mémoire sciences po toulouse_comment conduire un changement dans les pratiques de mobilité
DESCRIPTION
Mémoire de fin d'études réalisé en 2011 pour la validation du diplôme de l'IEP de Toulouse, spécialisation gestion des risques et développement durable. Les thèmes abordés sont les suivants : définition des enjeux de la mobilité durable, identification de freins au report modal et analyse des caractéristiques de l'action pour encourager le report modal à travers quatre cas en Île-de-France (la RATP, Voiture&Co, le GIP éco-citoyens et le club Pro'mobilité Capitale).TRANSCRIPT
L’articulation entre le besoin de mobilité dans les espaces
urbains et périurbains et les enjeux du développement durable :
comment conduire un changement nécessaire dans les pratiques
de mobilité ?
IEP de Toulouse
Mémoire de recherche présenté par Mlle Julie CATHALA
Directeur du mémoire : Julien WEISBEIN
Date : 2011
L’articulation entre le besoin de mobilité dans les espaces
urbains et périurbains et les enjeux du développement durable :
comment conduire un changement nécessaire dans les pratiques
de mobilité ?
IEP de Toulouse
Mémoire de recherche présenté par Mlle Julie CATHALA
Directeur du mémoire : Julien WEISBEIN
Date : 2011
Remerciements
Je tiens à remercier mon directeur de mémoire, Julien Weisbein, pour ses conseils ainsi que
toutes les personnes qui m’ont accordé de leur temps en entretiens pour rendre ce mémoire
possible.
AVERTISSEMENT
Avertissement : L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation
dans les mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur
auteur(e).
SOMMAIRE
Introduction ............................................................................................................................. 1
Chapitre 1 : La naissance du concept de mobilité et son application
au domaine des transports : la « mobilité durable » .......................................... 5 Section 1 : Des transports à la mobilité : l’émergence d’un nouveau concept ................. 5 Section 2 : La mobilité et le développement durable : une articulation récente et
complexe entre ces deux concepts .................................................................................................... 12
Chapitre 2 : L’approche de la mobilité par les usages : pertinence de
l’action et modalités de l’accompagnement au changement ...................... 21 Section 1 : La mobilité comme attribut, un moyen d’appréhender les usages ............. 21 Section 2 : L’identification de principaux freins au changement d’usages et éléments
de solutions ............................................................................................................................................... 27
Chapitre 3 : L’accompagnement au changement dans les pratiques
de mobilité : établissement d’une typologie des acteurs et logiques
d’action et identification des caractéristiques de cette action ................. 36 Section 1 : De nouveaux acteurs ou des nouvelles modalités d’action pour
accompagner le changement .............................................................................................................. 36 Section 2 : Les caractéristiques de l’action pour accompagner le changement dans les
pratiques de mobilité ............................................................................................................................ 48
Conclusion .............................................................................................................................. 55
Annexes .................................................................................................................................... 58
Bibliographie ........................................................................................................................ 94
Tables des matières ......................................................................................................... 96
1
Introduction
« Un avenir durable pour les transports. Et vite ! » déclarent Isabelle Durant et Daniel
Cohn-Bendit pour Le Monde en faisant référence au titre donné par la Commission
Européenne à sa communication en vue de la préparation de son nouveau livre blanc sur les
transports. En effet, les nouveaux enjeux de réduction des émissions de gaz à effet de serre
dont les transports sont responsables, en France, à 27%, apparaissent comme un véritable défi,
d’autant plus difficile à relever que depuis 20 ans, ce domaine est le seul qui n’a pas vu ses
émissions baisser. Entre 1994 et 2008 seulement, une augmentation de 22% des émissions
annuelles de CO2 a été observée, due à la mobilité des français1. Il y a donc urgence à agir et
à inverser cette tendance afin d’atteindre les objectifs de réduction fixés.
Mais, l’impact des transports sur l’environnement n’est pas le seul phénomène néfaste
observable. La congestion des réseaux routiers et réseaux de transports en commun qui pèse
sur la qualité de vie et l’économie2, la montée croissante des prix à la pompe qui a fait de
l’automobile un mode de transport cher, les pics de pollution, dus à la prédominance de la
voiture individuelle, sont autant de problèmes qui suggèrent de s’intéresser à d’autres modes
et façons de se déplacer, plus durables. Investissements dans de lourdes infrastructures de
transports, tel que le projet de ‘super métro’ pour la banlieue parisienne maintenant commun à
l’Etat et à la Région, nouvelles technologies, comme en témoigne l’arrivée (ou plutôt le
retour) des voitures électriques dans les villes ou multiplication des applications de services et
politiques publiques ont été jusqu’à présent les principales réponses apportées pour satisfaire
le besoin de mobilité des personnes tout en assurant un avenir durable pour les transports.
Car il est vrai que nous sommes confrontés à une situation où les enjeux à considérer sont
relativement contradictoires. Il n’a jamais été aussi nécessaire qu’aujourd’hui d’être mobile
mais, il n’a jamais été aussi impératif qu’aujourd’hui de trouver un moyen de réduire à la fois
1 Commissariat Général au Développement Durable, La mobilité des français, panorama issu de l’enquête nationale transports et déplacements 2008, Collection « La Revue » du Service de l’Observation et des Statistiques du Commissariat Général au Développement Durable, 2010, p. 23 2 En effet, selon Isabelle Durant, membre de la Commission transports et tourisme du Parlement européen, la congestion du trafic coûterait à l’économie européenne environ 1% du PIB par an.
2
les émissions liées à cette mobilité, néfastes pour l’environnement, mais aussi les autres
conséquences négatives d’une « hyper mobilité ». Comment articuler ces deux objectifs de
mobilité et de durabilité ?
La problématique de ce mémoire est parti d’un constat : le moteur thermique reste pour
l’automobile la solution la moins coûteuse et la plus efficace devant l’hybride ou l’électrique.
Mais, on peut constater que de nouveaux usages de cette même voiture se développent.
Autopartage, covoiturage, la voiture cesse peu à peu d’être un bien pour devenir un service
que l’on utilise lorsque l’on en a réellement besoin. Sans changer de technologie, ce
changement d’usage participe déjà d’un effort d’optimisation des déplacements. Une voiture
est immobile durant 90% de sa durée de vie, 90% de ce temps qu’elle pourrait passer à être
utilisée par d’autres personnes pendant que son propriétaire n’en a pas besoin. Se développent
alors de nouveaux services qui offrent aux particuliers la possibilité de louer leur voiture
quand ils ne s’en servent pas.
Ainsi, sans mettre en place de nouvelles solutions coûteuses ou demandant un chantier
conséquent, il est possible de repenser les manières de se déplacer en s’appuyant sur le
changement dans les usages. En effet, la façon dont les personnes se déplacent et utilisent (ou
n’utilisent pas) les solutions existantes, les moyens qui sont déjà mis à leur disposition est un
levier important. Nous partirons donc de cette hypothèse pour dérouler ce mémoire, qui pose
que toute nouvelle technologie, tout nouvel aménagement ou service de mobilité n’est pas
pertinent ni justifié si les publics ne sont pas prêts à l’utiliser. Marzloff, sociologue et
spécialisé sur les questions de mobilités, fait un constat similaire et annonce également que
les solutions techniques ne peuvent précéder une sensibilisation des acteurs.
Les différentes opportunités techniques étant très nombreuses et leurs réflexions portant
sur une grande variété de modes de déplacements, il était difficile et démesuré de chercher à
les traiter dans un mémoire. Nous chercherons alors à démontrer qu’en apportant certains
éléments et améliorations pour permettre un changement, il est possible d’avoir un impact
significatif sur les différents phénomènes néfastes annoncés en utilisant ce levier. Il nous
faudra identifier certains de ces éléments, nécessaires au changement dans les pratiques de
3
mobilité. Ce mémoire aura pour but de s’adresser seulement aux usages en milieu urbain et
périurbain dans une moindre mesure car il apparaît que le potentiel de report modal3 est le
plus important en ville, du fait du grand nombre de solutions de déplacements disponibles.
Les publics étant un sujet trop vaste à saisir et trop difficile à définir, nous nous
concentrerons sur les acteurs qui permettent et accompagnent ce changement dans les usages.
Nous chercherons alors à étudier les solutions qu’ils ont développées, comment et nous
essaierons également de caractériser ces acteurs du changement et leurs démarches. Il est
néanmoins intéressant de voir rapidement, en amont, quels sont les usages et attentes
générales des publics, d’observer comment se construisent les pratiques de mobilité, pour
montrer que le potentiel de report modal que nous évoquions est bien réel et qu’il existe un
intérêt certain à agir sur les usages en termes de mobilité.
La notion de mobilité que l’on utilisera tout au long de cette étude recouvre plusieurs
réalités très différentes et n’est apparue que récemment dans le domaine qui nous intéresse,
les transports. Il nous faut alors nous pencher sur sa signification et son lien avec notre propos
sur les usages, ce dernier aspect étant d’autant plus difficile à traiter que, du fait de sa récente
apparition, peu de ressources sont disponibles à ce sujet. Mais, si cette question des usages
n’est que peu traitée encore, la mobilité occupe, elle, une place de plus en plus importante
dans les publications actuelles ce qui nous permettra néanmoins de définir ce concept assez
précisément. Il nous faudra également expliquer comment cette notion de mobilité s’articule
avec le concept de développement durable et quels sont alors les enjeux de ce que l’on appelle
une « mobilité durable ».
Ainsi, la mobilité, ou plutôt le besoin de mobilité et les objectifs du développement durable
sont deux enjeux qui peuvent paraître difficilement conciliables et pourtant, l’action sur les
pratiques de mobilité apparaît comme nécessaire et différents projets se développent dans
l’optique d’arriver à les articuler. Quels sont alors ces acteurs qui s’emploient à faire évoluer
les pratiques de mobilité, pourquoi agissent-ils et comment ?
3 Le report modal est, selon la définition de l’ARENE (Agence Régionale de l’Environnement et des Nouvelles Énergies) « le fait pour un individu ou un groupe d’individus, de changer son mode de déplacement habituel pour un autre mode sur un trajet donné ». On parlera ici, et c’est souvent ce dont il est question, du report modal de la voiture vers d’autres modes.
4
Nous étudierons dans une première partie, le concept de mobilité ainsi que son
rapprochement avec celui de développement durable et les enjeux qu’il fait naître afin de
situer notre sujet et le définir. Puis, dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à la
question des usages en termes de mobilité et évoquerons quelques freins identifiés au
changement et à l’usage de solutions alternatives ainsi que les réponses envisageables. Enfin
dans une troisième partie, nous étudierons différents types d’acteurs et leurs actions
exemplaires et innovantes pour répondre aux freins évoqués et pour tenter de faire changer
ces usages. Nous nous intéresserons également aux caractéristiques de ces actions ainsi
qu’aux difficultés auxquelles elles peuvent être confrontées lors de leur mise en œuvre.
5
Chapitre 1 : La naissance du concept de mobilité et son
application au domaine des transports : la « mobilité durable »
Section 1 : Des transports à la mobilité : l’émergence d’un nouveau
concept
Depuis toujours, l’être humain a eu besoin de se déplacer, plus ou moins loin et plus ou
moins vite selon les époques, mais, toujours, avoir la capacité de se mouvoir. Cette
affirmation est d’autant plus vraie aujourd’hui et on peut alors sans conteste affirmer qu’être
immobile dans notre société actuelle, c’est être isolé, exclu. En effet, la mobilité (ou plus
précisément dans ce cas, le manque de mobilité) constitue un des freins identifiés d’accès à
l’emploi, facteur de socialisation et d’intégration majeur. Tout comme le précise Kaufmann,
la « mobilité est au cœur de nos existences, elle contribue à en définir la trame et de plus en
plus elle en devient une dimension structurante »4. Il est donc essentiel de pouvoir se
déplacer, d’être mobile. Nous ne parlerons pas dans ce mémoire des raisons qui expliquent
qu’il soit si nécessaire aujourd’hui d’être mobile ni n’argumenterons sur le rapport de
causalité entre le développement des sociétés, de l’économie et ce besoin de mobilité, bien
qu’il existe clairement un lien entre urbanisme, économie et transports, justifiant une
approche globale de la situation. Nous parlerons seulement ici du cheminement de la notion
de mobilité dans les sciences sociales et son étude dans une dimension spatiale afin de définir
un concept clé de notre propos.
4 V. Kaufmann, C. Jemelin, La motilité, une forme de capital permettant d’éviter les irréversibilités socio-spatiales ?, École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Laboratoire de sociologie urbaine, 2004
6
A. L’émergence du concept de mobilité dans les sciences sociales : une
considération tardive de l’espace
La mobilité est un terme qui ne s’est invité que très récemment dans les débats que l’on
connaît actuellement, en lien avec les problématiques de développement durable. Au départ,
la notion de mobilité était utilisée pour parler des mouvements dans l’espace social et c’est au
sociologue Sorokin que l’on doit ce concept de « mobilité sociale ». Il définissait la mobilité
« comme le résultat complexe du filtrage des individus par une suite d’instances d’orientation
[…] les structures d’une société manifestant toujours une certaine continuité dans le temps,
celle-ci doit nécessairement comporter des mécanismes ayant pour effet […] de maintenir ces
structures par delà la substitution incessante des individus »5.
Suivant cette définition de Sorokin, les études sur la mobilité étaient axées sur la
dimension sociale de celle-ci, excluant la dimension spatiale. Plus tard, l’École de Chicago
s’est quelque peu éloignée de cette vision sans pour autant que « l’espace ne constitue ni un
facteur explicatif ni l’objet principal d’analyse »6. Ce courant de la sociologie urbaine s’est
intéressé aux migrations, aux mouvements spatiaux de groupes sociaux et aux « modes
d’appropriation spatiale »7 ainsi qu’il a mis en évidence « le rôle de l’espace dans les
modalités de composition sociale »8. C’est une première prise en compte de la mobilité dans
l’espace mais toujours sous l’angle d’étude du social.
C’est durant les années 1950 qu’apparaît un réel changement et que s’autonomise ce sujet
d’étude. S’installe alors une tendance à considérer la mobilité sous un angle spatial. Il s’agit là
d’une approche plus technique et économique que sociologique de la mobilité car les
nombreuses infrastructures de transport en développement exigent « des investissements
techniques et financiers très importants »9 et dès lors, une expertise s’impose. Mais cette
5 J.P. Durand, R. Weil, Sociologie contemporaine, Paris, Éditions Vigot, 2006, p. 375 6 C. Gallez, V. Kaufmann, « Aux racines de la mobilité en sciences sociales : contribution au cadre d’analyse socio-historique de la mobilité urbaine », dans M. Flonneau et V. Guigueno dir. , De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ?, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, p. 43 7 J.P. Durand, R. Weil, Sociologie contemporaine, op. cit. , p. 451 8 Ibidem 9 C. Gallez, V. Kaufmann, « Aux racines de la mobilité en sciences sociales : contribution au cadre d’analyse socio-historique de la mobilité urbaine », op. cit. , p. 45
7
approche est critiquée dans les années 1970 comme nous l’expliquent Gallez et Kaufmann
avec l’arrivée du premier choc pétrolier et la remise en cause de la suprématie de
l’automobile. Le pétrole bon marché qui en faisait un mode de déplacement à la fois pratique
et économique n’est plus un élément stable et se fait alors sentir « le besoin d’une meilleure
connaissance et d’une compréhension plus fine des pratiques individuelles de
déplacement »10. C’est à ce moment là que la mobilité telle que nous l’entendons aujourd’hui
commence à se dessiner. L’approche purement technique raisonnait en termes de flux, soit, en
termes de mouvements importants, de masses se déplaçant sur des axes, approche qui ne
considère le phénomène que dans sa dimension spatiale observable. Avec ce tournant dans les
années 1970, apparaît la notion de déplacement et avec elle, un intérêt pour les « déterminants
individuels de la demande de déplacement »11. On entend par là, les éléments et critères de
choix modal ainsi que les contraintes et choix qui induisent un déplacement. Le choix modal
est le choix d’un mode de transport plutôt qu’un autre, pour une raison qu’il appartient à
l’individu d’identifier. Ce peut être la rapidité, la praticité ou encore l’aspect économique de
du mode de transport qui prédomine et qui pousse l’individu à porter son choix sur ce mode.
Mais ces critères de choix sont eux aussi induits par un certain nombre de caractéristiques
propre à une personne (culture, histoire personnelle, revenus etc.) ce qui rend leur étude
complexe. Un déplacement résulte souvent d’une contrainte (travail, étude, enfants etc.) et
celle-ci joue à la fois un rôle dans la demande de déplacement mais aussi dans l’établissement
de critères de choix modal.
Connaître ces éléments, c’est connaître les raisons pour lesquelles les individus se
déplacent et non plus seulement observer qu’un certain nombre de personnes effectue un
certain trajet comme le faisait l’approche en termes de flux. Cependant, lorsque l’on évoque
les critères de choix modal et le fait que ceux-ci soient en lien étroit avec les caractéristiques
d’un individu, on dépasse le cadre de la notion de déplacement qui ne couvre que le seul
mouvement d’un point A à un point B. Nous verrons que l’introduction du concept de
mobilité permet d’intégrer cet aspect, d’englober le déplacement dans un ensemble plus large.
10 Ibid. 11 Ibid.
8
B. L’histoire des transports, un tremplin pour une histoire de la
mobilité12 ?
Pour se déplacer, il ne suffit pas d’avoir la volonté de se rendre d’un point à un autre. Si
l’on évoque volontiers le mouvement, on ne parle que rarement de ce qui le rend possible.
C’est ce que Latour rappelle lorsqu’il évoque l’exemple d’une chaise à porteurs qui permet à
une riche cliente de se déplacer sans peine à la force de ses deux porteurs. Mais, si ce
déplacement est rendu possible, c’est parce que la route sous les pas des porteurs est tracée et
délimitée. Imaginons la même scène, nous dit Latour, sans la présence de la route, « dans une
jungle qu’aucun sentier n’aurait ouvert »13, et ce même trajet paraît alors beaucoup moins
« plaisant » tout aussi bien pour les porteurs que pour la cliente. Latour cherche en fait à nous
faire comprendre que sans ces infrastructures, aucun mouvement ne serait possible, qu’ « il
n’y a de mobile que parce qu’il existe une infrastructure immobile »14. Il apparaissait donc
naturellement intéressant de s’intéresser à ces immobilités et les différentes historiographies
disponibles pour chaque mode de déplacement en sont la preuve. Flonneau et Guigueno
l’annoncent, cette « histoire modale » a permis de donner naissance à des connaissances
poussées techniquement sur chaque domaine (automobile, train etc.) mais, cette
conception modale n’est plus suffisante aujourd’hui, en dépit de ses apports indéniables. Le
« tournant de la mobilité » comme l’appellent ces auteurs, évoque l’irruption du concept de
mobilité comme nous l’avons vu, dans le domaine des sciences sociales. Ce terme a en effet
émergé dans certains champs comme celui de la géographie (les déplacements, tout au moins
physiques, ayant lieu dans un référentiel spatial) ou de la sociologie (mobilités sociales). Il
s’agit selon eux d’un chantier en cours, l’émergence d’un nouveau champ, celui de l’histoire
de la mobilité. On ne peut pas affirmer qu’il existe aujourd’hui beaucoup de connaissances
sur la mobilité globale et il reste des enjeux non couverts par les différents champs
disciplinaires, identifiés pas Flonneau et Guigueno :
12 Ce titre s’inspire et reprend volontairement celui de l’ouvrage De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ? car cette partie se veut une synthèse du débat sur la construction ou non d’une nouvelle discipline : l’histoire de la mobilité. 13 B. Latour, « Les moteurs immobiles de la mobilité », dans M. Flonneau et V. Guigueno dir., De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ?, op. cit., p. 8 14 Ibid.
9
« La démocratisation de l’accès à la mobilité d’une part » ;
« L’allongement des distances et la gestion du périurbain d’autre part, étant donné que
l’étalement urbain n’est plus le seul fait de la ville nord-américaine »15.
On peut retrouver cette tendance à s’éloigner de la notion de déplacement pour considérer
la mobilité également chez les transporteurs, acteurs historiques des déplacements, qui ont
cessé de considérer simplement le réseau pour s'intéresser aux usages que les personnes en
font. Ainsi, la RATP16, opérateur de transport, est passée « d'une approche en termes de
transport à une approche en termes de mobilité, consistant à prendre en compte les voyageurs
avec leurs spécificités »17. Georges Amar, responsable de l'unité « prospective et
développement innovant », explique comment la notion de « mobilité » a fait son apparition
récemment dans le vocable, dans les années 1990 et en quoi cela participe d'un changement de
paradigme. Il n’est plus seulement question d’étudier les déplacements en tant que simples
flux mais aussi les usages, les besoins et les attentes de la part des usagers.
Les nombreuses conférences qui s’organisent aujourd’hui sur le thème du management de
la mobilité témoignent aussi de cette évolution. « Du déplacement à la mobilité » ; « Vers une
mobilité durable dans le 13ème arrondissement » sont des exemples d’évènements qui
confirment que la place n’est plus au déplacement seulement ni au déplacement rapide mais à
la mobilité et au « déplacer mieux ».
Cependant, l’arrivée d’un nouveau paradigme, selon la théorie de Kuhn, ne se fait pas
sereinement mais, est précédée d’une période de grands changements, de chaos et c’est
précisément à ce moment là que l’on se situerait selon tous ces auteurs. Le chantier comme
nous l’avons dit est en cours. Cette histoire de la mobilité en construction « s’orienterait plus
volontiers vers les pratiques des agents, les controverses et les conflits d’usages de l’espace
15 M. Flonneau, V. Guigueno, « De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ? Mise en perspective d’un champ », dans M. Flonneau et V. Guigueno dir., De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ?, op. cit., p. 16 16 Régie Autonome des Transports Parisiens 17 S. Allemand, Apprendre la mobilité, les ateliers de mobilité, une expérience originale, Paris, Le Cavalier Bleu, 2008, p. 15
10
public »18 alors que l’histoire des transports « analyse l’offre des entreprises, son cadre
juridique, sa régulation par les pouvoirs publics ». Nous ne disposons donc que de peu de
ressources pour notre propos étant donné que l’intérêt pour les usages est assez récent et en
cours de construction. De ce changement à opérer ainsi que de l’histoire mouvementée de la
notion de mobilité provient une difficulté à saisir et à définir ce concept.
C. Discussion autour de la définition du concept de mobilité
Le problème du terme de mobilité est qu’il peut recouvrir plusieurs réalités selon la
discipline que l’on considère. La mobilité peut en effet être « sociale et spatiale, physique,
virtuelle et potentielle, elle concerne les personnes, les biens et les informations »19. Et même
lorsqu’il s’agit de mobilité physique dans l’espace, il est possible de déterminer quatre types
de mobilité20 :
Figure 1 : les quatre formes principales de mobilité spatiale
Source : Kaufmann et Jemelin
On peut noter qu’aujourd’hui, cette classification tend à être obsolète comme l’explique
Kaufmann. Il appelle cela des « formes transversales de mobilité » dans le cas où, par
18 M. Flonneau, V. Guigueno, « De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ? Mise en perspective d’un champ », op. cit., p. 19 19 V. Kaufmann, C. Jemelin, La motilité, une forme de capital permettant d’éviter les irréversibilités socio-spatiales ?, op. cit. 20 Ibid.
11
exemple, certaines personnes travaillant loin de leur lieu de résidence, se trouvent ainsi à la
frontière entre mobilité quotidienne et voyage. Mais, notre propos ici est malgré tout de parler
de la mobilité quotidienne c’est-à-dire, de la mobilité physique et spatiale, pour motif
professionnel principalement et de loisirs quotidiens (cinéma, sport, sorties etc.). C’est en
effet elle qui représente environ 98% des déplacements des personnes résidant habituellement
en France21. Cette mobilité locale est définie par le Commissariat Général au Développement
Durable comme « l’ensemble des déplacements que les individus réalisent dans un rayon de
80 kilomètres autour de leur domicile et sur le territoire national »22.
Mobilité, transport, déplacement sont donc des termes qui recouvrent des réalités bien
différentes. La « mobilité » nous l’avons dit est un terme nouveau dans le domaine des
transports, qui a fait son apparition dans les années 1990 et qui, selon beaucoup d'auteurs,
s’applique à un champ plus large que la seule notion de « transport ». En effet, si l'on prend
les définitions23 même purement communes de ces deux termes, « transporter » signifie
« porter, déplacer d'un lieu dans un autre » et « mobilité », « facilité à se mouvoir, à être mis
en mouvement, à changer, à se déplacer ». On peut bien voir que cette dernière définition
considère non seulement la notion de déplacement mais, également, la capacité (ici facilité
dans le sens « aptitude ») à se déplacer. On ne raisonne donc plus en trajet mais en capacité de
mouvement d'un point à un autre. Si, pour être plus exact, on compare des noms, « transport »
« déplacement » et « mobilité », la différence est d'autant plus indéniable. Les deux premiers
désignent une action, le fait de se déplacer, de changer de lieu, tandis que le dernier considère
à la fois le mouvement, cette même action, mais aussi les capacités requises pour l'effectuer.
Comme le rappelle George Amar, le terme « mobilité » dans les transports était réservé au
départ aux « personnes à mobilité réduite ». Si cette définition peut être contestée, la personne
en elle-même n’ayant pas une « mobilité réduite » mais plutôt une situation le lui imposant,
21 Commissariat Général au Développement Durable, La mobilité des français, panorama issu de l’enquête nationale transports et déplacements 2008, op. cit., p. 8 22 Ibid. 23 Le Petit Larousse Compact, 2001
12
elle a, comme il le précise, « eu le mérite de rappeler que la mobilité est bien plus qu'une
question de transport : un attribut de la personne »24.
Nous l’avons déjà précisé lorsque nous évoquions l’histoire de la mobilité, cette dernière
prend en compte les usages c’est-à-dire les pratiques de déplacements des agents, allant au
delà de la considération simple d’un trajet origine-destination. Après tout, ce sont bien les
enquêtes nationales transports et déplacements qui servent à établir un état des lieux de la
mobilité des français. Ces mêmes enquêtes qui étaient au départ appelées « enquêtes origine-
destination » et qui ont laissé place à un concept, celui de mobilité, permettant de considérer
l’intégralité du phénomène. Nous définirons donc la mobilité comme cet ensemble définissant
un mouvement et qui comprend à la fois le déplacement mais aussi les capacités requises pour
l’effectuer. Nous préciserons plus tard quelles sont ces capacités et leurs conditions
d’acquisition.
Section 2 : La mobilité et le développement durable : une
articulation récente et complexe entre ces deux concepts
Malgré une contradiction présumée entre les deux notions de mobilité et de développement
durable, il est possible de les rapprocher et de définir ainsi les enjeux ainsi que les difficultés
que pose le mouvement vers une « mobilité durable ».
A. Définition du terme de « mobilité durable »
Pour notre propos, il nous faut expliquer en quoi il est plus pertinent de parler de mobilité
durable plutôt que de transports durables. Nous prendrons comme définition de la mobilité,
celle que nous évoquions précédemment qui se centre sur les usages ainsi que les aspects
spatial et physique du mouvement.
24 S. Allemand, Apprendre la mobilité, les ateliers de mobilité, une expérience originale, op. cit., p. 33
13
Le développement durable, dont le terme « durable » de l’expression « mobilité durable »
est issu, est un concept qui commence à naître dès 1968 avec la fondation du Club de Rome.
Il a continué de prendre de l’importance jusqu’à prendre la place cruciale qu’on lui accorde
aujourd’hui. La définition que l’on utilise largement provient du rapport Brundtland, du nom
de la présidente de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement des
Nations Unies, Madame Gro Harlem Brundtland. Le développement durable est « un
développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la
capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Il intègre trois piliers :
Le social : le développement doit être permettre l’équité sociale ;
L’économique : le développement doit permettre l’activité économique ;
Et l’environnemental : le développement doit avoir un impact réduit et tolérable sur
l’environnement.
C’est la rencontre de ces trois piliers, la conciliation de ces trois enjeux qui rend une forme
de développement, durable. Pourtant, au départ, le Club de Rome avait opposé les dimensions
environnementale et économique, déclarant que la croissance économique était néfaste pour
l’environnement. La définition utilisée aujourd’hui est autrement plus consensuelle bien que
l’aspect environnemental soit bien souvent le plus visible et le plus cité.
Appliqué au domaine des transports, le développement durable deviendrait donc en toute
logique « transports durables ». Cependant, comme nous l'avons expliqué précédemment, la
notion plus largement utilisée et acceptée aujourd'hui, parce qu’elle est plus large et plus
adaptée, est celle de mobilité. En effet, ce ne sont pas tant les modes de déplacements en eux-
mêmes qui sont polluants et qui on des conséquences néfastes sur l’environnement,
l’économie ou le social mais plutôt l’usage que l’on en fait. Même s’il est possible d’adopter
des modes alternatifs ou doux pour se déplacer, ou de rendre plus économes et propres
certains modes réputés « polluants », il ne faut pas mettre de côté cette question des usages
que la définition de mobilité prend en compte. La notion de mobilité, nous le verrons en détail
plus loin dans notre propos, permet également d’expliquer les inégalités en termes d’accès à
la mobilité et l’importance que celle-ci revêt dans l’accès à l’emploi, à la ville et à la société
en général. Pour cela, nous parlerons donc de mobilité durable. Par ailleurs, dans la
14
perspective d'un changement de pratiques, il est d’autant plus évident d’utiliser la notion de
mobilité plutôt que celle de transport ou de déplacement.
La mobilité durable est définie de plusieurs façons et bien souvent, durable rappelle plus
facilement l’aspect environnemental que l’aspect social ou l’aspect économique. Pour Bruno
Marzloff, elle désigne « une mobilité peu polluante, peu consommatrice d’énergie et
d’espace, mais qui remplit dans le même temps les fonctions essentielles de la mobilité : le
lien social, l’accès aux ressources de la ville, le développement des échanges
économiques… »25. Cette définition, claire et synthétique peut être complétée par une autre,
plus technique et développée, donnée par l’ARENE26 :
« La mobilité durable désigne l’ensemble des choix et des pratiques mises en œuvre par
tous les acteurs de la mobilité, de l’usager au décideur public, en accord avec les enjeux et
principes du développement durable. […]
Suivant cette logique, les services et les actions contribuant à une mobilité durable ont pour
vocation de :
Faciliter l'accès à la mobilité durable,
Développer l'usage de modes de déplacements alternatifs à la voiture,
Faire changer les pratiques de mobilité. »27
Cette définition à l’avantage d’apporter des éléments quant à l’orientation d’une politique
de mobilité durable ainsi que d’inclure dans les acteurs de la mobilité, les usagers. Ces
derniers sont en effet acteurs de leurs choix de déplacements et ce sont ces mêmes choix sur
lesquels il faut influer si l’on souhaite faire changer les pratiques de mobilité.
25 B. Marzloff, Pour une mobilité plus libre et plus durable, Limoges, FYP, 2008, p. 24 26 Agence Régionale de l’Environnement et des Nouvelles Énergies, www.areneidf.fr 27 ARENE Île-de-France, Le mémento des services de mobilité, 2008, p. 3
15
En conjuguant ces deux définitions, l’une apportant des éléments en amont du déplacement
(critères de choix), l’autre en aval (impacts attendus d’une mobilité durable), on peut ainsi
dire que la mobilité durable représente l’ensemble des choix et pratiques de tous les acteurs
qui ont un impact environnemental réduit, permettent à chacun de se déplacer comme il le
nécessite et n’entravent pas les échanges économiques.
B. Les enjeux d’une mobilité durable
Le développement durable est trop souvent assimilé à sa dimension environnementale car
elle est la plus évidente et jugée comme la plus urgente aussi. Le questionnaire que j’ai pu
diffuser (cf. annexe 1) et les résultats (cf. annexe 2) qui en sont ressortis le montrent
clairement. Interrogées sur la signification du terme « mobilité durable », peu de personnes
ont cité une dimension autre qu’environnementale dans leur définition (seuls 17,6% des
répondants ont mentionné un autre aspect ou les ont tous cités, ce qui signifie que beaucoup
connaissent les enjeux mais ne les comprennent pas entièrement pour autant). Tous ont
cependant compris qu’il existait un lien avec le concept de développement durable mais c’est
l’aspect environnemental qui domine et qui oriente largement les définitions données.
Pourtant, les aspects de praticité et de rapidité d’un mode de transport sont les premiers
critères de choix cités. La conscience de l’impact de ses déplacements est bien là mais les
contraintes que certains modes de transports font peser sur les trajets, malgré l’impact positif
pour l’environnement, ne les incitent pas à les utiliser. Il s’agit là d’un premier enjeu d’une
mobilité durable, arriver à dépasser cette dimension environnementale prédominante mais, en
même temps, arriver à intégrer la dimension environnementale dans les critères de choix
modaux.
Devant cette prédominance affirmée de l’environnemental, il est indispensable de rappeler
ici les trois dimensions d’une mobilité « durable » en reprenant les trois piliers du
développement durable. La mobilité doit être tout d’abord désirable, selon Marzloff, c’est-à-
dire en phase avec les attentes des usagers. Il n’est plus seulement questions de l’offre de
transport mais aussi de la demande de mobilité provenant du territoire. Cet aspect de la
mobilité s’apparente au volet social du développement durable dans la mesure où il s’agit en
fait de répondre aux besoins exprimés et permettre alors à tous d’accéder à la mobilité, de se
16
déplacer. Par la suite, la mobilité doit aussi être productive, ne pas entraver l’économie et, au
contraire, elle doit permettre de créer de la valeur. Enfin, la mobilité doit être durable dans le
sens global mais aussi par rapport à son impact sur l’environnement. Le même terme est
utilisé et c’est ce qui peut porter à confusion mais, il y a bien une différence entre la mobilité
peu polluante, ayant un impact réduit sur l’environnement et la mobilité durable au sens large,
qui englobe les trois mobilités, durable, désirable et productive. On pourra trouver parfois le
terme d’écomobilité qui permet d’éviter cette confusion mais qui a tendance à trop évoquer le
terme « écologie » et donc l’environnemental. Nous lui préfèrerons donc ici le terme de
« mobilité durable ».
Il faut rappeler également l’apparente difficulté à concilier tous ces aspects. La réduction
des déplacements semble à première vue être la solution la plus efficace au problème
d’impact environnemental de la mobilité mais, il n’a jamais été aussi nécessaire d’être mobile
qu’aujourd’hui, surtout pour les catégories les plus défavorisées de la population, qui sont
aussi les plus dépendantes à l’automobile. Par ailleurs, du point de vue économique, la
création de valeur par les échanges et donc les déplacements qu’ils engendrent est importante,
déplacements qu’il ne serait donc que peu judicieux de vouloir contraindre. Comme le dit
Marzloff, pour rendre ces mobilités, durables, il ne faut pas les « rationner » mais au
contraire, « il faut offrir à ceux qui bougent des alternatives positives, la possibilité de
‘bougez mieux’»28.
L’Union Européenne vise une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serre29
d’ici à 2020 et une réduction encore plus ambitieuse de 50% d’ici à 2050. Une baisse de
11,3% entre 1990 et 200730 a été observée mais les transports continuent de représenter une
grande partie des ces émissions. En termes d’émissions de CO2, les transports représentent en
Europe, 23,1% des 92,5% d’émissions dues à la combustion d’énergie. Derrière la production
d’électricité et de chaleur, les transports sont le mauvais élève de l’Union Européenne. En
28 Ibid. 29 Rappelons ici que sont compris dans les gaz à effet de serre, six gaz d’origine « anthropique ». Le CO2 est l’un de ces gaz. Il faut donc distinguer le total des émissions de gaz à effet de serre des émissions de CO2 seulement. 30 Commissariat Général au Développement Durable, Repères, Chiffres clés du climat, France et Monde, Service de l’Observation et des Statistiques du Commissariat Général au Développement Durable, Éditions 2010
17
France en revanche, c’est le secteur transport qui est responsable de la plus grosse part des
émissions de CO2 à hauteur de 34,3%31. L’importance du nucléaire explique cette tendance
inversée, non sans conséquences pour l’environnement, mais qui fait ressortir d’autant plus le
problème des émissions dues aux déplacements. Par ailleurs, si nous évoquions une baisse du
total des émissions au niveau européen, il n’en est pas de même pour le secteur transport au
niveau national. En effet, celui-ci est le seul secteur qui n’a pas vu ses émissions baisser.
Entre 1990 et 2007, une hausse de 15%32, dont les principaux responsables sont le transport
routier et le transport maritime, a été observée. Enfin, il faut préciser que les véhicules
personnels sont encore largement responsables de cette hausse puisqu’ils représentent, en
France métropolitaine, 50,9% du total des émissions de CO2 du secteur transport.
Devant ces chiffres, il apparaît évident que l’action sur la mobilité automobile est
indispensable si l’on souhaite atteindre les objectifs fixés par les pouvoirs publics. Cette
action ne peut bien sûr avoir lieu actuellement qu’en zone urbaine et, dans une plus faible
mesure, en zone périurbaine. Les populations périurbaines sont en effet, en général, assez
dépendantes de l’automobile mais accèdent néanmoins plus facilement que d’autres à
certaines infrastructures et peuvent pratiquer alors l’intermodalité33. C’est en zone urbaine par
contre que la densité permet l’accès à un maximum de solutions de transports, autrement dit,
c’est en ville que le choix modal est le plus large et le potentiel d’action, le plus élevé, en
s’appuyant sur l’existant. En zone rurbaine ou rurale, la densité ne permet pas de mettre
autant de solutions à disposition des personnes (ou du moins, pas encore). Comme
l’annoncent beaucoup de spécialistes par ailleurs, le temps n’est plus à une solution unique
mais à un panel de solutions pour répondre à des besoins différents à des moments différents.
L’automobile reste cependant, dans les zones étudiées, le mode le plus massivement utilisé
et surtout, considéré comme le plus pratique. Ce mode est en effet devenu en quelque sorte un
mode « par défaut » car il est possible de se rendre presque partout en voiture et, mis à part
dans les centres villes où la circulation et le stationnement se font plus difficiles qu’ailleurs,
ces déplacements sont facilités et donc perçus comme pratiques. C’est ce qu’il est ressorti de
31 Ibid. 32 Ibid. Hausse calculée sur le territoire français DOM inclus. 33 Utilisation de plusieurs modes de transports au cours d’un même trajet, par exemple : voiture et métro.
18
l’étude des résultats de mon questionnaire (cf. annexe 2). Au niveau national également, les
populations favorisent la voiture pour sa praticité et invoquent les raisons suivantes pour ne
pas en changer, « le temps de transport […], l’inadaptation des horaires des transports en
commun, le confort, la fatigue – essentiellement pour le vélo ou la marche à pied »34.
La voiture fait en effet partie des trois modes les plus pratiques, selon les résultats du
questionnaire, après le métro et le tramway. Néanmoins, les questions portaient sur l’idée que
les personnes s’en font en général et non pas dans leur contexte territorial particulier. Or le
tramway et le métro font partie des infrastructures de transports lourdes qui ne sont pas
toujours disponibles. On peut donc dire que la voiture reste considérée, sur l’échantillon
étudié, comme le mode de déplacement le plus pratique. Et c’est aussi le cas à l’échelle
nationale car « parmi les 14,6 millions d’actifs ayant un lieu fixe et régulier de travail et
utilisant leur voiture, 6,3 millions d’entre eux – résidant essentiellement en zones urbanisées –
, pourraient ne pas l’utiliser. »35. De moins en moins de foyers ne sont pas équipés d’un
véhicule, fait qui illustre encore une fois, la prédominance de l’automobile.
Ainsi, en 2008, l’automobile reste utilisée dans 65% des déplacements ce qui représente
83% des distances parcourues (contre 63% et 82% en 1994)36. Il existe donc bien un fort
potentiel de report modal, et l’enjeu ici est de réduire l’utilisation de l’automobile, à fortiori
lorsqu’elle est utilisée seul. Le taux d’occupation moyen des véhicules par déplacement n’est
en effet que de 1,4 en 2008 contre 1,5 en 1994. La voiture continue donc d’être toujours plus
utilisée pour les déplacements et elle l’est individuellement. Le graphique37 ci-dessous montre
la répartition modale actuelle et la compare à celles de 1994 et de 1982, points de
comparaison utilisés dans le dossier présentant les caractéristiques de la mobilité des français.
On peut y voir qu’à l’exception de la voiture, tous les modes ont reculé, comme pour mieux
lui céder la place.
34 Commissariat Général au Développement Durable, La mobilité des français, panorama issu de l’enquête nationale transports et déplacements 2008, op. cit., p. 3 35 Ibid. 36 Ibid. 37 Ibid.
19
Figure 2 : évolution de la répartition des déplacements locaux selon les modes de transports (en %)
Source : SOeS, Insee, Inrets, enquêtes nationales transports 1982, 1994, 2008
La démographie ne joue pas non plus en faveur d’une mobilité durable. En effet, la
population vieillit mais elle ne se déplace pas moins qu’avant. Une plus grande proportion de
personnes dans chaque tranche d’âge se déplace ce qui augmente le volume de déplacements
et donc, les conséquences néfastes évoquées. Le graphique38 ci-dessous, illustre cette
situation :
38 Ibid.
20
Figure 3 : part des personnes qui se déplacent un jour donné dans la population par tranche d'âge
(en%)
Source : SOeS, Insee, Inrets, enquêtes nationales transports 1994, 2008
En termes d’enjeux de mobilité durable, il est nécessaire de faire évoluer les pratiques pour
favoriser le report modal de la voiture vers d’autres modes de déplacements, qu’ils soient
alternatifs ou doux39, ainsi qu’aller à l’encontre de l’autosolisme (utilisation individuelle
d’une voiture). Devant l’augmentation du nombre d’individus se déplaçant et le potentiel de
report modal évoqué, il apparaît pertinent d’agir en utilisant le levier des usages. Nous allons
voir pourquoi ce levier représente un fort potentiel et quels sont les freins au changement que
l’on peut identifier.
39 On appelle mode alternatif, un mode de transport remplaçant l’utilisation d’un véhicule motorisé individuellement et mode doux, les modes non motorisés mais qui peuvent être mécanisés (le vélo par exemple).
21
Chapitre 2 : L’approche de la mobilité par les usages : pertinence
de l’action et modalités de l’accompagnement au changement
Section 1 : La mobilité comme attribut, un moyen d’appréhender
les usages
Si la mobilité est un attribut, c’est-à-dire si elle est un caractère particulier et propre à
chacun, s’intéresser aux usages signifie s’intéresser aux particularités de chaque individu et à
ses logiques de choix modal. Pour mieux comprendre l’intérêt et la pertinence de l’action au
niveau des usages, nous allons exploiter un nouveau type de capital, présenté par Kaufmann,
le capital de mobilité ainsi que ce que cela implique en termes d’action possible.
A. L’identification d’un nouveau capital : la motilité
Partons du concept de capital tel qu’il a été défini par le travail de Bourdieu et qui, dans sa
théorie, représente un ensemble de ressources se présentant sous différentes formes qu’un
individu peut mobiliser. Il existe, selon Bourdieu, quatre formes fondamentales de capital
dont la somme représente la position dans l’espace social40 :
Le capital culturel, connaissances dont l’individu dispose ;
Le capital économique, qui comprend le capital au sens économique du terme mais
aussi les revenus d’une personne ;
Le capital social, ensemble des relations que maintient un individu.
Et le capital symbolique, plus qu’une forme de capital il s’agit de caractériser la façon
dont est considéré ce capital.
40 J.P. Durand, R. Weil, Sociologie contemporaine, op. cit., p. 296
22
Ces différents types de capitaux ne sont pas également répartis entre les individus, certains
étant plus dotés d’un certain type de capital que d’autres et inversement. Cette théorie sert à
décrire les rapports sociaux dans les différents « champs » ainsi que la division de la société
entre ceux qui sont plus dotés en capital culturel ou en capital économique ou même les
échanges entre capitaux. En effet, un capital culturel (un diplôme) peut se transformer par la
suite en capital économique (revenus plus élevés).
Il se passerait la même chose avec un nouveau type de capital, le capital de mobilité appelé
« motilité ». Proposé par Kaufmann, cet outil comme il le nomme, est défini comme « la
manière dont un individu ou un groupe fait sien le champ du possible en matière de mobilité
et en fait usage pour développer des projets »41. Ce capital était appelé au départ capital
spatial pour reprendre la structure proposée par Bourdieu mais, Kaufmann lui a préféré le
terme de « motilité ». Il propose par la suite, cette représentation schématique de ce concept
de motilité et son rapport avec la mobilité.
Figure 4 : conceptualisation schématique de la mobilité
Source : Kaufmann et Jemelin
41 V. Kaufmann, C. Jemelin, La motilité, une forme de capital permettant d’éviter les irréversibilités socio-spatiales ?, op. cit.
23
Comme nous l’expliquions plus haut, la mobilité englobe le déplacement mais aussi les
conditions qui le rendent possible, conditions que Kaufmann appelle ici accès, compétences et
appropriation. Ce sont surtout l’accès et les compétences qui nous intéresserons car ils sont
les deux éléments sur lesquels il est possible d’agir extérieurement c’est-à-dire, sur lesquels il
est possible d’aider les individus. L’appropriation dépendant des deux précédents facteurs, il
n’en sera ici pas réellement question. Il est cependant intéressant de mentionner le problème
de l’appropriation des innovations qui ne correspond pas tout à fait à la définition de
l’appropriation donnée par Kaufmann. En effet, il définit l’appropriation comme « le sens
donné par les acteurs aux accès et aux compétences » alors que nous parlons de
l’appropriation ici en faisant référence à la capacité à utiliser des nouvelles technologies
disponibles et qui facilitent les déplacements. On peut citer par exemple les sites internet des
transporteurs qui permettent de calculer un trajet ou des applications sur smart phones qui
vont encore plus loin et permettent ce que l’on peut appeler, par effet de miroir avec la notion
de covoiturage dynamique, les déplacements dynamiques. Dynamique car l’individu peut,
grâce à ces applications, modifier son trajet et décider d’une nouvelle « feuille de route » en
temps réel en fonction des perturbations sur son itinéraire ou changements dans son planning.
L’accès correspond à l’accessibilité d’un mode de transport, certains étant plus facilement
ou intuitivement utilisables que d’autres. On appelle communément accessibilité, l’ensemble
des facilités et difficultés d’accès à un site ou à un mode de transports rencontrées par les
personnes. Les transports en commun par exemple peuvent présenter une difficulté à cause de
la billettique ou de la compréhension du réseau dans son ensemble tandis que l’utilisation de
la voiture fait en général partie d’un apprentissage normalisé (cette affirmation tend à être
moins vraie aujourd’hui, le passage du permis de conduire ne faisant plus partie des « étapes »
significatives durant une vie pour de plus en plus de personnes). Du point de vue de
Kaufmann, l’accessibilité correspond, plus objectivement, à l’ensemble des conditions
d’accès à un mode de transport (billettique, horaires etc.). Les compétences sont un point qui
retiendra notre attention plus tard dans notre étude car, selon Kaufmann, il s’agit de savoir-
faire et de capacités d’organisation de son trajet. Cela permet de rejoindre la notion
d’apprentissage, présente dans la définition de capital selon Bourdieu. Aucun capital n’est
inné. Une partie s’acquiert par le milieu social dans lequel on naît, provenant d’une famille de
professeurs par exemple, l’individu possèdera alors au départ plus de capital culturel qu’un
individu venant d’une famille d’ouvriers. Mais, l’acquisition de capital au cours de son
parcours est un élément important de la théorie de Bourdieu. Une grande partie du capital est
24
en effet accumulée au cours de l’existence. Par analogie, on pourrait alors affirmer que la
mobilité ne va pas de soi, qu’elle n’est pas innée mais bel et bien acquise. Ou plutôt, les
compétences et savoir-faire nécessaire à la mobilité s’acquièrent au fur et à mesure. La
motilité serait alors un capital tout aussi inégalement réparti entre les individus que les autres
formes et, comme certains utiliseraient facilement différents modes d’autres se limiteraient,
faute de compétences.
De l’inégale répartition de ce capital provient une hiérarchisation dans les besoins en
termes de mobilité. En effet, de la même façon que Maslow définissait une pyramide de
besoins à satisfaire en priorité avant de passer aux niveaux supérieurs, il existerait des besoins
d’accès à la mobilité à différents niveaux. Une personne disposant de peu de motilité ne peut
pas prétendre accéder au même niveau d’une mobilité peu polluante qu’un individu mieux
doté en capital. En effet, c’est un peu comme si l’individu devait satisfaire un besoin primaire
d’accès à la mobilité afin de pouvoir accéder à une mobilité plus durable. Il s’agit là d’un
constat issu d’observations de terrains et non pas d’une situation figée dont il faut se
contenter. Il est évident qu’un des buts d’une mobilité durable est de permettre à tous
d’accéder, dans de bonnes conditions, à une mobilité peu polluante, désirable et productive,
pour reprendre les termes de Marzloff. Mais, ce qui est observé actuellement est qu’on ne
peut pas refuser un accès primaire et même vital (accès à un emploi) à la mobilité, aussi
polluante qu’elle puisse être par ailleurs. Il apparaît alors que la motilité est en fait fortement
liée aux autres types de capitaux décrits, le fait d’être mobile apportant davantage de capital
économique et même de capital social, capitaux qui permettent d’être par la suite, plus
mobile.
Il est intéressant de noter que les individus cherchent à accumuler le plus de motilité
possible sans pour autant que ce capital accumulé n’ait vocation à se concrétiser en
déplacement. Comme le relève Kaufmann au cours de la définition de son outil, « la motilité
est une ressource qui a pour fonction de largement rester à l’état de potentiel »42. Ce qu’il
appelle le « spectre de la mobilité potentielle » se doit d’être le plus large possible afin que les
42 Ibid.
25
individus puissent faire face ou se jugent capables de faire face à différents types de risques
dans leurs déplacements.
Grâce à cette notion de capital de mobilité, nous sommes en mesure d’expliquer qu’il
existe des inégalités d’accès à la mobilité qui, dans un objectif de développement durable,
doivent être corrigées. Par ailleurs, nous avons vu que les individus cherchent à accumuler le
plus de motilité possible, mais s’il n’y a pas forcément déplacement, il faut cependant
s’assurer que lorsqu’il a bien lieu, celui-ci se fasse le plus « durablement » possible. En
somme, il faut aider les individus à mieux se doter en capital de mobilité afin d’aller vers une
mobilité plus durable.
B. Le processus d’apprentissage de la mobilité et la répartition de la
motilité, capital de mobilité
Si la mobilité dépend d’un capital qui s’acquiert, il apparaît alors évident qu’elle peut tout
à fait faire l’objet d’un apprentissage. Et comme tout apprentissage, il existe des différences
en fonction du milieu social qui conduisent à créer des inégalités entre les individus. C’est
ainsi que se répartit la motilité, capital de mobilité mais aussi, via d’autres phénomènes, le
milieu social n’étant pas le seul déterminant. Il joue cependant un rôle certain dans
l’acquisition d’un capital de base, certains individus étant habitués très jeunes à voyager en
utilisant plusieurs modes de transports par exemple.
Il existe par ailleurs plusieurs formes d’apprentissage qui ne relèvent pas de la forme que
l’on a pu voir, dans son milieu familial ou social. Celles-ci ont été décrites par la psychologie
cognitive, branche qui s’intéresse aux mécanismes d’apprentissage. Weil-Barais et
Rackelboom, ce dernier étant à l’origine des ateliers de mobilité de la RATP, expérience que
l’on étudiera plus tard, ont proposé cette liste de diverses formes d’apprentissage43, appliquées
aux transports en commun :
43 S. Allemand, Apprendre la mobilité, les ateliers de mobilité, une expérience originale, op. cit. , p. 95
26
L’apprentissage par essais et erreurs, l’individu apprend au fur et à mesure de ses
erreurs ;
L’apprentissage par conditionnement, l’individu apprend car il existe un élément de
motivation particulier ;
L’apprentissage par observation, l’individu a appris en regardant d’autres personnes
faire ;
L’apprentissage par imitation, différent du précédent, l’individu reproduit simplement
un comportement observé ;
L’apprentissage coactif, l’individu apprend en groupe, ce qui permet de confronter les
opinions ;
L’apprentissage par tutorat, l’individu apprend en demandant à une personne qui
détient le savoir (un agent de la RATP par exemple) ;
Et l’apprentissage par instruction, l’individu suit simplement une indication mais ici,
aucune intervention d’un tiers n’est présente.
Via ces différents schémas, l’individu acquiert certaines compétences et savoirs afin de
pouvoir se déplacer mais, ils ne sont pas exhaustifs pour autant et tout le monde ne réagit pas
de la même façon à une situation. Ce n’est donc pas tant une liste de schémas dans lesquels
chacun se retrouve qu’une liste de possibilités de méthode d’apprentissage. Il est en effet tout
à fait possible qu’une personne ne suive aucun des schémas précédemment cités et se trouve
alors dans l’incapacité d’utiliser un mode de transport. L’apprentissage joue donc un rôle
important dans le changement d’usages car on ne peut utiliser ce que l’on ne connaît pas.
Par ailleurs, comme nous l'avons vu précédemment, il n'existe de mobile que parce qu'un
élément immobile supporte le déplacement. Or, si l'on suppose que l’on peut inverser le
raisonnement, un élément immobile n'est pas plus pertinent s'il ne permet aucun mouvement,
soit parce qu'il n'est pas adapté ou pas connu et donc, pas utilisé. Les deux éléments sont
interdépendants et on ne peut pas agir sur l'un sans affecter l'autre. S'il est intéressant
d'améliorer les structures existantes (une piste cyclable par exemple), de repenser leur
27
aménagement (agrandir ou ajouter une piste cyclable) ou d'en créer de nouvelles, il est tout
aussi important de s'assurer de la pertinence de ces aménagements c'est-à-dire, de leur utilité
pour les futurs usagers. Face à la prédominance de la voiture, il est alors nécessaire, en
parallèle ou en amont de ces aménagement dans l’idéal ou, par défaut, en aval,
d’accompagner les publics vers ces solutions en leur montrant leur potentiel et leurs atouts. La
perception des différents modes de transports joue un rôle important dans le processus de
choix modal, perceptions qu’il faut améliorer de plusieurs façons afin de permettre le
changement. Les connaissances aussi jouent un rôle important puisqu’elles sont fonction du
capital accumulé. Il est alors possible, si la mobilité s’apprend, d’apprendre à se déplacer
autrement, plus durablement.
Section 2 : L’identification de principaux freins au changement
d’usages et éléments de solutions
Changer de mode de déplacement, si l’on prend en considération les notions évoquées
d’attribut et de capital, est une action qui engage l’individu dans toutes ses dimensions. En
effet, la mobilité définit l’individu, et changer de pratique de mobilité relève d’une décision,
qui pour s’effectuer, requiert un certain nombre d’éléments. Rappelons également que la
mobilité s’apprend et que, par apprentissage, on entend l’acquisition de compétences, de
savoir-faire mais aussi de savoirs. L’absence de ces éléments constitue alors des freins
identifiés au changement de pratiques. Nous allons les évoquer ici ainsi que des pistes
d’amélioration, des tentatives de réponses possibles pour lever ces différents freins.
Trois principaux freins ont pu être identifiés mais, cela ne signifie pas que d’autres facteurs
ne puissent pas entrer en jeu. Nous allons évoquer ici le manque de savoirs, le manque
d’informations ainsi que le manque de moyens. Il serait également intéressant de se pencher
sur les aspects culturels de la mobilité, c’est-à-dire sur les éléments liés à la culture et à la
société qui marquent l’opinion des publics sur tel mode de transport ou un autre. Il s’agit
cependant d’un sujet beaucoup plus complexe à traiter et dont les changements seraient
beaucoup plus lents que ce que nous cherchons à étudier ici. C’est pourquoi c’est un aspect
qui sera laissé de côté pour se concentrer sur les trois principaux freins évoqués plus haut et
que nous allons maintenant détailler.
28
A. Le manque de compétences, un frein à l’accès à la mobilité :
comment apprendre la mobilité ?
L’apprentissage de la mobilité n’est pas un domaine couvert par un acteur spécifique
comme l’est l’apprentissage de la lecture par l’école. L’apprentissage de la mobilité se fait
différemment selon les individus et certains, de par leur environnement social, familial ou
culturel n’ont pas pu ou pas su se constituer cet ensemble de compétences leur permettant de
se déplacer facilement. Il s’agit la plupart du temps d’un public en insertion ou en difficulté
d’insertion, où parfois la barrière de la langue ou l’aspect familier du quartier jouent un rôle
prédominant dans la constitution d’un frein à la mobilité.
C’est notamment ce qu’a pu observer Mike Rackelboom, en thèse en 2002 à la RATP. Il a
en effet pris connaissance, grâce aux acteurs sociaux sur ce territoire, un quartier à Saint-
Denis, du fait que les jeunes et habitants n’utilisaient que très peu les transports en commun
sur ce quartier pourtant très bien desservi par plusieurs lignes. Les habitants de ce quartier
sont marqués par une forte propension à se replier sur eux-mêmes, après une longue période
de chômage par exemple, et la plus grande barrière pour retrouver un emploi pour eux est le
fait qu’il leur est difficile de sortir de leur quartier, à utiliser les transports pour se rendre à un
entretien d’embauche. Sur un autre quartier mais avec les mêmes problématiques, c’est
l’association Voiture&Co qui s’occupe d’offrir des solutions à un public en insertion dans le
Petit Nanterre, au nord-ouest de Paris. Là encore, les partenaires sociaux observent des
difficultés pour certains individus à trouver du travail car ils ne parviennent pas à sortir de
leur environnement familier.
Il faut donc apporter un certain nombre de compétences pour permettre à ces personnes de
pouvoir utiliser, notamment, les transports en commun mais aussi, d’autres modes de
déplacements pour qu’elles puissent s’intégrer et accéder à l’emploi. La RATP a mis en place
une offre d’ateliers d’apprentissage de la mobilité où un agent intervient pour expliquer
comment fonctionne le réseau, la billettique, la tarification. Voiture&Co propose quant à elle,
un conseil en mobilité personnalisé, conseil qui peut parfois déboucher sur une formation en
mobilité. Le conseiller a pour but de réaliser un bilan complet des compétences de la
personne, en somme d’analyser quel est son capital de mobilité, afin de l’orienter vers une
solution adéquate qui lui permettra de trouver du travail. Voiture&Co analyse à la fois les
compétences mais aussi les besoins, et regarde si ceux-ci sont en adéquation avec l’offre
29
existante sur le territoire. C’est un point que nous aborderons plus tard mais, parfois, un
manque de moyens est constaté et l’on peut fournir des compétences à l’individu sans que
celui-ci n’ait pas la suite l’opportunité de les mettre à profit.
Le choix du terme de conseil ou de celui d’apprentissage pour ces expériences n’est pas
anodin. Comme le rappellent les différents responsables des projets évoqués, il s’agit
davantage de donner des capacités à résoudre un problème qu’une solution ponctuelle, ce que
George Amar appelle l’« empowerment ». L’empowerment est très lié à la notion
d’apprentissage dans la mesure où il permet à l’individu d’apprendre par lui-même, en étant
actif. C’est pourquoi ce terme a été choisi plutôt que celui d’enseignement qui véhicule une
idée de passivité de la part du profane, pour reprendre un autre concept de la théorie de
Bourdieu. L’association Voiture&Co se situe aussi dans ce schéma d’empowerment dans le
sens où elle dispense aussi des formations en mobilité mais également car elle permet aux
bénéficiaires du conseil en mobilité d’accéder à un emploi, de passer la période d’essai et
ainsi, de lancer l’individu dans sa « conquête »44 de la mobilité.
Le manque de compétences bloque l’accès à la mobilité et donc à une mobilité durable.
Durable renvoyant plutôt ici aux enjeux du pilier social du développement durable, cette
situation créant des inégalités d’accès à la mobilité, inégalités qu’il faut bien sûr corriger pour
atteindre une certaine forme d’équité sociale dans l’accès à la mobilité. Ne pas savoir se
déplacer entraîne des difficultés d’accès à l’emploi mais aussi, d’accès à la ville, à ses
services et, par voie de fait, ce manque de compétences empêche la création de lien social et
de cohésion. Le principal objectif d’une action sur ce frein est de garantir un accès à la
mobilité pour tous.
44 Terme utilisé par Marzloff, il parle en effet de la « conquête inachevée » de la mobilité.
30
B. Le manque de connaissances, un frein au report modal : comment
faire évoluer les pratiques de mobilité ?
Le manque de connaissances, de savoirs, est différent du manque de compétences dans la
mesure où ces individus accèdent facilement à la mobilité et sont intégrés socialement. Mais,
parce qu’ils maîtrisent leur mode de déplacement habituel et peut-être quelques autres, ils
considèrent qu’ils savent se déplacer. Or il s’agit d’une maîtrise routinière de la mobilité qui
ne permet pas d’ouvrir beaucoup de possibilités qui souvent existent, et permettraient même
parfois de gagner en temps, en confort ou en praticité. Nous verrons que ce n’est pas toujours
le cas et que, parfois, ce sont les solutions qui manquent.
Ce que l’on appelle un manque de connaissances peut résulter par exemple d’un manque
de curiosité, les individus ayant à disposition un mode de déplacement relativement pratique
et fiable, leur voiture, ils ne ressentent pas toujours le besoin de changer. Or, peu de gens
savent ce que cela leur coûte réellement. Hors prix d’achat du véhicule, celui-ci engendre une
dépense moyenne annuelle de 6 700 €45. Ce manque de connaissances peut aussi être
simplement dû au fait qu’on ne s’approprie pas toujours de la même façon un territoire sur
lequel on travaille et un territoire sur lequel on habite. Ainsi, dans un cadre professionnel, on
peut être moins enclin à découvrir son quartier et passer à côté d’opportunités. Enfin, il est
évident que dans la configuration actuelle de la société, le temps est considéré comme
précieux et les individus n’en dispose tout simplement pas pour s’intéresser à d’autres
pratiques.
Pour répondre à ce manque de connaissances, il faut donc apporter de l’information afin de
permettre un meilleur arbitrage entre les solutions de déplacements. Chaque individu a ses
priorités en termes de choix modal, certains privilégieront la praticité, d’autres la rapidité ou
d’autres encore, l’économie que cela leur permet de réaliser. C’est ce dernier aspect qui
semble retenir plus particulièrement l’attention plus que l’aspect environnemental et il
n’appartient qu’aux individus de décider de leurs critères de changement et aux acteurs de
trouver l’argument adéquat qui le rendra possible, sans alourdir l’individu de contraintes.
45 Selon l’ADEME, pour un total annuel de 15 000 kilomètres (40% en ville, 35% sur route et 25% sur autoroute), le coût annuel est estimé à 4 165 € pour une petite voiture roulant à l’essence, à 6 404 € pour une voiture moyenne roulant au diesel et 9 763 € pour un monospace roulant au diesel.
31
C’est le but des plateformes de mobilité de Voiture&Co, « Bougez futé », d’aller vers les
personnes, de les conseiller afin de favoriser une mobilité durable pour tous.
Une autre expérience mérite d’être soulignée et qui pose le problème que nous évoquions,
celui de l’appropriation d’un territoire. On habite un territoire, on le pratique mais, pas de la
même façon selon que l’on y habite ou que l’on y travaille. L’association AFET46 a organisé
dans le XIIIème arrondissement de Paris dans le cadre d’un Plan de Déplacements Inter-
Entreprises (PDIE), des balades dans la zone d’activités afin de faire découvrir le quartier à la
fois aux habitants mais surtout aux salariés des entreprises. En effet, ces derniers, qui
n’allaient pas plus loin que la rue, passaient à côté d’un quartier vivant situé quelques mètres
après le coin de la dite rue.
C’est un des aspects que privilégient notamment les plans de déplacements avec leur volet
animation et sensibilisation. Un plan de déplacements47 est une démarche cohérente de
rationalisation et de limitation des déplacements engendrés par l'activité d'une structure. Cette
démarche se traduit par la mise en place d'un « ensemble de mesures visant à optimiser les
déplacements liés au travail en favorisant l'usage des modes de transports alternatifs à la
voiture individuelle »48. Un plan de déplacements est donc un projet qui prévoit de mettre en
place différentes solutions pour améliorer les déplacements (amélioration de la desserte en
transports en commun d'une structure par exemple) ou pour les limiter (mettre en place le
télétravail pour certaines personnes, installer des systèmes de visioconférence). Il concerne à
la fois les déplacements « domicile-travail » et les déplacements professionnels.
Mais, avant la mise en place d’éventuelles solutions, il est possible de s’appuyer sur
l’animation et la communication. En effet, lorsqu’il est question d’amélioration des
déplacements, apporter des informations sur les options déjà disponibles participe d’une
46 Association Française de l’Excellence Territoriale 47 La notion de plan de déplacements est apparue avec le Plan de Déplacements Urbains (PDU) instauré par la loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’Orientation des Transports Intérieurs et renforcé par la loi n°2000-1208 du 13décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Le PDU a été rendu obligatoire par la loi n°96-1236 du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie pour les périmètres de transports urbains, sur lesquels s’applique le PDU, des agglomérations de plus de 100 000 habitants. 48 ADEME, www.plan-déplacements.fr
32
optimisation des déplacements. On appelle cela, l’information multimodale et qui consiste en
l’apport d’informations concernant tous les modes de transports disponibles et, dans le
meilleur des cas, sur les connections entre ces différents modes. Car comme nous
l’expliquions, une meilleure information est un levier important pour permettre de faire
changer les critères de choix modal. C’est ce que l’on peut observer lors de la mise en place
de fiche d’accessibilité par exemple.
Une fiche d’accessibilité est un document qui présente les différents moyens à disposition
des personnes afin de se rendre sur un lieu particulier (école, entreprise etc.). L’avantage est
qu’elle met en avant des informations importantes telles que le rayon de portée des
déplacements en vélo ou à pied par exemple, à travers l’édition d’une carte, ce qui permet de
faire prendre conscience aux individus du potentiel de ces modes de déplacements. L’aspect
sensibilisation d’un plan de déplacements permet aux publics de mieux comprendre les enjeux
ainsi que les bénéfices qu'ils peuvent en tirer pour leur situation personnelle. Il faut cependant
rappeler que le plan de déplacements n’est pas un outil contraignant, il n’est pas là pour forcer
les personnes à changer leurs habitudes ni bannir totalement la voiture mais pour encourager
le changement en apportant, notamment, des informations nécessaires à un meilleur arbitrage
dans les solutions de mobilité. Nous verrons dans la partie suivante que le plan de
déplacements est un outil particulièrement pertinent, sous d’autres aspects, pour permettre un
changement.
Le manque de connaissances enferme l’individu dans sa pratique habituelle de la mobilité.
Soit il n’en est pas satisfait et il ira alors volontairement chercher cette information qui lui
permettra de faire évoluer ses pratiques, soit, pour diverses raisons, il ne ressent pas le besoin
de changer, et cela même si ce changement s’avèrerait bénéfique pour lui. Il faut alors aller
vers l’individu pour lui apporter cette information et lui suggérer un changement. Il s’agit de
lever ce frein du manque de connaissances en sensibilisant les individus pour qu’ils
comprennent les enjeux existant mais aussi en apportant l’information nécessaire pour que
s’effectue un report modal de la voiture vers d’autres modes.
33
C. Le manque de moyens, un frein à la réalisation du changement :
comment permettre le changement ?
Ce sont parfois les moyens qui manquent et non pas la volonté ni même les compétences.
Cet aspect est quelque peu différent dans le sens où l’action va plus loin que
l’accompagnement au changement de pratique tel que défini par les professionnels puisqu’elle
prévoit la mise en place de solutions et non plus seulement l’information ou la formation.
Cependant, le point intéressant à noter, et qui justifie de sa présence dans ce propos, est que
l’intention de changement est déjà présente chez l’individu. Contrairement aux situations
précédentes où l’on apporte un élément pour provoquer une idée de changement, l’intention
est déjà présente mais ne peut se réaliser, faute de moyens. Au lieu d’apporter une
information, l’acteur doit, s’il le peut, apporter un autre type d’élément. Nous ne parlerons
cependant ici que des « petites » actions qui rendent le changement possible et non pas de
grands chantiers ou d’innovations techniques.
Pour expliquer en quoi un manque de moyens peut bloquer le changement, reprenons
l’explication de Latour sur les mobiles et immobiles. Il n’y a de mobile que parce qu’un
élément immobile permet le mouvement. Seulement, cet immobile peut aussi exister mais, ne
pas être adapté. L’exemple le plus parlant qui peut être observé est celui de la pratique du
vélo. Considéré comme un véhicule, il peut circuler sur la route, tout comme une voiture.
Mais, le sentiment d’insécurité que cela peut provoquer freine certains individus. On peut
d’ailleurs se référer ici aux résultats du questionnaire (cf. annexe 2) et avancer que les
répondants ont classé parmi les modes les moins sécurisants, tous les types de deux-roues. La
route telle qu’on la connaît aujourd’hui a été conçue au départ pour les automobiles et ce n’est
que par défaut que les cyclistes l’empruntent. On peut donc affirmer que cet immobile, la
route, n’est pas réellement adapté pour la pratique du vélo et face à cela, il est possible que les
individus se découragent pour garantir leur propre sécurité et leur confort. Un autre frein bien
identifié à la pratique du vélo toujours, est le manque d’aménagements. En effet, sans endroit
pour attacher son vélo, ni équipements pour se changer ou stocker ses affaires, les personnes
désireuses de se déplacer en vélo se disent freinées devant le manque de praticité de ce mode,
lié à l’absence d’infrastructures pour sa pratique. Et s’il n’est pas possible d’affirmer que la
34
sous-utilisation du parc de vélos49 détenus par les particuliers en France est liée à ce sentiment
d’insécurité ou au manque d’infrastructures, il apparaît clairement qu’il faut encourager
l’usage du vélo.
À la frontière entre le manque de compétences et le manque de moyens, l’association
Voiture&Co rencontre le même type de problème d’inadaptation des immobiles aux besoins
exprimés. En effet, la plateforme de Voiture&Co accueille des personnes en situation
d’insertion, public susceptible de trouver du travail en horaires décalés, emplois souvent peu
qualifiés. Les moyens qui lui sont alors offerts pour se déplacer ne sont pas adaptés à ses
besoins ce qui la freine dans sa mobilité et son accès à l’emploi.
Dans toutes ces situations, un élément manquant bloque le changement de pratique ou
l’accès à la mobilité. Si l’on amène cet élément, alors le changement pourra avoir lieu car
l’intention est déjà présente. Il ne s’agit plus ici d’apporter de l’information ou des
compétences pour accéder à d’autres modes et élargir son spectre de mobilité potentielle mais,
de rendre possible un changement qui ne peut s’effectuer, faute de moyens. Là encore, le plan
de déplacements peut être un outil pertinent car il permet de construire une demande de
mobilité, demande qui peut constituer un argument pour la mise en place de solutions. En
effet, avant la mise en place de solutions, des diagnostics sont effectués, appelés couramment
« enquête déplacements » et « étude d’accessibilité ». La première permet de connaître les
habitudes de déplacements d’un public ciblé (étudiants, employés etc.), éléments qui
permettent de saisir les usages sur cette partie de la population, la deuxième analyse les
facilités et les difficultés d’accès à un site (école, entreprise, administration etc.). La
confrontation de ces deux études permet souvent d’expliquer les usages observés, les
pratiques étant en lien avec les solutions et aménagements disponibles. Elle permet aussi de
révéler certaines lacunes en termes d’offre mais également, elle permet de construire une
demande en termes de mobilité. Car la mobilité n’est plus seulement une affaire d’offre mais
aussi de demande. Celle-ci ne s’exprime pas spontanément pour autant et le plan de
49 En effet, selon le dossier sur la mobilité des français, le nombre de vélos détenus a progressé et est passé de 21 millions en 1994 à 27 millions en 2008. Cependant, la part modale du vélo n’a pas augmenté. C’est pourquoi le Commissariat Général au Développement Durable estime que ce parc est sous-utilisé.
35
déplacements est un outil qui permet cette construction afin de mettre en place des solutions
adéquates et pertinentes car basées sur une demande concrète.
Il faut cependant noter que les plans de déplacements ne s’appliquent que sur une unité
géographique déterminée et que si l’adhésion des publics est volontaire, la mise en place d’un
plan l’est aussi. En effet, rares sont les acteurs tenus légalement de mettre en place un plan de
déplacements. Celui-ci n’est par ailleurs pas une obligation dans le cadre d’un Agenda 21
même si, il apparaît évident dans beaucoup de structures, qu’il faudrait s’interroger sur la
question des déplacements.
La complexité des enjeux de mobilité durable ainsi que les différents freins évoqués
peuvent rendre le changement difficile. Il apparaît évident maintenant que par changement de
pratiques, on vise en premier le report modal depuis la voiture vers des modes alternatifs ou
doux et que l’on s’appuie pour cela plus sur l’existant que sur des hypothétiques nouveaux
services ou aménagements, pas encore disponibles. Mais aux vues des éléments définissant la
mobilité, il est possible d’aller plus loin et de dire qu’il existe également une part de culture,
qui influence la perception des modes de transports et qui joue dans l’établissement de critères
de choix modal. Pour permettre un report modal, il ne faut donc pas seulement apporter les
différents éléments évoqués précédemment mais aussi travailler sur un changement plus
profond. L’action reste possible néanmoins et même nécessaire. Tout comme le plan de
déplacements concerne une partie seulement des usages sur un territoire restreint, nous allons
à présent étudier différentes actions territorialisées pour accompagner le changement.
36
Chapitre 3 : L’accompagnement au changement dans les
pratiques de mobilité : établissement d’une typologie des acteurs
et logiques d’action et identification des caractéristiques de cette
action
À travers différentes expériences observées, nous allons tout d’abord étudier les différents
acteurs séparément ainsi que leurs logiques d’actions puis, nous essaierons de dégager des
caractéristiques globales d’une action sur les pratiques de mobilité et les difficultés
rencontrées, dues au caractère innovant de toutes ces expériences. En effet, accompagner le
changement dans les pratiques de mobilité demande d’agir sur des objets nouveaux, objets qui
sont par ailleurs à construire, ce qui appelle à la mise en place de modalités d’action
innovantes.
Section 1 : De nouveaux acteurs ou des nouvelles modalités d’action
pour accompagner le changement
Les expériences suivantes présentent un aspect original, soit dans leur fond, soit dans leur
forme, mais aussi ce sont celles auxquelles j’ai pu accéder sur le terrain. En effet, effectuant
mon stage de fin d’études en région parisienne, sur ce même thème de la mobilité, j’ai eu
l’opportunité d’observer plusieurs de ces initiatives50. Les quatre différents cas que nous
allons étudier ont été classés en trois catégories en fonctions de leurs caractéristiques :
Des acteurs « classiques », qui mettent en œuvre des solutions innovantes et qui se
réinventent face aux nouvelles problématiques évoquées ;
50 Pour consulter les entretiens menés et qui ont servi de support à cette analyse, se reporter aux annexes 3 et 4 du document.
37
Des acteurs sans liens particuliers entre eux mais, qui partagent leurs expériences et
leurs connaissances via un réseau ;
Et, des acteurs qui décident de créer une alliance originale entre eux afin de
mutualiser, au delà de leurs connaissances, leurs moyens.
Cette typologie n’a pas vocation à être représentative de toutes les actions menées en
faveur d’une mobilité durable et elle reste ouverte à l’ajout de nouveaux acteurs ou logiques
d’action. Elle propose néanmoins des critères de classification qui peuvent s’appliquer à
d’autres projets (par exemple, lorsqu’un acteur public, une collectivité par exemple, décide de
créer un agence locale de mobilité, cette démarche s’apparente à celle d’un acteur
« classique » mettant en œuvre une solution originale).
A. Des acteurs « classiques » : la mise en œuvre de solutions
innovantes pour permettre le changement
Par acteurs « classiques » nous entendons ici des acteurs déjà présents depuis longtemps
sur le domaine, concernés du fait de leurs fonctions (transporteur ou autorité organisatrice de
transports par exemple) ou dont l’organisation n’est pas particulièrement innovante mais dont
les projets se distinguent par contre par leur aspect original pour accompagner le changement
dans les pratiques de mobilité. Nous allons ici étudier deux types de projets, mis en place par
la RATP, transporteur historique en Île-de-France, et par Voiture&Co, association dont la
raison sociale est la promotion d’une mobilité durable pour tous.
1. Les ateliers mobilité de la RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens)
La RATP est un opérateur de transport public mondialement présent et le transporteur
historique en Île-de-France depuis 1949. Consciente du changement de paradigme qui s’opère
avec l’arrivée de la notion de mobilité et les conséquences que l’on a pu évoquer, la RATP
s’est lancée dans une expérience pour pallier le manque de compétences observé auprès de
certains publics, manque qui les paralysait dans leur vie sociale.
38
C’est à la suite d’un constat effectué par les partenaires sociaux et d’une impulsion venue
d’un étudiant rédigeant une thèse qu’a commencé à naître l’idée d’ateliers de mobilité dont le
principe est de permettre l’apprentissage de la mobilité. Par tâtonnements, l’opérateur a
commencé à s’intéresser aux pratiques, au delà de la simple gestion du réseau. En effet, le
travail a commencé sur un quartier pourtant bien desservi mais dont le réseau était peu utilisé.
C’est ainsi que l’acteur s’est rendu compte, grâce à une association locale travaillant pour
l’insertion des jeunes, que la seule lecture d’un plan du réseau pouvait présenter des
difficultés pour certaines personnes. La méconnaissance du système de tarification
décourageait aussi les individus, croyant le mode de transport trop cher pour eux. En réalité,
des réductions voire des gratuités sont disponibles mais il faut, d’un part, savoir qu’elles
existent et, d’autre part, être en mesure de pouvoir faire la démarche, quelque peu compliquée
(appel sur un serveur vocal pour créer un dossier puis remise d’une carte qu’il faut charger).
Tous ces éléments dont ne disposaient pas les habitants du quartier, ces compétences qui leur
manquaient, ne les poussaient pas à utiliser les transports en commun.
Le principe de l’atelier est basé sur les sessions de formations organisées par l’association
et il a fallut improviser un contenu afin de tester le concept. Le premier atelier a été mis en
place à la rentrée 2002 et consistait à « apprendre à décrypter un plan du métro et du réseau de
bus, à découvrir l’offre de la RATP, les principes de la tarification, les avantages auxquels les
personnes à faibles revenus [ont] droit »51. Au fur et à mesure des ateliers, le contenu est
ajusté et le nombre de sorties augmentées. Car la force de l’atelier réside dans son association
entre l’aspect théorique et l’aspect pratique. Des sorties sont en effet organisées afin de placer
les personnes en situation et les rendre autonomes.
Tout en restant sur son domaine de compétence, la RATP élargit son action et peut ainsi
entrer dans cette tendance que l’on peut identifier qu’est l’accumulation des fonctions, la
diversification des actions d’un même acteur. De la même façon qu’un afficheur s’invente
fournisseur de solutions de mobilité (JC Decaux est celui qui a mis en place le système de
Vélo en Libre Service), la RATP s’invente ici suivant une autre dimension de son activité. Il
ne s’agit plus seulement de transporter les gens mais aussi de leur permettre de mieux se
51 S. Allemand, Entretien avec M. Rackelboom, Genèse et principes des ateliers de mobilité, op. cit., p. 21
39
déplacer. Il y a quelques années, un constructeur automobile fabriquait des voitures, un
transporteur gérait un réseau de transport en commun et assurait l’entretien du réseau etc.
Aujourd’hui, les constructeurs se lancent dans l’autopartage, nouveau service de mobilité, et
les opérateurs de transports deviennent aussi « opérateurs de mobilité »52 en fournissant des
informations pour aider les usagers à se déplacer mais aussi en apportant une réponse de plus
en plus personnalisée en fonction des besoins. Les rôles ne sont plus définis, segmentés
comme ils pouvaient l’être. Au contraire, une nouvelle perméabilité se dessine entre ces
fonctions et ces acteurs trouvent alors un moyen de varier leurs activités ou, comme la RATP,
de se réinventer pour faire face aux nouveaux enjeux. Elle devient un expert sur la question de
l’apprentissage de la mobilité et apporte alors son savoir et son expertise aux individus qui le
nécessitent, devenant ainsi, un acteur du changement.
2. Le conseil en mobilité et les prestations de sensibilisation/formation de Voiture&Co53
Voiture&Co est une association loi 1901 qui a vu le jour en 1998 suite aux initiatives
répétées d’organisation d’un système de covoiturage sur l’université de Nanterre dont le point
de départ a été une grève importante dans les transports en commun en 1995. Positionnée au
départ sur le covoiturage, l’association s’est rendue compte qu’il existait une forte demande
de mobilité et cela l’a amenée à se structurer autour de trois axes :
L’axe sécurité routière, avec notamment des interventions lors de soirées étudiantes et
de festival pour sensibiliser et proposer du covoiturage ;
L’axe « Bougez futé », plateformes de mobilité pour favoriser une mobilité durable,
peu polluante et donc favoriser le report modal vers les modes doux ou alternatifs ;
Et l’axe « Bougez vers l’emploi », autre type de plateforme qui favorise le conseil en
mobilité personnalisé auprès de publics spécifiques en insertion.
52 http://www.ixxi-mobility.com/des-enjeux-forts/ (Ixxi est une filiale du groupe RATP) 53 Le site internet de l’association : www.voitureandco.com
40
Ce sont ces deux derniers axes qui nous intéressent pour notre propos et nous étudierons
plus particulièrement les plateformes « Bougez vers l’emploi » de Nanterre et « Bougez futé »
de Paris. Voiture&Co propose deux types d’accompagnement différents à travers ces deux
types de structures.
La plateforme « Bougez vers l’emploi » reçoit des personnes qui rencontrent des difficultés
d’insertion dues à un manque de mobilité. Souvent, il s’agit de personnes qui ne savent pas se
déplacer, qui manquent de compétences. Mais, il peut arriver que ce soit des personnes qui
n’ont pas les moyens de se déplacer. En effet, ce public est susceptible de trouver un emploi
en horaires décalés (ménages, veille de nuit par exemple), ce qui génère une demande qui
peut difficilement être satisfaite par les modes de transports « classiques ». Voiture&Co
répond alors à ces différents manques par diverses solutions. Elle effectue tout d’abord un
diagnostic, appelé « bilan des compétences en mobilité », au moment où l’individu est orienté
vers la plateforme, qui sert à analyser ses pratiques de mobilité, les compétences dont il
dispose ainsi que ses besoins. Une fois ce diagnostic effectué, il est possible d’orienter la
personne vers la solution la plus adéquate. Soit on lui propose une solution pour se déplacer
(vélo, scooter, minibus etc.) soit on lui propose de suivre une formation en mobilité.
Cet apport de solution est là pour donner un « coup de pouce » à la personne et corriger les
inégalités en matière de mobilité. Cependant, la question environnementale reste aussi
présente. Lorsqu’une personne peut aller jusqu’à son lieu de travail en vélo alors il ne lui sera
pas proposé de scooter par exemple. De la même façon, si la topographie ne le permet pas,
alors le vélo ne sera pas mis en avant car peu pertinent. Le conseiller en mobilité tient donc
compte à la fois des compétences de la personne, de ses besoins mais aussi du contexte dans
lequel elle doit se déplacer pour tenter de concilier au mieux les différents éléments.
Les publics sont orientés par des partenaires sociaux tels que les maisons de l’emploi, les
Plans Locaux pour l'Insertion et pour l'Emploi (PLIE) ou encore les espaces insertion qui ont
la charge des bénéficiaires du RSA. Un suivi de chaque personne est effectué afin de voir si le
conseil a été efficace et a pu les aider à accéder vers l’emploi. L’intérêt de l’action de
« Bougez vers l’emploi » est qu’elle permet de montrer à quel point il est difficile d’associer
l’aspect social et environnemental d’une mobilité durable et le lien qu’il existe entre mobilité
et travail, point qui renforce encore l’importance de la mobilité dans la société actuelle. Il est
évident que face à un public en insertion, il va être plus difficile, lorsqu’aucune autre solution
41
n’est disponible (horaires décalés), de lui dire qu’il serait préférable de laisser sa voiture pour
des raisons environnementales. La question de la dépendance des classes les plus défavorisées
ainsi que des périurbains à la voiture est une question qui mérite encore d’être étudiée et qui
dépasse le cadre du changement dans les usages que l’on s’est fixé. En effet, cela nécessite
une réflexion à un autre niveau, sur les solutions à mettre en place et l’aménagement des
villes.
L’axe « Bougez futé » de l’association s’adresse à un public plus large et a une portée plus
environnementale que sociale. Il a en effet pour but de favoriser le report modal en apportant
de l’information multimodale. Selon la définition de l’ARENE, l’information multimodale
consiste « en la mise à disposition des particuliers de l’ensemble des informations (itinéraires,
horaires, correspondance etc.) sur l’offre de transport disponible, tous modes confondus, leurs
permettant de préparer un trajet et éventuellement choisir le mode le plus approprié. C’est un
service socle des agences locales de mobilité. Elle peut proposer différents critères de choix :
coûts économiques, environnemental (énergie et CO2 par ex.), temps, confort de l’itinéraire
(nombre de modes, nombre de correspondances pour les TC..)»54.
Les différentes plateformes de Voiture&Co rentrent donc dans cette nouvelle catégorie de
service que l’on appelle « agences locales de mobilité » (ALM). Ces agences ont pour but de
constituer un point d’information et d’accueil du public afin de favoriser les changements.
Elle s’inscrit dans un contexte territorial particulier car elle doit répondre aux spécificités du
territoire, mais on peut, comme le précise l’ARENE, dégager les grandes lignes de son
action :
« L'information multimodale et la sensibilisation à la mobilité durable ;
Le conseil en mobilité ;
54 Mémento des services de mobilité, ARENE Île-de-France, 2008, p. 9
42
Et la mise à disposition de moyens de mobilité alternatifs à la voiture solo et
complémentaires des moyens existants »55.
Plusieurs plateformes « Bougez futé » et « Bougez vers l’emploi » sont ouvertes dans toute
la France, développant ainsi un véritable réseau d’agences locales de mobilité. Plusieurs
autres projets d’ALM ont été identifiés par le rapport de l’ARENE. Le but est d’arriver à
créer, par toutes ces initiatives diverses, un maillage dense du territoire national. Chaque
plateforme de Voiture&Co s’adapte selon les besoins du territoire concerné permettant une
réponse adéquate et efficace aux demandes de mobilité. Par exemple, la plateforme « Bougez
vers l’emploi » de Nanterre ne dispose pas de véhicules à louer mais, celle située à Auch dans
le Gers, oui. Il apparaît évident que sur Paris, où le réseau de transports en commun est
particulièrement dense, il n’est pas aussi pertinent de proposer ce service que dans le Gers où
le maillage du territoire est très différent.
L’association, indépendamment de ses plateformes, a également développé un catalogue
complet de solutions de formations et d’interventions ayant pour but de sensibiliser des
publics aux enjeux de la mobilité durable et d’aider au changement. Elle peut également aider
un acteur à mettre en place un service de mobilité sur son territoire (entreprise par exemple).
Les différentes actions que l’association développe, centrées sur l’animation, la sensibilisation
et le conseil en mobilité, peuvent être classées56 ainsi :
L’organisation de formations, disponibles sur divers domaines, elles permettent par
exemple d’apprendre à faire du vélo ou de dissiper les appréhensions de ceux qui
savent l’utiliser mais craignent les déplacements en ville ;
La mise en place d’actions d’animation et de sensibilisation, qui permettent
d’informer les publics sur les enjeux de la mobilité durable, les risques routiers ou
encore permettre de tester des vélos à assistance électrique ;
55 Agences Locales de Mobilité : Diagnostic et perspectives de développement, Rapport final, ARENE Île-de-France, 2008 56 Cette classification est issue d’un travail de synthèse que j’ai effectué sur les fiches présentant les produits de Voiture&Co et ne représente aucunement l’opinion de l’association.
43
La mise en place d’un conseil en mobilité et les prestations de mises en œuvre de
service de mobilité, ces prestations sont plus lourdes que les précédentes car un réel
service de mobilité est mis en œuvre tel que la mise en place d’une flotte de vélos à
assistance électrique ou d’une hotline mobilité ;
Et les actions autour du covoiturage, cœur de métier de Voiture&Co, ces actions
permettent de promouvoir cette pratique et de l’organiser ponctuellement sur des
évènements que l’acteur commanditaire organise.
L’association Voiture&Co est donc présente sur plusieurs aspects de l’accompagnement au
changement tels que nous les avons présentés. En effet, elle participe d’une meilleure
formation de la population à la mobilité et d’une meilleure information, permettant un
meilleur arbitrage dans le choix d’une solution de mobilité. La mobilité concerne toute la
population et Voiture&Co a bien compris que son apprentissage commençait bien avant la vie
active. C’est pourquoi elle participe à un projet, en collaboration avec l’ARENE, qui a pour
but de sensibiliser les publics dès la maternelle et ainsi élargir le spectre de la population
formée à une mobilité plus durable. Elle est un acteur aux statuts « classiques », association
loi 1901, présent au départ pour soutenir et développer une solution classique de covoiturage,
et qui met à présent en œuvre des solutions innovantes afin d’accompagner le changement
dans les pratiques de mobilité. Elle vient combler un vide laissé par le manque d’action des
pouvoirs publics ainsi que la limitation des acteurs concernés par les questions de mobilité à
leurs domaines initiaux. L’association devient un acteur légitime pour agir sur les usages et
participer, aux côtés d’autres acteurs, au mouvement vers une mobilité plus durable.
44
B. Le partage par le réseau : la mise en commun de connaissances
pour permettre le changement
Du fait de sa nouveauté et parce qu’elle est complexe, la question des déplacements
durables et de la mobilité laisse beaucoup d’interrogations auxquelles il n’existe pas
réellement de cadre de réponse. Devant ce manque, des acteurs en Île-de-France ont décidé de
se réunir autour d’un réseau afin de porter la démarche plan de déplacements et encourager
son développement.
Le réseau Pro’Mobilité57 a ainsi vu le jour, émanation du projet européen COMMERCE
(Creating Optimal Mobility Mesures to Enable Reduced Commuter Emissions) qui cherche à
promouvoir à l’échelle européenne la démarche plan de déplacements. Le réseau couvre un
domaine légèrement plus large que les réunions du Club Mobilité Capitale, évènements qui
nous intéressent particulièrement et auxquels j’ai par ailleurs pu participer dans le cadre de
mon stage de fin d’études. En effet, le réseau Pro’Mobilité est « une démarche partenariale
regroupant les acteurs, publics et privés, œuvrant, en Île-de-France, dans le domaine des
déplacements, de l’environnement, du développement économique, ou encore de
l’aménagement du territoire »58. Le Club Mobilité Capitale, quant à lui rassemble les
différents porteurs de projets plan de déplacements, se positionnant ainsi davantage sur la
question des déplacements et de l’environnement.
Le réseau Pro’Mobilité compte parmi ses participants59, des acteurs institutionnels ainsi
que des volontaires, entreprises ou administrations, qui cherchent à mettre en commun leurs
expériences et leurs savoirs afin de faire avancer la démarche plan de déplacements. Parmi les
acteurs institutionnels présents, on peut citer tout particulièrement l’ADEME (Agence de
l’Environnement et la Maîtrise de l’Energie), qui anime le Club Mobilité Capitale, ainsi que la
Région Île-de-France qui trouve dans ces réunions, des opportunités de s’associer à divers
projets et les soutenir financièrement.
57 Le site internet du réseau : www.promobilite.fr 58 http://www.promobilite.fr/presentation/qui/ 59 Pour un descriptif complet des différents acteurs institutionnels qui prennent part au réseau Pro’Mobilité, consulter l’adresse suivante : http://www.promobilite.fr/presentation/qui/
45
Le principe du Club Mobilité Capitale est de proposer des réunions régulières tout au long
de l’année, le jeudi, avec chaque fois un thème précis à aborder, ce qui permet d’orienter les
échanges. Car il ne s’agit pas d’une conférence où des invités viennent exposer leur point de
vue mais, d’une table ronde (c’est d’ailleurs ainsi que sont disposées les salles à chaque
réunion), afin de favoriser la prise de parole et le partage. Il n’y a plus de professionnel à la
chaire, dispensant un savoir mais, au contraire, des acteurs aux origines et expériences
différentes et diverses qui échangent entre eux afin de mutualiser les connaissances. Chaque
porteur de projet peut faire part des éléments qui lui posent problèmes ou au contraire, des
aspects qu’il a pu observer et qui, dans son cas, ont participé à favoriser le changement. Cela
permet de se servir des expériences d’autres porteurs afin d’éviter certains écueils ou, au
contraire, de partager un levier efficace que l’on aurait identifié. Un cas largement évoqué et
discuté, pas seulement au sein du Club Mobilité Capitale, est la mise en place d’un service de
covoiturage. Se pose en effet la question de l’échelle pertinente pour un tel service mais aussi,
beaucoup d’interrogations subsistent sur les facteurs de réussite d’une telle mesure. Il est en
effet souvent observé qu’il faut animer le réseau et la communauté de covoitureurs pour que
celle-ci fonctionne réellement. Sur cet aspect, qui peut paraître quelque peu quelconque,
beaucoup de personnes peuvent apprécier le conseil afin de mieux orienter leurs propres
actions.
Dans ce type de configuration, les acteurs ne sont plus en compétition sur un même
domaine mais au contraire, mutualisent leurs expériences afin de faire avancer la démarche et
l’améliorer. Et cela est efficace selon Pro’Mobilité puisque le nombre de plan de
déplacements a considérablement augmenté. En effet, « de19 PDE recensés en 2005, le bilan
actuel des PDE est passé à plus de 70 PDE à fin 2008 et plus de 100 entreprises en PDE en
juin 2009 »60. Devant la nouveauté du sujet à traiter, les acteurs trouvent ici de nouvelles
modalités d’échanges et d’actions qui permettent également d’esquisser de nouveaux liens
entre deux secteurs historiquement assez opposés : le secteur public et le secteur privé.
60 http://www.promobilite.fr/presentation/pourquoi/
46
C. La collaboration institutionnalisée entre différents acteurs : la mise
en commun de moyens pour permettre le changement
La mise en réseau d’acteurs comme nous venons de le voir avec l’initiative Pro’Mobilité
démontre qu’il existe de nouvelles logiques de participation entre acteurs autour d’un nouveau
sujet qu’est le management de la mobilité et l’accompagnement au changement. Mais, les
acteurs peuvent aussi décider d’aller plus loin dans la collaboration et s’associer au sein d’une
structure qui officialise leur démarche. La création d’un Groupement d’Intérêt Public (GIP)
regroupant divers acteurs dans le XIIIème arrondissement de Paris, illustre cette volonté d’une
collaboration pérenne.
Le projet de GIP (actuellement en cours de création) est une émanation du projet Éco-
citoyens, animé par l’Association Française de l’Excellence Territoriale (AFET), et qui se
développe sur Paris Rive Gauche. Tout est parti de l’identification d’un manque en termes de
mobilité sur un quartier en cours de restructuration qu’est le XIIIème arrondissement, et plus
particulièrement sur une zone d’activités, la ZAC Paris Rive Gauche. Ce constat a été effectué
par une personne de l’AFET en particulier, personne qui s’est également occupée du portage
du projet en attendant la création du GIP. L’espace dont il est question a été essentiellement
approprié par des entreprises ou des organismes publics plutôt que par des habitants, et les
différents acteurs trouvaient qu’il manquait un peu de vie et de lien entre eux. La dynamique
Éco-citoyens avait donc pour but d’amener cet élément manquant en montant des projets de
développement durable, en intégrant les trois piliers de ce dernier, l’économique, le social et
l’environnemental.
Plusieurs projets différents ont vu le jour dans ce contexte dont un qui nous intéresse
particulièrement, celui de plan de déplacements inter-entreprises. Il s’agit de la même
démarche que celle décrite précédemment mais, mutualisée entre différents acteurs sur un
territoire. L’AFET a sollicité la Région Île-de-France et l’ADEME pour obtenir un
financement pour ce projet et a monté une équipe (le groupe projet PDIE) pour mener les
différentes études nécessaires. En effet, comme nous l’avions expliqué, un plan de
déplacements s’appuie sur une enquête déplacements et une étude d’accessibilité pour
construire une demande et y répondre pertinemment. L’AFET s’est donc entourée de
Voiture&Co, dont nous avons évoqué les autres initiatives plus haut, pour sa connaissance du
47
territoire et son rôle d’opérateur de services, et du groupe Chronos, un cabinet d’études
sociologiques et de conseil en innovation qui travaille sur la question de la mobilité.
Les différentes études ont été menées auprès des acteurs du territoire sous la forme
d’entretiens, de questionnaires et de journaux de bord (cahier dans lequel certaines personnes
renseignent leurs différents déplacements ayant lieu dans le XIIIème arrondissement, ou dont le
point de départ ou d’arrivée est le XIIIème arrondissement). Elles ont permis de connaître
finement les pratiques des individus, leurs attentes, leurs difficultés quotidiennes lors de
déplacements et de définir ainsi, un plan d’actions contenant diverses mesures afin
d’améliorer la mobilité sur le quartier. Ce plan d’actions, constitué de plusieurs fiches actions,
a été présenté aux différents acteurs lors d’une réunion réunissant entreprises, riverains et
autres acteurs présents sur la ZAC. Ceux souhaitant participer au projet ont alors rejoint la
démarche. Le groupe projet PDIE a ainsi été voir chaque acteur en proposant ses solutions
envisageables, libres à eux d’y adhérer par la suite.
Plus que les différents projets envisagés, la maison de la mobilité de Voiture&Co, prévue
parmi les mesures intéressantes, étant un projet encore en cours de réaménagement, ce qui
nous intéresse ici est la démarche suivie. Un acteur, extérieur au territoire mais en connaissant
bien les enjeux, a monté un projet ambitieux pour améliorer la mobilité et la cohésion sur le
territoire en question. L’équipe projet a pu se rendre compte qu’il existait alors un grand
potentiel, à la fois parce que beaucoup d’acteurs divers se montraient intéressés par la
démarche, mais aussi parce que beaucoup d’actions avaient déjà été entreprises par les
acteurs, individuellement, et que leur mise en commun représentait un grand potentiel (c’est
notamment ce qu’il s’est passé lorsqu’un acteur a mutualisé son service de navette avec un
autre qui peut ainsi bénéficier de ce même service). Mais, il manquait un élément afin de
pérenniser cette démarche et d’éviter que les dynamiques ne s’essoufflent. Il fallait en effet un
porteur identifié et pertinent pour assurer la continuité dans les projets. C’est pourquoi il a été
décidé de créer un GIP, structure qui permettra à tous les acteurs, publics comme privés, de se
regrouper et prendre les décisions. L’initiateur du projet a donc vocation à disparaître afin de
laisser la place aux acteurs et à leurs décisions. Par la création de cette structure, les acteurs
mettent en commun plus que leurs savoirs, ils mutualisent leurs compétences et leurs moyens
et ils donnent ainsi une légitimité à leurs actions. En effet, parce que les décisions
impliqueront tous les acteurs, la démarche sera légitime. Cela permettra également de
disposer d’une plus grande stabilité à la fois politique et financière.
48
Cette initiative de création d’une structure pour porter la démarche et la pérenniser est
exemplaire et se développe. La forme la plus observée pour le moment semble être
l’association plus que le GIP, peut-être parce que celui-ci est plus long et plus contraignant à
créer. Les acteurs mutualisent plus que des connaissances et sont prêts à reconnaître que
l’action au niveau du territoire est plus pertinente à bien des égards qu’une action sur un
périmètre plus réduit, comme une entreprise. Cette action territorialisée appelle une
collaboration nouvelle entre acteurs qu’il est souhaitable, pour plus de légitimité et de
pérennité, d’inscrire dans un cadre législatif défini.
Section 2 : Les caractéristiques de l’action pour accompagner le
changement dans les pratiques de mobilité
Au travers des différentes expériences décrites précédemment, nous allons évoquer ici les
caractéristiques communes qui ont pu être identifiées, et qui constituent les déterminants
d’une action en faveur d’une mobilité durable.
A. La mutualisation et le partage d’expériences : pertinence de la mise
en commun au niveau d’un territoire
Les enjeux d’une mobilité durable sont récents et les critères d’actions encore mal connus.
On ne dispose en effet que de peu d’études concernant les usages, leurs déterminants et les
aspects culturels qui peuvent amener des résistances fortes au changement. Les cadres donnés
par les pouvoirs publics sont flous et les réflexions entre urbanisme, aménagement, transports
et technologies de la communication n’en sont qu’à leurs débuts. De la complexité à saisir ce
concept de mobilité vient une certaine lenteur dans le travail, mais c’est aujourd’hui que
certains souhaitent agir et faire évoluer les comportements.
C’est donc par le partage d’expériences, par l’établissement de retours d’expériences
notamment, que les acteurs s’échangent des informations sur leurs réussites et leurs échecs
afin de construire un savoir sur le thème de l’action sur les pratiques de mobilité. Mais, c’est
aussi parce que la mobilité est un phénomène qui concerne plusieurs domaines, que les
49
acteurs se regroupent pour à la fois combler leurs lacunes respectives sur certains sujets, mais
aussi pour rendre l’action possible. En effet, aucune action citée n’aurait pu voir le jour sans
le concours de plusieurs acteurs. Cette mise en commun peut avoir lieu à plusieurs niveaux et
sous plusieurs formes. Elle peut se matérialiser sous la forme :
De partenariats, comme c’est le cas entre la plateforme « Bougez vers l’emploi » de
Nanterre et ses partenaires sociaux qui lui orientent les bénéficiaires, ce qui est mis
en commun ici, c’est la capacité d’action (un acteur, capable d’identifier le
problème et un autre, d’apporter les éléments pour le résoudre) ;
De réseau, le Club Mobilité Capitale permet aux chargés de plan de déplacements
d’échanger leurs connaissances pour rendre la démarche plus efficace ;
Et enfin, d’une structure ad’ hoc, les différents acteurs s’engageant dans la
démarche Éco-citoyens mettant alors en commun plus que leurs savoirs, leurs
moyens afin d’optimiser leur action et la rendre pérenne.
La mutualisation dans le cadre d’une structure juridique est une démarche particulièrement
intéressante car elle permet de s’assurer un meilleur financement et une meilleure visibilité de
l’action. Les sources de financements constituent en effet un problème récurrent dans ce type
de projet, leur aspect innovant et la participation de plusieurs acteurs, publics et privés, ne
rentrant pas toujours dans les cadres établis. C’est un frein à l’action souvent évoqué.
Toutefois, tous les acteurs n’ont pas les mêmes difficultés et la mutualisation permet alors de
mettre en commun les capacités de financements. La sensibilisation, la formation,
l’accompagnement au changement sont des entreprises de longue durée et qui demande un
financement pas nécessairement conséquent mais régulier. On peut distinguer deux types de
dépenses, les dépenses d’investissement et les dépenses de fonctionnement. L’investissement
correspond aux dépenses liées à l’installation de nouveaux aménagements ou à des travaux
alors que les dépenses de fonctionnement se rapportent aux coûts liés au fonctionnement
ordinaire d’une activité. Dans le cas d’un conseil en mobilité par exemple, une dépense de
fonctionnement serait d’assurer le salaire du conseiller. Les dépenses de fonctionnement sont
50
les plus difficiles à couvrir, or, elles sont aussi les plus importantes lorsqu’il s’agit d’agir sur
les usages. Les contrats de projets État-Région61, essaient de prendre en compte dans une plus
grande mesure, la nécessité de financer ces dépenses de fonctionnement.
L’action sur les usages est donc une action mutualisée, à la fois pour qu’elle soit efficace,
se nourrissant des expériences précédentes, mais aussi parce que tous les acteurs d’un
territoire sont concernés. La mutualisation a alors de plus en plus lieu entre des acteurs issus
de différents domaines, notamment du domaine public et du domaine privé, ce qui amène à
penser de nouvelles formes de collaboration. Que cette dernière soit institutionnalisée ou pas,
les acteurs impliqués réfléchissent à de nouvelles façons de travailler ensemble, tout en
apportant tous les éléments nécessaires à la réussite d’un projet. Il faut cependant garder à
l’esprit, comme nous allons le voir, que l’échelle pertinente d’action est un territoire, qui est à
délimiter, et qu’un projet peut ne pas être reproductible hors de ce territoire, dû à ses
spécificités. Le partage d’expériences a donc ses limites, et rien ne peut remplacer une
construction partagée des enjeux et du territoire sur lesquels l’action se positionne.
B. La construction de l’action et les enjeux partagés de mobilité
durable : construction d’un territoire d’action et légitimité du
processus
Dans les différentes expériences décrites, l’action est ciblée car le besoin est identifié. Que
ce soit par du conseil personnalisé ou des études dans le cadre d’un plan de déplacements, il
est nécessaire, en amont d’une action pertinente, de construire une demande en termes de
mobilité.
La demande de mobilité n’est en effet pas auto-exprimée. Les individus ne font pas
automatiquement remonter leurs besoins car d’une part, ils n’ont pas forcément conscience
des améliorations qu’il pourrait être possible d’apporter, et d’autre part, parce qu’il n’existe
61 On peut citer à ce titre, l’expérience du FREE (Financement Régional pour l’Environnement et l’Énergie) en région PACA, qui peut aider à la mise en place d’un poste de conseiller de mobilité/animateur de PDIE en prenant en charge une partie des coûts (50%) pendant 3 ans.
51
pas un acteur spécifique et identifié dont le rôle serait d’assurer l’accès équitable à une
mobilité moins polluante. Pour faire face à la non expression spontanée des besoins, il faut
objectiver ces derniers et construire une demande afin d’identifier les enjeux sur le territoire et
ainsi agir pertinemment et permettre le changement. Le territoire, périmètre d’action, est aussi
à délimiter. Cela se fait bien souvent par l’adhésion ou non des acteurs au projet, comme dans
le cas du GIP Éco-citoyens. Le terrain d’action s’étend sur l’ensemble du XIIIème
arrondissement mais, participent seulement au projet, les acteurs volontaires qui ont décidé
d’intégrer le GIP. Autrement, le périmètre d’action est souvent défini à l’échelle d’une
structure, qui peut parfois être répartie sur plusieurs sites, mais la tendance est à la
mutualisation comme nous l’expliquions et de plus en plus de PDIE se développent. Ils
permettent en effet d’agir sur un territoire plus large et d’associer plusieurs acteurs à la
démarche.
À Singapour, une « autorité unique multimodale », selon l’ADEME, se charge de ces
questions de mobilité. La Land Transport Authority gère en effet « à la fois les transports
publics, les infrastructures (routes et parkings), les tarifs des péages, les alternatives à la
voiture et également les taxes automobiles »62. En France, il n’existe pas un tel acteur, capable
et légitime, pouvant revendiquer et assumer un tel rôle. Certains sont cependant légalement
tenus de mettre en place des solutions pour favoriser le report modal et le changement. C’est
le cas par exemple du Syndicat des Transports en Île-de-France (STIF) qui doit mettre en
place « un service d'information multimodale à l'intention des usagers, en concertation avec
l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les entreprises publiques ou
privées de transport »63 mais aussi un « service de conseil en mobilité à l'intention des
employeurs et des gestionnaires d'activités générant des flux de déplacements importants »64.
C’est aussi le cas de certaines entreprises avec la mise en place des plans de protections de
l’atmosphère. En région PACA par exemple, toute entreprise de plus 250 salariés doit mettre
en place un plan de déplacements. Mais, la liste des acteurs contraints reste courte et même
lorsqu’ils le sont, ce n’est pas forcément sur la question particulière de la mobilité. Les enjeux
62 L’ADEME dans un article pour Le Monde, R. Barroux, « Les transports à l’heure de la mobilité durable », Le Monde, édition du 1er février 2011 63 Mémento sur les services de mobilité, op. cit. , p. 4 64 Ibid.
52
liés au développement durable sont larges et dans le cadre d’Agendas 21, rendus obligatoires
pour un grand nombre d’acteurs, un certain nombre de thématiques sont à aborder. L’action
sur la mobilité reste donc plus souvent le fait d’un volontariat que d’une obligation légale.
Il n’existe donc pas d’acteur qui soit plus légitime qu’un autre pour agir car aucun n’est
identifié comme particulièrement pertinent pour agir sur les usages. La légitimité de l’action
réside dans la construction partagée d’une demande et d’un territoire. Et parce que les
constructions et les décisions sont partagées et en adéquation avec les attentes des individus,
le processus d’action peut être considéré comme légitime. Il ne s’agit pas de la décision d’un
acteur mais bien d’une légitimation de l’action par le processus suivi. On peut donc noter
qu’un certain nombre d’acteurs nouveaux font leur apparition et développent leurs propres
actions pour favoriser le changement.
C. Complexité de l’action en termes de mobilité durable : la nécessité
d’une approche globale, multidisciplinaire et cohérente
S’il est aussi difficile d’agir sur la mobilité c’est qu’il faut à la fois rendre plus durable et
interconnectés un certain nombre de modes de transports, aspects techniques du sujet, mais
aussi coordonner l’action entre une multitude d’acteurs, qu’ils soient historiquement
concernés par la question des transports ou qu’ils fassent partie de ces acteurs émergents. En
effet, comme nous l’avons expliqué, il n’existe par un acteur spécifique qui soit légitime pour
agir sur la mobilité, et de nouveaux acteurs émergent afin de pallier le manque d’action et
faire changer les usages. Deux problèmes se posent alors : la coordination de ces acteurs à une
échelle nationale et la mutualisation de leurs moyens avec d’autres acteurs de domaines
différents.
Par coordination à l’échelle nationale, on entend le fait de donner une certaine cohérence à
l’ensemble d’initiatives qui se multiplient afin de ne pas se retrouver dans une impasse. Afin
d’apporter plus d’intermodalité dans les déplacements et une meilleure information
multimodale, deux points particulièrement importants dans la mise en place d’une mobilité
durable, de nombreuses initiatives naissent, sous la forme d’applications sur smart phones ou
de nouveaux opérateurs de service d’autopartage par exemples. Elles utilisent souvent les
technologies de l’information et de la communication comme support. Si naissent de cette
53
façon des projets ambitieux et innovants pour satisfaire le besoin de mobilité tout en étant
plus durable, ils ne sont pas exempts de défauts. Premièrement, l’accès aux applications65
sophistiquées et aux smart phones reste limité à une minorité privilégiée et ne peut pas (du
moins pas encore) prétendre être accessible à toute une population. Ceci va à l’encontre d’une
mobilité désirable et solidaire, accessible à tous. Ensuite, considérant le marché de la mobilité
comme tout autre marché avec un fort potentiel, les acteurs développent des systèmes et des
standards qui leur sont propres, susceptibles d’être incompatibles par la suite. Comme le note
l’économiste Michèle Debonneuil dans un article pour Le Monde, « il y aura plusieurs
standards et on mettra des années pour que les systèmes soient compatibles ». Il faut alors
créer un cadre qui soit cohérent pour harmoniser ces initiatives. Un problème similaire est
évoqué par les acteurs publics lorsque ceux-ci montent un projet d’agence locale de mobilité.
Il leur manque en effet un cadre, pas forcément législatif mais, plutôt, en termes
d ‘ « orientations générales » pour permettre aux collectivités territoriales qui s’investissent
« de bénéficier d’un label lors de la création d’une agence »66.
La deuxième difficulté évoquée concerne la mutualisation des moyens entre acteurs de
différents domaines. Les transports sont un secteur complexe et qui ont un impact sur
l’aménagement d’un territoire, sur l’urbanisme en même temps qu’ils font l’objet d’études
très techniques pour la mise en place d’immobiles (chemins de fer, routes etc.). Si l’on
souhaite modifier un aménagement particulier, il existe donc une certaine inertie d’action du
fait qu’il faille consulter ces différents domaines. Or parfois, comme nous l’avons vu, ce sont
ces aménagements qui font défaut et freinent le changement. Il faut donc nécessairement
associer ces différents domaines afin de développer une approche globale et multidisciplinaire
de la mobilité et ainsi agir sur tous les freins aux usages évoqués.
Enfin, le domaine des transports est un domaine que l’on peut qualifier de multimodal mais
pas d’intermodal. Multimodal signifie que cohabitent plusieurs modes de transports différents
65 Nous ne parlerons pas ici de ce point mais il est important de rappeler qu’il faut considérer en sus, les émissions de gaz à effet de serre liées à ces nouvelles technologies (fabrication des téléphones, réseaux etc.). Le Bilan Carbone® de ces dernières est en effet encore mal connu, loin d’être nul et soumis à de nombreuses discussions. 66 Intervention du SMITEC (Syndicat Mixte de Transport Essonne Centre), Les agences locales de mobilité, le management de la mobilité à portée de main, ACTES journée d’informations et d’échanges, ARENE Île-de-France, 2009
54
tels que l’automobile, le bus, le métro, le tramway etc. C’est une caractéristique que l’on
applique plus volontiers à un lieu, une gare par exemple, pour indiquer qu’à partir de ce point,
il est possible d’utiliser divers modes de transports. Ainsi, une gare qui offre un service de
location de voiture et un système de vélo en libre service sera qualifiée de multimodale. On
peut donc dire du domaine des transports qu’il est multimodal, et les différentes
historiographies modales que l’on a pu évoquer en sont le témoin. Mais, on ne peut pas le
qualifier d’intermodal, c’est-à-dire que les différents modes ne sont pas interconnectés. Il
n’existe pas réellement de lien entre l’industrie automobile et les fabricants de vélos par
exemple, pas plus qu’il n’a été pensé un espace où automobiles, vélos et piétons puissent
cohabiter en toute sécurité. Ce manque de cohérence et d’interconnections entre les différents
modes a été souligné lors du Grenelle de l’environnement et le nouveau Schéma National des
Infrastructures de Transports est là pour tenter de corriger cet aspect. En effet, celui-ci doit
« veiller à la cohérence globale des réseaux de transport et évaluer leur impact sur
l’environnement et l’économie »67. Le manque d’interconnections constitue un frein au
changement que l’on pourrait classer dans la catégorie que nous avons évoquée concernant le
manque de moyens offerts aux individus pour se déplacer. Faciliter le passage d’un mode à
l’autre est en effet un atout indéniable qui permet de renforcer la praticité et l’attractivité des
modes de transports concernés.
L’action sur les pratiques de mobilité pour accompagner un changement est donc
caractérisée par la mutualisation, d’expériences ou de moyens, par la construction d’une
demande et des besoins de mobilité territorialisés, et elle est rendue légitime par ce processus
de construction partagée des enjeux. Il apparaît nécessaire cependant d’ajouter un cadre
mieux défini à cet ensemble, que seuls les pouvoirs publics peuvent fournir, afin d’assurer un
ensemble global cohérent.
67 Schéma National des Infrastructures de transports, avant-projet consolidé, Ministère de l’Écologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, janvier 2011
55
Conclusion
La mobilité est un aspect essentiel dans la société car elle représente une condition d’accès
à l’emploi, à la ville mais aussi, un facteur de cohésion sociale important. Elle élargit les
notions de déplacement et de transport, dominantes jusqu’alors, en donnant de l’importance
aux décisions, besoins et capacités des individus en la matière. Ces derniers ont un besoin
toujours croissant de se déplacer et la mobilité durable a alors pour objectif d’arriver à
concilier ces besoins de mobilité avec les critères du développement durable (réduction de
l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, équité sociale ou encore développement
économique équitable). Une présumée contradiction est ce qui défini alors le mieux l’action
sur les pratiques de mobilité.
Contradiction car il faut concilier ces enjeux de mobilité avec ceux du développement
durable, mais aussi car il faut arriver à articuler une action globale avec une action plus fine
au niveaux des usages individuels. En effet, il est nécessaire de tenir compte des spécificités
territoriales, le territoire étant le périmètre d’action pertinent, afin de suivre et de répondre au
mieux aux attentes et besoins des individus. Pour autant, une cohérence nationale reste
nécessaire afin d’offrir un cadre d’action clair qui permette à la fois de situer les démarches et
les reconnaître mais aussi, de les coordonner avec d’autres à une échelle plus importante
qu’est le territoire national. La cohérence est le garant d’une action autant efficace que
globale. Il faut en effet repenser la mobilité dans sa globalité et non plus par modes. Si
l’automobile a été le mode de transport dominant pendant 40 ou 50 ans, il n’est pas pour
autant pertinent de chercher aujourd’hui à imposer un mode plutôt qu’un autre. La solution ne
réside plus dans la prédominance d’un seul mode mais, sur un panel de solutions qui
s’adapteraient chacune à une situation donnée, et que l’individu serait libre de choisir en
fonction de ses contraintes et ses besoins.
On ne contestera pas ici la nécessité de trouver des solutions pour rendre certains modes de
transports moins polluants (et notamment la nécessité de se défaire de la dépendance au
pétrole pour l’automobile), néanmoins, comme nous le soulignons en introduction, cet aspect
technique est trop lourd à traiter. Nous préférions noter qu’une nouvelle utilisation de la
voiture peut déjà s’avérer être une solution intéressante. C’est une démonstration du tournant
qui s’opère aujourd’hui plus généralement, celui qui nous fait passer d’une société industrielle
où l’offre est standardisée, à une société post-industrielle puis, à une société dite
56
« servicielle ». Plutôt que de considérer un bien à posséder, on donnera plus d’importance au
service qu’il peut rendre à un moment donné.
C’est dire si les pratiques de mobilité ont leur importance dans le mouvement vers une
mobilité durable. L’inadaptation des immobiles prouve bien qu’il est possible de créer une
infrastructure qui soit inutile et inutilisée lorsque celle-ci n’a pas été pensée par rapport aux
besoins des individus. Les manques de compétences ou d’informations, liés au manque de
motilité, indiquent qu’il est possible d’apprendre à se déplacer autrement et modifier ainsi ses
usages. L’action est donc bien possible et pertinente, en dépit des difficultés et apparentes
contradictions évoquées. Des projets existent pour en témoigner et le potentiel de report
modal, bien identifié, « attend » que les différents freins identifiés soient levés afin de pouvoir
se réaliser. Il faut identifier ce qui le bloque sur chaque territoire, chaque individu, travail
minutieux mais nécessaire si l’on souhaite agir sur les pratiques et donc, opérer un
changement en profondeur.
Si l’on a pu montrer, à travers notamment la notion de motilité et l’idée d’apprentissage de
la mobilité, que l’action était pertinente et possible, et que l’on a pu en dégager certaines
caractéristiques, il est encore difficile cependant d’attester de son efficacité. Beaucoup
d’acteurs partagent en effet ces points de vue. Les pratiques doivent évoluer en premier et les
usages doivent être en cohérence avec les infrastructures et services existants, et inversement
pour les nouveaux services qui se développent (ces derniers doivent répondre à un besoin
pour offrir une solution adéquate). Mais, beaucoup d’acteurs cherchent encore un moyen de
mesurer l’efficacité de leurs actions avec précision. Il est possible de connaître le nombre de
personnes qui passent dans une agence locale de mobilité ou qui assistent à une formation
mobilité mais, connaître l’impact réel de cette action, au niveau du territoire, reste un
problème pour les acteurs. Toucher une personne avec un discours c’est peut-être aussi
toucher son réseau ou alors, seulement cette personne. Il est encore difficile d’apprécier
aujourd’hui l’impact des actions menées mais, il est clairement évident qu’il faut atteindre
tous les individus, sans distinction, et qu’il faut également les associer au processus.
C’est en effet la conception partagée des enjeux et des besoins qui donne toute sa légitimité
à l’action. Les nouvelles modalités de l’action publique (consultation et débat publics)
peuvent garantir, dans une certaine mesure, la participation des publics à la construction des
enjeux. Il faut toutefois aller plus loin que ces seuls outils. Tout acteur qui souhaite agir sur
57
les pratiques de mobilité doit construire dans un premier temps son objet, c’est-à-dire son
périmètre d’action et ses besoins qui lui sont spécifiques. La construction partagée par tous les
acteurs assure que ces derniers en comprennent les enjeux, y adhèrent, et que les mesures
soient adaptées au contexte.
L’action sur les pratiques de mobilité appelle de nouvelles formes de collaboration et de
mutualisation entre acteurs pour agir sur un objet nouveau selon Marzloff et nous avons pu
démontrer qu’en effet, de nouvelles modalités d’action se mettent en place et ce, malgré les
difficultés auxquelles les projets sont confrontés. Cette mutualisation entre acteurs voit
également naître de nouveaux liens entre les secteurs public et privé, plus enclins
qu’auparavant à partager leurs expériences, leurs expertises et leurs moyens. Devant la faible
implication de l’État sur cette question complexe de la mobilité, se dresse un espace que les
initiatives innovantes viennent combler. Il faut alors s’appuyer sur l’expérience pour agir,
élément que la mutualisation permet de faire circuler et autorisant ainsi, la construction d’un
savoir sur le thème du changement dans les pratiques de mobilité. Toutefois, la plus grande
difficulté à laquelle ces acteurs doivent faire face est l’aspect volontaire du changement. S’ils
peuvent accompagner ce dernier, ils ne peuvent en aucun cas le contraindre. Il apparaît
néanmoins réellement nécessaire de favoriser un changement aujourd’hui afin d’éviter un
worst-case scenario où le changement serait alors nécessairement contraint.
58
Annexes
Annexe 1 : questionnaire sur la perception des différents modes de transports et les critères
de choix, p. 59 à 65
Annexe 2 : exploitation des résultats du questionnaire : « Votre perception des différents
modes de transports et vos critères de choix », p. 66 à 71
Annexe 3 : entretien avec M. Romain Chiaradia, conseiller en mobilité à la plateforme
« Bougez vers l’emploi » de Voiture&Co à Nanterre, p. 72 à 84
Annexe 4 : entretien avec M. Joël Gombin et Mme Hélène Exbrayat, plateforme « Bougez
futé » de Voiture&Co à Paris, p. 85 à 93
59
Annexe 1 : questionnaire sur la perception des différents modes de transports et les
critères de choix. Le questionnaire en ligne est disponible à cette adresse :
https://docs.google.com/spreadsheet/viewform?pli=1&hl=fr&formkey=dG9vVXVqU0g0cUN
waEc1QklUa3JRU1E6MQ#gid=0
Votre perception des différents modes de transports et vos critères de choix.
Étudiante en 5ème année à Sciences Po Toulouse, ce questionnaire s’insère dans le cadre
de mes recherches pour mon mémoire de fin d’études. Il s'agit uniquement de recueillir des
données à des fins de recherche universitaire sur le sujet. Le mémoire traite de la mobilité
dans les espaces urbains et périurbains face aux enjeux du développement durable et de la
façon dont les acteurs abordent cette problématique et avec quels moyens. Ce questionnaire a
pour but d'établir un aperçu de votre perception des différents modes de transport ainsi que
des critères qui orientent votre choix vers un mode de transport plutôt qu'un autre. Il cherche
également à évaluer la connaissance globale que vous avez des questions de mobilité durable.
ATTENTION : Ces questions s'appliquent uniquement aux déplacements effectués dans
votre vie quotidienne. En sont exclus les déplacements pour motifs de loisirs ou de vacances.
Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses à ces questions, simplement votre opinion
et votre expérience personnelle. À la fin du questionnaire, un espace de libre expression est
prévu pour que vous puissiez me faire part de vos remarques, suggestions ou expériences qui
ne rentreraient pas dans le cadre des questions.
Merci pour votre participation.
Page 1 du questionnaire
Vous habitez :
Cette question n'a que pour but de vérifier que vous habitez bien dans une zone urbaine.
En effet la première partie de ce questionnaire ne s'adresse pas aux personnes vivant dans
une zone peu urbanisée. Vous serez alors redirigé vers la dernière partie du formulaire.
• Une grande agglomération (exemples : Paris, Lyon, Rennes, Marseille, Toulouse,
Bordeaux, Lille, Nantes etc.)
60
• Une ville moyenne (exemples : Pau, Nancy, Versailles, La Rochelle etc.)
• Une petite ville ou ville moyenne faisant partie d'une grande agglomération
• Une ville isolée
• Autre : …
Page 2 du questionnaire : Vous habitez en zone urbaine
Vous êtes :
• Un homme
• Une femme
Quel est (sont) le(s) moyen(s) de transport que vous utilisez le plus souvent :
Indiquez les modes de transport que vous utilisez le plus souvent soit au minimum 2 fois
par semaine
• la marche
• la voiture
• le vélo
• la moto
• le scooter/la mobylette
• le train
• le métro
• le tramway
• le bus
• l'avion
• Autre : ...
Pourquoi ?
Indiquez la/les raison(s) qui vous pousse(nt) à prendre le(s) mode(s) de transport que vous
utilisez le plus fréquemment
• C'est le moyen de transport le plus pratique
• C'est le moyen de transport le moins cher
• Votre employeur vous rembourse 50% de votre abonnement
61
• Vous n'avez pas d'autres choix (en termes d'offre de transport)
• Vos contraintes (enfants ; travail) vous y obligent
• Autre : …
Quel est votre usage de la voiture ?
Indiquez votre façon ou vos façon(s) les plus courantes d'utiliser une voiture.
• Voiture personnelle • Voiture de fonction • Autopartage (mise à disposition d'une flotte de véhicules que se partagent des
utilisateurs) • Covoiturage • Location longue durée • Location courte durée • Je n'utilise pas de voiture de façon régulière • Autre : …
Lors de vos trajets, utilisez-vous plusieurs modes de transports ?
• Oui • Non
Dans les conditions actuelles d'utilisation et même si vous ne les empruntez pas de façon
régulière (appuyez vous alors sur l'idée que vous vous en faites), indiquez si ces modes de
transport vous paraissent fiables (en termes de ponctualité, fonctionnement, rapidité) :
Indiquez votre choix entre "1" : pas du tout et "4" : tout à fait, pour chaque mode de
transport.
• le bus
• la métro
• la marche
• le vélo
• le vélo à assistance électrique
• le vélo en libre service
• la voiture
• la voiture électrique
• la voiture hybride
• le train
62
• l'avion
• le tramway
• la moto
• le scooter/mobylette
Dans les conditions actuelles d'utilisation et même si vous ne les empruntez pas de façon
régulière (appuyez vous alors sur l'idée que vous vous en faites), indiquez si ces modes de
transport vous paraissent pratiques :
Indiquez votre choix entre "1" : pas du tout et "4" : tout à fait, pour chaque mode de
transport.
• le bus
• la métro
• la marche
• le vélo
• le vélo à assistance électrique
• le vélo en libre service
• la voiture
• la voiture électrique
• la voiture hybride
• le train
• l'avion
• le tramway
• la moto
• le scooter/mobylette
Dans les conditions actuelles d'utilisation et même si vous ne les empruntez pas de façon
régulière (appuyez vous alors sur l'idée que vous vous en faites), indiquez si ces modes de
transport vous paraissent sécurisants :
Indiquez votre choix entre "1" : pas du tout et "4" : tout à fait, pour chaque mode de
transport.
63
• le bus
• la métro
• la marche
• le vélo
• le vélo à assistance électrique
• le vélo en libre service
• la voiture
• la voiture électrique
• la voiture hybride
• le train
• l'avion
• le tramway
• la moto
• le scooter/mobylette
Quel est le critère le plus important lors du choix de votre mode de transport ?
Indiquez le critère le plus important pour vous lorsque vous décidez de choisir un mode de
transport plutôt qu'un autre.
• Le prix, vous choisissez la solution la plus économique
• La rapidité, vous choisissez la solution qui vous permet de vous déplacer le plus
rapidement possible
• La sécurité
• La fiabilité, en termes de certitude au niveau des horaires et temps de parcours
• La praticité
• Autre : …
Page 3 du questionnaire : Votre opinion sur la mobilité durable
Merci d'avoir répondu à la première partie du questionnaire. Si vous n'habitez pas en zone
urbaine, vous avez été redirigé sur cette page car la première partie du questionnaire ne
concerne que les perceptions et choix de transports des personnes vivant dans ces zones.
64
Ces dernières questions ont pour but de recueillir votre opinion sur la problématique
générale des transports et du développement durable.
Que vous évoque l'expression « mobilité durable » ?
Selon vous, quel est le poids du secteur 'transport' dans le total des émissions de gaz à effet
de serre de la France ?
• 13%
• 19%
• 27%
• 33%
• 39%
• Plus de 40%
Dans le secteur 'transport', quelle est, selon vous, la catégorie de véhicule principale
émettrice de gaz à effet de serre ?
• Les poids lourds
• Les véhicules particuliers
• Les véhicules utilitaires légers (fourgon, fourgonnette, pick-up)
• Les deux roues
Connaissez-vous les plans de déplacements d'entreprises (PDE) ou inter-entreprises (PDIE)
?
• Oui
• Non
Pour vous, agir sur votre façon de vous déplacer est :
65
• important pour votre bien-être et votre santé
• important vis-à-vis des problématiques actuelles (réduction des émissions de gaz à
effet de serre ; dépendance au pétrole etc.)
• inutile, vous ne vous sentez pas concerné
• inutile, vous ne pensez pas ce que cela ait un impact important
• inintéressant, cela ne vous apporte rien
• ni une nécessité, ni une contrainte, cela vous est égal
• utile pour vos finances, certains modes de déplacements étant assez coûteux
• ne se prononce pas
• Autre : …
Cet espace vous est réservé. Vous pouvez si vous le souhaitez, partager ici vos remarques,
commentaires ou expériences. Sinon, validez le questionnaire. Merci.
66
Annexe 2 : exploitation des résultats du questionnaire : « Votre perception des
différents modes de transports et vos critères de choix »
Le but du questionnaire était de comprendre les critères de choix d’un mode de transport
ainsi que la perception que les personnes ont de ces différents modes. Il avait également pour
but d’avoir un aperçu des connaissances générales du sujet de mobilité durable. Il est bien
entendu difficile à l’échelle d’un étudiant, de toucher une partie significative de la population
et il n’a pas pour vocation de dégager une tendance mais plutôt, sur ce petit échantillon,
d’observer les réponses et s’en servir d’appui pour la suite des discussions autour du concept
de mobilité durable. Disposant également d’un document du CGDD sur la mobilité des
français qui s’appuie sur l’enquête transport de 2008, il était aussi intéressant de confronter
ces résultats avec les conclusions de mon questionnaire.
Le questionnaire a été créé en ligne et est resté ouvert pendant un mois et demi. La
diffusion s’est faite par mailing liste, en faisant jouer les réseaux pour obtenir un plus grand
nombre de réponses mais aussi, trouver un public de répondants variés. La conception du
questionnaire a été difficile dans le sens où il fallait pouvoir trier les réponses en fonction du
lieu de résidence car la question de la mobilité dans l’espace rural ne s’insère par dans la
problématique de ce mémoire.
Les éléments suivants présentent la répartition modale sur l’échantillon :
67
La voiture est le mode de transport largement dominant sur cet échantillon, suivie par la
marche et le vélo. Les répondants semblent utiliser plus régulièrement le vélo pour leurs
déplacements quotidiens que la moyenne nationale mais, cela peut aussi être dû au fait que
plusieurs réponses soient autorisées.
Si l’on exploite les réponses suivantes du questionnaire, on peut remarquer premièrement,
qu’en termes de connaissances des enjeux, c’est surtout parce qu’il est beaucoup question de
développement durable ces dernières années que les personnes se sentent plus ou moins
concernées. Même si elles n’ont pas réellement conscience des chiffres ou des mesures, la
plupart se disent concernées pour des raisons environnementales ou de santé.
Par la suite, on notera que peu de personnes ont cité une dimension autre
qu’environnementale dans leur définition du concept de mobilité durable. Tous ont compris
qu’il existait un lien avec le concept de développement durable mais c’est l’aspect
environnemental qui domine et qui oriente largement les définitions données. Pourtant, les
aspects praticité et rapidité d’un mode de transport sont les premiers critères de choix. La
conscience de l’impact de ses déplacements est bien là mais les contraintes que certains
modes de transports font peser sur les trajets, malgré l’impact positif pour l’environnement,
ne les incitent pas à les utiliser.
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Il est intéressant, bien que difficile, de s’intéresser aux critères de choix et aux perceptions.
Difficile car les usages ne sont pas un objet facilement définissable ni facile à appréhender.
Pourtant, ce sont bien ces informations qui vont permettre de trouver un levier pour le
changement de comportement.
Le tableau qui suit présente les résultats du questionnaire concernant les questions
d’opinion sur les différents modes de transports. Il était demandé d’indiquer entre 1, pas du
tout et 4, tout à fait, l’opinion sur un mode de transport en termes de fiabilité, praticité et
sécurité. Le but était de voir quels étaient les modes de transports privilégiés et pour quelles
raisons. Chaque chiffre indique l’item qui a reçu le plus de réponses. La plupart du temps, les
scores étaient partagés entre deux items, c’est pourquoi ils sont indiqués en couple. Le résultat
final provient d’un calcul effectué comme suit :
Chaque couple a une valeur attribuée. Pour prendre en compte le fait que ce soit l’un ou
l’autre qui ait reçu le plus de réponses, les valeurs sont les suivantes et ne correspondent pas à
la moyenne :
4 – 3 : 3,75
3 – 4 : 3,25
3 – 2 : 2,75
2 – 3 : 2,25
2 – 1 : 1,75
1 – 2 : 1,25
La moyenne des notes des trois colonnes donne une note globale au mode de transport.
69
Fiable Pratique Sécurisant Total
Bus 3 – 2 3 – 2 4 – 3 3,08
Métro 4 – 3 4 – 3 4 3,83
Marche 4 – 3 4 4 – 3 3,83
Vélo 4 – 3 4 – 3 2 – 3 3 ,25
Vélo à
assistance
électrique
4 – 3
4 – 3 2 – 3 3,25
Vélo libre
service
3 – 2 3 – 4 2 – 3 2,75
Voiture 3 – 4 4 – 3 3 – 4 3,42
Voiture
électrique –
hybride
3 – 2 4 – 3 3 – 4 3,25
Train 2 – 3 3 – 2 4 – 3 2,92
Avion 3 – 2 3 – 2 4 – 3 3,08
Tramway 3 – 4 3 – 4 4 3,5
Moto 4 – 3 4 – 3 1 – 2 2,92
70
Scooter 3 – 4 4 – 3 1 – 2 2,75
Le classement sur cet échantillon est donc celui-ci :
1. Métro/Marche à pied
2. Tramway
3. Voiture
4. Vélo/Vélo à assistance électrique/Voiture hybride, électrique, GNV, GPL
5. Bus/Avion
6. Train/moto
7. Scooter/Vélo libre service
Ci-dessous, voici les listes des modes de transports les mieux notés et les moins bien notés
pour chaque caractéristique :
Les modes considérés les plus fiables : Métro, vélo et tramway.
Les modes considérés les moins fiables : Bus, train.
Les modes considérés les plus pratiques : Métro, tramway, moto/voiture.
Les modes considérés les moins pratiques : Bus, vélo libre service.
Les modes considérés les plus sécurisants : Train, tramway, avion/voiture/métro.
Les modes considérés les moins sécurisants : Scooter, moto, toutes les formes de
vélos.
Ce questionnaire, même s’il n’a pas pour but d’être représentatif, montre cependant qu’il
existe réellement un arbitrage à effectuer entre les différents modes de transports. Selon
l’aspect que l’on choisit de privilégier, selon les contraintes qui nous pèsent, le choix se porte
sur un mode ou un autre. En effet, le bus est considéré comme peu fiable et peu pratique mais
71
il occupe tout de même une bonne place dans le classement des modes considérés comme
sécurisants. De même, le vélo est considéré comme pratique (facilités de circulation et de
stationnement certainement) mais peu sécurisant. Loin de vouloir dégager des tendances ou
généraliser un point de vue sur les différents modes de déplacement, ce questionnaire a
montré en quoi chaque mode apportait son lot d’avantages et d’inconvénients et qu’il
appartient en fait à chacun de choisir, selon ses critères, celui qui sera le plus approprié à son
trajet, ses attentes, ses capacités. Tout ceci nous montre l’importance et la complexité du
choix modal et vient appuyer le mouvement dans lequel s’engagent les acteurs à prendre en
compte les attentes de chaque individu et ses spécificités.
72
Annexe 3 : entretien avec M. Romain Chiaradia, conseiller en mobilité à la
plateforme « Bougez vers l’emploi » de Voiture&Co à Nanterre
Peut-être qu'on va commencer par une présentation de Voiture&Co et son lien avec la
maison des transports ?
Oui il y pas mal de choses à dire sur le lien entre les deux. Voiture&Co c'est une
association loi 1901 à but non lucratif qui s'occupe de mobilité et dont l'objet social est de
faciliter la mobilité durable pour tous, la mobilité durable, responsable et solidaire
notamment. Donc c’est permettre à tous d'accéder à la mobilité. Et, pour un petit historique de
l'association, on s'est basé sur… l'association s'est créée en 1998, officiellement, même si
depuis les grèves de 1995, sur la fac de Nanterre en fait les prémices ont été mis là c'est-à-dire
qu’en 1995, il y a eu de grosses grèves de transports en commun du coup beaucoup de monde
est venu en voiture et, les étudiants ont eu l'idée de proposer un système de covoiturage qui
s'est fait un peu à l'arrache au début « voilà, il reste de la place dans telle voiture, qui va là bas
etc. ». Donc covoiturage sur la fac et en 1998 ils ont créé l'association pour dire « voilà ce
qu'on a fait pendant les grèves, ça serait peut-être intéressant de le faire même quand il n'y a
pas de grèves » et donc de proposer un système de covoiturage pour les étudiants. Donc, c'est
un système qui s'est développé parce qu'en plus le parking des étudiants de la fac était réservé
aux covoitureurs donc les covoitureurs se sont inscrits chez nous, ça a fait une boule de neige
en fait. Ensuite, l'association au départ était que sur le covoiturage et puis finalement on s'est
rendu compte qu'il y avait une grosse demande de mobilité au fur et à mesure des expériences
et des sollicitations des partenaires... Tout ça a fait qu'on travaille aujourd'hui et qu'on a
développé au fur et à mesure trois axes d'intervention toujours en rapport avec la mobilité
évidemment : un axe sécurité routière qui fait suite en fait au gala de Nanterre en 2000 où on
s'était dit qu'on allait faire la promotion de notre service de covoiturage de jour pendant la
soirée étudiante et du coup en proposant aux gens de se ramener les uns les autres en voiture
mais évidemment comme c'était une soirée étudiante, on leur a demandé de laisser leurs clés
sur le stand, de souffler dans l'éthylotest et de ne pas consommer d'alcool s'ils ramenaient des
gens. C'est un système qui a très bien marché et qu'on a développé du coup sur d'autres
soirées étudiantes et sur d'autres grosses soirées, sur des festivals, Solidays par exemple, sur
lesquels on est présents avec des bénévoles avec des actions de préventions aussi en journée,
voilà. Donc ça c'est un pôle de l'association. Un autre axe de l'association, toujours en rapport
avec la mobilité donc, c'est l'axe « bougez futé » et là on fonctionne sous forme de plateforme
73
de mobilité qui... en fait le jargon c'est agence locale de mobilité, vous avez dû le voir dans la
plaquette de l'ARENE, donc c'est le même système, c'est une sorte de boutique où les publics
viennent pour se faire conseiller et ressortir avec une solution adaptée à leurs besoins, on est
sur du conseil en mobilité personnalisé. « Bougez futé » ça s'est pas toujours appelé comme
ça en fait au départ ça s'appelait maison des transports. Pourquoi on a créé la maison des
transports, c'est que en 2003-2004 on était sur la fac avec le covoiturage et puis en fait, les
partenaires avaient fait remonter d'autres besoins de mobilité notamment en ce qui concerne le
désenclavement du quartier du petit Nanterre. Vous ne connaissez pas Nanterre ?
Non car je suis de Toulouse en fait
Oui voilà
Mais j'ai cru voir qu'il y avait des voies ferrées, une autoroute
Exact, en fait c'est un quartier qui est juste derrière, là-bas de l'autre côté des voies avec
donc des voies ferrées, une autoroute et c'est assez spécial parce que c'est un quartier qui est
classé 'politique de la ville' et de l'autre côté de l'avenue et de l'autoroute il y a une zone
d'activité avec beaucoup d'emplois-cadres et de côté là on a des personnes à bas niveau de
qualification. Donc aucune adéquation entre les deux et puis les habitants pour qui il est plus
facile d'aller vers Colombes (?) que d'aller vers les autres quartiers de Nanterre et qui vont
mettre plus de temps pour aller au centre ville de Nanterre que pour un habitant du centre ville
de Nanterre d'aller au centre ville de Paris. ce qui veut dire que c'est plus facile pour un
habitant d'un quartier lambda de Nanterre d'aller au centre de Paris, et c'est plus rapide que
pour un habitant du petit Nanterre d'aller au centre de Nanterre. On est donc sur un
enclavement et on a créé la maison des transports en répondant à un appel à projet qui
s'appelait 'mobilité urbaine pour tous' dont on a été lauréat et qui visait à proposer des
solutions de mobilité pour les étudiants toujours parce que du coup le service de covoiturage
a été récupéré par la maison des transports de Nanterre donc ça pour les étudiants, pour les
salariés des zones d'activité et pour les habitants des quartiers 'politique de la ville' dont le
quartier du petit Nanterre mais aussi celui de l'université finalement qui est juste à côté, qui
n'a pas le même enclavement mais quand même il a des questions intéressantes à mettre en
place. Donc on a créé la maison des transports dans ce cadre là et en 2007 on a changé les
noms de ces lieux maisons des transports en « Bougez futé » pour que ça fasse un côté plus
74
dynamique et puis pour mettre le même nom sur toutes nos antennes. Donc ça c'est un axe qui
existe toujours même si sur Nanterre depuis un an, on est sur une plateforme « Bougez vers
l'emploi » qui est le troisième axe donc : mobilité-insertion. Je vais vous expliquer après
pourquoi c'est pertinent et pourquoi c'est à peu près les mêmes choses qu'on fait finalement
mais bon « Bougez vers l'emploi » ça vise à... c'est toujours une plateforme de mobilité mais
par contre le public est essentiellement en insertion, il n'y a personne qui vient en direct, tous
les bénéficiaires sont orientés par un partenaire : maison de l'emploi, pôle emploi, mission
locale, centres sociaux etc. qui orientent les personnes qui rencontrent des difficultés de
déplacements dans le cadre de leur parcours d'insertion ce qui les empêche d'accéder à
l'emploi donc concrètement : horaires décalés qui ne permettent pas de prendre les transports
en commun ou je ne peux pas travailler parce que je n'ai pas de permis, pas de voiture. Ou
alors, j'ai du mal à me sortir de mon quartier, je connais mon réseau de bus, le bus qui passe
devant chez moi mais pas plus et j'ai peur d'aller dans les autres villes du coup je m'enferme
dans un territoire et je ne peux pas aller chercher du travail ailleurs. Donc c'est comme ça,
« Bougez vers l'emploi » concrètement ça veut dire qu'on reçoit les personnes qui nous sont
orientées, on fait un diagnostic mobilité, un conseil en mobilité et en fonction des difficultés
rencontrées on propose notre aide : prêt de scooter, de vélo, un accompagnement en minibus,
donc les personnes qui pourraient utiliser les transports en commun mais pour qui les
transports en commun n'offre pas un service adéquat en fonction de leurs besoins : zone
d'activités éloignée, horaires décalés. Et aussi des formations mobilité pour les personnes qui
ont du mal à être autonomes dans les transports.
Pour « Bougez futé » et « Bougez vers l'emploi » on a un peu le même schéma c'est-à-dire
c'est d'abord un conseil en mobilité dont le but c'est de personnaliser, c'est un entretien.... vous
avez dû voir la fiche de l'ARENE peut-être sur le conseil en mobilité ou vous voulez que je
revienne pour situer un peu ?
Oui s'il-vous-plaît
Bon alors, le conseil en mobilité donc ça vise à faire un diagnostic des besoins de mobilité
d'une personne, de ses habitudes de déplacements c'est-à-dire savoir comment elle se déplace,
qu'est ce qu'elle sait utiliser comme transports, sur quelle zone, quelles sont ses capacités,
quelles sont ses expériences, quels sont ses besoins aujourd'hui et proposer en fonction de tout
ça, des besoins, des capacités et de l'offre de services existante ou des manquements de l'offre,
75
de proposer des solutions. Donc pour « Bougez futé » comme pour « Bougez vers l'emploi »
parfois, ça va être de dire « vous ne connaissiez pas cette ligne de bus là ou cette ligne de
train ? Eh bien je vous conseille de faire ce trajet là, de prendre cet itinéraire ». Des fois c'est
un peu plus pointu : pour « Bougez futé » ce serait « là vous vous déplacez en voiture par
exemple par contre vous devriez à la place de la voiture, prendre un vélo ici, rejoindre la gare
sur ce trajet là et ça vous coûterait moins cher à l'année, ça économiserait tant en gaz à effet
de serre etc ». Donc vraiment sur « Bougez futé » c'est l'optique de réduire les émissions de
gaz à effet de serre et les contraintes énergétique et aussi en économisant de l'argent parce que
ça va ensemble souvent. Pour « Bougez vers l'emploi » c'est vraiment l'accès à la mobilité.
C'est des outils qui sont quand même assez proches même si le but n'est pas le même
exactement : « Bougez futé » on est vraiment sur un objectif environnemental et « Bougez
vers l'emploi » on est vraiment sur l'objectif insertion. Et sur la maison des transports, au
départ, on avait ce double objectif même si c'était classé on va dire « Bougez futé », il y avait
déjà des formations mobilité dans le cadre de ce que je fais pour « Bougez vers l'emploi »
aujourd'hui mais les premières que j'ai faites c'était dans le cadre de la maison de transports
avec les mêmes publics des centres sociaux finalement, des personnes qui ne savaient pas
prendre les transports en commun, je leur expliquais comment ça marche, on faisait des essais
dans l'optique que la personne soit autonome et qu'elle prenne les transports en commun au
lieu d'être accompagnée en voiture. Là aujourd'hui c'est qu'elle soit autonome dans les
transports en commun pour derrière accéder à l'emploi.
Donc en fait, la plaquette que j'ai lue… ça a pas mal bougé depuis
Oui à l'époque quand la plaquette de l'ARENE a été créée, l'objectif était beaucoup plus
environnemental que social mais il y avait quand même ce côté désenclavement de quartiers
et les financements qu'on avait sur l'actions étaient quand même des financements de l'accès
de la préfecture donc pour la cohésion sociale. C'est des financements qu'on a dans le cadre de
bougez vers l'emploi aujourd'hui. On tire un peu les expériences des deux, sachant que des
plateformes on en a un peu partout en France, on est parti de Nanterre mais en même que
l'ouverture de la maison des transports de Nanterre, on a eu l'ouverture de la maison des
transports de Marseille sur la fac de Luminy qui par la suite a donné l'idée d'ouvrir « Bougez
vers l'emploi » à la Ciotat parce que les partenaires de PACA nous ont dit 'ce que vous faites
pour les étudiants de la fac de Luminy leur permettent d'accéder à la fac, parce que c'est une
fac qui est enclavée aussi, faudrait faire la même chose pour nos demandeurs d'emplois à la
76
Ciotat' et c'est comme ça qu'on a créé « Bougez vers l'emploi » et c'est ensuite ce concept
qu'on a adapté ici finalement. Donc au-delà des noms de plateformes, l'idée derrière c'est
toujours le service, le conseil en mobilité et la mise en place de solutions pour répondre aux
besoins qui ne sont pas pris en compte par l'offre de services existante.
Mais vous restez toujours dans l'idée en fait, si quelqu'un vient vous voir, vous n'allez
pas lui dire 'prenez votre voiture'
Voilà, c'est toujours la même association Voiture&Co qui est derrière donc le but c'est
quand même de faciliter les déplacements durables et pour quelqu'un qui est en situation de
difficultés économiques, si la personne a une voiture et son permis et se déplace très bien
comme ça, dans le cadre du conseil en mobilité je vais quand même lui expliquer que
'attention, une voiture ça coûte quand même 5 000 euros par an, en moyenne donc c'est peut-
être pas la priorité de se déplacer en voiture, si vous pouvez faire autrement'. S'il ne peut pas
faire autrement, c'est vrai que je ne vais pas lui imposer de lâcher tout... voilà. Bon mais il y a
toujours cette idée de dire 'pensez à l'écomobilité, ça vous reviendra moins cher aussi' parce
que c'est des questions qui sont plus moins prioritaires selon les publics : il y en a qui vont
privilégier plus le côté environnement, le côté pollution et d'autres qui vont privilégier le côté
économique, ça dépend du niveau d'aisance qu'on a aussi dans son budget c'est un niveau de
priorité qui change aussi, c'est normal.
D'accord. Une de mes questions portait sur les publics visés parce que j'avais cru
comprendre qu'il y en avait plusieurs mais là non puisque vous êtes recentré sur « Bougez
vers l'emploi »
Mais les publics sont plusieurs aussi dans « Bougez vers l'emploi » c'est-à-dire qu'on a des
personnes qui sont en recherche vers l'emploi et des personnes qui sont jeunes, qui sont sorti
du système scolaire qui cherchent un emploi, on a des personnes qui sont adultes et qui sont
plus ou moins éloignées de l'emploi, il y en a qui sont en intérim entre deux missions, donc il
faut trouver pour une nouvelle mission, une manière d'y aller, il y a des personnes qui n'ont
pas travaillé depuis très longtemps qui sont suivies par les maisons de l'emploi par exemple
ou les espaces insertion donc voilà c'est des personnes qui ont des niveaux d'études différents
aussi mais c'est toujours un public en recherche d'emploi ou en emploi mais en situation
d'insertion, en parcours d'insertion socio-professionnelle.
77
Alors vous avez mentionné les formations, en quoi ça consiste ?
Alors, pour « Bougez vers l'emploi » en fait, on a plusieurs services. On a le bénéficiaire
qui va parler à son conseiller ou sa conseillère de difficultés de déplacements, le conseiller
nous oriente la demande et on fait le diagnostic, le bilan compétences mobilité. Et en fonction
de ce conseil en mobilité on va proposer des services comme je vous ai dit, on a des prêts de
vélos, vélos à assistance électrique, scooters électriques, on a un minibus et donc à chaque
fois, la solution proposée sera la plus pertinente, c'est-à-dire que si quelqu'un peut aller à vélo
au travail, on va pas lui proposer un scooter, on va pas l'amener en minibus. Si c'est trop loin,
ce sera plus du scooter et si la personne ne sait pas faire de scooter ou même si c'est trop loin
pour y aller en scooter, on sera sur du minibus, par exemple. Pour les personnes qui ne savent
pas prendre seules les transports en commun, pour diverses raisons, une peur, une
appréhension de sortir de son quartier, un manque d'expérience, il y a des personnes qui
viennent d'arriver en France aussi et qui connaissent pas le réseau de transports en commun,
qui ont des difficultés linguistiques donc là on a des personnes qui en dehors des trajets
connus vont avoir du mal et donc ça va les freiner pour justement accéder à un poste et dans
ces cas là on met en place une formation mobilité. C'est des modules de formation en petit
groupe ou en individuel selon les opportunités et on va apprendre à lire une carte, à se repérer
dans les transports en commun, à calculer un itinéraire sur carte ou sur ratp.fr et ensuite on
applique tout ça lors de sessions pratiques où on les accompagne dans les transports sur un
trajet qu'on a préparé à l'avance, un trajet soit qui était prévu avec le partenaire si c'était une
sortie ou alors un trajet, une visite d'entreprise, passer des tests de sélection pour un chantier
d'insertion, une fois qu'on l'a vu en salle on le fait en vrai et donc c'est la personne qui se
guide dans les transports, moi je suis là pour vérifier que ça se passe bien et leur expliquer les
petits panneaux qu'elles n'auraient pas vu.
Après par exemple pour les transports en commun, vous leur dites que l'employeur est
obligé de prendre en charge normalement 50% de l'abonnement ?
Au moment du diagnostic, du conseil en mobilité justement je leur dis 'voilà, vous pouvez
y aller en transports en commun, vous prenez cette ligne et voilà'. Je leur explique aussi au
niveau des tarifs que l'employeur doit prendre en charge 50%, certains étaient pas au courant
des fois donc ça permet de faire avancer des choses. On explique aussi au gens que parfois ils
ont droit à la carte solidarité transports, c'est pour les bénéficiaires du RSA et de la CMU il y
78
aune carte gratuité transports ou des réductions sur les abonnements : donc 50% de réduction
ou gratuité et je crois qu'il y a seulement la moitié des personnes qui seraient potentiellement
bénéficiaires qui sont vraiment titulaires d'une carte solidarité transports parce qu'il faut
appeler un serveur vocal qui envoie un dossier qu'il faut remplir et qu'il faut renvoyer et
ensuite on a un coupon de réduction sur lequel on peut charger un abonnement gratuit ou à
moins 50% donc des fois on les aide aussi là-dessus.
Juste une question, c'est quoi que vous appelez minibus ?
C'est un minibus, c'est du transport micro-collectif en fait, c'est le nom du service c'est-à-
dire que c'est un service qui s'apparente au transport à la demande avec un chauffeur qui est
là-bas, que vous avez vu en rentrant et qui amène les personnes suivant un planning selon les
besoins, ça change de jour en jour. Evidemment, si des transports en commun fonctionnent,
on n'intervient pas, ni pour les minibus, ni pour les prêts de vélos, scooters, sauf si c'est des
transports en commun très compliqués à prendre et qu'il y a cinq changements etc. mais s'il y
a une autre solution on ne va pas proposer ça, on n'est pas un loueur de véhicules, on est
vraiment là pour donner des solutions et après voilà le minibus fait une tournée, dépose les
gens depuis leur domicile ou une gare à proximité jusqu'au lieu de travail.
Et tous les services proposés sont gérés en interne ?
Oui, oui, on n'a pas de prestataire. Après, on oriente parfois. La location de voiture qui est
proposé par cette plaquette elle est en interne sur certaines plateformes comme à la Ciotat par
exemple, il y a des voitures, ici on n'a pas de voitures donc ce qu'on faisait jusqu'à présent
c'est qu'on orientait vers Papa Charlie qui est une autre association qui fait de la mise à
disposition de voiture pour l'accès à l'emploi aussi mais pour la petite histoire, cette année
c'est un peu compliqué parce qu'ils n'ont pas de financements 92 (département où se trouve
Nanterre NDLR) et on peut pas le proposer mais l'année dernière c'était le cas.
Du coup ça va permettre de faire une bonne transition justement avec les partenaires,
avec qui vous travaillez, comment ça se passe ?
Alors on a des partenaires financiers et des partenaires techniques. Bon les partenaires
financiers financent l'action, il y a les villes qui interviennent dans le cadre des contrats
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urbains de cohésion sociale (CUCS), donc des financements tripartite ville-état-département
qui financent des actions pour certains publics comme ceux qui habitent le quartier du petit
Nanterre voilà ou le quartier de l'université mais aussi des quartiers sur d'autres villes que
Nanterre parce qu'on a quand même du « Bougez vers l'emploi » sur Rueil, sur Colombes, sur
Asnières donc en fait en gros le nord 92. Donc on fait des demandes de subventions en
fonction sur ces villes, les mairies... on a le FSE, le Fonds Social Européen pour l'action
globale « Bougez vers l'emploi » notamment sur le minibus, sur le financement des services
en général, on a le département des Hauts-de-Seine et puis après on a aussi des partenaires qui
financent aussi du matériel comme PELS-Caisse d'Epargne, PSA qui nous a fournit le
minibus justement... donc au niveau financier je crois que j'ai fait à peu près le tour, mais
comme ce n'est pas moi qui ai fait les demandes cette année... Après on a des partenaires
techniques, et là c'est moi qui les rencontre, c'est eux qui nous orientent en fait les
bénéficiaires des demandes donc c'est la maison de l'emploi sur Nanterre, Rueil, Colombes,
Asnières etc. Les missions locales, donc qui parfois sont intégrées aux maisons de l'emploi,
les PLIE, plans locaux pour l'Insertion Economique, je crois que c'est ça (PLIE : Plan Local
pour l'Insertion et pour l'Emploi, NDLR), les espaces insertion qui s'occupent des
bénéficiaires du RSA qui les aident à l'accueil qui les informent, les centres sociaux, les
associations de quartier, les associations intermédiaires aussi qui proposent des emplois
insertion aux habitants des quartiers sur lesquels souvent il y a des problèmes de mobilité, les
régies de quartiers également donc voilà, tout ces partenaires techniques....
Pas Pôle Emploi ?
Pôle Emploi, ça commence, enfin... Sur le nord 92 c'est en cours de mise en place, sur la
Ciotat ça fait longtemps que le partenariat existe et marche donc voilà après c'est des
questions locales, les partenaires financiers et techniques sont différents selon les plateformes,
les territoires parce qu'on a pas les mêmes historiques, pas les mêmes fonctionnements. Donc
ça se met en place, après un partenaire dans un territoire permet aussi des fois de débloquer
d'autres partenariats sur d'autres territoires
Et vous votre domaine d'action, votre territoire on va dire c'est que le 92
Pour la plateforme Nanterre-Hautes de Seine c'est le 92 oui sachant que quelqu'un qui
travaille dans le 92 ou qui habite en dehors peut aussi bénéficier de l'action. Après on a une
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plateforme à Créteil, on intervient sur le 94, sud-est de Paris et après on a une plateforme
« Bougez futé » sur Paris par contre et qui rayonne sur la région donc après chaque
plateforme a son territoire. Donc on se renvoie la balle avec les collègues de Créteil ou de
Paris des fois selon les demandes et on a une plateforme qui est train de se créer à Sarcelles
aussi.
Donc en fait, le territoire est important ?
Oui c'est très important
C'est vraiment le contexte qui détermine l'action
C'est ça, le contexte, les besoins du territoire, les partenaires qu'on mobilise aussi sur le
territoire qui nous font confiance qui nous donnent les moyens de mettre en place l'action, ça
c'est très important. Pour mon côté conseiller en mobilité aussi, ce qui est important c'est
connaître son territoire, connaître les réseaux de bus, les réseaux de transports qui existent
déjà et leur configuration parce qu'après dans les solutions que je propose aux gens il faut que
je sache si elles vont être viables ou pas, si je demande à quelqu'un de faire du vélo sur le
mont Valérien (colline sur les communes de Nanterre, Suresnes et Rueil, NDLR), ça monte
beaucoup voilà, je vais peut-être privilégier un vélo à assistance électrique ou un scooter
parce que je sais que même si la distance est moins importante ça monte pas mal.
Donc là vous êtes sur Paris et Nanterre ?
Alors au début on a créé Nanterre et Marseille, une sorte de « Bougez futé » ensuite on a
ouvert Paris et dans la foulée la Ciotat donc « Bougez vers l'emploi » à la Ciotat. Après on a
réorganisé, Nanterre est devenu « Bougez vers l'emploi », on a ouvert ensuite Toulon,
« bougez vers l'emploi », la Ciotat il y a des antennes à Aubagne et Gardanne, on a ouvert une
plateforme à Auch dans le Gers, on en a une à Valenciennes, une en développement à
Sarcelles et puis celle que je vous ai dit en région parisienne. Donc on a je crois neuf
plateformes au total sur... sachant qu'au départ on en a ouvert deux ou trois, ça s'est
développé.
Il faudra me faire penser à vous envoyer une plaquette de présentation de l'association pour
voir si je n'en ai pas oublié
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Moi je peux éventuellement accéder à la plateforme de Gardanne ou de Auch
Alors ça sera pas les mêmes territoires mais ce sera intéressant oui
Oui car le but de mémoire est de montrer que la pertinence est à l'échelon du territoire
en fait
Alors exactement et parce que les solutions que l'on met en place dans le cadre de
« Bougez vers l'emploi » par exemple vont être complètement différentes selon les territoires.
Nanterre et Créteil c'est à peu près les mêmes, on fait beaucoup plus de formation en mobilité
que de prêts de scooters, vélos bon... pourquoi ? Parce qu'il y a un réseau de transports en
commun qui est très dense même s'il y a des endroits où c'est pas facile, horaires décalés etc.
et dans ces cas là on a les moyens de résoudre... de trouver des solutions complémentaires
mais la plupart des besoins c'est savoir être autonome dans les transports en commun. Par
contre, dans le Gers à Auch, les transports en commun c'est pas du tout la même chose, en
plus on est sur un département très rural avec beaucoup moins de transports en commun et du
coup on est plus sur des solutions individuelles de prêt de véhicule ou de voiture par exemple,
des voitures on en a à la Ciotat, on en a pas ici, parce que c'est pas la même chose. Même s'il
y a des transports en commun sur la Ciotat, Gardanne, c'est pas la même fréquence, c'est pas
la même couverture du territoire qu'ici du coup il y a beaucoup plus de solutions de scooters,
de voitures de minibus, de vélo pour ces territoires là. Donc on la même offre de services sur
toutes les plateformes mais il y a des services qui vont être beaucoup plus mis en avant selon
les territoires
Est-ce que c'est efficace en quelque sorte, est-ce que vous avez des retours sur les
personnes qui viennent vous voir, est-ce que vous avez un suivi un peu ?
Exactement. Alors dans le cadre de « Bougez vers l'emploi » on a un suivi c'est-à-dire que
le partenaire nous envoie une fiche de liaison qu'on remplit au fur et à mesure qu'on
accompagne la personne. Parce que ces solutions là, comme je vous ai dit, on n'a pas un
loueur de véhicules c'est-à-dire que elles sont sensées être mises en place pour trois mois
maximum. Ça veut dire qu'en parallèle du prêt du scooter, qu'en parallèle de
l'accompagnement en minibus, on fait des entretiens réguliers avec le bénéficiaire pour voir si
la solution qu'on a mis en place est efficace, pour voir au bout de trois mois quand on arrêtera
82
d'intervenir qu'est-ce qui se passera, donc on prépare la suite, on voit si c'est pertinent
d'acheter un véhicule, d'acheter un scooter, de passer son permis, de passer sur un autre
dispositif voilà donc on a un accompagnement personnalisé dont on fait part avec la fiche de
liaison aussi au prescripteur donc au partenaire de la maison de l'emploi etc. On vérifie au fur
et à mesure et donc à la fin l'objectif c'est que la personne soit autonome et qu'elle ait acheté
son propre véhicule. Donc on a un suivi quand même sur cette action et on voit que les
personnes qui ont suivi les formations en mobilité, elles se déplacement plus facilement,
toutes n'ont pas retrouvé un emploi parce qu'il y a d'autres facteurs mais la mobilité c'est
quand même le quatrième frein d'accès à l'emploi et du coup si on arrive à résoudre ça, ça
permet quand même de donner un énorme coup de pouce, c'est pas la seule solution mais ça
donne un énorme coup de pouce et puis c'est quelque chose qui est très transversal aussi la
mobilité donc on a... ça améliore quand même beaucoup de choses chez le bénéficiaire. On a
des partenaires qui nous font des retours super intéressants en nous disant voilà, le groupe que
vous avez formé et accompagné sur un recrutement du coup ils savent où c'est, la plupart sont
rentrés dans la formation donc en chantier d'insertion, les personnes qui ont suivi la formation
sont arrivées à l'heure aux entretiens, pas les autres etc. Donc on voit qu'on apporte quelque
chose de vraiment efficace.
Donc c'est plutôt du temporaire, une transition
C'est un coup de pouce, c'est une transition, on est là pour donner les moyens à la personne
de rentrer dans l'emploi, de rentrer dans la formation, d'être autonome et en parallèle on
construit cette solution durable pour qu'à long terme elle soit... elle n'ait plus besoin de nous.
Oui parce que par exemple, la personne que vous conduisez en minibus, il se passe quoi
après trois mois en fait ?
Après, ça dépend... ça dépend du contrat qu'elle a aussi parce que des fois c'est des contrats
CDD de deux ou trois mois donc oui voilà on répond à ce besoin, c'est vrai que la personne ne
va pas acheter une voiture pour trois mois, donc en attendant, on lui permet de commencer à
travailler, de mettre des sous de côté parce que justement la prochaine fois peut-être qu'elle
pourra acheter sa voiture. Dès que c'est des contrats plus longs, ça permet aussi de passer la
période d'essai pour prendre un crédit et acheter sa voiture ou son scooter comme vous
préférez
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Est-ce que parfois le fait d'avoir quelqu'un qui vient vous voir en horaires décalés ça
permet de créer un effet de levier en fait auprès de l'employeur pour qu'il mette lui en place
une solution
Et qu'ensuite on préconise quelque chose....
Est-ce que ça peut favoriser le fait que l'employeur lui mette en place une solution ?
Ça dépend sur du « Bougez vers l'emploi » classique pas trop parce que c'est que des
solutions au cas par cas... après sur Nanterre on n'a que un an et demi d'activité « Bougez vers
l'emploi » donc on n'a pas forcément beaucoup de recul par contre c'est arrivé encore cette
semaine que sur une réflexion de l'employeur qui nous dise qu'il a des difficultés de
recrutement parce qu'il est dans une zone enclavé et que les personnes ne sont pas toujours
motorisées donc il nous font intervenir mais derrière les salariés qui sont déjà dans l'emploi il
faudra aussi leur trouver des solutions parce qu'aujourd'hui c'est un peu la galère donc dans
ces cas là on a une réflexion avec l'employeur en partenariat pour mettre en place des
solutions collectives donc ça arrive mais c'est encore assez marginal.
J'aimerais parler d'un point, l'utilité en fait de la structure par rapport à un syndicat de
transports en commun, opérateur etc. Est-ce que vous avez constaté peut-être un manque ?
Alors pourquoi on existe... On apporte en fait ce petit plus complémentaire, on a sur l'Île-
de-France des énormes réseaux de transports mais entre... vous voyez comment c'est fait vous
avez le centre de Paris et les lignes de transports qui partent en toile d'araignée mais par
contre pour faire le lien entre deux branches de la toile d'araignée c'est pas facile et pour des
questions personnelles, personnalisées des fois selon les horaires ou autres, c'est pas possible
d'utiliser les transports en commun donc dans ces cas là nous avec nos petites solutions vélos,
conseils déjà et puis vélos, vélos à assistance électrique, covoiturage, autopartage etc. on
amène de quoi faire le lien quoi de quoi faire de l'intermodalité. Ce que je veux dire c'est que,
on a déjà aujourd'hui des difficultés de déplacement on amène déjà des solutions mais aussi il
faut réfléchir à l'avenir c'est-à-dire qu'on a un territoire avec de plus en plus de salariés donc
des saturations des réseaux de transports en commun et sur la route et le problème c'est qu'on
va en rajouter. Vous avez peut-être suivi les histoires de la Défense avec... en fait on va
augmenter le nombre de salariés sur place
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J'ai entendu parler du projet de super métro, l'Arc Express
Oui et quand est-ce qu'il sera opérationnel ? Je ne connais pas la date mais en fait il y avait
oui deux projets concurrents, Grand Paris et Arc Express de la région. Dans les deux cas on
est sur le super métro, on est sur de l'investissement on est sur mobiliser des financements,
construire donc qui dit travaux dit temps mais les emplois ils vont être demain sur la Défense
et c'est déjà saturé. Donc il faut dès aujourd'hui penser à des solutions concrètes et rapides
pour éviter les problèmes, on peut faciliter déjà aussi le télétravail, ça paraît peut-être tout
bête mais ça permet d'éviter pas mal de problèmes. Plutôt que de créer des nouveaux
transports, peut-être qu'il faudrait se concentrer sur réhabiliter les voies qui existent déjà
comme le projet Tangentielle qui se sert d'anciennes lignes de transport de marchandises et
qui permettrait d'offrir des solutions banlieues-banlieues et ça c'est beaucoup moins cher et
beaucoup plus rapide à réaliser que de partir dans des projets pharaoniques.
85
Annexe 4 : entretien avec M. Joël Gombin et Mme Hélène Exbrayat, plateforme
« Bougez futé » de Voiture&Co à Paris
Donc… M. Chiaradia m'a déjà expliqué un peu le contexte de la naissance de
l'association, les grèves à Nanterre, qu'après une association s'est montée et que des
plateformes ont été créées, « bougez vers l'emploi » qui était une maison des transports et
puis après ils ont eu des demandes de partenaires du territoire pour s'orienter vers les
publics en insertion.
Hélène Exbrayat (HE) : Tout à fait, oui. Voiture&Co l'ambition au départ aussi, ça part du
constat que la mobilité, pour toutes les personnes ça peut être, en général, une forme
d'exclusion. On a beau être connecté 24h/24, la personne qui n'est pas mobile, c'est une
personne qui est exclue de la société, celle qui peut pas se déplacer qui est dans son quartier
etc. c'est une personne qui n'a pas de vie sociale, voilà. Donc on part de ce constat et c'est
donner la possibilité aux personnes de pouvoir se déplacer plus librement, de manière plus
autonome, ça c'est la mission de voiture&Co et en intégrant aussi tout ce qui est
développement durable, tout ce qui est éco-responsable, comment se déplacer autrement qu'en
voiture individuelle. Après j'imagine qu'il (M. Chiaradia NDLR) vous a expliqué aussi ce
qu'était le pôle mobilité nocturne, prévention, alcool au volant...
Oui les actions sur les soirées étudiantes
HE : C'est ça. C'est sur ça surtout que l'association est née
Et après il m'a expliqué que l'association s'est structurée autour de trois activités,
prévention et sécurité, Bougez vers l'emploi et Bougez futé
HE : Exactement! Et « Bougez vers l'emploi » et « Bougez futé » forment ce qu'on appelle
le pôle mobilité durable et solidaire, solidaire car l'idée c'est vraiment d'aider les personnes en
insertion ou aider les personnes... par exemple, on fait de la location de vélos de choses
comme ça à des prix intéressants justement pour que ce ne soit pas encore plus un frein
justement pour aider...
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C'est justement ça qui est intéressant parce que dans le développement durable il y a
aussi le social mais on voit plus des choses axées sur l'environnemental donc c'est pour ça
que bougez vers l'emploi était intéressant
M. Gombin rejoint l'entretien. Explication du contexte de l'entretien.
Joël GOMBIN (JG) : Voiture&Co c'est plus la nécessité de travailler sur les usages que sur
les technologies, on est vraiment là-dedans. Donc tu posais la question sur la plateforme, alors
tu connais un peu l'histoire de Voiture&Co donc au départ on était pas sur un fonctionnement
en plateforme, on était sur un fonctionnement localisé sur l'université de Nanterre puis ensuite
c'est surtout l'activité prévention, mobilité nocturne qui s'est développée et au milieu des
années 2000, l'idée de dupliquer ce qu'il se fait à Nanterre est apparu... d'ailleurs à Nanterre,
ils ont réussi à s'installer dans la gare RER, Nanterre U, avec des locaux qui étaient... un peu
minuscules mais situés au beau milieu de la gare, qui sont fermés maintenant et donc
voiture&Co a voulu un peu dupliquer ce processus là et l'a fait à Paris et à Marseille, à peu
près à la même époque, en travaillant sur le concept d'agence locale de mobilité qui est un
concept un peu en vogue, l'ARENE, le CERTU travaillait sur ces concepts là à l'époque, après
les dénominations variaient : agence locale de mobilité, maison des transports, centrale de
mobilité, il y a un peu tous les termes qui sont apparus mais l'idée c'était sur un territoire
donné d'avoir un lieu physique où les gens puissent venir et où soient concentré l'ensemble de
l'information en matière de mobilité où les gens puissent recevoir des conseils et où ils
puissent accéder aux services. Et en ce qui concerne celle de Paris, il y a un travail qui a été
effectué avec l'agence de la mobilité, qui est un service de la ville de Paris au sein de la
direction de la voirie et des déplacements, un travail qui a été effectué justement autour de
cette notion d'agence locale de mobilité. Au départ l'idée c'était de monter un réseau d'agences
locales de mobilité qui puisse mailler le territoire parisien. Pour différentes raisons
finalement, cette idée n'est pas allée à son terme, mais elle s'est concrétisée par la création
d'une plateforme, dans le 13ème arrondissement, l'idée étant à l'époque de travailler sur les
territoires de la ZAC Paris Rive Gauche qui est la plus grande ZAC parisienne et qui est un
territoire qui a un peu vocation à être un laboratoire de ce que peut être un développement
urbain moderne, alors c'est pas une éco-ZAC comme celle de la gare de Rungis par exemple
mais elle avait quand même des ambitions importantes en matière de développement durable
etc. et en même temps à côté de ces ambitions, tout le monde voyait bien que c'était une ZAC
dont les bâtiments poussaient comme des champignons, où les entreprises venaient s'installer
mais où ça manquait un peu de vie, ça manquait un peu de lien aussi, d'où l'intérêt de venir
87
mettre un peu d'humain là-dedans, un peu d'animation etc. Je pense qu'une erreur à été
commise à l'époque c'est qu'on a choisi, enfin je dis on mais je n'étais pas à l'association à
l'époque mais on a choisi des locaux qui étaient mal situés, qui étaient à l'écart de la ZAC qui
était sur le boulevard Vincent Auriol, au niveau du métro Chevaleret, donc on est pas sur
l'emprise de la ZAC et on est à un endroit qui n'est pas passant, où il n'y a pas de visibilité, on
n'est pas sur un nœud de transport et donc cette plateforme même si elle a enregistré un
certain nombre de succès notamment par le maillage territorial qu'elle a pu mettre en place,
son travail de réseau etc. la légitimité qu'elle a acquise, on peut dire qu'elle n'a pas pleinement
atteint ses objectifs du fait d'un choix de localisation qui était pas forcément judicieux. Le
montage c'était un financement qui reposait essentiellement sur la Mairie de Paris, à l'époque
c'était Denis Baupin qui était adjoint aux transports et il portait aussi politiquement ce dossier
là, mais au bout de quelques années, d'une part le contexte politique a changé puisque Denis
Baupin à la dernière mandature est passé à la délégation à l'environnement et au plan climat et
on a une nouvelle élu aux transports qui est Annick Lepetit et d'autre part, la Mairie de Paris
s'est aperçu que ça ne tenait pas complètement ses promesses donc le soutien financier a
diminué, notamment pour inciter un changement de localisation ce qui n'était pas si évident
que ça puisqu'on était sur un bail de type commercial donc 3, 6, 9 et tu peux pas partir quand
tu veux des locaux. Donc ce qui nous a amené en septembre dernier à quitter les locaux qu'on
occupait dans le 13ème arrondissement pour en trouver de nouveaux mieux situés et/ou
réinventer un petit peu le concept de plateforme et voilà aujourd'hui on en est toujours dans ce
processus là avec une réflexion qui s'oriente de plus en plus vers l'idée de dire que, à Paris, sur
un territoire comme celui-ci, l'intérêt n'est pas forcément d'avoir une plateforme fixe où
accueillir le public mais plutôt il faut une capacité à aller au devant des publics et donc ça ça
passe d'une part par un travail de partenariat avec les différentes structures etc. mais surtout
parce que ça on sait que ça marche assez moyennement, toutes les structures qui essaient de
faire des permanences dans les mairies d'arrondissements par exemple disent bien que ça a un
succès assez mitigé et donc l'idée sur laquelle on travaille aujourd'hui c'est d'avoir un bus
itinérant qui puisse aller d'un lieu à un autre, avoir une certaine visibilité, faire un peu de buzz
et aller sensibiliser de cette manière là. Et un autre élément aussi, c'est qu'il faut tenir compte
du contexte parisien dans lequel la voiture individuelle est beaucoup moins présente que
partout ailleurs en France finalement et donc le travail n'est pas nécessairement le même.
Globalement le travail en province c'est de faire changer les gens pour qu'ils quittent leur
voiture et qu'ils aillent dans les transports en commun. À Paris ce n'est pas tellement ça la
problématique dans la mesure où les transports en commun sont saturés et où de toute façon il
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y a peu de gens qui viennent en voiture, donc l'idée c'est peut-être aussi de travailler sur
d'autres formes de reports modaux notamment transports en commun vers modes doux de
manière à désaturer les transports en commun parce qu'il y a des tas de trajets qui peuvent être
fait en mode doux et puis ça a plein d'autres avantages en termes de santé publique etc. Donc
voilà on en est un petit là aujourd'hui de notre réflexion.
La plateforme fonctionne à moitié, une partie de nos services continue de fonctionner, on
fait pas mal d'animations dans les entreprises, dans les collectivités etc. Mais on n'a pas de
lieu ouvert au public aujourd'hui même si ici on fait un peu de mise à disposition de VAE
(Vélos à Assistance Electrique, NDLR) de choses comme ça, des formations
HE : C'est vrai que ça a pas la vocation qu'avait la plateforme dans le 13ème.
JG : Donc là on est un peu en train de se réinventer.
D'accord, donc c'est pas du tout le même type de fonctionnement qu'à Nanterre où on
envoie les publics qui sont ciblés, là c'est plus les gens passent et viennent vous voir
JG : voilà, les plateformes BVE (Bougez Vers l'Emploi, NDLR) fonctionnent sur de la
prescription, nous beaucoup moins, même si on a un certain nombre de partenaires qui de
temps en temps nous renvoient des gens mais effectivement les plateformes BVE s'inscrivent
dans un parcours qui est très normalisé, très formalisé, nous on est pas du tout là-dedans, c'est
une des difficultés aussi c'est qu'effectivement à partir du moment où les parcours sont
normalisés, c'est un fonctionnement qui est beaucoup plus carré.
Et donc toutes les plaquettes que j'ai eu de la part d'Ingrid Cressy, c'est toutes vos
formations etc. ?
JG : Elle a dû t'envoyer nos fiches produits, donc on a développé un catalogue de
prestations en direction des entreprises et collectivités parce que outre ce que j'ai dit tout à
l'heure sur le fond, sur la manière de fonctionner on a aussi une interrogation une redéfinition
sur le modèle économique. Sur Bougez Futé on est sur un modèle économique qui
traditionnellement repose à 90% sur la subvention et sur des lignes budgétaires qui sont pas
89
extrêmement pérennes, d'abord parce que les collectivités locales de manière générale ont des
réticences à financer du fonctionnement et d'autre part parce que, quand on est dans des
domaines comme l'insertion, il y a des lignes budgétaires relativement conséquentes et avec
des dispositifs qui sont pluriannuels et qui sont relativement sécurisants on va dire pour les
acteurs, y compris avec des financements européens quand on est sur des dispositifs comme
bougez futé, les financements sont beaucoup plus compliqués à trouver, les lignes budgétaires
n'existent pas ou sont maigrement alimentées et donc on constate depuis quelques années une
difficulté économique à faire vivre le modèle donc nécessité de diversifier les ressources et
donc diversifier les ressources pour nous, en tout cas c'est la solution qu'on a trouvé, ça passe
par vendre de la prestation à des entreprises, à des collectivités etc. Donc on vient
effectivement de finir le travail d'élaboration de ce catalogue qu'on va maintenant diffuser bon
c'est une formalisation parce qu'il y a beaucoup de choses qu'on proposait déjà mais on essaie
de le systématiser et de monter en puissance là-dessus.
Alors pour parler un peu du GIP, quelle a été la participation de Voiture&Co ?
JG : Alors, l'historique c'est qu’il y a depuis quelques années une dynamique qui s'appelle
éco-citoyens Paris Rive Gauche qui a été lancé par une association l'AFET animée notamment
par Pierre Dommergues. Cette dynamique elle est territorialisée, elle porte sur la ZAC et
partait du constat que je faisais tout à l'heure, ça été un succès du point de vue de la
commercialisation des bureaux mais beaucoup de gens ont considéré qu'elle manquait un peu
de vie, qu'elle manquait un peu de liant, y avait pas beaucoup de relations entre les entreprises
et les habitants etc. Et donc l'idée c'était d'essayer d'insuffler cette vie en partant de projets de
développement durable et lien social, donc développement durable au sens large avec les trois
piliers, social, économique et environnemental. Il y a une série de projet qui a été lancé avec
des financements divers sur les projets, il y a notamment un financement du PREDIT qui a été
obtenu il y a quelques années, un financement de l'ADEME et de la Région pour lancer un
PDIE et, à l'issue de ces démarches, ce qu'on a constaté c'est que y avait des tas de projets
envisageables, y avait des tas d'acteurs intéressés par ces projets que ce soient des acteurs
associatifs, des entreprises, des acteurs publics mais qu'il manquait une tête de file pour
pérenniser ces projets et que si on faisait rien, les dynamiques qui avaient été lancées, que ce
soit dans le cadre du PREDIT comme dans le cadre du PDIE, elles allaient retomber comme
un soufflé parce qu'il n'y avait personne pour les porter. Ni acteur public, ni acteur privé qui
était en capacité de porter ces projets. Et donc, pour préciser la participation de Voiture&Co,
90
lorsque l'AFET a candidaté pour avoir un financement pour mettre en place un PDIE à
l'échelle du 13ème arrondissement, elle a constitué une équipe, qui était constituée, outre de
l'AFET, du groupe Chronos, dont Bruno Marzloff est le dirigeant et de Voiture&Co en disant
on va avoir l'AFET qui est le liant du projet, le groupe Chronos va apporter plus le côté
prospectif, réflexion sociologique etc. et Voiture&Co est plus un opérateur qui connaît bien le
terrain du territoire. Donc nous on a participé à ce PDIE et donc dans les préconisations du
PDIE, comme du PREDIT, on a dit « il faut pouvoir pérenniser cette dynamique », et un
moyen de le faire ce serait de monter donc un groupement d'intérêt public qui puisse
rassembler différents acteurs et être maître d'ouvrage de cette dynamique. L'avantage d'un
GIP c'est que c'est une structure relativement souple mais qui permet de rassembler des
acteurs publics et des acteurs privés. C'est assez intéressant et puis c'est une structure de
projet, c'est une structure, quand tu la créé tu la créé pour trois ans et puis tu peux la
renouveler tous les trois ans donc ça semblait bien correspondre. Le maire du 13ème a été très
intéressé par cette idée là, la Caisse des Dépôts, côté financeurs, le principal interlocuteur en
tout cas le plus volontaire, était très intéressé et puis la Caisse des Dépôts a une expertise
aussi dans ce genre de montage qui est très importante, c'est le spécialiste des montages
territoriaux donc ce GIP est en cours de création. Une association de préfiguration a été créée
et on attend aujourd'hui l'adoption des statuts par le conseil de Paris et puis leur validation par
la préfecture. Donc voilà un petit peu l'historique donc nous la part qu'on y a pris c'est un peu
tangent puisqu'on y a pris part via ce PDIE mais évidemment pour nous ça a une importance
stratégique parce qu'il s'il y a un GIP et si ce GIP met en œuvre le PDIE du 13ème nous on
prendra une part importante dans cette mise en œuvre et c'est donc une manière aussi
justement de sortir d'un fonctionnement par la subvention de fonctionnement qui est toujours
un peu précaire etc. Là, d'avoir une feuille de route claire, pluriannuelle, avec des
financements, pour nous c'est une perspective stratégique qui est vraiment intéressante. Ça
nous semble un montage à même de pérenniser des structures comme les nôtres, qui
permettent à la fois d'avoir un donneur d'ordre clair et en même temps de garder une
indépendance organique je dirais vis-à-vis de ce donneur d'ordre.
Est-ce que le statut d'association dessert l'activité ?
JG : Oui c'est une question qu'on se pose de temps en temps, ça dépend de quelle activité
on parle en fait. Dans la mesure où la plupart de nos activités sont financées très très
largement par des subventions, c'est tout-à-fait logique d'être une association puisque donc les
91
entreprises ne peuvent recevoir que très peu de subventions. Après sur d'autres activités,
quand on va vendre de la prestation aux entreprises par exemple, on pourrait penser que le
statut associatif nous dessert, en réalité moi je n'ai jamais eu ce type de retours, donc je pense
pas que ce soit un handicap majeur, pour moi la question aujourd'hui ne se pose pas de
transformer la structure. Ça viendra peut-être parce qu'il y aura sans doute des changements
de contexte, ce qui est aujourd'hui financé par la subvention devra peut-être l'être demain par
des marchés publics mais en tout cas dans le contexte actuel ça me semble pas problématique.
Du coup, comme la plateforme fonctionne pas vraiment, tout ce qui est indicateurs,
amélioration, vous avez pas en fait ?
JG : Non en fait c'est des choses auxquelles on a réfléchit mais sur le plan opérationnel y a
pas grand chose non. Mais ceci dit c'est une vraie problématique entre... t'as d'un côté les
indicateurs de l'activité d'une plateforme, les gens que tu as rencontré, le nombre de mise à
disposition que tu as faite etc. Et d’un autre côté des indicateurs relatifs au territoire qui
d'ailleurs existe ou existe pas parce qu'il n'y a pas forcément les outils statistiques qui
permettent de produire des données sur les émissions de CO2, le nombre de déplacements, la
part modale de chaque mode de déplacement, t'as pas forcément toujours des données très
précises et très régulières parce que les meilleures données là-dessus, c'est les enquêtes
transports et c'est tout les dix ans donc voilà. Donc c'est une vraie problématique de savoir
comment faire le lien entre ces niveaux là et on n'a pas tout à fait... on n'y a pas répondu, pour
l'instant on sait pas comment y répondre, comment faire les aller et retours entre ces deux
niveaux là. Parce qu'évidemment, on aurait envie de dire que notre impact sur le territoire
c'est ça mais c'est assez difficile à manipuler.
Et peut-être que le fait d'être dans un GIP ça aiderait à …
JG : C'est sûr que ça va dans ce sens là puisque le partenariat officiel est plus facile mais
enfin je pense que c'est une problématique qui va au-delà de ça, discuter entre le micro et le
macro, c'est pas évident à résoudre mais c'est sûr que ce type de montage facilite... c'est un pas
vers la réponse.
Donc on peut agir mais mesurer les impacts sur les usages reste difficile
92
JG : tu peux mesurer l'impact au premier niveau, tu sais les gens que t'as touché, tu peux
faire du suivi même si ça pose des difficultés mais c'est faisable mais ce que tu mesures pas
c'est l'impact indirect, d'une part dans le temps et puis indirect. Parce que les gens que tu
touches vont eux-mêmes en parler à d'autres personnes, si tu touches une personne, c'est peut-
être toute sa famille qui va changer de comportement etc. ça tu peux pas le quantifier, tu peux
pas l'objectiver.
HE : Après la difficulté, nous notre mission c'est d'aller voir les personnes les unes après
les autres et discuter avec eux, c'est vraiment un travail de terrain, c'est pas tant un effet de
groupe mais c'est vraiment aller voir les personnes individuellement en fonction de leurs
problématiques, en fonction de leurs difficultés, essayer de voir avec eux pourquoi ils ont un
frein, pourquoi ils agissent comme ça et pas autrement, tout en étant non pas moralisateur
mais voilà en leur trouvant la meilleure solution possible.
Du coup j'imagine que ça permet de mieux adapter le discours parce que certains vont
privilégier plus l'aspect environnemental, d'autres plus l'aspect économique
HE : bien sûr oui, mais chaque personne étant différente... Après c'est vrai que souvent,
malheureusement ou pas, mais s'il y a un changement d'attitude grâce à ça tant mieux mais
c'est vraiment l'aspect économique qui en général est efficace
JG : pour moi c'est pas forcément malheureusement
HE : non parce qu'après il y a un changement mais c'est vrai que si les gens changeaient
d'attitude parce que c'est vraiment une démarche environnementale je pense qu'il y aurait
plein de choses qui suivraient. Ce serait pas uniquement un impact sur les transports mais ce
serait un impact sur la vie de tous les jours, sur le quotidien. Mais bon l'aspect économique
marche en tous les cas...
C'est un peu un travail de titan d'aller voir tous ces gens...
HE : oui mais c'est ce qui marche... ça et les formations, ce qui marche aussi c'est d'aller
voir les scolaires parce que voilà ils sont en pleine phase de compréhension. Et si t'arrives à
toucher les enfants, t'arrives à toucher les parents.
93
JG : toute façon, tout le monde le dit, pour répondre aux défis du changement climatique
en particulier mais aux défis environnementaux en général, il faudra une mobilisation de tous,
y a pas une solution, y a pas un acteur qui en est responsable, il faut une mobilisation de tous,
c'est l'ensemble des initiatives qui chacune va avoir un impact plus ou moins grand qui fera
que peut-être qu'on atteindra l'effet de levier suffisant.
HE : aujourd'hui on a répondu à l'ARENE, on sensibilise les enfants âgés entre 0 et 6 ans
donc là c'est vraiment novateur, c'est un projet même qui est européen et l'idée c'est vraiment
qu'il faut sensibiliser dès le plus jeune âge car comme vient de le dire Joël, on est tous acteurs
de tout ça et il faut pas louper une seule tranche d'âge j'ai envie de dire. Donc là c'est
intéressant, c'est tout à découvrir, c'est plein de choses à mettre en place. Il faut aussi adapter
son approche, son discours en fonction.
94
Bibliographie
Ouvrages :
S. Allemand, Apprendre la mobilité, les ateliers de mobilité, une expérience originale,
Paris, Le Cavalier Bleu, 2008
J.P. Durand, R. Weil, Sociologie contemporaine, Paris, Éditions Vigot, 2006
M. Flonneau et V. Guigueno dir., De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité ?,
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009
B. Marzloff, Pour une mobilité plus libre et plus durable, Limoges, FYP, 2008
Publications - Articles :
ARENE Île-de-France, Agences Locales de Mobilité : Diagnostic et perspectives de
développement, Rapport final, 2008
ARENE Île-de-France, Mémento sur les services de mobilité, 2008
Commissariat Général au Développement Durable, La mobilité des français, panorama
issu de l’enquête nationale transports et déplacements 2008, Collection « La Revue » du
Service de l’Observation et des Statistiques du Commissariat Général au Développement
Durable, 2010
Commissariat Général au Développement Durable, Repères, Chiffres clés du climat,
France et Monde, Service de l’Observation et des Statistiques du Commissariat Général au
Développement Durable, édition 2010
Ministère de l’Écologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement,
Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, Schéma National des
Infrastructures de transports, avant-projet consolidé, janvier 2011
95
V. Kaufmann, C. Jemelin, La motilité, une forme de capital permettant d’éviter les
irréversibilités socio-spatiales ?, École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Laboratoire de
sociologie urbaine, 2004
Travaux universitaires :
P. Bouillet, Rapport de stage professionnel, mobilité durable dans le 13ème arrondissement,
2010
P. Bouillet, Cas d’études, mobilité durable dans le 13ème arrondissement, 2010
Sites internet :
ADEME, Agence De l’Environnement et le Maîtrise de l’Énergie : www.ademe.fr
ARENE, Agence Régionale de l’Environnement et des Nouvelles Énergies :
www.areneidf.org
ADEME, Agence De l’Environnement et le Maîtrise de l’Énergie, et CERTU, Centre
d’Études sur les Réseaux, les Transports, l’Urbanisme et les constructions publiques, site
thématique sur les plans de déplacements : www.plan-deplacements.fr
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Tables des matières
SOMMAIRE ................................................................................................................................ 6
Introduction ............................................................................................................................. 1
Chapitre 1 : La naissance du concept de mobilité et son application
au domaine des transports : la « mobilité durable » .......................................... 5
Section 1 : Des transports à la mobilité : l’émergence d’un nouveau concept .. 5
A. L’émergence du concept de mobilité dans les sciences sociales : une considération
tardive de l’espace .................................................................................................................................................... 6 B. L’histoire des transports, un tremplin pour une histoire de la mobilité ? ....................... 8 C. Discussion autour de la définition du concept de mobilité .................................................. 10
Section 2 : La mobilité et le développement durable : une articulation récente
et complexe entre ces deux concepts ........................................................................................ 12
A. Définition du terme de « mobilité durable » .............................................................................. 12 B. Les enjeux d’une mobilité durable .................................................................................................. 15
Chapitre 2 : L’approche de la mobilité par les usages : pertinence de
l’action et modalités de l’accompagnement au changement ...................... 21
Section 1 : La mobilité comme attribut, un moyen d’appréhender les usages 21
A. L’identification d’un nouveau capital : la motilité ................................................................... 21 B. Le processus d’apprentissage de la mobilité et la répartition de la motilité, capital de
mobilité ...................................................................................................................................................................... 25
Section 2 : L’identification de principaux freins au changement d’usages et
éléments de solutions ....................................................................................................................... 27
A. Le manque de compétences, un frein à l’accès à la mobilité : comment apprendre la
mobilité ? ................................................................................................................................................................... 28 B. Le manque de connaissances, un frein au report modal : comment faire évoluer les
pratiques de mobilité ? ........................................................................................................................................ 30
97
C. Le manque de moyens, un frein à la réalisation du changement : comment permettre
le changement ? ...................................................................................................................................................... 33
Chapitre 3 : L’accompagnement au changement dans les pratiques
de mobilité : établissement d’une typologie des acteurs et logiques
d’action et identification des caractéristiques de cette action ................. 36
Section 1 : De nouveaux acteurs ou des nouvelles modalités d’action pour
accompagner le changement ......................................................................................................... 36
A. Des acteurs « classiques » : la mise en œuvre de solutions innovantes pour
permettre le changement ................................................................................................................................... 37 1. Les ateliers mobilité de la RATP (Régie Autonome des Transports Parisiens) ....................... 37 2. Le conseil en mobilité et les prestations de sensibilisation/formation de Voiture&Co ...... 39
B. Le partage par le réseau : la mise en commun de connaissances pour permettre le
changement .............................................................................................................................................................. 44 C. La collaboration institutionnalisée entre différents acteurs : la mise en commun de
moyens pour permettre le changement ...................................................................................................... 46
Section 2 : Les caractéristiques de l’action pour accompagner le changement
dans les pratiques de mobilité ...................................................................................................... 48
A. La mutualisation et le partage d’expériences : pertinence de la mise en commun au
niveau d’un territoire ........................................................................................................................................... 48 B. La construction de l’action et les enjeux partagés de mobilité durable : construction
d’un territoire d’action et légitimité du processus .................................................................................. 50 C. Complexité de l’action en termes de mobilité durable : la nécessité d’une approche
globale, multidisciplinaire et cohérente ...................................................................................................... 52
Conclusion .............................................................................................................................. 55
Annexes .................................................................................................................................... 58
Bibliographie ........................................................................................................................ 94
Résumé du mémoire :
Ce mémoire traite de l’articulation entre la mobilité et le développement durable dans les
espaces urbains et, dans une moindre mesure, périurbains. Il cherche à démontrer qu’il est
possible d’aller vers une mobilité plus durable en agissant sur les pratiques de mobilité, en
rendant possible un changement dans les usages. Il vise également à déterminer quels sont les
types d’acteurs qui s’attachent à permettre ce changement, par quels moyens et quelles sont
les éventuelles difficultés qu’ils rencontrent.
Pour cela, le raisonnement suivi part d’une étude théorique du concept de mobilité et de la
façon dont il peut s’accorder, en dépit d’apparentes contradictions, avec les principes du
développement durable. De cette étude ressortent de nouvelles dimensions de capital de
mobilité et d’apprentissage des pratiques qui induisent une nouvelle réflexion sur ces usages
et permettent l’identification de freins au changement. Par la suite, une étude de quelques
acteurs et de leurs initiatives exemplaires et innovantes pour accompagner le changement fait
ressortir de nouvelles caractéristiques d’action. Une série de difficultés peut aussi être
identifiée, principalement dues au caractère innovant de ces actions, à de nouveaux modes de
collaboration entre acteurs et à un délaissement de la thématique des pratiques de mobilité par
les pouvoirs publics.
Mots clés : mobilité ; développement durable ; usages ; changement ; déplacements ;
report modal