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LES RAPPORTS DE L’ART ABSTRAIT (KANDINSKY, KLEE, MONDRIAN) AVEC LES TENDANCES D’ABSTRACTION DE L’ART SACRÉ Gabriel Badea Abstract: The Connections of Abstract Art ((Kandinsky, Klee, Mondrian) with the Abstractization Tendencies of Sacred Art. The main purpose of this paper is to study the connections that can be established between the modern abstractionism and the abstract tendencies from other historical eras. In the first part I will present three distinct interpretations: the first direction is based on authors as Mircea Eliade and Roger Lipsey, who see modern art through the links still alive between art and religion, from a syncretic perspective, or, after Eliade’s expression, based on a creative hermeneutics. The second direction is represented by the work of Adorno, Compagnon, Greenberg, Lyotard, for whom the modern art is a manifestation of radical discontinuity in relation to the art of the past, and the emergence of abstractionism is due primarily to a historical necessity (the increasing rupture between form and content, the increased autonomy of the sensible over the intelligible). The third direction is represented to Wilhelm Worringer, whose work (Abstraktion und Einfühlung, 1907) predates the emergence of the first abstract paintings, but relying on the German aesthetic tradition, manages to go beyond the threshold distinction between figurative and abstract, thus identifying a type of Einfühlung art and another of abstract type, namely the predominance of one or the other in different historical contexts and civilizational patterns. In the second part of the paper I will refer to instances of the spirit of abstraction in the case of Byzantine sacred art, especially in the footsteps of Plotinian aesthetics and as a result of the iconoclastic crisis. In the last part, I will present the key ideas for three major representatives of abstractionism (Kandinsky, Klee, Mondrian) and the survival of the concepts of sacred art in their works and art theories. Keywords: abstract art, Einfühlung, sacred art, form, content, iconoclasm, spirit, matter L’approche proposée dans cet essai, c’est de regarder l’art abstrait moderne comme un art cosmologique à travers lequel les univers plastiques traditionnels sont détruits, mais pas à la suite d’une emprise négative ou contestataire (conformément à la dialectique de l’avant-garde), mais pour créer ou pour imaginer de nouveaux mondes, pour arriver aux niveaux les plus Postdoctoral Researcher, University of Bucharest, Center of Excellence in Image Studies (CESI), [email protected]

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LES RAPPORTS DE L’ART ABSTRAIT

(KANDINSKY, KLEE, MONDRIAN) AVEC LES TENDANCES D’ABSTRACTION DE L’ART SACRÉ

Gabriel Badea

Abstract: The Connections of Abstract Art ((Kandinsky, Klee, Mondrian) with the Abstractization Tendencies of Sacred Art. The main purpose of this paper is to study the connections that can be established between the modern abstractionism and the abstract tendencies from other historical eras. In the first part I will present three distinct interpretations: the first direction is based on authors as Mircea Eliade and Roger Lipsey, who see modern art through the links still alive between art and religion, from a syncretic perspective, or, after Eliade’s expression, based on a creative hermeneutics. The second direction is represented by the work of Adorno, Compagnon, Greenberg, Lyotard, for whom the modern art is a manifestation of radical discontinuity in relation to the art of the past, and the emergence of abstractionism is due primarily to a historical necessity (the increasing rupture between form and content, the increased autonomy of the sensible over the intelligible). The third direction is represented to Wilhelm Worringer, whose work (Abstraktion und Einfühlung, 1907) predates the emergence of the first abstract paintings, but relying on the German aesthetic tradition, manages to go beyond the threshold distinction between figurative and abstract, thus identifying a type of Einfühlung art and another of abstract type, namely the predominance of one or the other in different historical contexts and civilizational patterns. In the second part of the paper I will refer to instances of the spirit of abstraction in the case of Byzantine sacred art, especially in the footsteps of Plotinian aesthetics and as a result of the iconoclastic crisis. In the last part, I will present the key ideas for three major representatives of abstractionism (Kandinsky, Klee, Mondrian) and the survival of the concepts of sacred art in their works and art theories.

Keywords: abstract art, Einfühlung, sacred art, form, content, iconoclasm, spirit, matter

L’approche proposée dans cet essai, c’est de regarder l’art abstrait moderne comme un art cosmologique à travers lequel les univers plastiques traditionnels sont détruits, mais pas à la suite d’une emprise négative ou contestataire (conformément à la dialectique de l’avant-garde), mais pour créer ou pour imaginer de nouveaux mondes, pour arriver aux niveaux les plus Postdoctoral Researcher, University of Bucharest, Center of Excellence in Image Studies (CESI), [email protected]

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profonds de la réalité. Deuxièmement, je me propose de montrer que, même comme avant-garde de la modernité ou comme expression du Nouveau radical dans l’art, l’art abstrait partage certaines caractéristiques avec les tendances d’abstraction de cette période historique. Ma démarche est fondée sur les interprétations des auteurs comme Mircea Eliade ou Roger Lipsey, qui ont abordé le problème de l’art moderne à travers les rapports de la religion (le spirituel) et l’art. Pour le jeune Eliade, le phénomène artistique a besoin de la participation d’autant de plans de la conscience que possible: l’idéal est donné par l’artiste du Moyen Âge, qui maîtrisait, à part son art, une métaphysique et une Cosmologie. En esquissant le portrait virtuel de “l’Écrivain de demain”, Eliade envoie à l’art médiéval, celui qui surgissait de prémisses cosmologiques, étiques et existentielles:

L’écrivain de demain devra retrouver la dignité et la sévérité de son art. Tout comme l’artiste du Moyen Age – qui maîtrisait les sept Arts, initié à la Théologie tout comme à la Musique et à la Grammaire- le nouvel écrivain va falloir approfondir les techniques et les secrets de l’entière connaissance de l’humanité. [...] Pareil à l’idéal de Dante, à celui de Calderón, Shakespeare, Goethe ou Novalis – l’écrivain nouveau [...] va rêver un Art qui soit en même temps une Métaphysique et une Cosmologie1.

En ce qui concerne l’art moderne, Eliade a remarqué son fond moins évident pour les adeptes du Nouveau Radical, respectivement le cycle destruction-régénération, visible dans la hiérophanie de la matière et dans l’aspiration des artistes vers la création des nouveaux mondes, des visions primordiales, totales et essentielles. Eliade a remarqué la fureur iconoclaste et anarchique spécifique à l’artiste moderne, reliée à la destruction et à la régénération de l'Univers dans la civilisation sémitique. Ainsi, il montre que l'artiste moderne répète certains modèles de l’histoire des religions. Une interprétation similaire, concernant ce côté moins visible du modernisme artistique, peut être trouvée dans le volume La Nostalgie des Origines, publié en 1969:

Tous les mouvements artistiques modernes cherchent, consciemment ou inconsciemment, à détruire les univers esthétiques traditionnels, la réduction des « formes »à l’état élémentaire germinal, larvaire, dans l'espoir de recréer des «mondes frais»; [...] Ces mouvements cherchent à abolir l'histoire de l'art et de retrouver l’instant auroral quand l’homme voyait pour la «première» fois le monde. C’est inutile de mentionner maintenant combien celles-là doivent intéresser l'historien des religions, familier avec le système mythologique impliquant la destruction symbolique et la recréation de l'univers permettant la

1 Mircea Eliade - „Scriitorul de mâine...” dans Viaţa literară, an XI, nr. 11, 25 aprilie-mai 1937, p.1, cité après Mircea Eliade - Profetism românesc, vol. II, Bucureşti, Roza vânturilor, 1990, p. 198.

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reprise régulière d'une existence «pure» dans un monde frais, forte et fructueuse.2 En ce qui concerne l'évolution de la relation entre l'art et la religion

dans le contexte de la modernité, la plupart des chercheurs ont admis une séparation des plans par le fait que l’art gagne progressivement son autonomie, sans éprover la nécessité de satisfaire le rôle d'auxiliaire de la religion officielle (en imposant des canons de la représentation, la dépendance financière de l'Église, etc). Mais Mais Eliade a montré que cette rupture de surface n'épuise pas toute les relations entre l'art et spirituel, même dans une crise du sentiment religieux associé à la montée des nouvelles doctrines matérialistes, positivistes et asimbolistes.

L’apparition de l’abstractionnisme comme nécessité historique

Tout d’abord, il faut mentionner les conditions sociales et historiques qui ont conduit à l’apparition de l’abstractionnisme, respectivement sa particularité par rapport aux autres avant-gardes historiques, les rapports entre ses principes et ceux du dadaïsme, du surréalisme et de l’avant-garde russe. Artistes comme Mondrian, Kandinsky, Malevitch semblent avoir ignoré les conditions socio-historiques qui ont favorisé l’apparition du nouveau mouvement artistique (la distinction entre le contenu et la forme, l’autonomie croissante du sensible par rapport à l’intelligible dans le XIXe siècle), placent leurs œuvres en descendance de la tradition spirituelle. Au contraire, l’interprétation de Clément Greenberg et de Theodor W. Adorno est centrée sur l’opinion que la parution de l’abstractionnisme doit être interprétée comme une rupture, un choque, une révolution, par rapport à la tradition de la représentation picturale basée sur la perspective de la Renaissance. Deuxièmement, les changements rapides et profonds dans le cadre de l’art moderne sont regardés comme une réflexion des transformations spécifiques au phénomène de modernisation par lesquelles passent les sociétés occidentales (la rationalisation des procès de production et consommation, l’accélération de la vie sociale, la naissance des rapports contractuels et impersonnels entre les gens). Un philosophe comme Adorno a mis le problème des rapports entre l’art moderne et le Nouveau comme une catégorie épistémologique. Ainsi, il a fait la distinction entre l’art fantastique et l’art romantique d’un côté (ceux-ci représentant un Non existant comme s’il existait, leur inventions étant seulement des changements de la réalité empirique), et de l’autre côté, l’art moderne, celui qui, refusant la contamination à l’existence telle quelle, l’exprime sans pitié3. Adorno a rejeté la continuité linéaire, non-dialectique entre l’Ancien et le Nouveau, tout comme l’explication du caractère novateur du modernisme à travers les similitudes avec d’autres hypostases historiques du phénomène de l’art. Dans 2 Eliade, Mircea – Nostalgia originilor, Ed. Humanitas, Bucureşti, 1994, p. 108 3 Adorno, Theodor W. – Teoria estetică, Ed. Paralela 45, Pitești, 2005, p. 31.

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le contexte de la modernité, il a parlé de l’impératif de la nouveauté comme condition sine qua non de la réussite: „A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, avec le capitalisme avancé, la catégorie du nouveau est l’une centrale [...]. Dès ce moment, aucune œuvre qui a méprisé le concept, même fluctuant, de la modernité, n’a pas été réussie”4. De ce point de vue, Kandinsky, Klee et Mondrian, bien qu’ils ne fussent pas intéressés par le plan de la nécessité historique, ils ont respecté pourtant la condition exigée par Adorno de sorte que leurs techniques aient un caractère novateur. Jean François Lyotard a identifié comme principale caractéristique de l’art moderne, son autodéfinition comme technique de l’indéterminé par lequel l’artiste s’est libéré de toute contrainte des représentations (le support, le cadre, les lignes, les couleurs, l’espace). On retient, à ce titre, l’exemple de Cézanne.

Ces sensations élémentaires sont cachées à la perception commune, ce qui reste sous l’hégémonie du son mode commun classique de regarder. Elles ne sont pas accessibles au peintre, donc elles ne peuvent pas être reproduites par celui-ci qu’avec le prix d’une ascèse intérieure qui nettoie le champ perceptif et mental de tout préjugé inscrit même dans la manière de voir5.

Pour le peintre moderne, la vraie mise est de „faire voir ce qui fait voir et non pas ce qu’est visible”6. Donc, Adorno et Lyotard comprennent l’art moderne dans les termes d’une rupture radicale avec la tradition de la représentation, mais sans mentionner l’intérêt particulier manifesté par la majorité de peintres modernes pour l’art primitif et exotique. Ainsi, ils s’arrêtent sur les différences entre le modernisme lui-même et les tendances d’abstraction d’autres époques historiques, en passant sous silence les similitudes frappantes d’entre celles-ci lorsqu’on se rapporte au plan de la subjectivité esthétique.

Worringer : l’instinct d’abstraction est anhistorique

Ce deuxième plan est mis en discussion par Wilhelm Worringer, qui situe l’apparition de l’abstractionnisme dans un contexte différent par rapport au ciontexte dialectique. La fameuse œuvre de l’esthéticien allemand, Abstraction et empathie/ Abstraktion und Einfühlung, date de 1907, lorsque l’abstractionnisme proprement-dit n’existait pas (la première œuvre est due à Kandinsky en 1910). Il y a quelques hypothèses conformément auxquelles le peintre d’origine russe, avec ses collègues du groupe Blaue Reiter (Franz Marc et August Macke), aurait lu l’œuvre de Worringer et l’aurait considéré comme source d’inspiration. Ce dernier a fait la distinction entre l’art abstrait et l’art d’Einfühlung ou empathie: la caractéristique de la première est de marquer une

4 Idem, p 32. 5 Lyotard, Jean – François – „Sublimul și avangarda”, dans Inumanul, Ed. Idea, Cluj, 2002, p. 98. 6 Ibidem.

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séparation, pendant que la dernière établit “une liaison entre le sujet et l’objet, fait pénétrer le sujet dans l’objet, implique une osmose et une communion”7. Ces deux types d’art se différencient également en ce qui concerne les rapports avec la nature: l’art abstrait trouve son origine dans le désir de l’homme de se réfugier dans un univers des formes non-naturelles, car il perçoit la nature comme un alliage de forces hostiles, qui le domine avec leur pouvoir; ou, au contraire, lorsque l’homme, par son intelligence et sa raison, aboutit à dominer la nature, en la méprisant. L’art d’Einfühlung exprime des sentiments d’empathie et communion avec la nature car l’homme ne ressent plus son angoisse, en arrivant à s’adapter aux rythmes saisonniers et aux cycles progrès/régression. L’innovation majeure de Worringer consiste dans le fait qu’il n’a pas commencé sa démarche à partir de l’opposition entre l’art naturaliste/imitative /réaliste et l’art symbolique /abstrait/ idéaliste. Par contre, en partant de théories de Lipps et Riegl, il a analysé le processus de la création non comme l’habilité de réaliser un œuvre d’art, mais il est allé en amont, vers la volonté de créer un tel œuvre. Cette intentionnalité de la création est antérieure au choix de créer un objet d’art en accord avec les formes naturelles ou en en faisant abstraction. De l’autre côté, en partant de la théorie de Lipps, il a fait la distinction entre l’art d’Einfühlung et l’art abstrait: „Pareil à l’instinct d’intropathie, comme prémisse de l’expérience esthétique, qui trouve sa satisfaction dans la beauté de l’organique, l’instinct d’abstraction trouve sa beauté dans l’anorganique qui nie la vie, dans le domaine cristallin, concernant en général toutes les règles et les nécessités abstraites.”8

La théorie de Worringer a été suivie et confirmée par celle d’Herbert Kühn, formulée dans l’œuvre Die Kunst der primitiven (1923). Kühn avait identifié dans l’art primitif deux catégories de formes – l’une „sensorielle” ou naturaliste, l’autre „imaginative” ou abstraite: „L’art sensoriel s’exprime par «imitation», en sens aristotélique, quant à l’art imaginatif, il cherche «l’éternel Un dans les choses, l’essentiel, la loi. Il cherche le mysticisme du triangle, le symbole de base du cercle, la paix infinie du rectangle»”9. (v. Fig 7 et 8) Herbert Read a essayé d’expliquer l’origine de la forme dans l’art en fonction de la distinction de Kühn:

Conformément à la première hypothèse, toutes les déviations formelles de l’efficience seraient dues à l’imitation, consciente ou inconsciente, des formes trouvées dans la nature; conformément à la deuxième hypothèse, la forme a sa propre signification, c’est à dire elle correspond à une nécessité intérieure psychique et elle exprime ce

7 Brion, Marcel – Arta abstractă, Ed. Meridiane, București, 1972, p. 54. 8 Worringer, Wilhelm – Abstracție și intropatie și alte studii de teoria artei, Ed. Univers, București, 1970, p. 23. 9 Kühn, Herbert – Die Kunst der Primitiven, Delphin-Verlag, München, 1923 apud Goldwater, Robert – Primitivismul în arta modernă, Ed. Meridiane, Bucureşti, 1974, p. 70.

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sentiment [...] qui représente souvent le désir de réification, d’éclaircissement, de précision, d’ordre10.

Ainsi, l’instinct d’abstraction peut être même le primum movens dans l’apparition de l’art comme processus de perception de la forme autonome, détachée de l’univers des formes naturelles. L’apparition de l’abstractionnisme peut être interprétée comme une hypostase moderne d’un phénomène culturel qui apparait périodiquement dans l’évolution des civilisations. A travers l’histoire ont existé trois périodes majeures d’ascension de l’iconoclasme: les deux premières pendant l’Empire Byzantin, entre 730-787 et 815-843, et la troisième pendant la Reforme. Dans son œuvre, L’image interdite, Alain Besançon a réalisé une histoire de l’iconoclasme ou de l’antipathie envers l’image, commençant avec Platon et jusqu’à deux représentants majeurs de l’abstractionnisme, Kandinsky et Malevitch. La thèse de son œuvre est celle que l’abstractionnisme moderne représente l’hypostase la plus récente de la tendance iconoclaste qui se manifeste périodiquement ou cyclique dans l’histoire de l’humanité, même si on peut facilement remarquer de différences notables entre l’iconoclasme byzantin et celui moderne. Mais ces différences, bien qu’elles attestent des transformations fondamentales au niveau sujet/objet, immanent/transcendance, apparence/réalité, elles ne peuvent éclipser entièrement les causes fondamentales et anhistoriques qui ont conduit, successivement, à l’émergence de l’iconoclasme. Dans le cadre de l’iconoclasme byzantin, les arguments de deux côtés étaient, premièrement, d’ordre théologique: „L'interdiction du second commandement contre l'image taillée a été utilisée comme un argument contre les icônes par les iconoclastes. Mais pour les iconophiles cette interdiction a été dissoute par la nouvelle dispensation de l'Incarnation et ministère du Christ, ainsi que par les pratiques de l'image de l'Eglise primitive”11. L’émergence de l'iconoclasme est aussi liée au mécanisme dialectique de l'histoire: „la production croissante d'icônes et leur utilisation comme images de dévotion à partir du VIe siècle a exacerbé la nécessité d'une théorie de l'image au IXe siècle” 12 . Je vais revenir sur l’hypostase moderne de l’iconoclasme dans une section ultérieure.

La question du spirituel dans l’art moderne La dissimulation ou la négligence de la dimension spirituelle par les

historiens et les critiques de l'art moderne, est surprise dans l'article „Modern Art”, dans l'Encyclopédie des religions, écrite par Roger Lipsey, l'éditeur et l'exégète le plus important du travail de Ananda Coomaraswamy. Dans ce qui 10 Read, Herbert – Originile formei în artă, Ed. Univers, București, 1971, p. 82. 11 Cormack, Robin – „Art and Iconoclasm”, dans Jeffreys, Elizabeth; Haldon, John; Cormack, Robin – The Oxford Handbook of Byzantine Studies, Oxford University Press, Oxford, 2008, p. 754. 12 Idem, pp. 753-754.

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suit, je vais me rapporter à une étude plus vaste, signée par Lipsey, Le spirituel dans l'art du XXe siècle. Je vais commencer par dire que les études de Compagnon13 et Lipsey peuvent être considérées comme des interprétations différentes concernant la présence (i)légitime d’un fondement spirituel dans l'art abstrait du début du XXe siècle. Compagnon estime que des artistes comme Mondrian, Kandinsky, Malevitch essayent de légitimer leur œuvres d’une manière a posteriori, en faisant appel à la doctrine spiritualiste du passé, dont le XXe siècle s’en était «débarrassé». Compagnon revient dans un autre paragraphe en mettant à l'index les trois peintres, qu’il accuse de naïveté et de retard culturel: „Grâce à un drôle décalage, la doctrine spirituelle, que le XXe siècle avait abandonnée, a servi à Kandinsky de légitimer au moins, sinon de trouver, le «ce» que intuitivement il remplacerait à l'art figuratif”14. Toujours sur Kandinsky, Compagnon a noté qu'il „se sentait lié aux symbolistes et préraphaélites anglais (Rossetti et Burne-Jones), qu'il considérait comme égaux à Cézanne, Matisse et Picasso, bien que son propre travail appartienne, indéniablement, aux autres tendances, et que pour nous, sa nécessité historique est évidente”15. En contrepartie, le travail de Roger Lipsey est une référence pour la lecture de l'interpénétration entre l'art et le thème spirituel dans les courants artistiques y compris l’art abstrait. Eliade n’a pas accordé une attention particulière à l'intérêt manifesté pour la théosophie ou l’anthroposophie par des artistes comme Mondrian, Kandinsky, Klee, Malevitch. Au contraire, sa position concernant le système théosophique d’Helena Petrovna Blavatsky était une plutôt critique, en le considérant comme une forme de popularisation des traditions spirituelles ésotériques.

En dépit de ces insuffisances, l’hypothèse de Lipsey est que l'art moderne peut être interprété comme un art cosmologique, parallèle et complémentaire à la science (par exemple, la physique des particules subatomiques, une zone en plein essor au début du XXe siècle). Pour Kandinsky, Klee, Mondrian l’objectif majeur est de chercher dans les profondeurs de la matière l’essence immuable et éternelle de la réalité. La devise de Mondrian était „moins de matière, plus de puissance”, l'artiste étant dans une recherche permanente d'une réalité supérieure – l’universalité qui est au-dessus de nous. D'autres artistes ont vu dans l'abstractionnisme de Mondrian une unité parfaite entre l'énergie, la forme et le sens: „les compositions sévères, mathématiquement parfaites de Piet Mondrian transforment l’angle droit et la ligne dans l'esprit pur. Ceux qui peuvent

13 Compagnon, Antoine – Cele cinci paradoxuri ale modernității/ Les Cinq Paradoxes de la modernité, Echinox, Cluj-Napoca, 1998. 14 Idem, p. 88. 15 Idem, pp. 88-89.

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comprendre les mystères de son système de réseaux, peuvent comprendre un aspect de l'Absolu”16.

Les hypothèses d’Eliade ci-dessus résonnent avec les idées de Piet Mondrian sur la conjonction entre l'art moderne et le sens intemporel et universel de l’esprit à travers l’abstractionnisme: „Représentant quelque chose de perceptible pour les sens, quelqu'un fait une affirmation de l'humanité car il connaît le monde grâce à son Ego. En contrepartie, s’il choisit de ne pas représenter les choses, il reste une place pour le Divin”17. L’„Universel” que Mondrian cherche peut être le même plan fondamental ou l’„Urgrund” dont parlait Paul Klee:

[L’Artiste] examine avec un regard pénétrant les formes que la nature place devant lui. Plus il regarde en profondeur, plus il devient capable d'élargir sa vision sur le passé, plus il est profondément impressionné par l’image de la création même, de la Genèse, plutôt que par celle de la nature comme produit fini18.

Ainsi, Klee cherche la découverte d’une image originaire et essentielle de la Genèse comme archétype de la création, au-delà du voile des objets et des êtres naturels appelés „produits finis” de celle-ci. Tout comme Mondrian qui a découvert une structure plastique fondamentale de l’univers, Klee a médité longtemps sur les hypostases multiples dans lesquelles se manifestent les deux éléments essentiels: le point et la ligne. Le premier d’entre eux marque le passage du chaos à cosmos, et Klee pendule entre les références bibliques et le références philosophiques. Le point est en même temps un réservoir d’énergie, de croissance et de mouvement; une image plastique du Logos originaire, du mot qui crée et gouverne le cosmos; il est la forme initiale et la matrice de toutes les formes ultérieures. La ligne est retrouvée presque partout dans le monde visible comme un élément fondamental dans la construction et le soutien de celui-ci (v. Fig. 4 et 5): „Fleuve dans la lointaine. Pensée. Chemin. Attaque. Epée. Fourmillement. Flèche. Rayon. La lame du couteau. L'échafaudage. Le constructeur de n’importe quelle forme: le fil avec du

16 Fingensten, Peter - “The Six-Fold Law of Symbolism”, dans The Journal of Aesthetics and Art Criticism, Vol. 21, Nr. 4, Vara, 1963, pp. 391: “Piet Mondrian's severe, mathematically-perfect compositions transubstantiate line and right angles into pure spirit. Those who can understand the mysteries of his grid system can understand an aspect of the Absolute”. 17 Piet Mondrian cité dans Lipsey, Roger – “Modern Art”, în The Encyclopedia of Religion (coord. Mircea Eliade), Macmillan Publishing Company, New York, 1987, vol. 10, p. 5: „In depicting something perceptible to the senses, one makes a human statement because one knows the world through one's own self. If one does not represent things, a place remains for the Divine”. 18 Paul Klee cité dans Lipsey, Roger – The Spiritual in Twentieth-Century Art, Dover, New York, 2011, p. 178: “...[the artist] surveys with penetrating eye the finished forms which nature places before him. The deeper he looks, the more readily he can extend his view from the present to the past, the more deeply he is impressed by the one essential image of creation itself, as Genesis, rather than by the image of nature, the finished product”.

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plomb”19. Mais le monde visible est identique au monde réel, qu’il obture ou le cache du regard du sujet. Ainsi, l’artiste doit-il en éloigner les manifestations dans le cadre du monde sensible et doit-il aspirer vers la représentation de la réalité dans ses formes essentielles, c’est à dire justement au processus d’abstraction: „Tout le transitoire est seulement une comparaison. Ce que nous voyons est un but, une possibilité, un moyen. La vérité se caché toujours en arrière-plan”20. De l’autre côté, le point et la ligne correspondent sur un plan différent, à l’antagonisme ou au dualisme, qui rendent possible l’existence des concepts binaires (bas/haut, gauche/droite, bien/mal etc.) et implicitement du monde environnant.

Un autre cadre conceptuel fondamental pour la pensée de Klee est défini par les relations des formes naturelles, des formes finales et du processus de création ou la Genèse dans un sens idéal:

Tout d'abord, [l'artiste] n'attache une importance trop intense à la forme naturelle parce que, pour lui, ces formes finales ne sont pas la vraie substance du processus de création naturelle. Car il donne plus de valeur aux pouvoirs qui créent les formes qu’aux formes finales mêmes. [...] Plus il regarde en profondeur, plus il peut élargir son point de vue du présent au passé, plus il est impressionné par une image essentielle de la création elle-même, comme la Genèse, plutôt que par l'image de la nature du produit fini21.

Donc pour Klee, la Genèse n’est pas un phénomène qui tient seulement du passé, un phénomène achevé et irréversible, mais elle est un processus en plein déroulement, qui en représente un stage intermédiaire et, par la suite, les formes qui nous entourent ne peuvent être jamais de formes finales. L’artiste doit faire abstraction de formes retrouvées dans le cadre du monde sensible et il doit aspirer vers la représentation des forces qui soutiennent et modèlent la réalité seconde qui change: „Il se dit, en pensant à la vie autour de lui: ce monde à un moment donné était différent et, à l'avenir, il se penchera d’autant plus différent. Puis, s’envolant à l'infini, il réfléchit: il est très probable que, sur d'autres étoiles, la création ait produit un résultat complètement différent”22. De l’autre côté, tout comme dans le cas de Klee, mais en partant sur une voie distincte, Kandinsky et Mondrian arrivent à des résultats similaires, dont la réalisation fondamentale consiste à voir la forme comme un obstacle: „Parce

19 Klee, Paul – Notebooks. Volume 2, The Nature of Nature, Lund Humphries, London, 1973, p. 301: „River in the remote. Thought. Pathway. Assault. Sword, stab, arrow, ray. A knife's edge. Scaffolding. And that joiner of all form, the plumbline”. 20 Klee, Paul – Diari 1898 – 1918, Mondadori, Milano, 1990, pp. 380, par. 1081: „Tutto il transitorio è solo un confronto. Ciò che vediamo è un proponimento, una possibilità, un mezzo. La verità reale si cela ancora nel fondo”. 21 Klee, Paul – On Modern Art (1924), dans Harrison, Charles; Wood, Paul (ed.) – Art in Theory 1900-1990. An Anthology of Changing Ideas, Blackwell Publishers, Oxford, 1992, p. 348. 22 Idem, p. 348.

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que l’obstacle de la forme a été détruit, le nouvel art s’affirme comme plasticité pure”23.

Contrairement à ces deux acceptions sur l’art abstrait de Worringer, l’argumentation d’un artiste visionnaire et originel, de l’envergure de Paul Klee, s’inscrit sur d’autres plans de la compréhension de l’intentionnalité sur laquelle se construit la création artistique. Il a comme point de départ le rapport dialectique entre le monde visible en pleine dégradation pendant les années de la Première Guerre Mondiale (pendant laquelle ses amis artistes, August Macke et Franz Marc, sont morts sur le front), et le monde pur de l’abstraction : „On quitte la terre d’ici pour agir sur les terres d’ailleurs, où, au moins, l’existence intacte est possible. Abstraction. Le romantisme froid de ce style sans pathos n’a plus jamais été rencontré. Plus le monde devient un lieu affreux (comme aujourd’hui), plus l’art devient plus abstrait, tandis qu’un monde heureux produit un art acheminé vers le monde d’ici et de maintenant”24. Klee parle aussi de „la formation du type cristallin” dans les couches subtiles de son psychique, et, en faisant une référence à l’art de Kubin, il affirme que celui-ci „a ressenti la nostalgie du cristallin, mais il n’a pas pu s’arracher de la boue visqueuse du monde des apparences” et il a conçu, dans son art, „le monde comme poison”25. Il s’agit

23 Idem, p. 288. 24 Klee, Paul - Diari 1898 – 1918, Mondadori, Milano, 1990, pp. 316-318, par. 951: „Si abbandona questa zona e in compenso si va in una di là, dove ogni anelito può essere soddisfatto. Astrazione. Il freddo romanticismo di questo stile senza pathos è inaudito. Quanto più è spaventoso questo mondo, come oggi, tanto più astratta è l'arte, mentre un mondo felice produce un'arte dell'al di qua”. 25 idem, p. 320, par. 958: „Kubin fuggì questo mondo perché fisicamente non ce la faceva più. Rimase bloccato a mezza strada, bramò di diventare adamantino, ma non riuscì a liberarsi dalla melma tenace della realtà fenomenica. La sua arte concepisce un mondo avvelenato, un mondo in rovina”.

Fig. 1. Vasili Kandinsky – Points fixes, 1942

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donc de la nostalgie d’un monde minéral, gouverné par des principes géométriques abstraits, indifférents aux cycles agrégation-désagrégation qui déterminent le monde des apparences. C’est une aspiration vers la stabilité, mais aussi vers la totalité, une image invoquée par Klee lorsqu’il compare son art à celui de Franz Marc: „Plus humain, il aime avec plus de chaleur que moi- d’une manière plus pesante. Il rejoint les animaux comme s’ils étaient des humains. Il les dresse à son niveau. Il ne commence pas par se dissoudre en totalité, comme en faisant partie de lui, pour qu’après il puisse se concevoir, pas seulement au même niveau avec les animaux, mais aussi avec les pierres et les plantes. Chez Marc, on trouve sur le premier plan l’idée du terrestre en défaveur du cosmos”26. L’idée du cosmos devient ainsi la matrice de la totalité et dans ce cadre le terrestre ne représente qu’une hypostase particulière, fragmentaire et en éternel changement.

Quant aux préoccupations d’ordre spirituel et au style de Kandinsky, Lipsey observe l’influence de l’Arbre kabbalistique de la vie (dans Points fixes, v. Fig 1), du Monocorde cosmique imaginé par Robert Fludd (1618) (dans In the bright oval / Dans l’ovale luminuex, v. Fig 2) et probablement d’une certaine vision chamanique. Il a connu l’importance fondamentale du cercle pour son art, comme un symbole de l'ordre cosmique et du Paradis. On peut identifier, dans la création de Kandinsky, au moins deux périodes distinctes: la première, la période de la rédaction du volume-manifeste Du spirituel dans l'art (1912); la seconde période, où il a activé dans le mouvement

26 idem, par. 1008: „Egli è più umano, ama con più calore, con maggiore intensità. Si china con umanità verso gli animali. Li innalza a sé. Non si dissolve nel tutto, come fosse parte di esso, per potersi considerare poi alla stessa stregua, non solo degli animali, ma anche delle piante e delle pietre. In Marc l'idea del terreno prevale su quella dell'universo”.

Fig. 2. Vasili Kandinsky – Dans l’ovale luminuex (In the bright oval), 1925

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Bauhaus, en étant contraint de cacher le sens spirituel de sa peinture, car plupart des artistes du mouvement n’étaient pas sensibles à ces questions.

Tout comme Van Gogh et comme Mondrian, Kandinsky a cru être le témoin d’une révolution spirituelle vraiment contemporaine’ un moment tournant dans l'histoire humaine:

À peine éveillé après les années du matérialisme, l'âme est intoxiquée par le désespoir, né à cause de l’incrédulité et de l’absence de sens. Le cauchemar du matérialisme qui a transformé la vie dans un jeu diabolique et absurde, n'est pas encore terminé, il obscurcit encore l'âme éveillée. Seulement une lumière clignotante et faible...27

Le spiritualisme profond qui est fondamental pour l’art de Kandinsky est exprimé sans équivoque dans son ouvrage théorique de 1912, ouvrage quittant les voies traditionnelles de l’histoire de l’art et qui ignore le modèle de l’interprétation historiciste ou strictement esthétique. En échange, Kandinsky réintroduit quelques concepts fondamentaux pour la théorie de l’art (imitation, Stimmung, le contenu mystique de l’art, l’art comme partie de la vie spirituelle, le rapport esprit/matière, les niveaux de représentation du divin), mais il introduit aussi de nouveaux rapports (la relation musique-peinture, la ressemblance d’ordre intérieur entre l’art moderne (abstrait) et les arts des époques différentes). La création de son nouvel art est radicale, en accord avec l’action de la nécessité intérieure, la seule qui puisse guider l’artiste dans le labyrinthe des formes extérieures ; pour Kandinsky la définition de l’expression artistique était „la tendance de représenter la nature pas comme un phénomène extérieur, mais de communiquer premièrement l’élément de l’impression intérieure”28. Worringer avait noté, quelques années auparavant, la transformation survenue dans le cadre de l’esthétique moderne avec l’apparition du concept d’Einfühlung, dû à Theodor Lipps, „qui a fait le pas décisif en passant de l’objectivisme esthétique au subjectivisme esthétique, et qui ne part pas, dans ses recherches, de la forme de l’objet esthétique, mais de l’attitude du sujet qui contemple” 29 . Mais, en partant de ce subjectivisme esthétique (le son intérieur, l’action de la nécessité intérieure), Kandinsky arrive à la négation de la réalité extérieure, vue plutôt comme obstacle hissé contre celui qui se trouve à la recherche de l’éternel objectif: „l’action de la nécessité intérieure et donc l’évolution de l’art est l’expression progressive de l’éternel objectif par sa temporalité subjective”30. Ce n’est pas par hasard que deux de coryphées de l’abstractionnisme venaient de l’espace de la culture 27 Wassily Kandinsky cité dans Lipsey, Roger - “Modern Art”, ed. cit., p. 4: „Only just now awakening after years of materialism, our soul is infected with the despair born of unbelief, of lack of purpose and aim. The nightmare of materialism, which turned life into an evil, senseless game, is not yet passed; it still darkens the awakening soul. Only a feeble light glimmers...” 28 Kandinsky, Vasili – Spiritualul în artă, Ed. Meridiane, București, 1994, p. 80. 29 Worringer, op. cit., p. 22. 30 Kandisky, op.cit., p. 68.

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russe, là où la tradition de l’art byzantin avait survécu dans la peinture de l’icône. Hans Belting a remarqué l’intérêt spécial de Malevitch pour l’art byzantin dans lequel il voyait une recherche de l’essentiel, au-delà des apparences du monde extérieur: „K. Malevitch, qui essayait de trouver l'idéal absolu, telle une nouvelle icône, en évitant le détour par la figuration, voyait dans l'icône russe l'alternative à la tradition artistique de l'Occident: selon ses propres termes, elle était pour lui une source d'une vérité plus haute que celle de la nature”31. D’une façon similaire, la tradition de l’icône byzantine essaye de faire abstraction d’hypostases du Multiple pour représenter l’Un avec toutes ses qualités: l'immutabilité, l'uniformité, l'invariabilité, la simplicité32. Certes, au niveau de la représentation et des techniques, il y a de différences notables entre l’art byzantin et l’abstractionnisme moderne, mais par le prisme de l’instinct d’abstraction et la volonté d’art, telles qu’elles sont interprétées par Worringer, le rapprochement peut être légitime. À l’attente de „rendre visible l’invisible”, à l’aide de certaines procédures, l’art byzantin a essayé de limiter les points de contact entre le monde matériel et le monde suprasensible: „On fit donc disparaître le volume, l'espace, le poids, la variété habituelle des mouvements, des formes, des couleurs. «Dématérialisée» de cette sorte, la figuration semblait plus conforme à une évocation de l'Intelligible”33. Quels sont donc les rapports entre l’abstractionnisme moderne et l’art sacré? Si le dernier, spécialement celui chrétien, en imposant les thèmes, les modalités de représentation, empêche la naissance d’une subjectivité moderne, pourquoi ce sont les esprits avant-gardistes comme Klee, Kandinsky, Mondrian, retournent vers le plan spirituel? Le philosophe Michel Henry, dans son tome dédié à Kandinsky ramène en actualité l’hypothèse que l’art sacré a comme but principal justement la représentation de l’invisible: „À son début, tout art est sacré, son souci exclusif c'est le surnaturel. Cela veut dire justement qu'il se préoccupe de la vie – non pas du visible mais de l'invisible”34. Cette approche est en accord avec la périodisatio hégélienne de l’art en fonction de l’évolution du rapport d’adéquation entre la forme et le contenu de l’œuvre d’art. La première période associée à la religion de la nature c’est la période de l’art symbolique, où il existe une séparation entre le contenu spirituel et la forme sensible. L’adéquation entre les deux est réalisée dans l’art classique, associé au panthéisme de la Grèce antique et grâce à la sculpture: „Le point central de l’art est constitué par l’union - comme totalité libre, bien caillé en soi - du contenu avec la forme ou la figure qui lui est absolument adéquate. Cette réalité qui coïncide avec le concept du beau et vers lequel aspirait en vain la forme symbolique de l’art apparait seulement dans l’art

31 Belting, Hans – Image et culte. Une histoire de l'image avant l'époque de l'art, Les Éditions du Cerf, Paris, 1998, p. 34. 32 Grabar, André – Les origines de l'esthétique médiévale, Macula, Paris, 1992, p. 27. 33 Idem, p. 21. 34 Henry, Michel – Voir l'invisible. Sur Kandinsky, Ed. François Bourin, Paris, 1988, p. 217.

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classique”35. Finalement, la dernière période est celle de l’art romantique, vue comme antithèse de l’art classique et interprété à travers une série d’oppositions: extérieur/intérieur, corporalité/spiritualité. La tendance de l’art romantique s’inscrit dans l’intériorité et dans la spiritualité:

La peinture représente l'intérieur sous la forme des objets extérieurs; mais son fond propre est la subjectivité sensible. [...] ce qu’y représente le noyau de la représentation, ce ne sont pas ces objets en eux-mêmes, c'est la vitalité et l'animation de la conception et de l'exécution personnelle, c'est l'âme de l'artiste qui se reflète dans son œuvre et qui offre non pas une simple reproduction des objets extérieurs, mais soi-même et sa pensée intime36. Mais Hegel avait considéré que cette étape de l’art romantique (ou

chrétien) avait été résolue une fois pour toutes: „En général, dans le développement de chaque peuple, il arrive un moment où l'art ne suffit plus. Après la période de l'art chrétien, si puissamment favorisé par l'Église, vient la Réforme, qui enlève à la représentation religieuse l'image sensible pour ramener la pensée à la méditation intérieure”37. En revenant à Michel Henry, l’art sacré est l’expression d’une subjectivité pathétique, construite par la précipitation de la vie en notre Moi, hors de sphères de la volonté et de l’action: „Depuis le christianisme [...] le télos grec de la figuration a subi une mutation importante: ce qui est représenté, ce n'est plus le monde justement, c'est explicitement, délibérément, inlassablement, la vie – la vie invisible” 38 . (v. Fig. 11) Un sentiment est invisible et surtout les sentiments de nature religieuse (la force, la joie, l'amour, le pardon, la purification, le don), et l’art ne peut tout représenter que par suggestion ou symbolisation. Si l’on accepte la thèse que l’art est un domaine de l’imaginaire, alors entre les tendances d’abstraction de l’art sacré et de l’abstractionnisme purement moderniste, on peut établir une connexion directe, un éloignement progressif de formes du monde sensible. D’autres auteurs ont nié l’existence de cette liaison, en insistant sur le caractère éminemment moderne de l’abstractionnisme: „À la différence du processus d'abstraction de la nature ou des objets (une tendance récurrente dans de nombreuses cultures et périodes qui remonte aussi loin que la peinture rupestre paléolithique), l'art abstrait comme une esthétique consciente basée sur des

35Hegel, G. W. F – Prelegeri de estetică, vol. I, Ed. Academiei, Bucureşti, 1966, p. 446, cité après Hegel, G.W.F. – Despre artă şi poezie, vol. I, Minerva, Bucureşti, 1979, p. 204. 36 Idem, pp. 65-66: „Pictura înfățișează intuiției noastre interiorul în forma obiectivității exterioare, dar conținutul ei propriu pe care îl exprimă este subiectivitatea adecvată. [...] Dar ceea ce formează miezul conținutului unor astfel de opere de artă nu sunt înseși aceste obiecte, ci viața și sufletul concepției subiective și al executării, sentimentele artistice oglindite în opera sa, care nu este o simplă copie a unor obiecte exterioare, ci ni-l arată pe el însuși, interiorul lui.” 37 Hegel, G. W. F. – Esthétique, tome premier, Librairie Germer-Baillère, Paris, 1875, p. 40. 38 Idem, p. 219.

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hypothèses d'autosuffisance est un phénomène moderne complet”39. Il est vrai que l’abstractionnisme moderne n’a plus une finalité morale ou religieuse au milieu des masses, que son spiritualisme reste incompréhensible pour celles-ci, que dans la modernité on ne peut plus parler d’un culte des images comme dans l’art chrétien. Mais, si l’on se rapporte au „concept d’abstraction” théorisé par Worringer où la „volonté d’art” comme impulse originaire de la création artistique de type historiciste pré-moderne-moderne devient artificielle.

Fig. 3. Vasili Kandinsky – Composition VII, 1913 Quoi d’autre c’est l’art chrétien byzantin et médiéval que de la morale

intériorisée dans un culte des images? En mettant l’accent sur l’expérience intérieure du sujet qui regarde, cet art s’éloigne de la reproduction de la réalité extérieure. Même s’il semble un art figuratif, la manière de représentation conduit à l’éloignement de la réalité extérieure, du monde matériel des apparences et met celui qui regarde sur la voie de l’univers essentiel et inébranlable de la morale chrétienne: de la sorte, les personnages sont représentés toujours au premier plan, il n’y a pas de profondeur, de perspective, de volume, de relations entre les personnages et l’espace; dans l’art byzantin, les proportion naturelles des objets, dans une vision de perspective, sont inversées volontairement de sorte que le coté le plus éloigné d’une table est représenté d’une manière plus visible que celui situé au premier plan. Les visages des personnages bibliques, des saints ou martyres sont esquissés d’une 39 “Abstract Art”, in Turner, Jane (ed.) - The Dictionary of Art, Macmillan Publishers, New York, 1996, vol. I, p. 73.

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manière schématique et les détails physionomiques ou la représentation réaliste sont négligés en faveur d’une vision plus profonde, apte de sonder au-delà de la surface du monde matériel vers ce qu’on peut montrer par l’intermèdiare du symbole (v. Fig 10).

Pour exprimer ces considérations, même s’il est un esprit moderne, Kandinsky utilise un langage mystique afin de développer ses intuitions et ses idées concernant la nature, les fonctions et les buts de l’art abstrait. Alain Besançon a affirmé que „la suppression de l’objet dans la peinture” signifie le triomphe de la vie intérieure sur la réalité extérieure, tout comme la morale intériorisée des évangiles conduit à la délivrance du sujet par rapport au conditionnement et à la violence du monde matériel. De ce point de vue, l’artiste de l’abstrait réalise une sorte d’ascèse spirituelle, un isolement face au monde matériel, en élaborant un être intérieur dont la liberté consiste dans l’acte de la création artistique. Par la suite, sans ascèse, sans apprivoiser les instincts et les pulsions, on ne peut parler que d’une délivrance illusoire. Kandinsky utilise une image spéciale pour exprimer cet état: Tout ce qui était réduit aux objets, c’était comme „un scarabée que l'on tient par le dos” et qui agite désespérément ses pattes. „Combien de fois, pourtant, n'ai-je pas senti cette main dans mon dos, et une autre encore qui se posait sur mes yeux et me plongeait dans la nuit noire tandis que le soleil brillait!”40. Une ascèse aussi rigoureuse a été pratiquée par Mondrian, le fils d’un pasteur calviniste, lui-même en aspirant de devenir prêtre un jour: „Considérée du point de vue de Calvin, la théosophie est un pélagianisme extrême, puisque le sujet fait lui-même son salut par l'ascèse, par la méditation, par la connaissance illuminative, et, d'autre part, elle remplit l'abîme insondable qui sépare Dieu de l'âme humaine en posant un cosmos plein de divin, continuum évolutif de matière et d'esprit où la matière se spiritualise de plus en plus jusqu'à devenir «vie autonome de l'esprit conscient de lui-même»”41.

Il est bien vrai que Kandinsky, tout comme Mondrian, a découvert cette dimension supra-matérielle par l’intermédiaire des écrits d’ Helena Blavatsky, Rudolf Steiner, Annie Besant, en ayant la confirmation de leurs visions quasi-extatiques (Kandinsky a parlé dans ses écrits de ses expériences synesthésiques et la révélation de la forme naturelle comme impasse sur la voie de l’amplification des visions intérieures). Mais, selon l’observation de Clément Greenberg sur Klee, un fait valable dans le cas de Kandinsky et Mondrian aussi, ils mènent plus loin les innovations dues au cubisme (la discipline plastique, l’abandon de la perspective): „La libérant de la représentation naturaliste, ils ont rendu disponible tout l'ensemble du répertoire de signes de l'humanité: idéogrammes, hiéroglyphes, dessins

40 Kandinsky, Wassily – Regards sur le passé et autres textes, 1912-1922, Hermann, Paris, 1974, p. 124. 41 Piet Mondrian – De Stijl, n°1, 1917-1918.

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d'enfants, motifs décoratifs, des diagrammes, des cartes, etc” 42 . Mais Greenberg commet l’erreur de limiter l’usage de ces signes seulement au registre naturaliste, en passant sous silence la fonction profondément symbolique de la majorité des cultures archaïques. Klee garde encore les traces d’un langage symbolique pré-linguistique, pendant que Kandinsky et Mondrian rompent le lien avec tout ce qui peut être signe graphique ou symbole. Pour Mondrian, la découverte du cubisme, dans le Paris de 1911, est visible dans la série Arbres (v. Fig. 6), où, selon Alain Besançon, „le thème est pris comme un moyen de diviser l'espace de la toile, de sorte que la structure rythmique devienne vite le véritable «sujet»”43.

Alain Besançon a identifié dans le filigrane de l’œuvre de Kandinsky une esthétique apophatique par laquelle l’artiste essaye de dessiner l’Esprit à travers la négation, l’éloignement de contenu, attribut, apparence. Les peintures de Kandinsky ont un fonds religieux (voir la Composition VII, 1913) (v. Fig.3), qui évoque des thèmes religieux: Le Jugement Dernier, La Résurrection du Christ, Le Déluge, Le Jardin du Paradis. En ce qui concerne la complexité de la peinture, on doit ajouter qu’elle est le résultat de plus de trente esquisses, aquarelles et peintures à l’huile réalisées en tant qu’étapes annonciatrices. Dans l’œuvre Accent en rose (1926), selon l’observation de Roger Lipsey44, on peut reconnaître l’influence de la cosmologie de Plotin, basée sur la descente du Multiple provenant de l’Un, par une série de dégradations successives. La pensée de Plotin a eu aussi une influence profonde sur les modalités de représentation spécifiques de l’art sacré byzantin, ayant sa recommandation de ne pas représenter d’ombres et de profondeurs (v. Fig. 12):

La profondeur (de l'être ou de la chose), c'est la matière, et c'est pourquoi la matière est ténébreuse. La lumière qui l'éclaire est la forme: l'intelligence voit la forme. Voyant la forme dans un être, elle juge que la profondeur de cet être est une obscurité située sous la lumière; de même, l'œil lumineux, portant son regard sur la lumière ou les couleurs, qui sont des espèces de lumières, discernent l'existence du fond obscur et matériel caché sous la surface colorée45.

Un fait frappant, dans l’abstractionnisme moderne il n’y a ni perspective, ni ombre; mais la différence majeure de l’esthétique plotinienne de l’Antiquité tardive consiste dans la disparition de toute forme qui pourrait définir une chose ou un être. Un géométrisme pur de nature géologique ou

42 Greenberg, Clement – „Saggio su Klee”, dans Fontana, Claudio (ed.) – Paul Klee. Preistoria del visibile, Silvana Editoriale, Milano, 1996, p. 14. 43 Besançon, Alain - L'image interdite. Une histoire intelectuelle de l'iconoclasme, Gallimard, Paris, 2000. 44 Lipsey, op.cit., p. 212. 45 Ennéade, II, 4, 5 apud Grabar, André – Les origines de l'esthétique médiévale, Macula, Paris, 1992, p. 36.

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macrocosmique prend la place à la réalité extérieure reproduite à l’échelle de l’œil humain. Dans l’absence de toute forme finie ou animée vers une finalité précise, l’attention de l’artiste est concentrée sur les formes in potentia, plutôt que in actu, et aussi les relations établies entre eux (point, ligne, plan, cercle, triangle, rectangle etc.). Tout est amplifié par les rapports chromatiques, devenant harmonie ou dissonance dans un spectacle grandiose, en évitant de détourner vers l’univers des formes dépourvues de résonance intérieure. Conclusions

Les trois grand noms de l’abstractionnisme occupent une place à part dans le cadre des avant-gardes historiques en s’inscrivant dans la dialectique de l’ancien et du nouveau ; leurs techniques ont un caractère innovateur, elles (les techniques) et eux, les artistes respectent les principes de l’autonomie de l’art, de l’individualisation de l’artiste, de la production d’un nouveau discours sur son propre art. Mais, en même temps, ils sont préoccupés par de doctrines spiritualistes théosophiques, qui ont leur origine dans le platonisme ou dans les doctrines hindoues. Leur art peut être interprété comme rupture et nouveauté, capable de surprendre, cependant, certaines tensions existantes dans les sociétés entre-deux-guerres (une Europe dévastée par la guerre, des tensions économiques et sociales, mais aussi l’ascension de la technique, l’aliénation etc.). Il reste discutable s’ils sont considérés ou non appartenir à un processus historique dans l’évolution de l’art, un processus qui suppose l’extinction même de l’élément spirituel en faveur de l’élément matériel ou formel.

Ce travail a été réalisé au cours du stage près de L'Institut Roumain de Culture et de la Recherche Humaniste à Venise, obtenu par le soutien de l'État roumain à travers le programme national de bourses ”Nicolae Iorga”.

Fig. 4. Paul Klee – Route Principale et routes secondaires, 1929 Fig. 5. Paul Klee – Ad Parnassum, 1932

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Fig. 6. Piet Mondrian – (de gauche a droite, en haut) Arbre rouge, 1909; Arbre gris, 1910; Pomme en fleur, 1912; (en bas) Composition no II, 1913;

Composition en gris et marron clair, 1918; Composition, 1922.

Fig. 7. Mosaïque de pavement, Gordion, Turquie, VIII ͤ siécle av. J.C.

Fig. 8. Mosaïque de pavement, Basilique San Marco, Venise, XIIe siècle

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Fig. 9. Mosaïque de pavement, Ostia, IV ͤ siècle

Fig. 10. Théophanie à Abraham, mosaïque, Rome, Sainte-Marie-Majeure, V ͤ siècle

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Fig. 11. Icône mariale de S. Maria Antiqua, VII ͤ siècle, S. Francesca Romana, Rome

Fig. 12. Le baptême de Jesus, mosaïque du XIV ͤ siècle, Basilique San Marco, Venise

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Liste des illustrations :

Fig. 1. Vasili Kandinsky – Points fixes, 1942 https://www.wikiart.org/en/wassily-kandinsky/fixed-points, consulté le 26 octobre 2016; Fig. 2. Vasili Kandinsky – Dans l’ovale luminuex, 1925 http://www.wassilykandinsky.net/work-221.php, consulté le 26 octobre 2016; Fig. 3. Vasili Kandinsky – Composition VII, 1913 http://www.artchive.com/glyphs/kandinsky/, consulté le 26 octobre 2016; Fig. 4. Paul Klee – Route Principale et routes secondaires, 1929 http://neutral-art.over-blog.com/article-613509.html, consulté le 3 novembre 2016; Fig. 5. Paul Klee – Ad Parnassum, 1932 http://www.artchive.com/artchive/K/klee/parnassu.jpg.html, consulté le 3 novembre 2016; Fig. 6. Piet Mondrian – (de gauche a droite, en haut) Arbre rouge, 1909; Arbre gris, 1910; Pomme en fleur, 1912; (en bas) Composition no II, 1913; Composition en gris et marron clair, 1918; Composition, 1922 ; Fig. 7. Mosaïque de pavement, Gordion, Turquie, VIII ͤsiécle av. J.C. http://www.penn.museum/documents/publications/expedition/PDFs/53-1/resurrecting%20gordion.pdf, consulté le 10 novembre 2016; Fig. 8. Mosaïque de pavement, Basilique San Marco, Venise, XIIe siècle Archive personnelle; Fig. 9. Mosaïque de pavement, Ostia, IV ͤ siècle http://villaromanacarranque.blogspot.it/2013/01/mosaicos.html, consulté le 10 novembre 2016; Fig. 10. Théophanie à Abraham, mosaïque, Rome, Sainte-Marie-Majeure, V ͤ siècle http://blog.oup.com/2015/09/art-across-abrahamic-religions/, consulté le 10 novembre 2016; Fig. 11. Icône mariale de S. Maria Antiqua, VII ͤsiècle, S. Francesca Romana, Rome https://inpress.lib.uiowa.edu/feminae/DetailsPage.aspx?Feminae_ID=32395, consulté le 10 novembre 2016; Fig. 12. Le baptême de Jesus, mosaïque du XIV ͤsiècle, Basilique San Marco, Venise http://padridellachiesa.blogspot.it/2014_03_01_archive.html, consulté le 10 novembre 2016. Bibliographie:

Adorno, Theodor W., Teoria estetică, Ed. Paralela 45, Pitești, 2005; Belting, Hans, Image et culte. Une histoire de l'image avant l'époque de l'art, Les Éditions du Cerf, Paris, 1998; Besançon, Alain, L'image interdite. Une histoire intelectuelle de l'iconoclasme, Gallimard, Paris, 2000; Brion, Marcel, Arta abstractă, Ed. Meridiane, București, 1972; Compagnon, Antoine, Cele cinci paradoxuri ale modernității, Ed. Echinox, Cluj-Napoca, 1998; Cormack, Robin, „Art and Iconoclasm”, dans Jeffreys, Elizabeth; Haldon, John; Cormack, Robin, The Oxford Handbook of Byzantine Studies, Oxford University Press, Oxford, 2008; Eliade, Mircea, Profetism românesc, vol. II, Bucureşti, Roza vânturilor, 1990;

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Les rapports de l’art abstrait (Kandinsky, Klee, Mondrian) avec les tendances d’abstraction de l’art sacré

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