les musées de l'agriculture et de la vie rurale au royaume-uni: une nouvelle vague

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138 Les maséesde Z’agricuZture et de Za uie raraZe aa Royaame- Uni : une nouuelle uagae Edward L. Hawes en 1936 à Philadelphie, Pennsylvanie (États- Unis d’Amérique). Ph.D. d’histoire sociale euro- péenne, à l’Université du Wisconsin (1971). avec une thèse sur l’histoire de l’agriculture en Europe centrale. Professeur associé d’histoire et d’études sur l’environnement à la, Sangamon State Universi- ty, Springfield, Illinois (Etats-Unis).I1 a elaboré des programmes interprétatifs et éducatifspour le Clay- ville Rural Life Center, rattaché à l’université (direc- teur, 1978 à 1980) et pour le Freeport Historical So- ciety’s Harraseeket Coastal Farm Project, dans le Maine. Auteur d’articles sur la théorie et la pratique du musée historique vivant dans Acta museonm agriculturae et dans /Annum‘ proceedings of the As$o&iion for Living Historical Farms and A g n d - tzcral Museums. I1 a été président (1979180) et membre du conseil de l’Association for Living Historical Farms (1978-1983) et fait partie actuelle- ment du Présidium de l’Association inernationale des musées d’agriculture (1978-1984). Une vague d’idées et de pratiques nou- velles transforme les musées britanniques de l’agricultureet de la vie rurale. La qua- lité des innovations vient beaucoup de la réaction des conservateurs qui ne se con- tentent plus des conceptions figées du passé et se mettent en quête de nouvelles orientations concernant la recherche, le choix des objets exposés, les méthodes d’exposition et d’interprétation. A l’évidence, certaines orientations tiennent au type de musée. A l’heure ac- tuelle, les responsables des musées consa- crés à la vie et aux traditions rurales re- cherchent, sur le plan théorique et tech- nique, les moyens d’inscrire leurs collec- tions dans le milieu naturel et le contexte social. Ainsi, dans de nouveaux musées <(de manipulation), on peut assister à des démonstrations d’activités rurales et do- mestiques. Les concepts d’archéologie in- dustrielle et d’histoire vivante sont désor- mais à la base des musées de plein air, vie agricole et vie industrielle étant ainsi na- turellement reliées. Cette évolution se fonde sur un ensem- ble de recherches importantes dans les domaines de l’ethnologie et de l’histoire sociale, notamment à partir des trésors que recèlent les archives des musées régionaux. Le développement de l’his- toire et de l’archéologie expérimentales, d’une part, et, d’autre part, celui du mu- sée vivant obligent à élargir les concepts de recherche et de collection. Les normes éthiques et les mesures de sécurité liées à l’utilisation de collections à des fms de démonstration, voire la réalisation de ré- pliques intégrales des systèmes agricoles du passé, font l’objet de débats appro- fondis. Les méthodes utilisées pour col- lecter et préserver les produits de la cul- ture rurale récente et actuelle, pour inter- préter les évolutions, retiennent l’atten- tion de nombreux jeunes professionnels. Du point de vue historique, comme l’a fait remarquer le Dr Sadie Ward, du Mu- seum of English Rural Life, l’interpréta- tion du passé rural par les musées britan- niques révèle deux tendances1. La pre- mière ne veut voir dans le monde rural d’avant la première guerre mondiale que les modes de vie traditionnels, la seconde considère tout ce qui s’est passé après 1750 sous l’angle du progrès scientifique. Aujourd’hui, de nombreux musées dans lesquels se manifestent ces tendances ap- paremment contradictoires sont réorga- nisés, et les contradictions entre les dBé- rentes approches résolues - ce qui per- met d’avoir du passé des images à la fois plus justes et plus stimulantes. En outre, l’accent est mis sur le rôle non négligea- ble joué par les sols et la topographie dans la formation des modèles agricoles d’.une région donnée, ainsi que sur les inciden- ces de l’évolution de la technologie agri- cole, traditionnelle et moderne, sur la transformation du paysage. La technologie ruraZe dans son contexte Les musées consacrés aux traditions popu- laires et rurales s’attachent encore essen- tiellement à la collecte et l’exposition des outils et des instruments actionnés par l’homme ou les animaux de trait et da- tant pour la plupart du XIX~ siècle. Mais ils ne se contentent plus aujourd’hui de présenter la technologie rurale hors con- texte. Le Folk Museum d ’ U p M Dales offre un exemple intéressant (fig. 25). I1 est installé dans une ancienne gare de marchandises, à Hawes, bourg et centre touristique situé à l’extrémité du Wensleydale, dans le Yorkshire. Objets, photos et textes ont été disposés de faSon à inciter les visiteurs à prendre conscience de l’importance qu’ont revêtue, pour les gens de la région, à différentes époques, l’élevage des moutons, l’industrie lai- tière, l’exploitation du plomb et le tricot. Le Museum of English Rural Life de Reading (Musée de la vie rurale anglaise), incarne lui aussi ces orientations nou- velles. Fondé en 1951, ses responsables ont jugé bon, pendant longtemps, de laisser les objets exposés (groupés en fonc- tion du cycle des saisons et de leur usage) parler d’eux-mêmes, sans notice descrip- tive. Ses importantes collections en réser- ve, ses expositions consacrées à l’outillage 1. Sadie B. Ward, u Agricultureand Museums in Englandfrom 1800to the present dayu, Acta il.llcseorz~mag~~~~lt~¿rae (Prague), vol. XIV, no 1/2, 1979,p. 111-116.Pourlesituer dansson contexte, le lecteurpourra comparercet articleà celui de Frank Atkinson, <(Les nouveauxmusées de pleinair,, Mmeum, vol. XXIII, no 2, 1970171,p. 99-107.

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Les masées de Z’agricuZture et de Za uie raraZe aa Royaame- Uni : une nouuelle uagae

Edward L. Hawes

Né en 1936 à Philadelphie, Pennsylvanie (États- Unis d’Amérique). Ph.D. d’histoire sociale euro- péenne, à l’Université du Wisconsin (1971). avec une thèse sur l’histoire de l’agriculture en Europe centrale. Professeur associé d’histoire et d’études sur l’environnement à la, Sangamon State Universi- ty , Springfield, Illinois (Etats-Unis). I1 a elaboré des programmes interprétatifs et éducatifs pour le Clay- ville Rural Life Center, rattaché à l’université (direc- teur, 1978 à 1980) et pour le Freeport Historical So- ciety’s Harraseeket Coastal Farm Project, dans le Maine. Auteur d’articles sur la théorie et la pratique du musée historique vivant dans Acta museonm agriculturae et dans /Annum‘ proceedings of the As$o&iion for Living Historical Farms and A g n d - tzcral Museums. I1 a été président (1979180) et membre du conseil de l’Association for Living Historical Farms (1978-1983) et fait partie actuelle- ment du Présidium de l’Association inernationale des musées d’agriculture (1978-1984).

Une vague d’idées et de pratiques nou- velles transforme les musées britanniques de l’agriculture et de la vie rurale. La qua- lité des innovations vient beaucoup de la réaction des conservateurs qui ne se con- tentent plus des conceptions figées du passé et se mettent en quête de nouvelles orientations concernant la recherche, le choix des objets exposés, les méthodes d’exposition et d’interprétation.

A l’évidence, certaines orientations tiennent au type de musée. A l’heure ac- tuelle, les responsables des musées consa- crés à la vie et aux traditions rurales re- cherchent, sur le plan théorique et tech- nique, les moyens d’inscrire leurs collec- tions dans le milieu naturel et le contexte social. Ainsi, dans de nouveaux musées <(de manipulation), on peut assister à des démonstrations d’activités rurales et do- mestiques. Les concepts d’archéologie in- dustrielle et d’histoire vivante sont désor- mais à la base des musées de plein air, vie agricole et vie industrielle étant ainsi na- turellement reliées.

Cette évolution se fonde sur un ensem- ble de recherches importantes dans les domaines de l’ethnologie et de l’histoire sociale, notamment à partir des trésors que recèlent les archives des musées régionaux. Le développement de l’his- toire et de l’archéologie expérimentales, d’une part, et, d’autre part, celui du mu- sée vivant obligent à élargir les concepts de recherche et de collection. Les normes éthiques et les mesures de sécurité liées à l’utilisation de collections à des fms de démonstration, voire la réalisation de ré- pliques intégrales des systèmes agricoles du passé, font l’objet de débats appro- fondis. Les méthodes utilisées pour col- lecter et préserver les produits de la cul- ture rurale récente et actuelle, pour inter- préter les évolutions, retiennent l’atten- tion de nombreux jeunes professionnels.

Du point de vue historique, comme l’a fait remarquer le Dr Sadie Ward, du Mu- seum of English Rural Life, l’interpréta- tion du passé rural par les musées britan- niques révèle deux tendances1. La pre- mière ne veut voir dans le monde rural d’avant la première guerre mondiale que les modes de vie traditionnels, la seconde considère tout ce qui s’est passé après 1750 sous l’angle du progrès scientifique.

Aujourd’hui, de nombreux musées dans lesquels se manifestent ces tendances ap- paremment contradictoires sont réorga- nisés, et les contradictions entre les dBé- rentes approches résolues - ce qui per- met d’avoir du passé des images à la fois plus justes et plus stimulantes. En outre, l’accent est m i s sur le rôle non négligea- ble joué par les sols et la topographie dans la formation des modèles agricoles d’.une région donnée, ainsi que sur les inciden- ces de l’évolution de la technologie agri- cole, traditionnelle et moderne, sur la transformation du paysage.

La technologie ruraZe dans son contexte

Les musées consacrés aux traditions popu- laires et rurales s’attachent encore essen- tiellement à la collecte et l’exposition des outils et des instruments actionnés par l’homme ou les animaux de trait et da- tant pour la plupart du X I X ~ siècle. Mais ils ne se contentent plus aujourd’hui de présenter la technologie rurale hors con- texte. Le Folk Museum d ’ U p M Dales offre un exemple intéressant (fig. 25). I1 est installé dans une ancienne gare de marchandises, à Hawes, bourg et centre touristique situé à l’extrémité du Wensleydale, dans le Yorkshire. Objets, photos et textes ont été disposés de faSon à inciter les visiteurs à prendre conscience de l’importance qu’ont revêtue, pour les gens de la région, à différentes époques, l’élevage des moutons, l’industrie lai- tière, l’exploitation du plomb et le tricot.

Le Museum of English Rural Life de Reading (Musée de la vie rurale anglaise), incarne lui aussi ces orientations nou- velles. Fondé en 1951, ses responsables ont jugé bon, pendant longtemps, de laisser les objets exposés (groupés en fonc- tion du cycle des saisons et de leur usage) parler d’eux-mêmes, sans notice descrip- tive. Ses importantes collections en réser- ve, ses expositions consacrées à l’outillage

1. Sadie B. Ward, u Agriculture and Museums in England from 1800 to the present dayu, Acta il.llcseorz~mag~~~~lt~¿rae (Prague), vol. XIV, no 1 /2 , 1979, p. 111-116. Pourlesituer dansson contexte, le lecteur pourra comparer cet articleà celui de Frank Atkinson, <(Les nouveaux musées de pleinair,, Mmeum, vol. XXIII, no 2, 1970171, p. 99-107.

Les muXeé1 de l’agricul’ture et de la vie rurale au Royaume- Uni: une fzouvelle vague 139

agricole, aux charrettes, aux métiers ru- raux et aux ustensiles ménagers intéres- sent tout le Royaume-Uni et, de fait, cette institution est apparue d’emblée comme un musée rural de dimensions na- tionales. Sa nouvelle salle d’exposition permanente, consacrée à l’évolution de la technologie agricole jusqu’en 1945, conçue sous la direction du conservateur Roy Brigden, constitue une innovation. Le theme de l’exposition est double : évo- lution de l’exploitation et de l’outillage agricole.

A la section <<Technologie villageoise >> succède une exposition de machines agri- coles - fléaux, outils de coupe, etc. - accompagnée des dispositifs e hippotrac- tés D qui fournissaient l’énergie nécessaire (fig. 26). On y voit le plus ancien moto- culteur, doté d’une charrue, de câbles et d’un moteur à vapeur; des reproductions de revues agricoles de l’époque illustrent la fabrication et l’utilisation de ces pro- duits de la technologie avancée du X I X ~ siècle. Dans les deux sections suivantes, consacrées au génie agricole, sont expo- sées diverses machines se détachant sur un arrière-plan d’agrandissements de documents publicitaires et de photogra- phies qui représentent les ateliers de fa- brication. L’exposition se termine par

une section consacrée à <(l’agriculture mé- canisée )>. Un tracteur International Har- vester des années 20, doté d’un moteur à essence, un Fordson de 1938 et un Fergu- son de 1947 pourvu d’un système de remorque à trois dents sont installés de- vant des photographies prises sur le ter- rain et des illustrations de format réduit provenant de catalogues. Une brochure qui traite de tradition et de changement explique fort bien comment la nouvelle exposition se rattache à l’ancienne, qui évoque la vie rurale de jadis2.

Ce que ce musée a d’exceptionnel, c’est sa collection d’outils et d’instru- ments agricoles traditionnels et << amélio- rés)>, constituée dans les années 50 et 60, alors qu’il était encore facile de trouver ce type d’objets. Le procédé de classification utdisé a servi longtemps de modele pour les autres musées consacrés à la vie rurale. Salles d’exposition et bureaux sont instal- lés dans les murs de 1’Institute of Agricul- tural History (Institut d’histoire agri- cole), une division de l’Université de Rea- ding. Le musée a constitué une très im-

2. The fiiuseum ofEtzghh RuraLLge, Reading, UniversitédeReading, 1983,16p. Sauf indication contraire, l’auteur a ment‘, au moins une fois, des recherches in situ sur tous les musées dont il est question dans cet artide.

2s UPPER DALES FOLK MUSEUM, Hawes, Angleterre. Des photographies agrandies, - prises sur le vif, expliquent comment sont utilisés les instruments agricoles exposés : un agriculteur utilise une forme locale de râteau Ilipflap. De l’autre côté de cette aile, où aucun objet n’est exposé, on trouve un panneau où les explications alternent avec les illustrations. Le visiteur se rend compte alors que la photographie est en fait un détail agrandi d’une autre photo qui se trouve sur ce panneau, et révvEle que l’agriculteur travaille dans une prairie des hautes terres. On aperçoit, àl’arrière-plan, une grange et une barrière en pierre, et, au loin, des régions montagneuses et des landes; tous ces élements sont caractéristiques des paysages des basses terres du Yorkshire. Le texte explique le rôle important de ce râteau dans l’augmentation de la productivité, et il souligne que la grange était habituellement située loin de la ferme, dans les hautes vallées, et servaità la fois de fenil et d’abri pour le bétail pendant l’hiver. Tous ces éléments, comme lesfel’li. (landes), font partie intégrante d’un système agricole qui domine encore le paysage.

portante collection d’archives : photo- graphies et imprimés, registres de comp- tabilité et registres industriels, affkhes publicitaires et catalogues-tarifs, actes des organisations agricoles. La biblio- theque de l’université est probablement la mieux documentée du Royaume-Uni pour tout ce qui touche à l’histoire de l’agriculture dans ce pays3.

Les expositions organisées par le nou- veau musée agricole écossais, le Scottish Agricultural Museum, installé depuis 1980 dans les locaux de la Royal Highland and Agricultural Society’s Showground, à Ingliston, près d’Édimbourg, repren- nent aussi le thème <<Tradition et change- ment,. Le musée a été créé dans les an- nées 60 lorsque, sous l’impulsion d’Alexander Fenton, la section <(Vie ru- rale >> du National Museum of Antiquities of Scotland d’Édimbourg a organisé des expositions thématiques provisoires, d’abord sous une tente puis dans une salle, à l’occasion du festival annuel, le Royal Highland Show. Les activités de cette section rappellent celles de 1’Institu- te of Agricultural History de Reading. En effet elle conduit des recherches sur l’eth- nologie régionale de l’Écosse, recueille les traditions orales et constitue des archives photographiques, et une bibliotheque. De ce fait, elle est devenue le haut lieu de l’étude de l’histoire de l’agriculture et de la vie rurale en Écosse.

Vu l’importance des collections, les responsables du musée ont décidé de par- tager l’espace entre expositions perma- nentes et expositions temporaires - celles-ci approfondissant celles-là. Cette politique a un triple objectif : remettre peu àpeu les machines en état de marche, exposer la majeure partie des objets et in- citer le public à revenir souvent.

Le Scottish Agricultural Museum étant né dans les années 70, à une époque où l’interprétation primait de plus en plus sur le reste, tous les spécimens exposés visent à traduire le contexte technolo- gique, économique et social. Comme Gavin Sprott, le conservateur, l’affirmait au printemps 1982 : <Les objets ne par- lent pas nécessairement d’eux-mêmes. Si vous les présentez tels quels, ils ne seront rien d’autre que des curiosités, et le mu- sée rien de plus qu’un magasin d’anti- quités., Mais il alla plus loin encore : citant Hartley, le romancier, pour qui <<le passé est tel un pays &ranger>>, il déclara <<qu’il incombe au musée d’écarter cet obstacle, de donner aux gens l’impres- sion de découvrir un autre monde, un monde inconnu, avec une sensibilité aiguisée et un regard objectif,. Le musée

doit s’attacher à tisser <tun réseau de rela- tions, en montrant comment les divers facteurs sont reliés>>4.

L’exposition permanente consacrée à l’agriculture rattache, dans une présenta- tion créatrice, la culture traditionnelle à la culture populaire. Elle éclaire les chan- gements survenus en milieu rural et cerne les interrelations de la structure sociale, de la technologie et du paysage. I1 y a deux sections. L‘une s’intéresse à la tech- nologie, à la topographie et aux rapports entre propriétaires et exploitants dans le contexte traditionnel ; l’autre présente le développement du système des grandes métairies, I’évolution des charrues conçues pour opérer efficacement dans ces propriétés, l’élevage d’un bétail plus productif, la modification des structures de production de l’outillage agricole, en- fin, l’évolution de la distribution topo- graphique des terres. L‘exposition ne ren- force pas le mythe rudimentaire du pro- grès ; elle souligne l’utilité et l’efficacité d’un matériel plus simple pour les petites exploitations de l’âge préindustriel, et elle laisse entrevoir les coûts sociaux et économiques des transformations surve- nues au X I X ~ siècle.

Musées d’agkdture ac@

Les musées d’agriculture actifs créés de- puis dix ans au Royaume-Uni comptent au nombre des réalisations les plus im- portantes de la muséologie agricole. Les activités d’une ferme sont décrites et commentées sur place par des <(guides>> professionnels ou volontaires, et parfois une démonstration sur le terrain, dans les champs, accompagne les commentaires. A l’inverse de ce qui se passe en Améri- que du Nord dans certaines des fermes ((d’histoire vivante, comme on les nomme là-bas, où les travaux agricoles se poursuivent mois après mois, en gran- deur nature ou à échelle réduite, dans la plupart des musées agricoles britan- niques les activités sont menées de façon décousue en s’appuyant sur les exposi- tions de matériel agricole et les explica- tions verbales pour reconstituer l’activité globale.

Deux musées d’agriculture actifs donnent de la vie rurale une image plus fonctionnelle et essayent de communi- quer l’idée de l’évolution de la culture traditionnelle et du passage à une culture populaire industrialisée. Le Church Farm Museum, dans le Lincolnshire, inauguré en 1977 à Skegness, lieu de villégiature si- tué au milieu de parcelles d’un hectare, sur la mer du Nord, se propose de re-

constituer l’activité d’une petite ferme de la région au début du siècle. Le Cogges Manor Farm Museum, situé à proximité d’Oxford, s’est fixé un objectif encore plus ambitieux : montrer le déroulement des activités domestiques tout en ani- mant la cour de ferme et en reconstituant les travaux des champs. Les responsables de ce musée, qui occupe une dizaine d’hectares, comptent atteindre peu àpeu cet objectif. Les activités domestiques ont pour cadre un manoir de pierre dont cer- taines parties datent du X V I I ~ siècle. La cuisine de ferme, la salle à manger et la laiterie ont été restaurées ; on y trouve une gamme complète d’objets et de re- productions datant de l’aube du x~~ siècle, la <<Belle Époque,, comme on la nomme. Ceux qui ont organisé cette re- constitution historique utilisent aussi bien l’espace intérieur que le jardin clos, à la fois potager et jardin d’agrément. Certains jours, le visiteur peut s’initier à la cuisine, à la fabrication des conserves ou du beurre, ainsi qu’à diverses activités ménagères ou artisanales. La grange de pierre et les communs sont utilisés pour exposer l’outillage agricole, abriter le bé- tail ou engranger le fourrage. Le musée possède des bovins de race Shorthorn et le bétail correspondant à l’époque de la re- constitution. Des démonstrations sont consacrées de temps à autre à diverses ac- tivités rurales (fig. 29) : tonte des mou- tons, fabrication des claies et du chaume, travail de la forge. Actuellement (1983), la terre n’est pas cultivée, mais il est prévu de créer une exploitation fonctionnant comme au début du X X ~ siècle.

Les responsables des musées britan- niques, comme leurs collègues d’Ani%- que du Nord, ont constaté que l’agricul- ture historique est une entreprise qui de- mande mûre réflexion5. I1 faut procéder à des recherches intensives avant de décider

3. Guide to the Institute OfAgnLuZturaZ Hirtorj aiztthe Museum ofE?&rb RuraZLife, UniversitédeReading, 1982 (102 p., manuscrit non folioté).

4. Gavin Sprott, <<An open air museum for Scotland,,, p. 2, document inédit remisà la conférence du Scottish Country Life Museum Trust, au printemps 1983. Cet exposés’inspire de +tes effectuées àla Section de la vie rurale, à Edimbourg, de plusieurs années d’entretiens avec Alexander Fenton, de la correspondance avec Sprott (lettre du 21 octobre 1982, notamment), enfin du texte polycopié des catalogues des expositions décrites.

5. L‘article de John T. Schlebecker, dans ce numéro, présente l’essentiel du mouvement en faveur des fermes historiques vivantes en Amérique du Nord. Voir également les artides de l’auteur parus dans Acta museorum agnLd#wae, vol. XIV, nos 1 et 2,1979, p. 62-76,117-147; vol. XVI, nos 1 et 2,1981152, p. 37-SO. Voir aussi J. Patrick Greene, ahdependent and working museums in Britainu, Museumsjoumal, vol. 83, no 1,1983, p. 25-28.

Les museés de /‘agricul’ture et de l’a vie rurale au Royaume-Uni: une nouvelle vafue 14 1

quel outillage utiliser, quelles cultures et quel élevage pratiquer, et avec quelles méthodes. I1 faut aussi déterminer le con- texte économique du lieu à l’époque con- sidérée. Tout cela est à rattacher aux acti- vités domestiques qui requièrent elles- mêmes beaucoup de recherches. Ensuite il faut trouver les semences et le bétail ap- propriés, ainsi que les objets ou les repro- ductions nécessaires. Le personnel doit être à la fois compétent et intéressé par l’agriculture historique et le travail à la ferme, et capable en même temps de s’en faire l’interprète auprès du public. Rares sont ceux qui remplissent ces conditions. La plupart des musées agricoles sont donc amenés à recruter des gens aux talents complémentaires qui donnent de la vie rurale une représentation complète. Vu l’attrait de ce type de musée pour les visi- teurs adultes et les écoliers, il est fort pro- bable que le nombre des fermes-musées en activité ne fera que croître dans les dix prochaines années.

Une formule couramment pratiquée par les musées britanniques spécialisés dans l’agriculture est le musée de plein air as- socié à un musée de type classique. Ainsi existe-t-il au pays de Galles un musée fol- klorique renommé - St Fagans - dont deux sections sont ouvertes au public : un musée de plein air avec des bâtiments agricoles traditionnels reconstruits sur place, un manoir in sitg et un musée fol- klorique couvert, qui exploite le th’eme

traditions-changements. Ses origines re- montent à 1930. CEuvre de Iowerth C. Peate, il a été ouvert au public en 1947 sur un site de 50 hectares, aux environs immédiats de Cardiff. Comme le Mu- seum of English Rural Life et le Scottish Agricultural Museum, ses activités sont centrées sur la collecte permanente de tra- ditions orales touchant à l’histoire et aux coutumes populaires, et de documents divers, notamment photographiques. L’Agricultural Gallery a été ouverte en 1974 ; cette section d’agriculture est si- tuée dans un agréable musée moderne. A l’exemple des autres musées qui ont opté pour les orientations nouvelles, l’inter- prétation des objets exposés s’appuie sur des documents écrits, photographiques ou graphiques qui éclairent leur utilisa- tion et leur contexte technologique. L‘ex- position est axée sur les travaux particu- liers à chaque saison. En revanche, dans la nouvelle salle du Museum of English Rural Life, les grands thèmes sont les cadres respectifs des productions agricole et in- dustrielle; l’outillage agricole et l’outilla- ge industriel ayant des fonctions similai- res sont exposés séparément. A St Fagans, l’accent est mis sur l’activité. Outils tradi- tionnels et instruments modernes sont donc exposés ensemble. C’est ainsi que, dans l’exposition sur l’assèchement des terres, des drains tubulaires en terre cuite figurent à côté de tuyaux en plastique ; des pelles servant à creuser les tranchées sont placées à côté d’une charnie drai- neuse ; la documentation est composée de textes anciens et récents consacrés au

26 MUSEUM OF ENGLISH RURAL LIFE, Reading, Angleterre. La photo représente l’entrée de la nouvelle exposition, L ‘agricul‘ture ¿ì!!’&e ìndzm&d, qui illustre la transition entre la technologie villageoise et celle des fabricants de matériel agricole. Le visiteur entre dans la salle et voit ce qui semble être une charrue traditionnelle avec une première notice, ct Technologie rurale D, et la photographie d’un agriculteur utilisant ce type de charrue. La deuxième notice indique que, jusqu’aumilieu du X I X ~ siècle, l’outillage était fabriqué dans les ateliers de village. suivant les traditions locales. Même après que l’agriculture eut commencé de s’industrialiser, certaines petites fermes perpétuèrent les traditions jusqu’au debut du siècle. La charrue exposée est une <(charrue tourne-sous-age D utilisée dans le Kent et le Sussex, A côté, on peut voir des charrettes, d’autres charrues, et des citations tirées d’anciens ouvrages sur l’agriculture agrandies sur des panneaux muraux.

142 EdwardL. Hawes

27 WELSH FOLK MUSEUM, St. Fagans, Cardiff, pays de Galles. Mur de pierres non jointoyées, dans le musée de plein air, visant àrecréer le paysage traditionnel.

28 GREENFILL CONVENANTERS’ HOUSE, Biggar, Ecosse. Restauration, après démantèlement, de cette ferme du X V I I ~ siècle par des jeunes gens, dans le cadre du programme national de formation professionnelle.

drainage. La section ((Agriculture,, met l’accent sur la technologie : on va des charrues en bois du X V I I I ~ siècle au trac- teur Fordson de 1941. La section vouée à la moisson inclut de très anciennes faux et une faucheuse datant de la fin du X I X ~ siècle, la Milwaukee.

Depuis quelques années, la section de plein air de St Fagans fonctionne sur le modèle des réalisations scandinaves. La ferme Cilewent, une maison longue, tout d’un bloc, combinant habitation, étable et écurie, illustre parfaitement cette conception. Les murs et le toit sont construits en pierres schisteuses et blan- chis à la chaux, comme c’est l’usage sur les landes du pays de Galles. L’intérieur de la partie habitable contient des meu- bles du X V I I I ~ siècle qui,-vu leur ancien- neté et leur valeur, ne pouvaient servir pour les programmes d’histoire vivante. Mais, depuis peu, le musée commence à refléter les orientations nouvelles. Le ter- rain voisin a été acheté avec une ferme récemment abandonnée et le site sera aménagé de façon à donner une image vi- vante des activités d’une petite exploita- tion agricole de la fin du X I X ~ siècle. Du point de vue architectural et fonctionnel, les bâtiments témoignent d’une évolu- tion continue sur un siècle. Les différen- tes étapes peuvent y être clairement expo- sées. Lenteur et prudence sont de mise, et les travaux doivent se poursuivre sur une dizaine d’années.

A l’exemple des autres musées de plein air, St Fagans offre aux visiteurs un pro- gramme de démonstrations qui va de la tonte des moutons au battage à lavapeur. Mais il va également plus loin, avec des démonstrations de culture et d’entretien des haies, de construction de murs de pierre sèche (fig. 27). Et cela, pour donner au visiteur l’impression qu’il se trouve non seulement dans un musée vivant,

mais également dans la campagne gal- loise. La présence de races animales his- toriques, et notamment de moutons Black Welsh Mountain et Llanwenog, ainsi que de bovins Welsh Black, renforce ce sentiment. On prévoit de représenter des activités forestières et, par la suite, des activités de jardinage6.

A la différence du pays de Galles, l’Angleterre et l’Écosse ne possèdent que des musées régionaux. Certains suivent de très près le modèle scandinave. Ils comprennent des groupes de bâtiments reconstruits sur le site et restaurés dans le style de l’époque, dans un paysage qui ressemble à un parc.

Le Museum of East Anglian Life, inau- guré en 1965, est essentiellement un mu- sée rural avec des collections de charret- tes, d’outils artisanaux et de matériel agricole. Au début des années 70, cette institution qui occupe 35 hectares, à Stowmarket, au nord-est de Londres, a décidé de protéger les édifices exposés afin de donner de la vie en East Anglia une idée plus complète. La partie centrale d’un manoir remontant au X I V ~ siècle a été déplacée et abrite maintenant un cen- tre éducatif. Un atelier de forgeron a été transporté à l’intérieur du musée. Une minoterie du X V I I I ~ siècle, fonctionnant à l’énergie hydraulique et flanquée de di- vers bâtiments, dont un réservoir, a été démontée et reconstituée dans l’aire du musée, près de la rivière Rattlesden.

6. L‘auteuravisitéSt. Fagansen 1976. Ils’est inspiré de diverses sources : des conversations, qui se sont bchelonnées sur plusieurs années, avec Elfyn Scourfield, Department of Farming and Rural Life ; une lettre de ce dernier, en date du 12 octobre 1982 ; un article de IuiintituléaThe interpretation of farming in Wales x, Acta mi¿~eorumagricu~~urae, vol. XII, nos 1 et 2,1977, p. 116-132 ;unarticledeE. William,<(The interpretation of vernacular architecture in Wales, Pt. I),, p. 77-79, Cardiff,NationalMuseumof Wales, 1982.

Les mzsées de l’agnkdture et de la vie rurale azl Royaume- Uni: une nouvelle vague 143

Le Museum of East Anglian Life a com- mencé récemment à prendre une nouvel- le direction. L’agriculture, les métiers, le commerce et la vie domestique sont ex- pliqués et interprétés en même temps que les objets produits dans le cadre tra- ditionnel et dans le cadre industriel. Le musée a eu la bonne fortune d’acheter la maison de ville d’un régisseur. Sa veuve a déménagé en 1975, laissant derrière elle la quasi-totalité des biens accumulés. Le musée obtenait ainsi une sorte d’histori- que d’une famille du X X ~ siècle. Les responsables projettent d’ouvrir le musée à des groupes scolaires dans un proche avenir. La Museum of East Anglian Life investit la totalité de ses ressources dans un programme complet d’activités qui comprend, outre les démonstrations ha- bituelles aux musées de plein air (filage, tissage, tonte des moutons, etc.), des ex- positions de voitures d’époque, des con- certs de musique de la fin du X I X ~ siècle et des fêtes7.

Au sud d’Édimbourg, à Biggar, se trouve un musée régional de plein air ad- ministré par le Biggar Museum Trust et qui a récemment démonté pierre par pierre une maison du X V I I ~ siècle située à Greenhill pour la reconstruire sur un nouveau site, dans un parc urbain en forme de cuvette (fig. 28). I1 s’agirait de la ferme d’une famille qui participa, dans les années 1670, 2 la résistance active con- tre ceux qui voulaient imposer le clivre du rituel anglican, à la majorité presbyté- rienne d’Écosse. Trois pièces ont été amé- nagées dans le style de l’époque. La cuisi- ne est parfaitement fonctionnelle, avec une cheminée en état de marche et divers ustensiles pour la préparation et la con- servation des aliments datant du X I X ~ siècle. A l’étage, une salle est consacrée aux documents et aux livres traitant de l’histoire de la religion et de la vie quoti- dienne au X V I I ~ siècle, ainsi qu’aux ob- jets qui ont été trouvés en 1975 lors des fouilles sur le site originel de la maison. Greenhill montre parfaitement comment un musée peut servir à affiimer une iden- tité régionale et même, du point de vue écossais, une identité nationale. Pour donner l’impression que le paysage lui- même est d’époque, les responsables du musée ont récemment entrepris d’élever, dans les prairies proches de la maison, des espèces rares de doutons originaires des îles écossaises, notamment des Soays et des Saint-Kildas. Ils projettent de re- construire une cour de ferme et des com- muns appropriés, mais il n’existe encore aucun projet concernant l’agriculture historique.

Le National Museum of Antiquities of Scotland envisage sérieusement de créer un musée national de plein air qui dépas- serait Skansen et serait plus qu’un musée actif. <<Ce qui importe avant tout, décla- rait Gavin Sprott dans ses entretiens du printemps 1983, c’est d’assurer la perma- nence de certaines techniques, leur survi- vance, de sorte que, comme certaines va- riétés de graines (nos vieilles pommes de terre indigènes, par exemple, les tattikr) ou certaines espèces animales rares, ce savoir-faire reste un acquis de la civilisation8. >>

Au sud-ouest de Newcastle, le Musée de Beamish combine plusieurs des ten- dances nouvelles. Selon les termes de son plan de développement, il s’agit d’ccil- lustrer le développement historique de l’industrie et le mode de vie du nord de l’Angleterre,. Beamish est un musée de plein air avec des bâtiments agricoles con- servés et exposés ainsi que des édifices qui donnent aux visiteurs une idée de l’envi- ronnement architectural - industriel et urbain - de la région. C’est un musée actif qui allie expositions statiques et dé- monstrations vivantes. Mariage justifié car, historiquement, dans cette région à forte densité de population, l’exploita- tion du charbon et l’agriculture ont tou- jours fait bon ménage ; d’autre part, au X I X ~ siècle, la transformation de l’agri- culture et le développement industriel sont allés de pair. Ainsi le musée est bien implanté sur le plan géographique et historique ; les organisateurs ont su don- ner au visiteur le sentiment mêlé du sta- ble et du changeant, et le faire entrer de plain-pied dans l’univers des cultures tra- ditionnelles et populaires, avec un savoir- faire que peuvent envier les autres musées de plein air consacrés à la vie rurale.

La Home Farm comprend de grands bâtiments en brique groupés autour de deux cours, avec des écuries, un local abritant une machine à vapeur, une for- ge, des étables et des porcheries. Ces bâti- ments sont en partie utilisés pour exposer des machines agricoles, des charrettes et des tombereaux, et montrer l’évolution de l’élevage, en partie à des fins propre- ment agricoles, logeant porcs, poulets et chevaux. La ferme est située à la limite

7. Museirm ofEdit Atzghzn Lge, Huntingdon, Cambridge, s. d., 16 p. L‘auteur n’a pas visité ce muse‘e. I1 fonde son étude sur ce fascicule, sur des documents rassemblés en 1978, des entretiens avec le conservateur cette même année, enfin des informations recueillies auprès du directeur actuel, Rob Shorland-Ball (lettre du 11 octobre 1983).

8. Sprott, entretien inédit, 1983, p. 6 et 7. Tattier, c’est ainsi qu‘on nomme les pommes de terre dans le dialecte local.

29 COGGES MANOR FARM, Oxford, Angleterre. John Rhodes décrivant la couverture en chaume des communs d’une ferme. Certains jours sont specialement consacrés 2 cette démonstration. Rhodes était alors le conservateur du musée (mars 1978) ; fi est maintenant conservateur des objets d’art antiques des Oxfordshire County Museum Services.

144 EdwardL. Hawes

30 IRON AGE FARM, ButserHill, Petersfield, Angleterre. Reconstitution d’une maison ronde à Butser Hill avec, àl’arrière-plan, des cultures expérimentales de céréales.

sud-ouest du domaine du musée, le long de la voie d’accès principale. Le public peut s’y rendre à pied ou par tramway à partir du centre des visiteurs. Le tramway, tout comme le train tiré par une locomo- tive à vapeur, fait partie intégrante des collections dynamiques exposées. Le train dessert un lieu de la partie nord-ouest du domaine où l’on retrouve le décor ferro- viaire britannique familier: gare, tour d’aiguillage, pont de fer forgé, hangar de marchandises, réserves de charbon et de chaux.

L‘environnement d’une région d’ex- ploitation du charbon est recréé non loin de la Home Farm, dans la partie sud du domaine. On reconnaît le bâtiment des machines, construit en pierre, la chau- dière à vapeur, le basculeur de wagons à charbon, avec le hangar de criblage. L’au- tre groupe de bâtiments reproduit un co- ron avec ses jardins et ses communs. Les maisons ont été restaurées intérieure- ment dans le style des époques succes- sives, la dernière correspondant aux an- nées 30, ce qui permet aux visiteurs de se représenter ce qu’a été la culture maté- rielle des gens du peuple à différentes pé- riodes. Régulièrement, des démonstra- tions culinaires ont lieu dans l’une de ces maisons. Dans la partie nord-est du do- maine, un centre urbain typique du nord du pays est actuellement recréé. Pour ce faire on a déplacé différents édifces en

ferme en activité avec un système mixte, caractéristique de la fin de l’ère des chevaux.de trait (1914-1918). Elle serait située au sud-est, près de la ferme du régisseur. Les collections du musée, expo- sées ou en réserve, ne cessent de s’enri- chir. I1 cherche activement des volon- taires pour toutes sortes de tâches, ainsi que des autochtones à même d’évoquer les activités propres à la région. Le musée fut en partie créé pour relancer I’écono- mie de la région et cet objectif a été at- teint. Selon un rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur l’éducation, la science et les arts, le musée de Beamish a eu ccun impact considérable sur les revenus et l’emploi dans la zone avoisi- nante,. I1 a reçu des crédits de 1’English Tourist Board pour mener à bien toute une gamme de projets. I1 n’a pas été le seul à recevoir cette aide financière. Les musées ont, selon le Board, une telle im- portance pour le tourisme qu’il a depuis dix ans accordé des crédits à près de 200 autres musées et salles d’exposition9.

Certains développements en rapport plus ou moins direct avec les musées de la vie rurale méritent d’être également sou- lignés. Au titre du Butser Ancient Farm Project, des fouilles archéologiques me- nées dans une aire fermée au public, à Butser Hill même, ont montré que le site est habité depuis au moins trois mille ans. L’objectifest de reconstruire et d’animer,

ferme reconstituée dans le Queen Eliza- beth Park, à quelques kilomètres d’une autoroute au sud-ouest de Londres.

Les découvertes de Butser Hill sont fascinantes, surprenantes et controver- sées. Reynolds et son équipe vérifient ac- tivement les théories archéologiques sur la construction et les différentes utilisa- tions des maisons rondes, la raison d’être des fossés, les techniques de culture et de moisson. C’est là que les indices archéo- logiques prennent toute leur importance. Par exemple, les fouilles effectuées sur des sites présumés habités révèlent ordi- nairement des fentes incurvées dans le sol formant un cercle extérieur, qui renferme un autre cercle de trous laissés par des pieux (fig. 30). I1 semble bien que ces ca- vités étaient destinées à accueillir l’extré- mité inférieure des chevrons, qui s’y ajustaient. On trouve également des trous isolés, avec des traces autour de cha- cune des dépressions concaves peu pro- fondes, sur les sites agricoles de l’âge de pierre. Selon la théorie de Butser, fondée sur son expérience de la reconstruction, ces traces marquent l’emplacement de meules de foin. Puisque les meules s’éle- vaient sur une couche de bois et de brin- dilles, autour d’un pieu central, le sol en contrebas se tassait à mesure que les plantes séchaient et que la terre se rédui- sait lo.

brique dont -une épicerie coopérative, une échoppe defsh andchips, une phar- macie et un salon de thé oÙ l’on vend des glaces.

Le développement sous tous ses aspects est au centre des préoccupations du mu- see de Beamish, comme de tous les mu- sées britanniques. Les responsables du musée de Beamish comptent créer une

sous -la direction de Peter Reynolds, une ferme de l’âge de fer, telle qu’elle était trois cents ans environ avant Jésus-Christ, afin de vérifier la validité des théories sur l’agriculture, la construction d’habitati- ons, le stockage de nourriture et les autres activités fondées sur des preuves arch&- logiques et documentaires. Les décou- vertes sont exposées au public dans une

9. Cité dans Museum news, thejovmalof nafiozaLheritrage1 n025, 1982183- p. 1 ;la dernière visite de l’auteur àBeamish remonteà février 1978; lettres deJohnGall, ~~~~l~~~~~~ and RuralLife. The deoelopmenfp/an est une

~ ~ ~ ~ ~ ~ l ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ e ~ ~ ~ ~ Northem experience, 32p.l 10. PeterJ. Reynolds, ButserAncientFarm,

impressions,Petersfield, 1980,45 p. avecprès de 45 illustrations. Voirp. et 33, lesiteen juillet 1983.

avisité

Les museés de l’agriculture et de la vie rurale au Royaume- Urzi: une nouvelle vague 145

La volonté de découvrir et le souci de l’exactitude scientifique président aux travaux effectués à Butser Hill. Les expé- riences sur la culture des céréales ont montré que les rendements à l’hectare des variéti3 primitives de blé, notamment de l’amidonnier et de l’épeautre, ne sont pas loin d’égaler ceux d’aujourd’hui. Les graines étaient semées en sillons et non à la volée. Épis et paille étaient moissonnés séparément. Ces découvertes changent l’image que nous nous faisions de la vie à l’âge de fer : plutôt que de subvenir avec peine aux besoins des hommes, il semble bien, comme le pense Reynolds, que la production des fermes de I’âge de fer était excédentaire. D’autres découvertes archéologiques indiquent qu’il existait à cette époque de nombreuses communau- tés agricoles et que la densité de popula- tion était donc plus importante qu’on ne le suppose généralement. I1 n’est pas étonnant qu’au su de ces résultats Peter J. Reynolds voie d’un mauvais œil l’agriculture moderne, avec ses coûts élevés en énergie et son culte de la mono- culture.

Le deuxième fait nouveau, à la péri- phérie de la muséologie de la vie rurale, est la création du Rare Breeds Survival Trust, une association qui regroupe tous ceux qui se soucient de préserver les <<espèces animales en voie de dispari- tion,. L’intention des membres de ce groupe n’est pas uniquement de livrer ces animaux à la curiosité du public dans des parcs spécialisés, mais ils entendent que ce bétail soit utilisé par les éleveurs afii de réintroduire ou d’introduire les carac- téristiques génétiques souhaitées dans des races de bovins, de porcins ou d’ovins sélectionnés et surspécialisés. Les parcs sont des sortes de zoos souvent associés à des manoirs ouverts au public ou à des musées agricoles actifs, comme celui d’ Acton Scott. Le trust leur sert de réseau de communication mais il est également un agent actif pour ceux qui élèvent du bétail moins spécialisé et plus apte à af- fronter des conditions inhabituelles que la majorité du cheptel actuel. Les éleveurs d’Amérique du Nord et d’Europe achè- tent ces animaux pour introduire dans leurs troupeaux des caractéristiques qui leur permettent, par exemple, de mieux subsister sur des pâturages moins riches avec un minimum de soins vétérinaires. Le trust a créé une banque du sperme pour les espèces rares de bovins, et dispo- se d’un vaste échantillonnage de tau- reaux sélectionnés. I1 a mis en place un système de mise en réserve des données informatisées afin de contrôler le niveau

de croisement consanguin et d’élaborer des programmes de reproduction.

Bien que sans incidences économiques immédiates, la préservation des ovins North Ronaldsay est une des tâches les ‘plus importantes qu’ait entreprises le Rare Breeds Trust. Les moutons de cette île isolée des Orkneys située au nord de l’Écosse ont fini par s’adapterà une nour- riture constituée d’algues particulières à cette région côtière. C’est là un exemple unique d’adaptation, et, lorsque la po- pulation de l’île a commencé à diminuer, la survie des moutons Ronaldsay a été gra- vement compromise, car ils requièrent beaucoup de soins. C’est pourquoi le trust, sous la direction de Larry Alderson, son fondateur, a fait transporter un grand nombre de ces moutons sur une île habi- tée où ils peuvent recevoir toute l’atten- tion nécessaire. Cette histoire fascinante a été rapportée dans plusieurs numéros successifs de ARK, la revue publiée par le groupe, l’une de ces nombreuses publica- tions récentes consacrées à la muséologie agricole qu’il faut absolument con- naître’ ’. Questions sam réjjotzses

Telles sont donc les nouvelles orienta- tions, théoriques et pratiques, des mu- sées du Royaume-Uni consacrés à l’agri- culture et à la vie rurale12. Beaucoup de questions demeurent sans réponse. Le débat sur les orientations est animé, et risque fort de le rester. Les responsables des musées se demandent quel est le meilleur moyen de représenter l’agricul- ture et la vie rurale du passé dans le cadre du musée. Les musées de la vie rurale privilégient les aspects traditionnels alors que les musées agricoles mettent en va- leur le progrès, l’industrialisation et l’agriculture scientifique - mais les uns et les autres ont leurs limitations. QÚelle est la meilleure manière de représenter et d’interpréter la culture traditionnelle populaire? Jusqu’où la ferme vivante doit-elle et peut-elle aller dans la re- constitution du passé? Quel est le rôle du musée dans les techniques de recherche utihsant l’archéologie expérimentale et l’histoire dans la préservation des espèces animales et des variétés de cultures an- ciennes? Les musées-fermes doivent-ils faire preuve d’opportunisme et montrer la fin de l’ère du cheval de trait, mainte- nant que la collecte est aisée et que le pu- blic est si intéressé? Dans ce cas, faut-il utiliser des objets d’époque, ou des re- productions? Faut-il faire une place aux périodes plus anciennes, et comment?

Les musées doivent-ils faire un effort pour montrer la vie rurale de ces quarante dernières années?

Quelle place accorder au présent et à l’avenir? Comment constituer une collec- tion à partir de l’ensemble impressionnant d’objets destinés aux exploitations agri- coles et à ceux qui en vivent aujourd’hui? Comment représenter la nature du con- texte social et environnemental d’au- jourd’hui? Les musées consacrés à la vie agricole et rurale doivent-ils s’efforcer de définir les grandes orientations? Certains en sont convaincus et citent l’exemple de l’Amérique du Nord. D’autres pensent que nul ne peut prédire l’avenir, que les musées doivent éviter ce genre d’initiati- ve. Pour d’autres encore, le fait même de faire une sélection pour représenter l’ave- nir limite notre vision de celui-ci. Le pré- sent, avec son cortège de problèmes et de conceptions, a fait irruption dans les mu- sées d’agriculture et de la vie rurale au Royaume-Uni, après s’être implanté, par des voies diverses, dans ceux des États- Unis d’Amérique et du Canada. <<Le pas- sé ne sera jamais plus le même )> : la simple exposition d’objets ou la représentation d’activités propres aux époques passées ne vont probablement pas satisfaire un public devenu plus exigeant ni un per- sonnel muséologique devenu plus imagi- natif. L’avenir promet certainement de devenir passionnant car cette <(nouvelle vague. est excellente.

[ Tradzlit de L’anglais]

11.V0iC ARK,vol. 6, 1979, p. 155-157; vol. 7, 1980, p. 335 ;vol. 8,1981, p. 342-348 ;vol. 9, 1982, p, 167-168. Adresse: Market Place, Haltwistle, Northumberland, NE49 OBL, Royaume-Uni.

12. L‘article original de l’auteur évoquait certaines préoccupations des associations de spécialistes engagés dans ce type d’activités, touchant notamment le choix entre contexte statique ou dynamique, l’utilisation et la conservation des collections dans les muscees agricoles actifs, enfin les probl’rmes de sécurité Faute de place, cette réflexion n’apparaît pas ici. I1 était fait également mention des publications suivantes, organes de groupes spécialisés: rWG news(Oxford, août 1980; les anciens numéros de AfAGnews, avril 1973-1979; Transuciiom, hlusemz ProjêssionalGroup, nQ 16, 1981 ; Transactions, Nuseum Assistants’ Group, na 6, 1968, no l5,1978(lanouvelleadressedu rédacteur est : Museum of Oxford. St. Adlates, Oxford, OX 1 1D2, Royaume-Uni); SHCGmws, no 1, hiver 1982-1983 ; anciens numéros de GRJMnews, n”8, 1980, n”9, 1981. Adressede la rr‘daction : Crispin Paine, c/oAMMSSEE, 34 BuSnersLane, Kiln Farm, Milton Keynes, MKll3 HB (Royaume-Uni). [NDLFL]