mokdad ibn arabi metaphysique du sexe
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' MEhT§gA ARFA &NOKDADIBN 'ARABÎ ET SA TTNÉ-r,NPHYSIAUE DU SEXE
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rÉCRIURE PHILoSoPHIaUE
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CRIÈRE DU SENS ET EMPIRISME DANS LË. TRACTATU:
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SCIENCE ET IDÉOLOGIE : BRÈVES REMARAU,ES SUR IA NC,, D',OBIECTIV|IE CHEZ GRAMSCI
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IBN 'ARABI Br sl, aÉrl,rxvstguv Dv sExE
Doint n'est besoin de rappeler I'importance du thème de I'amour, selonI I'immense variété de ses expressions, dans la mystique. Il suffit de défi-nir celle-ci en tant que quête de Dieu, et de considérer celui-ci comme objetsuprême d'amour, le désirable par excellence. Beaucoup d'études ont été
consacrées à ce thème dans le soufisme (mystique musulmane). Qu'ils'agisse de Rabi'a al- 'adawiyya, de Hallâj, de Rûmî, d'Ibn al-Fârid ou
d'autres, la bibliographie est assez abondante. Ibn 'Arabî, le grand soufimétaphysicien andalou, n'y fait pas exception et bénéficie, certes, d'unepart importante de ces études. Sa production relative au thème de I'amourjustifie, par son ampleur, un tel intérêt : citons simplement son Dîwân, son
Turjwmôn al-ashwâq et les beaux textes de son æuvre magistrale a/-Futûhât al makkiyyu. Par contre, et dans les limites de notre information,I'on a moins fréquement évoqué le thème de I'amour sexuel l, pourtant très
présent dans l'æuvre de ash-Shaykh al-akbar; et, dans l'exposé de sa
tameuse doctrine de wahdat al-wujûd, I'on n'a donc pas suffisanrment étu-
dié ce motif. Nous verrons pourtant, au cours de ce bref exposé, qu'iloccupe une place centrale dans le système akbarien. Une telle étude pour-
rait donc jeter un éclairage précieux dans I'intelligence de sa doctrine, si
élaborée dt si complexe. Nous essayerons d'apporter une contribution dans
ce sens. Et, justement à cause de la place centrale que nous attribuons à ce
thème, il serait difficile de I'exposer exhaustivement, ni même d'en men-tionner les aspects mu.ltiples. Disons tout de suite que le sexe, même dans
son acception la plus sensuelle et la plus charnelle, occupe chez Ibn 'Arabîun niveau métaphysique des plus élevés, étant entendu que la métaphysique(ilâhiyât)2, chez Ibn 'Arabî, s'attache à la recherche des fondements divins(asl-ilôhî) de toute manifestation, de tout phénomène physique, de toute
vérité ou de tout comportement humain. Nous tâcherons donc d'évoquer ce
LES CAHIERS DE TUNISIE MENSIA ARFA MOKDAD
thème complexe pour en déterminer les instances multiples : cosmolo-gique, physique, anthropologique, spirituelle, intelligible et métaphysique,
et de dégager le principe ultime de la métaphysique du sexe. Nous évoque-
rons par la suite la portée de la sexualité dans I'engagement mystique et
cognitif du soufi, et, enfin, sa fonction dans le système d'Ibn 'Arabî.
I. &TPORTANCB DU THÈMB DB LA SBXUALITÉDANS LB SYSTÈMB AKBARIBN
1) Nous pouvons nous faire une idée de cette importance en nous limitantà une considération extérieure :juger par le nombre de titres de livres ou de
chapitres et le nombre de passages qu'Ibn 'Arabî consacre expressément à
ce thème ou à d'autres qui lui sont relatifs. Sans prétention à I'exhaustivité,faisons mention de quelques titres.
a,) Kitôb qn-nikâh as-sârî fi jamî adh-dharôrî ot Kitôb an-nilcâlt al-mutlaqou encore an-Nikâh al-awwal qu'Ibn 'Arabî s'attribue dans al-Futûhât al-makkiyyat et dans Uqlat al mustawfiz.a.Ibn 'Arabî soulignes I'importance,la gravité et I'extrême difficulté du contenu de ce Kitâb an-nikôh,
b) Le chapitre intitulé "Bâb an-nikâh" dans Uqlat al-mustawfiz.6 auquel lbn'Arabî se réfère dans al-Futûhât1.
c) Kitâb Ayyôm ash-sha'nB qui, tout en ayant pour objet principal le renou-
vellement continu du temps divin et ses effets sur le Monde, est plein d'in-dications utiles pour notre propos. D'ailleurs, Ibn 'Arabî nous renvoie, à cet
effet, à son Kitôb ash-sha'n dans les Futîrhôte.
d) Le chapitre I I des Futûhôtro où il est question "de la connaissance de
nos Pères d'en-haut et de nos Mères d'en-bas" en tant qu'ils sont des
acteurs sexuels cosmiques.
e) Le chapitre 2l des Futûhôtr I où Ibn 'Arabî traite "de la connaissance de
trois sciences cosmiques et physiques (kawniyya) et de leur pénétration
mutuelle (tawâluj)".
f)Læchapitre 292oùil traited'une"Demeuredel'unionsexuelleinvisible...12"
t.1
IBN .ARABî ËT SA MÉTAPHYSIQUE DU SEXE
g)Lechapitre324desFutûhât|3oùilestquestiond'une..demeure.quigroup" les femmes et les hommes"'
2) Ce sont là autant d'indices qui témoignent de I'importance de ce thème
danslapenséedeash-Shaykhal-akbar.Aunniveaumoinssuperficielceladevientchezluil,objetd,unesciencedontildonnedesformulationsmul-tiples et dont nous aurons à chercher' au cours de l'exposé' I'unité' Cette
,Ë,"n"" est appelée, le plus souvent, "science de I'acte sexuel" (llm an-
niknh).Elle est dite aussi ..science de I'engendrement et de la reproduction"
çniôlud et tanâsul)ou ..science de I'intromission mutuellsta" (1awûlui) ou
encore..sciencedelapénétrationmutuelle',(tattâkhul)ouenfin..sciencedel'étreinte sexuellel5" (iUinaù.Ce sont là autant de termes qui renvoient à
la même réalité. Il faut leur ajouter un autre très important qui est syno-
nyme, dans l'une de ses acception s, de nikât't: c'est celui de sirr qui signi-
fie aussi secret ou mystèrero' C'est dans [a synonymie de sirr el de tûkôh
qu'Ibn'Arabîcomprendleversetcoranique:""'neleur(lesfentmes)pro-mettez rien secrètement (sirr)"'17" dans le sens qu'il ne faut pas' dans cer-
taines conditions, promettre aux femmes une union intimels'
Cettescienceestqualifiée,dansletitredutraitéréservéàcethèmeetdéjàmentionné, d'universelle et d'absolue (mutlaq)' Cela signifie que la réalité
sexuelleportesurtouslesêtres:elleestdiffuse(sârî)danstoutl'Etreetsetrouveauprincipe(awwal)desêtres.Pourl'objetd'unetellesciencepri-mordialelbn,Arabîparlede..laPrésencedel'Actesexuell9''(hadratun-nikâi1) ou encore de
i.la réalité intime du sexe2o" (sirr an-nikûlr), Il donne
decettescienceplusieursdéfinitions'maisdanssagénéralitéelleestdéii-nie comme "la science de la pénétration de toutes les choses les unes dans
les autres (tadôkhuqzr''
3)Cetteréalitéconcernedonctoutl'Etreetlasciencequientraiteestabso.lue.MaiScettesciencesuit,danssadivisionensciencesparticulières'ladivi-sion de l'Etre lui-même, l'objet particulier auquel s'applique une telle
scienceuniverselle.Nousobtenonsainsidessciencesdifférentesparcequ'elle ont des champs d'application différents :
- l" ,"^" dans le monde sensible ('alom al-hiss)'
- le sexe dans te monde de la nature ('âlam at-tabî'a)'
-lesexedanslemondedesentitésspirituelles(mo'ônîrûhânivva)'- le sexe dans le monde métaphysique (ilôhî)22'
l-5
,ES CAHIERS DE TUNTSIEMENSIA ARFA MOKDAD IBN'Al<AEt Lt JA ty!Dt^1 tttrtyvuuv r4.--
(ta 'alluq) qui les unit ; dans le deuxième, il y a le sens, le sensible et le rap-port qui les unit30. Ibn 'Arabî y voit là un rapport sexuel par lequel s'opèretoute saisie. Le même rapport unit les dilférentes sciences dans leur pro-duction infinie : des sciences "mères" qui engendrent par voie de procréa-
tion (tanôsul) d'autres sciences dérivées qui sont leurs "filles3l". Le même
paradigme sexuel se trouve d'ailleurs à la base de tout enseignement et unitle maître et l'élève : le second reçoit ce que le premier lui fournitrz. Il y acependant une exception de taille à cette sexualité intellectuelle (ma'ânî)
et scientifique ('ulûm) féconde. Il y a une science stérile, improductive :
celle relative à la manière (l«yf, le comnrent) dont Dieu s'est rendu mani-feste (kayfa tajallâ). Cette science est le privilège de Dieu à I'exclusion des
autres savants. Ibn 'Arabî opère ici un choix (contre Ghazâlî) à l'intérieurd'un débat théologique : de I'Essence divine (dhât), nous ne pouvons avoiraucune science et elle ne saurait être l'objet d'aucun savoir spéculatif. Doncil ne pourrait pas y avoir une science de Sa manifestation dans les êtres qui
La manifestent (tajallîhô ft-l-mazôhir). Dans I'infinité des sciences que les
humains peuvent atteindre, il y a là une science stérile qui reste sans pro-géniture, Toutes les autres connaissent la procréation33.
rrr. NrKAIr, cosMoGoMB ET cosMolocrB
Le système d'Ibn 'Arabî, comme celui de Ghazâlî, se caractérise par une
synthèse de la Falsafa (surtout néoplatonicienne) et du Kalâm (théologiemusulmane). Si le Kalâm institue une cosmogonie chronologique, qui a
son commencement dans le temps, la cosmogonie de la Falsafa, comme
celle d'Ibn 'Arabî, se veut une explication intemporelle de I'existence du
Monde. Il s'agit ici plus d'un état ontologique que d'événement tempo-
rel3a. Et c'est là I'un des points difficiles de la doctrine d'Ibn 'Arabî, C'estdonc avec cette réserve que nous pouvons parler, chez lui, d'une cosmo-gonie.
Ibn 'Arabî reprend I'ordre plotinien des instances ontologiques. Les troishypostases: I'Un, I'Intellect et I'Ame, et I'instance dela Physis (tabî'a).Laissons de côté I'Un et considérons les autres instances. Transposées dans
le registre de la Tradition et traduites en angélologie, celle de I'Intellectpremier correspond au Calame suprême3s et celle de I'Ame universelle à Ia
Table Gardée (lawl.r maltfûz)36. Calame et Table sont deux termes cora-
niques. Les deux sont considérés comme des anges.
Pour Ia commodité cre
'exposé, nous en traiterons suivant un ordre régère-
ment diffërent, mais qui respecte cette division des champs où ra réaritésexuelle est en æuvrc.
II. LB NIKÂTI INTBLLIGIBLB (NIKÂTI AL.MA'ÂNî,NITÂT MANTIQï
commençons par 'expression
rogique et scientifique du nikâft. Dans unsyllogisme la concrusion ne peut être produite que par un véritable actesexuel entre les deux prémisses : il se produit entre celles-ci une intromis_sion mutuelle (tawâtuj), un coit Çimâ,) exactement analogue à celui quiunit les géniteurs pour produire l'enfant23. A elre seule, une-proposition quin'enrre pas comme prémisse dans un sy[ogisme
"., ,"i"nirr,luemenri mproducti veza. La raci ne commu ne à natîj a h (concru sion) et nitâj' (acte deproduction) permet ici de les rapprocher. Et de même que l;acte sexuer phy-sique exige, pour qu'il soit productif, certaines conditions précises, il en estde même pour re sy'ogisme. pour qu'elle soit concluante (c'est-à-dire apo-dictique et productrice de science), ta démonstration doit se faire seron unedisPosition particulière (wqih) et répondre à une condition particulière(shar1)zs- La disposition qui rerie les deux prémisses, la majeure et ramineure, est ra répétition du même terme : le terme moyen qui les unit ainsitoutes les deux. Ibn 'Arabî donne ici deux exemples, r,un est très célèbreen théologie musurmane, c'est celui reratif à la démonstration du caractèrecréé des corps et, par conséquent, celui du Monde26, l,autre en jurispru_dence, c'est cerui rerarif au caractère illicite de ra boisson spiritueuse(tnbîclh)zt.II symborise rês deux sy[ogismes de Ia manière suivante:
Tout A est B, Et tout B est C, Donc A est C.Le terme B unit par sa répétition les deux prémisses. cette union est néces_saire pour l'argumentation, comme rest, pour ra procréation, te coït entreles deux partenairgs2s. certes, ra première prémisse comporte deux termeset la seconde aussi, nous n'avons pas pour autant, dans tout Ie syllogisme,quatre termes, mais seulement trois termes dont un qui se replte : aeuxlermes séparés qui s'unissent en un troisième2e. c'esirà un pàin, capitard.ans la métaphysique d'Ibn 'Arabî. Nous y reviendrons. cette structureternaire est en fait nécessaire à toute saisie qu'eile soit d'ordre inteiligibreou se,sibre. Dans Ie premier cas ir y a Iinteuect, r'inteiligibre et le rapport
l(r
LES CAHIERS DE TUNISIEMENSIA ARFA MOKDAD
Le Carame suprême est re premier être créé directement par Dieu, qui faitnaître en rui ra Tabre Gardée. Ibn 'Arabî reprend ra tradition bien connue."La première chose que Dieu crée est re carame, puis la Tabre. Ir dit auCalame : E ? demande le Catame. _ Ecris ce queje te dicte, écrit alors dans Ia Table ce que Dieului dicte, c' Dieu a de Sa créature.,, Cette activitéscripturaire ine et en vertu de laquelle Ie Calameécrit dans la Tabre est formurée en termes d'un véritabre acte sexuel. cetacte est, en rui-même, immatérier et intelrigibre, mais ses traces, qui n" ,ontautre chose que res créatures, sont visibles et sensibles3T. Le calame et IaTable ressembrent respectivement à Adam et Eve. D,abord Eve est, seronla Tradition, issue d'Adam, cornrne l'Ame universe,e est issue del'Intellect premier. Ensuite Iunion sexueile qui unit re carame et Ia Tabre
est identique au rapport sexuer entre Adam et Eve qui sont des paradigmesde I'homme et de ra femme' ce que Ie carame dépose dans ra Tabre res-semble au sperme que dépose le mâle dans I'utérus (rahim) de la femelle.II y a un ensemencement intelrigible de l'Ame par.Intellect comme il y aun ensemencement sensibre de ra femme par I'homme. Toutes res signifi-catiorrs que portent res lettres matérieiles, écrites en encre, sont sembrabresaux esprits (rûh, plurier arwâh) des enfants, déposés dans leurs corps38. Etc'est Dieu qui unit rlnteilect et rAme pour que re Monde vienne à se mani_t-ester3e, L'Ame est ainsi Ia premièrè insànce cosmique à subir |actesexuel (mankûh, passir) de ra part d'un acteur sexuer cosmique (nâkihkawnî, actif), c'est-à-dire du carame divin. Tout ce qui appartient donc aumonde de la génération a pour père |rnteilect et pour mère |Ame univer_.selleao.
Ici la sexualisation n'est pas absolue : masculinité et féminité restent rela_tives dans leur essence. La Tabre ere-même joue ainsi re rôle du mâre parrappoft aux instances cosmiques inférieures. si bien que Ie calame et raTable devie,nent, dans
'ordre de ra causalité, respeciivement des para-
digmes pour tout agent (poiérique) et pour tout patient (pathétiqug;+r.comment est assurée ra génération du reste du Monde ? Dieu dota ra Tabrede deux facultés: r'une théorique, rerative à ra science (,irm),l,autre pra-tique, relative à I'action ('ama11tz. La pr.emière contient les formes imma_térielles et inteiligibres (qui sont distirrctes des formes sensibres et corpo-relles)' ce sont ces deux facurtés (bien définies par la psychorogie phiroso-phique raditionnelle, chez Avicenne par exempre) qri *nt à r;origine des
IR
IBN 'ARABI ET SA ML'I'APTITJTIIUL L)U JD^L
êtres engendrés dans leur extrême diversité. Et parce que la faculté théo-
rique âgit sur la faculté pratique, s'établit entre elles la distinction de mhs-
culinité et de paternité pour la première, de féminité et de maternité pour Iaseconde. La première, parce qu'elle est agissante, est père, la seconde,
parce que qu'elle est patiente et productrice des formes sensibles, e.st
mèrea3. Ensuite I'Ame universelle donne naissance à deux jumeaux: la
physis (tabî'a) et la hylè (habâ ou matière première). Ceux-ci sont donc
frère et sæur d'un même père et d'une même mère, mais ils deviennent
époux (ba'l) et épouse (ahl): la physis s'unit alors à la hylè pour donner
naissance au Corps absolu. C'est la première manifestation corporelle pro-prement dite. En celala physis est père parce qu'elle agit et produit un effet(le Corps absolu), la hylè est mère, car c'est en son sein que cet effet est
apparu. Tout le reste de la génération suit alors selon un ordre déterminéaa.
Cette genèse et cette configuration du Monde, qu'Ibn 'Arabî emprunte aux
Falôsifa, est projetée sur les catégories coraniques et théologiques, c'est-à-
dire Dieu, Ses attributs et Son rapport au Monde. La puissance (qudra)
n'est alors que la faculté pratique déposée par Dieu en I'Ame, car I'effet de
la puissance est de faire exister, ce qui n'est rien d'autre que I'action.
Quant à la science ('ilm), elle n'est rien d'autre que la faculté théorique de
I'Ame universelle4.5.
IV. LB NIKÂ.H PIIYSIQUB
Que ce soit dans I'ordre minéral, végétal ou animal, Ibn 'Arabî pose I'actesexuel à f 'origine de tous les êt'es engendrés (muwqlladût)a6. A cet eft'et, ilse sert de la fameuse division aristotélicienne «lu Monde en tnonde supra-
lunaire et en monde sub-lunaire. Celui-ci, contrairement au premier, est le
règne de la génération et de la corruption. Les acteurs sexuels sont, en I'oc-curence, les sphères célestes et leurs astres qui sont le principe masculin et
paternel, et Ie monde sub-lunaire avec ses quatre éléments qui sont le prin-
cipe féminin et maternel. Le mouvement des sphères est identique au mou-
vement accompli lors du coiTaT, Nous y reviendrons avec plus de détall.C'est donc là une explication classique propre à la vision du monde antique
et médiévale, bien que, avant Ibn 'Arabî, elle ne fût pas toujours formulée
en termes d'activité sexuelle, A ceux-ci, il trouve les équivalents en termes
coraniques de sorte que les paftenaires sexuels forment, dans la génératiorr
physique, les couples suivants : "les Cieux et la Terre" et "les jours et les
9
ES CAHIERS DE TUNISiEMENSIA ARFA MOKDAD IBN 'ARABI L'I SA MLIATNIJIUUL UU JLIIL
lapideriez?s5" Cet amr divin, dont il est dit dans le Coran-56 que "... à
chaque ciel, Il fixa son état (amr) par révélation", descend (yatanaz.i.alu)
d'entre les Cieux et les Terres dans leur étreinte sexuelle comme I'enfant
naît entre ses parentssT. La finalité d'une telle "descente entre les deux"
(tanaz.z.ul) est bien la génération (takwîn) des êtres. Cet amr est le contrat
légal qui transforme l'acte purement sexuel en un mariage Iicites8. Toute la
création rentre ainsi dans la Loi divine et participe continuellement à des
noces légitimes et bénies.
Encore une fois, et dans un ordre de causalité instauré par Dieu (asbâb
mawdû 'a bi-lwad 'al-ilôhî),le processus sexuel purement physique ne sut'-
fit pas, à lui seul, à expliquer Ia génération. Il lui faut cet élément méta-
physique : le amr divin, Qui ne signifie pas seulement commandement divin
mais surtout une entité divine réellese.
Toujours en rapport avec les sciences physiques où I'activité sexuelle est
réelle, l'on pourrait évoquer rapidement le rapport entre alchimie et sexua-
lité. Dans le chapitre 167 des Futûhât6o consacrée à "1'alchimie du bon-
heur" et où il donne une définition de I'alchimie et ses divisions, Ibn 'Arabi
reprend des théories bien connus des Alchimistes et établit I'existence de
cette union sexuelle véritable entre les minéraux pour donner naissance à
f 'or. Les deux géniteurs sonten I'occurence le soulfre (kibrît) et le mercure
(zi'buq), ils se trouvent à I'origine des autres métaux. La finalité de I'union
des deux minéraux géniteurs est de produire I'or, par lequel les deux espè-
rent aLteindre I'ultime degré de noblesse. Des anomalies, ducs au gisement
et aux aléas du temps, peuvent advenir et empêcher r;ue I'enfant atteigne ce
degré utltime du processus. Cet inachèvement donne naissance aux autres
métaux qui sont inférieurs à I'or mais qui sont néanmoins le produit de
cette étreinte sexuelle6t,
Ce nikôlt en alchimie est d'une extrême importance. D'abord cela nous
montre que le paradigme sexuel fondamental appliqué par Ibn 'Arabi n'est
pas étranger à ceux des Alchimistes ni à celui de l'Hermétisme avec le rôle
qu'y joue Ie symbolisme érotique62. L'alchimie, dont I'objet est l'étude des
transformations subies par une substance dans le but d'agir sur ces transfor-
mations, se rapproche de la science de la sexualité et de la reproduction. Et
encore une flois, une science physique doit trouver son fondement dans la
métaphysique (ilâhiyyât), parce que tout être, objet d'une science pafticu-
lière, trouve son fondement dans l'Unique réalité (Haqq). Ibn 'Arabî lui-
même met en relief ce rapport entre alchimie et métaphysique63 : en alchimie
nuits"' Le rapport causar entre res deux coupres est évident: c,est par remouvement de I'astre soleil (4e ciel ou sphère) que deviennent manifestesle jour et la nuit.
considérons d'abord Ie premier coupre, cerui des cieux et de la Terre. unefois que, dans la genèse de l'univers, res astres et res éréments atteignentIeur achèvement, res astres, émetteurs de rayons et de chareur, sont mis enmouvement et, par voie de conséquence, les quatre éléments aussia8.Ensuite des rapports de procréation, d'ascendance et de descendance s,éta_bl issent entre ceux-ci49.
c'est là la cause de tous les changem ents (istihôtôr) qui produisent les êtresphysiques et leur manifestation, et l'élément féminin n;est pas totalementpassif, il intervient dans la détermination des êtres engendré5s0. Ibn .Arabîse réfère au lexique déjà établi par Ghazârî et appelre les sphères avec leursastres "nos pères d'en-haut (c'est-à-dire les acteurs sexuels masculinssupra-lunaires) et les éléments. "nos mères d'en bas,, (c'est-à-dire resacteurs sexuels féminins sub-runaires) qui jouent le rôre de
.,réceptacles et
de matrices' t" (qawâbur et hawômir). cette union féconde entre res sphèreset les éléments comporte un aspect sensibre (/rissî) et un élément inteili-gible Qna'nawî). Le premier est l'union physique que nous venons d,ex-poser' quant au second ir est nécessaire, pour re comprendre, de revenir àla correspondance étabrie entre cette exprication physique et Iexégèsecoranique. "Dieu, tout haut, étabri entre re cier et la Terre une union intime(iltihâm) intelligible en res dirigeant vers ra génération des êtres qu,Il veutfaire exister dans cette Terre,.. Ir fait de ra Terre quelque .ho." d" ,"r-blable à l'épouse (aht), et du ciel quelque chose de sembrabre à I,époux(ba'l). Le ciel jette dans la Terre le commandement (amr) que Dieu ruirévèle; tel I'homme qui jene la semence dans la femme par I;acte sexuel.Par cet ensemencement ra Terre fait alors apparaître res !énérations qui ysont déposées par Dieus2". Le contact (ittisôr) entre les ioyon, des astresqui sont en mouvement et les éléments équivaut au commerc e (ittisôl)charnel qu'ont les pères avec res mèress3. c'est ainsi qu,Ibn .Arabî
établitla correspondance entre |exprication empruntée au Farâsda et Iexégèsedu verset coranique "Ailah est cerui qui a créé *"pt
"i"u* et autant de
terres. L'Ordre (Amr) descend entre (les cieux et lesierres;s+,,. Il y trouvedes "secrets énormes". Ibn 'Abbâs, l'un des premiers et des prus grandsexégètes en islam, ne dit-il pas du même verset : "Si j'en faisais I'exégèsevous me traiteriez de mécréant @ârtù ou, selon une autre version, vous me
202
ES CAHIERS DE TUNISIE MENSIA ARFA MOKDAD
Ia fonction de la vapeur (bukhâr) due à la reproduction des métaux est iden-tique à celle du souffle (nafas) divin en métaphysiqueu. La théorie de
wafulat al-wujûd ne va pas sans ce lien : "Chaque être particulier a une face
spéciale qui le lie à Dieu (wajh ilâhî khâç;)... La science que nous en avons
est la même que celle de l'élixir"en alchimie physique Qabî'iyya), et c'estl'élixir de ceux qui possèdent la connaissance spirituelle ('ôriftn)as." Pourchaque chose cette face est sa réalité (haqîqa).
Quant au règne végétal Ibn 'Arabî cite le verset coranique : "Nous avonsdéchaîné les vents chargés (lawâqih, qui fécondent)...66" Une telle fécon-
dation est à la portée de notre observation : Ie vent agit sexuellement par les
éléments mâles qu'il transporte6T.
Revenons à cette activité sexuelle intense et incessante des Cieux et de laTerre. Elle peut être traduite en une autre activité, celle entre "les jours et
les nuits". C'est une interprétation que rend possible I'application duparadigme sexuel à ces deux termes fréquemment mentionnés par leCoran.
Nous avons vu que c'est le mouvement du soleil qui détermine la succes-
siorr du jour et de la nuit et donne ainsi naissance aux êtres engendrés
Qnuwalladôt). Et dans I'ordre d'antériorité entre la nuit et le jour, quand le
Coran6s dit: "... la nuit dont nous dépouillons le jour...", il établit que lanuit est première et contient Ie jour comme I'obscurité contient la lumièreet le corps contient l'âme. Elle lui a donné naissance, elle est donc sa
mère6e. Dans le rapport de paternité et de procréation nous avons là un pre-
mier élément : celui de salkh (dépouillement, extraction).
Quant à l'activité sexuelle proprement dite, elle est clairement affirméedans I'exégèse que fait Ibn 'Arabi dans le sens d'une pénétration mutuelleentre le jour et la nuit, du verset suivant: "C'est qu'Allah fait pénétrer lanuit dans le jour, qu'Il fait pénétrer le jour dans la nuit.,.70" Dieu fait de ce
rapport un acte sexuel du fait que le jour et la nuit sont le cadre de la géné-
ration des êtres. L'autre verset : "Il (votre Seigneur) couvre le jour de lanuit qui le poursuit, avide...7l" corroborelaréalité d'un tel rapport seXuel.
Seulement, et encore une fois, masculinité et féminité ne sont pas absolues :
le jour et la nuit sont, vis-à-vis du partenaire opposé, tour à tour masculin
et féminin, époux (ba'l) et épouse (ahl), "pénétrant et pénétré" (mûlijun wa
mûlajunfihi). Le principe de sexualisation est le suivant : "Tout ce qui est
engendré pendant le jour a pour mère Ie jour et pour père la nuit ; tout ce
qui est engendré pendant la nuit a pour mère la nuit et pour père le joud2."
*-
Du.iour ct do la nuit clürcurr cst clonc pèro, cc <1tri cst ongctrclré clittts stltt
oppàse et mère cle ce clui est engenttré cn lui' chacun couv.c (yuglrllû)
l'autre et est couvert par lui. C'est ainsi que Dieu crée continuellement les
êtres pendant le jour et la nuit73'
Nous touchons là un point capital dans la métaphysique du temps chez Ibn
.Arabî'Nousavonsconsciencedel'importancedecettedoctrinedansson
Système,maisnousnepouvonspasenexposericilecontenu.Conten[ons-nous d'en évoquer un concept central qui explicite le rapport de Dieu au
Monde:ils,agitduconceptdesha'n(plurielshu'ûn)quisignifie,chezlbn'Arabî,undesinstantsindivisibtes,desunitésminimalesdutempsdivinpar lesquels Dieu intervient sans cesse dans le Monde et dont tout être
engendÉettoutévénementseproduisantpendantlejouretlanuitn'estqu-"t'"ff".(athar),DanstouteSonæuvreIbn.Arabîrevientsanscesseàce,.rr", .oronique : "...chaque jour, Il (le Seigneur) est pris par une æuvre
(shct'n)7+" pour en faire I'exégèse conformément à sa métaphysique du
temps, sa conception du rapport entre Dieu et le Monde et sa théorie de
|,Etre. Il ir d'aitleurs consacré Son petit traité Kitâb Ayyâm ash-sh,o'n, men-
tionrré plus huut, oùr il expose cctte intervention divine incessttnte dans cette
union sexuelle entre tc jour et la nuit.'l'ous los Ôtrts crrgcttclrés sotrt los
entants cle ceux-ci et Sont les traces de l,action clivine7.5. Là, nous tortchons,
encore une fois, la réalité clivine qui sous-tend le Monde et tout ce qui
advient en lui76'
Nous obtenons ainsi une autre réalité relative à I'activité sexuelle qui unit
lejouretlanuit.C'est..l'intromission,'(îlôJ)mutuelledujouretdelanuitlorsque chaque partenaire couvre (yaghshâ) l'autre77'
Il reste une autre réalité qu'Ibn 'Arabî emprunte au verset coranique sui-
vânt : "...Il (Allah) enroull §ukawwiru) la nuit sur le jour et enroule le jour
sur la nuit78", Du jour et de la nuit chacun est à son tour "enroulé" (mukaw-
war).Lerapport entre pénétration et enroulement (takwîr) s'établit comme
suit: il y i rok*î, du iou' pour la "pénétration" (îlôi) de la nuit et il y a
takwîrde la nuit pou. io pénétration du jou/e' Et' en vertu d'une différen-
ciation sexuelle établie entre les deux principes de l,être vivant, le takwîr,
parce qu'il est visible, est identifié au principe corporel' etleîlôi'patce
qu'it est intelligible (ma'nawî), au principe psychiqueao' Cette idée joue'
chezlbn.Arabî,unrôledepremierordredanslastructureprofondedel'EtreetdanslerapportentreDieuetleMondeentantquecelui-ciestanimé Par Dieu.
; CAHIERS DE TUNTSIE MENSIA ARFA MOKDAD
v. LB xtxÂï DANs sA DrMBNsroN ANTHRopoLocreuB
"... Elles sont un vêt'ement pour vous et vous êtes un vêtement pourelles...8l"
1) Paradigme sexuel et anthropogenèse
2) L'homme et la femmecomment s'opère la différenciation sexuelle en homme et femme ? Nousavons vu déjà comment ra Tradition fait provenir Eve d,une côte d'Adam.
24
IBN 'ARABI EI SA MLIATNI;TUUD UU ObD
Cette genèse établissant un rapport du tout (Adam) à la partie (Eve) permetd'expliquer la clémence (raltma), la tendresse (hunuww) et le désir(shahwa) de I'un pour I'autre. Le désir sexuel (shahwa nikôhiya) chezl'homme occupe le même lieu que celui qu'occupe Eve avant qu'elle ne
sorte d'Adam88. Eve est attirée par Adam comme la partie est attirée vers
le tout, son lieu d'origine (mawlin) et, inversement, Adam est attiré par
Eve, par la nostalgie du tout à la partie, sans laquelle il n'est pas un tout8e.
Chacun trouve auprès de I'autre repos et quiétude. "L'amour mutuel(mawadda) consiste dans le fait de persévérer dans I'union nuptiale (nihâh)
entraînant la procréation, et la clémence dans I'inclination nostalgique(hanîn) que chacun éprouve pour l'autree0."
3) Puissance de la femme en sexualité et son fondement métaphysique
Il ne s'agit nullement ici d'exposer la conception qu'Ibn 'Arabî se fait de
la femme, mais simplement de quelques indications utiles à notre propos.
Dans I'ordre de la hiérarchie lbn 'Arabî afl'irme parfois la supériorité de
l'homme par rapport à la femme. A cet effet il revient à I'ordre causal de
I'action et de la passion (fi'l et inli'âl). Et l'on a vu comment l'être humain
est le produit des Cieux et de la Terre et subit leur action. Etant patient illeur est donc inférieur. Une telle idée se trouve appuyée par le verset cora-
nique suivant: "Créer les cieux et la terre est certes plus grandiose que
créer les Hommes...et" Le patient étant toujours inférieur à I'agent, la
femme, née à partir d'Adam, lui est donc inférieuree2.
En vérité cette infériorité de la femme est toute relative ; et, de la part d'lbn'Arabî, ce n'est pas tant I'affirmation de I'infériorité qu'un positionnement
ontologique de I'homme et de la femme dans I'ordre des réalités métaphy-
siques dernièrese3. S'appuyant sur un hadîth bien connu, suivant lequel "laparenté (symbolisée par I'utérus, rahim) est un rameau (shujna) qui vient du
Clément (Rahmô1)tt", Ibn 'Arabî affirme qu'à "l'origine de I'existentiation(asl al-îjâcl) la place de Ia femme,par rappprt à I'homme est analogue à celle
de la parenté (rahim) par rappoft au Clément, car elle dérive de lui. . . Notreposition par rapport au Clément est semblable à celle d'Eve par rapport à
Adam. Elle est le lieu de la procréation et I'apparition des enfants indivi-duels ; de même, nous sommes le lieu d'apparition des actes (af'âl): I'acte,
bien qu'en vérité il soit de Dieu, n'a pu être manifeste que par nouse-s".
La place privilégiée de la femme se trouve donc fondée métaphysiquemente6.
"Il n'y a pas, dit Ibn 'Arabî, dans le monde créé un être plus puissant que la
25
AHIERS DE TUNISIE MENSIA ARFA MOKDAD
femme et ce, grâce'à un secret qui n'est accessible qu'à celui qui connaîten quoi le Monde a existé et par quel mouvement Dieu-le-Réel I'a faitexister. Il a existé à partir de deux prémisses dont il est la conclusion, Dans
I'acte sexuel le partenaire actif (nôkih) est demandeur, qui éprouve donc
un besoin, et le partenaire passif est demandé, il a donc I'honneur ('izza)de celui dont on a besoin. Or le désir est irrésistible. La place de la femme
est donc devenue claire pour toi... et ce en quoi sa puissance est mani-feste97. "Un dernier point à évoquer, Ibn 'Arabî fait expressément l'éloge de l'or-gane sexuel :la'awra9\, qui a d'habitude une connotation négative. Il en
propose une étymologie qui est, pour le moins, curieuse. Selon lui on l'ap-pelle ainsi à cause de son inclinaison vers le bas, ce qui, métaphysiquement,
a valeur de symbole, "car il (organe sexuel) a le grade du secret (sirr) dans
I'existentiation par Dieu. Dieu lui a donné la place du Calame divin,comme Il a donné à la femme la place de la Table sur laquelle ce Calameécritee."
VI. SBXUALITÉ MÉTAPHYSIQUB BT FONDBMBNTMÉTAPHYSIQUE DU SEXB
Il s'agit maintenant de voir les rapports entre l'activité sexuelle et la struc-ture profonde de I'Etre et de montrer comment cette activité est en æuvreau niveau métaphysique qui fonde et explique la sexualité phénoménale,
telle qu'elle apparaît dans le Monde, La science de I'union sexuelle est bienune science de ce qui advient dans le Monde ('uLûm al-akwôn), mais elletrouve son fondement dans la métaphysiqle ('ilm llôlzî), puisque tout ce quin'est pas Dieu provient de Dieul0o. Quant à la métaphysique de la sexualité
universelle, elle permet de déceler Ie principe ultime qui régit tout acte
sexuel, qu'il soit d'ordre physique ou métaphysique. Il s'agit en somme, si
I'on nous permet I'expression, d'un principe, d'un principe méta-métaphy-
sique.
1) La scxualtt6 métaphyslquc (nttÊ[ ghaybl)
a) Slructure de la Réalité divittc
Pour atteindre I'intimité de I'activité sexuelle au niveau rnétaphysique il est
nécessaire de déterminer les instances qui sont les acteurs sexuels, la
262'7
IBN ',AllABl D'l'SA MLl APHtstvut! uu rttÀtl
manière dont elles s'articulent et, donc, les rapports de différenciation'
d'identité et d'altérité. C'est pour cela qu'il imPorte de voir, dans une théo- '
rie de I'unicité de l'Etre, comment l'Un se différencie suivant les catégo-
ries du Même et de I'Autre. Ibn 'Arabî décide qu' "une chose ne peut se
dédoubler que par elle-même, et jamais par une autre chose qu'elle-même".
C'est-à-dire qu'elle est, à elle-même, son Propre double : I'un ne devient
deux que par son identité et non Pas par une altérité extérieure à lui.
L'identité est donc principe de différenciation. Ce principe trouve sa véri-
fication aussi bien dans les êtres sensibles (mahsûs) que dans les entités
intelligibles (ma'qûl). Dans I'ordre sensible, la Tradition, on I'a vu, montre
qu'Adam n'est devenu double que par Eve, née de lui : en lui-même il était
un, par elte il constitue un couple (2.àwi). Pourtant elle n'est au fond que lui-
même, sa propre identité à laquelle il doit sa qualification d'unité. Dans
f 'ordre intelligible la Divinité (ulîrha ott ulûhiyya) l0l n'est autre chose que
I'Essence divine (dhât). Seulement on distingue là deux entités intelli-
gibles : la Divinité et I'Essence. C'est grâce à la Divinité, qui n'est autre
que ['Essence, que celle-ci s'est dédoublée. Pour les humains, cette diffé-
renciation originelle a rendu possible la multiplicité des hommes et des
femmes, qui ne sont que le reflet du Couple paradigmatique. De même
cette différenciation dans I'Essence divine a donné naissance au Monde
multiple en instaurant le Couple paradigmatique : l'Agent et le Patient. Et
c'est là I'origine divine de tout le schéma causal qui donne naissance à la
génération des êtres, C'est Ia Divinité, qui est dans son essence un rapport
au Monde, qui a déterminé la venue à I'existence de celui-ci. Les humains,
les causes et les effets ne font que reproduire indéfiniment le paradigme
originel. "Le Principe (a,sl) est un, il n'est dédoublé que par soi-même' La
multiplicité n'est apparue qu'à partir de l'essence ('ayrl) même de ce
Principer0z." C'est ainsi qu'Ibn 'Arabî résout le problème métaphysique
central : comment I'Unité primordiale s'articule-t-elle selon des détermina-
tions multiples pour que soit possible I'existence du Monde ?
b) Métaphysique de la crtôation
une fois le principe introduit philosophiquement, il trouve son expression
théologique dans les noms divins. Ces noms ne sont pas en vérité des réa-
lités distinctes de l'Essence et qui auraient une consistance ontologique,
autrement il y aurait là une multiplicité réelle. Ce ne sont que des "relations
ou rapports" (nisab ou idâfôt).Ibn 'Arabî se rapproche ainsi de la solution
' CAHIERS DE TUNISIE MENSIA ARFA MOKDAD
mu'tazilite du problème du rapport entre I'Essence et les Attributs divins.
L'on sait le rôle fondamental que jouent les noms et les attributs divins
dans le système d'Ibn 'Arabî, un tel rôle serait trop long à exposerl03.
Signalons simplement leur rapport continu au Monde déterminant tout ce
qui y advient, en rejoignant ainsi ce qui a été dit plus haut concernant la
métaphysique du temps (shu'ûn ilâhiya). Reflet de cette unité multiple, ces
noms divins sont concemés par l'existentiation du Monde (tawajjuh al-
asmô' al-ilâhiyya 'alâ îjôd al-'âlam). De ces réalités divines (fiaqô'iq ilô-
hiyya) celui-ci, pour qu'il existe, exige quatre attributs : la vie, la science,
la volonté et la puissance.La vie est pré-supposée par les trois autres, la
science est nécessaire pour concevoir avant de créet,la volonté choisit ce
que la puissance finira par faire passer à I'existence. Déjà I'on peut distin-
guer, au niveau de ces attributs, entre "agent" et "patient", donc le para-
digme sexuel y est à l'æuvrel04. Et c'est cette dualité, qui ordonne les attri-
buts divins, qui est I'origine métaphysique de toute action et de toute pas-
sion dans le Monde, celui-ci ne fait que reproduire le paradigme originel.
C'est ainsi que dans ses parties il est tantôt agent et tantôt patient, mais rela-
tivement à Dieu il est patient dans sa totalitélos. L'exposé de la théorie
akbarienne de la venue du Monde à I'existence, c'est-à-dire sa manifesta-
tion de I'Etre comme unique réalité, déborde largement le présent cadre.
Nous n'en évoquerons que ce qui intéresse directement notre propos. Pour
les êtres, le passage du statut de possibles (mumkinôt) au statut d'existants
effectifs (mawjûdât) comme manifestation de I'Etre est le produit d'une
activité sexuelle métaphysique. Les acteurs sexuels sont la Toute-Puissance
(iqtidâr) divine et la possibilité pour l'être possible d'être patient, de rece-
voir I'effet de cette Toute-Puissance.
Les deux sont également indispensables pour que, de leur union (nikôh),le
Monde devienne manifestel06. Un recours à la Tradition peut expliciter un
tel acte. Il s'agit du fameux l.tadîth qudsî dans lequel Dieu Lui-même parle :
"J'étais, dit-Il, un trésor caché et J'ai aimé être connu. Jt ai créé les créatures
et Me suis fait connaître à elles. Alors elles M'ont connu." Or I'acte sexuel
unit génératement les deux partenaires soit par simple amour (mahabba),
soit dans un but de procréation (tawôlud et tanâsul). Dans le deuxième cas
le nikâh se rattache à I'amour divin, au désir de faire exister le Monde,
exprimé par ce badîthtot ; I'amour est ainsi source d'existencelO8. De la
part de Dieu un tel amour préexiste au Monde, par lui Dieu s'adresse aux
choses non existantes en leur ordonnarrt d'être, en leur adressant Son kan
2S
I
J
IDlY ô'\âDT
(Firlùtoe. En fait, par cet amour, Dieu désire réaliser la perfection de la
connaissance et de l'Etre (kamôl al-ma'rifuwa-l-wuiûd). ce ne sera que pai'
une union "dans un état qui ressemble à I'acte sexuel dans le but de pro-
créerl 10". En cela l'être possible est lui-même porté vers cette union par le
désir brûlant de voir le Bien-aimél I l.
Une telle idée trouve appui dans I'instance anthropologique du sexe' men-
tionnée plus haut. L'ordre de I'action et de la passion permet de rapprocher
la femme dela physis comme instance cosmologique, lieu de la passion et
récepracle féminin de I'Ordre divin (kun), donc lieu d'apparition des êtres
engendrés. ce qui permet de degager la fonction métaphysique de cette
physis,en tant qu'instance ontologique dans la structure protbnde de I'Etre.
Aussi bien la physis que le Kun sonl indispensables pour que la manifcs-
tattion des êtres soit possible. Pris isolément, c'est-à-dire I'un sans lc
secours de I'autrc, ri la physis, ni même le kun, expressiotr de la Toute-
générale et absolue (sha'iyya'âmma wa mullaqa) qui est propre et cotn-
mune à toutes les choses particulières (kullu shay' in khâssin). "Je veux dire
par .femmes" dit Ibn 'Arabî, la féminité diffuse dans le Monde, elle est
plus manifeste chez les femmes, c'est pour cette raison qu'elles sont ren-
dues chères à celui à qui elles sont rendues chères (c'est-à-dire le
Prophète) r 13." Une telle choséité absolue est exprimée par la Loi religieuse
(shar') par le terme 'amâ'qui signifie d'ordinaire nuage ou brouillardlla,
et qui exprime dans le lexique d'Ibn 'Arabî une réalité susceptible de rece-
voir images et formes (suwar wa ashkôl) et donne ainsi naissance au
Monde, défini comme tout être autre que Dieulls. "Quiconque, dit Ibn
,Arabî, connaît la place dela physis, connaît Ia place de la femme; qui-
conque connaît I'Ordre divin connaît la place de I'homme; il saura que
l,existence des êtres, autres que Dieu, dépend de ces deux réalitést 16."
' c) Slructure sexuelle du îiat divin (klun)
Ce kun,qui s'unit sexuellement aux êtres possibles pour les faire existerl 17,
a lui-même une structure sexuellells. En effet, il est formé de deux lettres
apparentes : le kâf et le nûn, qui sont analogues aux deux prémisses d'un
syllogisnre. Il y a en réalité une troisième lettre invisible, le wâw, deuxième
29
ES CAHIERS DE TUNISIE MENSIA ARFA MOKDAD
lettre de ce verbe de racine sourde, supprimée à I'impératif, Ia syllabelongue (kûn) devient une syllabe fermée (kun) à cause de lâ'rencontre dedeux quiescentes (sôkinân). Cette troisième lettre est analogue à I'organemàle (qalam) qui, lors de I'intromission, n'est plus visible, mais qui produitson effet. La semence elle-même reste un secret invisible (ghayb). Lesukûn,le repos ou cessation de mouvement, est analogue au repos des par-tenaires succédant à leur jouissancel te.
Le kun a également un rapport au sexe sous un autre aspect. Les deuxlettres qui le forment sont analogues aux deux mains de Dieu dont parlentle Coran et par lesquelles Il créa Adaml2o. La prononciation de ce kun estaussi bien cohabitation que création par les mains. Ce sont là les deux sens
du mot 'mubôsharat2t.
d) Nltth ct manÿc$arioz (tajalll, ?uhtr)Nous avons vu que le problème de I'existence du Monde dans son rapportà I'Etre réel est I'un des plus importants que pose Ibn 'Arabî. Son systèmeest, en grande partie, un essai d'expliciter ces deux instances interdépen-dantes et leur rapport. Il formule ce rapport fondamental en termes detajallî etde ryhûr (manifestation, épiphanie) ou il s'agit moins de deux réa-lités ontologiques séparées que de deux instances dont I'une, bien qu'ayantson propre statut ontologique, est la manifestation de l'autre, plus profonde.Encore une fois, le paradigme sexuel est ici d'un grand secours.'Nousavons déjà évoqué I'articulation de la Réalité divine en Essence et en
Divinité. L'Essence exprime I'esseulement ontologique le plus absolu : ellen'est liée au Monde par aucun rapport. Dans ce cas il est impossible à
l'Essence, qui est unicité absolue (abadiyya) de se rendre manifeste. Toutemanifestation (tajallî) n'est possible que s'il y une certaine dualité : lemanifesté et ce par qui et pour qui il est *unifssEl22, Ce tajallî, mode onto-logique fondamental par lequel I'Etre devient manifeste, est régi par unparadigme sexuel, "L'Etre absolu s'unit aux Essences étemelles, qui sontles êtres possibles, pour que l'être déterminé (wujîtd muqayyad) soit mani-festel23." Le mystère de la manifestation n'est rendu intelligible que grâce
à la science denikôlt.Il y a bien une "science des génitrices(muwallidât)qui sont les Mères : pour quelle raison mettent-elles bas au Monde sans
qu'elles y apparaissent effectivement ? Et les choses individuelles (a'yônal-ashyô') ne se sont manifestées que par ce qu'elles sont enfants des
Mères et dgs P§1ssl2a."
30
tsr,t 'A,RAIî zr sA, uÉrl,ruyaque DU sExE
Revenons, encore une fois, à I'ordre divin kun. Dans le relation d.e
tajallî ce Verbe n'est autre chose que l'étant, l'être particulier (al-maw-jûdôt = Kalimât Allâh) Iui-même. Mais ce n'est pas seulement le Verbe,
c'est le Verbe avec les "Essences éternelles" (!uyûn thâbita), c'est-à-dire les êtres dans leur statut de possibles (mumkinât) auxquels le Verbe
se lie par une union sexuelle métaphysique (nikôh ghaybî) où I'enfant(walad) n'est autre que cette union même entre le Verbe et les
ls5snssg I 25.
2) Nikâb, modèle général de la causalité
De notre exposé une idée se dégage : le rapport sexuel est fondamentale-
ment un modèle général de causalité. Tout eflet (athar), quel qu'en soit le
domaine, est le produit d'un acte unissant deux principes : celui de la mas-
culinité, symbole de tout agent (poiétique,fâ'il, mu'aththir) et celui de la
féminité, symbole de tout patient (pathétique, munfu'il, nxu'aththdr.lîlû).
Ainsi sommes-nous maintenant en mesure de saisir le caractère global de
cette science du nikâ\.t, portant sur un objet universel. Paternité, maternité
et union sexuelle .sont diffuses dans toutes choses et la production (ncttîjcr)
est ininterrompue. Cela concerne toute chose qui vient à se manifester à
I'existence. C'est ce que Ibn 'Arabî appelle "l'uttion sexuelle diffuse (sârî)
dans toutes les progénitu1s5l26" (dharôrî, pl. de dhurriyya, enfants mais
aussi femmes). "Tout agent(mu'aththir) est père, tout patient (mu'aththar
fihi) est mère, ce à quoi ils donnent naissance c'est I'effet (athar) et il s'ap-
pelle enfant ou progénituçst27."
En appliquant, par exemple, le schéma d'émission et de réception au rap-
port de celui qui parle et de celui qui entend : le premier est agent, le
second est patient, la parole (takallum) est union sexuelle, I'effet produit
dans I'esprit de celui qui écoute est "l'enfantl28". Çs rapport en régit un
autre: celui de la question ou requête (su'ôl) et de la réponse (iawôb),de
prière (du'â') et d'exaucement ('isryZba). Cela s'applique déjà au rapPort
métaphysique entre I'Ordre divin (kun), qui est une parole, et la choséité
des possibles pour leur passage à I'existence, et aussi au rapport religieux
d'obligation et d'obéissance. De la part de la créature c'est une requête
universelle et continue. C'est ce qui se rattache à la métaphysique du
temps où Dieu intervient continr.rellement dans le Monde. "Tout être, . . est
susceptible de faire une requête- le sha'n (de Dieu) en chaque instant est
de créer à chaque minute la r':c1uête chez ceux qui la font et de créer
3
ES CAHIERS DE TUNISIELES MENSIA ARFA MOKDAD
l,exaucemen
Ibn ,Arabî re
bien que Diepatient a le sen réalité entl,agent, recevun mystère qude celui qui a
3) Le fondemeRevenons au métaphysique
gisme qui metnous saisissondonc par le motition que la prtion (intâ) est Iliert3z,, @Lwâlttiques un prieue signifietion et donc tout, nion sexuelle, toute produc_faisante exigerai : I'Etre ? Une réponse satis-nous contenteron lrofonde ds l,ptrgr33. §6u5comment l'unité ons au problème essentiel :Ibn .Arabî
fait u pour qu,existe Ie Monje iI'unité absoluele privilège delaafiadiya del,Ehiya). Elle n,est cpothétique, dirait I 1ns sh65gl35. C'est l'anhv-cette aftadiya n,est u'il a été dit plus haut quesaurait se manifest iion, c'est-à-dire qu'elle netaine dualité136. La e afticulation en une cer-mordiale non artic en elle-même, unité pri-dit plus haut que ce ant pourquoi ,ou, uràn,Par contre lafa cune sciencel3T.
unité multiple en qr ' est unité articulée, uneunité qui la conditionne et par laquelle elle se ourrrf,rr"rr.îi:::îr:i,î;:,
32
qui est I'unité de la Divinité : Il est le Dieu relativement au Monde, cette
détermination par la relation au Monde introduit dans la Divinité une cer-taine multiplicité13e. Certes, chacune des créatures a une fardiya'.Seulement "aucttne chose ne peut avoir de fardiya que si elle est doublée(shafl par I'Ipséité (huwiya) de I'Etre-Réel (al-Haqq), pour qu'il n'y ait de
ahadiya que pour Lui. Alors que Safardiya n'est doublée par aucune créa-
ture, Il double laJardiya de tous les êtres ç1f§sla0.
L'on a vu que le problème de I'existence du Monde est I'urr des problèmes
les plus importants qu'Ibn 'Arabî essaie de résoudre. Cette distinctionentre les deux types d'unité se trouve à la base de sa solution. L'existencedu Monde ne devient possible qu'une fois posée I'unité articulée de lafar-cliya, et nullement à partir de I'unité absolue dela ahadiyat4t.La produc-
tion (nitâj), qui est manifestation des êtres individuels (a'yân al-mawjûdôt),n'est possible que grâce dl'Unfard et non pas à I'Un non-/a rd.LeRéel (al-
Haqq) n'a pas fait exister le Monde par Son fait d'être une essence (r//rdt)
seulement, ni par le fait d'être un simplement, mais par le fait d'être une
essence qui a volonté (tawajjuh irâdî) el puissance (qâcliru)taz. "En méta-
physique ('ilm ilâhî) la manifestation du Monde sc fait à partir de ces troisréalités intelligibles (haqô'iq ma'qûla)r43." C'est encore une structurc tor-naire, et elle ne peut être qu'ainsi. "Le premier làrrl est Dieu, l'Un (wiihid),
avec le nombre trois le Monde existel44."
Aucune production n'est possible à partir d'une seule unité, ni à partir d'unedualité de deux unités séparées, mais seulement à partir de la détermination de
l'unitude (wahüniya) dans ces deux unités par une autre unité distincte (fard)qui fait une sorte de va-et-vient entre les deux unités et, ainsi, les unit et leur
procure la puissance de produirela5. La science universelle de I'union sexuelle
se fonde ainsi sur une science rarissime, "celle de lafardiya premièrela6" ('ilzal-fardiya al-'ûlô),fardiya diffuse dans tous les êtres individuels.
Nous croyons dégager par là-même le principe premier qui régit toute dif'-
férenciation de I'Etre et toute différenciation sexuelle : le principe de lafar-diya,
VII. 'ÂÀItr" FEMME ET SBXUALITÉ
l) Le 'ôrd et les femmes
Fort de cette connaissance des réalités des choses, le'ârif saisit mieux que
quiconque la fonction du nikôh et la signification de la femme, fondé.s
.ES CAHIERS DE TUNISIE MENSIA ARFA MOKDAD
métaphysiquement. A l'égard de celle-ci, il ne peut qu'éprouver un désirprofond et respectueux. "Quiconque estime les femmes à leur valeur véri-table et connaît leur secret intime, dit Ibn 'Arabî, ne dédaigne pas, tel un
ascète, I'amour qu'on leur porte. Cet amour fait partie de la perfection du'ârif. C'est un héritage prophétique et un amour divinl47." En tant qu'héri-tage prophétique cet amour trouve son fondement dans le fameux hâdîth :
"De votre vie d'ici-bas trois choses me sont rendues chères : les femmes, le
parfum et la prière, en celle-ci et ma quiétudel48." C'est ainsi que les
f-emmes figurent comme I'un des mystères de l'élection (ikhtisâs) du
Prophètelne. Le 'ârif, dans son amour des femmes, ne fait donc que suivre
fidèlement la Tradition du Prophète. En tant qu'amour divin il se fonde sur
le fait que la femme est le lieu indispensable où se forme l'être humain,
image de la perfectiorr absoluels0. En bref, I'amour des femmes devient une
obligation religieusel'5 l.
Il y a cependant une coustante dans la Voie soufie : la méfiance exprimée
par les maîtres et leur mise en garde des novices à l'égard de la compagnie
des femmes, des jeunes (hudthân) et des garçons imberbes (murün)rsz.11o,'Arabî ne leur donne pas tort et leur trouve même une justification. MaisI'on est en mesure de dépasser cette méfiance en vertu de la réglementation
suivante: "Le novice ne doit vivre en compagnie des femmes que s'ildevient lui-nrênre flemme. Une fois qu'il accède à cette féminité, qu'ilrejoint'le monde d'en-bas', qu'il se rend compte de l'amourque lui porte
le 'monde d'en haut', qu'il se voit en tout état (hôl),tolt instant et tout
influx divin (wârid) subir toujours I'acte sexuel passivement (mankûh), et
ne voit nullement, dans ce dévoilement imaginal (kashf ;ûrî), son caractère
de mâle ni qu'il est homme, et qu'au contraire il se voit comme féminitépure, et que, par cette union sexuelle, il devient 'enceint' et enfante, alors
il lui est permis de vivre en compagnie des femmes, Son penchant et son
amour pour elles ne lui font plus de 1s1153." Au contraire il réalise, par
I'union sexuelle, l'expérience de 1'annihilation. Citons encore ce passage
de Fusîts al-Hikam: "Quand I'homme aime la femme, il désire I'union,c'est-à-dire l'union la plus complète qui soit possible dans I'amour ; et dans
la forme composée d'éléments, il n'existe pas d'union plus intense que
celle de I'acte conjugal. De ce fait, la volupté envahit toutes les parties du
corps et pour la même raison la loi sacrée prescrit I'ablution totale (du
corps après I'acte conjugal), la purification devant être totale comme I'ex-tinctiou de I'homme dans la femme avait été totale lors du ravissement par
14
IBN ,ARABI ET SA MÉT.APHYSIQUE DU SEXE
st jaloux de Son serviteur' Il ne
hose que Lui' Il le Purifie donc
ans sa vision' vers Celui en qui
as autre chose que g9lnl54'"
Le 'ôrifa donc, pour les femmes' un regard spécial et un penchant justi-
fi§lss. "§s11e posture de prosternation pour elles lors de I'union sexuelle
suffit pour *on,r", leur rang élevé (sharaflts6 '"
2)Le'ôrif etla voluPté
L,union sexuelle faisant partie de son accomplissement cognitif et spirituel,
le 'ârifla recherche, il ü recherche pour elle-même' c'est-à-dire unique-
ment pour le plaisir qu'il y éprouve ei non plus dans un but de procréation'
pour la survie de f'"tpa""' p* c"t aspect I'.acte sexuel ressemble parfaite-
ment à celui accomiti put I'homme stérile ou par les bienheureux au
ParadislsT. L'on ne pàut ''"*pêther
de penser ici à la fameuse vision d'Ibn
'Arabî lui-même, par laquelie Dieu I'unit aux astres' aux étoiles et aux
lettres, et lui fait éprouuei un plaisir et une volupté à nuls autres pareilsls8'
exPrimée Par Ibn 'Arabî lorsqu'il
hiérarchie ésotérique et de la réa-
elle fréquente' il a une inclination
nature son dû conformément à ce
que la Loi prescrit, et à la spiritu alité (rûhôni'yn) son dû conformément i\ la
Réalité divine. Il supporte l'abstinence sexuelle quand le nikâh n'est pas à
sa portée. Sa .onnoiilonce de ce que le nikâhrend manit'este I'encourtge it
le rechercher et à te àésirer. Nulle autre chose n'est en mesure de réaliser,
pour rui et pour re reste des,ârifûn,la servitude ('ubûdiyya) autant que le
fait|enikôh...Ilnedésirepasl'unionsexuelledansunbutdeprocréation'L' union sexuelle qu' accompl it celui
Iable à celle qu'accomplissent les
cachée aux Hommes et aux Génies' ex
est de même de l'union sexuelle chez I
faire) le simple ae'i'' fUe*" si la dignité parfaite (sharal ûmm)' qui est un
indicedelafaiblesseproPreàl'étatdeservitude'neconsiste'dansl'unionsexuefle, qu" oon, lo'doïrnation du praisir (qahr al-tadhdha) qrui prive
l'homme de sa tbrce et de sa prétention (cluwwa et cta'wâ)'c'est (néanmoins)
35
TES CAHIERS DE TUNISIEt_t MENSIA ARFA MOKDAD
une domination où r'on éprouve du plaisir (qahr racthîdh). D,ordinairel'être dominé ne connaît pas ra jouissance, ce,e-ci étant re propre du <romi_nateur et non pas du dominé ; excepté dans cet acte spécialement, une telledignité échappe aux gens qui considèrent re désir sexuer comme un désirbestial et, se situant au_dessus de lui, leJédaignenttsr.,,
CONCLUSION
Certes, comme le reune sacrarisa,,"" oÏiTi;,, J,",1:,iTi,lï;'lîî,i:ïi:iiï"lJîîniveau métaphysique est un modère générar.Et c,est, en ouffe, une réaritédiffuse dans tout I'Etre et constitue, f."iir", une dimension essentielre deI'ontorogie et de .herméneutique akbariennes. Ibn ,Arabî
affirme sans ramoindre hésitation que l'originl o, tort" "t,ose
est cet amour sexuer160.Le soufi, qui esr plutôt un Z,f qr,-r"rri't Ies réalités métaphysiques lesplus profondes, respecte les réatités a". "i.ci exige (an-nikâ[t' wa ifâ, u-t- huqrr,, ";]::T ::ï :i:ï:' ;: ï ffi:,:îpar sa nature même), ne dit, dans son discours, que .,ce qui est réeilement,,,sans Ia moindre condamnation d,impureté : tout est pur (1ôhir).Tradirionne'ement re soufisme
"r, "o^lirr, comme curturà de ,absti_nence et de ra méfiance à r'égard des beaux garçons et des femmes. II enest tout autrement av.1 Ibn 'Arabî, respectueux de La Réarité profonde etvoulant en êre le fidèle inrerprète. D"^ r;r"i".".-,ï,:ï:'.,:^::"1 .
l'annihilation a"'il"go (tadhdha ", frr;':r;;T;)rhl'E-;5;*t**(kamâl) en dépend.
La signification profonde de l'æuvre d'Ibn ,Arabî pour I,histoire du sou-fisme est qu'ir fonda cerui-ci, ur"" ,* fuirrun"" inégarée, sur des basesmétaphysiques' L'amour divin n'est ptrs ,i,npt"rent une sublimation, uneélévation pudique des formes r"nriuri.i" i]o^or. à sa forme diviner62. Lathéorie akbarienne nous folm^il Or..u ,Aorf,ysique du sexe, Ie fondementontologique de 'amour
et re fondem"nt ,rti*" de toute ,nio, ,"*r"r" qriest lafardiyya' La métaphysique o, ,"*" "i.on fondement urtime contri-buent à r'inteiligence aà ta structu*or"r*0. de l,Etre et Ia possibiritémême de sa manifestation : c'est ra sexuarisation, c,est-à-dire Ia différen-ciation en mascurinité et en féminité absolues et I,activité sexuere qui aide
:,:îfflffiommenr ,,B,.._t n'.";;il;",. en ses insran."r rur,,pr".
36
nN 'tatnî et st uartpuysteuq DrJ sqxti
Mais si on pense aussi que cet ordre est atemporel (l'Etre e.st toujours être
et le possible garde toujours son statut de possible) et que le Kun est tou-jours adressé aux possibles, I'on en conclut à I'acte sexuel éternel entreDieu et le Monde et la jouissance sans rupture de I'un et de I'autre, et nous,
qui sommes la manifestation de I'Etre, nous participons à cette union nup-
tiale sans finl63. Une telle vision ne peut être que d'un optimisme tbncier.
MeNsIn ARFA MOKDAD
NOTESI . William C. Chettick en fait mention et traduit une citation des Futûl.tât (lll, 5 l6) The Sulipath of knowledge : Ibn al-'Arabî metaphysics of imagination, Albany, N. Y., 1989, 86).J. Evola évoque "la sacralisâtion de l'union sexuelle et I'identitication de la femme à la<(nature» cosmique" chez Ibn 'Arabî (Méraphysique du sexe, Paris, Payot, 1916,242-3 et349) ; mais, en se limitant au seul Fzprîs alflikam d'lbn'Arabî, traduit par Titus Burckhardt(La sagesse cles Prophètes, Paris, I 955), il a pu interpréter ce que dit Ibn 'Arabî dans le sensde l'insuffisance, pour le mystique, de la seule volupté dans I'union avec la femme tant qu'iln'en saisit pas le sens spirituel. Nous verrons qu'une telle lnterprétation déprécie, pour lbn'Arabl, la pure volupté parce qu'elle s'attache au sens spirituel qui la dépasserait.Abdelwahab Bouhdiba réserve un passage de son livre lzr sexualité en Islnm (Paris, P.U.F..1975, 148) à I'analyse dc ce thème. Toshihiko lzutsu traitc aussi du "Fcminine Elcment inthe Creation of the World", (Sufism and Taoism. A Comparcuive Stutly ol Key Philosopltk:ulConcept, Berkeley-Los Angeles-London, 1983, 202-5). De mêmc, H. Corbin analysc danr"La dialectique d'amour" le rapport entre I'Aimé réel ct la lbrmc corrcrètc qui lc rcnrvisible, et décrit la conception du "Féminin-Créatcur" (L'itnagination créatrice tktns le sou
Ji.rnre d'lbn 'Arabî, Paris, 1958, I I l-38). Voir aussi Su'âd al-llakîm, Al-tnu'jatn as-;î(iBeyrouth, l40l/1981, 1069-7 l.2. Voici les deux sens que donne J. Evola de la métaphysique: "Le premier sens est assc.
courant en philosophie où, par «métaphysique», en entend la recherche dcs principes ct dcsigniflcations ultimes. Une métaphysique du sexe sera donc l'étude de ce que, d'un point d,
vue absolu, slgnifient solt les sexes, solt les relations basées sur Ies sexes" (Métaphysiqu'tlu sete,9); le deuxième sens est celui d'un «au-delà du physique» qui est une "constatation de tout ce qui dans I'expérience du sexe et de I'amour comporte un changenrent tlniveau de la conscience ordinaire, «physique», et parfois même une certaine suspension d
la conditionnalité du Moi individuel, et l'émergence momentanée ou insertion de modcd'être de caractère profond" (h métaphysique du sexe, l0).3. Edition du Caire, 1329,1,139; II, 689 ; III, 90,4. Edité par H. S. Nyberg, dans Kleinere Schriften des lbn Al-'Araâi Leiden, 1919,46. CO. Yahia, Histoire et classücation de l'æuvre cl'lbn 'Arabî, Damas, 1964, ll,4l2, n" 5445. l-utûl.tîrr I, 139.6, Pp. 87 sqq.
7. r, 140.
8. Dans Rasô'il lbn al-'Arabî II, n' 5 Hyderabad-Deccan, 137911959.9, I, t4t,r0. I, r38-43,I l. I, 170-1.r2. II,655-63.13. Irr.87-91.
t t Es CAH|ERS DE TUN|S|E
MENSIA ARFA MOKDAD
t, telle ,,la science des géni-
au slr, curieusement il n,yf ]. C_or11 2:23i,trad.^de_R. Blachère, paris, 1957,,r!;9,.0,.,0, tr, 30, 4tz. si,, ;;;;;;j".i"i.,iir"",r: mariase, fornication, sexe de tat9, tbid., 425.20, tbict.. 586.2t. rbid., ilt, 335.
duetlati-
ukm) dolt être, .dans son extension, plus grande; tour11C,u^11_.sr pas exempt dhd.".n;; 17;(hôdilh),les corpi n. ,oni iurËmpts d,ad-
;:ii,i:ilir:iï:î, l;. uo,.nonts,,, car rout
cause d'ébriété, ce qul est cause d'ébriété
28. Furûfiôr Il, 412. at-alÜ ou "Kitâb al'al1adiya", in Rasô'il,
29. Ibiel.,44O.30. tbkt., t.703.
ell91yêmes critère de nore sexua-tle :'.i!n ilâh) est masculin et celuir, 569).
" A t -Ta d bî riit a l - i lâ I t i v vtt !î is lâ lr a l - tnat n lu kal r al - insân iyya,,,rifren..., t77; et tour É chapitre 316 des Futûluût«fii, OO-SI.
38
nN ,antaî tr se uatannYspuE DU ÿDXE
40. lbkl., lI,429, Cf . H. Corbin, L'imagination créatrice.,., 133.4l . 'Uqlat..., 56.42. Futûhât 11,282.43. tbkl, t, t39-40.44. Id, ; lbid., lll,99, Nous verrons par la suite un serls et un rôle de la p/ry.ris, qui ne sontpas cosmogoniques, mais métaphysiques.45. lbid., I, l4l. Ailleurs (lbid.,293) les atrributs divins sont distingués des insrances cos-miques et en sont I'origine. Ainsi de I'attribut Vie provient I'lntellect premier et de celui-cilr Matièrc première (habâ'), de I'attrlbut Science provient I'Ame universclle ct dc cellc-cile Corps absolu Qii'rn al-kult). L'lntcllcct, I'Amc, la Matièrc prcmièrc ct lc Corps ahsolusont à I'origine de la manifestation des formes des êtres dans te Mondc.46. tbkl,,355.47. lbid,,526, 583. Ibn 'Arabî tàit aussi intervenir lcs csprits (arwâh) qui sont lcs pèrcs quis'unissent, pour la production des êtres, à la plrysis (tabî'a) qui cst la mèrc: ccs cspritss'adrcsscnt aux quatrc élémcnts réccptils du changemcnt (lbkl,,138).48. Déjà il y a unc détermination dcs actcurs scxucls rnâlc ct lbrncllc (ou agcnt ct puticr)t)cntrc les quatrc natures pour produirc les quatrc élémcnts. Lcs acl,curs rnasculins sont lcchaud et le tioid, les acteurs téminins sont I'humide et le sec. Quand, par excmplc, lc chau«ls'unit au sec il se produit l'élément feu, etc, (lbid.,142,293). Ensuite il y un rapport defiliation entre les quatre éléments eux-mêmes (lbkl.,ll,689). Enfin il y a sirnulranémcnt uncmultitude de contacts ou unions entre les rayons des astres, mis en mouvement par lcurssphères respectives, et les éléments. (lbid.,I, l4l).49. lbkl,, II, 689. Voir aussi le nikâlr qui se produit entrc lc nuage, I'eau cL ltr pluie (tbkt.,402).50. Ibkl., 1,294;'Uqlat al-mustatufiz,82. Pour plus de détails voir"Bâb at-istitûlâr" et"Bâb ft-n-nikôlt wtt-t-tawâluct' daas 'Uqlat..,,82 sqq.51. Iclem. Pour Ghazâlî, I'Esprit (ruîf) s'unit sexuellement à l'âme (nafs) pour donner nais-sance au corps. Ibn 'Arabî reprend les termes que Ghazâlî utilise dans Laââb al-hikna ('lbn' Araüî, At-Tadbî rôt..., 134).52. Futûlôt I, l3l, et 142.53. rbid., t4t.54. Coran 65:. 12.55. Futûl.tôr l, l4l ,
56, 4l t 12, Voir aussi lc vcrsct 33 : 37 où on pcut trouvcr un rirpport cntrc "niklili' ct ailtr ..
"... quand ccux-ci ont ronlpu tout cornrncrcc lvcc cllcs. Quc I'ortlrc tl'Alhh soit cxécuté."57. Futûlût I, 145 où lbn 'Arabî rcnvoie à sonlivrcat-Tatrtzulôl ul-»utlsilil,ttt, Voir irussitbkl., 163.58. tbid., t4t.59. lbicl., 139. ll n'est pas possible d'exposer ici la théorie complexe dc la causalité et dcsrapports entre Dieu et les causes chez lbn 'Arabî. Contcntons-nous d'une citation qui est enrapport avec notre propos. Pour I'Homme, "les deux parents sont les causcs à I'occasion('arla) desquelles Dieu t'a fait exister afin que tu les Lui attribues. En réalité clles n'ontaucun effet (athar), bien qu'elles soient causes de I'existence des effets... I'efficienceappartient à Dieu" (lbid.,142).60. il,270-84.61. lbicl.. l, 592 ; ll, 270-1.62. Cl, M. Bcrthelot, Collection des anciens alchimistes grecs, Paris, 1887, vol. IIl, 147, citépar J. Evolrr, Métqtlrysiclue du.texe,350-2. Dans I'llcrmétisrnc, dit J. E,vola, "... lcs tcxtcsdéclarent quc I'cnsemblc de ces procédés dc I'Art herrnétique appliqué à l'homntc rcllètc lcprocessus mômc de la création, de la manifestation cosmique, dc ses moments csscnticls..."(lbi(l.,352). Voir aussi le modèle sexuel cn «ruvre chez les alchlmistcs dans le Livre deCrzlr)s dans M. Belthclot, In clùtnie ou Moyetr,4.gc, t. III : L'ulclinic araDc, Plrris, l[i93.
39
CAHIERS DE TUNISIEMENSIA ARFA MOKDAD
Kitâb al_flabîb,
, ibid.,36 et 51.lîqa wa çan,alu-
Henry Corbin,| '
p.23.
Livre des sept
iârrl., 106 sqq.
aux.
66, Coran l5 :22.67. Furûhât Il, 451.68.36:37.
, l4l. ns Kitâb Ayyôm ash-sha,n,l sqq.:61,45, | ...,.
euand (cette personne) eu couvert (cetteporra et alla sans peine. lMais) ôr;J;I," se senrit
?
u ':,.7:B
t -"f
. aussi Furûhôr ll, l7O, 445. Voir la manière dont ce
7 tâb Ayyâtn ash-sta,n, lO.
74. Coran 55 :29 : W. C.,CHITIICX ,.The sufi path of knowledge,gg_9.75. Kitâb Ayy,ôtn albslu'n,z; fuatâi t,- tii:'''"
-
76. rbid., il,20t.77. Kiûb Ayyâm as|sha'n,7-g.78. Coran 389 : 5.
79. Kiûb Ayyâtn ash-sha'n,9.80. rbkt.,7-8.
parents. (lbid., Ill, I l).
mme est le fils de I'Archange fémi_Terre céleste et corps de résurrec-orrêa, Paris, 1960,62,
87. Kitôb al-aliJ,'Arabî commentePur aillcurs lbn ,
Tadbîrût..., 134),
.10
IBN 'ARABI DT SA METAPHYSIQUE DU SEXIj.
lacréation(Ct'.H.Corbin,Terrecéleste...,l171'L'inagitttttioncr<iaticc...,l2'1).Enfinlbn'Arabî rattache I'union de I'esprit (n?/r) et du corps physique (jism tabî'î) à une science qui
détermine si, oui ou non, le corps est à I'Esprit ce que la t'emme cst à l'époux qui s'unissent
sexuellement pour donner nalssance aux ent'ants ; ct si la mort est une répudiation (ou
divorce) momentanée ou définitive. (Futûhât Ill, I7),
88. lbn 'Arabî applique ici un dogme philosophique bien connu : "ll n'y a pas de vide dans
I'Etre." Donc dès qu'Eve est sortie d'Adam, le désir vicnt occuper sa placc. Ibn'Arabîtrouve là la raison pour laquelle le désir de I'homme est plus tbrt que celui dc la t'emmc,
celle-ci est plus capable de mieux contenir ses désirs et cacher son amour. Lors de l'éjacu-lation, le plaisir englobe tout le corps. C'est un instant d'extinction totîle Çoryu bikulliya-
tilri). Pour cette raison la Loi ordonne de taire I'ablution dc tout le corps (Kitûb al-'AliJ,8-9; h-utûltât I, l2-5, 136).
89. lbicl., 124-5; lbn 'Arabî, Fa,râ.s al-l.titum, éd. Abû-l-'Alâ' 'Alili, 2". éd., Beyrouth,
1400/1980, l. 215 ; ll, 325 (commentaire de 'Afîti) ; trad. de Titus Burckhardt, kt.sagesse
cles Proplùtes, 182. Ct'. H. Corbin, L'inngination créatrice...,l28.90. Futûl.tôt tll,88-89; I, 190.
9 l. Coran 40: 57.
92. Futûl.tîtt IIl, 87 ; T. IZUTSU, Sufism and Taoism...,2(12.
93. Fu.rrî.ç al-l.rikatn I,219;lI,333-4 (comment. de'Afîtî);trad. deT. Burckhardt, o1t. cit..189-90 I T. IZUTSU, op. cit.,202-3.94. A. J. WENS I NCK, Conco rdance cle la Trad it ion musul.manc: ll, 237.c)5. Futû|1âr III, 88. Un tel paradigme sexuel ne propose pas seulement une théorie du mode
de I'existence du Monde. mais aussi une théorie dans lc débat théologique classique, celui
des actes humains.
96. Adam cst "un singulier" lrfertl), Eve est "un" et "un" dans "un singulier" (wâlritl wa
wâlild Jî-l-Jàrd mabtunwt lîhi). La puissance d'Eve vicnt de cc que le "tait d'êtlc un"(wufidâniyyr) est plus puissant que "le tait d'être un seul" (fttrdâniy1z). La l'emme est ainsi
plus lbrte à cachcr I'amour quc ne I'est I'homme. Kitâb al-ali[ ou Kitûb al-duuliyct, 9.
97. Futûfiôt II.466. T. lzutsu conclutjustement que "... all the basic llctols that pirrticipatc in
creation are t'eminine, and thât the whole process of creâtion is govcmed by thc principlc ol'
l'crninity (ttt'nîtlt)..." (SuJisnanclTaoism.,.,203). Cl'. S. Al-Hakîm,A/-nu'jumas-sûfi. 143-1,
98. La l'emme russi est dite'an,ra (Futûbôt 1,532).
99. tbid.,680.loo. rbid., t70.
l0l. Cl. S. Al-Hakîrn. op. cit.,85-7.102. Furûlrâr llt, 3 14.
103. Voir. par exemple, le long passage des Futûhât (ll,42l-70).104. L'existentiâtion divine s'opère par la parole (q«wl), nom masculin (cn arabe) ct lavolonté, nom féminin : la manif'estation du Monde s'est thite donc à partir d'un couple de
tëminin et de masculin (lbid., lll,289).l05. tbicl.,l. 393. S. AL-HAKîM, op. cit.,516. Dans cette division de I'Univcrs en deux par-
ties encore un rapport à I'alchimie n'est pas exclu. Voir H. Corbin, L'Alchimie...,ll4.106. FutûI.ût11,486.LO7. 'Uqht..., 48.
108. Fa.rr2s al-lrikutt 1.214 ; II, 322,326 (comment. de 'Atiti) ; trad. de T. Burckhardt, op.
cit.,l82.109. Voir àussi I'interprétation du verset coranique (Coran I l2: 2) selon laquellc le Monde
existe ir pirrtir dc deux prémisscs (Futû|ût 1,291).
|0. tbkt.. il. 167.
I I l. Kitâb ar-tajallifiit (dans Ra.rd'il II, no 23), 13.
I I 2. "t c Prophète mentionna les femmes en premier lieu, parce qu'elles rcprésentent le principc
passif et quc la Naturc universelle (qui cst lc principc plastiquc universel) precède ce qui sc
LES CAHIERS DE TUNISIE
I13. Futûlûr 111,256,I14. Voir ce hadîthdans ce... IV' 388.
I15. Pour la 1rlrysrs cn ta 'Arabî nous renvoie à son livre Kitrîb
un-Nikâh ol-awwal, men ' 90).
ll6. lcl.
I 17 . lbicl, 4Ol ; Al-mîrn wa't-wîtw wa-n-nûn dans (Rasâ'il ll' n' 8)' 9- l 0'
I I 8. De même la Basmala, prononcée par celui qui est en mesure de produlre des effets, a
aussi une structure ternaire car elle contient trois noms divins : "Bisari-l-lâh ar-ralwtân ar'rabîm" (lbid., III, 126):II9. Ibi(1., l, 136:ll,2'14.120. Coran 38: 75.l2l. Ibn .Arabî établit également un lien entre mubâslrura et baslrur,I'être humain, la créa-
ture Ia plus parfaite (Futîrftôt 11,10).
122. tbid., r,688.123. Ibi(I.,11,70.124. Ibid., III, I 10,
129, Kilâb ayyâm ash'sha'n,3-4.l3O. Futû11âr l,507.13l. Kitûb al-ttld..., I l.
135. Futûhât 1,461.
T.IS I
139. ' a le caractère impair (watar) du fait qu'il est un
tlicu a du fait qu'll est une essence" (lbid" zl44)' Parfois
lbn ' c gnil'icr I'unité dc la divinité, c'est-à-dire à la place
tBN ',^RABî Dl'SA MÉ\'ApHyStQUE DU SDXra
du tcrmc fanliya. Mais cela ne remet pas en causc ccttc distinction lbndamcntalê cntrcI'unité dc I'Esscncc ct I'unité dc la Divinité. Ccllc-ci signil'ic uu lbrr<.I quc "il n'y a tlc dicuque Dicu", ct I'unité multiple lui provicnt dcs Norns divins (/Dlrl.,515,735 I ll,29 l). Cl'.S. Al-Hakîm, op. cit.,873-6.140. Futûhôr11,582.l4l. lbkl., I, l68. "Que ce soit pour I'existcntiation, I'existencc ou I'cxistitnt, I'unité(wallclct) n'est possible du point de vue de la raison ct du point dc vuc dc la Tradition qucdans I'aU'irmation: 'll n'y a de dieu que Dieu.' C'est la ahadiya dans le rang Qnartubcr)ctc'esl la alladiya multiple... c'est celle d'un ensemble (najmû'), cnsemblc de rclations oud'attributs ou dc tout ce quc tu voudras selon cc quc ton argumcntation (r/rrlîI) tc donnc.Toutc relation ou lout attribut aune ohadiya par laquelle il sc distinguc des autres dans laréalilé Qufs al-atnr).,. Aussi bien la al.radiya de chaque existant n'est saisie intellectuellc-ment que I'existence de chaque existant advenu ne sont possibles que par des ensemblcs"(tbid.,7 ts).142. Kitâb al-alif, I I ; T. IZUTSU, op. cit., 198.143. Futûlût I, l7l ;ll,413.144. lbid., I, 199 ;T, lzutsu, op. clt., 198. Le schéma est donc aussi d'inspiration arithmé-tique : I'un ne se dél'init que pâr soi-même et par aucune autre unité, et le nombre cst I'en-sembled'unitésqui sedéfinissententreelles. (Futûllôt I, I7I).L'unneproduitrien, lepre-mier nombre est le deux qui ne devient producteur que par un troisième qui en unit les deuxunités qui le composent (lbid.,lll, 126, Fusîrs al-hikanI,2l4;ll,322-4 (commentaire de'Afitîde cette structure ternaire) ;trad. T, Burckhardt, op. cit.,l8l-2, 182 note l). Cf. S. Al-Hal<îm, A l-m u' j a m as - ç ûfr , 247 -50, I I 5'7 -9.145. Kitî.b al-u\d..., l0-ll ; Futû$ât I, l7l,606 I II,68.146. lbid. III, 126. "[æ tout n'étant que I'acte d'amour du ternaire primordial se reflétantdans chacun de ces aspects" (Fuçb al-bikom l, 21 8 ; trad. de Burckhardt, I 89.147. Futûltîtt III, 190. Dans son Fu;û; al-flikam, Ibn 'Arabî dit: "Cct actc (conjugal) cor-respond à la projection de la Volonté divine sur ce qu'll <<créa dans Sa lbrme» au momcntmême où ll le créa, pour s'y reconnaître Lul-même... Le Prophète aima les tèmmes préci-sément en raison de leur rang ontologique, parce qu'elles sont comme le réceptaclc passilde son acte, ct qu'elles se situent par rapport à lui comme la Nature Universelle (at-rabî'cr)par rapport à Dicu i c'est bien dans Ia Nature Universelle que Dieu tait éclore les lbrrnesdu monde par projection de Sa volonté et par le Commandement (ou I'Acto : al-anrr) Divin,lequcl sc manilbstc comms acte scxuel dans lc mondc des lbrmcs constituécs pur lcs élé-mcnts, commc volonté spirituclle (al-lùnmult) tlans lc mondc dcs csprits dc luntièrc. ctcommc conclusion logiquc dans I'ordrc discursil" (Fu.sli,r al-llikcm 1,217-B l commcntîircdc 'Alilï 11,332-3: trad. dc T. Burckhardt, op. cit.,187-9, cité par J. Evola, kt mitaplty-sique du saxe,242-3),148. h'utûl.tût lll, 190. Ce ltadîtlr est le rel'let de la naturc tcrnairc rlc Muharntnatl (l'usri.t ul-likaml,2l4;commentaire de'Ati{ï 11,322-5). Ct. A. Schimmel, "Eros-hcavcnly and notso heavenly - in süfi literature and lit'e", in Afhf Lutfi al-Sayyid-MarsotEd., Sociery arul tlrcsexes in Metlieval /slarn, California, 1979, 129-30; T. Izutsu, op. cit.,202-3.149. F-utûltâr Ill, 256.150. Les deux aspects de I'amour des femmes sont d'aillcurs liés : I'amour de Muhammadpour les l'emnres et son inclination pour I'union sexuelle sont justiliés par le tait quc dan.s
cellc-ci il se réalise dans I'image divine selon laquelle il est créé (lbkl.,11,167). La contem-plation dc Dieu en la femme est la plus parthite (Fu;û; al-hikantl,2l7 ; comment. de 'AlîliII, 331-2 : trad. dc T. Burckhardt, op, cit., 187) A. Bouhdiba rcmarquc (lr,rc pour lhn 'Arahî"lir scxualité est un mystère de la procréation qui n'a de sens que dans la projcction en Dieu"(kt se.tualité etr islam, 149). Voir les analyses profondes de "l'être-féminin comme imagede la divinité créatrice et comme la théophanie par excellence" dans H. Corbin,L'inagincuion créatrice.. ., I27 -9.
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