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Les motivations au découplage, au-delà de la seule quêtede légitimité, l’exemple de l’introduction de l’IFRS 8
Dragos Zelinschi, Yves Levant, Nicolas Berland
To cite this version:Dragos Zelinschi, Yves Levant, Nicolas Berland. Les motivations au découplage, au-delà de la seulequête de légitimité, l’exemple de l’introduction de l’IFRS 8. Comptabilités, économie et société, May2011, Montpellier, France. pp.cd-rom, 2011. <hal-00650596>
1
LES MOTIVATIONS AU DECOUPLAGE, AU-
DELA DE LA SEULE QUETE DE
LEGITIMITE ; L’EXEMPLE DE
L’INTRODUCTION DE L’IFRS 8
Dragos Zelinschi a, Yves Levant
b, Nicolas Berland
c
a Université de Nantes, IEMN-IAE, LEMNA, Chemin de la Censive du Tertre, BP 52231, 44322 Nantes Cedex 3,
France
b Université de Lille 2/SKEMA Business School, Université Lille Nord de France, LEM CNRS 8179, LSMRC, 2
rue de Mulhouse –BP 381- 59020 Lille Cedex-France
c Université Paris-Dauphine - DRM, place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75775 Paris Cedex 16, France
Résumé : La norme IFRS 8 impose aux entreprises
de présenter l’information sectorielle sur la base des
données internes de gestion de l’entreprise. Dans ce
papier, nous essayons d’expliquer le décalage entre
l’impact attendu de cette norme et son application.
En effet, l’information sectorielle diffusée est, en
apparence, conforme à l’IFRS 8. Toutefois, il n’y a
pratiquement eu aucun changement dans les
pratiques de reporting externe. A travers une étude
de terrain, nous mettons ici en évidence la logique
institutionnelle qui régit ce phénomène, en nous
appuyant sur la notion de découplage. Notre étude
fait apparaître deux séries de résultats
préliminaires : la première tient aux dynamiques de
pouvoir qui parcourent les entreprises et la seconde
permet d’ébaucher un modèle pour comprendre le
découplage constaté.
Mots clés : découplage, légitimité, IFRS
Abstract: According to IFRS 8, segment reporting
has to be based on information prepared for internal
management decisions. In this paper, we attempt to
explain the gap between the expected impact of this
standard and its actual implementation. Indeed,
disclosed segment information apparently complies
with IFRS 8, but in reality financial reporting
remained unchanged. Through a field study, we
emphasize the institutional logic ruling this
phenomenon, shaped around the concept of
decoupling. Our study leads to two series of
preliminary results: the first one refers to the
dynamics of power within companies, while the
second one allows us to build a model explaining
the decoupling.
Keywords : decoupling, legitimacy, IFRS
2
1. Introduction
La norme IFRS 8 « Secteurs opérationnels », obligatoire depuis le 1er janvier 2009, impose
aux entreprises de présenter l’information sectorielle sur la base des données internes de
gestion de l’entreprise. La structure, mais également le contenu du reporting interne doivent
être repris dans l’information sectorielle, de manière à ce que celle-ci reflète le point de vue
des managers. La norme IFRS 8 remplace la norme IAS 14 « Information sectorielle » qui
préconisait d’autres critères de segmentation.
L’impact attendu de la norme est donc important. D’abord sur un plan technique, les
entreprises devraient redéfinir les secteurs opérationnels, modifier le contenu des informations
et identifier le principal décideur opérationnel. Ensuite, l’accès des utilisateurs des états
financiers aux données du reporting interne devrait générer des difficultés liées à la
confidentialité, mais également à la cohérence avec d’autres sources d’information
disponibles.
Dans ce contexte, nous avons réalisé pendant l’année 2009 une étude de terrain pour évaluer
l’impact de cette norme en examinant les choix faits par les entreprises durant l’année de la
mise en place de la norme, puis une fois les comptes 2009 publiés et en comparant tout cela à
l’exercice précédent. Cette étude a fait ressortir un relatif statu quo : la mise en place de
l’IFRS 8 entraîne en réalité peu de changements. Pour nombre des responsables interrogés, la
norme IFRS 8 est un « non évènement » et son application est « passée comme une lettre à la
poste ». L’analyse de l’un des dirigeants rencontré résume l’état d’esprit : « Si l’objectif de la
norme IFRS 8 est d’augmenter la transparence de la prise de décision, le principe de
comparabilité IFRS est très flexible. C’est la propre limite de la norme car elle peut perdre de
sa transparence. Elle avait un potentiel très fort, mais il y a eu peu de changements».
Quant aux cabinets d’audit, leurs discours varient dans le temps, sans doute du fait de
préoccupations commerciales. Ainsi, avant l’application de la norme IFRS 8, ces cabinets
soulignaient la grande nouveauté de la norme et prévoyaient un impact majeur si
l’information sectorielle IAS 14 n’était pas alignée sur le reporting interne1. Ils attiraient
également l’attention sur « l’effort nécessaire pour l’intégrer dans un jeu cohérent d’états
financiers »2. Une étude publiée en septembre 2009
3 fait cependant ressortir un faible impact
de l’adoption d’IFRS 8 sur l’information sectorielle. Pour justifier cette situation, les auteurs
de l’étude veulent se montrer rassurants et affirment que « les critères de présentation des
informations sectorielles d’IAS 14 étaient déjà cohérents, pour la majorité des sociétés, avec
leur reporting interne ».
Le but de ce papier est d’expliquer le décalage constaté entre l’impact attendu de la norme
IFRS 8 et son application. Pourquoi les entreprises semblent-elles découpler leurs pratiques
de gestion des normes qui les supportent ?
1 BCF IFRS Lefebvre 5-6/2008, rédigé par PriceWaterhouseCoopers.
2 revue Echanges, mai 2009 : « IFRS 8 – secteurs opérationnels. Une information plus utile » par Baudoin
Griton, associé KPMG. 3 « Étude de l’information sectorielle des sociétés du CAC 40 suite à l’application d’IFRS 8 », sept. 2009, par
PriceWaterhouseCoopers.
3
Nous mettons en évidence dans cet article les différentes logiques institutionnelles en conflit
dans le cadre de l’adoption de l’IFRS 8. Nous apportons alors une contribution à la littérature
néo-institutionnelle, car le phénomène du découplage a été relativement peu étudié. Il semble
néanmoins susciter un intérêt grandissant au cours de ces dernières années (Boxenbaum et
Jonsson 2008). Les entreprises confrontées aux pressions institutionnelles adoptent des
réponses stratégiques différentes, parmi lesquelles l’évitement (Oliver 1991, 1997). Cette
stratégie d’évitement conduit finalement à une situation de découplage entre la structure
formelle (l’apparence), qui satisfait aux exigences institutionnelles, et la réalité des pratiques
organisationnelles. Ce découplage permet aux entreprises d’acquérir une légitimité sans
modifier leurs activités techniques.
La deuxième partie de notre papier détaille nos principaux repères théoriques, empruntés
notamment au néo-institutionnalisme. Dans la troisième partie, nous présentons la norme
IFRS 8 (historique et contenu de la norme), ainsi que la méthodologie de notre étude. La
quatrième partie développe les principaux résultats observés. Ces résultats sont discutés dans
la cinquième partie.
2. Logiques institutionnelles et découplage
Différentes logiques institutionnelles conduisent à la mise en place des normes IFRS.
L’origine et la diffusion de ces normes semblent s’expliquer par les pressions institutionnelles
issues de divers facteurs sociaux et politiques, au delà des justifications économiques
rationnelles habituellement avancées (Hopwood 1994 ; Zeff 2002 ; Rodrigues et Craig 2007 ;
Chua et Taylor 2008)
2.1 Les normes IFRS et les logiques institutionnelles
L’IASC constitue un « forum où s’articulent les différents intérêts dans la comptabilité
internationale » (Hopwood 1994, p. 245). Cette organisation est alors au centre de conflits
entre différentes logiques institutionnelles. Zeff (2002) identifie plusieurs sources d’intrusion
politique dans l’activité de l’IASB, liées surtout à l’application des normes par les entreprises
de l’Union Européenne : les intérêts des entreprises, le mécanisme de validation mis en place
par l’Union, mais aussi les intérêts des différents pays. Dans un article plus ancien, Hopwood
(1994) signale le rôle joué par le lobby des grands cabinets d’audit dans le même processus.
Chua et Taylor (2008) montrent que les principales justifications économiques pour une
harmonisation comptable internationale à travers les normes IFRS, à savoir la transparence, la
qualité et la comparabilité, manquent de fondements empiriques. Ils affirment que la création
et la diffusion des normes, ainsi que l’harmonisation comptable, sont avant tout des processus
politiques.
Le développement des normes se fait aussi sous l’influence de pressions coercitives qui
poussent à l’adoption de certaines pratiques comptables (Carpenter et Feroz 2001 ; Touron
2004, 2005). En particulier, différentes formes d’isomorphisme coercitif se manifestent dans
la diffusion des normes IFRS (Rodrigues et Craig 2007).
4
2.2 Perspective institutionnelle et perspective stratégique
La création, le maintien et le développement des structures organisationnelles formelles sont
liés à la progression des mythes institutionnalisés et rationalisés (Meyer et Rowan 1991), dont
la comptabilité est un élément clé (Miller 1994). Celle-ci est une pratique sociale et
institutionnelle, une partie intrinsèque et constitutive des relations sociales (Miller 1994). Les
organisations incorporent dans leur structure des procédures rationnelles parmi lesquelles les
systèmes formels de comptabilité occupent une place essentielle (Miller 1994 ; Carruthers
1995). Le but n’est pas de produire des décisions plus efficientes ou d’améliorer les processus
technologiques, mais plutôt de sauvegarder les apparences et d’apporter de la légitimité à
l’organisation.
Cette quête de la légitimité, thématique centrale de la recherche en gestion, est généralement
étudiée selon deux perspectives radicalement opposées (Suchman 1995, p. 572) :
- la perspective institutionnelle, qui « insiste sur les dynamiques structurelles d’ensemble
générant des pressions culturelles qui dépassent la capacité de contrôle d’une organisation
unique » ;
- la perspective stratégique, qui « insiste sur la façon dont les organisations mettent en place,
manipulent et exploitent des symboles évocateurs pour gagner le soutien de la société » ;
la théorie de la dépendance des ressources occupe ici la place prédominante.
Une intégration de la théorie institutionnelle et de la théorie de la dépendance des ressources a
aussi été proposée par différents auteurs (Oliver 1991 ; Greening et Gray 1994 ; Oliver 1997).
Il s’agit en effet de deux théories comme complémentaires : « les organisations effectuent des
choix stratégiques, mais font cela dans les limites des contraintes imposées par leurs
environnements institutionnels » (Greening et Gray 1994, p. 469).
2.3 Evitement et dissimulation
Dans ses différents travaux, Oliver (1991 ; 1997) propose une typologie des différentes
réponses stratégiques et des tactiques afférentes, que développent les entreprises confrontées
aux pressions institutionnelles. Loin d’être des acteurs passifs, les entreprises tentent même de
maximiser, à travers plusieurs stratégies, les avantages économiques qu’elles peuvent obtenir
de leur environnement politique (Oliver et Holzinger 2008).
Dans le cadre de leurs réponses stratégiques aux pressions institutionnelles, les entreprises
peuvent accepter ces dernières (acquiesce), faire des compromis (compromise), les éviter
(avoid), les défier (defy) ou manipuler (manipulate).
C’est la stratégie d’évitement (avoid) qui est applicable à la situation que nous étudions ici.
Pour une telle stratégie, les tactiques possibles sont la dissimulation (cacher le manque de
conformité), la mise en place de tampons (pour desserrer les liens institutionnels) ou l’évasion
(modifier les buts poursuivis, les activités déployées ou les champs d’action). Seule la
tactique de dissimulation nous semble appropriée à notre analyse. « Les tactiques de
dissimulation consistent à masquer la non-conformité derrière une apparence d’acceptation.
[...] Les organisations peuvent s’engager dans des changements de façade (window dressing) :
ritualisme, faux-semblants cérémoniels, ou acceptation symbolique des normes, règles ou
5
obligations institutionnelles. [...] D’un point de vue institutionnel, la distinction entre
apparence et réalité est une dichotomie importante théoriquement, car c’est l’apparence plutôt
que la conformité effective qui est souvent considérée comme suffisante pour assurer la
légitimité » (Oliver 1991, p. 155). Il s’agit d’une idée qui apparaît souvent dans les textes
fondateurs du néo-institutionnalisme (cf. par exemple Meyer et Rowan 1991).
La stratégie d’évitement, associée à des tactiques de dissimulation, conduit à une situation de
découplage, de distinction entre apparence et réalité (cf. Oliver 1991). Dans une logique
institutionnelle, la structure formelle est généralement déconnectée des pratiques
organisationnelles réelles (Meyer et Rowan 1991). Dans ces conditions de découplage
(decoupling), les procédures rationalisées ne peuvent influencer la performance
organisationnelle (car elles n’ont pas d’effet sur les pratiques), mais elles peuvent améliorer
les apparences organisationnelles (les procédures rationalisées créent l’image de choix
rationnels, plutôt qu’une réalité). Le phénomène de découplage (situation où la conformité par
rapport aux attentes externes est uniquement symbolique et non pas effective) est souvent
présent dans le fonctionnement des organisations et intervient dans la prise de décisions dans
différents contextes (cf. Westphal et Zajac 2001). « Les organisations découplent leur
structure formelle de leurs activités productives lorsque l’environnement institutionnel et
l’environnement contextuel (task environment) sont en conflit ou lorsqu’il existe des
pressions institutionnelles contradictoires. Le découplage permet aux organisations d’aspirer à
la légitimité accordée par l’adaptation aux mythes rationnalisés tandis qu’elles déploient les
mêmes activités techniques » (Boxenbaum et Jonsson 2008, p. 79).
Pour Fiss et Zajac (2006), le découplage est une forme de management symbolique (symbolic
management). « L’avantage du découplage est qu’il permet aux éventuelles inconsistances et
anomalies des activités techniques (telles la comptabilité) de rester cachées derrière la
supposition de façade que la structure formelle fonctionne comme il a été communiqué
publiquement » (Rodrigues et Craig 2007, p. 743). « Les théoriciens de l’institutionnalisme
tendent à envisager le découplage comme un mécanisme de protection à travers lequel
l’organisation maintient sa légitimité externe à travers des pratiques formelles qui incarnent
des finalités socialement acceptables, tout en conservant des routines informelles qui ont
évolué dans le temps » (Westphal et Zajac 2001, p. 221). Le découplage est un phénomène
complexe, car ce n’est pas « simplement un choix binaire (à savoir entre dire et faire), mais [il]
peut être plus nuancé et comporter de multiples façons de présenter et justifier les actions
organisationnelles » (Fiss et Zajac 2006, p. 1187).
Dans le domaine de la normalisation comptable, Rodrigues et Craig (2007) donnent l’exemple
du découplage qui existe entre la conformité totale et ferme par rapport aux IFRS annoncée
par les organisations, et les pratiques réelles, informelles, de ces dernières, qui dénotent
souvent une grande réticence à l’égard de ces normes.
La typologie introduite par Oliver, devenue désormais incontournable (cf. Boxenbaum et
Jonsson 2008), est souvent utilisée par la recherche académique dans des contextes similaires
à celui que nous étudions ici (à savoir des pressions institutionnelles4 pour la mise en place
d’une certaine pratique comptable). Il s’agit par exemple d’une recherche qui analyse les
décisions de plusieurs Etats américains d’adopter les GAAP (Carpenter et Feroz 2001). Les
deux auteurs mettent en évidence la coexistence de plusieurs types de pressions
4 Nous nous situons ici dans le cadre de l’isomorphisme institutionnel coercitif.
6
institutionnelles (assurément normatives et coercitives et peut-être mimétiques) de la part de
plusieurs catégories d’acteurs : gouvernement fédéral, associations professionnelles de
comptables et représentants des marchés financiers. Les facteurs organisationnels qui
influencent l’adoption des normes GAAP sont également nombreux : participation des
responsables aux associations professionnelles, dépendance des marchés financiers pour
obtenir des ressources, relations de pouvoir, culture organisationnelle et changements de
direction. Les stratégies mises en place face aux pressions institutionnelles sont très variées :
défiance, acceptation, manipulation et compromis. Une autre étude récente de la résistance
des entreprises aux tentatives de régulation du contrôle interne, qui s’étend sur 20 ans (de la
fin des années 1970 jusqu’à la fin des années 1990) fait également la part belle à la typologie
d’Oliver (Shapiro et Matson 2008). Différentes réponses stratégiques sont mises en place à
différents moments. Ainsi, jusqu’à la fin des années 1980, les entreprises emploient des
stratégies de résistance active (défiance et manipulation), stratégies qui seront couronnées de
succès. Plus tard, la crise financière qui affecte l’économie américaine à la fin des années
1980, mais surtout les affaires Enron, Worldcom etc. de 2001-2002 ont pour conséquence de
justifier et de durcir significativement la réglementation du contrôle interne.
L’étude de Zajac et Westphal, conduite sur un large échantillon, montre qu’entre les années
1970 et les années 1990, de nombreuses entreprises américaines annoncent l’adoption d’un
système particulier de rémunération des dirigeants, sans jamais le mettre en place réellement
(Westphal et Zajac 1994 ; Zajac et Westphal 1995 ; Westphal et Zajac 1998). Les auteurs
concluent qu’il existe un découplage institutionnel entre substance et symbole (institutional
decoupling between substance and symbol) (Westphal et Zajac 1994). Le même phénomène
apparaît lors de la mise en place de programmes de rachat et redistribution d’actions par de
grands groupes américains à la fin des années 1980 et au début des années 1990, sous
l’influence de pressions externes (Westphal et Zajac 2001). Cela semble dû aux dissensions
qui apparaissent entre les dirigeants et les parties prenantes externes au sujet de l’allocation
des ressources. Le découplage est une pratique qui s’enseigne et se transmet d’une entreprise
à l’autre à travers les réseaux qui relient les dirigeants. Par ailleurs, le découplage n’est pas
confiné au contexte américain, comme le montrent (Fiss et Zajac 2004, 2006), qui étudient
des pratiques similaires liées au changement stratégique en Allemagne. Ces deux auteurs
mettent également en évidence le rôle du discours dans une situation de découplage ;
ironiquement, les organisations qui proclament qu’elles se conforment aux pressions
institutionnelles sont les moins susceptibles d’agir réellement dans ce sens. Finalement,
« dans ces études, la légitimité a été atteinte non pas à travers une conformité réelle, mais
plutôt par des actions qui semblaient révéler la conformité, mais en fait cachaient la non-
conformité » (Fiss et Zajac 2006, p. 1178).
Il faut poser également le problème de la pérennité du découplage, car celui-ci est parfois
difficile à maintenir si des acteurs organisationnels sont impliqués dans le processus
(Boxenbaum et Jonsson 2008). Tant que le découplage ne nécessite pas d’intervention
humaine, il peut persister longtemps.
7
2.4 Raisons du découplage et facteurs d’influence
Plusieurs facteurs d’influence, agissant à différents niveaux, ont été identifiés dans la
littérature. Ainsi, en général la réponse stratégique adoptée par l’organisation devant les
différentes pressions dépend (Oliver 1991) :
- de la volonté de celle-ci à se conformer à l’environnement institutionnel ; la volonté est
déterminée à son tour par le scepticisme organisationnel, les intérêts politiques et le
contrôle organisationnel ;
- de sa capacité à se conformer à cet environnement ; la capacité est déterminée par la
capacité organisationnelle, le conflit entre les pressions institutionnelles et la conscience
des attentes institutionnelles.
Quant au découplage, selon les textes fondateurs (Meyer et Rowan 1991), il constitue une
réponse à :
- une contradiction entre la pratique mise en place et l’efficience organisationnelle interne ;
- une contradiction entre des pressions institutionnelles multiples.
Les recherches plus récentes détaillent plusieurs raisons et facteurs d’influence liés au du
découplage, mais les résultats sont parfois contradictoires. C’est le cas notamment de
l’homogénéité du champ organisationnel : selon certains auteurs (Westphal et Zajac 1994,
1997 ; Fiss et Zajac 2006), le découplage tend à s’accroître si le champ organisationnel
devient plus homogène, tandis que d’autres recherches présentent le découplage comme une
réaction à l’hétérogénéité du champ (cf. Boxenbaum et Jonsson 2008).
Parmi les facteurs d’influence, certains auteurs insistent sur les dynamiques du pouvoir
(Westphal et Zajac 2001 ; Stevens et al. 2005) et sur les réseaux et coalitions internes ou
externes en place (Westphal et Zajac 2001 ; Fiss et Zajac 2004). Il s’agit en particulier des
rapports de pouvoir au sein de l’organisation et des intérêts des différents acteurs concernés,
mais également des pressions externes subies. Ainsi, « il apparaît que certaines entreprises
sont plus enclines à éviter les pressions institutionnelles en faveur du changement en utilisant
des tactiques telles que le découplage lorsque ces pressions institutionnelles entrent en conflit
avec les intérêts des acteurs qui détiennent le pouvoir dans l’organisation. Dans l’absence
d’une telle tension entre les demandes externes et les intérêts des acteurs au pouvoir, la
tendance vers un découplage institutionnel sera significativement plus faible. » (Westphal et
Zajac 2001, p. 220). Plus clairement, « le découplage apparaît non seulement parce qu’il peut
être utile à l’organisation, mais également parce qu’il sert les intérêts politiques des
dirigeants » (Westphal et Zajac 2001, p. 221).
Le découplage semble favorisé par de fortes pressions coercitives (externes) pour mettre en
place une nouvelle pratique (Kostova et Roth 2002). Ces deux auteurs analysent les réactions
des filiales (en particulier l’adoption cérémoniale) à la décision de la société mère de leur
imposer la mise en place d’une pratique de gestion (isomorphisme coercitif).
Par ailleurs, le découplage est plus susceptible d’apparaître parmi les entreprises qui adoptent
tard la pratique en question (late adopters) (Westphal et Zajac 1994, 1997).
8
Il y a également d’autres facteurs qui influencent le découplage : le fait qu’il permet de
générer des avantages financiers (Westphal et Zajac 1998) ou d’autres avantages et la
préoccupation pour l’image de l’organisation (Boxenbaum et Jonsson 2008).
3. La norme IFRS 8 comme objet de recherche et méthodologie mise en
œuvre
Dans cette partie, nous présentons l’objet de notre étude, la norme IFRS 8 et nous
développons les différents aspects méthodologiques ayant présidé à notre étude.
3.1 La norme IFRS 8
Pour comprendre les implications de l’IFRS 8, il nous paraît indispensable de présenter ici
dans un premier temps la normalisation de l’information sectorielle dans une perspective
historique, par le FASB (aux Etats-Unis) et par l’IASC / IASB5. Dans un deuxième temps,
nous développons brièvement le contenu de la norme : approche générale, définitions et
indicateurs.
3.1.1 Historique de la norme IFRS 8
Dès les années cinquante, l’OCDE a incité les entreprises à fournir des informations
financières par secteurs ou branches d’activités. Cette incitation est restée lettre morte sauf
pour quelques situations particulières (isoler par exemple l’activité bancaire ou d’assurance du
reste de l’activité commerciale).
En 1976, le FASB, récemment créé, avait émis le SFAS 14 « Financial Reporting for
Segments of a Business Enterprise ». Ce texte, favorisant la comparabilité des informations,
cherchait à définir des bases de découpage des activités en fonction de critères supposés
objectifs. L’analyse se fait par activité, mais également en fonction de la géographie,
demandant par exemple d’isoler le chiffre d’affaires home country des autres zones
géographiques. De fait, la dimension géographique est la plus aisément suivie : des
découpages fréquents sont US / Europe / Afrique et reste du monde ou US / Europe / Afrique
/ Asie et reste du monde. On peut signaler une mise au point par un EITF (Emerging Issues
Task Force) des années 1980 sur la notion de home country : elle devait correspondre à
l’Europe dans son ensemble et non à un pays européen unique.
En 1981, l’IASB complète son recueil de normes en « adaptant » le SFAS 14 sans en changer
l’orientation : organiser un ensemble de définitions qui orientent les entreprises dans une
démarche coordonnée et raisonnable. Le résultat est l’IAS 14 (publié en 1981 et modifié en
1997), qui est inclus dans la grande revue de 1997 destinée à la reconnaissance des IAS au
niveau de l’IOSCO.
En fait, toutes ces tentatives d’enrichissement de l’information financière n’ont pas été
couronnées de succès : AT&T ne présente « que » deux segments, IBM également, pour en
5 Pour rendre le récit plus lisible, nous utiliserons désormais seulement la dénomination actuelle de l’organisme
de normalisation internationale (à savoir IASB).
9
rester aux cas les plus flagrants et les mieux connus. De nombreuses exceptions permettent de
ne pas « faire du zèle ». Le FASB, ému par ce constat et encouragé par la SEC pour renforcer
ses normes, s’est lancé dans un réexamen des normes de segment reporting. Dans cette
opération, le FASB lança une enquête sur les dommages subis par une entreprise « qui en
dévoilerait trop » par rapport au bon élève qui ferait les efforts nécessaire pour communiquer
l’information financière désirée par la communauté des analystes. En 2000, une enquête
lancée à la demande du FASB a montré que sur le long terme les résultats des entreprises
« bons élèves » était bien meilleurs que celles qui ne l’étaient pas6. En conséquence, le FASB
et la SEC n’admettront pas la non-disclosure justifiée par l’argument du dommage
concurrentiel éventuel7. Le deuxième axe de travail important (et affiché) était de faire ce
chantier en commun avec l’IASB de façon à éliminer les arguments du type : « nous ne
faisons pas ce que d’autres ne font pas ».
Il fut finalement décidé de publier en même temps le SFAS 131 « Disclosures about segments
of an enterprise and related information » et une nouvelle version de l’IAS 14 au début de
l’année 2001. Le Status Report8 du FASB de décembre 2000 est fier d’annoncer cette
concomitance. Cependant, au dernier moment, l’IASB repoussa la mise en œuvre à plus tard.
En fait, les américains avaient changé l’approche de leur réglementation très significativement
entre le SFAS 14 et le successeur, le SFAS 131, en raison du peu de réussite d’une
réglementation contraignante. Aussi, l’approche devient extrêmement ouverte, totalement
respectueuse du choix de gestion pris par l’entreprise. Autrement dit, le nouveau principe est
de reconnaître que l’entreprise sait mieux que quiconque comment se gérer. L’entreprise
développe des outils internes, un tableau de bord qu’on lui demande de partager avec le
monde extérieur. On compte alors sur la SEC et sur les analystes financiers, surtout par
branche, d’exercer le contrôle et de faire les pressions nécessaires pour que l’entreprise
fournisse l’information financière désirée. Le FASB va même très loin, permettant aux
entreprises qui ne suivraient pas les FASB pour certaines branches de publier l’activité de ces
branches selon la méthode que l’entreprise a adopté pour son suivi. Autrement dit on
n’admettra pas l’excuse d’une tenue des comptes dans un langage différent des normes
américaines (US GAAP) pour se dispenser de donner l’information.
Dans le cadre d’un mouvement de convergence entre les normes IFRS et les normes
américaines, l’IASB avait publié le 19 janvier 2006 un exposé-sondage (ED8 « Segments
opérationnels »), visant à modifier en profondeur la norme IAS 14 relative à l’information
sectorielle. Selon cet exposé-sondage, l’information sectorielle devait procéder directement
des données de gestion utilisées par la direction pour piloter l’entreprise (management
approach), et non plus de la prise en compte des facteurs de risque et de rentabilité
spécifiques. Il en résulta une nouvelle norme qui sera l’IFRS 8, issue de la comparaison de
l’IAS 14 et du SFAS 131. La nouvelle norme prend l’intitulé « Secteurs opérationnels »
(« Operating segments »), au lieu d’« Information sectorielle » (« Segment reporting ») pour
l’IAS 14. L’IFRS 8 a été adoptée par l’Union Européenne en novembre 2007, devenant
obligatoire à partir du 1er
janvier 2009 mais pouvant être appliquée par anticipation en 2008.
6 Ces résultats figurent dans les basis for discussions du SFAS 131 « Disclosures about Segments of an
Enterprise and Related Information ». 7 La COB avait adopté également une position très restrictive sur les déviations fondées sur ce critère de
dommage concurrentiel. 8 Revue du FASB semblable au IASB Update.
10
Faut-il y voir une différence majeure ? Fondamentalement, ce texte est dans la mouvance du
texte américain (SFAS 131). Selon la lecture qu’on lui donne, on peut considérer que l’IFRS
8 est en convergence avec le SFAS 131 ou qu’au contraire, il comporte de nombreuses
différences. Finalement, d’un point de vue pragmatique, cela compte peu car le contrôle final
exercé par les analystes financiers, par les organismes de contrôle boursiers etc. s’organise
déjà par branche (secteur d’activité).
L’application de l’IFRS 8 modifie de façon substantielle le contenu de l’information
sectorielle pour les entreprises concernées. Désormais, l’information sectorielle doit
obligatoirement s’appuyer sur le reporting interne et refléter la vision du management
(through the eyes of management approach)9. Le but de cette réforme est de communiquer
aux investisseurs les indicateurs de performance majeurs utilisés par les managers de
l’entreprise, dans un souci de plus grande transparence de l’information financière. Aussi, les
types d’informations à fournir ne sont pas précisés en totalité, car ils dépendent des
informations utilisées dans la gestion interne de l’entreprise.
L’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group)10
et l’IASB considèrent que les
changements introduits par l’IFRS 8 améliorent significativement la qualité des informations
produites. Ainsi, selon la plupart des parties prenantes, les informations qui reflètent « la vue
du management » sont plus pertinentes et plus utiles que celles conformes à l’IAS 14. Elles
assurent une meilleure représentation de la réalité de l’entreprise, notamment de sa situation
financière et économique. Ces informations permettent également de comprendre la prise de
décisions et de mieux évaluer ainsi les performances des décideurs.
La recherche académique américaine sur l’impact de la norme SFAS 131 conclut à une
amélioration du reporting externe (Herrmann et Thomas 2000 ; Street et al. 2000), notamment
en termes de transparence (Berger et Hann 2003 ; Ettredge et al. 2006). La confiance des
analystes financiers dans les informations publiées (Botosan et Stanford 2005) augmente.
Finalement, les prévisions fondées sur les informations sectorielles (Ettredge et al. 2005)
s’améliorent.
En conclusion, ce changement de norme et de philosophie, entre dans le mouvement de
convergence des normes internationales (FASB / IASB). L’IFRS 8 est en effet très proche de
la norme SFAS 131. Il faudra attendre quelques années pour savoir si ces textes ont apporté
une amélioration sensible de l’information financière actuelle. En tout état de cause,
l’entreprise est amenée à plus de transparence : dans ce domaine cela veut dire que les
données de gestion, autrefois très confidentielles, commencent à sortir au grand jour. Il n’est
plus concevable de maintenir des doubles systèmes d’information, l’un pour l’externe, l’autre
pour l’interne, ce qui serait trop coûteux et trop dangereux pour la notoriété de l’entreprise.
3.1.2 Le contenu de la norme
Le principal changement qu’apporte la norme IFRS 8 est un changement « d’approche ». Elle
adopte une approche de gestion, c’est-à-dire qu’elle impose que les informations sectorielles
s’appuient sur les composantes de l’entité que le principal décideur opérationnel (PDO)
contrôle dans la prise de décisions relatives aux questions opérationnelles. Le PDO doit
exercer les fonctions d’affectation des ressources aux secteurs opérationnels et d’évaluation
9 Il s’agit plus précisément du point de vue du principal décideur opérationnel (chief operating decision maker).
10 Organe (privé) de conseil technique sur la normalisation comptable au niveau de l’Union Européenne.
11
régulière de leur performance. Dans la pratique, le PDO peut être le comité de direction, ou
comité exécutif, le président directeur général lui-même ou un collège composé des
responsables de chaque secteur. On note que les grandes entreprises ont souvent un comité de
direction comme PDO alors que dans des structures plus petites c’est le PDG. Ces
composantes (les secteurs opérationnels) doivent être identifiées sur la base des rapports
internes que le décideur opérationnel de l’entité examine régulièrement lors de l’affectation
des ressources aux secteurs et de l’évaluation de leur performance (management approach).
Cela signifie que l’information à publier est celle sur laquelle le décideur s’appuie, en interne,
pour évaluer la performance des segments et décider de leur affecter des ressources.
Désormais, on définit le segment opérationnel comme étant une composante d’une entité :
- qui se livre à des activités à partir desquelles elle est susceptible d’acquérir des produits
des activités ordinaires et d’encourir des charges (y compris des produits des activités
ordinaires et des charges, relatifs à des transactions avec d’autres composantes de la même
entité) ;
- dont les résultats opérationnels sont régulièrement examinés par le PDO de l’entité en vue
de prendre des décisions en matière de ressources à affecter au secteur et d’évaluer sa
performance ;
- pour laquelle des informations financières isolées sont disponibles.
Par conséquent, les entreprises doivent présenter des informations sectorielles dès lors que ces
dernières apparaissent dans le reporting interne de la direction. L’IFRS 8 impose la
publication, pour tous les segments opérationnels identifiés, des facteurs utilisés pour
identifier les secteurs y compris la description de l’organisation, la nature des produits et
services qui permettent à chaque secteur de générer des produits, produits d’intérêts et charges
d’intérêts, ainsi que les informations relatives aux produits et services, aux zones
géographiques et aux principaux clients pour l’entité dans son ensemble.
Les informations à diffuser correspondent d’une part à une évaluation du résultat et des actifs
sectoriels ainsi que le type de produits ou services dont découlent les produits de ce secteur et
d’autre part aux passifs sectoriels si ce montant est régulièrement fourni au PDO.
Parmi les implications sur la gestion de la nouvelle norme, on constate un renforcement de la
comptabilité d’intention, notamment sur le fait que les secteurs opérationnels doivent
correspondre aux choix stratégiques des dirigeants, que ce soit pour l’organisation des
directions opérationnelles ou pour la gestion des lignes et branches de production.
3.2 Collecte des données
Pour évaluer et comprendre les éventuels changements apportés par la mise en place de la
norme IFRS 8 nous avons analysé les pratiques des entreprises françaises. Nous avons
procédé à des entretiens, complétés par une recherche documentaire effectuée à partir des
rapports annuels. Les données obtenues de ce processus sont présentées à la suite.
Une enquête sur l’impact de l’adoption de la norme IFRS 8 sur les choix des entreprises
concernant la publication des états financiers et l’organisation des fonctions comptables et
contrôle de gestion, a été menée par l’Université Paris-Dauphine et SKEMA Business School
12
auprès des membres de l’Association des Directeurs de Comptabilité et de Gestion (APDC11
).
Bien que l’IFRS 8 ne soit applicable qu’au 1er
Janvier 2009, nous avons néanmoins effectué
notre enquête dès le printemps 2009. En effet, celle-ci ne porte pas l’impact de l’adoption de
l’IFRS 8 sur les comptes publiés en eux-mêmes mais sur la préparation et les choix effectués
par les sociétés pour la mise en œuvre de cette norme. Outre le fait qu’elle pouvait être
adoptée par anticipation en 2008, il est généralement admis par les entreprises rencontrées
qu’il faut de l’ordre de deux ans pour être opérationnel pour l’application d’une nouvelle
norme. Aussi au printemps 2009 les sociétés concernées avaient fait leurs choix ou étaient en
cours de finalisation de ceux-ci.
L’ensemble des 118 entreprises apparaissant sur la liste des contacts (134 contacts) des
membres de l’APDC ont été invitées à participer à l’étude. Finalement 31 entreprises ont
accepté de répondre (leur liste apparaît en annexe 2). Un total de 3812
personnes ont été
interrogées, généralement des responsables de la comptabilité, mais aussi des responsables du
contrôle de gestion.
- directeur financier – 2 personnes ;
- service comptabilité – 30 personnes ;
- contrôle de gestion – 5 personnes ;
- autres (business analyst) – 1 personne.
Le guide d’entretien sur lequel ces entretiens se sont appuyés est présenté dans l’annexe 2.
Une version préliminaire de ce guide a été d’abord testée sur quatre entreprises, et ensuite
légèrement amendée (les entretiens préliminaires ont pu être exploités et les entreprises font
partie des 31 déjà mentionnées).
Le guide d’entretien commence par deux questions visant à identifier l’interlocuteur (position
dans l’entreprise, ancienneté) et à situer l’entreprise dans son environnement. Le reste des
questions sont regroupées à travers quatre thématiques principales :
- essentiel de la norme (le principal décideur opérationnel, les segments et les indicateurs) –
recueillir l’avis de l’interlocuteur sur les points principaux de l’IFRS 8 ;
- mise en place du projet – déroulement, pilotage et coûts du processus d’introduction de la
norme, relation avec la norme SFAS 131 ;
- point de vue du principal décideur opérationnel – utilisation des informations et prise de
décisions, arbitrages éventuels dans le choix des informations diffusées selon l’IFRS 8 ;
- relations comptabilité contrôle – impact de la norme sur le contrôle de gestion, sur le
système d’information et sur les relations entre les départements comptable et de contrôle
de gestion.
La réalisation proprement-dite des entretiens a été précédée en amont par un travail
d’information, à partir notamment des rapports annuels, travail portant sur :
11
Fondée en 1947, l’Association des Professionnels et Directeurs Comptabilité et Gestion (APDC) regroupe des
professionnels de la comptabilité, de la gestion et de la consolidation employés dans diverses entreprises, ainsi
que des membres associés (experts-comptables, auditeurs, enseignants etc.) C’est une association professionnelle
animée par des responsables financiers-comptables. 12
Pour certaines entreprises nous avons pu interroger plusieurs personnes.
13
- l’activité de l’entreprise, le référentiel comptable utilisé ou la cotation sur les marchés
financiers ;
- la mise en place de la norme IFRS 8 (impact attendu et impact effectif de la norme).
Les entretiens semi-directifs, d’une durée moyenne d’une heure, ont été réalisés, lorsque cela
était possible, en face à face au siège des entreprises concernées. Les autres entretiens ont été
réalisés par téléphone.
Etant donné le caractère confidentiel et parfois sensible des sujets abordés, les entretiens n’ont
pas été enregistrés, mais ils ont fait l’objet de prises de notes. A notre avis, cette démarche
met davantage en confiance les personnes interviewées, qui font ainsi preuve de plus de
liberté dans leurs propos.
Ces entretiens ont été complétés par l’analyse des rapports annuels des entreprises rencontrées.
Ces documents permettaient de comprendre la segmentation avant et après l’adoption de la
norme et ainsi d’appréhender les conséquences de la norme.
4. La mise en pratique de la norme IFRS 8 par les entreprises étudiées
4.1 Les observations issues des rapports annuels
Pour appréhender l’impact de la norme IFRS 8 sur les pratiques de reporting externe, nous
avons analysé dans un premier temps les rapports annuels des entreprises qui font partie de
notre échantillon. Ainsi, parmi les 31 entreprises étudiées, 24 publient leur rapport annuel (en
particulier les comptes annuels) ou document de référence sur internet.
Une analyse systématique des rapports annuels pour ces 24 entreprises a été menée selon le
tableau ci-dessous. Cette analyse porte à la fois sur le découpage en secteurs et sur la nature
des informations ventilées par secteur.
Entreprise Note sur l’application de la
norme (rapport après IFRS 8)
Rapport après IFRS 8 Rapport avant IFRS 8 Analyse
Accor Note 1. Principes comptables :
« La mise en application de cette nouvelle norme n’a pas eu
d’impact sur la présentation des
comptes consolidés du Groupe »
6 secteurs d’activité :
1. Secteur hotelier - Hôtels haut et milieu de
gamme
- Hôtels économiques - Hôtels économiques US
2. Secteur des services
prépayés 3. Secteur de la restauration
4. Secteur des casinos
5. Secteur des services à bord des trains
6. Autres activités
On maintient pour certains
indicateurs un découpage par
zone : France, Europe (hors France), Amérique du Nord,
Amérique latine et Caraïbes,
Autres pays, Structures mondiales
Indicateurs par secteur: loyers, bilan
1er niveau d’information :
- secteur d’activité (même
découpage)
2e niveau :
- secteur géographique
1. France
2. Europe hors France 3. Amérique du Nord
4. Amérique latine et
Caraïbes 5. Structures mondiales
Indicateurs par secteur : loyers, bilan
Indicateurs par zone :bilan
Indicateurs par secteur et par
zone : CA, RBE, EBE, Résultat d’exploitation
Même présentation
pour les deux
exercices. Seule différence : après IFRS
8 il n’y a plus le bilan
par zone géographique (mais uniquement par
secteur)
14
Indicateurs ventilés par secteur
et par zone : CA, RBE, EBE,
Résultat d’exploitation
ADL Partner Note 2.1.2. Nouvelles normes IFRS applicables en 2009
Les nouvelles normes, amendements de normes
existantes et interprétations,
d’application obligatoire ou par anticipation au 31 décembre
2009 […] n’ont pas eu d’impact
significatif sur les états financiers du Groupe
2 secteurs opérationnels 1. France
2. International
+ secteur Interzone
Indicateurs par secteur : bilan,
Effectifs, CA
1er niveau - zone géographique
1. France
2. International + Interzone
2e niveau - type d’offre produits
1. Offre abonnements à durée
libre 2. Offre abonnements à durée
déterminée
3. Offre livres, objets, audio-vidéo
Indicateurs par secteur : bilan,
Effectifs, CA
Indicateurs par type d’offre : CA
Le rapport annuel après IFRS 8 suggère un tout
autre découpage :
- activités en France (avec 3
activités –
Abonnements à durée libre,
Abonnements à
durée déterminée, Livres et objets)
- filiale OFUP
- opérations internationales
Seul le chiffre
d’affaires est ventilé entre Abonnements à
dl, Abonnements à dd
et Livres et Objets)
Air France Note 3. Règles et méthodes
comptables
« L’entrée en application de
cette norme est sans incidence
sur les comptes consolidés du groupe, les secteurs présentés
antérieurement selon IAS 14
répondant à la définition des secteurs opérationnels identifiés
et regroupés selon la norme
IFRS 8. »
4 secteurs d’activité :
1. Passage (transport de passagers)
2. Fret
3. Maintenance 4. Autres
Découpage géographique maintenu pour certains
indicateurs: France
métropolitaine, Europe hors France Afrique du Nord,
Antilles Caraïbes Guyane
Océan Indien, Afrique Moyen Orient, Amérique Polynésie,
Asie Nouvelle Calédonie
Indicateurs par secteur: CA,
Résultat d’exploitation courant,
Résultat des activités opérationnelles, Résultat net,
Amortissements, Autres
éléments non monétaires, Total actifs, Passifs sectoriels, Total
passifs, Investissements
Indicateurs par secteur et par
zone d’origine des ventes : CA
Indicateur par secteur et par
zone de destination : CA
1er niveau d’information :
- secteur d’activité (même
découpage)
2e niveau :
- secteur géographique
1. Europe et Afrique du Nord
2. Antilles Caraïbes Guyane et Océan Indien
3. Afrique Moyen Orient
4. Amériques et Polynésie 5. Asie et Nouvelle Calédonie
Mêmes indicateurs et même présentation
Même présentation
pour les deux
exercices.
Dans le rapport après
IFRS 8, le secteur géographique France
est présenté
séparément.
Nous avons comparé deux rapports annuels successifs :
- le premier rapport après la mise en place de l’IFRS 8.
- le dernier rapport avant la mise en place de l’IFRS 8 « Secteurs opérationnels », c’est-à-
dire généralement des rapports appliquant la norme IAS 14 « Information sectorielle » ;
A deux exceptions près, le premier rapport appliquant l’IFRS 8 correspond à la première
période ouverte à compter du 1er
janvier 2009 (application obligatoire). Les exceptions sont
15
constituées par les groupes Air Liquide et GDF Suez qui ont opté pour une application
anticipée de la norme à partir de 2008.
En ce qui concerne le découpage, l’analyse des rapports annuels conduit aux résultats
suivants :
- dans l’un des cas étudié, il s’agit d’un groupe nouvellement formé en 2008 (GDF Suez),
donc il a été impossible de procéder à une comparaison ;
- 17 des 24 entreprises étudiées reprennent le premier niveau d’analyse présenté
conformément à l’IAS 14. Dans certains cas (Areva), il arrive que des secteurs
n’apparaissent plus, car ils sont en cours de cession. Dans d’autres cas (Eiffage, SNCF)
des secteurs changent de nom ;
- quatre des entreprises gardent la même logique de découpage mise en place avec l’IAS 14,
en reprenant les secteurs déjà présentés (du premier ou du deuxième niveau d’analyse) et
procédant à des regroupements (trois cas) ou éclatements de secteurs (un cas) ;
- finalement deux des entreprises présentent également des secteurs issus du reporting IAS
14, mais en combinant des secteurs du premier et du deuxième niveau d’analyse.
Pour constituer les secteurs opérationnels prévus par l’IFRS 8, les entreprises ont
généralement repris les secteurs d’activité présentés selon l’IAS 14.
Nous avons pu constater que les entreprises ont tendance à garder la segmentation utilisée
avant la mise en place de la norme IFRS 8. Elles présentent donc un découpage en secteurs
opérationnels conforme à l’IFRS 8, mais aussi en parallèle un découpage additionnel issu du
reporting externe de l’exercice précédent (selon IAS 14).
En ce qui concerne les indicateurs diffusés, il est plus difficile de réaliser une comparaison en
raison de la complexité des différents tableaux et surtout de juger si la mise en place de la
norme IFRS 8 a conduit les entreprises à diffuser plus d’informations13
. Nous avons pu
néanmoins isoler plusieurs situations :
- dans l’un des cas étudié, il s’agit d’un groupe nouvellement formé en 2008 (GDF Suez),
donc il a été impossible de procéder à une comparaison ;
- pour sept des entreprises étudiées, les indicateurs présentés ainsi que leur ventilation sont
les mêmes qu’avant la mise en place de l’IFRS 8 ;
- cinq des entreprises présentent moins d’indicateurs, mais les indicateurs présentés sont
ventilés de la même façon ;
- cinq entreprises présentent les mêmes indicateurs, mais de façon moins détaillée (les
indicateurs sont moins ventilés) ;
- trois entreprises présentent moins d’indicateurs de façon moins détaillée (les indicateurs
sont moins ventilés) ;
13
Pour évaluer la quantité d’informations diffusées nous nous sommes appuyés sur deux critères : les indicateurs
présentés et leur ventilation.
16
- trois des entreprises présentent les mêmes indicateurs, mais ventilés différemment et de
façon plus détaillée ; c’est la seule situation où nous avons pu constater une augmentation
de la quantité d’information fournie.
Il faut donc signaler que dans 13 des 24 entreprises étudiées, la mise en place de la norme
IFRS 8 est accompagnée par une perte d’information dans les rapports annuels (en nombre
d’indicateurs présentés ou en ventilation).
4.2 Les observations issues des entretiens
Signe des interrogations que peut soulever la norme IFRS 8, elle est perçue de manière très
différente dans les entreprises que nous avons étudiées. Ainsi, l’un des responsables
interrogés affirme que « la norme IFRS 8 est plus contraignante que la norme IAS 14 ». Dans
une autre entreprise on considère que « [l’IFRS 8] reprend l’essentiel de la norme IAS 14 en
demandant moins d’informations ». Finalement, pour un autre de nos interlocuteurs, « l’IFRS
8 plaît car elle donne une vision du management aux investisseurs et a une signification
économique. »
Les résultats des entretiens semblent confirmer les conclusions de notre analyse des rapports
annuels, à savoir un relatif statu quo au niveau des pratiques de reporting externe. Il y a donc
apparemment un découplage lié à l’adoption de la norme IFRS 8 : les entreprises mettent en
place la norme, mais sans modifier en réalité l’information sectorielle qu’elles diffusent.
Découpage inchangé en secteurs opérationnels
Auparavant, les entreprises répondantes utilisaient principalement l’IAS 14, les autres
utilisant le SFAS 131. Aussi, on pouvait s’attendre à ce qu’en pratique, l’impact de la mise en
œuvre de la norme IFRS 8, au niveau des entreprises soit sensible si les informations
sectorielles actuellement publiées (selon l’IAS 14) ne sont pas alignées sur le reporting
interne. L’IFRS 8 pourrait donc nécessiter une redéfinition des secteurs opérationnels et la
modification dans la structure et le contenu des informations fournies, démarches
particulièrement complexes et difficiles. Pourtant, le changement de norme n’a pas
révolutionné leurs pratiques. La plupart des entreprises interrogées affirment que le
découpage en segments opérationnels suggéré par la norme IFRS 8 n’a aucunement remis en
cause leur système de production d’informations. Comme le remarquait l’un des responsables
interrogés, « la norme IFRS 8 est un sujet sans en être un ».
Ce constat peut s’expliquer par le fait que l’IFRS 8 suggère un découpage quasi identique à
celui de l’IAS 14 ou par le fait que la grille d’analyse interne étant beaucoup plus fine que la
synthèse requise par les normes, les informations étaient déjà collationnées.
En ce qui concerne la nature de la segmentation, celle par métiers reste la plus répandue.
Point de vue du principal décideur opérationnel et transparence
A la suite des entretiens il apparaît que pour une majorité d’entreprises les informations
diffusées reflètent le point de vue du principal décideur opérationnel, mais de manière moins
détaillée. Comme le déclarait l’un de nos interlocuteurs, « le PDO ne peut se contenter de ces
informations pour piloter le groupe. Il dispose évidemment d’éléments plus détaillés. » Il y a
17
aussi des situations où « l’information diffusée selon IFRS 8 est totalement pertinente pour le
PDO. C’est sur ces indicateurs que le PDO demande des explications et des détails. »
Ces résultats sont dus à la fois à la nécessité de réduire la quantité d’informations destinées à
la publication et à la résistance à diffuser certaines informations sensibles ou stratégiques que
les entreprises ne veulent pas dévoiler à leurs concurrents. Par exemple, l’un des responsables
interrogés affirmait : « L’information donnée correspond au strict minimum obligatoire.
Même si l’information existe en interne, elle ne sera pas donnée si elle n’est pas expressément
demandée. (il ne faut pas informer les concurrents). » Les éléments communiqués ne rentrent
pas autant dans le détail que ce qui est utilisé en interne et ne reflètent que partiellement ce
qui est utilisé en interne. Ainsi, dans l’une des entreprises étudiées, « tous les indicateurs ne
sont pas repris car il y a trop de détail, et par exemple les frais généraux font l’objet d’un suivi
régulier mais ne sont pas publiés. » Dans une autre entreprise : « Les indicateurs sont les
mêmes. Les points de départ pour le reporting externe et le reporting interne coïncident, il
s’agit des informations par division. La logique générale et les indicateurs sont finalement les
mêmes, mais le niveau de détail est différent ».
Egalement, la plupart des entreprises ne publient que des indicateurs financiers qui
correspondent à des soldes intermédiaires de gestion tels que le chiffre d’affaires, le résultat
opérationnel ou les niveaux de charges. Certaines ont plus une approche en terme de flux de
trésorerie en fournissant des indicateurs d’évolution de Free Cash Flow. Enfin les groupes
utilisent également des indicateurs bilanciels. En revanche, seule une minorité communique
également des éléments non financiers (positionnement concurrentiel, informations relatives
au développement durable…) Les entreprises utilisent plutôt ces indicateurs dans le cadre de
leur communication institutionnelle comme pour les road show auprès des investisseurs. Si
l’information diffusée est globalement la même que celle utilisée en interne, ce qui permet
aux acteurs externes d’avoir le même point de vue que le décideur opérationnel, la
transparence affichée est donc limitée dans la mesure où les entreprises font le choix de ne pas
diffuser un certain nombre d’informations qu’elles utilisent pourtant dans leurs prises de
décisions. On peut cependant se demander dans quelle mesure une information plus détaillée
permettrait d’avoir une image plus juste. L’IFRS 8 a néanmoins permis d’avoir une meilleure
homogénéité de l’information entre les différents documents (communiqués de presse, site
Internet, etc.).
En ce qui concerne la transparence des informations publiées, sur les entreprises interrogées,
seulement une petite proportion affirment que les informations du reporting interne sont les
mêmes que celles diffusées en externe. La plupart des entreprises répondent avoir utilisé les
mêmes données lors du reporting sectoriel que lors du reporting interne. Parmi ces sociétés,
la majorité précise que l’information disponible en interne est plus détaillée. Par exemple,
dans l’une des entreprises étudiées, « le PDO utilise un reporting plus fin qui fournit les
informations pays par pays et non pas par zones géographiques. Il ne s’intéresse qu’aux
données ajustées afin de pouvoir comparer plus facilement. » Ou dans une autre entreprise :
« Au-delà du reporting sectoriel, le PDO regarde les focus (points d’approfondissement) sur
des activités qui sont faits par le management. Ces focus sont des points stratégiques/
indicateurs physiques ou financiers sur des activités particulières ». L’un des responsables
interrogés déclarait même que « le PDO utilise beaucoup plus d’informations internes que
celles publiées pour l’IFRS ».
18
Collaboration entre les services comptables et le contrôle de gestion
On aurait pu s’attendre à une diminution des responsabilités du contrôleur de gestion au profit
d’un élargissement des missions et responsabilités du comptable. Mais ce cas de figure n’est
apparu qu’une seule fois sur l’ensemble de notre panel. Seule une minorité des départements
comptables des entreprises a vu ses responsabilités s’élargir avec la mise en place de l’IFRS 8
(intervention dans la fixation des règles de gestion, finalisation du reporting etc.),
l’application de la norme IFRS 8 a rapproché les deux services et les a tous deux « valorisés ».
En effet, avec l’application de la norme IFRS 8, les entreprises voient la responsabilité des
comptables et des contrôleurs de gestion accrue. Comme l’affirmait l’un de nos interlocuteurs :
« On vu les missions et responsabilités de la fonction comptable s’accroître mais pas au
détriment du Contrôle de Gestion. On s’est enrichis. »
La mise en place des normes IFRS et plus précisément de l’IFRS 8, a eu un réel impact sur le
travail des contrôleurs de gestion, en mettant ceux-ci au cœur de la production de
l’information. Le contrôle de gestion se voit confier des missions d’analyse des chiffres, la
production de chiffre prend alors plus de sens. La production d’un reporting fréquent permet
d’avoir un poids au niveau des instances décisionnelles de l’entreprise. L’enquête fait ressortir
clairement que les dirigeants d’entreprises pensent que la norme IFRS 8 n’a pas modifié le
système de contrôle de gestion. Mais elle montre aussi que moins de la moitié d’entre eux
considèrent que la norme a un effet positif sur le système de contrôle de gestion.
Quant à la comptabilité financière, elle est largement alimentée et valorisée par les
informations issues du contrôle de gestion. La comptabilité gagne en valeur ajoutée, la
production d’un reporting fréquent permet d’avoir une influence accrue auprès des décideurs.
Selon l’un des responsables interrogés, « la comptabilité est devenue le rocher auquel tout le
monde s’accroche ».
Les entreprises soulèvent l’aspect complexe de l’application des normes IFRS qui implique
une collaboration plus forte entre le contrôleur de gestion et les comptables. Un tiers des
entreprises interrogées témoignent d’une absence de rapport de force et d’un travail d’équipe
plus affirmé entre comptabilité et contrôle de gestion. Si dans les entreprises où les deux
fonctions avaient déjà été en collaboration constante, l’application de la norme n’a laissée
aucune trace, pour les autres entreprises, au contraire, la mise en place des normes IFRS
présente une forte incidence sur les relations entre la fonction comptable et la fonction de
contrôle de gestion. En effet, si pour un grand nombre de directeurs comptables, la norme
IFRS 8 n’a pas changé les méthodes de travail, elle a changé les relations de la comptabilité -
et en particulier du département « consolidation » - avec le contrôle de gestion. Par exemple,
dans l’une des entreprises étudiées, « l’influence de la consolidation s’étend maintenant au
contrôle de gestion. Les contrôleurs de gestion ne se contentent plus d’envoyer des chiffres ;
ils les commentent ce qui permet à la consolidation de les analyser. Les deux services
travaillent de plus en plus ensemble pour un certain nombre de travaux. » En résumé, pour
citer l’un des responsables interrogés : « La comptabilité qui a eu l’obligation de présenter
une information sectorielle a dû s’ouvrir sur le contrôle de gestion. Cette obligation de
collaboration a conduit les contrôleurs de gestion à s’ouvrir sur la comptabilité également.
Mais je pense que ça a particulièrement enrichi la fonction comptable, encore plus que la
fonction de contrôle de gestion. Car les comptables ont eu plus de responsabilités et se sont
ouverts sur le contrôle de gestion pour produire l’information financière ».
19
Pour plus de la moitié des entreprises les IFRS ont eu une incidence sur les relations de travail
puisque les deux départements collaborent beaucoup plus. La majorité des répondants ont
observé une amélioration de la communication et de la collaboration entre les services de
comptabilité (et notamment de consolidation), et du contrôle de gestion. Par exemple, avec les
IFRS l’une des entreprises étudiées « a vu une plus forte cohésion entre comptabilité et
contrôle de gestion (par exemple, pour un projet d’investissement, le contrôle de gestion
étudie si c’est rentable et la comptabilité va permettre d’anticiper les conséquences
comptables de chaque choix) ».
Parmi les avantages perçus de l’application de la norme IFRS 8 on retrouve notamment :
- une simplification du passage du reporting interne vers le reporting externe ;
- un avantage pour repérer les pratiques chez les concurrents ;
- une information plus homogène et plus de rigueur dans l’entreprise.
5 Premières discussions des observations
Notre étude fait apparaître deux séries de résultats préliminaires. La première tient aux
dynamiques de pouvoir qui parcourent les entreprises et la seconde permet d’ébaucher un
modèle à trois niveaux pour comprendre le découplage mis en place par les entreprises
étudiées.
5.1 Facteurs de découplage et dynamiques de pouvoir
Dans son article fondateur, Oliver (1991) avance plusieurs hypothèses qui mettent en relation
la résistance aux pressions institutionnelles avec la nature et les caractéristiques de ces
pressions. Notre étude de terrain semble confirmer l’une de ces hypothèses, liée à ce
qu’Oliver appelle le contenu des pressions institutionnelles : « plus sera réduite la cohérence
entre les normes ou les obligations institutionnelles et les buts organisationnels, plus sera
grande la probabilité d’une résistance organisationnelle aux pressions institutionnelles »
(Oliver 1991, p. 164).
En règle générale, les dynamiques de pouvoir, ainsi que les réseaux et coalitions existants, en
interne mais aussi en externe (Westphal et Zajac 2001 ; Fiss et Zajac 2004 ; Stevens et al.
2005), semblent jouer un rôle important dans l’ensemble des entreprises étudiés :
- dans le processus de mise en place de la norme IFRS 8 ;
- dans le choix du découpage et des informations à diffuser.
La norme semble confirmer elle-même ce rôle, car elle demande explicitement que le
reporting externe reprenne le point de vue du principal décideur opérationnel, en
reconnaissant donc sa prédominance.
L’intensité des pressions coercitives est un autre facteur d’influence favorisant le découplage
cité par Kostova et Roth (2002). Dans notre étude de terrain, nous avons mis en évidence un
découplage dans un contexte de pression coercitive particulièrement forte (il s’agit d’une
norme comptable obligatoire).
20
Finalement, un grand nombre des entreprises étudiées mettent en place relativement tard
l’IFRS 8 (à partir de l’exercice 2009, même si une application anticipée était possible) : il
s’agit donc d’une adoption tardive. Cela semble confirmer l’une des conclusions des
recherches sur le découplage : celui-ci apparaît plus fréquemment parmi les entreprises qui
adoptent tard la pratique respective (late adopters) (Westphal et Zajac 1994, 1997).
5.2 Des logiques institutionnelles de différents niveaux en conflit
Les résultats des entretiens réalisés nous permettent de construire un modèle afin de
comprendre le découplage existant. Nous avons ainsi pu constater que les explications du
découplage sont assez subtiles et vont au-delà d’une simple volonté de mettre en place une
façade pour se légitimer. L’isomorphisme coercitif imposé par la mise en place de la norme
IFRS 8 n’est pas (ou partiellement) appliqué parce qu’il entre en conflit avec d’autres
logiques institutionnelles auxquelles les organisations concernées sont confrontées. Ces
logiques institutionnelles se manifestent à trois niveaux différents :
- le niveau sociétal ;
- le niveau sectoriel ;
- le niveau organisationnel.
5.2.1 Le niveau sociétal
Il s’agit ici notamment des pressions exercées par les analystes financiers. En effet, ceux-ci
jouent un rôle déterminant dans les choix relatifs à l’introduction de la norme. Dans l’une des
entreprises étudiées, notre interlocuteur déclarait que « Pour les analystes, six divisions c’est
trop, donc trois domaines sélectionnés. C’est bien pour la communication externe, mais cela
ne reflète pas vraiment la maille de reporting. »
5.2.2 Le niveau sectoriel
Une organisation uniforme du secteur
Ainsi le découplage peut s’expliquer par la compétition avec les institutions déjà en place. Par
exemple, dans l’industrie pétrolière il y a un champ institutionnel préexistant puissant qui fait
que la totalité du secteur est organisée de la même façon. Selon un responsable interrogé :
« On peut observer une convergence naturelle des informations publiées par des entreprises
comparables d’un même secteur, ici les pure players du pétrole, notamment du fait de
mécanismes de mimétisme, et de la pression des analystes ». Il y a donc une forte
harmonisation de facto du reporting externe, antérieure à la mise en place de l’IFRS 8 et
renforcée sans doute par le fait que les grands groupes pétroliers sont tous cotés à la bourse de
New York, donc ils appliquent la norme américaine SFAS 131. Cette situation explique sans
doute le faible impact de la norme IFRS 8. Il vaudrait mieux dans ces conditions analyser le
découplage qui est intervenu avant, lors de l’organisation du secteur (vague de fusions à la fin
des années 1990).
Les particularités techniques de l’activité
21
Pour certaines entreprises, le découpage en segments est imposé par les particularités
techniques de l’activité. C’est le cas par exemple du transport aérien, secteur où toutes les
entreprises sont organisées de la même façon. Pour l’un des responsables interrogés :
« L’activité se déroule assez naturellement et depuis très longtemps de la même manière et ce
pour toutes les entreprises du secteur. Cette structure a donc été conservée. » D’autres
exemples concernent le BTP : « L’entreprise étant déjà organisée par secteur à cause de son
métier (qui exige la proximité), la norme IFRS 8 n’a aucun impact sur l’organisation […].
Aucun projet n’a été entrepris. » ; mais aussi l’industrie chimique : « l’information sectorielle
ne peut pas être diffusée autrement pour des raisons intrinsèques à l’activité ». Dans ces
conditions, il est évident que la mise en place de la norme IFRS 8 n’a pas entraîné de
modifications.
Mimétisme
L’isomorphisme institutionnel peut avoir aussi d’autres déterminants, liés notamment à
certains choix (souvent stratégiques) effectués. Ainsi, l’une des entreprises étudiées a adopté
un comportement mimétique, que notre interlocuteur assumait ouvertement : « Le groupe
dispose d’informations sur son concurrent européen [ABCD], entreprise allemande, qui
applique également l’IFRS 8. La structure de l’entité de [ABCD] est similaire à celle de [notre
groupe]. C’est pourquoi ils se sont fortement inspirés de ce qu’a fait [ABCD]. » Dans une
entreprise du secteur des assurances, « le découpage s’est fait par référence à la place de
marché. [Le groupe] y a adhéré. Le découpage de l’assurance est passé de vie / non vie à
assurance de la personne / assurance de dommages aux biens et responsabilités au 1er janvier
2006. Ce découpage est conservé pour le passage de l’IAS 14 à l’IFRS 8. ».
5.2.3 Le niveau organisationnel
Contraintes antérieures à la mise en place de la norme
D’autres entreprises ont anticipé les changements apportés par la norme IFRS 8. C’est le cas
notamment des groupes qui ont été récemment impliqués dans des fusions, généralement
suivies d’une réorganisation des segments opérationnels. Par conséquent, la mise en place
proprement dite de l’IFRS 8 a entraîné peu de modifications. Ainsi, un responsable de l’un de
ces groupes nous a clairement déclaré que le découpage « a été décidé par le management
suite à la fusion ». Dans un autre groupe, récemment formé à travers des fusions, notre
interlocuteur affirmait : « D’emblée, le groupe a adopté une segmentation du reporting de ses
activités qui sera celle appliquée avec l’IFRS 8. L’IFRS 8 sera appliquée pour la première fois
en 2009. Le lancement d’un projet a été opéré mais pas de révolution anticipée car la demande
de l’IFRS est très proche de l’existant. Pas de modification du découpage sectoriel par rapport
à la situation antérieure. Le découpage actuel est plus conforme à l’IFRS 8 qu’il n’était à
l’IAS 14. ». Une autre entreprise est impliquée dans une opération de LBO qui influence
significativement son reporting interne et externe. Ici, l’utilisation des informations par le
PDO, ainsi que les indicateurs diffusés en externe suivent la logique du LBO. La mise en
place de la norme IFRS 8 a dû naturellement suivre ces mêmes contraintes.
Tensions liées à la diffusion d’informations
Parfois le découplage s’explique par des tensions non résolues, notamment entre le désir de
rendre compte et le désir d’être clair, ou entre le désir de protéger l’information et le besoin de
se conformer aux textes. Dans les deux situations, des arbitrages difficiles seront nécessaires.
22
Premièrement, en effet, rendre compte avec précision de l’activité de l’entreprise aux
différentes parties prenantes nécessite une profusion d’informations détaillées, ce qui nuit
souvent à la lisibilité et à la clarté de celles-ci. Pour citer l’un des entretiens réalisés :
« L’information prise en compte dans le reporting lié à l’IFRS 8 est très macroscopique. On a
le sentiment que les managers parlent d’autres choses. Et là l’information n’est pas vraiment
présentée de la même manière. ». Dans une autre entreprise, « le reporting mensuel d’une
division est un powerpoint de 100 pages », donc on a dû forcément sélectionner les
informations diffusées dans le rapport annuel.
Deuxièmement, la nécessité de protéger des informations confidentielles peut venir à
l’encontre des obligations légales de l’entreprise. A ce propos, l’un des responsables
interrogés affirmait : « Les décideurs ont accès à plein d’autres information. Mais on ne peut
pas aller jusqu’à donner le contenu des présentations PowerPoint. Le problème est de
reprendre la segmentation qu’ils prennent en compte pour le groupe. » Un autre responsable
déclarait que : « Dans le reporting interne, il y a plus d’indicateurs que ce qui est diffusé et
que ce qui sera diffusé avec IFRS 8. Des informations sensibles, en particulier sur les
problématiques du personnel ne sont et ne seront pas diffusées bien qu’elles soient dans les
reportings sectoriels internes. » Finalement, pour citer un autre entretien : « il est vrai que la
norme IFRS 8 est plus contraignante que la norme IAS 14, mais les entreprises s’arrangent
pour ne pas donner des informations trop transparentes aux concurrents. »
Jeux politiques internes
Dans certains autres cas, le découplage est déterminé par d’importants obstacles internes (en
particulier des enjeux politiques) aux changements liés à l’introduction de la norme IFRS 8.
Ainsi, nous avons pu constaté l’existence de découpages internes particuliers (précédant
l’IFRS 8), mis en place pour des raisons politiques et qui peuvent paraître donc illogiques aux
lecteurs externes des rapports annuels. En se référant aux différents découpages utilisés, un
responsable nous a déclaré : « Les périmètres pris en compte ne sont pas les mêmes car en
fonction des jeux politiques, des ego des uns et des autres, des habitudes de présentation des
business, les choses changent ». Le même responsable commentait de la façon suivante
l’information sectorielle selon l’IFRS 8 : « Cette communication est choisie pour pouvoir être
lisible par l’extérieur. Les frontières des périmètres internes ne sont lisibles que par des
initiés. ». L’information diffusée aux utilisateurs externes est donc en substance différente par
rapport à l’information utilisée en interne quant à son organisation et à son contenu, même s’il
doit y avoir une similarité apparente.
Divergence des points de vue sur l’information sectorielle
Une autre explication possible pour le découplage réside dans les conflits possibles entre
plusieurs visions différentes sur l’information sectorielle : vision du manager, vision du
comptable et vision du commissaire aux comptes. Ainsi, l’un de nos interlocuteurs
s’interrogeait sur les informations diffusées14
: « La question est donc de savoir ce que le
comex regarde vraiment comme information. Il y a beaucoup de présentation et d’analyse ad
hoc qui s’affranchissent par conséquent d’un découpage formel et récurrent de l’activité en
segments. En outre, les dossiers sont préparés avant et ailleurs, seules les conclusions sont
discutées en comex. On a donc le sentiment que le comex n’est pas forcément le lieu où se
14
Dans ce cas le PDO est le comex (comité exécutif).
23
discutent le mieux les données qui sont attendues par le norme IFRS 8, c’est-à-dire une
discussion stratégique sur la segmentation stratégique. ». Un autre responsable interrogé
affirmait : « C’est le PDG qui a défini les indicateurs présents dans le reporting sectoriel. La
diffusion de ses informations reflètent donc la vision du PDG. » Dans une autre entreprise, les
décisions relatives à la mise en place de la norme IFRS 8 sont issues « d’un processus de
concertation notamment avec les commissaires aux comptes ».
Environnement technologique
L’environnement technologique changeant est un autre facteur qui explique le découplage. Il
s’agit ici des entreprises dont l’offre est en train de changer en permanence et qui doivent par
conséquent adapter continuellement leurs systèmes d’information interne et de prise de
décision : « activité à géométrie variable », comme la décrivait l’un de nos interlocuteurs. Le
reporting externe, quant à lui, doit rester clair, intelligible par les différents utilisateurs et
assurer une certaine comparabilité dans le temps. Le découplage sera donc indispensable. Les
propos de l’un des responsables interrogés sont très clairs : « Chez [nous], on a changé
d’organisation tous les deux ans. De plus, les frontières entre les métiers sont très floues et
très perméables. On est dans un monde qui bouge en permanence. […] Les métiers sont trop
imbriqués pour un découpage clair. Pour l’instant, je m’en tire car notre découpage change
tous les deux ans. Mais ce n’est pas satisfaisant. […] Tout cela n’a pas assez de stabilité pour
la communication financière ».
6 Conclusion
L’obligation légale qu’ont les entreprises (cotées) de l’Union Européenne de respecter les
normes IFRS peut être analysée comme une source de pression institutionnelle de type
coercitif (cf. Carpenter et Feroz 2001 ; Rodrigues et Craig 2007). Confrontées à cette pression,
les entreprises utilisent une stratégie d’évitement à travers des tactiques de dissimulation
(Oliver 1991). Plus concrètement, elles mettent en place des changements de façade, pour
faire apparaître l’adoption de la norme. Ce type de pratiques a déjà été observé dans un
contexte plus général, dans l’application des normes IFRS (Rodrigues et Craig 2007). Le
résultat est un découplage entre la réalité des pratiques et l’apparence que l’entreprise veut
donner.
Les entretiens effectués confirment cette idée, notamment sous deux aspects :
- les informations diffusées selon la norme IFRS 8 reflètent seulement partiellement le point
de vue du principal décideur opérationnel ;
- l’application de la norme a eu un impact très faible sur le reporting externe des entreprises
étudiées ; par ailleurs, les coûts estimés du processus sont considérés comme négligeables.
Après l’analyse des rapports annuels et le dépouillement des entretiens, il apparaît en effet que
la plupart des entreprises étudiées se sont contentées (avec l’aval des auditeurs) de reprendre
les informations qu’elles diffusaient selon l’IAS 14 et de les restructurer légèrement pour les
rendre conformes à l’IFRS 8. Par ailleurs, dans la plupart des rapports annuels, la présentation
des informations est la même avant et après la mise en place de la norme IFRS 8 (il est même
24
arrivé que les informations présentées selon l’IFRS 8 soient moins détaillées que les
informations présentées selon l’IAS 1415
).
Notre étude de terrain semble confirmer l’influence de plusieurs des facteurs cités dans les
recherches néo-institutionnelles et plus particulièrement dans la littérature sur le découplage.
Ainsi, une cohérence réduite entre les obligations institutionnelles (ici l’application de l’IFRS
8) et les buts organisationnels favorise la résistance organisationnelle aux pressions
institutionnelles (résistance qui se manifeste dans notre cas par une stratégie d’évitement
conduisant à un découplage). Par ailleurs, le découplage semble être influencé par les
dynamiques de pouvoir, l’intensité des pressions exercées et le calendrier d’adoption de la
norme.
Dans ce papier, nous avons tenté de dépasser la vision simpliste qu’on peut avoir du
découplage institutionnel (mise en place d’une apparence légitime sans rien modifier aux
pratiques réelles). Le découplage n’est peut-être pas un refus, mais le résultat de compromis et
de négociations qui visent à garder la cohérence entre les différentes logiques institutionnelles
auxquelles les organisations sont soumises. La réalité des entreprises étudiées semble assez
complexe et nous a permis d’identifier trois niveaux distincts où ces logiques se manifestent :
- niveau sociétal ;
- niveau sectoriel ;
- niveau organisationnel.
15
Par exemple chez Accor le bilan par secteur géographique disparaît (mais toutes les autres informations sont
maintenues).
25
Annexe 1 : liste des entreprises
Entreprise
1 Accor
2 ADL Partner
3 Air France
4 Air Liquide
5 Areva
6 Assystem
7 AXA
8 Bolloré
9 Cap Gemini
10 CDC
11 Colas
12 Danone
13 Eiffage
14 France Telecom
15 GDF Suez
16 Groupama
17 Havas
18 L’Oréal
19 La Poste
20 Lesaffre
21 Materispaints
22 Parcours SAS
23 Procter & Gamble
24 Razel
25 Rexel
26 SNCF
27 SPIE
28 Sylis
29 Thales
30 Total
31 Vinci
26
Annexe 2 : guide d’entretien
1. Pouvez-vous décrire, en quelques mots, votre parcours dans l’entreprise et votre
situation professionnelle actuelle ?
2. Pouvez-vous présenter l’environnement concurrentiel de votre entreprise ? (secteur
d’activité, principaux concurrents, situation concurrentielle)
L’essentiel de la norme IFRS 8
Le principal décideur opérationnel (PDO):
3. Les informations diffusées selon la norme IFRS 8 sont censées refléter le point de vue
du principal décideur opérationnel (chief operating decision maker). Concrètement,
qui est ce décideur ?
Les segments :
4. Quels sont les segments opérationnels que vous utilisez ? Combien de segments sont
mis en place ? Avez-vous une liste de ces segments ?
Les indicateurs :
5. Quels sont les indicateurs clé que vous diffusez selon l’IFRS 8 ? Est-ce qu’il y a des
indicateurs non financiers et si oui, quelle proportion occupent-ils ?
La mise en place du projet
6. Où en êtes-vous avec la mise en place de l’IFRS 8 ?
7. Est-ce que vos aviez adopté la norme américaine SFAS 131 ?
8. Est-ce que vous disposez d’informations sur la manière dont vos concurrents préparent
l’application de la norme IFRS 8 ?
9. Comment le projet de mise en place de la norme IFRS 8 est-il mené ?
10. Comment estimez-vous le coût additionnel de la mise en place de la norme IFRS 8 ?
(Nul, faible, élevé, ne sait pas)
11. Quel est l’impact sur les délais de production des informations comptables et des
informations destinées au contrôle de gestion ?
12. Comment s’est fait le découpage en segments opérationnels en vue de l’adoption de
l’IFRS 8 ?
Le point de vue du décideur opérationnel
13. Dans quelle mesure, le PDO utilise le reporting sectoriel comme base d’information
pour ses décisions ? Quelles sont les informations pertinentes qu’utilise le PDO dans
ses réunions de gestion au-delà du reporting sectoriel ?
14. Est-ce que la diffusion des informations selon l’IFRS 8 reflète complètement ou
partiellement le point de vue du principal décideur ? Dans quelle mesure,
l’information externe issue de ce reporting est pertinente pour le PDO ?
15. Est-ce que les indicateurs diffusés sont les mêmes que ceux utilisés dans le reporting
interne ou avez-vous dû faire le choix de non diffusion d’informations internes ? Si
oui, donner un exemple. Est-ce que les décideurs ont accès à d’autres informations ?
Si oui, lesquelles ? Pouvez-vous donner des exemples ?
27
Relations comptabilité / contrôle
16. Est-ce que l’IAS 14 avait changé vos pratiques de contrôle de gestion ?
17. Est-ce que l’adoption de la norme IFRS 8 a entraîné des modifications dans le système
d’information ? Si oui, lesquelles ? Pouvez-vous donner un exemple ?
18. Est-ce que la mise en place de l’IFRS 8 a modifié le système de comptabilité
(financière) et / ou le système de contrôle de gestion ? Si oui, comment ? Ces deux
systèmes apparaissent-ils comme plutôt comme réunis ou distincts ?
19. Est-ce que la mise en place de cette norme a eu des effets positifs ou négatifs sur le
système de contrôle de gestion ?
20. Est-ce que la mise en place des normes IFRS (en particulier l’IFRS 8) a une incidence
sur les relations de travail entre la fonction comptable et les contrôleurs de gestion ?
21. Avez-vous vu changer votre influence (en tant que responsable de la comptabilité) sur
le pilotage de la performance ? Est-ce que vos missions et responsabilités ont été
élargies ou diminuées au profit des contrôleurs de gestion ?
22. Est-ce que vous faites des réconciliations :
- entre les informations diffusées selon l’IFRS 8 et les informations du contrôle de
gestion ? (si les règles du contrôle de gestion ne sont pas conformes aux IFRS)
- entre les informations diffusées selon l’IFRS 8 et les différents systèmes de
reporting interne ?
23. Sur quelle base les bonus des salariés opérationnels sont-ils calculés ? (Informations
provenant de la norme IFRS 8 ? Informations internes ?)
Autre(s) points à préciser.
28
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