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Rechercher sur le site: Recherche Home | Publier un mémoire | Une page au hasard Approche pragmatique du discours argumentatif selon Jacques Moeschler par Azedine BENJELLOUL Université Ibn Toufail Kenitra - Licence option linguistique 2006 Dans la categorie: Arts, Philosophie et Sociologie > Philosophie 0 Télécharger le fichier original Disponible en mode multipage UNIVERSITE IBN TOUFAIL FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES KENITRA Département de langue et de littérature françaises Mémoire de licence es lettres Option : linguistique APPROCHE PRAGMATIQUE DU DISCOURS ARGUMENTATIF Selon Jacques MOESCHLER Etude analytique et pratique de l'argumentation conversationnelle Mémoire préparé par : Azedine BENJELLOUL Sous la direction de : Mr. Ali LAMNAOUAR Année universitaire : 2005 - 2006 Remerciements Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont aidé à réaliser ce mémoire. Mes sentiments de gratitude vont tout particulièrement à mon professeur Mr. Ali LAMNOUAR qui orienté méthodiquement mon travail : ses remarques et suggestions m'ont permis d'en améliorer la forme et le contenu. Je tiens cependant à signaler que toute erreur reste mienne. J'adresse, encore, mes remerciement à l'Institut Royale de la Culture Amazighe (IRCAM) - Rabat qui m'a fourni des opportunités indéniables pour me documenter Enfin, je remercie respectueusement tout le cadre professoral du Département de PUB Achetez de l'or en Suisse en ligne avec Bullion Vault 116k J’aim e J’aim e 27 J’aim e J’aim e redvertisment perform

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Approche pragmatique du discours argumentatif selonJacques Moeschlerpar Azedine BENJELLOUL Université Ibn Toufail Kenitra - Licence option linguistique 2006

Dans la categorie: Arts, Philosophie et Sociologie > Philosophie 0 Télécharger le fichier original

Disponible en modemultipage

UNIVERSITE IBN TOUFAIL

FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES HUMAINES

KENITRA

Département de langue et delittérature françaises

Mémoire de licence es lettres

Option : linguistique

APPROCHE PRAGMATIQUE

DU DISCOURS ARGUMENTATIF

Selon Jacques MOESCHLER

Etude analytique et pratique

de l'argumentation conversationnelle

Mémoire préparé par : Azedine BENJELLOUL

Sous la direction de : Mr. Ali LAMNAOUAR

Année universitaire : 2005 - 2006

Remerciements

Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont aidé à réaliser ce mémoire. Messentiments de gratitude vont tout particulièrement à mon professeur Mr. AliLAMNOUAR qui orienté méthodiquement mon travail : ses remarques etsuggestions m'ont permis d'en améliorer la forme et le contenu. Je tienscependant à signaler que toute erreur reste mienne.

J'adresse, encore, mes remerciement à l'Institut Royale de la Culture Amazighe(IRCAM) - Rabat qui m'a fourni des opportunités indéniables pour medocumenter

Enfin, je remercie respectueusement tout le cadre professoral du Département de

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Langue et de Littérature Françaises de la Faculté des Lettres et des SciencesHumaines de Kenitra.

Dédicace

Je dédie ce travail :

Aux êtres les plus chers de ma vie.

A l'amour de ma mère

A l'amour de mon père.

A l'âme de ma soeur : Fatima BENJELLOUL.

Enfin je dédie ce mémoire à mes frères : Bouchta, Driss, Kacem et à messoeurs : Daouia et Fatiha

et à tous mes amis.

TABLE DE MATIERES

Introduction - 5 -

1. Les objectifs - 7 -

2. Les domaines - 7 -

2. 1. Interaction, discours, conversation - 7 -

2. 2. L'analyse pragmatique du discours - 8 -

La pragmatique linguistique - 10 -

1. Présentation des composantes linguistiques - 10 -

1. 1. La pragmatique : - 11 -

2. Conceptions pragmatiques - 12 -

2. 1. L'acte illocutoire - 12 -

2. 2. L'implicite et l'explicite - 16 -

Pragmatique et argumentation - 28 -

1. La notion de l'argumentation - 28 -

1. 1. Relation argumentative - 29 -

2. L'acte de l'argumentation - 31 -

2. 1. Opérateurs et connecteurs argumentatifs et topoï - 36 -

Pragmatique et conversation - 45 -

1. Le modèle dynamique de la conversation (M') - 45 -

1. 1. Modèle dynamique et modèle statique - 46 -

2. Les contraintes conversationnelles - 50 -

2. 1. Les contraintes interactionnelles - 51 -

2. 2. Les contraintes structurelles - 51 -

2. 3. Les contraintes d'enchaînement - 53 -

Conclusion - 57 -

Annexes - 59 -

Glossaire - 60 -

Bibliographie - 64 -

« Il y a pragmatique linguistique si l'on considère que l'utilisation du langage, sonappropriation par un énonciateur s'adressant à un allocutaire dans un contextedéterminé, ne s'ajoute pas de l'extérieur à un énoncé en droit autosuffisant, mais

que la structure du langage est radicalement conditionné par le fait qu'il estmobilisé par des énonciations singulières et produit un certain effet à l'intérieurd'un certain contexte, verbal ou non verbal. »1(*)

Dominique MAIGUENEAU

Introduction

La pragmatique constitue une préoccupation linguistique fort ancienne. Fairerecours à l'histoire de la linguistique permet de mettre à jour cette questiond'ancienneté. En effet, dès l'émergence en Grèce d'une pensée linguistique, on a vunaître un grand intérêt à tout ce qui touche à L'efficacité du discours en situation, lesmultiples débats autour la rhétorique, l'étude de la force persuasive du discours,furent l'une des principales illustrations de ce grand intérêt porté au discours. Cetteétude s'inscrit pleinement dans le domaine investi aujourd'hui par la pragmatique.L'histoire même de la réflexion européenne sur le langage nous renseigne que chezles logiciens du Port-Royal, à côté du développement proprement logique desphénomènes langagiers, se glissaient des considérations d'ordre purementpragmatique. Dans le même ordre d'idée, « les logiciens du Port-Royals'interrogent sur l'énigmatique pouvoir qu'a la simple énonciation de laformule « hoc est corpus meum (en latin)» (Ceci est mon corps) de transformerréellement, pour le fidèle, le pain en corps de Christ »2(*).Une telle interrogation apoussé les logiciens du Port-Royal à tenter de séparer le contenu prépositionnel del' énoncé de ce qu'on appellera plus tard sa «force illocutoire ».Il s'agissait toutsimplement de prendre en considération la complexité de « l'usage » de la langue.

Quand à la grammaire, et malgré la tradition de ne s'intéresser qu'à l'aspectnettement morphosyntaxique, dans son étude, elle n'avait pas manqué de prendreen considération un grand nombre de phénomènes langagiers évoqués à présentpar la pragmatique. Car sans la prise en compte de l'activité énonciative, l'étudegrammaticale du mode, du temps et des interjections à titre d'exemple, resteraincomplète et sans grande signification.

Donc, la pragmatique a marqué les différentes étapes de l'histoire de la réflexionlinguistique, dès les grecques jusqu'à nos jours. Ce qui permet de la qualifier depréoccupation fort ancienne. Mais la délimitation de la pragmatique commedomaine spécifique de l'étude du langage ne s'est opérée qu'au XXème siècle, etc'est à un philosophe et sémioticien qu'on a attribué communément cettedélimitation et non à un linguiste. Il s'agit de l'américain C. Morris (Foundations ofthe theory of signs 1938), fondateur d'une théorie générale de la «sémiosis », de lasignification.

Alors que faut-il entendre par réflexion pragmatique ?

Quels sont les domaines investis par une telle réflexion ?

Qu'est-ce qu'elle a pu apporter à la réflexion linguistique ?

S'agit-il d'une simple composante parmi d'autres de la linguistique à côté de lasyntaxe et de la sémantique ou d'une réflexion qu'on peut distribuer sur l'ensemblede l'espace linguistique ?

Quelle relation existe-t-elle entre pragmatique et argumentation, pragmatique etconversation, argumentation et conversation ?

Vis-à-vis de l'importance d'un tel sujet et les situations complexes dans lesquellesce nombre considérable de questions met tout linguiste, plusieurs écoleslinguistiques, telle que l'école de Genève, l'école de Paris et bien d'autres, ontabordé le sujet de la pragmatique avec tant de profondeur et de richesse. Et fautede temps et d'espace, j'aborderai ce sujet en se limitant aux travaux de l'école deGenève, et plus précisément, je me fierai aux recherches du linguiste suisseJacques Moeschler qui a travaillé sur cette problématique, et y travaille encore.Choix lié non seulement à la fiabilité des résultats et conclusions auxquels il a puaboutir, mais aussi à sa singulière démarche méthodologique et l'intérêt qu'il a pourl'aspect empirique comme l'aspect théorique dans toutes ses études enlinguistique.

1. Les objectifs

Le présent travail se donne un but double. D'abord, présenter de manièreaccessible quelques recherches regroupées autour les notions de pragmatique,

d'argumentation et de conversation. Les références choisies par Moeschler, dupoint de vue duquel, je traiterai mon sujet, sont essentiellement inspirées destravaux des philosophes du langage ( Austin 1970, Searle 1972, Grice 1979 ),d'Anscombre & Ducrot (1983), et de Moeschler (1982). En second lieu, présenterles bases d'un modèle d'analyse de discours (ou de la conversation) simple etsuffisamment élaboré pour interroger les faits du discours.

Mais avant d'entamer notre recherche, il faut signaler qu'une précision desdomaines de toute étude s'avère nécessaire. Pour ce faire, dans un premier temps,une délimitation du champ d'application des termes interaction, discours etconversation s'impose. En second lieu, il faut démarquer le type de rechercheenvisagé en parlant d'analyse pragmatique du discours.

2. Les domaines

2. 1. Interaction, discours, conversation

Même s'ils recouvrent des ensembles de faits non nécessairement coextensifs, cestrois concepts se recoupent néanmoins partiellement. En effet, toute conversationest une interaction (verbale), mais l'inverse est faux. Car l'interaction non verbale nerelève pas de la conversation. De même certains discours sont conversationnels ets'inscrivent, par la suite, dans une interaction. Mais tout discours n'est pasconversationnel. Donc, il est à signaler que c'est le discours conversationnel quifera l'objet de cette étude et qui s'inscrit dans le cadre de l'interaction verbale.

Il est à noter aussi que toute interaction verbale réalisée au cours d'uneconversation, définit un cadre de coaction et d'argumentation et c'est à l'analyseconversationnelle de discours de mettre en évidence ces coactions etargumentations intervenant dans telles interactions.

Selon Moeschler, une conversation, par définition, suppose au moins deuxparticipants, et en plus une ou plusieurs contributions de ceux-ci3(*).

2. 2. L'analyse pragmatique du discours

Comme les termes "analyse de discours" et "analyse conversationnel" ont reçu dessignifications précises et ont été associés à des écoles et des problématiques bienspécifiques, Moeschler a choisi de ne pas utiliser ces concepts. Il propose leconcept de l'analyse pragmatique du discours.

Alors que faut-il entendre par analyse pragmatique de discours ?

Pour le linguiste français, Dominique Maingueneau dont les travaux s'inscriventaussi dans le cadre de l'école de Genève, il s'agit d'un effort de repenser la coupureentre la structure grammaticale et son utilisation4(*). Moeschler définit ce domainecomme la constitution d'une réflexion sur et à partir de la conversation en fonctionde recherches provenant essentiellement de trois domaines distincts :

1. La pragmatique et ses dérivés : la problématique des actes de langage et del'implicite linguistique.

2. La problématique de l'argumentation dans la langue.

3. L'analyse du discours au sens hiérarchique et fonctionnel.

En ce qui concerne notre étude, on ne s'arrêtera que sur les deux premiersdomaines :

1. La pragmatique linguistique, issue des travaux de la philosophie analytique surles actes de langage (Austin 1970, Searle 1972) et des normes conversationnelles(Grice 1979), s'est intéressée essentiellement à trois domaines de recherche :

a) A une étude des différents actes de langage (qualifiésd 'actes illocutoires depuis Austin 1970) et de leursconditions d'emploi.

b) A une étude des différents moyens linguistiques dontdisposent les locuteurs pour communiquer l'acte de langage.Il est question ici de s'intéresser à la problématiqueImplicite/Explicite : Il s'agit des conditions définissantl'appropriété contextuelle des actes de langage.

c) A une étude des enchaînements des actes de langage

dans le discours en général et la conversation en particulier.Il est question ici des conditions définissant l'appropriétécotextuelle des actes de langage.

2. La théorie de l'argumentation, développée par Anscombre & Ducrot s'estconsacrée à l'étude des opérateurs et connecteurs argumentatifs (commepresque, puisque, même, mais, etc.)

Il apparaît dès lors qu'une analyse pragmatique du discours authentique interrogeune conversation à partir des questions suivantes :

1. Quels sont les types de l'acte de langage réalisés dans une conversation ?Comment sont-ils organisés ?

2. Quels sont les actes d'argumentation réalisés dans une conversation ? Commentsont-ils organisés ?

3. Quel rôle joue l'implicite argumentatif dans la compréhension des enchaînementsdiscursifs ?

Chapitre I

La pragmatique linguistique

Notre ambition dans ce premier chapitre est de présenter l'objet de la pragmatiquepar rapport aux autres composantes de la linguistique (la syntaxe et la sémantique)e t la problématique de l'implicite, aspect de la pragmatique qui concerne enpremier lieu le rapport entre sens littéral et sens impliqué par un énoncé, et ensecond lieu la différence entre la nature conventionnelle (linguistique) etconversationnelle (non linguistique) de l'implicite.

1. Présentation des composantes linguistiques

Dans le cadre d'une théorie générale de la « sémiosis » de la signification, C.Morris divise l'appréhension de tout langage (formel ou naturel) en trois domaines :

1. La syntaxe

2. la sémantique

3. La pragmatique

Qui correspondent aux trois relations fondamentales qu'entretiennent les signes :avec d'autres signes (syntaxe), avec ce qu'ils désignent (sémantique), avec leursutilisateurs (pragmatique)5(*).

Selon Maingueneau, la pensée de Morris n'est pas univoque. Il semble hésiter entrel'idée que la composante pragmatique traverse la composante sémantique et l'idéequ'elle s'occupe seulement d'un nombre de considérations d'ordre psycho-sociolinguistique laissées pour compte par la syntaxe et la sémantique. Mais c'estla version de la tripartition de Morris qui a été retenue. Et par la suite, lapragmatique est conçue en tant que discipline annexe qui s'intéresse à ce que lesusagers font avec les énoncés, alors que la sémantique traite leur contenureprésentatif, identifié à leurs conditions de vérité.

Donc, il est à considérer que tout système de signes (toute sémiotique) peut êtreappréhendé selon ces trois points de vue : la syntaxe, la sémantique et lapragmatique. Dans le présent travail, je ne m'arrêterai que sur le troisième point devue :

1. 1. La pragmatique :

La pragmatique linguistique est l'étude du sens des énoncés en contexte. Son objetest de décrire non plus la signification de la proposition (sémantique) mais lafonction de l'acte de langage réalisé par l'énoncé. L'unité pragmatique minimale estl'acte de langage, les autres unités sont l'intervention (unité monologique maximale)et l'échange (unité dialogique minimale). Si la sémantique définit le sens d'uneproposition en terme de ses conditions de vérité, la pragmatique, par contre, donne

une image du sens centrée non plus sur la fonction représentationnelle du langage,mais sur sa fonction énonciative, et ce en définissant ce sens par sa fonctioncommunicative, du fait que l'acte de langage est un acte de nature particulière quiest l'acte d'énonciation.

Par acte d'énonciation, on entend la réalisation d'une action de nature linguistiqueliée à l'événement historique qu'est l'énonciation (cf. Benveniste 1974 ), dont lerésultat est le produit linguistique énoncé.

Quelques propriétés de l'acte de langage :

- Il consiste en la réalisation d'une action telleque : ordre, promesse, requête, question,avertissement, conseil, etc.

- Il est un acte intentionnel.

- Il est un acte conventionnel du fait qu'il doitsatisfaire des conditions d'emploi.

- Il est de nature contextuelle et cotextuelle : il doitsatisfaire un certain nombre de conditionsdéterminant dans quelle mesure il est appropriéau contexte et le degré de son approprieté dansl'ensemble du discours ou de la conversation (cotexte ).

Donc, la notion de conditions d'emploi et d'approprieté con-cotextuelle est la notionclé de la pragmatique et elle est bien différente de la notion de conditions de vérité .

2. Conceptions pragmatiques

2. 1. L'acte illocutoire

La notion de performativité, en tant qu'elle permet de distinguer deux grands typesd'énoncés, les énoncés performatifs et les énoncés constatifs semble être unenotion à la fois opératoire au plan descriptif et théoriquement consistante. Mais elleperd de sa consistance à l'examen de quelques faits linguistiques et pragmatiques.

Exemple de ces faits :

(1) Je t'ordonne de te taire.

(2) Je t'ordonne souvent de te taire.

Commentaire : l'énoncé performatif (1) perd sa performativité par l'adjonction del'adverbe souvent (modificateur) en (2).

Donc, il ressort que l'opposition entre énoncé performatif et énoncé constatif n'estpas consistante. Cependant, ces énoncés ayant des propriétés inférentielles etformelles identiques, ils constituent des types particuliers d'acte de langagequ'Austin (1970) qualifiera d'actes illocutoires. Et par la suite, l'assertion (énoncéconstatif) ne serait qu'un cas particulier d'acte illocutoire tout comme la promesse,l'ordre, le baptême, etc.

L'acte illocutoire peut être défini selon trois critères essentiels :

a) son rapport à d'autres actes (locutoires et perlocutoires).

b) sa structure interne ou sémantique.

c) ses conditions d'emploi.

Même si elle décrit l'acte réalisé en disant quelque chose (in saying), la notion del'acte illocutoire ne désigne pas pour autant tous les aspects actionnels del'énoncé. « En quoi dire quelque chose revient-il à faire quelque chose ? », à cettequestion, Austin répond en distinguant des actes locutoires et perlocutoires.

L'acte locutoire consiste simultanément en l'acte de prononcer certains sons (actephonétique), certains mots et certaines suites grammaticales (acte phatique) etenfin certaines expressions pourvues d'un sens et d'une référence (acte rhétique).

L'acte perlocutoire consiste en la production de certains effets sur l'auditoire , sessentiments ou ses actions .(l'acte d'effrayer , de mettre en colère).

En énonçant par exemple :

Hamas a remporté les élections législatives en Palestine.

Le locuteur réalise un acte locutoire (production de certains sons , une suitegrammaticale et réfère à une organisation « Hamas » ), un acte illocutoire(d'information) et un acte perlocutoire (création d'émotions chez l'interlocuteur).

Moeschler utilise une notation spécifique pour décrire la structure interne ousémantique de l'acte illocutoire .

Exemple :

1) Driss boit de l'eau .

2) Driss boit-il de l'eau ?

Dans ces deux énoncés le locuteur réfère à un même individu (« Driss ») et luiattribue (prédique) une même propriété (« Boire de l'eau »). Les actes deréférence et de prédication constituent l'acte propositionnel (p) qui, à son tour,s'associe à la force illocutoire (F) pour constituer l'acte de langage F (p). D'où lesdeux énoncés précédents seront successivement notés comme suit :

ASSERTION (DRISS BOIRE DE L'EAU)

QUESTION (DRISS BOIRE DE L'EAU)6(*)

Reste à définir les conditions d'emploi d'un acte illocutoire. Par conditions d'emploion entend les conditions que doit satisfaire un acte de langage pour être appropriéau contexte de l'énonciation. Austin définit ces conditions comme autant desconditions de réussite de l'acte, tandis que Searle les définit comme les conditionsde satisfaction, liées à des règles sur l'accomplissement sincère des énonciations.Il distingue quatre types de conditions :

a) Une condition de contenu propositionnel indiquant la nature du contenu de l'acte :une simple proposition (assertion), une fonction propositionnelle (questionformulée), une action du locuteur (promesse) ou de l'interlocuteur (ordre, requête).

b) Une ou des conditions préliminaires définissant le savoir ou la croyance dulocuteur concernant les capacités, intérêts, intentions de l'interlocuteur, ainsi que lanature des rapports entre interlocuteur. Par exemple l'ordre requiert la croyance dulocuteur que l'interlocuteur est capable de réaliser l'action demandée.

c) Une condition de sincérité indiquant l'état psychologique du locuteur :

Asserter -- (Implique) la croyance

Ordonner -- le désir

Permettre -- l'intention

d) Une condition essentielle spécifiant le type d'obligation contractée par le locuteurou l'interlocuteur par l'énonciation de l'acte en question.

Bien que ces conditions ne relèvent pas immédiatement de la linguistique, ellespermettent néanmoins de formuler une classification des actes de langage, baséesur un certain nombre de critères :

1. Le but illocutoire qui correspond à la condition essentielle.

2. La direction d'ajustement mots-monde (critèrenouveau)qui détermine le rapport qu'introduit l'acte illocutoireentre l'état de chose (passé, présent ou futur )et les mots ledésignant. Dans le cas d'une promesse, par exemple, c'estle monde qui s'ajuste aux mots, on aura donc la direction :

monde -- mots

3. L'état psychologique correspondant à la condition desincérité.

4. Le contenu propositionnel correspondant à la condition decontenu propositionnel.

Ces quatre critères permettent de distinguer cinq grands types d'actes illocutoires :

a. Actes représentatifs : Assertion, information.

b. Actes directifs : Ordre, requête, question,permission.

c. Actes commissifs : Promesse, offre.

d. Actes expressifs : Félicitations, excuses,remerciement, plainte, salutation

e. Actes déclaratifs : Déclaration, condamnation,baptême.

Selon Searle, la propriété principale de l'acte illocutoire est sa capacité àtransformer les droits et obligations des interlocuteurs. Par rapport aux autres typesd'actes intervenant dans la vie sociale, l'acte illocutoire est un acte très complexe, ilcomporte à la fois des aspects intentionnels, conventionnels et institutionnels.L'aspect intentionnel est lié aux contraintes qu'il impose sur son interprétation(nécessité de reconnaître l'intention illocutoire du locuteur).

L'aspect conventionnel est lié d'une part aux conditions d'emploi et d'autre part auxtypes d'actes inférables. Quant au troisième aspect, dire que l'acte illocutoire est unacte institutionnel revient à dire que les transformations qu'il produit (et qu'il produiten les communiquant) sont le fait du respect ou de la violation des normes. Lesnormes ici prennent la forme d'un ensemble de droits et d'obligations et non pas unensemble de règles langagières. Donc, selon Ducrot (1972), l'acte illocutoireproduit des transformations portant sur les droits et les obligations desinterlocuteurs. L'obligation de répondre dans le cas de la question, l'obligation deréaliser l'action demandée dans le cas de l'ordre, etc.. Ces obligations sontimposées en tant que normes du fait qu'elles sont soumises au respect comme à laviolation. Et par la suite, la non soumission de l'interlocuteur aux obligationsillocutoires correspond à une violation des normes institutionnelles et non pas à unenon-satisfaction des règles constitutives de l'acte illocutoire.

2. 2. L'implicite et l'explicite

La nature intentionnelle et conventionnelle de l'acte illocutoire laisse penser quel'intention liée à l'énonciation est toujours présentée ouvertement et le mode deréalisation de l'acte de langage se fait toujours via des processus conventionnels.Or, cette intention, comme chacun peut l'observer n'est jamais complètementaccessible, et que la reconnaissance du sens illocutoire d'une énonciation se faitsouvent à travers des moyens déterminés par des facteurs non linguistiques,comme le contexte, les états de croyance supposés, etc.. Donc, derrière leproblème de l'acte illocutoire, se posent trois grands types de problèmes, tous liésà l'intrusion de l'implicite dans la communication verbale :

§ Le problème des différents types de l'implicite ;

§ Les différents modes de réalisation explicite et implicite des actes de langage ;

§ La nature du mécanisme inférentiel reliant la valeur littérale et la valeur implicite ;

2. 2. 1. Les différents types de l'implicite

L'interprétation d'un énoncé a pour objectif de rendre compte non seulement de sonsens littéral, mais aussi des sens implicites possibles. Pour ce faire, on distinguetout d'abord deux critères de classification des implicites :

a) leur nature (sémantique vs pragmatique)

b) leur fonction discursive (objet de discours vs non-objet de discours)

a) Implicite sémantique et implicite pragmatique

Bien que la frontière entre phénomènes purement sémantiques et phénomènespragmatiques soit relativement floue, on dira qu'un implicite sémantique est leproduit du seul matériel linguistique, alors que les implicites pragmatiques sont liésà des règles ou normes discursives (principes permettant le décodage del'implicite).

Examinons les exemples suivants :

(1) Driss a visité toutes les villes Marocaines

(1') « Driss a visité quelques villes Marocaines »

(2) La voie express rive gauche est ouverte

(2') « La voie express rive droite est fermée »

(1) donne lieu à un implicite sémantique : c'est de sa seule structure sémantiquequ'on peut tirer l'information liée à cet énoncé. Il s'agit ici d'une implication logiqueliée aux propriétés logiques du quantificateur universel tout (impliquant logiquementle quantificateur existentiel (quelque). D'autres implicites sémantiques peuventavoir lieu comme :

- Les implications sémantiques :

Exemple : Etre célibataire implique non marié

- Les présuppositions :

Prenons l'exemple suivant qui a été longtemps débattu et que Ali LAMNOUAR7(*) lecommente comme suit :

« (6)8(*) Pierre a cessé de fumer

Si l'on veut faire une étude sémantique exhaustive de cette phrase, on est censéexaminé non seulement le contenu posé :

p : « Pierre ne fume plus actuellement », mais aussi le contenu présupposé :

pp : « Pierre fumait auparavant ».

Cette caractéristique doit être, à nos yeux, prise en considération par la théoriesémantique.

[...] imaginons une phrase qui se base sur les valeurs de vérité pour déterminer laprésupposition de (6 ), on serait amené à affirmer que quand on a (6), on obtientsystématiquement (7) :

(7) : La proposition « Pierre fumait auparavant » est vraie.

Mais cet état de chose nous semble contestable, car il n'est pas exclu que (dans laréalité) « Pierre n'ait jamais fumé auparavant ». Et pour que (7) puisse bénéficierd'une certaine authenticité, il faudrait prendre le soin d'appliquer la valeur de véritéaux X1 : « Je » et X2 : « vous » de l'hyper-phrase qui englobe (6) en structureprofonde. A ce moment là, on peut avancer le postulat suivant :

La phrase (6) ne peut être prononcée de façon adéquate que si X1 (qui l'émet)pense que (7) et que X2 (qui la reçoit) est contraint d'admettre que pour X1 (7).D'où l'avantage du recours à l'hyper-phrase. Cette dernière qui souligne aussiqu'une théorie de présupposition passe inévitablement par une prise en charge defacteurs pragmatiques. »9(*)

En (2), on a affaire à un implicite pragmatique dans la mesure où le contenuimplicite est déterminé par une loi de discours (loi d'exhaustivité chez Ducrot 1972ou maxime de quantité chez Grice 1979) et non par le sens des constituants del'assertion (2). la dite loi de discours indique que toute l'information pertinente doitêtre donnée. Ce qui nous mène à dire que si la voie express rive droite n'est pasouverte, c'est que celle-ci est encore fermée.

Selon Moeschler : « L'implicite pragmatique ou implicitation, correspond à toutmouvement d'inférence autorisé de par les propriétés de l'énoncé, du contexte etdes lois de discours. »10(*)

b) Implicite discursif

La fonction discursive des implicites (objets de discours vs non-objets de discours)est le deuxième critère de classification qui nous permettra de préciser le typed'implicite qui nous intéresse dans la problématique de l'illocutoire. Il est entendudire par fonction discursive de l'implicite sa fonction d'objet intentionnel ou d'objetnon-intentionnel dans le discours.

Examinons ces exemples empruntés à Moeschler11(*):

(1) Situation : L énonce devant ses invités en baillant :

Il est déjà minuit

(1') « Il est temps que vous partiez »

Le locuteur réalise implicitement un acte requête (1') par l'intermédiaire d'un acted'assertion (1) : il s'agit ici d'un implicite d'illocutoire.

(2) Situation : L a fait la queue pendant dix minutes à un guichet de poste et sevoit renvoyé au guichet 9 .Il répond à la postière :

Je vous remercie, vous êtes très aimable.

(2') « Vous auriez pu le dire plus tôt, vous êtes tout sauf sympathique. »

Ici le locuteur veut dire l'inverse de ce qu'il énonce, il s'agit tout simplement d'unimplicite d'ironie.

(3) Ce livre est un peu difficile.

(3') « Ce livre est difficile. »

Le locuteur place le contenu exprimé sur un degré hiérarchiquement supérieur (ouinférieur) dans l'échelle de gradation par rapport à celui présenté à l'énoncé source(3), il s'agit cette fois d'un implicite de gradation.

Les trois exemples précédents permettent donc, d'illustrer trois types d'implicite :

- Un implicite d'illocutoire qui permet aulocuteur de réaliser un acte implicitement à l'aided'un autre acte.

- Un implicite d'ironie, dont la valeur est l'inversedu contenu asserté dans l'énoncé source.

- Un implicite de gradation, nécessitant deplacer le contenu exprimé sur un degréhiérarchiquement supérieur (ou inférieur) dansl'échelle de gradation par rapport à celuiprésenté à l'énoncé source.

Ducrot (1972) qualifie ces implicites de sous-entendus ou d'implicitesdiscursifs.

Le sous-entendu possède trois propriétés :

1. Il n'est déclenché que par le contexte dans lequel l'énoncé apparaît.

2. Il permet au locuteur de dire et de ne pas dire, c'est-à-dire de donner àentendre tout en se protégeant derrière le paravent du sens littéral.

3. Il nécessite, pour être décodé, un calcul/un raisonnement de la part del'interlocuteur, raisonnement que Moeschler schématise comme suit : « X m'a dit p.Or si X a dit p, c'est qu'il voulait dire q. X m'a donc dit q. »12(*)

Le schéma suivant résume le présent paragraphe13(*) :

Sémantique (1)

Implication

Sémantique Logique (2)

Présupposition (3)

Implicite

Implication (4)

Implication conversationnelle

Pragmatique

Sous-entendu (5)

(1)Driss est célibataire.

« Driss n'est pas marié »

(2)Driss a visité toutes les villes du Maroc.

« Driss a visité quelques villes du Maroc »

(3) Driss a cessé de fumer.

« Auparavant, Driss fumait»

(4) La voie express rive gauche est ouverte.

« La voie express rive droite est fermée »

(5) Situation : L énonce devant ses invités en baillant :

Il est déjà minuit.

« Il est temps que vous partiez »

2. 2. 2. Les différents modes de réalisation

Le fait qu'un sous-entendu est un certain type d'implicitation conversationnelle, etque le langage a à sa disposition d'autres modes d'implicitation, rend la distinctionparmi les implicites pragmatiques les sous-entendus des implicitationsconversationnelles insuffisante. Moeschler considère que la valeur (illocutoire) d'unénoncé peut être communiquée ou explicitement ou implicitement, implicitement defaçon conventionnelle ou conversationnelle, conversationnellement de manière ougénéralisée ou particulière. Il résume ses propos à l'aide du schéma14(*) :

Valeur illocutoire communiquée

Explicitement (1) Implicitement

Implicitation conventionnelle (2) Implicitation conversationnelle

Généralisée (3) Particulière (4)

(1) Je te prie de me passer le sel.

(2) Peux-tu me passer le sel, s'il te plait ?

(3) Peux-tu me passer le sel ?

(4)La soupe manque de sel.15(*)

2. 2. 3. Nature du mécanisme inférentiel

Après avoir cerner en quelque sorte la problématique du type d'implicite, Moeschlertraite le problème de la nature du mécanisme inférentiel qui existe entre la valeurlittérale de l'énoncé et sa valeur dérivée ou implicite, tout en se référant à trois typed e théories qui cernent cette problématique; la théorie des maximesconversationnelles de Grice (1979), la théorie des actes de langage indirectsde Searle (1982) et la théorie de la dérivation illocutoire d'Anscambre (1977,1980 et 1981). Ces trois théories, selon Moeschler, ont comme point commun decentrer la problématique de l'implicite discursif sur celle des « conventions » enusage dans la langue (normes, règles, contraintes).

a) Les maximes conversationnelles

Pour décoder l'implicite, Grice suppose que l'interlocuteur effectue un calculinterprétatif de nature purement rationnelle. Pour lui, la rationalité du comportementconversationnel se traduit par deux hypothèses:

Hypothèse 1: les participants d'une conversation respectent un principe général decoopération(coopérative principale).Ce principe stipule que chaque participant doitcontribuer conversationnellement de manière à correspondre aux attentes desautres interlocuteurs, en fonction du stade de la conversation, du but et de ladirection de l'échange.

Hypothèse 2: chaque contribution d'un participant doit respecter les maximes ourègles suivantes :

- Maxime de quantité : que la contributioncontienne autant d'informations qu'il est requis,mais pas plus ;

- Maxime de qualité : que la contribution soitvéridique ;

- Maxime de relation : que la contribution soitpertinente (be relevant) ;

- Maxime de manière : que la contribution soitclaire (be perspicuous).

Une implicitation est déclenchée donc, par le fait rationnel d'utilisation des maximesci-dessus.

Examinons L'exemple :

(1) A : Je suis en panne d'essence .

B : Il y a un garage au coin de la rue .

Moeschler commente l'exemple (1) comme suit : « B est obligé de penser que Arespecte la maxime de relation et donc l'implicite que le garage est ouvert et que Ay trouvera de l'essence, car si non, sa contribution, bien que suffisant la maxime dequalité, serait inopportune ou inadéquate et donc en contradiction avec le principede coopération qu'il est censé respecter. »16(*)

b) Actes de langage indirects et postulats de conversation

Dans sa théorie, Searle exploite les mêmes principes explicatifs utilisés par lathéorie de Grice et s'intéresse d'avantage aux rapports qui existent entre la façonde réaliser un acte de langage indirectement et les conditions de satisfaction del'acte en question.

Pour illustrer ce point de vue searleen, Moeschler s'appuie sur les deux requêtesindirectes suivantes qui sont toutes deux en relation à la condition de préliminaire(3) et à la condition de sincérité des requêtes (4).

(1) Peux-tu descendre la poubelle ?

(2) J'aimerais que tu descendes la poubelle

(3) Conditions préliminaires de la requête :

L'interlocuteur I est en mesure d'effectuer l'action future A ; le locuteur L pense que Iest en mesure d'effectuer A.

(4) Conditions de sincérité :

L désire que I effectue A.

Searle propose la généralisation suivante : Pour réaliser une requête indirecte, ilsuffit d'asserter une condition de satisfaction du locuteur ou de mettre enquestion une condition de satisfaction de l'interlocuteur. Gordon et Lakoff ontrepris ce principe de généralisation en proposant de formuler des postulats de sens(meaning postulats), ces postulats sont formulés sous forme d'implication logique.

Exemple de ces postulats17(*) :

REQUETE (L, FAIRE (I, A)) ---- CAPACITE (I, FAIRE (I, A))

«Si le locuteur L fait une requête à son interlocuteur I de faire A, alors c'est que I a lacapacité de faire A.»

c) La dérivation illocutoire

En s'appuyant sur de l'énonciation de Ducrot, Anscambre a voulu que les notionsclés de sa théorie soient celles d'acte illocutoire dérivé (voir primitif), demarqueur de dérivation illocutoire et de loi de discours. Pour ce mode detraitement proposé par Anscambre, la présence de toute marque linguistique quidonne lieu à un acte indirect ou dérivé (marque qualifiée de marqueur de dérivationillocutoire) est considérée comme la trace d'une loi de discours. Ce point de vuepeut être illustré par l'exemple (1) :

(1) Peux-tu baisser le son de ta hifi ?

La loi de discours attachée au marqueur de dérivation pouvoir dans son emploi enacte dérivé (1) est la suivante :

(2) LD1 : « demander à quelqu'un s'il est capable de faire quelque chose , c'est luidemander de le faire . »

De la même façon, c'est par le recours à une loi de discours de type (4) que (3)

donne lieu à une implicitation à valeur de requête,

(3) La soupe manque de sel.

(4) LD2 : « Si X informe Y de l'état de fait de M et si M est désagréable à X, Xinterroge Y sur les possibilités qu'a Y de faire cesser M » (Anscambre 1981).

Moeschler formule cette loi en termes plus simples: « Toute mention d'un manqueest une demande de son arrêt. »18(*)

Ce qui distingue LD1 de LD2 c'est que seule la première a pu être intégrée dans lalangue par l'intermédiaire d'un marqueur de dérivation.

Dans le même sens, il est à considérer tout verbe performatif comme marqueur dedérivation et par la suite, la trace d'une loi de discours à dégager.

Chapitre II

Pragmatique et argumentation

Dans ce chapitre, je porterai intérêt, dans un premier temps aux phénomènesargumentatifs de nature linguistiques, sur lesquels ont travaillé pour longtempsAnscambre et Ducrot. Les phénomènes argumentatifs, dont il sera question ici, sonten nombre deux et concernent :

· Les marques argumentatives que sont les opérateurs et les connecteursargumentatifs.

· Les règles argumentatives permettant l'activité argumentative que sont lestopoï.

L'effet principale de la mise en place d'une théorie de l'argumentation estd'interroger la distinction entre sémantique (attachée à la fonctionreprésentationnelle du langage) et pragmatique (attachée à sa fonctioninstrumentale) que nous avons essayé d'établir au cours du chapitre précédant.

1. La notion de l'argumentation

Cerner la notion d'argumentation nécessite, selon Moeschler, d'opposerargumenter à prouver et déduire. Apporter des preuves ou fonctionner selon lesprincipes de la déduction logique ne présentent en aucun cas une caractéristiquedu discours argumentatif, ce qui veut dire qu'il est tout à fait différent de toutedémonstration ou déduction .En termes de Moeschler: « argumenter ne revient pasà démontrer la vérité d'une assertion, ni à indiquer le caractère logiquement valided'un raisonnement». Dans le cadre de la même idée, on présente l'exemple suivant,emprunté à Moeschler : « Si pour le commissaire de police Z, la présence del'arme de crime chez X est une preuve que X est l'assassin de Y , personne nepourra prendre au sérieux son accusation en(1) et dire qu'il a prouvé par là laculpabilité de X :

(1) On a retrouvé l'arme du crime chez X. X est donc coupable du meurtre de Y.

Par contre, dire qu'il argumenté semble être un compte-rendu plus correct. »19(*)

Enfin, l'une des caractéristiques fondamentales de l'argumentation qui la distinguenettement de la démonstration ou de la déduction est qu'elle (l'argumentation) estsoumise, à tout moment, à la réfutation.

1. 1. Relation argumentative

Dans le paragraphe précédant, on a distingué argumenter de prouver ou dedéduire, dans le présent paragraphe on essayera de distinguer en langue la relationargumentative des relations logiques. Ce dernier type de relation est soumis à desconditions de vérité. Or, le premier type ne l'est pas et ne peut pas être caractérisépar de telles valeurs.

Toujours dans le cadre de la distinction qu'on essaie d'établir entre relationargumentative et relation logique, on trouve Moeschler exposer les faits suivants :

- Contradictions logiques et argumentation discursive :

A ce propos, Moeschler affirme qu'il est très courant d'observer des énoncéslogiquement impossibles ( du fait qu'ils donnent généralement à des contradictionslogiques ), alors que ces mêmes énoncés peuvent être tout à fait acceptables endiscours. Et pour soutenir son idée, il s'appuie sur l'exemple :

(2) Je n'ai pas le temps, mais je prends quand même un café.

Moeschler note que dans le discours, un tel énoncé est tout à fait acceptable, du faitque le langage y dépasse les contradictions logiques tout en les intégrant à l'aidede marques précises (quand même) et les présentant comme non problématiques,alors que ce même énoncé est sans aucun sens du point de vue de la logiqueclassique.

- L'argumentation dans les énoncés déclaratifs et interrogatifs :

Examinons le cas des énoncés déclaratifs :

Exemple :

(3) X est intelligent

Le sens primitif d'un tel énoncé est : description d'un individu X dont le locuteur ditqu'il est intelligent.

Ayant une fonction primitive qu'est l'assertion n'empêche à un tel énoncé d'êtreréalisé dans des séquences où il ne peut avoir qu'une fonction argumentative :

(4) Je crois que cette personne vous conviendra : elle est intelligente et aussisympathique

En (4), l'énoncé X est intelligent intervient dans sa seule fonction argumentative, ilest présenté, c'est-à-dire dans le cadre d'acte d'argumentation.

Moeschler résume tout ceci en affirmant : « Rien n'empêche [...] de considérer que,lors d'une énonciation de X est intelligent, le locuteur ne fait pas une description deX, comme il fait une description on disant il pleut, mais plutôt [...] un acted'argumentation, en demandant à son interlocuteur d'interpréter un énoncé commeun argument pour une certaine conclusion.»20(*)

Un examen analogue des énoncés interrogatifs semble fournir à cette hypothèsequi fait de la valeur argumentative la valeur primitive des énoncés assertifs, unsoutien complémentaire.

De ce qui a été avancé tout au long de ce paragraphe, on remarque que lesrelations argumentatives interviennent à des niveaux linguistiques fondamentaux(tournures syntaxiques) et constituent par le biais d'une telle intervention une donnéeinterprétative basique, et non marginale.

2. L'acte de l'argumentation

Soit A un énoncé et C une autre unité linguistique (énoncé , contenu), une relationargumentative a lieu entre A et C si A est destiné à servir C.

A la question qu'est ce que l'entend par l'expression « est destiné à servir ».Moeschler répond : « une telle formulation nécessite l'introduction à la fois d'unagent et d'un destinataire et de considérer la relation argumentative comme la traced'une activité. Tout d'abord, cette relation est le fait d'un locuteur et est présentée àun interlocuteur. Ensuite, argumenter revient à réaliser une activité communicative.En tant qu'activité, réalisée par et dans le langage, l'argumentation semble doncrelever de l'illocutoire, au même titre que la promesse, L'ordre, l'assertion, etc. Or,[...] l'activité illocutoire est une activité descriptible en termes intentionnels,conventionnels et institutionnels. Si, lorsqu'il y a relation argumentative entre A et C,il y a acte d'argumentation, cela signifie que l'argumentation une activité à la foisintentionnelle, conventionnelle et institutionnelle. »21(*)

Dès que l'on parle de relation argumentative, on parle d'acte illocutoire, d'où lanécessité d'examiner l'argumentation en tant qu'activité à la fois intentionnelle,conventionnelle et institutionnelle.

a) Intentionnalité de l'argumentation

En examinant la définition de la relation argumentative, on remarque que lecaractère intentionnel de l'argumentation est constitutif de cette définition. en effet,

dire qu'un énoncé A est « destiné à servir une conclusion C », mentionne que soncaractère intentionnel est reconnu (plus précisément que soit reconnue l'intention deservir telle conclusion).

b) Conventionalité de l'argumentation

Moeschler associe le caractère conventionnel de l'acte d'argumentation à troistypes de marques argumentatives, responsables de l'activité argumentative : lesmarques axiologiques, les opérateurs argumentatifs et les connecteursargumentatifs. L'examen de ces trois exemples suivants permet d'illustrerrespectivement ces trois types de marques :

(1) Driss est très sympathique

(2) Il n'est que huit heures

(3) Ce film est excellent. En tout cas les images sont superbes

Commentaire : En (1), c'est la valeur axiologique de sympathique qui détermine lavaleur argumentative. Ayant une telle valeur axiologique, sympathique s'oppose auxcontenus (très sympathique, assez sympathique, peu sympathique) et se situe àl'intérieur de l'échelle argumentative de la « sociabilité »22(*) :

+ Sociabilité

^

__ très sympathique

__ sympathique

__ assez sympathique

__ un peu sympathique

A ce titre, (1) constitue un argument favorable plus fort que (1'), (1''), etc.

(1') Driss est sympathique

(1'') Driss est assez sympathique

Cependant en (2), c'est l'adjonction de ne...que à l'énoncé (2') qui détermine lavaleur argumentative de l'énoncé (cf. Ducrot 1982).

(2') Il est huit heures

Par contre en (3), c'est par l'intermédiaire d'un connecteur argumentatif (en toutcas) que l'existence d'une argumentation a pu être marquée. Une telleargumentation est destinée à servir une conclusion positive (de type « va voir cefilm »23(*)).

Le caractère conventionnel de l'acte d'argumentation est, donc, marqué par desmorphèmes dont la fonction principale est de marquer l'activité argumentative.

c) Institutionnalité de l'argumentation

L'aspect institutionnel de l'argumentation concerne :

a) les transformations juridiques imposées par cet acte illocutoire particulier. A laquestion : « quelles peuvent être les transformations juridiques imposées par l'actede l'argumentation ? », Moeschler répond : « Si l'on entend par acted'argumentation l'énonciation d'un argument destiné à servir telle ou telleconclusion, c'est d'une part qu'une telle fonction, attribué à l'énoncé argumentatif, estprétendue par le locuteur - au même titre que l'énonciation d'un ordre attribue à sonénonciateur la prétention d'ordonner- et d'autre part qu'une telle fonction impose àl'interlocuteur de tirer le type de conclusion que l'énoncé présente comme objet del'acte de l'argumentation. L'obligation argumentative est donc une obligation deconclure (cf. Ducrot 1977) et de conclure dans le sens indiqué par l'argumentation.C'est à ce titre qu'interviennent de façon décisive les marques argumentatives(axiologiques, opérateurs, connecteurs), car elles ont pour principale fonctiond'orienter les énoncés argumentatifs, mais également d'introduire les principesgénéraux rendant possible l'argumentation. »24(*)

b) la nature des mécanismes rendant possible l'argumentation : c'est le caractèrenormatif des principes sur lesquels s'appuie l'acte illocutoire d'argumentation qui luipermet de consister en une prétention à obliger l'interlocuteur à tirer tel type deconclusion. Ducrot (1982 et 1983a) appelle les principes ou normes régissant

l'argumentation des topoï. Ce sont les lieux communs sur lesquels s'appuiel'argumentation, ou, de façon plus claire, les mécanismes rendant possible l'acted'argumentation.

Reste à savoir de quelle manière de tels principes rend possible la réalisation del'acte d'argumentation.

Examinons l'exemple (4) :

(4) Cette voiture est chère .Elle est donc solide

La justification par un topos, T, est nécessaire pour que l'argumentation particulière(4), reçoive une quelconque légitimité. T est de nature générale reliant cherté(prémisse)et solidité (conclusion). Le topos argumentatif ne doit pas se confondreavec la majeure d'un syllogisme. Si on admet que le principe qui rend compte del'acte d'argumentation (4), est l'implication (4').

(4') Toutes les voitures chères sont solides

(4') aurait pour conséquence nécessaire, la négation du caractère argumentatif de(4). Alors (4) ne serait qu'un raisonnement incomplet. Pour maintenir le caractèreargumentatif de (4), Ducrot propose une définition des topoï comme graduels.

Un topoï serait donc une relation entre objets(O) et prédicats (P)de forme générique(5)25(*) :

(5) Plus O est P, Plus O' est P'

Moins Moins

Ce qui donne dans le cas de l'argumentation (6) :

(6) Plus une voiture (O) est chère (P), plus elle (O') est solide (P').

Résumons ce que nous venons de dire à propos les topoï en citant Moeschler :« Un topos est un principe général rendant possible l'accès à une conclusion.Lorsque cette conclusion est explicite, le topos explicite le trajet entre l'argument etla conclusion [...]; lorsqu'elle est implicite, il constitue au contraire le principed'accès à cette conclusion. »26(*).

2. 1. Opérateurs et connecteurs argumentatifs et topoï

Examinons l'exemple :

(1) Gaston ne bat pas sa femme parce qu'il l'aime

Commentaire : (1) est un énoncé ambigu de par son sens et deux interprétations luisont possibles, selon Moeschler, on peut les expliciter par les structuressémantiques suivantes27(*) :

S.1 :(CAUSE [(AIMER (GASTON, SA FEMME)], [BATTRE (GASTON, SAFEMME)])

« Il n'est pas vrai que le fait que Gaston aime sa femme est la raison du faitqu'il la batte »

S.2 :NIER [ LOCUTEUR, BATTRE( GASTON , SA FEMME)]& JUSTIFICATION[(ASSERTER[LOCUTEUR,AIMER ( GASTON, SA FEMME)]) , (NIER [LOCUTEUR , BATTRE(GASTON, SA FEMME)])

« Le locuteur nie que Gaston bat sa femme et justifie sa dénégation enassertant que Gaston aime sa femme »

Dans S.1, parce que, déclencheur de l'ambiguïté, est opérateur sémantique, alorsqu'il est connecteur pragmatique dans S.2.

Donc, un opérateur sémantique est un relateur propositionnel, alors qu'unconnecteur pragmatique est un relateur d'actes illocutoires. Il est important desouligner que l'opérateur porte toujours sur des constituants à l'intérieur d'un acte.Pour distinguer opérateur connecteur on peut avoir recours aux tests proposés parAnscambre et Ducrot (cf. groupe ë-1 1975, Anscambre et Ducrot 1977).

La distinction entre opérateur et connecteur, légitime pour distinguer les faissémantiques des faits pragmatiques, peut être utilisée à l'intérieur des faitsargumentatifs. Moeschler distingue parmi les marqueurs argumentatifs, lesopérateurs argumentatifs des connecteurs argumentatifs.

2. 1. 1. Les opérateurs argumentatifs

« L'opérateur argumentatif est un morphème qui, appliqué à un contenu, transformeles potentialités argumentatives de ce contenu (cf. Ducrot 1982). Soit E les énoncésdu contenu p et E' les énoncés du contenu p', où p'= p + x (x un opérateurargumentatif comme bien, presque, ne...que, peu, etc.). Je dirai que x est unopérateur argumentatif si les possibilités d'argumentation à partir de E' ne sont pasles mêmes qu'à partir de E et (cela indépendamment des informations apportéespar x). En disant par il n'est que huit heures, par opposition à l'énonciation il esthuit heures, je ne modifie nullement la valeur informative de l'énoncé E', mais parcontre sa valeur argumentative est modifiée. Si [...] la suite (3) est tout à faitacceptable, la séquence (3') demande un contexte particulier, et donc un trajetinterprétatif différent.

(3) Il est huit heures. Presse-toi.

(3') ? Il n'est que huit heures. Presse-toi »28(*)

De cette citation il apparaît qu'un opérateur argumentatif limite les possibilitésd'utilisation des énoncés qu'il modifie, à des fins argumentatives. Et comme leurportée est interne au contenu de l'énoncé, ils constituent donc une sous-classe desopérateurs sémantiques.

2. 1. 2. Les connecteurs argumentatifs

De nature grammaticale variée : conjonction de coordination, conjonction desubordination, adverbe, locution adverbiale, etc., le connecteur argumentatif est unmorphème qui articule deux énoncés ou plus intervenant dans une stratégieargumentative unique, le connecteur argumentatif articule, contrairement àl'opérateur argumentatif, des actes de langages, c'est-à-dire des énoncésintervenant dans la réalisation des actes d'argumentation. La description d'unconnecteur argumentatif, selon Moeschler, nécessite la prise en compte des troiscritères suivants :

1) Dans un premier temps il s'avère nécessaire de distinguer dans la description duconnecteur de son environnement matériel, des variables argumentatives qu'ilarticule. A l'instar de Ducrot (1980a), Moeschler distingue la séquence X CA Y (oùX et Y désignent les segments matériels articulés par le connecteur argumentatifCA) de la séquence p CA q(où p et q désignent les variables argumentativesarticulées par le connecteur argumentatif CA).

2) Le connecteur argumentatif relie des variables argumentatives qui peuvent êtred'une part être en nombre différent, et d'autre part réaliser des fonctionsargumentatives différentes :

a) Parmi les connecteurs on distingue les prédicats à deux places des prédicats àtrois places.

- Les prédicats à deux places : donc, alors, par conséquent, car, puisque , parceque, etc.

- Les prédicats à trois places : décidément, quand même, pourtant, finalement,mais, d'ailleurs, même, etc.

b) Parmi les connecteur, on distingue ceux dont la fonction argumentatived'introduire des arguments de ceux dont la fonction est d'introduire des conclusions:

- Connecteurs introducteurs d'argument : car, d'ailleurs, même, mais

- Connecteurs introducteurs de conclusion : donc, décidément, quand même,finalement.

3) Enfin, lorsque le connecteur est un prédicat de trois place il faut distinguer lesconnecteurs dont arguments sont coorientés (décidément, d'ailleurs, même) deceux dont les arguments sont anti-orientés (quand même, portant, finalement,mais ).

Les trois critères précédents : nature du prédicat (sa valence), fonctionargumentative de l'énoncé introduit par le connecteur, caractère coorienté et anti-orienté des arguments, permettent de résumer les .différents types de connecteursà l'aide du tableau suivant29(*) :

Valence

Fonction

Prédicats

à 2 places

Prédicats à 3 placesarguments

coorientés

arguments

anti-orientésintroducteur

d'argument

car

puisque

parce que

d'ailleurs

même

mais

introducteur

de conclusion

donc

alors

par conséquent

décidément quand même

pourtant

finalement

2. 1. 3. Les topoï

Rappelons que la notion de topos est liée à l'hypothèse selon laquellel'argumentation est régie par des principes (ou règles) généraux dont la propriétéessentielle est d'être distincts des principes du raisonnement logique.

Citons quelques propriétés générales des topoï :

a) Un topos est une règle générale qui se distingue des syllogismes et des règlesde la déduction naturelle et rend possible une argumentation particulière,

b) un topos est une règle supposée communément admise.

c) La propriété essentielle d'un topos est son caractère graduel.

Reste à savoir comment les topoï interviennent dans le cas des opérateurs etconnecteurs argumentatifs :

- Dans le cas des opérateurs argumentatifs :

Un opérateur argumentatif a la propriété d'orienter argumentativement l'énoncé :

(4) Il n'est que huit heures

est orienté vers le tôt .

(5) il presque huit heures

est orienté vers le tard.

Cette orientation rend possible l'utilisation d'un topos de type T1 dans (4) et T'1dans (5) :

30(*) : + tôt - hâte

i+n _ 8-10 _ j+n

i _ 8 T1 _ j

i- n _ 8+10 _ j- n

T1 : Plus on a de temps, moins il faut se presser.

31(*) : + tard + hâte

i+n _ 8-10 _ j+n

i _ 8 T'1 _ j

i- n _ 8+10 _ j- n

T'1 : Moins on a de temps, plus il faut se presser.

A travers l'examen des exemples précédents, il parait que le topos nous donneautomatiquement la conclusion de l'acte d'argumentation: Cette conclusioncorrespond au contenu associable à la deuxième proposition du topos :

( Plus O' est P' )

Moins

- Dans le cas des connecteurs argumentatifs : le fonctionnement des topoï estdifférent selon que le connecteur est un prédicat de deux places ou un prédicat detrois places :

a) Dans le cas des prédicats à deux places (cf. donc) : le topos met encorrespondance deux échelles : celle de l'argument (en l'orientant) et celle de laconclusion. Dans ce cas, le topos ne sert pas à découvrir les termes del'argumentation puisqu'ils sont explicitement donnés, mais à légitimer leur mise encorrespondance.

b) Dans le cas des prédicats à trois places : les topoï ont un rôle très important.

Examinons le cas standard de mais.

A propos de ce connecteur Moeschler note: « Ce que dit Ducrot, c'est que lasignification d'une phrase X mais Y suppose que l'on soit capable d'associer à X età Y respectivement les contenus P et Q, de considérer P comme un argument pourune conclusion r, Q comme un argument pour une conclusion non-r, et de tirer del'ensemble P mais Q la conclusion non-r. Comprendre l'énoncé de la phrase Xmais Y, c'est donc attribuer une valeur respectivement à P, Q, r et non-r»32(*).

Ce connecteur pose comme instruction argumentative l'anti-orientation descontenus qu'il articule et décide de la supériorité argumentative du deuxièmeconstituant. Dans l'exemple (6) :

(6) il fait beau, mais je suis fatigué

« Il fait beau e t je suis fatigué vont utiliser des topoï opposés (T2 et T2') pourréaliser les actes d'argumentation de conclusion inverse :

(6') 33(*) +beau(p) +sortir(r)

T2

_ i _ j

T2 : plus il fait beau, plus il faut sortir.

(6'') 34(*) +fatigue (q) - sortir (non-r)

_ i T2' _ j

T2' : plus on est fatigué, moins il faut sortir

« Il apparaît que dans le cas de mais, qui convoque deux topoï, les topoï ne sontpas l'inverse l'un de l'autre, comme T1 et T1' pour l'opposition ne...que/presque.Simplement, mais indique la supériorité de T2' sur T2, à Savoir qu'il faut choisir T2'.Notons que si le locuteur avait inversé l'ordre de constituants (je suis fatigué, mais ilfait beau), mais nous imposerait de choisir le topos T2. Il apparaît donc qu'enutilisant un connecteur de type mais, le locuteur réalise deux actes d'argumentationet opère le choix entre les deux actes. »35(*)

Les trois propriétés principales des topoï (leur généralité, leur appartenance ausens commun, leur graduation), selon Moeschler font apparaître la possibilité deleur contestation ou réfutation. Ce qui semble aller en compatibilité avec ladéfinition de l'argumentation qui affirme que toute argumentation est contestable.Moeschler propose trois façons pour réfuter un topos et par la suite uneargumentation :

a) En premier temps, On déclarer la non pertinence du topos, ou en termes deMoeschler, refuser de mettre en correspondance les contenus p e t q de l'acted'argumentation avec les propriétés P et Q du topos. Ainsi,dans l'exemple(7) :

(7) Cette voiture est bon marché (P), il faut donc l'acheter (Q)

Il est possible de refuser l'application du topos T3 :

(7') T3 : Plus une voiture est bon marché (P),plus il faut l'acheter (Q)

En d'autres termes, une réponse que telle que « une voiture est bon marchén'est pas une raison (une bonne raison, une raison suffisante) de l'acheter »est capable de nier la pertinence de T3 et refuser par la suite son application.

b) En second lieu, on peut reconnaître que le topos est pertinent, mais refuser del'appliquer soit :

- en relativisant sa valeur (cf. le cas de mais, ou T2' est présenté comme plus fort

que T2- oui, mais sa couleur n'est pas belle);

- en l'opposant à un topos inverse(cf. une réponse de type je n'achète que desvoitures chères qui convoque le topos T3') :

(7'') T3' : plus une voiture est chère, plus il faut l'acheter

c) Enfin, Moeschler propose d'accepter un topos, mais refuser son applicationparticulière. La situation où O est déclaré non suffisamment P pour Q correspond àce cas : l'évaluation du degré de propriété P de l'objet O est refusée parl'interlocuteur. Dans l'exemple (7), on refuse que la voiture en question soitsuffisamment bon marché pour en conclure qu'il faille l'acheter.

Résumons ce qu'on vient de voir à propos des topoï, dans ce dernier paragraphe,en citant Moeschler : « Le topos est [...] le principe rendant possible l'argumentation.Plus précisément sa fonction est d'une part de permettre l'accès aux conclusionsvisées par l'acte d'argumentation, et d'autre part de choisir parmi les conclusionslorsque plus d'un acte d'argumentation est réalisé. Le topos est de ce fait en étroitrapport avec les marques argumentatives que sont les opérateurs et lesconnecteurs, mais également avec la notion primitive d'acte d'orientationargumentative, puisque c'est à partir de telles indications que s'applique letopos. »36(*).

Chapitre II

Pragmatique et conversation

Sans vouloir minimiser l'importance de l'argumentation, il est à noter que celle-ci nepeut à elle seule contenir toutes les instructions de nature discursive. Le discoursest également contraint, mais à des niveaux qui ne relèvent plus de la cohérenceargumentative, mais plutôt de la cohérence conversationnelle. Et c'est à la théorieconversationnelle d'intervenir aux tels niveaux. Dire qu'une telle théorie parait pluspuissante qu'une théorie argumentative ne veut nullement dire qu'il faille abandonnerla seconde au profit de la première. L'idée que Moeschler défend, est plutôtl'inverse, à savoir qu'une théorie de la conversation a besoin d'une théorie del'argumentation, mais d'une théorie de l'argumentation contrainteconversationnellement, c'est-à-dire adaptée au traitement non plus de phénomènesrelevant du discours idéal, mais plutôt de phénomènes relevant du discoursauthentique. Alors dans ce chapitre je présenterai un modèle dynamique del'analyse conversationnelle (M'), tel qu'il a été conçu par Moeschler.

1. Le modèle dynamique de la conversation (M')

Même s'il est basé sur des principes simples de composition (hiérarchique etfonctionnelle), et même s'il permet de donner une image cohérente, organisée d'unensemble apparemment non structuré qu'est l'échange, le modèle hiérarchique etfonctionnel de la conversation (M) ne fonctionne pas sans apporter quelquetravestissement, altération interprétative des données de départ, raison pourlaquelle Moeschler a préféré un modèle moins rigide de la conversation (M').

1. 1. Modèle dynamique et modèle statique

Selon Moeschler, l'analyse hiérarchique et fonctionnelle de la conversation, quenous n'avons pas pu présenter ici faute de temps, est un modèle statique du faitqu'il a les propriétés suivantes :

a) l'analyse d'un objet conversationnel X présuppose sa complétudeconversationnelle ;

b) l'analyse conversationnelle de X est atemporelle, i.e. fait abstraction de sondéroulement syntagmatique et temporel.

1. 1. 1. Intégration et programmation

Au lieu de parler de complétude d'un objet de conversation, Moeschler propose deparler de ses capacités intégratrices, et de remplacer le concept d'analyseatemporelle par celui de propriétés programmatrices de la conversation.

a) La notion d'intégration(introduite dans Auchlin,Moeschler & Zenone 1981) rendcompte d'une part du principe decomposition fonctionnelle de laconversation (un constituantcomplexe intègre d'autreconstituants simples oucomplexes : échange, interventionou acte de langage) et d'autre partde la propriété récursive d'un telprincipe (un constituantconversationnel est à la foisintégrable et intégrant).

b) L'idée de programmation conversationnelle est liée d'une part aux hypothèsesexternes, intuitives, sur le sens des énonciations, et d'autre part aux hypothèsesinternes, sur la structure de la conversation. Par exemple, nous savons tous qu'il estconstitutif du sens d'une question d'appeler une réponse, de même qu'il estconstitutif d'une intervention initiative d'être combinée à une intervention réactive.De telles observations sont susceptibles d'extraire la nature programmatrice decertains constituants conversationnels. En d'autres termes, un constituant est unprogrammateur (d'échange ou d'intervention - comme les préséquences, lespréliminaires et les préparations) si à partir de son occurrence, il est possible defaire des prédictions non seulement sur la nature du constituant ultérieur(intervention, acte de langage), mais aussi sur sa fonction. Ce principe indiquedonc, en termes d'intégration, la nature intégrable ou intégratrice des constituantsadjacents et du constituant programmateur.

Les deux concepts d'intégration et de programmation permettent doncd'appréhender l'objet conversationnel de façon dynamique. Autrement dit : Achaque temps du déroulement conversationnel, la conversation est prise entre deuxforces contradictoires : une force « expansive » (ou centrifuge), liée aux propriétésprogrammatrices de ses constituants et une force « réductive »(ou centripète), liéeaux propriétés intégratrices. Conséquence : l'analyse dépendra étroitement dudéroulement syntagmatique et donc du temps de la conversation.

Prenons l'exemple emprunté par Auchlin à Grock :

(1) A1 : Vous connaissez le célèbre pianiste Paderewski ?

B1 : Paderewski ?

A2 :oui

B2 : Bien sûr

A3 : Eh bien, il joue encore mieux que moi

la structure de cette conversation peut être représentée par le schéma37(*):

En termes d'intégration et de programmation, le présent exemple reçoit l'analysedynamique suivante :

« 1 : A1 programme une réponse R1

2 : B1 programme une réponse R2

3 : A2 (=R2) intègre la question B1 dans l'échange E2

4 : B2 intègre l'échange E2 dans la réponse R1

5 : R1 intègre la question A1 dans l'échange E1

6 : A3 intègre l'échange E1 dans l'intervention I1 »38(*)

Il faut noter que l'exemple de Grock est prototypique de la séquenceconversationnelle équilibrée où les forces antagonistes s'annulent. Ceci dit, ilapparaît en fait que la conversation contient fréquemment des trous fonctionnels,des lieux où une programmation n'est pas satisfaite, où une intégration estimpossible. De tels phénomènes constituent des arguments en faveur du caractèredynamique de l'analyse conversationnelle et non pas des contre-exemples.

1. 1. 2. Conversation et interprétation

Dans l'analyse hiérarchique et fonctionnelle de la conversation (M), l'interprétationest réduite à l'analyse fonctionnelle. Ce qui pose un sérieux problème de point devue : interne ou externe à la conversation. Pour dépasser de tels problème,Moeschler propose un principe interprétatif simple et efficace et en parfaiteadéquation avec les propriété d'un modèle dynamique de l'analyseconversationnelle (M'), à savoir l'intégration et la programmation. Moeschler formulece principe à l'aide du double principe suivant39(*) :

Principe d'interprétation (P1) : toute interprétation est un fait dialogique.L'interprétation d'un constituant Ci d'un énonciateur Ei est le fait d'un constituant Cjd'un énonciateur Ej.

Principe de satisfaction (P2) : tout enchaînement d'un constituant Cj de Ej sur unconstituant Ci de Ei présuppose d'une part l'interprétation de Ci par Cj et d'autrepart la satisfaction de condition de conditions imposées par Ci ( conditions desatisfaction, cf. Moeschler 1982).

La première intuition sous-jacente à ces deux principes est d'éviter tout point de vueinterne ou externe dans le processus interprétatif tout en adoptant un point de vueénonciatif définissant l'interprétation d'une énonciation à partir de l'imageinterprétative donnée par une autre énonciation. Cette image interprétative donnéeà la conversation sera donc fonction de sa propre progression, de sa propredynamique et l'analyste sera loin de toute accusation d'être naïf ou omniscient. Laseconde intuition liée au point de vue énonciatif, selon Moeschler, est d'associerétroitement l'idée de l'enchaînement à celle d'interprétation. Une interprétation estcontrainte par l'enchaînement, mais celui-ci n'est possible que si d'une part il y a euinterprétation et d'autre part il est lui-même contraint par l'interprétation. Unprocessus qui semble être circulaire, mais cette circularité disparaît si l'on pense àla distinction entre valeur et fonction.

Ce qui rend explicite l'enchaînement n'est rien d'autre qu'un parcours interprétatifpossible, ce que l'on peut représenter par le schéma suivant :

Parcours interprétatif conversationnel 40(*):

Tel parcours est motivé à la fois par les propriétés pragmatiques de Ci et par lespropriétés de Cj. Cette idée, selon Moeschler, semble contraster singulièrementavec la conception gricienne de l'interprétation, règle par le principe (ou maxime)de pertinence. La pertinence dont il s'agit ici, est réduite à l'explication du choix duparcours interprétatif : tel parcours est choisi par tel énonciateur parce qu'il luisemblait plus pertinent que tel autre.

De tels principes interprétatifs font intervenir, à la base du processus del'interprétation en conversation, des contraintes sur et l'enchaînement desénonciations. C'est sur ce type de contraintes - qualifiées de conversationnelles -que portera notre étude dans le reste de ce dernier chapitre.

2. Les contraintes conversationnelles

Le modèle dynamique de l'analyse conversationnelle (M') impose de considérer laconversation comme un objet soumis à différents types de contraintes. Pour rendre

conversation comme un objet soumis à différents types de contraintes. Pour rendrecompte des processus de programmation et d'intégration conversationnelles,Moeschler distingue trois types de contraintes :

- des contraintes interactionnelles

- des contraintes structurelles

- des contraintes d'enchaînement

2. 1. Les contraintes interactionnelles

C'est l'ensemble des principes de nature sociale déterminant la bonne marche durituel interactionnel. Il est question ici des contraintes d'ouverture, de clôture et deréparation. Ces contraintes peuvent être formulées, selon Moeschler en termesd'hypothèse interne de la façon suivante :

HI141(*) : toute conversation oblige ses participants à satisfaire les rituelsd'ouverture, de clôture et de réparation imposés par l'obligation interactionnelle derespecter le territoire d'autrui et de ne pas menacer sa face.

2. 2. Les contraintes structurelles

Ce sont les contraintes imposées par' la conversation et sa structure sur sondéroulement. Contrairement aux contraintes interactionnelles, les interprétations etenchaînements sont imposés ici par les propriétés d'une structure conversationnelleet non par des obligations interactionnelles. Moeschler définit ce type de contraintesà l'aide de l'hypothèse interne suivante :

HI242(*) : toute conversation pose une double contrainte, en tant qu'elle impose auxparticipants d'une part de poursuivre l'interaction et d'autre part de clorel'interaction.

La définition des contraintes structurelles en termes de double contrainte signifieque chaque interprétation ou chaque enchaînement est fonction d'un choix dulocuteur : ils ont pour onction de faire progresser l'interaction ou la clore. Posées ences termes ces contraintes peuvent , selon Moeschler, recevoir la forme suivante :

HI2'43(*) : tout échange pose une double contrainte, en tant qu'il impose auxparticipants d'une part de le poursuivre et d'autre part de le clore.

Penons l'exemple :

(1) A : Driss a beaucoup travaillé

B : Il a pourtant échoué à ses examens

B peut recevoir les deux lectures suivantes :

a) une lecture réfutative : B est à interpréter comme apportant un contre-argument àA. B est dès lors paraphrasable par :

(1') Non, puisqu'il a échoué à ses examens

La contradiction apportée par pourtant concerne donc le rapport entre A et laconclusion inférable de B (= non-A).

b) une lecture concessive : B est à interpréter comme contradictoire à la conconclusion inférable de A (= non-B). B est dès lors paraphrasable par :

(1'') Oui, mais il a pourtant échoué ses examens

On ne peut pas attribuer cette ambiguïté à pourtant, connecteur qui permet de tantde réfuter que de concéder. Par contre on peut l'attribuer au choix opéré par B declore l'échange dans le cas de la lecture réfutative et de poursuivre l'interaction dansl cas de la lecture concessive. Il apparaît en effet que les suites possibles à Brendent compte de ce fait :

- un ah bon de A n'est pas compatible avec l'interprétation concessive : en tant queclôture, il sanctionne l'interprétation réfutative.

- Par contre l'énoncé il a dû tomber sur une question difficile n'est possiblequ'avec l'interprétation concessive et invite à la poursuite de la conversation.

2. 3. Les contraintes d'enchaînement

Ce dernier type de contraintes concerne les contraintes imposées par lesconstituants de la conversation eux-mêmes sur l'interprétation et l'enchaînement.Contrairement aux deux types précédents ces contraintes sont internes au discours.Moeschler les définit par l'hypothèse interne suivante :

HI344(*) : Tout constituant conversationnel est soumis à une double contrainted'enchaînement : en tant que donnant lieu à un enchaînement, il est soumis à descontraintes interprétatives ; en tant qu'enchaînement sur un constituant, il estsoumis à des contraintes séquentielles.

Les contraintes interprétatives ont une portée rétroactive et déterminent le parcoursopéré par le constituant rétroactif, parcours caractérisé par le processus desélection d'une valeur et son application fonctionnelle. Quant aux contraintesséquentielles, elles sont qualifiées génériquement de conditions d'emploicontextuelles (cf. Moeschler 1981b et 1982, 136-148). Ces conditions déterminentle type de relations entretenues avec les constituants adjacents, et permettent ainside déterminer le caractère cohérent et cohésif de la séquence conversationnelle.Moeschler distingue quatre types de contraintes séquentielles :

a) La condition thématique : cette condition au constituant réactif le même thèmediscursif (l'objet général de discours proposé à un interlocuteur et contraignant ledéroulement du discours) que celui du constituant initiatif (cf. (2)) :

(2) A : Quelle heure est-il ?

B1 : Il est midi

B2 : * Il est lundi

b) la condition de contenu propositionnel : une telle condition impose au constituantréactif d'être en relation sémantique ( relation de type oppositive ou relation decontradiction) avec le constituant initiatif (cf. (3)) :

(3) A : Est-ce que tu aimes le haddock ?

B1 : Non, je n'aime pas le poisson fumé

B2 : Je n'aime pas le poisson fumé

Commentaire : B1 est en relation directe de contradiction avec A, alors que B2 esten relation indirecte de contradiction, puisqu'il est nécessaire de poser desimplications contextuelles de (a) et (b) à (c) dans (4) :

(4) a. Le haddock est un poisson fumé

b. Je n'aime pas le poisson fumé

c. Je n'aime pas le haddock.

c) la condition illocutoire : cette condition impose au constituant réactif le type de safonction illocutoire. Une fonction illocutoire initiative de demande d'informationappelle une fonction réactive de réponse, une fonction illocutoire initiatived'assertion appelle une fonction réactive d'évaluation, etc.

Examinons l'exemple45(*) :

(5) A : Le dernier film de Resnais est formidable

B1 : Il apparaît qu'Achille est à l'hôpital

B2 : Je ne l'ai pas vu

B3 : Tu veux dire qu'il est meilleur que le dernier Bresson ?

B1 est thématiquement inapproprié.

B2 est proportionnellement inapproprié.

B3 est illocutoirement inapproprié bien que thématiquement et proportionnellementapproprié.

Ce qui montre que ces trois types de conditions ont des statuts différents etentretiennent entre eux une relation hiérarchique.

d) La condition de l'orientation argumentative : cette condition impose à son tour ,au constituant réactif d'être coorienté au constituant initiatif et permet la clôture del'échange.

De ce qui précède, il apparaît que ces quatre conditions d'approprieté cotextuelledéfinissant les contraints séquentielles, qui à leur tour font partie des contraintesd'enchaînement à côté des contraintes interprétatives, sont hiérarchiquementreliées et définissent une échelle d'appropriété cotextuelle que Moeschlerreprésente par le schéma suivant :

Echelle d'approprieté cotextuelle46(*) :

Conclusion

Dans cette approche, j'ai essayé de cerner, de la façon la plus analytique possible,le problème du discours argumentatif et de l'argumentation conversationnelle dupoint de vue du linguiste suisse Jacques MOESCHLER. Pour ce faire, j'ai empruntéle parcours suivant :

Dans le premier chapitre, j'ai essayé d'opposer la pragmatique à la sémantique etde présenter quelques concepts pragmatiques (l'acte illocutoire, l'implicite etl'explicite, nature du mécanisme inférentiel, etc.).

J'ai consacré le second chapitre à l'étude de l'argumentation en tant qu'activité quis'intéresse aux stratégies de discours visant la persuasion ou au mode deraisonnement non formel du langage naturel impliquant un effet sur l'auditoire etaussi aux moyens linguistiques dont dispose le sujet parlant pour orienter sondiscours par le souci d'atteindre certains objectifs argumentatifs.

Dans le cadre de cette étude, j'ai a présenté également la notion de la relationargumentative où j'ai traité le problème des connecteurs argumentatifs, desopérateurs argumentatifs et des topoï et la façon par laquelle intervient chacun deces éléments pour rendre possible un acte argumentatif.

Et dans le dernier chapitre, j'ai présenté le modèle dynamique de l'analyseconversationnelle (M'), tel qu'il a été conçu par Moeschler. Le dernier point de cetteapproche portait sur les trois types des contraintes conversationnelles : lescontraintes interactionnelles, les contraintes structurelles et les contraintesd'enchaînement.

J'ai abouti a conclure qu'une analyse conversationnelle ne saurait se passer d'unethéorie de l'argumentation, puisqu'elle rencontre en permanence des faits relevantde l'argumentation. Donc, une théorie de la conversation a besoin d'une théorie del'argumentation, mais d'une théorie de l'argumentation contrainteconversationnellement.

Finalement, et du fait que la pragmatique linguistique constitue un domaine projectifet illimité de la recherche linguistique, cette étude reste à nos yeux incomplète etpour cela, je propose comme prolongement pour le présent travail, d'examiner lacollusion entre l'argumentation et la conversation au niveau de chaque constituantde cette dernière; à savoir l'intervention et l'échange. Un tel examen mènera àconcéder à l'argumentation la fonction de influencer sur la conversation et à

reconnaître à la conversation la capacité de contraindre sur l'argumentation.

Annexes

Glossaire 47(*)

Acte d'argumentation :

Acte réalisé par la présentation d'un énoncé destiné à servir une certaineconclusion.

Acte d'énonciation :

Réalisation d'une action de nature linguistique, liée à l'événement historique del'énonciation

Acte illocutoire :

Acte réalisé par le fait de dire, de nature conventionnelle et non dénotative.

Acte de langage :

Unité pragmatique minimale consistant en la réalisation d'une action, de natureintentionnelle et conventionnelle, contextuelle et cotextuelle.

Acte locutoire :

Acte consistant à prononcer certains sons, formant des mots et des suitesgrammaticales, expressions pourvues d'un sens et d'une référence.

Acte perlocutoire :

Acte consistant en la production de certains effets (visés ou non) sur l'auditoire.

Argumentation :

Donner des raisons pour telle ou telle conclusion.

Condition essentielle :

Spécifie le type d'obligation contractée par le locuteur ou l'interlocuteur parl'énonciation de l'acte illocutoire.

Condition préliminaire :

Définit le savoir ou la croyance du locuteur sur les capacités, intérêts, intentions del'interlocuteur, et également les rapports (sociaux, hiérarchiques) entre lesinterlocuteurs présupposés par l'acte illocutoire.

Condition de sincérité :

Indique l'état psychologique du locuteur impliqué par l'acte illocutoire (croyance,désir, intention).

Connecteur argumentatif :

Morphème qui articule deux énoncés (actes, interventions) ou plus intervenant dansune stratégie argumentative unique.

Contenu propositionnel :

Elément de la structure sémantique de l'acte illocutoire permettant la prédication etla référence.

Echange :

Plus petite unité dialogique composant l'interaction. Les constituants de l'échangesont les interventions qui entretiennent entre elles des relations illocutoires.

Enoncé :

Entité linguistique, produite en contexte, consistant en le résultat de l'activité

énonciative.

Enonciateur :

Responsable de l'activité illocutoire.

Enonciation :

Evénement historique dont le produit est l'énoncé, donnant lieu à un acted'énonciation.

Fonction illocutoire :

Relation fonctionnelle de nature initiative ou réactive entre les constituants del'échange, i.e. les interventions.

Force illocutoire :

Elément de la structure sémantique de l'acte illocutoire décrivant sa valeur d'action.

Implication sémantique :

Relation sémantique entre deux propositions variant sous l'effet de la négation

(p -- q, non-p -- non-q).

Implicitation conventionnelle :

Mode de réalisation implicite d'un acte illocutoire convoqué par une marquelinguistique, qui a la propriété d'être non annulable.

Implicitation conversationnelle généralisée :

Mode de réalisation implicite d'un acte illocutoire convoqué par une marquelinguistique, qui a la propriété d'être annulable et d'accepter le rapport de l'impliciteet l'enchaînement sur l'implicite.

Intégration :

Mécanisme dynamique permettant de composer de nouveaux constituantscomplexes à partir de constituants antérieurs satisfaisant certaines conditions(d'intégrabilité).

Intervention :

Plus grande unité monologique composant l'échange. Les constituants del'intervention sont de rangs variables (échange, intervention, acte de langage) etentretiennent entre eux des relations interactives.

Locuteur :

Responsable de l'activité locutoire.

Loi de discours :

Mécanisme interprétatif permettant la découverte des implicitationsconversationnelles (généralisées ou particulières).

Norme :

Convention fixée par une institution, ayant pour objet la sphère des comportementset pour propriété d'être respectée ou violée.

Opérateur argumentatif :

Morphème qui, appliqué à un contenu, transforme (en les limitant) les potentialitésargumentatives de ce contenu.

Performatif :

Enoncé consistant en la réalisation d'une action par le fait même de sonénonciation (par extension, un verbe potentiellement performatif est un verbe qui, àla première personne singulier du présent de l'indicatif, nomme et permet laréalisation de l'action nommée).

Principe de coopération :

Chaque participant doit contribuer conversationnellement de manière à

correspondre aux attentes des autres interlocuteurs en fonction du stade de laconversation, du but et de la direction de l'échange.

Principe d'interprétation :

Toute interprétation est un fait dialogique. L'interprétation d'un constituant Ci d'unénonciateur Ei est le fait d'un constituant Cj d'un énonciateur Ej.

Pragmatique :

Domaine de la linguistique ayant pour objet la description du sens des énoncés encontexte.

Présupposition :

Relation sémantique entre deux propositions ne variant pas sous l'effet de lanégation

(p -- q, non-p -- q).

Programmation :

Mécanisme dynamique permettant de projeter l'occurrence future du constituantdonnant lieu à une intégration.

Règle :

Convention fixée par un système, ayant pour propriété d'être appliquée ou nonappliquée, obligatoire ou facultative.

Relation argumentative :

Relation entre deux énoncés A et C où A (l'argument) est présenté comme destinéà faire admettre, justifier l'autre (C), i.e. la conclusion.

Sémantique :

Domaine de la linguistique ayant pour objet le sens des propositions, i.e. ladescription de leurs conditions de vérité.

Sens :

Valeur sémantico-pragmatique attribuée à l'énoncé, en tant que résultat deshypothèses externes.

Signification :

Valeur sémantico-pragmatique attribuée aux phrases, en tant que résultatd'hypothèses internes.

Syntaxe :

Domaine de la linguistique ayant pour objet la forme des phrases, i.e. la descriptiondes règles de bonne formation présidant à la grammaticalité des phrases.

Topos :

Lieu commun sur lequel s'appuie l'argumentation. Règle générale rendant possibleune argumentation particulière.

Valeur argumentative :

Propriété argumentative d'un énoncé nécessitant son interprétation commeargument pour une conclusion dans le cadre d'une relation argumentative.

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* 1 MAINGUENEAU D., 1990 : Pragmatique pour le discours littéraire, Paris, Bordas.

* 2 Ibid.

* 3 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF.

* 4 MAINGUENEAU D., 1990, Pragmatique pour le discours littéraire, Paris, Bordas.

* 5 MAINGUENEAU D., 1990 : Pragmatique pour le discours littéraire, Paris, Bordas.

* 6 Les majuscules rendent compte du statut métalinguistique des expressions .

* 7 Professeur à l'université Ibn TOUFAIL, Faculté des lettres et sciences humaines, Kenitra,Département langue et littérature françaises.

* 8 Numérotation adoptée par l'auteur de l'article.

* 9 LAMNAOUAR A., 2006, « Vers une approche dérivationnelle de la présupposition », Revue de laFaculté des lettres et sciences humaines, Université Ibn TOUFAIL-KENITRA, 5, 12-15.

* 10 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 11 Ibid.

* 12 Ibid.

* 13 Ibid.

* 14 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 15 Exemples tirés du site Internet : http//www.unige.ch/linge/moeschler/

* 16MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF.

* 17 Ibid.

* 18 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 19 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 20 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 21 Ibid.

* 22 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 23MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF.

* 24 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 25 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 26 Ibid.

* 27 Ibid.

* 28 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 29 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 30 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 31 Ibid.

* 32 REBOUL A. & MOESCHLER. J., 1985 : Pragmatique du discours : De l'interprétation de l'énoncé àl'interprétation du discours, ARMAND COLLIN.

* 33 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation éléments pour une analyse pragmatique dudiscours ,Université de Genève, HATIER-CREDIF

* 34 Ibid.

* 35 Ibid.

* 36 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF.

* 37 Ibid.

* 38 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 39 Ibid.

* 40 Ibid.

* 41 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 42 Ibid.

* 43 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 44 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 45 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 46 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

* 47 MOESCHLER J., 1985 : Argumentation et conversation : Eléments pour une analyse pragmatique dudiscours, université de Genève, HATIER-CREDIF

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