ensemble une activite

lucrative~

.Nous verrons que cette activite commune est loin d' entrainer

necessairemen t I' existence d' une societe ~n tre eux. Mais le pre­mier probleme que je voudrais r~ppeler est celui de savoir si une

, I

fociete peut · e:X:i"ster entre concubins. · . II y a>quelques annees, la Cour d' appel de Bruxelles -(Revue, 1949, n° 4100) excluait fa possibilite de creer une soci6te entre

concubins. Elle estimait en effet « que les concubins n' ont pas

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I' affectio societatis ... et ... que leur volonte de mettre des biens en commun serait du reste inefficace, cette mise en commun n' etant qu'un moyen de realiser des fins que les bonnes mreurs reprou­vent ».

Les auteurs ( cfr notamment en Belgique M. FREDERICQ, t. IV, n° 2 1 , et DE PAGE, t. IV, n° 2 6) ont montre ce que cette these pouvait avoir d' outrancier. La realisation en commun d'un bene­

fice a-t-elle neces~airement pour resultat de favoriser les relations hors mariages? Ce serait affirmer de fa~on hative « que les socie­tes entre concubins ne visent qu' a leur procurer les ressources indispensables a leur communaute » (note COPPENS sous Rennes,

22 mai 1950, Revue, 1952,_p. 293).

La jurisprudence fran~aise, sans voir une societe a cote de tout concubinage, bien au contraire, admet cependant la possibilite d'existence d'une societe entre concubins (Cass. fr., 25 juillet 1949, Revue, 1952, p. 290; Cass. fr., 17 novembre 1952, Revue, 1954, p. 26; Cass. fr., 1 decembre 1952, Revue, 1954, p. 243;

Cass. fr., 3 novembre 1 9 5 3, Revue, 1 9 5 4, p. 2 44; Rennes deja cite; Paris, 29 janvier 1953, Revue, 1954, p. 240; la decision com­mentee et Cass. fr., 14 fevrier 1961, D.H., 1961, Sommaires, p. 71, rejetant le pourvoi contre cette decision.)

La jurisprudence beige semble, dans sa majorite, suivre main­tenant I' enseignement des tribunaux de nos voisins du Sud.

Le 7 decembre 1951, la Cour d'appel de Liege (Revue, 1954, p. 239) disa_it « qu'il n'existe aucun obstacle legal ace qu'un cou­

ple, lie par des liens illegitimes, contracte valablement une asso­ciation de fait pour exercer en commun une activite lucrative » ( cfr dans le meme sens Comm. Liege, 2 4 fevrier 1 9 5 6, Revue, 1956, p. 202). Avant cela le Tribunal de premiere instance de cette meme ville avait admis qu' en principe il peut se creer entre concubins une indivision ou communaute de fait dont la liquida­tion et le partage peuvent etre demandes (Civ. Liege, 12 juin 1948, Revue, 1948, n° 4055). L'arret de la Cour de Gand du 4 juillet 195 5 (Revue, 1962, p. 5 2) admet justement que les dispo­sitions principales de I' acte de societe ne sont pas entachees de nul­lite, car bien que conclu entre concubins, ce contrat n'avait pas pour but de favoriser ou renforcer le concubinage ( cfr aussi Comm. Bruxelles, 27 decembre 1956, Revue, 1958, p. 128).

Par contre, le Tribunal de Gand (cfr le jugement du 29 fevrier

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1956, Revue, 1961, p. 300) ne semble pas enclin a reconnaitre

l' existence d'une societe constituee entre des concubins.

* * * Mais si on doit admettre que des concubins peuvent constituer

des societes entre eux, encore ne faut-il pas. en conclure qu' une

societe entre concubins est necessairement. valable.

En effet, pour qu' une telle societe ne soit pas contraire a l' ordre

public et aux bonnes mreurs, il faut qu' elle ne soit notamment pas

erigee pour favoriser OU renforcer le concubinage ( cfr notam­

ment Com. Liege, 24 fevrier 1956, Revue, 1956, p. 202). 11 con­viendra, clans chaque cas d' espece, de rechercher l'intention des

concubins. Ont-ils seulement voulu exercer en commun une acti­vite lucrative ou, au contraire, ont-ils recherche, en creant une

societe, a faciliter leurs relations coupables} L' arret de la Cour

d'appel de Gand du 4 juillet 1955 (Revue, 1962, p. 52) analyse

a ce sujet judicieusement la valeur du contrat clans son ensemble

et la validite d'une de ses clauses .en particulier.

Serait ainsi contraire a l' ordre public la societe entre concubins qui aurait permis a l'un d'eux de detourner, au profit de l'autre

et au detriment de sa famille legitime, le produit · de son travail

( cfr l' arret comm en te) . * **

Si, sous reserve de l' ordre public et des bonnes mreurs, une

societe peut etre constituee entre concubins, encore faut-il aussi

que les elements du contrat de societe soient reunis ( cfr notam­

ment Comm. Bruxelles, 2 7 decembre 1956, Revue, 1958, p. 129). Ainsi que le disait la Cour d' appel de Paris clans un arret du

29 janvier 1953 (Revue, 1954, p. 240): « La cohabitation, ~eme prolongee, de personnes non mariees est insuffisante pour prouver

la constitution d'une societe de fait entre concubins ... , I' existence

d'une telle societe ne peut etre reconnue que si les conditions

exigees pour la formation du contrat de societe se trouvent rem­plies ... » (cfr aussi Cass. fr., 3 novembre 1953, Revue, 1954, p. 244, et 25 juillet 1949, Revue, 1952, p. 290, et la decision

rapportee) . Souvent il sera .difficile de differencier la copropriete resultant

de la vie commune de la societe resultant de l'activlte lucrative

commune. Frequemment <« les concubins ne visent pas a fonder

une societe a but commercial, mais simplement a vivre ensemble

en gagnant leur subsistance » (SAVATIER, note sous Civ. Seine,

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3 mars 1922, D.P., 1924, 2, 9 et suivants, cite par Comm. Bruxel#

les, 27 decembre 1956; cfr aussi Paris, 29 janvier 1953, Revue, 19 54, p. 240). C' est a celui qui invoque I' existence d'une societe de la prouver.

II faut rechercher principaleme.nt, non tant si les concubins ont

respecte les formes du contrat de societe (on sait que les societes

dites de fait ou irregulieres possedent la personnalite juridique;

cfr VAN DER MENSBRUGGHE, Des societes constituees sans acte ecrit ou dont l' acte constitutif n' a pas ete publie, Revue, 19 5 7, pp .. 1 03 et suiv.)

mais surtout s'ils ont mis des biens et/ ou une activite en commun

en vue de partager les benefices en provenant.

C' est cependant un raisonnement hatif que de deduire, comme

le Tribunal de Gand reproduit sous le numero 5023, !'absence

d' affectio societatis de I' existence du concubinag·e ( cfr supra) ..

* ** Enfin, on doit s'interroger sur les modes de preuves d'un contrat

de societe entre concubins.

L' article 1834 C. c. stipule que toute societe doit etre formee

par ecrit lorsque son objet est d'une valeur de plus de 3.000 F. Cette disposition, contrairement a !'article 4 des lois coordonnees

sur les societes commerciales, ne fait pas de I' ecrit un element Cle

validite du contrat. C' est une application de I' article 1341 C. c.

(FREDERICQ, t. IV, n° 97). Mais, en matiere commerciale !'article 1341 C. c. peut etre

ecarte par !'article 25 de la loi du 15 decembre 1872, qui prevoit

la possibilite de prouver les engagements commerciaux, notam#

ment par presomptions. Aussi admet#on que I' existence d'une

societe commerciale irreguliere peut etre prouvee, entre associes,

par toutes voies de droit (Cass., 4 decembre 1924, Revue, 1925, n° 262 7; Comm. Liege, 19 fevrier 192 7, Revue, 192 7, n° 2800; Bruxelles 14 decembre 1928 Revue, 1930 n° 3019; Liege, 7 fe­

vrier 1951, Revue, 1954, p. 239). Mais si; en matiere commerciale, I' existence d'une as·sociation

de fait petit etre etablie par toutes voies de droit, « encore n' est#ce

que sous I' appreciation prudente du juge ... qui ... ne doit l'admet~

tre qu' avec circonspection et seulement s'il n' a pas ete possible

OU d'usage de se reserver une preuve ecrite » (Comm. Liege,

24 fevrier 1956, Revue, 1956, p. 202). Jacques 'T KINT

Avocat pres ta Cour d'appel de Bruxelles.

N° 5047

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N° 5048. - Tribunal de commerce de Bruxelles ( 6e eh.). 31 decembre 1960.

Sieg. : MM. De Bluts, pres.; Corbiau et de Deyn, juges; Scheyvaerts, ref. Plaid. : MJMes E. A. Flagey et G. Scoriels, avoc,

(Societe de !'Exposition c/ Marinof Vasil.)

Societe anonyme. - Action en justice. - Representation par un comite executif pris au sein du conseil d'administration. - Disposition statutaire l'auto1isant. - Validite.

Il n'est pas requis que la representation d'une societe anonyme en· justice soit assumee par son conseil d'administration, mais seulement que l'assignation porte !'identification des man·dataires qui ont pouvofr de la representer a cet effet.

Rien dan'S la loi n'interdit a la societe de conf erer ce pouvoir a des matida­taires speciaux et notammen·t d'autoriser son comeil d'aJ.ministration a designer dans son sein un comite executif ayant le pouvoir de poursuivre toutes actions judici'aires.

JUGEMENT.

Attendu qu'a tort le defendeur deduit ses exceptions de nullite de !'assignation et d'irrecevaibilite de la demande du fait que cet exploit enonce que la deman­deresse est representee aux fins de la demande par son comite de direction, qui n'a, statutairement et legalement, d'autre pouvoir que de diligenter la poursuite de la demande, et la regle juridique a appliquer voulant que la representation d'une societe ano-nyme en justice soit assuree par son c'onseil d'administratio-n;

Attendu qu'il est seulement requis que !'assignation signifiee a la requete d'une societe anonyme porte !'identification des mandataires qui o-nt po-uvoir de la representer a cet effet;

Que rien dans la loi n'interdit a la societe de conferer ce pouvoir a des man­dataires speciaux;

Attendu qu'aux termes de !'article 18 des statuts de la demanderesse, son conseil d'administr_ation pourrait designer dans son sein un comite executif, dont ii determinerait lui-meme la composition, les pouvoirs et le mode de delibera­tion;

Qu'il resulte du proces-verbal de la reunion du dit conseil d'administration, tenue le II mars 1954, que cet or.gane a decide de co-nferer au comite executif, constitue par lui, le pouvoir de poursuivre toutes .actions judiciaires, tant en

I

demandant qu'en defendant, ce droit comportant ce~ui de plaider, transiger ou compromettre; ;

Qu'en lui do-nnant un tel pouvoir le conseil d'administration de la societe dcmanderesse a necessairement donne a son comite executif celui de representer la societe en justice;

Qu'il importe peu qu'il ait ajoute « mais au nom de la societe, poursuites et diligences de son conseil d'administration »;

Que dans un tel contexte, cette addition ne peut au plus imposer que la forme dans laquelle le comite executif exercera son pouvoir;

Qu'elle ne peut etre inspiree que par la preoccupation d'assurer en tout cas la regularite de procedures et d'eviter toute contestation a ce sujet, mais qu'elle

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µ'est pas de nature a diminuer l'etendue du pouvoir expressement confere au comite executif;

Attendu qu'il ne s'agit done pas ·d'une question de pouvoir et de representa­tion, mais au plus d'une nullite de forme, qui aux termes de l'article 173 du Code de prodedure civile ne peut etre admise que s'il est justifie qu'elle nuit aux interets de la partie adverse;

Que le defendeur ne fait valoir aucune cause de prejudice; Que le moyen doit done etre repousse; Attendu que ce moyen a id'ailleurs d'autant moins d'interet pour le defendeur

que la societe demanderesse se trouve actuellement en etat de liquidation et que les liquidateurs, dont la qualite pour ce faire n'est pas contestee, declarent reprendre !'instance;

Qu'il y a lieu de Ieur donner acte de cette declaration qui ne fait pas l'objet tl'une contestation;

(La suite sans interet.)

Observations. - Le probleme parait ne pas avoir ete pose de savoir si I' action dont le tribunal de commerce etait saisi ne debor~ dait pas du cadre de la gestion journaliere et n' etait pas de ce chef susceptible d' exceder les pouvoirs de delegation du conseil d' ad~ ministration.

Cfr sur ce problem~ J. LEHRER (Revue, 195 7, n° 465 7) et P. DEMEUR (Revue, 1961, n° 4953).

N° 5049. - Loi du 28 deqembre 1961 prorogeant l'application de Ja Joi du 15 juillet 1959 tendant a favoriser }'absorption OU la fusion de societes et l'apport de branches d'activite (Moniteur du 18 janvier 1962, p. 348).

Article unique. Aux articles l'er, § ler, alinea ler, et 2, alinea ler, de la loi du 15 juillet 19591 tendant a favoriser J'absorption OU la fusion de societes et J'apport de branches d'activite, les mots « jusqu'au 31 decembre 1961 » soot rempfaces par Ies mots « jusqu'au 31 decembre 1962 ».

Promulguons la presente Ioi, ordonnons qu'elle soit revetue du sceau de l'Etat et publiee par le Moniteur beige.

N° 5050. - Loi du 28 decembre 1961 modifiant la loi du 27 mars 1957, relative aux foods communs de placement et modifian.t le Code des droits de timbre et le Code des taxes assimilees au timbre (Moniteur du 18 janvier 1962, p. 347).

Article rer. Les articles 12 et 14 de la loi du 27 mars 1957 relative aux foods communs de .placement et modifiant le Code des :droits ·de timbre et le Code des taxes assimilees au timbre, soot abroges.

N° 5050

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Art; 2. L'article 18 de Farrete du Regent du 26 1um 1947, contenant le Code des droits de timbre, confirme par l'article 101' de la loi du 14 jtiillet 1951; est remplace par les dispositions suivantes :

« Article 18. Sont assujettis a un droit de 1,60 p.c., les titres nominatifs ou au porteur emis par des personnes physiques OU morales etablies en BeLgique en representation, en tout ou en partie, d'actions, obligations ou effets publics quel­conques emanant d'autorites, collectivites OU societes etrangeres, OU de quotite d~ pareils effets, en ce compris les certificats crees en representation des parts de copropriete des participants a un foods commun de placement gere ou admi· nistre par une personne etablie en Belgique,

» Le droit est calcule sur la valeur cumulee des effets puhlics etrangers OU

de la quotite d'e.ffets publics etrangers que le titre OU certificat represente. La . base. est arrondie, le cas echeant, a la dizaine' de francs superieure.

» La valeur a prendre en consideration est celle notee au demier prix courarit publie par ordre du gouvernement avant la date de l'exigibilite du droit ou, a defaut de notation au prix courant, la valeur venale declaree par l'emetteur sous le controle de !'administration.

» Les dispositfons du present article ne sont pas applicables lorsque !'emission a lieu a l'etranger, a condition que les modalites de !'emission. permettant de differencier le·s titres emis a l'etranger de ceux emis en Belgique soient preala­blement app-rouvees par le Ministre des Finances ou son delegue. »

Art. 3. Dans l'article. 20 du meme arrete du Regent, un alinea redige comme suit est insere entre les alineas 1 et 2 :

« Le meme droit est applicaible aux titres nominatifs OU au porteur emis a l'etranger clans les conditions precisees a !'article 18, dernier alinea. »

Art. 4. L'article 1er de la presente loi entre en vigueur le 31 decembre 1961.

Art. 5; Le Ministre des Finances fera rapport au padement pour le 31 decem· bre 1965 sur le fonctionnement des fonds communs de placem:ent, ainsi que sur !'application de la presente loi.

Promulguons la presente loi, ordonnons qu'elle· soit revetue du sceau de l'Etat et publiee par le Moniteur beige.

N° 5051. - Colloque international de droit europeen.

L'association beige pour le droit europeen a organise a. Bruxel~ les, les 12, 1 3 et 14 octobre 196.1, un colloque dont les tr-avaux portaient sur

1° Fusion des societes (rapporteur general : M. le Professeur

Houin; rapport beige presente par M. le Professeur J ;. G. Renauld);

2° Lois anti-trust (rapporteur general : M. le Professeur Ber­nini; rapport beige presen te par M. P. Van Reepinghen) ;

3° Vente avec primes {rapporteur general: M. Marcel Gregoire; rapport beige presente par Me W. Van Gerven).

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Voici le texte de la resolution votee par l' assemblee en matiere

de fusion de societes :

Consiiderant que la fusion de societes peut constituer un instrument de progres economique qui presente un interet particulier dans les relations du Marche Commun.;

Emet le voou :

lo Qu'une convention entre Jes Etats membres. conclue par ap·pJication de !'ar­ticle 220 'du Traite de Rome, reconnaisse la vaJidite des fusions entre societes relevant de deux ou plusieurs legislations de ces Etats membres;

. 2~ Que cette convention etende aux fusions visees a l'alinea precedent le regime fiscal applicable dans ~haque Etat membre aux societes relevant de sa legislation; que la meme absence de discrimination fiscale soit appliquee aux scissions de societes et aux apports partiels d'entreprises dans les Etats membres qui soumettent ces operations a un regime fiscal particulier;

30 Que, par application de !'article 54, III g) et eventueHement de !'article loo

du Traite de Rome, soient prises les mesures de coordination des legislations nationales afin que :

a) soit affirme dans toutes les legislations des Etats rnembres le principe que par Je seul effet de la fusion, Ja societe absorbante ou nouvelle se trouve substi­tuee aux droits et obligations de toute nature de la societe absorbee ou des socie­tes fusionnantes ; '

b) que dans l'interet des associes et des creanciers toute fusion fasse I'objet d'une verification: soit de la part d'une autorite judiciaire, soit de la part d'une administration publique, soit de Ja .part de commissaires verificateurs, soit par tout autre moyen presentant une efficacite analoigu:e;

c) qu'une publicite adequate soit organisee en faveur des actionnaires et des creanciers des differentes societes intervenantes j

d) qu'a la suite de cette pUJblicite un delai uniforme soit ouvert pour permet~ tre aux creanciers d'exercer un recours devant l'autorite judiciaire ou administra­tive du siege social de la societe debitrice afin que des garanties leur soient fournies a moins que la fusion ne risque pas de porter atteinte a ieurs interets; que si de telles garanties ne pouvaient leur etre foumies, les creanciers ileraient recevables a demander I' execution immediate de leurs droits j

·e) qu'a !'expiration de ce meme delai, aucune action en nullite ne puisse plu1 etre dirigee contre !'operation de fusion, seule une action en dommages-interet9 pouvant etre eventuellement dirigee contre les organes des societes et contre la societe absorbante ou nouvelle.

Le Colloque tienrt a ajouter qu'il serait souhaitable que ces reformes relativet a la fusion des societes soient suivles dans Ies delais les plus brefs d'une harmo­nisation des legislations nationales ou d'une convention concernant :

a) la publidite des sooietes, b) !'execution des jugements, c) la faillite,

ces matieres etant directement liees a la protection des interets des associes et des tiers a !'occasion OU a la suite d'une fusion de societes relevant de legisfa. tions nationales differentes.

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BIBLIOGRAPHIE

N° 5052. - Jean SERVAIS et E. MECHELYNCK, Les Codes et les lois speciales les plus usuelles en Belgique, 30° edition, par Jean BLONDIAUX, substitut du Procureur general pres la Cour d' appel de Liege, et Jean MASQUELIN, juge au Tribunal de premiere instance de Charleroi, delegue au bureau de coordination du Conseil d'Etat; 5 vol. in 8'0 , t: {er, 1 040 pp., t. II, 102 7 pp., t. III, 746 pp.; t. IV, 840 pp., t. V, 3 76 pp., plus, dans chaque volume 312 pp. de tables. (Bruxelles, Etablissements Emile Bruylant, 1961, prix global 2.400 F.)

Au temps de notre jeune·sse, les « lois les plus usuelles » tenaient en un volume; a ce volume nous donnions une sympathie empreinte de familiarite, conscients que nous etions d'en pouvoir connaitre en gros la_ matiere. Mais la matiere a cru, s'est multipliee, et ce n'est pas sans quelque effroi et decontenance que nous avons assiste a ce phenomene, eprouvant a present le souci d'i,gnorer non pas seulement le detail de la legislation, mais son architecture meme au-dela des grandes lignes, et les communications entre les differentes ailes de la construe· tion.

Perdue la sobriete primitive, repandue en plusieurs volumes la matiere grossie, le praticien se trouvait devant un edifice (un complexe, d'irait-on aujourd'hui) a plusieurs portes, dont on ne savait souvent laquelle em\p·runter, fut-ce apres avoir lu les panneaux d'entree, et l'on ignorait, une fois en&,age, si l'on avait acces a !'ensemble de ce qu'on entendait aborder.

Sans doute des tables generales servaient-elles de guide : un volume de 900

pages dans !'edition de 1959 des Codes Servais. M\ais_ pour l'emploi hors de la salle d'audience, du cabinet ou de la bibliotheque, quelle difficulte de maniement.

L' edition de 1961 (la 30°) nous donne a presentj la matiere etant divisee en cinq . tomes, des tables qui se trouvent reparties dans chacun des volumes, et perm et ainsi une consultation isolee, accompagnee, des references, ·s'il y a lieu, au volume que l'on n'a pas sous la main.

Tel est, parait-il, le principal merite a souligner de !'edition actuelle. 11 n'est, er: effet, pas besoin de revenir sur celui des editions anterieures, qui se trouve naturellement integre dans !'edition .presente.

P. D.

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N° 5053. -. - Recueil annuel de.jurisprudence belg,e, publie sous la

direction de Charles VAN REEPINGHEN, ancien Batonnier de

FOrdre des Avocats a la Cour d'appel de Bruxelles; Professeur

a l'Universite de Louvain; Tables Decennales 1949-1958, par

Jacques PuTZEYS, Aime DE CALUWE, Jacques 'T KINT, Guy VAN FRAEYENHOVEN, Claude VAN HAM, Avocats a la Cour d'ap~

pel de Bruxelles. (Maison Ferd. Larcier, S.A., 1961, 743 pages,

1200 F.)

Chaque fois que je me trouve devant l'une de ces tables offrant la substance de ce qui, au COUrS d'e plusieurs annees, a ete publie en une matiere OU pour un recueil donnes, je me sens saisi d'admiration pour le merite de ceux qui pretent ainsi un la,borieux concours a la connaissance juridique sans qu'au~une couronne leur soit promise - d'admiration et de confusion aussi en me jugeant incapable de pareil sacrifice.

Quelle taohe necessaire cependant si l'on veut voir survivre ce qui defile au rythme precipite de notre epoque !

Parmi les repertoires ainsi elabores, celui qui nous est aujourd'hui presente est sans doute l'un des plus copieux. II nous est confie que le Recueil annuel a collige quelque 70.000 decisions de justi~e et etudes de doctrine. Parmi les­quelles combien interessent la matiere des societes? Un grand nombre, on le constatera, en nous excusant de n'en avoir pas fait le compte.

Le tout n'est pas cependant d'accumuler. II s'agit de classer, avec le sens juri­dique de l'endroit convenant aux differents articles, en maniere telle qu'a la fois les categorisations logiques soient respectees et le consultant y trouve chaque chose a la plade OU ii peut le pressentir.

Les auteurs y ont reussi et toute gratitude leur est due. P.D.

N-0 5054. - Le contribuable et l'Etat, par Camille ScAIL TEUR. -

Editions de la Societe cl' etudes morales, sociales et juridiques,

Louvain, 1 961, 1 7 2 pp.

En un style alerte et concis et sous une presentation de choix, l'auteur, deja connu par ses recherohes sur le devoir fiscal, nous donne un livre cons acre aux rapports entre le contribuable et l'Etat. Sujet brulant s'il e,n est mais qui n'altere pas la serenite scientifique de l'auteur. M. Camille SCAILTEUR n'a pas dis· perse sa pensee et, tout au long des pages de son expose, la rigueur des develop· pements ne quitte pas le theme qu?it nous propose.

11 s'est attache tout d'abord aux differentes conceptions du devoir fiscal depuis l'Anitiquite jusqu'a nos jours. Notre epoque ne .met plus guere en parallele que deux systemes, celui, d'inspiration socialiste, qui vise a la redistribution des reve· nus par les canaux de la fiscalite, et celui, inspire de solidarisme, qui s~ fonde sur le devoir de cooperation au bien common selon les moyens de chaque memlbre de fa communaute.

Quelle est la valeur morale intrinseque de la loi d'impot? La fraude est aussi

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mal,saine pour l'individu qu'elle est nuisible a la collectivite, Elle n::iine la securite contractuelle en falsifiant les clauses et les modalites d'une operation juridique. Elle initie au mepris de Ja loi en general et, circonstance puisee dans la justice distributive, elle aggrnve le fardeau des concitoyens.

II y a toutefois des limites au devoir fiscal. L'auteur expose brillamment ce qu'est la liberte de choisir la voie la moins imposee (oblique sed non simulate) et la regle qui retourne -contre le Iegislateur fiscal le doute sur la portee d'une loi (in dubio contra fiscum).

Dans le domaine de la psychologie des contribuables, l'auteur releve 'que la classe possedante, lourdement taxee, se considere comme la minorite lesee qui fait les. frais des depenses votees par les parlementaires au profit de leurs elec­teurs. Cette classe estime que le jeu de la loi du nombre est fausse par l'inter­vention des parlementaires qui ont un interet electoral au galvaudage. de~ deniers publics. Elle reagit par !'evasion des capitaux taiidis que dans le·s classes moyen· nes, la . fraude est le plus souvent une dissimulation rudimentaire de revenus professionnels. Avec justesse, l'auteur remarque que la fraude devient parfois une forme d'oppo•sition politique-:-

Quels sont les devoirs de l'Etat? La question, en elle-meme, est heureuse et l'auteur doit en etre felicite. La principale caracteristique de son ouvrage est, selon nous, ce souci d'equilibre entre les devoirs du contribuable et ceux de l'Etat. Certes, la loi fiscale est une loi de subordination a l'Etat, auteur et bene· ficiaire de cette loi, contrairement a la loi civile qui est un arbitrage par l'Etat d'un conflit d'interets, mais les efforts des contribuables ne doivent pas demeu· rer sans echo, « Que, par ailleurs, le contribuable decouvre de serieuses raisons de croire que les gouvernants se servent de l'impot comme d'une arme de lutte partisane .... il en vient a considerer l'impot comme une· extorsion » (p. II7). L'auteur rappelle que l'Etat ne peut quitter, par besoin de rendement, le chemin de la bonne foi ni depasser un taux maximum ou «breaking point». Nous ajoute­rons que le citoyen, im1puissant comme electeur a obtenir l'assainissement des depenses publiques, reagira comme contribuable pour que l'impot des uns ne paie pas l'incom.petence des aUJtres.

Rien n'autorise, id:it l'auteur, a ecarter les sanc:tions penales dans le domaine des fraudes fiscales. Cependant, devant un delit fiscal, le Tribunal se trouvera place dans une position moins severe que devant un delit . ordinaire, a la fois parce qu'il n'existe pas 1de reprobation sociale des fraudes fiscales et parce que le contribuable fraudeur n'est pas un delinquant en 'etat d'agressivite sociale.

Les lecteurs de la Revue retiendront I' opinion de l'auteur qui est hostile a la mise des titres au nominati:f car elle serait nuisible a l'ec'onomie nationale. II approuve le precompte •de l'impot complementaire personnel qui n'est qu'une variante de perception. II rejette la deductibilte des impots payes, ceux-ci n'etant pas une « charge du revenu » mais un « facteur de production».

L'ouvrage de M. SCAILTEUR vient a son heure. Les idees qu'il contient sont appuyees par son autorite et son experience. Qu'elles ne soient pas perdues, au seuil de la reforme fi~cale et qu'elles evitent de la rendre illusoire. La fraude sin.on se colorerait de plus en plus d'opposition a un regime incoherent et, sur le phm moral des lois justes, deviendrait •de moins en moins une tricherie.

Pierre. COPPENS.

No 5054