monsabré. exposition du dogme catholique. 1873-1890. volume 05

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    JOHN M. KELLY LIBDADY

    N riEriORY OFCARDINAL GKORG?] FLAHIFF CSB

    1905-1989

    University ofSt. Michael's Collge, Toronto

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    CONFERENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS

    EXPOSITIONDU

    Dogme CatholiqueCAREME 1877V

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    PROPRIETE DE L'EDITEUR

    L'diteur rserve tous droits de reproduction et detraduction.

    Imprimatur :Parisiis, die 8 decembris 1901.

    i Franciscus, Gard. RICHARD,Arch. Parisiensis.

    Cei ouvrage a t dpos, conformment aux lois,en janvier 1905.

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    Confrences de Notre-Dame de Paris.

    EXPOSITIONDUDOGMECATHOLIQUE

    PRPARATION DE L'INCARNATIONPar le T. R. P. J.-M.-L. MONSABR

    des Frres PrcheursONZIME DITIONCARME 1877

    PARIS (Vie)P, LETHIELLEUX, Libraire - diteur

    10, RUE Cassette, 10

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    APPROBATION DE L'ORDRENous avons lu, par ordre du T. R. P. Provincial, les

    Confrences prches par le T. R. P. Jacques-Marie-LouisMoNSABR, prdicateur gnral, lesquelles sont intitules :Exposition du dogme catholique. Prparation de Vin-carnation. Carme 1877. Nous les avons juges dignesde l'impression.

    Fr. Amomx VILLARD,Matre en sacre Thologie

    Fr. Paul MOXJARDET,Prdicateur GnralImprimatur :

    Fr. Thomas FAUCILLON,Prieur provincial

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    VINGT-CINOUIME CONFRENCELE PLAN DE L'INCARNATION

    CARME 1877. 1.

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    Digitized by the Internet Archivein 2011 witii funding from

    University of Toronto

    littp://www.arcli ive.org/details/expositiondudogm05mons

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    VINGT-CINQUIME CONFRENCELE PLAN DE l'incarnation

    Credo in Jesum ChristumJe crois en Jsus-Christ.

    minentissime Seigneur, Monseigneur', Messieurs,

    Pendant les quatre annes qui viennent des'couler, nous avons, en expliquant le premierarticle du Symbole, dvelopp tout un plan devrits et d'actions divines qui s'imposent notre croyance et commandent noire admira-tion. Avant toutes choses et au sommet detoute existence. Dieu est. Simplicit parfaite etplnitude infinie, tre personnel et vivant,unit et trinit, ternellement il se contemple,s'admire, s'aime, se bnit et n'a besoin que delui-mme pour tre heureux. Cependant sabont le presse de rpandre le bien dont ilpossde la plnitude, et de faire participer

    1. Son rainence le cardinal Guibert, archevque deParis, cl Monseigneur Ravinet, ancien vgue do Troye.

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    LE PLAN DE L'INCARNATION.

    d'autres tres sa flicit. En cela son desseindpasse les tendances de toute nature cre etcrable. C'est son essence mme, vue face face et sans voile, qu'il se propose de donner la crature, comme objet suprme de son ter-nelle batitude. Gonsquemment ce dessein,il cre l'univers, ensemble harmonieux d'exis-tences, auquel il communique l'empreinte de saperfection, chelle merveilleuse d'tre et de vie,au milieu de laquelle se tient l'homme dont lanature mixte relie le monde suprieur des in-telligences au monde infrieur de la matire;l'homme, image et ressemblance de son cra-teur, dou comme lui d'intelligence, d'amour etde libert, plus grand que les espaces par lapense, plus fort que le temps par l'indestruc-tibilit de son me, et, comble de l'honneur,divinis par la grce. Crateur du monde, Dieule gouverne. Tout marche sous l'impulsion desa souveraine volont. La libert elle-mme seplie, sans dchoir, ses vues et ses comman-dements; le mal, cdant aux pieuses industriesde son infinie sagesse, concourt finalement autriomphe du bien, et la crature raisonnable,prvenue par la grce, gurie de ses misres,

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    LE PUN DE L INCARNATION.perfectionne par la lutte, la pratique des ver-tus et l'union de son me avec la suprme per-fection, confirme dans le bien, par une derniregrce, prend possession du bonheur surnaturelpour lequel elle a t cre.

    Voil, Messieurs, le rsum des vingt-quatreconfrences dans lesquelles j'ai trait, successi-vement, de l'existence, de l'tre, des perfections,de la vie, de l'uvre et du gouvernement deDieu. J'y vois un dessein complet sur lequelDieu pourrait arrter notre croyance et a l'ex-cution duquel il pourrait limiter son action. Ce-pendant ce dessein n'est, en ralit, qu'une por-tion du plan grandiose conu par l'ternellesagesse et excut par la toute-puissance denotre crateur. L'heure est venue de connatrece plan dans sa totalit et d'en tudier toutes lesmagnificences. Nous entrons dans le mystrechrtien par excellence, Messieurs ; prparezvous de nouveaux actes de foi qui, bien loind'humilier votre raison, grandiront ses vues, etia transporteront dans un monde inconnu de lanatui'e o elle sera inonde de lumires inesp-res.

    Je commence cette seconde nartie d

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    LE PIAN DE l'incarnation.

    uvre dogmatique par la prparation de l'in-carnation, et, aujourd'hui je veux expoiti leplan de ce grand et ineffable mystre.

    I

    Un architecte ne dresse point pour une de-meure vulgaire le mme plan que pour un pa-lais, point pour nn palais le mme plan quepour un temple. Le plan d'une uvre dpen-dant de la fin que se propose celui qui le dresse,demandons-nous quel tait le dessein de Dieuquand il se dcidait h crer le monde. Voulait-il contenter l'inclination naturelle qui le porte faire le bien, et manifester sa gloire par labeaut de son ouvrage? Cela n'est pas douteux,Messieurs ; mais h cela l'uvre divine, telle queje l'ai dcritejusqu'ici, suffisait et au-del. Dieuvoulait davantage. Quoi donc? Il voulaitpousser l'extrme la tendance se communi-quer qu'il lient de sa suprme bont ; il voulaitmanifester au dehors ses infinies perfections danstoute leur splendeur; il voulait donner sonouvragele plus haut degr de gloire et de beautqu'il ft capable de recevoir. Il le voulait! l'en-

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    LE PLAN DE L'INCARNATION

    .

    seignement catholique l'affirme, et nous donnela preuve de ce vouloir dans le mystre qu'ilpropose notre foi: l'incarnation, union intim?de la nature divine et de la nature humaine enl'unique personne de Jsus-Christ, Verbe deDieu, Fils ternel du Pre et homme commenous.

    Sans doute, Messieurs, nous ne connaissonspas le plan de Dieu parce que nous avons p-ntr dans les profondeurs de sa pense etscrut ses intentions; mais la pense et les in-tentions de Dieu nous sont rvles par l'excu-tion de son plan que l'aptre saint Jean dcriten cette page sublime de son vangile: a Aucommencement tait le Verbe, et le Verbetait en Dieu, et le Verbe tait Dieu. Toula tfait par lui, rien n'a t fait sans lui, et tout cequi a t fait tait vie en lui et ce Verbes'est fait chair et il a habit parmi nous, efnous avons vu sa gloire, gloire du Fils uniquedu Pre, et il nous est apparu plein de grceH de vrit K a

    i. In principio erat Verbura, et Verbum erat apud Denm,et Deus erat Verbum. Omnia per ipsum facta sunt, et sineipso faclumeslnihil, quod factum est, in ipso vita erat... Jt

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    Le Verbe s'est fait chair ! Ce mystre, accom-pli dans le temps, est vu et dcrt de touteternit. C'est le fondement prordonn, lacl de vote, la pice principale et matressede l'uvre divine. Tout vient de l, tout va l,tout se tient par l, et il ne fallait rien moinsque cela pour remplir les intentions de notregrand Dieu.En eiet, Messieurs, si le Verbe se fait chair,

    l'action communicativedeDieu, au lieu de s'ar-rter en de de sa tendance, comble ses vuxet va jusqu'au bout de son naturel mouvement.Dieu ne peut pas se donner davantage. Il rpandses dons sur la nature, et dans chacun deses dons nous pouvons reconnatre un ves-tige de son tre infini ; il communique notreme la lumire de l'intelligence, et dans cettelumire nous pouvons admirer l'empreinte desa face adorable ; il entre plus profondment etplus intimement en nous par la grce, mais lagrce qui nous fait vivre de sa vie n'est qu'uneforme surnaturelle et cre; il veut se donnerVerbum ca>'0 factum esl, et habitavit iii nobis, el vidimusgloriam ejus : gloriam quasi unigeniti a Ptre, plnumgratise et verilalis. (Joan., cap. i, 1 et seq.)

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    LE PLAN DE L'INCARNATION,

    lui-mme dans la gloire du ciel, mais il ne peuttre que l'objet intelligible de notre ternellecontemplation. Rien de tout cela ne contentela tendance infinie qu'il a de se donner; car ilreste encore un dernier don h faire, le don delui-mme selon son tre propre, naturel et per-sonnel, de telle sorte qu'on puisse dire : UnDieu est homme, un homme est Dieu. Ce donDieu le veut, sa grande et gnreuse naturesuivra sa pente et passera par tous les progrsde l'effusion. Dans la matire inerte il souffleral'esprit de vie et il fera la crature raisonnable :c'est bien; la crature raisonnable il com-muniquera sa grce et il la fera sainte : c'esttrs-bien ; la crature sanctifie il fera voirson essence et il la rendra bienheureuse : c'estparfaitement bien; enfin la crature raison-nable, sainte, bienheureuse, il unira hypostati-quement son Verbe et il la fera Dieu : c'est lecomble, les communications divines sont pui-ses.En second lieu, si le Verbe se fait chair les per-

    fections ternelles, ncessairement empreintesen toute uvre divine, se manifestent avec unesplendeur infinie. Nous avons lu dans les nom-

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    10 LE PLAN DE L'iNCARNATION.

    bres inexprimables de la cration, dans la loi del)rogrs qui rgle la perfection ascensionnelle(les tres, dans la loi de pntration en vertude laquelle ils se donnent l'un l'autre ces troismots rvlateurs : Puissance, sagesse, amour;combien plus dans cette cration mystrieusequi rsulte de l'union intime et personnelle derinfmi et du fini!

    Dt-il, tous les instants dont se compose lecercle interminable de la dure, multiplier lesnombres et accrotre la perfection des tres, Dieune peut produire que des images rduites etlointaines de son tre et de sa perfection. Si excel-lente qu'elle soit en son essence, sublime en sonaction, radieuse en ses manifestations, la cra-ture reste toujours une distance infmie derincr. Il n'y a pas de nombre qui puisse me-surer cet abme, pas de formule qui puisse enexprimer l'insondable profondeur. Cependant, merveille de puissance ! le Verbe se fait chair,et l'abme est combl, et les nombres sontvaincus, et le fini, tout coup appel par la forced'en haut, franchit l'espace qui le spare de l'in-fini, laisse absorber ce moi qui rsiste la dentmeurtrire du temps, aux transformations si

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    LE PLAN DE L'iNCAFlNATlON. 11

    souvent victorieuses de la matire, aux in-fluences dominatrices des autres moi, et vachercher sa subsistance dans l'infini qui luicommunique sa grandeur, sa perfection, sapropre vie. Grer des milliards d'univers cen'est qu'un jeu, en comparaison de l'acte pro-digieux qui transporte ainsi le cr dans l'in-cr.

    Cet acte de puissance est command et di'rig par la sagesse ternelle dont les vues sur-passent, en ce mystre, tous les desseins quenous avons admirs dans la sublime ordon-nance de l'univers, tous ceux que nous pour-rions supposer, tous ceux que Dieu lui-mmepourrait concevoir pour l'arrangement descrations possibles, qui demeureront ternelle-ment inexcutes dans les profondeurs de sonessence. Vous avez reconnu. Messieurs, entudiant l'harmonie du monde, le signe caract-ristique de la sagesse : le rappel de la diver-sit l'unit. Les nombres groups par desforces centralisatrices ; la progression des treshabilement mnage par des similitudes quirelient l'iin ;i l'autre les degrs de la vastechelle sur laquelle ils montent vers la perfec-

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    12 LE PLAN DE l'LNCaRNATIOI.

    (ion; l'immense varit des existences soumise1 des lois simples qui rglent leur composi-lion etrhythment leur mouvement ; la violenceies contrastes corrige par des imitations; leslatures infrieures pntres par les naturessuprieures jusqu' ce qu'elles soient rsumesdans un vivant, l'homme, dont la nature mixteest la note d'appel des nombres de la terre, lecentre harmonique, le monde abrg danslequel viennent se souder les deux ples de lacration: la matire et l'esprit; tout cela estadmirablement exprim par ce beau mot d'uni-vers que vous donnez l'uvre de Dieu, nompar lequel vous louez la sagesse ternelle, enproclamant l'unit qui est le fruit de son actiondirigeant l'action de la toute-puissance. Ce-pendant, toute merveilleuse qu'elle est, l'unitdes tres crs ne leur donne qu'une perfectionlimite. Il reste en prsence le fini et l'infini,dualit persistante que les accroissements ter-nels du fini ne rsoudront jamais en unit.Mais voici que l'infini, obissant aux desseins dela sagesse, s'abaisse sans dchoir vers le fini, efces deux disparates, que leur nature loigne ter-nellaraent l'une de l'autre, ne sont plus qu'un

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    LE PLAN DE L'INCARNATION. 13

    seul tre, un seul vivant, une seule personne.Le Verbe se fait chair, et l'unit de tout ce quiest dans le ciel et dans les espaces est consom-me. Tous les nombres sont absorbs dans lesimple, tous les progrs sont couronns par lasuprme perfection, toutes les pntrations sontacheves par la pntration divine; le crateuret la crature, le fini et l'infini, sans perdre nimler leur nature, n'ont plus qu'une seule etmme subsistance dans la personne du Verbeincarn.

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    14 LE PLAN DE l'iNCARNATION.

    Toute plnitude ! Comme cela est vrai, Mes-sieurs, si nous considrons avec quel art l'unitse fait, pour qu'il n'y ait plus rien dsirer. Cen'est pas l'ange que le Verbe doit emprun-ter la nature cre laquelle il va s'unir.L'ange reprsente, il est vrai, la plus noblepartie de l'univers, mais non pas tout l'univers.Tout l'univers, c'est la nature humaine, fille,par son me, du monde des esprits; rductiontypique du monde de la matire, par soncorps, o se donnent rendez-vous tous les l-ments, toutes les compositions, tous les mou-vements, toutes les volutions, toutes les vies.Le Verbe se fait donc chair pour mieux rali-ser ce conseil de la sagesse divine : Faire detoutes choses une seule chose : Qui fecit iitra-que unum ^ .A cet effet il s'humilie, et par l'humiliation

    il se donne, suprme manifestation de l'amour.Se donner, n'est-ce pas la dernire ressourceet in terra; visibilia et iiivisibilia, sive throni, sive dorai-naliones, sive principatus, sive poteslates : Omnia parIpsum et in ipso creata sunt. Et ipse est ante oranes, etomnia in ipso constant... Quia in ipso complacuit oranemplonitudincm inhabitare. (Coloss., cap. i, 15, 16, 17, 19.)

    I. Eplies., cap. ii, 14.

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    de celui qui aime, aprs qu'il a puis tous lesbiens? L'amour va au-devant des besoins eldes dsirs; Famour ouvre ses trsors et lesrpand pleines mains; l'amour prodigue lestendres paroles, les conseils, les encourage-ments, les consolations, les services dvous;l'amour dsesprant de se faire comprendre dit l'aim : Ah! je donnerais ma vie pour vous.Qu'est-ce dire, Messieurs, sinon que l'amourn'est satisfait que par l'effusion du plus granddes biens. Mais la crature ne peut donner ense donnant elle-mme qu'un bien de peu devaleur, si on le compare l'immensit de nosdsirs et aux largesses de la divinit. De sonsein, ouvert par l'amour, Dieu a laiss pleuvoirtoutes les richesses de la cration. Nous nevivons que de ses dons, nous sommes nousmmes le premier don de sa bont. Aux tr-sors de la nature il a ajout les trsors de lagrce. Mais il n'a pas encore donn le biensuprme en personne. Le voici! Le Verbe sefait chair; le monde affam ouvre ses bras, lesaisit et s'crie : A moi le souverain bieniEmmanuel! Dieu est avec moi.

    Ce cri trange appelle notre attention, Mes-

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    noblesse de sa race, l'lvation de ses penseset la grandeur de ses sentiments, Dieu regarde la tte du monde qu'il a cr pour juger desa valeur! merveille! le monde a une physio-nomie vraiment divine. La face qu'il prsente l'infini est le miroir vivant de sa substance, lasplendeur de sa gloire, l'image adquate et sub-stantielle de ses ternelles perfections. Dieu s'yreconnaissant s'incline vers lui et lui dit, avecune amoureuse complaisance : Tu es monfils, je t'ai engendr dans l'aujourd'hui qui n'ani commencement ni fin : Filins meus es, tu egohodi genui te\ t>

    Ce n'est pas tout, Messieurs. Le monde divi-nis dans son fond, par le mystre de l'incar-nation, doit l'tre ncessairement dans touteson action, en vertu de ce principe: L'oprationsuit l'tre : Operari sequitur esse.

    Nous avons appel divmes les uvres de lagrce. Elles le sont en etfet; mais par transfor-mation et non par mission directe. Une formefcommuniquee modifie l'essence de notre me,sans que la nature qui la communique appar-

    1 . Psalm. II.CAEMB 1877. 2

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    fondes; taisez-vous, chants de la nature veillepar les caresses du jour ; taisez-vous, grandevoix de l'humanit ; taisez-vous, churs harmo-nieux des anges et laissez parler le Verbeincarn. Ouvrage de Dieu, il connat Dieucomme Dieu se connat lui-mme, il aime Dieucomme Dieu s'aime lui-mme; il bnit doncDieu comme Dieu se bnit lui-mme. La reli-gion du temps gale celle de l'ternit.

    Rsumons ces considrations. Messieurs. Ennous transportant par del tous les temps,nousdemandons Dieu de nous rvler ses intentionsdans la cration du monde, et voici la rponsequi nous est donne. Dieu veut pousser l'ex-trme la tendance se communiquer qu'il tientde sa suprme bont; il veut manifester audehors ses infinies perfections dans toute leursplendeur ; il veut donner son ouvrage le plushaut degr de beaut et de gloire qu'il soit ca-pable de recevoir. L'incarnation du Verbe tantseule capable de remplir ces intentions, cemystre entre dans le plan de l'univers commele fondement prordonn, la cl de vote, lapice principale et matresse de l'uvre divine.

    l semble donc que Dieu ne doit pas attendre,

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    et que le Verbe fait chair va apparatre auxorigines du monde, pour couronner immdiate-ment l'ouvrage des six jours. Le premier sangde l'humanit sera pour lui, et bientt leshommes, ses frres, participants de son inno-cence et de son immortalit, viendront segrouper autour de sa radieuse majest. Plusbeau que toutes les cratures, il fera plir lesastres par l'clat de sa lumire, l'Ocan gonflerason sein pour fter sa prsence, les montagneset les collines tressailliront son aspect, lesarbres des forts inclineront leur cime vers sonnoble front, la nature dploiera autour de lui etsous ses pieds ses plus riches parures, les fleursprodigueront leurs parfums, les vivants accour-ront, de tous cts, au-devant de ses caresses,l'humanit dans le ravissement admirera sescharmes et lui demandera, d'une voix tendre etsoumise, la rvlation suprme de sa divinegloire, les anges descendront vers la terre pourprendre ses messages. Tout sera devant luiadoration, louange, action de grces; et lui, roimagnifique, il rpandra pleines mains sesbienfaits et ses grces ; pontife glorieux et sou-riant, prcenteur subHme, coryphe la voix

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    22 lE PLAN DE L'INCARNATION.

    gouvernement, ou bien qu'elle modifie ses des-seins, pour parer aux accidents, c'est la rabaisser notre taille et lui prter nos infirmits. Toutest prvu quand elle dcide quelque chose. Sesplans sont d'une seule venue, et les instants deraison que nous imaginons pour les analyser nesont que des fictions de nos faibles intelligences.Cependant comme nous n'avons pas son re-gard et que, parlant, il nous est impossible decomprendre la parfaite simplicit de ses des-seins et de ses actes, il nous faut bien recourir l'analyse. Nous venons d'employer ce procd,il ne nous a pas rendu totalement compte duplan divin de l'incarnation. Que lui manquait-ildonc? Une circonstance qui dcide de tout,Messieurs, et qui sans rien changer l'essencedu mystre ni sa destination suprme, qui estla gloire de Dieu, en modifie singulirementl'aspect; cette circonstance c'est le pch.

    Dieu le voit venir dans le monde qu'il achoisi pour procurer sa plus grande gloire, etpar un inscrutable jugement il permet soninvasion; mais en mme temps il veut le r-parer, en mme temps il dcrte que le rpara-teur sera son fils unique, revtu d'une chair

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    primer par une sonore et brillante ouverturela joie et les motions d'une belle fte, Dieufait entendre au monde le grand jeu de sesperfections.

    Est-ce que sa puissance n'est pas plus mer-veilleuse, sa sagesse plus profonde, son amourplus magnifique?

    C'est une merveille de combler, par l'unionhypostatique, la distance qui spare l'infini dufini, le crateur de la crature. Mais, dj pr-pare par la grce, la crature a fait un pas im-mense qui la rapproche de son auteur; vivant desa vie, elle rpugne moins l'union personnelle.N'est-il pas plus merveilleux d'aller la chercheraux frontires du nant o elle s'est enfuiepar le pch? Non-seulement l'abme franchiest plus profond, mais Dieu nous montre ceque nous aurions ignor en tout autre tat ;combien il est fort contre le mortel ennemi deson infinie majest. Pour le combattre, dtruireson empire et rparer, sur un plan plus gran-diose, les ruines qu'il a faites, sa toute-puissanceest aux prises avec des impossibilits dont elletriomphe. L'ternel nat, l'immuable crot enge, rimpasyble souffre, l'immortel meurt, la

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    cit \ y> Voyez-le l'uvre; c'est la peine dupch, l'humiliation et la mort, c'est le pchlui-mme qui lui sert d'instrument de gloire etde salut : L'humiliation, effacement de toutegrandeur, pour se grandir et grandir l'huma-nit ^ ! La mort, honte de notre nature si avided'immortalit, la mort qui spare, la mort quidissout, la mort qui anantit pour vivifier cegrand cadavre du genre humain d'o la vie di-vine s'est enfuie ! la mort par le plus grand descrimes pour absoudre tout crime! Choses sinormes et si incomprhensibles que le juif yvoit un scandale, le gentil une folie : Judisquidem scandalum, gentibus autem stultitiam;mais, en ralit, conseil des plus profonds quis'applique confondre, par l'apparence duscandale et de la folie, la vaine sagesse et lavaine force des hommes : Quod stultum est Deisapientius est hominihus : et quod infirmimest Dei fortius est hominibus ^

    Il est magnifique l'amour qui pousse le sou-

    l.II Cor., cap. V, 21.2. Humilitas divinilatis provectio nostra. (S. Lo. mag.,

    gerra. 52 (vel 50), De passione Domini, I, c. 2.)3. I Cor., rap. I, 25.

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    verain bien se donner en personne aprsavoir inond le monde de ses largesses ; maisle Christ radieux et dominateur, dont nous r-vions tout l'heure l'apparition aux origines dumonde, garde ncessairement des biens que leChrist rdempteur sacrifie : sa gloire et sa vie.Pour ce dernier, point de ftes dans la nature,point d'enthousiasme dans l'humanit. La pau-vret au berceau, la perscution et l'exil dsl'enfance, l'obscurit et les privations, lessueurs et les fatigues de la vie ouvrire, l'in-gratitude, le mpris, la haine, la trahison deshommes, tout cela couronn par un drame lu-gubre et sanglant : la mort sur un gibet. Quandil veut tre magnifique h l'excs c l'amour necalcule pas, l'amour ne raisonne pas, l'amourignore la mesure, l'amour tranche les diffi-cults, l'amour passe par-dessus l'impossible,l'amour, s'il ne peut autrement obtenir ce qu'ildsire, tue celui qui aime Amor necat aman-tem ' Tel est l'amour de Dieu dans l'in-

    1. Amor ignort judicium, ratione caret, modum nescit.Amor non accipit de impossibilitate solatiuni, non recipitde difficultate reraediuni. AniniTisiod ilesfdcrati. pervaserit,necat amantem. (Petrus (jlirysolog., Serm. c\L\n, De Incar-nationis sacramento.)

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    28 LE PLAN m l'incarnation.cariiation rparatrice. L'excs de sa magnifi-cence va jusqu' ce point,que les biens dont ilest si prodigue ce n'est pas sur des amis qu'illes rpand, ce qui serait dj grand; massur des ennemis : C'est vraiment trop : Ma-gnum est magna dareamicis et proximis ; nimisinimicis\

    Si je ne me trompe, Messieurs, l'introductiondu Verbe rdempteur dans le plan de l'incarna-tion nous donne un accroissement de la mani-festation des perfections divines. Cependant cen'est pas encore le grand jeu que Dieu veutnous faire entendre. Deux perfections, que nouseussions peine connues dans une cration im-macule, prside par le Verbe incarn, vien-nent renforcer le chur de la puissance; de iasaeesse et de l'amour. Vous avez nomm la mi-sricorde et ia justice.

    Les magnificences de i amour divin ont dvous faire pressentir cette touchante perfectionqui met Dieu en rapport avec ia misre. 11 en apiti; mais son inaliraDle nature, dit saintThomas, ne se prte qu' l'acte suprme de a

    1. Opsc. Di Eu ariii.' atiriLu sirot Thomas

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    misricorde, qui consiste chasser la misre :Repellere miseriam maxime coinpetit Deo . l\ne peut pas s'en attrister. C'est pourtant ce qu'ily a dplus louchant dans la misricorde. Oui,compatir la misre, s'approprier la misre,souffrir avec celui qui souffre et de ce qu'ilsouffre, faire entrer la misre des autres enson cur, rendre son cur misrable commeun autre cur pour lui montrer combien onl'aime, c'est la misricorde : Miserum, cor, mi-sria cordis, misericordia K Vous me direzpeut-tre que c'est une faiblesse, que m'importe !puisque Dieu nous l'a envie jusqu' s'en rev-tir. Ne pouvant souffrir dans son immuable na-ture il a pris la ntre, et a cru devoir se fairesemblable, en toutes choses, ses frres pour

    1. Respondeo dicendum, quod misericordia est Deomaxime attribuenda, tainen secundum effectum, non secun-dumpassionis affectum. Ad cujus evidentiam considerandumest, quod misericors dicitur aliquis quasi habens miserumcor: quia scilicet afcitur ex miseria alterius per tristitiam,ac si esset ejus propria miseria. Et ex hoc sequitur quodoperetur ad depellendam miseriam alterius, sicut miseriampropriam : et hic est misericordiae effectus. Trislari ergode miseria alterius, non competit Deo : sed repellere mi-seriam alterius, hoc maxime ei competit : ut per miseriaoEquemcumque defectum intelligamus. {Summ. Theol., I p.quaest. 21, a. 3.)

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    devenir misricordieux : Unde debuit per om-nia fratribus similari ut misericors fieret '

    .

    lldisait son cur, attendri par la compassion,qu'il pourrait mieux nous secourir dans nosm.aux s'il les supportait lui-mme, ne serait-ce que par l'exemple de sa patience. Toutes nosdouleurs retentissent donc dans son me et danssa chair, avec tant de force qu'il pleure, gmit,souffre plus que tous les hommes ensemble, etqu'on pourra l'appeler le roi des misricor-dieux. Il pleure dans sa crche, il pleure dansses veilles solitaires, il pleure sur le tombeaud'un ami, il pleure sur la colline d'o il con-temple en Jrusalem l'ingrate humanit, ilpleure au jardin solitaire o nos misres lui ap-paiaissent si horribles qu'il est prs d'en mou-rir; il est vraiment l'homme de douleur : Vi-rum dolomm ^ o: Seigneur, s'crie le vn-rable Louis de Grenade, qui vous a attir encette valle de larmes? qui vous a jet naissantdans une table? qui vous a emport faible etproscrit sur la terre trangre? qui vous a con-

    (. Heb., cap ii, 17.t. Virum dolorum i scienlein inrmitalem. (Isai.,

    cjip. uu, 3.)

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    L PLAN DE L'kNCARNATION. 31

    damn aux sueurs, aux veilles, aux sollicitudeset fatigues de l'apostolat, aux courses sur mer? sur terre, par monts et par vaux aprs laorebis gare? Christ, vrai Samson de l'huma-nit opprime par le Philistin d'enfer, qui a livos pieds et vos mains? qui vous a dpouillde votre force et livr k vos ennemis? qui vousa attach la colonne? qui a dchir votrechair, rompu vos membres, bris vos veinesd'o s'est rpandu le fleuve de votre sang? quia dessch vos lvres et rempli votre bouched'amertume? Enfin qui a dress la croix ovotre corps sacr n'tait plus qu'une plaie?Dites-le moi, Christ, dites-le moi, je vous enprie! n'est-ce pas l'amour, mais un amour im-mense et plein de grce, comme il convient celui qui est la misricorde mme '? y>

    Oui, Dieu est la misricorde mme, sonVerbe rdempteur me l'apprend; mais pourquoi3e luxe d'humiliations et de souffrances? Pour-quoi, Messieurs" parce que Dieu veut que,dans son uvre, ia justice parle du mme tonet sur le mme rhythme que les autres perfec-

    A. Mdit, m sur la Passion de Jsus-Christ, chap. in

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    32 LE PLkH DE l'INGARNATIOM.

    tions. Tout l'tre divin doit se manifester. Nous pouvons voir la justice divine dans la dis-tribution des biens qui conviennent chaquenature. Toutefois nos yeux infirmes ont peine ne pas la confondre avec l'arnour qui donneet la sagesse qui ordonne. Le mal moral, je vousTai dj fait remarquer, nous la rvle d'unemanire plus distincte et plus clatante, parceque le propre de la justice est d'en poursuivrele chtiment ' . Toutes les peines de la vie :labeur ingrat, privations, maladies, infirmits,dceptions, angoisses, chagrins, tortures ducorps et de l'me, forment un lugubre cortgequi entoure, presse, harcle, accable le pcheur,et que la justice divine conduit jusqu'aux portesdes abmes ternels. Vous l'avez vue passer.Messieurs, cette perfection jalouse, peut-treque vos ttes coupables s'inclinent, l'heurequ'il est, sous ses coups; cependant vous neconnatrez ses profondeurs sacres qu'en con-templant le Christ sauveur.

    Infinie comme son tre, la justice de Dieu ne1. Voyez neuvime confrence : L,a Volont divine

    fBxt partis.

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    .E PLAN DE l'incarnation. 33

    peut tre satisfaite que lorsqu'elle a gal lechtiment l'offense. L'quilibre de ces deuxchoses est son triomphe et sa plus compltemanifestation. Mais o trouver dans la cra-tion la matire d'une peine qui gale le pch?Il se dtourne du souverain bien, il le nie, et,autant qu'il est en lui, il le dtruit, car il vou-drait le rduire l'impuissance et le voir dispa-ratre, pour le remplacer par quelque bien su-balterne auquel il a riv les dsirs de l'mehumaine \ La majest qu'il outrage, dit saintThomas, lui donne une sorte d'infinit qu'au-cune satisfaction d'un tre fini ne peut compen-ser ^ Quel bien, en effet, pourrait sacrifier le

    1. Utinam vel rbus istis (scilicet terrenis) essel contentavoluntas, necin ipsum (horribile dictu) desaevirel auctorem.Nunc autem et ipsum, quantum in ipsa est, Deum perimitvoluntas propria; omnino enim vellet Deum peccata sua autvindicare non posse, aut ea nescire. Vult ergo non essfDeura, quae quantum in ipsa est, vult eum aut irapotentemut insipientem. Crudelis plane et omnino execranaa ma-litia, quae Dei potentiam, justitiam, sapientiam perire desi-derat. (Bernard. Serm. 111, De Resurrectione.)

    2. Peccatum contra Deum commissum quamdam inflni-tatem habet, ex infinitate divinas majestatis; tanto enimoffensa est major, quanto major est ille, in quein delinquitur.Unde oportuit ad condignam satisfactionem, ut aclus satis-facientis haberel efficariam infinitam, utpote et Dei, et

    CAKilE 1877. 3

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    pcheur qu'il soit possible de comparer au bieninfini qu'il a mpris et que Dieu soit tenu d'ac-cepter? Quel bien que Dieu ne soit en droit delui reprendre pour le punir de son crime avantqu'il ait satisfait? Et quand bien mme un inno-cent, s'il s'en trouve, voudrait rpondre pourles coupables, quel bien possde-t-il dont il nedoive dj l'hommage son crateur? Non,aucune crature ne peut rendre Dieu l'hon-neur que le pch lui enlve. L'immense hca-tombe de la nature entire ne nous donneraitpas la mesure des exigences de la majest di-vine *. Mais la sagesse ternelle a trouv pourtous les coupables un rpondant digne de l'of-fens. Le Verbe fait chair, revtu des haillons denotre misre, va se prsenter son pre et luioffrir des biens qu'il sera tenu d'accepter; carauciiie crance ne pse sur eux, et l'Homme-Dieu les pntre d'un mrite infini. Voil ta viohominis existens. {Summ. Theol., III p., quaest. 1, a. 2 ad. 2.)(Nota. L'infinit dont parle ici saint Thomas n'est pas ingnre entis, mais simplement in gnre moris.)

    i Tiv fiv yp ywJTwv ri yfft ox ytj .^lpiTTO; sic roUn[ayyikbiJ pv izapa^vTtv, ^Bpnav Se irapixxwaormn]. AtTOTo 0oO ;^ta rjv (0 Se lortv h Ayof), va to yit xa-rapav yevo^vou ar; s)^Btpiiayi. (S. Athanas. Oiat. I, Co!

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    lime, sainte justice! Tu as voulu une expiationqui ft digne de la majest dont tu soutiens lesdroits, et par celte exigence tu as rendu l'incar-nation en quelque sorte ncessaire; maintenantfrappe et contente-toi. Il est vrai qu'une prire,im mot, un soupir, une larme, un regard duDieu fait homme suffirait la rigueur pour tesatisfaire; mais de si petits signes nos espritsgrossiers ne verraient pas tes infinies profon-deurs. Tu humilies, tu maudis, tu multipliesles opprobres et les coups, tu arraches, tu d-pouilles, tu brises, tu crases, tu fais coulerle sang jusqu' la mort, la mort infme de lacroix, afin que, clairs par tes vengeances etplongs dans une pieuse consternation devantle drame du Calvaire, nous confessions ton im-mensit en chantant d'une voix mue : Qu'elleest grande cette justice qui il faut une si noblevictime, tant de honte et de si cruels tour-ments!

    Mystrieuse et adorable rencontre! C'estDieu qui s'irrite contre le pch, c'est Dieu quia compassion du pcheur; c'est Dieu qui seprcipite sur le coupable, c'est Dieu qui prendsa place; c'est Dieu qui frappe, c'est Dieu q\

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    s LE PLAN DE L'INCARNATION.souffre; c'est Dieu qui chtie, c'est Dieu qiRmrite le pardon '. La justice et la misricorde vont l'une au-devant de l'autre, se ten-dent la main et s'embrassent sur le cur-expirant du Verbe rdempteur ^ Dans cet em-brafssement la puissance, la sagesse et l'amourfont entendre un cri sublime. C'est le dernieraccord de votre merveilleuse symphonie, per-fections de mon Dieu! Le point d'orgue final surlequel se repose notre admiration puise parJti plnitude de vos manilestalions.

    videmment, Messieurs, dans le plan de l'in-carnation rparatrice Dieu se montre plus grandque dans tout autre plan; j'ajoute que son Verbeincarn y est plus beau.

    Le monarque pacifique, dont la radieuse ma-jest et illumin les origines du monde, si legenre humain n'et pas pch, mrite, coupsr, notre admiration; cependant, si beau qu'ilnous apparaisse dans la mystique posie de no?

    1. Suscepit ipse peccatum, ne perderet peccatores;in sesenlentiam suam judex retorsit, ut amasse se peccatoresproderet magis solvendo debitum quam donando. (S. Petr.Chrysolog. Senu. xxix.)

    2. Misericordia et veritas obviarorunt sibi, juslitia et paxoscubtae sast. (Psalis. lxxxiv.)

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    rv?s, il manqiieunedouble couronne son front:la couronne du vainqueur et du sauveur. Il estbeau pour un roi de faire asseoir avec soi sur letrne toutes les vertus, il est beau de rgner enmatre absolu sur un peuple soumis et confiantdans la force, la sagesse et la bont de celuiqui le gouverne, il est beau de rpondre auxhommages de ses sujets par la magnificence deses bienfaits. Mais quand l'ennemi arrive etpousse un cri de guerre, quand ses bataillonstriomphants ont dj cras les troupes infi-dles auxquelles tait confie la garde des fron-tires, quand il affermit son pied indolent sur lesol de la patrie comme s'il l'avait jamais con-quis, voler sa rencontre et prendre hroque-ment la tte de la bataille, rompre ses lgions,les disperser, les mettre en fuite au prix demille blessures, enfin sauver un peuple de lamort et revenir lui empourpr de son propresang, couronn des lauriers de la victoire, etplus maitre que jamais de tous les curs parle prcbtige de son courage et de son dvomeni,c'est la plus belle gloire qu'un roi puisse ambi*honnei.De cette gloire Dieu ne voulait pas priver son

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    cher fils ; aussi l'a-t-il rserv pourun monde en-vahi par le mortel ennemi de sa majest: le p-ch. Heureuse faute, s'crie l'glise, qui nous amrit d'avoir un tel rdempteur: felix culpagu talem meruit hahere redemptorem * / LeVerbe fait chair, ds le premier instant de savie passible et mortelle, entre en lutte avec lepch. Bataille effroyable o sa gloire paratsombrer avec sa vie. Rompu, sanglant, martyris,il expire sur le cadavre de l'ennemi ; mais bien-tt il sort du tombeau et revient vers les sienspour leur dire : Ayez confiance, j'ai vaincu lemonde : Confidite, ego vici mundiim \ Le pro-phte l'a vu dans son triomphe. Quel est,s'crie-t-il, celui qui vient d'dom et de Bosraavec des habits teints de sang? Qu'il est beaudans sa parure et comme il s'avance avec forceet majest! C'est moi, le Verbe qui annoncela justice et qui viens pour dfendre et sauver. Pourquoi donc, Verbe, ta robe est-ellerouge et tes vtements comme les habits deceux qui foulent la vendange? J'tais seul aupressoir, aucun homme d'entre le peuple n'est

    i. Samedi sainl. Dndiction du cierge pascal.2. Joua., cap. xvi, 33.

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    LE PLAN DE L'iNCARNATIN. 3S

    venu m'aider ; mais j'ai renvers l'ennemi dansma fureur et l'ai foul aux pieds dans ma colre,et son sang (avec le mien) a jailli sur mes v-tements et ils ont t souills. Le jour de mavengeance est dans mon cur, voici l'anne dela rdemption '. Verbe rdempteur, salut!vous tes beau dans votre gloire native et je suisravi de pouvoir vous appeler le fils de Dieu, lasplendeur du Pre, l'image vivante de sa sub-stance infinie, le premier-n de toute crature,l'hritier de toutes choses, le matre et le domi-nateur de l'univers; mais quand je contemplevotre chair ensanglante, quand je vous voisrevenir triomphant du combat de la mort, cou-ronn de gloire et d'honneur par votre passionet pour mon salut, je vous trouve plus beau en-

    1. Quis est iste qui venit de Edom, tinctis vestibus deBosra? Iste formosus in stola sua, gradiens in raullitudinefortitudinis suae. Ego, qui loquor justitiam, et propu-^nator sum ad salvandum. Quare ergo rubrum est indu-nenlum tuum, et vestimenta tua sicut calcanlium in torcu-lari' Torcular calcavi solus, et de gentibus non est virnecum ; calcavi eos in furore meo, et conculcavi eos in iranea ; et aspersus est sanguis ecrum super vestimenta raea,et omnia indumenta mea inquinavi. Dies enim ultionisin corde meo; annus redemptionis me venit. (Isai.,cap, LXiii, i-i.)

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    core, et je suis plus ravi de pouvoir vous appelerJsus! Jsus! mon Jsus!

    Dieu est plus grand, le Verbe incarn est dIubeau dans le plan de l'incarnation rparatrice;mais, Messieurs, vous n'avez pas t oublisdans ce mystre, puisque c'est pour vous et pourvotre salut qu'il s'opre : Propter nos homineset propter nostram salutem.

    En poussant l'extrme la tendance quile porte se communiquer, Dieu comble levu de notre nature , en proie depuis sonorigine au mystrieux tourment de l'infini.Elle le cherche, en effet , dans ses aspirationsreligieuses , dans ses rves philosophiques etdans les flicits trompeuses qu'elle pour-suit. Elle voudrait le rapprocher autant quepossible de sa misre pour en oublier au-prs de lui le laborieux fardeau. clairepar les traditions, elle s'crie avec le Pro-phte et les patriarches: Dieu, montre-nous ta gloire * ! Fais-nous voir ta face ado-rable et nous serons sauvs '. Cieux, rpan-dez votre rose, et que les nues pleuvent le

    1. Ostende mihi gloriam tuam. (Exod., cap. xxxm, 18.)2. Ostende faciem tuam et salvi eiimus. (Ps. jocxix.)

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    juste *. y> Infidle la, lumire et trompe parses passions, elle s'gare en de monstrueuxsystmes qui confondent le ciel et la terre, leCrateur et la crature, ou bien elle fabrique devains simulacres devant lesquels elle contenteson dsir natif de voir ce qu'elle adore ^ Cessede te tourmenter et reviens de tes erreurs,pauvre nature. Le Verbe s'est fait chair, ils'appelle Emmanuel, Dieu avec nous. Tu pour-ras le voir, le toucher, l'embrasser et attendrepatiemment sur son cur, avec la fin de tesmaux, les suprmes rvlations de l'ternit.

    Dieu veut nous faire entendre, dans la per-sonne et la vie du Verbe rdempteur, le grandjeu de ses perfections ; mais, pour peu que noustudiions fond leurs manifestations, nous d-couvrirons qu'elles ne procurent la gloire deDieu qu'en se mettant notre service. A notreraison plonge dans les tnbres et ne marchantqu' pas incertains vers la vrit, le Verbe in-carn vient apporter la lumire d'en haut. Il

    1. Rorate,cli.desuper, et nubes pluant justum. (Isai ,cap. Lxv, 8.)

    2. Ipsi gentiles ob hoc simulacra finxerunt ut in ipsiserroribus cernrent quod colebanl. (S. Petr. Chrysolog.Serm. De Incarnationis sacraviento.)

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    parle, et nos sens frapps par sa parole fixentl'attentionde notre esprit sur son autorit divine,qui devient le fondement inbranlable de notrefoi. Nous avions perdu de vue l'ternelle flicitqui nous fut promise prs du berceau de notrerace, et nos dsirs languissaient sur des biensmenteurs; l'humanit du Sauveur rapproche denous le souverain bien, et Dieu,en se faisant voir,nous redonne le got des choses invisibles \Nos curs timides et paresseux osaient peinepasser de l'adoration tremblante l'amour de ladivinit ; le Verbe immol vient rallumer ennous le feu sacr de la charit. En voyant sonamour, qui ne l'aimerait pas? En recevant delui tant de biens, qui pourrait lui refuser l'hom-mage d'une pieuse et tendre reconnaissance '?En contemplant sa touchante beaut, qui neserait ravi jusqu' tout oublier pour lui? Les sa-crifices qu'impose la vertu pouvantent notrefaiblesse, la douleur abat notre courage, la mort

    1. Ut dum visibiliter Deum cognoscimus, per hunem invisibilium amorem rapiamur . {Prfatio Nativit

    .

    Bom.)2. Si tolum me debeo pro me facto, qui addam pro me

    refecto, et refecto hoc modo" (S. Bernard. De diligenteDeo, cap. v, num .15.)

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    consterne notre nature toujours travaille parun ferment d'immortalit, et le spectacle desdfaillances dont nous sommes journellementles tmoins achve en nous l'uvre du dcou-ragement. Mais voici l'Homme-Dieu. Le premierdans les chemins du devoir et de la souffrance,il nous entrane par son exemple sur ses tracessanglantes ', son cur ouvert nous offre dansnos maux un refuge plein de paix et de dou-ceur \ sa mort couronne de gloire nous inviteau mpris des vaines terreurs qui nous agi-tent sur le seuil du tombeau ; sa suite toutbien devient possible, toute peine est oublie,toute vie se prpare joyeusement au sacrifice.Nous avions perdu le souvenir de la dignit denotre nature et nous la dshonorions par toutessortes de crimes; l'i'iion du Verbe et de l'huma-nit, les implacables svices de la justice di-vine sur la chair sacre du Sauveur nous rap-pellent chaque instant de quel prix nous som-

    1

    .

    Exemplum dedi vobis ut quemadraodum feci ita etvos faciatis. (Joan., cap. xiii, 15.)

    Christus passus estpro nobis, vobis relinquens exemplumut sequamini vestigia ejus. (1 Petr., cap. il, 21.)

    2. Venite ad me omnes qui laboratis et onerati estis etego reficiam vos. (Matth., cap. xi, 28.

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    44 LE PLAN DE L'INCARNATION.

    mes et nous font entendre cet avertissement : Reconnais, homme, ta dignit, et, devenuparticipant de la nature divine, ne dgnre}>as en retournant la vilet de ton anciennevie ' . Enfin nous gmissions dans le doubleesclavage de l'enfer et du pch; par l'embras-sement de la justice et de la misricorde en samort douloureuse, le rdempteur brise noschanes et nous rend la sainte libert des en-fants de Dieu ^

    Enfants de Dieu, nous le sommes; c'est lnotre plus excellent privilge. La beaut et lagloire que Dieu veut donner au monde par l'in-carnation s'accumulent sur nos ttes. Ce n'estpoint aux anges, c'est un homme que le Preternel dit : Mon fils. Frres d'un Dieu, nousvoyons se raliser nos rves de grandeur, et cesrares apothoses, par lesquelles notre imagina-tion s'efforait jadis de rapprocher les hrosde la divinit, deviennent, en ralit, le partagedu plus humble des mortels. Bref, Messieurs,

    1 . Agnosce dignitatem tuam ; et divinae factus consorsnaturae, noli in veterem vilitatein degeneri 'conversationeredire. (S. Lo, Serm, i De Nativitate.)

    "2. Cf. Summ. TheoL, III, p., quaest. 1. a. 2; lege totumcorpus articuli.

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    LE PLAN DE L'lNa\RNAT10N. io

    pendantqueDieu est glorifi, riiommeesLsatis-faitdanssesdsirs,confirm dans le vrai,relancvers son dernier terme, provoqu l'amourentran au bien, fortifi dans la douleur, ras-sur contre la mort, clair sur sa dignit, sauvde l'esclavage, et finalement divinis par leVerbe rdempteur.

    Voil, Messieurs, dans toute son ampleur etsa majest, le plan rel et actuel de l'incarna-tion; n'en cherchez pas d'autre. Vous pouvezcroire, avec les thologiens, que l'union de lanature divine et de la nature humaine tait pos-sible dans tout autre plan; vous pouvez penser,avec une cole illustre, qu'en vertu du dcretprsent le Verbe se serait incarn si l'hommen'et pas pch; mais, en dfinitive, si vousvoulez sortir tout fait de l'hypothse pour en-trer dans la ralit vivante, il faut vous entenir au dcret efficace qui nous a donn leVerbe rdempteur *. C'est ce Verbe que Dieu

    1. L'cole thomiste et l'cole scotiste diffrent de sen-timent sur le motif de l'incarnation. Selon les Scotistes, leplan divin de l'incarnation comporte deux dcrets ; l'un, quiregarde la substance mme du mystre et dont le motif estla glorification de la nature humaine, ce dcret fait tota-lement abstraction du pch; l'autre, qui a pour objet la

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    4!') LE PLAN DE L'iNCAli NATION

    a vu et qu'il a dcid de nous envoyer de touteternit; c'est par ce Verbe qu'il accomplit sesgrands depseins; c'est autour de ce Verbe qu'ilfait graviter son uvre; c'est de ce Verbe quedcoulent les vrits que nous tudierons dsor-mais ; c'est ce Verbe qu'il faut rattacher cellescirconstance de passibilit dans la nature que doit revtirle Verbe, et dont le motif est la rparation du pch et larestauration de l'humanit dchue. D'o il suit qu'en vertudu plan actuel et du dcret prsent le Verbe se ft incarnquand bien mme Adam et persvr dans la justice etl'eiil transmise ses descendants.

    Les fondements de cette opinion sont : l^Les paroles desaint Paul, en son ptre aux Colossiens (chap. i), par les-quelles il affirme quejle Christ est le premier-n de toutecrature, que toutes choses ont t tablies en lui dans leciel et sur la terre, qu'il est avant tous, et que tout re-pose sur lui.

    'l' Plusieurstextes des saints Pres, dont voici les prin-cipaux. oQuodcumque limusexprimebatur.Chrisiuscogi-tabatur homofuturus, quodetlimus et sermocaro,quodet terra tune. Sic enim prasfacio Patris ad filium. Fada-mus Jiominem ad imaginent et similitudinem nostram. Etfecit hominem Deus (id utique quod finxit) ad iniaginemDei fecit ilhim (Gen., cap. i, 26, 27), scilicet Ghristi, etc.Ita limus ille jam tune imaginem induens Ghristi futuri incarne, non lautum Dei opus erat sed et pignus. > (Tertul-lian., De Resurrectione corporum, cap. vi.) Selon Tertullien,b Verbe incarn, sermo caro, le Ghrist fils de Dieu, est lelype du premier homme, et la cration d'Adam est un gagede l'incarnation. Il y a donc prcdence de ce mystre surtoutes choses dans les desseins de D'mn Saint Grgoire de

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    que nous avons tudies jusqu'ici. L'existencede Dieu, il nous la prouve par sa prsence; lapersonnalit de Dieu, il la fait agir sous nosyeux; les perfections infinies, il les manifeste;Nysse considre l'union de l'me et du corps comme uh^similitude du Verbe incarn.Selon saint Cyrille, t Si le Christ est cr pour nous,si nous ne sommes pas crs pour le Christ, nous l'empor-tons sur lui eu dignit, comme Adam sur la femme queDieu a faite pour lui. > (Thsaurus, Assert, xv.)

    3' 1/glise semble indiquer le double motif de l'incarna-tion, la glorification de notre nature et la rparation dupch, dans ces paroles du Symbole: propter 7ios Iwmineset propter nostram salutem, descendit de clis et incarn

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    18 LE PLAI DE l'incarnation.

    la vie divine, il nous la rvle; la cration, il enest le prototype et l'auteur, le support et le cou-ronnement; le monde invisible, il en reoit lesadorations et les services; la nature humaine,elle est copie sur son humanit sainte; la gran-ture en donne pour raison le pch du premier Iiomme. Venit filius hominis qurere et salvum facere quod pe-rlerai (Luc, cap. XIX, 10). Christus venit in hiinc mundiimutpeccatores salws faceret (Tim., cap. i, 15). Non egent quisanisuntmedicOySedqui maie hubent {Luc, cap. \ , 31); etc.

    2" Les saints Pres se sont exprims sur ce sujet entermes prcis qui ne laissent aucun doute sur leur senti-ment - Si homo non peccasset filius hominis non ve-nisset, dit saint Augustin (Serin. 8, de Verb. apost). C'estl'nonc mme de la thse thomiste, et ailleurs (serm. 9) :Nulla causa fuit veniendi Christo, nisi ut peccatores sal-vos faceret. Toile mobos, toile vulnera , nulla est medi-cin causa. Saint Jean Ghrysostome, dans sa 5' homliesur l'Epitre aux Hbreux, parle aussi nettement : Dieu sefait chair pour exercer envers nous sa misricorde. C'est laleule raison de ce grand mystre, il n'y en a pas d'autres. Nous pourrions multiplier les citations, le syllabus desautorits, en cette matire, est considrable.

    3 L'glise dans ses offices rapproche constamment lemystre de l'incarnation de la chute de l'homme. Le ma-gnifique prologue de la bulle de proclamation du dogmede l'Immacule conception est de tous points conforme ladoctrine de saint Thomas : c Le Dieu ineffable, dont lesvoies sont misricorde et vrit, dont la volont est toute-puissante, dont la sagesse atteint d'une extrmit jusqu'l'autre avec une force souveraine et dispose tout avec unemerveilleuse douceur, avait prvu de toute ternit la d-

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    LE PL.\N DE l'incarnation. 49

    fleur de l'homme, il l'exalte jusqu'au divin; lan surnaturelle, il y ramne la nature gare;la grce, il en est l'exemplaire et la source; legouvernement divin, il en est le point centralet l'axe rgulateur ; la libert, il l'affranchit deplorable ruine en laquelle la transgression d'Adam devaitentraner tout le genre humain ; et dans les profonds se-crets d'un dessein cach tous les sicles, il avait rsolud'accomplir, dans un mystre encore plus profond, parl'incarnalion du Verbe, le premier ouvrage de sa bont,alin que l'homme, qui avait t pouss au pch par la ma-lice et la ruse du dmon, ne prt pas, contrairement audessein misricordieux de son Crateur, et que la chute denotre nature, dans le premier Adam, ft rpare avec avan-tage dans le second. c (Ineffabilis Deus) cujus viae mise-ricordia et veritas, cujus voluntas omnipolentia, et cujussapientia attingit a fine usque ad finem forliter et disponitomnia suaviter, cum ab omni aeternitate prasvideril luc-tuosissimam totius humani generis ruinam ex Adanii trans-gressione derivandam, atque in mysterio a sculis abscon-dito primum suae bonitatis opus decreverit, per Verbiincarnationem, sacramento occultiore complere, ut contramisericors suum propositum homo diabolicae iniquitatisversutia actus in culpam non periret, et quod in primoAdamo casurum erat in secundo felicius erigeretur. >

    i 11 est contraire la parfaite sagesse qui prside auxdcrets divins et la parfaite simplicit de ces dcrets deles diviser ou multiplier dans une mme uvre, et de sup-poser que Dieu modifie, pour quelque accident ou circons-tance qui se prsente, un plan arrt, comme font les Sco-listes. Dieu n'a eu qu'un plan rel oili tout accident et toutecirconstance taient prvus et ordonns. 11 n'y a eu de sa

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    50 LE PLAN DE l'LNCARNATION.

    l'esclavage des passions, la dirige par sa loi ella meut sous la douce et souveraine influencede sa grce; la prire, il l'gale la majestdivine; le mal physique, il le fait oublier par soninfinie beaut; la douleur, il la fconde et lapart qu'un dcret efficace : celui qui nous a donn le Verberdempteur. Le reste est pure hypothse. Le dcret efficacede Dieu vise la fois sa gloire et la restauration de l'hu-manit dchue, mais ce dernier motif peut tre appel lemotif primaire et minent, ramen ultrieurement la per-sonne du Christ sauveur.

    Pour mieux clairer leur opinion les thologiens distin-guent dans le dcret divin ce qu'ils appellent des instantsde raison. D'aprs l'opinion adopte par l'cole de Scot,voici quel serait l'ordre de cs instants : D'abord Dieu avu en lui-mme le souverain bien. Puis il a compris dans sapense toutes les cratures. Ensuite, il les a prdestines la grce et la gloire. Eu quatrime lieu, il a prvu lachute de l'homme dans Adam. Enfin il a prordonn lapassion de Jsus-Christ comme le remde de celte chute.Ainsi Jsus-Christ dans la chair et tous les lus avaient tprconus et destins la grce et la gloire, avant laprvision du pch ou de la Passion. (Scotus, 3, dist. 39qust. unie, n* 6.)

    Selon les Thomistes, dans le premier instant. Dieu considrant par sa science inGnie tous les possibles veut l'effu-sion de sa puissance et de sa bont et la manifestation deses attributs. Dans le second instant, il choisit, parmi lespossibles, le monde actuel destin procurer sa gloire.Dans le troisime instant, il dcide d'lever la crature rai-sonnable l'ordre surnaturel et de l'orner des dons de sagrce. Dans le quatrime instant, il veut par un inscrutable

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    transforme; le mal moral, il l'efface par ses m-rites et dlivre le monde de son effroyablegmpire; la prdestination, c'est par lui qu'ellecommence, en lui qu'elle se fait, il la mrite etla consomme. Il est au-dessus de tout, en tout,jugement permettre le pch. Dans le cinquime instant, ildcrte la rpara 'on du pch. Dans le sixime instant, ildsigne son fils unique comme rparateur du pxjh, par sonincarnation dans une nature passible et mortelle. Dans leseptime instant, il rapporte au Christ rdempteur toutesses intentions relativement l'effusion de sa bont, lamanifestation de ses perleclions, la glorification du mondeet au bonheur des lus.Quelques Thomistes placent le dessein de l'incarnalioaavant le dcret de la cration du monde et la prvision dupch. En cela ils se rapprochent du scotisme et s'loignentde l'opinion de saint Thomas.Les deux sentiments que nous venons d'exposer sont par-

    faitement libres. Saint Thomas confesse modestement laprobabilit du premier : Quidam probabiliter dicunt,quod si homo non peccasset filius Dei homo non esset. Aliivero dicunt, quod cum per Incarnationem non solum libe-ratio a peccato, sed etiam human exaltatio et totiusuniversi consummatio facta sit, etiam peccato non existentepropter bas causas Incarnaiio fuisset. Et hoc etiam proba-biliter sustineri potest. t (In 3. Dist. I, quaest. 1, a. 3.) Ce-pendant le saint docteur regarde son sentiment comme leplus admissible et le plus convenable, t Assertioni illiinagis assentiendum videtur. Gonvenientius dicitur Incar-nationis opus ordinatum esse a Deo in remedium contrapeccatum; ita quod, peccato non existente, Incarnatio nonfuisset. > {Summ. Tlieol., ill p.. auaest. 1, a. 3. c.)

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    et tout esi en lui. Bni soit le Dieu trs-bon ettrs-saint qui nous l'a donn.

    Je finis, Messieurs, et en finissant je vousprie d'excuser les langueurs de ma parole en unsi grand sujet. Sond par les plus fortes intelli-gences, le mystre de l'incarnation rparatricepeut tre approfondi encore, et vous y pouveztrouver vous-mmes, c'est saint Thomas quit'affirme, des convenances inaperues '. Maisprenez garde de transformer ces convenancesen autant de ncessits qui enchanent la libertde Dieu. L'union de la nature divine avec lanature humaine pour le salut du monde est,par excellence, l'acte libre et gratuit de l'infiniebont. Rien n'obligeait Dieu nous faire en-tendre, en se donnant nous, le grand jeu deses perfections, et en supposant l'accident dupch, il pouvait y remdier par une simple pa-role de pardon. Tout est donc bon plaisir etpieuse condescendance dans ses plans * qui,malgr les explications qu'on en donne, demeu-

    1 , Pie consideranti mysterium incarnationis semper ma-gis ac magis mirabiles congruentiae et rationes sese offerunt(Summ. cont. Gent., cap. 54.)

    S. Deus qui dives est ia raisericordia, propter nimiam

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    \

    rent, selon l'expression de saint Denis, la plusnouvelle des noiiv>oauls '.

    Quant ceux d'entre vous, Messieurs, que leplan de l'incarnation tonne et qui le repous-sent cause des difficults qu'ils y rencontrent,je les retrouverai plus tard; pour le moment, jeme contente de leur dire avec Basile de S-leucie : c O Dieu agit, l'impossible cesse *, et je propose leurs mditations ces parolesd'un pieux thologien : : Ceux qui repoussentl'incarnation sont, mon avis, plutt ingratsqu'incrdules. Ils ont moins peur de croire quede tant devoir Dieu, et le poids du bienfait leseffraye plus que la grandeur de l'uvre \ charitatein qua dilexit nos cum essemus mortui peccato,convivificavit nos in Cbristo. {Ephes. cap. ii, 5.)

    In quo habemus redemptionem per sanguinem ejus, utotum fieret nobis sacramentum voluntatis suae, secundumbeneplacituni ejus. {Tbid., cap, i, 9.)

    1. T TfivTwv y.aivwv -/a'.vraTOv.2. Ottou yao av- (Qo) i-Jcpytl, to SvvaTOv i/.oyzi.

    (Orat. XXXIX, in sanctissimae Ueiparifi Annuntiatione, n 4.)3. Qui ergo incarnationi obtrectant ingrati m-igis quam

    increduli, mea quidem sententia, sunt; tantum debere Deo,magis quam credere tergiversantur ; deterret illos, nontam operis, quam beneficii pondus et magnitudo. (Thomeis-sin, De Incarnat. Verbi. Lib. I, cap. ii, 14.)

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    VINGT-SIXIME CONFRENCEL'HUMANITE DANS ADAM

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    VINGT-SIXIME CONFRENCE

    l'humanit dans aom

    Messeigneurs ', Messieurs,Dieu, en dressant le plan gnral de son uvre,

    a prvu l'invasion du pch;consquemment cette prvision, il a dcrt l'incarnation de sonfils dans une chair passible et mortelle, et or-donn ce mystre la rdemption du genrehumain. Bien loin d'y perdre en majest, sonplan s'largit, lui-mme s'y montre plus grand,et le Verbe incarn nous y apparat plus beau.Il est bien entendu que l'efficacit de l'incar-nation rparatrice doit s'tendre toute fautecommise par l'homme. Notre malice seule peutmettre des bornes la misricorde divine, etempcher sa mystrieuse et salutaire rencontre

    1. Mgr le coadjuteur et Mgr Dupauloup, vque d'Orlans-

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    58 L'HUMANif DANS ADAM.

    avec la justice. Le sang de Jsus-Christ, ditl'aptre, possde une vertu qui peut nous purifierde tout pch '. Le Sauveur s'est otTert enexpiation pour nos fautes, non pour nos fautespersonnelles seulement, mais pour celles dumonde entier : Ipse est propitiatio pro pecca-tis noslris; non pro nostris autem tantum, sedetiam pro totius mundi ^ d Cependant, Mes-sieurs, il est un pch auquel s'adresse plus di-rectement et immdiatement, selon les desseinsde Dieu, l'efficacit de la rdemption; non qu'ilsoit plus grave que ceux dans lesquels nousmettons notre volont; mais il n'excepte per-sonne, il atteint toute la nature, il est la racinemaudite de toute iniquit : c'est le pch ori-ginel \ Nous devons le connatre avant de p-ntrer dans les saintes profondeurs du mystredont il a provoqu le dcret. L'hrsie a altrsa notion et exagr ses ravages; le rationalismesourit en l'entendant nommer, et le relgue d-

    1. Sanguis Jesu Ghristi emundat nos ab omni peccato.(I Joan., cap. i, 7.)2. lbid.,cap. il, 2,3. Cf. Summ. TheoL, III p., quaest. 1, a. 3: Utrum prin-

    cipalius Christi incarnatio faca fuerit ad toUendum pec-catum originale quam actuale?

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    l'humanit dans ADAM. 59

    daigneusement au rang des fables puriles quela superstition invente pour tromper l'ignoranceet la tenir sous le joug d'une vaine terreur. 11 fiiutncessairement le dfinir et prouver son exis-tence, tellement engage dans l'difice des vritscatholiques que sans lui tout le dogme s'croule.

    Mais, si je ne me trompe. Messieurs, nous nepouvons procder l'tude du pch originel sansavoir pralablement rpondu ces deux ques-tions : L'humanit n'est-elle qu'une seule fa-mille? Quel tait, dans sa souche primitive, l'tatde cette famille? Si le genre humahi, commeles grands fleuves, s'est grossi de divers affluents,si la constitution native de l'homme a toujourst, tous les points de vue, ce qu'elle est au-jourd'hui, il est bien vident que les ides de d-chance, de transmission et d'universalit dansla dchance sont compltement inintelligibles,et que le pch originel n'est qu'un mot vide desens. Il ne peut tre un fait qu' la condition :1 que toute l'humanit soit contenue dans Adam,son premier et unique anctre; 2 que cet an-ctre ait possd, avant de dchoir, une perfec-tion dont il ne reste plus que le souvenir. Voilmes deux propositions. Allons aux preuveb.

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    LHUMANITE DAiNS ADAM.

    lQue l'humanit n'ait qu'un berceau, qu'elle

    soit une par la nature et le sang, c'est une despremires vrits quenous enseignent les Saintes-Lettres. Rien de plus simple et de plus gran-diose en mme temps, rien de plus prcis et deplus mystrieux que le rcit biblique nous ra-contant l'origine de nos premiers parents. Dieu,ayant cr le monde avec ses admirables gra-dations, semble recueillir sa pense et ses forcespour le couronnement de son ouvrage. Fai-sons l'homme, dit-il, . notre image et ressem-blance : Facianms hominein ad imaginem etsimilitudinem nostram ' . Issu du limon quevient d'animer l'esprit de vie, l'homme parat.Plus beau que toutes les cratures, par les formesnobles et harmonieuses de son corps, il pro-mne autour de lui son regard dominateur etprend, par la pense, possession de l'univers.Pendant que la vie fermente et se multiplie ses pieds, va-t-il rester seul et strile au som-met de la cration? Non, Messieurs; Dieu le

    1. Gnes, cap. i,

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    regarde et prononce qu'il n'est pas bon quel'homme soit seul, qu'il a besoin d'une aide quilui ressemble : Non est bonum hominem essesolum, faciamus ei adjutorium simile sibi^ .Pourquoi cette aide? pour partager le fardeaude la royaut? C'est inutile, il le porte all-grement; sa vaste et fire intelligence suffit latche que Dieu lui a impose en lui ordonnantde gouverner et de se soumettre toute crature.Mais parce qu'il lui faut imiter son principe dontla tendance est de se communiquer, parce qu'ilne peut garder pour lui tous les germes de vieque Dieu a dposs dans ses flancs, parce que, ditsaint Thomas, les hautes fonctions de son intel-ligence ne doivent pas tre sacrifies aux fonc-tions infrieures d'o nat la vie du corps, il luifeiut une aide en qui rside toute la force passivede la gnration dont il conserve en souveraindispensateur toute la force active^ . Faisonsdonc pour l'homme, dit le Seigneur, une aide quilui ressemble : Faciamus ei adjutorium similesibi.

    \. Gnes, cap. ii, 18.2. Cf. Sianm. TheoL, I p., qufest. 92, a. i : Utrum mu-

    lier debuerit produci in prima rerum production?

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    l'humanit dans ADAM.

    Voici le mystre, Messieurs. L'incrdulits*ef1brce de le tourner en drision. Elle a beaufaire, jamais elle ne persuadera aux curschastes, ni aux esprits droits et srieux, d'enmpriser la sublime posie et les profondes si-gnifications. Dieu pouvait ptrir de la mmematire dont il s'tait servi dj le corps de lacrature humaine qu'il se proposait de donnerpour compagne notre premier pre, et, sousles yeux ravis du roi du monde, renouveler latoute-puissante insufflation qui lui avait com-muniqu la vie. Mais il prfre une surprise d'onatra, avec une plus grande admiration, unplus grand amour; et jugeant que l'homme neserait plus autant son image s'il lui refusaitd'tre l'unique principe de toute vie humaine,il veut tirer de ses flancs le corps qu'il doit ani-mer. Adam, vaincu par un mystrieux sommeil,s'est endormi sans rien savoir des projets deson crateur. Peut-tre voit-il en rve ce quise fait, mais il n'y peut prendre part ; une forcesurhumaine enchane ses sens. Dieu s'approcheen silence, prend une de ses ctes, la recouvrede chair et fait, de cet os ravi au fils de sonamour, un difice vivant : la femme, tre char-

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    l'humanit dans ADAM. 63

    mant qui attend le rveil de son poux ' . Maisdormez encore, pre du genre humain, dormez,et laissez- nous mditer un instant, prs de votrecompagne, les grands desseins de Dieu.

    Eve vient de vous ; de vous et d'elle natrontles enfants par lesquels s'exprimera votre com-mun amour; vous tes donc, vous qui n'tespoint n de l'homme, la source premire de lafamille humaine, comme le Pre inascible est,dans les cieux, la source premire de la familledivine. Eve vient de vous; de vous et d'elle sor-tiront les innombrables gnrations qui doiventpeupler le monde; vous tes donc le principede toute votre espce, comme Dieu crateur estle principe de tout l'univers *. Image de Dieu,

    1. Immisit ergo Dominus Deus soporem in Adam : cum-que obdormisset, tulit unam de costis ejus, et replevil car-nera pro ea. Et aedificavit Dominus Deus costam, quam tu-lerat de Adam, in mulierem : et adduxit eam ad Adam.(Gnes., cap. ii, 21, 22.)

    2. Conveni'ns tuit mulierem in prima rerum institutioneex viro formari magis quam in aliis animalibus. Primo qui-dem, ut in hoc quaedam dignitas primo homini servaretur ; utsecundum Dei similitudinem esset et ipse principium toliussuae speciei, sicut Deus est principium totius universi. Undeet Paulus dicit (Act., xvii, 26) : quod Deus fecit ex uno ko*mine genus humanum. iSumm. Theol., I p., quaBst. 9S^

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    64 l'humanit dans adam.

    Eve vient de vous ; vous l'eussiez moins aimesi Dieu l'et prise ailleurs que dans vos flancsgnreux; mais, partie de vous-mme, elle voussera chre autant que peut l'tre une crature,et vous lui serez attach par des liens quidureront autant que votre propre vie \ Evevient de vous; non de votre tte o rside l'in-telligence qui commande, car elle vous serasoumise ; non de vos pieds qui foulent la terre,car elle ne sera pas votre esclave; mais ellevient de votre ct, prs du cur, l'endroitmystrieux o les affections meuvent le fleuvede la vie et en prcipitent le cours, car elle se-ra votre amie ^ Eve vient de vous; elle vousattend, rveillez-vous.

    Le magntisme divin a cess; Adam s'veille,1

    .

    Secundo, ut vir inagis diligeret mulierem, et ei inse-parabilius inhcereret, dum cognosceret eam ex se esse pro-ductam... et hoc maxime necessarium fuit in specie humana,in qua mas et fmina commanent per totam vitam. (juod noncoatingitinaliisanimalibus.(Summ.T/i(?o/. Ip.qua3st.9i.a.2.)

    2. Gonveniens fuit mulierem forraari de costa viri. Adsignificandum quod inter virum et mulierem dbet esse so-ialis coHJunctio. Neque enim mulier dbet dominari iavirum, et ideo non est formata de capite. Neque dbet aviro despici tanquam serviliter subjecta, et ideo non est for-mata de pedibus. {Ibid., a. 3.)

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    L'HUSIAMT dans ADAM. 65

    et dans la femme que Dieu lui prsente il sereconnat. C'est lui-mme avec moins de ma-jest mais plus de grce, moins de force maisplus de dlicatesse, moins de fiert mais plus decharmes. Il regarde, il admire, il s'meut, itressaille, et son chaste amour, inspir par l'Es-prit-Saint, entr'ouvre ses lvres pour chanter ceclbre pithalame qui deviendra la loi fonda-mentale de la famille : Voici l'os de mes oset la chair de ma chair, on lui donnera un nomqui rappelle celui de l'homme parce qu'ellea t tire de lui : C'est pourquoi l'hommequittera son pre et sa mre et s'attachera sonpouse; et ils seront deux dans une seulechair'. A ce chant d'Adam Dieu rpondpar un commandement qui fera jaillir l'huma-nit de ses sources : Croissez et multi-pliez : Crescite et miiltiplicamini. d

    Tel est le rcit biblique, Messieurs. L'histo-rien sacr nous montre aprs cela la mre dugenre humain saluant par un pieux cantique

    1. Dixitque Adam : Hoc nunc os ex ossibus meis, et carode carne raea ; hsec vocabitur Virago , quoniam de virosumpta est. Quamobrem relinquet homo patrem suum, etmatrem, et adhrebituxori suae : et eruat duo iu carne uaa.(Gnes., cap. u, 23, 24.)

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    renfantement de son premier-n * ; les gn-rations se succdant et remplissant la terre jus-qu' la catastrophe qui remet de nouveau un seulhomme la tte de l'humanit; et puis les troisfamilles de No projetant de tous cts leurs ra-meaux que Mose sait si bien, par des noms pro-pres, ramener leur tronc. Longtemps on s'estcontent de cette histoire dont on retrouve quel-ques traits dans les plus vieilles traditions desdiffrents peuples, et jusque dans les fables dupolythisme; mais elle ne suffit plus aux espritsinquiets et superficiels que trouble la physio-nomie aujourd'hui si varie du genre humaindispers sur toute la surface du globe. Le mo-nognisme leur parat en contradiction avecles rsultats de l'exprience, de l'tude deslangues et des explorations qui nous ont failsuccessivement connatre peu prs toutes leiterres habites. Gomment admettre l'unit del'espce humaine quand on a devant soi destypes SI profondment diffrents de couleurs,de formes, d'expression, de murs, de langage?

    i, Adam vero cognovit uxorem suam Evam : quae con-cepit et peperit Gain ; dicens : Possedi hominem per Deum.(Geues., cap. iv, * .)

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    Gomment croire que le noir est issu du mmesang que le blanc? que le sauvage repoussantqui s'affaisse tout entier vers l'animal, et semblen'avoir comme lui que des instincts, est le frredu noble Europen dont le front s'illumine desclarts de la pense? Ici, ces traits harmonieuxet ce grand air qui se dveloppent dans un angledroit, l ce crne qui fuit, cette face qui s'al-longe, cette mchoire saillante, ces lvrespaisses, ce nez aplati, ces oreilles difformes;ici le pygme, l le gant; ici l'activit intelli-gente, l le rve, plus loin l'abrutissement; est-ce que tout cela peut tre de la mme famille?

    Remarquons encore que l'oreille vient enaide la vue pour trancher les diffrences. Elleperoit des sons qui n'ont entre eux aucuneparent : cris rauques et gutturaux, sifflements,mlodieuses intonations. Comparez ces sonsentre eux et aux ides qu'ils expriment, vouspassez tour tour des constructions bizarresaux arrangements mthodiques, de la misre l'opulence, de la simplicit l'emphase, de laDbuleuse posie la prcision scientifique. IIne s'agit point ici, qu'on le sache bien, de dia-lectes dont les dsinences varies ne peuvent

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    cacher la langue mre qui les a produits ; maisd'idiomes tellement irrductibles et indpendantsles uns des autres,qu'ils n'ont videmment paspu jaillir d'une mme source.

    Rappelons-nous enfin ce qu'il nous a fallu degnie et de force, de courage et de patiencepour dcouvrir les lointaines contres djenvahies par le genre humain; de quels moyensperfectionns nous disposons pour vaincre lesdistances et triompher des temptes de l'Ocan.Ce simple souvenir suffira pour nous convaincrede l'impossibilit o se trouvaient les peuplesanciens de passer d'un hmisphre l'autre, surleurs frles ou lourdes embarcations, lances l'aventure, travers des flots o les calmes nesont pas moins dangereux que les orages.

    Profonde diversit des typs et des idiomes,impossibilit du peuplement de l'Amrique etdes les recules de l'Ocanie, par migrations ouexpditions, aux dates o ce peuplement a dse faire : tout proteste contre l'unit de l'espcehumaine. Cessons donc de nous en rapporteraveuglment des lgendes qui n'ont pour fon-dement qu'un intrt religieux dont la sciencene doit pas tenir compte. Considrons l'huma-

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    nit comme un genre divis en un certain nom-bre d'espces, dont l'origine se rattache plu-sieurs centres de production ou de cration.

    A-insi raisonnent les polygnistes. Avant deleur fermer la bouche, par une preuve souve-raine que nous fournit la science physiologique,examinons l'un aprs l'autre les fondements deleur argumentation.La diversit des types est un fait indniable;

    mais, sous cette diversit, la nature humainereste partout semblable elle-mme dans saconformation gnrale, ses aptitudes et ses ten-dances. Partout l'homme est l'animal royal quise tient debout pendant que les autres rampent,partout il exerce sur les rgnes infrieurs de lacration la mme domination. Partout sa ttesuperbe regarde le ciel, partout ses pieds foulentfirement le sol, partout ses mains industrieusesse prtent de merveilleux ouvrages qu'il mo-difie selon ses besoins ou ses fantaisies, partoutson cerveau est le sige d'une intelligence oibrille la pense, partout il exprime par un lan-gage articul, non-seulement des instincts eldes passions, comme la brute, mais des ides.Partout il reconnat comme rgle de sa vie les

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    mmes grands principes de morale, partout iladore un tre suprieur, partout il est perfectible,partout il est sujet aux mmes maladies mani-festes par les mmes symptmes, partout,condamn la mort, il aspire l'immortalit.Ces ressemblances fondamentales, qui indiquentsi clairement une seule et mme nature dansl'humanit, sont-elles donc si peu de chose qu'onpuisse raisonnablement leur prfrer des diff-rences superficielles, infiniment plus nom-breuses et plus fortement accuses chez d'au-tres espces animales? Prenez le squelette del'homme dans toutes les races, n'aurez-vous pasquant la conformation et la taille, moins dediffrence qu'entre le boule-dogue et le lvrier,le terre-neuve et le chien de Havane? Compa-rez les chevelures et les barbes de tous les peu-ples, seront-elles plus dissemblables que ne lesont entre elles la toison du mrinos et la maigrepelure du mouton de Sologne? Runissez lescouleurs de tous les visages humains, depuis lenoir le plus fonc jusqu'au blanc le plus ple,obtiendrez-vous plus de varits qu'il n'y en adans la gent pigeonnire? La couleur, qui pa-rat au premier abord le signe le plus caractris-

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    tique de la race, est loin d'avoir l'importancequ'on lui donne assez gnralement. Il y a sousune peau noire des types rguliers que ne d-daignerait pas la statuaire, sous une peau blan-che des types difformes auxquels il ne manqueque la couleur pour devenir des ngres parfaits.La plupart d'entre vous, Messieurs, savent quela peau du ngre est exactement semblable lantre quant la nature et la disposition deses tissus. La coloration est un phnomnelocal purement accidentel et peu prs insigni-fiant pour la dtermination de l'espce \

    i. Nous regarilerons la peau, considre daas son en-semble, comme compose essentiellement de trois couches :le derme, Vpiderme et le corps muqueux de Malpighi.Tous les anatonstes admettent l'existence de ces trois cou-ches ; mais ils varient dans l'apprciation des rapports quiles unissent, et chacun d'eux les subdivise ensuite en uncertain nombre d'autres couches secondaires. Il est inutiled'entrer dans ces dtails. La premire forme le cuir ou 1;/peau proprement dite; il est situ plus profondment eilargement abreuv de sang par une foule de vaisseaux ra-mifis l'infini. C'est eux qu'il doit la teinte rouge qu'i'prsente l'il nu lorsqu'on le met dcouvert; mais si orl'examine un grossissement suffisant, on aperoit entre lesmailles des rseaux vasculaires les tissus propres qui !ecomposent, et ces tissus sont aussi blancs chez le nre deGuine que chez l'Europen. Tout fait l'extrjeur. setrouve l'piderme, couche d'apparence corne, compose de

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    Aux analogies se joignent des faits indiscu-tables qui plaident contre les conclusions exa-gres que les polygnistes prtendent tirer dela varit des types. Quelle diversit d'aspect,nmelles translucides plus ou moins intimement adhrentesentre elles, et dont la demi-transparence permet d'aperce-voir la teinte gnrale des tissus placs au-dessous. Cette cou-che est encore entirement semblable dans toutes les races.

    C'est entre le derme et l'piderme que se trouve plac lecorps muqueux, sige de la coloration. Celui-ci se composede cellules presses les unes contre les autres, et superposesde manire former un certain nombre de stratifications.Jusqu'ici encore tout est pareil chez le ngre et chez leblanc; mais dans ce dernier le contenu des cellules mme leplus profondment situes est, dans la plupart des rgions ducorps, presque incolore, et ne prsente qu'une lgre teintejauntre : cette couleur se fonce chez les races jaunes etchez les blancs eux-mmes, quand ils ont le teint brun;thez le ngre enfin, elle devient d'un noir plus ou moinsbruntre. On voit quoi se rduit ce phnomne de lacoloration diverse des races humaines. De l'une l'autre,il n'y a pas apparition d'organes ou d'lments organiquesnouveaux; il n'y a qu'une couleur qui, partir d'un termemoyen, se fonce ou s'affaiblit, et passe d'une nuance l'au-tre, de manire devenir plus ou moins prononce danschacun de ces lments.

    Tel qu'il est nanmoins, ce fait pourrait tre considrcomme ayant une valeur relle dans la question qui nousoccupe, s'il tait constant, c'est--dire si chaque teinte sp-ciale concordait toujours avec d'autres caractres plus im-portants propres certains groupes humains; mais il n'enest pas ainsi, et c'est surtout propos de l'homme qu'on

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    L HUMANITE DANS ADAM.

    entre le Lapon et le Hongrois! et pourtant leuridiome atteste qu'ils eurent une origine com-mune. Les Tartares et les Turcs diffrent phy-siquement des Mongols, cependant ils ont deslangues de mme famille. Ainsi, Messieurs, desTchermesses et des Vogules aux cheveux noirset aux yeux bruns, des Finnois et des Permiensaux yeux bleus et aux cheveux rouges*. Dureste n'allons pas si loin la poursuite des faits.J'ai dans l'ide que si l'on nommait une socitsavante l'effet de rechercher dans la seulerace franaise et de runir dans la seule ville deParis les types les plus divers, il ne lui faudrait,au bout de quelques annes, qu'un peu de pein-ture pour offrir notre curiosit une collectioncomplte de Lapons, Samoydes, Tartares^Mongols, Indiens, Malais, Gafres,- Hottentots,Patagons et le reste.peut rpter ce que Lhin disait propos des fleurs -.Ni-viium ne crede colori. Tous les hommes noirs ne sontpas des ngres : il en est parmi eux qui se rattachent, parune parent incontestable et trs-proche, aux populationsles plus blanches. (Quatiefages, Histoire naturelle del'homme. Unit de l'espce humaine. Revue des esMondes, 1' fvrier, 1861.)

    1. Cf. Cantu, Histoire unioerselley liv. I, chap. m. Unitie l'espce humaine.

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    La varit des langues ne prouve pas pluscontre l'unit de l'espce humaine que la varitdes types. Sans doute, les dcouvertes des der-niers sicles nous ont rvl tant d'idiomesdivers que leur multiplicit a pu effrayer uninstant les monognistes; mais, promptementrevenus de leur perplexit, ils se sont mis rso-lument l'tude et n'ont pas tard recueillirle fruit de leur courageuse entreprise. Toutelangue se compose de deux parties; l'uneimmuable, lautre flexible el changeante. Cettedernire, successivement transforme par le tra-vail de l'homme, peut rendre au bout de huitou dix sicles une langue entirement mcon-naissable. Personne aujourd'hui ne parle plusle franais de Charles le Chauve; il n'y a queles rudits qui le comprennent. Les racines, aucontraire, rsistant toutes les manipulationsque subissent les dsinences, demeurent au fondde tout idiome comme le signe indicateur de saprovenance. L'tude de ce signe a permis lascience de diviser le langage humain en troisgroupes primitifs. Celui-ci o dominent leslangues sans grammaire, ressemblant aux crisd'un enfant, nergiques mais sans liaison ; celui*

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    l compos des langues smitiques pleines devitalit et de chaleur, vtement naturel de cettebrillante posie o les impressions et les sen-sations se succdent avec rapidit; cet autrecomprenant tous les idiomes indo-europens,riches, rguliers, flexibles autant que fconds,galement propres la posie, l'expositiondes faits et la prcision scientifique. Dter-miner ces groupes, dmontrer qu'une seulelangue traversant l'Asie et l'Europe, de Geylan l'Islande, unit sur une large zone les peuplesles plus divers, c'tait un beau travail. Mais, enfin de compte, puisque n^us sommes en prsencede trois groupes parfaitement distincts, nedevons-nous pas conclure la multiplicit desespces? Proccupe de cette question, lascience a pouss plus avant ses recherches.Aprs avoir rduit le nombre des idiomes ind-pendants, elle a examin avec soin leurs affi-nits dans des lments communs appartenanta leur essence', et ayant trouv ces lmenti

    1. J. de Xylander, Das Sprackgeschichte der Titanes...Histoire des langues titanes, aprs avoir examin la languemautchoue au point de vue de la grammaire et de la syn-laxe, compare avec autant de mots grecs deux mille cinq

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    el:e a conclu que ces idiomes ont t originai-rement runis en un seul, que ce n'est pas unesparation graduelle ni un dveloppement indi-viduel qui ont cr entre eux des diffrences,mais une force active, violente, extraordinaire,suffisant pour concilier les apparences de con-flits et pour expliquer du mme coup les res-semblances et les diffrences ' . Ainsi parlentdes savants distingus dont l'autorit est duplus grand poids dans la philologie.cents paroles mantchoues appartenant, partie au style lev,partie au style familier, et il en conclut que les principeslmentaires, les radicaux, les dsinences, sont les mmesdans les deux langues; il va jusqu' penser que le mant-chou est un dialecte primitif du grec. tendant ensuite sesrecherches sur les idiomes tonguses, qui, selon l'Asie poly-glotte, dpassent le nombre de deux cents, sur le mongol,le turc, le thibtain, le chinois, le hongrois, le finlandais,le samoyde, le jenise, l'nos, le kamtschadale, le cor-gak, le gincagire, le ciousco, le coren, le japonais, le bir-man, le siamois, l'annamite, le pegouan, le malais, le gor-gien smite, il se voit forc de convenir que toutes leslangues parles aujourd'hui en Europe, en Asie, dans leDord et le nord-est de l'Afrique et dans le plus grandnombre des les s