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ÉTUDES DE SANTÉ 1
L'état de santé des Québécois Un bref bilan des indicateurs disponibles
DC2.1 Q44 P366 1986 INSPQ - Montréal Québec ss
3 5567 00 003 3628
M u t national de santé publique du Québec 4835'avenuo Chnsîophn-Coiomb, bureau 200
Montréal (Québec) H2J3G8 Tél.; (514)597-0606
L'état de santé des Québécois
Un bref bilan des indicateurs disponibles
Service des études de santé Ministère de la Santé et des Services sociaux
Robert Pampalon Janvier 1986
TABLF DES MATIERES
Pages
RÉSUMÉ
INTRODUCTION 1
1. L'ampleur des problèmes de santé 1
2. La nature des problèmes de santé 8
3. L'environnement (et les habitudes de vie) . 12
4. Les variations géographiques de la santé 16
CONCLUSION 22
RÉFÉRENCES 23
RÉSUMÉ
- L'espérance de vie à la naissance et à divers âges (à 35 ans et à 65
ans et plus) a constamment progressé au Québec depuis 1951. A la
naissance, les valeurs se situent actuellement (1981) à 71,1 ans
chez les hommes et à 79,2 chez les femmes. Ces valeurs placent
cependant notre province au dernier rang au Canada.
- On doit également soustraire à ces espérances de vie à la naissance
de nombreuses années (plus de 11 ans chez les hommes et 18 ans chez
les femmes) passées en incapacité, des suites de maladies ou d'acci-
dents. Ces valeurs sont particulièrement élevées chez les personnes
âgées. Curieusement, à ce niveau, le Québec obtient les meilleures
cotes au Canada.
- Les problèmes de santé les plus importants sont, dans Tordre, les
maladies de l'appareil circulatoire, les maladies du système ostéo-
articulaire, les tumeurs malignes, les accidents et traumatismes,
les maladies de l'appareil respiratoire, les troubles mentaux et
autres pathologies.
Parmi les facteurs de l'environnement et des habitudes de vie qui
affectent le plus la santé des Québécois, l'on doit signaler l'ali-
mentation (et particulièrement la consommation de tabac et d'al-
cool), le transport avec ses accidents de véhicules à moteur, le
milieu de travail, les conditions familiales, sociales et économi-
ques.
- Ces problèmes de santé et conditions environnementales varient énor-
mément au plan géographique au Québec. Les zones ou régions à ris-
ques sont: (1) les quartiers pauvres, (2) les villes de "ressour-
ces" et (3) les régions du Nord du Québec, allant du Nord-Ouest
jusqu'au Bas St-Laurent-Gaspésie.
INTRODUCTION
Actuellement, nous percevons la santé sous forme "d'autonomie d'action"
de l'individu dans son milieu de vie, son environnement. C'est, pour
chacun, la capacité de satisfaire certains besoins vitaux (manger,
dormir, se déplacer...), de remplir des rôles sociaux (le travail, le
loi sir, la familie...) et d'atteindre un état relatif de bien-être
physique et psychologique.
Les indicateurs à l'appui de cette perspective se font de plus en plus
nombreux au Québec, mais ils demeurent encore insuffisants pour réali-
ser une évaluation aussi complète du concept de santé. Néanmoins les
statistiques disponibles nous permettent d'apprécier (1) l'ampleur des
problèmes de santé, (2) la nature de ces problèmes, (3) le rôle de
l'environnement et des habitudes de vie et (4) les variations géogra-
phiques.
1. L'AMPLEUR DES PROBLEMES DE SANTE:
Depuis le début des années 50, l'espérance de vie à la naissance aug-
mente sans cesse au Québec. Chez les hommes, elle s'est accrue de 6,8
années pour atteindre 71,1 ans en 1981; chez les femmes, elle a pro-
gressé de 10,9 ans, pour une valeur de 79,2 ans en 1981 (figure 1 et
tableau 1). Il en va de même de l'espérance de vie à divers âges, bien
que les évolutions y soient moins importantes et régulières. L'aug-
mentation de l'espérance de vie à 65 ans de 1976 à 1981 est particuliè-
rement frappante: elle a bondi d'un an chez les hommes et de deux ans
chez les femmes*.
2 .
FIGURE 1
Evolution de l'espérance de vie à la naissance
au Québec de 1951 à 1981
80
78
76
74
72
70
68
66
64
Femmes
Hommes
1951 1956 1961 1966 1971 1976 1981
Source: Service des études et politiques de santé» M.A.S
Ce mouvement généralisé à la hausse creuse cependant l'écart entre
l'espérance de vie des hommes et des femmes. Chez les hommes, la
majeure partie de l'accroissement de l'espérance de vie s'explique
par une baisse de la mortalité infantile alors que chez les femmes,
c'est aussi la diminution de la mortalité aux autres âges qui ex-
plique la hausse de l'espérance de vie.
TABLEAU 1
Evolution de l'espérance de vie et
de la mortali té au Québec, de 1951 à 1981
1951 1956 1961 1966 1971 1976 1981
1- Espérance de vie à M 64,3 66,2 67,1 67,8 68,4 69,0 71,1 la naissance F 68,3 71,0 72,6 74,0 75,4 76,7 79,2
(en années)
2- Espérance de vie M 66,9 68,3 68,5 68,6 68,7 68,9 70,7
à un an F 70,2 72,6 73,7 74,6 75,5 76,5 78,8
3- Espérance de vie à M 35,8 36,7 36,6 36,8 36,9 37,0 38,6
35 ans F 38,6 40,1 41,0 41,9 42,8 43,7 45,6
4- Espérance de vie M 12,7 12,9 13,0 13,3 13,2 13,1 14,2
à 65 ans F 13,9 14,7 15,1 15,8 16,6 17,1 19,1
5- Nombre de décès T 35 086 35 042 37 245 38 630 41 166 43 801 42 765
6- Taux brut de mortalité T 8,7 7,6 7,1 6,7 6,8 7,0 6,6
(par 1 000 hab.)
Source: Service des études et politiques de santé, MAS. Registre de la population, M.A.S.
CO
4 .
Ces espérances de vie reposent essentiellement sur les statistiques
de mortalité et ne font nullement état de la maladie et de la res-
triction d'activité qui parfois en résulte. Ce sont des espérances
de vie "brute": des nombres d'années à vivre tout simplement.
L'espérance de vie "en bonne santé" permet de pondérer ces années à
vivre, en déduisant de la somme de ces années, celles où il y a eu
restriction d'activité (institutionnelle, permanente ou temporaire)
à la suite de maladies ou d'accidents.
Ainsi, en 1980, l'espérance de vie en bonne santé (à la naissance)
se chiffre à 59 ans chez les hommes et à 60,23 ans chez les femmes
(figure 2 et tableau 2). Plus de 11 ans de vie chez les hommes et
18 ans chez les femmes comportent une forme quelconque de restric-
tion d'activité2. L'écart entre les sexes noté pour la mortalité
disparait donc presque totalement lorsque l'on considère le poids
de la restriction d'activité. En outre, ce poids s'accroit rapi-
dement avec l'âge tant chez les hommes que chez les femmes et la
forme de restriction d'activité varie selon le sexe; la restric-
tion chez les hommes étant plus sévère que chez les femmes.
Au total, l'évolution que connaît le Québec au plan de l'espérance
de vie est largement positive, bien que le Québec obtienne la pire
espérance de vie à la naissance au Canada, tant chez les hommes que
chez les femmes. Assez curieusement, c'est le triste bilan de la
restriction d'activité qui fait le bonheur des Québécois, en leur
donnant la meilleure espérance de vie en bonne santé chez les hom-
mes et la seconde meilleure fiche chez les femmes.
5 .
FIGURE 2
Espérance de vie totale et esperance de vie en bonne santé à la naissance selon le sexe, Québec, 1980
annees HOMMES FEMMES
80
7 0 I immmiiiii Illllllllllllll
60
bO
40
30
20
I0
Institutionnalisation
Restriction permanente sévère des activités
Restriction permanente légère ou moyenne des activités
Restriction temporaire des activités
Espérance de vie en bonne santé
lllllllllllll
Source. Conseil des affaires sociales et de la famille
TABLEAU 2
Espérance de vie totale et espérance de vie en bonne santé selon le sexe, Québec, 1980
À la naissance Hommes Femmes
Espérance de vie totale 70,31 100.0% 78,23 100,0%
Institutionnalisation de long terme 0,80 1,1% 1,76 2,2% Restriction permanente des activités 7,70 11.0% 11,71 15,0% • dont severe 3.01 4,3% 0,83 1,1% Restriction temporaire des activités 2.77 3,9% 4,53 5,8%
Total des années vécues avec 11,27 16,0% 18.00 23,0% restriction d'activité
Espérance de vie en bonne santé 59,04 84,0% 60,23 77,0%
À 35 ans Hommes Femmes
Espérance de vie totale 38.03 100,0% 44,91 100,0%
— Institutionnalisation de long terme 0,81 2,1% 1,78 4,0% — Restriction permanente des activités 6,52 17,2% 10,34 23,0%
• dont sévère 2,71 7,1% 0.77 1.7% — Restriction temporaire des activités 2,09 5,5% 3,45 7,7%
Total des années vécues avec 9,42 24,8% 15,57 34,7% restriction d'activité
Espérance de vie en bonne santé 28,61 75,2% 29,34 65,3%
À 65 ans Hommes Femmes
Espérance de vie totale 13,90 100,0% 18,47 100,0%
— Institutionnalisation de long terme 0,91 6,5% 1,90 10.3% — Restriction permanente des activités 3,96 28,6% 6,31 34,2%
• dont sévère 1,61 11,6% 0,59 3.2% — Restriction temporaire des activités 1,11 8,0% 1,77 9,5%
Total des années vécues avec 5,99 43,1% 9,98 54,0% restriction d'activité
Espérance de vie en bonne santé 7,91 56,9% 8,49 46,0%
Source Conseil des affaires sociales el de la famille, d après les données du Registre de la populat ion (fichiers des deces 1978-1979). de Statistique Canada (est imations de la pooulation par âge et sexe en 1980) et de l 'enquête Santé Canada
On doit par ailleurs s'interroger sur la nature des gains enregis-
trés dans l'espérance de vie des personnes âgées car, chez ces
personnes, la restriction d'activité est particulièrement élevée.
Est-ce à dire que les gains sur la mort conduisent à l'incapacité
et que la qualité de vie de nos ainés n'en n'est aucunement amélio-
rée?
Cette question revêt une importance toute parti culière dans le
contexte actuel de vieillissement de notre population.
LA NATURE DES PROBLEMES DE SANTE:
Les statistiques de mortalité mettent en évidence trois importants
groupes de pathologies: les maladies de l'appareil circulatoire,
les tumeurs malignes et les accidents, traumatismes et empoisonne-
ments; en 1981, ces groupes se partagent 80% des décès, comme l'il-
lustre le tableau 3
Ce même tableau présente aussi, pour les principales causes de dé-
cès, le pourcentage de variation du taux moyen de 1970-74 à 1979-
81; des taux standardisés selon la structure d'âge de 1976 ont été
utilisés afin de neutraliser l'effet du vieillissement de la popu-
lation entre les deux périodes. Les causes ayant enregistré de
nettes augmentations sont le suicide et le cancer du poumon, cette
dernière cause ayant augmenté de plus de 60% chez les femmes. La
plupart des autres causes sont en baisse: cancer de l'estomac,
accidents de voiture, maladies coronariennes, etc.
TABLEAU 3 8.
P r i n c i p a l e s causes de décès au Québec en 1981
Causes de décès Pourcentage de décès attribuables à la cause (%}
Pourcentage de variation du taux standardisé* de décès de 1970-74 à 1979-81
M F M F
Maladies de l'appareil ci rculatoire 43,4 48,5 _ 17,6 - 23,7
- maladies ischémiques du coeur
- maladies vasculaires cérébrales
- artériosclérose
27,5
6.4 1.5
24,1
10,7 2,8
-
26,1
25,2 23,4
- 34,6
- 27,2 - 26,0
Tumeurs mal ignés 24,3 25,9 + 4,2 - 8,3
- trachée, bronches, poumon - sein - intestin et rectum - tissus lympathiques
et hématopoiétiques (dont leucémie)
- estomac - pancréas - prostate
8,5
3.0
2.1 1.5 1.4 2.1
2,9 5,2 1.4
2.5 1.5 1.4
+
+
+
27.6
8,4
0,6 27.7 7,7 4,1
+ 61,6 - 10,1 - 20,5
- 0,8 - 33,7 + 3,1
Accidents, traumatismes et empoisonnements 12,1 5,9 - 14,4 - 19,0
- accidents de véhicules moteur
- suicides
4.2 3,2
1.9 1.4 +
26,3 45,6
- 30,0 + 34,6
Maladies de 1'appareil respiratoire 6,5 4.3 - 10,4 - 20,2
- bronchite, emphysème, asthme
- pneumonie 2.0 1.8
1.0 1.8 -
41,6 12,8
- 34,2 - 21,9
Maladies de 1'appareil digestif 4,2 3,9 7.5 - 14,3
- cirrhose du foie 2,0 1.1 - 4,0 - 10,9
Oiabète sucré 1.4 2,4 - 35,8 - 47,0
Maladies du système nerveux et des organes des sens 1.2 1.6 - 4.4 - 9,0
Maladies des organes génitaux et urinaires 1.2 1.5 - 21,4 - 20,7
Anomalies congénitales 0.9 1.0
Causes de mortalité périnatales 0.9 0.9 - 53,3 - 52,4
taux annuel moyen standardisé selon la structure d'Sges de 1976
Source: Service des études et politiques de santé. M.A.S.
9 .
Les statistiques d'hospitalisation font également ressortir les ma-
ladies du coeur mais confèrent moins d'importance aux tumeurs et
aux accidents et traumatismes que l'on retrouve maintenant derrière
les maladies de l'appareil digestif et les troubles mentaux, un
groupe de pathologies complètement ignoré par les statistiques de
mortali té (tableau 5 ) 1. En qui concerne pl us particulièrement
les cancers, les données du Fichier des tumeurs témoignent de la
forte incidence du cancer du poumon chez l'homme et du cancer du
sein chez la femme (tableau 4) 3.
TABLEAU 4
NOUVEAUX CAS DE CANCER ET TAUX D'INCIDENCE PAR 100 000 HABITANTS EN 1980
HOMMES FEMMES
Site Nouveaux cas Taux Site Nouveaux cas Taux
Poumon 1 989 63,4 Sein 2 308 71,5
Prostate 1 215 38,8 Colon 828 25,7
Peau 835 26,6 Peau 709 22,0
Colon 653 20,8 Corps de
1'utérus 590 18,3
Vessie 624 19,9 Poumon 512 15,9
Col de
1'utérus 414 12,8
TOTAL : 9 523 296,1 TOTAL : 9 318 288,7
Source: Fichier des tumeurs du Québec, 1980
TABLEAU 1
PRINCIPALES CAUSES D'HOSPITALISATION AU QUEBEC 1981-82
CAUSES CIM-9 JOURNEES
D'HOSPITALISATION DIAGNOSTICS
FINAUX SEJOUR MOYEN
Nombre % Nombre /1000 hab. (jours)
1- Maladies du coeur (CIM: 309-459)
1184239 15,4 95405 14,8 12,4
2- Troubles mentaux (CIM: 290-319)
928447 12,1 39509 6,1 23,4
3- Maladies de 1'appa-reil digestif (CIM: 520-579)
776625 10,1 95519 14,8 8,1
4- Tumeurs CIM: 140-239)
771111 10,1 55941 8,7 13,7
6- Accidents et trau-ma ti smes (CIM: 800-999)
531464 6,9 51892 8,1 10,2
6- Maladies des orga-nes génito-urinaires (CIM: 580-629)
481870 6,3 71284 11,1 6,7
Maladies de 1 'appa-reil respiratoire (CIM: 460-519)
423696 5,5 70854 11,0 5,9
8- Maladies du système nerveux (CIM: 320-389)
338083 4,4 38154 5,9 8,8
9- Maladies du système ostéo-articulaire (CIM: 710-739)
329457 4,3 37086 5,8 8,8
TOTAL 7668571 100,0 883324 137,2 8,6
Source: Fichier AH101-P, Etablissements de soins de courte durée.
11 .
Les statistiques portant sur la restriction d'activité due à des
raisons de santé offrent une image également différente (tableau
6). Ce sont maintenant les maladies du système ostéo-articulaire
(arthrite, rhumatisme) et des appareils circulatoire et respiratoi-
re qui occupent respectivement 1 es premier, deuxième et troisième
rangs des principales causes de restriction d'activité^.
Au total, l'on peut résumer ces diverses observations par les con-
clusions de l'espérance de vie en bonne santé (tableau 6). Cet in-
TABLEAU 6
Hiérarchisation des principales maladies selon leur impact — sur la mortalité — sur la restriction d'activité — sur l'espérance de vie en bonne santé Québec, 1980 — hommes et femmes
Impact sur la mortalité
Clas-sement
Impact sur la restr ict ion d'activité
Clas-sement
Impact total - impact sur lespérance de vie en bonne santé
Clas-sement
— Maladies de l'appareil circulatoire
1 — Maladies du système oste-articulaire
1 — Maladies de l'appareil circulatoire
1
— Tumeurs 2 — Maladies de l'appareil circulatoire
2 — Maladies du système osteo-articulaire
2
— Accidents et traumatismes
3 — Maladies de l'appareil respiratoire
3 — Tumeurs 3
— Anomalies congénitales et affections périnatales
4 — Accidents et traumatismes
4 — Accidents et traumatismes
4
— Maladies de l'appareil respiratoire
5 — Troubles mentaux 5 — Maladies de I appareil respiratoire
5
— Maladies de l appareil digestif
6 — Maladies de ! appareil digestif
6 — Troubles mentaux 6
— Troubles mentaux (suicides)
7 — Problèmes liés â la grossesse et à l accouchement
7 — Anomalies congénitales et affections périnatales
7
— Diabète 8 — Maladies du systeme nerveux et sensoriel
8 — Maladies de l'appareil digestif
8
— Maladies du système nerveux
9 — Diabete 9 — Diabète
— Maladies du système nerveux et sensoriel"
9
10
1 D'après nos estimations Source Conseil des affaires sociales et de la famille
dicateur donne le premier rang aux maladies de l'appareil circula-
toire, le second aux maladies du système ostéo-articulaire, le
troisième aux tumeurs, le quatrième aux accidents et traumatismes
et les suivants aux maladies de l'appareil respiratoire, aux trou-
bles mentaux et autres pathologies.
L'ENVIRONNEMENT (ET LES HABITUDES DE VIE):4
Pour beaucoup de ces problèmes de santé, l'on a pu mettre en évi-
dence le rôle joué par l'environnement et les habitudes de vie.
L'eau potable, l'air, l'alimentation, le transport, le loisir, la
famille et les conditions sociales sont autant de facteurs influen-
çant la santé des Québécois.
L'eau potable, premier facteur, paraît peu contaminée à la lumière
des données disponibles; et ce tant sur le plan bactériologique que
sur le plan physico-chimique: environ 10% des échantillons d'eau
présentent une certaine contamination et des dépassements occasion-
nels de la norme se produisent pour le mercure, le plomb, le cui-
vre, le fer et le manganèse. Cette situation conduit à l'éclosion
de maladies bactériennes dont l'ampleur, au Québec, ne peut être
évaluée avec exactitude. Par ailleurs, T o n rapporte une relation
positive entre la douceur de l'eau et la mortalité par maladies
cérébro-vasculaires et quelques enquêtes permettent de vérifier les
effets bénéfiques de la fluoruration naturelle et artificielle sur
la santé dentaire.
L'air de plusieurs villes québécoises présente cependant une pollu-
tion relativement importante. C'est le cas de Montréal et de di-
verses villes industrielles telles que Shawinigan, Thetford-Mines
et Rouyn-Noranda. A Montréal, certaines études suggèrent que la
pollution atmosphérique amène des excès de décès par cancer du
poumon et de l'intestin chez l'adulte, de bronchite chez de jeunes
écoliers et de maladies pulmonaires obstructives chez un groupe de
travailleurs.
L'alimentation des Québécois se caractérise par la consommation
excessive de graisses et de sucres, par une carence en fibres végé-
tales et par la dénaturation relative des aliments. Il en résulte,
de façon générale, que l'apport en calories et en protéines dépasse
la norme recommandée, que le cholestérol sérique est élevé, que
l'obésité est fréquente et que des carences en certains minéraux et
vitamines se produisent. Ainsi surviennent les maladies des systè-
mes cardio-vasculaire et digestif, une santé dentaire déplorable
chez les jeunes (certains détiennent des records mondiaux en la
matière), une fréquence du diabète atteignant 10% de la population
de 40 ans et plus et, peut-être, une plus grande sensibilité au
cancer du sein. La contamination bactériologique et chimique des
aliments favorise aussi l'apparition de problèmes parti culiers à
court ou à long terme. Enfin, deux consommations particulières, le
tabac et l'alcool demeurent relativement importantes au Québec et
nos concitoyens obtiennent notamment le premier rang des fumeurs au
Canada en 1981.
A elles seules, ces deux consommations seraient associées à près de
25% des décès au Québec5 et elles constituent, et de loin, les
principaux facteurs de risque de l'environnement. Il est particu-
lièrement intéressant de noter que la consommation de tabac diminue
constamment chez les hommes depuis 1965 alors qu'elle s'accroît
légèrement chez les femmes et de façon plus accentuée chez les
adolescentes (les 15 à 24 ans).
14 .
Le transport connaît lui aussi un essor fabuleux au Québec; chaque
famille ou presque possède maintenant son automobile. Ces véhicu-
les font toutefois, en 1981, près de 43 080 victimes, dont 1 253
perdent la vie. Une étude montre aussi que toutes les victimes
principales d'un accident se retrouvent à l'hôpital et qu'elles y
séjournent, en moyenne, 46,4 jours. Depuis 1979 pour les accidents
avec dommages corporels et depuis 1973 pour les accidents mortels,
la tendance générale est cependant largement à la baisse.
Le monde du travail connaît également ses transformations; actuel-
lement (données de 1983; BSQ), environ 5%, 25% et 70% de la main-
d'oeuvre se retrouvent dans les secteurs primaire, secondaire et
tertiaire respectivement. Selon la Commission de la Santé et de la
Sécurité au Travail, les secteurs d'activité les plus délétères
s'avèrent la forêt, les mines, l'industrie manufacturière (fabrica-
tion de produits en métal, industrie du bois, fabrication d'équipe-
ments de transport) et les bâtiments et les travaux publics. Ses
statistiques rapportent en 1981, 346 920 accidents de travail, dont
196 554 avec perte de temps, 4 759 demandes d'indemnisation pour
maladies professionnelles, et 228 décès liés au travail. De façon
plus explicite, certaines études québécoises révèlent l'existence
de risques liés à des agents chimiques: amiante, fer, silice,
vapeurs de goudron, monoxyde de carbone, chlorure de vinyle, sol-
vants et certaines substances explosives; à des agents physiques:
bruit et vibrations et à des agents psycho-sociaux: organisation
du travail.
Le loisir du Québécois se modifie également et environ 50% de notre
population est considérée comme "active" physiquement selon les
données recueil lies par l'enquête Condition physique Canada en
1981. Notre condition physique est aussi légèrement inférieure à
15 .
celle de l'ensemble canadien et nous expose vraisemblablement à
divers troubles des systèmes cardiaque, musculo-squelettique et
autres. L'activité physique et le sport comportent, en revanche,
certains risques; l'on dénombre annuellement environ 50 noyades,
entre 20 et 50 décès lors d'accidents de chasse, 50 motoneipistes,
300 piétons et 70 cyclistes tués lors d'accidents. Certains sports
tels que le hockey, la crosse, le soccer, etc. comportent aussi
des risques de blessures.
La famille connaît également de profonds changements de significa-
tion, de structure et de fonctionnement: contrôle de la fécondité
(contraception, stérilisation, avortement) baisse du nombre d'en-
fants, travail de la femme hors du foyer, augmentations du divorce,
des relations hors-mariage et du nombre de familles monoparentales,
etc. Certaines études québécoises montrent que les taux de décès
des personnes seules excèdent les taux des gens mariés, que les
enfants de certaines femmes (de 35 ans et plus de parité 0 et de
moins de 25 ans de parité 3) présentent des risques plus élevés de
mortalité périnatale, que la libération des moeurs sexuelles amène
une recrudescence des maladies vénériennes et que la baisse de
fécondité des Québécoises augmente leurs risques de cancer du sein.
D'autres enquêtes québécoises font ressortir le rôle de la piètre
qualité des relations familiales dans l'apparition de comportements
délinquants ou suicidaires. En outre, les accidents à domicile
constituent la première cause d'hospitalisation pour accidents chez
la femme et la troisième chez 1'homme.
16.
Les conditions sociales enfin éprouvent particuIièrement les Québé-
cois puisque près de 16% des familles et 46% des personnes seules
vivent sous le seuil de pauvreté. Des études québécoises montrent
que les enfants pauvres encourent des risques accrus de mortalité
infantile, de maladie dentaire, d'accident de véhicules à moteur et
de retard mental. Chez l'adolescent et l'adulte, la pauvreté ac-
croît les chances de maladie cardio-vasculaire, de troubles respi-
ratoire et digestif, de maladie endocrinienne, de la nutrition et
du métabolisme, de cancer, de maladie mentale et de mésadaptation
sociale.
4. LES VARIATIONS GÉOGRAPHIQUES DE LA SANTE^
Ces problèmes de santé et conditions environnementales ne sont pas
réparties uniformément sur l'ensemble du territoire québécois et il
existe d'importants contrastes entre quartiers, villes et régions.
Les statistiques de mortalité, d'environnement et d'habitudes de
vie révèlent la présence de six (6) grandes oppositions géographi-
ques en matière de santé (figure 3).
- L'opposition quartiers pauvres/quartiers riches:
Comme on l'a montré à Montréal et Québec, les quartiers pauvres
obtiennent partout les pires fiches de mortalité et ce, pour
toutes les principales causes de décès - maladies chroniques et
accidents compris; certains quartiers pauvres de Montréal enre-
gistrent une espérance de vie à la naissance de treize (13) ans
inférieure à celle de la zone la plus riche7. Les quartiers
FIGURE 3
Représentation symbolique des variations géographiques de la santé au Québec
18 .
pauvres se caractérisent par 1 a dégradation générale de leur
milieu: logements exigus et insalubres, pollution atmosphérique,
absence d'espaces verts et récréatifs; par des conditions socio-
économiques difficiles: faibles revenus, chômage, travail manuel
non spécialisé; par la fréquence de problèmes familiaux et so-
ciaux: séparations, délinquance; et par l'adoption d'habitudes
néfastes à la santé: forte consommation de tabac et mauvaise
al indentation.
- L'opposition capitaies/satel 1ites:
Une certaine distinction peut être établie également entre les
capitales régionales, correspondant aux principales vil les des
grandes régions du Québec, et leurs satellites, qui réfèrent aux
villes de moindre taille gravitant autour de ces centres. La
différence essentielle entre ces groupes de villes est une morta-
lité plus jeune dans les satellites, une mortalité largement
associée aux accidents de véhicules à moteur et à la mortalité
infantile. Au plan environnemental, les satellites se distin-
guent aussi par l'étendue de leur réseau routier (et son faible
achalandage) et par des conditions socio-économiques, de logement
surtout, inférieures à celles des capitales régionales.
- L'opposition villes ressources/villes services:
Le clivage interurbain le plus important est certes celui que
l'on retrouve entre les villes de ressources et les villes de
services au Québec; un écart de près de dix (10) ans d'espérance
de vie à la naissance sépare les extrêmes de ces deux groupes de
villes. Le groupe des villes-ressources se compose principale-
ment de Rouyn-Noranda, Chicoutimi, La Sarre, Amos, Malartic,
19 .
Val-D'Or, Alma, Dolbeau, St-Félicien, Maniwaki, Mont-Laurier, La
Tuque, Windsor, Asbestos, Richmond, Waterloo, Lac-Mégantic,
Sorel, Beaupré, Ste-Anne-des-Monts, Chandler et Paspébiac; alors
que le groupe des villes-services s'associe davantage à Lachute,
St-Hyacinthe, Granby, Roberval, Mont-Joli, pour ne citer quelques
villes.
Les "villes-ressources" présentent toutes une très forte mortali-
té générale, une mortalité forte à tous les groupes d'âge et pour
les deux sexes, bien que les valeurs masculines soient habituel-
lement un peu plus élevées que les valeurs féminines. Les sur-
plus de décès résultent très largement des accidents et trauma-
tismes, mais aussi de maladies chroniques: le coeur surtout et en
certains cas le cancer et les maladies des appareils respiratoire
et digestif.
Ces villes présentent toutes aussi un contexte environnemental
fort singulier, fondé sur un ensemble d'activités économiques
reliées à l'exploitation de la forêt et des mines et à la premiè-
re transformation de ces produits - industries du bois, des pâtes
et papier, et des métaux. Elles se signalent généralement, aus-
si , par leurs conditions sociales, familiales et domestiques:
pauvreté, logements médiocres et rupture de la cellule familia-
le.
- L'opposition urbain/rural:
L'opposition entre la ville et la campagne, considérées globale-
ment, est principalement de nature qualitative et se situe au
niveau de l'âge au décès et de la forme de mortalité. La surmor-
talité urbaine est surtout adulte et porte sur les maladies du
coeur (ischémie), les cancers (colon, rectum, poumon, organes
20 .
génito-urinaires et sein), les homicides, les pneumonies et les
cirrhoses du foie. La surmortalité rurale, par contre, frappe
plus jeune, par accidents routiers, maladies infectieuses, bron-
chite, asthme, emphysème, maladies hypertensives, cancer de l'es-
tomac et mortalité infantile.
Les contextes environnementaux de la ville et de la campagne
s'opposent sur plusieurs plans: qualité de l'eau, de l'air,
réseau routier, activités économiques dominantes, conditions
sociales, familiales et domestiques. Alors que le milieu urbain
se signale par sa pollution atmosphérique, ses activités miniè-
res , manufacturières et de services, ses relativement bonnes
conditions socio-économiques et la rupture fréquente de ses fa-
milles; le milieu rural se distingue par son réseau routier éten-
du - en termes de kilomètres per capita - ses activités surtout
agricoles, sa pauvreté et ses logements en mauvais état - vétus-
té, exiguïté et insalubrité.
- L'opposition Nord/Sud:
A l'échelle supra-régionale, les précédentes oppositions contri-
buent à l'émergence d'un contraste graduel entre les régions du
Nord du Québec - le Nord-Ouest, le Saguenay/Lac-St-Jean, le
Nouveau-Québec, la Côte-Nord et le Bas St-Laurent/Gaspésie - et
les autres régions situées au Sud de la province.
Ce contraste se reflète dans les indicateurs globaux tel s que
l'espérance de vie à la naissance, dont les valeurs désavantagent
la majorité des régions du Nord: près de 3,4 années d'espérance
de vie séparent les régions extrêmes entre le Nord et le Sud,
21 .
soit le Nouveau-Québec et Québec. L'écart persiste au niveau de
la structure de mortalité selon l'âge et la cause. Plus T o n
progresse vers le Nord plus la mortalité chez les jeunes, les
moins de 35 ans, s'accroît en même temps que les taux de décès
par accidents et traumatismes - accidents de véhicules à moteur -
par maladies infectieuses, par troubles mentaux, par cancer de
l'estomac, par maladies de l'appareil respiratoire et par morta-
lité infantile.
Ce contraste marque le passage au plan environnemental du "Québec
de base" vers le "Québec des ressources naturelles". Alors que
le premier traduit les grands traits de l'urbanisation, le second
offre une géologie particulière, une eau dure, de vastes espaces,
de longues routes, une économie axée sur la forêt et les mines,
des communautés autochtones, de 1 a pauvreté, de piètres condi-
tions de logement et une forte consommation d'alcool.
- L'opposition Ouest/Est:
A l'échelle supra-régionale, un dernier contraste également gra-
duel s'établit entre les régions de l'Ouest de la province - le
Nord-Ouest, le Saguenay/Lac-St-Jean, 1'Outaouais, les Lauren-
tides/Lanaudière, le Sud de Montréal et le Montréal-Métro - et
les régions de l'Est - les autres régions du Québec, incluant le
Nouveau-Québec.
Ce contraste traduit grossièrement aux plans sanitaire et envi-
ronnemental le passage de milieux urbanisés, comportant plusieurs
villes-ressources et d'importantes capitales, vers une zone plus
largement rurale, formée d'une pléiade de satellites et de
villes-services. D'Ouest en Est aussi, l'espérance de vie à 35
ans s'accroît et les maladies chroniques (coeur, cancer) laissent
la place aux accidents et autres pathologies apparentées au monde
rural.
22.
CONCLUSION
L'espérance de vie des Québécois s'élève constamment depuis le début
des années 50 pour atteindre actuellement des sommets inégalés dans
notre histoire sanitaire. Ces gains se traduisent-ils par une restric-
tion d'activité accrue? Résultent-ils de l'amélioration de l'environ-
nement et des habi tudes de vi e? Se real i sent-i 1 s dans certai nés ré-
gions, villes et quartiers seulement?
Beaucoup de questions mais peu de réponses. Nous ne disposons d'aucune
donnée québécoise sur 1'évolution de la restriction d'activité. Nous
pouvons apprécier les changements positifs de la consommation de tabac,
de la pratique de l'activité physique, du secteur des transports, mais
sommes plutôt muets face à l'évolution des conditions de travail et des
conditions familiales et sociales. Notre intérêt pour la dimension
géographique, enfin, est toute récente et n'a guère laissée place aux
analyses temporelles.
Ces interrogations et d'autres, intimement liées aux travaux sur les
indicateurs de santé, trouveront vraisemblablement quelques réponses au
sein des projets, enquêtes et études anticipés pour les cinq (5) pro-
chaines années. La tenue d'une vaste enquête sur la santé des Québé-
cois (enquête "Santé-Québec"), la mise en place d'un système permanent
de surveillance spatio-temporelle de la santé, le calcul de taux de
morbidité à partir des fichiers de la RAMQ, l'examen des causes multi-
ples de décès pour mieux cerner la maladie chez les personnes âgées, la
reprise d'une enquête sur les comportements alimentaires, la réalisa-
tion d'enquêtes perceptuelles et d'analyses prospectives sur la santé
et les récents changements touchant le Fichier des tumeurs - où la
déclaration des cas est maintenant obligatoire - sont autant d'éléments
qui amélioreront notre connaissance de la santé des Québécois.
i
23 .
RÉFÉRENCES
(1) CHARRON, M.F. (1982), Le Sanitoscope, Service des études épidémio-logiques, données non publiées, MSSS.
(2) DILLARD, S. (1983), Durée ou qualité de la vie, Collection: la santé des Québécois, Conseil des Affaires sociales et de la famille, Gouvernement du Québec.
(3) BEAUPRE, M. (1984), Rapport annuel des nouveaux cas de cancer déclarés au fichier des tumeurs du Québec, Service des études opérationnelles, MSSS.
(4) On peut trouver les multiples références qui appuient cette sec-tion dans PAMPALON, R. (1980) Environnement et Santé; élé-ments d'une problématique québécoise. Certaines données ont cependant été mises à jour.
(5) ROY, L. (1985), Le point sur les habitudes de vie: J'a]coo1> le tabac, ConsëTT des Affaires sociales et de la famille, Gou-vernement du Québec.
(6) Les données de cette section sont issues de PAMPALON, R. (1985) Géographie de la santé au Québec. Service des études de santé, MSSS. Les valeurs retenues pour l'analyse s'étendent sur toute la décennie 70.
(7) WILKINS, R. (1980), L'inégalité sociale face â la mortalité à Montréal, 1975-1977, Cahiers Québécois de Démographie, 9 (2): 159-184.
J H / 9 * N 3134
P^MPALON, Robert L'état de santé des québécois un bref bilan des indicateurs .disponibles
N 3134
Gouvernement du Québec Ministère de la Santé et des Services sociaux