lors de ma première année chez barnett & levy, j’ai...
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Mercredi16septembre
LorsdemapremièreannéechezBarnett&Levy,j’aiapprisàêtreinvisible.LorsdemadeuxièmeannéechezBarnett&Levy,j’aiapprisàmentir.LorsdematroisièmeannéechezBarnett&Levy,j’aiapprisàsauverlesapparences.C’est la ligne directrice de mon métier : sauver les apparences. Pour cela, je mens, je camoufle,
j’enjolive,jedésamorce.C’estcettelignedirectricequirythmemesjournéesetcadencemavie.C’estcettelignedirectricequiexpliquemaprésencesurleparkingdupostedepolicedeLosFeliz,le
16septembreà2h34précises.Je portais encore ma robe de soirée, traîne vaporeuse incluse, quand Kaylee m’avait appelée, en
larmes et passablement hystérique, pour demander mon aide. Me supplier serait un terme plus juste.GérerKayleeétaitépuisant:sesdérapagesornaientdeplusenplusfréquemmentlesunesdes journaux.Cettenuit,ilmefaudraitluitrouverunenouvelleexcuse—voireunnouveaumensonge—pourétoufferceénièmescandaleetpréserversesprécieuxetjuteuxcontratspublicitaires.Aumilieudelanuit,j’avaisdoncquittémonappartementet,unefoisdansmavoiture,j’avaiscontacté
l’avocatattitrédeKaylee.Ilnégocieraitunemiseàl’épreuvepoursaprotégéependantquejerédigeraisuncommuniquédepresseoùelleprésenteraitsesplusplatesexcusesets’engageraitàneplusdévierdudroitchemin.Jevenaisdegarermavoituresurleparkingattenantaucommissariatetjesondaisdésormaisleslieux.
MonregardcaptaimmédiatementlaprésencedeMitch.Ledieudesvautoursétaitdéjàlà,sonappareilphoto autourdu cou.Appuyé sur lemur attenant à l’entrée, il ne cachait nullement ses intentions : lespaparazzissenourrissentdescoopsetviventdesfauxpasdescélébrités.Lui,enparticulier,envittrèsbienetn’enressentnihonte,niremords.Actuellement, sur lemarché, les faux pas deKaylee valaient desmilliers de dollars. Kaylee avait
grandienmêmetempsquesonpublic:premierrôledansunesériepourenfants,puischanteusedurantsonadolescence,elletentaitdésormaisdepercerdanslecinéma,suivieparunpublicquiappréciaitsonapparentpuritanisme.Apparentestlemot-clédecettephrase.Apparentestlemot-clédecetteville.Kaylee grandissait et faisait des erreurs. Mais, dans ce milieu, on ne vous pardonne rien et vous
pouvezperdreenunenuitd’ivressecequevousavezmisdesannéesàconstruire.—Etvoilàleclouduspectacle!ironisaMitchenmevoyant.Lesrelationspubliquesontétéappelées.
C’estdoncplusgravequecequejepensais.Jel’ignoraiettirailalourdeported’entréeducommissariat.Mitchmesuivit,commeàsonhabitude,
avided’unscoopqu’ilpourraitnégocieràprixd’oràunmagazineàscandales.J’espéraissimplementquelesphotosn’étaientpasdéjàenvente.—Drogue?m’interrogea-t-il.— Ne compte pas sur moi pour confirmer quoi que ce soit, répondis-je en grimpant la volée de
marches.—Jen’aipasbesoinquetuconfirmes.Tuprévoisunecure?
—Jeprévoisdelafairesortiretdelaramenerchezelle,répondis-je,cinglante.Tuasdesphotos?Je connaissais lemode opératoire deMitch.C’était un traqueur : il parvenait à se glisser dans les
soirées,suivaitlescélébritésquandellesenpartaientetparvenaitainsifacilementàobtenirdesclichéscompromettants.Asonregardtriomphant, jecomprisqu’ilétait troptardpourKaylee.D’unemanièreoud’uneautre,
elle ferait launedemainmatinet jedevrais trouverune ripostepour faireoubliercescandaleauplusvite.—Jefaismonmétier,plaida-t-ilquandnousfûmesarrivésenhautdesescaliers.—Etjefaislemien,contrai-je.—Tonmétierdépenddemontravail.— Mon métier dépend de Kaylee, corrigeai-je. Elle est jeune et commet les mêmes erreurs que
n’importequellefilledesonâge.—Lacordesensible?s’étonna-t-ildansunricanement.Peoplem’enoffredixmilleetdoublelamise
sij’obtienssonmugshot1.Jesoutinssonregard,partagéeentreunesourdecolèreetl’ahurissement.S’ilparvenaitàvendreune
photodeKaylee,ivremorteauvolantdesavoiture,ellepourraitdireadieuàsonprochaintournage.Jesavaismaîtriser les articles ou les rumeurs, je n’avais quepeude défense contre les photos.Unedesgrandesjoiesdupremieramendement:lalibertépresqueabsoluedelapresse.Je tournai les talons, préférant l’ignorer. Je ne supportais pas Mitch, mais je ne pouvais pas me
permettredemelemettreàdos.Unpaparazzirevanchardestunearmepotentiellededestructionmassive.Soisprochede tesamis, et encoreplusde tesennemis.Celame révulsait et confinait à l’hypocrisie,maisauvudel’urgencedelasituation,jedevaistoutfairepourlimiterlesfuites.Ma fuite fut saluée par son ricanement qui résonna dans la cage d’escalier. Je me dirigeai vers
l’accueil lugubreducommissariat.Unelumièrejaunâtre, issued’unnéoncapricieux,éclairait l’espace.Lepolicieràl’accueillevalenezd’undossieretm’adressaunfaiblesourire.Jesortisunecartedevisite,latendisàl’agentetmeprésentaidanslafoulée,arméedemonplusbeau
sourire.SijenevoulaispasqueMitchempochelatotalitédesamise,jedevaisêtreirréprochable.—Bonsoir,jem’appelleAbigailHarper.KayleePetersonm’acontactéepour…—Elleestendégrisementderrière,mecoupa-t-ilennecachantpassonagacement.—Pourrais-jelavoir?—Vousêtessonavocate?—Jesuissonattachéedepresse.—Alorsc’estnon,répondit-ilenreplongeantlenezdanssondossier.Duregard,jecherchaiunautreagent,espérantqu’ilseraitmoinsinflexible.Maisiln’yavaitpersonne.
L’avocatdeKayleen’arriveraitquedansuneheure,jenepouvaispasmepermettredelalaisserattendreici.Chaqueminuteperduefaisaitgrossirlavagueduscandale.Mitchétaitdéjàlà,d’iciàquinzeminutes,ilsseraientvingt.Dansuneheure,ilsseraientdeuxcents.DeuxcentsàmitraillerKaylee,àluiposerdesquestionsdéstabilisantes,àl’aveuglerdeflashes,àla
maintenirdansunétauétouffant.Kaylees’effondreraitfaceàcedéchaînement.Demonsac,jetiraiunbilletdecentdollars.Danslavilledesapparences,l’argentestroi.DèsmonarrivéeàHollywood,j’avaisapprisàoublier
mes principes, à assimiler cette déroutante normalité. A cet instant, mon seul but était de préserverKaylee,etce,àtoutprix.—J’aimeraisvraimentlavoir,dis-jeenpoussantlebilletdevantmoi.Celaresteraentrevousetmoi.
L’agentdepolicemelançaunregard,puisrefermasondossieretselevadesachaise.Sansdireunmot,ilpritlebilletetlefourradanssapoche.D’ungestedelatête,ilm’invitaàlesuivre.Unsouriresoulagé flotta sur mes lèvres, même si je devais encore sortir Kaylee d’ici, en évitant la meute dephotographes.—Quellessontlescharges?demandai-jeenremontantunlongcouloirsombre.—Excèsdevitesse,conduiteenétatd’ébriété,refusd’obtempérer.D’ungestedelamain,ildésignaunecellulesurlagauche.Kayleeétaitlà,assisesurunbanccrasseux,
somnolantauxcôtésd’unhommetatouédelatêteauxpieds,satêtedodelinantsurl’épauled’unefemmeblondplatine.—Kaylee?l’appelai-je.Kaylee?LafemmeluidonnauncoupdecoudedanslescôtesetKayleesursautavivement,révélantsespoignets
délicatsenserrésdansunepairedemenottes.—C’étaitvraimentnécessaire?reprochai-jeàl’agent.—Refusd’obtempérer,merappela-t-il,alorsqueKayleechancelaitdansmadirection.Seslongscheveuxchâtainsnetenaientplusdanslechignonsophistiquéquesoncoiffeuravaitmisdes
heuresàfixerpourlasoiréedegaladelaveille.Seslarmesavaientfaitcoulersonmaquillageetilluimanquaitunescarpin.Elleétaitdansunétatdéplorable:jedevaiséviteràtoutprixlesphotographes.—Abby!chevrota-t-elle.—Pouvez-vouslafairesortirdecettecellule?Sonavocatnedevraitplustarderetjedoisdiscuter
avecelle.Pendantuneseconde,l’agentdepolicesoutintmonregardetj’étaisprêteàmedélesterd’unnouveau
billet de cent dollars — j’en avais encore cinq dans mon portefeuille, prêts à changer de main.Finalement, l’agentacquiesçaetouvrit lacellule.Kayleetitubajusqu’àunechaiseetfut libéréedesesmenottes.Jem’installaifaceàelle,appuyéecontreunetable,espérantuneexplication.Ellefrottanerveusementsespoignetsrougisetrelevadifficilementlesyeuxversmoi.—Aquelpointes-tuencolèreaprèsmoi?chuchota-t-elle.—J’aiappelétamère.—Oh.Acepoint-là,alors,ricana-t-elle.—JeneplaisantepasKaylee.C’esttatroisièmearrestationendeuxsemaines.Lasituationtesemble
peut-êtretrèsdrôle,maiselleleseranettementmoinsdemainmatin,quandtuferaslaune,ivremorte,dePeople.—J’aijusteunpeutropbu,s’excusa-t-elle,demanièrepitoyable.—Kaylee,s’ilyaautrechose,c’estlemomentdemeledire.—Jen’aipasprisdedrogue!s’écria-t-elleavecvéhémence.J’étaisjustebourrée,Abby.C’estceque
fontlesgensdemonâge,ilsboivent,ilsfontlafête.Ilssortent,ilsvivent.—Etilsn’ontpasdefoutuscontratspublicitairessurleurtête,m’agaçai-je.Situveuxboire,fais-le
cheztoietévitedet’exhiberdevantlespaparazzis.Cesonttescontratsquisontenjeu,c’esttacarrièrequeturisques!—Etlaprison,renchéritunevoixderrièremoi.Gordon,l’avocatdeKaylee,m’embrassarapidementsurlajoue,avantdesesaisird’unechaiseetde
s’asseoiràcalifourchonsurcelle-ci.—Laprison?répétaKayleed’unevoixblanche.—Aupire.Jevaisnégocieruneamende.—Qu’est-cequ’onraconteauxmédias?demandai-jeensortantmonbloc-notes.MonregardpassadeKayleeàGordon.D’habitude,j’avaisuneéquipederédacteursautourdemoiqui
aurait pu faire passer l’annonce de la Troisième Guerre mondiale pour un simple accrochage sansimportance.Mais cette nuit, je ne pouvais pasme permettre d’attendre. Le communiqué devait sortiravant les photos : je devais désamorcer la grenade avant même qu’elle soit dégoupillée. Devant lesilencedeKaylee,jelançaiuneproposition:—Oncommenceparleplussimple:tuprésentestesexcusespourtoncomportement.Kaylee soupira lourdement devant moi, glissant sur sa chaise pour signifier son mécontentement.
Parfois,ellesecomportaitvraimentcommeuneadolescentecapricieuse.Parfois,Kayleefaisaitsonâge,unâgeoùonneréfléchitpasvraimentauxconséquencesdesesactes.—Tunemelaissespaslechoix,luirappelai-je.Tudevrasaussiadmettrequetuavaiseffectivement
tropbu…—…etquec’étaituneerreur,continuaGordon.—Jediraiquetuaspaniquéenvoyantlapoliceetquecelaexpliquetonrefusd’obtempérer.—Ilsontvoulumefouiller!—Tuaspaniqué, répétai-jeen lui lançantun regardnoir.Sion tepose laquestion,c’estceque tu
devrasrépondre.Jejetaimesquelquesnotessurmonbloc.Cecommuniquédepressen’avaitpasàfairetroispages,il
suffisait seulementde trois lignesd’excuses etde repentancepour sauver les apparences.Trois lignesd’excusesetunesemi-véritépoursauver lacarrièredeKaylee,enespérantqu’elleéviteunenouvellearrestation.—Y a-t-il autre chose que nous devons savoir ? demanda Gordon. Je ne veux pas de mauvaises
surprisesdevantlejuge.—Non.Est-cequ’onpeutrentrer?J’aijusteenviededormir,ditKayleeenréprimantunbâillement.—Ilyaunetrentainedepaparazzisdevantl’entrée.—Et tu es incapable demarcher, constatai-je quandKaylee se leva pourmieux se rasseoir sur sa
chaise.Jevaisallercherchermavoitureetcontournerlebâtiment.Ildoityavoirunesortiequidonnesurlarue.—Jevaisvoirl’agentpourréglercettehistoired’amende,proposaGordon.Jel’aideraiàterejoindre
ensuite.Ilabandonnasachaise,larepoussantcontrelebureau,etsortitdelapiècepourretrouverl’agentde
police.Kayleefixaitsachaussure,semblantprendremaintenantconsciencequesonautrepiedétaitnu.—Enfilelesmiennes,proposai-jeenlesretirant.Je posai au solma paire d’escarpins noirs, aux talons vertigineux, gracieusement prêtée par Jimmy
Shoo.Idéalpourcourir,songeai-je.—Mais,ettoi?—Moi,macarrièren’estpasenjeu,luifis-jeremarquer.—Abby,jesuisdésolée.Je…Jevoulaisjuste…m’amuserunpeu.J’aibesoind’unepause,souffla-t-
elleenenfilantmeschaussures.—D’unepause?!m’esclaffai-je.Tuastroisfilmsprogrammésl’anprochain.Prendreunepauseence
moment,c’estfaireuntraitsurtacarrière.Son regard se voila et des larmes perlèrent à ses paupières. Ce n’est qu’à cet instant que je pris
conscience demon ton sec et tranchant. Je sortais demesmissions habituelles : je devais préserverKaylee de l’enfer d’Hollywood et surtout pas le lui rappeler. Elle devait apprendre à se servird’Hollywoodetnonpasdevenirunevictimedesonécrasantemachinerie.—Tuas raison,murmurai-je avecun sourire compatissant, ondevrait aller dormir.La soirée a été
longuepourtoutlemonde.
Jel’accueillisdansmesbras,neremarquantqu’àcemomentl’odeuraigrequiflottaitautourd’elle.Jelarepoussai,mesyeuxseposantsuruneauréoleornantsarobedecréateuràhauteurdelapoitrine.Detouteévidence,satenuenesurvivraitpasàcettesoirée.—Ilestpossiblequejemesoisvomiedessus,admit-elledansunchuchotis.—J’auraisdûresterauGalapourtesurveiller!Catherineestaucourant?—Catherinem’auraitenguirlandéependantdesheures.—Elle le fera dès demainmatin, contrai-je.Et tu as un shooting, dans— je jetai un coupd’œil à
l’écrandemontéléphone—moinsdesixheures.Jevaisteraccompagnercheztoi,tefairecoulerunbainetnousallonsoubliercettehistoire.J’enverrailecommuniquédetavilla.—Etmamère?m’interrogea-t-ellefinalement.—Jelarappelleraidemainpourluidirequetoutvabien.Maissitumerefaisuncouppareil,j’affrète
unjetpourlafairevenirdansl’heure.Connaissant la nature ultraprotectrice de la mère de Kaylee, je savais que ce seul argument
persuaderaitmaclientedeneplusrecommencer;àvingt-deuxans,personneneveutdesamèrecommechaperon.Gordonréapparut,déposantsavestesurlesépaulesdeKaylee.—Ilyaunecinquantainedephotographesdevantl’entrée.—Merde,râlai-je.Devantmoi,Kayleesetendit,commesi,brutalement,elleserendaitcomptedesconséquencesdeson
arrestation.C’estl’avantagedelaréalitéhollywoodienne:elleestviolenteetultrarapideetdégriseraitle plus fervent des alcooliques.Kaylee savait qu’elle risquait sa réputation. Elle resserra la veste deGordonsursesépaulesetbaissalesyeux.—Ilyaunesortiequidonnedansunecontre-allée.Abby,tuprendstavoituresurleparkingettunous
rejoins.—Ilsvontmesuivre,intervins-je.—C’estcertain.Maissionsortparl’entréeprincipale,tun’atteindrasjamaislavoiture.—Jesuisdésolée,Abby,murmuraKaylee.Lesolenbétonglaçaitmespiedsnus.Monrôleétaitdetrouverdessolutionset,àcetinstant,nousn’en
avionspas d’autre.Dans tous les cas, nousdevrions affronter lameute.Pour ne rien arranger, j’avaisdansquelquesheureslebriefinghebdomadairechezBarnett&Levyetilfallaitabsolumentquejedormeun peu. Je récupérai mes clés au fond de mon sac et regrettai maintenant d’avoir abandonné meschaussures àKaylee. Courir pieds nus, avec une robe de soirée et en slalomant entre des paparazzisavidesdescoop…Unjeud’enfant!—Kaylee,tubaisseslatête,tunerépondspasauxprovocations.Ilsvonttemitrailler,laprévins-je.—Commed’habitude,marmonna-t-elle.—Jesais.Tuasdeslunettesdesoleil?Unecasquette?Quelquechosepourcachertonvisage?—Ilyaunepairedelunettesdanslapochedemaveste,indiquaGordon.Kayleelesposasursonnezetrelevasonvisageversmoi,medemandantsilencieusementmonavis.
D’un geste rapide, je retirai les quelques épingles rescapées de son chignon et plaçai ses cheveux defaçonàcamouflerencoreplussonvisage.—Pasderegard,pasdecommentaire,pasdesourire.Tugrimpesdanslavoitureettunelèvespasle
visagetantquenousnesommespascheztoi.Lesvitresnesontpasteintées,çavaêtreunvraispectacle!Compris?—Compris.—Gordon,veillesurelle.Surtout,onneperdpasdetemps:dèsquejesuisdanslacontre-allée,tu
l’escortesjusqu’àlavoiture.
Ilacquiesçaetjequittailapièce,marchantd’unpasdécidéverslaporteprincipaleducommissariat.Jeprisuneprofondeinspiration,poussailaporteetmejetaidansl’arène.Lesflashescrépitèrentetlesquestionsfusèrent.Jefilaiàtoutesjambesendirectiondemavoiture,ignorantlesmots«désintox»et« scandale » quime parvenaient. Je ne sentais plusmes pieds, qui frappaient à une cadence folle lebitume.A distance, je déverrouillai ma voiture, fuyant les paparazzis qui me suivaient. Parvenue à mon
véhicule,jemanquaid’arracherlaportière,m’installaiauvolantetdémarraiaussitôtdansuncrissementdepneus.Danslerétroviseur,jedistinguailafouledephotographes.Lesflashessuffisaientàilluminerlepetitparking.Dansmaprécipitation,jemanquaimêmederenverserundecesvautours.L’hommefrappamavitre,faisantvibrertoutemavoiture.—Dégagez!hurlai-jeavecunsignedelamain.Dégagezd’ici!Je parvins à contourner le bâtiment, semant une partie des photographes dans la manœuvre. Je
bifurquaidans lacontre-alléeàunevitesse folle, ravageant leparterrede fleursducommissariat.Unelumièresolitairevenantd’untéléphoneattiramonregardetjedécouvris,tapisdansl’ombre,GordonetKaylee qui m’attendaient. Ils dévalèrent la volée de marches, pendant que je m’arrêtais une courteseconde.Gordonouvritlaportièrepassager,poussantKayleeàl’intérieurdel’habitacle.—Metstaceinture,luiintimai-je.Ilssontaffaméscesoir!Je repartis sur des chapeaux de roue, remontant l’allée et débouchant sur le parking. Les flashes
reprirentdanslaseconde,m’aveuglantpresque.—Merde!Baisselatête!ordonnai-jeàKayleeenappuyantmoi-mêmesurlehautdesoncrâne.Je donnai un violent coup de volant, virant sur la gauche, avant de reculer à toute vitesse. Les
photographess’écartèrent,puisreprirentmavoitured’assaut.J’accéléraivivement,reprenantlacontre-allée, traversant le parking en slalomant entre les quelques voitures, pour enfin trouver la sortie quidonnaitsurlarue.J’entendisKayleesangloter,cachantsonvisageentresesmains.—Toutvabien,Kaylee.Jeteramènecheztoi.Mais,mêmeàmoi,mavoixmesemblaittoutsaufrassurante.Lorsdessoiréesoudesévénementsdans
lesquellesKaylee était invitée, nous avions un chauffeur averti à disposition et aumoins un garde ducorps.Piedsnusetauvolantdemapetitevoiture,lalutteétaitvraimentinégale.Jeparvinsauboulevardprincipal,observantlesdégâtsdanslerétroviseur.Monartistiquedemi-tour
surleparkingavaitdûsurprendrelesvautours.Lesquelquesrescapésprenaientl’arrièredemavoitureenphoto,pendantquejefonçaisdroitdevantmoi.Kayleepleuraittoujours,paniquée.—Est-cequetoutvabien?m’enquis-je.—Jeveuxrentrerchezmoi.—C’estleplan.Kayleeposasatêtecontrelavitre.Letrajet,désormaiscalmeetmaîtrisé,sedérouladanslesilence.
Detempsàautre,jejetaiuncoupd’œilversmacliente,maisjeneparvenaispasàdéchiffrersonregard.Jel’avaissortiedececommissariat,c’étaitl’essentielpourcesoir.Après vingt minutes de route, nous arrivâmes devant son portail. Je tapai le code et les lumières
automatiqueséclairèrentlapetiteallée.Kayleeavaitachetécetteimmensemaisonpoursonanniversaire.La piscine, le jardin et les hautes clôtures l’avaient totalement conquise. Ici, elle se sentait protégée.Personnellement,jem’interrogeaisurlapertinenced’avoirhuitchambresquandonvitseule—j’avaisdéjàdumalàoccuperlamiennerégulièrement.—Tupeuxdormirici,meproposaKaylee.—Seulementpourquelquesheures.Jesuisattendueaubureaudemain.Nous sortîmes de ma voiture et gagnâmes l’entrée de sa propriété. Un miaulement sonore nous
accueillitetAlaska,lechatdeKaylee,sefaufilaentremesjambes.Jebondissurmespiedsnusetabîmésparmonsprintsurleparking,grimaçantàlafoisdedouleuretdesurprise.—Ilt’aimebien,ondirait,s’amusaKayleeenprenantsonchatdanslesbras.—Cen’estpasdu tout réciproque. Ildoitcertainementperdresespoilspartoutet fairepipisur les
murs…—TuconfondsavecMark,ritKaylee.—Jevaisluirépéterça,tusais!—C’estlebut!Jevaisallerprendreunedoucheetensuitedormirpendantdeuxjours.Installe-toioù
tuveux,jevaisteprêterquelquechosepourlanuit.—Kaylee,c’esttrèsgentil,maisiln’yaaucunechancequejerentredanston34!Kaylee fait partie de ces jeunes filles qui ont la chance d’avoir un excellentmétabolisme. Elle se
nourrit de barres chocolatées et de thé vert et parvient, sans exercice physique, à avoir un corps desirène. Personnellement, jemaintenaisma taille 38 à grand renfort de diète protéinée et de cours depilates.—Mamèreadûlaisserdesvêtementslorsdesondernierpassage,repritKaylee.—Etmaintenant,monegoestaussiravagéquemespieds.Merci,Kaylee,unvraibonheurdetravailler
pourtoi.ElleentradanssachambreetenressortitaussitôtavecunleggingetunT-shirtinforme.Ellelesposa
surunechaiseetôtaleschaussuresquejeluiavaisprêtées.Ellem’adressaunsourireheureuxet,malgrésonvisagecouvertdemaquillage,celamesemblasincère.—Merciencorepourcesoir.Jenesaispascequej’auraisfaitsanstoi.— C’est mon travail, Kaylee. Il y aura des photos dans quelques heures, mais je vais lancer le
communiqué dès maintenant pour minimiser leurs impacts. Et rappelle-toi : tu as paniqué, tu assimplementpaniqué.—Jevoulaisjuste…—Jesais.Ecoute,Kaylee,jenesuispastonamie,nitamère;jenesuispaslàpourtedirecommenttu
doisagir,nipourtegronder.Monrôle,c’estdem’assurerquetupuissescontinueràtravailler.Jen’airiencontrelefaitquetut’amuses,maisfaisensortequecelanesesachepas.—D’accord.Jeseraiplusprudenteàl’avenir.Ellequitta lapièceet retournaà sa chambre.Elle en ferma laporte,m’indiquant ainsique jene la
reverraisplusdelanuit.A5h30dumatin,jetransmislecommuniquédepressequisauveraitlacarrièredeKayleeetqui,accessoirement,mepermettraitdecontinueràbosserdanscetteville.J’étaisparvenueàfairecequ’onmedemandait;j’étaisparvenueàpréserverlesapparences,àmentir,
àcamoufler,àdésamorcer.Etcettenuit-là,pourlapremièrefoisdepuisvingt-huitans,jeparvinsaussiàdormiravecunchat.C’étaitunsigne.Unmauvaissigne.
1..Photopriseparlecommissariatdepolicelorsdel’arrestation.
2
Quelquesheuresplustard,jeretrouvaiKayleedanssacuisineimmaculée.L’obscuritérégnaitencoredehors,etelleavaitsimplementalluméleslampesquisurplombaientl’îlotcentral.Ellefaisaitroulersonmugdethévertentresesmains,soufflantdoucementdessus.Leteintencoregrisdesacourtenuit,ellem’adressaunpauvresouriresansâme.—J’aibesoindevacances,murmura-t-elle.—TudevraisenparleràCatherine.Elleestmaîtredetonagenda,luifis-jeremarquerenmeservant
unmugdethé.Elle tourna son regardvers la fenêtre, seperdant dans sespensées.Apparemment, elle était encore
remuéeparnotreaventureaucommissariat.Jem’installaiprèsd’elleetposaiunemainréconfortantesursonépaule.Surprise,ellesetendit,avantdepivoterversmoi.—Merci encore pour cette nuit. J’ai envoyé ta robe et tes chaussures à nettoyer.Enfin,Helga s’en
occuperaàsonarrivée.—Merci.Prêtepourtonshooting?—Leurmaquilleurvadevoirfairedesmiracles,sourit-elle.—Penseàcellesquin’ontpascettechance,luifis-jeremarquerenbâillant.Jedoisavoirunemine
épouvantable.—Cadavérique,renchéritKayleeenriant.Toiaussi,tuasbesoindevacances.Commentpeux-tuvivre
icietêtreaussipâle?—Jetravailledansunbureau,luirappelai-je.D’ailleurs,jedoisyaller.D’un trait, je finismonmug et rassemblaima chevelure brune dans un chignon de fortune. Kaylee
m’avaitprêtéunsurvêtementinformeetunepairedetongsrosevif.J’avaishâted’allersousmadoucheetd’enfilerunetenueplusféminine.JedéposaiunebiserapidesurlajouedeKaylee,luifrottantledosduplatdelamainavecaffection.
D’unregard,jevérifiaiqu’elleallaitbien.Sonsouriretremblantnemerassurapasetjemepromisdel’appelerdanslajournéepourprendredesesnouvelles.—Jet’envoieunevoiturepourleshooting,luidis-jeenprenantmonsacàmain.Pouraujourd’hui,ne
tebaladepasseuledanslarue.Mitchdoitencoreêtredanslecoinpourtemitrailleretpouvoirsepayerunenouvellevoiture.—Tucroisqu’ilsarrêterontunjour?—Dèsqu’ils auront unnouveau scoopouunnouveau scandale croustillant. Fais juste tonpossible
pournepasêtreimpliquéedansquoiquecesoitpendantaumoinsunesemaine.—Promis,murmura-t-elle.JequittaiKayleeavecunebouleauventre,mélanged’angoisseinexpliquéeetdefatiguepersistante.Je
bâillai en regagnantma voiture, vérifiant, dans un ultime réflexe, qu’aucun photographe ne guettait lasortiedemacliente.Danslesjournaux,ilyapirequelaphotoprouvantquevousêtesunebonnefêtarde:il y a la photo du lendemain, incluant cernes, cheveux gras et tenue improbable à base deUgg et dedébardeurtroué.Uncoupd’œilàmonrefletdanslerétroviseurmeconfirmalatristeréalité:cernes,cheveuxgraset
tenueimprobable.Kaylee,cequetumefaisfaire…
***
Unedoucheetunegalettederizcomplet—engloutiedanslavoiture—plustard,jefranchislesportesdeverredeBarnett&Levy.J’avaisencorequelquesminutesavantlebriefinghebdomadaireetjevoulaisenprofiterpourvérifierlesunesdujour.Kayleen’étaitpasmaseuleclienteet,àchaqueparutiond’unhebdomadaireàscandale,j’avaisunetrouillemonumentalededécouvrirmahantise:monacteursortantdechezsamaîtresseoul’unedemeschanteusesenpleineprisedecocaïnesurlecapotdesavoiture.Peoplesortaitaujourd’huietj’espéraiqueKayleen’yapparaîtraitpasenpremièrepage.Kayleeétait
fragile,encorejeuneetnesavaitpasprendredureculsurlesévénements.Jerefusaisdedevoirgérerunedépression,aliaslapathologielaplusrépanduemaislamoinsacceptéedeHollywood.Commentunepersonnequiatout—l’argent,lacélébrité,laviefacile—peut-ellesepermettredese
plaindreetd’êtremalheureuse?Laréponseestsimple:l’argent,lespaillettes,l’opulence:riendetoutcelanerendheureux.Etretraqué,espionné,humiliéestpesant.Avoirunevienormaleestimpossible.AHollywood,lesouriredoitêtrepermanent.AHollywood,lespsychiatressontplusrichesquelesavocats.Arrivéeaudouzièmeétage,jemeretrouvaidansl’openspacegarnidedizainesdebureaux,audécor
minimaliste,dansdestonsdeblancetderouge.AmonarrivéechezBarnett&Levy,j’avaisoccupéundeces box. Aucune confidentialité, la sonnerie perpétuelle du téléphone, le brouhaha permanent. L’andernier, quand j’avais finalement obtenu une promotion, j’avais sauté de joie rien qu’à la perspectived’avoirunbureauindividuel.Jejetaiuncoupd’œilsurlatélévisionalluméeenpermanence,vérifiantsilenomdeKayleedéfilait.Il
n’yavaitrienetjeressentisdansl’instantunimmensesoulagement.Lepetitintermèdedelanuitdernièrepasseraitinaperçu.Monassistante,Mirna,étaitdéjàlà.—Markestdansvotrebureau,m’informa-t-elle.—Ilesttombédulit?m’étonnai-je.Ellehaussalesépaulesetmetenditmesmessages.Markétaitunoiseaudenuit,arpentantlessoirées,
dénichantdesclients,endébauchantmêmecertains.C’étaitnotremeilleurcommercialet lesscandalesquenousétouffions luipermettaientd’enrichirsoncarnetd’adresses.Quellemeilleurepreuvedenotretalentdanslesrelationspubliquesquel’absencedescandales?Jepassailaportedemonbureau,découvrantMark,affalédansmonfauteuil,lespiedscaléssurmon
bureau, ronflant lourdement, unmagazine ouvert sur la poitrine. L’idée de prendre une photo et de lamarchandercontred’odieuxprivilègessurgitinstantanément.Jeposailourdementmonsacsurlebureau,puiscontournailemeuble.Appuyéelégèrementdessus,jeregardaiMarkdormircommeunbienheureux,seschaussuresparfaitementcirées,reposantsurlebureau.MarkétaitunvéritableCalifornien:bronzé,musclé,unedentitionparfaite,unlookàlapointedela
mode. Il arboraituneopulentechevelurebrune,quidonnait l’impressionqu’il avait encore15ans.Enréalité,Markvenaitdefêtersontrente-cinquièmeanniversaire.Sesyeuxvertsétaientsameilleurearmedeséduction, armedont il abusait régulièrement. Il émitunnouveau ronflement sonoreetbrisaainsi àcoup sûr lemythe du gendre idéal,me faisant instantanément sourire.D’un geste vif, je repoussai sespiedsdemonbureau.Ilsursautaetseredressabrutalementdanslefauteuil,manquantpresquedefinirparterre.—Nousautres,humains,disposonsdelitsetd’oreillerspourdormir,lançai-je,acide.Marksefrottalesyeux,puisseraclalagorge.Ilrefermasonmagazineavantdelejeternégligemment
surmonbureau,selevademonfauteuil,puislefitpivoteretd’ungestegalantm’invitaàm’yasseoir.
—Tropaimable, souris-je enm’installant.Quepuis-je fairepourque tudéguerpissesd’ici auplusvite?—M’arrangerunrencardavecKaylee?J’éclataideriredevantsamouepleined’espoir.Markavaitceculotmonstreducommercial,qui le
privaitdufiltredelabienséance.Ilcroisalesbrassursapoitrine,puiss’appuyaavecnonchalancesurmonbureau,indifférentaufaitquejesouhaitaistravailler.—Tantquejesuissonattachéedepresseetdonclagardiennedutemple,celan’arriverapas!—Peut-êtrequejeluiplairais,tenta-t-il.—Etpeut-êtrequejedemanderaisunordrederestrictionpourquetunel’approchespas!Kayleen’a
pasbesoindefaireleschouxgrasdelapresse.Enparticulieravectoi!—Moi?Legendreidéal?—Toi,lefoufurieux.Ladernièrefois,tum’asappeléed’unecabinetéléphoniquepourquejevienne
techercher!luifis-jeremarquerenallumantl’écrandemonordinateur.—Tuhabitaisàunpâtédemaisons!—Tuétaisivremort!—J’étaisprudent!— Tu étais nu comme un ver parce que Tricia, kleptomane de son état, venait de te braquer tes
vêtements après un bain de minuit. Tu n’es pas le gendre idéal, Mark. Sauf peut-être pour Cruella,ajoutai-jeenriant.—Rappelle-moipourquoinoussommesamis?—Parcequejepayetoujoursl’addition?risquai-jedansunsourireheureux.—Parcequej’adoretonfauteuildebureau.Jelevaiunsourcilsoupçonneux,observantd’unœildistraitlesmessagess’accumulerdansmaboîte
deréception.Jevérifiail’heure,constatantquemaconversationavecMarkavaitdévorélepeudetempsdontjedisposaispourtravailleravantlebriefing.—Non,tuadoresmepourrirlavie!Explique-moicequetufaisici!—Jedormais.— Sérieusement,Mark. Nous autres, humains, travaillons aussi et j’ai exactement— je fixai mon
écran, partagée entre désespoir et ahurissement—deux cent quarante-sixmessages.Ce quime donnedeuxcentquarante-sixbonnesraisonsdetebotterlesfesseshorsd’ici.J’appuyai sur l’Interphone, cherchant à contacter Mirna pour qu’elle m’amène une triple dose
d’expresso.Markappuyasurunetoucheetsecoualatête.Lalueurd’amusementquibrillaitdanssesyeuxdepuis le début denotre conversation s’était éteinte.Les traits de sonvisage s’étaient durcis, effaçantainsilesdernièrestracesdesommeil.J’abandonnailaperspectivedemoncaféetm’enfonçaidansmonsiège.—Ilvayavoirduchangement,annonçaMarkaprèsunprofondsoupir.—Duchangement?Aquelniveau?—Entermed’organisation.Barnettm’aproposédeprendreunposted’associé.—Vraiment?m’écriai-je,bondissantsurmespieds,raviepourlui.Il opina, son visage affichant un sourire triomphant. Je l’étreignis, le félicitant de cette heureuse
nouvelle.Ilmeserracontreluietjesentissonparfumpiquantetvirilm’entourer.Jem’écartai,lesmainsdeMarktoujourssurmataille.Ilplongeasonregarddanslemienetl’atmosphèrechangea,passantdelalégèretéàl’embarras.Je posai ma main sur son torse, le repoussant contre le bureau, pendant que je me dégageais
complètement.Ensilence,nousnousfixâmes,lesouvenirdenotrenuitensembleresurgissant.Ils’agissait
d’uneerreurlamentableetquiauraitdûêtresansconséquencemaismarelationavecMark—amicale,àlalimitedel’amourvache—s’enressentaitdésormais.J’espéraisquenousredeviendrionssimplementMarketAbby,lesbonsamis,aulieuderessentircemalaisefréquententrenousdeux.—Celadoitêtreannoncéenbriefing,reprit-il,dissipantainsinotregêne.—Mercidemedonnerlaprimeurdel’information.—Cen’estpasgratuit,s’esclaffa-t-il.—Tun’auraspasmonfauteuil,leprévins-jedansunrire,avantdem’yrasseoir.—Jeveuxsimplementtrenteminutesdetontemps.Apreslebriefing.J’aiundossieràtesoumettre.—Quelrapportavectanouvellefonctiond’associé?m’enquis-jecurieuse.—J’aibonespoirquenotrenouveaulienhiérarchiquetelefasseaccepterplusfacilement.Cette fois, j’étaisvraiment intriguée.L’agenceavait un fonctionnement routinier : nos clients étaient
chanteurs,acteurs,mannequins.Leursagentsnouscontactaientetlesdossiersétaientrepartisenfonctiond’une équation savante mêlant le montant de leur cachet, notre degré d’expérience et leur potentiellerentabilité dans les journaux à scandale. Une affaire de chiffres, d’argent et d’egos démesurés. Pasd’affect, pas d’atomes crochus, pas de questionnement spirituel sur le dernier scandale à la une. Cen’étaitpasnotrerôle.Lasuitesejouaitdanslesbureauxfeutrésdesassociés:desrencontres,desplansdecommunication,
unerevued’actualitéetenfinlasignatured’uncontratquinousliaitànotreclientcorpsetâme.QuelquesoitmondegrédeproximitéavecKaylee,nousn’étionspasamies; j’étaissonattachéede
presseetelleétaitmacliente.Ilenétaitainsipourtousmesclients:jegéraisunepartiedeleurcarrièreet ilsmefaisaientconfiancepourcontrôler leur image.Notre rôlepeutsemblerambivalent :à la fois,nouscôtoyonscesactrices,nousconnaissonsleursfaiblesses,nousapprenonsparcœurleurnumérodetéléphone,maisnousnefaisonsenaucuncaspartiedeleurvie.Distance,professionnalisme.Nousgéronsleurcarrière,pasleurdestin.Depuis que je travaillais dans les relations publiques, je n’avais jamais connu un autre mode de
fonctionnement.—Depuisquandonpeutrefuserundossier?demandai-je,perplexe.—Tumerefusesbeaucoupdechosesdernièrement,répondit-ildansunmurmure.Sesyeux trouvèrent lesmienset lesentimentdiffusdemalaiseetdegênereprit ledessus.Jefrottai
mesmainsl’unecontrel’autre,espéranttrouveruneparade.J’étaisparvenuedepuisplusieurssemainesàesquiverlesujet,àéluderlesconversationsetàplacerunecertainedistanceentreMarketmoi.—Tuastoutemonamitié,lâchai-je,lecœurbattant.—Jeveuxplus.—Tuasdéjàeuplus,luifis-jeremarquer.Tuasdéjàeuplusavecdenombreusesfemmes,ironisai-je
enmerelevantdemonfauteuil.Je passai à côté de lui, espérant que cette dernière pique suffirait àmettre fin à cette conversation.
MaisMarkmesaisitlebrasetm’attiracontrelui.Sonsoufflecaressaitmapeauetsonregardvoiléparledoute sonda lemien. Iln’yavaitplus lemasquedecommercial, ivredeconfianceet conscientde sescharmes.Pourlapremièrefoisdepuisquejeleconnaissais—presquetroisans—Markmedévoilaituneoncedevulnérabilitéetd’incertitude.—C’esttoiquejeveux,Abby,chuchota-t-il.Jeveuxplusdetoi.—Noussommesamis,Mark.Lasituationnechangerapas,dis-jed’untonvolontairementcassant,en
medégageantdesaprise.Maintenant,ondevraitpeut-êtrealleraubriefing.Markpoussaunprofondsoupir,avantdepasserunemainlassesursonvisagefatigué.Jem’envoulus
aussitôtd’avoirétésisèche.
—Excuse-moi,j’aieuunenuit…agitée,mejustifiai-je.—Jesuisaucourant.Enfin,jedevraisplutôtrectifier:toutelaCalifornieestaucourant.Ilsaisit lemagazinedont ils’étaitdébarrassésur la tableaumomentdesonréveiletmedévoila la
une.J’écarquillailesyeux,horrifiée.Unfrissondeterreurmeparcourut,àunpointtelquej’enoubliaideclignerdesyeux.Jem’effondraidansmonfauteuil,arrachant l’infâmetorchonàscandaledesmainsdemoncollègue.—D’unpointdevuepurement technique, laphotoest trèsréussie :contre-plongée,unlégerflouen
arrière…—Jefaislaune,murmurai-je,figéedansmastupéfaction.JefaislaunedePeople!—EtaussiduHollywoodTorch,deStarMagazineetduLAReporter,énonçatranquillementMark.Jem’enfonçaiunpeuplusdansmonfauteuil,lesyeuxrivéssurlacouvertureenpapierglacé.Onm’y
découvrait pieds nus,ma longue chevelure brunemaintenue difficilement dans un chignon improbable,courantversmavoitureavecunregarddetueuse,prêteàdécimerlespauvresâmessursonchemin.—Jefaislaunedequatremagazines,articulai-je,tétanisée.—Aubasmot.Nousn’avonspastoutreçuetmonpetitdoigtm’aditqued’autresallaientsortir.Je levai les yeux vers Mark. Il me fixait, nullement troublé par mes réactions extrêmes. J’étais
scandalisée,outrée,pétrifiée…etabsolumentsansvoix.J’étaisparvenueàpréserverKayleeet c’étaitfinalementmoiquiétaisjetéeenpâturesurlaplacepublique.—Mitch,murmurai-je,encomprenantqu’ilétaitl’instigateurdecettemiseenscène.—Tuasdûlecontrarier,commentaMark.Ilyaaussidesphotosàl’intérieur.J’ouvris le magazine, feuilletant nerveusement les pages. A défaut d’avoir obtenu des clichés de
Kaylee, Mitch — et sûrement un bon nombre de paparazzis comme lui — avait immortalisé lesévénementsdelanuitdernière:monarrivéeaucommissariat,macoursefollepiedsnusversmavoiture,maconduitedigned’uncascadeuretmonvisagedéforméparlacolèreetlapanique.Perduesaumilieudesphotos,quelqueslignesmentionnaientquej’étaisvenueausecoursdeKayleeet
quemonétat—jecite«auxlimitesdelacrised’hystérie»—sejustifiaitparlesmultiplesfrasquesdeKaylee.Evidemment,àlafindel’article,setrouvaituntémoignageanonymed’untémoin—sansaucundoute le policier à qui j’avais graissé la patte— attestant de mon comportement « de folle » et dumassacredufameuxparterredefleurs.J’abaissailemagazinesurmesjambes,consternée.Markmetendituneflasqueenargentet,bienqu’il
fûtàpeine9heures,jelaprisetbusunerasadedebourbon.—Tueslivide,commentaMarkenmereprenantlaflasquedesmains.—Jevaisletuer,marmonnai-je.Lacolèresuccédaitàlastupéfaction.Mitchavaitastucieusementtrouvéunintérêtàsesphotos.S’ilne
pouvaitpas avoirKayleedirectement, il se contenterait de sonattachéedepresse et de sous-entendusinfâmes.Malheureusement,celasuffiraitàatteindremaclienteetsaréputation.—Onpeutfairerédigerunnouveaucommuniquédepresse,proposaMark.—Non.Çaseraitdonnerbien tropd’importanceàcettehistoire.Mitchchercheàmefairesortirde
mesgonds.Jerefusederentrerdanscejeu.Jetantlemagazineausol,jemelevaidemonfauteuil,lespoingsserrés,animéed’uneragefolle.Jene
savais pas ce quime tourmentait le plus : l’effet surKaylee, les retombées sur l’agence ou peut-être,égoïstement,l’imageatrocedesorcièrehystériquequejedonnaissurcettephoto.Jemesentaishumiliée.—Tun’espascenséeteretrouveràlaune,Abby.Cesphotoslaissentàpenserquetucamoufles…—C’estmonboulotdecamoufler,Mark,l’interrompis-je.EtsiMitchavenducesclichés,c’estqu’il
n’avaitriendemieuxpourbouclersafindemois!J’estimedoncquej’aibien…camouflé,répliquai-je,
cinglante.Mark étouffa un rire, avant de lever les mains devant lui en signe de reddition. Il se redressa et
approcha de moi. Comme il l’avait fait des milliers de fois depuis que nous nous connaissions, ilrepoussadel’indexlescheveuxquiretombaientsurmesyeux.—Tuasraison,admit-il.Etpourtagouverne,tuesdrôlementsexyquandtut’énerves!Un éclat de rire s’échappa dema gorge, à peine retenu parma colère. En une phrase,Mark savait
désamorcerlessituationslesplusrocambolesques.—Laprochaine fois,assure-toid’avoirdeschaussures.Cettephotodonne l’impressionqu’onne te
payepassuffisamment!—Passuffisammentpourmonaller-retouraucommissariat,macourse-poursuiteenvoitureetmanuit
tropcourte,detouteévidence,raillai-je.—Qu’a-t-ellefaitpourquetumériteslaune?—Elleafaitcequefonttouteslesfillesdesonâge.Etsijesuishonnête,jediraisqu’elleafaitceque
jen’aipasfaitdepuisdessiècles.—Parcequeturefusestoutesmesinvitationsàdîner,mefitremarquerMark.—Parcequ’ellessontmalhonnêtes,contrai-je.Tuasuneidéederrièrelatête!—Pasqu’une!Jepensaiscequej’aidittoutàl’heure,Abby.Jeteveux.Pourquoirefuses-tudeme
donnerlamoindrechance?Onpourraitvivreunehistoiresympa,avoiruneviederêveici…Peut-êtremêmefondernotrepropreagence?Onpourraitêtreheureux,Abby,finit-ilenserrantmamain.—Peut-être,admis-je.Mais…—Abby,Mark,vousêtesattendus,fitlavoixdeMirnaparl’Interphone.Mark libéramamain et intérieurement je fus reconnaissante de l’interruption. Il avait certainement
raison:nousaurionspuêtreheureux,àlafaçondecespersonnes,qui,muéesparledépitoulacraintedefinirseules,acceptentunehistoiresympa.AladifférencedeMark,jerefusaisdemecontenterd’unesimplehistoiresympa.Je voulais de la surprise, de l’excès, de la folie, de l’adrénaline et une flopée de papillons dans
l’estomac. Et peu importe, si cela ne durait pas. Je voulais juste vivre une histoire dingue, qui memarqueraitàjamaisetdontlesimplesouvenirm’inspireraitunenostalgieheureuseetexemptederegrets.QuandjeregardaisMark,monami,moncollègue,parfoismêmemonconfident,jeneressentaisqu’un
embarrasgrandissantetunsentimentdiffusdeculpabilité.Depuisnotrenuitensemble,lesregretsavaientfaitleurapparition,érodant,malgrénous,notrecomplicité.Bientôt,jelesavais,nousfinirionsparnousdétester. Mark était adorable… et capricieux. Quand il n’obtenait pas ce qu’il voulait, il devenaitintraitableettêtu,auxlimitesdelacolère.—Prévenez-lesquenousarrivons,indiquai-jeàMirnavial’Interphone.Etannulezmonrendez-vous
de10heures,jedoisvoirMark,ajoutai-jeenjetantuncoupd’œilversl’intéressé.Ilesquissaunsourireet,pendantquejerassemblaismonbloc-notesetquelquesdossiers,ilconsulta
sontéléphone.Ilpritundossiercartonnésurmonbureauetlecalasoussonbras.Cen’estqu’ensortantdubureauquejeconstataiqu’ilentamaituneconversationtéléphonique.—Non,ellen’apasencoreaccepté.Maisjesuiscertainqu’elleleprendraencharge.Marksurmestalons,jetraversaidenouveaul’espaceréservéauxjuniors.Laruchebourdonnaitet,par
réflexe,jejetaiunœilaumurdesrumeurs.Mur,qui,commesonnoml’indique,rassemblelesarticles,les photos et les derniers scoops de LosAngeles. Un seul coup d’œil sur cemur, et vous savez quirapporte de l’argent aux paparazzis. Je grommelai une nouvelle insulte à l’attention de Mitch, endécouvrant la une duTorch épinglée sur lemur. Je surpris quelques regards et sourires entendus. Lanouvelledemonéphémèrestatutdecélébritéétaitentraindeserépandre.Jelevai lesyeuxaucielen
voyantChloé—unedesmeilleursjuniorsdel’équipeetmonamie—leverdespoucesvictorieuxetfiersàmonattention.—Jevaisletuer,mepromis-jeàvoixbasseenpensantàMitch.Jevaisvraimentletuer!Derrièremoi,Markpoursuivait sa conversation. Jegrimpai lesdeuxétagesquimenaient au lieudu
briefing,écoutantd’uneoreilledistraitesaconversation.—Jevousrappelledèsquenoussommesparvenusàunaccord.Ilcoupasontéléphoneàl’instantoùnousfranchîmesleseuildelagrandesallederéunion.Unetable
enébènepouvantaccueilliraumoinstrentepersonnestrônaitsurlamoquetteécrue.Dessiègesencuirrougeetunecompositionfloraledanslesmêmestonsparachevaientladécorationélégante.Markmetiragalammentundesfauteuilset jem’assis,saluantd’unsignede têtemescollègues.Barnettmelançaunregardamusé,serégalantcertainementdemamésaventureaveclespaparazzis.Marks’assitfaceàmoi,unsouriregéantsurseslèvres.Autourdelatable,unedizained’autrespersonnesassistaitàlascène.Quelespectaclecommence!— Vous avez bien vos chaussures ce matin, Abby ? demanda Barnett, provoquant un gloussement
généraldel’assemblée.—Sijedisnon,allez-vousm’enoffrirunepaire?contrai-jedansunsourire.—J’envisageaisplutôtdevousoffrirunnouveaupermisdeconduire!Barnett était de nature joviale. De prime abord, son visage joufflu et ses costumes étriqués vous
donnaientlasensationd’avoiraffaireàunmauvaisvendeurdevoituresd’occasion.Cematinencore,unetachedecaféornaitsachemisebleuciel.Asescôtés,grand,mince,vêtud’uncostumesurmesure,Levy,le second associé, affichait une allure impeccable. Allure qu’il irait ensuite exhiber au golf, commechaque après-midi. Malgré l’importance de l’agence et le nombre toujours croissant d’employés,l’ambiancedemeuraitbonenfant,parfoisfamiliale.Barnett ouvrit leLAReporter, dévoilant lemême type de photos que celles que j’avais vues dans
People.Jepoussaiunsoupir,monœilaccrochantleclichécompromettantdefeuleparterredefleurs.— Je ferai un don aux œuvres de la police. En espérant ne pas avoir porté atteinte à l’image de
l’agence,ajoutai-jesérieusement.— Nous connaissons votre travail, Abby. Cette photo ne fait que démontrer votre implication.
Toutefois,nousallons,danslessemainesàvenir,procéderàdesajustements.Lesilencesefitautourdelatable.MesyeuxseportèrentsurMark,meréjouissantdenouveaudesa
promotion.Aprèstoutsontravailpourl’agence,ilméritaitcetteplace.—Danslecadredenotredéploiementàl’internationaletenparticulierenEurope,nousavonsdécidé
d’avoirunnouvelassocié.Auvudutravailqu’ilaaccomplipourl’agence,desonimplicationetdesonprofessionnalisme,c’esttoutnaturellementquenousavonspenséàMarkCummings.Markopinaduchef,tandisquejeluiadressaisunsourirefier.—MarkseraenchargedenotredéploiementenEurope,ainsiquedesdossierscomplexes.Afinde
l’aiderdanscettemission,AbbyHarperlesecondera.Stupéfiéeparcetteannonce,j’encassailecrayonquejemanipulaisdepuismonarrivéedanslasalle.
Lebruitsecrompitlesilenceetsuffitàmarquermonétonnement.—Enconséquence,Abby,vousdevrezpasservosdossiersetvosclientsencoursàvoscollègues.—YcomprisKaylee?demandai-jed’unevoixblanche.—EnparticulierKaylee,réponditMarkenseredressantdesachaise.Pendantuncourt instant, jem’interrogeaisursesmotivations.Certes, ilavaitbesoind’êtresecondé,
maisilm’avaitfaitclairementcomprendredansmonbureauqu’ilattendaitplusdemoiquemessimplesattributionsprofessionnelles.
—Voyezleboncôtédeschoses,Abby,ajoutaLevyd’untonpaternaliste,çavouséviteradefairedenouveaulaunedePeople!—Jesuisjuste…surprise.Kayleea-t-elleétéprévenue?—Elle le sera dans lamatinée.Vous avez du potentiel,Abby, ne le ruinez pas en vous impliquant
personnellementavecnosclients.—Kayleeestfragileencemoment.Elleabesoinderepères,destabilité.Jenesuispasdansl’affect
avecelle,maispuisquevousvantezmesméritesprofessionnels,jemedoisdevousalertersurcesujet.Je mentais. Je mentais comme une arracheuse de dents. Evidemment que j’étais dans l’affect avec
Kaylee.Evidemmentquej’étaisimpliquéepersonnellement.Noussommeshumainsaprèstout.Kayleeetmoiavionsconstruitunerelationdeconfiance,jeredoutaisdelavoirs’effritermaintenant.Dansunéclairdelucidité,etmastupéfactionétantenfinsouscontrôle,jeparvinsàtrouverunesolutionacceptable.—JeveuxqueChloéreprenneKaylee.—Unejunior?s’étonnaLevy.—Lameilleurejuniorquej’aivuedepuislongtemps.Ellepourratoutàfaits’occuperd’elle.Elleest
débrouillarde et futée. Et elle a presque le même âge que Kaylee, ce qui leur permettra d’avoir desaffinitésbeaucoupplusfacilement.Et surtout, je savais que grâce àChloé je ne perdrais pas totalement lamain. Je pourrais seconder
Mark,toutenconservantlapossibilitéd’intervenirencasd’incident.C’étaitlasolutionidéale.—Pasd’affect,merappelaMark,unpeusèchement.—Non,justedubonsens,ripostai-jedumêmeton.Jeme tournai versBarnett etLevy, espérant avoir gainde cause sur ce sujet. Ils se consultèrent du
regard,puislepremierseraclalagorge.—C’estd’accord.Maisvousnedevezplusinterférerdanscedossier.—Bienentendu,assurai-je.Unnouveaumensonge.Décidément,c’étaitdevenuunesecondenature.Jeparvenaisdésormaisàmettre
mestalentsàmonpropreservice.Camoufler,mentir,riendeplussimple.Cependant,quandjerelevailesyeuxversMark,jecomprisquejenel’avaispasfloué.Ilsecoualatêtededésapprobation,pendantqueBarnettentamaitunpointd’actualité.Aprèsuneheureenviron,Levyannonçalafindelaréunion.IlsedirigeaversMarketilsseserrèrent
lamainvirilement.—Jevoussouhaitederéussirdansceprojet,Mark.Puis,ilpivotaversmoietsecontentadehocherlatêtepourmesaluer.—Abby.—Bonnejournée,monsieurLevy.Lapetite foule sedispersa et la sallemeparut encoreplusgrande.Markd’uncôté,moide l’autre.
Nousnoustoisions,aussimécontentsl’unquel’autre.—Tuauraispumeprévenir, l’attaquai-je.Tuauraispumedireque j’allaisdevoir lâcher tousmes
dossiers.—C’estuneformidableopportunitépourtoi,Abby.—Pourmoi,vraiment?Oupourtoi?répliquai-je.Jeserrailespoingsàm’enfairemal.JepouvaiscomptermesdisputesavecMarksurlesdoigtsd’une
seule main. Courtes, violentes et évidemment toujours sur des sujets sans importance. Jusqu’àaujourd’hui.—Quoiquetuenpenses,jet’aichoisiepourmesecondercartueslameilleuredecetteagence.Tu
gèresparfaitementKaylee,jen’endoutepas,maisparrapportaudossierquej’aiàteproposer,c’estdu
menufretin.—Dumenufretin?Hormisleprésidentlui-même,jenevoispasbiencequipourraitsurpasser…—C’estundossierquej’ainégociémoi-même.Situmanœuvrescorrectement,c’esttoilaprochaine
associée.Je levai un sourcil soupçonneux.Mark était brillant et bosseur, mais il était aussi particulièrement
ambitieux et fier de sa réussite professionnelle. Il ne partageait pas les lauriers et estimait que lesmeilleursdevaienttirerleurpropreépingledujeu,etce,àtoutprix.Moncollèguemefixa,cherchantàdécelerune traced’intérêt.Lavérité,c’étaitqu’ilavait toutmon
intérêt.Ilsavaitqu’enmedéfiantilmetenait.—Oupeut-êtrequetupourrasouvrirtapropreagence,ajouta-t-ildansunsourire.—Qu’est-cequejerisque,sijerefuse?Markfitglisserundossiercartonnésurlatable,mecoupantnetdansmonargumentation.Lesilencese
fitdanslagrandepièceetjeregardailedossiercommesic’étaitunegrenadeprêteàexploser.—Aucunechanceque tu refuses. Je teconnais.Çanemordpas,plaisanta-t-ilpendantque je fixais
toujoursledossier.Du bout des doigts, j’ouvris la chemise cartonnée, découvrant la fiche d’identification que nous
devions remplir pour chacun de nos clients. Je déchiffrai le nom et, dans la seconde, mes jambesflageolèrent.JemerassissurmonfauteuilettrouvaileregardamusédeMark.—C’estuneplaisanterie?demandai-je,estomaquée.
3
Jerefermailedossieretlerepoussaisurlatable.Ilétaithorsdequestionquej’acceptececas,c’étaitvouéàl’échec.Etjelesavaisrienqu’enlisantlenomduclient.—Jamaisdelavie,assurai-jeensoutenantleregarddeMark.Ilétouffaunrirependantquejemelevaisdemonsiège.Ilcontournalatableetmesaisitparlepoignet
pourmeretenir.Jeluilançaiunregardassassin,avantdemedébattrepourmelibérer.Marksoupiradelassitude.Jesentaisundébutdemigrainefrapperàmestempes.—Abby,jetel’aidit,tueslameilleure.Dèsqu’onm’asoumiscedossier,j’aipenséàtoi.—Tuauraisdûpenseràlerefuser,rétorquai-jesèchement.—Pourquelmotif?s’étonna-t-ilavecunefaussecandeur.—GarrettMcIntyre.Voilàlemotif!Etcen’estquelepremierd’unetrèslongueliste!Denouveau,ilravalasonriremoqueurettiraunechaisepours’asseoir.Médusée,jel’observaiposer
ses pieds sur la table, caler ses mains derrière sa tête et s’enfoncer dans son fauteuil. Son sourireprétentieuxetconfiantbarraitsonvisage.Pendantuncourtinstant,jemedemandaisij’avaisbien lu lenomsurledossier;Markparaissaitsiindolentetstupidementsûrdeluiquec’enétaitridicule.—Jet’écoute,proposa-t-il.—Ilestapparuivremortsurlascènedelaremisedesoscarsoùiladescenduenflèchesonagent,son
attachéedepresse, sesdeuxassistants. Il a tout juste terminé sondernier filmet s’estmis àdos toutel’équipedetournageetladernièrefoisqu’ilafaitlaune,c’étaitpourPeople:ilfaisaitunfeudejoieaveclesvêtementsdesonex-petiteamiedevantchezelle.—Presqueunsans-faute,approuvaMark.C’étaitleLATorchpourlaune.— Peu importe : GarretMcIntyre n’est pas à l’ordre du jour, dis-je en appuyant sur chacune des
syllabes,etneleserajamais.Ilafaitunecroixsurlecinémaetjecroisqu’Hollywoodneleregrettepas.—Danslamesureoùiln’ajamaisétéaussibankable,j’endoute,soulignaMark.—Bankablepourdemauvaisesraisons!Tuavaistortàmonsujet:jerefusecedossier.Jenetiens
pasàcequ’ilmevireenmoinsdevingt-quatreheures.—Çan’arriverapas.Techniquement,ilnepeutpastevirer,tudépendsdesonagent.—Jenecroispasqu’ils’embarrassedela«technique»!Jenecroispasqu’ils’embarrassedequoi
quecesoit,d’ailleurs,raillai-je.Iln’estplusdanslacoursedepuisaumoinsunan.—Dix-huitmois,pourêtreexact,corrigeaMark.Il se redressa et approcha demoi.A son regard, je savais ce qu’il cherchait à faire. Il voulaitme
convaincre,ilvoulaitdémonterunàuntousmesarguments.Maisj’étaissûredemoi:accepterGarrettMcIntyre,c’étaitalleràl’échafaudensifflotantl’Hymneàlajoie.Jen’avaispaslacarrureet,surtout,jen’avaisnullementenviedemefairemassacrerpubliquement.—Rappelle-toi,quandBarnettt’aconfiéledossierdeKaylee,tuavaisaussidesdoutes.—Mark,concernantMcIntyrejen’aiabsolumentaucundoute:jenesouhaitepaslegérer.Avraidire,
je ne souhaiterais même pas à mon pire ennemi de le gérer. Ce type est instable et potentiellementdangereux.—Jesaisquetupeuxlefaire.Tueslamieuxarméepourt’occuperdecescas-là.Ilabesoind’être
aiguillé,d’êtresoutenu.—Ilabesoinderedorersonblason,pondérai-je.—Tuvois,turéfléchisdéjààcommentfairedeluiuntypefréquentable.
—Non,jeréfléchisplutôtàlafaçondesortirdeceguet-apens.Jenem’expliquemêmepascommenttuaspuaccepterunteldossier!—L’argent?tenta-t-ilenhaussantlesépaules.SiMcIntyreparvientàfairesonretouretàfairementir
letout-Hollywoodquilecroyaitfini,ilyauradesretombéesfabuleuses.—Etellesleseronttoutautantsicelaseterminemal.—Çanepeutpas êtrepire, fit remarquerMarkenouvrant ledossier. J’aiunecopiede soncasier
judiciaire.—Ilauncasier?demandai-je,stupéfaite.—Son attachée de presse était plutôtmauvaise à l’époque. Elle ne devait certainement pas courir
piedsnussurunparkingpoursauversonclient.Riendedramatique:tapageettroubleàl’ordrepublic.Markme tendit la feuille, attisantma curiosité une fois de plus. Je savais que je devais refuser ce
dossier.Aluiseul,McIntyrepouvaitmettreuntermeàmacarrière.Jecroisailesbrassurmapoitrine,rassemblanttoutemavolonté:jenedevaispasmettreundoigtdansl’engrenage,celacauseraitmaperte.—J’aiaussirécupérédeuxscénariosàluiproposer.Oscarisables.Il leva un sourcil, attendant un signe qui l’encouragerait à poursuivre. Mais je restai stoïque,
parfaitementcertainedemonchoix.Markremitlacopieducasierjudiciairedanslespapiersetseraclalagorge.—Mark…— Le reste, c’est à toi de voir : tu montes le plan de communication, les axes, tu choisis les
journalistes,tuascarteblanche.—Mark…—Une véritable opportunité, poursuivit-il.Une façon de te créer une vraie réputation, détachée de
Barnett&Levy.—Mark…—Jetechapeauterai,évidemment.—Jecroyaisquej’avais«carteblanche»?contrai-jeaussitôt.—Jecroyaisquetun’étaispasintéressée.Jenet’aipasencoreparlédetonsalaire.—Mark!hurlai-jefinalement,àboutdenerfs.Illevalesyeuxversmoi,indifférentàlavagued’énervementquiétaitentraindemedominer.Ilétait
l’hommeleplustêtuquejeconnaissaisetjenel’avaisjamaisencorevuchangerd’avis.Maiscettefois-cijesavaisquej’auraislederniermot.IlnepouvaitpasmeconfierledestindeGarrettMcIntyresansmonaccord.Jeposailesmainssurlatableenébèneetmepenchaiverslui.—C’estnon.Jeneprendraipascedossier.Mêmepourtoutl’ordumonde.—Tuesvraimentsexyquandtut’énerves!sourit-il.—Mark…—Abby,tun’aspasl’airdecomprendre.—Comprendrequoi?TuveuxquejegèreletypeleplusingérabledeCalifornie!Ettuvoudraisque
je le fasseavec lesourireetsansbroncher?Tumeconnaismieuxqueça.AccepterGarrettMcIntyre,c’estaccepterunegrenadedégoupilléeetattendrequ’elleexplose.—Iladéjàexplosé.Iln’yaaucuneraisonquecelasereproduise.Quandvousrefusezdeparticiperausystèmed’Hollywood,lesystèmeenquestionacquiesceettrouve
unenouvelleâmenaïveàbroyer.Etcen’étaientpaslescandidatsquimanquaient;alorspourquoiMarktenait-ilautantàfairesortirMcIntyredesatanière?BarnettetLevyn’avaientaucuneraisondevouloirorchestrerlecome-backdeMcIntyre.Aucuneraison,saufl’argent,évidemment.
— Son dernier film, murmura Mark. Nous sommes en contrat avec les producteurs. Ces mêmesproducteursquiveulentévidemmentassurerunepromotionpourlasortiedufilm.JecherchaidansmamémoirelesbribesdesouvenirquimerestaientdeMcIntyre.Malheureusement,
rien—hormisévidemmentsesdernièresfrasques—nemerevint.Jesecouailatêtepourfaireletridansmespensées.JemerassissurunechaiseetcroisaileregarddeMark.—Ilnes’agitpasd’organisersonretour,n’est-cepas?—Non.Mêmesisonnouvelagentycroit,biensûr,ajouta-t-ilendésignantunépaisscénario.Ils’agit
dequelquesjours,quelquessemainesauplus,Abby.Jesoupiraietmerelevaidemachaise.Markmeregardaitavecunairpresquedésespéré.Jesavaisque
lescontratsaveclesmaisonsdeproductionétaientjuteuxetjen’ignoraispasqueperdreuneaffairedecetteimportanceterniraitlaréputationdel’agence.La migraine était bien là maintenant, tambourinant dans mon crâne, pressant douloureusement mon
cerveaudansunétau,anéantissantmescapacitésàréfléchircorrectement.—Ilvafalloirgardertagrenade,lançai-jed’untonneutre.—Abby!—JenegéreraipasGarrettMcIntyre.Jenetienspasàmefairepulvériserparcetype.Etjenetiens
pasnonplusàruinermaréputationpourquelquessemainesdepromotionàassurer.Mark se redressa et je sentis ondoyer autour de lui cette même énergie désagréable, annonciatrice
d’unenouvelledispute.Sonregardvertflamboyaitderagecontenueetsoncorps,tenducommeunarc,secrispaunpeuplusquandilm’entenditajouter:—Jeneprendraipascedossier.Çaneseraitpasjuste.—Justepourqui?—McIntyreaditclairementqu’iln’aimaitpasHollywoodettuvoudraisquejemepointeàsaporte,
laboucheencœur,pourluidire«Pardon,Garrett,maisnousaurionsbesoindetoietdetonplusbeaucostumepourassureruneavant-première?»Ilmeriraaunezetilauraraison.—Alorsturefusespar…intégritéenversuntypequetuneconnaismêmepas?fitMark,incrédule.—Ilafaitseschoix.—Tues tropdans l’affect,Abby. Je teparled’uncas, je teparled’êtreprofessionnelleetdenous
aideràtenircefichucontrataveccetteboîtedeproduction!Jeteparledebusiness!Ettumeparlesdevaleursmoralesdansunevillequin’enaaucune!— Il y a encore cinq minutes, tu vantais mes mérites, je devais « l’aiguiller et le soutenir ». Et
maintenant,tumelereproches?Unminimumd’empathienenuitpas,Mark!—Ettropfinirapartedétruire.Quelgenrederéputationfiniras-tuparavoirsitutefaisvirerd’ici?—C’estunemenace?m’enquis-jeenravalantunrirenerveux.—Atoidevoir.—C’esttoutvu.Je quittai la salle de réunion dans la foulée, portée par une colère inédite contreMark. Comment
pouvait-ilme faire des reproches ? Il s’étaitmis seul dans les ennuis en espérant que j’accepte sansfrémir. Je traversai l’agence jusqu’à mon bureau, sans un regard pour personne, mes talons claquantrageusementsurlesol.Jem’effondraidansmonfauteuil,épuiséedemadisputeetencoretremblantedecolère.Macourtenuitnem’aidaitpasàanalyserleschosessereinement.Jesavaisqu’enrefusantGarrettMcIntyrej’avaisperdul’amitiédeMark.Lecœurbattant,jedécidai
d’oublier—aumoinspouruncourtmoment—lesderniersévénementsetmeplongeaidanslalecturedemesmessages.Devantmoi,àtraverslesmursdeverre,laruchebourdonnaitd’activité.Pourlapremièrefois depuis que j’avais obtenu ce bureau, je rêvais d’en sortir et de replonger dans l’animation de la
ruche.Parleravecmescollègues,memoquerdesunesracoleuses,trouverunprétexteidiotpourjustifieruncomportementencoreplusidiot,entendreletéléphonesonnerconstammentetparticiperautop-tendestapisrouges.Top-tenduquelGarrettMcIntyreavaitétédécrochédepuisunbail.Cettepenséemesurpritet jemerevischezmoi, lesoirdesoscars,méduséedevantsondiscours. Il
n’avaitriengagnécesoir-là,maisàlafaveurd’unmomentdeflottementpendantlacérémonie,ils’étaitemparéd’unmicroetavait,endirect,sabordésacarrière,invectivantlafoule,sesproches,sesamisetlemondehollywoodien.Unactehéroïqueetdévastateur,applaudiparlesuns,fustigéparlesautres.GarrettMcIntyren’avaitjamaisfaitl’unanimité,saufsuruneseulechose:ilavaitvraimentdutalent.Ma journée s’écoula sans d’autres heurts.Markm’évitait et j’attendis que la ruche se vide presque
entièrementpoursortirdemonalcôvedesilence.Chloéétaitencorelà,malgrél’heuretardive.—Ladernièrefoisquej’airegardé,Kayleen’avaitpascommisdecrimefédéral,plaisanta-t-elle.—Cen’estpasKayleeleproblème.—EtilmesemblequeMarkavaittoujourssesdeuxyeux.—Ilestparti?—Ilyauneheureenviron.Iln’avaitpasl’airtrèsenforme.—Ons’estdisputé.—Surquoi?Lederniersachetdethéàlacafétériaouledegrédetensionsexuelleentrevousdeux?Instinctivement, je resserrai ledossierque je tenaiscontremapoitrine.Chloé leva lesyeuxauciel,
avant de déposer son casque téléphonique sur son minuscule bureau. Elle coupa son ordinateur etrassemblagrossièrementsesaffaires.—Jecroisquetuasbesoind’uncocktail.—Pasvraiment,non.—S’ilteplaît,neruinepaslaseuleexcusequej’aitrouvée.Moi,j’aivraimentbesoind’uncocktail.Chloém’adressaunsourireamicalet,àpeinetrenteminutesplustard,nousétionsenterrasse,notre
tablegarniededeuxgrandscocktailsetdetapas,aveclebruitdel’océanpourseulemusique.Chloéétaità peine plus jeune quemoi,mais ses longs cheveux blonds et son teint parfait donnaient l’impressionqu’elle était figée dans ses seize ans pour l’éternité. Je jouai distraitement avecma paille, regardantl’océandevantnous.Plus jeune, j’avais rêvédecedécordes journéesentières : lacampagnearideetdévastée duKansas était insupportable à vivre pourmoi.Quand j’avais débarqué enCalifornie,monpremiergesteavaitétédemettre lespiedsdans l’eau.Commesi, finalement, j’avaisenduré leKansaspourmériterunpeuplusdevivreici.J’avaisaussitôtdécidéquejeneretourneraispluslà-bas.—Ilnesuffitpasdelemélangerpourqueçafasseeffet,commentaChloéenglissantsapailleentreses
lèvres.—Désolée.Jenesuispasdetrèsbonnecompagnie.—Vas-tuenfinmedirecequitetourmenteàcepoint?J’hésitaiuncourtinstant.J’avaistellementdechosesentêtedernièrement.MadisputeavecMarkavait
aumoins eu lemérite de chassermes vieux tourments. Chloéme fixait, brûlant deme poser d’autresquestions.Jepoussaiunsoupirinterminable,m’emparantd’unbâtonnetdemozzarellapanée.—Markaéténomméassociéetnousdevonsfaireéquipedorénavant.—Celanevapasarrangercettefameusetensionsexuelle,s’amusa-t-elle.—Fameuseetimaginaire,pondérai-je.—Pourtoi.Paspourlui.Ilpassesontempsàtedévorerdesyeux.Markramperaitjusqu’auxenfers
pourtoi.Jelevaiunsourcilétonné.JesavaisqueMarkvoulaitplus.Ilavaitététrèsclaircematinencore.Ce
quej’ignorais,c’étaitquetoutlemondeétaitaucourant.Jebusunegorgéedemoncocktailetlabrûluredelavodkam’aidaàmedétendreprogressivement.—Jecroisqu’ilneramperaplusnullepartpourmoi,repris-je.J’airefuséundossier.Ungrosdossier.Chloé,stupéfaite,manquades’étoufferavecsoncocktail.—Vousvousêtesdisputéspourdutravail?Jegrignotaimamozzarella,repoussantunenouvellevaguededouleurmigraineuse.Lavodkaneferait
rienpourarrangerleschoses.— C’est la première fois que ça arrive, expliquai-je. En trois ans, nous n’avons jamais été en
désaccordsurundossier.—Ils’agitdelaunedecematin?—Delaune?Non,j’aidéjàoubliécetruc!m’esclaffai-je.Markm’aproposéunnouveauclient,j’ai
refusé et il n’a pas comprismon refus.Maintenant…Jene sais pas…J’ai l’impressiond’avoir ruinénotreamitié.—Votreamitiéestruinéedepuisquevousavezcouchéensemble.J’écarquillailesyeux,médusée.Commentsavait-elle?—Toutlemondelesait,Abby.Tuétaisivreàcettesoirée,ilaprofitédel’occasion.Cen’estpassi
dramatiquedanslefond.Maisquandtoituvoudraisfaireunpasenarrièreetoublierce…truc,Markluidoitcertainementenfaireunenavantpourrecommenceretallerplusloin.—Continuellement,murmurai-jeenrepensantànotreconversationdumatin.—Ilestjustevexé.Tuluirefusesbeaucoupdechosesencemoment.—C’estaussicequ’iladit.Maisjenepouvaispasfaireautrementquederefusercecas.—Tutesouviensdujouroùtum’asengagée?Tum’asditqu’iln’yavaitquedeuxbonnesraisonsde
refuserundossier.Alors,estcequecedossierconcernetonpèreouquelqu’undetafamille?Jesecouailatête,partagéeentrel’enviederirejauneetlavolontéfarouchedeprendrelafuite.Etre
misedevantvoscontradictionsparvotreélèveestdouloureuxetimparable.—Unamantéconduitetdésespérédeterevoir?—Non.Sanslevouloir,Chloéparvintàmetirerunrire.Parmisesnombreuxtitresdegloire,GarrettMcIntyre
avaitaussiétééludeuxfois«hommeleplussexydel’année»,loindevanttoussesautresconcurrents.Mettez un smoking à un homme qui a une réputation demauvais garçon et vous obtenez des résultatsmiraculeux.Nousimaginerensembleétait improbable : lui, idolesexyetmoi…attachéedepressecaractérielle.
Aucunechance!—Lecaissierdetonsupermarchéquiconnaîttamarquedetampon?demanda-t-elleavecsonhumour
habituel.—Non!Biensûrquenon!—Danscecas,jesuisauregretdetedirequeMarkasûrementraison.S’ilnes’agitnidequelqu’un
detafamille,nid’unex,tun’asaucuneraisonderefuser.Ellerepritsapailleentreseslèvres,presquefièred’êtreparvenueàuneconclusionacceptable.Chloé
avait simplement oublié une des règles de base de cemétier : ce qui est vrai un jour ne l’est plus lelendemain.Marègledesexceptionsétaitcorrecte…saufaujourd’hui,oùelleavaittrouvésalimite.—C’estGarrettMcIntyre,annonçai-je.Sapaillecoincéeentrelesdents,Chloélevalesyeuxversmoi,s’assurantquejeneplaisantaispas.
Quandellecompritquej’étaissérieuse,elleretiralapailleethélaleserveur.—Jecroisquenousallonsavoirbesoind’undeuxièmecocktail.C’estmatournée,ajouta-t-elle.
Aprèsqueleserveureutprisnoscommandes,Chloéposasescoudessurlatableetnichasonmentondanslecreuxdesesmains.—Jeveuxtoutsavoir!—Tusaisdéjàtout.Lemondeentiersaitdéjàtout.—Non,jeveuxsavoirpourquoituasrefusé!—Tunel’auraispasfaitàmaplace?—Tuplaisantes?—Chloé,çan’ariend’unjeu!—Tum’asmalcomprise: jesaisquesi jeregardelemot«scandale»dansledictionnairejesuis
certainedetrouveruneillustrationdeGarrett.—Tul’appellesGarrett?lacoupai-je,amusée.—Depuisquelques rêves érotiques,oui.Mais le sujetn’estpas là : ce typeest ingérable, il est la
raisonmêmedenotremétier.Leserveur revintavecnosdeuxboissons. Je louchaiavecenvievers les tapas,mesaisissantd’une
chipsetlaplongeantdansleguacamole.—IlaquittéHollywood.Jenemevoispasdébarquerchezluipourluidemanderdefaireduservice
après-vente!Ilmeficheraitdehorsaussisecet,sincèrement,commentpourrais-jeluienvouloir?Asontour,Chloégrignotauneailedepouletépicéeetapprouvad’unsignedetêtemonraisonnement.—Markrefusedecomprendreça,ilrefusedecomprendrequejepuisserespectersonchoix.—Tuesdansl’affect,commentaChloé.—Biensûrquenon!— Bien sûr que si. C’est justement pour ça que tu dois prendre ce dossier. Garrett McIntyre ne
supportait pas la machine hollywoodienne, il a pété un plomb, et son histoire avec Nicole y aitcertainementpourquelquechose!—Ilabrûlésesvêtements,ellen’estqu’unevictime!VoilàcequirestaitdeGarrettàHollywood:l’imaged’unhommefurieux,ingrat,ingérableetencolère
aupointdebrûlerlesvêtementsdesapetiteamie,aussicélèbrequelui.—S’ill’afait,c’estparvengeance.Gratuite,inutilemaisçaadûledéchargerdesacolère.—Ill’afaitparprovocation.Ilestfouàlier!—Etilestdroitdanssespompes.Ilnechangerapasd’avis,c’estcertain.Saufavectoi.—As-tuconcluunpactequelconqueavecMarkvisantàmeconvaincre?—Tuneveuxpasprendrececas,parcequetuestimesqu’ilesthonnête.Tuestimessonchoix,tule
comprends. Ce dont Garrett McIntyre a besoin, c’est justement de quelqu’un qui le comprend et quiadhèreàsesconvictions.—Jen’aipasadhéréàsonshowauxoscars,contrai-je.—toutlemondeaadorésonshowauxoscars.Ilatapéjuste,làoùçafaitmal.Ilétaitgénial!Garrett
nepeutpasêtregéréparuneespècederobotsansâme.Ilabesoindetoi,besoindequelqu’unquisacheargumenteretdiscuter.—L’affect,murmurai-je.—L’affect.Toi,ajouta-t-elleavecunclind’œil.Prendscecas,Abby.Aussi ingérablequ’il soit, tu
t’ensortiras.Enrentrantchezmoi,cesoir-là,aprèstropdevodka,lesmotsdeChloéhantaientmespensées.J’avais
toujoursniéquandMarkmereprochaitdetropm’impliqueravecmesclients.C’étaitcequim’effrayaitavecGarrettMcIntyre:jedevraism’impliquer,jedevraisluifaireaccepterl’inacceptable,jedevraislefairepliersursesconvictions.
Convictionsquejepartageais…Jedétestaisdéjàl’idéededevoirlefairechangerd’avis.
Jeudi17septembre
Amonréveil,lelendemainmatin,mesidéesn’étaientguèreplusclaires.Malangueavaitungoûtdecartonetmaboîtecrânienneavaitrétrécipendantlanuit.Lamigraineétaitlà,plusviolentequejamais.Quandj’arrivaiaubureau,laruchebourdonnaitdéjàdel’activitéhabituelle.Chloéétaitrayonnante,sonvisage ne trahissant aucunement nos abus de la nuit dernière. Je déposaimon sac dansmonbureau etmontaiaupremierétage,espéranttrouverMarketm’expliquerauprèsdelui.Jelerepéraidevantlamachineàcafé,discutantavecGina,unedesattachéesdelaruche.Desbribes
deleurconversationmeparvinrentetjecomprisqu’illuiproposaitdeprendreenchargeMcIntyre.Ginaétait talentueuse, mais je ne l’imaginais pas canaliser McIntyre ou camoufler une énième frasque deKaylee.Avecunsourire,jesongeaiauxmotsdeChloé:Ginaétaitlerobotsansâmequ’elleredoutait.—Mark?lesinterrompis-je.Sonregardsebraquasurmoi,sesyeuxencorenoirsdecolère.—Pourrais-jeteparlerquelquesminutes?Ilhésitauncourtinstant, tandisqueGinaeutl’intelligencedeprendrelafuite.J’attendisqu’ellesoit
horsdeportéedevoixpourmelancer.—Jeprendsledossier.—Pardon?—McIntyre.Jeleprends.Markétaitabasourdi.Ilmefixait,éberlué,boucheouverte,incapablederéagir.—Quelquessemaines,c’estça?repris-je.—Je…euh.Oui.Abby,pourhier,jen’avaisévidemmentaucuneintentiondetevirer.—Jesais.Jeveuxcecas.Affectounon,intégritéounon.Rappellelaboîtedeproduction,dis-leurque
McIntyreferalenécessaire.MaisjeveuxtoutgérerdeAàZ:leplandecommunication,lesjournalistes,les interviews.Jeveuxunplanningdétaillé, leDVDdufilmàsortiret,surtout,mesdécisionsdevrontresterirrévocables.—Bien.Commeje te l’aidit, tuascarteblanchepour toutorganiser.Encontrepartie, tudevrasme
tenir au courant des avancées. Je n’interférerai pas, il s’agit juste de communication au sein de notreéquipe.Savoixétaitneutre,nelaissantaucunementtransparaîtrecequesonregardtrahissait.Lacolèreavait
laisséplaceàl’excitationetausoulagement.Mais cette nuit, à la faveur d’une insomnie, j’avais regardé la vidéodes oscars. J’avais vuGarrett
McIntyre, ivre mort, prendre ce micro et invectiver la planète entière. Triste et assoiffé de liberté :exactementcommejel’étaisavantd’arriverenCalifornie.C’étaitcequim’avaittotalementdécidée:jemereconnaissaisenlui,jecomprenaisseschoixetjevoulaistoutfairepourlepréserver.—Jevaist’amenerledossieràtonbureau.Quinzeminutes plus tard, lamine rayonnante et le sourire vissé aux lèvres,Mark posa un dossier
cartonnérougevifsurmonbureau.Enconversationautéléphone,jeleremerciaid’unsourireetachevaima conversation avec une journaliste pourKaylee.D’ici à ce soir, je devrais informerChloé qu’ellereprenaitmacliente.J’ouvris le dossier GarrettMcIntyre et le refermai presque aussitôt. D’une touche de téléphone, je
contactaiMark.—Oui?
—C’estuneplaisanterie?
4
—Jetehais,Mark.Oùquetusois,jetehais.Etjejurequedansuneprochaineviejeseraitonpirecauchemar!promis-jesolennellementenfrappantlevolantdemavoiture.Jeme garai sur le bas-côté, ravalantmomentanémentmes envies demeurtres. Il faisait une chaleur
écrasanteetiln’yavaitpasunsouffled’airpourl’atténuer.Mapetitevoiture,unecitadinenoirehabituéeàSunsetBoulevardetauxcourtstrajets,souffrait.Lajaugedetempératureflirtaitdangereusementaveclazonerouge.Aprèstroisheuresderoute,elleavaitautantbesoinquemoid’unepause.Jesortisdemavoiture,suffoquantensentantl’airétouffantfrappermonvisage.Jeretiraimonmince
gilet et tirai sur mon débardeur frénétiquement, dans le vague espoir de créer un mouvement d’air.Dépitée, je constatai que le tissu trempé de sueur collait à ma peau. J’eus une nouvelle penséedésagréableàl’attentiondeMark.C’étaitluileresponsabledecedésastre.Extenuée, je contournaimonvéhicule et observai le paysagedésolé autourdemoi. J’avais faitmes
adieux auxgratte-ciels deLosAngeles et à ses larges boulevards.Et je les regrettais,maintenant quej’étaisperdue,seulesuruneroute,aumilieududésertcalifornien.Messandalesavaientrendul’âmeetj’étais l’heureuse propriétaire d’une magistrale migraine. Los Angeles était toujours en mouvement ;mêmeenpleinenuit,vousaviezpeudechancesdevousretrouverseul.Ici,iln’yavaitpasuneâme,pasunbruit,paslamoindretracedevie.Jepassaiunemainsurmonvisage,gémissantendevinant levoilede transpirationquicouvraitmon
frontetmesjoues.JepoussaiunsoupiretreprisledossierdeMcIntyre.Enfin,l’illusiondedossier…Il contenait les éléments habituels : les dernières coupures de presse, les dernières interviews, une
biographiedétailléeetunplanningprécisdesprochainessemainesdepromotion.Markn’avaitpasmentisurlamentiondela«carteblanche»:l’agendadeGarrettétaitvideetjepouvaism’organisercommejelesouhaitais.Enrougevifétaitmentionnéel’avant-première,prévuedanscinqjours.J’avaismoinsd’unesemainepourfairereveniràHollywoodl’hommequidétestaitleplusaumonde
cetteville.Qu’est-cequim’avaitprisd’acceptercedossier?Ahoui.L’affect.Markavaitraisonaumoinssurunpoint:celaavaitbienfiniparmeperdre.J’étouffai un rire en tombant de nouveau sur la photo de Garrett : comme si j’avais pu ne pas le
reconnaître!Ceregardgrisacier,cetairdéterminésurlevisage,cesouriredévastateur.Ilnepouvaitpaspasserinaperçu.Il nemanquait qu’une seule chose à ce dossier : l’adresse à laquelle je devais me rendre. Et par
adresse,jen’espéraismêmepasquelquechosedeprécis.Unevilleauraitsuffiàmonbonheur.Maisiln’yavaitrien.Markavaitsimplementrenseigné«néant»danslacaseadhoc.Etmaintenant,eneffet,j’yétais;j’étaisdanslenéantdudésert,incapabledesavoirsij’étaissurlabonneroute.Aprèssaprestationauxoscars,Garretts’étaitvolatilisé,abandonnantsamaison,sesvoituresdeluxe
ettoutesaviehollywoodienne.Lamaisonavaitétévidée,lesvoituresvenduesetsesbiensempaquetéspourêtreexpédiésdansunevillejoyeusementnomméeSoledad1.Garrettn’avaitpasperdusonsensdel’humour.C’étaitlàmonseulpointdedépartpourleretrouver.Demauvaisegrâce, l’ancienagentdeGarrett avait acceptédemedonner ses informations,me riant
ouvertementaunezquandjeluiavaisexpliquéêtrelanouvelleattachéedepressedeGarrett.— Vous n’avez pas plus précis comme adresse ? lui avais-je demandé, agacée par son peu de
coopération.
—J’ai coupé lesponts avecGarrett.Dumoins, lui a coupé lesponts avecmoi et celame satisfaitamplement.Ladernièrefoisquejel’aieuenligne,ilm’ademandédetoutfaireenvoyeràSoledad,aubureaudeposte.—Etvousn’avezpascherchéàleretrouver?—Vousplaisantez?Aprèsl’humiliationdesoscars?Jenesuispasdugenremasochiste.Garrettne
voulaitplusfairecemétier,ilachoisidelefairesavoirparlui-même.Puis, il avait raccroché, ne me gratifiant même pas du « bonne chance » que Chloé, puis Mark,
m’avaientoffert.Auxdernièresnouvelles,l’ancienagentdeGarrettavaitquittélemétieretavaitouvertunrestaurantàSacramento.Voilàpeut-êtrecequim’attendait:fairemesadieuxaumondeduspectacleetouvrirunelaverieaufinfondduKansas.Je refermai le dossier etm’emparai dema carte routière. Je la dépliai sur le capot, espérant qu’un
miracledivinfasseapparaîtreunsalutaire«vousêtesici».J’avaisdépasséKingVilledepuisdixbonskilomètres, suivant la nationale qui serpentait dans le désert. Si j’en croyais la carte,Soledad était laprochaineville.Jenem’attendaispasàcroiserGarrettMcIntyreenpleinerue—jenecroyaispasàmachanceàcepoint—maissij’obtenaisuneinformationd’iciàlafindelajournée,j’auraisaumoinslasensationdenepasavoirsubicepériplepourrien.Jerepliaimacarteetremontaidansmavoiture,prêteàavalerleskilomètresrestants.Surlecheminme
menantàSoledad,jenecroisaipasuneâme,hormisunechèvre,visiblementégaréeelleaussi.Soledadétaitunepetiteville,perduedansledésert.Jedoutaisqu’ons’yarrêtevraiment.Lesquelquesvoyageursempruntantlanationalenedevaientguèreséjournerdanscecentre-villemortifèreetdéprimant.Jerepérailaposterapidementetgaraimavoituresurl’unedesdeuxplacesdeparking.Jeprislaphoto
deGarrett,espérantquesonvisageparleraitàquelqu’un.Lavilleétaitvide,àl’exceptionnotabled’unesupérette—faisantaussiofficedebar—quiabritaitquatrepersonnesenpleinjeudecartes.L’employéedelaposteressemblaitàmagrand-mèreRuth:miseimpeccable,cheveuxargentéstenusenchignon,robeàfleurstailléedansdutissuàrideaux,l’incarnationdelafemmeàpoigne.Sijetiraisuneinformationdecettefemme,ceseraitunmiracle.—Bonjour,lançai-jeavecmonplusbeausourire.—Colisoucourrier?demanda-t-ellesansleverlenezdesonécran.—Nil’unnil’autre,àvraidire.Jesuisàlarecherched’unepersonne,quiademandéàfaireexpédier
sesaffairesici.—Undétenu?—Jevousdemandepardon?m’exclamai-je,stupéfaite.— Nous gérons le courrier des pensionnaires de la prison du comté. Donc, est-ce un détenu ?
demanda-t-elledenouveauavecpatience.—Non.Enfin,jenecroispas.—Vousnecroyezpas?ricana-t-elle.Je repensai furtivement à la copieducasier judiciairedeGarrettdansmondossier.Saprésenceen
prison expliquerait sa disparition absolue. Quelle meilleure planque qu’une cellule bétonnée ? Jerepoussai aussitôt l’idée. Si Garrett avait fini en prison, l’information aurait filtré. Il avait peut-êtrerenoncéàsonmétier,maissonnomvalaitencoredel’argentpourlesmagazinesàscandale.—Jecherchecethomme,repris-jeenmontrantlaphotodeGarrett.L’employéerétrécitleregard,avantderemontersespetiteslunettessursonfrontpourmieuxexaminer
lecliché.—C’estGarrettMcInt…—Jesaisquic’est,mecoupa-t-ellesèchement.Nousavonsl’électricitédepuisquelquesannéesetun
cinémaenpleinair.—Cen’estpascequejevoulaisdire,medéfendis-je.Ecoutez,jesuisàsarecherche,est-cequevous
l’avezvudanslecoindernièrement?—Non.Etvousditesqu’ilafaitlivrerdescolisici?—Ilyaplusd’unan,oui.—Suivez-moi.Son changement de tonme surprit. En une seconde, nous étions passés de laméfiance agacée à la
coopérationlaplustotale.Jecontournaisonbureau,raviedelatournuredesévénements,etlasuivisdansunesecondesalle,puisunetroisième.Quandelleallumalalampe,illuminantlapièce,mabonnehumeurs’envola.Devantmois’élevaitunetrentainedecartonsdedéménagement,couvertsdepoussière.—Toutestlà,commental’employée.J’avançai prudemment, vérifiant les différentes adresses.L’expéditeur était bien son ancien agent et
toutétait à l’attentiondeGarrett.Après la fatigueduvoyage, ladéceptions’emparademoi.Maseulepistem’avaitconduiteàuneimpasse.Oùétait-il?—Iln’arienrécupéré?—Riendutout.—Est-cequecelavousennuiesijeprendsquelquescartonsavecmoi?Jelesluirendrai.—Jecroyaisquevousnesaviezpasoùilétait.—Cen’estqu’unequestiondetemps.Jeletrouverai,assurai-jeavecdétermination.—Etlereste?—Jereferaiunvoyage.Jevaisvoussignerunedécharge.L’occasiondedébarrassercelocalétaittropbellepourquelavieilleemployéemerefusequoiquece
soit. Si elle m’avait amenée ici, c’était autant pour m’aider que pour trouver une solution à cetamoncellementdecartons.Aprèsavoirsignélesdocuments,j’embarquaiunepetitedizainedecartonsdansmavoiture,chargeant
autant que je pouvais le coffre, la banquette et le siège passager. Si d’ici à ce soir je n’avais aucuneinformation,jepourraismeservirducontenudecescartonspourretrouverGarrett.—Jevouslaissemacartedevisite,sivousentendezparlerdequoiquecesoitenrapportavecGarrett
McIntyre,n’hésitezpasàm’appeler.Lavieilledameopina,maisc’étaitclairementl’incrédulitédevantmadéterminationetledésintérêtqui
sedisputaientdanssonregard.Ellefourramacartedanssapocheetmesaluaàpeinequandjequittaileslieux.Jefisundétourparlasupérette,demandantauxjoueursdecartess’ilsavaientvuGarrett.D’unmême
mouvement,ilssecouèrentlatête.Denouveau,jedistribuaimacartedevisite,lesinvitantàmecontacters’ils avaient une information. Je ne me faisais guère d’illusions, jamais ils ne s’ouvriraient à uneétrangère.Auvolantdemavoiture, je traversai lavilledoucement.Unpanneaum’indiqualacôteaccessibleà
moinsdedixkilomètres.Enmerapprochantdel’océan,j’espéraistrouverunhôtelpourpasserlanuit.Jerefusais l’idée que Garrett puisse être ailleurs, mais quelque part l’idée qu’il avait fait expédier sesaffairesici,justepourfaireunultimeetmagistralpieddenezàcemondequilerebutait,commençaitàfleurirdansmonesprit.Ilpouvaitêtrepartoutsurcetteplanète.Lanationaledébouchafinalementsurl’océanetjem’arrêtaiaupremierhôtelquejevis.Iltenaitdans
unbâtimentdedeuxétagesetpromettaitunebellevuesurl’océan.L’employée,unejeunefilled’àpeinevingtansetd’originelatino-américaine,m’accueillitavecungrandsourire,abandonnantlalecturedesonromandansl’instant.Sonprénom—Connie—étaitnotésursonbadge.
— La chambre 25 donc, avec vue sur l’océan, ajouta-t-elle en me tendant la clé. Vous êtes iciseulementpourlanuit?—Deux.Aumoins.Ya-t-ilunendroitoùjepeuxmangercesoir?—Ilyaunrestaurantsurlaplage.Ilsserventdesspécialitésmexicainesmaisuniquementlemidi.—Tantpis,jeferaisans.—Avez-vousbesoind’autrechose?—Non.Çaira.Jem’apprêtaisàquitter lehall,quand jedécidaide tentermachance.La jeune filleétait replongée
danssalecture.—Unedernièrechoseenfait:est-cequ’àtouthasardlenomdeGarrettMcIntyrevousestfamilier?Dansl’instant,sonsourires’effondraetellemetournaledos,àlarecherched’unpapiersansintérêt.
Quandellesetournadenouveau,sonattitudechaleureuseetjoviales’étaitdésagrégée.Ellemetoisait,froideetdistante.—Jevaisvousconduireàvotrechambre.—Vousleconnaissez?m’enquis-jeenlasuivantdanslecouloir.—Quineleconnaîtpas?—Cen’estpascequejevousdemande.Elle ne répondit pas, accélérant le pas pour gagner l’escaliermenant aupremier étage. Je la suivis
péniblement, surprise par son changement de comportement, et comprenant maintenant que Garrett nedevaitpasêtresiloindeSoledad.Cettesimplepenséememitdubaumeaucœur,j’étaisproche.—Savez-vousoùjepeuxletrouver?repris-je.—Pasici,entoutcas.PourquoiGarrettMcIntyreviendrait-ils’enterrerici?—PourfuirHollywood.Ecoutez,dis-jealorsquenousatteignionslaportedemachambre,jenevous
demandepasdes informationsconfidentielles.Jeveuxjustesavoirs’il traînepar ici.J’aibesoinde levoiretplusvitejeluiparle,plusvitejeluifichelapaix.—Votrechambre,éluda-t-elleenouvrantlaporte.Bonnesoirée.Elle tourna les talons etme laissa sur le pas dema chambre.Garrett était ici, c’était une certitude
maintenant.—Attendez,criai-jeenluicourantaprès.Voicimacartedevisite,sijamaisvoussouhaitez…discuter.Ellepritlacarteet,dansungesteexagérémentthéâtral,elleladéchiraendeuxpuisenquatre.—Vousavezlachambrepourlanuit.Jecrainsquenoussoyonscompletdemainsoir,dit-elleavecun
sourireperfide.—Voussavezoùilest.Etcroyez-moi,jelesauraimoiaussi.—C’estcequenousverrons.Ellepassaprèsdemoietdescendit l’escaliermenantauhall. Je regagnaimachambre, secouéepar
notreéchange.Pouruneraisonquejenecomprenaispas,Garrettsecachaiticietleshabitantsducoinleprotégeaient. J’auraispu lessoudoyermais,vu l’atmosphère,mêmeunmilliondedollarsne lesauraitpasdécidésàmeparler.Lecerveaubouillonnantdequestions,jemeglissaisousunedouchesalvatrice.J’évacuaiainsimonvoyage,lachaleurétouffanteetlapetitequantitédesablequisecachaitentremesorteils.Aumoins, ici,prèsde l’océan, l’airétaitplus respirable, iodéetdoux. Ilnevous tombaitpasdessuscommeunechapedeplomb,ilvousberçait.Quandjeredescendisàl’accueil,l’employéeavaitdisparu.Jen’avaispasabandonnél’idéedelafaire
parler;ilétaitévidentqu’elleavaitdesinformations.J’appuyaifrénétiquementsurlasonnette,maiscefutuneautrepersonnequiarrivaàlaréception.Unefemmeronded’unequarantained’annéesapparut,un
sourireheureuxsurlevisage.—Pardon,jevoulaisparleràlajeunefillequim’aaccueillietoutàl’heure.—Elleestpartie.Puis-jevousaider?—Peut-être,oui.JesuisàlarecherchedeGarrettMcIntyreetj’aicrucomprendreque…—Voyons,pourquoiGarrettMcIntyreviendrait-ils’enterrerici?—C’estcequ’ilvousademandéderépondrechaquefoisquequelqu’unvousposeraitcettequestion?
contrai-jesèchement.Etunefoisdeplus,lesourires’envola.—Iln’estpasici.Puis-jevousaideràautrechose?—Non,soupirai-je,dépitée.Jeretournaiàmavoitureetprisdeuxdescartonsquej’avaispurécupéreràlaposte.J’espéraisque
leurcontenumedonneraitunepiste,uneadresseouunnom.LafrustrationdesavoirGarrettàportéedemainmaisinatteignablemegagnaitpeuàpeu.J’auraispuaccepterl’échecsijen’avaiseuaucuneraisond’y croire.Mais il était là, respirait lemême air iodéquemoi, connaissait cet hôtel et je refusais dem’avouerbattue.J’essuyai la couchedepoussièredupremier carton, avantde l’ouvrir.Emballésdansdu journal, je
trouvaiungoldenglobeetunoursenargent,sarécompenseobtenueàBerlinpoursondeuxièmefilm.Jelesdéposaisurlepetitbureaudelachambre,avantderetourneràmesrecherches.Lecartondissimulaitquelquescadresphotos,dontcertainesavecune femmequidevaitêtresamère.Garrett s’affichait toutsourire, dans un élégant costume, pendant que samère, vêtue d’une robe noire, lui serrait lamain enremontantuntapisrouge.Enfin,jeretrouvaidesPolaroïd,essentiellementdesphotosdeNicole.Nicolefumantunecigarette.Nicoleperduedanssespensées.Nicolecachantsesmainsdanssonvisage.Nicolesebrossantlesdents.Ces photos un peu jauniesme rappelaient à quel point leur couple avait fait rêver lesmédias et le
public.Nicole n’avait pas souffert des scandales deGarrett. Après leur rupture brutale et inattendue,aprèslatempêtemédiatique,aprèslesphotosdeGarrettivremortpendantqueNicolejouaitlasobriétéexemplaire,lavieavaitreprissoncours.Officiellement,GarrettMcIntyreavaitpétélesplombsetétaitàlalimitedetroublesbipolaires.Officieusement,Nicoleavaitfaitpassersacarrièreavant leurrelation.D’aprèsmesinformations, la
rupturecouvaitdepuisdessemainesetelleavaitfiniparéclater,lesoirdesoscars,devantuneassembléeconsternée.CettescèneavaitsonnéleglasdelacarrièredeGarrett.LesecondcartonnecontenaitquedevieuxT-shirtsdel’universitédeCorketunalbumphotos.Jele
feuilletai rapidement et découvris de vieilles photos familiales. Je retrouvai une collection de CD,essentiellementdelamusiquedesannées70,etenfinunvieilappareilphoto,sûrementhorsd’usage.Jerepoussailecarton,denouveauabattueparunsentimentd’impuissance.Je n’avais ouvert que deux cartons et la vie deGarrett semblait se résumer à quelques photos, des
trophéesetdesT-shirts.Celanem’appritriendeplussurl’hommeetsursaviepersonnelle.Viequ’ilnedevaitpasregretter,vuqu’iln’avaitpasmêmevoulusedonnerlapeinederécupérersesaffaires.Assisesurlamoquetteélimée,jem’interrogeaisurmaprésenceici.J’avaisacceptécedossier,maispourêtrehonnêtejen’avaisaucuneidéeduplanquejedevraisdéployerpourconvaincremonclientdereveniràLosAngelesfairesonmétier.Markm’avaitparléd’intégrité.C’étaitça.Garrettavaitétéhonnêtedanstoutesadémarche,etmêmesi
jenel’approuvaispas,jen’avaisaucunmoyendelaluifaireregretter.
Je vidai un des cartons et ymis son albumphotos, ses trophées et l’appareil photo hors d’âge. J’yglissaimacartedevisite,undesscénariosquem’avaitconfiésMarketleplanningdesréjouissancesdelapromotion.Jeredescendisàl’accueiletleposaisurl’accueil.— C’est pour Garrett. Vous ne voulez pas me dire où il est, grand bien vous fasse. Je ne vous
demanderaiplusd’information.Macarteestdanscecarton,s’ilveutmejoindre,dites-luiquejepartiraidemainendébutd’après-midi.—Ets’ilneleveutpas?LesourireconfiantetmesquindeConnienem’échappapas.—Ehbien jesuiscertainequevousviendrezmel’annoncerenpersonne,non?Ecoutez, jeneveux
aucun mal à Garrett, mes intentions ne sont pas mauvaises. J’ai juste besoin de lui parler, au moinsquelquesminutes,etm’assurerqu’ilvabien.—Ilvabien,mecoupa-t-elle.—S’ilvousplaît,plaidai-je.Justequelquesminutesetsiaprèsnotreentretienilneveutplusmevoir,
alorsjecesseraidevousimportuner.Ellehocha la tête,mais j’étais loind’être certainede l’avoir convaincue. Jepassaiunenuit agitée,
partagée entre l’envie de traquerGarrett— ce qui était absolument insensé—et l’envie encore pluspressantederentrerchezmoi.Jen’avaispasappeléMarkdepuismondépart,alorsqu’ill’avaitpourtantexigé.Maisjen’avaisrienàluidiresurl’avancéedudossier.
Vendredi18septembre
Amonréveil,j’étaisàpeinereposée.J’ouvrislafenêtrequidonnaitsurlaplage,m’abreuvantduleverdesoleilfaceàmoi.Lestonsorangéetroses’accordaientparfaitementaubleudel’océan.Laplageétaitdéserte,àl’exceptionnotabledequelquessurfeursaventureux.J’enfilaiunjeanetunpullépaisblancenlainepouraffronterlabrisemarine,m’offrantunebaladematinalesurlaplage.Jepassailamatinéedansmachambre,patientant,espérantqueGarrettsemanifeste.Amidi,aprèsm’êtrechangée,jequittail’hôtelpourgagnerlerestaurantsurlaplage.Ildiffusaitdela
musiquelatineetdes lampionsdécoratifsvoletaientauvent,ornant l’endroitagréablement.L’ambianceétaitexotiqueavecdestablesdeboisbrutetdeschaisesenbambou.Ausol,deslamesdeboisfaisaientofficedeparquet,couvertd’unefinecouchedesablefin.Aufuretàmesurequej’approchais,unlégerbrouhahameparvint,savantmélangedeconversationsaniméesetdecommentairessportifs.Mon arrivée en petite robe légère aumilieu de cette tribu demâles ne passa pas inaperçue. Leurs
regards pivotèrent instantanément vers moi et un silence, presque surnaturel, se fit. J’entrai dans lerestaurant, remarquant une rangée de planches de surf plantées dans le sable près de la porte.Mal àl’aise,jem’installaiàunetableàl’écartetplongeailenezdanslacarteélimée.Lebarman,massifetimposant,quittasonposteetvintàmatable.—Est-ilpossibledemanger?demandai-jedansunmurmuretimide.—Biensûr.Cemidi,j’aidesenchilladas.—Parfait,sanspoivronss’ilvousplaît.Ilricanalourdement,avantdecoincersoncrayonderrièresonoreille.Ilcroisalesbrassursapoitrine
etmelançaunregardpeuamène.Puis,ilseretournaverslesclientsetjecomprisquel’humiliationdemonarrivéeallaitmesemblerdouceparrapportàcequiallaitsuivre.—Enchilladassanspoivrons,hurla-t-ilenmedésignant.Unriretonitruants’emparadelafoule.Mesjouess’enflammèrentdansl’instant,pendantquejetentais
de trouveruneportede sortie.Si jamais j’avais eu lamoindre enviede rester ici, cette simple scène
m’auraitdécidéeàpartirdansl’instant.—Ici,madame,c’estenchilladasavecpoivrons,repritlebarman.Etjevoussersquoiavecceci?—Qu’avez-vousàproposer?m’enquis-jeenespérantreprendrelecontrôle.—Pourunefillecommevous?s’esclaffa-t-il.Jedoisavoirunrestedegrenadine.—Servez-moiunetequilaetunebière.—Avecousanspaille?rit-ildenouveau.— Vous trouvez ça amusant de m’humilier devant tout le monde ? Cela assoit votre ego
surdimensionné?Celavousrendpuissantauxyeuxdevoscopains?Sonrires’effaçaet lesilencese fitdenouveauautourdenous. Ilposasespoingssur la tableetse
penchatrèslentementversmoi,sonvisagesiprochedumienquejedevinaisleseffluvesduguacamoleetdeschipsqu’ilvenaitd’ingurgiter.—Vousn’êtespaslabienvenueici,gronda-t-il,leregardlourddemenace.—ParcequejechercheGarrettMcIntyre?—Quittezcetteville.—Sinonquoi?—Vousn’avezpasenviedesavoir.Croyez-moi.Quittezcetendroitetnevenezplusymettrelespieds.J’avaisdéjàeuaffaireàplusmenaçantàLosAngeles.Maisici,j’avaislasensationdésagréabled’être
en territoire ennemi. Je n’avais aucun soutien et tous les regardsdes clients braqués surmoi.Dans lafoule,jerepérailajeunefilledel’hôtel,quim’adressaunregardsombre,emplideméprisetdecolère.—Allons,allons,Kenneth,fitunevoixderrièremoi,cen’estpasunefaçondeparleràunedame.Tétaniséesurmachaise,jen’osaibouger.Pourtant,jesavaisquic’était.Cetimbredevoixrauque,ce
légeraccentirlandais,jel’auraisreconnuentremille.D’ungestevif,trahissantsonagacement,lebarmanclaquauntorchoncontresonépaule,avantderetourneràsonposte.Méduséeetsoulagée,jevisGarrettMcIntyretirerunechaisefaceàmoiets’installeràcalifourchondessus.Ce regard, cette allure confiante. Hormis la barbe fournie, qui masquait le dessin parfait de sa
mâchoire,etlescheveuxtroplongs,iln’avaitpasvraimentchangé.Sacheveluredissimulaitlehautdeson visage, laissant à peine apparaître son regard gris acier. Sur ses lèvres, un soupçon de souriremoqueurmefit tressaillir. Il savait l’effetdévastateuretparalysantqu’ilproduisait.Garrettm’observaentre ses mèches dégoulinantes, avant de tirer sur la fermeture de sa combinaison de surf pour larepousser jusqu’à seshanches. Je fixai ses épaules,mon regarddescendantpresquemalgrémoi sur ledessindesespectoraux.Danssonexil,Garrettavaitincontestablementgagnéenmuscle.Et,detouteévidence,ilgagneraitencorehautlamainletitre«d’hommeleplussexydel’année»si
jamaisilvenaitàréapparaîtreenpublic.Sapeaubronzéelaissaitdevinerlemouvementdesesmuscles.Letatouaged’untrèfle,rappeldesesorigines,ornaitsonépaulegauche.Jeforçaimesyeuxàremonterverssonvisageetjesurprissonsouriremoqueur.Ilm’arrachalacartedesmainsetfitlamoue.—Lesenchilladassonttrèsbonnes,lança-t-il.—AbigailHarper,meprésentai-jeentendantunemaintremblante.Enchantée!Ilreposalacarte, jetaunregardversmamaintendue,puisl’ignoratotalement.D’ungesterapide,il
repoussalesmèchesquibarraientsonregardetcalasescoudessurlatabledebois.—J’aientendudirequevousmecherchiez?—Onvousabienrenseigné.Quediriez-vousd’allermarcher?Nouspourronsainsidiscuteraucalme,
proposai-jeenmelevantdemachaise.— Non, trancha-t-il d’un ton sec. Vous voulez me parler ? C’est ici ou rien du tout. Ken, une
enchilladasetunebière,commanda-t-il,sonregardsoudéaumien.
Mamain se refermaviolemment sur ledossierdemachaise. Je ravalaimonagacement,poussaiunprofondsoupiretpassaienrevuemesoptions.Ellesétaientmaigresetaucunenepenchaitenmafaveur.Garrettesquissaunsourire,fierd’avoirensipeudetempsprislamainsurnotreentretien.Dépitée,jemerassis.LesouriredeGarretts’élargitetsespupillesbrillaientdelalueurdelavictoire.Autourdenous,lesclientsreprirentpeuàpeuleursconversations,marquantainsilafindeshostilités.—J’aicrunejamaisvousretrouver,lançai-jepourdésamorcerlemalaiseentreGarrettetmoi.—Vousnem’avezpasretrouvé,c’estmoiquiaidécidédevousrencontrer.—Vousavezeupitiédemoi?ironisai-je.—Jemefichedevotresort.Maisjetiensàmatranquillitéetàcelledemesamis.Vousimportunez
mesprochesetc’estinacceptable.Sontonsecetimpérieuxmefitinstinctivementreculersurmachaise.Garrettmetoisaitetjecompris
qu’iln’avaitaucuneenviedemeparler.Illefaisaitpourmefairepartirplusvited’icietjedevinaisqu’ilrefuseraitsystématiquementtoutesmespropositions,aumoinsparprincipe.—Alors,vousêtesquoi?Journaliste?Photographe?—Vousn’avezpaseumacartedanslecarton?—Jenel’aipasouvert.C’étaitmavied’avantetjen’ensuispasparticulièrementnostalgique.—Alorspourquoiavoirfaitexpédiervosaffairesici?—Pourqu’ellesnetombentpasentredesmainsindélicates.—Desmainsindélicates…commelesmiennes?—Notamment.Vousn’avezpasréponduàmaquestion.—Jesuisattachéedepresse.JetravaillepourBarnett&Levy,àLosAngeles.Jesuisicipourvous
parlerdelasortiedevotredernierfilm.Ilétouffaunrireetsepenchaversmoi.Sesyeuxgrisbrillaientdemalice.Jemesurprisàobserverses
mains, légèrementabîmées.Lapeausemblait rêcheet râpeuse,marquéeparunévident travailmanuel.Unecoupureprofondeornaitlehautdesamaindroite.—Ecoutez-moibien,mademoiselleHarper…—Abby,corrigeai-je,enessayantderesterconcentrée.—Abby.Jemefichedecefilm,jemefichedecequevousvenezfaireici,jemefichedevous,etje
mefichedecequelesproducteursvousontdemandé.MavieesticimaintenantetjerefusederemettreunpiedàHollywood.—Vousavezuncontrat,luirappelai-je.Uncontratquivousobligeà…— Et vous pensez réellement que cela va me faire changer d’avis ? s’étonna-t-il en reprenant sa
positioninitiale.Vouspensezqu’unvulgairemorceaudepapiervamedictercequejedoisfaireounon?—Garrett…—MonsieurMcIntyre,corrigea-t-ilavecdédain.—Bien.Monsieur,vousavezledroitdepensertoutlemalquevousvoulezd’Hollywood.Vousallez
le droit de refuser le système et de vous bâfrer à l’envi d’enchilladas.Mais soyez un tout petit peulucide:sijepars,vouscroyezréellementqu’ilsvouslaisseronttranquille?Le silence qui suivit fut spectaculaire.Garrettme fixait toujours, grignotant unmorceau de pain de
maïs.Celamedonnaunpeudecouragepourpoursuivre.— Je suis parvenue à vous retrouver, ce qui veut dire que d’autres suivront. Des journalistes, des
photographes.Ilsviendront,croyez-moi.Ilsviolerontvotreintimitéici,toutcommeilsl’ontfaitàLA.Ilsvoustraqueront,ilsferontdevotrevieunenferetvouspourrezdireadieuàvotrerestaurantfavorietàvosséancesdesurf.—J’endoute,commenta-t-il.
—Jesaisquejeneparviendraipasàvousconvaincredefairelapromotiondecefilm.Etcequejesaisaussi,c’estqu’ilyaenvironcinqcentsagencesderelationspubliquesrienqu’àLAquisontprêtesàtoutpourvousferrercommeunvulgairegibier.Ladifférence,c’estquemoi,jem’engageàjouerselonvosrègles,monsieurMcIntyre,àvouslaisserdéciderdecequevousvoulezfaire,commevousvoulezlefaire.Garretttenaitàsaliberté.Maseulechancedelevoircoopérer,c’étaitdeluiparlerdecetteliberté:de
cellequ’ilavaitgagnée,decellequ’ilpouvaitconserverentravaillantavecmoi.—Dommagequevotrevoixtremblantevoustrahisse.Pendantuneseconde,j’aifailliycroire.Cequi
m’étonne,c’estque,vous,voussemblezycroire.Voussavezpourquoij’aiquittéHollywood?Parcequecettevillemedétruisaitetdétruisaitmesproches.Ilnes’agitpasdemaliberté,ils’agitdemavie.—Etquepensevotremèredetoutcela?—Laissezmamèreendehorsdecettehistoire.—QuellejoiecelaadûêtrepourelledevousvoirivremortsurlascèneduKodakTheater2!Avait-
elleinvitédesamiespourregarderlacérémonie?—Cetteconversationestterminée.Garrett se leva brutalement de sa chaise. Le bruit attira l’attention des autres clients et je redevins
l’attraction du restaurant, une dizaine de paires d’yeuxmenaçants braquées sur moi. Garrett gagna lasortiedurestaurantparlaplage.Jelesuivisencourantetluiagrippailecoude.Sonregardfurieuxcroisalemienetjelerelâchaiaussitôt.Sastature,plusimposantequedansmonsouvenir,m’impressionna.Sesépaulespuissantesétaientnouéesdecolère,sarespirationsifflantetrahissaitsonénervement.Pendantuneseconde,jemedemandaisijen’avaispasététroploin.Lestraitsdesonvisageétaienttendus,sespoingsserrés.—Garrett,laissez-moiunechance.Vouspouveztoutdécider,toutchoisiretjevousprometsquevotre
vieicineserapasmenacée.—Partezd’icietnerevenezpas.—Sansvous, lefilmnefonctionnerapas.Vousaveztoutes lescartesenmain.Vousêtes lemaîtreà
bord.Il soupira et son regard se perdit vers l’océan. Sa respiration était lourde, lamienne chaotique. Je
venaisdejouermadernièrecarte.J’étaisàboutd’arguments,àboutdeforces,aveclafurieuseenviederetourneràLosAngelesaussivitequepossible.Garrettétaitunebombeàretardementetj’étaisentraind’accélérerleprocessusdel’explosion.—Jenevaispas le rediredenouveau,Abby : rentrezchezvous.Retournezaupaysdespaillettes,
mentezàlapresse,arrangez-vousaveclavérité,maisnevenezplusremettreunpieddanscetteville.—Est-cequec’estàcausedeNicole?demandai-jedansunmurmure.Est-cequ’ellevousadétruit
elleaussi?—Dégagezdemaplage,mademoiselleHarper.Ilpassaàcôtédemoi,moncorpsfrissonnaitencoredesontonglacial.J’étaisfigéesurcetteplage,
incapabledetrouverunepriseaumontGarrettMcIntyre.Quepouvais-jeluiproposerdeplus?PourlapremièrefoisdepuisquejetravaillaispourBarnett&Levy,j’étaisdésemparée.D’unpasvif,Garrett longealerivage,lesvaguesléchantseschevilles.Jesuivissasilhouetteautant
quepossible,avantqu’ellenedisparaissederrièreunamasderochers.—Merde!jurai-je.
1..Solitude,enespagnol.
2..Salleofficielledelacérémoniederemisedesoscarsducinéma.
5
Jerentraiàl’hôtelavecunenouvellemigraine.Lecartonquiauraitdûm’attirerlesfaveursdeGarrettm’attendait devant ma porte. Avec un long soupir, je le fis glisser sur la moquette et refusai de leregarder.Jem’allongeaisurmonlitettentaidechercherunefailledanslacarapacedeGarrett.J’avaisespéré
que le contenu du carton lui inspirerait une certaine nostalgie, malheureusement, cela n’avait eu quel’effetinverse,lebraquantunpeupluscontreHollywoodetcontremoi.Inaccessible, buté, froid et caractériel.Leportrait-robot du client qu’ondéteste avoir. Pourtant, aux
yeux du public — et avant l’esclandre des oscars — il était volontiers drôle, prévenant et assezintelligentpourvivreàl’écartdesfêtesscandaleuses.Enquelquessemaines,legendreidéalétaitdevenuunmonstred’ingratitudeetdefroideur.Etj’étaiscenséelefairechangerd’avis,j’étaiscenséelerendresuffisammentsympathiquepourquelepublicaillevoirsonfilm.Réfléchis,Abby.Réfléchis.
Samedi19septembre
Al’aube,alorsque lecielprenaitdesreflets rosesannonciateursd’unebelle journée, forceétaitdeconstater que je n’avais aucune idée. J’avais griffonné le début d’une lettre dedémission, avant de lafroisseretdelajetercontrelaporte.Acourtd’idées,jemedécidaiàcontacterMark.Unregardextérieuretexpérimentépourraitcertainementm’aideràyvoirclair.—Abby?LavoixdeMarkétaitéraillée,conséquencedenuits tropcourteset troparrosées.Qu’ilparvienneà
enchaîner des journées de travail avec ses activités nocturnes me fascinait. Personnellement, j’avaisbesoind’unminimumdesommeilpourêtreopérationnelle.—Salut,murmurai-je.—Est-cequeçava?Oùes-tu?—Jevaisbien.Je…Jet’appelleausujetdeGarrett,pourunpremierpoint.Jemepostaidevantmafenêtre,écartantleslourdsrideauxoccultantspouradmirerleleverdusoleil.
Jemesurprisàsourire,éblouieparlacouleurducieletlecalmestupéfiantquirégnaitici.—Jel’ai trouvé,annonçai-je.IlsecacheàtroisheuresderoutedeLosAngeles,dansunevillequi
s’appelleSoledad.—Unvraipoète,ricana-t-il.Ilsecache?—Disons qu’il a trouvé refuge ici. Les habitants le protègent farouchement. Je suis parvenue à lui
parler,maisjenesuispastrèsoptimiste.Amonavis,tudevraistrouverunefailledanslecontrataveclesproducteurspourledénoncer.—C’estuneblague,j’espère?Iln’estpasquestionqu’ondénoncececontrat.—Mark…—Hors de question. Tu retournes voir ce type et tu trouves unmoyen de le faire venir à l’avant-
premièreprogramméemardiprochain.—Çamelaisseàpeinetroisjours!soupirai-je,lasse.—Etc’estamplementsuffisant.—Mark,jet’avaisprévenuquecetypeétaitingérable.Ilrefusedemeparler,ilrefusemêmequeje
soisicietm’atrèsclairementfaitcomprendrequejedevaisdéguerpir.
—C’estàtoid’imposertesrègles,pasl’inverse.J’éclatai d’un rire jaune, retournant m’asseoir sur mon lit. Ce dossier sentait le fiasco assuré : si
Garrett refusait demeparler,mamission était un échec ; et s’il acceptait, jemettais le doigt dans unengrenageobscur,oùjeperdaislecontrôle.—Çanefonctionnerapas,Mark.—Çafonctionnera.Remets-enunecouche.Luias-tuparlédespoursuitesjudiciairesqu’ilrisquaiten
refusantd’appliquerlesclausesdesoncontrat?—Evidemment.C’étaitmon premier argument. Je croismême que c’était le seul. Ilm’a ri au nez.
C’étaitprévisible,Mark.Jesuisdansuneimpasseaveclui.Al’autreboutdelaligne,j’entendisMarksoupirerlourdement.—Tumemanques,murmura-t-ilfinalement.Le changement de conversationme déstabilisa totalement. Jeme redressai et retournai à la fenêtre.
PerdueaumilieudumarasmeMcIntyre,jedusadmettrequelesmotsdeMarkmetouchaientplusquederaison.—Jevaisrentrer,chuchotai-jeàmontour.Jemedonneencorelajournéepourtenterdeleconvaincre.
Tapropositionpourdînertient-elletoujours?—Plusquejamais.Unsourireheureuxapparutsurmeslèvres.Moncauchemaricitouchaitàsafin.Mais,trèsvite,majoie
sedissipalorsqueMarkrepritlefildenotreconversation.—Abby,pourGarrett,ilfauttrouverunesolution.Parle-lui,hypnotise-les’illefaut,maisonnepeut
pasfairesansluipourl’avant-première.C’est leminimumquenousdevonsassurer.Nicoledonneralechange.Mentir,floueretfaireensortequ’Hollywoodrestelamachineàrêves,voilàcequ’étaitmavie,mon
monde.JerepensaibrièvementàGarrettetàsafranchiseglaçante,etundébutdenauséeretournamonestomac.Jerefusaisdecroirequ’avecledossierMcIntyreMarkavaitpunégocierundésastreendevenir.— Il n’acceptera jamais ça, soufflai-je. Lui, ne donnera pas le change. Si tu appellesNicole, si tu
montesunepaparazzade/supercherie,sascèneauxoscarspasserapourunesupercherie.—Réveille-toi,Abby:onvitaupaysdelasupercherie.NecomptepassurmoipouroublierMcIntyre
danssafichuegrotte.Cessed’êtredansl’affectettrouveunesolution!Il raccrochaaussitôt,melaissantencoreplusdésemparéequ’avantnotreconversation.Jerefoulai la
sensationdésagréablequimepinçaitl’estomac.Jefermailesyeux,prisuneprofondeinspirationettentaidedénouerlenœudquiserraitmagorge.Jegagnailasalledebainsetpassaidel’eausurmonvisage.Je retiraima robe froissée pour enfiler un jean et une vieille chemise en flanelle. J’abandonnaima
chambreavec l’intentionde quitter la ville à la fin de la journée. J’avais besoin de fuir l’atmosphèrepesantedeSoledad,de retrouvermesesprits sansêtre constamment sous surveillance.Decepointdevue,l’exildeGarrettétaituneréussite.Jeravalaiunrireensongeantànotreconversationdelaveille:iln’yavaitaucunechancequelesjournalistesaffluentici,l’ambiancelesferaitfuirillico.L’airfraismatinalmesurprit.Jegagnailaplage,mefrottanténergiquementlesbraspourmeréchauffer.
Lesoleilpointaitau-dessusdel’océan.Laplageétaitdéserte,calme,apaisante.Bercéeparlebruitdesvagues,jemarchaisdanslesable,soulagéed’avoirprisladécisionderentrer.C’étaitlameilleurechoseà faire pour lemoment : rentrer àLosAngeles, recharger les batteries, faire changerd’avisMark surl’interventionmontéedetoutespiècesdeNicole,peaufinerunenouvelleargumentation,travaillersurlecasdeGarrettetreveniricipourlefairecéder.Jemarchaisdepuisdixbonnesminutes,perduedansmespensées,quandmonregardfutattiréparun
groupe de surfeurs. Il était encore tôt et la faible luminosité neme permettait que de distinguer leurs
silhouettessur lesvagues.Je frissonnaidenouveau,à lapenséede la températurede l’eau.J’avançai,curieusedeleursacrobaties.Troishommeschevauchaientlesvagues,seulsaumonde.N’ayantjamaisétéparticulièrement adroite, les observer debout sur leur planche, en équilibre sur l’écume,me fascinait.Après de longues minutes, ils finirent par s’asseoir à califourchon sur leurs planches, leurs visagestournésversleleverdusoleil.Jelesimitai,m’installantsurlesablefin,souriantàlasensationinéditequimesaisissait.Lavuede
l’océanavaittoujourseudespouvoirsapaisantssurmoi.Maisici,surcetteplagedéserte,transieparlefroid,entouréeparlesilence,jen’étaisquesérénité.Lalumièrediffuseétaitsublime,d’unepuretéquelapollution de Los Angeles m’avait toujours empêchée de voir. Peu à peu, ma nausée s’estompa et jeretrouvaisunerespirationnormale.Unaboiementmesortitdemacontemplation.Amespiedssetenaitungoldenretriever,gueuleouverte,
languependante,frétillantdejoie.Monsourires’élargitetjetendislamain,pourlecaresser.—Salut,monbeau,soufflai-je.Ilinclinalagueule,visiblementravid’avoirunpeud’attention.Jelefrictionnaiderrièrelesoreilleset
fusimmédiatementrécompenséed’unmouvementheureuxdel’arrière-train.—Qu’est-cequetufaisicitoutseul?—Jevousretournelaquestion,fitunevoixderrièremoi.Jebondissurmespieds,surprise,pendantquemoncœurfrappaitdansmapoitrine.Lechienseposa
sursonarrière-train,àmespieds,troublantlesilencedesonhalètement.LeregardbleuclairdeGarretttrouvalemien.Moncorpstoutentiersetenditdouloureusement,pendantquejepinçaismeslèvrestropsèches.—MademoiselleHarper,mesaluaGarrettd’unhochementdetête.Sonattituden’avaitpasvariédepuisnotredernièreconversation.Froid,distant, tentantdecanaliser
sonévidentecontrariétédemevoirsurcetteplage,ilmetoisait.Vêtud’unecombinaisonnoire,iltenaitsaplanchedesurfàlaverticale.Soncorpsétaittendu,sesmâchoiresserrées.Dansl’instant,jecomprisquenotreconversationmatinaleallaitêtreàl’imagedecelled’hier.Maconversation avecMarkhantait toujoursmonesprit et j’espérais réellementqueGarrett entende
mesarguments.—MonsieurMcIntyre.Al’instantoùjetendislamainpourlesaluer,jecomprisquej’étaisencoreentraindemeridiculiser.
Garrettm’ignora.Pourlui,j’étaistransparenteetinutile.Sesyeuxsebraquèrentsurlechienet,pourlapremièrefoisdepuisnotrerencontre,unvéritablesourires’étirasurseslèvres.—Donut,viensparici,ordonna-t-il,entapantsamaincontresacuisse.Legoldennecillapas;àl’inverse,ilsecouchaàmespieds,sagueulesursespattesavant.Unrire
nerveuxcouvaitdanslefonddemagorge,maisjeleravalaiquandGarrettposasesyeuxfurieuxsurmoi.—MademoiselleHarper,jepensaisavoirétéclairhiersoir,reprit-il.—Vousl’avezété.Jenefaisaisquemebaladersurlaplage.FuyantleregardsombredeGarrett,jemepenchaiverslechien,luicaressantaffectueusementlehaut
delatête.Legoldenm’offraitunedistractionbienvenue.—Donut?C’estça?demandai-je.Garrettnepritpaslapeinederépondre,pendantquelechientournaitsagueuleversmoietléchaitmon
autremain.—Donut,donc,souris-je.Detouteévidence,tun’aspasletempéramentdetonmaître.—Iladéjàmordu,contraGarrett.Jemeredressaietpoussaiunprofondsoupir,mélangedelassitudeetd’agacement.Manuitblanche,sa
colère, mon avenir professionnel plutôt compromis se télescopaient et contribuaient à ma mauvaisehumeur.SiGarrett n’était pas enclin à faire des efforts, je n’étais pas non plus prête à céder et àmelaissermarchersurlespieds.—Ecoutez,Garrett,jemerendscomptequej’aiététroploinhiersoirquandj’aiévoquévotremère.Il leva un sourcil stupéfait, qui m’encouragea à poursuivre. Je croisai les bras sur ma poitrine,
réprimant un frisson désagréable.Le vent iodé souffla dansmes cheveux et, d’un geste de lamain, jechassailesmèchesquivoletaientautourdemonvisage.—Jevoulaisvousprovoqueretjecomprendsmaintenantquec’étaitinapproprié.—Votreprésenceiciestinappropriée.—Garrett,jetentedevousprésentermesexcuses!—Etjetentedevousfairecomprendrequecequevousavezàm’offrirnem’intéressepas.J’aifait
unecroixsurcettevieet,croyez-moi,jemesensmillefoismieuxiciquelà-bas.—Jevouscrois,murmurai-jeenembrassantl’océanduregard.Jecomprendsvotrechoix.—Maisvousleremettezencause?—Absolumentpas.Je…Garrett,vousdevezcomprendrequejenesuispasvotreennemie.Quandje
vousaidithiersoirqued’autresviendraient,jenementaispas.Ilsdéferleront,tous,surcetteplage.Enun claquement de doigt, votre vie ici pourra être lemême enfer qu’à Los Angeles. Ce n’est pas unequestiondelieu.—C’estunemenace?—Jenesuispasvotreennemie,répétai-je.Jecomprendsvoschoix,Garrett,etjenesuispasvenueici
pourlesremettreencause.Aucontraire,jesuislapremièreàvouloirlespréserver.—Parfait.Vousvoulezrespectermeschoix:partez.Donut,viensici.Enuninstant,lechienseredressaetsuivitsonmaîtrequis’éloignaitdéjàendirectiondurestaurantsur
laplage.Commelaveille,jemeretrouvaistatufiéedanslesable,incapabledetrouveruneriposte.PrèsdeGarrett,legoldenmarchait,suivantlerythmeimposéparsonmaître.UnnouveaufrissonmeparcourutetcelamedécidadéfinitivementàquitterSoledad.GarrettMcIntyreétaituningrat,untypeodieuxetdétestable.Hollywoodluiavaittoutdonné:l’argent,
la gloire et la reconnaissance.Maintenant,monsieur voulait simplement faire du surf avec son chien !Quel culot ! J’avais déjà eu à travailler avec des cas compliqués, des personnalités difficiles, maisGarrettétaitau-dessusdulot:ingérable,incontrôlable,ilmemettaitdansuneragefolle.Ames yeux, le dossierMcIntyre était déjà refermé avantmême d’avoir été ouvert.Amon retour à
l’hôtel, la jeune fillequim’avaitaccueillie laveilleétaiten traindenettoyermachambre.Mavalise,encoreouverte,s’étalaitdanslecouloir.MondossiersurGarrettavaitétééparpilléausolet lecartonquej’avaisrempliàsonattentionétaitouvert.Charmantefaçondemefairecomprendrequejedevaisquitterleslieux.En silence et sous le regard assassin de mon adorable hôtesse, je rassemblai mes affaires et les
rapportaiàmavoiture.J’étaispartagéeentreagacementetabattement.Pouruneraisoninexplicable,jesavaisenmonforintérieurquej’auraisputravailleraveclui.J’aurais
pumeplieràseschoix.Jen’avaispasmenticematin:jecomprenaisvraimentsadécision.Enadmirantle lever de soleil, je n’avais pu qu’approuver sa quête de renouveau. Comment aurais-je pu fairecomprendre àGarrett que travailler avecmoi était, paradoxalement, son seulmoyende conserver sonmodedevie?Jeréglaimachambrerapidementetregagnailecentre-villedeSoledad.Acetteheureencorematinale,
ilyavaitencoremoinsd’animation.Merveilledesmerveilles,uncaféétaitouvert.Jem’installaiàunetable,seuleaumonde,etmemotivai
pourappelerMark.Depuisnotreconversationmatinale,jecouvaisunecolèrecertainecontrelui,mâtinéed’amertume et d’incompréhension. Il avait dit me laisser « carte blanche » et pourtant, je savais, jesentais,qu’ilmanœuvraitencoulisse.Ses deux lignes sonnaient dans le vide et me renvoyaient systématiquement sur son répondeur.
J’appelaifinalementChloé.—Echectotal,murmurai-jeenguisedebonjour.— C’était prévisible. Si cela peut te réconforter, dis-toi que, si tu n’y arrives pas, personne n’y
arrivera.—Celanemeréconfortepas.Ilest…—Sauvage?tenta-t-elleavecunepointed’amusementdanslavoix.—Non.Fascinant.Il…Ilaraison,Chloé,jenepeuxallercontresesconvictions.Jen’aiaucuncontre-
argumentdignedecenom.Jemesensimpuissante.—Tupeuxlefaire,Abby.Soishonnêteaveclui.—Jen’aifaitqueça!—Dis-luipourNicole,dis-luiqu’elleseralàetqu’ellerisquededébarquerdanssaviesansprévenir.
Ilfautquetuluiprouvesqu’ilpeuttefaireconfiance,quetuluimontresquetupeuxl’aider.—Bonsang,commentes-tudevenuesiperspicaceenunenuit?Jegémislourdement,avantdeposerunemainsurmonfront.Mamigrainerevenaittambourbattant.Je
savaiscequiallaitsuivre,jeconnaissaislemodedefonctionnementdeMark.Modedefonctionnementquejenecautionnaispasetquiallaitserévélercataclysmiques’ilmettaitsonplanàexécutionenfaisantvenirlesphotographesici.—Çavaêtreundésastre!—N’est-cepascequetusaisfaire?Sauverlesgensdudésastre?Je jetaiuncoupd’œil àmavoiture,garéedevant lecafé,dégueulantdecartonsquiappartenaientà
Garrett.Iln’avaitaucuneconfianceenmoietjedevaispercersacarapace.—Tiens-moiaucourant!lançai-jeavantdecoupermontéléphone.J’essayai de nouveau de joindre Mark, mais rien n’y faisait. Il filtrait mes appels et je savais
pourquoi : il refusait d’entendre mes arguments et de provoquer un nouveau conflit. Je gagnai laminuscule supérette de la ville, me figeant dans l’instant après avoir percuté… Garrett. Mes mainsaccrochèrent son T-shirt et je le lâchai aussitôt, embarrassée, prenant conscience que son sac deprovisionsvenaitdes’écraserausol.D’unmêmemouvement,nousnousagenouillèrent,rassemblantsesquelquesachats.Un silence pesant nous entoura, à peine perturbé par lamusique atroce qui sortait des enceintes du
magasin. Quand il se redressa, je pris conscience que je retenais ma respiration, prête à subir unenouvelle vague de colère et d’agressivité.Mais, àmon grand étonnement,Garrett tendit samain pourm’aideràmerelever.Jelafixaid’unœilméfiant.—Noussommesenpublic,jetentedeparaîtrecivilisé,s’amusa-t-il.—Pourmieuxm’humilierdèsquenousseronsseuls?—Lavieestfaitederisques,mademoiselleHarper.—Jecroisquejepréfèreencoreresterausol.—Jecroisquej’aitoujoursrêvéd’avoirunefemmeàmespieds.Unechancepourvousquejepréfère
lesbrunes.Ilm’adressaunnouveausourire,medéstabilisantunpeuplus.Etait-cevraimentparcequenousétions
dansun lieupublic? Je finisparposermamaindans la sienneet,d’ungestevif, ilme remit surmespieds.Sapaumecalleusechatouilla lamienneet je le relâchaidans l’instant.GarrettportaitunT-shirt
informemaculédepeintureetunjeandéchiréauniveaudugenou.Sescheveuxtombaientsursesyeux.—Quefaites-vousencoreici?demanda-t-ilfinalement.—Félicitations,vousaveztenudeuxminutessansm’aboyerdessus.—Jenesuispasd’unenatureparticulièrementpatiente.Alors,quefaites-vousici?—J’allaisfairequelquescourses.—Vousdevriezdéjàêtrepartie,riposta-t-iluntonplushaut.Ilagrippamonbrasetmesortitlittéralementdumagasin.Ilmerepoussalourdementcontreunpick-up,
mondoss’écrasantdouloureusementcontrelaportière.Jeréprimaiuncridedouleur,alorsqueGarrettposaitsonsacenpapiersurlesiègearrière.—MademoiselleHarper,jen’aipaspourhabitudequ’onmeprovoque.Ladernièrefois,c’étaitaux
oscars,etcelanes’estpastrèsbienterminé.—Je sais ce que vous ressentez. Je sais que vous êtes en colère et que vous ne faites confiance à
personne.Jenevousdemandepasdechangeretjenevousdemandepasdereniervoschoix.Maisquevouslevouliezounon,lamachineestenrouteetellevousécrasera.—Onparie?s’esclaffa-t-ilenouvrantlaportièredesonpick-up.—Prendrelafuiten’estpasuneoptionacceptable,Garrett.Vousnepourrezpaspassertoutevotrevie
àquitterunevilleetàjouerauchatetàlasourisavecHollywood,m’écriai-je.Illâchalaportièreetrevintversmoi.Lesoufflecourt,ilpritmonmentonentresonpouceetsonindex,
meforçantàleregarderdroitdanslesyeux.—MademoiselleHarper,votreoffrenem’intéressepas.Amesyeux,vousêtesunnuisibledétestable,
empestant le mensonge et l’argent facile. Vous devez certainement savoir ce qu’on fait des nuisibles,n’est-cepas?—Jelesais,murmurai-je.Etjepeuxvousdirequ’àmesyeuxvousn’êtesqu’unenfantcapricieuxet
ingrat,quicrachedanslasoupe,ripostai-jeenrepoussantsamain.Vousn’avezaucuneidéedecequisetrame.Son regard toujours planté dans le mien, il resta immobile devant moi. Sa respiration erratique
trahissaitsonétatd’énervement.—Agissez-vousainsiavectoutlemonde?Vouspassezvotretempsàrepousserlesgens?repris-je.—Absolumentpas.Jeneréserveceprivilègequ’àvous,soyezrassurée.—Jenesuispastrèsfriandedecegenredetraitementdefaveur.Al’avenir,sionpouvaitfairesansça
m’arrangerait.—Vousvoulezfairesans?— Je veux que vous me considériez comme votre alliée. C’est ce que je tente de vous faire
comprendredepuishiersoir.Monbutc’estquevouspuissiezcontinueràsurferà l’envie.Etàmangerdesenchilladas…—Avecpoivrons,mecoupa-t-il.Jenemanquaispaslapointed’amusementquiperçaitdanssavoix.Jeravalaitrèsmallesourirequi
ornaitmeslèvres.Intérieurement, jemeréjouissaisdecepremieréchangepresquenormal, loindenospremièresdiscussionshouleuses.—Avecpoivrons,concédai-je. Je suisallergique,pour toutvousdire.Cen’étaitpasuncapricede
divacommevotreamisemblaitlecroire!—Ilestunpeuchatouilleuxdèsqu’ils’agitdesacuisine,commentaGarrett.Vouslesaurezàl’avenir.—Al’avenir?Garrett reprit un air sérieux et je me morigénai d’avoir laissé entrevoir ma joie. Jamais il ne me
laisseraitgagneraussifacilement.Pourtant,quelquechosedanssonregardm’autorisaitàcroireenmes
chances.J’avaistrouvéuneprisedanslacarapaceetjerefusaisdelalâcher.— Je vous laisse lamain sur votre planning, je vous laisse choisir vos journalistes, je vous laisse
mêmechoisirvotretenuepourl’avant-première.—Tropaimable,railla-t-il.Vousêtesprêteàtout,ondirait.—Non,justement.Jeveuxjustevousprotégerautantquepossible.Jeveuxquevousgardiezvotrevie
ici. Et vos poivrons aussi, tant qu’on y est, plaisantai-je, en espérant détendre l’atmosphère. Il s’agitd’unedizainedejours.Ensuite,jevouslaisseàvotrevie,jevouslepromets.—Nefaitespascegenredepromesse.—Jeneprendsaucunrisqueàlefaire.—Lavieestfaitederisque,mademoiselleHarper,merappela-t-il.Auxyeuxdebeaucoupdegens,je
suisuntypedangereux.—Paspourmoi,soufflai-je,pourtanttenailléeparunecraintesoudaine.—Sûrementparcequevouscôtoyezencoreplusmalsain.Brutalement,ilsepenchasurmoi,soncorpsmusclémoulécontrelemien,samaindroites’enroulant
autourdemanuque.Jemefigeai,interdite,tentantdecomprendrecequ’ilétaitentraindefaire.Jemesurprisàretenirmonsouffleàl’instantoùilposasaboucheàproximitédemonoreille.—Vousallezécouterattentivementmesinstructions,murmura-t-ild’unevoixrauque.Jehochailatête,haletantpresquedesentirseslèvreschatouillermapeau.Ilresserrasapriseautour
demanuqueetnichasatêtedansmoncou.Sabarbepiquamapeauetjesavaisdéjàquejegarderaisunemarquedececourtcontact.—Prenezlacasquettequiestdansmapochearrièreetglissez-lasurmatête.Tremblante,jem’exécutai.Qu’était-ilentraindefaire?—Del’autrecôtédelarue,unecamionnettevientdesegarer.Etjustederrière,untypeestentrain
d’ajustersontéléobjectif.Je fermai les yeux, comprenant queMark avait déployé son plan plus vite que je ne le pensais. Je
poussai un soupir las. Malgré lui, Mark m’aidait à nouer le lien avec Garrett. En une seconde,l’adrénalineaidant,mesautomatismesrevinrent.—Retournezdanslemagasin,jeprendslepick-upetjevousrécupèredansdeuxminutesàl’arrière.—Horsdequestion.Allezledistraire,pendantquejefiled’ici.—Lafuite,encore?Ildesserrasamainautourdemanuqueetlafitlentementglissersurmondos,finissantsacoursedans
lecreuxdemesreins.—Vousm’avezpromisquejeseraismaîtreàbord,merappela-t-ilsournoisement.—Ilrisquedevousvoiretdevousreconnaître,objectai-je.Ilréajustalacasquettesursatête,m’adressaunsourireéblouissant,puisunclind’œilcomplice.—Lavieestfaitederisque,mademoiselleHarper.Allez-y.Piedsetpoingsliés,j’acceptai.Lephotographeétaitbienvisiblederrièresontéléobjectif.Quandilvit
que j’approchais de lui, il baissa son appareil et poussa un long soupir. Derrière moi, j’entendis leronflementdumoteurdupick-up.—Jesuisdansunespacepublic,sedéfenditlephotographe.—Donnez-moivotreappareil,montrez-moicequevousavez.Par chance, le paparazzi n’était parvenuqu’àprendreunedizainedephotos, tellement flouesqu’on
distinguait à peine Garrett. Mark n’avait visiblement pas prévu un budget suffisant pour envoyer unphotographechevronnéetconvenablementéquipé.Jeluirendissonappareil,luisommantdepartird’icisur-le-champ.
Un crissement de pneus interrompit notre conversation. Je braquai mon regard vers le pick-up deGarrett,quis’éloignaitàviveallureducentre-ville.Unsoupirm’échappa,pendantquelephotographejuraitlourdement.Je passai une main sur mon cou, ma peau picotait à l’endroit où Garrett avait niché sa tête. Mon
téléphonevibradansmapocheetlemessagequej’ylusmerenditimmédiatementlesourire.
Cesoir.Sanspoivrons.
6
AprèsledépartdeGarrettetmesquelquescourses,j’étaisretournéeàl’hôtel,reprenantpossessiondemachambre. J’avais eu ledroit àmon lotde regards furibondsetdevisagesdésapprobateurs.Durantl’après-midi, jem’étaissurpriseàscruter laplagedemafenêtre.Envain,Garrettn’étaitpasréapparusurfant sur les vagues.Aprèsm’avoir réjouie, sonmessage laconiquem’inquiétait : je n’avais aucuneheurepournotrerendez-vous,aucunecertitudesursavenue.Lesouvenirdenotrefurtiveetinvolontaireétreintemerevint:qu’ilmetouchem’avaitstupéfiée.Jepassaimesdoigtsdansmoncou,àl’endroitoùsabarbem’avaitéraflée.Aumêmeinstant,maconscienceprofessionnellerepritledessus:Garrettétaitunclient.Unclientattirant—quoiquedétestable—maisunclientavanttout.Plusieursfois,Markavaittraversémespensées.Jedevinaislescontoursdesonplan—sortirGarrett
desatanière,leremettresouslesfeuxdesprojecteurspourluifairecomprendrequ’iln’enavaitpasfiniavecHollywood—etpouruneraisonquejenem’expliquaispas,celametordaitl’estomac.Enfindejournée,lassedemeretournerlesméninges,jerejoignislerestaurantsurlaplage.Commela
veille,lesilencesefitàmonarrivéeetjem’installaiàl’écartdubar,aucalme.Vêtued’unjeanetd’undébardeurblancencotonléger,jefrissonnai,surpriseparlabrisenocturne.Lesconversationsreprirent,pendantquemesyeux,verrouilléssurl’entrée,scrutaientl’arrivéedeGarrett.Aprèsuneheured’attenteetletambourinementhabitueldemamigraine—migraineconsécutive,jele
savaisd’expérience,austress—contremes tempes, jemelevaide table.Unefoisencore, j’avaisétébernéeparGarrett.Jem’étaislaissémenerparleboutdunezparuntypequisefichaitdemoi.Jequittailerestaurantetremontaijusqu’àl’hôtel.— J’avais parié sur trente minutes, vous m’impressionnez mademoiselle Harper, lança une voix
derrièremoi.Jepivotaisurmestalons,tombantnezànezavecGarrettetsonsourirearrogant.Jeravalaimacolère,
affichant un sourire de façade. Adossé aumuret qui entourait l’hôtel, une jambe repliée, il releva lacasquettequicachaitlehautdesonvisageetplantasonregarddanslemien.—Vousêtesenretard,répondis-je,poingsserrés.—Jen’aipasdonnéd’horaire.—Commec’estpratique.Encoreunprivilègequevousmeréservez,jeprésume?—Jedoisadmettrequejeprendsuncertainplaisiràvoustorturer.C’est…divertissant,sourit-il.Jesourisàmontour,conscientequesonjeudeprovocationvisaitàraviverlesbraisesdemacolère.Il
cherchaitàmefairecraquer,àmefairepartird’ici.Maisplusilvoulaitsedébarrasserdemoi,plusjem’accrochais.Cedossier avaitpris, enquelques jours,une tournurepersonnelle. Jeprisuneprofondeinspiration et approchai de lui. Ses yeux gris neme lâchèrent pas, comme s’il cherchait à évaluer samargedemanœuvre.—Ondevraitjouercartessurtable,dis-je,d’unevoixassurée.— Je ne fais que ça depuis le début : je vous ai demandéde partir plusieurs fois et deme laisser
tranquille.—Alorspourquoiêtrevenuici?Pourmenarguer?Pourmefairecomprendrequejen’aiétéqu’une
idiote?—MademoiselleHarper…—Allez-vous faire voir, vous et votre belle cage dorée.Vous avez fuiHollywood et ce que vous
refusez d’admettre, c’est que désormais vous êtes littéralement coincé ici.Maintenant, si vous voulez
bienm’excuser,jevaisallerfaireunsac,rentrerchezmoietapprécierlacompagniedepersonnesquinemetrouventpasuniquement«divertissante».Jepassaiàcôtédelui,tellementencolèrequedeslarmesperlaientàmesyeux.Jetremblaisdetous
mesmembres,horsdecontrôle,matêteprisedansunétaudedouleur.—Merci,lança-t-ildansunchuchotement.Je me figeai, à bout de souffle, mon cœur frappant lourdement dans ma poitrine. La stupéfaction
submergeadansl’instantmacolère.—Pourcematin,ausupermarché.Lepaparazzi,précisa-t-il.Denouveau,jemetournaiverslui,lefixantcommesijelevoyaispourlapremièrefois.Ilsemblait
sincèreetneportaitpluslemasquedutypeodieuxetarrogant.—Ce…C’est…normal,bégayai-je,toujourssouslechoc.—Non.Cen’estpaslanormalitédesefaireprendreenphotoquandonfaitsescourses.Jetiensàma
vieprivée,jetiensàmavieici.Doncmerci.— Je le sais, soufflai-je. Je vous ai dit plusieurs fois que je comprenais vos choix et que je les
respectais.Jenesuispasvenueicipourremettreencausevotre…—Normalité?finit-ilpourmoi.J’opinai,unsourireornantmeslèvres.LeslèvresdeGarrettseretroussèrentàleurtouretilapprocha
demoi.L’apaisementsepeignaitsursonvisageetiltenditlamainversmoi.Commentfaisait-ilça?Mefairesortirdemesgonds,pour,l’instantsuivant,êtreenfinagréableetchaleureuxavecmoi.Jesecouailatête, bien décidée à savourer cemoment d’accalmie aumilieu de la tempête au lieu de chercher à lecomprendre.—Bonsoir,Abby.Nousyétions:l’instantoùjedevaisdécidersitousceseffortsvalaientlecoup.Silui,valaitlecoup.
J’observaisamainunecourteseconde,unesecondesuffisantepourfendillersabelleconfianceenlui.Al’instantoùsamainretombait,jelasaisis.—Bonsoir,Garrett,murmurai-jeencalantmapaumecontrelasienne.Lachaleurdesapoignemesurprit.Maisc’estsonsourirefrancethonnêtequimebouleversa.Iln’y
avaitpluscemurinfranchissableentreluietmoi.Illibéramamainets’écartalégèrement.—Quediriez-vousd’allerdîner?proposa-t-il.Mamigrainemevrillaitlatête.J’avaisplutôtenviededormir,emmitoufléedansmacouette,àl’abri
dessarcasmesetdesmanipulationsdeGarrettetloindesregardsméprisantsdesautochtones.Constatantmonhésitation,Garrettreprit:—Sivousnelefaitespaspourmoi,faites-lepourKenneth.Jesuisparvenuàleconvaincredefaire
desenchilladassanspoivrons.Sivousnelesmangezpas,ilmettramatêteàprix.—Est-cequ’onpourradiscuterde…devotrefilm?—Lavieestfaitederisques,s’amusa-t-il.—Jenemanqueraipasdevouslerappeler.—MademoiselleHarper,vousêtesdeplusenplusdivertissante.D’ungestede lamain, ilm’indiqua laplage,m’invitant à l’accompagner au restaurant. Je levai les
yeuxaucield’exaspération,pendantqu’iltentait,sansvraimentyparvenir,deretenirunsouriremoqueur.—Aprèsvous,Abby.Côte à côte, dans un parfait silence, nous nous dirigeâmes vers le restaurant.Garrett abandonna sa
casquetteàl’entrée.Denouveau,ilm’enjoignitdepasserdevantlui,samaineffleurantlebasdemondosdanslamanœuvre.Jemeréinstallaiàlatablequej’avaisoccupéeendébutdesoirée,Garrettsemontrantétonnammentgalantentirantmachaise.Ilmesurpritd’avantageens’asseyantsurmadroite,tournantle
dosaubaretàseshabitués.Lesenchilladasetdeuxbièressurgirentdanslestroisminutes,nousoffrantunedistractionànotreembarrassantsilence.Nouséchangeâmesquelquesregards,avantqueGarrettfinisseparbriserlesilence.—Est-cequejevouseffraie?s’enquit-ilfinalement.J’avalairapidementmabouchée,avantdemetournerlégèrementverslui.—J’ail’aireffrayé?—«Tétanisé»seraitplusjuste.Vousn’avezrienditdepuispresquequinzeminutes.—Depuisnotrerencontre,laplupartdenosconversationsontviréaufiasco.Jechercheunestratégie
quiseraapplicablesuruntypecommevous.—Etc’estquoiuntypecommemoi?—Solitaire,fuyant,peuenclinàcoopérer.—Jedîneencemomentavecvous.Croyez-moi,jesuistrèscoopératif.—Bien.Danscecas,jepeuxvousparlerdusujetmajeurdelapromotion.Viendrez-vousàl’avant-
première?Sitôt finie ma phrase, j’eus la sensation étouffante d’avoir une grenade à mes pieds et d’attendre,
impuissante,qu’ellem’exploseauvisage.Garrettcontinuademanger,puisbutunegorgéedesabière,avantdes’essuyerlaboucheavecuneserviette.Monvisagedevaittrahirmonanxiété,carilétouffaunriretoutenmedévisageant.—Autempspourmoi:maintenant,vousavezl’airtétanisé,dit-ilenmedésignantdel’index.—Vousjouezavecmesnerfs.—Avecvosnerfsouavecvotreavenirprofessionnel?—Et,làencore,vousprenezplaisiràmetorturer,luifis-jeremarquer.Viendrez-vousounon?répétai-
je,avecagacement.—Disonsquejeréservemaréponse.—Vousréservezvotreréponse?Jenetravaillepascommeça,Garrett.—Etcommenttravaillez-vous?—Aveccetrucnommé«confiance».—Nemedemandezpasl’impossible,mademoiselleHarper.J’aidéjàconvaincuKennethderetirerles
poivrons,celamesemblebiensuffisantcommeactehéroïquepourlajournée.—Etvoustrouvezçadrôle?—Jenesuispasmécontentdemoi,gloussa-t-il,heureuxcommeungosse.Jeserrailesdents,retenantl’enviephénoménaledelegifler.Lesacteursavaienttoujoursétémabête
noire. Vous ne saviez jamais vraiment à quel moment ils étaient sincères. Ils jouaient un rôle enpermanence,s’appliquantànelaisserrienparaître.Jedétestaisça.—Garrett,ilnes’agitpasd’uneblague,vousrisquezgrossivousn’allezpasàcetteavant-première.—Jerisquegros?Commequoi?—Jevousl’aidit,vousavezuncontratetdespénalités…—Del’argent?Jepeuxvousfaireunchèquetoutdesuitesivouslesouhaitez.— J’imagine que vous délester de quelquesmillions de dollars ne changera pas grand-chose.Mais
vousavezaussiuneréputationàmaintenir.— Ma réputation ? Elle est déjà foutue. Je n’ai rien à perdre, hormis sûrement mon intégrité si
j’acceptequ’Hollywoodmetraitecommesonpantin.—EtNicole?—Nicole?Nicoleappartientaupassédepuisunbonmoment.—Etvousleregrettez?
Monculotmesurprit.Jevoulaisjusteleconvaincredeveniràl’avant-première,mêmepourunecourteapparition,etvoilàquenousparlionsdeNicole.Nicole,lafemmequ’ilavaitaimée,l’undesélémentsquiavaientparticipéàsonexil.—J’ai appris à accepterque jenepouvaispas revenir en arrière,Abby.SansNicole, jene serais
sûrementpasentraindedîneravecvousencemomentmême.—Nemefaitespascroirequevousyprenezduplaisir.—Vousplaisantez?Delanourriture,unebière,laplage?J’aitoutpourêtreheureux.Vous,vousêtes
justelàcommetémoindecetinstantprécieux,ironisa-t-il.—Jepeuxvousassurerqu’ilyauradelabièreetdelanourritureàl’avant-première,plaisantai-je.—Dieuquevousêtestenace.J’aiditquejeréservaismaréponse,jen’aipasditnon.—Pourl’instant,pondérai-je.—Vousn’avezdoncaucuneconfianceenmoi?—Toutcommevous.Vousl’avezditvous-même:vousêtesuntypedangereux.—Certes.Maisjevousaiaussiditquelavieétaitfaitederisques.Ilm’adressaunclind’œilcompliceetm’arrachadumêmecoupunéclatderire.GarrettMcIntyreétait
imprévisible,maisilmefascinaitdeplusenplus.Ilmepoussaitdansmesretranchements,contraitmesarguments, trouvait la parade à chacune demes attaques. Il piocha dans son assiette, dévorant chaquebouchée,pendantquejechipotaisavecmafourchette.J’avaisl’estomactropnouépouravalerquoiquecesoit.—Etpourlapresse?repris-je.—Pasdepresse.Pasd’interview.Jerefusederépondreauxquestionssur…— La vie privée ne sera pas abordée. Il ne s’agit pas d’enchaîner les questions, mais plutôt de
proposerunarticledefond.JeremySmithfaitcegenred’articlestrèsbienet…—Etriendutout.Jeneferaipasd’interview.—Jelareliraiavantpublication.Etvouspourrezaussilarelire!—MademoiselleHarper…—Garrett,vousdevezaumoinsm’accorderça.Jesuisprêteàfairedestasdeconcessions,àprendre
pour argent comptant votre « réponse réservée » pour l’avant-première, à me lever chaque matin à4heurespourvoussoutireruneconfirmation,mais jenepeuxpasquittercette tablecesoirsansavoirnégociéquelquechosequivadansmonsens.—Sinonquoi?VousleprendrezcommeunéchecpersonneletvousfuirezvousaussiHollywood?—Sinonnousn’apprendronsjamaisànousfaireconfiance.Etj’ytiens.Jeconnaismonmétier,Garrett,
je sais comment gérer les personnalités difficiles, les crises, les scandales. Mais vous… Vous êtesintenableetimprévisible.—Ilparaîtqueçafaitpartiedemoncharme,plaisanta-t-il.—Entreautres,oui,répondis-jesansprendreletempsderéfléchir.—Entreautres?—Làn’estpaslesujet,repris-je,précipitamment.—Ohquesi.Çam’intéressegrandement.Doncqu’est-cequifaitmoncharmed’aprèsvous?—Vousessayezdechangerdesujet!contrai-jeenretrouvantunintérêtàmonassiette.—Etvous rougissezcommeunegaminedequinzeans !Allons,Abby,noussommesentreadultes !
Dites-moitout,avouezvosfantasmeslesplussecrets!Ilponctuasaphrased’unlégercoupdecoudedansmescôtes,metirantunnouveaurire.—Uniquementsivousacceptezl’interview.—Duchantage?s’étonna-t-il.
—Uncompromis,corrigeai-je.—Etvousmedemandezdevousfaireconfiance?Jenefaispasdans lecompromis,mademoiselle
Harper.Lapreuve,c’estque jepeuxvousavouersansaucuneraisonparticulièreque j’aimebeaucoupcettepetitemarquedansvotrecou.Duboutdesondoigt,ilcaressalamarqueencorebienprésentequelefrottementdesabarbecontrema
peau trop fineavaitprovoquée. Jemestatufiaidans l’instant, stupéfiéepar sonaplomb.Moncorps seréchauffadoucement,perturbéparl’intensitédemonéchangeavecGarrett.Cethommeallaitm’achever.—C’estvotrefaute,expliquai-je.Ausupermarché,cematin.—Jesais.C’estpourçaquejel’aimeparticulièrement,sourit-il.— Ce n’est pas vraiment du même ordre que de me demander d’avouer mes fantasmes secrets,
répliquai-je.—Ça,vousn’ensavezrien,murmura-t-il.Jeluilançaiunregardsurpris,pendantqu’ilmefixaitintensément.Pendantuncourtinstant,sesyeuxse
braquèrentsurmabouche,avantderetrouverunintérêtcertainpoursonassiette.Aquoijouait-il?Aprèsm’avoircontrainteà lepourchasser,aprèsm’avoirserinéqu’ilnevoulaitpasdemoiici,sursaplage,Garrettchangeaitdestratégie,meprovoquantdansunimprobablejeudeséduction.Ilcherchaitàgarderlamainsurcetteaffaire,àmefairecomprendrequ’ilnetenaitqu’àluidemeréexpédieràHollywooddans l’instant. Pourtant,malgrémoi, j’étais troublée. Ilme fascinait, déjouant toujoursmes demandes,pourensuitereprendresonrôledeparfaitgentleman.—Ondevraitenrevenirausujet!proposai-je.—Mademoiselle,sivousêtesuntoutpetitpeuhonnêteavecvous-même,vousconviendrezquec’est
vousquiavezamenécesujet.Etc’estaussivousquidéviezcetteconversation.J’aimecettemarque.Etjecroisquej’aimebeaucoupvotreentêtement,jetrouveçaparticulièrement…—Vosmains,avouai-jefinalementpourcoupercourtàcetteembarrassanteconversation.—Quoimesmains?—J’aimevosmains,débitai-je,presquehonteuse.—Plusquemesyeux?s’étonna-t-il,d’untonmoqueur.Sadernièreremarquefutlagoutted’eau.Jemelevaidetablevivementetsortisdurestaurant.J’étais
folle de rage ; en troisminutes, il était parvenu à détourner la conversation et jem’en voulais d’êtretombée si facilement dans son piège. Je détestais ce qu’il faisait de moi, m’empêchant de réfléchirconvenablement,metroublantd’unsourire,meprovoquantd’unepique.Jamaisunclientnem’avaitparléainsi.Maisjedevaisadmettrequejen’avaisjamaiseul’occasionde
côtoyerunhommeaussiattirantetsûrdelui.Avouloiràtoutprixl’aideretfaireavecsesconvictions,j’enavaisperdumonprofessionnalisme.Malgré moi, je me surpris à porter mon regard sur le restaurant, devinant la silhouette de Garrett
gagneràsontourlasortie.Jeluilançaiunregardfurieux,encolèred’avoirétédéstabiliséeetmiseàmalparunesimplequestion.
Jeredoutaisquemafuitemefasseperdrelepeudecréditquej’avaisauxyeuxdemonclient.Unsourireflottaitsurseslèvres.Iljubilaittoutenavançantversmoi.D’ungesterapide,ilretirasavesteetlaposasurmesépaules.—Neprenezpasfroid,murmura-t-il.Jeresserraisavesteautourdemoi,meconcentrantsursonregardgris.J’espéraisqu’ilcomprennema
colèreet,naïvement,j’espéraisaussidesexcuses.Ilsondamesyeux,avantdepousserunsoupirlas.—Dites-vousquecen’estpassimal.J’auraisputoutautantvouslaissermecherchericijusqu’àlafin
detemps.
—Meridiculiserdevantvousestdoncacceptableàvosyeux?—Dois-jevraimentvousreparlerdecesprivilègesquejevousréserve?—Ahoui,parcequevousmetrouvezsidivertissante.Vousréalisezqueprendreplaisiràhumilierles
gensestauxconfinsdelamaladiementale?—Toutcommeleharcèlement,rétorqua-t-il.—Garrett,onnepeutpasavoircontinuellementcetteconversation:soitvousacceptezmonaide,soit
vous la refusez.Maissivous l’acceptez,vousdevezcesserdevousservirdemoicommed’unpouic-pouicantistress.—Unpouic-pouic?!s’esclaffa-t-il.—Jecroisquecetteconversationmarquelafindenotre…collaboration,abrégeai-jeenm’éloignant
delui.Jeluirendissaveste,tandisqu’ilmefixait,abasourdiparmaréactiondéterminée.J’enavaisassez,
j’étaisépuisée,àboutdeforcesetsurtout—jedevaismefaireuneraison—jenepouvaispastenirladistancefaceàsarancœurenversHollywood.Dèsquejepensaisavoiruneprisesurlui,iltrouvaitunmoyenderetournerlasituation.—Abby!m’appela-t-il.Abby,attendez!Ilseplaçadevantmoi,mais je l’esquivaietremontai laplageendirectiondel’hôtel. Ilmefaudrait
expliquercefiascoàMark,luidireàquelpointGarrettMcIntyredevaitêtreunsujetclos.J’entendismonnom résonner une dernière fois dans la brise marine. Je regagnai l’hôtel avec amertume, mes pass’enfonçantrageusementdanslesablehumide.Jem’arrêtaiàl’accueildel’hôteletdemandaiqu’onm’apportedelaglace,unetisaneetunsomnifère.
Lajeunefilleopina,sansbroncher,puisjemeruaidansmachambreetj’enclaquaiviolemmentlaporte.Je m’assis sur mon lit et appuyai mes doigts contre mes tempes. Encore cette fichue migraine quiresurgissait.JeprismontéléphoneetcomposailenumérodeMark.Acestade,inutiledecroireencorequequelque
choseétaitpossibleavecGarrett.S’iln’avaitpasdit«non»cesoirà l’avant-première, jesavaisquec’était pourmieuxme torturer dès demain.Maintenant, jeme sentais non seulement impuissante,maisaussi humiliée dem’être fait berner aussi facilement. Cela neme ressemblait pas d’être si naïve. Entempsordinaire,telunjoueurd’échecs,jesavaisprévoirlescoupsetlescontrecarrer.—Echecetmat,murmurai-jepourmoi-mêmeencollantmontéléphoneàl’oreille.Mark décrocha à la troisième sonnerie, pendant que j’espérais ne pas l’affronter et tomber sur son
répondeur.—Abby?— J’abandonne, soufflai-je. Demain, à la première heure, je rentre à Los Angeles. Tu pourras me
donnerlesdossierslespluspoussiéreuxdel’agence,cettefois,jerendslesarmes.Ilyeutuncourtsilence,puisMarkmerépondit,d’unevoixglaciale:—Jesuisextrêmementdéçu.—Mark, c’est un ermite ! Il accepte à peine deme parler ! J’irai voir les producteurs pour leur
expliquer,situlesouhaites,maisilesttropaveugléparsonressentimentpourfaireunpasversmoi.—Ettuesbientropimpliquéeémotionnellement,contra-t-il.—Biensûrquenon!—Cen’estpascequem’aditlephotographeendébutd’après-midi.—Jerefusedeporterlechapeaupourteserreurs.Tun’avaispasàfaireça!Tun’avaispasàenvoyer
cetypepourviolersonintimité.— Abby, il faisait des courses. Et à moins que son sac ne regorge de couches-culottes ou d’une
mitraillette,cesphotosn’auraientpasrapportéunkopeck!s’écria-t-il,visiblementtrèsencolère.—Jefaiscemétierdepuissuffisammentlongtemps,poursavoirqu’uneseulephotodeGarrett,après
des mois d’absence, suffirait à financer ton prochain séjour à Aspen ! Tu n’as même pas pensé auxconséquences!hurlai-je,agacéequ’ilmeprennepouruneimbécile.—Tu parles de la perte de notre contrat ? Tu parles des indemnitésmirobolantes que nous allons
devoir verser à la production ? Ou peut-être parles-tu de la fin de ta carrière en tant qu’attachée depresse?Samenacemefitsourire.J’étaistellementencolèrecontreGarrett,que,siMarkavaiteffectivement
décidédemevirer,j’enseraissoulagée.Aucunedisputeavecluientroisans,etvoilàque,maintenant,nouspassionsnotretempsànousquereller.Jesoupirailourdement,jesavaisdéjàquecetteconversationnemèneraitnullepart.Onfrappaàmaporteetjemecontentaid’annonceruntrèssec«entrez»,avantdemedirigerverslafenêtrepourfinirmaconversationavecMark.Lesoleilsecouchaitsurl’océan,parantlecieldecouleurschaudes.Laplageétaitdéserteetlaseuleanimationqu’onpouvaitdistinguerétaitlerestaurant.—Situveuxmevirer,fais-le,claquai-je,d’unevoixferme.Etdanscecas,peut-êtrequejedéfendrais
mieuxlesintérêtsdeGarrett.—Cen’estpascequejevoulaisdire,sedéfenditMarkd’unevoixplusdouce.—Jenepeuxpascontinuerainsi,Mark.Jenepeuxpasm’useràconvaincreuntypequiestarc-bouté
sursesconvictions.Appelleçadel’affect,delamorale,maisjeneveuxplusgérercecas, jeneveuxplusgérerGarrettMcIntyre!Jenepeuxplus,je…Jem’arrêtainetensentantunemainseposersurmonépaule.Jepivotai,meretrouvantnezànezavec
Garrett.Ilmetenditmonmugfumantdetisane,unsourirecompréhensifsurleslèvres.— Je te rappelle, Mark, murmurai-je, pétrifiée. Qu’est-ce que vous faites ici ? demandai-je, sans
cachermacolère.—Vousm’avezlaisséentrer,répondit-ilenhaussantlesépaules.Je levai lesyeuxau ciel, exaspérée. Je saisismonmuget passai à côtéde lui pourm’éloigner.Au
restaurant,j’étaisparvenueàgarderlecontrôle.Ici,dansmachambre,jemesentaisenvahie.Unefoisdeplus,Garretts’arrangeaitdesrègles.Unefoisdeplus,ils’étaitchargédemetrouver,appréciantsûrementd’assisteràmonéchec.—Suruneéchelledeunàdix,àquelpointmedétestez-vous?s’enquit-il.—Pourm’avoirridiculiséeoupourêtreentréicisansmêmevousprésenter?— Je ne voulais absolument pas vous ridiculiser. Je ne pensais même pas que vous prendriez la
mouche.Jevousvoyaispluscoriace.Alorscombien?—J’aiarrêtédecompteraprèstrente.Ils’assitsurmonlitetouvritlepotdeglace.Jeleregardaisfaire,hallucinéeparsonaplomb.Ilavait
toutfaitpourmefaireperdrecontenance,etvoilàmaintenantqu’ils’installait.J’abandonnaimonmugsurlatableetcroisailesbrassurmapoitrine.—Vousditessijedérange,ironisai-jeenlevantunsourcil.—Vousenvoulez?proposa-t-ilentendantlacuillèreversmoi.Jenesuispasparticulièrementfandu
caramel.—Aucasoùvousnel’auriezpascompris,jesuisencolèrecontrevous.Ilmesemblaitpourtantavoir
étéclairesurlaplage:j’aimisfinànotrecollaboration.—Etquandjevousaidemandédepartird’ici,vousêtesrestée.C’estquoivotreméthode?Faitesce
quejedis,maispascequejefais?—Vousavezgagné,Garrett.Qu’est-cequevousvoulezdeplus?
—Pourcommencer:finirmondîner.Avecvous,ajouta-t-ilaprèsunecourtepause.—Etaprèsquoi?J’auraisledroitàunnouveaurevirement?— Apparemment, vous ne voulez plus vous occuper de mon « cas », s’amusa-t-il en mimant les
guillemets.Jen’aiplusgrand-choseàperdre.—Eneffet.Etcelan’expliquetoujourspascequevousfaitesici!— Je tente de vous présenter des excuses, soupira-t-il, las. Vous rendez cette tâche vraiment
compliquée.Ilselevaetavançaversmoiprudemment.Instinctivement,jereculai,mondosheurtantlemuropposé
aulit.J’avaisconscienced’êtresurladéfensive,maisc’étaitplusfortquemoi.Ilyavait,dansleregarddeGarrett,unelueurdedanger:ilmedéfiaitdenouveau,marquantsonemprisesurnotrerelation.Celaaurait dûm’effrayer, mais, pour être honnête, j’étais sous le coup de la surprise et captivée par sonassurance.—Vousmedemandezl’impossible,Abby,dit-ildoucement.—Vous devezme faire confiance,Garrett.Mais nous n’arriverons à rien si vous vous braquez sur
toutes mes propositions. Vous êtes en colère à cause de cette situation et vous l’évacuez en vous enprenantàmoi.Ouvrezlesyeuxsurcequivousentoure.Personnenevitcommeça,personnenevitcloîtrédanssonsilence!Ilvousfautaffrontervosdémonsetvouspourrezensuitelesquitterunebonnefoispourtoutes.Vousnepouvezpasfuirtoutevotrevie!—Jeneveuxpasperdreça.—Vousnecessezdemedireque lavieest faitederisques,prenezcesfichusrisques!Sivousme
faitesconfiance,jepeuxvousassurerquevotreviedemeureraainsi.Etcroyez-moi,simonbutétaitderuinervotrevie,jen’auraispaslevélepetitdoigtcematinpourvirercephotographe.—Vousêtesprêteàtravaillerpouruntypequevousdétestez?—JevisàHollywood,l’amourn’estpasunsentimentcourant.Parlez-moideperfidieetdejalousie,
çajeconnaisetjemaîtrise.Garrett,croyez-moi,jepeuxfairedevouslegendreidéal,sivousmelaissezfaire.Cequicompte,c’estcequevousvoulezfairepourcefilm.—D’accord.Avec ce seulmot,Garrett parvint à anéantirmes projets de départ anticipé.Comme au début de la
soirée,ilsemblaitsincère,vrai,honnête.J’enprofitaipourfaireunnouveaupasverslui,espérantqu’ilaccepteraitmaprochainesuggestionsansrechigner.—Bien.Jeproposequenousvisionnionslefilmdemain,sicelavousva.J’aiunimmenseécranici,ça
devraitfairel’affaire.—Non.—Garrett!râlai-je.—Chezmoi.J’ai…Jepeuxvousaccueillir,Abby.Il ponctuamonprénomd’un sourire heureux.Un frissonmeparcourut et je sus instantanément qu’il
n’avait rien à voir avec le froid.C’était de l’adrénaline, du trac, de l’anticipation…et une pointe dejubilationintense.Enfin,ils’ouvraitetacceptaitdecoopérer!—Aquelleheure?demandai-je.—Vousêtestrèsattachéeàtoutceprotocole,n’est-cepas?—Eneffet.Etsivousétiezunefemme,jevousauraisramenédesfleurs.Alors,quelleheure?—Disons20heures.Jeprévoiraidequoimanger.Sanspoivrons,jesais,ajouta-t-ilalorsquej’étais
surlepointd’objecter.Maintenant,sinousfinissionsnotredîner?Sonregardbrillaitd’espérance,tandisquejeletoisais,prêteàendécoudre.Jenesupporteraispasun
nouveauretournementdesituation.Mêmesijen’attendaispasunchangementradicald’attitudedelapart
deGarrett,j’espéraisquenousfassionsunpasdanslamêmedirection.Ilserassitsurlelitettapotadelamainl’emplacementàcôtédelui.LecomportementdeGarrettse
rapprochait de celui d’un enfant capricieux et exaspérant. Malgré moi, je me surpris à sourire et,reprenantmonmug,jem’assisprèsdelui.—Vousrecevezrégulièrementdansvotrechambre?—Quandc’estlecas,jesuisgénéralementunpeumoinshabillée…etunpeuplusdésirable,ajoutai-je
endétaillantmondébardeurinformeetmonjeanélimé.—Jedevraispeut-êtredéfinirundress-codepournotrevisionnage.Seslèvressesoulevèrentdansunsourireentenduetprovocant.Jemeréfugiaidansmonmug,cherchant
uneparade.L’accalmieneduraitpaslongtemps.Dèsquelesujetdesacarrièreétaitclos,ilattaquaitsurdessujetspluspersonnels.—Jenedoutepasquevousferiezsensationennuisette!lâchai-je,avecuneindifférencefeinte.—Encore une remarque impertinente et vous faites définitivement une croix sur cette fichue avant-
première,chuchota-t-il,amusé,àmonoreille.Moncorpssetenditdansl’instant,saisiparsavoixrauqueetchaude.Ilplaçasamaindanslebasde
mondos,puissepenchadenouveauversmoi.—Pendantquej’ypense,vousmedeveztoujoursuneréponse.Samainglissaunpeuplusbas,jusqu’àlanaissancedemesfesses,avantdesuivrelacouturedemon
jean jusqu’à lahanche.Labriseocéanen’étaitplus làpourme rafraîchir et je sentaismaintenantmonsangcourirdansmesveines,brûlermonvisageetréveillermapeau.Moncœurfrappaitdansmapoitrine,prêtàensortir.Garrettsavaitjouerdesoncharmeetjedevaisadmettrequemoncorpssuccombait.Maconsciencemehurlaitdelerepousser,maisc’étaitplusfortquemoi.Plusilmetouchait,plusjevoulaisqu’ilmetouche.Ilrévélaitunepartiedemoidepuisbienlongtempsensommeiletquej’avaisapprisàoublier.Montéléphonevibradanslapochedemonjeanetjelesortis.Garrettfronçalessourcils,pendantque
jefixaisl’écransanssavoirsijedevaisvraimentdécrocher.—Quiest-ce?demandaGarrett.—C’est…Mark.Monpatron.—Permettez?Garretttenditlamainversmoietj’obtempérai,luidonnantmontéléphonedansl’instant,espérantque
GarrettremetteMarkàsaplace.Ilavaitcetteautoriténaturellequiluiavaitpermisdeclaquerlaported’Hollywoodsansquepersonnen’ytrouveàredire.Peut-êtrequ’ainsiMarkmelaisseraitenfinfaire.—Jevousenprie,souris-je.Ilpritl’appareil,seleva,ouvritlafenêtreet,avantquejenepuisseréagir,lelançadetoutessesforces
dehors.—Maisqu’est-cequevousavezfait?hurlai-je,horsdemoi.—J’airésoluvotreproblème.Surcettehistoire,jeneveuxquevous.Pasdeparasiteetencoremoins
desabrutisquienvoientdesphotographes.Justevousetmoi.—Parcequevousl’avezdécidé?rageai-je.—Parcequevousm’avezdonnécarteblanche.Marchéconclu?Ilmesaisitparlataille,réduisantlentementl’espaceentrenousdeux.Jeserraimonmugàm’enfaire
malàlamain,incapablederéagir.Unefoisdeplus,Garrettmesurprenait.MêmeMarkn’avaitjamaisétéaussitactileavecmoi.Etj’aimaispourtantça,j’aimaissentircetteproximitécrépitanteetcompliceentreGarrett etmoi.Ceque je ne savais pas encore, c’était comment je pourrais la gérer :Garrett était unclientetrienquepourcela,j’auraisdûinstaurerplusdedistance.
L’instantsuivant,saboucheétaitàproximitédemonoreilleetsabarbebrûlaitlemêmecarrédepeauquecematin.Jemetendisunpeuplus,suspendueàseslèvres,craignantunnouveauchangementd’avis.—Marchéconclu,murmurai-jetétanisée.—Félicitations,mademoiselleHarper,vousvenezdegagnervotreinterview.Etcommeàchacunedenos rencontres,Garrett sevolatilisaquelques instantsplus tard,me laissant
hébétée,avecmaglacefondueetmatisanefroideaumilieudemachambre.
7
Dimanche20septembre
Manuit fut courte et agitée. Je ne cessai de rejouer la scène entreGarrett etmoi dans cettemêmechambre.Sonallureféline,sonairdéterminé,safaçondeprendredesdécisionspurementégoïstes,sesgestesintimesquimeparalysaient.Jel’enviaisd’êtresiconfiant,j’enviaissacapacitéàneteniraucuncomptedujugementdesautres.Celadevaitsûrementêtrelibérateurd’êtresi…spontané.Auxpremières lueursdu jour, jesortisdemonlitet renfilaimonjeanetmonpull informe.Uncoup
d’œilàlafenêtremeconfirmalaseuleinformationfiableausujetdeGarrett:ilsurfaitchaquematinsurcetteplage.Puisqu’il refusaitmes règles, j’enétais réduite à suivre les siennes, enespérantquenotreconversationdelaveillen’avaitpasétévaine.Je descendis sur la plage, quittant mes chaussures et enfonçant mes pieds dans le sable froid. Je
frissonnai,puismonregardfutattiréparleleverdesoleil.Commelaveille,lecalmeetlasérénitédel’endroit m’enveloppèrent et je me surpris à esquisser un sourire de contentement. J’avançai vers lerivagejusqu’àcequelesvaguesviennent léchermesorteils.L’eauétait tiède,agréableet,aprèsavoirrelevémonjeansurmesmollets,jelongeailaplage,jusqu’àêtrefaceaugroupedesurfeurs.Ami-chemin,jefusrejointeparDonut,quibonditjoyeusementdanslesvagues,ruinantmatenue.Le
goldenjappaitjoyeusementautourdemoietfinitparseposersursonarrière-trainquandjedécidaidem’asseoirsurlesable.Devantmoi,Garrettdomptaitlesvagues,saplanchefendantl’eau.Sagrâceetsonéquilibrem’impressionnaient.Nosregardssecroisèrentetjelevailamainmaladroitement,m’inquiétantseulementàcemomentdetroublerseshabitudes.Auvudenosdernièresconversations—affrontementsserait un termeplus juste— je redoutaisunenouvelle réaction imprévisibledeGarrett. J’espérai quenotreaccorddelaveillenetomberaitpasauxoubliettes.Il secontentadehocher la tête,avantdesifflerDonut,qui se ruadans l’instantdans lesvagues.Le
chiennageajusqu’àsonmaître,pendantquecederniers’asseyaitàcalifourchonsursaplanche,lesyeuxrivésversleleverdesoleil.Jeramenaimesgenouxcontremapoitrine,observantl’horizondoré,apaiséeparlebruitdesvagues.Garrett était à plat ventre sur sa planche et se dirigeait vers le large, son chien à son côté. Jeme
redressai,lessuivantdesyeux,avantd’approcherdel’océan.Lespiedsdansl’eau,lamainenvisière,j’observaiGarrettsemettreàgenoux,puisdeboutsursaplanche.Iltournasonvisageverslesoleil,lesrayonsdumatinilluminantsonvisageanguleux.Unhalodelumièreenveloppaitsasilhouette,sereflétantdans l’océan, scintillant dans sa chevelure humide. Pendant un court instant, il n’était plus GarrettMcIntyre,enfantterribled’Hollywood.IlétaitjusteGarrett,letypequisurfaitauleverdusoleil.Ilregagnafinalementlaplageetsedirigeaversmoi,saplanchecaléesoussonbras,Donuttrottinantà
sescôtés.Sitôtprèsdemoi, lechiens’ébrouajoyeusement,metrempantdenouveau.Garrettrisquaunsourire,observantmaréaction.—Vousêtesmatinale,constata-t-il.Etvousêtestrempée.—Donutsembleprendreunmalinplaisiràmepourrirlavie,luiaussi,ironisai-jeavantdecaresser
affectueusementlechien.—Luiaussi?—CommeMark,répondis-jeavecsérieux.Vousn’avezquandmêmepascruquejeparlaisdevous?
m’étonnai-jefaussement.Vousn’êtespaslecentredumonde,Garrett.—Jesuislecentreduvôtre,quevouslevouliezounon.—Etsijeneleveuxpas?—J’oubliais: leprotocole, lesrègles, lescontrats.Vousêtesdugenretrèsorganisée,c’estça?Du
genreàfairedescases,àfairedeslistes?—C’estmonmétier,Garrett.—Justement,mademoiselleHarper,justement.Puis,sansrienajouter,ilfrottavigoureusementsacheveluretrempée,achevantdemouillertotalement
monhaut.Uncridesurprisem’échappa,trèsvitemasquéparleriretonitruantdeGarrett.Estomaquée,jelefixai,avantdetirersurmonpullquicollaitàmapoitrine.Jerassemblaitoutemavolontépournepasluihurlerdessus.JesavaisqueGarrettnecherchaitqu’àmepousseràbout,c’étaitsonjeufavoridepuismonarrivéeici.J’enétaispleinementconsciente,toutcommej’étaisconscientequec’étaitsamanièreàluideconserverlamainmisesurnotrerelation.Celaétant,jenesavaispasencorecommentrenverserlasituation.—Vousêtesvenuemesoutireruneconfirmation?demanda-t-ilfinalement.—Je…quoi?—C’estcequevousavezdithier:quevousétiezprêteàvousleverchaquematinpourmesoutirer
uneconfirmation.Jevousécoute.—Oh.Je…Non…Enfait…Cen’estpas…—Respirez mademoiselle Harper. Respirez, m’intima-t-il doucement en prenant une mèche de ma
chevelurehumideentresesmains.Sesyeuxs’ancrèrentdanslesmiensetunsourireornaseslèvres.Jeperdaismesmoyens,jeperdaisle
peudecontrôlequejecroyaisavoir.Moncœurfrappaitdouloureusementdansmapoitrineetlenœudquiseformaitdansmagorgem’empêchaitdeparler.Jefermailesyeuxuncourtinstant,reprenantmesespritsetoubliantlesréactionsintempestivesdemoncorps.—Je…Pourl’interview,voulez-vousquejevoussoumetteunelistepréalabledequestions?—Revoilàvotresensdel’organisation.Celasembleunebonneidée.—Super,meréjouis-jeavecsoulagement.Jevaisfairevenirunphotographepour…—MademoiselleHarper,vousétiezbienenpleinepossessiondevosmoyenshiersoir?Le sourire entenduqui caressa ses lèvres nem’échappapas. Il abandonnamamèchede cheveux et
planta sa planche dans le sable. J’étais de nouveau perdue et me repassais à toute vitesse notreconversationdelaveille.Qu’avais-jemanqué?—Garrett,j’aibesoindephotospourl’interview.—J’enaibienconscience.Vous savezquevousavezune fâcheuse tendanceànepas répondreaux
questionsqu’onvouspose?—Je…Oui,évidemment,j’étaisenpleinepossessiondemesmoyens.Lemensongeétait tellementénormequ’ilmesemblaoccuper toute laplage.Garrett levaunsourcil,
maisnebronchapas.Jecroisailesbrassurmapoitrine,attendantunenouvelleattaqueenrègle.Pourquoiest-cequejemefaisaistoujoursavoir?—Hiersoir,jevousaiditqu’ils’agissaituniquementdevousetdemoi.Pasdephotographe.—Etlejournaliste?—Pasdejournalistenonplus.—Garrett,vousaviezdonnévotreaccordpour…—Eneffet.Vousposerezlesquestions,vousenregistrezlesréponses.Faites-lesrédigerparquivous
sembleradignedeconfianceetensuitenouslesrelirons.
Jeravalaimonamertumeetmasourdecolère.Garder lecontrôle,nepashurler.Je luiavaispromiscarteblanche,jeluiavaispromisdefairecequeluidésirait.J’étaispriseàmonproprepiègeetjesavaisqueGarretts’endélectait.—Etpourlesphotos?—Nouslesferonschezmoi,répondit-ilenreprenantsaplanchesouslebras.Garretts’éloignaitdéjà,sonchienàsescôtés.J’avaislespiedsfichésdanslesable,meretenantdelui
couriraprèspourluisoutireruneexplication.—Nous?Lapaniquemefaisaitcouineretjem’envoulusimmédiatementdemetrahirsifacilement.Garrettse
tournaetcomplétasaréponse.—Vous,jevoulaisdire.—Mais,mais…—Quevouslevouliezounon,mademoiselleHarper.Ilmefitunderniersignedelamain,m’abandonnantsurlaplage.Jemesentaisidiote.Jemesentais
acculée.Jemesentais…sansdéfenseetsanscontrôle.J’étaisvenuepourl’interviewetjemeretrouvaisphotographe improvisée. J’observai la longue silhouette de Garrett s’éloigner, puis gagner un sentierperdudansleshautesherbes.Jecomprisàcetinstantquej’allaispasserunesemaineenenferaveccethomme.—Quejeleveuilleounon,marmonnai-je,défaite.
***
Décontenancée par mon entretien avec Garrett et coupée du monde après la destruction de montéléphoneparlemêmeGarrett,jerentraiàl’hôtel.JedevaisparleràMarketfaireunpointavecluisurl’évolution—quelgrandmot!—dudossierMcIntyre.Jegagnailepetitbureaumisàdispositiondelaclientèle. Devant l’écran, le souvenir de ma dernière conversation avec Mark et de ses méthodesdouteusesmerevintetjechangeaid’avis.Danstoutecettehistoire,Chloéétaitmaseulealliée.J’étais lassée d’être le jouet de Garrett, je devais reprendre la main et surtout m’imposer. Je
connaissaismonmétier, jesavaisgérerlespersonnalitésdifficilesetlessituationstordues, iln’yavaitaucuneraisonqueGarrettfasseexception.J’avaisunplan,quivisaitnonseulementàfaireavancerleschoses, mais aussi à me faire reprendre le contrôle sur la situation. Je ne pouvais plus attendre queGarrettaccepteounonmespropositionsetdevaisdonclemettredevantlefaitaccompli.D’ici,mamargedemanœuvreétaitréduite,maisChloéconnaissaitsonmétier.Jeluidemandaidemefaireparvenirdescostumesetdelesfairevenirencamionnette.Jeluidonnai
unelistedefournisseurs,toushabituésàtravailleravecmoi.Danslemêmemessage,jeluiprécisaideresterdiscrèteetdefaireauplusvite.Danslafoulée,j’envoyaiaussiunmessageauxproducteursdufilmdeGarrettpourlesrassurer.C’était
unmensongeéhonté—auxlimitesdufantasmeabsolu—maiscelamepermitdemedébarrasserd’uneformedepression.Enriant,jeprisconsciencequej’adhéraisàlaphilosophiedeGarrett:c’étaitluietmoi,seulscontreHollywood.Jeremontaiàmachambre,prisedansunélanenthousiasteetentamaiunepremièrelistedequestions
pour l’interview. Je devais prouver à Garrett que je pouvais suivre son rythme, qu’il ne me faisaitaucunement peur. D’une certaine manière, être préparée face à lui m’éviterait aussi d’être prise audépourvu.Garrettnesavaitquetropbienjouerdesescharmesetjedevaisimpérativementm’enprotéger.
***
Jemerendisdansleminusculecentre-villedeSoledadpourledéjeuner.J’avalaiunsandwichsurlepouce, avant de retourner sur la plage, dans l’espoir ridicule de croiserGarrett et de lui soutirer sonadresse.Enfind’après-midi,jefinisparmefaireuneraison:Garrettavaittoujoursrefusédemedonnerlecontrôle,ilnemedonneraitpasplussonadresse.Assisesurlesable,jeterminaimalistedequestionssurunbloc-notes,lestrouvantdésespérémentconvenuesetfades.Aprèsavoirjetéunderniercoupd’œilauxvagues,jeregagnail’hôtel,enespérantqueChloéavaitpu
réalisermonmiracle.Et elle l’avait fait ! Une camionnette m’attendait devant l’hôtel et je trépignai presque de joie en
découvrantlesdeuxportantscoincésàl’intérieur.Celametiraunsoupird’extaseetm’injectaunedosedeconfianceetd’adrénalinedontj’auraisbesoinpouraffronterGarrett.Jecourusrelevermesmails,etéclataiderireendécouvrantlaréponsedeChloé.Elleavaitréussià
récupérerlauneduTorch—maune—etretrouvélaunedePeople,oùGarrettposaitpoursonpremiertitred’hommeleplussexydel’année.Et,apparemment,elleavaitprisunplaisirfouànousépinglersurlemurdes rumeurs.Elle faisaitofficedebookmaker,prenant lesparis sur lapérennitédema relationavecGarrett.Mamissionn’étaitpasrestéeconfidentiellebienlongtemps.JesuspectaiMarkdel’avoirrenduevolontairementpublique.Parprincipe,jerefusaisderépondreàcettequestion.Parprincipeetparcequej’enétaisincapable.
Garrett était tellement imprévisible qu’il pouvait changer d’avis d’une minute à l’autre. Cette seuleperspectivem’effrayaitplusquederaison.JeremontaidansmachambreettombainezànezavecConniedanslecouloir.Jeretinsuneremarque
désobligeanteenpassantdevant elle avantde fairedemi-tour et dedéciderdemettreun termeà cetteridiculeanimosité.—Ecoutez,Connie,jesaisquejenesuispaslabienvenueici,commençai-je.Cen’estquetemporaire
et…—Garrettm’ademandédefaireuneffort,mecoupa-t-elle.Etjelefais.Pourluietpaspourvous.—Cetteloyautéestadmirable,ironisai-je.Ecoutez,jenesouhaitepas…ruinersavie,lançai-je,malà
l’aise.Conniericana,puispivotaversmoiensecouantlatête.Elleroulaenbouleuneserviettedebainetla
jetadanslecouloirderrièremoi.Aumoins,ellenecachaitpassonagressivité.— Je pense queGarrett est assez grand pour se défendre, repris-je. Croyez-moi, il sait tout à fait
retournerlessituationsàsonavantage.Jesuissûrementladernièrepersonneàluivouloirdumal…Enfinl’avant-dernière,justeavantvous,jeprésume.Maremarqueluitiraunfaiblesourire,lepremierdepuisqu’elleavaitdécouvertlemotifdemavenue
danscethôtel.—Garrettachoisidetravailleravecmoi.J’ailuttépourqu’ilmefasseconfiance.J’avoueque,sije
pouvaiséviterunenouvellebatailleavecvousetavecsesamisd’ici,celamesoulagerait.—Vousêtesseulementtolérée.EtuniquementparcequeGarrettlesouhaite.—Ya-t-ilquelquechosequirésisteàcethomme?méditai-jeàvoixhaute.UnrougissementmassiffleuritsurlesjouesdeConnieet,aprèsunesecondederéflexion—seconde
oùjemeseraisgifléed’avoirétésiaveugle—jecomprisfinalementpourquoiConniemedétestait.Cen’étaitpastantlavolontéfarouchedeprotégerGarrett,qu’unbanalaccèsdejalousied’unejeunefemmeamoureuse.Accèsdejalousiequejecomprenais:Garrettétaitunhommetrèsséduisantetcharismatique.Ajoutezà
ça une dose de paillettes hollywoodiennes et d’effronterie, vous obteniez… Garrett McIntyre.Inaccessible,pénible,déroutantetdonc irrésistible. Jedevaisme l’avouer,Garrettmeplaisait. J’étaisséduiteparsonaplombetsasoifdeliberté.J’étaishabituéeauxpersonnesversatiles,voirelunatiques.Garrett,lui,avaitaumoinsl’honnêtetédenepaschangerd’avisenrestantici.Etévidemment,ilétaitséduisant,dotéd’uncorpsharmonieuxetmuscléetd’unsourireàvouscouper
lesouffle.—Connie,noussommesdanslamêmeéquipe,jepeuxvousl’assurer.Je tendis la main, mais elle snoba mon geste de paix, préférant œuvrer à maltraiter une nouvelle
serviette. Je vérifiai l’heure à mamontre : je devais encore récupérer ma cargaison à Soledad et jen’avaisaucuneidéedulieuoùvivaitGarrett.—Connie?Atouthasard,savez-vousoùGarrettvit?Lajubilationdanssonregardétaittellementévidentequejememaudisd’avoirposélaquestion.—Jecroyaisquevousensaviez«suffisamment»?—Garrett adore les énigmes. Il en est une lui-même. S’il vous plaît, Connie. Neme forcez pas à
prendredesmesuresàlalimitedelacorruptionpourvousfaireparler.Ellelevaunsourcil,pasdutoutimpressionnée.Ellenemelaissaitpluslechoix.—Deuxplacespourl’avant-premièredeGarrett,dansdeuxjours,proposai-je.Ellefittomberlebalaiqu’elletenait,avantdesereprendreetd’afficherunvisageparfaitementneutre.—EtjevousplaceenVIP,ajoutai-je,confiante.—Je…euh…—Evidemment,l’after-partyestincluse.—Ilaunemaison,surlacorniche,quisurplombelaplage,avoua-t-elledansunsoupirconsterné.Vous
nepouvezpaslarater,ilgaresonpick-upjustedevant.—Sivousaviezrésistéencoredeuxminutes,jevousoffraislarobe!m’esclaffai-je.—Neluiditespasque…—Rassurez-vous,jenedévoilejamaismessources.Jetendismamainet,cettefois,ellelaprit,laserrantdoucementdanslasienne.Ellehésitaittoujourset
semblaitculpabiliserd’avoirétésifaible.Avecunsourire,jelarassurai.Sonsecretétaitsaufavecmoi.Pourlapremièrefoisdepuismonarrivéeici, j’avaisenfinuncoupd’avancesurGarrettet jesavais
trèsexactementcommentl’utiliser.
***
Enparvenantàhauteurdesamaison,majubilations’étaitunpeuéteinte.Mêmesij’étaisravied’avoirreprislecontrôledu«dossierMcIntyre»,jesavaisqueGarrettgardaitlamainsurnotreduo.Etcelameterrifiait,celameterrifiaitdeneplussavoirfaire,deneplussavoirquandagir,deneplussavoirquellesétaientlapartdemétieretlapartderelationneldèsquej’étaisdanslamêmepiècequelui.Jeperdaismesmoyens,me faisais avoir commeune idiote et, pire encore, je revenais toujours à la charge, sansjamais retenir la leçon. Comment en étais-je arrivée à douter des choses les plus évidentes de monmétier?La réponse tenait en unmot : lui.Garrettme faisant perdre systématiquement les pédales, sabotant
magistralementmontravailàcoupdesouriresetderegardslangoureux.Pouruneattachéedepressecalifornienne,sefaireavoirparunacteuresthonteux.Jedevaisfaireface
etaffrontermondémon.
Dans un soupir, je sortis de ma camionnette et m’affairai à descendre le premier portant, puis lesecond.Je refermai lacamionnetteet,dansunderniersoupirdemotivation, remontai lentement l’alléetraînantavecmoilesdeuxportants.Lesroulettesfaisaientunvacarmeassourdissantcontrelespierres.Aussi,jenefuspasétonnéedevoirlaportes’ouvrir.—Maisqu’est-cequevousfaitesici?grommelaGarrettencoinçantuncrayonderrièresonoreille.—Vousm’avezinvitée,vousvoussouvenez?—Vous vous êtes imposée dansma ville, surma plage, rectifia-t-il. Je n’ai aucun souvenir d’une
quelconqueinvitation.— Autant poursuivre ces bonnes habitudes, contrai-je sans me départir de mon sourire forcé.
Permettez?Sansluilaisserletempsderépondre,jepoussailepremierportant,Garretts’écartantdupassageàla
dernière seconde. Plaqué contre lemur, ilm’observa d’un regard impénétrable pendant que je faisaisrentrerlesecondportantdanslafoulée.—J’aiencoreuncartondanslacamionnette,l’informai-je.IlcroisalesbrassursonT-shirtcrasseuxetmaculédepeinture,metoisantd’unœilmoqueur.—Faitesdonc,s’amusa-t-ilendésignantlaported’unmouvementdebras.Jeretournaiaussivitequepossiblerécupérermoncarton—lefameuxcartonquej’avaiscomposéà
l’attentiondeGarrett—danslacrainted’entendrelaporteclaquer.Sij’avaiseuassezdecouragepourm’imposerunepremièrefois,jen’étaispascertainedepouvoirrenouvelermonexploit.Maisjerentraiàl’intérieurdelamaisonsansdifficulté,entendantGarrett,sanslevoir,siffloterLaBambapar-dessuslaradio.La pièce dans laquelle je me trouvais devait être le salon. Les meubles étaient couverts de draps
blancs,plongésdansune semi-obscurité.Sousmespieds, jedevinaisunebâchedeprotection.Portantmoncarton,jemedirigeaiversGarrett,entrantdansunenouvellepiècelumineuse,emplied’airiodé.Ilmetournaitledos,occupéàprendredesmesuresàgenouxsurlesol.Donutmesautajoyeusementdessus,posantsespattesavantsurmescuisses.—Hey,monbeau,murmurai-jeenluifrottantlesoreilles.Garrett tournalatêteversmoi,puisseredressapourmedébarrasserdemoncarton.Ilrepoussaune
ponceuseduboutdupiedetledéposaausol.—Alorscommeça,vousprenezdesinitiatives?m’interrogea-t-ilfroidement.—Vousavezbesoind’uncostumepourl’avant-première.—Jeparlaisdevotredébarquementici.Commentavez-vouseumonadresse?—C’estmontravaildesavoircequel’humainlambdanesaitpas.Etpuis,jemesuisditqueçanous
éviterait de tomber dans une sorte de routine où vous dites ce que vous voulez et où je ne faisqu’acquiescer.—Jenesavaispasquelesrèglesausujetdenotreaccordavaientchangé.— Elles n’ont pas changé, Garrett, elles évoluent dans le bon sens. Je n’ai pas le temps de vous
soutireruneconfirmationchaquematin.—Est-cequecelaveutdirequejenevouscroiseraiplussurlaplageauleverdusoleil?—Nemefaitespascroirequevousseriezdéçu,raillai-je.—Vousseriezsurprise.J’enseraisextrêmementdésappointé.Sontonsérieuxetconfiantmedéstabilisa.Sonregardpartitàl’assautdemoncorps,pendantquejeme
tordais les mains, mal à l’aise. Un homme ne m’avait jamais dévorée du regard ainsi : avec cettearrogancepalpableetcetteconfiancesurréaliste.Ilmedésiraitetcettebrutaleprisedeconsciencemefitpresquevaciller.J’étaischezlui,seule,etcethommesuperbeetarrogantmevoulait.Cequej’avaispris
pourunjeu,pourdelaprovocationétait,enfait,lesmanifestationsd’undésirbrûlant,quicrépitaitdanslapièceaupointderendrel’airirrespirable.Jemeraclailagorge,reprenantmesesprits.Illuisuffisaitdeclaquerdesdoigtspourqu’unefilede
jeunes femmesenamourées tombent à sespieds.A sesyeux, jen’étaisqu’unpénibleproblèmedont ilseraitdébarrasséd’iciàquelquesjours.Jepouvaisaussideveniruneproiefacile,uneprisejubilatoire…dontilseraitaussidébarrasséd’iciàquelquesjours.Ilnefallaitpasquejecraque.—Jereviendraisûrementsurlaplage,dis-je,dansunsouffle.—Pourleleverdusoleil?Asonsourire,jecomprisqu’ilcherchaitàmefaireflancher.Ilvoulaitquejeviennepourlui,etqueje
ledise.Jen’avaisréfléchiqu’aumomentoùjedevaisforcerl’entréedelaforteresseGarrett.Désormaisseule avec lui, jeme sentaisdémunie.Mêmemonplanparfait,monorganisation carrée etma listedequestionsnemesauveraientpas.Garrettétaitirrésistible.—Pourquoid’autre?murmurai-je,d’unevoixincertaine.Jefixaimesyeuxsurlabaievitrée,admirantlavuesurl’océanetlecielmordoré.—Maintenant,jesaisquejen’aiaucunechancedevousrameneràHollywood,dis-jeendésignantle
panorama.—Bienvenuedansmonmonde,murmuraGarrettàmonoreille.Jefrissonnai,ensentantsavoixvibrercontremapeau.Sonmonde:laplage,lesurf,unemaisonen
travaux.Jepensaifurtivementàmaprésenceici,àmonmétier.Qu’est-cequejefaisaisici?Jecroisailesbrassurmapoitrine,chassantl’impressiondésagréable,àlalimitedudégoût,quimegagnaitpeuàpeu.—Çafaittoujoursça,lapremièrefois,chuchotaGarrettderrièremoi.—Lapremièrefois?—Lapremièrefoisqu’onsedemandesionafaitlesbonschoix.Jemetournaiverslui,plongeantmonregarddanslesien.Unfrissonmeparcourut,tandisqueGarrett
m’adressaitunsourireréconfortant.Jesecouailatête,mecomposaiunvisagedénuéd’émotionsetfinisparm’échapperdesyeuxscrutateursdemonclient.Flanchermaintenantsigneraitlafindemontravailici.ChezBarnett&Levy,j’avaisaussiapprisàneplusavoird’étatsd’âme.J’arpentailapièce,passantmamainsurlespoutresdebois.Ellesétaientdoucesetpatinées,tranchant
aveclalumièrenaturelleetleblancdesmurs.Letoutdonnaituneimpressionchaleureusedesimplicité.A Los Angeles, j’avais toujours vécu dans des immeubles modernes. Les quelques maisons que jeconnaissaisétaientmodernes,bientropluxueusesetimpersonnelles.—Donc,vousfaitestouslestravaux?demandai-je.—Je…reconstruis.Ilmerestelapeintureàfairedanscettepièceetlesol.—Jesuisimpressionnée,avouai-je.—Passimalpourunacteur?—Passimal,souris-je.—Venezparici.Garrett captura ma main dans la sienne et me guida dans le couloir que j’avais précédemment
emprunté, avantdebifurquer sur lagauche.Sapaume rêche frotta agréablement contre lamienneet jeresserraimesdoigtsunpeuplusfermementcontrelessiens.—Machambre,commentaGarrett.Etaussinotresalledecinémapourcesoir.Jevisailematelasdéposéàmêmelesol.Lamajoritédesmeublesétaitcouvertededraps,saplanche
desurfreposaitcontreunmur.Lapièceétaitpresquevide,hormisunbureauetunechaisequidevaitfaireofficededressing, si j’encroyais l’amoncellementdechemises, jeanset autrespullsdessus.Pourtant,dansledésordreambiantetladécorationépurée,ilyavaitunechaleuretuneviequimetouchèrent.
Devantmonsilence,Garrettsepenchaversmoi:—Passimalpourunecagedorée,non?—Passimal,soufflai-je.Illibéramamainetmelaissaarpenterlapièceetcetteminusculemarquedeconfiancemefitsourire.
Mamargedemanœuvresemblaitunpeuplusimportantedejourenjour.JecroisaileregarddeGarrett.Ilmesuivaitdesyeux,s’assurantcertainementquejen’abîmaispassaprécieusevied’anonyme.Pourmapart,j’espéraisjusteparveniràtenirmapromesse:partirsansavoirtoutsaccagésurmonpassage.—Jevaisallerprendreunedouche,ensuite,onregarderacefilm,proposa-t-il.—Changementdeplan:onregarderaleDVDdemain,cesoir,j’aimeraisvousfaireessayerquelques
costumes.—Unenouvelleinitiative?s’étonna-t-il.J’approchai de lui, rassemblant toutmon courage pour survivre à l’affrontement à venir.Garrett ne
bougea pas, refermant ses bras sur son torse musclé. Un instant ouvert, la seconde suivante sur ladéfensive.Sonregardsemblaitvide,démontrantparfaitementsondésintérêt.—Encoreunerèglequiévolue?—Garrett,jesuisvenueicipourgéreraumieuxlapromotiondevotrefilmetvotrecarrière.Jefaisles
choixquimesemblentlespluspertinentspourvous,dansvotreintérêt.Jesaiscequejefais,croyez-moi.Jeconnaismonmétieretjecomprendsvossouhaits.Vousdevezmelaisser…Brutalement,ilmetournaledos,retirasonT-shirtetpivotapourmelelancerauvisage.Jememordis
lalanguepourretenirlaflopéedejuronsquimevintàl’esprit.Garrettsecomportaitenenfantcapricieuxetbientropgâté.J’avaisenviedelegiflerpourqu’ilcessed’agirengaminturbulent.—Jedisaisdonc:jevaisallerprendreunedouche.—Garrett,jen’avaispasterminé!râlai-je,enfrappantdupiedausol.—Jesais,mademoiselleHarper.Jesais.Jepoussaiunnouveausoupir,puisposaimesdoigtscontremestempespourmemasser.Lesprémices
d’une spectaculaire migraine s’annonçaient : le tambourinement dans mon crâne et une vague nauséepersistante.Jemeprécipitaià lafenêtre,offrantmonvisageà labrise légère.Aprèsquelquesminutes,l’étauautourdematêtedisparut.Jeprofitaidecetteaccalmieetdel’absencedeGarrettpourdéballerlecarton.Jedéposaisestrophées
surlatable,puisajoutail’albumphotosetlesdeuxscénarios.Enfin,jeprisl’appareilphotoet,dansunélan de curiosité, en ouvris le capot. J’eus un temps de réflexion, appréhendant la visée inversée. Jetâtonnaiquelquesminutes,avantdecadrerDonutetd’appuyersurledéclencheur.—Leformatcarréoffredesperspectivesdifférentes,fitlavoixdeGarrettderrièremoi.Je refermai précipitamment le capot et posai l’appareil sur la table. Je pivotai pour faire face à
Garrett, torse nu, vêtu d’un simple boxer blanc. Sa peau bronzée tranchait avec le tissu et mes yeuxparcoururentsoncorps,suivantunegoutted’eauégaréesursontorse:sontorseparfaitementciselé,sontatouage,ledessindesesabdominauxetsesjambesfinesetmusclées.Ilseraclalagorge,etmesyeuxremontèrentàtoutevitesseverslessiens.—Je…J’étaiscurieuse,avouai-je,embarrassée.—C’estcequejevois,s’amusa-t-il.Sonregardsebraquasurlatable,avantdes’assombrirendécouvrantlestrophées.—Rangez-moicestrucs.Voulez-vousqu’onfasselesessayagesmaintenant?Jeperçusunepointed’agacementdanssavoix,maisnerelevaipas.Cequej’avaisàluidemanderà
cetinstantétaitplusdifficilequ’unsimpledéfiléencostumetroispièces.—Vousdevezvousraser,lançai-jedansunsouffle.
—Meraser?répéta-t-il,perplexe.—Labarbedonnel’imaged’untypequiselaissealler.—Jemefichedel’imagequejerenvoie.—Vouspeut-être.Moi,non.Asseyez-vous,luiintimai-jeentirantunechaise.—Jeneveuxpasmeraser,mademoiselleHarper.— Asseyez-vous, répétai-je d’une voix ferme qui me surprit. Puisque vous n’êtes pas décidé à
coopérer,jeferailetravailmoi-même.—Vous…Vousallezme…raser?s’amusa-t-ilentredeuxéclatsderiremalcontenus.—Jesuistoujoursaussidivertissanteàvosyeux,donc,m’énervai-je.—C’estuniquementpourcetteraisonquej’acceptevotreprésenceici.Jefisunnouveaupasenavant,capturantsonregarddanslemien.Jeprismaminelaplussévèreet
montonleplussec:—Garrett,posezvotreculsurcettechaise,avantquejevousfasseavalervotregoldenglobe!Il leva les sourcils d’étonnement, puis s’exécuta, s’installant sur la chaise. Je lâchai un soupir
exaspéré,puisprislesderniersobjetsquiétaientdanslecarton:delamousse,unboletunlotderasoirsmécaniques.Jeremplislebold’eau,puistiraiunenouvellechaise,m’installantfaceàGarrett.—C’étaittrèssexy,murmura-t-ildansunsourire.—N’enrajoutezpas!Plusjeune,monpèrem’aapprisàmanieruncolt,j’aiencoredebeauxrestes.— Je ne peux que confirmer les… beaux restes, s’amusa-t-il en louchant ostensiblement sur ma
poitrine.Sonregardglissadoucementsurmoi,me tétanisantdans l’instant.Danssabouche,mesmotsétaient
nettementplusévocateurs.Moncœurrepritcettechamadeétrange,àcontretemps,pendantquesesyeuxprenaientunecolorationanthracite.Quandsonregardretrouva lemien, j’étais incapabled’articulerunson.Malàl’aise,j’approchaitoutdemêmemonvisagedusien,effleurantduboutdesdoigtslalignedesa
mâchoire.Iltressaillitetremuasursachaise,réduisantl’espaceentrenous.—Depuiscombiendetempsvousnevousêtespasrasé?—Plusdedeuxsemaines.Jeclaquaima languecontremonpalais et fronçai les sourcils. Il ravalaun rire, avantde reprendre
faussementsonsérieux.—Vraimenttrèssexy,commenta-t-il.J’aitoujourseuunefaiblepourlesfemmesavecducaractère.—Au-delàdecinqjours,labarben’estplusacceptable.Vouspassezpourlecrasseuxdeservice.Les
magazinesvousinventerontuneviedevagabond,àl’odeurdouteuseetauxonglessales.—Et c’est là quevous servez enfin à quelque chose en écrivant undémenti glamour et paillettes !
triompha-t-ilensouriant.—Non.J’anticipe,donc…—…vousmerasez.Etvousmebottezlesfesses,aupassage.J’esquissai un sourire, sentant que l’atmosphère redevenait respirable. LeGarrett heureux et taquin
reprenaitledessus,appréhendantlasituationavecsonhumourcorrosif.Jedéposaidelamoussesurleboutdemesdoigtspuis,d’ungestevif,fisbasculerlatêtedeGarrettenarrière.Jel’étalaisouslalignedesamâchoire,devinantlemouvementdesapommed’Adam.—Nebougezpas,murmurai-je.Mon visage à quelques millimètres du sien, j’entrepris de faire glisser la lame contre sa peau. Je
sentaissonsoufflechaudbalayermonfront,l’effluvedesongeldouchem’enveloppantdansunedoucechaleur.Lepremierpassagedurasoirmefitdécouvrirunepeaunette.Jerinçailerasoiretréitéraimon
mouvement.—Doncvousrasiezvotrepère?dit-ilfinalement.—Oui.Ilafaituneattaquecérébralequil’arenduhémiplégique.—Oh.Jesuisdésolé.—Nelesoyezpas.Ilestmortdepuisquelquesannéesmaintenant.Nebougezpas,s’ilvousplaît,lui
rappelai-jealorsqu’ils’agitaitsursachaise.Jetendislapeaudesoncou,faisantdenouveauglisserlerasoirsursapeau.Garrettprofitadumoment
oùjerinçaislalamepourbaisserlatêteetm’observer.—Vousavezprisdescouleurs,remarqua-t-il.—Je…J’étaissurlaplageunepartiedel’après-midi.Je…Jemesuispromenée.—Jenesurfepasl’après-midi.J’étouffaiunriredevanttantd’arroganceetdeconfianceenlui.Sonregardbrûlalemien,coinçantmon
riredansmagorge.J’étaisdenouveauenapnée,l’airdouloureusementcomprimédansmapoitrine,mamainresserréeàm’enfairemalautourdurasoir.—Qu’ya-t-il?murmurai-jenerveusement.—Pourquoiêtes-vousvenueàLosAngeles?—Jecroyaisquec’étaitàmoidevousinterviewer,éludai-je.Dupouce,jerepoussaisonmenton,leforçantàbasculerdenouveaulatête.Ilobtempéraet,naïvement,
jecrusquecelamettraitfinàsesquestions.Al’instantoùlalameglissasursapeau,sesmainsvinrententourermesgenoux.Jesursautaietmanquaidepeudelecouper.—Garrett,leréprimandai-je,enrinçantlerasoir.Encoreunpeuetjevoustranchaislajugulaire!—Vousnel’avezpasfait,c’estquevoustenezunpeuàmoi.—Jetiensàmonboulot,corrigeai-jeenprenantdelamoussedanslecreuxdemamain.Tournezvotre
visageverslafenêtre.J’étalaislacrèmesursajoue,sesdoigtss’enfonçantdouloureusementdansmescuisses.Pendantune
seconde,j’envisageaidemereculer,defuircenouveaucontactintimeetdéroutant.Maisildesserrasapriseetjesentissespoucesdessinerdepetitscerclessurletissudemonjean.QuandGarretttrouvamonregard,iln’yavaitquecedésirbrutetviolentquianéantissaitmesrésistances.Ilmetouchaitparcequ’ilme voulait. Le silence était tendu, l’air presque irrespirable et je choisis de reprendre le fil de laconversation.—JesuisunproduitduMidwest—duKansas,lançai-jeaveclégèreté.Quandj’ouvraislafenêtrede
machambre,jenevoyaisquedesfermiersetdestracteurs.UnpetitsourirefleuritsurleslèvresdeGarrett,tandisquejerasaisprécautionneusementsajoue.—Alors,dèsquej’aipu,jesuispartie.Jevoulaisvoirl’océan,toucherlesable.Çaal’airdevous
amuser,constatai-jeenlevoyantsourire.—JevousimagineenStetson1.Ilsouriaitcommeungosse,avecunejoieéblouissanteetpure.Qu’ilsoitsiouvert,sicoopératifavec
moimetouchait.J’avaisenfin,devantmoi,leGarrettMcIntyrequejecherchaisàcernerdepuisplusieursjours.Certes,jedétestaistravailleraveclesacteurs,maistravailleravecGarrettallaitsûrementêtretrèsformateur.Jeluifistournerlevisage,sesyeuxpétillantsplongeantdanslesmiens.—Vouspourrirezenenfer,GarrettMcIntyre!m’esclaffai-je.—Je reviensde l’enfer, aucune raisondevouloir y retourner, répondit-il très sérieusement. Jen’ai
jamaisétévraimentheureuxlà-bas.Entoutcas,pascommejelesuismaintenant,précisa-t-il.Je retrouvai son regard, deux lacs d’acier sombres et pénétrants qui sondaient mon âme. Son
«maintenant»hantait lapièce,dansaitdansmonespritetvibraitdanstoutmoncorps.Jemesurprisà
vouloirqu’ilparledemoi,demaprésenceici.JevoulaisqueGarrettm’apprécie,au-delàdemonmétieretdeseffortsquejeluidemandais.Ilyavaittoujourscetteviolenteattirance,maisjeréalisaispeuàpeuque je succombais doucement au charmedeGarrett et qu’ilme serait difficile de l’oublier quoi qu’iladvienne.Je reposai le rasoirsur la tableet,pourmedonnerunecontenance,passaiuneserviettesursapeau
fraîchementrasée.— Et vous, Abby, êtes-vous heureuse ? s’enquit-il en posant sa main sur la mienne qui tenait la
serviette.—Pourquoineleserai-jepas?—Parceque,toutàl’heure,vousaviezceregard…Cemêmeregardperduetfurieuxquej’avaisle
jourdesoscars.Ilenlaçasesdoigtsauxmiensetlaserviettetombaausol.Cen’estqu’àcetinstantquejeréalisaique
je retenais mon souffle. Mon corps était tendu, ma respiration inexistante. Garrett était parvenu àm’engloutirdanssabulleetàbrouillermesrepères.Illibéramamainetposalasiennesurmajoue.Ilmejaugeaduregard,m’attirantlentementcontrelui.
Ilcaressamabouchede lasienne,avantdes’écarter légèrementpourmieuxrepartirà l’assautdemeslèvres.Cedeuxièmebaiserfutplusappuyéetmefitoublierlesraisonsmêmesdemaprésencechezlui.Mapeaumepicotait,monesprit s’envolait et lemondeautourdenousdisparutquandGarrett agrippal’arrière de mes cuisses pour me faire asseoir sur ses cuisses. J’étouffai un cri de surprise dans sabouche.Dansunéquilibreprécaire,mesdoigtsseperdirentdanssachevelurefolleetencorehumidedesadouche.Ungrognementluiéchappaetsalanguesefaufiladansmabouche,prenantdéfinitivementpossession
demoncorps.Ilentouramatailledesesbras,nosdeuxcorpsmoulésl’uncontrel’autredansunedouce,sensuelleetétourdissantefrénésie.Unevaguedechaleurgrandissaitdanslecreuxdemesreins,remontantlelongdemacolonne,attisant
un désir d’une puissance inédite pourmoi. Entremes jambes, je sentais l’érection deGarrett et celadécupla mon envie. Les doigts de Garrett disparurent sous mon pull et commencèrent à tracer desarabesquessurmapeau.Jefrémis,pendantqu’ilquittaitmeslèvresetembrassaitlapeaudemoncou.Brutalement, Garrett s’écarta et j’entendis un téléphone sonner. Il tendit le bras et prit l’appel,
caressantmabouchedesonpouce.Ilesquissaunsourire,tandisque,del’index,jesuivaislalignedesonépaule.—Kenneth?Tuplaisantes?Biensûrquej’aimieuxàfaire,s’exclama-t-ilenmefixant.Figure-toique
jedoisnormalementfaireunessayage!Je descendis de ses cuisses, récoltant un regarddésapprobateur de la part deGarrett.Le rappel de
notreséanced’essayagem’avaitimmédiatementfaitredescendresurterre.Qu’étais-jeentraindefaire?!Jeperdaispied.J’avaisembrasséunclient.J’avaisembrasséGarrettMcIntyre.
1..LeStetsonestunchapeausouventenfeutreavecdesbordstrèslargesafindeprotégerdusoleillesyeuxdeceluiquileporte.Ilad’abordétéutiliséparlescow-boys.
8
Aprèsavoircoupésacommunication,Garrettesquissaunsourireetavançaversmoi.Jefisunpasenarrière, recréant la distancenécessaire ànotre relationde travail.LevisagedeGarrett sedurcit dansl’instantetilbraquasonregardverslescostumes.—Celanesereproduiraplus,dis-jefermement.—MademoiselleHarper,àvotreplace,jeneferaispastropdeplanssurlacomète.Jepinçaimeslèvresmalmenées,espérantquelesujetenresteraitlà.J’avaisl’espritencoreembrumé
par le désir. Etmaintenant, une culpabilité insidieuse et foudroyante prenait peu à peu le dessus,meparalysantcomplètement.Lesjambesencoreflageolantes,j’allairécupérerlepremierportantetleplaçaidevantmoi.—Jen’aipaspourhabitudederegrettermeschoix,mademoiselleHarper,commentaGarrettpendant
quejeparcouraislesvestes.—Enfilezcettechemise,éludai-je.Ilagrippamonpoignetetm’attiracontresontorse.Lesoufflecourt,lesjouesrougesetlagorgesèche,
jesoutinssonregardpendantquelquessecondes.— Vous embrasser n’est pas un choix que je regrette, chuchota-t-il. Donnez-moi une nouvelle
opportunitédelefaireetjeleferai.—Etsijenesuispasd’accord?—Quevouslevouliezounon,Abby,merappela-t-il.Etjesaisquevouslevoulez.Ildéposaunbaisersurmonfrontetcetaccèsdetendressem’acheva.Laculpabilitémesubmergeaet
deslarmesperlèrentàmesyeux.Jenem’expliquaispascetteréaction:j’étaisdéfinitivementattiréeparGarrett,maisilétaitmonclient.Ilétaitmoninterditabsolu.Celam’effrayaitd’avoirfranchicetteligneetencoreplusdevouloirlafranchirdenouveau.Jedevaisposerdeslimitesetreprendrelecontrôle.Pourlapremièrefoisdemavie,unhommemebouleversaitaupointquejem’oubliaisetquejedoutais
demespropreschoix.—Faisonscetessayage,proposa-t-ild’unevoixrauque.Sinon,monattachéedepressevamebotter
lesfesses!Encore…J’acquiesçai malgré mes tremblements et le remerciai silencieusement de désamorcer monmalaise
aveccompréhensionethumour.Jeluiadressaiunfaiblesourire,avantdel’aideràenfilersachemise.Denouveau, lecontrastedublancéclatantsursapeaudoréeprovoquaituneffetspectaculaire.Sonvisageétaitnetdetoutebarbe,révélantsonsouriremagnifiqueetunefossettedanslecreuxdesajouedroite.Hommeleplussexydetouslestemps,hautlamain.—C’estquoicesourire?s’enquit-ilenboutonnantlentementsachemise.—Nefaitespascommesivousnelesaviezpas.—J’aijusteenviedel’entendredevotrebouche,mademoiselleHarper.—Pourvousdistraire,jeprésume?ironisai-je,malàl’aise.—Pourvous faireperdre lecontrôle.Vousêtesun toutpetitpeu trop…rigidepourmoi, commesi
vouscachiezvotrevraienaturederrièrevotrearmure.— Je n’ai pas d’armure. Et vous êtes devant ma vraie nature, ajoutai-je. Une préférence pour la
couleurdevotrecostume?demandai-jeenfaisantdéfilerlesvestessurleportant.Il se posta derrière moi, son souffle chatouillant ma nuque. Il prit soin que nos deux corps ne se
touchentpas,secontentantdefairecrépiterl’airentrenous.Jefermailesyeuxetledésirquejepensais
avoirchassérevintautriplegalop:plusfort,plusdévastateuretplusirrésistiblequejamais.PasserdutempsavecGarrett,c’étaitcommeêtreenapnéeetattendrequ’ilvoustende,souriremesquin
auxlèvres,unmasqueàoxygène.—Quediriez-vousdecebleu?proposa-t-ilendésignantunevestebleuélectrique.—Essayez-la,dis-jeenm’échappantdelacagedesoncorps.Ils’exécutaet,danslafoulée,seglissadanslepantalon.Lacoupemettaitenvaleursesjambesfineset
je me demandai vaguement comment il tenait si bas sur ses hanches. Garrett tourna sur lui-même,attendantmonverdict.—Vousêtessuperbe,lecomplimentai-je.Ilsefigea,puisclaqualalanguededésapprobation:—Vousêtescapabledebienmieuxqueça.—Garrett…—MademoiselleHarper,iln’yaaucunehonteàressentirdel’attirancepourunhomme.D’ailleurs,je
tiensàvousdireque,personnellement,jevoustrouvedeplusenplusséduisante.Je levai lesyeuxauciel,agacéepar la tournurede laconversation.Garrett retirasaveste,puisson
pantalon.Ildéboutonnasachemiseetsoudain,dansunmurmureàpeineaudible,ilportal’estocade:—Voslèvresontlegoûtdel’océan.Dusel,del’iode…Je portai ma main à ma bouche, mon cœur s’emballant subitement. Il releva les yeux vers moi,
défaisantledernierboutondesachemiseetrévélantsontorsetentateur.—C’estenivrantetc’estlasaveurlaplusexcitantequisoit.Ilmetarded’ygoûterdenouveau.Endeuxpas,ileffaçal’espaceentrenous,repoussamamaindemeslèvresetenembrassalapaume.
Dansunevainetentativedefuite,jereculaimaladroitementcontrelemur,Garrettsuivantinstantanémentlemouvement.—Jenepeuxpas,murmurai-je,enfuyantsonregardsombre.—Jesais.Il plaquamamain contre lemur, au-dessusdema tête,m’immobilisant totalement.Moncœur fit un
bonddansmapoitrine,pendantquemesyeuxseperdaientdanslessiens.Seslèvresglissèrentlelongdelalignedemamâchoire,nes’arrêtantjamais.C’était intime,puissantetcelaexcitaitpuissammentmondésir.Ilétaitlà,palpitantaucreuxdemesreins,menaçantdeprendrelecontrôlesurmoi.—Perdezlecontrôle,Abby.Etquandvousl’aurezperdupourdebon,quandilseraportétotalement
disparudanslesbas-fondsdeLosAngeles,jevousembrasseraidenouveau.—Vousespérezunmomentdefaiblessedemapart?exhalai-jepéniblement.—J’espèrebeaucouppluspourvous.Etvousn’imaginezpascequej’espère…pourmoi,ajouta-t-il
d’unevoixsuave.Maisj’attendrai.J’étais haletante et stupéfaite.Comment étions-nous passés d’une relation professionnelle distante à
cettedéroutanteproximité?Nousnousconnaissionsdepuis trois jours, et ilvoulaitm’attendre?Si jen’avaispasétéaussisonnée,j’auraisridecetteblaguedouteuse.Garrettétaitunacteur-né,voilàoùsetrouvaitl’explication.Iljouait,mecherchait,meprovoquaitpourmedéstabiliseretmefairefuir.Ilpassasonpoucesurmeslèvresentrouvertes,unsourirefaisantfrémirsabouche.Aussitôt,mabelle
théoriefumeusedel’acteurenpleinnuméros’envola.Sonregardtrahissaitsasincérité,ilmevoulait…etilm’attendrait.Hypnotiséeparsontorsenu,sonregarddelave,sapeauaucontactdelamienne,j’étaisperdue,bercéeparlerythmetrépidantdemoncœurettourmentéeparmaconscienceprofessionnelle.—J’attendrai,répéta-t-il,d’unevoixcaressante.—Çamesembleunpeu…prématuré.—J’aidécidédequitterHollywoodendeuxminutesetç’aétélameilleuredécisiondemavie.
—Etdoncvousappliquezcetteméthodeàtoutesvos…décisions?—Quand elles sont bonnes, oui. Et vous êtes une excellente décision, Abby. J’assumemes choix,
j’assumecequejeveux.Etjevousveux,doncjevousattendrai.C’estaussisimplequeça.—Lavieestfaitederisques,conclus-je.—Exactement.—Nousdevrionsfinirles…essayages,marmonnai-je.Jem’échappaidenouveau,maisGarrettsaisitmonpoignetetmejaugeadesonregardpénétrant.—J’attendrai,Abby.Maisl’attentemesembleramoinslonguesivousvenezavecmoiàcetteavant-
première.Je ricanaiouvertement, incrédule.Pourtant, à sonair sérieux, jecomprisqu’ilneplaisantaitpas. Je
devaisremettredeladistance,retrouverlarelationprofessionnellequinousliait.—Garrett, il ne s’est rien passé, affirmai-je avec force. Je suis votre attachée de presse et notre
relationsetermineraprobablementavantlafindelasemaineprochaine.—Jeneprendraipasdeparisurlesujet,sourit-il,énigmatique.—Detoutefaçon,enchaînai-jeévasivement,vousavezdéjàunecavalièrepourl’avant-première.Ilsefigeaetsonexpressiondéterminées’estompaauprofitd’unecolèreàpeinecontenue.Lespoings
serrés,lecorpstendu,ilmefixadurement.—Çanecorrespondpasauxtermesdenotreaccord,murmura-t-il,entresesdents.—Eneffet.Maisjepréfèreêtrehonnêteavecvous.Nicoleseralà.Jevousledismaintenant,pourne
pasavoiràvousaffronterdansunelimousinesurchaufféedanstroisjours,àuneheuredutapisrouge.J’auraistoutfaitpoureffacerceregardfroidetemplideragedesonvisage.Jerangeainerveusement
lesportantsdanslapièce,cherchantàm’occuperpouréviterd’affrontersarage.Jesavaisquejeprenaisunrisque,maisjen’avaispasledroitdelemettredevantlefaitaccompli.Ildevaitsavoir.—Rentrezàvotrehôtel.La sentence claqua désagréablement à mes oreilles. Mes sentiments, mélange de profonde
compréhension,nuancéede tristesseetd’exaspération, étaient confuset inédits. Je serrai leportantdetoutesmes forces, cherchantàmesortirdeceguêpier.Une foisencore,Garrett contournait les règles.Quandjepensaisenfinavoiruneprisesurlui—prised’autantplusfortequ’ilenvisageaitplusqu’unerelationprofessionnelle—ilreprenaitsesdistancesets’échappait.—Garrett,cen’est…— Et estimez-vous heureuse que je ne vous demande pas de déguerpir de la ville, mademoiselle
Harper.—Commentvoulez-vousquelesproducteursfassentsanselle?Jen’aipaseulechoix,medéfendis-je
finalement.—Moi,jel’ai.Quittezmamaison,gronda-t-il.—Vousavezfaitcefilmavecelle!contrai-je,àcourtd’arguments.Jenepeuxpaslarayerdelacarte
commeça!—Si j’y suisparvenu,vousyarriverezaussi. J’attendsvotre contre-proposition,demain.Disons…
vers4heures?proposa-t-il,avecunepointedemesquineriedanslavoix.Ilcroisalesbrassursapoitrineetsemblas’amuserdeseffetsdesapropositionsurmoi.Moncerveau
turbinait,maisaucuneidéenemevenait.NousnepouvionspasfairesansNicole.Etmoi,jenepouvaispasfairesansGarrett.Naïvement,j’avaisimaginéqu’ilferaituncompromis,qu’ilaccepteraitdejouerlejeud’Hollywood.J’avaissciemmentmisdecôtélesujet,certainedesacoopération.MaisGarrettn’étaitplusàHollywood.Ilavaitsabotésacarrière,rejetécemodedevieetchoiside
fuirlespaillettes.Commentavais-jepucroirequ’ilnecilleraitpas?
—Vous êtes injuste,Garrett.Vous vous en prenez àmoi, sur un sujet que je nemaîtrise pas.Vouscherchezuneéchappatoireànotreaccord,lançai-je,cinglante.— Je refuse d’être affiché, d’unemanière ou d’une autre, avec une femme qui a saccagé toute une
partie demavie. J’ai encore unpeude dignité,mademoiselleHarper. J’ai accepté de travailler avecvous,parcequ’ilmesemblaitquevousétiezhonnête.—Etmaintenantvousmelereprochez,luifis-jeremarquer.—Non.Maintenant,j’ensuiscertain,murmura-t-il.Ilyeutuncourtsilence,pendantlequeljereprismonsouffle.Pourlapremièrefoisdepuisledébutde
macarrière,j’étaisconfrontéeàunproblèmepourlequeljen’avaisaucunesolution.—Jen’aipasdecontre-proposition,gémis-je,fatiguée.JenepeuxpaseffacerNicoledevotrevieet
jenepeuxpas…l’expulserdel’avant-première!—Danscecas,nousn’avonsplusd’accord,conclut-il.—Danscecas,inutiledem’attendre,rétorquai-je,piquéeauvif.Jerécupérairageusementmonsacetclaquaiviolemmentlaportederrièremoi.J’étaisivrederageet,
àlafois,déçuecommejel’avaisrarementété.Endeuxsecondesdeconversation,j’avaisperduunclientet, surtout, je l’avaisperdu lui. Ilm’échappait encoreet, loind’enêtre soulagée, je le regrettaisdéjà,songeantfurtivementaubaiserfiévreuxquenousavionséchangé.Moncœurfaisaitleyoyo:aucombledelajoieuninstant,autrente-sixièmedessousl’instantsuivant.Tremblanteettriste,jetrouvailesclésdela camionnette et démarrai dans un crissement de pneus, ignorant la douleur aiguë qui me vrillait lapoitrine.
***
Je déboulai dans ma chambre, les larmes au bord des yeux, incapable de réfléchir de manièrecohérente.DepuisqueMarkavaitposéledossierMcIntyresousmesyeux,jesavaisqueNicoleétaitunsujetsensible.Jen’avaisjamaisenvisagélapossibilitéqu’ilrefuseaussisèchementsaprésence.Maintenant,jeme
sentais coincée, prise entre les obligations de l’avant-première, les convictions de Garrett et lessentimentsnaissantsquejeneparvenaispasàignorer.Ilm’auraitétéplussimpled’ignorercettenouvelleexigencemais,malgrémoi,jeprisconsciencequej’adhéraisàsaposition.Jem’assissurmonlitetmassaimestempesdouloureuses.Jedevaistrouverunesolutionacceptable
pourtoutlemonde.Lesproducteursmisaienttout—oupresque—surlecoupleNicole/Garrett.Or,GarrettnevoulaitpasvoirNicole.EtNicoleetsonegorefuseraientdes’éclipsersansriendire.—Facile,marmonnai-jeenm’allongeantsurmonlit.Acetteéquations’ajoutaitunélémentdetaillequejem’efforçaisd’oublier:j’avaisembrasséGarrett.
Cedétail occultait le reste etm’empêchait de réfléchir sereinement. J’avais embrasséGarrett et ilmesemblaitsentirencorelecontactdesapeaurugueusecontrelamienne.Engémissant,jemesaisisd’unoreilleretleplaquaisurmonvisage.—Jetehais,Mark!grognai-je.Aboutde forcesetàcourtd’idées, je redescendisau rez-de-chausséede l’hôteletenvoyaiunmail
succinctàMark.Acestade,luiexposerlasituationneservaitàrien,jedevaisproposerunealternative,quiexcluaitunquelconquecompromis.
Manuit futcatastrophique, interrompuepardemultiplessongesmettantenscèneGarrett, sonregardfuribondetsonsouriredoux.Lesouvenirdeseslèvrescontrelesmiennesétaitencoretrèsprésent,mefaisantsystématiquementperdrepiedaveclaréalité.Avec Mark, j’étais parvenue à oublier très vite notre incartade. C’était pour moi un moment de
faiblesse,d’oubli,unbanalaccidentdeparcoursquineméritaitaucunenostalgieparticulière.AvecGarrett, le souvenir de son baiser hantaitmon corps, réveillaitma peau,me perdait dans une
vague de culpabilité que je rejetai très vite. J’avais tout un tas de raisons de vouloir oublier ça, derefoulerledésirquejeressentais,decloisonnermavieenmettantunebarrièreinfranchissableentremavie privée etma vie professionnelle.Mais je devais admettre queGarrettme plaisait. Physiquement,c’était évident : Garrett avait été élu homme le plus sexy de l’année deux fois, et il aurait fallu êtreaveugle—oudetrèsmauvaisefoi—pournierl’attractionphysiquequ’ilprovoquait.J’auraispugérerune simple attirance physique mais, évidemment, Garrett avait une personnalité hors norme, brute,sauvage et libre. Qu’il soit si confiant de ses choix me fascinait, qu’il assume ses sentiments sifranchementm’impressionnait.Jerécupérail’oreilleretleserraicontremoi,prenantmaintenantconscienceaveceffroidecequiétait
entraindeseproduire:j’étaisentraindetomberamoureusedeGarrett.
Lundi21septembre
Amon réveil, aumilieu de la nuit,mes yeux trouvèrent le trousseau de clés dema voiture.C’étaitsimple:reprendremavoiture,quitterSoledad,encaissermonéchec,ravalermessentiments,rentrerdansleKansasetpleurersurmonsort.Simple.Evident.Facile.Pourtant,uneheureplustard,j’étaissurlesable,admirantGarrettenéquilibresursaplanche.Leciel
étaitvoilé,annonciateurd’unejournéemoinsradieusequelesprécédentes.J’étaisnerveuseetsurtoutjemesentais…seule.EnarrivantàSoledad, j’avaisperduunepartiedemesrepèreshabituels : lesruesbruyantes,lesmagasins,l’effervescencedeLosAngeles.Désormaissanstéléphone,monmondeserésumaità l’hommequisurfaitsur lesvagues.Garrett,qui
avaitencoreréussiàmedéboussolerhiersoir.«Jen’aipaspourhabitudederegrettermeschoix,mademoiselleHarper.»Ses choix m’avaient guidée ici. Ses choix fendillaient mes certitudes. Ses choix menaçaient ma
carrière.Et c’est à cet instant précis que je compris que j’étais en colère contre lui, parce qu’il étaitparvenuàsonbut:j’avaiseffectivementperdulecontrôlesurmonmétier,surmesémotionsetsurmavietoutentière.Donutétaitsursonarrière-train,leregardrivéverssonmaître,quichevauchaitlesvagues.Jeluifis
unecaressefurtivesurlehautdelatête,ravalantmonamertumeetsongeantàlameilleureméthodepouraffronterGarrett.Quandilsortitdel’eau,àpeineéclairéparleleverdesoleil,ilm’adressaunsouriretriomphant,tout
enpassantunemainsursonvisageimberbe.—MademoiselleHarper.Jedoisadmettrequejesuissurpris.Agréablementsurpris,ajouta-t-il.Moncorpssetenditdansl’instant,répondantinstinctivementàlatropprocheprésencedeGarrett.Je
fourraimesmains dans les poches demon jean, tâchant de reprendre le contrôle de la conversation.Garrettparvenaitàmedérouterdepuistroisjours.Troisjours!J’avaislasensationd’êtreicidepuisdessemaines, et en trois ridicules petites journées,Garrett avait saboté toute une partie demonmode defonctionnement.Depuisledébutdemacarrière,jenem’étaisjamaislaisséavoir.J’avaistoujourseule
dernier mot, toujours su quoi faire. Avec Garrett face à moi, je rendais systématiquement les armes.Depuishier,cephénomènes’étaitamplifié,m’empêchantmêmed’êtrerationnelleetréfléchie.Ilmecontournaet fouilladanssonsacàdos,à la recherched’unebouteilled’eau.Je l’observaidu
coindel’œil,attendantqu’illanceleshostilités.Ilétaitconfiant,etjen’avaisquemesmaigresargumentspourlefairechangerd’avis.—J’aiunenouvellepropositionàvousfaire,lançai-jeincertaine.—Intéressant,commenta-t-ilenseplaçantfaceàmoi.Del’eaugouttadesescheveuxsurmonépaule,provoquantunfrissonquicourutsurmonéchinepour
finir dans le creuxdemes reins. Je ravalaima salive, paralysée.Garrett était si près demoiquenossouffles semélangeaient. Le vent s’engouffra dansmes cheveux et, d’un geste rapide, il dégagea unemèchequis’étaitperduesurmabouche.—J’aicruquevousneviendriezpas,murmura-t-il.—Jecroyaisquevousneregrettiezpasvoschoix?—Nouspourrionsdébattrependantdesheuresdelanotionde«choix»quandonsaitquevousvous
êtesimposéeici.—Vousm’avezflanquéeàlaportedechezvous.Vousavezcoupécourtàlaconversation.Vousavez
remisencausenotreaccord.Vous…Ilmefittaireenpassantsonpoucesurmeslèvres,lesécartantlégèrement.Lesoufflecourt,jeplongeai
mon regard dans le sien, tentant de refréner le désir brutal et incandescent qui possédait mon corps.Pendantunedélicieuseseconde,iln’yeutplusquelui.—Vousmefaitesperdrelecontrôle,Abby,avoua-t-ildansunmurmure.D’ungestedoux,ilfitbasculermatêteenarrière,seslèvreseffleurantlapeausensibledemoncou.
Haletanteetlesjambesflageolantes,j’étaisàsamerci,incapablederéagir.—C’estdéroutant,continua-t-il.Parcequevousm’avezpromisquemavienechangeraitpas.Etvous
êtesici,surcetteplage…—Ellenechangerapas.D’icideuxjours,jedisparais,rappelez-vous,marmottai-je,lagorgesèche.—Jenecroispasavoirenviedevousvoirdisparaître,Abby.C’estlàtoutmonproblème.Pourêtre
toutàfaithonnête,jepensaisréellementnepasvousvoircematin.—Jesuistenace,murmurai-je.— Et jolie. Et drôle. Et vous me plaisez vraiment beaucoup. J’aime que vous parveniez à me
surprendre.—Parcequevousaimezvousamuseravecmoi.—C’estcequevouspensez?Quejem’amuse?Jenem’amusaispashierquandjevousaiembrassée.
Jepensaisavoirétéclairsurcesujet:jevousveux,Abby.Jecomprendsquevousayezdesdifficultésaveclesdécisionsexpéditives.Maisjesaisquej’airaison.Dèsquevousaurezretirévotrearmure,dèsquevousaurezperduvotresensducontrôle,jeserailà.—Etsi…sijeneveuxpas?—Ladifférenceentrevousetmoi,Abby:jenemeposepaslaquestiondecequejeveuxounon.Cela
s’imposeàmoi.Commevous,d’ailleurs,vousêtes imposéeàmoi.Et,paradoxalement, sihier j’avaisvraimentenviedevousbotterlesfesseshorsdemaville,j’avaisencoreplusenviedevousembrasserdenouveau.Osezmedirequevousn’avezpasressentilamêmechose.—J’aieuenviedevousgifler,ripostai-jeavecunsemblantdefierté.—Voilà exactement pourquoi j’aime être avec vous : la perspective de vous séduire,malgré votre
métieretmalgrévous.—Undéfi,donc?
—Undéfiquej’aimebeaucoup.Il me libéra et s’éloigna de moi.Mon cœur manqua un battement et je restai un moment hagarde,
cherchantmesrepèresperdusdanslesvaguesetl’airmarin.Dequoiparlions-nousréellement?Undéfiqu’il aimait beaucoup ?Moi ?Ça n’avait pas de sens. J’étais son attachée de presse, pas une de cesactricesauxjambesinterminablesetausourireravageur.Nosmondessecôtoyaient,maisnesecroisaientpas.—Garrett,j’aibesoindesavoirsijepeuxtoujourscomptersurvouspourl’avant-première.—Vousconnaissezmesconditions,répliqua-t-ilsèchement.—Oui.J’ai…J’aitrouvéunesolution.S’il remarquamonmensonge, ilne le relevapas. Il secontentad’unvaguegrognement réprobateur,
avantdecalersonsacsursonépaule. Ilpivota,poussaunprofondsoupiretplantasonregarddans lemien.—Vousavezdeuxminutes.—Jesuisprêteàtoutpourvoussoutireruneconfirmation,vousdevriezlesavoir,souris-je.—C’estvrai.Votrepetitcôté…guindé.Ilvousarrived’improviserparfois?demanda-t-ilenplantant
violemmentsonsurfdanslesable.—J’improviseavecvousdepuismonarrivéeici, luifis-jeremarquer.J’aipasséunenuithorribleà
retournerleproblèmedanstouslessens.—Ilvousresteuneminutetrente,m’informa-t-ildurement.Ilcroisalesbrassursapoitrine,metoisantdeceregardfroidetindifférentquejedétestais.Garrett
cherchaitàmedominer,àm’agacer,àreprendresonprécieuxcontrôleperdu.Ravalantmonagacement,jemelançai:—Ondécalelesarrivées.Nicolepeutarrivertrenteminutesaprèsvous.L’avant-premièredoitdébuter
à20heures,maisjepeuxm’arrangerpourmodifierleplanningetfairedeséchelonnementssurletapisrouge.—Bien.Celamesemble…jouable,admit-il.—Vraiment?—Vraiment.MaissijecroiseNicoleousiuneseulephotod’elleetmoiensembleàcettesoiréeparaît
danslapresse,jen’auraiaucunscrupuleàanéantirvotreprécieusecarrière,mademoiselleHarper.Suis-jesuffisammentclair?—Parfaitement,assurai-je,tétaniséeparsonairsérieuxetsavoixsévère.En une simple phrase, nous étions revenus sur un domaine plus professionnel. Garrett parvenait à
soufflerlechaud—àcoupdedéclarationsàpeinevoilées—etlefroid—regardsassassinsetmenacesincluses.J’étaisdenouveauperdue,naviguantàvuedanslemondenébuleuxetimprévisibledeGarrett.Lecœurbattant, j’espéraique jepourraismettremonplanà exécution.Markn’avaitpas réponduà
mon mail. J’y allais au bluff, jouant la plus grande partie de poker de ma vie, contre un hommeimprévisibleetindéchiffrable.—Nousavonsdoncdenouveauunaccord,murmura-t-il.Unsouriretriomphants’étirasurseslèvresetj’eusunesensationintenseetfugacedepurepaniqueen
le voyant approcher de moi de nouveau. Ses yeux gris me sondèrent, puis, d’un mouvement lent del’index,ilrepoussaunenouvellemèchefollederrièremonoreille,puislongealalignedemamâchoire,avantd’effleurerlabasedemoncou.Jeréprimaiunfrisson.—Eneffet.Unnouvelaccord,marmonnai-je,déstabilisée.—Vousm’appartenez,donc.Pendantencoredeuxjours.Jem’enréjouis.—J’aienviedevousembrasser,Abby,maisj’aipromisd’attendrequevousperdiezlecontrôleetque
vousoubliiezvosprécieusesobligationshollywoodiennes.Savoixrauqueréveilla ledésirque j’avaisconsciencieusementenfouiaufonddemoncorps,caché
sousunecouchedemensonges,desermentsinutilesetd’autoflagellation:Garrettétaitunclient.Onneflanche pas pour un client. Même si on tombe amoureuse de lui, on ne flanche pas pour un client.Instinctivement, je reculaid’unpas.Loinde lui, l’éblouissementcesserait.Loinde lui, je retrouveraismesrepères.—Pourquoiattendre?chuchotai-je.—Pournepasavoiràregrettervoschoix.Vousêtessouscontrôle,Abby,voussuivezladroiteligne
enignorantlescheminsdetraverse.—Vousêtesdonclechemindetraversequejedoisemprunter?—Peut-être.En toutcas,vousêtes lemien.Unchemin très tentantet, à lapremièreoccasion, je le
reprendrai.—Jedevraispeut-êtrememéfieralors?Ilesquissaunsourirecoquin,savourantuneblaguequeluiseulcomprenait.Ilsoupiraetapprochade
moi,m’hypnotisantdesonregardd’acier.Leventsiffladansmesoreillesetl’aircrépitaautourdenous.Garretteffleuramajoueduboutdesdoigtsetreprit:—Vousdevriez,oui.Jemesuispromisdenepluslaisseruntéléphonem’interrompre.Laprochaine
fois — car il y aura une prochaine fois, Abby, souffla-t-il en me voyant tressaillir — vousm’appartiendrezréellement.—Cen’estpasune…option,murmurai-je,bouleversée.— Bien sûr que non. J’en suis certain. Mais c’est à vous de décider quand. Ensuite, faites-moi
confiance,jemechargeraiducommentetvousserezàcoupsûrnueetdansmonlit.Unnouveausourireentendus’étirasurseslèvres;mapeaumepicotait,moncœurbondissaitdansma
poitrine.Celafaisaitdesannéesqueledésiretl’excitationnem’avaientpasdominéeainsi,violemmentetdansundéferlementchaotique,aupointquejenetrouvaisplusmarespiration.Ilmevoulait.Ilmelaissaitrentrerdanssonmonde.Etilétaitparvenuàmefaireperdremesrepères,
enfonçantd’unesimplepichenette lasatanéebarrièreentremavieprofessionnelleetmavieprivée.Jesecouai la tête, cherchant une explication rationnelle à son comportement. Je n’avais rien fait pour leséduire, j’étais plutôt banale, pâlichonne.Et, en tout état de cause, il était censémedétester car je leforçaisàsortirdesonrepaire.GarrettMcIntyre,hommeleplussexydumonde,mevoulait.Peut-êtrequec’étaitcetteinformationqui
brouillaitdéfinitivementmesrepères.Peut-êtrequel’affect—Markenseraittoutretourné—prenaitledessussurtoutlereste.Etpeut-êtrequej’avaisdéjàperdulecontrôle.—Enattendant,j’aiuncadeaupourvous.Il prit son sac à dos et, d’un geste presque théâtral, il en sortit une combinaison de surf noire,
agrémentée de quelques arabesques rose. Son regard, deux lacs d’acier liquide, brillait d’amusement.J’étaispétrifiée,figéedanslesable,unrirenerveuxcoincédansmagorge.—C’esthorsdequestion,m’esclaffai-jeenreculant.—Abby…—Garrett,répondis-je,d’untonplusmenaçant.—Avraidire,çamedésoledesavoirquevousvouslevezaussitôt,justepourmeregarder.Oupour
mesoutireruneconfirmation.—Çanevousdésoleaucunement,ris-je,nullementdupedesacomédie.Vousprenezunplaisirinfinià
savoirquejesuispiedsetpoingsliés!
—C’estvrai,admit-ilenriantàsontour.Enfait,jesuisimpressionnéparvotrepugnacité.C’esttrèssexy,croyez-moi.—Donc, c’est un test pour savoir sima« pugnacité » est héroïque ou non ?Garrett, j’ai déjà fait
l’impossiblepourl’avant-première,s’ilyaencorequelquechosequi…—Ilnes’agitpasd’unéchangedebonsprocédés.Jelevaiunsourcildubitatif,avantdecroiser lesbrassurmapoitrine.Garrettpouvaitmefairefaire
n’importe quoi,mais je refusais de croire qu’il le faisait gratuitement. Je savais, à cemoment précis,qu’iljubilaitàl’idéedetenirmonsortentresesmains.Ilavaitraison:d’unecertainefaçon,jeluiappartenais.Ilavaitmacarrièreentresesmains.Sij’étais
toutàfaithonnête,j’avoueraisqu’ilavaitmavieentresesmains.Aveclui,jen’étaisplusenmesurededonnerlechange,ildominaitnotrerelationdepuisledébut.—Abby,j’aimeraisvraimentquevousessayiez.—JeviensduKansas,jesuisunefilledelaterre,luifis-jeremarquer.—Lescheminsdetraverse,Abby.Le sourire qu’il m’adressa fendilla mes pauvres défenses. J’étais déjà affaiblie par les réactions
instantanées de mon corps quand j’étais près de lui, argumenter contre Garrett était sans espoir. Jesoupiraienluiarrachantlacombinaisondesmains.Trèsgalant,ilmetournaledos,pendantquejemechangeais.Jegardaimessous-vêtements,qui,sansnuldoute,sortiraientanéantisparleseletlesable.Jenouaimescheveuxavecunvieilélastiquetrouvédansmapocheetbataillaiensuitedelonguesminutesavantdeparveniràfermerlacombinaison,sautillantcommeunecarpedanslesable.—Laissez-moivousaider,proposaGarrett,alorsquejeluitournaisledos.Ilremontad’uncoupsecleZipet,brutalement,lacombinaisonmecomprimalapoitrine.Ilposases
largesmainssurmesépaulesetmefittournerversl’océan.—Prête?—Absolumentpas!—C’estdonclemomentoujamais.Venez.Ilprit saplanche,puiscapturamamaindans lasienneetmeguidavers lesvagues. Ildutsentirma
réticence,carsesdoigtsserefermèrentunpeuplusfermemententre lesmiensà l’instantoùmespiedstouchèrentl’eau.Acetteheurematinale,elleétaitencoretrèsfraîcheetcelamesaisit.Jem’arrêtainet,lesvaguesléchantàpeinemeschevilles.—Onauraitpeut-êtredûcommencersur laplage, tentai-je,enclaquantdesdents.Voussavez, faire
les…trucsdebase.—Abby,nemeforcezpasàvousculbutersurmonépaule,memenaça-t-il.—Encoreunefaveurquevousmeréservez…—Oui.C’estl’étapejusteavant«dansmonlitetnue»,s’amusa-t-ilavecunclind’œil.Allezvenez,
jevousprometsquevousn’avezrienàcraindre.Iltiradoucementsurmamain,avantdechangerd’avisetdelalibérerpourentourermatailledeson
bras.Lesvaguess’écrasèrentcontremesmollets,puiscontremescuisses.Garrettlançasaplanchedansl’eau,avantdelatapoterdoucementsurledessuspourm’inviteràm’yasseoir.—Garrett,je…—Vousnemelaissezpaslechoix!D’un geste rapide, ilme souleva etme posa délicatement, fesses les premières sur la planche. En
équilibreprécaire,jemecramponnaiàsesépaules,luiadressantunregardàmi-cheminentrecolèreetconsternation.Sesmainsseresserrèrentsurmataille,avantdeglissersurmeshanches,pourfinirsurlaplanche.Ill’immobilisaquelquessecondes,m’offrantainsilapossibilitédelelâcher.
—Laissez-vousporter.Jevaismettreleleash1.Il soulevadélicatementmacheville etglissa le cordonautourdemacheville, le serrant fermement,
puiss’assuraqu’ilétaitcorrectementfixéàlaplanche.—Vousavezpeurquejelaperde?—J’aipeurquevousvousblessiez.Silaplancheestattachée,onlimitelerisque.—Onpeutencorepluslelimitersionretournesurlaplage,rétorquai-je.—Vousallezadorer,Abby.Jevaisresterprèsdevous.Pourcepremiercours,vousallezjustetenter
devousmettredebout.—Garrett,histoired’êtreclaire:ils’agirademonpremieretderniercours!Ilm’adressaunbrefsouriremoqueur,avantdepousserlaplanchepourlafaireavancer.Garrettnageait
derrière moi, le seul bruit de ses pieds qui battaient l’eau troublant le silence. Le soleil se levaitdoucementsurl’horizonetjemeperdispendantuninstantdanssacontemplation.—Allongez-vous,m’intimaGarrett.Etvousavancezensuiteenramantavecvosbras.Jem’exécutai,cherchantunprécaireéquilibresurlaplanche,brinquebaléeparlesvaguesdeplusen
plusfortes.Jerepoussaisl’eau,grimaçantquanddesgouttelettessaléess’écrasaientcontremeslèvres.Garrett revintàmescôtés,calant sesavant-brassur laplanche.Bercépar lesvagues, ilentamases
explications:—Abby,vousdevezprendrede lavitesse.Donc,vousavancezenparallèledu rivage.Quandvous
voyezunevaguequivousplaît,vousvousmettezdebout.—Etcommentjerepèreunevaguequimeplaît?—L’instinct.Leventestfaible,lesvaguespetites,c’esttoutàfaitàvotreportée,ajouta-t-il.Ilsedétachadusurf,m’encourageantduregardàtentermachance.Jesoupirailourdement,envisageant
derejoindrelariveetdeprendreenotagelaplanchedesurf.J’avançaidansl’eau,oubliantmespiedsgelésetmeslèvreslégèrementgercéesparlesel.Laplanchefendaitl’eau,brisantlesvaguessousmoi.Elles étaient de plus en plus fortes, formant d’effrayants minuscules rouleaux. Je me redressai entremblant,meretrouvaiàquatrepattessurlaplanche.—Super,Abby!hurlaGarrettdansmondos.Celametiraunsourire,maismefitvacilleretjetombaidansl’eau,enhurlantdeterreur.Jesentisle
brasdeGarrettm’entourerlataille,mesortantlatêtedel’eau.Iléclataderireenvoyantmaminedéfaite,avantdemefaireremontersurlaplanche.—Allez,àquatrepattes!—Jeperçoisl’allusiongraveleuse,luifis-jeremarquer.—C’étaitfaitpour,s’amusa-t-ilavecunclind’œil.Jemerallongeaipéniblementsurlesurf,fixantlesvaguestraîtressesavecdéfi.Jepouvaislefaire.Je
repoussai nerveusement mes cheveux humides de mes joues, manquant de nouveau de tomber dansl’écume.— Allez, Abby, vous reprenez de la vitesse et vous n’hésitez pas. Si vous restez trop longtemps
accroupieouàquatrepattes,aveccefroid,vousallezêtretétanisée.—Jevousaiditquej’avaispasséunenuitcatastrophique!râlai-je.—Etjevousprometsquelaprochaineserafantastique!—Jeperçoisencorelesous-entendugraveleux,grognai-je.—Vousavezl’esprittrèsmalplacé,mademoiselleHarperetcelameplaîtbeaucoup!Onyva!hurla-
t-ilendésignantlesvagues.Je repris de la vitesse, frappant des mains contre l’eau, luttant contre les frissons glacés qui me
parcouraient.Jeparvinsàm’accroupir,puisàmemettredebout.Al’instantoùunsourirevictorieuxflotta
surmes lèvres, je tombai lourdement dans l’eau,mon dos frappant l’écume. De nouveau, Garrett merécupéra,entourantmatailledesesbras,pendantquemesmainstrouvaientsanuque.—Çava?—Oui.Jeveuxrecommencer,dis-jelesoufflecourt.—Encoreuneallusiongraveleuse,mademoiselleHarper?—Avousdevoir,soufflai-je.Galvanisée par l’adrénaline et l’euphorie dema petite victoire, je déposai un baiser furtif sur ses
lèvres. Garrett m’adressa un petit sourire et, pour la première fois depuis notre rencontre, j’avais lasensation d’être à l’aise avec lui. Il me libéra et je montai de nouveau sur la planche, grisée parl’adrénalineet l’excitation.Aprèsavoirprisde lavitesse, je trouvaimonéquilibreetme levai sur laplanche,fendantl’eau.Lesvaguesétaientretombées,leventaussi,maisj’étaisextatiqued’êtreparvenueàmemettredebout.—Bravo,Abby!hurlaGarrettderrièremoi.Son sourire lumineux était contagieux et je me surpris à éclater de rire, basculant le visage pour
profiterdespremiersvéritablesrayonsdusoleil.Jerouvraislesyeuxensentantlaplanchebougersousmes pieds, découvrant Garrett qui grimpait dessus. Je poussai un petit cri en sentant que je perdaisl’équilibre,avantqu’ilnemerattrape inextremis. Jem’installaiàcalifourchonsur laplanche,Garrettderrièremoi.—Maintenant, la récompense : le lever du soleil,murmura-t-il en entourantma taille de ses bras.
Bravo,mademoiselleHarper,jesuisvraimentimpressionné.—C’était…agréable,avouai-je.Muetsdevant l’horizon, simplementbercéspar le roulis desvagues, nous savourions cemomentde
plénitude.Ilyeutunsilenceparfaitpendantquelquesinstants,puis,Garrettsaisitmonpiedetlibéraleleash.Ill’accrochaàsonpoignetetnousfitbasculerdansl’eau,m’entraînantavecluisouslesvagues.Quand nous resurgîmes dans l’écume, il saisit mon visage et l’attira contre le sien. Sa langue pritpossessiondemabouche,mefaisantgémir.Jemecramponnaiàsanuque,répondantàsonbaiseravecl’énergied’unedésespérée.L’adrénalinedemonpremiercoursdesurfcouraittoujoursdansmesveines,etmaintenantledésir,puissant,pulsaitdanstoutmoncorps,mefaisanttoutoublier.LesmainsdeGarrettglissèrentsurmesflancs,àpeineperceptiblesautraversdelacombinaison,avant
d’accrocherlecreuxdemataille.Illibéramabouche,etsenichadansmoncou,m’attirantunpeuplusfermementcontrelui.—Bienvenuesurlescheminsdetraverse,Abby.Prochaincours,demain,à4heures.—Etenattendant?—Enattendant,onvaprendreunedouche.Etavantquetuledemandes,oui,ilyaunsous-entendutrès
graveleux,assura-t-ild’unevoixchaude.
1..Attacheutiliséeensportdeglissepourrelierlesportifàsaplanche.
9
Souslespremiersrayonsdusoleil,Garrettpritmamaindanslasienneetmeguidaverslaplage.Jeclaquaidesdents,saisieparlabrisematinale.Ilrassemblanosaffaires—mesvêtementsenbouleetuneserviette—etglissasonsacsurledos.D’ungesterapide,ilcoinçasaplanchesouslebrasetmetenditsamain.—Viens,allons-nousréchauffer.Nousremontâmeslesentierd’unpasvif,Garrettmelançantdepetitscoupsd’œilinquiets.—Tuesfrigorifiée,commenta-t-ilalorsquenousfranchissionsleseuildesamaison.Jesecouailatête,maisjetremblaiscommeunefeuille,transiedefroid.GarrettdescenditleZipdesa
combinaison, se déshabillant jusqu’à hauteur des hanches. La vision de son torse musclé me troublainstantanémentetunedécharged’adrénalinecourutlelongdemacolonnepoursenicherdansmesreinsetmetourmenter.D’un pas lent, il approcha demoi. Son regard gris ne trahissait que de la crainte et une pointe de
contrariété.—J’espèrequetunevaspastombermalade,murmura-t-il.—Tut’inquiètesréellement?m’étonnai-jed’unevoixfaible.—Biensûr!Quivamedivertirsituattrapeslagrippe?Teslèvressontbleues.—Jemedisaisaussi.Pendantunbrefinstant,j’aicruquetutesouciaisdemoi.Ilesquissaunsourireénigmatiquepuis,dansungestetendre,passasonpoucesurmabouche.J’étais
incapabled’avoirunepenséecohérente.—Tourne-toi.J’ignorai mon cœur affolé et mes jambes flageolantes et m’exécutai. J’eus tout juste le temps
d’apprécierlesouriresatisfaitquiornaitleslèvresdeGarret.—Mainscontrelemur,dit-ilfermement.—Qu’est-ceque…—Ilfautquetuteréchauffes.Embarrassée et raide comme un piquet, je fermai les paupières. Je devinais le corps de Garrett
derrièremoi, irradiantdechaleuretdedésir.Monsouffleétait erratiqueetmespensées tumultueuses,valsant entre la séance de surf,monmétier etma relation avecGarrett. Soudain, je sentis ses doigtsaccrochermescheveuxettirerdoucementsurl’élastiquedefortunequilesmaintenait.Samaineffleuramanuque,puisglissadansmeslongueurs,lesétirantdansmondos.Jebasculailatêteenarrière,retenantungémissementdeplaisir,mesmainssoudéesaumur.—Resteimmobile,murmura-t-il.JevaisdescendreleZipdetacombinaison.D’un geste léger, il attrapa la fermeture et la fit très lentement glisser. Il écarta les pans de ma
combinaison,dévoilantmondosetmefaisantfrissonnerdansl’instant.Ildégageamesépaules,déposaunbaiserfurtifsurlacourbedemanuque.Finalement,jesentissesdoigtspianotersurmapeau,remontantlangoureusementlelongdemacolonnevertébraleetprovoquantdedélicieuxpicotements.Jeréprimaiunnouveaugémissement,memorigénantdem’êtremisedansunesituationsidangereuse.Garrettétaitunclient.—Garrett,ondevrait…—Tourne-toi,mecoupa-t-il.Jepivotai,malà l’aiseet tremblantdeplusenplus.Il tirasurmacombinaison, ladéroulantdemes
bras,avantdelatirerjusqu’àlataille.Hormismonsoutien-gorgedétrempé,j’étaisàmoitiénuedevantlui.Ilfronçalessourcils,puislevalamainendirectiondemonseindroit.—Brûlureautroisièmedegré,murmurai-jeenchassantsamain.—Commentest-cearrivé?—Unethéière,lejourdemesdix-septans.Monpetitamisouffraitd’unecrisededémence.—Tuveuxdireque…c’esttonpetitamiquiquia…—Ilm’aprisepourunvoleur.Jesuisrentréedanslacuisineetilajetélathéière.Unechancequemon
pèreaitretirélesarmesdesamaisonquelquesjoursplustôt,ironisai-jeavecamertume.—Abby,jesuis…—Ne dis pas que tu es désolé. Tu n’étais pas là, Henry n’était pas lui-même. Il a été interné le
lendemain.C’estjuste…unmauvaissouvenirsansimportance.Personnenedoitêtredésolépourquelquechosehorsdecontrôle,c’eststupideetculpabilisant.—Eneffet,murmuraGarrettavecunsourireréconfortant.L’instantsuivant,ilglissaunplaidépaissurmesépaulesetmefrictionnadesesmainspuissantes.Son
seulregardchaleureuxetravisuffitàmetirerunsourireetàchassermesidéessombres.Lentement,ilbaissasonvisageverslemien,maintenantleplaiddanssonpoingeteffleurameslèvresdessiennes.Ilmerepoussagentimentcontrelemur,etapprofonditsonbaiser,salanguesefrayantunchemindansmabouche.Ilémitungrognementetlâchaleplaidquiglissalelongdemoncorpspourfinirausol.Unedesesmainscrochetamahanche,memaintenantcontrelui,tandisquel’autreseperdaitdanslecreuxdemesreins,mefaisantmecambrerunpeuplus.Une lente chaleur sediffusait dansmoncorps etmoncœur s’emballa, frappant lourdementdansma
poitrine.J’étouffaiungémissementcontrelabouchedeGarrett,laissantledésirprendrelecontrôlesurmoncerveauengourdi.J’oubliailavoixdemaconscienceprofessionnelle,j’oubliailesprotestationsétoufféesdemoncorps
glacéet,pendantquelquesdélicieusessecondes,j’enoubliaimêmemaproprevie.Riend’autren’existaitque Garrett, que son corps moulé contre le mien, que sa main creusant mes reins et irradiant unedélicieusechaleur.Ilquittafinalementmeslèvresets’écartalégèrement.Unsouriresatisfaitéclairasonvisageet,denouveau,ilpassasonpoucesurmeslèvres.—Voilàquiestbeaucoupmieux,murmura-t-il.Ilrepoussalescheveuxhumidesdemonvisage,puismefixaavecuneintensitédésarmante.—Qu…quoi?balbutiai-je.—Çavalaitlecoupd’attendre.—Jecroyaisquetun’étaispasparticulièrementpatient?—Abby,jemesuisjurédet’attendre.Ilnes’agitaucunementdepatience.—Dedéfialors?proposai-je.—Dedéfi.D’attirance,debesoin,dedésir,desel.Detoi,ajouta-t-ilaprèsunecourtepause.—Qu’enest-ildetavolontéfarouchedem’évincerdetavie?—Tuconfondsdenouveau.Jetetrouve,Abby,trèsattirante.Enrevanche,cettemademoiselleHarper
esttoutàfaitenvahissante,dit-il,l’œilpétillant.—L’unenevapassansl’autre,luirappelai-je,unpeuvexée.—J’attendrai,Abby.Tudevraisallerprendreunedouche,jevaisnousprépareruncafé.Ilreculaet,aussitôt,lefroidrepritpossessiondemoncorps.LeGarrettaffectueuxetamuséavaitdéjà
disparu au profit du Garrett froid et arrogant. Je serrai les bras contre ma poitrine, momentanémentperdue.Ledostournéàmoi,ilfitdescendreleZipdesacombinaison,révélantsondosmusclé.—Ilyadesvêtementsdanslasalledebains,poursuivit-ilenpivotantversmoi.Faiscommecheztoi.
Pendantuninstant,j’envisageaiderentreràl’hôteletdemettreunespacesuffisantentreGarrettetmoi.Mais la seule perspective dem’éloigner provoquait un vide intolérable dans le creux demon ventre.Garrettm’adressaun regard, avantdepousserun soupir las.D’unpasdécidé, il effaça l’espaceentrenous,pritmonvisageentresesmainsetdéposaunbaisersurmeslèvres.—Quetuleveuillesounon,souffla-t-ilsurmeslèvres.Vaprendrecettedoucheetreviensvite.—Ilfautqu’onregardeceDVD,murmurai-je.—Oui.Etjusteaprès,jetedéshabillerai,promit-il.Savoixvibracontremapeau,chassantmespenséessombres.Sonregardgrisnetrahissaitaucundoute,
aucunquestionnement.Saquestionmerevintcommeunboomerangviolent:étais-jeheureuse?Je ravalaimes inquiétudes, étouffant de nouveau la voix dema conscience.Dans un sourire, jeme
détachaideGarrettet,sentantsonregardsurmoi,m’esquivaiendirectiondelasalledebains.Sousladouche,lesyeuxclos, jesongeaiàcequej’allaisdevoiraffronter.Enabandonnantl’idéederésisteràGarrett, j’abandonnaisuneformedeliberté.Quoiqu’iladviennedemarelationavecGarrett, jesavaisquemavieallaitchanger.Jepasseraisde l’anonymatà la lumière.Jedevrais faire faceà lapresse,àHollywood,etsurtoutà…Mark.EtàChloé.Etaumurdesrumeurs.Pourl’instant,nousavionsévitélepire.NousétionsàSoledadetlesquelquestroiscentskilomètres
quinousséparaientd’Hollywoodétaientpourlemomentunevraiebénédiction.Maisjeredoutaisdéjàleretouràlavieréelle.LeretourdeGarrettnepasseraitpasinaperçu.Et,connaissantGarrett,jesavaisqu’ilferaittoutpourcontrariermesplans.Je sortis de la douche et enfilai un short et une chemise blanche froissée. Je pliai les manches
jusqu’auxcoudeset,devantlemiroir,passaimesmainsdansmescheveuxpourlesdémêler.—Très joli, commenta Garrett, me faisant sursauter. Et le choix de cette chemise est… judicieux,
ajouta-t-ilenentourantmatailledesesbras.J’observainotre reflet, le contrastede sapeaubronzée sur lamienne, son sourireheureuxquand le
mienétaitencorehésitant.Ilnichasatêtedansmoncou,metirantungloussement.—Pourquoijudicieux?demandai-jefinalement.—C’estlachemisedesoscars.—Oh.Situpréfères,jepeuxlaretirer.—Evidemment,quejepréférerais.MaisnousavonsunDVDàregarderettuesbientropdistrayante
pourmonproprebien.Sesmainsglissèrentsurmesfesseset,enuneseconde,jeperdisdenouveaupied,submergéeparune
nouvellevaguededésirfulgurant.—Lecaféestprêt.Jeprendsunedoucheetjeterejoinspourregardercefichufilm.—Onm’aditquetuétaistrèsbon,soulignai-je.—Ettun’asencorerienvu,assura-t-ildansunchuchotissensuelàmonoreille.Ils’écartademoietretiralehautdesacombinaison.Jem’arrachaiàlacontemplationdesontorseet
regagnailesalon.Monmugàlamain,jeprofitaidel’absencedeGarrettpourétudierattentivementleslieux.Lespremiersvraisrayonsdesoleiléclairaientlapièce,labaignantdansdestonsdejaunepâleetdeblanc.L’antique réfrigérateur bourdonnait, troublant le calmede l’endroit. Sur unmeuble trônait levieil appareil photo que j’avais retrouvé dans les effets de Garrett. Cela me tira un sourire decontentement.J’avançaiverslematelasdefortuneposésurlesol,monregardattiréparlacollectiondePolaroïdpunaisésau-dessus.Enyregardantdeplusprès,jeremarquaidesdatesajoutéesaucrayon.Lapremièredataitdeplusd’an
etdemi.—Alarecherchedemessecretshonteux?fitlavoixdeGarrettenentrantdanslapièce.Simplement vêtu d’un pantalon en lin, il était à couper le souffle. Je me réfugiai dans mon café,
troubléed’êtreaussiémueparunhomme.Sescheveuxhumidesgouttaientetillesrabattitsurlehautdesatête,avantd’enfilerunT-shirt.—Jeconnaislaplupartdetessecrets,Garrett.Etaucund’euxn’esthonteux.Il vint versmoi, de cette démarche confiante et dangereuse que je redoutais. Son regard captura le
mien,puis ilpritmonmugdecaféd’entremesmainset leportaà ses lèvres. J’hésitaiune secondeàposerlaquestionquimebrûlaitleslèvres,avantdemelancer.—Ellessontdetoi?demandai-jeendésignantlesPolaroïd.—Eneffet.—15Mars?m’enquis-jeendésignantlapremière.—MonarrivéeàSoledad,répondit-ilentournantlatêtepourmeregarder.—7Mai?—Lejouroùj’aiachetécettemaison.C’étaituneruine.J’avaisbesoindem’occuperlesmainspour
chasser…lesespritsquimehantaient.—4Juillet?—Lafêtedel’Indépendance,annonça-t-il.Cen’estqu’àcetinstantquejeprisconsciencequ’ilétaitderrièremoi,savoixrauquevibrantcontre
manuque.—Tuesirlandais,contrai-je.Cettefêtenesignifierienpourtoi.—Biensûrquesi :c’est le jouroùDonutestapparuàmaporte.Enfin, je l’aiappelé« lechien»
pendanttroisjours,avantdeluidonnerunnom.Nomtrouvéaprèsavoirdécouvert«lechien»lagueuledansmaboîtededonuts.J’étouffaiunrireheureux,avantdedésignerladernièrephotosurlemur.—19Septembre?—Lejouroùj’aiconvaincuKennethdefairedesenchilladassanspoivrons.Ungrandjour,tupeuxme
croire!Jeme tournaivers lui,admirant lesourirenostalgiquequi flottait surses lèvres.Jemehissaisur la
pointedespiedsetdéposaiunbaiserfurtifsursajoue.—J’aimelaphoto,çafigelesbonsmoments.Çaracontedeshistoires,çaapportedessouriresetça
faitbrillertesyeux,ajouta-t-il,avecfierté.—Tu le faisais aussi avecNicole,murmurai-je. Tu as des photos d’elle.Des Polaroïd.Comme…
ceux-là.Garrettserembrunitdansl’instantets’éloignademoi.Ilportasonattentionsurlatélévision,insérant
leDVDdeson filmdans l’appareil.Unsilencepesant s’abattit sur lapièceet je songeaiàm’excuserlorsqu’ilreprit:—Çatefascineondirait.MarelationavecNicole.—Amadécharge,ellenefascinepasquemoi.Voussembliezsiheureux.—Je l’étais réellement, souffla-t-il. J’avais tout.L’argent, l’amour, les fans. J’ai longtempscruque
Nicoleétaitl’amourdemavie.TomberamoureuxdeNicoleaété…commeunedéclarationdeguerre:c’était à la fois violent et attendu.Toute notre relation a été ainsi et notre rupture a été…violente etattendue.J’eusunmomentderéflexion,avantdecomprendre.LesmotsdeMarkmerevinrent:«onvitaupays
delasupercherie».Garretthochalatête,répondantsilencieusementàlaquestionquejemeposais.Les
journalistesavaientmissapetitescènedesoscarssurlecompted’unpétagedeplombs,consécutifàunexcès d’alcool. Pour eux, Garrett était le fautif et le coupable tout désigné de leur rupture. J’étaisstupéfaite.Garrettseredressa,maisrestaàdistance.—Unemiseenscène?soufflai-je,interdite.—Audépartoui.Çanedevaitdurerquequelquessemaines.Etpuis,defilenaiguille,jesuisvraiment
tombéamoureuxd’elle.Nicolemefascinait,mefaisaitrire,ellem’embarquaitdanssonmonde.Unepointede jalousiepiqua lecreuxdemonestomac.Jen’arrivaispasàdéterminerquelleétait la
partdenostalgieetlapartd’amertumedanssonrécit.Garrettétaitperdudanssessouvenirs,vantantlesméritesdeNicole.—Ondevraitparlerd’autrechose,proposai-je.—Non.Tudois savoir.Parceque tuesmonattachéedepresseetparceque tues…tuesdansma
chemise des oscars, sourit-il. Je ne me suis jamais imaginé vieillir dans ce monde de strass et depaillettes.Nicolenepouvaitpasimaginersavieàmoinsdedixkilomètresd’HollywoodBoulevard.—Etc’estlemotifdevotrerupture?—Non.Enfin,pasdirectement.J’auraispréféré,celam’auraitévitédeprendrecettemagistralecuite
aux oscars. J’étais amoureux deNicole.Aun point tel que j’en ai oublié l’essentiel : pour elle, nousétions toujours une mascarade, une façade sympathique qui servait sa carrière. Cela aurait pu durerencoredesmois.—Mais?—Mais j’ai surprisuneconversationentrenosagents respectifsetelle.La réunionvisait à trouver
comment faire parler d’elle. C’est là que j’ai compris : elle se fichait de nous, elle se moquaitouvertementdemoi,ellegloussaitdesrumeursdefiançailles.Deuxheuresplustard,j’étaissurlascèneduKodakTheater.Tuconnaislasuite.En une fraction de seconde, des images deGarrett, et de sa prodigieuse chute hollywoodienne,me
revinrent:sondiscoursdécousu,sesinvectives,lesvêtementsenfeu.Sondépartprécipité.Jefixaisonvisage,hébétéeparsesrévélations.Sestraitsétaientfigésdansuneévidentedouleur,ses
poingsenfoncésdanslespochesdesonpantalon.Demanièreinexplicable,leslarmesmemontèrentauxyeux.Qu’avaient-ilsfaitdecethomme?—Uncommuniquédepresseamisuntermeàcette…mascarade,répondit-il,amer.Propre,net.C’est
leprocédétypiquedutueuràgages:ilexécutelecontratetensuitedisparaîtavecbeaucoupd’argentenpoche.Maintenant je comprenais sa réaction au sujet de l’avant-première. J’avançai prudemment vers lui,
refoulantmeslarmes,ravalantlabileinfectequitapissaitmagorge.—Jesuisdésolée,murmurai-je.Dudosdesamain,ilcaressamajoueetesquissaunfaiblesourire.—Personnenedoitêtredésolépourquelquechosehorsdecontrôle,dit-ild’unevoixdouce.Vienspar
là.Il me prit dans ses bras, me serrant à m’en faire mal. Je fermai les yeux, devinant le battement
frénétique du cœur de Garrett contre ma joue. Après quelques instants, il desserra son étreinte et jerelevailesyeuxverslui.—Entoutcas,j’aiperdubeaucoupd’argentàcausedetoi!Ilarquaunsourcil,surpris,avantdes’esclaffer,détendantdéfinitivementl’atmosphère.—Tuaspariésurmoi?Etenuneseconde,sonhumeurs’allégea.Rireàmesdépenssemblaiteffectivementbeaucoupdivertir
Garrett.Mais,pourunefois,j’enétaisheureuse.—Al’agence,nousavonsunmur.Nouspunaisonslesactualités,lesrumeurs,lescommuniqués.C’est
ungrandjeu,onchercheàsavoirquimentetquinementpas.Etjet’interdisdelerépéter,sinonj’engageuntueuràgagespourt’étoufferdanstonsommeil.—Promis,jura-t-ilentraçantunecroixsursontorse.—Onmiseaussisurladuréedeviedescouples…—Vraiment?Donctuasmisé?Tunousdonnaiscombiendetemps?—Aumoinsl’éternité.Iléclataderireetjenepusm’empêcherderireàmontour.Quandilserepritfinalement,ildésignale
lit d’unmouvement debras etm’invita àm’y asseoir.D’ungeste sec, il tira les rideaux, plongeant lapiècedanslapénombre.Jem’installaidanslelit,m’adossantauxépaiscoussins.—L’éternité,àHollywood…Tuessoitidéaliste,soittotalementfolle,ironisa-t-ilens’installantàmes
côtés.—J’aiacceptétondossier,jet’aipourchassé,j’aifaitdusurfavectoi.Jesuissûrementfolle,conclus-
je.—Tuesdansmachemise,dansmonlitetilestàpeine7heures.Tuestoutàfaitfolle,semoqua-t-il.—Cequetumefaisfaire,murmurai-jeavechumour.—Quetuleveuillesounon,ajouta-t-ilensesaisissantdelatélécommande.Garrett tira un large plaid en patchwork sur nous, puis entrelaça nos doigts et portamamain à ses
lèvres.—Joliplaid,murmurai-je.—CadeaudeConnie.Tusaisla…—…filledel’hôtel,oui,jesais.Mon agacement était palpable,maisGarrett ne releva pas. Connie frôlait déjà l’attaque dès que je
prononçaisleprénomdeGarrett.Sijamaisellevenaitàsavoirquej’étaisdésormaisplusqu’unesimpleattachéedepresseetquel’hommedesesrêvesavaitosépartagersonplaid,ellemepulvériseraitd’unsimpleregard.Auboutdeseulementdixminutes,Garretttroublalesilence:—Onestvraimentobligé?Jeconnaislafin,jepeuxteraconter,proposa-t-ilenpivotantversmoi.—Garrett,lebutestdetereplongerdanslefilmetdetravaillersurlesréponsesauxquestionsqu’on
teposeraàl’avant-première.—Jen’airiensignésurlesujet!—Tuviendras.Quetuleveuillesounon,ajoutai-jeencachantmalmonsourire.—C’estmaréplique,meréprimanda-t-il.Quevas-tufaire?Mebotterlesfesses?Metorturer?—Jenesuispaslàpourréalisertesfantasmes,m’esclaffai-je.Maréponseledésarçonnaetilmefixacommesiuntroisièmeœilavaitfleurisurmonfront.Ilréajusta
leplaidautourdelui,décontenancé,avantdefixersonattentionsurl’écran.—Tudevrais travailler le pitchdu film, proposai-je. Penser au travail dumetteur en scène.Ou au
scénario:qu’estcequit’aséduit?Quelssouvenirsengardes-tu?— J’ai bouclé le film la semaine qui a suivi les oscars, je n’ai pas de souvenirs heureux de ce
tournage,dit-ilavecunepointed’amertumedanslavoix.—Raconte-moil’histoire,l’encourageai-je.—JerencontrelepersonnagedeNicoledansunbar.Onpasseunenuitensemble.Et,chaqueannée,je
reviens dans l’espoir de la revoir. C’est romantique et… peut-être un peu improbable. Ce qui étaitintéressant,c’étaitdeparlerd’unerelationlonguemaisfurtiveàlafois.
—Parfait.Personnenet’endemanderaplus.—IlsmeparlerontdeNicole,pondéra-t-ilalorsqu’unescèneintimesedéroulaitaumêmemomentsur
l’écran.Ilfaudraéviterlesquestionslà-dessus.—Jebrieferailesjournalistes.Nicoleneserapasabordée.Il pivota vers l’écran et je l’imitai,me raclant douloureusement la gorge en voyant les images.Les
doigtsd’unefemmecaressaientledosdeGarrett,avantdes’enfoncerdeplusenplusdanssapeau.Sesmuscles dansaient sous la peau, ne laissant aucun doute sur l’activité mimée. Curieusement, j’étaistoujoursembarrasséequandjevoyaiscegenredescène.J’imaginaiscette intimitéfeinte, lanuditédescorps, leurs mouvements cadencés, rythmés par le réalisateur. C’était dérangeant et me faisaitsystématiquementgrimacer.—Ilsontcoupélascène,commentaGarrett.Elledevraitêtrepluslongue.Le film se déroula dans un silence relatif, ponctué de quelques remarques de la part deGarrett. Il
secouaplusieursfoislatêtededésapprobation,soupirantparfoismêmedelassitude.—C’estunetorturepourmoidemevoirjouer.—Commelaplupartdesacteurs.Etsijamaistugagnesunnouveauprix?—Unprixnemeferapasrevenirsurmadécision,merappela-t-il.—Tuesunexcellentacteur,tupourraisreveniret…—Quiparle?Abbyoul’attachéedepresse?—Lesdeux,jecrois.Tadécisionétaithâtive,tupourrais…—Jesuisheureuxici,Abby.Enparticulieravectoi,encemoment.Aucunfilmnepeutégalerça.Jene
changeraipasd’avis.Sa voix était dure, sans aucune trace d’émotion. Celam’ébranla et je libéraimamain de celle de
Garrett.Aquoiétions-nousentraindejouer?Ilétaitsûrdesonchoix…etj’étaisconvaincuedesmiens.Il refusaitHollywwod,quandcemondeétait justement lemien.Notre relationétait en traindemourirdansl’œuf:ilvoulaitresterici,quandmavie,montravail,étaientàplusieurscentainesdekilomètres.—Est-cequetureviendrais?demanda-t-ilbrutalement.—Ausujetdetondossier?—Non.Si…sijetedemandaisderevenirdansunan,tureviendrais?—Typiquementunequestionqu’unjournalistepourraitposer,répondis-je,étonnée.— Réponds. Tu reviendrais ? On se rencontre, on se plaît, mais pour des tas de raisons nous ne
pouvonspasêtreensemble…Alors?—Tuasdittoi-mêmequec’étaitimprobable.—Tues improbable,Abby.L’éternité,Hollywood,me rappela-t-il en riant.Personnen’auraitpu te
fairegagnercepari.Ilsepenchaversmoi,sonsoufflechaudbalayamonvisage.Sonregardaciermesondaitetj’enoubliai
lefilm,m’enfonçantunpeuplusdanslescoussins.QuandGarrettposaseslèvressurlapeaufinedemoncou,jemefigeai,sidéréeparlafaçondontmoncorpsabdiquaitdevantlesien.Iltirasurletissudelachemisequejeportais,déposantunchapeletdebaiserssurmonépaulenue.—Dis-moi,chuchota-t-ilcontremapeau.Tureviendrais?Il bougea et, dans l’instant, son corps surplomba le mien. Je glissai sous le plaid, m’allongeant
complètement,abandonnanttouteidéedeluirésister.D’unemainexperte,ildéfitlepremierboutondelachemiseetposaunbaisersurlehautdemapoitrine.Jememordislalèvrepourretenirungémissement,mesdoigtsenfoncésdanslematelas.Jerelevailescuisses,enserrantlecorpsdeGarrettcontrelemien.Ilfaufilaunemainsousletissuet
empaumaundemesseins.Jesoupirailourdement,marespirationportéedisparueentrenosdeuxcorps
brûlants.—Perdslecontrôle,souffla-t-ilsurmeslèvres.Il esquivamon baiser, claquant la langue contre son palais en signe demécontentement. Son corps
épousaunpeupluslemien,révélantsonérectionquifrottaitcontremonbas-ventreengourdidedésir.—Oui,murmurai-je.Jereviendrais.
10
Un sourire triomphant s’étira sur les lèvres deGarrett. Il fondit surmabouche,m’offrant un baiserpassionné qui anéantit dans l’instant mes dernières résistances. Mes mains agrippèrent sa chevelure,pendantquejetentaisderépondreàsonbaiseraveclamêmepassion.Moncorpsbrûlait,s’enflammaitaucontactde ses lèvres.Lentement, ilquittamabouche, suivit la lignedemamâchoire,puismordilla lapeaudemoncou.J’étouffaiunpremiercridesurprise,puisunsecond,quandGarrettnousfitbasculeretquejemeretrouvaiàcalifourchonsursescuisses.Ilseredressaetnousnousretrouvâmesnezcontrenez.Sonsoufflemêléaumien,ilattaquadenouveau
meslèvres,sarespirationerratiquecaléesurlamienne.Quandils’écarta, lesoufflecourtet leregardsombre,moncœurs’emballaunpeuplus,battantàunrythmefrénétique,menaçantd’exploserdansmapoitrine.Garrettentrepritdedéfairelesecondbouton,écartantdélicatementlespansdemachemisepourembrasser lehautdemonseindroit.Ses lèvresglissèrentet ilcaptura lapointedemonseinentreseslèvres,tirantdoucementdessus.Jemecambrai,basculailatêteenarrièreetmelaissaiemporterparledésirfulgurantquisepropageaitsousmapeau.Quandjereprismesesprits,Garrettmefixait,unelueurd’amusementdansleregard.—Tuesfascinante,souffla-t-il.—Pasmalpourunacteur,memoquai-je.—Tun’asencorerienvu,merappela-t-ilendéfaisantl’avantdernierbouton.Ildécouvritmapoitrine,soufflantdoucementsurlespointes,puis,ilfitglissersonindexsurlacourbe
demes seins, en effleurant lespointes sans jamais s’y attarder.Cette attenteme rendait folle et jemeredressaisursescuisses,espérantletortureràmontour.Ilsefigeadansl’instant,alorsquesonérectionfrottaitcontremonventre.Pourtouteréponse,ilposasesmainssurmesjambesetlesremontadoucement,sonregardsoudéau
mien,passantsousletissudemonshort.Lecontrastedesespaumesglacéescontremapeaubrûlantemesaisit aussitôt. Il atteignit mes fesses, les caressa longuement, avant de faire le chemin inverse etd’agripperl’arrièredemescuisses.D’unmouvement vif, ilme renversa sur lematelas, couvritmon corps du sien et posa sa bouche à
proximitédemonoreille.—Bon choix que cette chemise. Ça exorcise lesmauvais souvenirs, commenta-t-il en défaisant le
dernierbouton.Ilécartaletissudemapeau,sesmainsrêchesfrôlèrentmapeauetprovoquèrentunfrissonquicavala
de ma nuque à mes chevilles. Garrett picora mon cou, dévora la courbe de mon épaule, avant dedescendreversmapoitrine. Jemecambraidenouveauet accrochai le tissude sonT-shirtpour le luiretirer. Il se laissa faire, reprenant aussitôt après sa position. Il posa sesmains surmes hanches,meclouantcontrelematelas,melançaundernierregardfiévreux,puisaspiraentreseslèvreslapointedemonseingauche.Jegémislourdement,unevaguedechaleurparcourantmoncorps.LalanguedeGarretttourbillonnaitlentement,agaçaitmontéton.Denouveau,jerelevailesjambesetsoulevaileshanches.Ilgrogna contre moi, avant de quitter mon sein pour œuvrer sur l’autre. Mon ventre se tordaitd’anticipation.Garrettprenaitsoind’attisermondésir,demerendrefolle.—Garrett,gémis-je,haletante.S’ilteplaît.Quandilrelevalesyeuxversmoi,l’étincelledetriompheetdejoiequej’ydécelaimefitrougir.Son
corpsglissasurlemien,seslèvresembrassantmescôtes,meshanches,puismonestomac.Jegigotaisur
le lit, incapabledecontrôler lebrasierquimeconsumait.Lentement, ilme retiramonshort, le faisantroulersurmescuisses,avantdelejeterausol.— Nue et dans mon lit, commenta-t-il pendant qu’il me dévorait des yeux. Exactement ce que je
voulais.—J’aiencoretachemise,luifis-jeremarquer.—Garde-la.Désormais,quandjeverraicettechemise,jepenseraiàtoinuesurmonlit.Je saisis son visage entre mes mains et posai ma bouche contre la sienne. Aussi doucement que
possible, je le poussai, appréciant le grognement d’approbation qui lui échappa quand j’effleurai sonsexetendu.Nousretrouvâmesnotrepositioninitiale:moiassisesurlui,mapoitrinedénudéeetsensibleeffleurantlasienne.Jedénouailelienquimaintenaitsonpantalonetjefaufilaimamainàl’intérieur.Mamainentourasonsexe tenduetGarrett fermaaussitôt lesyeux,exhalantunsoupirentresoulagementetfrustration.Ilenfonçasesdoigtsdansmeshanches,pendantquemamainallaitetvenaitsurlui.Il bascula la tête en arrière, se laissant emporter dans son désir. J’étais grisée par la sensation de
pouvoiretdemaîtrise.Jamaisunhommenem’avaitfaitsentiraussipuissanterienqu’aveccettecaresse.J’embrassai son épaule, savourai les pulsations frénétiques de sa carotide, remontai le long de samâchoire,mordillaisonmentondéjàrâpeuxdelarepoussedesabarbe,flottaiau-dessusdeseslèvres.D’unmouvementbrusque,ilattrapamonmentonetattiramabouchecontrelasienne.Salangues’enfonçaentremeslèvres,medominanttotalement.Quand Garrett rouvrit ses yeux, ils étaient sombres et avides. Il passa sa main sous mes fesses,
s’aventuraàproximitédemonsexe,puisesquissaunsourire.—Jeveuxquetuperdeslecontrôle,Abby.Quetucries,quetuhurles,quetunesoisquesensations.
Retiretamain,m’intima-t-il,etsoulève-toi.Jem’exécutai, et pris appui sur ses épaules. Il tira surma chevelure,me faisant basculer la tête en
arrièreetposaseslèvresdanslecreuxdemoncou.Jeretinsungémissement,toutdesuitereprised’unclaquementdelangue.—Dis-le,Abby.Tumeveux?—Oui,exhalai-jedansunsoupir.—Maintenant?—Toutdesuite.S’ilteplaît,Garrett.Je devinais l’extrémité de son sexe qui flirtait avec mon entrejambe, me rendant ivre de désir. Je
geignisetlesentissoudainentrerenmoipuissamment.—Putain,Abby,gronda-t-il.Unedoucechaleurm’envahitetmoncorpssecontractaaussitôt.Toutessescaressesm’avaientamenée
auborddel’orgasmeetlesentirenmoiétaitpresqueunevictoire.Jesoulevaileshanches,coulissantsursonsexe.Garrettsiffladeplaisir,avantdemordillerlapeaudemonépaule.—Tuessublime.Perdslecontrôle,Abby,répéta-t-il.Denouveau,un sentimentde toute-puissancem’étreignit.Ravagéepar leplaisir, je laissai échapper
unelitaniede«oui».Garrettbougeaitàmonrythme,venantàmarencontre,anticipantmesmouvements.Libérantmeshanches,ilpritmonvisageencoupeetl’approchadusien.Ilnoyasonregarddanslemienetmoncœurrepritsacoursefolle,luttantpourgarderunrythmedécent.—Etjusteaprès,jeteprendraiàmêmelesol,promit-ildansunmurmure.Notrerythmedevintplussoutenu,monbassinheurtantbrutalementlesien.Monsouffleétaiterratique,
faible et je sentais un orgasme puissant et fulgurant monter entre mes reins. Ma chemise pendaitmollement àmes bras,mes cheveux humides flottaient dansmon dos. Lamain deGarrett se faufila àl’endroitoùnoscorpsétaientjointsetj’écarquillailesyeux,surprise,avantdepousseruncri.Sesdoigts
caressaientmonsexe,accentuantlastimulation.—Etpeut-êtrequejeteferaijouirsimplementavecmesdoigts…Qu’enpenses-tu,bébé?Haletante,lecorpsenfeu,jesombraiàl’instantoùGarrettgoûtasesdoigtsquim’avaientcaressée.Il
rugitetmonorgasmedéferladansl’instant,ravageanttoutsursonpassage,mefaisantcrierdeplaisiretdesoulagement.Garrettgrondamonprénomet,dansunultimecoupdereins,jouitenmoi.Pantelante,jem’effondraisursontorse,pendantqueGarrettglissaitsurlematelaspournousallonger.
Tendrement,ilmeretiralachemiseetlajetaausolavecmonshort.Danslafoulée,ilretirasonpantalon,puisattiramoncorpsnuetluisantdetranspirationcontrelesien.—Rienquepourça,jereviendrai,souris-je,entraçantdesarabesquessursontorse.—Pourquoi?Lesexe?—Hmm…lesexe.Lesexeavectoi.Toi,avouai-jedansunmurmure.Engourdie et encore assommée par mon orgasme, je fermai les yeux et profitai d’un moment
d’apaisement. Mon corps se détendait. Garrett passa son index sur mes lèvres, un sourire coquinilluminantsonvisage.Jelesuçaidoucement,découvrantmasaveursursapeau.J’osaiungémissement,puismordillailapulpedesondoigt.—Viensavecmoi,chuchota-t-il.—Où?—Al’avant-première.Jenelaferaipassanstoi,jen’yarriveraipas.—Garrett,cen’estpas…—Pasentantqu’attachéedepresse.D’ailleurs,tuesvirée.—Sansindemnités?—Jet’offreplusqueça.Situleveux.Sonairsérieuxmetétanisaet labadinerie laissaplaceàuneatmosphèreplus lourde.Ildégageales
mèchesdemonvisage,puisreprit:—Jeteveux,Abby.Jeveuxteprotégerettegardericiavecmoi.—Mais…—Peut-êtrepastoutdesuite,pasmaintenant.Tun’espasprête.Maisunjour,oui,j’aimerais.Je clignai les yeux plusieurs fois, sidérée. Qu’était-il en train de me proposer ? Rester ici était
incompatible avec mon métier. Et rester ici, après… quatre jours de relation, était suicidaire. Je nepouvais pas faire ça, c’était impossible. Et en m’en parlant, il savait qu’il me torturait. Il risqua unsourire,avantderiredevantmaminedéconfite.—Etsionfaisaitcetteinterview?proposa-t-ilpourdétournerl’attention.—Jecroyaisquej’étaisvirée,boudai-je.— Tu l’es toujours. Mais je ne tiens pas à voir une autre folle furieuse débarquer chez moi et
s’imposerdansmonmonde.Jeneletoléreraipasdeuxfois.—Jenesuisdoncquetolérée?ris-je.—Tuesbienplusqueça.Tues…Tueslafemmequej’aienvied’embrassermaintenant.Etsij’aide
lachance,tumelaisserasfairebienplusqueça,ronronna-t-il,avantdefondresurmoietdemerecouvrirdesoncorpsnu.Sesmainsnaviguèrentsurmescôtes,provoquantdedélicieuxéclairsdeplaisir.Jefermailesyeux,me
laissantemporterpar lavagueGarrett,unevaguequiétaiten trainde toutsubmergeretsur laquelle jeflottais,détachéeetheureuse.J’avaislasensationd’êtrelégère,lesmembresrelâchés,semblablesàdelagelée,monespritembruméparlesretombéesdemonorgasme.—Moinshabilléeetplusdésirable,murmuraGarrettàmonoreille.Jepourraispasserdesheuresàte
caresser.
Il s’aventura sur mes cuisses, les saisit par l’arrière pour les remonter autour de ses hanches. Jesoupirai lourdement, le contact de la peau deGarrett contre lamienne ravivantmon désir. Sesmainsexplorèrentchastementmapeaupendantdelonguesminutes,tandisqueseslèvress’attardaientdansmoncou.Puis,lentement,ilsedécalasurlematelasetmepritdanssesbras.—Alors,cetteinterview,proposa-t-il.Jet’écoute.—Maintenant?m’étonnai-je.Jerelevailesyeuxverslui,avantderesserrerleplaidcontremapoitrine.Jemesentaisbrutalement
malàl’aise.Jenemesouvenaisplusvraimentdesquestions,hormislesplusinsipides.—Jesuiscertainquetut’ensortiras.Parailleurs,jen’aiplusrienàtecacherdésormais,s’amusa-t-il.—Bien.Commentes-tuarrivéici?— Dans un sale état, plaisanta-t-il. Après les oscars, je suis resté cloîtré chez moi. Aux yeux
d’Hollywood,j’étaisuningrat.—Etàtesyeux?—Amesyeux,j’étaisenfinlibred’unmondequejenesupportaisplus.—Ilyavaitd’autresmoyensdequitter…cemonde,hésitai-je.Desmoyenspluscivilisés,peut-être.—Quandlespaparazzismepourchassaientdans larueetgrimpaientchezmesvoisinspourprendre
desphotos, j’aioubliétouteidéedecivilité.Jenedevaisrienàpersonne.J’aivendulamaison,soldémesaffaires,emballécequimesemblaitimportant.—Aucunregret?—Jen’aipaspourhabitudederegrettermeschoix,chuchota-t-il,avantdedéposerunbaisersurmes
lèvres.J’aipromisdeneplusmelaisserdictermeschoix.Plusjamais,répéta-t-il,commeunserment.—Est-cequ’ilyaunaspectdetonancienneviequitemanque?—Absolumentrien.—L’adrénalined’untournage,lafrénésiedelapromotion…—Abby,j’aimesurferà4heuresdumatin,admirerlesoleillevantetretapermamaison.—Etfairedesphotos,ajoutai-je,malicieusement.—Eneffet.Jevoulaisfaireducinéma;jenevoulaispasêtrecélèbre,nidevenirlacibledesjournaux
àscandale.—Certainsdiraientqu’ils’agitd’hypocrisie.—Probablement.Etceseraitcesmêmespersonnesquigagnaientbeaucoupd’argentgrâceàmoi.Ilbaissaleregardversmoi,sesyeuxgrisseparantd’unvoiledetristesse.Lestraitsdesonvisagese
durcirentetilmeserraunpeupluscontrelui.—Alors,tonarrivéeici?—J’aieuunaccident.J’étaisivremortetj’aifoncédansunarbre.Savoixémueetrocailleusemeparalysa.Ilseperditdanssessouvenirs,pendantquejel’imaginais,
assomméetcomateuxcontrelevolantdesavoiture.Cetteseuleimagesuffitàramenerleslarmesauborddemespaupières.—Kennethestarrivé,m’asortidelàetm’aramenéchezlui.Jedoiscertainementmavieàcethomme,
Abby.Jesuisrestéàl’hôtelpendantdessemaines,enfermédansmachambre.—Etensuite?dis-je,d’unevoixétranglée.—Ensuite, j’aidécidéque riende toutcelanevalait lecoupde sedétruire. J’ai fait expédiermes
cartonsici.—Sansjamaislesrécupérer,soulignai-je.—Aquoibon?Dis-moiàquoimeserviraitungoldenglobeici?—Tuesungrandacteur,Garrett.
—J’étais.Hollywoodsurvittrèsbiensansmoi.—Si c’était le cas, je ne serais pas là depuis des jours à te convaincre de venir faire une avant-
première.—Touché,mademoiselleHarper.—Taplusgrandedéception?—Nicole.Qu’ellemetrahisse,qu’elle…qu’ellesoitactrice,mêmeavecmoi,m’arenduméfiant.J’ai
eulasensationd’êtreenhautdugrandhuitetdedévalerlapentepourm’écraserausol.—Taplusgrandejoie?—T’avoirapprisàsurfer.Tuétaissensationnelle,j’aihâtederemettreçadèsdemain.—C’esthorsdequestion,m’esclaffai-je.Tonprochainprojet?—Abattrelacheminée.Acheterunvrailit.Tefairel’amour.L’ordreestàdéterminer,mêmesij’aima
petiteidéesurlapriorité.Tuasencorebeaucoupdequestions?—J’improvise.L’interviewestterminéedepuisquej’aimentionnétestalentsd’acteur!Maisj’aiune
dernièrequestion:commentes-tutombéamoureuxdeNicole?—Nousvivionsdanslemêmemonde,loindelanormalité.Etnousavonsfaittroisfilmsensemble.Ily
avaitdelamiseenscène,maisensuite,c’était…Avraidire,jenesaispassi j’étaisamoureuxd’elle.Peut-êtrequ’ils’agissaitd’affection,detendresse…d’amitiéforte.—Pourquoiavoirjouélerôleduméchant,alorsque…Enfin,toutlemondeacruquetuavaispétéun
plomb,quetuavaistropbu,quetu…quetuétaisbipolaire.Tuauraispudirelavérité.Pourquoin’avoirriendit?TuauraispuresteràHollywood.Aprèsquelquessemaines,touts’oublie.—Jecroyaisquec’étaittadernièrequestion?—J’essayedecomprendre,Garrett.TuasprotégéNicole,tuasendossélemauvaisrôle,alorsque,de
touteévidence,c’étaitellequiétaitenfaute!—Abby, jemefichedemacarrièrelà-bas.Oui, j’aigagnédel’argent, j’aieudesprix,mais jeme
perdaismoi.J’auraisfiniparmedétruire,paroublierlemonderéel.Quelquepart,jesuisreconnaissantenversNicole.Retournerlà-bas,mêmepourunesoirée,mecoûte.—Situm’avaiseuecommeattachéedepresse,leschosesauraientétédifférentes.—Tudisçacertainementparcequetunesaispasquej’aisaccagélavoituredemonancienneattachée
depresse.J’aiaussimassacrésonbureau,jetésonordinateurparlafenêtreetmenacédetuersonchat.—Jen’aipasdechat.Jen’aimepasça,grimaçai-je,tandisqueGarrettsouriaitauxsouvenirsdeses
frasques.—Jeterappellequetuasétévirée,toutàl’heure.J’éclataiderire,observantmonamant—etmonclient,quoiqu’ilendise—rireàsontour.Ilmeprit
danssesbras,avantdem’emprisonnerdesoncorps,memaintenantaumatelas.—Viensavecmoi,supplia-t-ildansunmurmure.Montre-moiàquelpointleschosessontdifférentes
maintenant.Depuis le début de cette histoire, tu es avecmoi.Aucune raison que cela change, encoremoinsmaintenant,souligna-t-il.—C’estentretoietmoi,soufflai-je,luirappelantsesparolesdesjoursprécédents.—Qu’entre toietmoi, répéta-t-il. Jeneveuxpersonned’autreque toi,pourm’accompagneràcette
soirée.Maisjenesaispassijepourraitelaisserpartiraprès,Abby.—Jenesaispassijeseraicapabledetelaisser,dis-je.Jebaissai la tête, embarrasséeparmonaveu. J’avais toujoursévitédemélanger le travail et lavie
privée.SiMarkétaitlà,illâcheraitunirritant«pasd’affect,Abby».Maisjemeretrouvaismaintenantdanslefameuxgrandhuit,cramponnéeàlabarrièreetlecœurenpleinmarathon.Personnenedescendd’ungrandhuitenmarche.Encoremoinsquand legrandhuit s’appelleGarrett
McIntyre et qu’il sonde votre âme de ce regard gris acier. Je refusais pour l’instant de penser auxconséquences,d’imaginerlefutur:lui,enexilici;moisurSunsetBoulevard.Çan’avaitaucunsens.Del’index,Garrettagrippamonmentonetmefitreleverlatête.—Necommencepasàpenseràcegenredechose.—J’essayedenepasypenserjustement.—Tâchonsdesurvivreauxprochainsjours,etonverraensuite,d’accord?—D’accord,murmurai-je,sansêtrerassurée.—Etsionprenaitcesphotospourl’article?—Jesuisàdeuxdoigtsdecroirequetucommencesàaimerça!—Jefaisavec.Plusvitejemedébarrassedecegenredecorvées…—…plusvitejequittetesterres?souris-je.—…plusvitejet’inviteàdéjeuner.Ilyaundomaineavecdesvignes,danslesterres.J’envisagede
tesoûler.J’adorequandtuperdslecontrôle.—Siromantique,raillai-jeenmeredressantpourremettresachemise.Garrettseredressaàson tour, renfilantsonboxer,avantdes’étirercommeunchat.Jevisai levieil
appareil que j’avais rapporté àGarrett, le saisis et fis unepremière photo.Garrett s’étalait sur le lit,couvert du drap à hauteur du nombril. Il était sexy, heureux, son sourire s’étirant plus largement quejamais.Jenel’avaisjamaisvusidétendu.Ilse releva,m’attrapavivementpar la tailleetmefit tombersur le lit. J’appuyaidenouveausur le
déclencheur,sonvisageengrosplandanslavisée.— Attention à vos cadrages, mademoiselle Harper. Ce format n’apprécie que modérément le
déséquilibre.—Tut’yconnaisvraiment?—J’aiunechambrenoireausous-sol.J’yfaismestirages.Je cadrai de nouveauGarrett, maisme reculai, obtenant un champ plus large. Il finit par se lever,
déambulantquasimentnudevantmoi,sesaisitdesonpantalon,l’enfilaetgagnalamicrocuisine.—Oùveux-tuquejepose?demanda-t-ilendésignantlapièce.—Jeneveuxpasquetuposes.Il haussa les épaules etme tourna le dos. Ouvrant un placard, il prit un sachet de croquettes et le
secoua.Aussitôt,Donutrappliqua,frétillantdel’arrière-train.Lechienfinitpars’asseoir,observantsonmaître,pendantquecedernier luipréparait unegénéreuse ration.Garrett s’accroupitdevant legoldenimpatient,luicaressalonguementlehautducrâne,avantdeluipétrirlesoreilles.—Iladoreça,commentaGarrettpendantquejelescadraisavecl’appareilphoto.—Tun’asjamaistrouvéd’oùcechienvenait?demandai-je.—Jen’aijamaischerché.Donutestvenuetiladûdéciderquecettemaisonluiconvenait.Je pris une nouvelle photo deGarrett, son regard perdu dans lemien. Il laissa le chien aller à sa
gamelle,puiss’approchadelapetitecheminéedelapièce.—Tuveuxvraimentl’abattre?demandai-je.—Oui.Jevaisdégagercemuretretirercettecloison—ildésignaunautremurderrièrelui—pour
créerungrandespace.—Pourquoiavoirachetéunesigrandemaison?—L’interviewreprend?—Simplecuriosité.Tuvisseuletcettebaraquepourraitabriterunefamilleentièresansproblème.Tu
auraispu…resteràl’hôtel,ouacheterunappartement.—Lestravauxm’occupent,Abby.Parailleurs,jecomptebienymettreunefamilleunjour.Etregarde
cettevue,onnevoitçanullepartailleurs,ajouta-t-ilensepostantdevantlabaievitrée.De nouveau, j’appuyai sur le déclencheur, la silhouette de Garrett se détachant dans la lumière du
soleilquiinondaitlapièce.Danscetteposition,ilsemblaitinatteignable,loindesvautoursd’Hollywoodetdecemondedeleurresetdefaux-semblants.Soudain,unequestionmetarauda.—Suis-jelapremièreàvenirici?—Dansmonlit?Oui.Lapremièredepuislongtemps,admit-ilenpivotantversmoi.—Non.Jeveuxdire,iciàSoledadpour…toi,enfin…tacarrière.—Tueslatroisième.Laplustenace,sij’encroistesguets-apensà4heuresdumatin!D’une démarche féline, il approcha de moi, me déstabilisant. Dans l’instant, mon cœur reprit son
marathon furieux, pendant que mes yeux cherchaient un moyen de fuir. Je pris une dernière photo,incertainedurésultat,puisreposail’appareil.—Ilsvoulaientquejerevienne,souffla-t-il.—C’estcequejeveuxaussi.—Tuasarrêtécepaparazzi.TuasarrangélasoiréepourquejenecroisepasNicole.Ettuportesma
nouvellechemisefétiche.Tun’asriendecommunaveceux.—SauftefairereveniràHollywood.—ReveniràHollywood,çasignifiesubirlesphotographes,mefairesuivreetnepaspouvoirnagernu
sij’enaienvie.C’estvraimentçaquetuveux?—Tunevoisquelesaspectsnégatifs,contrai-je.—Oh…Donc,fairelaunedePeopleetduTorchaétéuneexpériencesympathiqueàtesyeux?Ilarquaunsourcilsoupçonneuxpendantquemoncerveaucarburaitàtouteallure:commentétait-ilau
courantdeça?Ilenroulaunbrasautourdematailleetm’attiracontrelui.Mespaumestrouvèrentsontorse,tandisquejebouillaisderage.—Piedsnus,àlasortied’uncommissariat.—Commentsais-tu?—Soledadn’estpascoupédumonde.J’aiachetélemagazine,lejouroùtum’ascroiséàlasortiedu
supermarché.—C’estuncoupbas,grommelai-je.—Pourleparterredefleurs?—Tuaslul’article?m’exclamai-je,mortifiée.Il éclata de rire, avant de baisser les yeux versmoi. J’étais vexée, en colère et, surtout, dépassée
encoreunefoisparsacapacitéàmesurprendre.—Abby,jenetienspasàvoirmatêtepartout.Encoremoinsdansunesituationcompromettante.Ou
pire,avectoi.—Maistuveuxquejet’accompagneàl’avant-première?—Quandtunourrislesvautours,après,ilsn’ontplusfaim,lâcha-t-ilenhaussantlesépaules.Jeretinsunricanement.Garrettétaittrèsoptimistesurcesujet.Sonretournepasseraitévidemmentpas
inaperçu et, même s’il n’allait passer que quelques heures à Hollywood, les photographes et lesjournalistesnelelâcheraientpas.Uncoupàlaportemesortitdemarêverie.GarrettmelibéraetConnieapparutquelquessecondesplus
tarddanslacuisine.Mortifiée,jetiraisurlachemisequicouvraittoutjustemesjambes.Ellemedétaillad’unœilnoir,avantdemetendred’ungestesecunpapier.—Unmessagepourvous,grogna-t-elle,lesdentsserrées.Je jetaiunregard inquietàGarrett,quicroisa lesbrassursapoitrine,se tendant immédiatement.Je
prislepapierd’entrelesmainsdeConnieetl’ouvris,enretenantmarespiration.Jesentais,jesavaisque
quelquechosen’allaitpas.—C’estMark,murmurai-je.—Tonpatron?—Oui.IlfautquejerentreàLosAngeles.—Maintenant?—Ilnousattendcesoir.—Nous?—Jedoisteramenerlà-bas.
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Conniedisparutquelquesminutesaprèsdansunsilencelourd,nonsansm’avoirgratifiéed’unnouveauregardoutré.—Oùsontmesvêtements?demandai-jeenretirantlachemisequeGarrettm’avaitprêtée.—Abby…—Danstonsac,c’estça?Jedéambulainuedanssachambre,cherchant le sacàdosdans lequelGarrettavait fourréà lahâte
toutesmes affaires après notre séancede surf. Je le trouvai enfin et en arrachai presque la fermeture.J’enfilaimonjean,puismonpull,sentantleregarddeGarrettsurmoi.—Tudevraispréparerunsac,proposai-je.—Etsijeneveuxpas?contra-t-ilsèchement.Jepivotaiverslui,rassemblantmescheveuxdansunequeue-de-chevallâche.Jerécupérailemotde
Mark,leglissaidansmapocheetm’assissurlematelaspourenfilermesbaskets.—Cen’estpaslemoment,Garrett,murmurai-je.—Lemomentdequoi?Cetypeteditderappliquerettuobéis?—C’estmonboulot!criai-je,exaspérée.Jeprissonpantalonausoletleluilançaiavecunregardnoir.Meschaussuresauxpieds,jemerelevai
etpassaiunemainsurmonvisage.Garrettmefixait,unmélangedeconsternationetd’incompréhensionhabitantsonregard.Lepantalongisaitàsespieds.Jeleramassaietleluitendis.—Tudevraist’habiller.—Sinonquoi?meprovoqua-t-il.—Tuétais d’accord.L’avant-première est demain,Mark abesoindenousvoir.Ona sûrementdes
détailsdedernièreminuteàrégler.—Tureprendsdonctonmétier?—Jenel’aijamaisabandonné.—Si,Abby.Apartirdumomentoùtuesmontéesurcetteplanchedesurf,tun’étaisplusattachéede
presse.—C’estmonmétierquim’aamenéeici,Garrett.—J’enperçoistoutel’ironie,crois-moi.—S’ilteplaît,enfileçaetprépareunsac.Sionpartdansuneheure,onpourraarriveravantledîner.
Quoi?fis-jeenvoyantqu’ilneréagissaitpas.—Rien,dit-illesdentsserrées.—Jevaisretourneràl’hôtelprendremesaffaires.Jeterécupèredansuneheure,çateva?—Tumedemandesmonavismaintenant?—Nesoispasridicule!Tun’aspasàtebraquerdèsquejedonneuneinstruction.—Ettun’aspasd’instructionàmedonner.Agacée,jedétournaileregard.Garrettenfilasonpantalon,puissonT-shirt.Jeluiadressaiunsourire
faussementravi,transpirantl’énervementetlacolère.—Satisfaite?demanda-t-ilfroidement.—Dansuneheure,luirappelai-jeenquittantlapièce.Je remontai l’étroit couloir pour gagner la porte d’entrée. Je ne parvenais pas à comprendre sima
colèreétaitdirigéecontreGarrett,contremoi…oucontreMark.Sonmotavaiteulemérite—sionpeut
dire—demefairerevenirsurTerre.J’avaiscouchéavecGarrett.L’énormitédelasituationmefrappaàcemomentprécis.Commentavais-jepumelaisserembarquer
danscettehistoire?Monrôleétaitdecontrôlerlesévénements,etvoilàquej’agissaisstupidement:jecouchaisavecunclient,j’oubliaismesobligationsetjerisquaismonboulotpour…Jenesavaismêmepaspourquoi.—Abby,criaGarrettalorsquej’ouvraislaporte.—Garrett,onparleraplustard,on…Seslèvress’écrasèrentcontrelesmiennes,dures,possessivesetsanspitié.Jeravalaiuncouinement
de surprise quand ilme repoussa contre le chambranle, sa langue dominant lamienne dans une dansepassionnée.Unedesesmainss’enfonçadansmescheveux,memaintenantcontrelui,pendantquel’autrenaviguaitsurmoncorpsetglissasousmonpull.Quandils’écarta,nousétionsàboutdesouffleetjelefixai,estomaquée.—Est-cequetuesfâchéecontremoi?s’enquit-ilprudemment.—Non,avouai-jefinalement.Jeneveuxpasperdremonboulot,Garrett.Ilfautquetumelaissesfaire.
Ici,jesuivaistaphilosophiemaislà-bastudevrassuivrelamienne.—D’accord,abdiqua-t-il.Jeseraiunbravesoldat.—Nefaispasdepromessequetunepeuxpastenir.Tun’asjamaisétécoopératifavecmoi.—J’aipourtantfaitl’amouravectoidemonpleingré,s’amusa-t-il.—Garrett!râlai-je.Jem’arrachaide sonétreinte, raviedeconstaterque samauvaisehumeur s’étaitdissipée.Lui aussi
avait dû être surpris, rappelé à la réalité et à la raison dema présence ici par lemessage deMark.Garrettetsessautesd’humeurétaientimprévisibles.Pourtant,sontraitd’humourmedétenditetm’apaisa.—Dansuneheure,luirappelai-je.—Bien,madame,souritGarrett.Je descendis le sentier menant à la plage, sentant le regard de Garrett sur moi, jusqu’à ce que je
disparaissedesavue.Al’hôtel,jeprisletempsdemechanger,medébarrassantdemesvêtementspleinsdesable.Jefismonsacàlava-vite,empilantmesvêtementsdansmapetitevalise.Jerefermailesdeuxcartons de Garrett et les portai à ma voiture. Quand je retournai à l’hôtel, je fis un crochet versl’ordinateurmis à disposition des clients et envoyai unmail rapide àChloé pour la prévenir demonretouretluiproposerdeboireunverrelesoirmême.Prèsd’uneheureplustard,jemegaraiàproximitédupick-updeGarrett.J’eusuninstantdesurprise
quandKennethm’ouvritlaporte.—JeveillesurDonut,m’expliqua-t-ilenmefaisantrentrer.—Oh.Biensûr.Garrett?appelai-je.Tuesprêt?Kennethmeretintparlebrasetmefitpivoterbrusquementverslui.Sonregardsombreplongeadansle
mienetilpenchasonvisagemenaçantversmoi.—Prenezsoindelui.Ets’illuiarrivequelquechose,croyez-moi,jevousretrouverailà-bas.—Ilneluiarriverarien,ripostai-jeenmedégageant.—Ken!claqualavoixdeGarrettderrièrenous.Çasuffit.Garrettentourameshanchesdesonbrasetposaunbaiserchastesurma tempe.Kenrecula,mais la
lueurderagedanssonregardbrillaittoujours.Jemetendis,adressantunsouriretremblantàGarrett.—Mesaffairessontprêtes.Ken,jereviensdansdeuxjours,faisensortequeDonutnesoitpasobèse
d’icilà!—C’estça!grommelasonami.
—Allons-y,murmurai-je.Dixminutesplustard,nouspassionslepanneaudeSoledad,agrémentéd’un«Revenezvite»quime
tira à peine un sourire. Garrett semblait à l’aise. Il recula son siège au maximum, étira ses jambesjusqu’autableaudebordetglissaseslunettesdesoleilsursonnez.—Réveille-moiquandnoussommesarrivésdanslavilleduvice.—Jecroisquec’estlesurnomdeVegas,souris-je.—Etjecroisquejeviensenfindetesoutirerunvraisourire.Jen’ycroyaisplus!Ducoindel’œil,jelevisabaisserseslunettesetmeregarderpar-dessuslesverres.Jeconcentraimon
attention sur la route,mesmains cramponnées au volant.Un tourbillon de sentimentsm’habitait— lanervosité, l’angoisse, lacolère—maiscequimedominaitétaitplusdiffuset inexplicable.Jedoutaisrarementdemoi—dumoinsdemesdécisionsprofessionnelles—mais,peuàpeu,jeréalisaisquejen’avaisaucuncontrôlesurlesévénements:marelationavecGarrettétait…imprévisible,laréactiondeMarkallaitêtrecataclysmique.Jedevaisaffronterl’avant-première,nonplusdanslerôledel’attachéedepresse,maisdansceluiderencarddelastardufilm.Starquiavaitdoncfaitdemavieunvéritablechaos.—C’estmoiquidevraisêtrenerveux,ditdoucementGarrett.—Jenesuispasnerveuse.—C’estdoncquetuaspeur.Quecrains-tu?—Quecelasepassemal,lâchai-jefinalement.Que…queriennesepassecommeprévu.—L’imprévuaparfoissoncharme,ritGarrett.Maissonrires’éteignitquandjetournaimonvisageverslui.Ilseredressaetretiraseslunettes.Son
airjovialdisparutsousunvoiled’inquiétude.Ilfronçalessourcilsetlagrandeinquisitionreprit:—Dequoias-tupeur?—Jenesaispas.—Si,tusais.Dis-moi.Jesuisdanscettevoitureavectoi,Abby,jenerisquepasdefuir.Dis-moi.—Siçasepassemal,murmurai-je.Si…Sitoutnesepassepascommeprévu.Jeneveuxpasruinerta
vie actuelle. Au départ, je ne voulais même pas venir. J’ai refusé ton dossier et, maintenant, j’ail’impressiondet’entraînerlà-bascontretongré.—Jefaisrarementdeschosescontremongré,Abby.—Etsiàtonretourlesphotographessontcheztoi?—Ilsneviendraientjamaiss’aventurerenterrehostile,loindelacivilisation.Maisc’estgentilàtoi
det’eninquiéter.—Ilssontdéjàvenusunefois.—Surordredetonpatron,quinel’avaitpaspayésuffisammentpourqu’ilreste.Jet’enprie,net’en
faispas.Jemefiched’Hollywoodetjemefichedecetteavant-première.Cequimetourmente,c’estdetevoiraveccevisagedecendres.Maintenant,s’ilteplaît,oublieçaetamène-nouslà-basavantquejenechangedéfinitivementd’avisetquejerenvoietonsuperbeculauKansas.—Monsuperbecul?gloussai-jecommeuneimbécile.—Crois-moi,ilvautledétouretjeleluiferaisavoirdèsquepossible.Il remit ses lunettes sur son nez et reprit sa position initiale. J’appuyai un peu plus fort sur
l’accélérateuret lançai l’autoradio.Lesabledudésertnousentouraitdéjà, surplombéparuncielbleuazur.Aucunnuageàl’horizon.Aucunnuage,songeai-je,toujourstourmentée.
***
Prèsdecinqheuresplustarddontdeuxheuresdedouloureuxembouteillages,jegaraimavoituredansleparkingdel’agence.Garrettétaitréveillé,maisn’avaitpasdécrochéunmotdepuisquenousavionsatteintLosAngeles.—JedoisvoirMarkpourcertainsdétails,tuveuxveniravecmoi?J’enaiseulementpourquelques
minutes.Sansrépondre,ildéfitsaceintureetouvritlaportièredelavoiture.Jel’imitaietlerejoignispendant
qu’il vissait une casquette sur sa tête. Ilm’adressa un sourire crispé et, d’un geste de lamain, je luidésignail’ascenseur.—Septièmeétage,annonçai-jealorsquenousmontionsdanslapetitecabine.Mon angoisse resurgit violemment à l’instant où l’ascenseur semit enmouvement.Mon estomac se
tordit dans une atroce douleur et mes mains tremblaient. Je les cachai dans mon dos et m’humectainerveusementleslèvres.Garrett,àmescôtés,étaittoujoursaussitendu,soncorpsmusclénégligemmentappuyécontrelaparoivitréedelacabine.—Situretiensencoreuneminutetonsouffle,tun’atteindrasjamaisleseptième,murmura-t-il.Ilesquissaunlégersourire,puiscapturaunedemesmainsetenembrassatendrementledos.—Toutirabien,assura-t-il.Jetelepromets,ajouta-t-ilenponctuantsaphrasedebaiserscontrema
peau.Jemeréfugiaidanssesbras,inhalaisonparfummasculinetiodé.Enuninstant,matensions’envolaet
unevaguedebien-êtremesubmergea.Lecœurbattant,j’esquissaiunsourire.Depuiscombiendetempsn’avais-je pas ressenti ça ? Depuis combien de temps n’avais-je pas été si apaisée et si sereine ?L’étreintedeGarrettmerassura,m’insufflaunedosesupplémentairedeconfiance.Lorsquej’étaisdanssesbras,toutreprenaitsens;etmarespirationredevintpresquenormale.—Justetoietmoi,chuchotaGarrettàmonoreille.Jeme hissai sur la pointe des pieds et déposai un baiser furtif sur ses lèvres. Ilme libéra de son
étreinteet,lasecondesuivante,l’ascenseurs’ouvritsurlecouloirvideetstérileduseptièmeétage.—LebureaudeMarkestauboutducouloir.—Etoùestletien?—Tuveuxdéjàlesaccager?ironisai-je.Ilestjusteàcôté.— Normalement, je n’aurai pas à le saccager. Je te rejoins, m’informa-t-il en bifurquant vers les
toilettes.MonassurancehabituelleavaitdisparuquandjefrappaiàlaportedeMark.Ilréponditparunagressif
«Entrez»quimeglaçalesang.J’allaisdevoiraffronterlatempête.Al’instantoùj’entraidanslapièce,Markselevadesonfauteuil.Sonregardduretsonvisagedénuéd’expressionmesidérèrentuninstant.Ilsemblaitfatigué,commes’ilavaitenchaînélesnuitsblanches.—Unerevenante,grinça-t-il.Çafaitdesjoursquej’essayedet’avoirautéléphone.—Jen’aiplusdetéléphone,Garrettl’a…saccagé,avouai-jeensouriantmalgrémoi.—Ettutrouvesçadrôle?—Cen’estpassigrave.J’aieutonmessage,finalement.—Tun’étaispasàl’hôtel,dit-ilavecuntondereproche.—Jemepromenais.—A7heuresdumatin?—Garrettestdugenrematinal.Ilsurfeàl’aube.Markmetoisa,pesantlavéracitédemaréponse.Ilcontournalebureauetm’invitaàm’asseoirsurle
canapé qui meublait son grand bureau grisâtre. Il s’installa près de moi, et j’eus instinctivement unmouvementdereculquandilposasamainsurmongenou.—Tuasbonnemine,mecomplimenta-t-il.Cesquelques joursprèsde l’océan t’ont faitdubien,on
dirait.—Pourquoim’as-tufaitvenir?—McIntyreestlà?—Garrettestlà,répondis-jeenappuyantvolontairementsursonprénom.—Bien.J’aibesoindelevoir.—Tudevraspasserparmoi.Ilrefusedetraiteravecquelqu’und’autre.—Depuisquand?Depuisqu’ilt’asautée?Lagiflepartitplusvitequejem’yattendais.Markl’encaissasilencieusement,puispassasamainsur
sajoueendolorie.Ilreculaavantdeseleverpourprendreundossiersursonbureau.Jemelevaiàmontour,choquéeparsesmotseténervéedem’êtrelaisséemportersivivement.—Jesavaisqueçaarriverait.Tuesbeaucouptropdansl’affect,Abby.—J’aisauvétondossier,c’esttoutcequetuasàsavoir.Ettun’asrienfaitpourm’aider,ajoutai-je
avecamertume.Garrettneméritepasqu’onletraitecomme…—Commequoiaujuste?Commeunacteurquidoitassurerdelapromo?Mapauvre,ilt’aretournéle
cerveauettunelevoismêmepas!Cetypeestunlooser,uncocudepremièreettujoueslesMèreTeresapourcecrétin?J’auraisdûêtreplusmesquindansmoncommuniquédepresse.—Que…quoi?Maisdequoiparles-tu?murmurai-jeaprèsquelquessecondesd’unsilencedeplomb.—Atonavis?Son regardglacialme figea.Un souriremauvais s’étira sur ses lèvres et un frissondésagréableme
parcourut.Jeconnaissaisparcœurcesourirepervers:ilavaitcouchéavecNicole.LesmotsdeGarrettmerevinrent:«uncommuniquédepresseamisuntermeànotrehistoire».J’avaisdevantmoimonami,monmentor,monsupérieur…l’hommequiavaitmisuntermeàlarelationentreNicoleetGarrett.Hébétée,jemerassissurlecanapé,pendantqueMarklevaitlesyeuxauciel,commesisarévélation
n’étaitpassidramatique.—C’estlemétierquirentre,grinça-t-il.—Jecroyaisquetun’avaisaucunclient,quetugéraisjuste…—Nicoleestmonuniquecliente.Crois-moi,ellemedonnesuffisammentdetravaildepuisplusieurs
années.Garrettfrappaàlaporteaumêmeinstantetentra,sansattendrequ’onl’inviteàlefaire.Jemerelevai
ducanapéetmecomposaiunvisageneutre,quiauraitcertainement—ironiquement—méritéunoscar.Markplaqualedossierqu’ilavaitàlamaincontreluietcontournasonbureau.Garrettretiraseslunettesetm’adressaunregardinquiet,avantquejemereprenne.—Mark, je teprésenteGarrett.Garrettaacceptéd’assurer l’avant-premièrededemainsoirafinde
répondreauxclausesdesoncontrat.Mêmeàmoi,mavoixmeparutétrangèreetfausse.Troisannéesdanscetteagencen’étaientpasencore
parvenues à étouffer ma conscience. Je fis mon possible pour éviter le regard de mon client, meconcentrantsurlesmondanitésd’usageetsurcetteconversationquejesouhaitaisexpédierauplusvite.—Jesuisravidel’apprendre,réponditMarkentendantlamainversGarrett.Ce dernier braqua le regard vers samain et je ne pus retenir un sourire de contentement quand il
l’ignoraostensiblement.Puis,leregarddeGarrettsedurcitetilfusillaMarkdesyeux.—C’estdebonneguerre,jeprésume,s’esclaffaMarksansenprendreombrageuneseconde.—Jenevaispasfairecommesivousm’aviezcruellementmanqué,lâchad’untonsecGarrett.
Cedernierserapprochademoietpassasamaindansmondosdansungesteaffectueuxquimedétenditimmédiatement. L’instant suivant, je m’écartai, réalisant que nous n’étions pas seuls. Mark étaitcertainement un type odieux etmanipulateur,mais il avait encore une partie dema carrière entre sesmains.—J’aiprislalibertéd’organiserundéjeuner,demain.Lesproducteursveulentvousvoir,Garrett.—Etsijeneveuxpas?contraGarrett,bravache.Markrelevaunvisagesurprisversnous.Jehaussailesépaules,impuissante.Jesubissaiscetypede
comportementdepuisplusieursjoursetjen’avaispasencorelasolutionpourlecontournerefficacement.—Cen’estpasuneproposition.Ledéjeunerestprévuà13heuresàvotrehôtel.Venez…ounevenez
pas.Aprèstout,cen’estpasmacarrièrequiestenjeu.—Lamiennenonplus,raillaGarrett.—Maisjeneparlaispasdelavôtre.D’unmouvementde tête, ilmedésigna. Je sentis le sangquittermonvisage,pendantquemoncœur
s’affolait.MonregardpassadeMarkàGarrett:pourl’instant,jenesavaispaslequelavaitleplusdepoidsdanslasuitedemacarrière.—Quoid’autre?éludai-je.— La soirée d’avant-première, l’after-party et les quelques interviews incontournables auxquelles
vousdevriezvousplier,annonçaMarkentendantundossierépaisversMark.—JepensaisqueAbbygéraitmondossier,fitremarquerGarrett.—Certes.Mais,vuqu’elleétaitinjoignable,j’airepriscertaineschosesenmain.—Dansmondosetsansmedemandermonavis?m’écriai-je.Jepensaisquej’avaiscarteblanche.—Ettumedevaisunpointd’avancementcomplet…aulieudeprendredubontemps!—Garrettestlà,commeconvenu.Tuauraisdûmeprévenirquetuprenaisdesdécisions.N’as-tudonc
aucuneconfianceenmoi?—Disonsqu’ellen’estplusaussifortequ’avant.SonregardméprisantglissasurGarrett.J’étaissouslechoc.Markn’avaitjamaisinterférédansmes
dossiers.Puis,aprèsuncourt instant, jecomprisoù ilvoulaitenvenir : il sevengeait. Ilavait toutdesuitesenticequimeliaitàGarrettetilétaitjaloux.Jemesentaistrahieetimpuissante.LecomportementdeMarkétaitinacceptable.—Etmonavisàmoi?intervintGarrett,coupantlesilencetendu.—Ce n’est pas comme ça que cela fonctionne, ricanaMark à l’instant où Garrett lui arrachait le
dossierdesmains.— Avec moi, si. Je pense que nous avons terminé. Allons-nous-en, proposa-t-il en remettant ses
lunettessursonnez.Garrett prit ma main dans la sienne, et je quittai le bureau de Mark à sa suite. D’un pas vif, il
m’entraînaavec luiendirectionde l’ascenseur.Cen’estqu’une fois lesportesde lacabine referméesqu’ilrepritlaparole.—Nominépourlespiresconnardsd’Hollywood,murmura-t-il.—Oui.Ilest…C’estunepointure,ajoutai-je,avecamertume.—Etilmefaitdormiràl’hôtel.Tusaisque,sionfaitdemi-tourmaintenant,onpeutêtrerentréesavant
lafermeturedurestaurantdeKen,proposaGarrettavecsérieux.—Tuferascetteavant-première.Quetuleveuillesounon.—Ettudormirasavecmoicesoir,assura-t-ilensouriantlargement.Quetuleveuillesounon.—Nominépourleplusperversd’Hollywood,chuchotai-jealorsqu’ilfondaitversmeslèvres.—Monmeilleurrôle,s’amusa-t-il.
Il m’embrassa avec douceur, mais se recula très vite, devinant ma tension persistante. Il retira sacasquette,lafourradanssapoche,puisenlevaseslunettes,sonregardperçantlemien.—Qu’ya-t-il?—Rien.Je…Cetteconversationétait…pénible,expliquai-je.Markaprisdesdispositionscontraires
àcequenousavionsconclu.—Net’eninquiètepas.J’aiconcluunaccordavectoi,pasavecl’agence.Jen’aiaucuneconfianceen
lui,etçanedatepasd’aujourd’hui.Ilatoujoursété…vorace,mais,surcecoup,ilsesurpasse.Detoutefaçon,jen’aipasprissuffisammentdecaleçonspourresterplusdetroisjours,ajouta-t-ilpourdétendrel’atmosphère.Je fis un faible sourire, songeant à ce quem’avait révéléMark avant queGarrett surgisse dans le
bureau.MêmesicederniersemblaitavoirtournélapageNicole,entendredesrévélationsàsonsujetetausujetdeleurcouplerisqueraitdeleminerunpeuplusetderuinerlajournéededemain.Nousgagnâmesmavoitureet je jetaiuncoupd’œilsur ledossierpour trouver l’adressede l’hôtel.
Celui-ciétaitàseulementquelquesruesdel’agence,etnousyfûmesenquelquesminutes.Al’angledelarue,unbrouhahainhabituelmeparvint.Jeralentisetexaminailesalentours.Dansun
café, je repérai un premier visage connu, puis un deuxième. Dans un autre bar, je découvris Mitch,ajustantunzoommonstrueuxàsonappareil.Ilssavaient.—Metstacasquetteetteslunettes,dis-jesèchementàGarrett.Sousmonregardfuribond,ilacquiesçaets’exécutasansbroncher.Ils’enfonçadanssonsiègeetbaissa
latête.J’avançaiprudemment,rageantetpestantcontrelaTerreentièrequandlefeuaucarrefourpassaaurouge.Jejetaiuncoupd’œilsurlagauche,tressaillantenconstatantlanuéedephotographesdevantl’hôtel.
Quelquesfanssquattaientletrottoirenface,pendantquelepersonneldel’hôtelparvenaitdifficilementàfaireentrerlesclientsparuneautreporte.—Lemeilleurconnard?marmonnaGarrettenrelevantimperceptiblementlatête.—Jepense.Lacolèreque j’avaisréussiàcontenirà l’agenceresurgit immédiatement.Lesmâchoiresserrées, je
fusillaiduregardlepauvrepassantquiavaitsimplementregardédansnotrevoiture.Soudain,dansmonrétroviseur,jevisMitchavancerversmoi,sonappareilphotoenbandoulière.—Merde.Soudain,uncriannonçalaprésencedeGarrett.Et l’enfer déferla dans l’instant qui suivit. Les photographes coururent vers notre voiture, les fans
cavalèrentjusqu’aucarrefour.Lesflashescrépitèrent,nousaveuglant,pendantquelavoituretanguaitsousl’assautdespaparazzis.J’enclenchailamarcheavantetappuyaisurl’accélérateur.Lafoules’écartaàpeine,melaissanttoutjustedequoipasser.Lesflashesredoublèrent,pendantque
j’imaginaismon visage blafard avec unGarrett grimé en une dès demain. Je fis une embardée sur lagauche,Garrett secramponnaà laportière. Il jura entre sesdents, et je remontai l’avenue, semant lesquelquespaparazzisquinoussuivaientencourant.Jeslalomaientrelesvoitures,évitailesgrandesartèrespourm’enfoncerdansdesruesplusétroiteset
parvinsenfindansmonquartier,soupirantdesoulagement,enmetrouvantenterritoireconnu.JeregardaiGarretducoinde l’œil, enapparence impassible.Mais, envoyant sespoings serrés, jecomprisqu’ilbouillaitderage.Dansunétat second,dopéepar l’adrénalineet la fureur, jegaraimavoiture. Jecoupai lemoteuret
restaiassise,tétanisée,consternéeettremblante.Garrettfinitparouvrirsaportière,pritnossacsdansle
coffre,puisfitletourdemonvéhiculepourm’ouvrir.—Donne-moitesclés.Je fouillai dans mon sac et les lui tendis. Ce n’était pas ma première course-poursuite et je ne
comprenaispaspourquoicelle-cimebouleversaitautant.Garrettm’entourad’unbras,pendantquejeluiindiquais,aveclepeudeforcequimerestait,l’entréedemonimmeuble.Ensilence,nousrejoignîmesledernierétage.Garrettnousfitentrerdansl’appartement,jetanossacssurletapisdemonsalon,puissedébarrassade
sacasquetteetdeseslunettes.Danslapénombredelapièce,ilpritmonvisageentresesmainsetsoudasonfrontaumien.—Est-cequeçava?—Oui,je…Désolée,d’habitudejenesuispassiémotiveauvolant.—C’estparcequetuaseupeur.Soudainement,jefondisenlarmes,perdueentrefatigue,colèreetincompréhension.Cen’étaitqu’une
fichuecourse-poursuitequin’avaitduréquequelquessecondes!Garrettessuyameslarmesetdéposaunbaiserdélicatsurmeslèvres.—C’estterminé,Abby.Oùesttasalledebains?—Premièreportesurladroitedanslecouloir.Il s’échappa de la pièce, pendant quemes jambes lâchaient. Jeme laissai glisser au sol, reniflant
lourdement,mefustigeantd’avoirétéaussi idiote.Markmanœuvraitdepuisdessemaineset jem’étaisfaitavoircommeuneimbécile.JeprisledossierqueGarrettavaitemportéetlejetaiàtraverslapièce,follederage.—Encoreceregard,lançaGarrettenmetendantlamainpourmerelever.—Quelregard?— Celui des bons ou des mauvais choix. J’ai fait couler un bain, viens. On pourra oublier cette
histoire.—Laisse-moipasseruncoupdefilàMark.—Ilnerépondrasûrementpas.Ettunedevraispast’enpréoccuper:d’icidemainsoir,toutrentrera
dansl’ordre.Lèvetesbras.Ilmeretiramonpulletlejetaausol.JeluiretiraisonT-shirt,puisdéfislesboutonsdesonjean.Il
l’enleva rapidement, envoya valser ses chaussures quelque part dans mon salon, puis me fit pivoter.Lentement, il fit glisser les bretelles de mon soutien-gorge, embrassant ma nuque, la courbe de monépauleetlehautdemonbras.Sesdoigtscoururentsurmescôtesavantdetrouverleboutondemonjean.Illedéfit,puisjesentisseslèvressuivremonventre,descendantdeplusenplusbas,jusqu’autissudemaculotte.Monjeanglissasurmes jambesetGarrettpoursuivitsontrajet,embrassantmescuisses, lecreuxdemongenou,jusqu’aumolletpourmeleretirer.Unsoupirétranglém’échappatandisqu’ilfaisaitlechemininverse,sespaumesrêchesréveillantma
peauetfaisantrefluermacolère.—Jet’avaisbienditqu’onpasseraitlanuitensemble,murmura-t-ildanslecreuxdemoncou.—Tuavaisparlédedormir,mesemble-t-il.—Lastaraledroitdechangerd’avisparfois.Jecriaidesurpriseenmesentantsoulevée.JemeretrouvaidanslesbrasdeGarrett,mesmainsnouées
autourdesanuque.Ilm’amenaàlasalledebains,medéposasurletapis,puism’aidaàmeplongerdansl’eau. Il retira son boxer, révélant son sexe tendu, avant deme rejoindre. Puis il s’allongea surmoi,inondantaupassagelesoldemasalledebains.Jedevinaisonérectioncontremonventreetmecambraidavantagepouraccentuerlecontact.
Le regard sombre de Garrett me sondait de nouveau. Je plongeai mes mains dans ses cheveux etl’attiraicontremoi.—Justetoietmoi,chuchota-t-ilenmepénétrantlentement.Lecœurtambourinant, jemelaissaiemporter.L’adrénalinecourait toujoursdansmesveines,attisant
mondésiretmefaisantfinalementlâcherprise.Jem’accrochaiàGarrett,pendantqu’ils’appuyaitsurlereborddelabaignoireets’enfonçaitunpeuplusenmoi.Jebougeailebassinetsoupiraileprénomdemonamantcommeuneprière.Cederniergrognadansmoncouetsavoixvibrajusqu’auplusprofonddemonêtre.—Jeteprotège,Abby,murmura-t-il.Toncorpscommetonâme.Ledésirpulsaitdansmesveines,àpeineamoindripar ledouxmouvementdel’eaucontremapeau.
J’ondulaicontreGarrett,sansretenue,savourantlecontactdenosdeuxcorpset leurharmonieparfaite.Soncœurbattaitcontremapoitrineet,quandGarrettm’adressaunsourire,jecomprisqu’ilreprésentaitunemultitudedebonschoix.Les yeux clos, je m’abandonnai, surprise par la vitesse à laquelle mon orgasme montait. Garrett
accéléra,allantetvenantenmoiavecfrénésie,sesbicepsbandéstandisqu’ils’accrochaitaureborddelabaignoire.—Jeteprotège,répéta-t-ild’unevoixapaisante.Etjenetelaisseraiplusjamaisseule.L’orgasme s’abattit surmoi violemment, secouantmon corps et anéantissant toute pensée cohérente.
Dansundernier coupde reins,Garrett jouit enmoi et grognamonprénom, ivre deplaisir. Ilm’attiracontre lui et, dans un mouvement rapide, s’assit dans la baignoire en m’installant entre ses jambes.Pantelanteetencoresousl’effetdel’orgasme,jem’effondraientresesbras.—MademoiselleHarper,vousêtesdélicieusementdécadente.—Etvous,incroyablementapaisant,soupirai-je.—Jecroisquejesuistoutsimplementamoureux.Lesdernièrestracesdemonorgasmedisparurentpresqueaussitôt.Moncœurrepritsafollechamade,
pendantqueGarrettmefixait,unelueurdepuretendressedansleregard.—C’est ce que font les personnes qui s’aiment,Abby, elles se protègentmutuellement.Tu nous as
ramenésici,tum’asprotégé.J’enfaistoutautantavectoi,maintenant.Jeneveuxpasqu’ilt’arrivecequej’aivécu,jeneveuxpasquetusoismalheureuse.Tevoirpleurertoutàl’heure,c’était…effroyable.Il souda son front aumien,dansungested’affectionquimebouleversa.Lagorge serrée, jedigérai
lentementsesparoles.Ilavaitraisonsurunpoint:jevoulaisleprotéger,jevoulaisfaireensortequ’ilretrouvelaviequilerendaitheureux.—Ondevraitalleraulitpouraffronterlajournéededemain.Ilseredressa,l’eaucoulantparesseusementdesoncorps.Ils’entourad’uneservietteetm’adressaun
clin d’œil. J’étais encore perdue dans mes pensées, un sourire stupide sur les lèvres : Garrett étaitamoureuxdemoi.—Allez,bébé,lanuitestcourteetj’aiunemultitudedechosesindécentesàtefaire.—Indécentes?—Etjouissives,ajouta-t-ilpendantquejesortaisdel’eau.Il tamponnamondosavecune serviette, son soufflecaressantagréablementmapeau.Puis, ilme fit
pivoteretpassaletissu-épongesurmapoitrine.—Tucrois?murmurai-je,hésitante.—Absolumentcertain.Etàsonsourireradieux,quifittremblertoutmoncorps,jeprisconsciencequ’enquatrejoursj’étais
définitivementtombéeamoureusedel’hommeleplussexyetleplusdétestéd’Hollywood.
12
Mardi22septembre
Amonréveil,lesrayonsdusoleiléclairaientmachambre.J’étaisseuledansmonlit,enrouléeentrelesdraps.Jetendisuneoreille,devinantdubruitdansmapetitecuisine.Jem’habillaidudrapetrejoignislesalon.Lespapiersdudossierétaienttoujourséparpillésausol.Jelesrassemblaidansuntasetlesposaisurunguéridon.Garrett apparutvêtude sonseulboxer,unmugdecafé fumantà lamain. Je lui adressaiunsourire,
resserrantledrapautourdemapoitrine.—Alaréflexion,commandercetterobeétaittoutàfaitinutile.—Commander…quellerobe?— Pour ce soir. Tu sais ce truc pour lequel tu me harcèles depuis des jours. Un tapis rouge, des
photographes…—Tum’as commandé une robe pour l’avant-première ?m’esclaffai-je, stupéfaite. Et tu as fait ça
quand?—Ilyadixminutes.Maintenantquejeconnaisparfaitementtoncorps,c’étaitunjeud’enfant.Ilapprochademoietmetenditsoncafé.Jetentaimaladroitementderetenirledrapd’uneseulemain,
maisGarrettlecrochetadesonindexetlefittomberàmespieds.—Jet’aiaussicommandéuneplanchedesurf.—Uneplanchedesurf?—C’étaitçaouunbijouhorsdeprix.J’avalaidetravers,épatéeparsonaplomb.Jerécupérailedrapausoletleremontaiprécipitamment
surmoncorps.LeslèvresdeGarrettseretroussèrentdansunsourireetilenprofitapourmereprendrelemugdesmains.—Garrett,ondevraitpeut-être…discuterdetoutça.—Dequoi?fit-il,faussementcandide.—Tusaisbien.Detoi,demoi…Detoutecettehistoire.— Oh… Tu veux dire qu’on devrait parler des enchilladas sans poivrons ? Je pense pouvoir
convaincreKendelesgarderàlacarte.—Jevisici,Garrett.—Jesais.—Etjetravailleici.Jenepeuxpastoutlâchercommeça,pour…pour…—Pourquoi?Le regarddeGarrettvira, s’assombrissant.Une lueurde rageéclaira sespupilles et il resserra son
poing autour de son mug. J’évitais sciemment cette conversation depuis notre départ de Soledad, jedevais maintenant l’affronter. L’un de nous deux devait se confronter à la réalité. Et la réalités’apparentaitàl’alliancedelacarpeetdulapin.—Jenepeuxpastoutplaquercommeça.Monmétier…Jenepeuxpaslefaireailleursqu’ici!—Mademoiselle Harper, vousme décevez. Je vous pensais définitivement engagée sur ce fameux
chemindetraverse.—Jenesuispastoi,Garrett.J’aitravaillédurpourtoutça.—Toutçaquoi?UnappartementavecvuesurlePacifique?Unevoiture?
— Rappelle-moi comment tu as acheté ta maison ? Et comment tu peux te permettre de vivreactuellementsansleverlepetitdoigt?—Jenesuispasceluiquialeplusprofitédemacarrière.D’ailleurs,actuellement,tueslapremièreà
enbénéficier.Unuppercutenpleinmentonnem’auraitpasfaitplusmal.J’étaisenhautdufameuxgrandhuitet je
dévalaislapenteàtoutevitesse.JefixaiGarrett,abasourdie,resserrantledrapautourdemoipourmeprotéger.Ilplongealenezdanssoncafé,sonregardsombrevrillantlemien.—Ondevraitenparlerplustard,proposai-je.—Lasituationn’aurapasévolué.Demoncôtéentoutcas,ajouta-t-il,énigmatique.—Jenequitteraipasmonboulot,assurai-jed’unevoixquej’espéraiferme.—Etjenereviendraipasici.Savoixàluiétaitconfianteetsansl’ombred’undoute.—Jenepeuxpasvivreici,Abby.Vivreheureuxetvivreavectoi.Cequetuasvécuhiersoir,dansta
voiture, n’était qu’unpetit échantillondemavie d’avant.Cette vie de rêve, qu’on cherche àme faireregretter.Jerefusedevivreainsietjesaisquetunepourraspasmelereprocher.Savoixétaitteintéed’amertumeetlestraitsdesonvisagesedurcirent.Lesouvenirdemeslarmeset
monbouleversementànotrearrivéedans l’appartementme tirèrentunegrimace. Jenepouvaispas luidonnertortsurcepoint.Mêmesij’étaishabituéeauxdébordements,laviolenceetlecomportementfoudesphotographesm’avaientréellementfaitcraindrelepire.Ilapprochademoi,caressadoucementmajoueetdéposaunbaisersurmeslèvres.Moncorpssemità
trembleretmoncœurseserra.Jesavaiscequ’ilétaitentraindefaire.—Jenepeuxpastoutsacrifiercommetul’asfait,murmurai-jeenravalantunsanglot.— J’étais au bout du rouleau, Abby. Je l’ai fait pour demauvaises raisons. Des tas demauvaises
raisonsqui finalementm’ontconduità toi.Uncheminde traverseque jen’avaispasvuvenir surmonchemin,sourit-il.Etrienquepourça…—Tuneregrettespastonchoix,finis-jepourlui.—Jamais,Abby.Jamais.—Danscecas,pourquoinepasresterici?Pourmoi,précisai-je.Il esquissa un petit sourire et jeme sentis à la fois vexée etmal à l’aise.Mes joues trahirentmon
embarras et je me reculai. Mais Garrett attrapa le drap et m’attira contre lui, son torse heurtant mapoitrine.Ilmefitdesserrerlesdoigtsquis’entortillaientautourdudrap,puismedébarrassademonhabitdefortune.—Etnousvivrionsdansuneforteresse?s’amusa-t-il.—Tut’escrééuneforteresseàSoledad,luifis-jeremarquer.—Alorsviensavecmoi,chuchota-t-ildansmoncou.Maréponsemourutcontreseslèvres.Salanguepritpossessiondemabouche,possessiveetviolente.
Sesdoigtss’enfoncèrentdansmeshanches,mesoulevantlégèrement.Ilnousfitreculerjusqu’àlatabledelacuisineetm’ydéposa.Uncrim’échappaaucontactglacédumarbresousmesfesses.—Justementcequejevoulaisentendre,ditGarrettd’unevoixchaude.Jedoispartirdéjeunerdansdix
minutes,bébé.Faisonsvite!—Nousdevionsdiscuter,contrai-je,haletante.—Jeteveuxavecmoi,Abby.Jeveuxtesentircontremoi.Siçadoitêtrepourladernièrefois,ehbien
tantpis.Ilm’attiracontreluietjemecramponnaiàsesépaulesmusclées.—Sommes-nousentrainderompre?demandai-je,d’unevoixsourde.
—Toutàfait.Etonfêteça,sourit-ilenmepénétrantd’uncoupdereinspuissant.Jem’abandonnaientresesmains.LecorpsdeGarrettrencontraitlemiendansdesassautspuissants,
mefaisantfrôlerl’orgasmeàchaqueva-et-vient.Lebas-ventreenfeu,mesongless’enfoncèrentdanssesépaules, pendant que j’ondulais sous lui.Ma rage et l’impasse de notre conversation tombèrent dansl’oubli,perduesdanslaspiraledudésirquimedominait.Lesyeuxclos,jebasculailatêteenarrière.Garrettgrognamonprénomets’enfonçaunedernièrefois.
Monorgasmedéferladansl’instantetjelesentisjouirenmoi,avantqu’ils’effondresurmoncorps.—Unemagnifiquerupture,chuchota-t-ilàmonoreille.J’aihâtederemettreça.—Jen’aipaspourhabitudederépondreauxcapricesdestar.—Onenreparleraàl’hôtel.—Al’hôtel?—Ondoits’ypréparer.Tarobeyaété livréeetapparemmentuncertaine…Cléaafait livrermon
costume.—Chloé,corrigeai-jeenmeredressant.Je descendis de la table et retrouvaimondrap abandonnédans l’autre pièce.Garrett fila s’habiller
dansmachambre, enfilantun jeanetunT-shirtnoirquimettait envaleur sa carrure imposante. Il vintdéposer un baiser tendre surmon front, puis quitta l’appartement enm’adressant un clin d’œil. Je luiadressaiunsourireforcé,mepelotonnantdansuncoinducanapé.Jefixaid’unœilabsentlemurenfacedemoi.LespapiersdudossierdeGarrettgisaientdenouveau
ausol.Maislaseulequestionquimetaraudaitétait:avions-nousvraimentrompu?
***
PendantqueGarrettœuvraitàsondéjeuner,jeretournaiàl’agence.Jeprissoindesurvolerledossierconcocté par Mark, tant par acquit de conscience que pour vérifier que Mark n’avait pas mijoté unnouveauguet-apens.Amonarrivéedansmonbureau,Chloéapparut,radieuse.—J’aimisécinquantedollars,annonça-t-elle.—Surqui?demandai-jeenallumantmonordinateur.—Garrettettoi.Jelevaiunregardagacéverselle.Elles’installadanslesiègefaceàmoietmefixaavecamusement.
Jem’installaiàmontour,réfléchissantàmaversiondesfaits.J’étaisencoreincertainedemasituationavecGarrett.—Tuessurlemur,ajoutaChloé.J’aimoi-mêmerajoutélesphotosd’hiersoir.—Quellesphotos?—Cellesdanslavoiture.C’estdansleTorchettuesdoncofficiellementlenouveauflirtdeGarrett.—Fantastique,marmonnai-je.Jesuissonattachéedepresseetnotrerelationprofessionnellecessera
cesoir.Je tournaimonattentionversmonécran,découvrantunmaildeMarkaveclauneduTorchenpièce
jointe.J’yapparaissaisterrifiée,lesyeuxécarquillésetlesmainsserréessurlevolantàl’enarracher.—Tucomptesfaireundémenti?—Undémenti?m’exclamai-je.Chloé,cettephotomemontrejusteavecGarrettentraindepartager
unevoiture.Jenevaispasdémentiruntissud’âneries.CommentvaKaylee?demandai-jepourchangerdesujet.
—Bien.Elleviendraàl’avant-premièredecesoir.Elleaunminusculerôle.—Jedevraissûrementrevoirmesfichessurlefilm.—Tun’aspasvuleDVD?s’enquit-elle.—Euh…Si…MaisavecGarrett.Nousavonsparléetj’aidûloupercertaineschoses.Jem’affairais inutilementsurmonbureau.HormisGarrett, jen’avaisaucunautreclient.Mamission
s’achevait ce soir, et je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire ensuite. Mark me donneraitcertainementd’autresclients,d’autresmissionshasardeuses.Et j’archiverais le dossier McIntyre, avec un pincement au cœur et la sensation d’avoir fait
correctementmontravail.—Jevaistelaissertravailler.—Récupèretonargent,grommelai-je.—Jevaisplutôtdoublerlamise.Ellem’adressa un sourire et jeme figeai surma chaise. Je n’avais rien trahi dema relation avec
Garrett—oudemanon-relation,auchoix—maisellesemblaitcertained’elle.Jepassail’après-midiàtraiterquelquesmessagesetàrevoirlesdétailsdelasoirée.Enfind’après-midi,Mark,vêtud’unélégantcostume,frappaàmaporte,pourtantouverte.—Tun’aspasuneavant-premièrecesoir?s’enquit-il.—Si…Ohmerde,jen’aipasvul’heuretourner,m’énervai-jeenmelevant.—Tuasencoredeuxbonnesheures.—JedoisrejoindreGarrettlà-bas.—C’estsérieuxentrevous?—Jet’enprie,Mark,tunevaspast’ymettre.—Jenetienspasàperdremameilleurecollaboratrice.—Doncc’estpurementprofessionnel?—Aussiprofessionnelquetarelationaveclui,riposta-t-ilsèchement.—MarelationavecGarrettsetermineraàlafindecetteavant-première.Dèsdemain,tupourrasme
donnerunautredossiertorduàgérer,assurai-jeenprenantmonsac.—Jesuisravidel’apprendre.Onsevoittoutàl’heure.—Biensûr.Jequittail’agenceencourant,jetantunœildistraitaumurdesrumeurs.Jem’arrêtainet,endécouvrant
lesphotos.Garrettetmoidanslavoiture,Garrettetmoienbasdechezmoi,Garrettetmoi…moi,enrouléedansmondrap,etGarrettenboxer,siprochesl’undel’autrequecela
nelaissaitaucundoutesurnotrerelation.JecomprenaismaintenantlaréactiondeChloé.Avecamertume,jemesouvinsd’unedesrèglesdebase
decemétier:onnepeutrienfairecontrelesphotos.Mêmeundémentinepourraiteffacerça!Mesjambesflageolèrentetlabilemontadansmagorge,mefaisantpresquesuffoquer.Laphotoavait
étépriseautéléobjectif,àlafaveurduvoilagetransparentquicouvraitmesbaiesvitrées.Jem’inquiétaidel’existenced’autresphotos,plusintimesencore,quisenégocieraientcertainementàprixd’or.Tremblante, je m’arrachai à la contemplation des clichés, ne m’attardant pas sur les messages
graveleux ajoutés au feutre. Je courus jusqu’à ma voiture, aussi vite que mes jambes incertaines meportaient. Je montai dans la voiture, et les larmes surgirent, violentes et amères, pendant que jem’effondraissurlevolant.Jepleuraipourlesphotos,pourGarrett,pourmarelationaveclui,pourlesregretsquim’assaillaient
depuis son départ de l’appartement. Dès qu’il s’était éloigné, j’avais repris mon rôle d’attachée depresse,distante, froideetprofessionnelle. J’avaisvolontairementoubliénotrediscussiondans lebain,sonaveuetnotremagnifiquerupture.Cesphotosétaientunevéritablegifle,unrappelàlaréalité.Encinqjours,Garrettavaitbouleversémesrepères,perturbémonéquilibreaupointdeserendreindispensable.Jemesentaisàlafoistristeettrahie,ravagéeparl’amertumeetlacolère.Mespenséesdérivèrentvers
Garrett.Qu’avait-ilvudecesphotosetcommentallait-ilgérerunesoiréecouvertepardesphotographesavidesetdesjournalistescurieux?Jemereprisetreniflailourdement.Jedevaisfaireface,affronterlameuteetprouveràGarrettquetout
étaiteffectivementdifférentavecmoi.Jerefusaisderéitérerlapetitescènedesoscars.L’idéemêmedeletrahirmerévulsait.Etparcequejel’aimais,jedevaisleprotéger.En tremblant, je fis démarrer la voiture et me dirigeai vers l’hôtel, complètement perdue sur mon
fameuxchemindetraverse.
***
Lafoulequej’avaisaperçuehieravaittripléets’amoncelaitdevantlesportesdel’hôtel,contenuepardesbarrières.Lagorgeserrée,jebifurquaisurladroite,remarquanttroptardlanuéedephotographesàl’entréedugaragedel’hôtel.Mitch,monmeilleurennemi,m’adressaunpetitsignedelatête.Jeluioffrisundoigtd’honneurpourtouteréponse.Jesavaisquec’étaitluileresponsabledecesphotosvolées,ellesportaientsamarquedefabrique.Leportails’ouvritlentement,laissantletempsauxpaparazzisdecernermavoitureetdememitrailler
entoussens.Monamertumelaissaplaceàunesourdecolèreetj’imaginaifurtivementcequ’avaitdûêtrelaviedeGarrettici.Maintenantquejevivaislesévénementsdel’intérieuretquej’enétaislapremièrevictime,sonchoixdetoutquitterétaitévident.Quand j’entrai dans sa suite, il neme restait que trenteminutes avant l’arrivée de la limousine qui
devaitnousconduireaulieudel’avant-première.Garrettdéambulaitdanslapièce,sachemiseouvertesursontorsenu,unverreàlamain.—Désoléepourleretard.J’étaisàl’agenceetjen’aipasvuletempspasser.—Aucunproblème.Tarobeestsuspenduedanslachambre.Soncalmeolympienmesurprit.Peut-êtren’avait-ilpasvulesphotos?J’approchaiprudemmentdelui,
l’enviesoudainedemeréfugierdanssesbrasprenantlepassurl’imminencedelasoirée.—Lesphotographes?s’enquitGarrettenm’entourantdesesbras.—Ilssavent.Pournousdeux.Ilyatoutuntasdephotosde…—…denousdeuxcematin.Jesais.—Ettun’espas…encolère?—Si.Maisjel’auraisétéencoreplussituavaisfaitparaîtreundémenti.—Jesuisdésolée.—Personnenedoitêtredésolépourquelquechosehorsdecontrôle.Ilm’embrassadoucementsur les lèvreset,d’ungeste tendre, il repoussalavestedemesépaules.Il
nichasatêtedansmoncou,respirantmonparfum,pendantquemesmainssefaufilaientsousletissudesachemise,remontantdanssondos.—Jecroyaisquenousavionsrompu,murmurai-je.—Eneffet.Laisse-moitedéshabiller.—Situmedéshabilles,nousneseronsjamaisàl’heurepourlalimousine.
— Nous serons à l’heure. Et nous finirons dans la limousine, ajouta-t-il en déboutonnant monchemisier.Ilmel’enleva,lejetantausol,puisdescenditlafermeturedemajupe.Ellefinitenbouleàmespieds,
puisGarrettmesoulevadanssesbrasetmeportajusqu’àlachambre.—Metstarobeetallonsmontreràcescharognardsquecedraptemettaitnettementplusenvaleurque
ceboutdetissuhorriblementcher.—Tuascassétatirelirepourmoi?plaisantai-je.—Bébé,jet’offriraislemondesijelepouvais,déclama-t-ilavechumour.—Lemonde,rienqueça?m’esclaffai-je.—Unpetitmorceaualors.Unpetitmorceauavecuneplage.Maistuesdéjàréfractaireàunesimple
planchedesurf…—Tupeuxfairelivrerlaplanchedesurfàmonappart.—Pourqued’autrestevoientàquatrepattesdessus?—Jaloux?m’amusai-jeenouvrant lahoussequiprotégeaitmarobe.Alorsque jefais launevêtue
d’undrap?—Lesurf,c’estmontruc.Notre truc,personned’autrenepeut t’apprendre lesurfcommemoi je te
l’apprends.J’ôtai la housse,mon regard s’écarquillant de surprise endécouvrant la robe splendidequeGarrett
avait achetée. Unemerveille de légèreté, en mousseline rose pâle, ornée de strass et rehaussée d’unbustierfinementtravaillé.—Garrett,elleest…magnifique,soufflai-je,épatée.—Enfile-la.Jevaisfinirdemepréparer.Et jemeferaiunplaisirde te laretirerd’ici troispetites
heures.—Donc,nousn’avonspasrompu?—Apresavoirmisdes joursàme trouver,puisàmeconvaincrede travailleravec toi, tucherches
maintenantàtedébarrasserdemoi?Jemepinçaileslèvres,embarrassée.Lasituationn’avaitpasévoluédepuiscematin.Jevoulaisrester
ici, faire ma vie ici. Lui ne voulait que quitter Los Angeles et surfer au petit matin. Nous étionsincompatibles.Etpuis,aprèsavoirpasséunepartiedelajournéeàdireàtoutlemondequenotrerelationn’étaitque
professionnelle—premiermensonge—etqu’ellefiniraitcesoir—secondmensonge—j’avaisfiniparm’enconvaincre.Garrettselevaetcapturaunemèchedemachevelurepourjoueravec.—Lavieestfaitederisques,Abby,murmura-t-ild’unevoixchaude.Avec ces quelques mots, il ralluma le désir dans le creux de mon ventre. L’adrénaline, l’excès,
l’inattendu…Toutcequej’attendaisd’unerelationavecunhommetenaitenGarrett.Mon téléphone sonna, nous interrompant. Je cavalai jusqu’à la pièce principale pour le récupérer,
suivieparGarrett.—Markm’ena fourniunnouveau, expliquai-je envoyant laperplexité sepeindre sur levisagede
Garrett.—Quellecharmanteintention.Jet’offreunerobe,uneplanchedesurf,mapropreviesurunplateauet
tudétalespour…untéléphone?—C’estmonmétier,luirappelai-je,avantdeprendrel’appel.Il soupira et attendit patiemmentque je consulte lemessage surmon téléphone.Quand je l’éteignis,
Garrettlepritet,avantquejepuisseréagir,ouvritlabaievitréeetlelançadudouzièmeétage.
—Justetoietmoi,dit-il.Filet’habiller.Ilme tapa les fesses affectueusement,me faisant glousser commeune idiote.Comment avais-je fait
pourtomberamoureuseduseultypeaumondequinem’étaitclairementpasdestiné?J’enfilaimarobeavecprécautionetretouchaimonmaquillagerapidement.Jebrossaimescheveux,avantdelesremonterdansunchignonlâche,quimettaitenvaleurmesépaulesetlebustier.Quandjeréapparusdanslapièceprincipaledelasuite,Garrettajustaitsesboutonsdemanchette.Son
costumebleu tranchait avecsonbronzage, le rendantencoreplus séduisantque lorsdenotrepremièrerencontre. Sa barbe avait repoussé légèrement, lui donnant un style décontracté. Sa chevelure folle,indomptable,achevaitleportrait.— Tu pourrais être élu homme le plus sexy de l’année, dis-je en approchant de lui. Tu es même
parvenuàfairetonnœuddecravate.Je tirai doucement sur le tissude la cravate, attirant ses lèvres contre lesmiennes.Notrebaiser fut
chaste et nous échangeâmes des sourires intimidés. Etais-je vraiment certaine de vouloir m’afficherainsi?Dedonnernotrehistoireenpâtureauxmédias?D’entendrelescommentairesdésobligeantsdespersifleurs?Mespensées négatives se perdirent dans un nouveaubaiser deGarrett. Sesmains remontèrent dans
mondosmemaintenantauplusprèsdelui.Enm’écartant,jeravalaiunrire.—Mais?!C’esttachemisedesoscars?—Oui.—Tuexorcises?—Tuasdéjàexorcisé.Etdefaçonspectaculaire.C’estjustepourleclind’œil.Jetrouvaisçadrôle.—Çal’est.Ondevraityaller,lalimousinenousattend.Garrettentouramatailledesonbrasetm’entraînahorsdelasuite.Lalimousinenousattendaitdansle
parkingsouterraindel’hôtel,aussi,nouspûmesymonterentoutediscrétion.Duranttoutletrajet,Garrettnedesserrapaslesdents,triturantnerveusementsesboutonsdemanchette.
J’observailedessindesonprofil,sestraitstendusetencaissaisesquelquessoupirsexaspérés.«Tu retournesvoirce typeet tu trouvesunmoyende le fairevenirà l’avant-premièreprogrammée
mardiprochain.»LesmotsdursettranchantsdeMarkmerevinrentàl’instantoùlespremiershurlementsdesfansnous
parvinrent.Cette soiréeavait étémonobjectifprincipal,maiscelaneme tiraitpasmêmeuneoncedesatisfaction. A la place, l’anxiétémemangeait l’estomac et je sentais les prémices d’une implacablemigraine.J’étaisparvenueàleséradiquerpendantmonséjouràSoledad.Normalement,enprésencedeGarrett, elles ne surgissaient plus.Mais avecmon retour àHollywood, le stress de cette soirée,mesconversationsdétestablesavecMark, lesmigrainesétaient réapparues,plusviolentesque jamais.Moncorpsmedonnaituneleçon.Lalimousinesegara.Cettefois,nousyétions:lehurlementdesfans,lecrépitementdesflashesetla
maindeGarrettdanslamienne.—Prête?—Prête,soufflai-je.Etrienquepourceseulmot,ceseulmensongequimeconsumaitdel’intérieur,j’auraisméritél’oscar
delameilleureactrice.
13
Garrettsortitenpremierdelalimousineetmetenditgalammentlamainpourquej’endescendeàmontour.Lesphotographesfirentcrépiterleursflashes,semblablesàdesmitraillettes.Instinctivement,j’eusunmouvementderecul,assaillieparcetteviolenceinattendue.Garrettenroulasonbrasautourdemoi,meretenantprèsdelui.Cen’estqu’àcetinstantquejeréalisai
quejetremblaisdelatêteauxpieds:lestressdecettesoiréemesubmergeaitetj’étaistaraudéeparunmauvaisetlancinantpressentiment.—Souris,murmuraGarrettàmonoreille.Etsaluelafoule.Ilmeserraunpeupluscontrelui,pendantquejerisquaisunridiculesouriretremblotant.Jemeserais
giflée d’être aussi gourde.Enmoins d’une semaine, j’avais la sensation d’avoir tout oublié. Pourtant,j’étaisdansmonmonde.Dumoins,j’étaisdel’autrecôtédemonmonde,commesij’avaistraverséuneautoroute fréquentéeenslalomantentre lesvoitures lancéesàviveallure.Amescôtés,Garretdonnaitimpeccablement le change, souriant aux photographes, saluant la foule. L’acteur avait pris le pas surl’homme.Ilmefitavancerendirectiondutapisrougeetlibéramataillepourentrelacersesdoigtsauxmiens.
Une nouvelle salve de flashesme figea, pendant que les hurlements des fans— scandalisés ?—meparvenaient.—Garrett,êtes-vousderetourpourdebon?—Quepensez-vousdesphotospubliéesaujourd’hui?—Abby,pensez-vousabandonnervotremétier?Lesquestions fusaient en tous sens et jeme sentis encore ridicule, incapabled’articuler lemoindre
son.Lesjambesflageolantes,jemontaiunevoléedemarches,avantdebifurquersurladroite.Jeretinsmon souffle endécouvrant le tapis rouge interminable qui nous attendait.Unehordede journalistes lebordait,et,justederrièreeux,unemeutedephotographes,juchéssurdesescabeaux,nousmitraillaient.—Jenepeuxpasfaireça,marmonnai-je,angoissée.—Tuasfaitdusurf,tupeuxfaireça,contraGarrettdansunsourireaffectueux.Sonsourires’effondraenvoyantmonvisage.Jedevaisavoirunemineaffreuse,terreuseeteffrayée.
Plusnousapprochionsdelasalle,plusjemesentaisnauséeuse.—Tudevraispourtantêtrehabituée,souffla-t-il.—Cen’estpasça…C’est…Laissetomber,éludai-je.Jevaismeconcentrersurcettesoirée.—Abby…—Non,jet’enprie.Tuesétonnammentàl’aise.—Jeveuxrentrerchezmoi,répondit-ilavecunsérieuxdésarmant.—Jesais.Et je le savais d’autant plus que j’avais,moi aussi, envie de retourner àSoledad, chez lui. J’avais
enviedesurfer,devoirlecoucherdesoleil,demenourrird’enchilladasjusqu’àlafindemavieetdesentirsapeauglissercontrelamienne.Je lâchai un soupir exaspéré, avant de relever le visage vers Garrett et de lui adresser un sourire
confiant.—Voilàquiestmieux.C’esttoiquiétaiscenséem’aider,merappela-t-ilavechumour.—Mesrepèressontchamboulés,m’excusai-je.—Parmoi?
—Tun’espaslecentredumonde!—Dutien,si.Quetuleveuillesounon,ajouta-t-ilenattirantmamaincontreseslèvres.Lavibrationdesavoixrauquecontremapeaufitfaireunbondàmonestomac.Garrettmefixaitavec
intensité,sesyeuxgrissombrecherchantlafailledansmonjeucalamiteuxd’actrice.Avoircettesoiréeenlignedemirem’avaitpermisde resterconcentrée,deconserverun repère,d’oublierma relationavecGarrett.J’avaistoujoursfonctionnéainsi,mefixantunobjectifpourmieuxoublierlerestedemavie.Maintenant,j’avaisunnouvelobjectif:survivreàcettesoiréeetfaireensortequeGarrettrentrechez
luisansencombre,sansscandalesetsanspaparazzisauxtrousses.—Tesfanst’attendent,tudevraisyaller,l’encourageai-je.Jevaisàl’intérieur.—Tuneveuxpasvenir?—Tucroisréellementquecesfillesveulentvoir…Ma voix s’éteignit. Qu’étions-nous au juste ? Puis, cela me revint avec une force incroyable. Son
chemindetraverse.Etilétaitlemien.Auxyeuxdupublic,j’étaisdonc…sapetiteamie.L’énormitédemarévélationm’auraitpresquefaitrougir.—…tonattachéedepresse?finis-je.—Nousauronscetteconversationplustard.Maistudoistesouvenirquetuasétéviréeetquetues
bienplusqueça.—Tuastrenteminutesavantl’arrivéedeNicole,luirappelai-je.Mesmotseurentl’effetd’unedouchefroide.Garretts’écartademoi,libéramamainetavançasurle
tapis rouge. Les cris redoublèrent, stridents et désagréables. Je me réfugiai à l’intérieur de la salle,profitantd’êtreàl’abridesregardspourreprendremonsouffle.Jevérifiailedéroulédelasoirée.—J’aiappliquétesconsignesàlalettre,lançaMarkensurgissantderrièremoi.—Mercibeaucoup.C’étaitimportantpourGarrett.Markcapturamamainetmefittournoyerpendantunecourteseconde,sifflantd’admiration.Ilarborait
unnœudpapillondeguingoissurunechemiselégèrementfroissée.—Tuesresplendissante.Tuviensàlasoirée?—J’yferaisûrementunecourteapparition.—McIntyreadonctoutestesfaveurs,tessoiréesettesnuits.Quelveinard!ironisa-t-il.—Tunedevraispascroiretoutcequiseditdanslapresse.—Lesphotosnemententpas,souligna-t-il.Unechancequ’onpuissedînerensemble?—Garrettrepartdemain.Quedirais-tudedemainsoir?Ilmefixa,abasourdi.Illibéramamainetesquissaunsourire.—Cen’estpas…—Cen’estabsolumentpassérieuxentreGarrettetmoi.Çanepeutpasêtresérieux,ajoutai-jed’une
voixquej’espéraiferme.Mavieestici.Dumoins,àforcedelerépéter,j’espéraism’enconvaincre.Maisjedevaisadmettrequecenouveau
mensongemefitmal.—Icietavecmoi?—Icietauseindel’agence,Mark,corrigeai-je,aussitôtsurladéfensive.—C’estunbondébut.JevaisallerattendreNicole.Jemefigeaiquandilm’embrassadoucementsurlajoue.Cetélandetendresseétaitauxantipodesdu
Markquejeconnaissais.Jen’étaispourtantpasdupeetsesmots,quelquesjoursauparavant,ausujetdenotrerelation,hantaienttoujoursmonesprit.Ilvoulaitplusqu’unesimpleamitiéetilattendaitdemoiquejerépondeàsesavances.Après ces journées avec Garrett, saturées d’adrénaline et jalonnées d’imprévus, ces journées de
sensationsterrassantesetdetornadeémotionnelle,maconvictionn’enétaitqueplusforte:Markétaitunamietneseraitjamaisplus.—Bravopourcedossier,Abby.Jesavaisquetuyarriverais.—Mêmesijesuistropdansl’affect?—Mes remarquesavaientpour seulbutde teprotéger.Tues sûrement lameilleuredesattachésde
pressedelaville.Jerefusedeteperdrepourunacteur…Sonregardsedurcit,glissantsurmoiàlafaçond’unebriseglacialeetdésagréable.—…ouunerobehorsdeprix,compléta-t-il.Quand ses yeux accrochèrent de nouveau les miens, j’usai de tout mon contrôle pour ravaler mon
amertume.—C’estuncadeau,expliquai-je,lespoingsserrés.Jen’allaispasveniricienjeanetenbaskets.—Ouendraps.Si jamaisquelqu’un avait undoute sur votre relation« absolument pas sérieuse»,
ironisa-t-ilenmimantexagérémentlesguillemets.—Etcombient’ontrapportécesphotos?attaquai-je.—D’amersregrets.Mitcharefusédemedonnerlenomdesonindic.— Tu es son indic. Tu avais tous les détails, tu savais que l’hôtel serait cerné, tu as distillé des
informationsunpeupartoutpourprovoquercechaos.—Sincèrement,Abby,c’estmedonnerbeaucouptropdemérite.Parailleurs,siunjourjedoistevoir
àmoitiénueetenrouléedansundrap,j’osecroirequeçaneserapasenphoto.— Je sais que c’est toi, répétai-je durement. Tu n’attends que ça sur ce dossier : un scandale, des
photos,quelquechosequiferaparlerdufilmoudeGarrett.—Etcourirlerisquedelevoirprendrelapoudred’escampette?—Lavieestfaitederisques,contrai-je.M’entendreutiliserlemantradeGarrettàcemomentprécismefitpresquerire.Quelleironie!—Notreboulot,c’estjustementdefaireensortequecesrisquesneseproduisentpas.Croiscequetu
veux,Abby.Maishormislefaitdetevoirnue,jen’aiaucunementappréciécesphotos.—Tuauraispulesreteniretempêcher…—J’airetenucellesquej’aipu.Celleoùtutefaissautersurlatabledelacuisine,notamment.Je blêmis et m’écartai deMark qui me fusillait du regard. Elles existaient donc, ces photos.Mes
oreillessemirentàbourdonner,pendantquej’encaissaislanouvelle.Marktenditlamainversmoi,maisje reculai de nouveau, ravalant mes larmes et la colère sourde qui me gagnait. A cet instant précis,j’aurais été capable de torturerMitch, avant de le tuer et d’enterrer son corps sur une plage de LosAngeles.—Toutvabien?fitlavoixdeGarrettderrièremoi.—Bonsoir,Garrett.Trèsbellearrivée,lefélicitaMark.Jetentaidemecomposerunvisageneutre,maisj’étaistropsecouéepourfaireillusion.QuandGarrett
m’observa,sonexpressionpassaaussitôtdel’agacementdevoirMarkàl’inquiétude.—Ya-t-ilunproblème?—Non…Je…—Onparlaitdesajustementsdelasoirée,mentitMark.Lesdétailsdedernièreminute.—Quelquechosequejedoissavoir?m’interrogeaGarrett.—Non.Rassure-toi,dis-jefinalementd’unevoixferme.Onvaattendreàl’intérieurqueNicolearrive,
pour assister à la projection. Tu as fait toutes tes photos ? Normalement, des journalistes doiventt’interrogerpendantqueNicole…—Respire,Abby,souritGarrett.
Puis,ilpivotaversMarketluiadressaunhochementdetêtesec.—Auplaisirdenepasvousrevoir,luidit-ilsansuneonced’humour.—Plaisirpartagé,assuraMark,glacial.L’instant suivant, j’entraînaiGarrettavecmoidans la salledepresse, ledirigeantvers lesquelques
journalistes triés sur le volet qui l’attendaient. Je patientai durant les interviews, admirative de cettecapacitéincroyablequ’avaitGarrettàfairecroirequ’ilprenaitplaisiràparticiperàtoutcecirque.Jenepouvaism’empêcherderepenseràmaconversationavecMark:iln’avaitaucuneraisondemementirsurlesphotos…Etqu’ilaitretenulespluscompromettantesd’entreellesprouvaitquel’argentnelemotivaitpas.Maissicen’étaitpaslui,quidoncavaitpudonnerdesinformationsàMitch?—Etavez-vousunedéclarationàfaireconcernantlesphotosparuesdanslapressecematin?—Evidemment,souritlargementGarrett.Puis, il approcha son visage au plus près de celui de son interlocuteur, le surplombant ainsi de sa
hauteur et de sa carrure et le fusilla du regard. D’une voix monocorde et sombre, il articula trèsdistinctement:—Allezvousfairefoutre.Je tressaillis et réapparus aussitôt à ses côtés, un sourire factice plaqué sur les lèvres malgré ces
photosetmonmalaisepersistant.J’écartail’importun,repoussaiGarrettetannonçailafindel’interview.Lejournalistedéguerpitdanslaseconde,maisjenesusdétectersic’étaitparpeurouparaviditédesonscoopàvenir.—Tiens-toibien,prévins-jeGarrett.—Jecroyaisquetulesavaisbrieféssurlesquestions.—Jel’aifait,mentis-je.Maisjenepeuxpaslesempêcherdetenterleurchance.Unesalved’applaudissementsetdecrisvenantdel’extérieurnousfitsursauter.Nicoleétaitarrivée.
Garrettsefigeaprèsdemoietsonvisagepâlitdansl’instant.Ilpritmamaindanslasienneetlaserraàm’enfairemal.—Jeveuxrentrerchezmoi,dit-il.—Moiaussi,murmurai-je.—Tuveuxrentrerchezmoi?s’amusa-t-il,ravidesablague.—Jeveuxmevautrerdansmoncanapé,mangeruneboîtedechocolatset regarderunfilmaveccet
acteurquimefaittournerenbourriquedepuisdesjours.—Quelinsolent!s’esclaffaGarrett.Situmedisaisplutôtcequitemetsiencolère.D’ungestede lamain, ilhélaunmembredupersonneletcommandadeuxcoupesdechampagne.Je
haussaiunsourcilàsonattention,surprisedelevoirjouerladiva.—ARome,onfaitcommelesRomains,expliqua-t-il.Leserveurrappliquadanslesdeuxminutes,etGarrettmetenditunecoupe.Illevalasienneetplongea
sonregarddanslemien.—Auchemindetraverse,lança-t-il.Ohnon…Auxenchilladassanspoivrons.—Auxprisesderisque?proposai-je.—Auxmagnifiquesruptures.Sanslesavoir,Garrettm’offritlaréponsequej’attendais.Nousavionsdoncbienrompu,notrerelation
s’achèveraitbiencesoir,aumomentdugénériquedefindufilm.L’imagem’auraitpresquefaitsouriresiellen’avaitpasétésicruelleetdouloureuse.Moncœurseserraet jeclignailesyeuxpoureffacerleslarmesquiperlaient.SurvivreàGarrettallaitêtremonprochaindéfi.Nousbûmesunegorgéedenotrechampagne,puisGarrettm’attiracontreluietm’offritunbaisertendre
surleslèvres.Saboucheavaitencorelegoûtdel’alcool,légèrementsucréetdélicieusementgrisant.
—Maintenant,raconte-moi.JeluiracontaisuccinctementmaconversationavecMark,Garrettponctuantmonrécitdegrognements
désapprobateurs.—Ilvafinirparl’avoirsonoscardumeilleurconnardd’Hollywood,commentaGarrett.—Sûrement.L’agitationgagnapeuàpeu la salle.Lebrouhahade l’extérieur se calmaprogressivement, avantde
reprendredeplusbelle.Nicoledevaitêtreentraind’enfinir.Quandellepénétradanslasalle,sabeautéetsonélégancemefrappèrentdepleinfouet.Lespoingssurleshanches,ellescannalasalleduregardetesquissaunsourireredoutableenrepérantGarrett.J’étaispétrifiée,mesyeuxrivéssurlefourreaurouge,diaboliquementsexy,qu’elleportait.Unefente
indécenterévélaitsajambedroite,unpendentif,nichédanslecreuxdesesseins,mettaitenvaleursondécolleté,etsalonguechevelurecascadaitsursesépaulesàlafaçondecesdivasdesannées30.D’unedémarcheféline,elleapprochadenous.Garrettsemblaitcaptifdesonregardbleuazur;quantà
moi,jemesentaisminuscule,apprêtéeet…provinciale.Uncoupd’œilversGarrettmeconfirmacequejeredoutais:illafixait,fasciné,hypnotiséparcettefemmequ’ilavaitaimée.Qu’ilaimaitsûrementencore,songeai-je.Moncœurseserraàcettepensée.JenefaisaisdéfinitivementpaslepoidsetNicoleétaitvisiblement
prêteàreconquérirGarrett.Etelleyparviendraitenunclaquementdedoigts.Lesoufflecourt,jetentaidetrouverunsubterfugepouréviterlechocNicole/Garrett.J’avaisfaitl’impossiblepouréchelonnerlesarrivées. Je redoutais les conséquences explosives d’une rencontre, avec du public, entre Garrett etNicole.—Ondevraitaller…—Laisse-moiavecelle,quelquesminutes.—Maisjecroyaisquetunevoulaispaslavoir.—Jeneveuxpasêtrevuavecelle,nuance,mademoiselleHarper.Et voilà, j’étais redevenue mademoiselle Harper. J’encaissai ce coup bas, ravalant une remarque
fielleuse.Jeposaimacoupedechampagne,lesmotsdeGarrettdansantdansmatête.«Auxmagnifiquesruptures…»Jen’avaisétéqu’unpasse-temps.FaceàNicole,jenefaisaisdetoutefaçonpaslepoids.Jen’avaisjamaiscompriscommentunhommecommeluiavaitpumetrouverattirante.Maintenantquesonexd’actrice se trouvait dans lamêmepiècequemoi, je comprenais enfin. Jen’étais pas à la hauteur.Garrettavaiteul’élégancederompreclairementavecmoipourensuitemieuxretrouverNicole.—Ilesttempsd’affrontermesdémons,murmura-t-il.—Bien.Je…JevaisfinalisercertainsdétailsetsaluerKaylee.Mavoixn’étaitplusqu’unfilet,etGarrett,leregardtoujoursfixésurNicole,nepritmêmepaslapeine
demerépondre.Jesentisunevaguedecolèremonterenmoi:etdirequ’ilm’avaitfaitchangertoutledéroulépourfinalement…luiparler!Jem’éclipsai,laissantGarrettetNicolejouerlagrandescènedesretrouvailles.Encheminverslescoulisses,jesaluaiKaylee,qui,toutsourire,mepritdanssesbras.—Monattachéedepressememanque…Mais,detouteévidence,jen’aipaslesargumentsdeGarrett
McIntyre.—Rassure-toi,mamissionfinitbientôt.Jevaisdemanderàreprendretondossier.—J’ensuisravie.Chloéesttrèsbien,maiscen’estpastoi!—Commentvas-tu?As-tuenfincessétesbêtises?—Mamèreestàlamaisonencemoment.Ellemefaitmangerdeslégumesetmeforceàmecoucher
avant22heures.Mavieestunenfer,Abby,jet’assure,ilfautquetumereprennes!s’esclaffa-t-elle.
—Tuasl’airenbonneforme.Cetterobeestravissante,d’ailleurs.Chloéafaitunexcellentchoix.—Cen’estpasChloé,riposta-t-elledurement.Ellevoulaitmefaireporteruntruchideux.Tuassistesà
laprojection?—Normalement,oui.Jetevoisplustard.J’aiquelquesdétailsàrégler.—Biensûr.Dansungestespontané,ellemerepritdanssesbras.Derrièreelle,jevisChloé,discutantavecMark.
Ilsconsultaientleursmessages,sourcilsfroncés,etMarksemblaitterriblementcontrarié.QuandKayleeme libéra, je risquai un regard vers Garrett. Il avait disparu, tout comme Nicole. Je soupirai et medirigeaiversl’arrièredescoulisses.J’entrai dans une petite salle sombre et, sitôt la porte fermée, me cognai douloureusement le front
contreunepoutredebois.Jetapairageusementcontrelacoupable,maudissantlescheminsdetraverse,lessurfeursetlesactricestropsûresd’elle.Jerefusaid’imaginercequecesderniersétaiententraindefaire.Leslarmesmenaçaientdecoulersurmesjoueset,aprèsavoirfaitlauneàmoitiénue,jenevoulaispasqu’onmesurprenneenpleinecrisedenerfs.Jelaissaipasserplusieursminutesetautantdesanglotsétranglésdanslefonddemagorge.Jedevais
tenirlecoupetaffronterlasituation.J’auraistoutletempsdem’effondreraprèsledépartdeGarrett.Etje pourrais alors le détester à loisir. Je le connaissais depuis à peine une semaine, il ne pouvait paschamboulerma vie à ce point. Je refis finalement surface, arborant un visage demarbre. La salle deprojectionétaitquasiment remplie. Je cherchaiGarrettdu regard, sanspouvoir le repérer. Je finisparpercuterChloéetm’excusaiaussitôt.—Tuessurlesnerfs,dit-elleenm’observant.—JechercheGarrett.Laprojectionvacommencer.—IlétaitavecNicoletoutàl’heure,prèsdubar.—Ahoui?lâchai-je,entreagacementetsoulagement.— Il te cherchait aussi, ajouta-t-elle en souriant. Il semblait plutôt nerveux.Tu es certaine qu’il va
bien?—Iliramieuxquandilquitteracetendroit.Moiaussid’ailleurs,ajoutai-jedansunmurmure.—Onsevoitàl’afteralors?—Je…Peut-êtreoui.Jet’aivueavecMarktoutàl’heure,ilyaunproblème?—Absolument pas.Mark est juste contrarié de te savoir avecun autre que lui. Il a failli faire une
attaqueenvoyant lesphotoscematin. Ilasauvécequ’ilapu.D’ailleurs,à taplace jechercheraisunautrepointdechutepourcesoir.—Tuasprobablementraison,marmonnai-jeensongeantauxpaparazzisquidevaientattendredevant
chezmoi.JerejoinsGarrett,jegèrecetteprojectionet,ensuite,jedécampe.Jepartisendirectiondubar, retrouvantenfinGarrett,enpleineconversationavecun journaliste.Le
soulagementmegagna…jusqu’àcequeNicolesematérialiseàmoncôtéetmetoisefroidement.—Jecroisquenousn’avonspasétéprésentées.—AbigailHarper,dis-jeentendantmamainverselle.—NicoleDouglas, raviedevous rencontrer.Garrettm’aditbeaucoupdebiendevousetdevotre
travailensemble.—Ah.C’esttrèsgentil,marmonnai-je.—Ilm’aditquevousétieztrèsprofessionnelle.Cequim’aunpeusurprise.—Acausedesphotos,finis-jepourelle.—Notamment.Garrettetmoisommesencoretrèsliés.—Trèsliés?Vousvoulezdiretrèsliéspourdespersonnesquinesesontpasparlédepuisplusdedix-
huitmois?—Nousavonsvécuunemagnifiquehistoire.Etnousfaisonslemêmemétier.—D’après ce qu’ilm’a dit, vous avez en effet été une très bonne actrice.Oui, je suis au courant,
ajoutai-je,victorieuse,enobservantlevisagedeNicolesedéfaire.—Est-cequevousmemenacez?demanda-t-elle,dansunricanementsinistre.—Pourquoi le ferais-je ? Je sers les intérêts deGarrett. Il refuse de vous trahir et je respecte sa
décision…mêmesijenelacomprendspas.Maiscen’estpasmonrôledeluidictercequ’ildoitfaireounon.—Peut-être.Puisquenousparlonsd’intérêt,dites-moiquiavaitintérêtàvoircesphotospubliées?—J’aipeurdenepascomprendre.—Ehbien,Garrettn’apasvraimentbesoindepublicité.Et,corrigez-moisijemetrompe,maisvotre
contratavecluifinitbiencesoir,non?—Jen’aipaslaprétentiond’avoirvotredonpourlamanipulation,grognai-je, lespoingsserrés.Je
n’aipasmontécettehistoire.—Alorsquoi?Vousavezdessentimentssincèrespourlui?Devantmonsilence,ellem’adressaunsourirediaboliqueetfétide.—JecompterécupérerGarrett,alorssij’étaisvous,jeresteraishorsdemonchemin.D’unmouvementdelamain,ellemerepoussaetsedirigeaversGarrett,désormaisseul.Jel’observai,
aveccettefascinationmalsainequ’onaparfoisàobserverunaccidentdevoiture.Jenesaispascequimefitleplusmal:voirGarrettsourireàNicole,constaterqu’elleavaitsamain
sur son avant-bras ou peut-être admettre enfin que leur couple était toujours bien présent. Les larmesroulèrent aussitôt sur mes joues, pendant qu’une douleur inouïe me transperçait la poitrine. Les yeuxbrouillés, je constatai qu’il n’y avait aucun photographe et je souris presque de ce réflexe trèsprofessionnel.J’acceptaisd’avoirmal;maisêtrehumiliée,traînéedanslaboueetraillée…J’eusunrirenerveuxen
songeantaucommuniquédepressequej’auraisdûécriresij’avaisétémaproprecliente.Jetournailestalons,essuyaimeslarmesrageusement,etregagnailasalledeprojection.Celle-ciétait
bondée,bruyanteetplongéedansunesemi-obscurité.Unpeuhébétée, je longeai les rangéesdesiègespour trouver lasortie.A l’instantoù j’ouvris laporte, jecomprisque j’avais fait lapireerreurdemacarrière.Oupeut-êtrequec’étaitladernièred’unelongueliste…Une dizaine de photographes se tenaient dehors et nousmitraillèrent,moi etmon visage rainuré de
larmesetdéforméparlacolère.Jerefermailaporteaussitôt,paniquée.Jedevaisquittercetendroit.—Est-cequetoutvabien,Abby?demandasubitementChloé,surgiedenullepart.—Je…Jeveuxquittercetendroit,expliquai-jed’unevoixblanche.—OùestGarrett?—AvecNicole.—Viensavecmoi,m’intima-t-elleenmeprenantparlamain.Ilyaunesortiederrière.—Jen’ainullepartoùaller.—Onvachezmoi.JevaisprévenirKayleepourqu’ellet’accompagne.Laisse-moideuxminutes,le
tempsd’approchermavoiture.Unrirenerveuxm’échappaenréalisantl’énormitédelasituation.J’étaisentraindefuircettesoirée
désastreuseetGarrett…letoutenessayantd’échapperauxphotographes.J’étaispasséedel’autrecôtédelabarrière.Lasalleplongeadanslenoir,pendantqueChloém’attiraitavecelledanslescoulisses.Derrièremoi,j’entendisdespasheurtéspuis,distinctement,lavoixdeGarrett:
—Abby!Les larmesmebrûlèrentdenouveau lesyeux.Moncorpsn’étaitplusqu’un tourbillond’émotions,à
boutdeforcesetdevolonté.Chloémetraînajusqu’àsavoiture,m’encourageantàtenirlecoup.Installéedansl’habitacle,jecroisaileregardfurieuxethagarddeGarrettdanslerétroviseur.Lesouvenirdenotretoastmerevintdenouveau.—Auxmagnifiquesruptures,murmurai-je.Chloécalal’oreillettedesontéléphoneetm’adressaunsourirerassurant.Meslarmessetarirentd’un
coup, pendant que je me rejouais en accéléré la semaine que je venais de passer. Notre rencontrehouleuse,maluttepourluisoutirerdesinformations…etnous.Ce«nous»quiétait,aumieux,unmomentd’égarement,aupire,unecomédiefumeusedelapartdeGarrett.Jem’envoulaisd’avoirbaissémagardesi facilement. Dès que j’avais croisé le regard de Garrett, j’avais décelé son potentiel dangereux etimprévisible.J’auraisdûmedouterquecelafiniraitenfiasco.JericanaistupidementensongeantauxmotsdeMark:nousvivionsbeletbiendanslemondedela
supercherie.
14
Mercredi23septembre
JepassailanuitsurlecanapédeChloé.Apathique,amèreettriste,j’étaisrestéeunepartiedelanuitdevantlatélévisionàzapper.Garrettétaitpartout.L’événementdesonretourgarantissaitmaintenantaufilmdefaireunepremièresemaineexceptionnelle.Laprojectionavaitétéuneréussite,etlescritiquesvantaientlesqualitésdejeudeGarrett,l’inscrivant
d’oresetdéjàsurlalistedesnominésauxprochainsoscars.Peut-êtreyparticiperait-il.Jen’étaisplusenmesuredeprévoirlecomportementdeGarrett.AvecNicolederetourdanssavie,sacarrièred’acteurluitendaitdenouveaulesbras.Ilpouvaitrevenirici,reprendresavielàoùill’avaitlaissée.Avecunrireamer, je songeai qu’il pouvait de nouveau tout plaquer du jour au lendemain, faire unmagistral doigtd’honneuràHollywoodetenrirejusqu’àlafindestemps.Imprévisible.Bien sûr, l’événement concomitant, c’étaient les retrouvailles avecNicole.Heureusement pourmon
cœurenmiettes,iln’yavaitpasdephotospourl’instant.Commelevoulaitlaformuleconsacrée,«unprocheducouple»témoignaitdeleuraffectionréciproque,delamagieentreeuxetdelapossibilitéd’unnouveaufilmensemble.Nicole était parvenue à ses fins : d’une manière ou d’une autre, elle avait réussi à « récupérer »
Garrett.Qu’il soit associéà sonnométait sa seulepublicitéutile. Jeparvinsà sommeillerunecourteheureaupetitmatin,pendantquebourdonnaientàlatélévisionlesinformationsmatinales.« Le soleil régnera en maître aujourd’hui sur la Californie. Les températures, déjà hautes pour la
saison,devraientatteindredessommets.»Lavoixnasillardedelaprésentatricemétéometiraungrognement.Malinstalléesurlecanapé,j’avais
ledosencompote.Unemigraineexceptionnellemevrillaitlecrâne,m’oppressantàm’enfairegrimacer.Chloéapparut,déjàdouchéeethabillée,merenvoyantàmonétatprochedudélabrement.—Bonjour,rayondesoleil,chantonna-t-elle.Jeluilançaiunregardpeuamène,avantdemeleveretdemedirigerverslasalledebains.—Jet’aisortiunejupeetundébardeur,hurlamonamie.—Super,merci.Monrefletdanslemiroirétaithorrible.Descernesmonstrueux,desyeuxrougis,unteintblafard,une
coiffure improbable. Et, quelque part dans le fond de mes yeux, le souvenir de Garrett. Où était-ilmaintenant?ProbablementdanslemêmelitqueNicole?Aprèsm’êtredéshabillée,abandonnantmarobeausol,jemejetaisousladouche.L’eaufraîchechassa
manuitdésastreuseetmepermitdecacherdenouvelleslarmes.Pourquoipleurais-jeautantdepuishier?Notresimulacred’histoiren’avaitduréquequelquesjours.Etcen’étaitpascommesinousavionseuunavenirdetoutefaçon.—Abby?criaChloéderrièrelaporte.—Oui?—Ilestici.Jecoupail’eauimmédiatementetessuyaimesyeux.—Garrettestici,répétaChloé.Mon cœur manqua un battement et je trébuchai en sortant de la cabine de douche. J’enfilai les
vêtementsqueChloém’avaitprêtésetfrictionnaimescheveuxdansuneserviette.Qu’est-cequ’ilfichaitici?Danslemiroir,monvisagesemblaitplusfrais.Jeprisuneprofondeinspiration,merépétantlaseulearmeargumentquej’avais:j’étaissonattachéedepresseetnotrecollaborationcessaitaujourd’hui.Amonarrivéedans lesalonrégnaitunsilencedeplomb.Garrettbuvaituncaféassissur lecanapé,
pendantqueChloéseplanquaitdanslacuisineattenante.—Abby!s’exclamaGarrettenselevantducanapé.Çafaitdesheuresquejetecherche.—Quefais-tuici?Mesmains tremblaient etmavoix, éraillée, n’était guère convaincante. J’allaisme faire laminer en
deuxsecondes,jelesavais.Enpleinepossessiondemesmoyens,j’étaisdéjàfaiblefaceàGarrett.Avecmanuitblancheetmonchagrin,jenetenaispasladistance.Etinévitablement,quandsonregardcroisalemien,maprécieusecarapacesefendilla.Malgrénotrerupture,ilyavaittoujourscetteattirancecrépitanteentrenous.Garrett portait son costume de l’avant-première. Sa chemise était sortie de son pantalon, sa veste
froissée,etsacravatependaitlamentablementautourdesoncou.— Je dois aller à l’agence, repris-je en passant une main nerveuse dans mes cheveux. J’ai un
débriefing.—Ilfautqu’onparle,Abby.Tuespartiehiersoiret…—Etnotrecollaborationacessédepuis,finis-jepourlui.Garrettm’adressaunregardfurieux,puisilavançaversmoietm’agrippalecoude.—Maisqu’est-ceque…,m’écriai-je.—Onvaàl’agenceensembleetondiscuterasurlechemin,décréta-t-ilenm’attirantavecluiversla
portedel’appartement.—Garrett,jenesuisplustonattachéedepresse,insistai-jeenmedébattant.—Ettuaspriscettedécisionhiersoir?—C’étaitactédèsledébutdenotrecollaboration!Nous passâmes la porte, samain toujours fermement crochetée autour demon coude, etGarrettme
conduisitverslarue.Ildésignaunevoituredumentonetmelibéra.—Grimpe,jet’amène.Etnetentepasdenégocierquoiquecesoit!Fébrile,jem’exécutai,m’installantavecprudencedanslavoiture.Moncorpsétaitcrispéetmondos
encore noué de ma nuit quasiment blanche. Mon cœur frappait à une cadence folle, pendant que mapoitrinesecomprimaitd’angoisse.Nerveusement,jefrottaimesmainsl’unecontrel’autre,alorsquelavoiturebonditlorsqueGarrettdéboîtadanslarue.—IlyadesphotosdeNicoleetmoiunpeupartout,annonça-t-ilaprèsunlongsilence.—J’aieneffeteuventdelabonnenouvelle.Maisjen’aipasencorevulesphotos.—Nesoispasridicule,tusaisquetoutcelaestfaux.—Jevousaivus,Garrett.Jet’aivuladévorerduregard,jel’aivue…marquersonterritoire.—Jeneladévoraispasduregard,nia-t-ilavecvéhémence.—Bien sûr que si. Tu avais les yeux rivés sur elle, tu la détaillais. J’ai encore un peu de dignité,
Garrett,jesaism’effacer.—C’estpourçaquetuespartie?— Je suis partie parce que tu as porté un toast auxmagnifiques ruptures ! Je suis partie parce que
Nicole m’a clairement fait comprendre qu’elle voulait te reconquérir et que tu n’as rien fait pour larepousser.Jen’avaisaucuneraisonderester!m’exclamai-je,follederage.—Aucune raison ?Bon sang,Abby, cette histoire de toast était une fichue blague ! enragea-t-il en
frappantsonvolant.UneputaindeblaguequelaAbbydeSoledadauraitcomprise!
—LaAbbydeSoledadn’existepas,luirappelai-je.—Marrant,parcequej’aifaitl’amouravecellehiermatinetellevoulaitquejerestedanscetteville
pourêtreavecelle.Nousroulionstropvite.Garrettzigzaguaitentrelesvoitures,etpilasoudainpouréviteruncamionde
livraison.Jemecramponnaiàlaportière,étouffantuncrideterreur.—TuaimestoujoursNicole,murmurai-je.— Non, affirma-t-il d’une voix forte. Je… Bon sang, Abby, je voulais juste éviter tout un tas de
problèmes.Tuauraispréféréque je l’envoiebaladerdevant les journalistes?J’auraispu lefaire, j’aivoululefaire.Maistum’asditquetuaimaistonmétier.Jenevoulaispas…Jenevoulaispasruinertacarrièreenexplosant.—Tuaseumoinsdescrupulesavectonancienneéquipe.—Certes,maistueslàmaintenant.Enfin,tuétaislà.Tuveuxquejetedise,tun’espasunfichuchemin
detraverse,tuesunputaindechemintortueux,têtuetglissant.Unrirem’échappaetGarrettm’adressaunregardamusé.—Etçatefaitrire?—Tuasl’artducompliment.Puisqu’onenestauxdéclarations,jedoistedirequetuesleclientle
pluspénible,leplusexigeantetlemoinscoopératifavecquij’aijamaistravaillé.Tuesuneexpériencedevieàtoitoutseul.Iléclataderire,puislentement,alorsquelebâtimentdel’agenceseprofilaitauloin,laréalitédureet
brutalenousrattrapa.Cettefois,nousyétions,àcettemagnifiquerupture.Lesilenceemplitl’habitacle,pendantqueGarrettsegaraitfaceàl’agence.Quelquesphotographesfaisaientlepieddegrue,maisnenousavaientpasencorerepérés.—TurentresàSoledad?—Eneffet.Jecroisque,cettefois,Hollywoodetmoisommesvraimentfâchés.Tusaisoùmetrouver.—Garrett,mavieestici,dis-jed’unevoixtremblante.Ilapprochasonvisagedumien,plongeadansmonregard,parvenantainsiàmefairedouterdemes
propresdécisions,puis,d’unevoixdouce,murmura:— Perds le contrôle, Abby. Et quand tu l’auras perdu pour de bon, quand il sera porté totalement
disparudanslesbas-fondsdeLosAngeles,jet’embrasseraidenouveau.Sonregardsebraquasurmeslèvresetjerefoulailedésirpuissant,incandescentquibrûlaitmoncorps.
J’auraistoutdonnéàcetinstantpourqu’ilm’embrasse,pourqu’ilmeprennedanssesbraspuissantsenm’assurantquetoutiraitbien.Ilpritmonvisageencoupeetdéposaunbaiserchastesurmonfront,faisantperlerdenouvelleslarmesàmesyeux.—Unemagnifiquerupture,chuchota-t-il.—Jereviendraitevoiravecl’oscarquetuvasgagner,tentai-jedeplaisanter.—Jesuisdésolé.—Onnedoitpasêtredésolépourça.—L’incontrôlable?demanda-t-il.—L’imprévisible.Quejeleveuilleounon,ajoutai-je.Jefusrécompenséed’unfaiblesourireetcelamedécidaàsortirdelavoiture.Jedevaisaffronterma
viesansGarrett,reprendremontravail,retrouvermeshabitudes.Jetraversailaroutesansunregardenarrière;j’avaisl’impressiond’êtredansuneautredimension,réalisantàpeinequeledossierMcIntyreétaitdésormaisclos.Seulunfrissondésagréablemeparcourutquandj’entendislavoituredémarrer.Quandj’entraidansl’agenceettraversailaruche,l’activitécessaaussitôtetlesregardsconvergèrent
versmoi.Jemedirigeaiverslemurdesrumeurs,etconsciencieusement,jeretiraitouteslesphotosoù
Garrett apparaissait.Nicole avait prismaplace tout enhaut.Unebouledechagrin se coinçadansmagorge en les voyant rire et parler ensemble. Les fameuses photos dont Garrettm’avaient parlé. Ellesétaientédifiantes:n’importequipouvaitcroirequ’ilsétaienteffectivementencouple.Delasupercherie,unefoisdeplus.Le brouhaha reprit alors que je finissais ma tâche en jetant les coupures de presse à la poubelle.
J’observailadernièrephotoplusattentivement:Nicoleavaitlamaincramponnéeàl’épauledeGarrett.Cedernierfixaitlesol.Laphotoétaitfloue.Etàsongrain,àsoncadrageinhabituel,jecomprisqu’ellen’avaitpasétépriseparunphotographe.Je
cherchaisdansmessouvenirsdelasoirée,maisj’avaisététellementcaptivéeparGarrettquej’enavaisoccultélereste.Jerangeailaphotodansmapoche,songeantàinterrogerChloéetMark.Cedernieravaitcertainement
lalistecomplètedesinvitésetsamémoireavaittoujoursétémeilleurequelamienne.Jejetaiunderniercoupd’œilàlaruche,remarquantdistraitementqueleschaînesspécialiséesdansle
divertissementsefaisaientunrégaldesdernièresinformationsconcernantGarrett.D’iciàdeuxjours,ilspasseraientàautrechose.Jegagnaimonbureaud’unpastraînant,tandisquemonespritvagabondaitdanslesvaguesdeSoledad,
fendaitl’océan,s’abandonnaitdansunemaisonentravaux.Labaievitréedemonnouveaubureau—quejedécouvraisaujourd’hui—m’offraitunevuespectaculairesurlaville.Lesoleilblancinondaitlesrueset,entendantl’oreille,jepouvaisdevinerlebruitdesvoitures.—Jet’aiprisuncafé,lançaMarkdansmondos.Deboutdevant la fenêtre, je retirai vivementmesdoigts demes lèvres. Jepivotai,me composai un
visageparfaitementneutre.—Tuesresplendissante,mecomplimentaMarkenmetendantungobeletdecafé.—Pourunefillebientropdansl’affect?ironisai-je.—Pourunefilleencavale,rectifia-t-il.—Tuesducôtédel’ennemi.CommentvaNicole?—Sûrementmoinsbiendepuisquejeluiaiannoncéquejenevoulaispluslareprésenter.Jehaussaiunsourcilstupéfait,plongeant lenezdansmoncafé.Jen’avaisrienavalédepuispresque
unejournéeetj’espéraiscalmermamigrainecalamiteuse.—Jepensaisfaireuncommuniquéausujetdesphotos.—Pourdirequoi?Garrettestreparti,toutecettehistoirevaretomber.—Jepensaisl’axersurlefilm.Ilaurasûrementl’oscar,fitremarquerMark.—Etilleferavalserjusqu’enIrlande.Acesujet,tuaslalistedesinvitésdelasoirée?—Jedoisl’avoirdansmonbureau.Demémoire,ilyavaitcinqcentspersonnes,essentiellementdes
journalistes.—Desphotographes?—Pasàmaconnaissance.Abby,jesaiscequetucherchesàfaire.Lesphotossontsorties,inutilede
chercherlecoupable,soupira-t-il.—Est-cequec’esttoi?—Pitié,Abby !Non !Non,cen’estpasmoi, s’agaça-t-il.Pourquoi ferais-jeun trucpareil?C’est
sûrement un opportuniste qui a compris qu’il allait se faire de l’argent facilement. Tu devrais oubliercettehistoire.J’observaiMark,passablementagacé.Enunesemaine, leschosesavaient radicalementchangéentre
nous.Notreamitiébancaleétaitdésormaiscomplètementbrisée,anéantieparledossierMcIntyre.—Jem’inquiètepourtoi,reprit-ilpluscalmement.
—Aquelsujet?—Garrett,biensûr.Aquelpointétait-cesérieux?—Jel’aiamenéicietilaassurésonavant-première.Tun’aspasbesoind’ensavoirplus.— Je peux donc t’inviter à dîner ce soir, sans craindre… Je ne sais pas, qu’il mette le feu à ma
voiture?rit-il.—Lavieestfaitederisques.Unevaguedenostalgiem’étreignitdenouveauetmesyeuxs’humidifièrent.Maiscettefois,cen’étaient
pasdeslarmesd’amertumeoudetristesse.Voilà,cequiresteraitdudossierMcIntyre:sacapacitéàmefaireperdrelecontrôle,mêmeenétant loindemoi.JedétournaimonvisagedeMark,camouflantmonémotiondanslepanoramafaceàmoi.Dansunsourire,j’imaginaiGarrettdanssavoiture,serpentantaumilieududésert,braillantLaBamba,
sansaucunregret.Cetteseuleimagemeréchauffaet,soudain,cefutcommesijen’étaisplusenapnée.J’étaisheureuse,libéréedelachapedeplombquim’étouffaitdepuisledépartdeGarrett.Maintenantquejefaisaisfaceàlaréalité,àsondépart,ànotrerelationetauxcicatricesqu’elleavaitlaissées,toutmesemblaitsimple.—Quejeleveuilleounon,murmurai-je.—Toutvabien,Abby?Markposasamainsurmonépauleet, leslarmesdévalantmesjoues,jel’étreignis.Unlargesourire
barraitmonvisageetjemesurprisàdéposerunbaisersurlajouedeMark.—Merci.Pourcedossier.—Jesavaisquetuyarriverais,Abby.Garrettavaitjustebesoind’unboncoupdepiedauculcomme
toiseulesaislesdonner.J’éclataide rire etm’écartaideMark. J’essuyaimes larmes, reniflai lourdementetm’installaidans
monfauteuil.Avecceslarmes,mafatigues’étaitestompée.Pourlapremièrefoisdelajournée,jesavaiscequejedevaisfairepourGarrettetpourmoi.Pourm’apaiseretpour…reprendrelecontrôle.—Jedoisencoreécrirel’articledel’interview.—Onpeutfairesans,proposaMark.Jepeuxtoutàfaitnégocierça…—Non,jeveuxlefaire.S’ilteplaît.—Bien.Jetelaissetravailleralors.Il s’éclipsaquelquessecondesplus tardet jecommençaimonarticlesurGarrett. Je rassemblaimes
souvenirs,ravalantparfoisdesriresenrepensantàsamanièreinimitabledemerendrecinglée.J’avaiseulaprétentiondedirequejelecomprenais.C’étaitfaux.«Jecroisquej’aitoujoursrêvéd’avoirunefemmeàmespieds.Unechancepourvousquejepréfère
lesbrunes.»C’étaitcejour-làquetoutavaitcommencé,cejour-làqu’ilm’avaitforcéeàréfléchirdifféremment.Il
m’avaitpousséedansmesretranchements,révélantuneAbbyquejeneconnaissaispas.UneAbbylibre,etprêteàs’abandonnerendeuxjoursàunhomme.C’étaitseulementmaintenantquejecomprenaislesmotivationsdeGarrettetsasoifdelibertéabsolue.
Maintenant, en observant la teinte aveuglante du ciel de Los Angeles. A Soledad, le ciel était rose,irradiaitdemauves,seteintaitparfoisd’orangés.Lecieldelà-basn’avaitriendecommunaucield’ici.«Bienvenuedansmonmonde.»Sonmonde.Unmondeoùiln’yavaitpascettefrénésiedemouvements,cebrouhahaperpétuel,cette
luttepoursortirdulotetsauverdesegoenpièces.Unmondeàpart.Calme,serein,oùtomberamoureuxn’étaitpasenunedetouslesjournaux.
Enfindejournée,satisfaitedemonarticle,j’enfisunecopieetquittaimonbureaupourrejoindreceluideChloé.Celle-ciétaitautéléphone,vociférantcontreunepauvreâme.Ellemefitsigned’entrer,puis,aprèsunedernièreinvectiveàl’attentiondesoninterlocuteur,elleraccrocha.—Lesavocats,râla-t-elle.Alors,cettejournée?—Çava,çava.Jevoulaisteparlerd’untrucimportant,situascinqminutes.—Jepasseunetêteàlarucheetonvaboireunverre?Jemeursdesoifetj’aidramatiquementbesoin
d’alcool.Ellese levadesonfauteuilet,sansattendremaréponse,sedirigeavers laruche.Jecontournaison
bureau, puis me figeai en découvrant l’écran de son ordinateur. Je clignai les yeux plusieurs fois,incrédule.Sousmesyeux,unmaildeChloéàl’attentiondeMitch.
De:ChloeMillerA:MitchAdamsObjet:NotreaccordMitch,Commeconvenu,voicilesphotosquej’aipuprendrelorsdel’avant-première.Cenesontquedeséchantillons.Jelaisserail’exclusivitéàPeople,s’ilss’alignentsurleTorch.$200000estunesommeacceptable.Tacommissionettadiscrétionsontcomprises.
Je cliquai sur les pièces jointes, découvrant les photos volées de la soirée et même une photo deGarrettetmoi,cematinmêmedanssonsalon.Fébrile, jem’effondrai dans son fauteuil. Il y avait des dizaines de photos deGarrett et demoi.Y
comprislesfameusesphotosqueMarkétaitparvenuàécarter.LeprécédentmessagedeMitchétaitclair:il annonçaitque leTorch proposait centcinquantemilledollarspourunenouvelle sériedephotos.Sacommission,entantqu’intermédiaireentrelejournaletChloé—ellevoulaitresteranonyme—s’élevaitàquinzepourcentdelasomme.Lesoufflecourt, jesentis labile tapisser le fonddemagorge.Laragemeconsumait,cette trahison
étaitunvéritablecoupdepoignard.Jerelevailesyeuxverslaruche,etconstataiqueChloérevenaitàsonbureau,toutsourire.Enmevoyantdevantsonécran,leregardaccusateur,ellesefigea.—Detouteslespersonnes…Commentas-tupufaireuntrucpareil?dis-jed’unevoixfroide.—Cen’estpas…Savoixs’éteignitàl’instantoùjemelevai,lafusillantduregard.Jen’avaisjamaisressentiunetelle
colère,unetellerage,etjemesentaiscapabledupire.Jemepostaifaceàelle,espérantuneexplication,voiredesexcuses.—Tuasprisetvenducesfichuesphotos.TuasdonnélesinformationsàMitchpourmonappartement.—Toutel’agenceétaitaucourant!contra-t-elle.—Etalors?Noussommesamies,collègues!Garrettétaitunclient,toutcelaétait…confidentiel!Elleeutlapolitessedeblêmir,puisdereculerquandjerétrécisl’espaceentreelleetmoi.Luttantpour
conservermonsang-froid,jeluiadressaiunregardnoir,avantd’esquisserunsouriremauvais.AprèscesjourspassésavecGarrett,j’avaisprisfaitetcausepourcertainesdecesstratégies,notammentcellesdelagestiondeconflit.Jereculaietvérifiaid’uncoupd’œilquelescollaborateursdel’agenceprofitaientduspectacle: le
publicestlemeilleurvecteurdepublicité.Jecontournailebureau,soulevaicertainsbibelots,fistomberduboutdesdoigtssonmugdecafé,puis
saisissontéléphoneportable.Unnouveausourirebarramonvisage.—Tupermets?Sansattendresaréponse,j’envoyaidetoutesmesforcesl’appareilsefracassercontrelemur.Chloé
reculavivementverslaporte,pendantquelafoulederrièreelleapplaudissait.—Etjepensequetunevasplusavoirbesoindetoutça.Duplat de lamain, je vidai son bureau en poussant tout au sol. Satisfaite demon effet et heureuse
d’avoirdéchargémacolère,jequittailapièceenportantl’estocade:—Aufait,tuesvirée.Jeremontail’escalierettombainezànezavecMarkquiledévalait.Levacarmeavaitdûlesortirde
sonbureau.Enunseulregard,ilcompritlasituation.—Abby?m’appela-t-ilenrebroussantchemin.D’unpasrapide,jegagnaimonbureauetglissaidansmonsacmesquelqueseffetspersonnels.Mark,
paniqué,apparutàmaporteetsecouafrénétiquementlatête.—Nefaispasça,Abby.—Quoi?—Prendre une décision irréfléchie.Tu es en colère et tu es encore influencée par ta relation avec
Garrett.Je tendis une copie de mon article à Mark, ignorant sa précédente remarque. Ma décision n’était
motivée ni par la colère, ni par le dépit. Je le faisais pourGarrett, pourmoi, pour notremagnifiquerupture.—J’aienvoyél’articleauLATorchetauReporter.C’étaitmadernièremission.—Abby,jesuiscertainqu’onpeuttrouverunmoyende…—Jeneveuxpastrouverdemoyen.Jeneveuxplustrouverdemoyen,Mark.Jeneveuxplus…vivre
commeça.Jeneveuxpluspassermontempsàmentiretàcacherlavérité.Jesuis…usée.Markplongealenezdansl’article,lesurvolantrapidement.Sesyeuxs’écarquillèrentàlalecturedes
deuxdernièresphrases.Lesdeuxphrasesquirendaientmadécisionirrévocable.
Parcequejeleveux,parcequejel’aimeetparcequelavieestfaitederisques.Macarrièrefinitici,maviecommencelà-bas.
QuandMarkcriamonprénompourmeretenir,j’étaisdéjàdansl’ascenseur.
15
Hollywoodétait loinderrièremoi.L’airétaitplussec, ledésert toujoursaussibrûlant.Je roulais lafenêtre ouverte, le bras gauche sorti,mes doigts jouant avec la brise chaude. Partir était lameilleuresolution. Partir était la seule solution. Je jouais l’autruche depuis des mois, refusais d’admettre quej’étaisentraindemeperdre.Aforcedementirconstamment,onnesaitplusquionest.EtGarrettétaitarrivédansmavie,meforçantàouvrir lesyeux.Ilétait libre,heureuxethonnête. Il
avaitvuenmoicequ’ilétaitavantderejoindreSoledad.Jevoulaisêtreaveclui,vivreintensémentnotrehistoire,virevoltersurlegrandhuitencoreetencore,tantqueGarrettmeprotégeait.Madécisionm’avaitsoulagée.Jen’avaisjamaisétédugenreàtergiverserpendantdesheures.Lemot
«dilemme»existaitàpeinedansmonvocabulaire.Pourmoi,etavantGarrett, lefameux«dilemme»étaitunebonneexcusepourfuirtoutedécision.Maiscematinle«dilemme»étaitarrivé.ResteràHollywoodpourmacarrière.PartiràSoledadpourlui.Jesavaismaintenantquec’étaitluiquimerendaitheureuseetj’étaiseuphorique.Après avoir quitté l’agence, j’avais fait un crochet parmon appartement.Mon ancien appartement.
J’avaisrassembléquelquesvêtementsetrécupérél’appareilphotoqueGarrettavaitabandonnédanssondépart. J’avais jeté un dernier coup d’œil à la baie vitrée, admirant la vue sur l’océan. Elle n’avaitjamaistenulacomparaisonaveccelledeSoledad.Etmaintenant,jeroulaisendirectionducrépuscule.LoindeslumièresdeLosAngeles,lecielétaitde
cette fantastiquecouleur rosée.Quand jevis lepanneauannonçantSoledadàmoinsdedixkilomètres,monsourires’élargitetj’appuyaiunpeuplusfortsurl’accélérateur.Acetteheure-ci,Garrettdevaitêtreau restaurant,à racontersespéripétiesàKenneth.Etcedernier
devaithurlerdejoieàlaperspectivedemevoirquitterleslieux.Lesdernièresminutesduvoyagefurentplusfamilières:lesupermarchémiteux,lebureaudeposteoù
jeferaiscertainementenvoyerlerestedemesaffaires,leparkingoùtoutavaitcommencéavecGarrett.J’empruntailaroutejusqu’àl’hôteletmegarai.Monretouricinepasseraitaucunementinaperçu,les
autochtonesétant toujoursaussi revêchesetméfiants.Parailleurs,d’icià lasemaineprochaine, j’étaiscertainequeleTorchpoursuivraitsonbrillanttravaild’investigation.Ilsfiniraientparnousretrouver…maisaussiparselasser.Enentrantdanslehalldel’hôtel, jenefuspassurpriseduregardassassindeConnie.—Bonsoir,Connie.—Vousn’êtestoujourspaslabienvenueici.—Jesais.Jesuisvenuepourm’excuser.Sonregards’étrécitetellemetoisa,dubitative.Ellecroisalesbrassursapoitrineetattenditqueje
poursuive:—Jen’aipaseuletempsdevousfournirlesplacespourl’avant-premièredeGarrett.—J’aivulesphotos,marmonna-t-elle,grincheuse.—Oui.Commelamoitiédelaplanète.Ecoutez,Connie,jenesuispas…méchante.Jevousassure.Je
tenaisjusteàm’excuser.Jetendislamainensignedebonnevolonté.Aprèsplusieursinterminablessecondes,Conniepritma
maindanslasienneetlaserramollement.C’étaitunpremierpas.—Est-cequevoussavezoùjepeuxtrouverGarrett?demandai-jefinalement.
Elle ricana et se désintéressa totalement demoi, plongeant le nez dans unmagazine à scandale.Detouteévidence,Chloéétaittoutdemêmeparvenueàsesfins:unedoublepagedephotosdeNicoleetdeGarretts’étalaitsousmesyeux.Jepoussaiunsoupirconsterné.—Jenel’aimepasnonplus,grommelaConnie.—Ehbiennousnoussommestrouvéunpointcommun.EtpourGarrett?repris-jepleined’espoir.—Nepoussezpas!Jelevailesmainsdevantmoiensignedereddition.Connienelaisseraitrienfiltrer.Jequittail’hôtel
d’unpasdécidé,jetantuncoupd’œilausoleilcouchantau-dessusdel’océan.Jelongeailaplage,retirantmeschaussurespoursentirlesablefraissousmespieds.Auloin,ondevinaitlacorniche,maislesarbrescachaientlavuedelamaison.Jemedécidaiàremonterlesentier,espéranttrouverGarrett.Amonarrivée,aucune lumièrenefiltrait. J’entendisDonut japper joyeusementet frappaià laporte.
Aprèsdelonguesminutesd’attenteetsansréponse,jetournailapoignée.Laportegrinçasursesgondsetj’entraidanslamaison.Donutvintimmédiatementàmarencontreetjeluioffrisunecaressesurlatête.—Oùesttonmaître?luidemandai-je,alorsqu’ilhaletaitdejoie.J’allumaiunelampedanslapièceprincipale,retrouvantlematelasausoletleplaidquenousavions
partagé. La lampe diffusait une faible lumière, laissant une partie de la pièce dans l’obscurité. Rienn’avaitbougédeplaceet,pourtant,ilmesemblaitqu’uneéternités’étaitécouléedepuisnotredépart.Uneéternité,unevieentière…etunaller-retourHollywood/Soledad.Je frissonnai légèrement, découvrant une fenêtre ouverte. Mon attention fut captée par le mur des
Polaroïd.Denouvellesphotosyavaientfaitleurapparition,avecdenouvellesdates.Cinqautresclichés,datésdu18septembreau22.Toujoursdespaysagesdeplage,maisunm’étaitparticulièrementfamilier.C’étaitlavuedepuismonappartementdeLosAngeles.Unnouveaufrissonmeparcourut.Garrettétaitlà,justederrièremoi.Enpeudetemps,moncorpsavaitapprisàreconnaîtrelesien.Ilne
metouchaitpas,etpourtant,lesavoirsiprèsdemoiétaitréconfortant.—19Septembre?demandai-jed’unepetitevoix.—LejouroùDonutm’afaitdesinfidélitéspendantquejesurfais.Jeperçusl’amusementdanssavoixetesquissaiunbrefsourire.—Le20?—Lejouroùtuasperdulecontrôleetoùj’aipuenfinsavourerlegoûtsalédeteslèvres.Il repoussa les cheveuxdemanuque,découvrantmonépaule.Lecontact furtifde sapeaucontre la
miennemefitpresquetrembleretmoncœurpartitdansunmarathonfurieux.—Le21?Mavoixétaitenrouée,àpeineaudible.LeslèvresdeGarrettseposèrentsurmoncou,embrasantma
peau. Il longea la lignedemamâchoire et fit glisser sa joue râpeuse contre lamienne.Mon corps sedétendaitpeuàpeu,rassuréparlaproximitédeceluideGarrett,sonapaisantechaleuretsafoliedouce.—Lejouroùtuesdevenuemonchemindetraversepréféré.—Unputaindechemintortueux,têtuetglissant,soufflai-je,presquehorsd’haleine.Ilpassasesmainssousmondébardeur,caressantmonventredesespaumesrêches,avantdelesposer
sur mes hanches et de m’attirer fermement contre lui. Je devinai sans peine son désir, ravalant ungémissementindécent.—Etle22?C’estchezmoiça,luifis-jeremarquerendésignantlaphoto.—C’était,corrigea-t-il.N’est-cepas?—Çanedépendpasdemoi.—Çanedépendquedetoi,murmura-t-ilàmonoreille.Cettephoto-là,cesonttesoscarsàtoi.Sans
l’alcooletsansl’humiliation.Maisc’étaitplutôtréussicettefuiteencatiminidel’avant-première.—Etladernière?—Cen’estpasladernière.Sesmainsremontèrentsurmescôtes,provoquantdedélicieuxpicotementssurmapeau.Ilsaisitmon
débardeuretmeleretira.Puis,trèslentement,ildétachamonsoutien-gorgeetmelefitglisserdesbras.Quand ilm’attiradenouveaucontre lui, jenesentisquesapeauchaudeetsoncorpsmusclécontre lemien.—Celled’aujourd’hui.Uneévidence,expliqua-t-ilenembrassantmanuque.—Auxmagnifiquesruptures,exhalai-je,moncerveauembruméparledésirfulgurantquimesaisissait.—Etilyacelle-ci.Ildégainaunephotoetmeladonna.Lacouleurn’avaitpasencoreprispartoutet jelasecouaipour
mieuxlaregarder.—Lesbas-fondsdeLosAngeles,dit-il.Cequiveutdirequemaintenant…—…tuvasm’embrasser,finis-jepourlui,enpivotantpourluifaireface.—Gagné,mademoiselleHarper.Gagné,murmura-t-ilenfondantsurmeslèvres.Mongémissementmourutdanssabouche.J’enroulaimesbrasautourdesanuque,lelaissantprendre
possessiondemoncorps.Sesmainsexplorèrentmondosnuspuis,lentement,ildescenditversmesfessesetlesempaumaenmeplaquantcontrelui.Ilmerepoussacontrelemuretquittameslèvres.Haletant,ilmefixa,sonfrontsoudéaumien.—Ettonboulot?demanda-t-il.—J’ai…démissionné,murmurai-je.—Démissionné?Mais,Abby,tuaimeston…Jelefistaireenposantmonindexsurseslèvres.Sonregards’agranditetl’incompréhensionpeignit
sonvisage.Pourlapremièrefoisdepuisnotrerencontre,j’avaisréussiàsurprendreGarrettMcIntyre.—Je t’aime, toi.Pas l’acteur,ni le typequivasûrementgagnerunsecondoscar. J’aimeGarrett, le
surfeur.Mesmainsglissèrentsursesépaulescouvertesd’unechemiseblanchelargementouvertesursontorse.
Jejouaidistraitementaveclespans,avantdereleverlesyeuxverslui.—Est-ceque…—Oui,c’estcelledesoscars,m’interrompit-il.C’estmatenuedegalapréféréemaintenant.Enfait,je
m’excusedenepasm’êtremieuxpréparéàterecevoir,jenepensaispasque…tureviendraisaussivite.—Tuétaiscertainquej’allaisrevenir?— Je te laissais une semaine, à tout casser. Celam’a demandé une force surhumaine de ne pas te
demanderdeveniravecmoicematin.—Pourquoinel’as-tupasfait?!m’écriai-je,vexée.—Parcequ’ilfallaitquetufasseslecheminpartoi-même,quetucomprennes.Etpuis,jesavaisquetu
étaisincapablederésisteràtoutça,ajouta-t-ilfièrement.—Lamaison?—Aussi.Lesenchilladas,poursuivit-il.—Evidemment.Lesurf,aussi.OhetDonut!—Donut,approuvaGarrett.Etmoi,donc.—Ettoi.Nominépourlemeilleurprétentieuxdel’année,m’amusai-je.—Jesavaisquetureviendrais.Tuestoujoursrevenue,mêmequandjetedisaisdepartird’ici.Mais
jedoisadmettrequetonentêtementaeuraisondemoi.Tuétaissi…motivéeàvouloirmefairechangerd’avis.
—Tes mots étaient, si mes souvenirs sont bons : «Mademoiselle Harper, vous êtes tout à fait…divertissante.»—Ettul’étais.Etquandjet’aivuerevenirlelendemaindenotrerencontresurcetteplage.Çavate
paraîtrestupide,maisjen’attendaisqueça.Tuavaiscepulltropgrandetcesyeuxfatigués.—Tum’avaisempêchéededormir.—Et jemesuisempêchéde teprendredansmesbras.C’étaitviolent,Abby.Mais j’aivudans ton
regard ce que j’ai vu dans le mien avant de débarquer ici. C’était ma mission de te protéger. Etmaintenant,tuesici.—Etjesuistoutàfaitàtoi,souris-je.—Quedirais-tud’allermangercesfameusesenchilladas?—Avecplaisir.—Jevaismechercheruneveste,j’enaipouruneseconde.Ils’éclipsadelapièceetrevintquelquesinstantsplustardavecunevesteet…uneplanchedesurf,
surmontéed’unrubanetd’unnœudrougevif.J’éclataiderire,pendantqueGarretthaussaitsessourcilsfrénétiquement,toutfierdesoncadeau.—Pasà4heures,leprévins-je.—Etleleverdusoleil?!s’exclama-t-il.—Lesoleiln’apasbesoindemoipourselever.Enrevanche,jevaisêtreassezdisponiblelesaprès-
midi.Situsouhaitestoujoursêtremonprof…—Jenelaisseraipersonned’autret’admireràquatrepatteslà-dessus!Jeposaimaplancheprèsdelasienne,passantmamainsurledessus,lisseetbrillant.Ceseulcadeau
démontrait que j’avais fait le bon choix, celui qui me sauvait des méandres d’Hollywood, celui quim’avaitévitédemeperdredanslespaillettes.Celuiquim’avaitfaittrouverl’amour,levrai.J’entendisledéclicduPolaroïdderrièremoietpivotaiversGarrett.—Lejouroùtuasacceptédevivreici,dit-ilenagitantleclichépourlefairesécher.—Quejeleveuilleounon.—Que tu le veuilles ounon.Que tu le veuilles ounon, répéta-t-il dansundouxmurmure avant de
déposerunbaisersurmeslèvres.
PortraitdeGarrettMCINTYRE,l’hommequ’Hollywoodadoredétester
Récemment encore, quandvousparliez à quelqu’undeGarrettMcIntyre, vous récoltiez soit unsourireentendu,soitunfroncementdesourcilsdésapprobateur.Garrett McIntyre est l’homme qui est monté sur la scène des oscars, ivre mort, dans un état
second.GarrettMcIntyreestl’hommequi,ausommetdesagloire,adécidédetoutquitter.GarrettMcIntyreestl’hommequi,poursadernièreune,s’estpermisdebrûlerlesvêtementsdesa
petiteamie,l’actriceNicoleDouglas.Avosyeux,Garrettn’estpasunhommebien.Jelesais,carjel’aiaussipensé,enlevoyantsurlascèneduKodakTheater.Etpuisj’aioublié
Garrett McIntyre. Dans ce microcosme qu’est Hollywood, les souvenirs existent à peine. Unscandale en efface un autre, une rumeur en remplace une autre. Je le sais d’autant plus quemonmétierestdevousfaireoublierauplusvitelesfrasquesdevosacteurspréférésoulesarrestationshonteuses. Je participe à ce système, j’éradique les souvenirs, je construis des mensonges—souventmauvais—poursauvegarderlesapparences.AHollywood,iln’yaquedeuxoptions:soitlemétierneveutplusdevousetvousoublie,soitle
métiervousporteauxnuesetvousdevenezuneidole.Garrettétaituneidole.Ilavait letalent, lagloire, lesrécompenses, l’admirationdesesfans, le
respectdesespairs.Toutallaitbienpourlui.Dumoins,toutlemondepensaitquetoutallaitbienpourlui,jusqu’àcequ’ilcraquedemanièreimprévisible.Alors,évidemment,quandGarrettMcIntyreasurgidansmesdossiers,j’aifaitlamêmechoseque
vous:j’aifroncélessourcils.Pourquoilui?Pourquoimoi?Etpourquellebonneraison?J’aipeséle pour et le contre, j’ai pris des avis, j’ai longuement hésité. Et je sais maintenant, avec unecertitudeabsolue,querencontrerGarrettaétélameilleuredécisiondetoutemavie.Garretta faitdesdizainesdecouvertureset rapportédesdizainesdemillionsdedollarsàdes
producteurs.Etmalgré sondépart, iln’engardeaucuneamertume.Paradoxalement, lui aussi, il aapprisàoublier.Demanièreunpeubanale,desjournalistesdiraientqu’ilarefaitsavie.C’estabsolumentfaux.
Garrettn’apasrefaitsavie.Ill’aamenéelàoùilvoulait,loindesmanipulationssordidesdesonentourage.Garrettneferaplusd’interview,iln’apparaîtrasûrementplusàaucungénériquedefilm,il ne fera plus la une des magazines à scandale. Il est désormais certainement l’homme le plusdétestédumétier,celuiquirefusedeprêterallégeanceausystème.Etmalgrétoutça,j’ysuisallée.J’airencontréGarrett.Ou,non,soyonshonnête,c’estluiquim’a
rencontrée.Percutéeseraitpeut-êtrelemotleplusjuste.Ilnetransigepas,ilnenégociepas.Ilvitsavieetn’attendriendevous.RencontrerGarrettaétéunvéritableaffrontement.Etresurlamêmelongueurd’ondequeluiaété
unelutte.Mais,enunesemaine,j’aiapprismoiaussiàoublier.J’aioubliél’imagedésastreusedesafinde
carrière, j’aioubliéqu’ilétaitconsidérécomme l’ennemi. J’aidécouvert l’homme.Têtu,pénible,exigeant, voire capricieux. Garrett est loin d’être l’homme idéal. Il m’a poussée dans mesretranchements,m’adéfiée,m’aprovoquéepourmefairefuir.
Beaucouppenseraient qu’il s’en amuse, qu’il en joue, qu’ilmanipule. Il n’en est rien :Garrettcherchelafailleet,quandillatrouve,cetteminusculefailleestsibéantequevousnepouvezplusl’ignorer.Jenepouvaisplusl’ignorer.AlorsquejevenaispoursoumettreGarrett,ilm’arenduuneliberté
quej’avaispresqueoubliée.Celledesurferà4heuresdumatin,cellededire«non»,cellequimedonneencemomentmêmelesourire,cellequimefaitsiffloterLaBambaàl’instantoùj’écrisseslignes.Jesuisparvenueàmesfins:Garrettestvenuàcettefichueavant-premièreàlaquelleilnepouvait
déroger.Quelquepart,jesaismaintenantquec’étaitpourmemettreàl’épreuve.Etilaeuraison,jen’aipastenuladistance.J’aipaniqué,j’aipleuré…uniquementparcequelaréalitémeprenaitàlagorgeetm’étouffait.Etmaintenant, jemesensenfinsoulagée.Jemesenslibérée,délestéed’unpoidsquejeportais
depuistroplongtemps.Ilya tantdechosesàdiresurGarrett.Jepourraisvousparlerdesonsouriremoqueur,deson
regardensorcelant,desesmains rêches,deson tatouage.Mais toutcelan’est rienfaceàcequ’ilvousfaitressentir.Garrettestungrandhuitlancéàpleinevitesse.Ilvoushappe,vouspourchasse,vousentraîne,vousfaitvirevolterenriantdanslesvirages.Ausommetdelapente,àdeuxdoigtsdechuterdemanièrevertigineuse,ilvousregarde,puislèvelesbrasensignedevictoire.Vouscontinuezàpenserqu’ilestfou,qu’ilestinstable,qu’ilestingrat.Garrettsefichedeceque
vous pensez. Il se fiche d’être une idole, il se fiche de gagner des oscars. Il veut juste surfer etretapersamaison.Ilveutjustevivrecommeill’entend.Cematinencore,j’étaisenhautdelapente,àscruterladescente,àm’eneffrayer.J’étaisseule
dansletraindugrandhuit.J’aifiniparmedécider,etmaintenantjedévaleladescenteenhurlantdejoieàm’entuerlavoix.Peuimportequejem’écraseausol,quejeremonte,quejevireàgauche…Peuimporte.Parce
queGarrett,l’imprévisible,estlàetmeprotège.Parcequejel’aimeetjerefusedem’enexcuser.Parcequ’ilmerendheureuse.Parcequ’ilm’afaitperdrelecontrôle.Parcequ’ilm’arenduelibre.Parcequejeleveux,parcequejel’aimeetparcequelavieestfaitederisques.Macarrièrefinit
ici,maviecommencelà-bas.parAbbyHARPER
Bonus
Chèreslectrices(etlecteurs!nousnevousoublionspas!),Pourprolongerdequelquesminutesl’aventure(sulfureuse…)d’AbbyetGarrett,nousnousoffrons
enbonuscettescènehonteusementvolée…Bonnelectureetàbientôt!
—MademoiselleHarper,vousêtesàmoitiénuedevantmoi,nem’allumezpas.—Sinonquoi?leprovoquai-jeenrepoussantsachemisedesesépaules.Dansunbruitdetissufroissé, levêtementtombaausol.QuandGarrettrelevalesyeuxversmoi, ils
flamboyaient.Sesmainsseresserrèrentautourdemataille,puisilmesouleva,m’invitantàentourerseshanchesdemesjambes.Ilnousguidajusqu’aumatelas,nousyallongeaetsecalaentremescuissesavantderemontermajupejusqu’àmataille.—Sinon,jevaisdevoirvousrappeleràquelpointvousêtesdivertissante.Danslapénombre,jedistinguaisàpeinelestraitsdesonvisage.Jesentisseslèvresbutinermoncou,
puisdescendrelentementversmesseins.Jemecambraipouraccentuer lecontact,pendantqueGarrettfaisaitdescendremaculottelelongdemesjambes.—Derniervestigedetavied’avant,murmura-t-ilavantdelajeterderrièrelui.—J’enaiamenéunpaquet,contrai-je.—Tuesvenueavecunevalise?Ici?—Euh…oui,hésitai-je.—Etc’estmoileprétentieuxdel’année?MademoiselleHarper,quevais-jefairedevousetdevos
délicieuxseins?Ilponctuasaphrasedebaiserssensuelssurmoncorps,s’attardantsurlespointestenduesdemesseins.
Jegémislourdement, ledésirbrut,violentet incontrôlablecavalantdansmesveines.Ilnem’avaitpastouchéedepuisunjouràpeineetj’étaisenmanque,tremblantdetoutmoncorps,cherchantsoncontact.—Jeveuxprendremontemps,murmura-t-ilcontremapeau.Tesavourertoutentière,encommençant
parici.Ildésignamoncou,àl’endroitexactoù,lorsdenotrepremière…étreinte,ilavaitlaisséunemarque.Il
suçotadoucementmapeau,memaintenant fermementde sesmains contre lematelas.Sapeau râpeusechatouillalamienne,metirantunsourirestupide.—Tuesàmoi,chuchota-t-ild’unevoixrauque.Ils’écartademoncou,etdéposaunbaiserfurtifsurmabouche.Ilpassasalanguesurseslèvres.—Encoremeilleurequedansmonsouvenir.Cepetitgoûtdesel…Ildescenditplusbas,agaçantaupassagelapointedemonseingauchedesalangue.Ilassuralemême
traitementàmonnombril,pendantquejemetortillaisenriantsouslui.
—Oh!jevousfaisrire,mademoiselleHarper.Quepourrais-jevousfaired’autre?Monrirestoppanet.Garrettglissasamainentremescuisses,effleurantcruellementmonintimitésans
s’yattarder.J’étaisexcitée,submergéeparl’impatienceetlafrustration,àboutdenerfs.Jelevoulaisetilmefaisaitlanguir.—Garrett,murmurai-je.Mais ilne réponditpas, samainglissant lentementsurmacuissedroiteet trouvant lecreuxdemon
genou. Ilme fit replier la jambe, la remontant sur seshanches etdéposaunbaiser à l’intérieurdemacuisse.J’émisuncouinementdefrustration,devinantlesourirevictorieuxdeGarrett.—Encoreuneminute,bébé.Ilsoulevamonautrejambe,passalapaumedesamainsurmonmollet,puiscapturamacheville.—Surmonépaule.—Que…quoi?—Tacheville,surmonépaule.L’autreaussi,m’intima-t-il.Ilseredressalégèrementetjemeretrouvaibrutalementouverte,ànue,sonregarddebraisedévorant
monintimité.Jem’agitai,malàl’aise,lesjouesempourpréesdeplaisiretdegêne.Jetentaid’êtremoinsexposée,maisGarrettmemaintenaitfermementdanscetteposition.—Ça,jelesavoureraiplustard.Trèslentement.Etjeteprometsquetuarrêterasdetetortillercomme
tulefais.Ilparvintàsedéfairedesonshortetdesonboxer,puiss’allongeasurmoi.Jemecambraiunpeuplus
enarrière,offerteàmonamant.—Respire,Abby,merecommanda-t-il.Il s’enfonça enmoi,me surplombant de son corpsmusclé. Son parfum doux, aux effluves d’océan,
m’enveloppa.Ilplongeasonregarddanslemienetunsouriredesatisfactions’étirasursonvisagequandilm’entenditmurmurersonprénomdansunesupplique.Mesmainsaccrochèrentledrapsousmoi,tandisquej’étaisenvahieparunepremièrevagueintensededésir.Et il commença à bouger lentement, se retirant pourmieux revenir. Sesmouvements étaient doux et
profonds. Il savourait. Dans cette position, j’étais à samerci, clouée contre lematelas, incapable debouger.Ilimpulsaitlerythmetandisquemessoupirscadençaientnotreétreinte.—Justetoietmoi,Abby,murmura-t-ilenamplifiantsesmouvements.Un«oui»d’assentimentetdesoulagements’étrangladansmagorge.Moncœurbattaitlachamade,le
désirpulsaitdansmesveines, électrisantmoncorps. Je luttai contre l’enviede fermermespaupières,maislavisiondeGarrettétaittropfascinante,sonvisagecrispéparledésir,lesmusclessaillantdesesbras,sonregardemplid’amouretdetendresse.Jemecambraicontrelui,devinantlespremierssignesd’unorgasmebrûlant.Jehaletaicontreluitandis
qu’il accélérait la cadence et l’entendis grogner mon nom. Dans un dernier coup de reins, je jouisviolemment.Garrettmorditlapeaufinedemoncouetexplosaàsontour.Dansunmêmemouvement,ils’effondrasurmoietlibéramesjambesencoton.Sur lematelas, nous n’étions plus que jambes et bras emmêlés.Garrett se redressa et glissa àmes
côtés.Ilm’adressaunsourirelumineux,puistirasurledrapetleplaidpournouscouvrir.—Jepensequejepourraism’habitueràça,murmurai-je,d’unevoixensommeillée.—Lesexe?—Toi.—Ettuescertainede…Ecoute,jepourraisencoreaccepterqueturepartesmaintenantetque…—Aprèstoutlemalquejemesuisdonnépourtesortirdetatanière,iln’estpasquestionquejeparte,
plaisantai-je.
Jememis sur le ventre,monmenton calé dans le creux demamain droite.Monventre gargouilla,provoquantunriredeGarrett.—Et lepauvre imbécileque jesuis réalisemaintenantque jene t’aimêmepasproposéunrendez-
vous!—Toi?Unrendez-vous?m’esclaffai-je.MonDieu,Garrett,jecroisque…Oui,jesuissouslechoc,
affirmai-je.—Choquerestunesecondenaturechezmoi,plastronna-t-ilenquittantlelitpourrécupérersonboxer.Jem’enroulai dans le drap, cherchant du regardmes vêtements éparpillés dans la pièce. Le regard
brûlantdeGarrettglissasurmoi.—J’adoretevoirdanscedrap.—Jenesuispascertainequecelarépondeaudress-codedurestaurantdeKenneth.Garrettfit lamoue,avantd’acquiescer.Ilmelançamajupeetmondébardeur,espérantcertainement
que jeprotestepourobtenirmessous-vêtements.Sans riendire, jem’habillai, ignorantvolontairementsonregardstupéfait.
HarlequinHQN®estunemarquedéposéeparHarlequinLevisueldecouvertureestreproduitavecl’autorisationde:
©ROYALTYFREE/THINKSTOCKRéalisationgraphiquecouverture:AudeDanguydesDéserts
©RoyaltyFree/ThinkstockTousdroitsréservés.©2015,Harlequin.
ISBN9782280301909
Tousdroits réservés, y compris le droit de reproductionde toutoupartiede l’ouvrage, sousquelque formeque ce soit.Ce livre estpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationdel’auteur,soitutilisésdanslecadred’uneœuvredefiction.Touteressemblanceavec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence.HARLEQUIN, ainsi queH et le logo en forme de losange, appartiennent àHarlequin Enterprises Limited ou à ses filiales, et sontutiliséspard’autressouslicence.
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TitreChapitre1Chapitre2Chapitre3Chapitre4Chapitre5Chapitre6Chapitre7Chapitre8Chapitre9Chapitre10Chapitre11Chapitre12Chapitre13Chapitre14Chapitre15PortraitdeGarrettMCINTYREBonusCopyrightRésumédulivre