management des situations extrêmes - pascal lièvre (2014-05-12)
DESCRIPTION
Il dirige depuis 2006 un programme de recherche sur le management des situations extrêmes au Centre de recherche clermontois en gestion et management (CRCGM) de l'Université d'Auvergne. Il est professeur associé à la recherche à France Business School-Clermont. L'émergence d'une économie de l'innovation fondée sur la connaissance amène les managers à être confrontés à des situations extrêmes de gestion. Un manager doit affronter ce type de situation lorsqu'il pilote une action collective prenant la forme d'un projet, intensif en connaissance, dans un contexte évolutif, incertain et risqué. Nous explorons différentes pistes pour dégager des règles de gestion propres à cette classe de situation. Nous travaillons aussi bien sur des situations extrêmes de gestion voulues que subies, mais aussi des situations d'urgence et/ou de crise. Nous investissons différents terrains où des collectifs ont dû faire face à ce type de situation : expéditions polaires, services secours incendie, exploration spatiale... Nos résultats mettent en évidence trois registres qui doivent faire l'objet d'une attention soutenue de la part des managers : la construction du sens au sein des collectifs, les capacités d'ambidextrie organisationnelle et les dispositifs d'expansion des connaissances expérientielles et scientifiques. In fine, le management des situations extrêmes apparait comme le management des ruptures qui obligent à un apprentissage organisationnel. Nous sommes alors conduits à construire une théorie « sociale » de l'apprentissage dans les projets.TRANSCRIPT
Management des Situations Extrêmes
Pascal Lièvre
Professeur des Universités
UDA-CRCGM-MSE
Chaire Gestion de Projet ESG UQAM 12 mai 2014
Carte de Visite
[email protected] - CRCGM - MSE
• Docteur en Sciences Economiques de l’Université Lyon II • Habilitation à Diriger des Recherches en Gestion à l’Université
Aix Marseille II • Professeur des Universités en Sciences de Gestion • CRCGM EA 3849 Université d’Auvergne • Responsable du Programme Management des Situations
Extrêmes • Professeur Associé à FBS Clermont • Directeur Scientifique de GeCSO (Gestion des Connaissances,
Société et Organisation) • Membre associé de la Chaire de Gestion de Projet, ESG-
UQAM, Québec. • Membre du CA de MCX (Programme Modélisation de la
Complexité) • Membre AIMS, AGRH, EGOS, AOM, SportNature.Org • Expert pour l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) & le
FQRSC (Fonds de Recherche sur la Société et la Culture Québec)
• Participation au Programme Blanc ANR « Darwin : une équipe d’alpiniste en situation d’incertitude »
Argument et Positionnement
Economie de l’innovation fondée sur la connaissance
Situation Extrême de Gestion
Les pratiques en milieux extrêmes
* Construction du Sens
* Ambidextrie
Organisationnelle
* Expansion des connaissances
Conception et mise en œuvre d’une action
collective, prenant la forme d’un
projet, intensif en connaissance,
dans un contexte évolutif, incertain et
risqué
* Théorie de la pratique * Outil
investigation
Une théorie sociale de
l’apprentissage dans les projets
Références
• Aubry M., Lièvre P., 2014, (dir.), Project Management in Extreme Situations: Lessons from Polar Expeditions, Military and Rescue Operations and Wilderness Explorations Routledge, Francis and Taylor Group, New-York, USA, 330p.
• Lièvre P., Rix-Lièvre G., 2013, Leadership and organizational learning in extreme situations. Lessons of a comparative study of two polars expeditions: one of the greatest disasters (Franklin, 1855) and one the best achievements (Nansen, 1892) in Extreme Leaderships: Leaders, Teams and Situations Outside the Norm, Cristina M. Giannantonio and Amy E. Hurley-Hanson, Edward Elgar.
•
[email protected] - CRCGM - MSE
[email protected] - CRCGM - MSE
• Une situation évolutive. Elle apparaît comme présentant une certaine rupture par rapport à un « avant » (Rivolier, 1998). Il y a toujours un écart entre une situation antérieure et une situation actuelle et/ou une situation actuelle et une situation future
• Une situation incertaine. Nous sommes ici en présence d’une incertitude radicale des situations au sens de Knight où la probabilité d’apparition d’un événement n’est pas mesurable, où le nouveau peut apparaître (Orléan, 1986), où l’imprévisible est possible comme l’exprime Jean-Louis Le Moigne (1990)
• Une situation à risque où la possibilité qu’un événement non souhaité survienne ne peut pas être écartée et que celui-ci cause des dommages plus ou moins importants à l’organisation.
Situations Extrêmes de Gestion et
Expéditions Polaires Des hommes ont du affronter depuis le XIXème
siècle, des situations «extrêmes» de gestion, telles les expéditions polaires,
dont il est possible de dégager des leçons
pour aborder les problèmes organisationnels contemporains issus d’une économie de l’innovation fondée sur la connaissance.
•
L’expédition de Nansen au Pôle Nord en 1893
Les « pratiques »
• Qu’est ce qu’une pratique ? • = Ce que font les gens en situation singulière
et comment ils le font ? • Pratique issue d’un calcul • Pratique réflexive = je fais ce que je dis qui est
ce que je pense • Pratique « ordinaire » = disposition à agir non
conscientisée = Habitus au sens de Bourdieu, conscience pré-réflexive (Husserl), connaissance en acte (Piaget), Connaissance tacite (Polanyi)
La pratique de la conduite automobile
• Nous connaissons le code de la route (code écrit, examen)
• Nous avons appris à conduire (auto-école, examen)
• Nous conduisons régulièrement une voiture
• Nous avons une pratique de la conduite automobile
• Nous avons tous la même pratique de la conduite automobile = NON
Les Pratiques de la Conduite Automobile
Vous avez la nuit pour lui transmettre toutes vos
connaissances
De façon à ce que le lendemain, lorsque le « marsien » va emprunter votre voiture
votre voisine en voyant partir votre voiture dise :
Ah! C’est bien lui ! Je reconnais bien sa conduite!
Comment accéder aux connaissances issues de la pratique ?
Différentes méthodes d’investigation
• Interview d’expert
• Investigation des journaux de bords
• Enquête sur les problèmes
• Histoire des expéditions polaires
• Suivi du déroulement d’expédition :
– A distance
– Au plus prés
Cote E Groenland 2000 Cote E Groenland 2002 Cote W du Groenland 2002
Finlande 2004 Terre de Baffin 2005
Vidéo-Ethnographie Organisationnelle
• Lièvre P., Rix-Lièvre G., 2013, Vers une ethnographie « constructiviste » et en termes de « pratique située », Revue Internationale de Psychosociologie et de Comportement organisationnel, Numéro Spécial dirigé par Sylvie Grosjean et Carole Groleau
• Rix-Lièvre G., Lièvre P., 2014, « La petite histoire d’une ethnographie d’une expédition polaire, de la construction d’un dispositif d’investigation à l’exercice d’une réflexivité méthodologique », Recherches Qualitative.
Théories Intermédiaires (Glaser, Strauss, 1967; David, 2000)
• Champ du corpus universaliste scientifique
• Champ des théories intermédiaires
• Champ des pratiques
1. Economie de l’innovation fondée sur la connaissance
= Des nouvelles règles pour le fonctionnement de l’entreprise
Economie de la connaissance
Une nouvelle configuration de l’économie contemporaine qui prend la forme d’une économie de l’innovation fondée sur la connaissance (Amin, Cohendet, 2003; Foray, 2009)
Un régime d’innovation intensive (Hatchuel, Weill, 2000)
Obligation d’innover d’une manière globale et permanente (Alter, 2003)
La création et la circulation des connaissances au cœur de l’organisation (Nonaka, Takeuchi, 1995)
Nouvelles règles de fonctionnement de l’entreprise
Economie de
Production de Masse
1950- 1975
Economie de la
Qualité
1975-1990
Economie de la
Connaissance
1990-
Rapport entre
la Demande et l’Offre
La demande est
supérieure à l’offre La demande est
égale à l’offre La demande est
inférieure à l’offre
Connaissance de la
Demande
La demande est
prévisible La demande est
probable La demande est
incertaine
Cycle de vie du Produit Long Moyen Court
Taille du Marché National Continental Mondial
Technologie Gros système
informatique Micro-informatique et
web EDI, Réseau, GPS,
Logiciel intégré…
Positionnement
Concurrentiel
Le prix
La qualité
L’innovation
Philosophie
du Management
- Management de la
Production de masse
- Zéro temps
d’inoccupation
Management de la
qualité
- Zéro stock
- Zéro défaut
Management de
l’innovation
- Zéro temps de réponse
- Zéro Mépris
L’Acteur Priviligié Le producteur Le client L’innovateur
Outil de Gestion Algorithme de chemin
le plus court
JAT, Qualité Totale,
ERP…
KM, Conception par
l’ usage, modèle C/K
Place du Facteur Humain L’homme = force
productive
L’homme = associé à la
création de valeur
L’homme = acteur pivot
du changement
Forme de l’entreprise Hiérarchique Réseau Communautaire
Source : Lièvre P., 2006, La logistique, Edition La Découverte
Economie Contemporaine et Projet
• Economie de la production de masse • = Concurrence par les prix • = Management des Opérations Standards
• Economie de la qualité • = Concurrence par la qualité • = Management des Projets • Economie de la connaissance • = Concurrence par l’innovation (Baumol, 2004) • = Management des Projets Innovants (Nonaka, Takeuchi,
1996) Cours Management de Projet/ Pascal
Lièvre/ CRCGM/ [email protected]
2. Repères pour un management des projets
en environnement extrême
Registre d’intelligibilité des situations
Trois registres
• La construction de sens des acteurs en situation qui renvoie à la nature de leurs engagements et à leurs attentes dans le projet
• La possibilité de jouer d’une manière alternative entre divers mode d’action (anticipation/adaptation, exploration/exploitation),
• L’expansion des connaissances scientifiques et expérientielles dans la construction du projet
2.1 La construction de sens (Weick, Clot, Wenger)
C’est parce que les acteurs trouvent du sens à une situation qu’ils peuvent avoir un comportement adapté, qu’ils apprennent. Nous faisons ici référence aux travaux pionniers de Karl Weick en la matière. Dans son fameux article sur l’accident des pompiers de Mann Gulch, Weick (1993) montre que c’est parce que la situation ne fait plus sens pour eux que les pompiers ne suivent pas les conseils de leur chef et s’enfuient poursuivis par le feu, courants à leurs pertes. Nous avons travaillé la construction du sens des acteurs dans un projet à partir de la nature de l’engagement des acteurs et aussi leurs attentes.
• Ce phénomène a fait l’objet d’attention dans le champ du management de projet comme le remarque Xavier Baron (1993) : la performance d’un individu dans un projet est moins liée à des critères de compétence en référence au projet qu’à la cohérence entre ses aspirations professionnelles et personnelles et le projet lui-même.
• C’est pourquoi l’élucidation des engagements et des attentes des acteurs vis-à-vis de la nature de l’action collective à entreprendre est essentielle
L’engagement des acteurs • C’est la question de la place que prend l’activité pour un acteur
donné par rapport à sa vie et du sens de cette activité en rapport avec son projet de vie. Nous ne pouvons apprendre d’une situation qui ne nous affecte pas positivement, qui est l’écart de nos préoccupations existentielles (Vygotski).
• Nous ne pouvons apprendre d’une situation qui ne fasse pas pleinement sens pour nous. C’est le fort degré d’engagement des acteurs dans leurs activités qui va permettre de comprendre pourquoi ils apprennent, pourquoi ils sont capables de « faire face » en situation.
• Dans le champ des expéditions polaires, il est possible de percevoir des différences d’intensité des engagements des acteurs, il y a des acteurs « qui font des expéditions polaires » et d’autres « qui sont des expéditeurs polaires ».
• Les « expéditeurs polaires » apprennent, pas « ceux qui font des expéditions »
Les attentes des acteurs Les investigations réalisées dans le domaine des expéditions polaires montrent que des acteurs fortement engagés dans leur activité, depuis de nombreuses années, inventent à leur manière l’ensemble des opérations constitutives du déroulement d’une expédition en fonction de ce que nous avons appelé leurs attentes implicites (Lièvre, Recopé, Rix, 2003). Cette notion, distincte de l’intention affichée délibérément par un acteur vis-à-vis d’une action, est difficile à cerner puisqu’elle s’exprime avant tout dans les actes des acteurs en situation et que ceux-ci ne sont pas toujours capables spontanément de l’exprimer d’une manière claire, explicite. L’attente est la finalité fortement implicite et faiblement explicite que construit un acteur, au fil du temps, dans une activité en rapport avec sa sensibilité, son monde propre, ses valeurs, ses attentes profondes, sa tendance vitale (Recopé, 2007).
Des attentes qui renvoient à des styles d’organisation des expéditions
• On peut pour un même projet comme la traversée de la calotte du Groenland avoir des attentes orthogonales.
• Pour certains, c’est l’exploit sportif qui est recherché et qui va orienter l’ensemble de l’organisation,
• pour d’autres, c’est le plaisir relatif à la progression à ski.
Une expédition polaire =
Un enchaînement d’opérations élémentaires
Expert A
Expert B
Topologie des styles d’expédition en matière d’attente
EXPLORATION DECOUVERTE
EXPLOIT SPORTIF
SCIENTIFIQUE PEDAGOGIQUE
TECHNIQUE PROGRESSION
• Le projet fait sens pour l’acteur
• parce que ce projet occupe une grande place dans sa vie,
• parce qu’il répond à ses attentes
• alors il peut faire face en situation d’une manière adaptée
• il peut apprendre
2.2. La possibilité de jouer d’une manière alternative entre divers mode
d’action (anticipation/adaptation, exploration/exploitation),
Anticipation/Adaptation & Exploitation/Exploration
• Un apport important de l’étude des expéditions polaires est de montrer que la réussite des projets en environnement extrême suppose une combinaison entre divers modes d’action tout le long du projet : anticipation et adaptation, exploration et exploitation.
• C’est la possibilité pour l’action collective de jouer si nécessaire avec ces différents modes d’action qui semble discriminante. (Aubry, Lièvre, 2011).
Le plan = une ressource pour l’action
• Au départ de nos réflexions (Lièvre, 2001), il apparaît que la phase de mise en œuvre sur le terrain échappe toujours à toute planification et que la bonne attitude consiste surtout à ne pas vouloir appliquer le plan mais plutôt de se mettre dans une posture d’adaptation permanente. Le plan doit alors être considéré comme une ressource plus globale pour l’action au sens de Suchman (1997) et non un déroulement à suivre scrupuleusement. L’excès de planification peut conduire à diminuer la vigilance des acteurs en s’obligeant à faire plier la réalité dans le plan. On préférera l’anticipation, la préparation à la planification. Dans le même temps, un déficit d’anticipation dans la phase de conception peut avoir des conséquences lourdes dans la phase de mise en œuvre.
Ambidextrie au sens de Mintzberg
il faut pouvoir jouer sur les deux modes : anticipation et adaptation.
Nous sommes dans une logique d’ambidextrie au sens de Mintzberg (1996).
Il faut pouvoir tout autant faire ce qu’on a prévu que changer de plan
Ambidextrie au sens de March : exploration/exploitation
Or d’autres modes d’action ne rentraient pas dans ce couple anticipation/adaptation dans le déroulement d’un projet. Les acteurs étaient amenés à inventer des nouvelles manières de faire à l’écart de leurs expériences dans différentes phases du projet ou ils mobilisaient des compétences existantes à différents moments du déroulement du projet. Ces préoccupations rejoignaient toute une littérature en sciences de gestion depuis les travaux pionniers de March (1991) qui montrent l’importance pour une organisation dans le contexte d’une économie de l’innovation de développer à la fois une logique d’exploration (acquérir de nouvelles compétences) et une logique d’exploitation (mobiliser les routines) (Chanal, Mothe, 2005 ; Brion, Favre-Bonté, Mothe, 2007). Il faut tout autant mobiliser les compétences existantes que d’inventer de nouvelles manières de faire
Double ambidextrie organique
• Il faut pouvoir tout autant faire ce qu’on a prévu que changer de plan
• Il faut tout autant mobiliser les compétences existantes que d’inventer de nouvelles manières de faire
3. L’expansion des connaissances scientifiques et expérientielles
tout au long du projet
Expansion des connaissances dans le projet
• La capacité des collectifs en situation extrême à mobiliser des connaissances de toute nature dans le projet, et plus particulièrement dans la phase amont, est discriminante dans la performance globale du projet (Garel, Lièvre, 2010).
• Selon Garel (2003), les projets innovants obligent les équipes projets à mobiliser des connaissances de plus en plus à l’écart de leurs compétences propres, de leurs milieux proches afin d’entreprendre une véritable exploration.
• Lenfle et Gautier (2004) ont bien montré l’importance essentielle de cette phase amont dans une démarche d’innovation d’exploration dans la performance globale du projet.
• Une phase où la question de l’expansion des connaissances est discriminante dans la conduite du projet.
Les connaissances expérientielles et les connaissances scientifiques
Cette distinction s’appuie sur le courant de la philosophie pragmatique américaine (Dewey, James) mais aussi J. Piaget et de L. Vygotski, elle est reprise aujourd’hui dans la littérature en management des connaissances par Amin et Cohendet (2003) et Foray (2011). Ces connaissances sont toutes aussi importantes l’une que l’autre pour les organisations. C’est le principe de symétrie de la connaissance telle qu’elle est développée par Callon et alii (2001), dans le forum hybride. Mais les registres de pertinence sont différents comme le dit Vygostki (1993) « les concepts scientifiques s’avèrent dans une situation non scientifique tout autant inconsistants que les concepts quotidiens dans une situation scientifique ».
Les connaissances scientifiques sont acquises par des chercheurs dans des laboratoires en mobilisant une méthode spécifique et elles ne prennent forme qu’à travers des écrits qui sont évalués par des pairs. Il est facile d’y accéder sur des banques de données, des bibliothèques. Ces connaissances en l’état ne sont pas actionnables, il faut opérer une traduction pour qu’elle soit utilisable dans l’action. Les connaissances expérientielles sont acquises par les acteurs dans l’action en situation et elles sont implicites (Lièvre, Rix-Lièvre, 2012). Il est difficile d’accéder à ces connaissances, mais elles sont actionnables. La nature de ces connaissances et leurs formes vont avoir des conséquences sur leurs conditions d’accès et leurs proximités avec l’action.
L’accroissement des connaissances expérientielles du GMHM
Le processus d’expansion des connaissances pour le GMHM passe dans la phase de préparation par l’identification des déficits en connaissance de l’équipe en fonction de celles requises par la situation. Après avoir gravi l’Everest en 1993, l’équipe du GMHM décide d’affronter le pôle Nord.
Trois apprentissages sont nécessaires pour des alpinistes himalayistes avertis qui veulent tenter ce genre d’aventure polaire : il faut apprendre le froid, la durée et la banquise.
Les membres du GMHM décident d’organiser trois expéditions pour apprendre sur chacun de ces registres (Cayrol, 2001).
Pour apprendre « le froid », ils partent en Terre de Baffin au mois de janvier « pour réaliser un raid de quinze jours où ils vont acquérir les connaissances découlant d’un froid de - 38 °C en moyenne ».
Pour apprendre « la durée », ils effectuent une traversée de la calotte de glace du Groenland sur 1 000 km.
Enfin, pour apprendre « une banquise instable », un séjour fin avril à la pointe des îles Ellesmere (Canada) va permettre à l’équipe de se confronter à une banquise en pleine transformation : apparition de chenaux d’eaux libres, dégel-gel-dégel
La mobilisation des connaissances scientifiques
• Les connaissances mobilisées peuvent être aussi scientifiques. Alain Hubert (2003), un expéditeur belge chevronné, lors de la préparation de la traversée du Pôle Sud, est confronté à un problème insoluble : identifier un itinéraire qui minimise la confrontation avec le vent dans une zone où les rafales peuvent aller jusqu’à 200 km à l’heure.
• C’est la rencontre avec Hubert Gallée, physicien de l’atmosphère, à l’Institut Georges Lemaitre en Belgique qui va résoudre son problème. Ce chercheur a construit un modèle mathématique permettant de modéliser les vents en antarctique. C’est grâce à ce modèle qu’il va établir d’une manière définitive son itinéraire.
Conclusion
Un accroissement de l’intelligibilité de la performance des équipes projets
• L’investigation des projets en environnement extrêmes à partir de ces trois registres permettent d’accroitre l’intelligibilité de la performance des équipes projets.
• C’est ce que montre l’étude de cas comparative de deux expéditions ayant le même objectif (La Cordillère Darwin) : l’une échoue, l’autre réussie.
Le management des situations extrêmes apparait avant tout comme un management des ruptures qui suppose un apprentissage organisationnel. Or de nombreuses équipes n’apprennent pas et échouent.
Les pré-requis à l’apprentissage organisationnel ?
La perception d’un décalage comme prérequis à l’apprentissage organisationnel
• La perception d’un écart entre mes compétences et la situation (Senge)
• La perception d’un écart entre ce qui se passe et ce qui a été prévu (Argyris et Schön)
• Sans perception de ces écarts pas de mise en œuvre d’un apprentissage
Les 4 registres qui conditionnent la perception d’un décalage dans une situation (Gautier, Lièvre, Rix, 2008)
1 La place du projet dans la vie de l’acteur
2 La cohérence entre le style du projet et les attentes de l’acteur
3 Le niveau de décalage entre les compétences possédées et requises
4 Les modalités de dialogue entre les acteurs autour de ces décalages
La perception d’un décalage comme condition nécéssaire, mais pas suffisante à l’apprentissage organisationnelle
Vers une théorie « sociale » de l’apprentissage au sens de Wenger dans les projets
Il s’agit bien de lier le
processus d’apprentissage des acteurs au processus de construction de sens,
au processus de construction identitaire et au processus de socialisation.
En En vous remerciant de votre attention